Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, January 21, 2021
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Vol. 45 N° 112
Special consultations and public hearings on Bill 84, An Act to assist persons who are victims of criminal offences and to facilitate their recovery
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lemieux, Louis
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Lecours, Lucie
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Lecours, Lucie
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lachance, Stéphanie
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Lemieux, Louis
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Jolin-Barrette, Simon
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Lecours, Lucie
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Lecours, Lucie
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Bachand, André
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St-Pierre, Christine
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lecours, Lucie
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lemieux, Louis
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
10 h (version révisée)
(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Bachand) :
Bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte.
La commission est réunie virtuellement
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 84, Loi visant à aider les personnes
victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président, Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Provençal
(Beauce-Nord); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par Mme Labrie
(Sherbrooke).
Auditions (suite)
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons par visioconférence les groupes
suivants : le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels et
le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
Et d'ailleurs, nous accueillons les deux
représentantes, que je salue. Mme Allen et Mme Riendeau, merci d'être
avec <nous…
La Secrétaire
: …
est
remplacé par
Mme Labrie (Sherbrooke)
.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons par
visioconférence les groupes suivants : le Réseau des centres d'aide aux
victimes d'actes criminels et le Regroupement des maisons pour femmes victimes
de violence conjugale.
Et d'ailleurs, nous accueillons les deux
représentantes, que je salue. Mme Allen et Mme Riendeau, merci d'être
avec >nous. Vous pouvez ouvrir vos micros.
Une voix
: Voilà!
Le Président (M. Bachand) :Ah! voilà. Merci, alors, sur ce, encore une fois, d'être avec
nous ce matin. Et comme vous le savez, vous avez 10 minutes de
présentation, après ça, nous aurons un échange avec les membres de la
commission. Alors, la parole est à vous pour 10 minutes. Merci encore
d'être avec nous ce matin.
Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale (RMFVVC)
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
d'abord, merci de nous avoir invitées à vous donner votre point de vue, les
délais étaient assez courts pour faire le tour du projet de loi, mais on va quand
même essayer de faire un petit tour avec vous.
On voudrait d'abord souligner des avancées,
dans le projet de loi, qui… dont on est assez contentes. D'abord, la définition
des victimes où on parle d'atteinte à l'intégrité au sens large et où on
rappelle que l'auteur n'a pas besoin d'être arrêté, identifié, trouvé coupable
pour que les victimes puissent bénéficier de la loi. Donc, pour nous, ça, c'est
important.
Autre élément satisfaisant, les enfants
des femmes victimes de violence conjugale étaient déjà, dans les faits,
considérés comme témoins des actes criminels, maintenant ils vont pouvoir aussi
être considérés, dans un deuxième titre, comme enfants des victimes. Donc, on
pense que ça sera sans doute aidant pour s'adapter aux situations des
différents enfants, on le demandait depuis longtemps.
Autre élément fort satisfaisant pour nous,
l'abandon de l'annexe qui définit les crimes. Beaucoup de femmes victimes de
violence conjugale, victimes de menace ou de harcèlement criminel étaient
exclues, donc, là, en allant sur le Code criminel, tous les crimes contre la
personne qui sont là, ça devrait régler. Par contre, on est inquiètes de voir
que cette modification-là ne serait peut-être pas rétroactive. Donc, une
victime aujourd'hui de harcèlement criminel n'aurait peut-être pas accès aux
bénéfices de la loi quand elle sera adoptée. Donc, peut-être qu'on pourra discuter
plus tard.
Autre élément fort satisfaisant, c'est
qu'on harmonise les délais pour déposer une demande aux modifications qui ont
été apportées au Code civil, donc les victimes de violence conjugale pourront
déposer une demande, là, en dehors des délais prescrits par la loi.
Par ailleurs, il y a d'autres éléments qui
nous inquiètent. Tantôt, je disais ma satisfaction de voir que les auteurs
n'ont pas à être arrêtés et trouvés coupables, pourtant on conserve, à
l'article 7 de la loi, l'obligation de coopérer pour les victimes, et on
parle de coopérer pour les gens chargés d'appliquer la loi, donc on peut se
dire : Est-ce que c'est une obligation de coopérer si on poursuit le
conjoint violent sans que la femme ait, elle-même, porté plainte? Est-ce que
c'est une obligation si le ministre veut récupérer des sommes qui auraient été
versées au niveau de l'IVAC? Pour nous, c'est problématique. Chaque jour, on
encourage les femmes à dénoncer les crimes qu'elles vivent. Chaque jour, on
travaille à essayer d'améliorer leur parcours dans le système judiciaire, mais
force est de constater, quand on lit le rapport du comité d'experts qui vient
d'être déposé sur l'accompagnement des <victimes…
Mme Riendeau (Louise) :
...
Pour nous, c'est problématique. Chaque jour, on encourage les femmes
à dénoncer les crimes qu'elles vivent. Chaque jour, on travaille à essayer
d'améliorer leur parcours dans le système judiciaire, mais force est de
constater, quand on lit le rapport du comité d'experts qui vient d'être déposé
sur l'accompagnement des >victimes d'actes... de violence conjugale et
d'agression sexuelle, il y a 190 recommandations, donc on a encore beaucoup
de modifications, de bonifications à faire pour que les femmes soient moins
réticentes, et, si on les oblige à coopérer avec le système de justice, pour
nous, ça pourrait être dissuasif pour beaucoup de femmes qui ne se
prévaudraient pas, à ce moment-là, du régime d'indemnisation. Donc, nous, on
recommandait carrément d'enlever l'article 7 de la loi, les citoyens ne seront
pas obligés de dénoncer les crimes qu'ils vivent, donc on pense que ça serait
facilitant.
Autre élément qui nous inquiète, le
pouvoir de subrogation qui est maintenu. Ce pouvoir-là n'est pratiquement pas
utilisé depuis longtemps, mais, pour une femme victime de violence conjugale,
craindre qu'on va aller récupérer l'argent si son conjoint va la faire craindre
qu'il y ait des... qu'elle vive des représailles... Déjà, de donner son nom et
son numéro de téléphone dans le formulaire de l'IVAC, ça crée une panique pour beaucoup
de femmes. Donc, nous, on dit : Il faut vraiment s'assurer qu'on ne va pas
remettre en fonction des poursuites, là, contre des conjoints violents.
Autre élément aussi qui est inquiétant, en
tout cas, qui pourrait être modifié assez facilement, c'est la question de la
faute lourde. On comprend bien qu'on ne veut pas que les gens du crime organisé
bénéficient du régime. Dans le projet de loi, on a prévu une exception pour des
proches ou des membres de la famille qui auraient contribué à atteindre
l'intégrité ou à la perpétration de l'infraction s'ils sont victimes de
violence ou s'ils sont eux-mêmes menacés. Pourquoi ne pas avoir fait la même
chose pour les victimes elles-mêmes? Je pense particulièrement aux victimes qui
vivent sous l'entreprise d'un conjoint violent, d'un trafiquant d'êtres
humains, d'un proxénète, qui peuvent être menacées. Donc, nous, vraiment, on
recommande d'ajouter l'exclusion aussi pour ces victimes-là, donc de modifier
l'article 16.1 de ça.
Autre élément qui nous a soulevé beaucoup
de questions, c'est qu'on modifie en profondeur tout le système d'indemnité,
mais on ne sait pas trop à quoi ça ressemblera parce que ça va être défini dans
un règlement qu'on ne connaît pas pour l'avenir.
Autre chose, on se dit : Est-ce que
les modifications qui ont été apportées tiennent compte du profil des victimes
qui bénéficient de la loi? Quand on va lire les rapports, on voit que ce sont
beaucoup des femmes et des filles victimes d'agression sexuelle et de violence
conjugale, donc peut-être des personnes moins riches que la moyenne des gens
ou, en tout cas, que des hommes. On ne sait pendant combien de temps, quel type
d'indemnité elles reçoivent, en quoi la structure actuelle répond à leurs
besoins et en quoi la structure proposée dans <l'avenir le fera. Donc...
Mme Riendeau (Louise) :
...
et de violence conjugale, donc peut-être des personnes moins riches
que la moyenne des gens ou, en tout cas, que des hommes. On ne sait pendant
combien de temps, quel type d'indemnité elles reçoivent, en quoi la structure
actuelle répond à leurs besoins et en quoi la structure proposée dans >l'avenir
le fera. Donc, pour nous, ça nous aurait pris une analyse beaucoup plus fine
pour être capable de porter un jugement sur ce qui est proposé et plus d'information
sur les indemnités proposées.
Autre question que ça nous soulève, on
avait demandé l'élargissement du nombre de personnes admissibles, mais on ne
sait pas est-ce que ces personnes-là seront traitées de la même façon. Est-ce
qu'on aura la même enveloppe? Et donc que ça risque de faire une diminution des
prestations pour les victimes directes. Là aussi, beaucoup de questions pour
juger de ce qui est proposé.
Mais un élément qui est présent dans la
loi et qui, pour nous, soulève des problèmes, c'est qu'au niveau de l'aide
financière pour pallier la perte de revenu. On exclut les personnes qui sont à
l'extérieur du marché du travail. Quand on regarde les femmes qui sont
hébergées dans nos maisons, 40 % se définissent comme des femmes à la
maison et ont comme revenu l'aide sociale ou le revenu du conjoint, donc,
d'emblée, ces personnes-là vont être exclues, alors que, pour nombre d'entre
elles, si elles ont quitté le marché du travail, c'est à cause des pressions du
conjoint violent qui voulait les isoler ou parce que leur rendement au travail
souffrait à cause de la violence, et qu'elles ont été exclues du marché par
leur employeur. Il y a... À l'heure actuelle, on est en train de regarder la Loi
sur santé et sécurité au travail qui pourrait apporter des solutions à ça, mais
ce n'est toujours pas fait. Donc, pour nous, c'est problématique qu'on exclue
ces personnes-là et c'est un peu comme si on disait : Si elles ne sont au
marché du travail, on prend pour acquis qu'elles n'y seraient pas retournées.
Donc, pour nous, un problème.
Autre problème, pour les personnes qui y
auront droit, on limite ces prestations-là à trois ans. On comprend qu'on vise
le rétablissement et on est totalement d'accord avec ça, mais on sait qu'il y a
des personnes pour qui les traumatismes sont plus importants, qu'elles auront
besoin de plus de temps et que même certaines ne récupéreront pas totalement.
Donc, limiter à trois ans nous semble problématique.
