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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, May 1, 2018 - Vol. 44 N° 252

Ministère de la Justice


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Table des matières

Justice

Remarques préliminaires

Mme Stéphanie Vallée

Mme Véronique Hivon

M. Simon Jolin-Barrette

Discussion générale

Document déposé

Document déposé

Adoption des crédits

Documents déposés

Autres intervenants

M. Pierre Michel Auger, président

M. Marc Tanguay

M. Mathieu Lemay

M. Jean-Denis Girard 

M. Guy Hardy

M. Jean Boucher

M. Marc Carrière

M. Pierre Reid

Mme Lise Lavallée 

*          Mme Annick Murphy, Directrice des poursuites criminelles et pénales

*          M. Philippe-André Tessier, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

*          M. Yvan Niquette, Commission des services juridiques

*          Mme Natalie Lejeune, Tribunal administratif du Québec

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Justice

La commission est réunie afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2018-2019. Une enveloppe de sept heures a été allouée pour l'étude de ces crédits.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Boucher (Ungava) est remplacé par M. Hardy (Saint-François); M. Huot (Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Tanguay (LaFontaine); M. Merlini (La Prairie) est remplacé par Mme Vallières (Richmond); Mme Nichols (Vaudreuil) est remplacée par M. Carrière (Chapleau); M. Rousselle (Vimont) est remplacé par M. Girard (Trois-Rivières); et Mme Roy (Montarville) est remplacée par M. Lemay (Masson).

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous allons procéder à une discussion d'ordre général par blocs d'environ 20 minutes, incluant les questions et les réponses. La mise aux voix de ces crédits sera effectuée à la fin du temps qui leur est alloué, ce soir, à 21 h 30.

Remarques préliminaires

Nous allons donc débuter les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de 17 minutes.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, chers collègues, je vous avoue que c'est avec un brin d'émotion, là, que j'amorce mes derniers crédits. Alors, je souhaite prendre quelques instants d'abord pour vous présenter les gens qui m'accompagnent, donc, à ma gauche, ma directrice de cabinet, Me Nathalie Roberge. Je suis entourée aussi des conseillers politiques de mon cabinet, Me Viviana Iturriage Espinoza, Me Tamara Davis, Me Alexandre Bélanger, et mon attachée de presse, Isabelle Marier St-Onge. À ma droite, je vous présente la sous-ministre de la Justice, Me France Lynch, et derrière moi est toute l'équipe des sous-ministres associés, des directeurs généraux associés qui représentent les différentes unités administratives du ministère de la Justice, puis aussi des dirigeants des organismes qui sont sous la responsabilité du ministère de la Justice. Et je tiens à prendre quelques instants pour leur adresser mes sincères remerciements pour la production de tout le matériel qui est lié aux crédits et surtout pour leur participation à l'exercice. Je sais à quel point c'est une période de l'année qui est très exigeante pour les équipes et je les remercie à l'avance du travail qu'ils ont effectué.

Donc, tel qu'il a été annoncé le 27 mars dernier par mon collègue le président du Conseil du trésor, les crédits pour le portefeuille Justice, pour l'année 2018-2019, s'établissent à 1 000 036 000 $, et c'est une augmentation de 91,6 millions, soit de 9,7 % par rapport aux crédits comparatifs de l'exercice pour 2017-2018.

Vous savez, la mission du ministère, c'est d'assurer la primauté du droit au sein de la société québécoise et de maintenir au Québec un système de justice qui soit à la fois digne de confiance et intègre afin de favoriser le respect des droits individuels et collectifs. Naturellement, cette mission se retrouve au sein des sept programmes que comporte le budget, le premier étant l'activité judiciaire. Il permet aux tribunaux et aux diverses juridictions d'exercer au service des citoyens le pouvoir judiciaire et les fonctions qui y sont rattachées, de rendre le jugement et de favoriser le règlement des litiges au moyen de conciliation judiciaire. Alors, les crédits qui y sont alloués sont de 131,9 millions en 2018-2019, une hausse de 4,4 millions par rapport aux crédits comparatifs de l'an dernier.

Le programme 2, Administration de la justice, assure le soutien administratif nécessaire au fonctionnement des cours de justice et à la publicité des droits. Il fournit un soutien d'ordre juridique, législatif et réglementaire à toutes les activités gouvernementales. C'est un montant de 373,8 millions qui est prévu en 2018-2019 pour ce programme, en hausse de 46,4 millions par rapport aux crédits de l'année dernière.

Le programme 3, Justice administrative, assure la part du ministère de la Justice au financement notamment du Tribunal administratif du Québec, du Conseil de la justice administrative, des organismes qui sont souvent pour les justiciables la première porte d'entrée du système de justice. Et les crédits qui y sont affectés sont de 15 millions de dollars en 2018-2019, en hausse de 715 000 $.

Le programme 4, Accessibilité à la justice, offre des services d'aide juridique aux personnes financièrement défavorisées ou aux enfants et aux familles aux prises avec certains problèmes sociaux en lien avec la justice. On prévoit pour ce programme des crédits de 180 millions de dollars en 2018-2019, soit une hausse de 2,8 millions de dollars.

Le programme 5, Autre organisme relevant du ministre, inclut les crédits de la commission des droits de la personne et de la jeunesse. Ce sont 16,3 millions de dollars qui sont prévus en 2018-2019, une augmentation de 957 200 $ par rapport aux crédits comparatifs 2017-2018.

Le programme 6, Poursuites criminelles et pénales, assure le financement des activités du DPCP et du Comité de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Des crédits de 168,4 millions sont prévus en 2018-2019, soit une hausse de 22,5 millions par rapport à l'an dernier.

Et enfin le programme 7, Indemnisation et reconnaissance, assure une compensation financière aux victimes d'actes criminels ainsi qu'aux personnes qui ont été blessées en accomplissant un acte de civisme. Les crédits de ce programme sont de 150,8 millions de dollars en 2018-2019. C'est une augmentation de 13,9 millions de dollars par rapport aux crédits de l'an dernier.

L'essentiel des investissements supplémentaires prévus cette année va servir à réaliser notre grand projet de transformation et de modernisation de la justice. Alors, tel que nous l'avons présenté la semaine dernière, nous allons rendre la justice plus innovante, plus efficiente, au bénéfice de tous les Québécois. C'est une stratégie sans précédent qui prévoit des investissements historiques de 500 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. Et il s'articule autour de trois axes : instaurer les pratiques innovantes, mettre la justice à l'heure des nouvelles technologies et communiquer efficacement l'information entre les principaux intervenants du système de justice.

C'est un investissement qui s'additionne à celui qui a été annoncé en décembre 2016, de 175,2 millions de dollars sur quatre ans, qui a permis, entre autres, d'ajouter 16 nouveaux juges à la Cour du Québec, cinq juges à la Cour supérieure, deux juges à la Cour d'appel et surtout 573 ressources de soutien à la Justice et à la Sécurité publique. Jamais, M. le Président, jamais le système de justice québécois n'a reçu autant d'attention et d'investissements du gouvernement en un seul mandat. Nous ressentons déjà aujourd'hui les impacts de l'investissement de décembre 2016, mais ces investissements sans précédent de la dernière année et demie viennent de marquer un tournant, et la justice est élevée au rang des priorités du gouvernement, là où elle se doit d'être.

Alors que le présent mandat s'achève, il m'apparaît aussi important de revenir sur le travail qui a été accompli au cours des quatre dernières années, parce que, je le sais, les oppositions diront : Vous n'avez pas fait ci, vous n'avez pas fait ça. C'est leur travail. Mais moi, permettez-moi de vous rappeler ce que nous avons fait. Alors, vous savez, la justice, c'est un monde qui est empreint de traditions, de règles. C'est un univers qui est en train de se transformer. Le statu quo n'était plus une option, et nous avons mis en place plusieurs initiatives pour contribuer à rendre la justice plus innovante, plus efficiente et, par conséquent, plus accessible, et ça, M. le Président, j'en suis fière.

Donc, suivant l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile en janvier 2016, il y a eu des efforts qui ont été consentis et déployés pour favoriser la culture de l'entente. Le recours aux modes de prévention et de règlement des différends, les PRD, tels que la médiation, la négociation et l'arbitrage favorisent évidemment un règlement plus rapide et moins coûteux qu'un procès traditionnel. Et, parmi les nouveautés qui ont été mises de l'avant, des mesures ont été ajoutées pour optimiser les activités judiciaires en permettant le recours accru aux technologies de l'information dans le cadre du processus.

Je vous donne un exemple. La visioconférence pour les interrogatoires, c'est une technologie qui est maintenant accessible, que ce soit pour les comparutions urgentes, pour l'audition de témoins, de victimes. C'est une alternative qui contribue à réduire les délais et à rendre le système de justice plus accessible ainsi qu'à diminuer les enjeux de sécurité qui sont liés aux déplacements des détenus.

Plusieurs mesures d'accès à la justice ont été mises en place au bénéfice direct des citoyens, notamment différents ajustements ont été apportés au fonctionnement de la division des Petites créances pour en élargir la portée et augmenter le seuil. Le ministère a créé la Trousse des petites créances électronique qui permet que le dépôt d'une demande et le paiement des frais qui y sont rattachés puissent se faire via un service transactionnel sur le site Web. Depuis la mise en ligne du formulaire, 18 402 dossiers des Petites créances ont été ouverts, et 11 869 dossiers ont été payés sur le Web. Ça représente respectivement 67,4 % et 43,5 % des demandes aux Petites créances. Grâce à ce service en ligne, évidemment les citoyens n'ont plus à se déplacer au palais de justice et ils peuvent lancer un processus où et quand ils le veulent.

Tel que nous nous sommes engagés à le réaliser, nous souhaitons offrir à la population un centre de justice de proximité pour chacune des 12 régions administratives du Québec d'ici 2020. Alors, ce sont des centres qui offrent des services gratuits d'information juridique, de soutien et d'orientation. Après avoir créé les centres dans la région de Québec, de Montréal, du Bas-Saint-Laurent, nous avons inauguré, depuis 2014, quatre autres centres de justice de proximité en Outaouais, dans la Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, en Montérégie, et trois centres sont en cours d'implantation et ouvriront sous peu leurs portes dans les régions de la Côte-Nord, M. le Président, chez vous, en Mauricie, et au Nunavik, ce qui va porter le nombre de centres de justice de proximité à 10 en 2018. C'est donc une augmentation; on est en avance sur les prévisions lancées.

• (10 h 10) •

Et, nouvel horizon, évidemment, les initiatives qui sont mises en place par les organismes locaux pour améliorer la connaissance et la compréhension du droit ou du système de justice québécois, son utilisation pour tous les Québécois et les Québécoises, et par le biais du Fonds Accès Justice, ce sont 1,9 million de dollars qui ont été alloués depuis 2014 pour appuyer 69 projets.

Pour ce qui est des infrastructures, M. le Président, les Québécois peuvent compter sur un réseau de plus d'une centaine de points de service. On a 42 palais de justice sur le territoire. Le ministère travaille de façon continue à améliorer les installations immobilières. On conduit des projets de modernisation pour répondre aux besoins de la population, tout en tenant compte des réalités budgétaires. Actuellement, nous avons 10 projets qui sont inscrits au Plan québécois des infrastructures 2017-2027 pour des investissements de plus de 550 millions de dollars, des projets qui visent les palais de justice de Gatineau, Longueuil, Montréal, Rimouski, La Tuque, Roberval, Saint-Hyacinthe, Saint-Jérôme, Québec et Rouyn-Noranda. Et nous prenons aussi des mesures concrètes pour optimiser le taux d'utilisation des salles d'audience, accélérer le traitement des dossiers judiciarisés. Donc, au cours de la dernière année, nous avons ajouté neuf salles d'audience : une au palais de justice de Gatineau, deux au palais de justice de Montréal, une au palais de justice de Laval, et deux temporaires au palais de justice de Saint-Jérôme, et trois salles temporaires à Longueuil. Donc, nous sommes continuellement en action.

Un autre dossier majeur, M. le Président, et dont je me dois d'aborder, c'est le soutien aux victimes d'actes criminels et à leurs proches. En juin 2017, j'ai présenté un plan d'action pour améliorer le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, l'IVAC, qui est accompagné d'un investissement de 54 millions de dollars. Donc, des mesures qui sont inscrites au plan d'action ont pour objectif de faciliter l'accès aux indemnités et aux services qui sont offerts, d'élargir la portée de la notion de victime dans les cas d'assassinat d'enfant par un des parents, et de simplifier, surtout, les communications avec les victimes. C'est important d'alléger et de faciliter le traitement des demandes dans les moments de crise. Alors, le plan d'action prévoit la mise en place de plusieurs mesures pour réduire les délais de traitement des demandes de prestation, incluant l'embauche de 18 nouvelles ressources.

Les engagements que nous avons pris lors du dépôt du plan, c'est de traiter chaque demande dans un délai de moins de 70 jours en 2018, 50 jours en 2019 et 30 jours en 2020. Donc, ce sont des objectifs audacieux, mais que nous allons rencontrer. Et, depuis novembre 2017, les délais moyens de traitement des demandes d'admissibilité, c'est de 19,6 jours. L'IVAC assigne maintenant un intervenant par victime, ce qui crée un plus grand lien de confiance, puis ça permet d'offrir un service personnalisé. Donc, ce sont, depuis 2014, 21 383 victimes qui ont reçu écoute, soins, thérapies et remplacement de revenus. Oui, le Québec est la province qui comprend et supporte le plus généreusement l'ensemble des victimes d'actes criminels. Le système n'est pas parfait, je le sais. La loi qui l'a constitué, je l'ai souvent dit, a vieilli et devra être modernisée pour mieux répondre aux besoins des victimes d'aujourd'hui et de demain.

Le temps file, M. le Président, alors je pourrai vous parler des nominations qui ont été faites, du bilan législatif : 15 projets de loi, 89 juges qui ont été nommés, en cours de mandat, à la Cour du Québec, 31 juges à la cour municipale, 16 juges de paix magistrats.

Mais vous me permettrez, M. le Président, d'entrée de jeu, de profiter de cette tribune pour déposer à l'attention des membres de la commission le rapport Verreault, qui m'a été communiqué le 29 avril dernier, donc dimanche après-midi. Je le fais en toute transparence. C'est un rapport qui concerne la situation qui prévaut à la commission des droits de la personne et de la jeunesse. Il y a eu une importante crise médiatique, qui a touché de plein fouet cette institution indépendante à l'automne dernier. J'avais demandé que soit effectué un diagnostic organisationnel. Je me suis engagée à rendre public ce rapport et je vous le rends public aujourd'hui, puisqu'il m'a été transmis dimanche.

Et, par souci de transparence, je le partage avec les membres de la commission, mais je le déposerai également auprès des membres de l'Assemblée nationale, de qui relèvent la commission et les nominations de la commission. Soyez assuré, M. le Président, que je me suis engagée à accompagner la commission dans la mise en oeuvre des recommandations du rapport, tout en respectant, bien entendu, son indépendance. Des gestes ont été posés et continueront de l'être, car il m'importe de redonner à la commission ses lettres de noblesse, et je vous rappelle également qu'une enquête de la Protectrice du citoyen est toujours en cours au moment où je vous parle.

Donc, en terminant, je tiens à souligner le travail exceptionnel du personnel du ministère de la Justice et de nos précieux partenaires et organismes qui contribuent avec succès à notre mission. C'est des artisans de l'ombre, mais ils méritent toute notre considération. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Nous allons poursuivre avec les remarques préliminaires. Mme la députée de Joliette, porte-parole de l'opposition officielle, pour les 10 prochaines minutes.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de saluer la ministre, toute son équipe, bien sûr sa sous-ministre, l'équipe du ministère de la Justice, les membres de son cabinet, les hauts fonctionnaires des différents organismes qui nous accompagnent aujourd'hui, mes collègues du parti ministériel et de la deuxième opposition.

Alors, écoutez, je vais être brève pour mes remarques préliminaires. Je veux d'abord remercier tout le travail qui a été investi dans la préparation des cahiers pour les crédits. Pour avoir été à une certaine époque de l'autre côté, je sais à quel point ça requiert des énergies, du temps et beaucoup de rigueur, alors je veux vous remercier. Au-delà des questions et des échanges qu'on va avoir aujourd'hui, comme je vous l'avais dit l'année dernière, c'est très précieux quand on est dans l'opposition, même si on ne peut pas tout exploiter aujourd'hui parce que le temps nous est compté, de pouvoir se référer à toutes ces données-là et à tout ce travail-là en cours d'année. Donc, je voulais commencer en vous remerciant sincèrement de tout le travail que vous avez mis là-dedans, certainement au cours des dernières semaines.

Puis, écoutez, M. le Président, j'allais quand même souligner un bon coup de la ministre, qui est le fait qu'elle a réussi à obtenir, donc, des centaines de millions pour toute la question de la modernisation de notre système de justice. Et je pense que c'est quelque chose d'effectivement très intéressant, donc je voulais le souligner. Bien sûr qu'il y a énormément de défis qui demeurent, et de problèmes, et de lacunes, et on va avoir amplement le temps d'en discuter aujourd'hui, notamment en matière d'accès à la justice.

Mais malheureusement je suis déçue que la ministre n'ait pas cru bon de rendre public le rapport qu'elle vient de nous rendre public concernant la présidente de la Commission des droits de la personne et le rapport Verreault, parce qu'évidemment ça nous aurait permis de le lire avant de débuter les crédits et de pouvoir donc être bien préparés pour pouvoir aborder ce sujet-là, qui est très, très important. Et je suis surprise qu'elle dise qu'elle ne l'a reçu qu'en fin de semaine parce qu'on avait fait une demande d'accès à l'information précisément sur ce rapport-là en décembre 2017 et on ne nous a pas dit que ce rapport-là n'existait pas, mais plutôt qu'il ne pouvait pas nous être communiqué. Alors, j'étais sous l'impression qu'une copie avait déjà été transmise, avant la période des fêtes, au cabinet de la ministre et, à tout événement, j'aurais apprécié, bien entendu, pour qu'on puisse avoir un échange sur ce sujet-là important, le plus complet possible, qu'on puisse l'avoir au moins hier.

Mais, sur ce, je vais terminer mes remarques, puis on y reviendra lors des périodes d'échange.

Le Président (M. Auger) : Merci, Mme la députée de Joliette. Oui, faites la vérification. Bien sûr, on reviendra sur le dépôt ou non à la commission du rapport Verreault.

Donc, pour la suite des remarques préliminaires, M. le député de Borduas, pour sept minutes.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, de saluer Mme la ministre, la collègue de Joliette, les collègues du gouvernement, également, qui nous accompagnent, le collègue de Masson également, qui est là ce matin, de saluer tous les gens du ministère de la Justice qui sont présents avec nous, également le personnel de la ministre.

Écoutez, je ne serai pas très long sur mes remarques préliminaires. Simplement pour dire que c'est un exercice important, une reddition de comptes du ministère de la Justice. On a l'occasion de poser des questions à la période des questions, mais c'est rare qu'on a l'occasion de questionner la ministre de la Justice relativement à la gestion du ministère. Alors, on s'emploiera à le faire au cours de la journée, de passer un agréable moment et de remercier également tous les gens qui ont travaillé à la préparation des cahiers des crédits budgétaires. On sait que ça représente un travail important.

Alors, sans plus tarder, M. le Président, vous me permettrez de verser mon temps sur nos différents blocs.

Le Président (M. Auger) : Avec plaisir. Merci, M. le député de Borduas.

Discussion générale

Nous allons débuter les échanges avec un premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Joliette, et vous avez 20 min 30 s à votre disposition.

• (10 h 20) •

Mme Hivon : Oui. Donc, je vais revenir un petit peu plus tard sur la question de la commission des droits, mais je voulais simplement mentionner que, lorsque le rapport a été demandé, on avait dit qu'il devait être remis pour le 15 décembre. Donc, je suis surprise d'entendre qu'il n'aurait été reçu qu'en fin de semaine.

Mais, sans surprise, je vais débuter avec la question de la justice criminelle et donc des données que nous avons pu lire dans les cahiers qui nous ont été fournis, en ce qui concerne, bien sûr, le nombre de causes qui font l'objet d'une requête Jordan, alors des données qui sont, M. le Président, quand même inquiétantes, parce qu'on aurait pu s'attendre, avec l'écoulement des mois et l'importance que la ministre disait accorder à ce dossier, que ça fasse une énorme différence. Or, quand je compare les statistiques de cette année, qui apparaissent au fascicule qui a été déposé au moment du dépôt du budget, avec les données de l'année dernière, on voit, en fait, que ça a augmenté significativement. Et, même si on prend le fait que, l'année dernière, il y avait huit mois dans l'année depuis le jugement Jordan, cette année, évidemment il y a une année complète, ça a presque triplé.

Alors, simplement pour nous mettre dans le contexte, au 12 mars 2018, on nous parle qu'il y aurait 1 680 requêtes Jordan qui sont pendantes, c'est-à-dire 1 060 de plus par rapport à l'année dernière, et 796 en matière criminelle, 884 en matière pénale. Et on nous dit qu'au 23 mars 2018 il y aurait 327 nolle prosequi — ça, c'est un mot qui nous fait toujours apprendre du vocabulaire nouveau quand on vient aux crédits — c'est-à-dire des arrêts de procédure qui sont demandés par la poursuite elle-même, donc qui sont demandés sans même que quelqu'un dépose une requête ou que la requête soit entendue, mais par le DPCP lui-même, alors que, l'année dernière, il y en avait eu 117. Alors, évidemment que je pense que, comme moi, la population va être assez étonnée et inquiétée d'apprendre que, plutôt que de voir les choses s'améliorer, on voit les choses se dégrader. Et l'autre chose qui est inquiétante, c'est que, bien sûr, l'année dernière, il y avait une période transitoire qui permettait une certaine flexibilité dans l'arrêt Jordan, qui n'existe plus.

Alors, j'aimerais comprendre, dans un premier temps, comment la ministre peut expliquer cette augmentation substantielle des arrêts de procédure à la demande expresse, donc, du DPCP et comment ça, ça peut rassurer les gens quand, justement, on a la crainte d'avoir une justice à rabais depuis l'arrêt Jordan, de se dire que, maintenant, on en est rendu à un système où il faut sauver les meubles pour s'assurer que tout ne s'écroule pas. Et là je pense que ces chiffres-là viennent exactement dans ce sens-là. Alors, j'aimerais vous entendre d'abord sur cette question-là.

Le Président (M. Auger) : Avant la réponse, je vais faire un petit rappel amical. Je veux équilibrer le temps entre les questions et les réponses.

Document déposé

Et je vais déposer, en fait, le rapport Verreault sur la situation qui prévaut à la Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse, et je vais en faire des copies pour les membres de la commission. Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, je voudrais d'abord... La collègue a commencé sa question en parlant du rapport Verreault, je vous indique que ce rapport-là m'a été remis le 29 avril. Il est vrai que, le 15 décembre dernier, un rapport préliminaire avait été transmis. Ce rapport-là, dans le contexte des procédures... il y avait des procédures qui étaient pendantes. Ce rapport-là, deux choses, ne pouvait être transmis en raison des procédures et devait également être caviardé parce qu'il comportait de l'information de nature confidentielle.

J'ai demandé à Mme Verreault, à la lumière des nouveaux événements survenus en cours de route... Alors, tant et aussi longtemps que le rapport n'a pas été transmis, pendant les procédures qui étaient pendantes, j'ai demandé à Mme Verreault d'assurer que les changements survenus en cours de route à la Commission des droits de la personne soient pris en considération et d'assurer que le rapport qui m'était transmis était un mandat conforme au mandat qui lui avait été confié. Et c'est le 29 avril que j'ai reçu le rapport, soit dimanche après-midi, et je le dépose à la première occasion aux parlementaires. Donc, de prétendre que j'avais ce rapport-là et que je pouvais le remettre avant, c'est inexact, M. le Président, mais je tiens... parce qu'honnêtement je ne joue pas dans ces jeux-là. Alors, ça, c'est une première chose.

D'autre chose, pour ce qui est des dossiers pénaux, c'est vrai qu'il y a eu, depuis le début, 1 680 requêtes en arrêt de procédure qui ont été déposées. Ce que nous devons regarder... et je laisserai la Directrice des poursuites criminelles et pénales aborder la question des arrêts de procédure, puisque le Directeur des poursuites criminelles et pénales est une institution indépendante, mais je vous dirais, M. le Président, 1 680 requêtes, mais nous avons... nous traitons annuellement 200 000 dossiers, qui sont ouverts annuellement. Les délais, en soi, de traitement des dossiers ont été réduits. Ce que nous devons regarder, c'est le délai de traitement de ces dossiers-là. Et, depuis que nous avons injecté des nouvelles ressources, les délais ont fondu. Il y a un effet.

Donc, ces requêtes-là présentées, fort possiblement dans la plupart, dans des dossiers qui étaient pendants au moment où la décision Jordan a été rendue, c'est une chose. Mais il ne faut pas prendre ces chiffres-là et alerter la population. Ce que je peux vous assurer, c'est qu'il y a une baisse énorme des délais de traitement des dossiers depuis que nous avons investi les sommes d'argent en décembre 2016.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Alors, j'aimerais avoir une réponse à ma question concernant l'augmentation significative du nombre de nolle prosequi ou d'arrêts des procédures demandés par la poursuite, qui est passé... on aurait pu s'attendre à ce que, l'année dernière, ce soit plus élevé, donc qui est passé à 327 cette année, alors qu'on était à 117 l'année dernière.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais céder la parole, avec votre permission, à Me Annick Murphy, Directrice des poursuites criminelles et pénales.

Le Président (M. Auger) : J'ai besoin d'un consentement pour l'intervention. Il y a consentement. Donc, dans un premier temps, votre nom, votre titre, et par la suite vous pourrez répondre à la question de la députée de Joliette.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, merci, M. le Président. Alors, d'abord, je voudrais vous faire d'abord une mise en garde et...

Le Président (M. Auger) : Nom et titre avant la réponse. Votre nom et...

Mme Murphy (Annick) : Excusez-moi. Annick Murphy, Directrice des poursuites criminelles et pénales.

Le Président (M. Auger) : Merci.

Mme Murphy (Annick) : Excusez-moi. Alors, une mise en garde, c'est que ces chiffres sont des chiffres que nous avons computés de façon manuelle. Vous savez qu'il n'existe pas encore de système informatique qui nous permette d'avoir des chiffres qui sont extrêmement précis. Donc, c'est ma première mise en garde.

Ensuite, l'information qui est en ma possession, c'est qu'en date du 24 avril 2017 le total des nolle que nous avions présentés était de 134 nolle prosequi, donc demandes d'arrêts de procédures, et, en date d'aujourd'hui, disons, il y en a 327, effectivement, c'est-à-dire nous avons donc demandé, encore une fois avec la même mise en garde, 183 nolle cette année. En fait, ce qui explique le nombre, Mme la ministre a un peu abordé la question, c'est... il faut savoir que les dossiers qui étaient déjà autorisés avant le 8 juillet 2016 sont des dossiers qui étaient, donc, pendants. Il y en avait un certain nombre. Il y en a encore un certain nombre, de dossiers qui sont pendants et qui ont commencé le processus judiciaire avant le 8 juillet 2016.

Alors, aujourd'hui, nous pouvons bénéficier d'un certain nombre de jugements qui ont été rendus par les tribunaux sur les différentes requêtes en arrêt des procédures. Ça nous permet, nous, poursuivants, d'être en mesure de bien évaluer les dossiers et de savoir, lorsqu'on a une requête, ou même lorsque nous ne sommes pas en présence d'une requête en arrêt des procédures, que ce dossier-là ne tient pas la route, entre guillemets, que ce dossier-là est à ce point malade, je le dirais comme ça, que... Donc, nous voulons éviter d'investir du temps, de passer des heures à la cour, des semaines à la cour sur des dossiers que nous savons que... au final, seront arrêtés par le tribunal. C'est principalement la raison pour laquelle nous déposons des nolle. Donc, ça nous permet de faire des dossiers qui, eux, sont des dossiers qui ne sont pas, entre guillemets, malades et qui peuvent se terminer dans le temps imparti par la cour...

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Joliette. Je dois permettre la prochaine question.

Mme Hivon : Est-ce que vous pouvez nous indiquer combien de ces arrêts de procédures sont en matière criminelle versus pénale et dans quels domaines? L'année passée, vous nous aviez fait une belle nomenclature.

• (10 h 30) •

Mme Murphy (Annick) : Dans les 193 dont je vous parle, ce sont des nolle en matière criminelle, et, en matière pénale, je ne suis pas certaine d'avoir le résultat. Mais, si vous voulez la nomenclature, je peux vous donner, là, le détail. Il y a eu, entre autres, 202 nolle en matière de capacités affaiblies, méfaits administration publique et complots; quatre nolle en conduite dangereuse; 26 en fraude; cinq vols simples; en matière de drogue, 21; en matière de système de justice pénale pour adolescent, un; en matière d'armes à feu, un; en matière d'extorsion, un. Et, pour les crimes contre la personne, il y en a 36, donc : 10 voies de fait simples; trois voies de fait sur agents ; voies de fait armées, six; voies de fait graves, quatre; agressions sexuelles, actes criminels, cinq; contact sexuel, un; introduction par effraction, quatre; harcèlement criminel, un, exploitation sexuelle, trois. Ça fait à peu près le compte.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup pour les données. Je comprends ce que vous me dites. Mais vous savez que c'est un signal assez troublant que ça envoie à la population, parce que ça envoie le signal que, oui, la justice est très malade et que le système a mis des énergies dans des causes, notamment, évidemment, les crimes contre la personne, mais les facultés affaiblies, c'est des choses... On s'est donné des objectifs de société de faire réduire ces crimes-là et on arrive à l'autre bout puis on n'est pas capable d'aller jusqu'au bout, tellement... La situation est tellement grave que c'est le DPCP lui-même qui arrête les procédures pour, en quelque sorte, désengorger, pour que peut-être l'hécatombe soit moins grande à d'autres endroits. Ça fait que j'imagine que vous comprenez que le message que ça envoie... Et de voir que ça, ça va en augmentant, alors que normalement on aurait pu penser que les choses allaient se redresser, c'est un signal assez troublant pour la population.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je pense qu'il faut faire attention, M. le Président, à la façon... Je comprends la façon dont notre collègue présente le tout, mais on doit vraiment faire une distinction entre le nombre de requêtes en arrêt de procédures qui sont présentées dans les dossiers autorisés préalablement aux nouveaux barèmes que la Cour suprême nous impose et préalablement aux mesures qui ont été prises. Parce qu'au-delà des investissements il y a eu également des changements importants dans la façon de traiter les dossiers, dans la façon de présenter les dossiers. Et tous ces gestes-là, toutes ces modifications dans nos façons de faire contribuent à changer les choses. Ce n'est pas pour rien qu'on a investi et qu'on s'investit autant, c'est justement pour éviter que des requêtes en arrêt de procédures ne soient déposées.

Mais, sur l'ensemble des dossiers actifs, quand on regarde le nombre de requêtes, on comprend que, dit comme ça, présenté comme ça, 1 680 requêtes, c'est un gros chiffre. Mais il faut le voir aussi dans la perspective du dossier. Et notre objectif, c'est de ramener ça au plus faible dénominateur, c'est-à-dire de ramener ça idéalement à zéro. Mais, vous savez, avant Jordan, il y avait des requêtes en arrêt de procédures. C'est quand même une mesure qui s'offre au procureur de la défense. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que l'écoulement du temps ne soit plus une justification pour de telles requêtes.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Dans le tableau 1 du fascicule, donc, à la page 16 de ce qui a été déposé, on fait ressortir le pourcentage de causes dépassant le délai prescrit. Puis ça aussi, ça m'a fait sursauter, on parle... au criminel, sans enquête préliminaire, 22 % des causes dépassent le délai prescrit, et avec enquête préliminaire, 36 %, puis, au pénal, 33 % dépassent le délai prescrit.

Alors, j'aimerais comprendre comment on va s'en sortir s'il y a un nombre aussi élevé de causes qui dépassent le délai prescrit à l'heure actuelle.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, pour ce qui est de la stratégie du Directeur des poursuites criminelles et pénales, je laisserai Me Murphy réagir, mais je sais que, pour notre part, il y a eu des efforts qui ont été consentis pour que ces dossiers-là puissent être traités le plus rapidement possible. Et les requêtes sont aussi évaluées à la lumière de la jurisprudence. Ce n'est pas parce qu'il y a 1 680 requêtes de déposées qu'il y a 1 680 requêtes d'accordées. Ça aussi, c'est une distinction. Alors, ça aussi, il faut faire la part des choses. Les avocats sont libres de leurs stratégies. Maintenant, ce n'est pas toutes les requêtes déposées qui sont accueillies par le tribunal.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée, vous voulez le complément de Mme Murphy? Mme Murphy...

Mme Hivon : Oui, en fait, ma question, c'est vraiment... C'est vos chiffres, là, sur le pourcentage, de 22 %, 36 % puis 33 %, qui dépassent les délais, là.

Mme Vallée : En fait, ce sont... l'évaluation des dossiers, oui. Ceci dit, ce ne sont pas tous ces dossiers qui feront l'objet d'un arrêt de procédures. Il faut éviter de faire des raccourcis dans nos conclusions, là.

Mme Hivon : Ce n'est pas ça que je dis. C'est pour ça que ma question, c'est de savoir comment vous allez vous en sortir.

Mme Vallée : Je vais laisser Me Murphy présenter la stratégie qui a été mise en place par le DPCP.

Mme Murphy (Annick) : En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que cette évaluation-là, elle est basée, comme je le disais un peu tantôt, sur les dossiers qui existaient avant le 8 juillet. Je pense que la nouvelle qui est importante, puis ça me permet quand même de l'annoncer, c'est que tous les dossiers fixés aujourd'hui et déjà depuis un certain temps le sont dans les délais prescrits.

Donc, les dossiers que nous fixons aujourd'hui, compte tenu de toutes les mesures que nous avons prises, et il y en a énormément, et ce ne sont pas que des mesures du DPCP, ce sont aussi des mesures de la magistrature, des services de justice, bien, toutes ces mesures-là nous permettent aujourd'hui de dire que, dans chacun des points de service ou des palais de justice, qu'on soit à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure, les dates que nous obtenons sont des dates qui sont à l'intérieur des délais et qui nous permettront d'arriver à la fin du procès en temps utile, donc à l'intérieur des délais prescrits par la Cour suprême.

En ce qui concerne les délais actuels que nous avons fournis... l'information que nous avons fournie et dont vous parlez, bien, je pense qu'il est important de mentionner que, dans tous ces dossiers-là, il n'y a pas de requête en arrêt des procédures. Et ce n'est pas parce que... Comme le disait la ministre à l'instant, ce n'est pas non plus parce qu'il y a une requête que le résultat sera un arrêt des procédures.

Donc, ça me permet de dire, puis je pense qu'il faut mettre tout ça en perspective pour le citoyen aussi qui écoute et puis qui s'intéresse au système de justice, que, par exemple, les nolle dont vous parliez à l'instant, ça représente 0,16 % des dossiers. C'est sûr qu'un nolle, c'est un arrêt de procédures de trop puis qu'on n'en veut pas. Le DPCP, lorsqu'il dépose un dossier, lorsqu'il porte des accusations, il veut arriver à la fin du processus. Mais il faut savoir que nous autorisons plus de 100 000 dossiers par année, que nous traitons plus de 200 000 dossiers par année, parce qu'il y a les dossiers qui viennent de l'année précédente, et que tout ça représente un très infime pourcentage des dossiers qui sont traités devant le système de justice, que, donc, la très, très, très grande majorité des dossiers arrivent à terme. Et ça, je pense que c'est important comme message.

Le Président (M. Auger) : Merci. Mme la députée, 2 min 30 s.

Mme Hivon : Oui. Si c'était possible de juste nous dire, pour fins de comparaison, combien il y avait de ces nolle prosequi, donc, de ces arrêts de procédures, dans l'année avant la requête Jordan, là. Puis, si vous ne l'avez pas là, vous nous l'enverrez. Mais je pense que ça a littéralement... en tout cas, quand je l'avais comparé l'année dernière, ça avait littéralement explosé, et donc je pense qu'il y a évidemment un lien de cause à effet avec l'arrêt Jordan et le fait que le DPCP décide maintenant d'arrêter beaucoup de procédures de son propre chef.

Mais je veux juste revenir sur les données. Parce que vous nous dites : C'est très peu par rapport à l'ensemble des dossiers. Donc, j'entends, mais, quand je vois les chiffres du pourcentage de causes... Ça, c'est par rapport à l'ensemble des dossiers. Et je comprends que ça ne veut pas dire automatiquement requête Jordan et automatiquement requête Jordan accordée. Mais c'est une énorme épée de Damoclès, quand même, qui est au-dessus de la justice criminelle de voir que, de votre calcul même, à l'intérieur du DPCP, il y a jusqu'à 36 % des causes en criminel qui dépassent les délais prescrits par Jordan. Donc, vous pouvez comprendre que c'est quand même un enjeu majeur à l'heure actuelle.

Mme Murphy (Annick) : En fait, j'aurais le goût de dire que c'est la raison pour laquelle... si vous me permettez, M. le Président, que c'est la raison pour laquelle il y a eu Jordan. Alors, c'est la raison pour laquelle il y a eu... Et ce n'est pas qu'au Québec, c'est aussi partout au Canada. Donc, c'est la raison pour laquelle la Cour suprême a dit : Bien là, il faut que tout ça arrête, il faut que la culture change, il faut que nos manières de faire changent. Et c'est à ça qu'on s'est attardés depuis le mois de juillet 2016. Et c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, je peux vous dire que c'est terminé, c'est-à-dire que ce que nous avons entrepris depuis le mois de juillet nous a permis de réduire tout ça.

Mais il y a ce qui restait, il y a ce qu'il y avait avant, et ça, bien, on doit s'y attarder et on doit évidemment mettre nos énergies pour ne pas, effectivement, que les dossiers se terminent en arrêt des procédures. Mais, je le répète, nous avons un certain nombre de requêtes en arrêt des procédures mais qui ne représentent absolument pas le 33 %, là, dont vous me parlez. Donc, au final, nous espérons que le chiffre, évidemment, sera le plus petit possible lorsque l'exercice Jordan sera finalement terminé.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant poursuivre avec le premier bloc du gouvernement pour les 21 prochaines minutes et 30 secondes. M. le député de LaFontaine.

• (10 h 40) •

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, salutations à vous, salutations aux collègues également, à la ministre, également aux personnes qui l'accompagnent. Je demanderais peut-être à Me Murphy de rester, si vous le permettez, s'il vous plaît, à sa place. On pourra continuer la conversation.

Vous me permettez d'ouvrir une parenthèse. Nous, parlementaires, nous venons donc de recevoir, suite à votre autorisation de production, le document Rapport sur la situation qui prévaut à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et je vois qu'il est, évidemment, un rapport de 20 pages signé par Lise Verreault, consultante, qui est bel et bien daté du 29 avril 2018, sous sa signature, alors, qui confirme ce que disait Mme la ministre. On va prendre le temps de le lire, tout le monde, tous les collègues, et après-midi... donc, les crédits se poursuivent cet après-midi et ce soir, puis on aura l'occasion — moi, en tout cas, j'aurai l'occasion — d'y revenir, M. le Président, sur ce rapport-là qui vient d'être rendu public.

Et moi, j'aimerais continuer la conversation, on parle de l'arrêt Jordan, des délais. On parle également de la gestion des mégaprocès. Puis j'entends ma collègue de Joliette et je la cite : «Système est très malade», on parle d'«hécatombe» — je la cite toujours — «tellement grave», «troublant et énorme», «épée de Damoclès». Moi, comme parlementaire, j'aimerais ça pouvoir juger de la validité ou pas de ces affirmations-là. Me Murphy, vous êtes la directrice de la DPCP. Vous dites, donc, que, bon an, mal an, des dossiers ouverts, il y en a quelque 200 000, si je vous comprends bien?

Mme Murphy (Annick) : En fait, il y a plus de 100 000 dossiers que nous ouvrons par année. Le chiffre de 200 000 compte les dossiers qui sont déjà ouverts, qui sont actifs et que nous avons à traiter au fil du temps.

M. Tanguay : De ces dossiers, combien, bon an, mal an, par année vont à procès?

Mme Murphy (Annick) : Je ne crois pas détenir... Je ne crois pas détenir ce chiffre-là.

M. Tanguay : Si vous pouviez nous revenir avec l'information, lorsque vous l'aurez, à peu près. Évidemment, je ne demande pas à l'unité près, mais à peu près. Parce que j'aimerais que l'on puisse évaluer, donc, le pourcentage de dossiers qui, à tous les ans, vont à procès versus le nombre de dossiers pour lesquels il y a de telles requêtes. Merci pour l'information, que vous pourrez peut-être nous communiquer au courant de la journée.

Autre question. Vous dites, vous avez dit un peu plus tôt : Parce que ces dossiers sont dits malades. Qu'est-ce que vous voulez... qu'est-ce que vous entendez par «des dossiers malades»? C'est quoi, le dossier type qui requiert cette requête-là qui pourrait être présentée par un procureur de la couronne?

Mme Murphy (Annick) : Écoutez, les dossiers... Avant l'époque Jordan, nous pouvions autoriser les dossiers lorsque nous évaluions que nous avions suffisamment de preuves pour porter les accusations. Par contre, il arrivait régulièrement que nous n'avions pas l'ensemble de la preuve au moment où on portait les accusations. Donc, les dossiers étaient autorisés, le délai commence donc à courir à partir de ce moment-là, et, au fur et à mesure que le dossier avançait, il pouvait y avoir une multitude de requêtes, une multitude d'événements qui faisaient en sorte que des délais pouvaient s'accumuler.

Il y avait avant, évidemment, les recommandations du rapport Bouchard, des manières de faire qui ne sont plus des manières de faire d'aujourd'hui, mais qui faisaient en sorte, par exemple, que les policiers ratissaient, pouvaient arrêter un certain nombre de personnes. Et, à l'époque, nous portions des accusations dans l'ensemble de ces dossiers-là, ce qui créait énormément de travail. Donc, les dossiers prenaient énormément de temps avant d'être en mesure d'arriver à procès et de se terminer.

M. Tanguay : Pour moi qui est avocat, mais avocat au civil, qui n'est pas avocat au criminel, est-ce que, donc, à l'époque, il était plus facile, lorsque des accusations étaient déposées, puis vous allez me le dire ou pas... il était plus facile de verser de la nouvelle preuve dans le dossier au fur et à mesure que le recours judiciaire, le procès ou l'enquête se poursuivait? Est-ce que c'était ça, le cas qui expliquait qu'on accuse des gens, et l'enquête se complète parallèlement, on verse de la nouvelle preuve? Et là j'imagine que la personne qui est accusée veut se faire communiquer rapidement... veut questionner par rapport... Pouvez-vous nous expliquer comment ça se faisait, parallèlement, plus facilement à l'époque, une enquête qui se poursuivait en même temps qu'on essayait de faire condamner? Puis qu'est-ce qui a changé aujourd'hui?

Mme Murphy (Annick) : Bien, en fait, c'est ce que j'expliquais tantôt, c'est qu'au fur et à mesure que l'enquête se poursuivait nous recevions des éléments de preuve que nous devions communiquer à la défense. Donc, au moment où la date de l'audition était fixée, nous n'étions pas prêts, nous devions fixer une nouvelle date pour remettre cette preuve-là, et ainsi de suite. Beaucoup d'événements de cette nature-là survenaient. Et aujourd'hui, bien, on a rectifié ce genre de choses. Ça n'existe plus aujourd'hui. C'est-à-dire que nous allons... Aujourd'hui, avant d'autoriser, d'abord nous demandons à ce que le dossier soit complet, c'est-à-dire que toute la preuve nous soit transmise. Nous avons d'ailleurs, à cet égard-là, en matière de mégaprocès, une orientation de la part de la ministre de la Justice. Donc, aujourd'hui, les dossiers, quels qu'ils soient, pour être autorisés, doivent être complets à la satisfaction du procureur. Donc, ça fait une énorme différence, puisqu'au moment où on porte les accusations nous sommes prêts à divulguer l'information, la preuve à la défense, puis nous sommes prêts à fixer les dates d'audition, ce qui réduit d'autant la durée des procès.

M. Tanguay : Mais n'est-il pas vrai de présumer qu'à l'époque, même s'il y avait complément d'enquête et preuves additionnelles, à l'époque, nonobstant cela, le DPCP s'assurait qu'ils avaient un dossier où ils pouvaient faire la preuve hors de tout doute raisonnable et que, quand ils allaient devant les tribunaux, le dossier était suffisamment étayé et démontrable en cour, à ce stade-là, sans avoir à ajouter de la preuve?

Alors, il y a deux choses. Au départ, vous allez me confirmer qu'à l'époque le DPCP, oui, avait, après analyse, un dossier qui était suffisamment complet pour dire : On va être capables de démontrer hors de tout doute raisonnable que la personne est coupable. Et, en ce sens-là, si c'est le cas — je présume que oui — quelle était l'utilité d'ajouter en cours de route de la nouvelle preuve, qui était peut-être superfétatoire à ce moment-là puis qui occasionnait des délais?

Mme Murphy (Annick) : En fait, il pouvait y avoir des rapports que nous attendions qui n'avaient pas d'incidences, nécessairement, sur la suffisance de la preuve. En cours de route, les avocats de la défense peuvent faire des requêtes pour avoir de la nouvelle preuve. Tout ça est décidé, ce n'est pas nécessairement de la volonté du procureur. Et il y a des requêtes de la part de la défense, et ça est décidé tout au long du processus.

Alors, à l'époque, tous ces événements survenaient en cours de processus judiciaire. Aujourd'hui, nous espérons que, quand on prend la décision de déposer des accusations, le dossier est complet, nous avons en main... tantôt, je vous parlais... je donnais à titre d'exemple les rapports d'expertise, bien, nous avons en main ces rapports-là au moment où nous déposons les accusations. Donc, il n'y a pas d'attente en cours de processus pour recevoir ces éléments-là.

M. Tanguay : Puis c'est intéressant, la conversation qu'on a parce que ça nous permet de comprendre certains éléments. Peut-être que, donc, le délai a été transféré. Du moment qu'il était, à l'époque... du moment du dépôt des accusations à une décision judiciaire, il y avait des délais qui étaient peut-être plus longs. Là, par cette nouvelle façon de faire là, peut-être que ça explique, puis corrigez-moi si j'ai tort dans ma compréhension, que les délais se sont transposés en amont, c'est-à-dire que ça prend plus de temps pour compléter une enquête et pour, en fin de compte, déposer des accusations. Est-ce que j'ai tort de penser ça?

Mme Murphy (Annick) : Non. C'est certain que vous avez tout à fait raison, que les délais se retrouvent... ce sont des délais préjudiciaires, si on veut, et se retrouvent à cette étape des procédures plutôt qu'au moment où le processus est engagé. Cependant, j'aimerais faire la nuance suivante, c'est que les délais ne sont pas les mêmes. C'est-à-dire que, lorsque nous sommes avant l'autorisation, nous sommes en discussion avec les policiers, et le processus est tout de même rapide, dans le sens où on peut demander, par exemple, des compléments d'enquête. Les policiers savent que, pour autoriser, ils doivent nous transmettre l'information. Donc, le processus est tout de même rapide. Mais, oui, les délais se passent là, comme vous le dites, puis vous avez raison.

À l'époque, lorsque nous étions en manque d'information et que la demande se faisait alors que nous avions déjà déposé les accusations, le processus pouvait être plus long pour la simple raison, c'est que nous n'avons pas le contrôle de la date de remise que la cour pouvait nous donner. Alors, lorsque nous remettions, par exemple, pour une date en attente d'un document, par exemple, le document pouvait nous être rendu par les policiers, le complément d'enquête, après trois semaines, mais la date que la cour aurait pu nous donner, compte tenu des dates disponibles, est une date plus éloignée dans le temps. Alors, la date pouvait être trois mois plus tard pour le prochain pro forma, pour la forme, pour la remise de ces documents à la défense.