Pour les autres aides financières,
beaucoup de questions aussi. On ne sait pas si, par exemple, ce qui est admis à
l'heure actuelle, où on paie deux mois de loyer pour les personnes qui doivent
résilier leur bail pour des raisons de sécurité, en vertu de 1974.1 du Code
civil, essentiellement des victimes d'actes de violence conjugale et
d'agression sexuelle, c'est toujours là. Est-ce que les systèmes d'alarme sont
toujours là? On ne sait pas.
• (10 h 30) •
Au niveau des personnes assistées
sociales, on aurait espéré que la loi règle les problèmes actuels parce que,
pour ainsi dire, à l'heure actuelle, les gens qui réussissent à bénéficier de
l'IVAC se font à peu près tout recouper par l'aide sociale ou doivent le
dépenser dans le mois où ils reçoivent, donc on n'a pas de... on ne voit pas de
solution dans la loi pour ça. Et on voit aussi un problème que la loi ajoute,
qui ne touche pas ces personnes-là, mais qui touche les victimes de violence <conjugale...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Riendeau (Louise) :
…bénéficier de l'IVAC se font à peu près tout recouper par l'aide sociale ou
doivent le dépenser dans le mois où ils reçoivent, donc on n'a pas de... on ne voit
pas de solution dans la loi pour ça. Et on voit aussi un problème que la loi
ajoute, qui ne touche pas ces personnes-là, mais qui touche les victimes de
violence
>conjugale. Il y a une modification pour adapter le
langage, qui est faite à l'article 417 du Code de procédure civile, qui
pourrait avoir pour effet de le restreindre ou de sembler le restreindre. C'est
un article qui prévoit que les personnes victimes de violence conjugale peuvent
être… ne pas aller aux séances de parentalité et en médiation familiale, mais
là, la proposition qui est faite pourrait nous laisser croire que c'est
seulement les personnes victimes de violence conjugale qui ont subi une
infraction. Je suis sûre que ce n'est pas l'intention du législateur, mais ça
pourrait se régler assez rapidement.
Aussi, on trouve qu'il y a des occasions
manquées. On pense que la question des droits des victimes aurait pu être
bonifiée en fonction de ce qu'il y a, justement, dans le rapport du comité
d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de violence
conjugale et en fonction de la charte des victimes. On ne voit pas davantage de
recours, donc c'est aussi des éléments qu'on dit : Faudrait retravailler
ça.
Mais là, là-dessus, je vais aussi laisser
la parole à ma collègue, qui, elle, accompagne régulièrement des femmes dans
leurs demandes à l'IVAC et qui peut parler des problèmes concrets qu'elles
vivent sur le terrain. Merci
Le Président (M. Bachand) :
Malheureusement, Mme Riendeau, c'était 10 minutes totales, pour les
deux, alors désolé. Alors, ceci étant dit, on va pouvoir débuter la période
d'échange. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme Allen, Mme Riendeau.
Peut-être, Mme Allen, si vous voulez y aller un petit deux minutes
sur mon temps pour… avant que je pose des questions.
Le Président (M. Bachand) :
Mme Allen, s'il vous plaît.
Mme Allen (Cathy) : Bien oui,
en fait, bien, merci de nous recevoir. J'avais préparé, évidemment, là, toutes
les problématiques qu'on rencontre sur le terrain quand on accompagne les
victimes de violence conjugale, là, pour une demande d'indemnisation à l'IVAC.
Évidemment, là, c'est unanime, le régime est mal adapté à la réalité des
victimes d'actes criminels. C'est un régime, là, qui est extrêmement complexe.
Donc, tu sais, on a un formulaire de
demande qui inclut, là, avec les annexes, 18 pages. Un guide qui est conçu
pour le compléter, là, qui comporte 23 pages. On décide, des fois, de ne
pas remettre le formulaire aux femmes avant de commencer à le remplir,
justement, parce qu'il est tellement complexe qu'il décourage les femmes, là,
d'entreprendre la démarche. Il y a des sections, là, comme Mme Riendeau
l'a nommé, là, qui font extrêmement peur, donc qui sont anxiogène pour les
femmes, quand on demande, notamment, le numéro de téléphone du présumé
responsable de l'acte criminel. Donc, on doit, là, faire beaucoup
d'interventions avec les femmes pendant la démarche, l'IVAC, là, pour les
rassurer, pour… Parce qu'aussi la démarche, en tant que telle, fait remonter
les traumas aux femmes. Donc, ce n'est pas rare qu'on doit, là... qu'on doive
donner deux ou trois rendez-vous à des femmes pour compléter cette
demande-là qui est extrêmement complexe, qui n'est pas bien adaptée, qui l'est <encore…
Mme Allen (Cathy) :
…
les rassurer pour… Parce qu'aussi la démarche, en tant que telle, fait
remonter les traumas aux femmes. Donc, ce n'est pas rare qu'on doit, là, qu'on
doive donner deux ou trois rendez-vous à des femmes pour compléter cette
demande-là qui est extrêmement complexe, qui n'est pas bien adaptée, qui l'est
>encore moins, là, pour les victimes de violence conjugale et
d'agression sexuelle. C'est difficile de rejoindre les agents de l'IVAC, les
délais sont longs, les retours d'appels, avant d'en avoir, là, pour les
victimes, c'est extrêmement long. Donc, il y a plusieurs choses à revoir, là,
quand… au niveau de la démarche en tant que telle, comme on le dit, là, qui est
extrêmement anxiogène, là, pour les victimes. Donc, je trouve que c'est
anormal, là, même entre nous, les intervenantes, qu'on ait à se valider, à
regarder le formulaire pour s'assurer, là, qu'on n'échappe rien. Alors, on peut
s'imaginer, là, que c'est difficile quand on accompagne les victimes, ça fait
qu'on peut juste s'imaginer celles qui formulent des demandes en étant seules,
en n'étant pas accompagnées, là, comment ça peut être ardu de se lancer dans
cette démarche-là pour recevoir des indemnisations.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, Mme Allen. Je tiens à vous rassurer dès le départ, là, un des
objectifs de la réforme, aussi, c'est de simplifier le processus pour les victimes,
pour simplifier les formulaires. Notamment aussi, en termes de service à la
clientèle, là, j'ai eu l'occasion de le dire, dans le fond, dans le projet de
loi, il y a une disposition qui fait en sorte qu'on rapatrie, dans le fond, la
gestion du service à la clientèle, si je peux dire, de la direction de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels au ministère de la Justice. Donc,
moi, un de mes objectifs, ce sera vraiment de faire en sorte de s'assurer, dans
le processus administratif, dans le traitement des dossiers des victimes, bien,
que ça soit un service à la clientèle qui soit approprié. D'ailleurs, à cet
effet-là, je ne veux pas excuser ni je ne veux pas jeter la pierre à personne,
mais c'est sûr que l'ancienne loi que nous avions, c'est une loi qui est assez
rigide aussi, puis qu'il y avait énormément de contestation, puis il y avait
beaucoup de victimes déçues aussi parce que, justement, la notion de victime,
elle était assez restrictive, et c'est ce qu'on a essayé de faire avec la
proposition législative qu'on a, c'est d'éclater un peu la notion de victime,
qu'il y ait davantage de personnes victimes, le noyau familial également, pour
que ça soit plus simple pour le soutien psychologique. Donc, je tenais à vous
dire ça d'entrée de jeu, là, j'ai bien entendu les critiques dans
l'opérationnalité des choses.
Peut-être, Mme Riendeau, tout à
l'heure, vous parliez de la faute lourde, notamment en matière violence
conjugale, agression sexuelle, et ça j'en prends bonne note. Il y a quelques
groupes qui sont venus nous le dire également. Je ne vous ai pas entendue sur
les mesures d'urgence, le programme de mesures d'urgence qu'on met en place
dans la loi pour faire en sorte que, justement, là, l'aide au logement,
transport, nourriture, on puisse faire en sorte, dès le départ, qu'une personne
qui est en situation d'urgence, pour sa santé physique ou psychologique, puisse
être sortie de son milieu.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
en fait, on n'en a pas parlé parce qu'on sait encore peu de choses là-dessus.
On avait entendu parler de cette mesure-là avant même que le projet de loi <soit…
M. Jolin-Barrette :
…
nourriture, on puisse faire en sorte, dès le départ, qu'une personne
qui est en situation d'urgence, pour sa santé physique ou psychologique, puisse
être sortie de son milieu.
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, en fait, on n'en a pas parlé parce qu'on sait encore peu de choses
là-dessus. On avait entendu parler de cette mesure-là avant même que le projet
de loi >soit déposé. Bien sûr, il y a des besoins d'urgence pour sortir
les personnes de la violence, mais ce qu'on a compris, c'est que ça se passait,
par exemple, si on prend les victimes de violence conjugale, que ça se passait entre
le moment où elles sont chez elles, prises avec un agresseur, et le moment où
elles fuient une ressource. Donc, ça répond à certains besoins, mais on… ce
n'est pas encore défini, qu'est-ce qu'il y aura là-dedans, et il y a déjà des
réponses qui servaient à ça, tu sais, on paie déjà les maisons, le transport
des femmes vers les ressources, des choses comme ça, ça fait que est-ce que ça
va apporter plus? On le souhaite, mais on a peu parlé de ça dans notre mémoire
parce que c'est encore peu défini.
M. Jolin-Barrette : O.K. Au
niveau de l'abolition de la liste des infractions, je crois que vous soulignez
cet élément-là, justement, nous, ce qu'on veut faire, c'est couvrir davantage
de victimes et nous assurer qu'elles pourront obtenir le soutien nécessaire, donc
je pense que ça répond à une de vos recommandations.
Mme Riendeau (Louise) : Oui,
tout à fait, nous, ça fait longtemps qu'on le revendique, parce qu'il y avait plusieurs
femmes victimes de violence conjugale, de proxénétisme, de traite qui étaient
exclus parce que les crimes avaient été… étaient entrés dans le Code criminel
après l'adoption de l'annexe. Donc, on est satisfaites de voir que ça sera le
Code criminel. Par ailleurs, on a vu qu'il y avait une petite possibilité
d'exception, là, l'article dit : «À moins d'indication contraire». On se
disait : Bien, est-ce qu'il y a déjà des choses qui sont prévues là?
M. Jolin-Barrette : Je vous
amène sur quelque chose que vous avez dit au départ, là, l'obligation de
coopérer pour les victimes, à l'article 7, ça, c'était déjà dans la loi
sur l'aide et, dans le fond, ça ne change pas. Là, on a fusionné les
deux lois ensemble dans le même régime pour avoir un tout cohérent, mais
l'aide n'est pas conditionnelle, et ça, je veux être très clair, là, ça demeure
la même chose, il n'y a pas d'obligation de porter plainte à la police pour
pouvoir bénéficier de l'indemnisation ou du soutien, et ça, j'aurai l'occasion
de le dire, en commission parlementaire aussi, lorsqu'on va adopter l'article.