Donc, oui, vous avez raison quand vous dites que les délais sont maintenant des délais qui sont plus préjudiciaires, donc avant que nous déposions des accusations. Mais, en même temps, ce que nous estimons, c'est que ces délais-là sont quand même moins grands que les délais qui nous étaient occasionnés par ce genre de remise là, dû à des demandes, par exemple, de divulgation de preuve, quelle qu'elle soit, là.

• (10 h 50) •

M. Tanguay : Et puis je fais un commentaire, j'ouvre une parenthèse, peut-être que, socialement aussi, ça pourrait nous permettre de se questionner. Parce qu'on se dit toujours, évidemment : Les délais sont préjudiciables, lorsqu'ils sont trop longs, à une personne qui est accusée, donc, devant la justice. Peut-être qu'on pourrait se questionner sur des délais préjudiciables sur des citoyens qui font publiquement l'objet d'enquêtes. Peut-être que ça pourrait être aussi sur cette phase en amont là, de délai, un questionnement social où on pourrait se dire...

Puis, avec les minutes qui me sont consacrées, j'aimerais ça qu'on parle de la relation, je dirais, du DPCP et de la police. Mais je fais un commentaire. Il y a parfois, dans les médias, de l'information à l'effet que des gens font l'objet d'enquêtes, puis des fois c'est long. Puis là peut-être que, socialement... Il y a un arrêt Jordan pour les délais judiciaires, mais il y aurait peut-être un arrêt Jordan pour les délais d'enquête. Parce que, lorsque l'on sait — et puis par les sources journalistiques, que l'on veut protéger — qu'il y a des enquêtes sur certaines personnes, bien, on a donc hâte que ça aboutisse, que ça finisse ou qu'on mette un point à ça, dans un sens comme dans l'autre.

Et je vois que vous vouliez peut-être réagir sur mon commentaire. Sinon, j'ai d'autres questions sur...

Mme Murphy (Annick) : Bien, si vous me permettez, M. le Président, les délais préjudiciaires... bien, en fait, sans rentrer dans toute la jurisprudence, ça a déjà été discuté, puis les délais préjudiciaires ne sont pas des délais pour lesquels il y aura un arrêt éventuel des procédures. Donc, oui, ça a déjà été tenté, mais sans succès.

La période d'enquête. Vous comprendrez que les policiers, par rapport au DPCP, ils sont indépendants. Nous sommes indépendants des dossiers, puis eux sont indépendants de nous. Lorsqu'ils sont en enquête, bien, l'enquête, c'est leur mandat, l'enquête leur appartient, c'est eux qui décident de ce qu'ils vont faire.

Le rôle de conseil, si conseil il y a, ce sont les policiers qui vont décider, d'abord, s'ils ont besoin de conseils. Alors, tous les dossiers, donc les 100 000 que nous autorisons chaque année, sont susceptibles de conseils aux policiers. Nous avons une équipe de services-conseils, qui travaille de 4 h 30 à 8 h 30 le matin, qui font ça. C'est leur travail de donner des conseils aux policiers qui décident de les appeler.

Donc, dans les dossiers, si les policiers décident de nous demander des conseils, bien, nous sommes présents, alors nous pouvons les conseiller. Mais ce n'est pas à nous de leur dire quoi faire. Nous les conseillons sur ce qui est légal ou pas, mais ce n'est pas nous qui décidons si, oui ou non, ils peuvent faire une telle chose. Alors, je pense que ça, c'est important de le dire parce que c'est comme ça que ça fonctionne.

De la même manière, quand nous avons le dossier pour l'analyse et que nous portons des accusations, à ce moment-là, on dit toujours, nous, dans notre langage, que le dossier nous appartient. Les policiers peuvent bien... ils nous accompagnent également, ils viennent à la cour avec nous, et tout, mais c'est nous qui sommes, à ce moment-là, disons, le maître du dossier. Alors, il y a comme une ligne de démarcation : l'avant le dépôt des accusations et l'après.

M. Tanguay : Et je prends bonne note du fait qu'effectivement vous dites que ça a même été tenté d'avoir une sorte d'arrêt Jordan pour les délais de l'enquête à l'accusation. Vous dites évidemment, donc, que ce n'est pas un élément... parce que la police fait son travail, elle est indépendante, et libre à elle, évidemment, professionnellement, de conduire une enquête. Puis on dit que c'est, donc, des délais...

Mme Murphy (Annick) : Préinculpatoires.

M. Tanguay : ...préjudiciaires, mais, pour certains, c'est justement préjudiciable. Ça pourrait socialement être conçu comme étant... Puis, peu importe le cas, quand on protège les sources journalistiques, ça sort sur la place publique, c'est même confirmé par les corps policiers. On n'est pas dans les crédits de la Sécurité publique, je le sais bien, mais il y a là un élément qui n'est pas anodin. Et je vois que la population aussi réclame que ça aboutisse, dans un sens comme dans l'autre. Et le DPCP, tant qu'il n'a pas d'accusation formelle, le dossier, vous n'en êtes pas garants, le pilote.

Mais j'aimerais vous entendre justement sur la relation... puis ce n'est pas un bon terme, là, mais l'interaction que vous avez, vous, DPCP, et les corps policiers, lorsqu'ils mènent des enquêtes. Vous avez une politique de poursuite. Il y avait 13 recommandations. Et je lisais, donc, à l'intérieur des recommandations... politique de poursuite que vous devez mettre en oeuvre, il y avait la gestion des poursuites, oui, mais, en amont, la participation à un comité directeur avec le ministère de la Sécurité publique, les corps de police spécialisés afin de convenir d'un protocole de poursuite. Et on parle plus loin de «clarifier le rôle et les responsabilités de conseil juridique et stratégique des procureurs auprès des policiers».

Alors, moi, j'aimerais ça, parce que ça me préoccupe, là, dans le bon sens de l'expression... Quelle est cette interaction-là entre le DPCP... son rôle, qui est dit de conseiller juridique et stratégique, en lien avec les enquêtes policières? Quelle valeur ajoutée? Et de quelle nature il y a une interaction à ce niveau-là, avant même que vous soyez celles et ceux qui déposez l'accusation et pilotez le dossier?

Le Président (M. Auger) : Je vous rappelle qu'il reste 5 min 30 s à l'échange.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, M. le Président, c'est un peu comme je l'expliquais, les policiers sont donc libres, lorsqu'ils font des enquêtes criminelles, de nous demander des conseils. La Loi sur le DPCP prévoit que nous pouvons effectivement donner des conseils et être même en assistance auprès des policiers à l'égard de certaines procédures, par exemple les requêtes Lavallée, dont vous avez certainement déjà entendu parler, les ouvertures de paquets scellés, tout ça. À ce moment-là, nous sommes en assistance auprès des corps policiers.

Donc, comme je le disais, l'enquête appartient aux policiers. Ils nous demandent parfois d'être guidés, d'avoir des conseils relativement à la légalité de certaines actions qu'ils vont prendre, et donc nous sommes présents. Et, dans certains dossiers d'envergure, par exemple, il arrive... Parce que vous parlez des protocoles de poursuite, vous parlez de différentes choses qui sont plutôt pour des dossiers d'envergure. Bien, effectivement, selon le dossier pour lequel on est consultés, bien, on aura un responsable, on en aura... un responsable ou on aura plusieurs procureurs. Donc, il y a des équipes parfois de quatre ou cinq procureurs en conseil auprès des policiers, selon l'enquête qui nous est soumise.

Alors, à partir du moment où... Et là on a un rôle à jouer auprès des policiers. À partir du moment où l'enquête est terminée, où le dossier est complet, les policiers vont nous le remettre avec ce qu'on appelle une demande d'intenter des procédures. Une demande d'intenter des procédures, c'est une recommandation d'accusation, si on veut. À partir de ce moment-là, nous recevons le dossier et nous l'étudions, nous l'analysons. C'est à partir de ce moment-là que nous allons étudier le dossier pour savoir si on porte ou non des accusations. Et, dans ce contexte-là, il est aussi possible que nous demandions des compléments d'enquête.

M. Tanguay : Question, parce que c'est un processus important : Est-ce qu'il est de coutume qu'un procureur ou une procureure de la couronne qui est conseiller... Parce qu'on parle... puis j'aimerais vous entendre sur... définir un peu... On parle de conseiller juridique et stratégique auprès des policiers. Est-ce qu'il est de coutume que le procureur qui a été conseiller juridique et stratégique auprès du policier sera le procureur qui, en bout de piste, recevra cette recommandation de poursuite là et va gérer le dossier?

Mme Murphy (Annick) : Oui, la plupart du temps...

M. Tanguay : La plupart du temps, c'est la même?

Mme Murphy (Annick) : La plupart du temps. Et le processus peut évoluer en cours de route. C'est que, tout au long de l'enquête, nous allons évaluer toute la question de savoir si on rajoute des procureurs ou si on en retire, là, auprès des policiers. Et effectivement il est toujours préférable d'avoir les procureurs qui étaient là au conseil en enquête, évidemment, à l'étape de l'évaluation ou de l'analyse et de l'étude des dossiers.

Mais je dois dire une chose : Quand on est en conseil en enquête, la plupart du temps on n'a pas le dossier au complet, on peut avoir des parties de dossier. Les policiers nous consultent sur une chose, par exemple, donc nous nous concentrons sur, évidemment, la demande de consultation. Nous n'avons jamais à ce moment-là le dossier au complet. Ce n'est qu'au moment où les policiers décident... en fait, au moment où l'enquête est terminée et que les policiers se disent prêts à nous déposer le dossier qu'ils vont nous le déposer avec une demande, comme je le mentionne, ce que nous appelons dans notre jargon une demande d'intenter des procédures. Et, à ce moment-là, les policiers sont prêts à porter des accusations.

• (11 heures) •

M. Tanguay : Et donc... parce que vous venez de répondre à ma prochaine question, je pense, mais, corrigez-moi si j'ai tort, vous dites que jamais un procureur de la couronne qui agit à titre de conseiller juridique stratégique... vous dites que jamais il n'aura la vue d'ensemble de l'enquête. Ma question qui suivait était de savoir : Est-ce qu'il peut arriver, à titre de procureur, conseiller juridique et stratégique, dans le contexte d'une enquête policière, que le procureur puisse dire : Bien, écoute, va trouver tel, tel élément de preuve, puis je pense que, là, en bout de piste, on en aura suffisamment pour faire une démonstration hors de tout doute raisonnable? Est-ce que c'est le genre de conseil stratégique qui pourrait se donner?

Mme Murphy (Annick) : Bien, en fait, le genre de conseil stratégique, en général, c'est d'analyser les éléments qu'on lui offre, et c'est sur ces éléments-là que le procureur pourra déterminer s'il y a une suffisance ou non. C'est dans ce sens-là qu'il va donner les conseils. Est-ce qu'il va dire aux policiers d'aller chercher telle ou telle preuve? Ce qu'il pourra dire, c'est, par exemple : Bien, écoutez, cet élément-là doit être corroboré par une preuve indépendante, à titre d'exemple, et c'est ça que le procureur va mentionner aux policiers : Pour le moment, je ne vois pas de preuve corroborative, donc ce n'est pas suffisant. Et je voudrais juste préciser, quand vous dites : Jamais le procureur en conseil en enquête n'aura vu la totalité, le procureur, à un moment donné, va voir ce qu'on appelle les précis d'enquête, donc il aura une vue d'ensemble...

Le Président (M. Auger) : Désolé, nous devons poursuivre avec le premier bloc du deuxième groupe d'opposition, pour 20 minutes. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Donc, permettez-moi de parler de la question d'accessibilité à la justice pour les communautés autochtones, qui est précisément en question avec les interprètes, et cette question, elle ne date pas d'hier, M. le Président. En fait, en 2008, on avait déjà un rapport qui était composé des représentants de la Cour du Québec, du ministère de la Justice, du Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que le Secrétariat aux affaires autochtones, et, à la page 30 de son rapport, on parlait notamment des services d'interprète.

En 2014, c'était le tour du Barreau du Québec de faire son rapport, un constat de... La justice dans le Nord, donc, c'est un rapport sur les missions du Barreau du Québec auprès des communautés autochtones du Grand Nord québécois. Et, dans le constat n° 3, on traitait de quoi? Du nombre insuffisant d'interprètes.

Plus récemment, en 2016, on avait des articles qui nous sortaient Des procès annulés, faute d'interprètes autochtones, dans le texte de Maude Montembeault, qui était par Radio-Canada.

Ensuite, en 2017, du 1er décembre, le bâtonnier du Québec, Me Paul-Matthieu Grondin, nous mentionnait justement que «les besoins sont criants, notamment en ce qui concerne l'aide juridique, la justice dans le Nord, les infrastructures judiciaires et l'informatisation du processus judiciaire. Le gouvernement n'a alloué aucune somme malgré les demandes répétées du Barreau.»

Plus récemment, on parle ici du 19 avril 2018, un autre communiqué du Barreau du Québec qui nous mentionne... justement parce que le bâtonnier du Québec, Me Paul-Matthieu Grondin, s'est adressé à la commission Vien à Val-d'Or et il nous dit justement sur le sujet qu'«on ne compte plus le nombre de discours, de promesses de consultations pour remédier au problème d'accès à la justice des communautés autochtones».

J'ai parlé à M. Kelley, le ministre des Affaires autochtones, dans les crédits des Affaires autochtones, et il m'a référé ici, dans cette commission. Bref, on avait notre bâtonnier qui nous mentionnait justement : «Le statu quo est inacceptable, et la situation a assez duré, il faut que les choses changent.»

Donc, ma question, en fait, parce que... Pourquoi est-ce qu'on est ici? C'est parce qu'on a fait plusieurs demandes d'accès à l'information. Une première réponse qu'on a eue, le 19 octobre 2017, sur le sujet : Les services d'interprétation et/ou de traduction en langues autochtones devant les cours de justice, et nos réponses étaient insuffisantes.

On a fait une autre demande d'accès, on a reçu une réponse le 9 février 2018. On demandait la documentation relative au manque d'interprètes autochtones, contrats, et du nombre de procès dans la région du Nord-du-Québec, toujours au ministère de la Justice, et les réponses n'étaient pas satisfaisantes. Une dernière réponse, qu'on a eue à une demande d'accès à l'information sur la justice en milieu autochtone, toujours pas les réponses nécessaires.

Donc, ma question pour la ministre : Est-ce que la ministre peut nous indiquer si des efforts ont été faits dans le dossier? Peut-elle nous dire si elle souhaite créer des postes d'interprète? Et est-il possible aussi d'obtenir la ventilation des contrats de traduction et/ou d'interprètes en langues autochtones?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Bien, je remercie le collègue de venir aborder cette question-là lors de l'étude des crédits puis de venir aux crédits de la Justice, parce que la question de l'accès à la justice dans le Nord, la question de l'accès à la justice dans les communautés autochtones, c'est une question qui me préoccupe grandement, et c'est une question qui est d'importance pour nous. On a posé des gestes à différents niveaux.

Mais, pour répondre plus précisément à la question du collègue, parce qu'il aborde, d'abord et avant tout, la question des interprètes, je tiens à indiquer et à informer mon collègue : au moment où on se parle, on ne peut pas catégoriser comme étant une pénurie la question des interprètes, il n'y a pas de pénurie d'interprètes autochtones. Le bassin a augmenté au cours de la dernière année. Alors, ça, c'est important, parce qu'évidemment, si on veut un accès à la justice, si on veut que les citoyens comprennent, parce que c'est important de comprendre ce qui se passe, bien, il faut s'assurer qu'ils puissent avoir accès à des interprètes dans leur langue. Il y a des défis, les défis de la formation, les défis du recrutement.

J'étais dans le Nord avec mon collègue Geoff Kelley, le ministre délégué aux Affaires autochtones, en 2016, et on nous indiquait que le recrutement d'interprètes, la formation des interprètes dans les différentes langues était un enjeu, mais maintenant... En 2016, donc au moment où je me suis rendue dans le Nord avec mon collègue, on pouvait compter sur les services de 18 interprètes. Je peux vous indiquer qu'en date de février 2018 nous sommes rendus à 29 interprètes. Donc il y a une augmentation du bassin d'interprètes, il y a des efforts qui sont faits pour recruter des interprètes.

Il n'y a aucun dossier, dans la dernière année, qui a été reporté par manque d'interprètes autochtones au cours de l'année. Et il y a un jumelage qui se fait. Les nouveaux interprètes qu'on recrute, ils sont jumelés avec des interprètes séniors pour assurer la transmission des connaissances. Et, lorsqu'on a un besoin pour les interprètes, ils sont toujours en nombre suffisant. Il y a toujours deux interprètes de présents.

Maintenant, pour le nombre et la nomenclature, je vous dirais que nous avons neuf interprètes inuits, trois innus, deux innus et naskapis, un naskapi, sept cris, deux algonquins, cinq attikameks, et nous travaillons en collaboration, évidemment, avec la SOCAN et le centre d'amitié autochtone. Et nous avons, comme je vous mentionnais, là...

Le Président (M. Auger) : Merci, Mme la ministre.

Mme Vallée : ...des organismes qui nous accompagnent dans ce travail.

Le Président (M. Auger) : Merci, je vais permettre la prochaine question. M. le député de Masson.

M. Lemay : Bien, seulement, est-ce que c'est possible de pouvoir en faire le dépôt, du document, à la commission pour qu'on puisse avoir accès à cette information?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je crois que cette information-là, si je ne m'abuse, elle est déjà dans nos cahiers de crédits. Je crois avoir pris connaissance d'une fiche. Alors, vous la trouvez à la page... à la question P.97, à la page 242. Alors, le détail se retrouve là.

Le Président (M. Auger) : Merci, excellent. Donc, pour la suite, M. le député de Borduas, 13 minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Alors, écoutez, M. le Président, la ministre nous a déposé en début de séance le rapport de Mme Verreault relativement à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Elle nous indique l'avoir reçu le 29 avril dernier. Je la crois, la ministre, mais par contre je veux seulement lui faire état qu'il y a des problématiques de communication, et ce n'est pas la première fois, quand on fait des demandes d'accès à l'information au ministère de la Justice ou au cabinet de la ministre, où les réponses me laissent un peu pantois. C'est déjà arrivé dans le dossier des mégaprocès, le rapport Bouchard, l'autre rapport aussi sur la gestion des délais, où j'avais fait, moi personnellement, une demande d'accès à l'information, et, comme par hasard, lorsque ça a été énoncé publiquement, ça concordait, bien entendu, avec la demande d'accès à l'information.

Alors, pour les fins de la commission, M. le Président, le 9 février, on nous a répondu et on répondait à Me Savard, qui est présente avec moi : «Madame, conformément à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, nous avons traité votre demande d'accès reçue le 29 janvier dernier, laquelle se lit comme suit : "Le rapport d'enquête du Protecteur du citoyen concernant Tamara Thermitus, remis à la ministre de la Justice à la fin du mois de novembre 2017, le rapport diagnostique organisationnel sur la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse produit par l'ancienne sous-ministre Lise Verreault le 15 décembre 2017."» Et la décision : «Étant donné que le rapport Verreault visé par votre demande a été produit pour le compte du cabinet de la ministre de la Justice, nous refusons d'y donner suite, suivant l'article 34 de la Loi sur l'accès...»

Alors, moi, quand j'ai la réponse de la demande d'accès à l'information, on me dit que le rapport a été produit et qu'on invoque l'article 34 de votre côté, et ce n'est pas la première fois. Alors, peut-être qu'il y a un rapport préliminaire, mais, à ce moment-là, il y avait un rapport tout de même. Alors, il y a un manque de transparence depuis plusieurs années au sein du ministère de la Justice, puis il y a eu des employés du ministère de la Justice qui disaient qu'il y avait de la manipulation au sein même du cabinet. Alors, honnêtement, je suis déçu, encore une fois, de cette approche-là.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Auger) : Commentaire, Mme la ministre?

Mme Vallée : Oui, certainement. Dans un premier temps, là, notre collègue n'y va pas avec le dos de la main morte, comme on dirait. Mais, simplement, j'ai reçu un rapport préliminaire de Mme Verreault, effectivement, le 15 décembre. C'est un rapport préliminaire pour commentaire. Le rapport préliminaire n'était pas conforme au mandat et le rapport préliminaire a donné lieu à des rencontres additionnelles, ce n'était pas un rapport complet, d'où le fait que ce rapport n'était pas le rapport final. Le rapport préliminaire, par la suite, s'est retrouvé pris dans le dossier juridique qui a été entrepris en décembre par Me Thermitus, qui contestait, à l'époque, le processus mis en place par la Protectrice du citoyen. Bref, ce n'est pas un dossier qui a été simple. Mais, le rapport final, M. le Président, je l'ai reçu dimanche et je le remets à mes collègues à la première opportunité. Pourquoi? Parce que je souhaitais travailler en toute transparence, parce que je connais le souci que mes collègues portent envers cette institution-là.

Donc, j'ai reçu ce rapport-là dimanche, je le dépose ce matin à la Commission des institutions. Je dois vous dire, M. le Président, que je... c'est de bonne guerre, les accusations du collègue, mais, s'il y a quelqu'un qui a joué à visière levée au cours des quatre dernières années, c'est bien moi.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Je vais avoir des questions en matière criminelle et pénale. Alors, j'aimerais savoir, du côté des ressources, au niveau de la Directrice des poursuites criminelles et pénales, au niveau des ressources... on sait qu'on a investi des ressources au cours des dernières années. J'aimerais savoir, en termes de ressources, en termes de nombre de procureurs, est-ce que les ressources sont suffisantes pour traiter le volume de dossiers que vous avez annuellement. Parce qu'on se rappellera, dans le passé, qu'avant les compressions qui avaient été faites au DPCP, la compression de 4 millions qui avait été exigée par le Conseil du trésor, on nous avait dit : On est corrects, même avec les compressions. Et par la suite on a vu qu'il manquait des procureurs, donc on a réinvesti. Là, actuellement, avec le nombre de procureurs que vous avez, est-ce que c'est suffisant?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais permettre à Me Murphy de répondre, parce qu'elle est la directrice et elle a l'information, mais je vous dirais, M. le Président, que les ajouts qui ont été faits ont été faits pour nous permettre de répondre notamment aux paramètres de l'arrêt Jordan, qui n'étaient pas connus au moment où le collègue fait état des questions qu'il avait posées. Donc, c'était des crédits préalables à Jordan. Suite à Jordan, il y a eu un travail très, très, très minutieux d'effectué par l'équipe de Me Murphy, et je vais laisser Me Murphy répondre à la question, je ne présumerai pas de sa réponse.

Le Président (M. Auger) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Oui, M. le Président. Alors, effectivement, au moment où on nous a demandé d'évaluer... je reviens à l'époque de l'automne 2016, on nous a demandé d'évaluer nos effectifs et de faire une proposition, donc nous avons fait une proposition, et nous avons eu les ressources que nous avons demandées. Et je pense avoir déjà répondu que, bon, au niveau des ressources procureurs, nous avions demandé 69, ce que nous avons obtenu, et, au niveau des ressources administratives, qui sont aussi fort importantes pour le DPCP, parce que... Bon, je reviens peut-être à l'époque du rapport Dicaire, donc en 2011-2012, on faisait état d'une problématique à l'effet que les procureurs devaient faire une multitude de gestes administratifs qui évidemment faisaient en sorte que les procureurs étaient moins concentrés sur leur travail...

Le Président (M. Auger) : Je vais permettre la prochaine question au député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Alors, merci, M. le Président. Donc, ce que je comprends, c'est qu'au niveau du soutien administratif et au niveau des procureurs ça va, actuellement, il n'y a pas de besoin au niveau du DPCP.

Mme Murphy (Annick) : Bien, c'est-à-dire, oui...

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vais juste vous poser une sous-question. Dans l'enveloppe globale du budget, est-ce que ça arrive que vous manquiez de ressources en termes d'expertise, supposons, quand il faut aller à l'externe puis il faut avoir un expert à la Cour? Parce qu'on voit, en matière criminelle et pénale, et la population le voit souvent, dans les dossiers où il arrive des événements malheureux, souvent on va plaider les troubles mentaux ou la perte de contact avec la réalité, ou quoi que ce soit, et là il y a des expertises psychiatriques qui sont en jeu, et là, bon, la défense va chercher ses expertises, et la couronne aussi. Est-ce qu'il y a eu une problématique, en termes d'aller rechercher de l'expertise psychiatrique, au DPCP? Est-ce que vous avez toutes les ressources? Un procureur, là, qui a un dossier où il a besoin de faire une expertise psychiatrique, est-ce qu'il y a des limitations pour aller chercher une expertise psychiatrique?

Mme Murphy (Annick) : Absolument, oui, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre ou Me Murphy?

Mme Vallée : Je vais laisser la parole à Me Murphy.

Le Président (M. Auger) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, nous n'avons absolument aucun problème pour recruter des experts, et on ne m'a pas fait état de problématique jusqu'à maintenant. Alors, le seul élément, c'était sur le plan de la rémunération de ces experts-là, et, à chaque fois que la situation se présente, nous accordons une dérogation au niveau de la rémunération. Donc, il n'y a absolument aucun problème relativement à cette question-là.

Le Président (M. Auger) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : O.K. Il y a une procureure, le cas de Me Dagenais, qui avait écrit à un juge et qui disait : Écoutez, moi, je n'ai pas les ressources pour aller chercher l'expertise en matière psychiatrique; je ne me bats pas nécessairement à armes égales. Je paraphrase un peu. Et donc la procureure a été suspendue. Dans un cas comme celui-là, qu'est-ce que le DPCP fait?

Mme Murphy (Annick) : Si vous me permettez, M. le Président, ce dossier-là est à la Commission de la fonction publique présentement. Nous sommes en cause pendante, si on veut, nous serons en audition dans la commission dans les prochaines semaines. Je vais réserver les commentaires du Directeur des poursuites criminelles et pénales sur cette question-là.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Mais donc on comprend, la réponse générale, qu'il n'y a pas de problème d'expertise?

Mme Murphy (Annick) : Il n'y a pas de problème d'expertise au DPCP.

M. Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que vous avez une politique de lutte contre le harcèlement au DPCP?

Mme Murphy (Annick) : Nous avons une politique, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur le plan... Tout à l'heure, vous avez dit : Les procureurs, lorsqu'ils font l'étude du dossier, souvent ils font l'assistance au niveau des policiers pour les conseiller dans leurs interventions dans l'enquête. Vous avez dit tout à l'heure : Bon, les procureurs, ils voient l'arbre, mais c'est rare qu'ils voient la forêt au complet au niveau des dossiers d'enquête. Moi, je pensais que, supposons, en matière de lutte contre le crime organisé, il y avait des procureurs dédiés avec les équipes d'enquête, qui les accompagnaient tout au long du processus. Est-ce que c'est encore comme ça ou ça a changé, puis maintenant ils travaillent en silo? Parce qu'exemple, dans le dossier des mégaprocès, bien, on a vu qu'il y a eu certaines difficultés. Alors, est-ce que le DPCP travaille vraiment de façon conjointe avec les corps de police? Parce qu'il faut que ces dossiers-là aboutissent, puis qu'il y ait des condamnations, puis qu'il n'y ait pas des arrêts des procédures.

Le Président (M. Auger) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Oui, M. le Président. Donc, comme je le disais précédemment, je pense qu'il y a... c'est important de mentionner qu'il y a une démarcation importante entre l'enquête policière, ce sont les policiers qui mènent l'enquête, et l'étude des dossiers que le Directeur des poursuites criminelles et pénales pourrait faire.

Je pense aussi important de démystifier qu'est-ce que le conseil en enquête. Et je ne veux pas faire une mauvaise blague, mais nous ne sommes pas ici dans un processus de District 31, là. Les procureurs... non, mais les procureurs ne sont pas dans les postes de police à accompagner les policiers dans le cadre de leurs enquêtes. Les policiers font leurs enquêtes et, lorsqu'ils le désirent, ils font appel à nos services.

En matière de mégaprocès, comment ça fonctionne, de façon générale, il y aura toujours des exceptions, il y a un guichet unique, d'abord, en matière de criminalité organisée, les policiers doivent remplir des formulaires, soumettre les formulaires au bureau... c'est-à-dire au guichet unique. Ce guichet unique, en fait, ce que c'est, c'est cinq procureurs-chefs adjoints de différents bureaux qui reçoivent les demandes des policiers et qui vont décider à quel endroit sera étudié ce dossier-là ou le conseil sera donné. Alors, il se peut qu'ils décident que c'est un dossier qui aille au bureau de la grande criminalité ou dans un bureau régional, et, à ce moment-là, le procureur en chef va déterminer qui de ses procureurs répondra aux policiers lorsqu'ils seront en conseil.

Le Président (M. Auger) : Une prochaine question. Député de Borduas, il reste deux minutes à l'échange.

M. Jolin-Barrette : Oui, bien, généralement, lorsqu'il y a une enquête, souvent il y a une demande intentée qui suit dans les semaines, dans les mois suivants...

• (11 h 20) •

Mme Murphy (Annick) : Si vous me permettez, M. le Président, ce n'est pas exact. Il y a des enquêtes policières qui durent des années, pour lesquelles nous n'avons pas de demande d'intenter des procédures, et ça, je pense que c'est important de démystifier tout ça pour le DPCP. Et je sais que, souvent, on a l'impression, et c'est normal, que ce soit chez les journalistes, les parlementaires ou chez le citoyen, qu'à partir du moment où les policiers sont en enquête et qu'ils demandent conseil au DPCP, c'est que le DPCP a le dossier pour étude. Je le répète, ce n'est pas exact. Dans la majorité de nos dossiers pour lesquels nous sommes en enquête précédemment, et je n'irai pas dans le détail parce que c'est quand même de l'information confidentielle, nous n'avons pas de demande d'intenter des procédures.

M. Jolin-Barrette : Dans le cas que vous soulevez, généralement il n'y a pas d'arrestation par le corps de police.

Mme Murphy (Annick) : Pardon?

M. Jolin-Barrette : Dans le cas que vous soulevez, il n'y a pas d'arrestation.

Mme Murphy (Annick) : Bien, qu'il y ait eu des arrestations ou qu'il n'y ait pas eu d'arrestation...

M. Jolin-Barrette : Ou, non, ça, ce n'est pas pertinent.

Le Président (M. Auger) : ... s'il vous plaît! Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Alors, qu'il y ait eu des arrestations ou pas d'arrestation, quand les policiers sont en cours d'enquête, il n'y a pas de demande d'intenter des procédures. La demande d'intenter des procédures nous sera déposée au moment où l'enquête sera terminée et au moment où les policiers seront prêts à porter des accusations.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes, dernière question très rapide.

M. Jolin-Barrette : Oui. Est-ce que le DPCP a été... a fait l'objet d'une sollicitation de conseil lorsqu'on a arrêté le député de Chomedey? Et, si oui, avez-vous reçu une demande d'intenter contre le député de Chomedey?

Mme Murphy (Annick) : Bon. Nous n'avons pas de demande d'intenter des procédures relativement au député de Chomedey, et...

M. Jolin-Barrette : Ou de donner des conseils relativement à l'arrestation?

Le Président (M. Auger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions pour ce bloc d'échange. Nous allons poursuivre avec le deuxième bloc du gouvernement pour 21 min 30 s. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, M. le Président, je veux juste reprendre la balle au bond puis permettre à Me Murphy de répondre à la dernière question, qui était ma dernière question également que je voulais poser dans le bloc précédent, puis vous avez bien fait de nous dire que ce n'était plus notre temps.

Dans ce cas-là ou dans tous les autres cas, arrive-t-il que le DPCP, que les procureurs de la couronne conseillent des corps de police dans des procédures qui visent à obtenir de la preuve via des recours judiciaires?

Le Président (M. Auger) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Vous entendez par là... Je ne suis pas certaine de votre question.

M. Tanguay : Requête pour obtenir de la preuve qui serait déposée. Est-ce que les procureurs agissent comme conseillers juridiques lorsque des corps policiers tentent d'obtenir de la preuve?

Mme Murphy (Annick) : Bien, il arrive, par exemple, on donne toujours l'exemple des requêtes Lavallée, il arrive, par exemple... Lorsque les policiers ont perquisitionné et que, dans la perquisition, il pourrait y avoir des privilèges avocat-client, par exemple, il y a ce qu'on appelle des procédures de type Lavallée où un juge devra déterminer ce qui n'est pas privilégié, ce qui est privilégié, effectivement. Nous sommes, à ce moment-là, ce que nous appelons en assistance. Alors, on fait du conseil et assistance auprès des corps de police.

Et, lorsque nous allons ou nous nous présentons devant la cour, alors que le dossier n'est pas autorisé, comme par exemple dans le cadre d'une requête Lavallée, nous sommes en assistance auprès des corps de police. Mais, je le répète, les policiers conduisent leurs enquêtes, ce sont les policiers qui décident de ce qu'ils veulent faire ou ne pas faire.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Trois-Rivières.

M. Girard : Merci, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. le Président, saluer également mes collègues de Joliette, de Borduas, de l'autre côté, ainsi que de Saint-François et de LaFontaine, de ce côté-ci, saluer la ministre et toute l'équipe. On sait que l'étude des crédits, c'est un travail fastidieux, un travail ardu pour l'équipe, la préparation, et tout. Donc, bravo d'être ici avec nous aujourd'hui et d'avoir préparé cette commission parlementaire pour l'étude des crédits suite au budget de 2018!

M. le Président, je ne suis pas un membre permanent, je ne suis pas un membre permanent de cette commission, je suis plutôt dans les commissions à vocation économique, mon expérience étant dans le milieu financier, par rapport à certains collègues qui sont ici et qui ont une formation d'avocat, une formation en droit ou sont membres du Barreau. De mon côté, j'ai une formation en finance, je suis planificateur financier et courtier représentant l'épargne collective. Donc, je suis dans un tout autre registre.

Une voix : ...

M. Girard : Merci beaucoup. Par contre, je suis un député de région, député de Trois-Rivières, dans la région de la Mauricie, une région que vous connaissez très bien, M. le Président, et je suis un député de terrain, qui rencontre souvent des citoyens sur le terrain, qui est très impliqué dans sa communauté, qui est très près de son monde. Et, pour plusieurs citoyens, pour l'ensemble de la population, la justice, c'est compliqué, ce n'est pas facile de s'y retrouver, ce n'est pas facile de pouvoir avoir les conseils, savoir comment s'y prendre, comment faire des recours, etc.

On sait, dans la région de Trois-Rivières... C'est une région qui en a arraché par le passé. On est une région qui a été mono-industrielle pendant plusieurs années, des moulins de papier. Il y a eu beaucoup de fermetures, nous sommes en diversification économique, mais ce qui nous a créé des périodes de chômage très importantes, beaucoup de pertes d'emploi dans la région dans les années passées. On garde encore certaines cicatrices, certaines traces de cette période plus difficile dans la région de Trois-Rivières et de la Mauricie. Et, encore aujourd'hui, nous avons des niveaux de pauvreté assez importants dans certains secteurs de la ville, dans certains secteurs... dans les premiers quartiers de la ville. Nous avons des gens vulnérables, des niveaux de pauvreté importants. Également, à Trois-Rivières, chez nos citoyens, ce que l'on note, c'est une statistique formelle de Statistique Canada : la région de Trois-Rivières est la région la plus vieille au Canada. Nous sommes l'endroit où nous avons le plus d'aînés de 65 ans et plus au prorata de la population.

Donc, je disais tout à l'heure, la justice, c'est quand même compliqué. Mais, quand nous avons des gens en situation de pauvreté, avec moins d'éducation, des aînés, des aînés qui peuvent avoir des problèmes cognitifs, des aînés qui n'ont pas toujours des gens autour d'eux pour les soutenir, pour leur donner un coup de main, donc ce sont des gens qui ont de la difficulté à se retrouver avec le système de justice et des gens pour lesquels nous devons travailler, nous devons trouver des façons de pouvoir leur venir en aide quand ces gens-là vont avoir besoin d'avoir accès à notre système de justice.

Donc, Mme la ministre, je vais vous amener sur les centres de justice de proximité, qui ont pour mission d'offrir des services d'information juridique gratuits à l'ensemble de la population un peu partout au Québec. Donc, avec le préambule que j'ai fait, on comprend pourquoi c'est important pour moi, dans la région de Trois-Rivières et de la Mauricie, ce genre de services pour une population qui en a grandement besoin.

Je me suis permis d'aller sur Internet pour aller voir qu'est-ce que les centres de justice de proximité peuvent offrir à nos gens et je vais me permettre, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, d'expliquer un petit peu ce que sont les centres de justice de proximité. Donc, c'est des centres qui ont pour mission de promouvoir l'accès à la justice en favorisant la participation des citoyennes et des citoyens par des services d'information, de soutien et d'orientation offerts en complémentarité avec les ressources existantes. Les centres de justice de proximité veulent être un lieu reconnu d'information juridique, un lieu de référence, un lieu qui va être proche des citoyennes et des citoyens, qui vise à rendre la justice plus accessible et accroître la confiance des gens envers le système judiciaire au Québec.

Donc, les centres de justice de proximité offrent des services qui sont gratuits, bien sûr, qui sont confidentiels, des services d'information juridique à tous les citoyens, quels que soient leurs revenus, quelle que soit la nature des problèmes juridiques, quels que soient les problèmes rencontrés. Ils offrent notamment des services d'information juridique qui vont permettre aux citoyens de comprendre les diverses réalités juridiques auxquelles ils peuvent faire face dans leur vie quotidienne, afin de pouvoir réagir de façon avisée. Ils vont également orienter les citoyens vers les différentes ressources juridiques qui sont disponibles, que ce soit communautaire ou autres, afin qu'ils puissent choisir le service qui correspond à leurs besoins. Ils vont également offrir des services de soutien aux citoyens en accompagnement dans l'établissement de leurs besoins d'ordre juridique, leur expliquer les options possibles pour répondre à leurs besoins, vont aider les citoyens pour choisir les différents formulaires, de nature juridique, qui sont appropriés, remplir des formulaires, des explications, aider à compléter avec eux de façon adéquate...

On a des gens, dans certains secteurs, principalement chez nous, dans certaines régions un petit peu plus... qui ont des problèmes de pauvreté ou des problèmes de santé mentale, on le disait tout à l'heure, ou des aînés. Ils ont des besoins, et ces centres-là vont pouvoir aider les gens. J'ai certains exemples. Un propriétaire, en conflit avec son voisin, qui se demande est-ce qu'il y a une médiation qui pourrait l'aider à régler son problème. Un locataire qui désire savoir si la loi permet à son propriétaire de refuser qu'il sous-loue son logement, il s'en va à l'étranger pendant plusieurs mois, plusieurs années. Un citoyen qui souhaite savoir si la division des Petites créances est un forum approprié pour réclamer des sommes qui auraient été non payées en vertu d'un contrat, par exemple. Une personne âgée qui souhaite connaître davantage pourquoi opter pour un testament notarié. Quels sont les avantages d'un testament notarié? Un père ou une mère monoparentale qui souhaite obtenir de l'information sur la révision d'une pension alimentaire. On sait qu'on a plusieurs familles monoparentales au Québec. La pension alimentaire est un défi pour ces gens-là.

• (11 h 30) •

Donc, il y a des cas où les gens ont des besoins. Comment annuler une pension alimentaire pour un enfant qui est devenu majeur, par exemple? Comment faire exécuter un jugement? On est allés aux Petites Créances, on a un jugement, et comment on va pouvoir le faire exécuter? Quelqu'un qui a perdu son emploi, il veut savoir quels sont ses droits. Est ce qu'il y a des recours? Des problèmes de voisins, dans quelques situations concernant des problématiques où les gens vont vouloir avoir des informations et ne savent pas où s'adresser, ne savent pas comment le système juridique peut les aider.

Donc, les Centres de justice de proximité ont vu le jour grâce à un projet pilote en 2010, et par la suite ce projet pilote a permis de créer trois centres : Rimouski en septembre 2010, Québec en décembre 2010 et Montréal en mai 2011. Je veux mentionner que ces centres, bon, sont en partenariat, bien sûr, avec le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, le ministère de la Justice, etc. Et également on sait que le projet pilote des centres de justice de proximité a été couronné de succès parce que, suite au projet pilote, on s'est rendu compte que, oui, il y a des gens qui ont des besoins importants et que ces centres vont répondre aux besoins de ces gens-là.

Et ensuite il y a des centres qui ont été implantés dans le Bas-Saint-Laurent, la Capitale-Nationale, au niveau du Grand Montréal, qui ont reçu l'aval de la ministre de la Justice pour pouvoir continuer à faire des activités de façon permanente. Chose à mentionner, c'est que ces centres-là sont subventionnés par le Fonds d'Accès Justice, et il y a un déploiement, un déploiement qui a débuté en octobre 2013, pour doter l'ensemble des régions du Québec de centres de justice de proximité. Donc, des appels de projets ont été lancés par le ministère de la Justice, et, grâce à la mobilisation des acteurs, que ce soit juridique, communautaire, de plusieurs régions, bien, on a un peu partout au Québec des centres qui ont été implantés : en Outaouais en septembre 2014, en Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine en novembre 2014, Saguenay—Lac-Saint-Jean en février 2015.

Décembre 2016, l'annonce d'un futur déploiement de deux nouveaux centres : la région de la Montérégie et le Nunavik. Et bien sûr — j'arrive à ma question, Mme la ministre — nous avons entendu parler récemment que la Mauricie va avoir son centre... son réseau et son centre de justice de proximité, en Mauricie, dans la région de Trois-Rivières, donc, une région qui en a grandement besoin. Et j'ai même vu sur Internet, dans les offres d'emploi dans la région de Trois-Rivières, qu'on recherche un directeur ou une directrice du centre de justice de proximité. Donc, j'ai vu l'offre d'emploi. Donc, non seulement c'est bien pour les gens qui vont en avoir besoin, ça va créer de l'emploi à Trois-Rivières et en Mauricie.

Donc, Mme la ministre, j'aimerais que vous me parliez un petit peu plus de ces centres, bien sûr, en Mauricie. Quel va être l'impact positif pour une région comme la nôtre? Mais également quel est l'impact de ces centres-là, et quels sont vraiment les résultats que l'on peut mesurer dans les différentes régions du Québec, et comment on aide vraiment les citoyens qui en ont grandement besoin grâce à ces centres?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, mon collègue m'informe d'une offre d'emploi. Je ne sais pas si je dois le prendre comme étant une suggestion pour l'après-mandat, mais je vous dirais que les Centres de justice de proximité, c'est une belle réalisation, puis je pense que ce déploiement-là sur le territoire vient, comme notre collègue nous l'exprimait, répondre à un besoin des citoyens. Parce qu'il est vrai que le système de justice peut être extrêmement intimidant pour le citoyen, puis ce n'est pas toujours facile de s'y retrouver lorsqu'on n'a pas la formation juridique. Donc, c'était l'objectif lorsqu'on a décidé d'aller de l'avant avec les Centres de justice de proximité, dès 2011-2012, l'objectif, c'était de permettre un meilleur accès à la justice au citoyen par la diffusion d'information, par les services, par le déploiement de services d'information gratuits partout sur le territoire.

Donc, il y a, en date de la dernière année, 2,6 millions de dollars qui sont consacrés au déploiement des centres de service de justice... pardon, des centres de justice de proximité sur le territoire. Et on a réalisé au fil des ans, parce qu'il y a eu un sondage qui a été effectué, que les utilisateurs des centres de service... des centres de justice de proximité sont satisfaits à plus de 80 % des services qu'ils y retrouvent. Alors, ça, ce n'est quand même pas rien.

Au cours de l'année, entre le 1er avril 2017 puis le 28 février dernier, on a traité, dans les différents centres, plus de 18 245 demandes. C'est des demandes tout aussi variées que les exemples qui nous ont été énumérés par notre collègue. Et on a aussi donné... dispensé des séances d'information de groupe. Puis la beauté de la chose, c'est que les Centres de justice de proximité vont aussi, oui, offrir des services d'information juridique gratuits, qui généralement sont les mêmes, mais vont aussi, au sein même de leur centre régional, parfois développer des initiatives qui sont en lien avec les besoins spécifiques de la région.

Je pense au Centre de justice de proximité de la Montérégie, qu'on a inauguré l'automne dernier. C'est un centre de justice de proximité où on va miser beaucoup sur les PRD, sur la résolution de conflits, sur les modes alternatifs de règlement des différends. Donc, on va vraiment miser sur la médiation, sur la conciliation. Pourquoi? Parce qu'on retrouve à proximité l'Université de Sherbrooke qui offre une maîtrise en la matière. Donc, on va allier les connaissances, les spécificités régionales au centre pour offrir des services à la clientèle locale, qui, par la suite, pourront peut-être inspirer les autres centres de justice de proximité.

Le Centre de justice de proximité de la Côte-Nord aura une préoccupation toute particulière quant à la desserte des clientèles autochtones sur le territoire. Des centres de justice de proximité comme celui de l'Outaouais, au cours de la dernière année, ont été mis à contribution pour aider les sinistrés des inondations. Alors, grâce à l'initiative de Me Véronic Boyer et des équipes de l'aide des centres communautaires juridiques, les équipes du centre de justice de proximité se sont déployées sur le territoire, ils sont allés à la rencontre des citoyens qui avaient des questions de base quant à leurs assurances, des citoyens qui étaient vraiment démunis face aux enjeux juridiques qui se présentaient envers eux suite aux inondations.

Donc, je vous dirais que chaque centre a quand même la possibilité d'offrir des services particularisés et personnalisés. Les centres vont aussi s'assurer de desservir le territoire. Donc, les Centres de justice de proximité... Par exemple, le centre de justice de proximité qui sera établi en Mauricie, c'est un centre de justice de proximité qui a comme objectif de desservir la totalité de la clientèle de la Mauricie, donc de trouver une façon... il devra déployer une façon de rejoindre cette clientèle-là sur l'immense territoire qu'est le territoire de la Mauricie. Et je suis persuadée qu'ils vont déployer leurs services d'une façon fort originale. Alors, c'est un service qui est important, c'est un service qui s'ajoute aux autres mesures mises de l'avant pour miser sur l'accessibilité à la justice.

J'écoutais notre collègue, lorsqu'il a amorcé sa question, il nous disait : Les citoyens de ma circonscription ont vécu de dures épreuves au cours des dernières années, le revenu moyen est quand même... s'est vu affaibli, on a des gens qui ont une situation économique précaire, les aînés. Mais n'oublions pas qu'en plus de l'accès à des services d'information juridique gratuits qui seront déployés par le Centre de justice de proximité, les citoyens de la Mauricie ont aussi accès à un seuil d'éligibilité de l'aide juridique qui a été haussé et qui sera également haussé au cours des prochains mois. Parce qu'aujourd'hui, M. le Président, le salaire minimum passe de 11,25 $ à 12 $ l'heure, et, tel que nous l'avions prévu, l'aide juridique, le seuil d'admissibilité à l'aide juridique est maintenant indexé. Alors, à partir des prochains mois, bien, les gens travaillant au salaire minimum vont aussi avoir accès à l'aide juridique.

Donc, lorsqu'on additionne l'ensemble de ces mesures-là, on voit vraiment une réelle volonté de mieux rejoindre les citoyens du comté de notre collègue puis les citoyens de l'ensemble des régions. Parce que l'accès à la justice, c'est une question économique, on doit le voir de cette façon-là, on doit le voir aussi sous l'angle de la capacité du citoyen de comprendre la problématique à laquelle il fait face. Et il y a aussi un accès sur le territoire. Moi, j'y tiens beaucoup. Ayant pratiqué en région, ayant pratiqué à Maniwaki pendant 12 ans, je dois vous dire que, pour moi, l'accessibilité à des services en milieu rural... peu importe où on est sur le territoire, dans le Grand Nord comme à Montréal ou Québec, on doit pouvoir avoir accès à une justice de proximité puis une justice que l'on comprend. Donc, les efforts sont déployés dans ce sens-là.

Et, dans le projet de la transformation, la semaine dernière, que j'ai annoncé, il y a un élément additionnel qui s'ajoute à ça. Nous souhaitons développer une plateforme, une plateforme numérique qui va permettre aussi d'outiller le citoyen à travers tous ces dédales-là. Donc, lorsqu'on fera la somme de tout ça, d'ici cinq ans, l'accès à la justice aura été grandement amélioré par la somme de nos actions.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Auger) : Merci. 2 min 30 s, M. le député de Trois-Rivières.

M. Girard : Merci beaucoup. Mme la ministre, l'offre d'emploi, c'était juste pour mentionner qu'on crée en plus de l'emploi en Mauricie, et l'affichage s'arrêtait le 1er mai, donc c'est probablement déjà comblé. Mais, si vous voulez venir vous établir à Trois-Rivières, dans la région de la Mauricie, vous êtes la bienvenue, on va vous accueillir à bras ouverts.

Donc, il ne reste plus beaucoup de temps, mais, en tout cas, si c'est possible, dans un court laps de temps... L'accessibilité, pour moi, c'est important. Et je voulais vous parler du Programme d'aide financière pour favoriser l'accès à la justice. Donc, oui, on a les Centres de justice de proximité, mais on a des organismes, il y a beaucoup d'organismes qui mettent des projets en place, qui donnent un coup de main dans les régions du Québec pour pouvoir mettre en place des programmes, des programmes qui vont aider l'accès à la justice, des programmes qui sont financés, bien sûr, par le ministère. Et ces organismes-là sont dans plein de régions à travers le Québec. Il y a des appels à projets, ils vont lancer des projets. Entre autres, on sait que, pour l'année dernière, la prévention et le règlement des différends, les PRD, étaient une des priorités de cet appel d'offres, et les clientèles vivant des enjeux particuliers en matière d'accès à la justice. Donc, on veut vraiment... on sent, avec les projets que l'on a, qu'on veut favoriser vraiment un accès à la justice, vous l'avez bien mentionné, pour des personnes marginalisées, pour des problèmes de santé mentale, les autochtones, etc.

Donc, peut-être dans la minute et quelques qui va nous rester : Comment le Programme d'aide financière pour favoriser l'accès à la justice est mis en place? Et comment les organismes peuvent mettre en place les différents projets? Et ça apporte quoi à nos citoyens, ce genre de projets là, avec nos organismes sur le terrain?

Le Président (M. Auger) : Dans la dernière minute, Mme la ministre.

Mme Vallée : C'est un appel à projets qui est lancé annuellement, qui permet aux organismes communautaires intéressés de déposer leurs demandes de financement. Il y a un comité indépendant qui évalue les demandes qui sont présentées et qui me font leurs recommandations une fois l'étude des projets terminée. Des projets très diversifiés, au cours de l'année dernière, on touche les clientèles itinérantes, les clientèles autochtones, les femmes détenues, l'accompagnement des citoyens. Et ce sont des projets qui sont répartis sur l'ensemble du territoire. Parce que, je l'ai mentionné, c'est très important pour moi qu'on puisse avoir des initiatives d'accès à la justice un peu partout sur le territoire du Québec. Alors, des sommes quand même importantes qui y sont consenties, et nous avons investi...

Le Président (M. Auger) : Merci, Mme la ministre.

Mme Vallée : Ah!

Le Président (M. Auger) : Désolé, c'est tout le temps que nous avions. Nous allons maintenant poursuivre avec le deuxième bloc de l'opposition officielle. Mme la députée de Joliette, pour 17 minutes.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, j'ai parcouru le rapport qui a été remis, donc, par l'experte, la vérificatrice externe, Mme Verreault, concernant la situation qui prévaut à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, que la ministre nous a soumis ce matin. Je vais me permettre d'en lire quelques extraits parce que les constats sont très durs.

Donc, à la page 6, on nous dit : «Les allégations soulevées contre la présidente ont souvent rapport à des comportements contraires à l'éthique, à l'utilisation d'un langage inapproprié et à l'adoption d'attitudes irrespectueuses.» Par la suite : «...le style de gestion de la présidente a tendance à créer de la résistance et de la démobilisation parmi le personnel.»

À la page 7 : «À cela s'ajoute une perte de confiance du personnel à l'égard de la personne de la présidente auquel il ne paraît pas envisageable de remédier dans un proche avenir.»

À la page 9 : «...le style de gestion de la présidente a engendré une perte de confiance du personnel envers elle et une montée de l'hostilité à son égard. Cela fait en sorte qu'à ce jour la présidente ne jouit d'aucun pouvoir mobilisateur au sein de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.»

Et finalement, dans les conclusions, recommandations, on nous dit, à la page 17 : «Dans le cas présent, la présidente, qui possède une excellente réputation en droit et de grandes compétences juridiques, ne nous a pas démontré, par ses actions depuis son entrée en fonction, qu'elle a la capacité et les compétences managériales pour réaliser ces changements importants et redresser la situation. Elle ne pourra, selon nous, développer suffisamment rapidement les compétences de gestion nécessaires aux changements structurants que la [commission] a urgemment besoin.» Et elle recommande «que le poste [de] la présidence soit occupé avant tout par un gestionnaire chevronné».

Donc, à la lumière de ces conclusions très dures, je dois vous dire, M. le Président, que, de notre côté... et à la lumière, bien sûr, de tout ce qui a filtré et de ce qu'on a pu lire, voir et constater, au cours des derniers mois, de l'attitude de la présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de notre côté, nous ne pouvons plus avoir confiance dans la capacité de Me Thermitus d'être à la présidence de la commission et nous jugeons qu'elle doit démissionner. Alors, je voulais savoir si la ministre a également perdu cette confiance dans la présidente et si elle juge également qu'elle doit quitter ses fonctions.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, je pense que le rapport est effectivement un rapport qui met en lumière des difficultés énormes au sein de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, des difficultés qui ne sont pas que le fait d'une seule et unique personne. Là, je pense qu'on doit aussi le voir de cette façon-là, il y a une problématique importante à l'interne, et on nous la décrit.

Pour ce qui est des commentaires, je pense qu'il faut aussi se rapporter au rapport de Mme Verreault. Notre collègue cite certains extraits où il est question du mécontentement généralisé. Mais il est important aussi de lire le paragraphe dans son entièreté. Et Mme Verreault dit ce qui... écrit ce qui suit : «...nous nous sommes abstenus de recueillir la version des faits de la présidente sur ces allégations et, de ce fait, nous ne nous prononçons pas sur leur bien-fondé. Bien que le style de gestion du vice-président à la jeunesse ait aussi fait l'objet de commentaires négatifs d'un autre ordre, son départ a pour effet que nous nous abstenons d'en traiter dans le présent rapport.» Il est également question du rapport qui... ou de l'enquête qui a cours actuellement aussi, qui est faite par la Protectrice du citoyen, en lien à des plaintes qui auraient été logées l'été dernier à la Protectrice du citoyen.

Donc, c'est certain qu'il y a une problématique, et il semble y avoir eu des dynamiques assez particulières à l'interne, c'est le moins qu'on puisse dire. Maintenant, moi, à court terme, ce qui me préoccupe grandement, et je l'ai dit lorsque j'ai fait le dépôt du rapport, c'est de m'assurer que la commission, d'une part, puisse mener à bien son mandat. La commission a une mission importante. La commission a été malmenée au cours des dernières années, que ce soit par l'opinion publique ou que ce soit aussi par le fait des crises à l'interne.

Le statut de la présidence ne relève pas que de moi, M. le Président, mais relève de l'Assemblée nationale. Alors, il serait malvenu pour moi de présumer d'une situation. Je pense que c'est l'Assemblée nationale qui devra se pencher sur cette question-là. Et c'est pourquoi, M. le Président, je vais déposer aussi, séance tenante, pour l'ensemble de nos collègues parlementaires, copie du rapport au salon bleu, préalablement à la période de questions. Parce que je souhaitais le transmettre et le partager avec les collègues de la Commission des institutions, mais on va le déposer aussi séance tenante. Et j'imagine que cette question fera l'objet de discussions au sein des différents caucus. Donc, je ne peux pas présumer, je ne peux pas moi-même dire : Voilà là où je loge. C'est une décision qui relève de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Auger) : Merci. Prochaine question, Mme la députée de Joliette, et je vous rappelle que j'équilibre le temps entre la question et la réponse. Mme la députée.

Mme Hivon : Oui. Je suis tout à fait d'accord que c'est une nomination qui relève de l'Assemblée nationale. Ceci dit, justement, comme membres de l'Assemblée nationale, nous pouvons, bien sûr, exprimer notre position quant à la confiance ou non que nous avons en la personne de la présidente de la commission. De notre côté, nous n'avons plus cette confiance-là. Et je pense que la ministre, à titre de ministre de la Justice, a tout à fait aussi le loisir et même l'obligation de nous dire aujourd'hui si elle, de son côté, elle maintient cette confiance-là. Et elle sait très bien que, si ce constat-là est partagé, nous pouvons agir très rapidement, au sein de l'Assemblée nationale, pour retirer cette confiance-là si Mme Thermitus ne souhaite pas démissionner elle-même.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

• (11 h 50) •

Mme Vallée : Vous savez, M. le Président, il y a aussi le rapport de la Protectrice du citoyen qui est attendu. Puis je dois vous avouer que ce rapport-là porte de façon plus précise sur des éléments soulevés dans le rapport de Mme Verreault, mais non explorés. Je crois que nous devons aussi... Je pense que ce rapport est important. Moi, à très court terme, ce qui me préoccupe, c'est d'assurer que le président par intérim ait ce qui est nécessaire pour pouvoir donner suite aux recommandations du rapport. Parce qu'il y a des recommandations à l'interne qui sont importantes, il y a une mobilisation des troupes qui est importante au niveau de la commission. Je sais qu'il y a des efforts qui ont été consacrés au cours des derniers mois. Et le président par intérim sera avec nous cet après-midi, donc il pourra vous donner davantage d'éclairage sur cette question-là.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Je n'ai aucune raison de douter des capacités et des compétences du président par intérim. Mais vous savez comme moi qu'il est arrivé, et tout de suite... Dans les circonstances très particulières que nous connaissons, avec l'absence de la présidente, avec le départ précipité du vice-président, il est arrivé tout de suite, il a été nommé président par intérim. À la lumière de ce que je lis ce matin, je constate que les défis sont énormes et je pense que ça, ça mérite d'avoir quelqu'un en poste, et non de manière intérimaire. Et je pense qu'il est clair que nous n'avons plus à attendre le rapport de la protectrice, bien qu'évidemment il va être pertinent pour voir l'ensemble de la réalité. Mais je pense qu'on ne peut plus attendre ce rapport-là, quand on sait très bien ce qui fait en sorte qu'il n'est toujours pas déposé, à quel point il y a eu des délais encourus par toutes sortes de circonstances et d'absence de collaboration. Alors, moi, ce que je lis ce matin fait en sorte que j'estime qu'il est de notre responsabilité d'agir, comme Assemblée nationale, dès maintenant.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, c'est clair qu'il y a une problématique sérieuse de gouvernance à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Ça va de soi. Et cette problématique de gouvernance là implique la présidente actuelle. Il y a des enjeux également de relations interpersonnelles, on peut le voir. On peut lire aussi entre les lignes. Quelles auraient été les conclusions, aussi, si les choses ne s'étaient pas bousculées? Je ne peux pas présumer. Mais il y avait aussi une problématique avec le vice-président qui a quitté dans d'autres circonstances, que nous connaissons tous.

À très, très court terme, moi, je veux soutenir l'institution. Et, comme je le mentionnais, le statut de la présidence ne relève pas que de ma décision, mais de notre décision collective. Donc, vous me permettrez... Puis je pense que, par respect pour nos collègues parlementaires, avant de dire : Voici la situation que nous devons prendre, il y aura des discussions à y avoir. Ce rapport est quand même assez élaboré. Nous devons aussi voir à combler le poste de vice-président à la jeunesse et y voir très rapidement. Je vous dirais, M. le Président, qu'à cet égard il y avait la volonté de combler le poste. La personne qui était pressentie a décliné hier, donc nous lancerons un appel de candidatures sur le site du premier ministre.

Le Président (M. Auger) : Merci. Mme la députée.

Mme Hivon : Alors, en conclusion sur ce sujet-là, pour l'instant, j'invite la ministre à avoir des discussions rapidement, évidemment, avec ses collègues. Et j'estime que c'est une discussion que nous devons avoir collectivement, très rapidement, par le biais, bien sûr, de la voix que nous exerçons ensemble comme Assemblée nationale, en ce qui a trait à cette nomination que nous avons faite et qui, dans notre optique, ne peut plus conserver la confiance de la Chambre.

J'aimerais, donc, revenir, pour les minutes qui me restent, à des questions qui relèvent de la ministre, mais de la Directrice des poursuites criminelles et pénales aussi. La semaine dernière, lorsque M. Lafrenière, donc, est venu aux auditions des crédits pour la Sécurité publique, il nous a parlé d'enquêtes qui étaient en cour et qui avaient été, donc, certaines, finalisées et transmises à la Directrice des poursuites criminelles et pénales. Donc, il y aurait quatre dossiers qui auraient été complétés, dont le travail aurait été complété, et qui ont été transférés pour dépôt d'accusation au DPCP : deux dossiers depuis juin 2017, un depuis novembre 2017 et un depuis février 2017, si j'ai bien compris. Alors, évidemment, j'aimerais savoir ce qu'il en est de ces dossiers, de la part de la Directrice des poursuites criminelles et pénales, parce qu'on comprend que ça fait près d'un an ou plus d'un an, dans certains cas, qu'ils sont entre vos mains, qu'il ne semble pas y avoir de complément d'enquête. Donc, qu'est-ce qu'il en est de ces dossiers-là? Quels sont ces dossiers? Et à quel moment des accusations sont... on anticipe de pouvoir déposer des accusations?

Et peut-être, avant, juste pour compléter la fin des échanges qui ont eu cours concernant notre collègue le député de Chomedey, est-ce que la directrice peut nous dire si... Elle nous a dit, donc, que le dossier ne lui avait pas été transféré pour dépôt d'accusation. Mais est-ce qu'elle peut nous dire si le DPCP collabore à l'enquête qui concerne le collègue de Chomedey et si, donc, des procureurs ont été associés ou sont toujours associés à ce dossier?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre. Mme la ministre? Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais céder la parole à Me Murphy.

Le Président (M. Auger) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Alors, M. le Président, je commencerais par la dernière question. Effectivement, nous confirmons que nous avons été en consultation, en fait, en conseil dans le dossier qui concerne le député de Chomedey. Cependant, compte tenu du secret professionnel qui existe dans nos rapports avec les policiers, je ne peux pas vous dire pour quelles raisons, quels étaient les conseils qui ont été demandés, à quelle date, ou autres renseignements. Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons agi en conseil auprès des policiers dans ce projet-là.

Mme Hivon : Et vous agissez toujours en conseil?

Mme Murphy (Annick) : Nous agissons toujours en conseil actuellement.

Mme Hivon : O.K. Est-ce que c'est vous qui êtes en lien avec les autorités de l'Assemblée nationale pour certains enjeux de nature juridique et de privilège parlementaire?

Mme Murphy (Annick) : Nos procureurs sont en discussion avec les avocats de l'Assemblée nationale, effectivement. Mais je désirerais ne plus ou ne pas discuter de ces éléments-là. Mais cet élément en particulier est connu publiquement.

Mme Hivon : Est-ce que... Je vais juste me permettre une...

Le Président (M. Auger) : Oui, allez-y.

Mme Hivon : Est-ce que vous avez été impliqués avant l'arrestation? Est-ce que vous avez agi en conseil avant l'arrestation?

Mme Murphy (Annick) : Nous avons agi en conseil auprès du corps de police, effectivement, depuis, vraisemblablement, le début de l'enquête.

Mme Hivon : Depuis le début de l'enquête. Très bien, merci. Et j'avais... les autres questions...

Le Président (M. Auger) : Oui?

Mme Hivon : ...à savoir, les quatre dossiers de l'UPAC que M. Lafrenière a dit qu'ils étaient complétés depuis un bon moment, donc, plus d'un an dans certains cas, un peu moins d'un an, et qui sont, donc, entre les mains maintenant du DPCP. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire pourquoi ces dossiers tardent à voir des accusations portées?

Mme Murphy (Annick) : En fait, M. le Président, je dirais qu'en principe je ne devrais pas avoir à répondre à ce genre de question parce que le processus décisionnel... Effectivement, il a été mentionné par M. Lafrenière que nous avions quatre dossiers, puis je ne lie pas... nie pas, pardon, cette information-là, mais le processus décisionnel, c'est au coeur de ma fonction, et donc je ne devrais pas avoir à répondre à ces questions-là. Ces questions-là donnent l'impression... peuvent donner l'impression, je dirais — je mets tous les gants blancs possibles — que nous allons décider sous le coup de la pression, sous le coup des questions qu'on nous pose. Et ça, ça a un impact sur la confiance des citoyens dans les décisions que nous pourrions prendre.

Mais, puisque M. Lafrenière a confirmé que quatre dossiers nous avaient été confiés, dans cette circonstance bien précise, j'aimerais ça clarifier de quoi il parle. En fait, il parle de dossiers pour lesquels l'UPAC nous a transmis une demande d'intenter des procédures, donc pour lesquels, en principe, l'enquête policière est terminée. Je ne veux pas entrer dans les détails.

Comme je le mentionnais ce matin, lorsque les enquêtes policières se terminent auprès des corps policiers, ça ne veut pas dire que nous, dans l'analyse, nous ne pourrions pas demander de l'information lorsqu'on constate qu'il nous manque de l'information. Alors, sans confirmer dans quels dossiers puis pour quelles raisons, je peux vous dire que nous avons, à l'étude des dossiers, demandé des compléments d'enquête. Ce sont, en général, des enquêtes d'envergure moyenne, dans ces cas-là, et il y a beaucoup de questions qui se posent aux corps de police. Je ne peux pas vous dire de quels dossiers, parce que vous m'avez posé la question de quoi il s'agit...

Le Président (M. Auger) : Désolé, c'est tout le temps que nous avions ce matin.

Mme Murphy (Annick) : Ah! D'accord.

Le Président (M. Auger) : Alors, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci beaucoup et bon dîner.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Auger) : Nous allons reprendre nos travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2018-2019.

Nous en serions donc rendus au troisième bloc d'échange avec le gouvernement pour 18 min 30 s. M. le député de Saint-François.

M. Hardy : Merci, M. le Président. Je tiens à saluer Mme la ministre et tous les gens qui l'accompagnent, les collègues du côté gouvernemental, et du côté de l'opposition officielle, et du deuxième groupe d'opposition.

Je vais vous parler aujourd'hui du programme d'adaptabilité. Ça fait que c'est un programme qui est très attendu. Le système de justice doit tenir compte des problèmes qui affectent le comportement des personnes les plus vulnérables de notre société. Pour ce faire, un changement de culture doit s'opérer auprès des différents intervenants touchés par ces problématiques. La concertation accrue des ministères concernés, non seulement en matière de troubles mentaux ou de déficience intellectuelle, mais aussi pour les contrevenants présentant des problèmes de toxicomanie et d'itinérance, constitue le meilleur moyen d'obtenir des résultats et d'en venir à réduire la récidive chronique et qu'on appelle aussi le syndrome des portes tournantes.

Déjà, des initiatives ont été prises au Québec afin de favoriser l'adaptabilité du système de justice aux personnes les plus vulnérables. Le ministère de la Justice du Québec est partie prenante de ces initiatives et favorise leur mise en place. Le ministère de la Justice doit développer les outils pour la mise en place des programmes, notamment par la modification législative appropriée. Il doit encourager le partage de ressources et de connaissances et favoriser l'optimisation des programmes déjà en place. En effet, à défaut d'avoir un système de justice adapté à leurs situations particulières, certains contrevenants seront généralement surreprésentés au sein de l'appareil judiciaire, en particulier en matière criminelle et pénale. Un programme d'adaptabilité est un programme pour lequel le système de justice est en mesure de tenir compte d'une clientèle particulière.

Et ça m'apporte ici à vous... M. le Président, à poser une question immédiatement à Mme la ministre : Quelles sont les clientèles visées par le programme d'adaptabilité?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ce programme d'adaptabilité, comme le mentionnait notre collègue, c'est un programme pour soutenir les personnes les plus vulnérables. Et il y a plusieurs profils à l'intérieur de ce grand vocable là, qui est «personnes vulnérables». On peut penser aux jeunes, on peut penser aux personnes en situation d'itinérance, on peut penser aux personnes qui ont des enjeux de santé mentale, aux toxicomanes, aux membres des communautés autochtones ou à une personne qui est en situation de pauvreté. Donc, c'est très vaste. Ce n'est pas limité à une catégorie propre.

On a d'autres programmes aussi qui vont venir s'adresser à des personnes qui sont impliquées dans le processus. On a des programmes particuliers pour les victimes, pour les familles des victimes, mais le programme d'adaptabilité, c'est vraiment... ça couvre un grand nombre de contrevenants, et puis l'objectif ultime, c'est de réhabiliter ces personnes-là, de leur permettre de réintégrer une vie que l'on considère plus normale, une façon d'interagir qui est plus conforme à la société. Parce que ces problématiques-là... On a des délinquants qui vont commettre des délits, mais, ces délits-là, quand on gratte un petit peu, la source de tout ça, la source de cette désorganisation-là, c'est une autre problématique ou c'est une situation particulière.

Donc, l'important, c'est d'intervenir à la base et de permettre aux gens de se réhabiliter. Donc, il y a quand même beaucoup de démarches, beaucoup d'efforts qui ont été consentis au fil des ans par le ministère de la Justice pour adapter les programmes aux clientèles puis pour permettre, dans la mesure du possible, de... permettre à des citoyens marginalisés de réintégrer une vie plus saine, plus calme, je vous dirais.

M. Hardy : Il y a déjà des actions qui ont été posées, Mme la ministre. Le 28 mars 2012, à l'initiative du ministère de la Justice du Québec, le Forum Justice et santé mentale, qui regroupe le MJQ, le MTESS, le MSSS, la Cour du Québec et les villes du Québec et de Montréal, a été mis sur pied. Il vise à permettre un traitement intégré des questions reliées à l'adaptabilité — je vais-tu venir qu'à l'avoir comme il faut rendu à... — du système de justice et de l'accompagnement de clientèles fragiles et vulnérables qui, confrontées à ce système, présentent des problèmes de troubles mentaux.

Le projet... ou un projet de stratégie nationale de concertation en justice et santé mentale a été proposé et soumis à la consultation des partenaires du Forum Justice et santé mentale. Le 20 janvier 2017, ce projet a reçu l'approbation du comité directeur du forum et, par la suite, a été soumis à l'approbation gouvernementale, de façon à être rendu public sous peu.

La mesure 18 du Plan d'action interministériel en itinérance 2015-2010, auquel le ministère de la Justice du Québec est partie prenante, prévoit que les ministères, des organismes impliqués doivent favoriser les solutions alternatives à la judiciarisation, multiplier les expériences novatrices en ce sens et les faire connaître.

Le ministère de la Justice du Québec est l'un des responsables de la mesure 18.7 qui vise à favoriser la mise en oeuvre du programme d'adaptabilité du système judiciaire et d'accompagnement pour les personnes en situation d'itinérance faisant l'objet de constats d'infraction ou d'accusation. Le ministère de la Justice siège sur les tables régionales multisectorielles en itinérance.

Mme la ministre, des programmes d'adaptabilité sont-ils en place dans toutes les régions du Québec?

• (15 h 20) •

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, il y a des programmes d'adaptabilité qui ont été mis en place, d'abord, dans différentes régions, là. On a les régions du Saguenay, en Estrie, à Sherbrooke plus particulièrement, à Trois-Rivières, à Laval. Il y a des tables régionales un petit peu partout à travers le Québec, et évidemment le ministère de la Justice va encourager la mise en place de programmes dans les différentes régions.

Et il y a un programme d'accompagnement qui existe, un programme d'accompagnement justice et santé mentale, qu'on appelle le PAJ-SM, et ce programme d'accompagnement là vise à réhabiliter les citoyens, un justiciable qui a un problème de santé mentale, pour favoriser l'intégration sociale puis éviter, évidemment, les risques de récidive. Le premier programme d'accompagnement justice et santé mentale, ou dans les premiers, je vous dirais, ont été mis en place en 2008. Donc, ça fait quand même une dizaine d'années qu'il y a une volonté d'accroître le développement de ces programmes-là un peu partout sur le territoire.

Donc, le premier, évidemment, a été mis en place à la cour municipale de la ville de Montréal, et ça prenait le vocable... on l'appelait le Tribunal de la santé mentale. C'est un programme qui a inspiré d'autres régions, qui s'est avéré être un franc succès, en fait. Et la ville de Québec a par la suite mis en place un programme similaire en 2013, qui s'appelait le programme IMPAC, donc Intervention multisectorielle et programmes d'adaptabilité... programmes d'accompagnement à la cour municipale. Donc, ça, ce programme-là, à la différence de Montréal, s'adresse aux contrevenants en situation d'itinérance puis aussi aux contrevenants qui ont un problème de santé mentale, parce que, bien souvent, on peut retrouver plus d'une problématique qui est présente.

Et il y a eu un volet criminel, parce qu'au départ on a plutôt adapté le volet au niveau pénal, il y a un volet criminel qui a été mis en place à partir du printemps 2014. Et puis là, bien, au fil... je vous dirais, au cours des trois dernières années, il y a quand même eu de bons développements pour la mise en place de programmes d'accompagnement en santé mentale. Alors, à la Cour du Québec de Saint-Jérôme en mai 2015, on a développé un programme similaire. En avril 2016, c'est Trois-Rivières qui s'est doté d'un programme. En septembre 2016, je me souviens avoir participé à la rentrée des tribunaux, et, à ce moment-là, en compagnie de nos collègues de Laval, on était présents pour la présentation de l'entente du programme qui a été mis en place là-bas. Mme la députée de Joliette sait sans doute qu'à Joliette un tel programme a été mis en place en février 2017; au Saguenay, également, en avril 2017; à Sherbrooke, en mai 2017; à Val-d'Or, en octobre 2017; et à Longueuil, également, en octobre 2017.

Et puis là il y a des discussions, qui sont toujours en cours, mais on a beaucoup de progrès qui ont été réalisés au cours de la dernière année dans les régions de l'Outaouais — donc, je regarde notre collègue de Chapleau qui est présent — et dans la région de New Carlisle, à Roberval, et il y a des démarches aussi en cours dans Chaudière-Appalaches et sur la Côte-Nord.

Donc, c'est vraiment un modèle, évidemment, qui fait boule de neige et qui s'adapte en fonction des réalités de chaque région puis suivant les intervenants, là, de la région. Mais évidemment, pour pouvoir aller de l'avant avec un programme comme ça, ça prend une mobilisation du milieu. On ne peut pas arriver avec ce programme-là s'il n'y a pas une mobilisation puis une concertation, tant de la part des intervenants du système de justice, donc magistrature, les avocats, le DPCP, les intervenants des CISSS aussi qui sont appelés à travailler en collaboration.

Donc, c'est toute une concertation qui permet de mettre en place des moyens pour les personnes qui ont des problématiques particulières. Et je vous avoue que les données que l'on peut consulter pour les endroits où on a mis en place ces programmes-là sont fort, fort intéressantes, et c'est très positif. Donc, on permet de sortir une clientèle... ou, en fait, de traiter de dossiers particuliers avec une clientèle qui a des besoins particuliers, et puis ça permet aussi de traiter ailleurs, dans d'autres salles, et à d'autres moments les dossiers réguliers.

Donc, il y a beaucoup... C'est gagnant-gagnant. C'est gagnant pour le système, mais c'est aussi et surtout gagnant pour les citoyens, les contribuables et aussi les victimes, parce que, si on empêche les risques de récidive parce qu'on a réussi à faire une intervention appropriée, bien, c'est toute la société qui en ressort gagnante.

Le Président (M. Auger) : 5 min 30 s, M. le député de Saint-François.

M. Hardy : Merci, Mme la ministre. Je tiens à souligner aussi que le ministère de la Justice du Québec finance, avec le CIUSSS de l'Estrie, un projet de recherche université pour l'évaluation du Programme d'accompagnement Justice‑Santé mentale. La contribution représente la moitié de 13 500 $. La recherche devrait être complétée à l'été 2018. Merci beaucoup.

Ensuite, on va parler de santé mentale, itinérance en matière pénale. Le projet d'intervention multisectorielle d'accompagnement à la cour municipale de la ville de Québec et le PAJIC de la ville de Montréal constituent notamment des programmes d'adaptabilité du système de justice pénale dans lesquels des personnes en situation de désaffiliation sociale peuvent bénéficier d'un traitement particulier de leurs dossiers d'infractions pénales. La décision d'intégrer une personne au programme revient au poursuivant. Plusieurs infractions, dont certaines ont fait l'objet de jugement, sont visées par la même démarche de réhabilitation.

 Mme la ministre, ma question est : Quelles infractions peuvent être visées par un programme d'adaptabilité en matière pénale?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : C'est certain que ce ne sont pas toutes les infractions qui sont visées, mais il y a quand même plusieurs infractions. D'abord, dans les infractions les plus communes pour ce type de clientèle là, on retrouve la mendicité, l'ivresse puis la consommation dans l'espace public, le bruit, le blasphème, l'émission de bruit, donc les infractions relatives à troubler la paix, l'utilisation du mobilier urbain, c'est-à-dire l'utilisation des bancs de parc, des différents... des structures de jeu, l'usage de titres de transport ou la falsification d'usage de titres de transport, le stationnement de véhicules. Il peut y avoir des infractions qui sont reliées au comportement du piéton ou des cyclistes et des comportements qui sont considérés comme des incivilités : cracher dans la rue, des bagarres, la possession de couteaux, puis je vous fais grâce d'autres infractions qu'on peut retrouver. Le refus, évidemment, d'obéir à un agent de la paix, le refus de circuler lorsqu'on nous demande de circuler, le fait de laisser traîner des déchets dans le domaine public, le fait de nuire à un préposé, par exemple, de la ville, de la municipalité, la présence dans un parc alors que les heures pour fréquenter ce parc-là sont limitées. Il y a parfois des infractions aussi relatives à la possession d'un animal, donc un animal qui n'est pas détenu en laisse ou un propriétaire qui n'a pas acquitté son immatriculation, son permis pour son chien. Alors, ce sont de ce type d'infractions là.

Puis je tiens à rappeler, M. le Président, puis là je vais faire mon petit laïus, et là ça, c'est destiné à tous ceux qui nous entendent, j'ai déposé le projet de loi n° 168 en décembre dernier, puis, dans le projet de loi n° 168, auquel je tiens beaucoup, il y a des mesures qui visent à venir consolider les assises juridiques de ces différents programmes là puis visent à faciliter la mise en oeuvre de ces programmes-là. Donc, je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de semaines de travaux parlementaires, mais ce serait tellement le fun de pouvoir l'étudier, ce projet de loi n° 168 là.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Auger) : Merci. 1 min 30 s.

M. Hardy : 1 min 30 s? Bien, je vais en profiter pour... Écoutez, Mme la ministre, le programme met à contribution divers ministères. Donc, la petite question bien simple : Quels ministères et organismes participent à ce programme?

Mme Vallée : Ah! écoutez, bien, évidemment, outre le ministère de la Justice, on retrouve évidemment l'équipe du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, évidemment le ministère de la Santé et des Services sociaux, parce que je vous parlais un petit peu plus tôt de la participation des équipes des CISSS ou des CIUSSS. Donc, ce sont les ministères impliqués de différentes façons auprès des clientèles vulnérables. Alors, on met en commun notre expertise. On travaille ensemble parce que, chacun en silo, ça ne donne pas grand résultats. Donc, on a réalisé que de mettre en commun notre expertise, nos connaissances, permet de réaliser des programmes qui sont au bénéfice de tous.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons poursuivre avec le deuxième bloc du deuxième groupe d'opposition pour 20 minutes. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Alors, si vous permettez, M. le Président, j'aimerais ça qu'on discute de Jordan, mais version criminelle, mais aussi version civile, les impacts que ça a eu sur le système de justice en matière civile, parce qu'on a beaucoup entendu le fait que les tribunaux s'étaient adaptés. Il y a des ressources qui ont été données de façon supplémentaire. Mais est-ce que ça a eu des conséquences sur les causes civiles? Parce qu'on a entendu... C'est qu'il y a des juges qui ont été déplacés au niveau civil. Alors, est-ce que vous avez des statistiques à l'effet de... Est-ce qu'il y a eu une augmentation en matière familiale, en matière des dossiers civils? Est-ce qu'il y a eu un alourdissement des dossiers?

Mme Vallée : En fait, je vais regarder si on a des statistiques officielles pour la Cour supérieure. Mais je sais et je peux dire, d'ores et déjà, pour avoir eu des échanges notamment avec le juge en chef... Évidemment, à Montréal, je dirais, précisément, là, il y a eu un effort qui a été fait par la Cour supérieure pour attitrer des juges aux dossiers criminels, parce qu'on le voyait ce matin, il y a des requêtes qui ont été déposées. Il y a quand même un nombre de dossiers important qui était hors délai. On a fait le constat. Donc, à la lumière de ce constat-là, on devait poser des gestes. Et il y a eu...

M. Jolin-Barrette : ...entre le moment où vous avez mis en place votre plan d'intervention et, bien, Jordan, en juillet 2016, les conséquences sur la justice civile, est-ce que c'est répertorié? Est-ce qu'il y a des statistiques? Parce que, nécessairement, si la cour a affecté davantage de juges au volet criminel et pénal, bien, nécessairement, ça doit avoir des conséquences. Et on sait que les délais sont quand même importants.

Mme Vallée : Je n'ai pas de statistiques, de données, là, pour vous dire exactement l'augmentation des délais. Mais je peux vous dire que, oui, effectivement, à partir du moment où on affecte les juges, particulièrement à la Cour supérieure où on affecte des juges aux dossiers criminels en priorité, bien... Il y a des juges qui ne siègent pas en familial, il y a des juges qui ne siègent pas en civil, puis c'est pour ça que je demande... Puis je dis : Ce n'est pas un caprice quand je demande des juges additionnels au fédéral. Puis j'espère qu'ils nous écoutent parce qu'il nous manque des juges à la Cour supérieure. Il nous manque cinq juges à la Cour supérieure. Le fédéral n'a pas reconnu... Six, pardon. Le fédéral n'a pas reconnu une partie des postes que nous avons créés. C'est inacceptable. Puis là je suis en train de me pomper parce qu'honnêtement c'est inacceptable. Et, dans le dernier budget fédéral, il n'y a pas de postes qui ont été consacrés pour le Québec. Ça aussi, c'est inacceptable.

Et j'ai écrit à ma collègue et j'ai parlé à des collègues du Québec. Et j'espère, j'espère de tout coeur que le gouvernement fédéral va reconnaître les postes qui ont été créés ici par les parlementaires de l'Assemblée nationale, qu'ils vont reconnaître les besoins du Québec. Parce que ce n'est pas un caprice, parce qu'il y a des pensions alimentaires qui attendent. Il y a des dossiers de garde, il y a des dossiers de divorce qui attendent. Et, moi, de mon côté, puis de notre côté, on a collectivement fait un effort sans précédent. Puis le gouvernement du Québec a fait un effort historique en injectant 675 millions dans la dernière année. Non, je suis partie, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : Oui, je vois ça.

Mme Vallée : Mais c'est pour dire que le gouvernement du Québec a fait ses efforts. Et là ces nominations-là ne relèvent ni de moi ni des collègues de l'opposition, mais de nos collègues du fédéral. Donc, j'en appelle au gouvernement fédéral de combler rapidement ces postes.

Le Président (M. Auger) : Message fait. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je comprends, M. le Président. Écoutez, là-dessus, on est d'accord. Mais comment vous expliquez que le gouvernement libéral à Ottawa n'est pas capable de dialoguer avec un gouvernement libéral à Québec là-dessus?

Le Président (M. Auger) : Oui, Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, je fais ce plaidoyer. Maintenant, je veux aussi vous expliquer ce que j'ai fait, parce qu'entre-temps, là, on a quand même posé des gestes pour tenter de trouver des situations de compromis. C'est-à-dire que nous avons financé la participation de juges à la retraite pour pouvoir... Mais, en fait, on a rendu des budgets supplémentaires en deux phases, un, pour permettre aux juges à la retraite de présider des séances de médiation qui font office de CRA, de conférences de règlement à l'amiable. Donc, on a libéré les juges en fonction pour pouvoir... pour permettre à des juges à la retraite de présider des CRA et prêter main-forte à la chambre criminelle. Donc, on a eu quand même plusieurs séances qui ont été tenues, mais c'est quand même 1 million de dollars qui ont été destinés à ça.

Le Président (M. Auger) : Merci. Bien, M. le député, je veux bien équilibrer le temps entre la question et la réponse, mais une question de 10 secondes, ce n'est pas évident pour la réponse.

M. Jolin-Barrette : Bien, il faut être succinct, M. le Président. Il faut être succinct.

Le Président (M. Auger) : Donc, à vous l'honneur pour une prochaine question. Donc, 15 minutes, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. En matière de droit de la famille, M. le Président, écoutez, il y a un député fédéral qui va déposer un projet de loi pour décriminaliser les mères porteuses. Dans le rapport du droit de la famille qui a été déposé en 2015, sous la présidence d'Alain Roy, on traitait du dossier des mères porteuses. Actuellement, au Québec, un contrat de mère porteuse, c'est nul de nullité absolue. Et on se retrouve dans une situation où ça existe présentement. Dans le rapport du droit de la famille, il y avait certaines solutions qui étaient envisagées pour faire en sorte de faire primer l'intérêt de l'enfant, pour l'enfant qui fait l'objet d'un projet parental, même si c'est dans une situation d'illégalité présentement... bien, cet enfant-là, il puisse demander des obligations alimentaires à ses parents qui font le... les parents de destination qui font le projet parental.

Est-ce que ça a été travaillé du côté du ministère de la Justice, depuis 2015, cette avenue-là? Parce que la réalité, c'est qu'il y a des enfants qui naissent. Et il y a eu un jugement de la Cour d'appel, justement, que la mère a pu écrire «mère inconnue». Ça a été validé par la Cour d'appel. Qu'est-ce qu'on fait avec cette réalité-là du côté du ministère de la Justice? Parce qu'il ne faut pas laisser ces enfants-là dans un flou juridique. Il ne faut pas leur enlever des droits non plus. Il faut assurer leur sécurité.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Actuellement, évidemment, comme le collègue le rappelait, le contrat de mère porteuse, ce n'est pas un contrat qui est reconnu par le Code civil. Donc, ce n'est pas un contrat qui est légal. C'est un contrat qui est nul de nullité absolue. Il y a effectivement eu des recommandations qui ont été formulées par le rapport de Me Roy. Là, on parle de deux choses distinctes. Notre collègue fait référence aux intentions d'un député fédéral de déposer un projet de loi pour permettre la procréation pour autrui, pour permettre, via... aussi, pardon, permettre aux femmes, aux mères porteuses d'être rémunérées.

Là-dessus, M. le Président, je dois vous dire que j'ai écrit à ma collègue de la Justice et à ma collègue de la Santé, donc à Mme Jody Wilson-Raybould puis à Mme Ginette Petitpas Taylor, pour les informer des préoccupations réelles que j'avais, que j'ai à l'égard de l'intention de permettre de rémunérer les mères porteuses. Je vous rappellerai qu'en janvier 2016 il y a eu, suite à ma demande, un avis du Conseil du statut de la femme sur la question des mères porteuses, où on se préoccupe, évidemment, puis avec raison, de toute mesure qui pourrait utiliser le corps de la femme à des fins pécuniaires, donc toute forme de marchandisation du corps de la femme.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

Mme Vallée : Bien, c'est parce que les questions sont peut-être courtes mais commandent quand même des réponses complètes. Parce que c'est facile de couper les coins ronds. Puis moi, je n'aime pas ça couper les coins ronds, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : Oui, mais je vais quand même... Je suis capable de juger, là, de la pertinence de la question et de la réponse, le temps de la question, le temps de la réponse. On a quand même un certain temps limité. M. le député de Borduas, pour la prochaine question, il vous reste 12 minutes.

• (15 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, je ne doute pas que la ministre a très bien compris ma question. Le fédéral a ses enjeux, en matière de Code criminel, relativement aux mères porteuses. Mais moi, je veux savoir la réalité en matière de droit civil au Québec, parce qu'il y a certaines provinces qui l'ont fait, là, qui ont encadré les mères porteuses sur l'aspect civil pour les conséquences associées à l'enfant. Donc, nonobstant le fait du caractère légal ou non en matière criminelle, je veux savoir : Est-ce qu'au ministère de la Justice on a évalué l'encadrement des mères porteuses au sens des aliments pour l'enfant, au sens du bien-être pour l'enfant, d'un enfant qui naît d'un projet parental comme ça, qu'est-ce qui arrive pour lui? Est-ce que ça, ça a été étudié de votre côté? Et est-ce qu'il va y avoir des développements?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, M. le Président, je pense que notre collègue, qui suit les travaux de la Commission des institutions avec rigueur, sait qu'il n'y a pas eu de projet de loi de déposé à cet égard. Donc, la loi est toujours la même. Le Code civil n'a pas été modifié.

Maintenant, suite aux décisions de la Cour d'appel, il y a eu des travaux qui ont été enclenchés. Oui, il y a une réflexion qui a été amorcée. Comme j'étais en train de le dire avant que vous ne cédiez la parole à notre collègue de Borduas, j'avais mandaté le Conseil du statut de la femme pour nous donner un avis sur cette question-là, parce que le dossier des mères porteuses, ça semble bien simple à la lumière de certaines recommandations, mais les recommandations suscitent, en soi, des questionnements, suscitent des préoccupations, suscitent des interrogations. Alors, il est important d'aborder ces questions-là de façon très délicate.

Alors, oui, le ministère de la Justice a réfléchi, oui, le ministère de la Justice a fait des travaux. Donc, il y a des travaux qui ont été faits. Et on est évidemment très sensibles à cette question pour arriver à trouver un juste équilibre. Mais il y a une préoccupation, comme je l'exprimais tout à l'heure, quant à toute la question de la marchandisation du corps de la femme. C'est une préoccupation parce que malheureusement c'est une réalité.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est une réalité, mais la réforme du droit de la famille, c'est une réalité. L'an passé, avec la collègue de Joliette, on a adopté le projet de loi n° 113 sur l'adoption. La ministre nous disait : On y va par étapes avec la réforme du droit de la famille. Et, au cours de la dernière année, il n'y a pas eu d'autres étapes. Alors, le bilan de la ministre là-dessus, je suis un peu déçu parce que moi, je me serais attendu en 2017-2018 à ce qu'on ait des avancées. Et, là encore, pour les mères porteuses, on a de nombreux Québécois qui ont cette réalité-là, mais c'est surtout les enfants... Et toute la réforme de la famille doit concerner les enfants. Alors, d'ici la fin de la session, est-ce que le gouvernement va agir?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Vous savez, M. le Président, j'écoute le collègue puis j'ai indiqué... Il y a du travail qui a été fait. Maintenant, c'est normal que mon collègue me critique puis c'est normal que mon collègue mette la main sur ce qui n'a pas été fait. Parce que ce qui a été fait, c'est quand même substantiel, en justice, hein? 675 millions d'annonces dans la dernière année et demie, là, honnêtement, il n'y a pas un gouvernement qui a déjà fait ça en justice, en un mandat, 15 projets de loi qui ont été adoptés, qui ont été discutés ici dans les quatre dernières années. Donc, je ne peux pas tout faire. J'en fais beaucoup, et on va continuer d'en faire beaucoup. Les équipes derrière moi travaillent. On va faire avancer les dossiers que l'on peut faire avancer. Mais soyons réalistes, M. le Président, il reste très peu de semaines, très peu de semaines pour des consultations, pour des échanges de fond sur des questions aussi sensibles. Je ne voudrais pas faire les choses à moitié. Mais il est bon pour critiquer. Puis je suis persuadée que les Québécois vont lui redonner le mandat de critiquer à la prochaine législature.

Le Président (M. Auger) : Huit minutes, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je suis content que la ministre invite les électeurs de la circonscription de Borduas à me faire confiance de nouveau. Je suis flatté. Je suis flatté, vraiment. Honnêtement, pour savoir où on sera situés, bien, ça ne dépend pas de moi. Ça dépend de la grandeur des autres circonscriptions du Québec. Mais je suis content d'avoir un premier appui à annoncer officiellement, celui de la ministre de la Justice du Québec. Alors, merci.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est réciproque. C'est réciproque, mais merci de votre appui. D'ailleurs, d'ailleurs, durant la campagne, si vous voulez venir faire du porte-à-porte avec nous, bien, c'est ça, l'invitation est lancée, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : À suivre.

M. Jolin-Barrette : Alors, la ministre nous disait : Il y a des sommes considérables qui ont été investies dernièrement avec le dépôt du budget. Lorsqu'on regarde les crédits, on voit que l'argent va être principalement décaissé dans trois ans. C'est progressif sur plusieurs années, notamment au niveau de l'informatisation du système de justice, pour s'assurer que... Parce qu'on l'a vu, là, au cours des 15 dernières années, avec le gouvernement du Québec, que ce soit le Dossier santé, même au ministère de la Justice, on a mis les freins à un moment donné sur une certaine informatisation. Comment est-ce que vous allez faire pour mettre en oeuvre un système informatique pour numériser les cours d'une façon efficace? Comment ça va se faire, surtout que, lorsqu'on regarde ce qui a été fait en Ontario par rapport à ce qui a été fait au Québec, à date, bien, on est vraiment en retard? Et justement, dans votre fascicule, on voit les délais importants qu'il y a par rapport à l'Ontario, par rapport à la Colombie-Britannique.

Donc, un, pourquoi les sommes sont décaissées vers les dernières années du cinq ans? Et, deuxièmement, comment est-ce que vous allez faire concrètement pour l'informatisation du système de justice?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, le plan pour moderniser le système de justice, il se décline en trois angles.

Donc, dans un premier temps, et ça, c'est la période qui nous touche, cette année et une partie de l'an prochain, c'est d'instaurer des pratiques innovantes, parce que, là, informatiser des façons de faire qui sont désuètes, ce serait irresponsable. Alors, ce que l'on s'affaire à faire aujourd'hui, c'est vraiment de mettre en place ces pratiques-là. Donc, il y a quand même des sommes importantes qui sont consenties cette année. Il y a 13 millions. L'an prochain, il y a 22 millions. Et donc ces pratiques-là seront mises en place.

On va également mettre en place des mesures pour communiquer l'information entre les principaux intervenants. Cette année, il y a un travail qui se fait, en collaboration avec le DPCP et le ministère de la Sécurité publique, pour assurer que chaque organisation ait une plateforme qui est compatible, parce qu'au moment où on se parle, là, les différentes plateformes, que ce soient des services de police, du DPCP, du ministère de la Justice, des tribunaux judiciaires, ne peuvent communiquer, ne peuvent se... L'information ne peut être transmise d'un intervenant à l'autre. Alors, ce n'est pas très, très utile. Ça oblige beaucoup la manipulation de papier.