On souhaite bien entendu que les victimes puissent collaborer, mais il n'y aura
pas… En fait, je veux être clair, les victimes vont recevoir toute l'aide nécessaire,
et il n'y a pas la nécessité de porter plainte à la police pour faire en sorte...
Vous avez abordé une autre question, le
recours subrogatoire, par rapport aux femmes victimes de violence conjugale,
notamment. Ça aussi, je veux vous dire, ça va être exercé avec le doigté
nécessaire et discrétion. Bien entendu, on ne veut pas faire revivre à
certaines victimes des situations difficiles pour elles, mais je pense que
l'État, dans un régime comme celui-ci, doit <s'assurer…
M. Jolin-Barrette :
…
victimes de violence conjugale, notamment. Ça aussi, je veux vous dire,
ça va être exercé avec le doigté nécessaire et discrétion. Bien entendu, on ne
veut pas faire revivre à certaines victimes des situations difficiles pour
elles, mais je pense que l'État, dans un régime comme celui-ci, doit >s'assurer,
lorsqu'on indemnise les victimes, au moins, que le… la personne qui commet
l'infraction, qui commet le tort, aussi, puisse contribuer à cela. Donc, il y a
des situations particulières en matière, notamment, de violence conjugale,
comme vous le dites, mais je pense que l'État doit quand même avoir les outils
pour faire en sorte que… Parce que c'est un régime qui est collectif, hein, puis
tout le monde coure après l'argent, ultimement. On est allé chercher beaucoup
d'argent, 193 millions de plus, justement, pour rendre imprescriptible les
agressions à caractère sexuel, notamment la violence conjugale, la violence
subie pendant l'enfance, pour réactiver, aussi, le droit des personnes qui
s'étaient fait dire non, en matière d'agression sexuelle, ils vont pouvoir
redéposer une demande à l'IVAC, d'indemnisation, dans les trois prochaines
années, mais on se retrouve dans une situation où, si on peut aller récupérer
certaines sommes auprès des agresseurs, bien, ils doivent, eux aussi, payer,
parce que c'est eux qui ont causé le préjudice à la victime. Donc, je tenais
juste à vous rassurer là-dessus que ça va être utilisé avec le doigté
nécessaire.
Pour ce qui est de la question du
remplacement de revenu, là. Dans le projet de loi, effectivement, pour ceux qui
n'ont pas de revenu, ça ne sera plus couvert. Par contre, pour ceux qui ont un
revenu, c'est trois ans plus deux ans, donc juste jusqu'à une période
de cinq ans pour la réinsertion puis l'indemnité de remplacement de revenu,
je tenais à vous le souligner également.
Je vais céder la parole à mes collègues
qui ont des questions pour vous, mais je tiens à vous remercier pour votre
mémoire et votre passage en commission parlementaire, c'est grandement
apprécié.
• (10 h 40) •
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Alors, je cède la parole — je vais essayer de le
retrouver — au député de Chapleau. M. le député, s'il vous
plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
bonjour, M. le Président, merci beaucoup. Bonjour, Mme Allen,
Mme Riendeau. C'est un plaisir de vous revoir. Nous avions eu l'occasion
de nous rencontrer, là, dans un autre cadre.
Peut-être une petite question, là, selon
votre expérience, j'aimerais peut-être faire appel à ce que… à vos antennes sur
le terrain : Comment vous pensez qu'on pourrait mieux rejoindre les
victimes afin, bon, de les informer de leurs droits puis les ressources qui
s'offrent à elles? Bien, j'imagine que pas toutes les victimes sont au courant,
au fait de ces possibilités qui s'offrent à elles, notamment, pour l'IVAC.
Mme Riendeau (Louise) :
Cathy, veux-tu y aller?
Mme Allen (Cathy) : Oui, je
peux y aller. Bien, effectivement, je pense qu'on peut, en fait, mieux informer
les victimes du régime d'indemnisation, le promouvoir. Il y a plusieurs
victimes qu'on rencontre qui avaient vu des intervenants, là, avant de
consulter une maison d'hébergement, elles avaient déjà été victimes d'actes
criminels, et jamais on ne leur avait parlé de leurs possibilités, là, de
déposer une demande d'IVAC, donc c'est inconnu, aussi, là, de nombreux
intervenants. Donc, je pense qu'on peut mieux faire connaître le régime, là, et,
comme je disais tout à l'heure, le simplifier, évidemment, là, pour que ce soit
plus accessible pour tout le <monde.
M. Lévesque (Chapleau) :
Mme Riendeau?
Mme Allen (Cathy) :
…leurs
possibilités, là, de déposer une demande d'IVAC, donc c'est inconnu, aussi, là,
de nombreux intervenants. Donc, je pense qu'on peut mieux faire connaître le
régime, là, et, comme je disais tout à l'heure, le simplifier, évidemment, là,
pour que ce soit plus accessible pour tout le >monde.
M. Lévesque (Chapleau) :
Mme Riendeau?
Mme Riendeau (Louise) : Oui,
bien, j'ajouterais aussi, au niveau de la façon de remplir les formulaires, et
de tout ça, nous, on suggère dans le mémoire aussi de mieux outiller les
victimes. Tu sais, une victime qui fait de l'insomnie depuis des années parce
qu'elle a peur de son conjoint, à un moment donné, elle ne le sait plus que
c'est une conséquence du crime, elle est habituée de vivre comme ça. Une
victime qui fait de l'hypervigilance, qui ne s'assoit jamais dos à une porte,
des choses comme ça, elle ne va peut-être pas identifier ça, donc il y a un
outil qui a été fait par les CAVAC qui est fort utile pour ça, mais on pense
que l'IVAC, lui-même, devrait mieux outiller les victimes qui… bon, quand elles
sont accompagnées, on peut les aider, mais beaucoup ne le sont pas.
M. Lévesque (Chapleau) : Vous
avez parlé des formulaires, de la relation avec l'IVAC et ses agents n'est pas
toujours facile, pas toujours simple, bon, il y a de la… un peu de froideur, un
peu de lourdeur, donc, vous l'avez constaté, y a-tu certains éléments qui vous
sautent aux yeux qui pourraient améliorer la situation de façon rapide ou même
sur le long terme? On a eu des propositions de formation, de sensibilisation. Je
ne sais pas si vous, vous vous inscrivez dans cette ligne-là aussi.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
peut-être que je dirais, dans la foulée du rapport du comité d'experts,
violence conjugale, agression sexuelle, on a parlé de former beaucoup
d'intervenants, moi, je pense qu'au niveau de l'IVAC, on devrait aussi avoir
des gens dédiés à ces situations-là, qui sont particulières. Ce n'est pas comme
se faire attaquer sur la rue en revenant du travail, là, que ça va arriver une
fois, puis bon… Ces personnes-là ont des grands besoins, mais les victimes de
violence conjugale, d'agression sexuelle peuvent en avoir. Donc, peut-être, des
gens dédiés pour ces problématiques-là et effectivement de la formation, de la
sensibilisation, pour faciliter les choses. Le fait… Nous, on s'est fait
raconter qu'il a des intervenants qui ne veulent pas donner leur numéro de
poste aux victimes, mais juste aux intervenantes, ça n'a pas de sens, ça, tu
sais. Ça fait que je pense qu'il faut vraiment faire un travail à ce niveau-là.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci…
Mme Allen (Cathy) : Il y a
aussi un travail… oups, pardon, je ne sais pas si je peux ajouter quelque
chose.
M. Lévesque (Chapleau) : Allez-y,
oui, oui, tout à fait.
Mme Allen (Cathy) : Mais il y
a vraiment un travail à faire aussi, là, les agents attitrés au dossier
changent régulièrement, ça complique les démarches avec les victimes qui ont à
répéter leurs besoins avec ce qu'elles ont vécu, ou encore la nouvelle agente
va devoir prendre connaissance, là, du dossier, ce qui a vraiment un impact sur
les délais de réponse aux victimes. Donc, je pense qu'il y a quelque chose à avoir,
là, à ce niveau-là. C'est extrêmement difficile, il y a des victimes qui
s'épuisent, complètement, là, dans le processus.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord. Une petite dernière question, là. Je sais que mon collègue de
Saint-Jean aurait peut-être des questions aussi par la suite. On a parlé
d'actes, de gestes, qui ne seraient pas nécessairement inscrits au Code
criminel ni une infraction criminelle inscrite au Code criminel, bon, certains
intervenants nous disaient qu'on devrait aussi ajouter ces gestes-là dans la
liste qui serait admissible à l'IVAC. Est-ce que vous, vous abondez dans le
même sens, notamment le harcèlement sexuel, des choses <comme...
M. Lévesque (Chapleau) : …
ne
seraient pas, nécessairement, inscrits au Code criminel ni une infraction
criminelle inscrite au Code criminel, est-ce que… bon, certains intervenants
nous disaient qu'on devrait aussi ajouter ces gestes-là dans la liste qui
serait admissible à l'IVAC, est-ce que vous, vous abondez dans le même sens?
Notamment, le harcèlement sexuel, des choses >comme ça?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
normalement… Bien, en fait, quand on regarde la situation de la violence conjugale,
c'est sûr que c'est une multiplication de tactiques, certaines étant des actes
criminels, d'autres ne l'étant pas qui, mises ensemble, effectivement, minent
les victimes, donc peut-être qu'il y a quelque chose à regarder dans ces
situations-là. Nous, on a un peu d'espoir que le Code criminel finisse
peut-être par inclure le contrôle coercitif, qui est reconnu comme une
infraction dans d'autres pays, qui tient mieux compte de l'ensemble des
dimensions de la violence conjugale. Cela étant dit, on n'a pas fait de
proposition, là, à cet effet-là dans notre mémoire, mais c'est sûr que c'est
une très bonne piste de réflexion.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Merci. M. le député de Saint-Jean, il reste deux petites
minutes.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mmes Riendeau et Allen. Je ne sais pas si vous avez
suivi les échanges qu'on a eus avec d'autres témoins en consultation depuis
deux jours, il est normal que chacun, chaque groupe y aille avec ses
considérations, et je le mets entre plusieurs guillemets, sa clientèle, sa
vocation, sa mission, mais je me demandais si vous n'aviez pas une vision par
rapport à… philosophie, c'est un grand mot, là, mais par rapport à l'ensemble
de l'oeuvre. Il y a quand même une cinquantaine d'années d'IVAC, là, derrière
nous, et ce que le ministre essaie de faire, et ce que je comprends du projet
de loi, c'est qu'on veut élargir à un plus grand nombre de victimes, entre
guillemets, et je pense qu'il y en a beaucoup de celles-là qui vont venir,
entre guillemets, de votre clientèle, pour remettre les guillemets. Est-ce que
la vision du projet de loi n° 84, en ce sens-là, non seulement vous rassure,
mais vous donne les pistes? Parce que je comprends les frustrations au
quotidien, là, mais, en même temps, si on regarde génériquement l'ensemble de
l'oeuvre, il y a là des pistes de solution pour vous, je pense, non?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
effectivement, c'est les avancées qu'on a nommées tantôt, et je pense que pour
d'autres victimes, il y a aussi, là, au niveau de la définition des victimes,
l'article 10, tout ça, des choses qui sont intéressantes, mais, si on
regarde l'ensemble de l'oeuvre, comme on l'a dit, pour nous, ça soulève
beaucoup de questions parce qu'il y a encore beaucoup de choses pas connues, beaucoup
de choses dans le règlement.