Donc, il y a ces sommes-là qui seront investies. Donc, on parle encore une fois de 13 millions cette année et de 14 millions l'an prochain qui seront investis à ces fins-là. Et là, par la suite, on met la justice à l'ère des nouvelles technologies. Alors, ça, c'est un petit peu plus tard dans le processus. C'est pour ça que le gros des investissements se fera, à ce moment-là, dans les prochaines années.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Qui sera chargé de la coordination de tout ça, supposons, avec Sécurité publique, avec vous? Est-ce que vous allez aller à l'externe? Comment ça fonctionne?

Mme Vallée : Actuellement, il y a un bureau de la transformation, qui est dirigé par Me Denis Marsolais. Alors, je vous présente Me Denis Marsolais, qui est responsable du bureau de la transformation et qui voit, avec les membres de son équipe, composée de différents professionnels et d'experts, à assurer la coordination entre, justement, les transferts de l'information du ministère de la Sécurité publique au ministère de la Justice et aussi avec la magistrature, parce qu'il ne faut pas oublier que, dans tout ce travail-là, on travaille aussi avec des instances qui sont indépendantes. Donc, il faut assurer à bien respecter l'indépendance de chaque partenaire, mais assurer une continuité. Alors, Me Marsolais et l'équipe est en charge de ce travail-là, de ce chantier-là bien spécifiquement.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Lorsqu'on parle d'indépendance de l'institution, vous faites référence probablement à la magistrature. On sait que, parfois, c'est long avant que ça bouge à la magistrature. Quelles mesures concrètes vont être mises en place pour vraiment que les outils informatiques vont suivre, mais rapidement, puis qu'on va changer les pratiques des cours?

Mme Vallée : En fait, M. le Président, je vous dirais que la magistrature est un partenaire qui est très impliqué depuis le début de nos travaux, participe aux travaux de la Table Justice, participe aussi et collabore avec le ministère de la Justice pour la mise en place de cet important plan de modernisation. Donc, il y a des échanges qui sont faits et des mesures qui sont prises pour assurer la collaboration de tous les intervenants. Et le succès de notre plan repose sur la collaboration de tous et chacun. Je pense que ça, tout le monde est très conscient de ça et tout le monde... En tout cas, tous les intervenants participent activement à la situation.

Maintenant, pour la... Je comprends qu'une des questions de notre collègue, c'est surtout comment on va assurer que les sommes vont être investies au bon endroit, comment on va assurer un suivi, une rigueur de la mise en oeuvre de ce projet-là. Puis je vois le sourire de mon collègue, mais il a tout à fait raison, là. Et puis on est justifiés de se poser la question parce qu'on regarde en arrière puis il y en a eu, des ratés, dans le passé. Alors, il y aura un comité de suivi, un comité de vérification qui va assurer le suivi par étapes du projet, qui est scindé en livrables. Donc, dans ce comité de vérification...

• (15 h 50) •

Le Président (M. Auger) : Oui, je vais permettre une dernière question, parce qu'il ne reste qu'à peu près une minute.

Mme Vallée : D'accord. Bien, peut-être que ça suscitera des questions.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Je remercie la ministre, M. le Président. Le Barreau a pris un recours pour faire invalider les lois québécoises, notamment le Code de procédure civile, également. Alors, je veux savoir, un, qui va diriger la contestation, parce que vous avez annoncé que vous alliez contester la prétention du Barreau de Montréal et du Barreau du Québec. Mais, deuxièmement, comment allez-vous travailler en collaboration avec l'Assemblée nationale là-dessus? Qui fait quoi dans ces rôles-là? Et j'aimerais ça avoir très clairement votre position sur la prétention du Barreau de Montréal et du Barreau du Québec.

Le Président (M. Auger) : En 45 secondes.

Mme Vallée : Et quelle question! Moi, je me demandais la position de la CAQ là-dessus, parce que Sonia LeBel, elle siège au Barreau de Montréal. Quelle est la position de la CAQ sur ce litige-là? Le Barreau de Montréal poursuit le gouvernement du Québec. Donc, est-ce que la prochaine Procureure générale aura participé à la décision... celle qui anticipe être la prochaine Procureure générale?

Le Président (M. Auger) : Oui, c'est mieux. Les temps de verbe sont importants.

Mme Vallée : Oui, parce qu'elle risque d'être la critique, mais... Elle risque d'être la critique de l'opposition. Mais, ceci étant...

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Auger) : Juste un instant. Il reste 20 secondes. Juste une personne à la fois.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, la ministre vient de dire que vous allez perdre vos élections. Alors, je suis désolé, pour vous, de l'apprendre.

Le Président (M. Auger) : Ne soyez pas inquiet pour le président, M. le député de Borduas. 15 secondes, Mme la ministre.

Mme Vallée : Celle qui aspire est quand même au conseil d'administration du Barreau qui a pris la résolution de poursuivre. Alors, ça serait vraiment intéressant parce qu'à date on n'a pas eu la position du collègue de Borduas.

Le Président (M. Auger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions pour cet échange très intéressant. Nous allons maintenant poursuivre avec le quatrième bloc du gouvernement. Et je céderai la parole au député d'Ungava, en lui rappelant qu'il a 18 min 30 s à son actif.

M. Boucher : Merci beaucoup, M. le Président. «Ullaakkut», Mme la ministre. «Wachiya», «kwe» à ceux qui vous accompagnent. Vous savez que ça fait plusieurs fois que je le dis, j'occupe le deuxième plus beau, le plus extraordinaire comté au Québec, le premier étant Roberval, bien entendu, parce que c'est quand même le comté du patron, notre premier ministre. Donc, il faut toujours être gentil avec le patron. C'est ce qu'on nous dit. C'est plus prudent. Non, c'est une blague. Notre premier ministre est un chic type, et puis il n'y a aucun problème.

Vous savez, les délais de comparution... Exemple, pour donner un exemple, quelqu'un commet un crime cet après-midi à Québec. Il se fait arrêter par la police. Bon, les policiers font leur enquête, petite affaire pas trop compliquée, décident de le remettre en liberté, ou pas, sur-le-champ. S'ils décident de le garder détenu jusqu'à sa comparution, il y a un délai. On ne peut pas garder quelqu'un détenu indéfiniment, une semaine, deux semaines, là, tout dépendant de... ça peut être un 24, 48 heures, dans ces coins-là. À Québec, ça va très bien.

Mais, si vous vous faites arrêter à Ivujivik, ou Quaqtaq, ou Aupaluk, ça peut être un petit peu plus compliqué. Le juge passe là peut-être une fois par mois, une fois aux deux mois, tout dépendant comment la météo décide. Bon, la vidéoconférence, ce n'est pas très, très fonctionnel, même si, bon, bientôt, on nous annonce que la fibre optique va monter jusqu'à Povungnituk, un projet de 80 quelque millions, donc partira... Présentement, la fibre optique est arrêtée à Mistissini... pas à Mistissini, pardon, à Chisasibi. Donc, elle montera à Whapmagoostui, Kuujjuarapik, Umiujaq, Inukjuak et Povungnituk. Ça fait que ces gens-là vont être sur la fibre optique. Ils vont avoir l'Internet aussi rapide qu'à Montréal ou à Québec. Donc, la vidéoconférence pourra très bien fonctionner. Mais, dans les petits villages, on n'en est pas là encore aujourd'hui. Donc, transporter le détenu dans un autre village, bon, c'est des avions, des coûts, etc., puis le transporter au Sud, bien, c'est encore pire évidemment, parce que, bon, l'amener à Saint-Jérôme ou à Amos en attendant, ça va créer des délais.

Alors, j'aimerais savoir comment, au Nunavik, se situent, là, les délais de comparution, puis comment ça va, puis quelles sont les embûches que vous avez à traverser puis à surmonter, là, dans le quotidien du travail.

Mme Vallée : Bien, évidemment, il y a eu, bien — notre collègue n'est pas sans savoir — il y a quelques années, un rapport du Protecteur du citoyen qui a fait un constat de la situation. On s'est affairés au cours des mois qui ont suivi le dépôt du rapport à mettre en oeuvre les recommandations de ce rapport-là pour assurer une meilleure desserte des services de justice puis assurer le respect aussi des droits de ceux et celles qui ont à passer à travers le processus judiciaire. Alors, on tente... et on mise beaucoup sur l'utilisation de la visioconférence, notamment pour devancer et faciliter la comparution de ceux et celles qui sont détenus, éviter les délais qui ont trop souvent été causés par les déplacements des détenus entre les centres de détention, entre les palais de justice. Donc, on a mis en place la visio.

On a augmenté aussi, je vous dirais, les services de la cour itinérante, parce que, là, il y a actuellement... Dans le cadre du calendrier judiciaire, on a augmenté le nombre de visites. Donc, le secteur de la baie d'Ungava va être visité 15 semaines par année, puis la baie d'Hudson, 25 semaines. Donc, ce sont des sessions... Et notre collègue est plus familier même que nous avec ces sessions-là, qui sont quand même... qui se déroulent sur cinq jours. Donc, en maximisant la fréquence des visites de la cour itinérante, on a un accès plus rapide à la justice. En misant sur l'utilisation de la visioconférence, on a une meilleure possibilité aussi d'accéder à la justice non seulement pour les comparutions, mais aussi, dans certains cas d'urgence, en matière de protection de la jeunesse.

Donc, on essaie toujours de bonifier puis d'améliorer la situation. On a des communautés... On a quatre communautés qui ne sont pas desservies, là, en raison d'un faible volume, mais les dossiers sont quand même desservis dans les communautés avoisinantes. On a vraiment augmenté les termes qui... aussi en protection de la jeunesse. Et il y a quand même des services qui sont offerts. Dans le projet de loi n° 168, encore une fois, il est prévu de créer deux postes additionnels à la Cour du Québec. Ces postes-là sont destinés à desservir le Nord-du-Québec. Alors, l'objectif est d'accroître la présence judiciaire dans le Nord pour améliorer encore et encore l'accès à la justice.

Je dois vous dire que notre collègue nous sensibilise quotidiennement aux défis auxquels sont confrontés ceux et celles qui habitent dans les communautés éloignées. Ce n'est pas simple. Il y a une particularité, il y a une spécificité à laquelle on doit être sensibles, on en a parlé ce matin, tant au niveau de la présence d'interprètes, mais aussi la présence des juges et des intervenants. Il y a quand même un effort qui a été mis pour soutenir les comités de justice qu'on retrouve... les comités de justice communautaire qu'on retrouve dans huit communautés du Nord. On a aussi, je sais, fait des efforts pour déployer les services d'un centre de justice de proximité. Donc, il est annoncé, il est en train de se créer, mais... une panoplie de services, d'une part, pour assurer une meilleure présence, mais surtout pour améliorer les services offerts.

Donc, je ne sais pas si ça répond aux préoccupations de notre collègue.

• (16 heures) •

M. Boucher : En partie. Écoutez, comme je me plais souvent à le dire, bon, un crime au Nunavik, un crime à Québec, c'est un crime. C'est le même crime. Mais une voie de fait à Québec, une voie de fait à Kuujjuaq, c'est la même voie de fait, c'est le même crime, sauf qu'au Nord, bon, peut-être qu'il y en a que ça va froisser leurs oreilles, mais il y a quand même beaucoup de criminalité, mais, selon moi, très peu de criminels. Ces crimes-là sont souvent faits dans des situations d'intoxication, alcool, drogue ou mélange des deux, violence familiale, etc. C'est très rare que quelqu'un, au hasard, comme ça, va se faire battre sur la rue ou que vous allez vous faire voler quelque chose. Souvent, quand quelque chose disparaît, c'est des ados du voisinage qui ont pris ça pour faire une farce, là, ou qui ont emprunté votre skidoo sans permission pour aller faire un tour, puis vous allez le retrouver au bout du village et puis... parce qu'il n'y a plus d'essence dedans, puis vous allez remettre de l'essence puis le ramener à la maison. Donc, tu sais, ce n'est pas vraiment des vrais criminels, d'habitude, purs et durs.

Mais souvent il y a plusieurs condamnations malgré tout, hein, parce que, bon, quelqu'un qui a des problèmes de consommation commet un crime aujourd'hui, il en recommet un autre dans un mois, dans deux mois, dans six mois, puis là, à un moment donné, bien, le système judiciaire, il y a comme la gradation des sentences, hein? On commence par peut-être une amende, avec d'autres choses, puis, à un moment donné, bien, on arrive à la prison parce que semble-t-il que le message ne passe pas. Mais, dans ce cas-là, bien, prendre un Inuit de son village puis l'amener à Amos ou à Saint-Jérôme pour trois mois, quatre mois, six mois, ça ne règle absolument rien. Bon, il n'aura même pas le temps de commencer un programme de désintoxication. La rage qu'il avait va peut-être s'exacerber, parce qu'il va dire : Regarde, mon voisin que j'ai battu, je suis ici à cause de lui, puis regarde bien ça, mais que je remonte, là, je vais lui régler son cas une fois pour toutes. Donc, tu sais, ce n'est pas adapté pour ces gens-là.

Ça ne veut pas dire qu'il faut banaliser les crimes puis dire : Bien, au Nord, là, les crimes ce n'est plus grave, faites ce que vous voulez, puis il ne faut pas vous punir parce que, sinon, ça ne sera pas correct.

Mais vous avez glissé, tantôt, concernant les comités de justice. J'aimerais que vous me parliez de ça puis que vous élaboriez un peu plus là-dessus, savoir quelles sont les sentences, appelons ça alternatives, qui peuvent être données au Nord, qui souvent vont avoir beaucoup plus d'effet qu'une sentence de prison pour quatre mois à Saint-Jérôme ou à la prison d'Amos. Parlez-moi de ça un petit peu, Mme la ministre.

Mme Vallée : Les comités de justice, c'est des comités qui sont mis en place, qui sont composés de citoyens de la communauté qui vont travailler à la résolution d'un certain nombre de conflits à l'intérieur de la communauté. Ils vont travailler en collaboration avec le milieu judiciaire, avec le milieu de la justice, mais ils vont intervenir vraiment dans le cadre de... surtout dans le cadre de programmes de mesures de rechange pour les jeunes, pour les adultes, puis aussi dans le cadre des suivis des ordonnances qui sont rendues par les juges. Les comités sont financés en partie par le ministère de la Justice et vont permettre de mettre en place des solutions qui sont adaptées à la réalité du contrevenant, mais qui sont surtout et d'abord... d'abord et avant tout adaptées à la réalité de la communauté.

Donc, ce sont les pairs qui vont se pencher sur la situation d'un contrevenant et qui vont élaborer, en collaboration avec le milieu de la justice, les suivis à donner, les conséquences à donner. Et ça permet la réhabilitation du contrevenant, mais surtout de maintenir le contrevenant au sein de sa communauté. Parce qu'on peut très bien imaginer que, dans les communautés isolées, il peut être très difficile d'être isolé de sa communauté parce qu'on n'arrive pas à la réintégrer.

Et ça m'a frappée parce qu'il y a une approche vraiment holistique, c'est-à-dire la communauté va entourer le contrevenant et va amener le contrevenant à se réhabiliter, bien sûr, à faire une réflexion et à remettre en question tout ce qui l'a amené à causer ce tort-là, mais aussi à réparer le tort directement auprès de la victime. Puis ça peut prendre différentes... ça peut se manifester de différentes façons. Mais on amène le contrevenant à redonner à la communauté, à redonner aux victimes, et ça permet à tous et chacun de réintégrer le milieu et de ne pas être isolé ou de ne pas devoir s'expatrier. Parce qu'ultimement c'est ce qu'une condamnation peut amener s'il n'y a pas une participation active de la communauté. Et ces comités-là sont bien souvent composés de sages, d'aînés qui vont amener une touche beaucoup plus traditionnelle, beaucoup plus humaine, je dirais, à tout ce processus-là. C'est assez exceptionnel et puis c'est extrêmement enrichissant d'échanger avec les membres des comités de justice.

M. Boucher : On avait eu là-dessus une explication particulièrement intéressante. Je ne sais pas si vous vous souvenez, il y a deux ans, deux, trois ans — le temps passe tellement vite — on est allés ensemble à Kangiqsualujjuaq rencontrer le comité de justice avec la mairesse Hilda Snowball, que je salue — je ne penserais pas qu'elle nous écoute, là, mais je la salue quand même — où, justement, ce comité-là se penchait pour tenter, d'une façon holistique, là, de ramener quelqu'un de dysfonctionnel pour le faire réaliser le tort que tu as causé à ta victime, à ses enfants, à son épouse, à son milieu, puis peut-être, bien, aller chasser pour lui, aller pêcher pour lui, aller faire ses travaux manuels, je ne sais pas, moi, la réparation de sa motoneige, parce que, dans ta rage, tu lui as brisé sa motoneige, donc, puis là-bas, bien, les pièces sont rares. Tu as beau être un Inuit, là, travailler la mécanique à moins 40° en hiver nu-mains, là, il fait froid pour tout le monde, on s'entend, là, donc ce n'est pas agréable. Ça fait que tout ça, là, c'étaient des pistes de solution qui étaient très intéressantes et puis qui peuvent avoir plus de résultats que simplement emprisonner quelqu'un pour un certain bout de temps.

Je ne sais pas si vous vous souvenez, quand on avait été inaugurer le palais de justice de Nemaska, il y avait comme une mosaïque dans le plancher, puis c'était à ça que vous pensiez, où, bon, je ne me souviens pas des motifs, là, mais, en tout cas, c'était comme une oeuvre d'art. Puis tu avais comme un cercle avec quelqu'un à part, c'était quelqu'un qui était dysfonctionnel puis qui ne marchait pas avec le cercle, puis tranquillement on l'entourait, puis on le ramenait dans le cercle, puis... pas «on corrigeait» la dysfonctionnalité, c'est un grand mot, là, mais peut-être qu'on le favorisait à adopter de nouveaux comportements pour réintégrer le cercle, pour que la communauté entière puisse mieux fonctionner ensemble.

Puis souvent, bien, ces gens-là, ces criminels-là, c'est un petit peu un boulet, hein, pour la communauté. Puis, en même temps, c'est ton cousin, c'est ton frère, c'est ton voisin, donc on ne veut pas le mettre à l'index. Mais, en même temps, ça irait tellement bien s'il marchait avec les autres, là, puis qu'il ne faisait pas ces genres d'actes qui sont répréhensibles puis qui perturbent tout le monde. Surtout, bon, dans les communautés isolées du Nord, je pense à Kangiqsualujjuaq, où tu es, bon, au creux des montagnes, une communauté de 600, 700 personnes, la seule façon d'en sortir, c'est en avion, tout le monde se connaît, tout le monde est parent, tout le monde sait l'histoire de tout le monde. Et puis, à ce moment-là, ce n'est pas comme à Québec ou à Montréal, où tu croises les mêmes personnes rarement, peut-être à l'épicerie pour ceux qui... du même quartier, là. Mais, croiser quelqu'un sur la rue, que tu connais, c'est plutôt rare. Tandis que, là-bas, bien, tout le monde se connaît, tout le monde est ensemble.

Je vous ai parlé tantôt des centres de justice de proximité. J'aimerais que, peut-être dans les deux, trois minutes qu'il nous reste, là, vous reveniez là-dessus. Puis, tu sais, c'est sûr, nous autres, on sait ce que c'est, là, mais je pense aux gens, là, qui nous écoutent par millions, puis ils ont dit : Hein, c'est quoi, ça, là? Donc, élaborez ça un petit peu puis démystifiez-moi ça, s'il vous plaît.

Le Président (M. Auger) : Trois minutes, Mme la ministre.

Mme Vallée : On a abordé un petit peu la question des centres de justice de proximité ce matin. Ce sont des centres qui vont permettre d'obtenir de l'information juridique gratuitement, permettre aux citoyens, peu importent leurs revenus, d'avoir accès à l'information juridique. Et ce qui manque grandement, je dirais, dans le Nord-du-Québec... lorsque nous y sommes allés il y a deux ans, moi, ce que j'ai retenu à ce moment-là des gens, c'était : On n'a pas accès à de l'information juridique, on n'a pas accès à des outils nous permettant de comprendre le processus judiciaire. Alors, de là est née l'idée d'implanter, plus rapidement que tardivement, le centre de justice de proximité dans le Nord-du-Québec. Le projet va quand même très bien, on devrait pouvoir inaugurer ce centre-là... du moins, le centre pourrait ouvrir au cours de l'été. C'est incessamment parce que c'est une question de livraison de mobilier.

Une voix : ...

• (16 h 10) •

Mme Vallée : Exactement. C'est ce qu'on m'explique. C'est ce qu'on m'explique. Alors, on est un petit peu tributaires de la fonte des glaces et de l'arrivée du printemps et de l'été. Mais, chose certaine, le travail se fait en étroite collaboration avec la Société Makivik. Parce que, mettre en place un centre de justice de proximité, bien, on doit le faire en collaboration avec la communauté pour être à même de répondre au plus de citoyens possible. Les communautés sont éloignées les unes des autres, alors il va falloir innover, il va falloir être créatifs dans notre façon de rejoindre les gens.

Et, du côté du ministère de la Justice, il y a quand même eu aussi des efforts qui ont été faits pour traduire, entre autres, certaines documentations destinées aux victimes, les traduire en... inuktitut — pardon — pour permettre un meilleur accès. Alors, il y aura de la documentation. L'objectif, aussi, c'est que certaines documentations puissent être offertes dans la langue inuktitute pour permettre aux citoyens de bien... de mieux comprendre. Il y a quelques années, je crois que c'est en 2014, Éducaloi avait publié de la documentation en matière de succession, alors, question qui intéressait bien des gens dans la communauté. Alors, de la documentation était disponible.

Donc, oui, des centres de justice de proximité, des centres de justice de proximité qui vont diffuser de l'information qui sera comprise et qui pourra être facilement accessible aux citoyens sur le territoire. Le défi est grand, on en convient, mais il est nécessaire.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec le troisième bloc de l'opposition officielle. Mme la députée de Joliette, pour 22 minutes.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, j'ai deux dernières questions pour la Directrice des poursuites criminelles et pénales et la ministre de la Justice. Donc, la première, c'est de savoir, pour terminer, là, sur le sujet de l'arrêt Jordan et des requêtes Jordan : Du nombre complet de requêtes qui ont été déposées, est-ce qu'on peut avoir le détail du nombre de requêtes accordées, rejetées et toujours en suspens?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais laisser la parole à Me Murphy, qui a compilé les données. Encore une fois, M. le Président, je rappelle que les données ont été compilées manuellement, puis les données qui seront données sont depuis le prononcé de la décision Jordan. Donc, c'est le nombre de requêtes depuis juillet 2016, donc, non pas dans l'année en cours, là, mais depuis juillet 2016.

Mme Hivon : ...au total.

Le Président (M. Auger) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, merci, M. le Président. Je pense qu'il faut distinguer les requêtes en matière criminelle et les requêtes en matière pénale. Les informations que j'ai sont en matière criminelle.

Donc, ce que nous avons compilé, et comme la ministre vient de le dire encore une fois, la mise en garde, ce sont des statistiques qui ont été compilées manuellement, donc il y a un risque d'erreur. Alors, 796 requêtes, nous en avons, selon les chiffres que nous avons, 137 qui ont été accueillies, 225 qui ont été rejetées, 62 qui ont fait l'objet d'un désistement ou d'un plaidoyer de culpabilité, 74 qui n'ont pas été entendues, pour lesquelles il y aurait eu également des requêtes qui auraient été rayées, non plaidées, sept ont fait l'objet d'un règlement en vertu de l'article 810 du Code criminel, et nous serions en attente d'un résultat de 173, pour un nombre de 173. Nous avons également présenté 24 requêtes en irrecevabilité, qui ont été accueillies. Donc, nous pourrons vous fournir les chiffres, un peu comme on l'avait fait l'année dernière.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée.

Mme Hivon : Merci. C'est très apprécié. Et donc je comprends que les nolle, ils sont inclus dans...

Mme Murphy (Annick) : Oui. En fait, les nolle prosequi qui suivent une requête... Mais, en fait, notre chiffre est également combiné avec les retraits ou les... pas de preuve à offrir, là, parfois, on... c'est 118. Alors, donc il y a comme un mélange...

Mme Hivon : O.K. ça, c'est compris dans le 796?

Mme Murphy (Annick) : Oui, oui, exactement.

Mme Hivon : O.K. Parfait. Puis ma dernière question, c'est sur les ressources. Donc, quand l'annonce avait été faite de nouvelles ressources, on avait indiqué l'ajout de 69 postes de procureur. Et donc, quand je regarde les cahiers de crédits, on nous dit que tous les postes sont comblés. Mais, quand je compare les chiffres, je remarque qu'il y avait 647 procureurs au DPCP en février 2017, puis 701 en février 2018. Donc, il me manque 15 postes de procureur, ça fait que je voulais comprendre ce qui explique l'écart.

Mme Murphy (Annick) : Oui, je vais vous expliquer. Et je pense que c'est important de revenir au printemps 2017, alors que nous avions... nous avons fait, évidemment, l'affichage pour les 69 postes de procureur.

Il faut savoir comment ça fonctionne. On fait l'affichage de 69 postes vacants. Ces postes sont situés principalement à Montréal, à Laval, Saint-Jérôme, Longueuil, quelques-uns à Gatineau — j'oublie probablement — peut-être à Québec, mais... À peu près là. Et donc, quand on ouvre des postes vacants, ils sont offerts... Vous savez, on doit, en vertu des conditions de travail, afficher ces postes-là. Ils sont donc offerts...

Le Président (M. Auger) : ...Mme la députée.

Mme Murphy (Annick) : ...ils sont donc offerts dans le réseau... (panne de son) ...permanents, partout au Québec, peuvent appliquer sur ces postes-là. C'est exactement ce qui s'est passé. Donc, les postes ont été principalement comblés par des personnes, donc, procureurs qui étaient ou occasionnels, dans certains endroits du Québec, ou permanents. Alors, on a comblé ces postes-là.

Il faut savoir que, pour combler un poste au DPCP, le délai est d'environ deux à trois mois, parce qu'il y a le temps de l'affichage, évidemment, le temps des entrevues et ensuite l'habilitation sécuritaire qui peut prendre trois semaines, un mois avant de recevoir l'approbation pour l'habilitation sécuritaire. Donc, on parle ici de deux mois pour combler un poste. Nous en avions 69.

Mais là il faut savoir que le phénomène que nous avons vécu, c'est qu'après les gens libèrent, donc, des postes qui deviennent vacants partout au Québec. Donc, les postes qui sont vacants partout au Québec, on doit recommencer des affichages et recommencer tout ce processus-là. Donc, vous comprendrez que ça va prendre, pour le nombre de postes que nous avons eus au printemps dernier, plusieurs mois avant d'être capables de dire que nous sommes stabilisés.

Un autre phénomène que nous avons vécu...

Le Président (M. Auger) : Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : C'est beau. Ça fait que c'est un délai, compte tenu du jeu... de l'effet de domino, notamment.

Mme Murphy (Annick) : ...juste pour terminer, rapidement : 77 autres mouvements additionnels, en sus des 69 postes, compte tenu des départs de juges à la retraite, etc. Donc, nous avons eu une année très mouvementée à ce chapitre-là.

Mme Hivon : ...comblés incessamment?

Mme Murphy (Annick) : Écoutez, on travaille continuellement à combler ces postes-là. Vous savez, les chefs veulent avoir des équipes complètes, donc on met tous les efforts. Mais le recrutement n'est pas toujours évident, vous comprendrez. On doit aller également dans les listes d'aptitudes et essayer de trouver des profils qui nous conviennent.

Mme Hivon : Puis il y a combien de procureurs qui sont dédiés à l'analyse des dossiers, des délais, des requêtes Jordan? Parce que j'avais compris qu'il y avait une équipe dédiée plus spécifiquement à essayer de passer à travers, là.

Mme Murphy (Annick) : Ça, si vous me permettez, c'était en 2016 lorsque ça nous est arrivé. Le temps de s'ajuster, effectivement, on avait libéré des gens qui ont travaillé les soirs, les fins de semaine en temps supplémentaire pour tenter d'évaluer. Cette grosse vague là, elle est terminée. Aujourd'hui, c'est chacun des procureurs avec ses rôles, les dossiers qui leur sont attribués, qui font l'exercice.

Donc, on n'a pas de procureurs maintenant qui sont dédiés, peut-être à l'exception de Montréal, où il y aurait trois procureurs qui font des requêtes particulières en matière Jordan. Mais, sinon, ce sont chacun des procureurs à qui on donne les dossiers qui font toute cette analyse-là. Ils sont les mieux placés pour le faire, en fait.

Mme Hivon : D'accord. Alors, je vais revenir maintenant sur la situation à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour aborder un angle qui est lié, mais qui n'est pas en lien directement avec le rapport de ce matin, bien que la situation est décrite aussi, là. C'est ce qui avait été fait comme diagnostic dans le rapport du consultant Jean-Pierre Hotte, donc, sur la situation à la Commission des droits, notamment au bureau de la présidence. Je salue, sur ce, le président par intérim qui prend place.

Une voix : ...

Mme Hivon : Ça va. Donc, on a cherché comme autant le rapport Hotte, qui a fait l'objet de certaines mentions dans des articles de journaux au cours des derniers mois, qui dirait notamment... qui apporte des constats assez accablants sur le fait qu'il y a une réalité figée et sclérosée, à la commission, je pense particulièrement au sein du bureau de la présidence. C'est ce qui était dit. Évidemment, ça n'encourt aucunement la responsabilité du président actuel, puisqu'il n'était pas là, alors on va pouvoir avoir un regard très objectif. Mais on a cherché comme autant sur le site du ministère, sur le site de la commission, on ne trouve pas trace de ce rapport.

Alors, je me demandais si la ministre pouvait déposer ce rapport-là, parce qu'on est dans un moment, je pense, assez central pour tout ce qui concerne la Commission des droits, et il va y avoir des décisions qui vont être prises, aussi. Alors, si on pouvait avoir copie du rapport et, dans un deuxième temps, ce que la ministre répondait à ces constats-là, qui sont assez inquiétants, d'organisation figée, sclérosée, avec des défis organisationnels importants.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Dans un premier temps, M. le Président, je veux vous informer que le rapport Hotte ne m'a jamais été déposé. Donc, je n'ai jamais eu accès au rapport Hotte. J'ai appris son existence dans les médias. Je comprends que ce rapport est sur le site, a été mis en ligne sur le site depuis peu, sur le site de la commission. Mais je laisserai Me Tessier y répondre parce que ce n'est pas un rapport auquel j'ai eu accès. Donc, je laisserai Me Philippe-André Tessier... Et il pourra également, peut-être, répondre aux questions de la collègue sur les mesures qui ont été mises en place depuis son arrivée. Parce que je dois saluer le travail qui a été fait par Me Tessier et par l'équipe de la commission des droits de la personne et de la jeunesse pour tenter de résorber, entre autres, la question importante des délais.

Le Président (M. Auger) : Consentement pour l'intervention? Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix : ...

Le Président (M. Auger) : Dans un temps restreint. Donc, votre nom, votre titre et ensuite la réponse de la députée.

M. Tessier (Philippe-André) : Alors, Philippe-André Tessier, président par intérim de la CDPDJ. Alors, effectivement, alors, je tiens à saluer les parlementaires présents pour... C'est ma première présence à l'étude des crédits, alors je suis bien content d'être ici.

Le rapport Hotte, suite à une demande d'accès à l'information, se retrouve sur le site Web de la commission, dans la section Accès à l'information. Il a été divulgué, donc, à ce moment-là, et donc les parlementaires pourront en prendre connaissance. Il a également fait l'objet de plusieurs articles dans les médias. J'ai notamment réagi, là, dans un article, dans une entrevue donnée au journal Le Devoir sur la question.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée.

Mme Hivon : Est-ce que vous pouvez nous dire si vous partagez le constat du rapport, qui parle d'une organisation figée et sclérosée?

M. Tessier (Philippe-André) : Je vous avoue que, moi personnellement, ce que j'ai constaté depuis quatre mois, ce n'est pas du tout ça. C'est une organisation qui était en mouvement puis qui avait un appétit de changement puis un appétit d'aller de l'avant. Ce sont des gens qui sont dévoués, ce sont des gens qui croient énormément dans les droits de la personne, les droits de la jeunesse. Ce sont des gens qui sont mobilisés puis motivés par la cause qu'ils défendent à tous les jours, par les dossiers et les gens qu'ils aident. Parce qu'il faut le comprendre, ce sont des gens qui sont, au quotidien, au service des citoyens du Québec, pour des dossiers qui sont souvent difficiles, des dossiers en matière de discrimination basée sur le handicap, sur toutes sortes de motifs qui font en sorte que... on parle d'inclusion scolaire. Donc, ce sont des gens qui sont très dévoués à la cause.

Et moi, je peux vous dire aussi une chose, c'est que le rapport Hotte visait un aspect très spécifique, qui était l'interaction entre le bureau de la présidence et les communications. Alors, c'est sûr et certain que d'étendre le rapport Hotte... puis c'est ce que je disais également, là, au journal Le Devoir, là, à mon entrevue, d'étendre le rapport Hotte et les constats du rapport Hotte à l'ensemble de la commission, je vous dirais qu'il faut faire attention dans ce contexte-là.

Mme Hivon : Donc, vous rappelez que c'était vraiment lié aux interactions qui concernaient le bureau de la présidence.

M. Tessier (Philippe-André) : Il avait été commandé par la présidente Mme Thermitus.

Mme Hivon : O.K. Ça, je comprends. Mais les constats, les qualificatifs que je nomme, ce que vous me dites aujourd'hui, c'est que c'était vraiment lié au bureau de la présidence, essentiellement, et que les constats ne portaient pas sur l'organisation et le fonctionnement de l'organisation dans son ensemble?

M. Tessier (Philippe-André) : Je vous dirais, compte tenu du rapport et du mandat que M. Hotte a reçu, et de ses conclusions, après lecture et analyse de ce document-là et puis avoir constaté à l'interne, je vous dirais qu'il faut définir son champ d'application à la présidence et aux communications.

Mme Hivon : On note un nombre de plaintes, au cours des dernières années, important. Je ne parle pas des plaintes qui sont déposées pour adjudication, je parle des plaintes... Parce qu'évidemment il y a un problème de délais assez important à la commission, donc, compte tenu du nombre de plaintes. On voit qu'il y a beaucoup de dossiers qui sont là depuis plus de trois ans. Donc, je comprends qu'en mars 2018 il y a eu un investissement, précisément pour tenter de réduire les délais, avec huit ressources supplémentaires.

Mais je voulais savoir si... Parce qu'on note qu'il y a un nombre de plaintes pour, en quelque sorte, service à la clientèle, qui est important, de gens insatisfaits du traitement de leurs dossiers. Donc, on voyait qu'il y a à peu près 60 plaintes par année. Il y a une année où il y a eu 120 plaintes, là, je parle des quatre dernières années. Mais je notais, dans le rapport, dans le plan stratégique, qu'il n'y a pas d'objectif de réduction des plaintes et des délais. Est-ce que c'est des objectifs que vous vous êtes donnés spécifiquement?

M. Tessier (Philippe-André) : C'est sûr que la question des plaintes des citoyens par rapport aux délais de traitement ou quelconque raison... Hein, on a un département de qualité de service, alors, évidemment, des fois, ça va être des gens qui vont être insatisfaits, par exemple, de l'interaction qu'ils ont eue avec un de nos employés. Donc, c'est sûr et certain qu'il y a toutes sortes de choses. Ce n'est pas nécessairement lié uniquement à la question des plaintes.

Alors, il y a deux choses que je veux vous dire par rapport à ça. Premièrement, il y a un processus de révision interne qui a été fait, en matière de qualité de service, pour mettre en place une façon de faire dans la qualité de service qui est optimale, pour s'assurer, tel qu'il était décrit dans certains éléments qu'on avait identifiés à l'interne, qu'il y avait un processus qui était clair pour tout le monde, à l'interne et à l'externe, qu'il y avait un seul processus.

Dans un deuxième temps, ce que je peux vous dire aussi, c'est sûr et certain que cette situation-là de qualité des services, ça relève de la présidence. Et c'est une des raisons aussi pourquoi dans l'organisation c'était, pour nous, au coeur. Et c'est extrêmement important, pour nous, de rattacher la qualité des services dans la révision tout, en même temps, en maintenant la révision dont je vous parle, de rattacher cette question-là à la présidence pour s'assurer que c'est fait de façon diligente.

Moi, je sais que, depuis que je suis là, j'ai vu des situations, et elles me sont rapportées. Il y a une grille de traitement en fonction de la gravité. C'est soit au niveau de l'employé, du gestionnaire, et ça va monter jusqu'à la présidence, le cas échéant. Et on prend les mesures. On a un responsable de la qualité des plaintes qui va même rencontrer les plaignants, qui va faire les démarches, qui va faire les suivis. Moi, c'est ce que j'ai pu constater dans les quatre derniers mois.

Mme Hivon : Est-ce que vous vous êtes fixé des objectifs pour la réduction des délais de traitement et pour la réduction des plaintes de service à la clientèle?

M. Tessier (Philippe-André) : Vous touchez peut-être un enjeu, aussi, qui est important aussi, qui est la question de la planification stratégique de l'organisation. La planification stratégique de l'organisation prend fin en 2019. La dernière date de 2015, 2015 à 2019. Donc, nous, comme administrateurs diligents et responsables, on commence et on est déjà en train de commencer à réfléchir sur la planif stratégique 2019-2023. Et c'est clair, et je l'ai déjà indiqué aussi aux membres de la commission puis à l'ensemble de l'équipe de gestion, que cette planification stratégique là aura des objectifs ciblés, parce que c'est sûr et certain que ça va être nécessaire pour la commission. Lorsqu'on vient rendre des comptes aux parlementaires ou aux citoyens à tous les jours, bien, il va falloir qu'on ait des objectifs qui soient clairement identifiés par rapport à ça, par rapport non seulement à la question des plaintes dont vous me parlez, mais l'ensemble de l'oeuvre, les délais, etc. Donc, ce n'est pas limité uniquement à ce secteur-là. Mais il va nous falloir des objectifs plus chiffrés.

Mme Hivon : Donc, vous reconnaissez qu'il y avait une lacune dans la planification, de ne pas pouvoir suivre avec des indicateurs clairs parce qu'il n'y avait aucun objectif chiffré en ce qui concerne la diligence de traitement, la durée des délais, et tout ça?

M. Tessier (Philippe-André) : La planification stratégique, en tant que ce que c'est, c'est un art, et il y a différentes tendances, il y a différentes approches par rapport à la planification stratégique. Je vous avoue que, moi personnellement, celle que je vous exprime, c'est celle, comme président de la commission actuel, que je veux mettre de l'avant dans les quatre années.

Le Président (M. Auger) : Cinq minutes.

Mme Hivon : Oui. Alors, je veux bien prendre la parole de M. le président par intérim, mais nous avons cherché tout récemment le rapport Hotte, nous cherchons à l'instant, je ne sais pas où il est. Mais je ne sais pas quelle date vous l'avez déposé, mais, dans la section sur les demandes d'accès, on ne le trouve toujours pas, comme on ne l'a jamais trouvé. Alors, je ne sais pas si c'est possible de déposer une copie papier, mais ça nous serait très utile de pouvoir lire le rapport Hotte.

M. Tessier (Philippe-André) : Je peux m'engager à faire parvenir la copie qui est sur le site Web, sans problème, aux parlementaires ou au président... à la présidence de la commission, oui, tout à fait. Aucun problème.

Le Président (M. Auger) : Oui. Merci.

Mme Hivon : ...dire à quelle date il aurait été rendu public?

M. Tessier (Philippe-André) : Aucun problème. Je n'ai malheureusement pas accès à l'information, je n'ai pas mon ordinateur devant moi.

Mme Hivon : Non, mais vous ne savez pas à quelle date il aurait été rendu public, si c'est récent, ou...

M. Tessier (Philippe-André) : Sur le site Web, vous parlez?

Mme Hivon : Oui.

M. Tessier (Philippe-André) : O.K. Oui, c'est en octobre l'année dernière.

Mme Hivon : O.K. O.K. Donc...

M. Tessier (Philippe-André) : Je le sais, je suis déjà allé le consulter...

Mme Hivon : C'est bon, parfait. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui est allé le retirer, mais ça serait intéressant de l'avoir.

• (16 h 30) •

M. Tessier (Philippe-André) : ...

Mme Hivon : O.K. C'est bon. O.K. Bien, moi, ça va pour le sujet. Je voudrais maintenant parler des victimes d'actes criminels.

Alors, je reviens avec la ministre à un sujet qu'on a abordé souvent. Comme elle le sait, il y a quelques mois, deux mois environ, on a fait une sortie avec des représentants des parents des personnes qui ont été assassinées, donc des histoires tragiques, et on a fait trois demandes à ce moment-là à la ministre de la Justice. D'abord, de pouvoir avoir une aide psychologique pour les parents d'enfants assassinés jusqu'à ce que leurs besoins soient comblés, en soutien psychologique, en traitement psychologique, au lieu de 30 séances. Parce que, pour rappeler aux gens qui nous suivent, il y a eu un changement qui a été apporté pour avoir une aide qui puisse être étendue lorsque les parents... C'est-à-dire que, lorsque l'enfant a été assassiné par un de ses deux parents, donc, le conjoint qui survit peut maintenant être considéré comme une victime et avoir un nombre de séances illimité ou conforme à ses besoins. Malheureusement, ce n'est pas disponible quand ce n'est pas cette situation-là. Alors, on discrimine, en quelque sorte, selon l'ampleur du drame qui a été vécu, à savoir est-ce que l'enfant est décédé parce c'est un voisin, parce que c'est un petit ami qui aurait commis le crime, parce que c'est un autre membre de l'entourage de la famille ou un inconnu. Dans un cas comme celui-là, les séances de psychothérapie sont limitées à 30, alors que, lorsque c'est un ex-conjoint du parent, les séances sont illimitées. Donc, ça, c'était la première demande pour laquelle malheureusement il n'y a pas eu de réponse comme on aurait pu l'espérer dans le dernier budget.

Il y a aussi eu toute la question de savoir que, quand l'enfant est tué à l'extérieur des frontières du Québec, contrairement à ce qu'il en est pour l'indemnisation de la SAAQ, ce n'est pas le cas pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Donc, on pense à la mère d'Audrey Carey qui notamment n'a droit à rien, à aucune séance de psychothérapie dans son cas parce qu'on ne reconnaît même pas le crime parce qu'il s'est passé à l'extérieur des frontières du Québec. Donc, ça, c'était une deuxième demande, qu'on puisse donner ouverture à ça, parce qu'on se comprend que ce sont quelques rares cas dans une année.

Et le troisième élément, c'était la question de pouvoir avoir du soutien pendant la durée des procès pour les parents qui, par exemple, doivent assister au procès, doivent se nourrir, doivent parfois être à l'extérieur de la maison. Sur cette question-là, la ministre a donné un 10 000 $, de ce que je comprends, de son budget discrétionnaire, mais on s'entend que ça ne comble pas l'ensemble des besoins.

Et, sur les deux autres éléments, qui sont des éléments fondamentaux de soutien psychologique, qui... je pense, c'est la base que l'on devrait offrir, il n'y a eu aucune réponse dans le budget. Alors, j'aimerais savoir quelles sont les intentions de la ministre.

Le Président (M. Auger) : 45 secondes, mais vous pourrez continuer sur le bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Vallée : Il y a une réflexion qui est en cours parce que je vous dirais que, de façon globale, la question de l'indemnisation des victimes d'actes criminels nous démontre année après année à quel point il s'agit d'un enjeu délicat puis un enjeu particulier, puis chaque drame comporte ses particularités.

Notre loi remonte quand même... Notre loi a plus de 40 ans, en fait, a plus de 45 ans. C'est une loi qui a été modifiée au fil des ans pour répondre ponctuellement à des problématiques qui sont ressurgies, qui ont été mises en lumière dans la sphère publique. Mais on a réellement besoin... et je le dis, M. le Président, là, je l'ai dit par le passé et je le redis, on a besoin d'une réflexion en profondeur de notre loi. On a besoin de revoir notre loi en profondeur. On investit des sommes, et ce n'est pas la cassette, là, mais le Québec, de toutes les provinces, est extrêmement généreux quant aux sommes qui sont consacrées à l'aide aux victimes d'actes criminels et à leurs familles, à leurs proches. Mais, malgré ça, malgré ces sommes importantes qui sont consacrées à ce volet-là année après année, il y a un tas d'insatisfactions, et notre collègue le soulève, dit : Bien, on a l'impression parfois qu'il y a une iniquité entre les victimes en raison du traitement qui est accordé. Donc, c'est certain qu'on doit le voir de façon globale.

De façon plus ponctuelle, est-ce que l'on peut répondre à certaines préoccupations assez rapidement? Dans le contexte que l'on connaît, d'ici les prochains mois, est-ce qu'on peut répondre? Est-ce que certaines réponses peuvent être données sans nécessairement engendrer une modification législative? Parce que, modifier la loi, on s'entend, c'est un gros chantier, et ce n'est pas un chantier qu'on pourra compléter d'ici la fin de cette session-ci, malheureusement, si on veut vraiment bien faire les choses. Par contre, il y a des gestes qui peuvent être posés.

Pour ce qui est du soutien psychologique, il y a une évaluation qui est en cours, parce qu'à l'époque on a identifié que 30 séances, c'était en moyenne ce qui correspondait aux besoins des familles des victimes, des proches des victimes. Donc, actuellement, un proche d'une victime a droit à 30 séances de psychothérapie pour la première année qui suit le drame. Je comprends qu'il n'y a pas une personne qui réagit de la même façon puis je comprends que perdre un être cher dans des circonstances comme celles d'un acte criminel, qui découlent d'un acte criminel, c'est épouvantable. Et donc le besoin de soutien, bien, comme je le mentionnais, il est aléatoire et il varie, alors on est à utiliser différents scénarios, mais, chose certaine, pour venir modifier ça, il y a nécessité d'une modification réglementaire. Donc, il y a un peu de temps puis il y a des délais, malheureusement, qui doivent s'écouler. Alors, il y a une étude, il y a une évaluation en cours pour déterminer le nombre... Parce qu'établir un nombre illimité, il y a des coûts à ça, établir un nombre limite, il y a des coûts, et tout ça doit être évalué de façon vraiment sérieuse. Donc, les travaux sont en cours.

Maintenant, pour ce qui est de l'accompagnement des parents et des proches d'une victime qui souhaitent assister au procès, il y a un travail... Oui, j'ai, de façon très rapide, versé... je me suis engagée à verser de mon fonds discrétionnaire pour soutenir l'association qui, elle-même, soutient les victimes. Mais, ceci étant, on travaille en collaboration avec différents partenaires à l'élaboration d'un programme qui pourrait soutenir les victimes. J'aurais aimé ça aujourd'hui vous l'annoncer, mais il y a un travail de concertation et il reste encore des rencontres, et des éléments à vérifier, et des consentements à obtenir, mais l'objectif serait de mettre en place un programme pour aider les proches des victimes et leur permettre d'assister au procès. En février dernier, j'ai échangé avec les personnes qui étaient présentes ici, à l'Assemblée nationale. Je dois vous avouer que leur témoignage, il est crève-coeur. Et, pour des parents d'une victime qui demeurent dans une région, par exemple dans la région du Saguenay, et qui doivent se déplacer à Montréal pour assister au procès, bien, il y a des coûts importants qui sont rattachés à tout ça. Alors, comment pouvons-nous aider ces personnes-là à passer... à mieux traverser cet épisode qui est très touchant, qui est traumatisant? J'ose espérer pouvoir vous présenter quelque chose prochainement, mais les travaux vont bien et avancent bien, je vous dirais. Mais il reste des autorisations à obtenir et des choses à attacher pour pouvoir soutenir financièrement ces familles-là.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous étions déjà, depuis presque cinq minutes, sur le cinquième bloc du gouvernement. Il reste donc à peu près 13 minutes. M. le député de Saint-François.

M. Hardy : Merci, M. le Président. Mme la ministre, je vais vous parler des investissements de plus de 500 millions de dollars sur cinq ans pour moderniser le système de justice. Le fonctionnement du système de justice, basé sur des dossiers qui doivent être constitués en format papier, est archaïque. Il suffit de se présenter dans un palais de justice pour constater la nécessité d'en améliorer son fonctionnement. Des rôles d'audience papier affichés sur des babillards, des chariots de documents, des pièces photocopiées, des kilomètres d'archives de dossiers, le procès-verbal du greffier rédigé à la main, le juge qui doit se retrouver parmi les piles de documents lors de l'audience, le jugement lui-même, écrit sur un ordinateur, est livré sur papier, alors que l'avocat va le numériser pour le transmettre à son client par courriel. Les avocats doivent se présenter en cour pour une remise en facturant au client le temps inutile, alors qu'un courriel pourrait régler l'affaire. Tout cela augmente les coûts et les délais, et entraîne une perte d'efficacité et de confiance envers le système de justice.

Au surplus, de nombreux changements sont survenus et ont perturbé le système judiciaire au Québec au cours des dernières années : nombreux mégaprocès, multiples enquêtes policières de grande envergure, recours aux technologies pour commettre un crime, complexification de la preuve, etc. Malheureusement, le système judiciaire n'a pas réussi à suivre la cadence, et l'absence d'investissement notable pour répondre à ces nouveaux besoins a conduit le système à la problématique criante des délais judiciaires.

• (16 h 40) •

Le 8 juillet 2016, la Cour suprême a rendu l'arrêt Jordan, qui vient imposer un plafond au-delà duquel le délai entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle et/ou anticipée des projets est présumé déraisonnable à moins de circonstances exceptionnelles le justifiant. Depuis, des arrêts de procédures sont demandés par les accusés devant les tribunaux, ce qui a pour effet de libérer les accusés des accusations qui pèsent contre eux, comme le meurtre ou l'agression sexuelle. Cette situation contribue grandement à une perte de confiance des citoyens et des victimes envers le système de justice. La transformation et la modernisation du système de justice deviennent inévitables pour permettre son efficience.

En mars 2016, une rencontre de la Table Justice-Québec sur la question des délais en matières criminelle et pénale a été convoquée afin de développer un plan d'action avec les acteurs du système de justice, dont la magistrature, le DPCP, le Barreau du Québec les associations des avocats de la défense et la Commission des services juridiques.

Le 3 octobre 2016, le plan d'action 2016-2017 Pour une justice en temps utile en matières criminelle et pénale fut rendu public, lequel contient 22 mesures issues de cette concertation.

Le 16 novembre 2016, le Comité d'examen sur la gestion des mégaprocès a publié son rapport, dont les recommandations visent une meilleure efficacité de la gestion de ce type de procès.

Mme la ministre, la question que j'amène maintenant : Quels sont les objectifs visés par le plan pour moderniser le système de justice?

Mme Vallée : Mais le plan, M. le Président, le plan pour moderniser le système de justice, il est quand même ambitieux, c'est un grand plan. Dans chacune des sections, donc, dans la mesure Instaurer des pratiques innovantes, et Communiquer l'information entre les principaux intervenants, et Mettre la Justice à l'heure des nouvelles technologies, il y a une séquence d'interventions que nous allons faire qui vont nous permettre de réaliser ce plan-là.

Tout à l'heure, j'avais commencé des échanges avec notre collègue le député de Borduas, malheureusement le temps ne m'a pas permis d'aller... et de tout expliquer. Donc, je remercie mon collègue, qui me permet, dans le fond, de revenir sur cette question-là.

D'abord, je le répète et je vais le répéter jusqu'à 9 h 30, ce soir, un tel investissement, c'est historique en justice. Et, quand on l'additionne aux 175 millions ajoutés en décembre 2016, c'est énorme. Et, lorsqu'on regarde aussi les investissements qui ont été déployés au fil des ans pour la transformation du système dans les autres provinces canadiennes, je fais un clin d'oeil à notre collègue qui nous parlait de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, oui, il y a eu des mesures qui ont été mises en place, oui, ils ont investi pour moderniser leur système de service avant le Québec, mais je dirais que le Québec est champion au plan de l'investissement total. Donc, en Amérique du Nord, il n'y a pas de juridiction qui investit autant pour moderniser son système de justice.

Alors, évidemment, des investissements de cette ampleur-là se déclinent de différentes façons. Je le mentionnais au collègue, on a sectionné la stratégie, le plan, en différents livrables, en petits livrables pour permettre de bien suivre l'évolution de la stratégie, de bien suivre les investissements.

Donc, la première portion, c'est d'instaurer des pratiques innovantes. Bien, l'objectif de cette portion-là, c'est de changer la culture. Ça, c'est la portion qui, vraiment, fait référence au changement de culture auquel nous a conviés la Cour suprême dans l'arrêt Jordan. L'arrêt Jordan disait : Il y a une culture des délais, il faut revoir... et tout le monde, tout le monde doit mettre la main à la pâte. Ça, ça veut dire les avocats, le DPCP, le ministère de la Justice du Québec, le ministère de la Justice fédéral. Tout le monde doit participer à ce changement de culture là.

Et nous, au Québec, on a la Table Justice, c'est notre collègue qui faisait état des efforts qui ont été faits. Il y a eu la Table Justice qui s'est engagée à mettre en place des nouvelles façons de faire. Chacun des intervenants, donc autant nous, au ministère de la Justice, que la magistrature, que le DPDC, que le Barreau, on a dit : Bien, on doit... on s'engage dans ce changement de culture là, on pose des gestes, on fait les choses différemment, et, dans le plan, bien, on s'est dit : On va continuer de changer les choses parce qu'on ne peut pas informatiser des pratiques qui sont désuètes, on ne peut pas informatiser des pratiques qui ont besoin elles-mêmes de changer.

Donc, parmi les pratiques innovantes auxquelles on va avoir recours, évidemment il y a l'utilisation plus fréquente des solutions de rechange au processus judiciaire conventionnel, donc, évidemment, les programmes de mesures de rechange. J'ai annoncé en juin dernier, juin 2017, le lancement de projets pilotes — les projets pilotes ont démarré en septembre 2017, il y en a dans la circonscription de la collègue de Joliette — alors, des projets pilotes de mesures de rechange qui sont en cours actuellement et qui seront évalués, parce que l'objectif sera d'utiliser ces programmes-là un petit peu partout à travers le Québec.

On veut aussi revoir les pratiques policières pour accélérer puis uniformiser le traitement des dossiers. Donc, entre autres, en matière de communication de la preuve, comme nous le mentionnait Me Murphy un peu plus tôt aujourd'hui, il faut revoir les façons de faire. Ce n'est pas juste revoir les procédures judiciaires, mais c'est aussi revoir la façon dont on monte les dossiers, la façon dont on prépare un dossier qui sera présenté. On veut évidemment utiliser beaucoup la négociation, donc on veut favoriser la négociation dans l'audience en matière pénale. Évidemment, tout ça pour optimiser le temps de cour. Il y a des mesures qui sont prévues au projet de loi n° 168 pour miser sur cette transformation-là. Alors, c'est encore mon petit jingle publicitaire.

On veut utiliser davantage la visioconférence. On en a fait état tout à l'heure avec notre collègue du Nord-du-Québec, c'est utile pour l'accès à la justice dans le Nord-du-Québec, mais c'est utile de façon générale. La visioconférence entre un établissement de détention et le palais de justice, ça évite des déplacements de détenus. Ça évite les délais. Ça évite les retards. Ça permet au procureur, rapidement, d'avoir accès à son client.

On peut proposer aussi aux accusés un certain... le Programme de la meilleure offre pour permettre de régler le dossier, et non de le laisser traîner pendant plusieurs, plusieurs mois ou même, parfois... voire des années. Alors, c'est un projet pilote qui a été initié par le DPCP mais qu'on souhaite étendre à la grandeur du Québec.

Et évidemment on parle de la mise en place d'une plateforme qui va permettre aux citoyens une information juridique plus accessible puis centralisée, ça, grâce aux technologies. Et là je fais un clin d'oeil à notre collègue de Joliette qui avait, à un certain moment donné, parlé d'une ligne 1 800 justice. Bien, c'est un peu le 1 800 justice informatique, qui sera aussi accompagné d'une ligne téléphonique.

Donc, quand on parle de nouvelles pratiques, c'est : changeons nos façons de faire.

M. Hardy : Merci, Mme la ministre. M. le Président, j'aimerais informer les gens qui nous écoutent que le 7 décembre 2016, comme vous l'avez dit, il y a eu un investissement massif de 175,2 millions de dollars pour une période de quatre ans. Et là, au 27 mars 2018, le gouvernement a présenté un plan économique du Québec 2018-2019 dans lequel il prévoit un financement de 500 millions de dollars au cours des cinq prochaines années afin de mettre en oeuvre le plan pour moderniser le système de justice. La communauté juridique s'est déclarée satisfaite à la suite de l'annonce de ces investissements sans précédent dans le milieu de justice.

Donc, pour moi, vous avez fait un très bon travail, Mme la ministre, pour apporter tout ça. Et je sais qu'il y a d'autres projets de loi qui sont en cours. Et vous avez le projet de loi, aussi, C-75, du fédéral, qui doit s'adapter avec... ou on doit s'adapter à lui, ou il doit s'adapter à nous autres, dans tout ça.

Le Président (M. Auger) : Un peu moins de deux minutes.

M. Hardy : Deux minutes?

Le Président (M. Auger) : Oui, Mme la ministre veut commenter.

M. Hardy : Oui, Mme la ministre.

• (16 h 50) •

Mme Vallée : Bien, évidemment, c'est certain que ces mesures-là sont mises en place — là, je voyais le temps et le président qui me faisait signe — mais, en plus de ce dont je vous ai parlé tout à l'heure, il y a aussi... Lorsqu'on parle de l'investissement de 500 millions, il ne faut pas oublier la portion qui va nous permettre de mettre la justice à l'ère des nouvelles technologies. Alors, ça, cette partie-là du plan d'action est extrêmement importante, parce qu'elle va permettre de mettre en place un portail qui va donner aux citoyens la possibilité d'accéder à des services en ligne, et de pouvoir consulter, entre autres, leurs dossiers judiciaires en ligne, et de déposer à distance des documents, de consulter le dossier, puis on pourra gérer le dossier de façon numérique. Donc, un tas de mesures qui vont bénéficier non seulement aux utilisateurs du service de justice, mais aux citoyens. Et on veut vraiment aussi assurer qu'on ait des audiences sans papier puis moderniser les systèmes, parce que, M. le Président, je vous dirais que le système, l'infrastructure informatique du ministère de la Justice, elle date aussi. On parlait tout à l'heure des lois qui ont besoin d'être modernisées. Bien, on a un plumitif et une infrastructure qui datent de 1975. Alors, disons que cet investissement-là, il est attendu et il est dû. Ce n'est pas un caprice, c'est un besoin réel pour assurer d'être beaucoup plus efficace et plus efficient.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons poursuivre avec le troisième bloc du deuxième groupe d'opposition pour 20 minutes. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. le Président, je veux qu'on revienne sur la discussion que la ministre avait avec la collègue de Joliette sur les proches des victimes lorsqu'il y a des assassinats. La ministre nous disait : J'ai donné de mon discrétionnaire pour financer, dans le fond, le déplacement — notamment, je crois que la ministre faisait référence à la famille Bau-Tremblay, dont la fille a été assassinée à Beloeil — pour qu'ils puissent assister au procès. Il y a une demande qui avait été faite également au premier ministre d'avoir des fonds discrétionnaires pour que ceux-ci puissent couvrir les frais des dépenses, notamment, parmi plusieurs victimes, mais la famille... bien, en fait, l'association nous dit qu'ils n'ont pas eu de retour de la part du bureau du premier ministre. Alors, j'inviterais la ministre, si c'est possible, à faire le message au premier ministre, parce que, pour ces familles-là, ils veulent assister au procès des assassins de leurs enfants. Alors, je pense que ça serait tout à fait approprié qu'ils aient un petit coup de pouce pour le faire.

Le Président (M. Auger) : Oui, Mme la ministre, commentaire?

Mme Vallée : J'ai fait une contribution qui est quand même assez généreuse, et la contribution, elle n'est pas personnelle, de moi, mais c'est une contribution gouvernementale. Mais il y aura également un programme qui sera mis en place, comme je le mentionnais à notre collègue. Donc, l'objectif... L'utilisation des fonds discrétionnaires, c'est une mesure vraiment ponctuelle et exceptionnelle pour répondre à un besoin qui était plus pressant, et on ne voulait... et pour évidemment soutenir l'objectif, mais il y aura un programme mis en place, destiné aux proches des victimes. Donc, vous savez, M. le Président, ce n'est pas une question d'où vient les fonds... d'où proviennent les fonds, mais plutôt : Est-ce que nous avons une sensibilité toute particulière? Et, oui, nous l'avons collectivement.

M. Jolin-Barrette : Et, sur cette question-là, M. le Président, du programme à être développé, est-ce que, dans la réflexion que vous avez, vous vous dirigez vers les frais de subsistance, comme ceux que l'on donne à un témoin, supposons, qui est assigné pour assumer ses dépenses de ses journées en cour? Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous allez? Parce que, dans le fond, il faut comprendre que, lorsque, supposons, vous avez un parent qui a un enfant assassiné et qui souhaite suivre le procès en temps réel, aller à l'enquête préliminaire, bien, il doit se rendre au palais de justice, il doit défrayer le stationnement. Lorsque vous êtes dans un... Supposons, à Montréal, bien, le stationnement, ce n'est pas 2 $, là, c'est souvent 20 $ par jour. Il doit manger. Les journées en cours, parfois c'est long, les délais sont assez longs aussi. Il va peut-être devoir déjeuner, dîner. Ça va l'amener parfois à avoir à payer de l'hébergement également, des frais qui sont payés aux témoins lorsqu'ils sont assignés. Est-ce que c'est vers ça que vous vous dirigez, d'avoir l'équivalent de ce qui est signé, là, par le procureur pour autoriser les frais?

Mme Vallée : Les modalités du programme ne sont pas... font toujours l'objet de discussion avec nos partenaires, mais il y a... Et, parmi, là, les discussions, il y a la possibilité, justement, de prévoir les frais de déplacement, prévoir un montant pour frais d'hébergement, pour frais de repas et de stationnement qui seraient similaires, justement, aux indemnités qui sont payables aux témoins. L'objectif serait d'avoir un programme qui serait destiné aux proches de la victime, donc conjoints, parents, mais ce n'est pas tout à fait attaché, là. On est dans ces discussions-là, on regarde ces possibilités-là, évidemment avec un plafond pour voir... parce qu'on doit quand même budgéter, là, ce que ce fonds-là pourrait coûter annuellement. Mais on est à étudier différents scénarios, et les scénarios qui sont identifiés par mon collègue correspondent à des éléments qui sont pris en considération.

M. Jolin-Barrette : Et, M. le Président, j'aimerais savoir quel est l'échéancier de la ministre.

Mme Vallée : Je vous dirais : C'était hier. Mais, on comprend, lorsqu'on a des partenaires, il y a plusieurs consultations. Donc, le plus rapidement possible. Il y a vraiment... Les travaux vont bien. Et il y avait une rencontre, en fait, il y avait une rencontre, hier, qui a eu lieu, et il y aura encore quelques rencontres en mai. Donc, l'objectif serait, je vous dirais... j'aimerais être en mesure d'ici, je dirais, au plus tard le début juin... être capable de présenter quelque chose. Mais je ne suis pas... Il y a plusieurs partenaires qui sont impliqués dans la démarche, donc je... Mon optimisme est quand même là. J'aimerais être en mesure de le présenter, mais évidemment il y aura aussi des démarches qui vont nécessiter une mise en oeuvre, là.

M. Jolin-Barrette : Et ça, c'est un changement réglementaire?

Mme Vallée : Nous tentons de trouver un véhicule qui serait beaucoup plus simple qu'un changement réglementaire. Donc, c'est pour ça qu'il y a du travail en cours.

M. Jolin-Barrette : Et donc une directive?

Mme Vallée : Il est trop tôt... je ne vous ferai pas l'annonce aujourd'hui parce qu'on n'en est pas rendus là. Mais je dois vous dire, M. le Président, et rassurer mon collègue qu'il y a un travail sérieux qui est fait pour en arriver avec une solution novatrice et qui permettrait de présenter quelque chose de nouveau. Et l'objectif serait évidemment de vous présenter ça fin mai, début juin. Alors, attendons, soyons patients quelques semaines, et là je pourrai répondre à toutes les questions de mon collègue. Mais aujourd'hui, si je vous dis quelque chose, c'est... Tout n'est pas encore finalisé. Mais il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail qui est fait pour présenter quelque chose de solide, puis quelque chose qui sera aussi pérenne. Alors, l'objectif, ce n'est pas d'arriver avec une solution qui pourrait être l'équivalent d'une injection de discrétionnaire, mais avoir un programme pérenne, destiné aux proches des victimes.

M. Jolin-Barrette : Je comprends et je ne doute pas du sérieux du travail qui est effectué, mais il faut comprendre aussi, M. le Président, que, je donne un exemple, il y a des familles que le procès va se tenir très prochainement. Exemple les Bau-Tremblay, à Saint-Hyacinthe, c'est au mois de juin. Donc, pour ces gens-là, qui veulent assister au procès, il faut qu'il y ait des réponses quand même rapidement. On comprend l'impact de la mise en place d'un nouveau programme, tout ça, mais déjà, de savoir : Est-ce que c'est par le biais d'une directive que ça va pouvoir être fait...

Et l'autre élément aussi, au-delà de la directive, si on veut que ça soit pérein, bien, éventuellement, il va falloir avoir la réflexion à savoir est-ce qu'on modifie la loi comme telle ou la réglementation.

Mme Vallée : L'objectif, ce n'est pas que le programme ne nécessite pas de modification législative ou réglementaire, justement, pour pouvoir avoir une réponse à court terme. Mais je vous dirais, M. le Président, que, si des sommes ont été versées à l'AFPAD, c'est justement pour répondre de façon ponctuelle à certains échéanciers. Je vous dirai également, M. le Président, que, lorsque l'on travaille sur un programme, on le travaille de façon... on le travaille avec une vision collective, pour l'ensemble de ceux et celles qui malheureusement pourraient avoir besoin de recourir à ce programme-là.

J'ai été sensibilisée par les familles des victimes qui vivront cette douloureuse expérience en juin prochain. Je les salue et je les remercie d'avoir pris le temps de s'entretenir avec les parlementaires, parce que force est de constater qu'ils ont sensibilisé l'ensemble des parlementaires de cette Assemblée à une situation difficile, et c'est pour ça qu'on y travaille. Leur effort n'aura pas été vain parce qu'il y a un travail qui est amorcé, qui est sérieux.

M. Jolin-Barrette : Un autre élément, M. le Président, en matière de droit civil : le délai de prescription en matière d'actes à caractère sexuel. C'est un dossier sur lequel j'ai posé beaucoup de questions à la ministre. Et on est rendus en fin de mandat. La ministre m'a dit à de multiples reprises : On est de tradition civiliste, mais c'est possible de le faire.

Alors, je voudrais savoir si ça chemine, cette idée-là. Est-ce que ça percole un peu ou il y a une fermeture complète du gouvernement?

• (17 heures) •

Mme Vallée : Ce n'est pas une fermeture, M. le Président. Je vous dirais qu'on a... Je ne considère pas que l'on est fermés parce qu'on ne partage pas l'opinion de certains collègues. Avec respect, je pense qu'on a eu la chance d'échanger il y a deux semaines — oui, il y a deux semaines — sur cette question-là. J'ai fait mes observations. J'ai expliqué pourquoi je ne pouvais malheureusement retenir cette suggestion qui a été formulée par nos collègues et qui a été aussi formulée par la Protectrice du citoyen. Je suis d'avis et nous sommes d'avis que cette solution-là viendrait déstabiliser notre système de droit civil. Pensons, entre autres, aux successions qui pourraient se voir confrontées à des situations dont ils n'avaient aucunement connaissance. Il y a eu des efforts importants qui ont été faits. On a apporté des modifications législatives en 2013. Je suis de ceux et de celles qui considèrent que l'aide aux victimes d'actes criminels doit être revue. Et je pense avoir pas mal fait le tour du jardin et le tour de la question.

Le Président (M. Auger) : M. le député, 10 minutes.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est curieux que la ministre soulève la question des successions parce que vous savez qu'actuellement, dans le Code civil, les successions sont déjà balisées. Lorsque la personne décède, le recours qui est prévu, il y a une prescription associée à ça. Donc, la ministre sait très bien que ça serait possible, si son argument, c'est les successions, de fermer cette démarche-là et de venir vraiment faire en sorte que la personne aurait un droit d'action contre la personne qui l'a agressée sexuellement, parce que la réalité, là, à laquelle les victimes font face actuellement en matière civile, c'est que, s'il y a une victime qui a été agressée avant 2010, et qu'elle avait la connaissance, et qu'elle n'était pas en incapacité, en fait, d'agir, son délai, il est prescrit ou elle peut se faire opposer la prescription en matière civile.

Je comprends l'argument de la ministre qui nous dit : On est dans un pays de tradition de droit civil, tout ça. Mais il y a des exceptions qui peuvent être faites, particulièrement dans ce domaine-là, en raison de la gravité du geste. Et il ne s'agit pas d'une hiérarchisation des éléments. Mais, lorsqu'on dit que le critère d'interprétation, c'est le simple écoulement du temps, en termes de justice naturelle, ça n'a pas de bon sens. Et le Barreau du Québec dit : On est en faveur de l'abolition de la prescription. La Protectrice du citoyen l'a dit également, le juge Grandmont le dit également. Alors, il y a plusieurs intervenants du milieu de la justice qui le réclament. Les victimes le réclament. Et on se retrouve dans une situation où on vient, en quelque sorte, par notre système de droit, protéger les agresseurs. Je ne peux pas me réconcilier avec ça.

Mme Vallée : M. le Président, je pense qu'il faut faire une distinction. Puis il n'y a pas de protection des agresseurs. Je tiens à rappeler, puis ça, c'est important de le mentionner parce que ces questions-là suscitent parfois des questionnements de la part des citoyens : un, il n'y a pas de prescription en matière criminelle. Puis ça, je pense que notre collègue le convient. Donc, quelqu'un qui a commis un acte odieux, telle une agression sexuelle, ne peut pas être protégé par une prescription en matière criminelle.

Là, ce dont il est question, c'est une possibilité de poursuivre un agresseur en matière civile. En matière civile, il existe un principe qui s'appelle la prescription. Au Québec, cette prescription-là a été ramenée, lors des travaux portant sur la réforme du droit civil, dans les années 90, à une prescription générale de trois ans. Donc, les actions se prescrivent par trois ans. Ce que nous avons fait ici, M. le Président, collectivement, en 2013, ça a été d'allonger ce délai de prescription pour les actes sexuels, pour les agressions sexuelles et les violences familiales, entre autres. Et cet objectif-là, c'était justement d'étendre ce délai de prescription à 30 ans, prescription qui ne court pas pendant que la personne est un enfant mineur. C'est énorme et c'est une grande avancée. Maintenant, mon collègue dit : Certains souhaitent qu'il y ait abolition totale de la prescription. Je réfère mon collègue à d'autres éminents juristes qui considèrent qu'il s'agit d'une fausse bonne idée.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas, 6 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, il faut dire que, lorsque la ministre dit qu'on a fait des avancées, c'est des avancées pour le futur et qu'on oublie les victimes du passé aussi. Donc, je veux qu'on en soit conscients, de cela.

M. le Président, sur la question de la réforme du droit de la famille, tout à l'heure on l'a abordée, mais la ministre ne doit pas être sans savoir que la Chambre des notaires a lancé un processus de consultation pour aller consulter la population, travail qui aurait dû être fait par l'Assemblée nationale ou par le gouvernement. D'ailleurs, j'avais présenté un mandat d'initiative à cet effet-là, et on m'avait répondu lors de la séance de travail à huis clos : Bien, Simon, il reste juste deux ans avant les élections, on n'a pas le temps de faire ça. Alors, je voudrais connaître la position du gouvernement sur la réforme du droit de la famille. Est-ce qu'on ne devrait pas se joindre avec la Chambre des notaires, pendant que les consultations sont organisées, pour écouter les citoyens?

Mme Vallée : Bien, M. le Président, il n'y a rien qui empêche le collègue de Borduas de se joindre aux collègues de la Chambre des notaires et de participer aux consultations qui auront lieu en différentes villes du Québec au cours des dernières semaines.

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Auger) : Juste une personne à la fois.

M. Jolin-Barrette : ...je vais y participer et j'espère la voir présente.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Il s'agit d'une initiative de la Chambre des notaires, entre autres, pilotée par Me Roy, qui est signataire et qui présidait le Comité consultatif sur le droit de la famille. Maintenant, le gouvernement, notre gouvernement a fait part de sa vision, de sa stratégie, qui est un peu différente. Donc, l'objectif, ce n'était pas de se lancer dans une grande, une vaste consultation, une large consultation, mais plutôt d'aborder la réforme du droit de la famille en fonction de différents thèmes. Mais on l'a fait. L'an dernier, à ce temps-ci de l'année, nous étions actifs. La Commission des institutions s'est activée, en fait, après les crédits et a étudié le projet de loi n° 113, qui est venu changer et modifier substantiellement le droit à l'adoption et également la question de la tutelle coutumière autochtone. Bref, on a posé des gestes importants. Et ce projet de loi là entrera en vigueur d'ici le 18 juin prochain.

Maintenant, comme je l'ai mentionné aussi un peu plus tôt aujourd'hui, il y a des travaux, il y a des réflexions qui sont en cours sur d'autres aspects du droit de la famille. Oui, la famille québécoise a évolué, mais il y a plusieurs chemins qui mènent à une même destination. Nous avons fait le choix d'emprunter un chemin différent de celui de la Chambre des notaires, tout simplement.

Le Président (M. Auger) : Quatre minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. La ministre en a fait allusion, le projet de loi n° 113 entre en vigueur. Il y a beaucoup de gens qui souhaitent avoir accès... des personnes qui ont été confiées à l'adoption, qui souhaitent avoir accès à leurs antécédents médicaux. Là-dessus aussi, on a fait un mandat d'initiative, et ça a été refusé par la majorité gouvernementale, à savoir que les gens qui ont été confiés à l'adoption devraient pouvoir avoir accès à leurs antécédents médicaux de leurs familles biologiques. Alors, est-ce que le gouvernement travaille là-dessus ou refuse et reste sur sa position de dire : Les gens qui ont été confiés à l'adoption, c'est une deuxième catégorie de citoyens, ils ne pourront pas avoir accès? Parce qu'il y a des mécanismes qui peuvent exister, de faire en sorte qu'un tiers fiduciaire aurait cette information-là, notamment un médecin.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, je pense qu'il faut faire attention aux termes qu'on utilise. Il n'y a personne ici qui prétend que quelqu'un est une deuxième classe de citoyen. Donc, j'invite mon collègue à la prudence, là. Je pense que nos crédits vont bien. Tentons de ne pas faire de démagogie.

Ceci étant, sur la question de l'adoption, M. le Président, nous avons adopté un projet de loi il y a un an. Nous avons adopté ce projet de loi à l'unanimité. Et je vous dirais que nous avons abordé les questions soulevées par mon collègue. Nous avons eu l'occasion, en commission parlementaire, d'avoir des échanges et d'expliquer le positionnement gouvernemental. Donc, je comprends que le projet de loi ne reflète peut-être pas en tout point de vue la position de mon collègue et je respecte... Mais respectons aussi que cette Assemblée a adopté un projet de loi et permettons à ce projet de loi d'entrer en vigueur au moment qu'il y est prévu. Il n'y a pas, à court terme, d'intention de modifier le projet de loi dûment adopté il y a moins d'un an.

Le Président (M. Auger) : M. le député, deux minutes.

M. Jolin-Barrette : Oui, très certainement. J'aurais une question relativement à la Commission des services juridiques.

Mme Vallée : Est-ce que vous voulez que le président se présente?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ce que je souhaiterais savoir, c'est au niveau de la tarification, parce qu'on sait qu'à l'aide juridique il y a des permanents puis il y a des mandats qui sont donnés, dans le fond, à des avocats externes qui peuvent effectuer les mandats d'aide juridique. Est-ce que les gens, lorsqu'ils vont voir un avocat en pratique privée avec un mandat d'aide juridique... Est-ce qu'il y a eu une bonne réponse des avocats de l'externe ou il y a des problématiques au niveau du tarif qui est donné aux avocats?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

• (17 h 10) •

Mme Vallée : Si vous me permettez de commencer, je pense que notre collègue n'est pas sans savoir qu'il y a actuellement une négociation en cours sur le tarif d'aide juridique, donc, entre le ministère de la Justice et le Barreau du Québec. Donc, il serait un petit peu non approprié de discuter de cette négociation-là qui a cours. Nous avons des échanges avec les barreaux. Nous avons plusieurs rencontres de négociation qui sont prévues au cours des prochaines semaines. Donc, permettons aux barreaux, et au ministère de la Justice, et aux négociateurs d'échanger, parce que l'objectif, évidemment, c'est d'améliorer notre service d'aide juridique pour l'ensemble des citoyens et au bénéfice de tous.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, est-ce que les discussions progressent?

Le Président (M. Auger) : Juste un instant. Consentement pour l'intervention, la réponse? Consentement. Votre nom, votre titre et une courte réponse.

M. Niquette (Yvan) : Yvan Niquette, président de la Commission des services juridiques.

Comme vient de le dire Mme la ministre, nous agissions actuellement en conseil, au ministère de la Justice, sur la négociation qui a cours au niveau du tarif. Je peux vous dire qu'à date ça se déroule très bien et que les démarches se font de façon exploratoire pour l'instant. Et par la suite il y aura des échanges plus sérieux. Et soyez sans crainte qu'on conseille, nous aussi, pour que le régime d'aide juridique, tant sa composante permanente que pratique privée, puisse oeuvrer dans les meilleures conditions possible.

M. Jolin-Barrette : Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons poursuivre avec le sixième bloc du gouvernement pour à peu près 18 minutes, avec le député de Chapleau.

M. Carrière : Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi de vous saluer, saluer les collègues, saluer la ministre, avec toute son équipe également, qui est ici aujourd'hui. C'est la 10e année que je fais des crédits. C'est la première fois que j'en fais en Justice. Alors, je suis très heureux d'être là pour vos derniers crédits, Mme la ministre.

Je vais poursuivre un peu sur ce que mon collègue a comme fini tantôt, sur toute la question des services de l'aide juridique. Et, dans une autre vie, j'ai travaillé pour un ministère, le ministère de l'Emploi et Solidarité. Donc, il y a beaucoup de notre clientèle qui était souvent la même clientèle. Et, en 2014-2016, il y a des hausses des seuils d'admissibilité vraiment importantes qui ont été mises à la disponibilité des citoyens. Donc, c'est modulé également selon le revenu de chacun et de la composition familiale, ce que je comprends aussi, puis il y a un volet contributif aussi. Donc, dépendamment de votre revenu, il est possible que vous ayez une contribution, là, qui peut aller, si je comprends bien... et peut-être vous pouvez l'expliquer plus en détail, mais qui peut aller, là, dépendamment de la... excusez le terme, là, mais du bracket, là, que vous êtes, là, entre 100 $ et 800 $, et selon la composition familiale que vous êtes.

Et ce que je comprends également, c'est qu'en 13 ans, là, donc depuis 13 ans, pour une personne seule, le barème est passé de 8 870 $ à 21 840 $, le seuil d'admissibilité pour une personne seule, donc sans enfant, et non pas un couple également. Donc, c'est une augmentation de 146 % au niveau du seuil d'admissibilité. C'est clair que ça concerne des gens qui sont avec des faibles revenus, des gens qui, des fois, vont être, effectivement, avec des faibles revenus, ou avec des gens à l'aide sociale, ou des gens avec une précarité et des besoins qui, quelquefois, sont nombreux.

Donc, j'aimerais savoir, de la part, là, de la ministre ou des gens qui l'accompagnent, là, concrètement qu'est-ce que ça veut dire, cette modulation-là et l'augmentation, là, du seuil d'admissibilité, combien de personnes, si on a les statistiques également, de plus on est en mesure d'aider avec les services d'aide juridique, d'avoir un peu le portrait, là, général suite à cette hausse des seuils d'admissibilité.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, merci, M. le Président. Je remercie mon collègue de Chapleau. C'est vrai qu'il y a eu d'importantes avancées au niveau de l'admissibilité à l'aide juridique au cours des 13 dernières années. C'est quand même substantiel. Et cette question-là tombe à point parce qu'aujourd'hui... Puis on l'a mentionné un peu plus tôt, aujourd'hui, c'est le 1er mai, le salaire minimum passe de 11,25 $ à 12 $ l'heure. C'est une hausse historique. Et cette hausse historique là a un lien avec l'augmentation des seuils, parce que les seuils, maintenant, permettent... sont établis en fonction du revenu minimum. Et donc, à compter du 31 mai... parce qu'on adapte l'admissibilité à l'indexation du salaire minimum, bien, à partir du 31 mai 2018, le niveau de contribution gratuit permettra à une personne seule qui gagne 21 840 $ et moins d'accéder gratuitement à l'aide juridique, et une personne seule pourra recevoir les services d'aide juridique avec une contribution, donc une contribution qui sera graduelle en fonction du revenu, et sera admissible jusqu'à un revenu de 30 506 $. Pour un adulte seul et un enfant, prenons, par exemple, une mère monoparentale, donc, ou un père monoparental, ceux-ci pourront bénéficier des services gratuits de l'aide juridique si leur revenu est en deçà de 26 720 $ et pourront recevoir des services d'aide juridique, avec le volet contributif, jusqu'à un revenu de 37 317 $. Alors, c'est beaucoup.

Maintenant, pour les statistiques, je ne le sais pas si Me Niquette a avec lui les statistiques qui répondent aux questions plus précises de mon collègue. Donc, je me tourne vers Me Niquette.

M. Niquette (Yvan) : Oui, tout à fait, comme vient de le dire Mme la ministre, depuis 2014, on a pu constater, malgré, là... Si vous regardez les cahiers qui vous ont été acheminés, on peut sembler y voir une stagnation de la demande à l'aide juridique. Si le volume semble stable, les gens qui bénéficient de l'aide juridique, en relation avec les hausses successives depuis 2014, on est capables d'en isoler ou d'en identifier actuellement, par année, 18 800, personnes, ou plutôt dossiers qui sont désormais admissibles. Et, n'eût été de la hausse significative des seuils d'admissibilité, ces gens-là n'auraient pas eu accès à l'aide juridique.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Chapleau.

M. Carrière : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est que ces 18 800 dossiers là, ils auraient été non admissibles selon les anciens seuils d'admissibilité?

M. Niquette (Yvan) : Selon les anciens barèmes, c'est des gens qui n'auraient pas eu accès à l'aide juridique.

M. Carrière : O.K., merci. J'aimerais maintenant rapporter une situation qui se vit dans quelques régions du Québec, où on parle de fermetures de bureaux de l'aide juridique. Je sais qu'il y a, à Vaudreuil, il y a, à Louiseville, il y a, à Longueuil, certains bureaux qui sont fermés. Mais je vais m'attarder plus à celui de Vaudreuil, et là l'ancien maire et l'ancien préfet en moi va ressortir.

Moi, toute ma vie, là, j'ai fait ça pendant 16 ans, j'ai travaillé pour des services de proximité, pour que, les gens, ce soit le plus près de chez eux. Et, quand on parle d'aide juridique, c'est souvent des gens plus démunis, des gens à faibles revenus. C'est des gens qui... Souvent, il y a de nouveaux arrivants, surtout le secteur de Vaudreuil-Soulanges, ce coin-là. Et la MRC Vaudreuil-Soulanges, c'est 22 municipalités qui connaissent une croissance vraiment extraordinaire. Et là ce que je comprends, et j'ai fait des vérifications, c'est que le bureau de Vaudreuil sera fermé et ce sera transféré à plus de 30 kilomètres de là, à Valleyfield. Et ce que je comprends aussi, c'est qu'il n'y a pas de réseau de transport en commun qui relie les deux. Il n'y a pas de numéro sans frais. Donc, il faut que tu appelles à frais virés. Je ne savais même pas que ça existait encore. Je pensais qu'en 2018 les frais virés, ça n'existait plus. Et ce que je comprends aussi, c'est que les gens n'ont pas été consultés, ni les maires, ni le préfet de la MRC, ni les organismes communautaires qui sont... le centre des femmes de La Moisson, il y a le carrefour jeunesse, la maison des jeunes, L'Aiguillage, qui est un centre d'hébergement pour les femmes en difficulté, Le Tournant, qui font des interventions de crise, en accompagnement et en réinsertion sociale, la maison de la famille de Vaudreuil-Soulanges.

• (17 h 20) •

Donc, ce que je comprends, cette décision-là a été prise... je vais utiliser le mot... peut-être que je n'ai pas le bon mot, mais en vase clos. Et les gens vont devoir, pour avoir accès à des services d'aide juridique, faire 30 kilomètres, pas de transport en commun. Et, quand on se bat à tous les jours pour amener des services le plus près des citoyens, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre cette décision-là. Et je sais pour avoir fait des vérifications que la MRC, les maires sont prêts à regarder pour aider la Commission des services juridiques s'ils ont besoin de locaux, s'ils ont besoin... peu importe. Il y a une cour municipale dans les locaux de la MRC. Je sais également qu'il y a six régions... J'ai vérifié, là, le rapport annuel de l'année dernière, il y a six régions où il y a des bureaux à temps partiel. En Abitibi-Témiscamingue, il y en a huit. Dans le Bas-Saint-Laurent—Gaspésie, il y en a six. Sur la Côte-Nord, il y en a trois. En Estrie, il y a trois bureaux à temps partiel. Même, dans le centre régional d'aide juridique de Québec, ici, il y en a deux. Et, en Outaouais, il y en a un également. En Outaouais, chez nous, il y en a un également, un bureau à temps partiel.

Donc, je ne sais pas si cette décision-là est finale, si elle est réversible, ou si l'objectif d'avoir des services de proximité pour les citoyens qui, et je me répète, sont les plus démunis, à plus faibles revenus... Comment on peut répondre à ces citoyens-là? Est-ce qu'il y a une ouverture pour un bureau à temps partiel? Est-ce qu'il y a une ouverture pour travailler avec les intervenants locaux, la MRC, les maires, etc., pour revoir cette décision-là, que je m'explique mal pour l'instant?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais laisser la parole à Me Niquette.

M. Niquette (Yvan) : Bien, merci d'avoir posé la question. Ça me permet de peut-être rappeler le processus de prise de décision dans le contexte du réseau d'aide juridique. Le réseau d'aide juridique est formé de 12 employeurs. La Commission des services juridiques en est un. Les centres régionaux, qui se comptent au nombre de 11, sont des employeurs autonomes et dirigés par un conseil d'administration. Les conseils d'administration sont formés de 12 membres qui sont nommés à cette fonction par leur implication et leur connaissance du milieu.

Donc, la décision qui a été prise dans le cas que vous me présentez, à Vaudreuil-Dorion, a été prise par le Centre communautaire juridique de la Rive-Sud et son conseil d'administration, donc 12 membres bénévoles. Et ce n'est pas souvent qu'on a la chance... Je vais me permettre ici de saluer le travail et l'implication de ces gens-là qui, de façon tout à fait bénévole, voient à la gestion des affaires du régime d'aide juridique.

Dans le cas plus précis de Vaudreuil-Dorion, je tiens à préciser qu'actuellement ce n'est pas à frais virés, là. Il y a une ligne 1 800 qui a été établie. Il y a eu des consultations également qui ont été faites. La communauté juridique au grand complet de Vaudreuil-Dorion et Salaberry-de-Valleyfield a été invitée par le Centre communautaire juridique de la Rive-Sud à une séance d'information et d'échange. Et là il faut préciser que... 30 kilomètres, oui, mais les commentaires et les constatations qui me sont parvenus, c'est que, pour certains de Vaudreuil-Dorion, dans l'ouest de Vaudreuil-Dorion, c'est aussi près de venir à Salaberry-de-Valleyfield qu'à Vaudreuil-Dorion, et, dans les autres cas, c'est un 30 minutes de déplacement. Je vous dirais que c'est souhaitable d'avoir des points de service en plus grand nombre partout à travers la province. Mais, pour un système d'aide juridique efficient, l'accès à la justice ne se mesure pas seulement par la distance du point de service, mais également par les délais pour la prise de rendez-vous et la qualité des services qui sont rendus.

Je vous dirais qu'à Vaudreuil-Dorion, l'analyse qui a été faite l'année dernière, il n'y a eu que 103 dossiers traités. Il y a eu des difficultés aussi au niveau que c'est un avocat seul qui y pratiquait. Donc, il avait de la difficulté à être présent tant au bureau que dans les différentes instances où oeuvrent les avocats de l'aide juridique. Et, plus encore, les délais étaient rendus à sept semaines et demie pour prendre un rendez-vous à Vaudreuil-Dorion, dans les circonstances, alors qu'ils étaient de trois semaines à Salaberry-de-Valleyfield. La réorganisation des services a permis aux gens de Vaudreuil-Dorion d'avoir un accès plus rapide aux services d'un avocat, à une consultation avec un avocat, de telle sorte que, maintenant, à la fois à Salaberry-de-Valleyfield et Vaudreuil-Dorion, le délai est le même, c'est trois semaines. Et, plus encore, je vous dirais que les services étaient déjà rendus à partir de Salaberry-de-Valleyfield depuis plus d'une vingtaine d'années, en matière criminelle et pénale, en matière de jeunes délinquants et en matière de protection de la jeunesse. Les services qui étaient rendus par le bureau de Vaudreuil-Dorion étaient en droit civil et familial principalement, un peu, et accessoirement en droit administratif.

Les mesures d'accommodement qui ont été prises, outre la ligne 1 800, c'est... Oui, il y a des démarches actuellement pour accommoder les gens de Vaudreuil-Dorion qui auraient des difficultés de déplacement pour pouvoir se rendre à un bureau qui serait à temps partiel. Et c'est une belle nouvelle que vous me dites, que les gens de la MRC et les maires, tout ça, sont désireux de nous accueillir dans leurs locaux, le cas échéant. Voici les motifs qui sous-tendent la décision.

Le Président (M. Auger) : Quatre minutes, M. le député de Chapleau.

M. Carrière : Quatre minutes? Bien, un, merci de l'ouverture pour avoir... s'il y a un bureau à temps partiel. Je pense que c'est important de... Effectivement, et je suis d'accord avec vous, ce n'est pas seulement... C'est au niveau de la distance que... Et je ne suis pas un spécialiste, c'est vous, le spécialiste, mais, à toutes les fois qu'on enlève un service de proximité, de le ravoir, c'est quasi impossible, donc, et là-dessus, toute ma carrière politique, je me suis battu là-dessus, et je pense que c'est important de le maintenir.

À Louiseville, est-ce que la même... Je ne veux pas que vous me reveniez là-dessus, là, mais, un, s'il y a une ouverture pour avoir un bureau à temps partiel, je pense que ça pourrait aider les citoyens du secteur. Et effectivement je pense que... Et ce que je comprends aussi... vous dites que vous avez eu des consultations, mais je comprends que c'est du «inside baseball», là. Les intervenants du milieu, le monde municipal, etc., eux, n'ont pas été consultés. En tout cas, les vérifications que j'ai faites, eux n'ont pas été consultés.

M. Niquette (Yvan) : Les gens qui ont été consultés, bien, outre le conseil d'administration... Là, je vous répète que le conseil d'administration du centre communautaire est constitué de 12 personnes qui sont impliquées et qui vivent dans le milieu, là. Outre ça, oui, le milieu juridique... mais le milieu juridique a beaucoup d'impacts sur les décisions qui sont prises justement pour améliorer l'accès à la justice.

Et, pour Vaudreuil-Dorion, pour terminer sur le sujet, j'ai connaissance que la députée Nichols, de Vaudreuil-Dorion, aura une rencontre justement pour prendre les mesures souhaitées, là, je crois, demain ou après-demain, avec la direction générale du Centre communauté juridique de la Rive-Sud, alors que, pour Louiseville, il n'y a aucune fermeture. Le point de service est toujours en fonction. C'est la desserte qui varie, à savoir qu'auparavant il y avait une seule avocate qui était affectée à temps plein au bureau de Louiseville. Maintenant, selon les besoins qui vont être exprimés par la clientèle qui nous contacte, il y aura une rotation à partir des avocats qui sont en permanence à Trois-Rivières, qui vont se rendre directement à Louiseville pour offrir à la fois les consultations et la représentation qui est souhaitée. Donc, Louiseville demeure toujours un point de service.

Le Président (M. Auger) : Deux minutes.

M. Carrière : Deux minutes? O.K. Rapidement, bien, merci pour l'ouverture pour le point de service à temps partiel. Je pense que ce sera apprécié des citoyens. J'aimerais juste... Peut-être, une petite question rapide. Au niveau du comité de révision, lorsqu'il y a une demande, là, de traitement au niveau des services juridiques, c'est un comité de révision de trois membres, etc. On me parlait de délais d'audition qui étaient quand même assez longs, de 10 à 12 semaines. C'est peut-être dans le passé. À ce niveau-là, quelles sont les démarches qui ont été faites pour améliorer toute la question des délais? Bien, je vais vous laisser aller parce qu'on n'a pas beaucoup de temps.

M. Niquette (Yvan) : O.K. Non, je vous avoue qu'un délai de 10 à 12 semaines, plusieurs tribunaux envient le comité de révision d'avoir un si court délai pour avoir accès... Quand on se compare, on se console, mais avoir accès à une audience dans un délai de 10 à 12 semaines, je pense, c'est quand même raisonnable. Mais, depuis l'arrêt Jordan, et conjointement avec le ministère, on a décidé de mettre une procédure accélérée qui permet aux gens, selon les circonstances, d'avoir accès au comité de révision dans un délai aussi court qu'une semaine.

Le Président (M. Auger) : Dernière minute, M. le député.

M. Carrière : Pardon?

Le Président (M. Auger) : Il reste une minute.

M. Carrière : Il reste une minute? Bien, un, bien, vous remercier pour les réponses et remercier la ministre également, là. Et je salue encore une fois l'ouverture, là. S'il y a lieu de garder des services de proximité pour l'ensemble des citoyens, donc ce sera accueilli, assurément... d'une bonne nouvelle. Et je laisserai le temps, s'il en reste, sur le prochain bloc.

M. Niquette (Yvan) : ...

Le Président (M. Auger) : Oui?

M. Niquette (Yvan) : Vous parlez d'accès et de proximité. On est quand même fiers, comme organisation, d'avoir encore et toujours 112 points de service à travers le Québec, d'être le seul bureau d'avocats à Kuujjuaq et aux Îles-de-la-Madeleine.

Le Président (M. Auger) : Merci pour les informations. Nous allons maintenant poursuivre avec le quatrième bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Joliette, pour 22 min 30 s.

• (17 h 30) •

Mme Hivon : Oui. Peut-être, pendant qu'on est sur le sujet de l'aide juridique, j'aurais une question, qui est une question qui revient souvent, pour calculer l'admissibilité à l'aide juridique, et le Barreau a pris position aussi, récemment, sur cet enjeu-là, c'est à savoir que le calcul devrait se faire sur le revenu mensuel et non pas annuel. Compte tenu que beaucoup de gens qui vont aller à l'aide juridique vont justement y aller parce qu'ils vivent un moment de crise, ils ne sont pas admissibles ou, enfin, ils ont des difficultés financières, et compte tenu du fait qu'on calcule le revenu sur l'année, ça empêche, donc, cette flexibilité-là. Et le Barreau a formulé, donc, cette demande-là en février 2018. C'est une demande qu'on entend depuis un bon moment. Alors, je voulais savoir si la ministre réfléchit à apporter cette modification-là.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Mais il y avait... c'est déjà quelque chose qui existait auparavant. Et je comprends qu'il y ait eu des changements qui ont été apportés, parce qu'il y avait d'utiliser le délai, le... non pas le délai, mais utiliser le revenu mensuel comportait aussi son lot de problématiques, entre autres les délais pour fournir la documentation. Mais je laisserais Me Niquette peut-être exprimer davantage les difficultés que cette méthode d'analyse là a comportées dans le passé.