On a voulu inclure l'aide et
l'indemnisation dans le même projet de loi, moi, je comprends bien les objectifs,
mais ça crée d'autres problèmes. Est-ce que… puis on se dit, c'est ça, il
faudrait prendre le temps de fignoler nos libellés pour être clair. Tantôt, le
ministre disait : C'est sûr qu'il n'y a pas une obligation de coopérer
pour avoir accès à l'indemnisation. Sauf que comme c'est écrit, ça peut ne pas
être clair pour certaines victimes et personnes qui les accompagnent. Au niveau
du recours subrogatoire, je <comprends…
Mme Riendeau (Louise) :
…
C'est sûr qu'il n'y a pas une obligation de coopérer pour avoir accès à
l'indemnisation. Sauf que comme c'est écrit, ça peut ne pas être clair pour
certaines victimes et personnes qui les accompagnent. Au niveau du recours
subrogatoire, je >comprends bien qu'on ne veut pas créer des problèmes
aux victimes, mais peut-être qu'on a intérêt à le clarifier aussi.
Ça fait que c'est ça, nous, on trouvait
que c'est un projet de loi qui avance, mais sur lequel il faut encore fignoler,
et c'est pour ça qu'on en appelait un peu au ministre, à la commission, pour
dire : On l'attend depuis longtemps, c'est important, faisons… prenons le
temps de faire les choses correctement. On la veut, cette réforme-là, mais on
veut que ça soit efficace.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Mme Riendeau. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine,
s'il vous plaît. M. le député.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Riendeau, bonjour,
Mme Allen, merci d'être avec nous ce matin pour échanger sur le projet de
loi.
Je partage avec vous le sentiment de
compression temporelle dans l'analyse du projet de loi. Moi, j'ai juste
11 minutes, alors je vais… j'aurais beaucoup, beaucoup d'éléments à
discuter à visière levée en commission parlementaire avec vous, mais je vais y aller
de façon la plus succincte possible, mais merci d'apporter votre éclairage et
merci pour le mémoire.
Point important majeur — parce
que j'ai des choix à faire, je pense qu'on ne pourra pas tout aborder — les
aides, différentes aides financières. Vous dites, dans votre mémoire, à la
page 19, par rapport à la perte de revenu, puis j'aimerais revenir
là-dessus parce que j'y ai vu un exemple très tangible d'un recul avec le
projet de loi : «Dans le régime actuel, les personnes qui ne sont pas en
emploi à la date de l'acte criminel peuvent tout de même être indemnisées si
elles démontrent une incapacité à étudier ou à vaquer à [une] majorité des
activités de la vie quotidienne. Cette possibilité est maintenant éliminée.
Cela sera problématique pour nombre de victimes, mais particulièrement pour les
femmes victimes de violence conjugale.» J'aimerais vous entendre là-dessus
parce que c'est majeur, là.
• (10 h 50) •
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
effectivement. Pour nous, c'est un recul dans le projet de loi, puis, comme je
le disais tantôt, on ne peut pas considérer que, parce que quelqu'un n'est pas
sur le marché du travail, la victimisation qu'elle a vécue ne lui fera pas
perdre des revenus d'emploi plus tard, et que, pour nous, il y a beaucoup de
femmes victimes de violence conjugale qui ne sont pas ou qui ne sont plus sur
le marché du travail parce qu'on les a forcées à s'en retirer au niveau de tout
l'isolement que le conjoint a tenté de faire. Donc, on dit : Il y a des
femmes qui, à l'heure actuelle, pouvaient être indemnisées. À l'heure actuelle,
la base, c'est le salaire minimum. C'est qu'au lieu de prendre un revenu
d'emploi, on va prendre le salaire minimum pour le calculer. Donc, il y a des
personnes qui, à l'heure actuelle, pouvaient être indemnisées qui ne le seront
plus, donc, ça, pour nous, c'est un recul dans les propositions qui sont
faites.
M. Tanguay
: Tout à
fait. Autre élément que j'aimerais aborder avec vous, à l'article 7 du
projet de loi, à l'article 7, c'est le devoir de coopérer. La victime
doit, dans la mesure du possible, coopérer en <regard…
M. Tanguay
: ...
Autre
élément que j'aimerais aborder avec vous, à l'article 7 du projet de loi,
à l'article 7, c'est le devoir de coopérer. La victime doit, dans la
mesure du possible, coopérer en >regard de la loi, de l'infraction
criminelle, donc le devoir de coopérer et, à l'article 27, la subrogation.
Autrement dit, vous avez été victime, vous êtes indemnisée, le ministère public
peut poursuivre pour le montant qu'on vous a indemnisé, peut poursuivre la personne
qui a été l'agresseur, puis vous devez, là aussi, coopérer. Le ministre a tenté
de nous rassurer en disant : Bien, l'article 7, devoir de
coopération, rassurez-vous, on ne voudra pas, par là, obliger une personne à
porter plainte à la police. Mais vous, vous dites : Bien, devoir de
coopération, c'est un devoir, une obligation qui est plus large que ça. Puis
vous dites... vous soulevez l'obligation de témoigner en cour dans les deux
cas, coopération et subrogation, et également vous dites : «À l'heure
actuelle — puis j'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est
une réalité tout humaine que vous, vous vivez — [...] on demande aux
victimes le nom et le numéro de téléphone de l'agresseur. Cette question
soulève chez les femmes victimes de violence conjugale une grande frayeur.
Elles craignent que leur demande et les éléments qu'elles y soulèvent ne soient
vérifiés auprès de l'agresseur.» Donc, vous dites : Gros drapeau rouge,
là, pour ce devoir de coopérer, article 7 et 27, subrogation.
Mme Riendeau (Louise) :
Cathy, veux-tu y aller ou tu veux que j'y aille?
Mme Allen (Cathy) : Tu peux y
aller, Louise.
Mme Riendeau (Louise) : O.K.
Bien, effectivement, quand les victimes arrivent face à ça devant le
formulaire, elles se disent : Ils vont-tu l'appeler? Est-ce qu'ils vont
lui demander de corroborer ce que je dis? Il va savoir que je fais ces
démarches-là. Est-ce qu'il va essayer de me faire des problèmes avec ça? Parce
qu'il faut voir que la violence conjugale, ça se continue même après la
séparation et que les conjoints vont utiliser toutes les prises possibles pour
continuer de contrôler. Donc, ça va être... Tu sais, on parlait qu'on s'est déjà
vus, avec M. Lacombe, dans un... pas M. Lacombe, mais, en tout cas,
dans une autre chose, au niveau du droit de la famille, on va multiplier les procédures
pour ne pas payer de pension, pour ne pas donner le droit de garde, ça fait que
de savoir qu'une femme fait une demande à l'IVAC peut aussi être une occasion
pour un conjoint, là, violent, de poursuivre son contrôle.
Donc, toutes ces situations-là sont extrêmement
anxiogènes pour les femmes, et il faut vraiment mettre beaucoup d'énergie pour
les rassurer quand elles voient ça. Donc, si jamais elles peuvent penser
qu'elles peuvent être appelées à aller témoigner parce que le ministère de la
Justice récupérerait les sommes versées, écoutez, des femmes vont dire : Écoutez,
ça ne vaut pas le coup, là, je ne ferai pas de demande d'IVAC si je risque ça. Et
je comprends ce que le ministre dit, mais je pense qu'il faut trouver d'autres
façons de mieux rassurer les gens. Nous, dans notre mémoire, on ne disait pas :
Il faut que le pouvoir de subrogation n'existe pas, mais il faut avoir quelque
chose qui nous rassure sur le fait que ça va être appliqué de façon à tenir
compte des conséquences possibles pour les victimes.
M. Tanguay
: Et à vous
écouter, Mme Riendeau et Mme Allen, je me <rends...
Mme Riendeau (Louise) :
...de mieux rassurer les gens. Nous, dans notre mémoire, on ne disait pas :
Il faut que le pouvoir de subrogation n'existe pas, mais il faut avoir
quelque
chose qui nous rassure sur le fait que ça va être appliqué de façon à tenir
compte des conséquences possibles pour les victimes.
M. Tanguay
: Et à
vous écouter, Mme Riendeau et Mme Allen, je me >rends compte
qu'avec Me Lessard, hier, on disait : O.K., devoir de coopération, il
y a quand même une coopération minimale, il faudrait quand même, pour éviter
ces écueils-là, il faudrait l'encadrer. Là, on disait : O.K., qui ne
nuirait pas. On pourrait ajouter «coopérer» dans la mesure où ça ne nuit pas au
processus de réhabilitation, mais ça, on ne couvrirait même pas les cas
d'espèce que vous soulevez en amont, qui est le fait de donner, par exemple, le
nom de son agresseur, son numéro de téléphone puis de coopérer. Moi, je ne le
mets pas, puis corrigez-moi si j'ai tort, dans un processus de réhabilitation.
Là, on est dans une autre forme de coopération qui est requise, puis on dit beaucoup :
Dénoncez, dénoncez, dénoncez. Mais ça peut, de façon très tangible, être des
éléments qui, justement, font reculer les victimes pour dénoncer. Alors, quand
le ministre nous rassure ou tente de nous rassurer en disant : Bien,
inquiétez-vous pas, ça ne voudra pas dire vous êtes obligé de porter plainte, bien,
il y a beaucoup d'autres choses derrière ça.