M. Niquette (Yvan) : Autrefois, le revenu hebdomadaire était tenu en compte afin de procéder à l'admissibilité. On a évalué aussi, parfois — ça revient, c'est récurrent — l'admissibilité sur une base mensuelle. Il n'y a pas de solution magique ou qui est parfaite à tout point de vue. Comme vient de le dire Mme la ministre, les délais pour documenter la demande... et surtout l'évolution dans la situation financière du potentiel bénéficiaire peut faire en sorte que, oui, un mois, c'est favorable, mais, le mois suivant, ça l'est moins. Est-ce qu'on met fin à la prestation de services? Quel est le jeu qui va se produire si, d'un mois à l'autre, la situation varie significativement?

Je vous rappelle qu'à l'intérieur de la Loi sur l'aide juridique il y a une obligation pour le bénéficiaire d'informer de tout changement important dans sa situation, qui viendrait influer sur son admissibilité à l'aide juridique. Et là il y aurait une gestion de l'incidence de la variation du revenu qui ferait en sorte que ce serait très lourd administrativement et parfois même pénalisant pour les gens. Il y a des situations qu'on peut faire la démonstration que ça serait favorable, mais je pourrais vous présenter d'autres situations où, en plein dossier de cour, il faudrait, à ce moment-là, réévaluer la situation financière des individus.

Mme Hivon : Donc, ça a été analysé, mais ça n'a pas été retenu. O.K., merci.

Je veux juste revenir rapidement sur le fameux rapport que nous cherchions, à la recherche du rapport disparu, donc, de la Commission des droits de la personne, en fait, qui avait été commandé par la présidente, Mme Thermitus. En fait, on l'a trouvé in extremis sous une rubrique qui s'appelle Mandats octroyés à des firmes externes. Alors, je pense qu'on peut comprendre que ce n'était pas évident de savoir que ça, c'était le mandat sur la gestion qui avait été demandée à un expert, qu'on n'aurait pas pensé à qualifier de firme externe, qui était M. Hotte. On l'a trouvé, sauf que toutes les conclusions et recommandations sont caviardées.

Alors, je réitère la demande : Est-ce qu'il est possible de nous le déposer? Parce que, quand même, on vit un moment assez crucial en ce moment avec le dépôt notamment, ce matin, du rapport de Mme Verreault en ce qui concerne votre organisation. Donc, est-ce que ce serait possible de nous déposer, dans les meilleurs délais, l'intégralité du rapport de M. Hotte?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, en fait, je vais céder la parole à Me Tessier. On est à regarder la situation. Alors, Me Tessier, vous pourriez...

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, Mme la députée... M. le Président, pardon. Alors donc, de notre côté, ce que je peux vous dire, c'est que ce rapport-là, il se retrouve dans une section, comme on le disait tout à l'heure, du site qui est en lien avec une demande d'accès à l'information. Et la décision qui a été prise en septembre 2017, lorsque le rapport a été mis sur le site et divulgué, donc, à la personne qui a fait la demande d'accès à l'information, c'était d'appliquer l'article 37 de la loi sur l'accès à l'information, à la partie Recommendations du rapport. Si vous consultez, sur le site le rapport est là de façon pratiquement intégrale. Il manque la section Recommandations en application de l'article 37 de la Loi sur l'accès. Cette décision-là a été communiquée à la partie. Et donc c'est ce qui est présentement sur le site.

Alors, si je suis devant vous aujourd'hui, je vous dirais qu'il y a des circonstances aujourd'hui qui sont nouvelles et qui vont m'imposer, moi, comme président actuellement, de regarder la question avec beaucoup d'attention, à savoir s'il est nécessaire de divulguer certains autres éléments d'analyse pour permettre aux parlementaires de jouer leur rôle.

Mme Hivon : Si je peux me permettre un point de vue sur la question, je pense que ce serait vraiment essentiel qu'on ait accès à l'intégralité de ce rapport-là, donc des recommandations, bien évidemment, puisque je pense que, ce matin, on a vu un rapport qui est très dévastateur, avec des conclusions très claires et très dures sur l'état des lieux en ce qui concerne la présidente et certaines questions de relations de travail et de défis organisationnels. Alors, de pouvoir avoir le tableau complet, et, je vous dirais, très rapidement, dans les heures qui viennent si c'est possible, ce serait fort apprécié.

Maintenant, je vais revenir — il y a tellement de sujets, M. le Président — sur la question des victimes d'actes criminels, avec les deux demandes que nous avions formulées, là. La ministre a reconnu que ça avait été quand même une journée assez, je vous dirais, percutante lorsque les familles des victimes sont venues, donc, des parents d'enfants assassinés. Il y avait eu, donc, ces deux demandes de pouvoir avoir la psychothérapie lorsqu'on est parent d'enfant assassiné et de ne pas être limité, et même chose lorsque notre enfant a été assassiné, pour ajouter au malheur et au drame, à l'extérieur du Québec.

Donc, je veux juste soumettre à la ministre que, récemment, en fait il y a quelques mois, le ministre de la Santé a même dit... son gouvernement a dit qu'on voulait aller vers des services gratuits de psychothérapie, parce que je pense que tout le monde est conscient que ça devrait être accessible via les CLSC, mais ce n'est pas le cas. D'ailleurs, la mère d'Audrey Carey elle-même est sur une liste pour avoir de la psychothérapie dans son CLSC, parce qu'elle a droit, elle, à absolument zéro séance.

Donc, il y a eu cette prise de position là du gouvernement. Pourquoi j'amène ça? C'est parce qu'en théorie le gouvernement est supposé être sensible à l'importance de la psychothérapie. La santé mentale, c'est quelque chose de fondamental, puis on peut imaginer, quand on perd son enfant, à quel point la situation est dramatique et qu'on doit avoir ce soutien-là. Or, dans un cas, il y a zéro soutien, puis, dans l'autre cas, les séances sont limitées.

Alors, moi, je veux savoir si la ministre porte un espoir de pouvoir annoncer des changements d'ici la fin de son mandat. Je pense que ce serait un legs très intéressant, un sujet sur lequel on est revenus quelques fois. La ministre nous avait dit il y a quelque temps que, oui, le régime de l'IVAC méritait une réforme globale. Je pense qu'effectivement il faut s'y pencher globalement, mais malheureusement ça n'a pas été fait.

Alors, est-ce qu'il peut au moins y avoir des mesures ponctuelles? Parce qu'il y a eu quelques changements ponctuels qui ont été faits vu que la réforme globale ne s'est pas faite. Je pense que cette question-là, c'est une question... nous on l'a évaluée, là, de la manière la plus généreuse, en comptant que, toutes les personnes qui auraient été assassinées, leurs proches auraient droit à ça, puis on arrivait à un calcul d'autour de 2 à 3 millions. Et je vais y revenir, mais, quand on voit que les surplus au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels s'approchent du 40 millions, je comprends mal comment on n'est pas capable de faire ce geste-là de compassion et de changer ces règles-là pour que les parents puissent avoir accès à cette aide.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, il y a quand même énormément de travail qui a été fait, il y a eu plusieurs mesures qui ont été mises en place pour aider les personnes victimes d'actes criminels depuis 2014.

Alors, je l'ai mentionné tout à l'heure, il y a une série de situations ou d'insatisfactions vécues par les proches ou par certaines victimes. Je pense qu'il faut se garder... bien que la situation de chaque victime nous touche, il faut se garder de travailler à la pièce. Puis je fais aussi... je pense qu'on doit aussi faire preuve de prudence, parce que certains des dossiers que notre collègue a abordés au cours de la dernière journée sont aussi des dossiers qui font l'objet de révision devant le Tribunal administratif du Québec. Donc, je ne voudrais pas entrer dans les cas particuliers.

Ceci étant, pour l'IVAC, je vous dirais qu'il y a eu beaucoup de fait. Ma collègue me propose de laisser un legs. Je vous dirais que, les investissements faits l'an dernier, annoncés l'an dernier, de 54 millions, pour répondre au rapport du Protecteur du citoyen, je pense que c'est quand même non négligeable. Les augmentations du financement à l'IVAC, parce que c'est quand même... En 2018-2019, c'est quand même 15,4 % d'augmentation au financement de l'IVAC qui est accordé. Ce n'est quand même pas rien.

On a mis en place, donc, le... Il y a 54 millions d'injection pour le plan d'action pour mieux répondre aux besoins des personnes victimes, pour mieux répondre à leurs proches. Il y a eu une nouvelle directive qui a été émise, on en a parlé tout à l'heure, pour soutenir les parents d'enfants assassinés par un ex-conjoint. J'ai également émis une directive pour toute la question de la faute lourde, de l'utilisation de la faute lourde dans le traitement des demandes.

On a ajouté 15 agents d'intervention spécialisés en violence sexuelle dans les CAVAC. Alors, ça, c'est une annonce qui a été faite en décembre dernier. Et on a créé un volet de 250 000 $ au sein du programme de subventions pour la recherche, l'information, puis la sensibilisation, et la formation en matière d'aide aux victimes d'actes criminels. En tout, en 2017, M. le Président, on a soutenu 21 383 Québécoises et Québécois à travers ces mesures-là.

Donc, je comprends et je suis sensible aux besoins particuliers de certaines victimes, mais regardons également le portrait global, et ce qui a été fait au cours du mandat est quand même important.

• (17 h 40) •

Le Président (M. Auger) : Merci. Mme la députée, 11 minutes.

Mme Hivon : Je vais juste réitérer à la ministre que son propre gouvernement, par la voix du ministre de la Santé, a dit qu'ils allaient rendre la psychothérapie disponible et gratuite dès lors qu'il y avait un diagnostic. Et je pense que, là, on parle de gens qui ont vécu des situations de choc traumatique important et je vois mal comment on peut, d'autant plus qu'on est dans un contexte où le gouvernement de la ministre a dit qu'il voulait rendre cette aide en psychothérapie accessible gratuitement... je vois mal comment on ne fait pas au moins le geste, pour les parents d'enfants assassinés, de rendre cette aide-là réellement accessible.

Alors, je vais poursuivre, mais je pense que c'est quelque chose qui ne serait pas très coûteux parce qu'heureusement ce n'est pas des situations si courantes. Je pense notamment à la question du hors frontières, où il n'y a, je le répète, aucune aide psychologique qui peut être obtenue dans l'état actuel des choses. Donc, je pense que ce seraient des gestes à petit coût, mais qui feraient une énorme différence pour les personnes qui sont concernées.

Et ça, ça m'amène évidemment à une question récurrente année après année. Alors, c'est notre dernière année d'échange, donc... Moi aussi, je suis très nostalgique tout à coup. Donc, on a toujours un 40 millions de surplus au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels et on a un 10 millions de surplus, là... j'ai vu le rapport qui a été déposé, le Fonds Accès Justice, un 10 millions de surplus, 10 800 000 $, au Fonds Accès Justice.

Alors, M. le Président, je ne sais pas si vous suiviez nos travaux dans les dernières années, mais je reviens chaque année avec ces enjeux-là parce que ce n'est pas normal d'avoir des surplus aussi importants. Puis là je fais le lien parce que je viens de parler d'un enjeu qui fait en sorte qu'il y a des parents... Je comprends qu'il n'y a pas une adéquation parfaite entre l'IVAC, l'Indemnisation des victimes d'actes criminels, et le fonds d'aide aux victimes, mais, si on le voulait, ce serait facile de faire en sorte qu'il y ait un montant qui puisse aller à de l'aide ponctuelle pour ces personnes-là qui n'ont pas accès à cette aide-là via l'IVAC.

Et je reviens constamment parce que ce n'est pas normal, quand il y a des besoins puis quand cet argent-là provient d'une taxe, en quelque sorte... Parce que ça provient de l'argent qui est perçu quand vous avez une contravention en matière pénale, donc beaucoup de tickets, dans le bon jargon, quand vous êtes arrêté pour un ticket, une infraction, bon, de la route. Quand tout ça a été mis en place, d'abord on a mis une contribution de 10 $ pour le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. En 2012, l'actuel leader du gouvernement a ajouté un 4 $ qui, donc, venait pour le Fonds Accès Justice. Donc, c'était 14 $, dont 10/14 allaient au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels et 4/14 allaient au Fonds Accès Justice.

Alors, je veux juste vous dire les chiffres qu'on a eus, là, en demandant la question dans les renseignements particuliers, à la page 180, la question 64, je crois. Donc, au total, il y a 38 487 000 $ qui est perçu avec cette taxe-là, si vous voulez, ou cette contribution-là en matière pénale. Le fonds d'aide aux victimes reçoit 13,7 millions; le Fonds Accès Justice, 10,9 millions; et le fonds consolidé du gouvernement du Québec, 13,8 millions. Alors, nous, on estime que ça, c'est des montants qui sont détournés et que, donc, il y a de l'argent clairement prévu. Et c'était clair dès le départ qu'on imposait cette taxe-là, quand quelqu'un était arrêté et qu'il avait, donc, une contravention, précisément pour la question des victimes d'actes criminels. Et, en 2012, on a ajouté la question de l'accès justice, puis j'avais félicité le ministre de l'époque d'avoir réussi ça, parce que je pense que c'était quelque chose qui était de l'ordre de la justice, puis c'était un pas en avant pour l'accès à la justice.

Mais là, voyez-vous, on en est rendus qu'il y a 35 % de ces sommes-là... Et, si vous avez un jour un constat — j'imagine que ça n'arrive jamais à personne qui est ici, mais, admettons, votre voisin ou un ami dans votre famille — et que vous regardez, c'est écrit : contribution pour le Fonds Accès Justice et le fonds des victimes d'actes criminels. Ce n'est pas écrit : pour le fonds consolidé du revenu, pour équilibrer le budget de l'État, en détournant ça des missions pour lesquelles c'est créé.

Alors, l'année dernière, on était autour de 25 % de cet argent-là perçu qui allait au fonds consolidé du revenu. Cette année, on en est rendu à 35,8 %, et les sommes nettes ont été diminuées. L'année dernière, il y avait 16 millions transmis au FAVAC. Cette année, 13,7 millions transmis au FAVAC. L'année dernière, il y avait 12,3 millions transmis au Fonds Accès Justice. Cette année, il y a seulement 10,9 millions au Fonds Accès Justice. Et, l'année dernière, il y avait, donc, 9,4 millions au fonds consolidé du revenu, et maintenant on en est rendu à 13,8 millions.

Alors, je veux comprendre comment la ministre de la Justice peut expliquer un tel détournement de fonds par rapport à la mission qui est supposée être remplie.

Le Président (M. Auger) : ...faire attention à vos appellations ou à l'utilisation de certains mots. Mme la ministre.

Mme Vallée : Ouf! Pour l'utilisation des termes «détournement de fonds», là, parce que, quand même... il faut quand même prendre les choses en perspective. Abordons chaque question, parce que la question de notre collègue était longue et comportait différents aspects.

D'abord, pour le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, le FAVAC, il est vrai que le FAVAC dispose d'un surplus. C'est un surplus cumulé, qui est estimé, pour l'année 2017-2018, à 44,3 millions, mais ça représente l'équivalent d'une année d'opération. Ce fonds-là, ce surplus-là sert, entre autres, à assurer la pérennité financière du fonds puis il va permettre de garantir l'accessibilité, l'équité puis la qualité des services qui sont offerts.

Parce que le FAVAC, il finance plusieurs choses. Le FAVAC vise, entre autres, à financer le développement des CAVAC, les services d'aide aux victimes et pour assurer l'implantation puis le maintien, dans le milieu, des CAVAC. Ce n'est pas rien. On a plusieurs points de service sur le territoire, donc 67 points de service des CAVAC sur le territoire. On a ajouté en décembre dernier des agents dédiés, 15 agents dédiés spécifiquement aux victimes d'agression sexuelle. On a ajouté l'année dernière des ressources dédiées aux communautés autochtones, spécifiquement, pour permettre de mieux répondre aux besoins de ces communautés-là et des victimes des communautés autochtones. Le fonds d'aide sert aussi à soutenir la recherche, l'information, la sensibilisation puis la formation, donc permet de soutenir des appels à projets qui sont portés par des organismes communautaires. C'est vraiment une entité budgétaire indépendante, qui est dédiée au développement des services d'aide aux personnes victimes. Et les revenus du fonds d'aide est affecté à l'aide aux personnes victimes.

Donc, oui, il y a un surplus, mais, ce surplus-là, de le conserver, c'est une mesure de saine gestion, parce qu'il faut assurer de pouvoir... assurer la pérennité des actions. Lorsqu'on soutient des organismes comme les CAVAC, il ne faudrait pas d'une année à l'autre que l'aide accordée soit aléatoire et venir réduire les services de proximité. On le mentionnait tout à l'heure à quel point c'est important d'assurer des services de proximité sur le territoire du Québec. Si, en fonction d'une fluctuation du fonds, on ne pouvait plus répondre à ces obligations créées de soutenir les CAVAC, parce que les fonds n'étaient pas au rendez-vous pour des raisons x, y, ce ne serait pas de la saine gestion, ce ne serait pas une gestion responsable du FAVAC.

Pour ce qui est... Et le surplus, bien, il ne peut pas être versé au fonds consolidé, il doit être utilisé pour les fins destinées du fonds. Donc, ces surplus-là restent, et c'est ces surplus-là aussi qui nous permettent parfois de soutenir de nouvelles initiatives. Lorsqu'on ajoute des agents, c'est une nouvelle initiative qui est financée à même des fonds qui sont rendus disponibles par les surplus.

Pour ce qui est du Fonds d'Accès Justice, le FAJ, bien, c'est la même chose. Ces surplus-là ne peuvent pas être retournés au fonds consolidé. Ce sont des fonds dédiés, et les crédits du Fonds d'Accès Justice sont dédiés au financement, entre autres, de la médiation familiale. On ne dit pas assez souvent à quel point la médiation familiale, elle est utile, elle est nécessaire pour les couples, dans le meilleur intérêt des enfants. Donc, il sert à soutenir la médiation familiale et les séances sur la parentalité. D'ailleurs, le projet de loi sur l'adoption nous amène à élargir tout ça. On paie, à travers le Fonds Accès Justice, les honoraires des interprètes...

• (17 h 50) •

Une voix : ...

Mme Vallée : Non, mais c'est parce que...

Une voix : ...

Mme Vallée : Bien oui, mais...

Le Président (M. Auger) : Juste une personne à la fois, s'il vous plaît.

Des voix : ...

Le Président (M. Auger) : Oui, juste une personne à la fois.

Mme Hivon : La ministre ne répond pas à ça, elle ne répond pas du tout à la question de la contribution qui est demandée lors des contraventions. Là, elle me parle de l'ampleur des surplus, qui était le premier volet, puis là elle me dit que c'est tout correct d'avoir autant de surplus. Vous me permettrez d'être en désaccord quand les besoins sont si grands. Mais l'aspect de... ce n'est pas ça, là. Je sais que cet argent-là ne va pas au fonds consolidé. Je lui demande, l'argent qui est perçu sur les contraventions pour ces fonds-là, comment on peut justifier que 30 % va au fonds consolidé pour équilibrer le budget.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : ...ce n'est pas pour équilibrer le budget. Lorsque des sommes vont dans le fonds consolidé, ces sommes-là servent aussi à financer des initiatives. Donc, il y a des initiatives à la justice qui sont financées par le fonds consolidé, il y a des... Parfois, on doit aller chercher au fonds consolidé les sommes nécessaires pour mettre en place de nouvelles initiatives. Donc, M. le Président, ce n'est pas de l'argent qui est détourné puis qui s'en va dans les paradis fiscaux, là, c'est de l'argent qui est destiné à assurer aussi des services aux citoyens.

L'IVAC, l'Indemnisation des victimes d'actes criminels, est soutenue par le fonds consolidé. On en a parlé l'an passé, on en a parlé il y a deux ans, on en a parlé il y a trois ans, on en a parlé il y a quatre ans, parce qu'on en parle à toutes les années, puis c'est correct, mais c'est pour dire que les sommes sont destinées à assurer des services de proximité et des services aux citoyens et aux citoyennes du Québec.

Le Président (M. Auger) : Merci. Dernier bloc, sept minutes, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président, et j'informe que j'aurai des questions au président par intérim de la commission des droits de la personne et de la jeunesse. Alors, s'il peut, pour les quelques minutes qu'il nous reste sur ce bloc, s'avancer, avec votre permission, M. le Président, et ça me permettra de faire une mise en contexte.

Mes questions vont porter sur le processus de gestion des plaintes à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le processus, mais également les délais. Pour les personnes qui nous écoutent à la maison, il y a essentiellement deux volets à partir desquels des plaintes peuvent être enregistrées ou déposées auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. D'abord, vous croyez avoir été victime d'une discrimination, exploitation ou harcèlement, au sens de la Charte des droits et libertés de la personne, bien, vous pouvez porter plainte, ou, sur le volet Droits de la jeunesse, vous croyez que les droits d'un enfant sont ou ont été lésés, vous pouvez porter plainte.

Évidemment, notre président, qui est devant nous, par intérim, Me Tessier, a été nommé le 7 décembre 2017, a pris la présidence par intérim le 15 mars 2018. Alors, on s'entend évidemment qu'il est relativement nouveau là-dedans, mais il a commencé à aborder le sujet un peu plus tôt, et j'aimerais l'entendre quant à... je pourrais réduire, là, ma question parce que je veux l'entendre quant à ce qui est son plan de match. Évidemment, on a eu dépôt ce matin, par la ministre, du rapport sur la situation qui prévaut à la commission. On peut voir aux pages 10 à 13 qu'il y a déjà beaucoup d'éléments qui sont identifiés.

Mais j'aimerais l'entendre, M. le Président, pour les quelques minutes qu'il nous reste, sur son plan de match, évidemment, en prenant pour acquis que c'est à ce stade-ci. Donc, il est relativement nouveau, il devra décanter et analyser le rapport additionnel qui nous a été communiqué aujourd'hui, mais je voudrais avoir, M. le Président, sa vision quant à la nécessité de réduire les délais et quel est son plan de match.

Le Président (M. Auger) : M. Tessier.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, M. le Président. Alors, première chose, ce qu'il est important que les citoyens comprennent, c'est qu'il y a des chiffres importants aussi à répéter, parce qu'on entend parler souvent de la longueur des délais à la commission, mais ce que je veux qu'on comprenne bien, c'est que 67 % des délais traités à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse le sont dans les délais qui sont prévus, soit un maximum de 15 mois. J'ai 87 % de mes dossiers qui sont en bas de trois ans.

Alors, il faut comprendre, là, que, souvent, ça peut paraître des délais très longs, mais il y a des dossiers aussi qui sont très complexes, et c'est donc une minorité des dossiers qui ont plus de longueur parfois, parce que ce sont des dossiers qui mettent en cause aussi des parties très sophistiquées et des enjeux très complexes. Quand on parle de profilage racial, quand on parle de discrimination systémique, quand on parle d'inclusion d'élèves HDAA, ça met en cause un ensemble d'acteurs, et ce ne sont pas des dossiers simples. Donc, c'est la première chose, sur la question des délais, je veux rassurer les gens que, donc, on respecte nos délais de 15 mois dans 67 % de nos dossiers, soit deux tiers de nos dossiers.

Deuxièmement, pour ce qui est des messages clés puis de la vision qu'on a communiquée à l'interne, c'est sûr et certain qu'un des axes principaux sur lequel je me suis concentré dans le dernier mois, c'était la communication à l'interne : premièrement, donc, mise en place d'un bulletin bihebdomadaire, deux rencontres de moi et de l'ensemble des employés, le calendrier des activités, vraiment, donc, une présence de ma personne auprès des équipes, de l'appui, du soutien, donc, constant, un travail en cours également sur l'ensemble de nos communications. Au niveau des médias, vous avez vu, encore là, j'y faisais référence tout à l'heure, au niveau d'un article dans Le Devoir, de notre présence dans le dossier de l'inclusion des personnes en situation de handicap, dans le dossier de Walmart.

Donc, évidemment, moi, j'ai relancé également la table de concertation avec l'ensemble des organismes partenaires de la commission. Je les ai convoqués à une rencontre à la fin mai. On a également fait une formation à l'interne avec l'organisme Éducaloi pour ce qui est du langage clair, pour s'assurer que, quand on communique auprès de la clientèle, auprès des gens qui nous appellent puis qui ont des problèmes, on le fait de façon claire. Et donc, évidemment, ça, c'est un exemple, en deux minutes, des choses qu'on est en train de mettre en place, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : M. le député de LaFontaine, 3 min 30 s.

M. Tanguay : Trois minutes, oui. Toujours sur cette lancée-là et de façon un peu plus spécifique aussi, toujours en tenant compte que Me Tessier est arrivé depuis relativement un très court délai, ce que vous avez pu constater jusqu'à maintenant dans vos fonctions de président par intérim, est-ce que vous pouvez, et jusqu'à quel point, faire écho de ce que l'on lit dans le rapport qui a été déposé ce matin? En page 10, entre autres, lorsqu'on parle d'une ambiguïté entre les rôles et responsabilités des techniciens et des professionnels, on parle même de travail en silo, donc au point de vue un peu plus fondamental, organisationnel, est-ce que chacun connaît son rôle? Et est-ce que non seulement on connaît son rôle, mais est-ce qu'on est bien outillé et est-ce qu'on travaille en pleine synergie? Jusqu'à quel point, lui, jusqu'à maintenant, a-t-il pu constater quant à ce qui est illustré comme de potentielles déficiences organisationnelles?

M. Tessier (Philippe-André) : Première chose aussi, ce qu'il est important de bien comprendre, il y a un contexte que moi, je vis depuis quatre mois, depuis que je suis arrivé, qui est un contexte qui fait en sorte que je vois des gens qui ont posé des diagnostics sur une situation à la commission, et ces diagnostics sont les bons. Alors, moi, le but et mon objectif, c'est d'exercer un leadership positif mobilisateur pour faire en sorte que les équipes, qui ont déjà fait plein de constats qui ont plein de bon sens, et dont certains se retrouvent dans les différents rapports dont les médias ont fait état et le rapport de Mme Verreault ce matin... Alors, moi, c'est sûr et certain que je ne vais pas me mettre en travers de ces équipes-là qui ont déjà identifié ces choses-là. Je vais les accompagner puis les outiller le mieux possible, comme gestionnaire.

Alors, ce que ça veut dire, c'est qu'en ma capacité de président j'ai la capacité de leur donner ou de... pas de leur donner, mais d'approuver des formations, d'approuver certains budgets spécifiques qui me sont demandés pour faire en sorte que les équipes puissent rendre les services qui sont opportuns. Je vous parlais d'une formation auprès d'Éducaloi, toutes ces choses-là font en sorte que nous, on peut habiliter. Et les échos que j'ai de l'interne, moi, c'est de les outiller puis de les habiliter.

Donc, je veux aussi dire qu'il y a eu des investissements qui ont été faits au mois de mars, et, je tiens à le souligner, la commission n'a pas reçu d'investissement depuis un certain temps. Donc, c'est sûr et certain que ça aussi, ça fait partie, cette entrée-là... Cet ajout de ressources là, il est essentiel pour le travail de la commission.

M. Tanguay : O.K. Et, au niveau du rôle de tous et chacun, est-ce que vous croyez qu'il est suffisamment bien défini? Et leur travail entre leurs différentes fonctions, est-ce que vous croyez qu'il est optimal ou, là aussi, il y aurait lieu de peut-être se poser quelques questions?

M. Tessier (Philippe-André) : Toute organisation publique qui gère des dossiers complexes, que ça soit de l'exploitation de personnes âgées... parce que tout à l'heure vous parliez des différentes plaintes, mais aussi j'interpelle les gens qui nous écoutent. L'exploitation de personnes âgées fait aussi partie de notre mandat. Les programmes d'accès à l'égalité font aussi partie de notre mandat. Donc, il y a les droits de la personne, les droits de la jeunesse. Donc, lorsqu'on a une organisation complexe comme celle qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, il est essentiel de faire en sorte que l'équipe de gestion travaille en collégialité, travaille en équipe. Et, moi, c'est ce que je vois depuis que je suis arrivé, il y a quatre mois.

M. Tanguay : C'est beau, M. le Président. Merci, Me Tessier.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 33)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2018-2019.

Puisque nous avons débuté nos travaux à 15 h 12, cet après-midi, et que nous avons un autre trois minutes de retard, et que nous avons... y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit jusqu'à 21 h 45?

Des voix : ...

Le Président (M. Auger) : Il y a consentement. Donc, nous allons poursuivre le septième bloc du gouvernement pour les 13 prochaines minutes 30 secondes. M. le député de LaFontaine?

M. Tanguay : Oui, tout à fait, M. le Président. Je vous remercie beaucoup. J'aimerais maintenant, M. le Président, aborder un autre sujet, qui est la lutte contre l'homophobie et la transphobie. En ce sens-là, j'aimerais entendre, à la fin de mon intervention... Parce qu'évidemment c'est un sujet où j'ai eu l'occasion de faire quelques recherches et également qui est un sujet important. Je vais poser une question, ultimement, à Mme la ministre quant au plan d'action, quant aux principaux défis et aux moyens d'action, comment pourrons-nous être assurés que les moyens pour faire face aux défis sont les bons.

Alors, juste d'abord une mise en contexte, M. le Président. En 2009, il y a eu une politique québécoise de lutte contre l'homophobie. On s'est dotés, au Québec en 2009, donc, de cette politique importante de lutte contre l'homophobie, qui visait essentiellement à atteindre deux objectifs, deux orientations : d'abord, reconnaître les réalités des personnes de minorité sexuelle et, dans un deuxième temps, favoriser le respect de leurs droits. Donc, ça, c'est en 2009, Politique québécoise de lutte contre l'homophobie.

Par la suite, Plan d'action gouvernemental de lutte contre l'homophobie, 2011-2016. Ce fut une deuxième étape où là on s'est dit : On va se donner, comme gouvernement, un plan d'action de lutte contre l'homophobie, et ce, sur cinq ans, 2011-2016. Et évidemment on s'est donné pas uniquement une politique ou un plan d'action, mais on s'était donné, évidemment, des ressources, on parlait d'un peu plus de 7 millions de dollars sur cinq ans, et qui se ventilaient sous 60 mesures.

Après cette politique, ce plan d'action là, 2011-2016, 7 millions, 60 mesures, évidemment, M. le Président, il y a eu un bilan, qui a été rendu public, en avril 2017, et le bilan faisait état, entre autres, que 88 % des actions avaient été réalisées. Il y avait eu, entre autres, deux campagnes de sensibilisation, 64 projets d'organismes engagés dans la lutte contre l'homophobie. Parce qu'évidemment, quand on parle d'un tel projet, il faut aller trouver, évidemment, des partenaires, des organismes qui sont sur le terrain, qui vivent la réalité telle qu'elle se vit sur le terrain, connaître, donc, des intervenants et intervenantes tout à fait désignés pour faire en sorte que notre politique, notre plan d'action soit tangible et ait des résultats concrets. Des 64 projets d'organismes engagés, sur un peu plus de 7 millions, il y a 1,32, donc, 1 320 000 $ qui avaient servi à nourrir ces 64 projets d'organismes engagés. Entre autres, aussi, parallèlement à ça, M. le Président, alors que nous étions, en 2017, à l'heure des bilans quant au plan 2011-2016, il y a eu mise sur pied d'une chaire de recherche sur l'homophobie rattachée à l'Université du Québec à Montréal, à l'UQAM.

On revient maintenant aux éléments de bilan. Il s'agissait de poursuivre le travail de sensibilisation de la population. Une fois qu'on a fait le bilan, qu'est-ce qui a bien été, qu'est-ce qui est à améliorer quant à notre action, ce qui est ressorti, c'est : poursuivre le travail quant à la sensibilisation de la population, et également la formation, c'était un élément important, la formation des intervenantes et des intervenants sur le terrain pour faire en sorte que les services publics, les services offerts par le gouvernement, tous paliers de gouvernement confondus... — c'est important qu'on ait cette conscientisation-là — comment faire en sorte que les intervenants soient formés à ces réalités-là, soient efficaces et que l'on puisse assurer des services à la population qui soient dignes de ce nom et qui tiennent compte, donc, de cette préoccupation, à savoir d'assurer le respect des droits de chacun et chacune d'entre nous. Plan d'action, donc, qui a été renouvelé.

2011-2016, il y a un nouveau plan d'action gouvernemental de lutte contre l'homophobie et la transphobie 2017-2022, qui a été rendu public l'an passé, il y a un peu moins d'un an, le 17 mai 2017, et là on s'est doté collectivement d'un budget de 10 millions de dollars. Entre autres, 38 mesures avaient été ciblées, et les orientations quant à l'appropriation de 10 000 $, quant à... le fait d'investir 10 millions de dollars dans ces 38 mesures là, il y avait des orientations, j'en cite quelques-unes : ouverture à la diversité sexuelle, respect des droits, et soutien des personnes de minorités sexuelles, et adaptation des services publics. C'est un autre élément qui est revenu, entre autres lors de cette politique que nous vivons présentement, 2017-2022, qui avait été, donc, rendue publique le 17 mai 2017.

De plus, cinquième élément, M. le Président, en 2017-2018, dans le cadre du Programme de lutte contre l'homophobie et la transphobie, il y a eu une aide financière de 550 000 $ qui a été accordée à 23 organismes pour la réalisation de projets destinés à favoriser la reconnaissance et le respect des personnes de minorités sexuelles. Alors, je sais que c'est un sujet, évidemment, qui est pris très au sérieux, comme il se doit, par le gouvernement. La ministre de la Justice, à ce titre, était non seulement conscientisée, mais très proactive quant au déploiement de ces politiques gouvernementales, de ces plans d'action. Puis, quand on dit «politique» et par la suite «plan d'action», bien là, on décline de façon très tangible les résultats que l'on veut avoir, et, comme on ne peut jamais améliorer ce qu'on ne mesure pas, bien, on est capable de mesurer les résultats, et de faire encore mieux, et de s'assurer que l'on atteigne, donc, nos objectifs.

Alors, j'aimerais, M. le Président, entendre la ministre de la Justice quant au dernier plan d'action, sous deux volets. Quels sont, donc, les principaux défis auxquels le plan d'action, nous en sommes convaincus, désire répondre? Et par quels moyens d'action pourrons-nous dire que nous sommes confiants que nous allons atteindre nos objectifs?

• (19 h 40) •

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, on aborde un sujet qui m'est cher, la lutte à l'homophobie et à la transphobie. C'est un volet du mandat que j'apprécie tout particulièrement. Et je dirais que le dernier plan d'action vise à assurer une mobilisation encore plus présente sur le territoire. Parce que, bien que le Québec soit une société très progressiste, bien que plusieurs... bien que notre charte des droits protège la diversité sexuelle — d'ailleurs, on a, à l'unanimité, adopté des modifications quand même importantes sur l'interdiction de discrimination pour des motifs d'expression de genre et d'identité de genre — il y a encore beaucoup de travail à faire.

Il y a encore beaucoup de travail à faire, il y a encore beaucoup d'éducation, je dirais, à faire quant à la diversité sexuelle. Il suffit parfois de regarder les médias sociaux et les commentaires qu'on y retrouve pour voir à quel point il existe dans la société des préjugés à l'égard de la diversité sexuelle. Et ces préjugés-là ne sont pas sans conséquence pour ceux qui en sont la cible. Il suffit de voir ou d'entendre les commentaires à l'égard des personnes trans, les commentaires à l'égard d'une expression, une identité de genre qui est différente de la norme. Alors, je crois qu'il est important de miser sur des actions d'éducation, de sensibilisation, de soutien aux différents groupes qui oeuvrent à cet égard, les groupes communautaires qui oeuvrent et qui mènent des projets importants en ce sens-là, soutenir aussi cette lutte à l'homophobie et à la transphobie partout sur le territoire.

Les premiers plans d'action visaient beaucoup les actions qui étaient concentrées dans les grands centres, Montréal, Québec. Mais il y a des besoins sur l'ensemble du territoire et il y a un besoin de rejoindre dans les milieux ruraux, dans les milieux moins conventionnels les membres de la diversité sexuelle, de rejoindre les jeunes, d'assurer que les jeunes auront un soutien, qu'ils pourront s'épanouir pleinement selon leurs propres personnalités, leurs propres identités. Donc, en ce sens, j'avais une sensibilité évidemment particulière à cet égard-là, pour être moi-même une députée de région et pour avoir rencontré au fil des années des jeunes qui étaient à la recherche de soutien et qui étaient à la recherche d'aide pour pouvoir parler à leurs parents de leur réalité, pour pouvoir discuter avec leurs proches.

Bref, le plan d'action vise vraiment de façon très large à rejoindre des mesures qui visent, oui, l'éducation, oui, la sensibilisation, des nouvelles mesures aussi et de nouveaux partenaires. Et là-dessus je tiens à souligner l'apport du ministère des Relations internationales et de notre collègue la ministre responsable, la députée de l'Acadie, qui a intégré à l'intérieur de son plan d'action des mesures pour parler haut et fort de la lutte à l'homophobie et à la transphobie à l'intérieur des relations internationales et faire une place très importante à la protection des droits humains.

Et, en ce sens, c'est intégré au plan d'action du MRI, c'est intégré aussi par le biais de la nomination d'une personne responsable des droits humains, qui a été nommée, donc, Mme Julie Miville-Dechêne. Alors, ce sont des actions, oui, du MRI, mais qui s'inscrivent dans notre plan de lutte à l'homophobie et à la transphobie et qui placent le Québec en position de leadership au sein de la communauté internationale pour aborder ces questions délicates de lutte à l'homophobie et à la transphobie.

Il ne faut pas oublier, là, il y a des pays, dans le monde, où l'homosexualité est un crime, où c'est un crime d'aimer la personne que l'on... peu importe la personne, où la diversité sexuelle n'a pas sa place. Donc, on a une responsabilité sur la scène internationale, et le Québec a décidé de prendre cette responsabilité, de l'embrasser et de jouer son rôle d'ambassadeur. Alors, c'est extrêmement important.

D'ailleurs, la campagne cette année... Parce que la journée internationale de lutte à l'homophobie et à la transphobie aura lieu le 17 mai prochain, et la campagne lancée par la Fondation Émergence est justement une campagne à l'international où on sensibilise les citoyens au fait qu'encore dans certains pays être homosexuel, c'est criminel. Alors, c'est extrêmement important de jouer ce rôle-là de protection des droits humains. Et au Québec, même si ces droits sont protégés par nos chartes, il y a quand même beaucoup de préjugés que l'on doit faire tomber. Il y a beaucoup de travail à faire.

Il y a du support à accorder et il y a aussi des activités de sensibilisation. Et là on le fait à travers un support plus important auprès des organismes communautaires, via le SACAIS, qui relève d'autres ministères, mais aussi à l'intérieur de l'appel à projets pour le plan de lutte qui vise à mettre en place des projets fort intéressants, menés par des organismes communautaires un peu partout sur le territoire. Puis on a soutenu à la hauteur de 550 000 $ un certain nombre de projets que l'on retrouve dans le Bas-Saint-Laurent, au Saguenay, dans la Capitale-Nationale, en Estrie, à Montréal, en Outaouais, en Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, Gaspésie—Les Îles, dans les Laurentides, en Montérégie.

Bref, il y a vraiment une mobilisation pour soutenir, et pour parler de ces enjeux-là, et pour parler des défis parce que l'intégration en milieu d'emploi, la lutte à l'homophobie et à la transphobie en milieu de travail, c'est un enjeu. Des consultations nous l'ont démontré. L'intervention en milieu rural, j'en ai mentionné...

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup, Mme la ministre.

Mme Vallée : Bref, il y a plein de choses à dire, on en parle trop peu. Et merci d'aborder cette question-là ce soir.

Le Président (M. Auger) : Merci. Donc, cinquième bloc de l'opposition officielle pour à peu près 19 minutes. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, je vais poursuivre sur ce qu'on a commencé à aborder avant la pause, toute la question, donc, des surplus au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels et au Fonds Accès Justice. Et donc je veux juste faire ressortir qu'il y a une question de surplus et il y a aussi une question d'utilisation de la contribution pénale qui est demandée à chaque personne qui reçoit une contravention. Il y a un lien, évidemment, entre les deux.

D'une part, on avait le débat sur l'utilisation des surplus. La ministre a répondu. C'est un débat qui revient à chaque fois. Parce que moi, je pense qu'on est, je dirais, très précautionneux, pour garder un qualificatif, je dirais, agréable, dans les montants qui sont laissés, donc, comme surplus dans les deux fonds, alors que les besoins sont énormes autant pour les victimes que pour l'accès à la justice. Donc, je pense que... notamment pour l'accès à la justice et pour avoir des appels de projets avec des montants un peu plus substantiels, quand on sait à quel point il y a des initiatives qui pourraient être intéressantes, par les différents partenaires, qui pourraient être mises de l'avant. Même chose pour les victimes d'actes criminels. L'idée, ce n'est pas de faire passer les surplus à zéro, mais c'est d'avoir un montant plus raisonnable, compte tenu des besoins sur le terrain. Mais ça, ça fait plusieurs années que je plaide ma cause, et ça va avoir été un grand drame, dans ma vie de députée de l'opposition face à la ministre, parce que je ne l'ai pas convaincue encore. Mais, vous voyez, je ne baisse pas les bras et je pense qu'elle pourrait être convaincue encore dans sa fin de mandat.

• (19 h 50) •

Mais je veux aborder le deuxième aspect, là, qu'on avait commencé à aborder, c'est toute la question de l'utilisation des fonds qui proviennent de la contribution supplémentaire qui est demandée à chaque personne qui reçoit une contravention pénale. Notamment, on le pense, là, la majorité des cas, c'est des contraventions de la route. Écoutez, c'est très sérieux parce que les chiffres que j'ai apportés tantôt montrent qu'il y a une augmentation du montant qui provient de cette contribution-là, qui est, dans le fond, une taxe déguisée, qui va de plus en plus au fonds consolidé plutôt que d'aller dans les fonds pour lesquels cette contribution-là a été mise en place.

Donc, elle a d'abord été mise en place pour le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, qui était un 10 $ qui voulait... qui allait là. En 2012, on a ajouté un 4 $ pour le Fonds Accès Justice, qui a été créé. Et là, en 2015, via le truchement d'une loi mammouth, d'une loi d'application du budget, on a fait passer, ni vu ni connu... parce qu'évidemment cette loi-là a été adoptée sous bâillon, en plus, puis qu'elle abordait des centaines de sujets, on a fait passer en douce une augmentation. Donc, maintenant, il y avait 14 $ qui allaient au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels... c'est-à-dire, au total, c'est 18 $. Donc, on était, avant, à 14 $ en tout. Là, on est rendu à 18 $ : 10 $ pour le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels et 8 $ pour le Fonds Accès Justice. Donc, c'est resté stable pour le montant au fonds pour les victimes d'actes criminels, et on a doublé pour le Fonds Accès Justice.

Mais qu'est-ce qu'on est venu faire en même temps? On est venu modifier pour dire que le montant, ça va être 20 $ lorsque le montant total d'amende n'excède pas 100 $. Ça fait que, tout de suite, qu'importe la contravention que vous avez, l'amende va être de 20 $. Donc, il y a déjà un 2 $ qui ne va pas pour les deux fonds, qui sont conformes à l'esprit du législateur quand ça a été mis en place. Ensuite, 40 $ lorsque le montant total d'amende excède 100 $ sans excéder 500 $, et ensuite, au-dessus de 500 $, c'est 25 % du montant total d'amende. Donc, ce n'est pas surprenant de voir ces montants-là littéralement exploser et ne plus se retrouver dans les fonds parce que c'est venu être... ça a été justifié par un amendement dans cette loi mammouth adoptée à la fin de 2015 mais dont on a commencé à voir les répercussions plus tard, quand on a vu ces sommes-là apparaître.

Et il y a un problème fondamental, parce que, oui, quand on regarde sur une contravention, c'est écrit : contravention spéciale, ou particulière, ou supplémentaire, je ne me souviens pas du titre exact, pour le Fonds Accès Justice et le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, alors que 35 % de ces montants-là, en hausse de 10 % par rapport à l'année dernière, ils ne vont pas du tout dans ces fonds-là, ils vont directement au fonds consolidé du revenu.

Alors, moi, je veux comprendre comment la ministre peut justifier ça. Elle n'a pas aimé l'utilisation de mon terme. Je n'ai pas dit que c'était un détournement criminel, j'ai dit que c'était un détournement, parce qu'effectivement, quand vous lisez la contravention, ce n'est pas supposé aller au fonds consolidé du revenu, et ce n'était pas ça, l'esprit dans lequel ces amendes-là ont été mises en place. Alors, comment la ministre de la Justice peut nous justifier ça? Tantôt, elle disait : Vous savez, ce n'est pas parce que ça va au fonds consolidé du revenu que ça ne peut pas être utilisé pour des fins de justice. Bien, en théorie, oui, mais on se comprend que ça peut être utilisé absolument pour tout, là. Ce n'est plus un fonds dédié. Donc, ça va au fonds consolidé, ça peut servir à tout, ça peut servir à équilibrer le budget. Donc, comment la ministre peut nous justifier ça?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, ce n'est pas la première fois qu'on aborde cette question-là, puis ma réponse ne sera pas différente des années précédentes. Parce que ce que la collègue de Joliette avance, ce n'est pas nouveau, là, de cette année. Ce n'est pas une disposition nouvelle, c'est une mesure, une modification législative qui a été adoptée en début de mandat, donc, il y a de ça quelques années. Je crois qu'on l'a abordée pour la première fois dans les crédits en 2015.

Les sommes qui sont prélevées, oui, servent à financer le FAVAC, le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, et le Fonds d'Accès Justice. Alors, il y a des sommes qui servent à financer ces fonds-là. Ces fonds-là, comme je le mentionnais plus tôt, cet après-midi, servent à soutenir des initiatives importantes. Il y a une portion de cette suramende qui s'en va, oui, au fonds consolidé. Mais, M. le Président, le fonds consolidé sert, entre autres, à financer l'IVAC. L'IVAC, là, cette année, c'est un peu plus de 150 millions de dollars qui y est consacré. 150 millions de dollars. C'était, en début de mandat, si ma mémoire est bonne, 119 millions.

Alors, de dire qu'on détourne les sommes, je trouve que ce n'est pas tout à fait exact. Il y a des sommes, là, qui vont au fonds consolidé et qui servent à soutenir les victimes d'actes criminels, qui servent à financer les bonifications. Parce que, lorsque ma collègue et mon collègue se lèvent en Chambre et demandent que l'on ajuste, pour toutes les bonnes raisons du monde, les programmes d'aide aux victimes d'actes criminels, lorsqu'on émet des directives pour élargir la portée d'une mesure, lorsqu'on met en place un programme particulier pour soutenir spécifiquement certaines victimes, bien, il y a des coûts associés à ça, et, ces coûts-là, on les finance parfois à travers le FAVAC et parfois à travers des ponctions au fonds consolidé. Puis moi, là, je n'ai pas de problème à faire ça. Je n'ai pas de problème à soutenir davantage les victimes d'actes criminels. Que ce soit à travers le FAVAC, que ce soit à travers l'IVAC, on les soutient. Puis les investissements qu'on a faits au cours des dernières années, là, bien, ces investissements-là aussi sont sans précédent, M. le Président.