J'aimerais vous entendre sur la notion
d'indemnisation, puis ça, je l'ai réalisée hier, le projet de loi, en
substance, met de côté la notion d'indemnisation. L'indemnisation, là, c'est
que vous avez une perte qui pourra se vérifier sur un an, trois ans,
20 ans, une vie. Le projet de loi vient changer «indemnisation» puis vient
annuler la rente viagère — vous allez avoir trois ans, après ça, c'est
fini, après ça, vous n'êtes plus victime, il n'y a plus d'indemnisation — et
vient introduire le concept d'aide. «Aide», pour moi, c'est ponctuel : Je
vous donne une aide. Vous avez eu un acte criminel, vous avez été victime, on
vous donne une aide. J'aimerais vous entendre là-dessus. Puis de là participe beaucoup
la philosophie, puis c'est n'est pas juste de la philosophie à 30 000 pieds
d'altitude, de là découle bien des décisions du projet de loi qui pourraient...
qui vont faire l'objet de vifs débats, là. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
nous, on était effectivement surprises de voir que le mot même,
«indemnisation», disparaît, disparaît du titre de la loi, il disparaît des
aides qui sont versées, et alors que ce qu'on attendait, c'était une réforme de
l'indemnisation davantage qu'une réforme de l'aide, là, quoiqu'on n'est pas
contre qu'on regarde aussi l'aide, mais il faut le bonifier. Et effectivement,
il y a... si on peut être pour la récupération des gens, qu'ils reprennent
l'ensemble de leurs activités, c'est sûr que c'est un objectif fort important.
Il y a aussi une notion de réparation. Il
y a aussi une notion de : Bien, on a failli comme société à protéger ces
victimes-là et il faut tenir compte des conséquences qu'elles ont vécues. Et,
dans ce sens-là, nous, on pense qu'il faut ramener le mot «indemnisation» pour
être clairs, et qu'il faut bien sûr améliorer l'aide pour récupérer, pour
retourner sur le marché du travail, pour se réinsérer socialement, mais il ne
faut pas mettre de côté les autres éléments qui étaient positifs dans la loi
qu'on a actuellement .
M. Tanguay
: Ce matin,
avez-vous lu <l'article...
Mme Riendeau (Louise) :
...pour être clairs, et qu'il faut bien sûr améliorer l'aide pour récupérer,
pour retourner sur le marché du travail, pour se réinsérer socialement. Mais il
ne faut pas mettre de côté les autres éléments qui étaient positifs dans la loi
qu'on a
actuellement .
M. Tanguay
: Ce
matin, avez-vous lu >l'article de Rima Elkouri dans LaPresse,
sur la non-rétroactivité?
Mme Riendeau (Louise) : Oui.
M. Tanguay
: J'aimerais
vous entendre là-dessus et la non-rétroactivité, dans le cas de femmes qui font
appel à vos services, vous, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale.
Mme Riendeau (Louise) :
Écoutez, c'est un élément qu'on avait perçu mais qui... finalement, avec le
temps, sur lequel on n'est pas intervenues dans notre mémoire. On avait vu que
les personnes, dans les mesures... les dispositions transitoires, je crois, les
personnes qui ont été exclues en fonction des délais pourraient... puis que la
demande avait été... il y avait une réponse négative, pourraient faire une
demande dans les trois prochaines années. On avait un peu... On s'était
questionnées sur... oui, mais si la demande n'a pas été acceptée en raison du
crime qui n'était pas dans l'annexe, est-ce qu'elles, vu qu'il n'y a plus de
délai, vont pouvoir faire une demande ou pas? On n'avait pas de réponse à ça.
Quand j'ai lu l'article ce matin, j'ai compris qu'effectivement ces femmes-là
ne pourraient pas faire une demande, en tout cas, si l'article interprète bien
la situation, et, pour nous, c'est problématique. Et on proposait, je pense,
d'avoir peut-être une période tampon où on pourrait permettre cette demande-là.
Il me semble que c'est une bonne piste, parce qu'une femme qui est victime de
harcèlement criminel aujourd'hui ne sera pas traitée de la même façon qu'une
femme qui l'aura vécu au moment où la loi va être adoptée. Pourtant, ces deux
personnes-là risquent de vivre des conséquences très importantes du crime
qu'elles ont... Ça fait que, ça, il me semble que c'est quelque chose pour
lequel il faut apporter un soin, là, dans l'étude du projet de loi.
M. Tanguay
: Autrement
dit, là, ce que le ministre va nous répondre, c'est que le projet de loi prévoit
déjà faire écho du Code civil où il y a imprescriptibilité pour violence subie
par son conjoint ou son ex-conjoint. Puis on a vu, ce matin, dans l'article de
Mme Elkouri, que la non-rétroactivité, dans les autres cas, posera
nettement problème, puis on aura l'occasion d'en discuter, mais je voulais voir
si vous aviez fait cette analyse-là, également.
40 % des femmes avec lesquelles...
des personnes avec lesquelles vous interagissez sont exclues du travail, donc
perte de revenus. Il y a un recul là, parce que le régime actuel donne au moins
90 % du salaire minimum, et là va... sous la nouvelle loi, donnerait zéro
et une barre. Ça, ça ne participe certainement pas de la réinsertion, là.
Le Président (M. Bachand) :
En quelques secondes, par exemple, quelques secondes.
Mme Riendeau (Louise) : Non,
c'est sûr que, tu sais, c'est des femmes qui auront moins de moyens pour
effectivement faire ce qu'il faut pour un jour réintégrer le marché du travail.
Beaucoup de femmes avec qui on travaille sont chefs de famille monoparentale,
donc il faut voir que ça peut arriver dans les années qui viennent, donc, pour
nous, c'est un élément important pour ces femmes-là, qu'on voit plus, là, en
hébergement.
M. Tanguay
: Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, vous avez la parole. Merci.
• (11 heures) •
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. <Merci...
>
11 h (version révisée)
< Mme Riendeau (Louise) :
…marché du travail. Beaucoup de femmes avec qui on travaille sont chefs de
famille monoparentale, donc il faut voir que ça peut arriver dans les années
qui viennent, donc, pour nous, c'est un élément important pour ces femmes-là,
qu'on voit plus, là, en hébergement.
M. Tanguay
: Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, vous avez la parole. Merci.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. >Merci, Mme Riendeau, Mme Allen, pour votre
présentation. Je vais rester sur le même sujet pour ma question. La question de
la limite de temps pour l'indemnité de revenu de trois ans ou peut-être plus
deux ans, selon la précision du ministre, est-ce que le fait qu'il y ait un «deadline»
comme ça, ça ne nuit pas à l'objectif de rétablissement des victimes, le fait
qu'il y ait une pression sur le fait que ces indemnités-là de revenu vont
s'arrêter après un nombre d'années bien précis?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
effectivement, puis il y a des victimes qui ont des conséquences qui sont très
graves, là, tu sais, si on pense à des… on parle peu de ça encore au Québec,
mais il y a beaucoup de victimes de violence conjugale ou d'agression sexuelle
qui ont vécu des traumatismes crâniens et qui vont avoir besoin de beaucoup de
temps, parce qu'elles en auront vécu plusieurs, pour recouvrer. Donc, c'est sûr
que ces femmes-là, déjà, se sentent fatiguées, épuisées, avec des problèmes de
concentration, etc. Si on leur dit : Bien là, ça s'arrête au bout de
trois ans, ça vient ajouter de la pression sur ces femmes-là. Donc, c'est
pour ça que nous, on se dit : Il faut mieux tenir compte de la réalité que
vivent l'ensemble des victimes, et toutes les victimes ne sont pas au même
endroit. Il y a des évaluations pour regarder la question des traumatismes.
Donc, est-ce que ça devrait plutôt être ça qui fasse la différence que le
délai?
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée.
Mme Labrie : Merci beaucoup
pour votre réponse. Donc, on devrait plutôt se fier à l'évaluation médicale,
par exemple, ou psychologique.
Mme Riendeau (Louise) : Oui. Par
ailleurs, nous on se dit qu'il faut vraiment... qu'au niveau des atteintes à l'intégrité
psychologique, il faut former les gens mieux qu'ils ne le sont actuellement. Ce
n'est pas… Un médecin n'a pas toujours toutes les connaissances fines face aux
traumatismes psychiques que vivent les victimes d'agression sexuelle, de
violence conjugale, de proxénétisme.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît, pour 2 min 45 s.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Heureuse de vous entendre à nouveau. Toujours très pertinent. Écoutez,
j'aurais beaucoup de questions pour vous, mais vous soulevez la question du
soutien psychologique dans votre mémoire, puis vous dites qu'autant
l'accompagnement juridique, des conseils juridiques sont fondamentaux, que le
soutien psychosocial par des intervenants spécialisés. Vous avez fait
référence, tantôt, au fait que, maintenant, on vient fusionner aide et
indemnisation. Hier, Arlène Gaudreault de Plaidoyer-Victimes nous disait qu'il
n'y a pas beaucoup de définitions claires des droits des victimes dans le
projet de loi. Je voulais savoir si, pour vous, ça, c'est problématique, parce
que vous y avez fait référence, là, aussi à l'idée de fusionner les deux. Et
l'autre élément, plus précisément, c'est ça, sur le soutien <psychologique…
Mme
Hivon
: …
il
n'y a pas beaucoup de définitions claires des droits des victimes dans le
projet de loi. Je voulais savoir si, pour vous, ça, c'est problématique, parce
que vous y avez fait référence, là, aussi à l'idée de fusionner les deux. Et
l'autre élément, plus précisément, c'est ça, sur le soutien >psychologique
et l'accompagnement de consignes juridiques, est-ce que vous auriez des
bonifications à demander à l'occasion de la réforme qui est devant nous?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
sur la question de l'aide, effectivement, nous ce qu'on dit, c'est : Il
faut remettre cette partie-là sur la planche de travail. Je pense qu'on a fait
pas mal du copier-coller par rapport à ce qui existait dans l'ancienne loi. Il
y a des réflexions qui ont été menées dans les dernières années. Il y a eu la
charte au fédéral. Donc, il faut… il y a de la place, là, pour améliorer ça et
mieux bonifier.
Pour la question du soutien psychologique,
une des choses qu'on voit, c'est que le ministre peut reconnaître des
ressources ou prendre des ententes. On n'a pas beaucoup d'informations
là-dessus. On nous parle, de façon générique, des centres d'aide aux victimes
d'infractions criminelles. Est-ce que ça se limite au CAVAC, est-ce que c'est
autre chose? On n'a pas beaucoup d'informations. Et ce qu'on constate aussi,
pas seulement dans les régions éloignées, c'est vraiment un manque de
professionnels, de psychologues qui vont accompagner les victimes.
Ce qu'on s'est posé comme question, c'est :
Est-ce qu'on vit un peu le même problème qu'on vivait à l'aide juridique, c'est-à-dire
que les conditions offertes à ces professionnels de pratique privée là sont
trop compliquées avec l'IVAC ou pas assez intéressantes pour qu'ils s'intéressent
à ça? On n'a pas la réponse, mais, en tout cas, pour nous, il faut vraiment
regarder de ce côté-là, parce que si on a le droit à de la réinsertion
psychosociale, qu'on peut avoir de la thérapie qui est payée pour les femmes,
pour les enfants, mais qu'on n'a pas... sur une liste de
25 professionnels, il n'y en a pas qui nous retourne notre appel quand on
essaie d'en trouver un, c'est particulier, c'est complexe.
Mme
Hivon
:
Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Mme Riendeau, Mme Allen. C'est tout le temps que nous
avons, mais merci infiniment, encore une fois, d'être avec nous ce matin, ça a
été très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 05)
(Reprise à 11 h
07
)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir du Réseau des centres d'aide aux
victimes d'actes criminels, communément appelé les CAVAC. Alors, nous avons M.
Dave Lysight et Mme Karine Gagnon. Bienvenue à vous deux. Merci beaucoup d'être
avec nous ce matin. Et d'emblée je vous cède immédiatement la parole pour votre
exposé. Merci d'être avec nous encore.
Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes
criminels (Réseau des CAVAC)
Mme Gagnon (Karine) : Bonjour.
Merci beaucoup de nous accueillir. Donc, avant de commencer, le Réseau des
CAVAC tient à remercier la Commission des institutions pour son invitation.
Très brièvement, qu'est-ce que le Réseau
des CAVAC? Nous offrons des services aux personnes victimes, aux proches et aux
témoins d'actes criminels qui peuvent venir cogner à nos 185 portes,
partout au Québec, pour recevoir de l'aide. Nous sommes présents dans tous les
palais de justice, dans les postes de police et d'enquêteur, à la cour itinérante
du Québec et dans les sièges sociaux des 17 CAVAC, qui sont tous des
organismes sans but lucratif. Nos services sont gratuits et confidentiels, peu
importe le type de crime et le moment où il a eu lieu. Que l'acteur de l'acte
criminel ait été identifié ou non est très important, nous insistons sur ce
point, que la personne victime ait porté plainte ou non.
Nous avons une collaboration privilégiée
avec les procureurs aux poursuites criminelles et pénales et aussi avec les
policiers, notamment des protocoles de référence entre des corps policiers et
nos CAVAC qui favorisent un accès proactif et rapide de nos services d'aide
auprès des personnes victimes. En 2019‑2020, ce sont un peu plus de
66 000 personnes qui ont obtenu nos services. Nos équipes multidisciplinaires
sont composées d'intervenants, membres d'ordres professionnels, tels que des
criminologues, des travailleurs sociaux, des sexologues et des
psychoéducateurs, qui possèdent une expertise en intervention post-traumatique
ainsi qu'une connaissance pointue du processus judiciaire.
Depuis leur création, les CAVAC ont mis en
place une multitude de services permettant de joindre, avec proactivité et
célérité, les personnes victimes, tout en leur donnant une juste information
sur l'aide et des recours dont elles peuvent bénéficier et auxquels elles ont
droit. Notre intervention auprès des personnes victimes se fait dans le respect
de leurs besoins et à leur rythme, et sur leur capacité de gérer leur propre
vie et de prendre des décisions qui les concernent.
Nous vous présentons ici des observations
tirées de notre expérience terrain, reliées à différents aspects du projet de
loi n° 84, et, plus <spécifiquement…
Mme Gagnon (Karine) :
…et
auxquels elles ont droit. Notre intervention, auprès des personnes
victimes, se fait dans le respect de leurs besoins et à leur rythme, et sur
leur capacité de gérer leur propre vie et de prendre des décisions qui les
concernent.
Nous vous présentons ici des
observations tirées de notre expérience terrain, reliées à différents aspects
du projet de loi n° 84, et, plus >spécifiquement, en ce qui a trait
à l'intervention et à l'aide auprès des personnes victimes, des proches, et des
témoins d'infractions criminelles. Nous croyons que notre regard sur les
nombreux enjeux relatifs aux besoins des personnes victimes, dans le cadre de
ce projet de loi, peut mettre en lumière différentes pistes de solution et la
consolidation de pratiques en cours qui ont fait, selon nous, leurs preuves.
• (11 h 10) •
Alors, tout d'abord, en commençant, je
vous mentionnerais qu'à notre avis il est très intéressant que le projet de loi
n° 84 intègre à la fois l'aspect indemnisation et l'aspect aide, soutien,
accompagnement des personnes victimes. À notre avis, c'est une bonne idée pour
favoriser la cohérence des actions, la cohérence des solutions qui sont mises
en place pour favoriser le rétablissement des personnes victimes.
Par ailleurs, on est aussi préoccupé par
les nombreuses recommandations qui ont été émises, dans plusieurs rapports, là,
de comités d'experts, qui ont été publiées récemment. Donc, les recommandations
qui seront retenues, suite à publications de ces rapports-là, à notre avis, devraient
être incluses dans le projet de loi, toujours dans le même esprit de cohérence,
là, et d'intégration des services.
Par ailleurs, on constate que le projet de
loi, qui est un projet de loi très costaud, mise beaucoup sur l'indemnisation,
et avec raison, parce que c'est un morceau très important, là, qui… dont on
attendait la révision depuis longtemps, mais, par contre, on considère qu'il y
aurait peut-être des efforts supplémentaires à mettre, là, en ce qui concerne
l'aide, le soutien et l'accompagnement des personnes victimes.
En ce qui concerne l'indemnisation, les
avancées, évidemment, qu'on note, l'élargissement, là, de la définition de
proche, l'ajout, formellement, dans la loi, là, de la notion de témoin,
l'élargissement des crimes admissibles, l'abolition de la prescription, pour ce
qui concerne les crimes de violence sexuelle, violence conjugale, victimisation
dans l'ensemble, la prolongation du délai pour présenter, là, une demande, une
réclamation dans les autres types de victimisation, et aussi on souligne la
mise en place, là, d'une aide rapide dans certains types de victimisation, dont
la violence conjugale.
On a, par contre, certaines préoccupations,
en ce qui concerne, entre autres, l'indemnisation pour la rémunération des personnes
victimes, là, qui se limite à trois ans et qui peut être, dans certaines
circonstances, là, étirée jusqu'à cinq ans. On comprend l'objectif de la
loi, qui est la réhabilitation des personnes, là, que ces gens-là reprennent le
contrôle de leur vie, redeviennent des gens actifs dans la société, et on veut
que ça se fasse dans un certain délai. On comprend aussi qu'il y a des enjeux
financiers à tout ça. Par contre, on considère qu'il devrait y avoir une
certaine flexibilité, latitude, dans la loi, pour les personnes <victimes
qui risquent...
Mme Gagnon (Karine) :
...la réhabilitation des personnes, que ces gens-là reprennent le contrôle de
leur vie, redeviennent des gens actifs dans la société, et on veut que ça se
fasse dans un certain délai. On comprend aussi qu'il y a des enjeux financiers
à tout ça. Par contre, on considère qu'il devrait y avoir une certaine
flexibilité, latitude, dans la loi, pour les personnes >victimes qui
risquent d'avoir besoin de plus de temps pour se rétablir, voire certaines
personnes qui ne réussissent jamais à se rétablir. Alors, on considère qu'il
devrait peut-être y avoir une nuance à cet effet-là. Là, quant à savoir comment
tout ça s'arrime avec les autres services... les autres régimes de solidarité
sociale, évidemment, c'est un travail qui devrait être fait à cet égard-là,
mais on considère qu'il y aurait un travail à faire par rapport à ça.
Ensuite de ça, on constate, depuis le
dépôt du rapport du Protecteur du citoyen concernant l'IVAC, on sait qu'il y a beaucoup
d'efforts qui ont été mis à changer les choses, à améliorer les structures,
entre autres, en ce qui concerne, là, les interactions entre les agents et les
personnes victimes, qui ne sont pas toujours simples. Malheureusement, on
considère qu'il y a encore des lacunes à cet égard-là, et, à notre avis, il
devrait y avoir des efforts supplémentaires consentis, entre autres quant aux
exigences qu'on a par rapport au savoir-être des gens qui interviennent
directement auprès des personnes victimes dans le cadre de l'indemnisation, la
formation qui leur est offerte et le soutien aussi qu'on leur offre, parce
qu'il ne faut pas oublier que ces gens-là sont en contact avec des récits
traumatiques, hein, au quotidien, et ça, ce n'est pas banal. Nous, on le vit
avec nos intervenants et on met en place des processus par rapport à ça, mais
il faut penser que les gens qui se retrouvent dans ce genre de poste là, je
pense, entre autres, aux agents à l'admissibilité, c'est souvent des agents de
service à la clientèle, et ils ne s'attendent peut-être pas, là, à être
confrontés à ce genre de réalité là.
L'autre aspect aussi qui nous préoccupe, c'est
évidemment tout ce qui va être l'application comme telle de la loi, comment les
gens qui vont avoir à l'appliquer vont bien l'intégrer, bien la comprendre,
bien être formés pour tout ça, parce qu'on constate actuellement qu'avec la loi
qui est actuellement en place, il y a de la subjectivité dans l'application,
des fois, de la mauvaise connaissance de la loi. Donc, il y a déjà des enjeux,
donc de rajouter une nouvelle loi avec du droit transitoire dans tout ça,
comment on va s'assurer que l'application soit bien claire et efficace.
Évidemment, on a aussi la préoccupation de
toute la réglementation qui suivra, là, pour l'application de la loi, qu'est-ce
qui sera contenu dans cette réglementation-là. Et le Réseau des CAVAC est tout
à fait ouvert et disposé, là, à travailler en collaboration avec vous, si
nécessaire, pour la mise en place de tout ça et la réflexion.
Et je terminerais en vous disant que, dans
notre mémoire, on soulève, là, quelques préoccupations par rapport à des
articles en particulier, là. Je vais vous référer directement à notre mémoire
pour ça, je n'aborderai pas, là, spécifiquement ces éléments-là dans la présentation.
Je vais passer la parole à mon collègue Dave Lysight.
Le Président (M. Bachand) :
M. Lysight, il reste 2 min 30 s à vos 10 minutes.
M. Lysight (Dave) : O.K., très
bien, donc, je vais essayer de faire ça très succinctement...
Le Président (M. Bachand) :
Je pense qu'on a perdu M. Lysight.
M. Lysight (Dave) : …déposé.
Oui? <Oui, est-ce que vous...
Le Président (M.
Bachand) : …M. Lysight, il reste 2 min 30 s à
vos 10 minutes.
M. Lysight (Dave) : O.K.,
très bien, donc, je vais essayer de faire ça très succinctement...
Le Président (M.
Bachand) : Je pense qu'on a perdu M. Lysight.
M. Lysight (Dave) : …déposé.
Oui? >Oui, est-ce que vous m'entendez?