Donc, je comprends, on revient avec des questions d'il y a trois ans, d'il y a quatre ans, puis je comprends que peut-être l'esprit de la mesure ne convient pas tout à fait à notre collègue de Joliette, mais regardons le but, regardons l'effet. Et l'effet, c'est quoi? Bien, ce sont des victimes d'actes criminels qui sont mieux desservies, qui sont soutenues davantage. Est-ce qu'on peut faire mieux? C'est clair qu'on peut faire mieux. Est-ce que la loi pourrait être bonifiée? Est-ce qu'on pourrait aider davantage? Oui, ça va nous coûter plus cher, mais... oui, il y a probablement d'autres mesures qu'on pourrait mettre de l'avant. Mais, M. le Président, je ne vois pas de scandale dans la façon dont nous faisons les choses et dans la façon dont nous soutenons les victimes d'actes criminels au Québec. Au contraire, on n'a pas à être gênés, on a à être très fiers.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Bien, écoutez, on s'entend sur une chose, c'est qu'on doit faire plus pour la justice puis mieux financer la justice. Mais malheureusement, quand il y a des sommes qui sont supposées aller pour des fonds dédiés en justice et qui vont au fonds consolidé du revenu, on n'a aucune espèce de garantie de résultat. Et je veux juste dire à la ministre que, malheureusement, le budget global de la justice, c'est à peu près 1,5 %, c'est en bas du 2 %. Alors, le fonds consolidé du revenu, lui, il sert à l'ensemble des dépenses du gouvernement et il sert à équilibrer les budgets. Donc, peut-être qu'on a 1,5 % de ça, je n'ai aucune idée, mais il n'y a aucune garantie par rapport à ça.

Donc, oui, je m'insurge et, oui, moi, je trouve que ça n'a aucun sens. Pourquoi? Parce que c'est une taxe déguisée. Et pourquoi c'est une taxe déguisée? Parce que la personne qui reçoit son constat, c'est écrit : suramende pour accès à la justice et aide aux victimes d'actes criminels. Or, on est rendu qu'il y a 35 % des sommes qui ne vont pas du tout pour ces fins-là, qui vont au fonds consolidé du revenu. Est-ce que peut-être une infime partie va être redistribuée pour la justice? Peut-être, mais c'est une taxe déguisée, ce n'est plus de l'argent qui est utilisé pour le fonds dédié.

Ça fait que, puisque la ministre, elle, elle n'a aucun problème avec ça, je voudrais savoir si, maintenant, on va être complètement transparents et, sur les constats d'infraction, qu'on ne mettra plus que ça va dans ces fonds-là, puisque ce n'est plus le cas, ou qu'on va mettre les proportions puis qu'on va dire : Bien, vous financez le fonds consolidé du revenu avec cette suramende.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Les intentions et... L'objectif de cette suramende est clair, et je pense que ça a été très clairement présenté lorsqu'on a déposé la mesure. Et je dirais, M. le Président, que le constat, qui ne relève pas de la Justice, là, mais, ceci étant, le constat prévoit quand même une référence aux sommes dédiées aux victimes, dédiées à l'accès à la justice. Et puis les sommes qui sont reçues, qui sont perçues sont destinées à l'accès à la justice, sont destinées au soutien aux victimes d'actes criminels. Si on parvient à faire plus, si on parvient à soutenir davantage notre réseau des CAVAC, si on parvient à soutenir davantage et d'offrir davantage de séances de médiation aux familles dans différentes situations, notamment en situation d'adoption, c'est parce qu'on a une augmentation des ressources, c'est parce qu'on a les ressources nécessaires pour le faire, et parce qu'on gère ces fonds-là de façon responsable, et parce qu'on y injecte des sommes d'argent.

Et, pour ce qui est de la question du fonds consolidé, M. le Président, je ne partage pas la lecture de ma collègue. Puis c'est normal qu'on ne voie pas les choses de la même façon parce qu'autrement on serait tous dans le même parti. Mais, ceci étant, pour moi, qu'on puisse à travers le fonds consolidé soutenir les victimes d'actes criminels, c'est très important, et on le fait.

Le Président (M. Auger) : Merci. Sept minutes.

• (20 heures) •

Mme Hivon : Alors, est-ce que la ministre est en train de me dire que l'ensemble des sommes qui vont au fonds consolidé, dont je vous parle aujourd'hui, sont exclusivement dédiées au ministère de la Justice? Et, si oui, ce serait franchement une première. Alors, comment, sans avoir de fonds dédié, elle peut nous dire aujourd'hui que ces sommes-là vont au ministère de la Justice?

Mme Vallée : Les sommes ne sont pas étiquetées ou, comme on indique en chinois, taguées, mais c'est quand même des sommes importantes qui sont versées. Le fonds consolidé, on a versé... en 2017-2018, il y a eu 13,8 millions qui a été versé au fonds consolidé, puis je vous mentionnais tout à l'heure qu'il y a 150 millions qu'on va chercher pour l'IVAC. L'équation est quand même intéressante, là.

Le Président (M. Auger) : Six minutes.

Mme Hivon : Oui. Alors, en tout cas, pour moi, c'est vraiment une question de principe, de transparence et de bien faire comprendre aux gens que, dans le fond, ils ont une taxe déguisée, comme toute taxe qui va au fonds consolidé, et j'espère que la ministre va faire des représentations pour que ce qui est inscrit sur un constat d'infraction et ce qui est véhiculé soient conformes à la réalité, c'est-à-dire que cet argent-là ne va pas exclusivement pour les deux fonds qui sont mentionnés. Parce que, quand la ministre me parle du CAVAC, oui, les CAVAC, eux, ils sont financés par le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, ils ne sont pas financés par le fonds consolidé. Donc, je pense que le gouvernement qui se voulait le plus transparent — on pourrait discuter longuement de ça — devrait minimalement dire aux gens que ce n'est pas le cas et donc faire la correction sur les constats d'infraction du Québec depuis que ce changement-là a été apporté. Et, non, ça ne fait pas quatre ans que j'en parle parce que ça a été apporté fin 2015, et on a vu les impacts de ça l'année dernière, donc c'est la deuxième année. Et, oui, force est de constater que ça a augmenté de près de 11 % en un an. Alors, c'est vraiment une vache à lait incroyable pour, évidemment, le fonds consolidé du revenu, et je pense que c'est une question qui mérite une attention.

Alors, j'aimerais maintenant poser quelques questions sur la justice administrative. D'abord, je sais que la ministre n'est pas responsable de chacun des tribunaux administratifs du Québec, elle est responsable globalement de la question de la justice administrative. Mais, comme on en a déjà souvent parlé puis qu'on va peut-être avoir le temps d'en parler ce soir, je pense justement qu'il devrait y avoir une réflexion. Et on aimerait beaucoup que le rapport Noreau puisse avoir des suites pour que les processus de nomination soient des processus objectifs, qu'on s'éloigne des nominations purement politiques, donc qu'il y ait des concours, qu'il y ait de la prévisibilité, que les gens soient avisés, qu'ils ne restent pas, donc, des mois, parfois plus longtemps que ça, à ne pas savoir ce qui arrive avec leur renouvellement. Donc, ça, oui, on en a souvent parlé, plusieurs années. Il n'y a pas eu de suite. Et j'avais interpelé la ministre, comme les représentants des juges administratifs l'ont interpelée à plusieurs reprises, pour lui demander de se saisir, à titre de ministre de la Justice, de cet enjeu-là.

Alors, j'aimerais évidemment, dans un premier temps, qu'elle nous dise pourquoi, à ce jour, il n'y a eu aucune suite à ce rapport-là, concrète, pourquoi il n'y a toujours pas eu de réforme pour revoir ces processus-là de nomination. Et, dans un deuxième temps, j'aimerais qu'elle nous dise comment on peut le justifier, alors que les délais... je vais peut-être devoir y revenir un peu plus tard, mais les délais se sont allongés, notamment en matière de conciliation, dans plusieurs tribunaux. En matière de délais de traitement des dossiers, ça s'est allongé pour l'IVAC. Elle nous parle de l'IVAC, bien, l'IVAC, ça s'est allongé dans la dernière année, Régie des rentes, sécurité du revenu, santé et services sociaux, et il y a pourtant 13 postes vacants de juge administratif qui ne sont pas comblés.

Donc, question en deux volets, la réforme globale et comment peut-elle justifier par ailleurs qu'il y a 13 postes qui sont libres. Et moi, je suis prête à empiéter un peu sur mon deuxième bloc si on veut finaliser la réponse tout de suite, en maintenant l'équilibre, là.

Le Président (M. Auger) : On peut gérer ça avec facilité, mais, pour l'instant, 2 min 40 s, Mme la ministre. C'est à vous.

Mme Vallée : Oui. Plusieurs choses dans la question de la collègue. Commençons d'abord par la section plus globale. Je voulais juste vérifier : Est-ce que la collègue... je m'excuse, les 13 postes auxquels elle fait référence, elle fait référence à des postes qu'elle considère vacants à quelle instance?

Mme Hivon : Dans l'ensemble des tribunaux, donc...

Mme Vallée : O.K. C'est parce que les tribunaux administratifs ne relèvent pas tous de la ministre de la Justice, dans un premier temps.

Mme Hivon : Oui, c'est ça. C'est ça que je dis.

Mme Vallée : C'est ça. Alors, pour ce qui est de la réforme globale, il y a une réflexion qui est en cours, il y a un travail, on en a parlé. Il y a un chantier qui a été mis en branle, qui a été lancé en 2016, pour revoir... pour vraiment mener une réflexion globale sur l'organisation de la justice administrative, parce qu'il y a 15 organismes qui sont visés, qui relèvent de différents ministres, et qui ont des processus et des façons de fonctionner qui sont variables. Alors, oui, il y a lieu d'avoir une grande réflexion.

Puis ça aurait été superbe d'être en mesure de présenter le fruit de cette réflexion-là d'ici la fin du mandat. Je vous avoue que c'est beaucoup plus complexe que ça n'apparaît. On travaille en étroite collaboration avec les représentants des 15 organismes. L'objectif, évidemment, c'est de regarder, de comparer les différentes initiatives qui ont été mises en place au cours des dernières années au sein de ces organismes-là, et voir aussi de quelle façon on a organisé la justice administrative ailleurs, est-ce qu'on peut s'inspirer de bonnes pratiques, parce que l'objectif, c'est d'améliorer, oui, l'accessibilité de la justice administrative, améliorer la performance de la justice administrative. Puis évidemment on prend dans cette réflexion-là les différentes recommandations, dont les recommandations qui ont été formulées par le Pr Noreau. Donc, il y a des constats qui ont émané de ces échanges-là, il y a des solutions préliminaires qui ont été établies. On espère qu'il y aura des avancées. Donc, l'objectif, c'est que le résultat de ces travaux-là amène une réforme, une éventuelle réforme de la justice administrative.

Je vous dirais, je l'ai dit plus tôt puis je vais le redire, il y a beaucoup de choses qu'on voulait faire, puis je vous dirais, M. le Président, quatre ans, ça passe très vite. Et on en a fait beaucoup, je n'ai pas l'impression qu'on a chômé, mais malheureusement on ne peut pas tout faire en même temps. J'écoute mes collègues, là, il aurait fallu revoir le droit de la famille, la justice administrative, l'IVAC. Ça, c'est sans compter les 15 projets de loi qu'on a faits, les 675 millions qu'on a investis en justice, les postes qu'on a créés. Ouf! Il manque de temps et il manque de temps pour siéger ici, à cette Assemblée. Puis savez-vous quoi? La Commission des institutions n'appartient pas à la ministre de la Justice, c'est dommage, mais ça aussi... je dois partager mon temps avec d'autres collègues.

Alors, oui, il y a des travaux qui ont cours, oui, on travaille, parce qu'il y aura probablement quelqu'un qui me succédera et qui pourra bénéficier de ce fruit-là et, je l'espère, mettre en oeuvre les recommandations de ce comité-là, qui ne sont pas encore tombées, mais qui viendront incessamment au cours des prochains mois.

Ceci dit, pour ce qui est des postes à combler auprès du Tribunal administratif du Québec, qui relève de ma juridiction, il y en a sept, mais, au cours de la dernière année, j'ai procédé à plusieurs nominations. Et le Tribunal administratif du Québec procède à des nominations suite à un appel de candidatures qui est lancé publiquement et à une évaluation par un comité indépendant, et les recommandations sont formulées par la présidente du TAQ suite à l'évaluation, suite aux recommandations du comité indépendant. Donc, il y a un processus tout à fait exemplaire qui a été mis en place et qui est respecté. Donc, je pense que les nominations qui ont été effectuées au cours de la dernière année vont permettre à l'organisme de pouvoir répondre à ces défis et de répondre aux citoyens à l'intérieur des délais raisonnables.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons poursuivre avec le huitième bloc du gouvernement, pour 18 min 30 s. M. le député d'Orford.

M. Reid : Merci, M. le Président. Comme la députée de Joliette, je vais aborder le sujet de l'aide aux victimes d'actes criminels. Vous savez, c'est un sujet dont on n'entend généralement pas beaucoup parler à la maison, là, à moins d'avoir des amis, ou des collègues, ou des membres de la famille qui ont été victimes. Mais, si je me rappelle, il y a quatre ou cinq ans, la population entière du Québec avait été vraiment sous le choc à l'écoute, et avec les entrevues qu'il y a eu par la suite, de l'histoire des survivantes. Je ne sais pas si vous vous rappelez du titre de ce film, Les survivantes. C'est, en fait, des jeunes femmes, en fait, celles qu'on voyait, c'étaient des jeunes femmes, il me semble qu'il y en a eu quatre ou cinq, dont le conjoint ou l'ex-conjoint s'était suicidé après avoir enlevé la vie aux enfants du couple. C'étaient des histoires, évidemment, extrêmement difficiles. On avait pu voir à quel point cette survie, par la suite, était difficile. D'abord, dans un premier temps, faire face à toutes sortes de problèmes, y compris, dans beaucoup de cas... étant donné que ça avait été parfois orageux entre les deux membres du couple, la belle-famille, souvent, disons, n'était pas très gentille avec la survivante en question. L'intégration au marché du travail est très difficile parce que... L'intégration ne peut pas se faire, on part de but en blanc puis on devient quelqu'un d'autre.

• (20 h 10) •

Alors, on avait eu l'occasion ici, à l'Assemblée nationale, en plus du film... plusieurs députés, on avait eu l'occasion à deux reprises de rencontrer certaines de ces femmes-là qui étaient effectivement dans le film, et des rencontres non partisanes, qui avaient été extrêmement intéressantes et qui avaient sensibilisé beaucoup, à l'époque, les partis politiques présents à ce moment-là.

En fait, ce qui est intéressant, peut-être, c'est qu'on... On n'en parle pas beaucoup, donc on parle rarement de son histoire non plus, mais je voudrais peut-être donner un peu d'éléments d'historique puis demander à la ministre de peut-être nous faire un tracé un peu comment est-ce qu'on peut... quels sont les services, l'évolution actuelle des services à la lumière de tout cet historique-là, quels sont les services qu'on a, et, en quelque sorte, les situer dans un contexte.

Alors, en fait, au début des années 80... Et la loi... Bien, c'est le 30e anniversaire de la loi, donc la loi date de 1988. Mais avant ça, en 1980, la Pre Micheline Baril, docteure en criminologie de l'Université de Montréal, coordonne le premier centre d'aide aux victimes d'actes criminels, le Centre AVI, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. Ce centre fut le point de départ d'une série d'initiatives québécoises, un peu partout, donc, en matière d'aide aux personnes victimes. D'abord financés sur une base de projet pilote et étant majoritairement composés de bénévoles, ces centres rencontrent plusieurs difficultés dans les années qui ont suivi et les mèneront à fermer leurs portes. Donc, le modèle ne fonctionnait pas, et les lois n'étaient pas... n'aidaient pas beaucoup non plus.

Alors, après cette première expérience, évidemment, ça a ouvert la porte à l'adoption, en juin 1988, de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, la LAVAC, proposée par le ministre de l'époque, de la Justice, Herbert Marx, à la suite d'une tournée de consultation. La LAVAC établit des droits des victimes et crée le bureau... donc, cette loi-là crée le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le BAVAC, responsable de l'implantation et du maintien des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, les CAVAC. La LAVAC, donc la loi, crée également le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels.

Quelques jours après l'adoption de la LAVAC, de la loi, donc, le ministère de la Justice annonce l'ouverture du premier CAVAC à Québec, et depuis les CAVAC sont financés pratiquement entièrement par le fonds d'aide aux actes criminels, on a abordé ça tout à l'heure, mais l'idée ici, c'est que ce serait intéressant... On avait quelques points de service, j'y reviendrai par la suite, mais maintenant il y a beaucoup de points de service. Ce qui serait intéressant, ce serait, dans un premier temps, de parler des services qui sont offerts par ce réseau-là et de les mettre un petit peu dans une perspective historique, si possible, parce que ça a évolué quand même avec le temps.

Mme Vallée : Oui, bien, merci, M. le Président. Les CAVAC, oui, ont célébré cette année leur 30e anniversaire, donc c'est quand même un bel historique, une belle histoire. Et c'est aussi un long parcours qui a mené au déploiement de l'offre de services qu'on a aujourd'hui et qu'on retrouve aujourd'hui sur le territoire, 167 points de service des CAVAC. Donc, ils sont... On a 17 centres, centres d'aide aux victimes d'actes criminels, répartis en 167 points de service. Donc, l'ensemble des régions du Québec sont desservies.

Et, les services offerts aux centres des CAVAC, j'ai constaté malheureusement que, malgré leurs 30 ans d'expérience... malgré leurs 30 ans d'existence, ce sont des services méconnus par la population. Et c'est vraiment des services de première ligne. On vient offrir des services qui sont gratuits, des services qui sont confidentiels, aux victimes, quelles qu'elles soient, qui qu'elles soient, aux femmes, aux hommes, aux enfants, mais aussi à leurs proches. Et les CAVAC vont venir démystifier bien souvent le processus judiciaire pour une victime, va accompagner la victime à travers ce processus-là et va aborder cette question-là avec beaucoup de doigté et de finesse.

En 2016-2017, on a eu 63 000 personnes qui ont quand même bénéficié des services des CAVAC. C'est beaucoup. Puis on a, à travers... au fil des ans, déployé certains services spécialisés au sein des CAVAC. Donc, j'ai abordé la question brièvement cet après-midi, mais on a ajouté dans les ressources qui oeuvrent près des communautés autochtones des ressources dédiées pour les communautés autochtones. Donc, moi, je pense particulièrement au CAVAC à Maniwaki, mais il y a une ressource pour répondre aux besoins des communautés de Lac-Barrière et de Kitigan Zibi. On a le même type de ressources qui sont offertes sur la Côte-Nord, dans le Nord-du-Québec, en Abitibi.

On a ajouté en décembre dernier, encore une fois, je le mentionnais, des ressources, des agents de liaison qui sont spécialisés pour les situations de violences sexuelles. Ce n'est pas la même approche, les victimes n'ont pas les mêmes besoins. On sait à quel point c'est difficile pour une victime de porter plainte et d'aller au bout du processus judiciaire. Alors, on a bien certainement reconnu que ce besoin-là méritait probablement un accompagnement tout particulier de la part des intervenants du CAVAC.

Donc, il y a une façon de travailler avec les victimes, de les accompagner dans leur cheminement, de répondre à leurs questions, d'être là pour apaiser leurs craintes, apaiser leurs appréhensions.

Les CAVAC, aussi, vont bien souvent mener des projets, vont mener des initiatives qui, par la suite, vont faire boule de neige et seront mises en oeuvre un peu partout sur le territoire. Dans la dernière stratégie d'action pour contrer les violences sexuelles, le gouvernement s'est engagé à assurer un accompagnement auprès de certaines victimes, des enfants victimes de violences sexuelles, un accompagnement particulier. Et ça, ça a été développé par le CAVAC de l'Outaouais. Moi aussi, je suis députée, hein, alors on va... et je vous avoue... Mais cette initiative-là a tellement eu un succès et a tellement répondu aux besoins des jeunes victimes qu'il était dans le meilleur intérêt des victimes que l'on puisse l'exporter. Et vice et versa, il y a d'autres initiatives qui ont été mises de l'avant par les CAVAC que ce soit à Montréal, à Québec et qui ont par la suite été reprises. Bref, ce sont des organismes incroyables.

Le soutien financier, le financement annuel qui provient du FAVAC, dont on parlait tout à l'heure, permet de poursuivre la mission des CAVAC et permet aux intervenants de procéder à toute cette aide-là, donc, je le mentionnais, l'accompagnement, l'information judiciaire. Il y a aussi de l'information post-traumatique puis psychosociojudiciaire. Alors, ça, ça permet d'évaluer les besoins puis les ressources qu'une personne victime d'acte criminel dispose pour pouvoir vraiment assurer d'avoir une intervention qui est adaptée, pour réduire les conséquences de l'acte criminel sur la personne puis aussi permettre de favoriser le rétablissement. Il y a de l'information sur les droits et recours des personnes victimes. Donc, on les dirige, on les accompagne dans leurs demandes auprès de l'IVAC et on les informe sur les programmes d'indemnisation qui sont offerts. Il y a de l'assistance technique qui est aussi offerte pour remplir les différents formulaires et évidemment il y a le service d'orientation et d'accompagnement vers des services spécialisés.

Bref, vous voyez, le soutien aux victimes est vraiment au coeur des interventions de ces centres-là, et ils offrent un soutien d'une valeur inestimable à bien des citoyens et des citoyennes.

Le Président (M. Auger) : Neuf minutes, M. le député d'Orford.

M. Reid : Merci. J'ai quelques questions peut-être plus précises aussi, mais, avant de parler des victimes et du type de services, etc., j'aimerais comprendre un peu ou connaître quelles sont les visées, les grandes visées qui sont prévues, là, pour le... Parce qu'on a un programme de subventions pour favoriser la recherche, l'information, la sensibilisation et la formation en matière d'aide aux victimes d'actes criminels. Vous comprenez que, pour un ancien universitaire et administrateur d'université, ce sont des questions qui me semblent très, très, très importantes, parce que, de plus en plus, on en entend parler mondialement, à part peut-être notre voisin américain, où le Président n'a pas l'air de comprendre que la science est importante et la recherche est importante pour faire avancer la société. Mais, de plus en plus, on a effectivement cette volonté-là, et je suis content de voir ça, moi, dans le programme. Et j'aimerais en savoir un peu plus sur ce que l'on vise exactement et un peu de quelle façon on avance là-dedans.

• (20 h 20) •

Mme Vallée : Bien, ce programme-là vise à soutenir des initiatives, des initiatives de recherche, et sur toute question qui est relative à l'aide aux victimes d'actes criminels, et vise aussi à soutenir la réalisation puis la diffusion de programmes d'information, de sensibilisation et de formation. Donc, l'aide financière permet de soutenir des recherches assez diverses et ces programmes d'information.

Donc, annuellement, c'est une somme de 1,5 million de dollars qui est dédiée à ce programme-là. Les clientèles qui sont admissibles sont assez variées. On parle d'organismes communautaires qui viennent en aide aux victimes d'actes criminels, on parle de chaires de recherche également, donc, les fondations, les universitaires, et toute autre organisation qui... ou un organisme qui va intervenir auprès des victimes.

Alors, on va soutenir des projets qui vont vraiment porter sur des questions relatives à l'aide aux victimes et puis les programmes de sensibilisation. Donc, le comité analyse la pertinence des projets qui sont soumis en vertu de la qualité du projet, de la pertinence, de l'aspect novateur puis de la portée du projet. L'appui du milieu aussi est important, puis la présence d'un montage financier.

Donc, au cours du dernier appel à projets, il y a eu quand même des projets fort intéressants, qui visaient... On a beaucoup... Au cours des dernières années, la question des agressions sexuelles a quand même été une question très populaire dans le cadre des appels à projets, mais également la cyberviolence. Ça aussi, ça a été un sujet qui a suscité le dépôt de projets, et on a beaucoup travaillé.

Donc, on a soutenu un certain nombre de projets, là, notamment Non à la cyberviolence chez les jeunes, c'est un projet soutenu par le Centre d'expertise en agression sexuelle Marie-Vincent. On a le #gardecapourtoi, donc le déploiement d'un projet de sensibilisation au sextage pour les jeunes, qui a été développé par le CALAS de l'Outaouais, Quelles sont tes limites? Il y a le Parcours scolaire et l'insertion socioprofessionnelle d'hommes victimes d'abus sexuels, les Victimes, vos droits. Bref — il y a eu un registre des actes de violence contre les communautés LGBT — un tas de sujets qui sont fouillés davantage, qui sont documentés et qui nous permettent de mieux comprendre aussi les besoins des victimes d'actes criminels, la criminalité émergente et les façons dont nous... les outils dont nous pourrons nous doter pour mieux aider et prévenir ce type de violence là. Donc, c'est très diversifié, mais c'est aussi très important.

On a annoncé que nous allions bonifier de 250 000 $ ce programme de recherche là au cours de la prochaine année pour traiter tout particulièrement des agressions sexuelles, et ça, c'est en marge du forum sur les violences sexuelles, que notre collègue la ministre de la Condition féminine a lancé en décembre dernier. Elle a organisé un forum qui a convié plusieurs intervenants. On a discuté de la question des agressions sexuelles. On était plusieurs membres de l'équipe gouvernementale présents, Sécurité publique, Éducation, Condition féminine, Justice. Et on a eu... en tout cas, moi, j'ai eu le plaisir de participer à des ateliers avec les organismes, avec des partenaires qui étaient présents. C'est certain que la recherche, ce type de projets là et d'appels à projets là, c'est très utile, et ça permet d'avancer, et ça permet aussi, parfois, de mettre en oeuvre des solutions auxquelles on n'aurait pas pensé.

Et, parfois, on a soutenu des projets qui peuvent parfois apparaître comme étant... bien, le projet de recherche va mettre en lumière les failles du système. Bien, justement, si certaines victimes n'ont pas accès à des services, si certains services sont difficiles d'accès, il est important de le savoir. Et, pour moi, ces projets-là, ces projets de recherche là viennent nous alimenter, viennent alimenter notre réflexion. Donc, c'est très positif d'aller et de prendre connaissance de ces projets-là et de travailler en collaboration avec ces organismes-là.

Le Président (M. Auger) : 2 min 30 s, M. le député.

M. Reid : O.K. Je vais commencer par un petit commentaire sur ça parce que je trouve que, d'une part, c'est très intéressant, votre commentaire sur la recherche, où on va chercher l'information, peu importe, qu'elle nous plaise ou non. Parce qu'une recherche qui est politisée, ce n'est pas de la recherche, on se comprend. Puis c'est un problème mondial qui existe aussi à certains niveaux, mais je suis content de voir que ça, c'est clairement bien défini chez nous. Je trouve ça très intéressant aussi que cet effort de recherche aille chercher... aille trouver — parce qu'on cherche beaucoup, mais on trouve, des fois, aussi — aille trouver des éléments chez des groupes communautaires ou autres groupes, et vous en avez parlé précédemment, qui amènent une initiative nouvelle, et là on a trouvé quelque chose d'intéressant. On a de la recherche qui nous permet de dire, effectivement, quelles sont les limites de ça puis quels sont les potentiels de ça, et puis là on peut le répandre à la grandeur du Québec. Ce qui m'a plu aussi, en passant, c'est que ça venait d'une région, et ce n'est pas toujours Montréal qui donne les idées aux régions, mais souvent aussi des régions qui donnent des idées — j'en fais partie également, d'une région également où ça arrive — et donc cet élément-là m'apparaît très intéressant pour ce qui est de cette question de recherche.

S'il y a quelques instants, je voudrais juste avoir quelques petites informations. Est-ce que les intervenants du réseau de la CAVAC peuvent accompagner les personnes victimes dans le processus judiciaire? Ça fait partie de...

Mme Vallée : Bien, ça fait partie du mandat, c'est-à-dire que l'accompagnement des victimes est au centre de l'action des gens du CAVAC. Donc, on va accompagner la victime dans sa démarche pour, oui, aller chercher des ressources médicales, mais, oui, aussi au sein de l'appareil judiciaire pendant tout le cheminement du dossier. Les intervenants des CAVAC ne sont pas les avocats des personnes victimes, ça, c'est important de le mentionner, mais elles vont bien souvent être le support moral, l'épaule, mais aussi le conseiller, la conseillère, celui ou celle qui verra à encourager la victime, à la réconforter et aussi à lui expliquer la suite des choses, parce que ce n'est pas toujours facile puis c'est aussi parfois très frustrant pour une victime de passer à travers l'appareil judiciaire lorsqu'il y a une remise, lorsque le dossier ne procède pas, lorsque l'avocat de la partie adverse contre-interroge, c'est des étapes qui ne sont pas simples.

Le Président (M. Auger) : Nous devons poursuivre avec le quatrième bloc du deuxième groupe d'opposition, pour 20 min 45 s. Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Merci à mes collègues de me permettre de venir aux crédits Justice pour poser des questions sur un sujet dont vous ne serez pas surpris. Donc, on revient sur le dossier de la prostitution juvénile.

Je reviens sur la loi C-452, la loi fédérale, qui prévoit des peines cumulatives pour les proxénètes, pour ceux qui nous écoutent, afin qu'on replace le dossier, et qui explique... qui prévoit, dans la loi, que les policiers peuvent porter des accusations sans le témoignage de la victime. Actuellement, il ne manque que la signature du décret par le premier ministre du Canada pour que la loi soit mise en application, et les policiers et les victimes attendent cette signature-là, qui permettrait de régler beaucoup de problèmes et d'alléger la vie des victimes qui sont prises dans ces réseaux-là.

Le 15 mars... le 14 mars dernier, j'ai fait adopter... j'ai présenté une motion, qui a reçu l'appui de l'ensemble de mes collègues, autant du gouvernement, de l'opposition officielle que de ma formation, dans laquelle motion on demande au premier ministre du Canada de signer le décret de la loi n° 452, qui a passé par toutes les étapes. Le 15 mars, je vous ai posé la question, à Mme la ministre, à l'effet... si vous aviez l'intention de faire des pressions auprès de votre homologue fédéral pour rendre exécutoire les dispositions de la loi C-452, et, à ce moment-là, vous m'aviez répondu que, le 10 février 2016, vous aviez abordé cette question-là avec votre homologue par un échange de lettres et que vous aviez continué à parler de ça depuis.

Nous avons fait une demande d'accès à l'information et on nous a refusé la demande d'accès à l'information. Je ne sais pas pourquoi, là, ce n'est pas rien qui peut compromettre le gouvernement. Mais j'ai la lettre à l'effet qu'on refuse que j'aie accès à l'échange des lettres, que vous avez eu au mois de février 2016, il y a deux ans.

Le 15 mars dernier, vous avez mentionné que vous alliez continuer vos représentations, puis il reste que vous avez quand même l'appui de l'ensemble des parlementaires. Donc, depuis le 15 mars, puisque vous avez l'appui de l'ensemble des formations politiques, autant du gouvernement que de l'opposition officielle, que de ma formation, je voudrais vous demander si vous avez sollicité depuis le 15 mars dernier une rencontre avec votre homologue fédéral afin de parler de ce sujet-là et de lui demander de signer le décret.

• (20 h 30) •

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais être bien honnête avec ma collègue, non, je n'ai pas sollicité de rencontre. Par contre, je vous dirais bien humblement, M. le Président, moi, je n'ai pas attendu mars 2018 pour m'intéresser à la question. Je me suis intéressée à la question il y a deux ans, donc en février 2016.

Je vous dépose copie de la lettre. Je ne comprends pas, honnêtement, je ne comprends pas pourquoi ma collègue dit qu'elle n'a pas pu l'avoir, mais j'ai copie de la lettre, j'ai mes échanges avec mes homologues fédéraux. Je ne suis pas gênée puis je n'ai pas... Alors, voilà, c'est simple. Puis, si ma collègue me l'avait demandée il y a quelques semaines, ça m'aurait fait plaisir de lui remettre directement. Donc, de toute façon...

Ceci étant, je pense que... Moi, j'ai fait des démarches, j'ai abordé ma collègue dans le passé, j'ai fait des suivis. J'ai compris que, du côté du fédéral, il n'y avait pas vraiment d'intention à cet égard. Est-ce que c'est la réponse, ça?

Une voix : ...

Mme Vallée : ...parce que j'ai une réponse, je veux juste m'assurer de déposer la bonne réponse, mais je déposerai aussi, pour ma collègue, la réponse qu'on m'a servie. Mais, ceci étant, rien ne nous empêche, comme parlementaires, et rien n'empêche également ma collègue de joindre sa voix à la mienne, et d'écrire, et de solliciter, elle aussi, une rencontre avec la collègue et peut-être d'appeler son ex-collègue de Chauveau pour lui demander de se lever en Chambre et de demander aussi, du côté du gouvernement fédéral, d'intervenir.

Mais, ceci étant, je suis intervenue, j'ai fait des représentations. Depuis le 15 mars, bien honnêtement, je n'ai pas eu l'occasion de solliciter une rencontre. Je vous avoue que j'ai... bien, il y a d'autre chose, et j'ai abordé d'autre chose, mais j'ai quand même abordé la question il y a deux ans, bien avant ma collègue.

Le Président (M. Auger) : Vous avez la réponse à la lettre, Mme la ministre?

Mme Vallée : Je vais juste m'assurer s'il s'agit bel et bien... Non, ce n'est pas la bonne...

Une voix : ...

Mme Vallée : Ce n'est pas la bonne.

Le Président (M. Auger) : Ce n'est pas la bonne.

Mme Vallée : Parce qu'on a beaucoup d'échanges de correspondance.

Le Président (M. Auger) : Est-ce que vous allez fournir la réponse, là? J'ai compris...

Mme Vallée : Je vais la fournir, oui. Je veux juste... C'est parce que ce n'est pas la bonne... C'est donc la réponse à la lettre de 2016. Je vais la fournir puis, si je ne l'ai pas ce soir, je m'engage à vous la fournir...

Le Président (M. Auger) : ...la fournir au secrétariat.

Mme Vallée : ...et j'en remettrai copie à ma collègue en main propre.

Document déposé

Le Président (M. Auger) : O.K. Bien, pour l'instant, je vais déposer la lettre, justement, que vous avez envoyée au ministre de la Justice au Canada. Je vais en faire des copies, si vous en voulez copie. Je vais faire des copies. Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Oui. Juste pour revenir à ma demande d'accès à l'information, j'ai suivi les voies qu'on utilise normalement, et, le 4 avril, on m'a répondu : «Nous refusons de donner suite à votre demande d'accès. En effet, la correspondance visée par votre demande a été obtenue d'un autre gouvernement, où sa communication porterait vraisemblablement préjudice à la conduite des relations entre ce dernier et le gouvernement du Québec.»

Donc, c'est la réponse que j'ai reçue du ministère de la Justice. Donc, merci de me transmettre la lettre que vous avez envoyée, la réponse.

Mme Vallée : En toute transparence, M. le Président, je pense que cette question-là préoccupe les parlementaires de l'Assemblée, puis ça me fait plaisir de la divulguer.

Mme Lavallée : Je vous remercie, j'apprécie. J'apprécie et je comprends, vous avez fait une demande le 10 février 2016, mais on est deux ans plus tard, le dossier est toujours non réglé. Et on a déposé une motion qui est quand même appuyée par tous les parlementaires. Donc, vous avez une force. La motion a été envoyée au gouvernement du Canada. Oui, après le dépôt de la motion, il y a eu des parlementaires, autant du Bloc québécois... bien, ceux qui étaient dans le Bloc, et des gens du Parti conservateur, qui ont questionné le premier ministre du Canada depuis.

Mais il m'apparaît qu'à titre de ministre de la Justice ça aurait été intéressant que vous recommuniquiez avec votre homologue, forte de cet appui-là de l'ensemble des parlementaires du Québec, pour dire que nous, nous souhaitons que cette loi-là, et non pas le projet édulcoré qu'ils sont en train de... qu'ils ont déposé, mais que, cette loi-là, qui était l'objet de ma motion, vous l'appuyez avec l'ensemble des parlementaires, et que vous souhaitez que le premier ministre en tienne compte et que le décret soit signé. Je pense que c'est votre rôle, à titre de ministre, de faire ces représentations-là, et on était tous derrière vous.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ces représentations-là ont été faites, M. le Président. Je ne sais pas dans quelle langue le dire, là. Je l'ai fait, j'ai fait ces représentations il y a deux ans et j'ai reçu une fin de non-recevoir. Mais je veux vous assurer, là... Ma collègue sait très bien de quel côté je loge, sait très bien où je me situe face à ce dossier-là. On l'a abordé par le passé. Par contre, il n'y a rien qui empêche ma collègue de joindre sa voix à la mienne et d'écrire à la ministre fédérale de la Justice. Je ne comprends pas... Et je ne suis pas responsable des décisions qui sont prises à Ottawa, croyez-moi.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Repentigny, 12 min 45 s.

Mme Lavallée : Donc, bien, tout ce que je pourrais vous dire, c'est que je suis déçue, parce que, de toute façon... Je comprends que vous avez écrit avec la ministre en février 2016. On est deux ans plus tard, et vous avez l'appui, quand même, de tout l'ensemble de vos collègues. Donc, c'était un appui qui était important, mais, si vous considérez que ce n'est pas à vous d'aller faire ces représentations-là, je vais passer à mon autre sujet, en étant déçue du manque d'intérêt que vous manifestez.

Mme Vallée : M. le Président, manque d'intérêt... Moi, je me suis réveillée il y a deux ans, là...

Le Président (M. Auger) : Non, effectivement, ne pas prêter des intentions, s'il vous plaît.

Mme Vallée : Non. Non, je suis désolée.

Le Président (M. Auger) : Non, mais, dans les deux cas, dans les deux cas, là, c'est un rappel...

Mme Vallée : Bien, c'est parce qu'«être déçue»... J'ai réagi il y a deux ans, j'ai posé... j'ai fait ce que j'ai à faire. Ma collègue fédérale sait très bien où je loge. J'ai fait mes représentations, mais ce n'est toujours pas moi qui tiens le crayon à Ottawa. C'est la même chose pour les juges, en passant.

Le Président (M. Auger) : Merci. Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Je veux juste rappeler, avant de changer de sujet, qu'en 2016 il n'y avait pas eu la motion appuyée par tout le monde, tous les parlementaires. Donc, c'est un élément de plus qui donne plus de force à la ministre. Donc, c'est une réalité qui est différente de 2016. Mais je vais passer à mon autre dossier, qui est le dossier de l'IVAC.

Actuellement, les crimes de traite en matière d'exploitation sexuelle ne font pas partie de la liste de ceux donnant accès au régime d'indemnisation. En juin 2008, un rapport intitulé L'indemnisation des personnes victimes d'actes criminels  Une question de solidarité et d'équité, mandaté par le ministre de la Justice, recommandait d'élargir l'admissibilité au régime. La Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2021 prévoit, à l'action 19, qu'il faudra analyser la pertinence d'abolir la liste des crimes visés à l'annexe I de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et prévoir que le régime d'indemnisation soit désormais applicable à toute victime d'une infraction criminelle contre la personne. On ajoute : «Selon les résultats de cette analyse, l'offre de service en matière d'indemnisation des victimes pourrait être bonifiée et rendrait admissible toute victime d'une indemnisation contre la personne.»

Dans un texte paru en janvier dernier, plusieurs groupes communautaires ont manifesté leur souhait que l'actuelle ministre de la Justice et le gouvernement du Québec fassent en sorte que l'accès aux programmes de l'IVAC devienne une réalité pour les victimes de la traite des personnes et, j'ajouterais, d'exploitation sexuelle. Est-ce que la ministre peut dire où en est rendue cette fameuse analyse prévue à la stratégie gouvernementale 2016?

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

• (20 h 40) •

Mme Vallée : Bien, M. le Président, je pense qu'il est important de préciser que, même si le crime de traite de personnes, que l'on retrouve à l'article 279.1 du Code criminel, a été introduit en 2005... Parce que, dans le fond, toute cette question-là tourne autour de ça. C'est qu'en 2005 il y a un nouveau crime qui est introduit au Code criminel, qui est la traite des personnes, et la liste des crimes qui sont visés par l'Indemnisation des victimes d'actes criminels, elle, elle n'a pas été revue depuis 1985. Donc, est-ce que la liste des crimes doit être revue? Oui. Qu'est-ce que ça commande? Une modification législative. Est-ce qu'on a le temps d'ici le 15 juin? J'en doute.

Ceci dit, les victimes de traite de personnes peuvent néanmoins être reconnues à titre de victimes par l'IVAC, parce qu'elles peuvent faire appel à d'autres crimes qui, eux, sont listés à l'annexe, et on pense, entre autres, à l'agression sexuelle, parce qu'une victime de traite de personne, bien souvent, elle est également victime d'agression sexuelle. Elle est malheureusement bien souvent et trop souvent victime d'enlèvement, de séquestration. Elle est bien souvent victime d'intimidation par violence. Elle est bien souvent victime de voies de fait. Donc, à l'intérieur de la traite des personnes se situe une réalité atroce qui permet de soutenir ces victimes-là.

Mais par contre nous avons... Dans la stratégie gouvernementale, nous nous sommes engagés à revoir la liste des crimes. Cette stratégie-là demeure, elle est en vigueur jusqu'en 2021, et la révision de la liste pourra très bien s'intégrer dans une révision plus globale de l'IVAC. L'IVAC a besoin d'être modernisée, je ne m'en cache pas. Moi, j'aurais aimé ça, un mandat qui m'aurait permis de le faire, mais le mandat, il tire à sa fin. On en a fait beaucoup, mais, oui, on peut toujours en faire plus, puis, oui, la modernisation de l'IVAC, elle est nécessaire.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas, 7 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Oui. Sur le même sujet, est-ce que, dans les analyses préliminaires que vous avez faites, vous évaluez la possibilité de rallonger le délai pour faire appel à l'IVAC, on est présentement dans un délai de deux ans, ou de modifier le critère d'interprétation d'impossibilité en fait d'agir? Est-ce que ça a été discuté?

Mme Vallée : Bien, en fait, il y a déjà eu des amendements qui ont été apportés. On a une certaine souplesse dans l'interprétation de ces notions-là, mais c'est certain que, dans la révision globale et dans la modernisation d'une loi, il y a bien des éléments qui sont considérés. Et, oui, il y a une réflexion à cet effet-là, mais je ne pourrais pas vous dire aujourd'hui... Je ne donnerai pas aujourd'hui d'indication, comme je n'ai pas donné plus tôt d'indication sur le contenu du programme. Mais, oui, ça fait partie de la réflexion, parce que, l'ensemble des problématiques qui ont pu être soulevées au fil des ans, bien, c'est certain qu'on les met dans la balance puis on voit de quelle façon on pourrait tenter de répondre aux différentes critiques qui ont été formulées.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question des registres, vous savez, le Registre des lobbyistes est géré par Justice, alors qu'on a un nouveau Commissaire au lobbyisme qui voudrait peut-être obtenir la gestion du Registre des lobbyistes, parce que c'est un peu archaïque, le fait de s'inscrire. Il n'y a pas d'argent qui semble être mis dans le Registre des lobbyistes.

Est-ce que le ministère de la Justice a l'intention de... (panne de son) ...ce registre-là? Et sous-question, vous me permettrez, au niveau également du Registre foncier : Est-ce qu'il y a des discussions avec Ressources naturelles pour le rapatrier, considérant que ça relèverait davantage de la mission de Justice d'avoir un registre qui est, par ailleurs, profitable?

Mme Vallée : Honnêtement, M. le Président, là, à cette étape-ci, il n'y a pas de discussion pour transférer les registres. Les registres sont conservés au Fonds des registres.

Une voix : ...

Mme Vallée : Oui, bien, c'est ça, il y a évidemment des travaux de modernisation, comme l'ensemble des lois, là, des travaux de modernisation de la loi, mais, à court terme, je vous dirais qu'il n'y a pas, à court terme, d'indication qui nous amènerait à dire que Justice... qu'il y aura une restructuration importante du registre.

Le Président (M. Auger) : M. le député.

M. Jolin-Barrette : Mais est-ce que vous comptez investir dans le Registre des lobbyistes pour le moderniser, rendre son accessibilité, son inscription plus facile, dans un souci de transparence?

Mme Vallée : Bien, en fait, il y a deux ans, il y a eu des modifications au Registre des lobbyistes qui ont permis de faciliter l'inscription des gens. Et là, la date exacte, là, je ne me souviens plus. Le temps file vite. Je ne sais pas s'il y a deux ans ou il y a trois ans, mais il y a eu des améliorations qui ont été apportées pour permettre une inscription plus simple. Alors, ça, ça a été fait, mais maintenant, je vous dirais, pour ce qui est de se départir du Registre des lobbyistes et de le transférer à l'entité, on n'en est pas là.

Le Président (M. Auger) : 3 min 45 s, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question du cannabis, on est présentement à l'étude du projet de loi n° 157, et il y a de nombreuses questions qui sont soulevées relativement à l'application des infractions pénales. Je vous donne, à titre d'exemple, ce que la ministre des Saines habitudes de vie a fait, c'est qu'elle a créé une infraction pour consommer du cannabis, pour fumer du cannabis sur une piste cyclable, mais pas sur le trottoir et non pas sur la voie publique.

Alors, j'aimerais ça que la ministre nous explique, les agents chargés de l'application de la loi et le poursuivant autorisé, comment il va faire pour faire sa preuve sur une situation où quelqu'un fume sur la piste cyclable et qui se retrouve un pied sur le trottoir, ou un pied sur la piste cyclable, ou un pied dans la rue. Comment elle voit ça?

Mme Vallée : Très habile, mon collègue, mais je l'invite... et je pense qu'il n'était pas présent, je l'invite à aller aux crédits de ma collègue la ministre responsable, parce que le dossier cannabis relève de ma collègue. Et je l'invite... et je sais qu'il a des échanges nombreux avec elle, puis je vais l'inviter à aller la questionner sur cette question parce que c'est...

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, aux dernières nouvelles, le poursuivant et, ultimement, le responsable du poursuivant, ça s'adonne que c'est la ministre de la Justice. Alors, ultimement, l'application de la loi relève de son ministère et ça ne relève pas de la ministre des Saines habitudes de vie.

Alors, j'aimerais ça avoir une réponse parce qu'on se retrouve dans des situations où il y a un texte de loi qui est étudié présentement, les légistes du ministère de la Justice sont là, et on se retrouve dans des situations où l'applicabilité, et le respect, de la loi est en cause. Alors, pour éviter certaines contestations judiciaires, certaines contestations qui sont constitutionnelles, j'aimerais savoir comment la ministre de la Justice va gérer ça.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, on sait tous ici que ce projet de loi là est actuellement sous étude. Donc, quand la période des crédits sera terminée, mon collègue passera de nombreuses heures en commission parlementaire, à moins qu'il ne consente et qu'il n'accepte que le projet de loi puisse suivre son cours. Mais je sais qu'il a posé cette question-là en Chambre à la période de questions, je le sais, qu'il suit ma collègue, et je vous dirais, M. le Président, qu'on a une grande qualité, nous, au sein de l'équipe gouvernementale, on travaille en équipe, mais on respecte aussi les interventions de chacun.

Alors, je vais inviter mon collègue à poursuivre les travaux d'étude détaillée du projet de loi et aborder ces questions-là avec ma collègue et avec les juristes qui l'accompagnent.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Borduas, une minute à l'échange.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, M. le Président, c'est quand même drôle, parce que, quand je suis au projet de loi n° 157 avec sa collègue, elle me dit : Bien là, c'est Justice, puis il faut se référer à la Justice, puis c'est Justice qui me dit ça. Alors là, je m'adresse à la ministre titulaire, la ministre de la Justice, et je lui pose la question au niveau de l'application de la loi. Notamment, aussi, chez les jeunes, on a posé la question, à savoir : Quelle va être la directive? Est-ce qu'on va pénaliser les jeunes qui se retrouvent avec du cannabis dans leurs poches à hauteur de moins de cinq grammes? Est-ce que la directive va être celle-ci? Alors, je vous pose la question : Quelles vont être vos directives relativement à l'application de la loi et à l'applicabilité de la loi? Vous n'êtes pas inquiète par rapport à ça?