Le Président (M. Bachand) :
Oui, ça va bien. Continuez.
M. Lysight (Dave) : O.K. Parfait.
Donc, c'est l'élément qui est le moins présent dans le projet de loi n° 84.
Toutefois, on souhaiterait reconnaître… Nous apprécions le volet que, dans le
libellé, il soit inscrit «personne victime», donc pour permettre justement
cette entité, que la personne n'est pas que, simplement, une victime, elle est
au-delà de ça. Donc, ça, on tenait à vous le souligner.
Là, pour faire rapide aussi, on voulait
aussi vous souligner l'importance d'obtenir la facilité de l'information entre
les différentes organisations juridiques, là, que ce soit au niveau du Tribunal
administratif du Québec pour la Commission d'examen des troubles mentaux du
Québec ou dans le cadre aussi de l'application du programme d'accès justice
santé mentale, pour pouvoir permettre, justement, aux personnes victimes dans
le cadre des ces infractions, où les auteurs de crimes sont à l'intérieur de ce
processus, de pouvoir permettre de rassurer la personne victime.
Je veux juste vérifier... En conclusion,
toutes les avancées en matière d'aide et d'intervention auprès des victimes ne
peuvent que contribuer au sentiment de justice et participer aussi à la
confiance envers le système de justice. En ce sens, mettre de l'avant la
réforme de la Loi sur l'aide aux victimes et celle de l'indemnisation est en
cohérence avec la philosophie du Réseau des CAVAC. Nous sommes confiants, quant
à la reconnaissance par l'État des besoins des personnes victimes, des
expertises et des pratiques terrain qui sont déjà mises en place et qui
sous-tendent nos recommandations.
Je souhaiterais également mentionner
l'importance aussi de promouvoir les services qui sont déjà en place,
l'importance des mots pour une personne victime. Une personne victime qui est à
la maison, qui entend qu'il n'y a pas d'aide, qu'il n'y a pas de service ou que
la justice n'est pas juste, évidemment, peut être un effet qui peut être
contraignant à une dénonciation ou à un dévoilement.
Je vous remercie pour les minutes que vous
avez prises.
Le Président (M. Bachand) :
Merci de votre efficacité, M. Lysight. Alors, M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, M. Lysight. Bonjour, Mme Gagnon. Merci d'être présent en
commission parlementaire.
Je pense, M. Lysight, que vous venez de
dire quelque chose de très intéressant dans toute la lutte contre les
infractions criminelles, mais dans le soutien aux victimes aussi, de parler
beaucoup du soutien qui est déjà offert, du travail, notamment, du Réseau des
CAVAC, mais aussi, vous savez, dans la sphère publique, on entend beaucoup de
critiques à travers le système de justice, à juste titre, mais il faut dire
aussi qu'il y a énormément d'acteurs, il y a énormément de gens qui
travaillent, notamment dans vos organisations, qui offrent du soutien, puis
c'est des personnes qui sont dévouées, puis je pense que c'est toujours bon de
le rappeler puis de le dire. Il peut y <avoir…
M. Jolin-Barrette :
…
dans la sphère publique, on entend beaucoup de critiques à travers le
système de justice, à juste titre, mais il faut dire aussi qu'il y a énormément
d'acteurs, il y a énormément de gens qui travaillent, notamment dans vos
organisations, qui offrent du soutien. Puis c'est des personnes qui sont
dévouées, puis je pense que c'est toujours bon de le rappeler puis de le dire.
Il peut y >avoir de l'amélioration partout, mais ce que je veux dire,
quand même, il y a beaucoup de gens qui travaillent au bien-être des victimes,
puis, ça, je pense que vous le faites bien, puis c'est important de le
souligner comme vous l'avez fait.
Un des objectifs qu'on a avec le projet de
loi, c'est de faire en sorte d'avoir… d'élargir la notion de personne victime
pour offrir davantage de soutien, pour faire en sorte d'être en mesure, là,
qu'il y aura davantage de personnes qui vont pouvoir bénéficier
d'indemnisation, d'aide également. Comment est-ce que vous voyez ça, au niveau
de la définition de personne victime qu'on a incluse, là, dans le projet de loi,
puis son élargissement?
M. Lysight (Dave) : Karine.
Mme Gagnon (Karine) : Je
pensais que j'avais fermé mon micro. Je suis désolée. Bien, évidemment, nous,
on est favorables à tout élargissement, là, de la notion de personne victime,
parce qu'on réalise qu'une personne victime peut se retrouver dans cette
situation-là dans plusieurs contextes. Je pense, en autres, aux personnes
victimes dans le cadre d'exploitation sexuelle, où on avait un peu tendance à
dire : Bien, elles ont contribué à... donc ce ne sont pas... mais, tu
sais, ce sont vraiment des personnes victimes qui sont exploitées sexuellement
et qui sont sous le contrôle de personnes très, très malfaisantes. Donc, je
pense que c'est important qu'on puisse aller offrir de l'aide à toutes ces
personnes-là. Je ne sais pas si mon collègue veut compléter.
M. Lysight (Dave) : Non, je
pense qu'effectivement l'exercice d'avoir élargi la définition fait en sorte,
aussi, d'avoir une reconnaissance quant au statut de la personne et de la place
qu'elle occupe aussi, là. Parce que, vous savez, le réseau de soutien est
primordial également pour les personnes victimes. Donc, c'est important de
pouvoir, également, avoir cette reconnaissance à leur égard.
• (11 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Une
question, là, sur l'élargissement de la liste, en fait, ou l'abolition de la
liste. Est-ce que ça vous arrivait fréquemment d'avoir des victimes qui ne
pouvaient pas être indemnisées à cause de la liste d'infractions?
Mme Gagnon (Karine) :
Malheureusement, oui. Malheureusement, oui, puis je vous dirais qu'on… sans
être malhonnête, là, on tricotait pour essayer de faire en sorte que le crime...
parce qu'il y a tellement, on va dire de crimes, de nouveaux types de crimes
qui existent, donc, on essayait de tricoter pour attacher ça avec ou agression
sexuelle ou pour, le plus possible, que les gens soient admissibles, mais oui,
effectivement, c'est quelque chose qui est problématique actuellement.
M. Lysight (Dave) : Oui, puis
c'était aussi comme…
Une voix : ...
M. Lysight (Dave) : Pardonnez-moi.
Le Président (M. Bachand) :
Allez-y, M. Lysight.
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y.
M. Lysight (Dave) : O.K. C'est
aussi comme une question double standard, aussi, lorsqu'on pense, entre autres,
aux menaces, au harcèlement criminel, lorsqu'on dit l'impact, justement, des
crimes de nature psychologique qui peuvent laisser des traces auprès des
personnes victimes, puis effectivement, qui n'avaient pas accès. Donc, c'était
comme… On a des campagnes <promotionnelles qui nous disent...
M. Lysight (Dave) : …
comme
une question double standard, aussi, lorsqu'on pense, entre autres, aux
menaces, au harcèlement criminel, lorsqu'on dit l'impact, justement, des crimes
de nature psychologique qui peuvent laisser des traces auprès des personnes
victimes, puis effectivement, qui n'avaient pas accès. Donc, c'était comme… On
a des campagnes >promotionnelles qui nous disent : La violence
fait… c'est des mots, mais ça fait mal, et, d'un autre côté, le régime ne
permettait pas cet accès. Donc, évidemment, on ne peut que saluer, là, cet
élément.
Mme Gagnon (Karine) : Puis
juste peut-être pour ajouter, dans notre philosophie, dans le réseau des CAVAC,
c'est qu'il n'y a pas de petit crime. Donc, nous, on travaille sur les
conséquences que la personne va vivre, hein, parce que différentes situations
vont générer différentes conséquences chez les gens. Des fois, on a
l'impression qu'un crime objectivement plus grave va nécessairement amener des
conséquences très graves chez la personne, mais, des fois, un crime
objectivement moins grave va aussi amener des conséquences très importantes.
Puis ça m'amène aussi à vous parler, entre
autres, des crimes de fraude. Je pense, entre autres, aux personnes aînées qui
sont victimes de fraude. Je sais que ce n'est pas couvert, parce que ce n'est
pas un crime contre la personne, mais sans indemniser l'impact monétaire comme
tel, souvent ces gens-là vivent des conséquences psychologiques excessivement
graves et n'ont pas accès à des services. Il y aurait peut-être quelque chose à
regarder à ce niveau-là. Puis je répète, là, on ne parle pas de venir
indemniser... de venir rembourser la personne pour les sommes qu'elle a perdues,
mais, au niveau du soutien, des conséquences psychologiques, souvent, ils vont
être victimes de proches, des gens dans leur entourage. Ça vient encore… ça
complexifie les choses. Les gens ont honte de ce qu'ils ont vécu. Les fraudes
grands-parents, on parle des fraudes Côte d'Ivoire, c'est sûrement des termes
qui vous disent quelque chose. Il y aurait peut-être quelque chose à regarder à
ce niveau-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Tout
à l'heure, vous avez abordé, là, un peu la question, là, des employés, qu'ils
soient outillés. Vous avez parlé de savoir-être. Ce qu'on veut faire avec la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
c'est de la rendre vraiment plus humaine. Bon, je l'ai dit tout à l'heure
aussi, il y avait une difficulté rattachée à la loi antérieure où il y avait
une approche restrictive, puis souvent les personnes qui administraient le
régime se retrouvaient en difficulté par rapport à l'interprétation de la loi.
Quand vous nous parlez, là, de
savoir-être, là, comment est-ce que vous voyez ça dans les relations, là, entre
les CAVAC, avec la DIVAC? Qu'est-ce qui doit être amélioré? Parce que nous,
notre souhait, c'est vraiment de le rendre… d'avoir un meilleur service à la
clientèle et, justement, de donner les outils pour le faire, et c'est pour ça
que je le rapatrie sous la coupole du ministère de la Justice.
Mme Gagnon (Karine) : Bien,
en fait, ce n'est pas tant entre les CAVAC et la DIVAC, on a déjà, je pense,
des bonnes relations, c'est vraiment au niveau des gens sur le terrain, qu'ils
soient sensibilisés à ce qu'une personne victime peut vivre, aux réactions que
ça peut susciter chez elle, que, non, ça ne prend pas deux mois se rétablir de…
ça peut prendre des années, qu'ils soient vraiment… pas juste sensibilisés,
formés sur la réalité des personnes victimes, puis sur l'importance de leur
rôle auprès de ces personnes-là aussi. Ils ne sont pas juste une courroie de <transmission
pour une…
Mme Gagnon (Karine) :
...ça ne prend pas deux mois se rétablir de… ça peut prendre des années, qu'ils
soient vraiment… pas juste sensibilisés, formés sur la réalité des personnes
victimes, puis sur l'importance de leur rôle auprès de ces personnes-là aussi.