Le Président (M. Auger) : En 30 secondes.

Mme Vallée : Actuellement, M. le Président, la loi est sous étude, et je travaille en étroite collaboration avec ma collègue, mais, comme elle est porteuse du dossier et comme la loi n'est pas adoptée, j'invite mon collègue à participer activement aux séances de la commission.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons maintenant poursuivre avec le neuvième bloc du gouvernement pour 18 minutes. M. le député d'Orford.

M. Reid : Merci, M. le Président. Je voudrais juste compléter ma série de questions de tout à l'heure, qui était sur la question des victimes directes ou des victimes indirectes, quelle sorte de... quelle différence il y avait entre les deux par rapport aux services. Et, peut-être, on pourrait l'utiliser pour en parler un peu, de la cyberviolence, parce que tantôt on a parlé de cyberviolence. C'est intéressant, c'est nouveau. Ce n'est pas intéressant comme effet, bien sûr, mais, je veux dire, c'est intéressant qu'on en parle, parce que ça existe. Et moi, je ne sais pas, la cyberviolence, a priori comme ça, là, c'est peut-être du vol d'identité, du vol d'argent, de l'agression sexuelle ou quelque chose qui mène à une agression sexuelle, ça peut être du harcèlement qui mène parfois des gens à se suicider, enfin, des jeunes en particulier, mais des gens plus âgés aussi.

Alors, ça serait peut-être intéressant de voir, de comprendre où est-ce qu'on en est, parce qu'en reprenant un peu la perspective historique ça n'existait pas il y a un certain temps. Donc, qu'est-ce que c'est, la victime indirecte et la victime directe dans ces cas-là? Est-ce qu'on peut faire un... ou est-ce qu'il y a beaucoup de travail à faire pour en arriver à dire qu'est-ce que c'est, une victime directe, une victime indirecte? Et qui a des services du CAVAC, selon que c'est une victime directe, mettons une violence traditionnelle, ou c'est une victime indirecte, famille qui subit des contrecoups, des choses comme ça?

• (20 h 50) •

Mme Vallée : Bien, c'est sûr que la victime directe, c'est la personne qui a été la cible de l'acte criminel, et, bon, la victime indirecte, parfois c'est, bon, le conjoint, le parent, l'enfant dans certains cas. Alors, chaque cas est un cas d'espèce, mais il y a des soutiens... il y a un accompagnement aussi pour la famille. Donc, par exemple, un enfant agressé sexuellement, bien, on peut comprendre que les parents auront besoin aussi d'accompagnement, auront besoin d'être soutenus, auront besoin de gérer la colère, de gérer toute la détresse qui fait suite à cette prise de conscience que notre enfant a été victime d'un crime aussi sordide. Donc, les familles sont accompagnées, les proches de la victime sont accompagnés.

Maintenant, pour ce qui est de la cyberintimidation, je ne sais pas si... En fait, nous avons, dans le dernier appel à projets, soutenu un projet de cyberintimidation parce qu'il est important d'en parler. On n'en parle pas encore suffisamment, du moins dans un esprit de recherche, dans un esprit d'intervention. Donc, le centre d'expertise Marie-Vincent a présenté un projet, qui a été retenu, et l'objectif, c'est de prolonger un projet pilote que le centre avait mis en place et qui vise à implanter à l'intérieur de deux écoles secondaires additionnelles une trousse de prévention en cyberviolence. Et ce projet-là permet donc de mettre en place différentes stratégies de prévention en mobilisant la communauté des écoles puis d'outiller aussi l'équipe-école, donc d'outiller les intervenants au sein de l'école pour répondre aux situations de dévoilement de cyberviolence faite par des élèves.

Les adultes, des fois, on est peu outillés pour rassurer un jeune qui, sur ces appareils-là, a reçu toutes sortes de menaces, et c'est insidieux, puis c'est horrible parfois ce qu'on peut lire. Nous, comme adultes, parfois on est la cible de ces commentaires-là puis on trouve ça pas toujours facile à recevoir, facile à lire. Imaginez un jeune qui n'a pas développé une carapace, qui n'a pas développé un sens critique, une capacité de se distancer, ça doit être terrible. Donc, l'objectif, c'est de mettre en place des outils et des stratégies d'intervention auprès des intervenants. Donc, projet pilote qui est en place, et par la suite, bien, on pourra voir s'il n'y a pas lieu d'utiliser cette expertise-là et de l'étendre un peu partout. Donc, c'est une approche vraiment intéressante de la part du centre d'intervention, parce qu'il faut savoir que cet organisme-là...

Une voix : ...

Mme Vallée : Oui, puis cet organisme-là oeuvre auprès des jeunes victimes d'agression sexuelle, vraiment très jeunes même. Et la cyberintimidation, elle n'est pas que présente dans nos écoles secondaires, mais elle est aussi, malheureusement, présente dans les écoles primaires. Donc, les jeunes sont très rapidement en contexte avec ça. Il faut permettre de leur développer les outils pour être capables de faire la part des choses et d'éviter aussi d'entrer dans le cycle de «je réponds à mon agresseur et je lui donne des munitions additionnelles». Il y a du chantage qui se fait par voie informatique, il y a de l'intimidation. Bref, il y a toutes sortes de nouvelles réalités avec lesquelles on doit pouvoir... bien, les adultes doivent pouvoir aider les jeunes à réagir à tout ça.

M. Reid : Ce que je voulais vérifier un peu aussi, c'était : Dans cette nouveauté désagréable, est-ce qu'on est présents d'une certaine façon? Je pense que la façon la plus intelligente de le faire, c'est par la recherche et d'avoir des projets et des gens qui travaillent là-dessus.

Moi, M. le Président, je ne sais pas combien qu'il reste de temps, mais...

Le Président (M. Auger) : 12 minutes.

M. Reid : 12 minutes. Je vais essayer de faire quelque chose qui, normalement, prend environ quatre heures à la CAP, à la C-A-P, la Commission de l'administration publique. C'est une déformation professionnelle, parce que j'ai été 12 ans là-dessus, je le suis encore, et, quand il y a un rapport de la Vérificatrice générale, normalement on regarde avec le ministère qu'est-ce qui s'est passé, quel est le plan d'action que la vérificatrice a fait. Et on est en train de travailler très sérieusement, pour le prochain gouvernement, à voir si on ne pourrait pas faire la même chose avec la Protectrice ou le Protecteur du citoyen. Et donc, si ça avait été le cas, bien, vous auriez peut-être... pas vous, Mme la ministre, mais vos fonctionnaires auraient eu une rencontre avec la CAP pour demander, bon, toutes les mesures.

Vous avez un plan d'action, je pense, qui a une quarantaine de mesures, dans le plan d'action qui a été fait par la suite de ce rapport-là. Et on vous demanderait donc un certain nombre de questions. Puis je ne veux pas rentrer dans trop de détails, parce que je sais qu'il y a des collègues qui ont des questions à poser aussi, mais, en fait, c'était lié aux délais de réponse pour les services. Et donc on a une quarantaine de mesures, et, si j'ai bien compris mon information que j'ai eue, ces mesures-là ont été agréées par la protectrice. Et donc ça donne une idée de ce qui en est. Maintenant, si on était à la CAP, je vous dirais : Quelles sont les diminutions de délais qu'on a déjà, si on en a, parce que ça ne fait pas longtemps, et qu'on s'attend d'avoir sur une période du plan d'action qui, je pense, est, quoi, quatre ou cinq ans?

Mme Vallée : Oui. En fait, le ministère... l'IVAC a pris des engagements pour réduire les délais, et donc l'objectif, c'est de traiter les demandes d'indemnisation à l'intérieur de moins de 70 jours au 31 décembre 2018, de moins de 50 jours au 31 décembre 2019 et d'atteindre un délai en deçà de 30 jours d'ici le 31 décembre 2020. Mais je vous dirais que, depuis le 1er novembre 2017, les délais moyens de traitement des demandes d'admissibilité, c'est de 19,6 jours. Alors, il y a le traitement, l'admissibilité, donc, qui est à 19,6 jours, mais il y a les demandes d'indemnisation, parfois, qui méritent un petit peu plus de temps, parce qu'on demande des compléments d'information, des preuves de revenus, un certain nombre de détails. Donc, on veut les réduire d'ici 2020 en deçà de 30 jours.

Alors, ces engagements-là ont été pris par les équipes auprès de la Protectrice du citoyen, et elle a eu une bonne... elle s'est montrée réceptive à cet objectif.

M. Reid : Bien, c'est intéressant parce que... Et, à la CAP, on demande beaucoup ça. Ce n'est pas toujours tous les ministères qui le font, mais on demande toujours des objectifs mesurables. Là, vous avez des objectifs qui sont très clairs et qui sont mesurables. Donc, ça, c'est très intéressant.

À la CAP, on prendrait probablement vos 40 mesures puis on passerait à travers. Là, je ne veux pas faire ça, on n'a pas le temps de faire ça, puis on n'est pas à la CAP non plus, mais ce serait intéressant si vous pouviez en choisir une ou deux, juste pour nous expliquer un petit peu des mesures qui ont eu un impact et qui vont avoir un impact.

Mme Vallée : Bien, je vous dirais que, le plan d'action, ce qu'on a fait lorsqu'on a reçu un rapport du Protecteur du citoyen, c'est qu'on a établi une série d'actions prévues, puis on les a regroupées à l'intérieur de six grands axes d'intervention.

Donc, le premier axe d'intervention qui a été mis en place, c'est une déclaration des droits des victimes, parce que l'objectif, là, je pense, derrière le rapport de la Protectrice du citoyen, c'est de dire : La victime, là, elle doit être au centre des interventions de l'IVAC. Donc, c'est la victime qui est là. Pourquoi tous ces gens-là, tous ces ETC là sont réunis? C'est pour soutenir les victimes. Alors, d'abord et avant tout, remettons la victime au centre du processus.

Alors, on a mis en place... on a adopté une déclaration des droits des victimes à l'égard du régime public d'indemnisation parce qu'il faut vraiment... Je pense que c'est important de mettre la victime au centre de ce régime-là et d'avoir une considération toute particulière pour la victime. Par la suite, à l'intérieur de cette déclaration-là, évidemment il y a un engagement que les décisions soient écrites et que ces décisions-là soient motivées, parce que malheureusement le rapport du Protecteur du citoyen nous indiquait que de nombreuses victimes recevaient une fin de non-recevoir, mais que cette fin de non-recevoir là n'était pas documentée. Et là, bien, évidemment, c'est certain que ça engendre de l'incompréhension et ça engendre malheureusement des contestations qui s'éternisent. Alors, dans le cadre de cette intervention-là, bien, oui, les motifs de la décision doivent être indiqués.

• (21 heures) •

M. Reid : Je vous arrête une seconde parce qu'on est tout à fait dans le genre de travail qu'il y a à la CAP, et ce qu'on dit ce soir, ça va probablement aider la CAP à avoir ces rapports-là avec la protectrice, parce que vous nous dites des éléments... Par exemple, la non-documentation, que ce soit à un niveau pour la personne ou que ce soit pour être capable d'étudier, par la suite, la performance du ministère ou de l'IVAC, c'est des choses qui sont fondamentales et c'est un défaut qui est très répandu dans notre administration publique québécoise. On est en train de corriger le tir. Alors, c'est très intéressant. Je vous prie de continuer, c'est vraiment passionnant.

Mme Vallée : Et par la suite on s'est engagés... l'IVAC s'est engagée à ce que l'information diffusée aux victimes soit plus claire et plus accessible. Encore là, on vient à la même chose. Pour la victime, c'est de comprendre, mais aussi pour le décideur qui est placé devant une contestation et qui doit se pencher sur la question. Mais, si les décisions ne sont pas documentées, ça devient très difficile de rendre... de réviser la décision.

Donc, on a révisé le site Internet, d'abord, pour que la première ligne, là, l'accès à l'information puis... faciliter l'accès à l'information puis faciliter aussi les démarches et les recherches pour déposer les demandes de prestation. Les formulaires et les annexes seront améliorés également, des informations plus claires. Il y a un travail de révision des rapports médicaux qui est effectué en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux pour que ces rapports-là répondent davantage aux besoins des personnes victimes d'un acte criminel. Il y a l'utilisation d'un mode de communication individualisé. J'ai fait mention un petit peu plus tôt, aujourd'hui, que la victime ait un contact avec une personne, d'avoir une personne-ressource. Ça apparaît simple, mais ça fait toute la différence. Et ce n'était malheureusement pas le cas. Et évidemment on a mis en place un accès qui est plus facile au régime et aussi aux services ou aux indemnités. Donc, on a revu la portée de la notion de victime en cas d'assassinat d'enfant par l'un des parents.

On a élaboré également une nouvelle politique d'admissibilité pour faciliter l'accès des victimes d'actes criminels aux indemnités. Il y a eu une révision de la politique sur le délai de présentation de la demande — on l'a abordée brièvement avec le collègue — pour établir des balises claires pour guider aussi les agents qui doivent traiter de cette question-là et les guider dans l'interprétation de la notion. On a revu la politique sur la notion de faute lourde au regard de la prévisibilité des conséquences de la conduite de la victime, notamment en matière d'agression sexuelle. Parce que ça n'avait aucun bon sens que la notion de faute lourde soit utilisée en matière d'agression sexuelle. Il n'y a pas de faute lourde. Une agression sexuelle, c'est une agression sexuelle. Mais il y a des directives qui ont été émises. Il y a évidemment la directive sur la preuve à faire par une victime en cas d'acte criminel. Les modalités relatives à l'établissement de la date de l'événement ont été revues.

Tu sais, je pourrais continuer. Je vous dirais qu'il y a... chacun des constats a été analysé, on s'est engagés à poser des actions, et la plupart de ces actions-là sont réalisées. Quelques-unes sont encore en cours de réalisation, mais je vous dirais que ça va quand même très bien, et il y a vraiment un changement. Il y a évidemment des ressources additionnelles qui ont été dédiées à tout ça, parce que, par exemple, offrir un service personnalisé, ça demande un peu plus de gens, mais... Et donc il y a quand même 250 intervenants de première ligne, là, qui oeuvrent au sein de l'organisme. Alors, ces gens-là ont reçu des séances d'information, 250 intervenants de première ligne qui ont reçu aussi de l'information pour mieux accompagner les victimes et mieux les soutenir. Donc, quand même pas mal de boulot d'accompli.

Je vous rappelle qu'on a déposé la réponse... le plan d'action le 31 mai 2017. Donc, au cours de la dernière année, il y a eu quand même pas mal de travail, là, pour assurer la mise en oeuvre, un suivi assez rigoureux. Je vous avoue que les équipes, ici, et moi, on suit ça de près parce qu'on y tient réellement.

M. Reid : Il reste juste un peu de temps. Par curiosité, je fais la comparaison avec la CAP, quand on fait des travaux comme ça avec... Quand la Vérificatrice générale, par exemple, soumet un rapport, qu'il y a un plan d'action qui vient du ministère, on reçoit, on pose des questions, puis ensuite il y a des suivis. La vérificatrice fait un suivi aux deux ans, je pense, et même la commission fait un suivi. Bon, ici, la commission, ce n'est pas le cas. Mais est-ce que la Protectrice du citoyen fait un suivi, autrement dit, de voir comment ça se passe après un an, après deux ans, etc.? Je suis curieux de voir ce qui se passe, là.

Mme Vallée : Il y a des suivis annuels. Puis, spécifiquement pour le dossier de l'IVAC, le dernier suivi a été effectué le 1er mars 2018.

M. Reid : Est-ce qu'elle était satisfaite de ce qu'elle a vu concernant l'avancement des travaux?

Mme Vallée : Oui.

M. Reid : Parce que c'est sur plusieurs années. Parce que c'est sûr qu'on est plein de bonnes intentions, on fait plein de choses, puis on a vu souvent, dans d'autres cas, là, dans d'autres contextes de l'administration publique, des choses qui avaient été des programmes formidables, fantastiques, puis finalement on s'aperçoit, deux, trois ans après, que c'était tombé en panne en cours de route. Alors, maintenant, il y a des suivis qui se font tout le temps, alors je ne suis pas surpris de voir que c'est la même chose pour la protectrice. Merci beaucoup, Mme la ministre.

Mme Vallée : Un plaisir.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons maintenant poursuivre avec le sixième et dernier bloc de l'opposition officielle pour 18 minutes. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais aborder rapidement la question du recours des barreaux, Barreau du Québec et Barreau de Montréal, qui ne demande rien de moins, dans ses conclusions, que l'invalidation de toutes les lois du Québec sous prétexte que le processus législatif ne fonctionne pas de manière simultanée, ce que je qualifie d'«en bilingue».

Donc, nous avons réagi fortement, et je pense que l'ensemble des parlementaires, au-delà des allégeances politiques ou partisanes, devraient réagir fortement parce que nos droits comme parlementaires sont remis en cause par ce recours-là. Remis en cause parce qu'on sait qu'en vertu de ce même article 133 qui est invoqué nous avons le droit, bien sûr, de travailler, à l'Assemblée nationale, dans notre langue, donc, que ce soit le français ou l'anglais, mais pas en bilingue. Alors, je pense que c'est important de le rappeler.

Et je veux simplement porter à l'attention de l'ensemble des collègues qu'il y a eu une discussion fort intéressante à ce sujet-là. Il y en a beaucoup depuis que ce recours-là a été déposé, il y a deux semaines, mais il y en a eu une samedi, sur les ondes de Radio-Canada, où l'ensemble des intervenants jugeaient que ce recours-là était vraiment excessif et surprenant, et ne le soutenaient pas. Et il y avait même notre ancien collègue Benoît Pelletier, il y avait Me Julius Grey, il y avait Me Guillaume Rousseau, un politologue. Bref, je pense que c'est un enjeu très important et au-delà des lignes partisanes.

Et je ne veux vraiment pas mettre la ministre dans une position difficile, ce n'est pas mon objectif. Je voulais sensibiliser l'ensemble des parlementaires de l'ensemble de nos formations politiques sur les enjeux fondamentaux qui sont soulevés, au-delà des conclusions évidemment assez spectaculaires, qui sont qualifiées par plusieurs de véritables armes nucléaires, de ce que ça remet aussi en cause dans nos manières de faire et dans nos droits comme parlementaires.

Ce que je voulais demander à la ministre, c'est : Quelles sont les prochaines étapes? En termes d'échéancier, à quel moment la réponse du gouvernement va être présentée? Est-ce qu'on a une idée de l'échéancier de ce recours-là, qui a été déposé tout récemment?

Mme Vallée : On est à établir le protocole, donc je n'ai pas les... les dates n'ont pas encore été précisées. Évidemment, j'aurais bien des commentaires à formuler, mais je vais quand même me retenir et je ne commenterai pas davantage le litige. Mais je dois juste assurer ma collègue que nous allons faire les représentations. Parce qu'évidemment nous respectons nos obligations constitutionnelles, et je pense que nous allons contester, évidemment, avec vigueur le recours qui est actuellement pendant. Je n'ai pas... Comme le protocole n'est pas encore signé, il est un petit peu trop tôt pour vous donner la suite des choses. Je sais que ce dossier-là revêt un intérêt tout particulier pour plusieurs parlementaires ici, en cette Assemblée. Et on pourra... si ma collègue le souhaite, je pourrai lui indiquer, lorsque le protocole sera intervenu, les prochains rendez-vous.

• (21 h 10) •

Mme Hivon : Très bien. Si, en tout cas, c'est possible d'éventuellement nous le dire, me le dire ou le dire via la commission, ça serait très apprécié. J'imagine que, dans cinq mois, l'ex-ministre de la Justice pourra parler plus librement de ce que ça lui inspire.

Donc, par ailleurs, je voudrais juste rapidement aborder la question du rapport Chamberland, donc, sur les sources journalistiques. On sait qu'il a été déposé il y a déjà quelques mois. Alors, j'ai trois questions. Vous savez comment ça marche, à la fin, dans notre dernier bloc, on y va en rafale. Est-ce qu'il est toujours de l'intention de la ministre et du gouvernement de déposer un projet de loi pour donner suite au rapport d'ici la fin de la session?

Mme Vallée : Oui.

Mme Hivon : Est-ce que c'est la ministre de la Justice qui va porter ce projet de loi?

Mme Vallée : Oui.

Mme Hivon : Très bien. La recommandation 19, c'est celle qui demande de modifier la directive MED-1 du DPCP pour qu'elle s'applique à tous les types d'autorisation judiciaire visant un journaliste. Est-ce que ma compréhension... Ça, c'est celle qui demande qu'il y ait une autorisation, donc, que ce soit porté à l'attention des autorités avant que ça puisse être autorisé. Ma compréhension, c'était que c'était déjà fait. Est-ce que c'est le cas?

Mme Vallée : C'est en cours. Moi, l'information la plus à jour, là, c'est : évidemment, la DPCP va procéder à une modification de sa directive, et donc il y a une nouvelle mouture, là, de la directive qui est sur le point d'être complétée. Ça, c'est de l'information qui est en date du début avril. Donc, peut-être qu'au moment où on se parle... Mais je n'ai pas de mise à jour, là, mais l'objectif, c'est effectivement d'y donner suite.

Mme Hivon : O.K. On a cherché, puis elle n'est pas en ligne. Alors, si c'est incessant... si c'est possible de la transmettre...

Mme Vallée : Avec plaisir.

Mme Hivon : ...juste pour qu'on sache puis qu'on puisse en prendre connaissance. Les recommandations 20 à 24 sont sur la création d'un registre où seraient consignées toutes les demandes d'autorisation judiciaire qui sont faites et la production d'un rapport annuel. Est-ce que la ministre peut nous dire où on en est dans l'avancement des travaux pour la création d'un tel registre?

Mme Vallée : Il y a actuellement des travaux, des échanges qui sont en cours, notamment avec la magistrature. Parce que le registre... le greffe... «les greffes», «les registres». Il y a actuellement un registre qui existe, qui est consigné à la cour. Donc, il y a lieu de voir comment on pourrait mieux utiliser nos ressources et s'assurer de bien... de donner suite, là, à l'esprit de la recommandation. Donc, il y a actuellement des discussions qui sont en cours, il y aura des rencontres, là, au cours des prochains jours.

Je vois la note que je lisais hier soir, justement, sur la question. Je dois vous dire que c'est un sujet très, très, très d'actualité. Donc, on est vraiment dans les dernières retouches, là, dans ce dossier-là. Donc, la question du registre fait l'objet de discussions, et des analyses sont en cours.

Mme Hivon : Est-ce que la ministre s'engage à ce qu'il y ait bel et bien création d'un tel registre?

Mme Vallée : Bien, il y aura... c'est sûr qu'on donnera suite à la recommandation. Je ne peux pas vous dire si on sera à même, là, d'ici le 15 juin de compléter les échanges, mais il y a réellement une volonté de donner suite à la recommandation. Il s'agit de voir la forme que ce registre-là prendra. Puis là, actuellement, les discussions sont vraiment autour de cette question-là, à savoir : Le registre comme tel prend quelle forme et sera administré par qui et comment? Donc, les discussions sont en cours. Il est un petit peu trop tôt aujourd'hui pour vous dire... vous donner un état des lieux.

Mme Hivon : O.K. Et puis la recommandation 27, là, c'est simplement pour savoir, pour faire le tour du dossier, ça recommande vraiment qu'il y ait un canal de communication entre le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice, là, pour permettre aux journalistes, aux enquêteurs, là, de discuter des enjeux qui sont relatifs à leurs pratiques respectives, pour qu'on ne revive pas ce qu'on a vécu et qu'il y ait plus un échange en continu. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui est amorcé, comme type... Je ne sais pas quelle forme ça prendrait, une table de travail, des échanges ponctuels de manière périodique. Est-ce que c'est quelque chose qui est amorcé?

Mme Vallée : Bien, cette mesure-là est sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique. Il y a des analyses qui sont en cours, parce qu'il y a effectivement des échanges, là, à y avoir entre le ministère de la Justice et le ministère de la Sécurité publique pour vraiment mieux opérationnaliser la recommandation. Et, M. le Président, si vous permettez, nous venons d'avoir information à l'effet que la directive, elle est adoptée. Donc, la directive a été transmise par la DPCP le 16 avril dernier à l'ensemble des équipes.

Mme Hivon : Est-ce que c'est possible d'en déposer une copie, peut-être pas ce soir si vous ne l'avez pas papier, mais en tout cas...

Mme Vallée : Je ne déposerai pas la tablette de ma chef de cabinet, je pense qu'elle ne serait pas heureuse, mais, oui, on verra à déposer copie.

Mme Hivon : Parfait. Merci. Maintenant, je vais amener la ministre sur un contrat informatique, page 82 des renseignements généraux. Donc, en fait, c'est un projet, là... Le nom du projet, c'est : Dépôt des procédures et paiement en ligne aux Petites créances, donc certainement un projet important. Le coût initial qui était prévu, c'était 600 000 $. Le total à ce jour : 1 220 000 $. Donc, on a déjà dépassé de 400 000 $ et on a juste 70 % du projet réalisé. Vous pouvez comprendre que, compte tenu des désastres qu'on a vécus dans le passé, notamment avec le projet du SIIJ, on est très vigilants, surtout qu'il y a un autre projet d'informatisation très important qui s'en vient et pour lequel la ministre a obtenu des sommes importantes. Donc, j'aimerais qu'on nous explique comment on peut déjà être à un tel dépassement de coûts, près de... c'est plus de 50 % de dépassement de coûts pour 70 % du projet réalisé.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Oui. Alors, il se fait tard et mes yeux... ma vue diminue, ma vue baisse, alors soyez indulgents, là. J'essaie de focusser et bien lire. Évidemment, c'est un projet qui s'est divisé en deux volets. Il y avait le volet Demande, le volet Réponse. Le volet Demande a été livré en 2016. Les délais et les coûts additionnels sont attribuables à des efforts qui ont été investis pour assurer que l'on puisse réutiliser les processus et les services qui étaient développés. Donc, ce service-là va servir un petit peu de clé de voûte pour la suite des choses. C'est un projet... c'est un peu la base d'autres projets qui sont développés.

Donc, évidemment, dans ce contexte-là, il y a eu des coûts additionnels, là, pour vraiment assurer qu'on puisse réutiliser les processus. Et on parle de service d'appel au module de paiement en ligne, le service de dépôt électronique des documents puis le service d'alimentation et de mise à jour du plumitif civil. Donc, la poursuite du projet va permettre évidemment d'assurer au défendeur les mêmes avantages que ceux dont bénéficie le demandeur depuis la mise en ligne du volet Demande.

Le Président (M. Auger) : Oui, Mme la députée...

Mme Vallée : Parce que, c'est ça, Demande et Réponse, là, Demande, c'est le demandeur, Réponse, c'est le défendeur. Donc, ces volets-là ont été développés, et puis c'est certain qu'il y a un suivi très rigoureux qui est fait par les équipes du ministère.

Mme Hivon : On pourrait échanger longtemps sur le contenu du projet. Mais, moi, ce qui m'inquiète, là, c'est comment on va s'assurer qu'il n'y a pas des dépassements de coûts de cette nature-là si, pour un projet quand même qui n'est pas de l'ampleur de ce qui a été annoncé la semaine dernière par la ministre, on a déjà un 400 000 $ de dépassement sur un projet de 600 000 $. Donc, comment on peut expliquer ça? C'est quoi, le suivi qui est fait? Comment ça se fait que ça n'a pas été freiné avant?

Mme Vallée : Bien, en fait, ça, c'est que le projet, finalement, va servir...

Mme Hivon : Vous dites qu'il a été modifié, comme s'il avait eu une ampleur plus importante.

Mme Vallée : Oui, c'est ça, exactement. Il a pris une ampleur plus importante parce qu'il va servir aussi pour la suite des choses. Parce qu'il n'y a pas que les Petites créances, on souhaite que cette structure-là puisse être utilisée aussi pour le dépôt de procédures en ligne dans les dossiers réguliers. Donc, comme...

Mme Hivon : Parce que ce n'est pas inscrit dans le cahier des renseignements généraux, cette espèce de modification.

• (21 h 20) •

Mme Vallée : Je comprends, puis c'est pour ça que je vous l'explique. Ceci étant, pour la suite des choses et pour le projet d'envergure qui a été annoncé, il est évident qu'il y aura un suivi, j'ai brièvement abordé la question, par un comité de suivi composé de quatre vérificateurs qui vont suivir... — qui vont suivir, ouf! — qui vont suivre le projet à chaque étape au cours de sa réalisation. C'est pour ça qu'on l'a sectionné en petits livrables, et on devra obtenir des autorisations du Conseil du trésor aussi à chaque étape.

Donc, il y a vraiment, vraiment, vraiment un suivi parce que... Je comprends les préoccupations de ma collègue puis je comprends aussi les préoccupations des observateurs qui ont dit : Bien, le ministère de la Justice a déjà fait des tentatives qui ont échoué, puis il ne faudrait pas se retrouver là où on était, par exemple, en 2011-2012.

Le Président (M. Auger) : Un peu moins de quatre minutes.

Mme Hivon : Oui. Alors, à peu près en deux minutes, parce qu'il me reste un autre sujet, justice administrative, volet TAQ. Donc, j'ai noté les délais de traitement qui, depuis l'année dernière, ont quand même augmenté à plusieurs endroits : assurance automobile; ça a augmenté pour le régime de rentes de 21 à 23 mois; ça a augmenté pour santé et services sociaux de 10,6 à 14,1 mois; ça a augmenté en expropriation de 47 à 54; affaires économiques, de 12 à 15; et territoires et environnement, de 15 à 19. Alors, je voulais savoir comment on peut expliquer une augmentation des délais quand la ministre nous avait dit l'année dernière qu'elle avait un plan de réduction des délais en justice administrative. Juste pour rappeler à quel point c'est une justice de proximité, à quel point, malgré qu'on n'en parle pas beaucoup, ça a un impact sur énormément de citoyens dans leur vie quotidienne.

Le Président (M. Auger) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Alors, M. le Président, brièvement, parce que je céderais la parole à la présidente du Tribunal administratif, Me Natalie Lejeune, qui pourrait répondre, mais, oui, il y avait un plan de réduction des délais qui s'est manifesté, entre autres, au cours de la dernière année, par des ajouts d'effectifs, des nominations qui ont permis d'ajouter des juges administratifs pour venir prêter main-forte à leurs collègues et consoeurs. Mais évidemment il y a des impacts de... Et je cède la parole à Me Lejeune.

Le Président (M. Auger) : Consentement pour l'intervention? Un consentement?

Mme Hivon : Oui, oui, oui, il y a consentement.

Le Président (M. Auger) : Consentement. Votre nom, votre titre, et par la suite complément de la réponse, s'il vous plaît

Mme Lejeune (Natalie) : Natalie Lejeune, je suis présidente du Tribunal administratif du Québec.

Le Président (M. Auger) : Merci.

Mme Lejeune (Natalie) : Alors, il y a plusieurs facteurs qui sont entrés en ligne de compte l'année dernière pour expliquer les délais qu'on rencontre au tribunal. Le premier, dont il n'a pas été fait état ici aujourd'hui, c'est la grève des juristes de l'État : il y a 2 500 dossiers qui ont été reportés dû à la grève des juristes. Parce que le tribunal entend la majorité de ses recours qui sont représentés par des parties gouvernementales. Alors, la période de la grève, qui a duré du 24 octobre au 28 février 2017, a eu un impact sur 2 500 dossiers. On s'est engagés lors de la grève à replacer ces dossiers-là avec rigueur, et ils ont tous été replacés au 31 décembre 2017. Alors, sur 10 000 recours reçus, c'est un impact majeur pour les citoyens. Et, au surplus, comme les rôles étaient déjà complétés pour tous les dossiers qui ont été déplacés, on est encore aujourd'hui à vivre avec des impacts de la grève des juristes de l'État.

Pendant la même période, pendant l'année 2017, on n'avait pas accueilli de nouveau médecin au tribunal depuis l'année 2011. On a revu l'ensemble des concours avec l'ENAP pour s'assurer de rejoindre davantage, par des publications spécialisées, les médecins susceptibles d'être intéressés à appliquer au tribunal, et, pendant toute l'année 2017, on a eu 19 applications. 14 ont été retenues pour l'entrevue et neuf ont été nommés depuis la fin du concours. Alors, c'est ces deux facteurs-là qui fait qu'on a pris du retard dans les premières audiences fixées.

Le Président (M. Auger) : Mme la députée de Joliette

Mme Hivon : O.K. Bien, merci beaucoup. Écoutez, en terminant, il me reste, je pense, moins d'une minute, je voulais juste adresser quelques mots à ma collègue. Donc, je sais que c'est ses derniers crédits. Et puis on a eu toute une relation parce que nous avons été vis-à-vis l'une de l'autre. Moi, quand j'étais ministre, c'était ma vis-à-vis, ma critique. Donc, on a vécu des beaux moments aux crédits aussi, des beaux moments en projets de loi aussi, et on aura réussi quelque chose, je pense, de très intéressant dans notre collaboration, c'est la loi sur les soins de fin de vie.

Et maintenant les rôles ont été inversés, puis je pense qu'on a réussi aussi des belles choses, notamment la loi sur l'adoption, qui est un projet qui nous tenait, à toutes les deux, à coeur. Et je pense qu'on a réussi, l'une et l'autre, dans nos fonctions respectives, des fois par nos questions insistantes, et tout ça, à faire avancer des choses.

Et évidemment, en politique, il y a des moments qui sont plus durs, quand on est critique de quelqu'un. Alors, ça nous est arrivé, aux deux, je pense, de vivre des moments de frustration. Mais je pense qu'aujourd'hui ce que j'ai envie de dire, c'est qu'on a réalisé dans notre collaboration aussi des choses qui vont avoir fait vraiment avancer le Québec puis amélioré la vie des citoyens au quotidien.

Ça fait que je voulais la remercier de cette relation-là qu'on a développée, avec tout ce que ça implique de particularités dans nos vies politiques. Et puis j'espère qu'elle va être heureuse dans sa nouvelle vie. Et je trouve qu'elle a l'air très sereine avec sa décision. Ça fait que je pense que ça va être le cas, puis je lui souhaite beaucoup de bonheur.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant terminer le tout dernier bloc. M. le député de Saint-François, pour 17 minutes à peu près.

M. Hardy : Merci, M. le Président. Mme la ministre, moi, je veux vous parler des traductions de jugements des tribunaux judiciaires du Québec. C'est un petit dossier que j'ai ici que j'aimerais qu'on discute ensemble.

C'est qu'en vertu de l'article 9 de la Charte de la langue française, «tout jugement rendu par un tribunal judiciaire [est traduit] en français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie, par l'Administration [qui est] tenue d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement [du] tribunal...» Or, le non-respect de certains délais peut entraîner de lourdes conséquences pour les justiciables, notamment en ce qui concerne les délais d'appel de révision.

Étant donné l'étroite collaboration qu'entretiennent la Société québécoise d'information juridique et les tribunaux judiciaires québécois, depuis plus de 40 ans, cette proximité permet une fluidité et une efficacité dans les communications et la diffusion des jugements et de leur traduction. Le rayonnement de la jurisprudence québécoise passe nécessairement par des traductions anglaises rencontrant de hauts standards de qualité. Le nombre de décisions répertoriées dans les différentes banques de données démontre clairement que les tribunaux judiciaires québécois gèrent un fort volume de dossiers.

C'est dans ce contexte qu'en janvier 2018 le ministère de la Justice du Québec a confié à la Société québécoise d'information juridique la traduction des jugements des tribunaux judiciaires du Québec.

Ma première question, Mme la ministre : Pourquoi avoir confié la traduction des jugements à la SOQUIJ?

Mme Vallée : Bien, en fait, la traduction des jugements à la SOQUIJ s'est imposée un petit peu naturellement. En janvier 2018, on a confié à SOQUIJ la traduction des jugements des tribunaux parce que SOQUIJ bénéficie d'une grande expertise juridique, SOQUIJ collabore déjà avec la magistrature, avec le personnel des cours, avec le personnel des greffes et peut aussi compter sur une équipe qui est dédiée uniquement à la traduction des documents juridiques et des documents judiciaires. Donc, ça permet d'avoir une qualité.

Donc, de janvier à juin dernier, il y a une partie des services qui ont été offerts par les services langagiers du Centre de services partagés du Québec... a été transférée à SOQUIJ, et les traductions des jugements de la Cour d'appel du Québec sont dorénavant effectuées également par SOQUIJ. Donc, les juges qui souhaitent obtenir une traduction de leurs jugements peuvent aussi s'adresser directement à SOQUIJ. C'est important parce qu'il y avait des délais dans les traitements de la traduction.

Ça permet aussi de faire rayonner le droit civil, la traduction d'un jugement par SOQUIJ permet aussi de faire rayonner le droit civil au-delà du Québec, dans le Canada anglais et ailleurs dans le monde, donc. Et, comme l'organisme disposait d'experts, disposait de ressources, il était tout à fait naturel, plutôt que d'utiliser le Centre des services partagés, de travailler avec cette entité-là qui est un partenaire du ministère de la Justice et qui dispose de ressources de grande qualité.

M. Hardy : Puis mon autre question, c'est : Quels sont les impacts financiers du transfert des activités entre la CSPQ à la SOQUIJ?

• (21 h 30) •

Mme Vallée : Bien, évidemment, comme je le mentionnais, là, les impacts du transfert, ça permet un meilleur rayonnement. Parce que SOQUIJ, c'est aussi une banque d'information juridique, donc il y a un rayonnement de la jurisprudence québécoise, d'une part. SOQUIJ publicise déjà... rend déjà les jugements disponibles et peut compter aussi sur une équipe d'experts, comme je le mentionnais, qui est en mesure d'évaluer aussi les délais puis leurs impacts sur le droit des parties, les délais dans la traduction. Parce que ce n'est pas rien... Et il y a un souci aussi d'assurer que la version... que la traduction puisse être disponible pour une partie qui détermine si elle va se prévaloir ou non de son droit d'appel, d'en appeler. Mais la partie doit pouvoir aussi comprendre le jugement. Alors, parfois, lorsqu'à la demande d'une partie la traduction est requise, bien, c'est plus rapide de procéder de cette façon-là. Et il y a aussi une question de fluidité des communications entre le SOQUIJ et le personnel des greffes. Le personnel des greffes travaille déjà naturellement avec les gens de SOQUIJ. Le lien avec le Centre des services partagés n'était pas aussi naturel. Donc, lorsque tu travailles régulièrement avec des partenaires, il y a des méthodes qui s'installent et qui permettent de traiter les dossiers avec une plus grande célérité. Donc, SOQUIJ étant présent auprès des greffes, ayant déjà ses liens, c'était naturel de leur confier la traduction des jugements.

M. Hardy : Merci. Écoutez, j'en profite pour prendre un autre dossier, c'est les lieux d'audience. Le Tribunal administratif du Québec est un tribunal itinérant. Les juges se promènent partout à travers la province. Et puis, en 2017-2018, les juges administratifs ont siégé dans environ 215 lieux d'audience répartis dans plus de 70 villes au Québec. Il y a eu des ententes qui se sont faites avec Val-d'Or et Rivière-du-Loup. Et il y a des discussions qui se poursuivent avec le Tribunal — attendez un petit peu — administratif du travail ainsi qu'avec d'autres partenaires publics, dans lesquels les ententes encadrant le prêt de salle sont régulièrement révisées et bonifiées. Il y a eu des listes d'entente de partage de locaux. Mais, moi, ma question, Mme la ministre... Les Québécois souhaitent avoir accès à la justice administrative à travers le Québec. Pouvez-vous me dire comment le Tribunal administratif du Québec rend des services dans toutes les régions du Québec?

Mme Vallée : L'objectif du tribunal administratif, c'est que les citoyens puissent avoir accès aux services du tribunal à l'intérieur d'un rayon de 100 kilomètres, donc de ne pas imposer un déplacement de plus de 100 kilomètres. Donc, on a réparti sur le territoire... On peut dénombrer environ 215 lieux où se déroulent les audiences du TAQ. Et comment on y arrive, à assurer cette présence-là sur le territoire? Bien, on fait preuve de créativité. Oui, on utilise les palais de justice. Oui, on utilise les salles qui sont utilisées à d'autres tribunaux administratifs, comme le TAT, le Tribunal administratif du travail, les locaux de la Régie du logement, parfois dans les hôpitaux désignés pour les enjeux de santé mentale. Et parfois aussi il y aura l'utilisation des établissements hôteliers dans certaines régions où, soit par manque de disponibilité du palais de justice ou par absence de palais de justice dans la ville même, on tiendrait les audiences dans des salles dans les complexes hôteliers. Donc, il y a vraiment une diversité de lieux. Évidemment, on privilégie toujours les installations de palais de justice. Mais il est possible de tenir des audiences en dehors des palais de justice, vraiment pour assurer un accès direct aux citoyens.

Alors, ça, c'est une belle preuve. Le Tribunal administratif du Québec, c'est vraiment une porte d'entrée. C'est un service de première ligne, je vous dirais, pour les citoyens. C'est bien souvent le premier contact entre le système de justice et le contribuable. Il traite des milliers de dossiers, comme Me Lejeune nous le mentionnait un peu plus tôt, ce soir. Et donc c'est important d'être présent sur le territoire.

Puis on ne le dira pas assez souvent, l'accès à la justice, ce n'est pas qu'une question économique, ce n'est pas qu'une question de compréhension, c'est aussi une question d'accéder à des services de proximité, peu importe où on est sur le territoire du Québec. Et tous les Québécois, toutes les Québécoises, qu'elles soient en milieu rural ou urbain, doivent pouvoir avoir accès à une justice de proximité.

M. Hardy : Mon collègue d'Ungava, il est venu cet après-midi pour parler des gens du Nord. Est-ce que le tribunal administratif se rend à Kuujjuaq ou dans le Nord?

Mme Vallée : En cas de besoin, oui.

M. Hardy : Oui? Est-ce qu'ils ont des places attitrées?

Mme Vallée : Je regarde Me Lejeune parce qu'il y a un palais de justice à Kuujjuaq, mais il y a aussi un complexe hôtelier, donc je ne sais pas où le tribunal...

Mme Lejeune (Natalie) : Je peux répondre?

Le Président (M. Auger) : Oui, allez-y.

Mme Lejeune (Natalie) : Alors, c'est très rare qu'on a à se rendre dans le Grand Nord. Pour les dossiers pas compliqués, on va faire de la visioaudience. Mais, sinon, on a déjà siégé, il y a quelques années, je dirais trois ans, dans un lieu communautaire. On n'est même pas allés au palais de justice.

M. Hardy : Merci. Écoutez, moi, comme c'est là, je suis à court de questions. Vous avez très bien répondu. Mme la ministre, je vais vous laisser les dernières minutes pour vous.

Mme Vallée : Bien, merci. M. le Président, si vous permettez, j'aimerais pouvoir remercier les gens qui m'ont accompagnée, et là je vais les nommer. Je n'ai pas pu les nommer ce matin. Là, vous me permettrez de les nommer, donc : évidemment, Me France Lynch, ma sous-ministre, Me Chantal Couturier, Me Denis Marsolais, Mylène Martel, Me Yan Paquette, Me Frédéric Maheux, Me Johanka Giguère... Là, là, je m'excuse, là, je fais une Céline de moi. Non, écoutez, excusez-moi, c'est l'émotion. C'est parce que, là, j'énumère des gens avec qui je travaille au quotidien, des gens que j'ai appris à découvrir puis des gens que j'adore. Alors, je continue : Me Johanka Giguère, Marie-Claude Fontaine, Geneviève Vallée, Harold Côté, Jacques Vachon, Manon Gagnon, Me Véronique Morin, Me Boris Lavoie-Isebaert, Richard Carbonneau, Me Marc Samson — je m'excuse, Boris — Odette Guertin. Et de l'équipe du DPCP, qui était ici un peu plus tôt : Me Annick Murphy, Me Joanne Marceau, Valérie Savard, Me Vincent Martinbeault, Denis Germain, Élizabeth O'Neill. De l'équipe du TAQ : Me Natalie Lejeune, Lison Dubé, Me Julie Baril. Me Stéphan Dulude, de l'équipe de la CDPDJ.

En fait, M. le Président, je veux dire merci à ces gens-là publiquement parce qu'on malmène parfois les équipes de la fonction publique. Et moi, au cours des quatre dernières années, j'ai pu compter sur une équipe dévouée, une équipe professionnelle, des gens extraordinaires qui m'ont appris beaucoup et qui sont disponibles. Je dois vous dire, on a parfois des échanges... On ne partage pas toujours le même point de vue parfois sur certains sujets puis on met nos positionnements à l'épreuve, mais ça a été un réel plaisir. Puis, oui, je quitte. Je suis sereine. Et merci à ma collègue de Joliette pour ses bons mots. Mais c'est une décision très, très, très personnelle puis, oui, c'est en toute sérénité. Mais, M. le Président, je vous mentirais si je vous disais que je ne m'ennuierai pas de ces gens extraordinaires là qui m'ont accompagnée au cours des quatre dernières années. Ça a été vraiment un privilège.

Puis merci évidemment à mon équipe qui était là, merci aux collègues et merci aux collègues de l'opposition. Vous savez, on a eu nos échanges, on a eu... Et la session n'est pas terminée. On aura peut-être l'occasion de croiser le fer encore, de croiser le fer à la période de questions. Mais honnêtement on vit des moments privilégiés ici. On est privilégiés, chacun des 125 parlementaires, d'occuper les fonctions qu'on occupe, et c'est encore... Et moi, je l'ai réalisé encore plus au cours des quatre dernières années parce qu'il y a des choses incroyables qui se réalisent dans cette enceinte. Oui, parfois on a des petites pointes partisanes, mais, au fond des choses, on a réalisé de grandes choses. Puis on n'a pas fait tout ce qu'on voulait faire. C'est vrai, M. le Président, on aurait voulu faire plus. Mais, soyons honnêtes, on en a fait quand même pas mal.

Et, sur ce, M. le Président, merci.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Mais, quand même, il nous reste encore un petit peu de temps. Donc, j'aurais besoin d'un consentement pour faire en sorte que le temps réputé comme étant écoulé... Il y a consentement? Oui?

Mme Hivon : Je vais donner le consentement si vous me donnez 30 secondes pour remercier mon recherchiste, Martin Blanchette, qui m'a soutenue, et très bien soutenue, pour la préparation de ces crédits.

Le Président (M. Auger) : Consentement pour le temps? Consentement.

Adoption des crédits

Mais, le temps alloué à l'étude des crédits budgétaires du portefeuille Justice étant presque écoulé, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix des crédits.

Le programme 1, intitulé Activité judiciaire, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division. Le programme 2, intitulé Administration de la justice, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division. Le programme 3, intitulé Justice administrative, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division. Le programme 4, intitulé Accessibilité à la justice, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division. Le programme 5, intitulé Autres organismes relevant du ministre, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

• (21 h 40) •

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division. Le programme 6, intitulé Poursuites criminelles et pénales, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division. Le programme 7, intitulé Indemnisation et reconnaissance, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division. L'ensemble des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2018-2019 est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Sur division.

Le Président (M. Auger) : Adopté sur division.

Documents déposés

En terminant, je dépose les réponses aux demandes de renseignements de l'opposition.

Et la commission ajourne ses travaux au mercredi 2 mai 2018, après les affaires courantes, où elle entreprendra l'étude du volet Accès à l'information des crédits budgétaires du portefeuille Conseil exécutif. Merci beaucoup et bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 21 h 41)

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