Ils ne sont pas juste une courroie de >transmission pour une indemnisation,
ils sont des agents qui contribuent au rétablissement de ces personnes-là. Puis
c'est important qu'ils prennent conscience, je pense, de l'importance de ce
rôle-là. Je ne sais pas si je réponds bien à la question, peut-être que Dave,
tu veux compléter.
M. Lysight (Dave) : Non, je
pense que c'est vraiment dans l'élément, effectivement, relation clientèle, où
il y a pu y avoir des expériences qui nous été rapportées, dans le fond, où est-ce
que les gens ne se sont pas sentis respectés ou ni écoutés. Mais, comme Karine
le soulevait tout à l'heure, je pense qu'il y a aussi un élément... Sans
excuser, il faut quand même reconnaître que ce sont des personnes qui ont accès
à des récits traumatiques au quotidien. Donc, est-ce qu'ils ont le soutien nécessaire
pour offrir, justement, cette relation d'aide avec la personne au-delà de
l'application de la loi, en fait?
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, là. On a aboli
la prescription pour les infractions à caractère sexuel notamment. Je voulais
savoir, là, selon votre expérience, là, dans les centres, là, les... Puis on
l'a vu, là, 80 % des réclamations à l'IVAC, c'est des infractions de
nature sexuelle, là, est-ce que ça vous arrive souvent que les victimes
d'agression sexuelle viennent vous voir plusieurs années après les infractions?
C'est quoi, votre expérience par rapport à ça?
M. Lysight (Dave) : Je vous
dirais que bon nombre de nos personnes victimes de violence sexuelle, que ce
soit hommes, femmes, vont prendre quand même un certain... voire des années.
D'ailleurs, pour la victimisation masculine en matière de violence sexuelle, la
littérature fait mention que ça peut prendre vraiment, là, de nombreuses
années, même un 30 ans, si ce n'est pas plus, là, avant qu'il y ait une dénonciation,
et tout ça. Donc, oui, c'est quand même monnaie courante, là, à l'intérieur de
la pratique de nos intervenants au sein du réseau, de devoir intervenir, là,
bon nombre d'années après, là, les événements.
Donc, notre rôle, à ce moment-là, lorsqu'on
assiste la personne pour compléter l'IVAC, bien, évidemment, c'est de déceler
quel est le moment où l'apparence... l'apparition, plutôt, de la blessure
psychologique, la survenance, en fait, de la blessure psychologique.
Mme Gagnon (Karine) : Puis je
vous dirais même que ce n'est pas rare qu'il y a des gens qui vont venir nous
voir parce qu'ils ont été victimes d'autre chose dans leur vie adulte, parce
que leur... parce qu'ils se sont construits, hein, sur cette victimisation-là,
et ça les fragilise en partant, et ils se retrouvent victimes d'autre chose. Et
c'est quand ils viennent nous voir pour ça que, là, ils vont dévoiler ce qu'ils
ont vécu dans le passé. Ça fait que ça, ce n'est pas rare non plus, là, que ça
se produit. Ça fait que ça rend les gens plus vulnérables, là, de s'être
construits comme personne, là, sur cette <victimisation-là...
Mme Gagnon (Karine) :
…et ça les fragilise en partant, et ils se retrouvent victimes d'autre chose.
Et c'est quand ils viennent nous voir pour ça que, là, ils vont dévoiler ce
qu'ils ont vécu dans le passé. Ça fait que ça, ce n'est pas rare non plus, là,
que ça se produit. Ça fait que ça rend les gens plus vulnérables, là, de s'être
construits comme personne, là, sur cette >victimisation-là dans le passé.
M. Jolin-Barrette : Donc,
c'est connexe. Écoutez, un grand merci pour votre passage en commission
parlementaire. Je cède la parole à mes collègues. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le ministre. Je cède la parole maintenant à la députée de Les Plaines,
s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci, M. le ministre. Merci, M. le Président. Combien reste-t-il de temps?
Le Président (M. Bachand) :
6 min 25 s.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup. Écoutez, je tiens à vous souhaiter... pas vous souhaiter, mais
vous remercier, en fait, de votre présence en commission. On s'est vus, il y a
quelque temps, dans une autre commission, alors ça m'a ouvert la porte,
justement, à vous remercier, à nouveau, pour ce que vous faites sur le terrain.
C'est vraiment un travail important auprès de victimes, de gens qui sont un peu
plus vulnérables dans cette société dans laquelle nous vivons.
Le ministre avait les bonnes questions,
humblement, je le souligne, il avait les bonnes questions pour vous, au niveau
de ce que vous faites sur le terrain, puis essayer d'avoir aussi un portrait,
justement, du type de victime, là, qui pourrait justement arriver avec cette
nouvelle loi là lorsqu'elle sera en application.
Vous avez souligné, d'entrée de jeu, que
le projet de loi axe beaucoup sur l'indemnisation, dans un premier temps, on le
comprend, c'est important. Et vous avez mentionné, également, votre souhait de
voir, de façon plus éloquente, si j'en comprends bien, là, les mots que vous
avez utilisés, tout l'aspect aide, soutien et accompagnement. De façon
législative, comment cela pourrait se démontrer, dans un projet de loi, par
rapport à vos demandes, à vous?
M. Lysight (Dave) : Bien,
c'est sûr qu'on faisait référence à l'ancienne loi sur l'aide où, vraiment,
spécifiquement, étaient nommés, dans le fond, les centres d'aide. Dans la
nouvelle loi, c'est beaucoup plus édulcoré, si on veut, donc il y avait cet
élément. Je pourrais laisser Karine, aussi, poursuivre, là, par rapport à ça,
mais... Oui.
Mme Gagnon (Karine) : Bien,
en ce qui concerne l'aide, peut-être que je vais en profiter pour poursuivre
sur ce qu'on n'a pas eu le temps de nommer tout à l'heure. Mais tout ce qui
est, entre autres, dans les palais de justice, qu'on prévoit d'avoir des locaux
adéquats dans les palais de justice. On comprend qu'actuellement nos locaux ont
été rajoutés dans les palais de justice existants, mais on doit avoir des
locaux qui permettent d'assurer la sécurité tant physique qu'affective des
personnes victimes, assurer la confidentialité, éviter qu'ils aient à croiser
les accusés.
• (11 h 30) •
On parle, aussi, de tout ce qui est
l'accès à l'information. Pour tous nos services d'information, nous, on a
vraiment le mandat de transmettre l'information, là, entre les procureurs, les
policiers. On est un peu, hein, la liaison entre tous ces gens-là du système
judiciaire, entre eux et les personnes victimes. Donc, tout ce qui est l'accès
à l'information de la part du DPCP, des services de <police…
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Gagnon (Karine) :
…Pour tous nos services d'information, nous, on a vraiment le mandat de
transmettre l'information, là, entre les procureurs, les policiers. On est un
peu, hein, la liaison entre tous ces gens-là du système judiciaire, entre eux
et les personnes victimes. Donc, tout ce qui est l'accès à l'information de la
part du DPCP, des services de >police, des services judiciaires. Tous ces
organismes-là fonctionnent un peu en silo, mais avec des systèmes qui se
parlent de façon interposée, sans être intégrés, et nous, on est comme à
l'extérieur de ça, et on doit donc… On faisait référence entre autres à
l'article 99 dans la loi, là, qui parle de la transmission d'informations entre
les services de police et les organismes prestataires de services, et on pense
que cet article-là devrait être élargi pour inclure, là, tous les partenaires
avec qui on doit intervenir pour obtenir de l'information, que ce soit DPCP… Et
le service de police est déjà mentionné. On a parlé tout à l'heure de la Commission
d'examen des troubles mentaux, des PAJ-SM, dans la mesure où ces gens-là
deviennent des patients de services de santé, alors leurs dossiers sont
confidentiels. C'est très difficile d'obtenir de l'information pour pouvoir
informer les personnes victimes, les rassurer, tant au niveau de la sécurité
physique qu'affective. Ils ont besoin de savoir qu'est-ce qui se passe dans le
déroulement de ces dossiers-là, donc, évidemment, c'est complexe parce qu'on
parle, là, à ce moment-là, de passer outre la confidentialité, le secret
professionnel, il faut que ce soit bien balisé, bien encadré. Mais ça serait
pertinent, important, en fait, que, dans la loi, tout ça soit prévu, parce que
ça viendrait faciliter ensuite les mécanismes, là, sur le terrain.
On parlait aussi de… attendez un petit
peu, je vais juste retourner… Oui, en fait, on parlait aussi, parce qu'il y a
plusieurs… Les personnes victimes voient leurs droits reconnus par la charte
des personnes victimes, il y a des déclarations de services aussi qui existent,
les gens peuvent porter plainte si certains droits ne sont pas reconnus, mais
ce n'est pas clair, les mécanismes, c'est des plaintes directement à chacun des
organismes. Nous, ce qu'on souhaiterait qui existe, c'est qu'il existe un
protecteur de la personne victime, quelqu'un vers qui une personne victime
pourrait se tourner quand il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, quand il
y a un droit qui n'est pas respecté, et que ce protecteur-là puisse faire
enquête, puisse avoir une force exécutoire pour faire modifier les choses,
réellement, sur le terrain.
Et il y a aussi l'aspect… attendez un
petit peu… On a parlé des locaux. Mon Dieu! il y a tellement de choses qu'on
voudrait vous dire.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Allez-y, c'est le temps pour ça.
Mme Gagnon (Karine) : On a
parlé de ça, on a parlé de ça, on a… puis… Ah! oui, aussi, que les personnes
victimes puissent avoir accès à des conseils juridiques en lien avec les
sphères de leur vie qui sont touchées par leur victimisation, puis que ce
droit-là puisse aussi être complémentaire à l'accompagnement que les organismes
peuvent faire pour s'assurer qu'il y a une cohérence entre ce qui se passe au
criminel, ce qui se passe dans la vie, on va dire, plus civile de la personne
victime. Donc, il y a cet aspect-là aussi. Je pense que ça fait le tour.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Parce que le rétablissement étant au coeur aussi du <projet de loi…
Mme Gagnon (Karine) :
…
organismes peuvent faire pour s'assurer qu'il y a une cohérence entre
ce qui se passe au criminel, ce qui se passe dans la vie, on va dire, plus
civile de la
personne victime. Donc,
il y a cet aspect-là aussi.
Je
pense que ça fait le tour.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Parce que le rétablissement étant au coeur aussi du >projet de loi, je
pense que vous le reconnaissez que c'est important qu'il y ait ce continuum de
services, là, en lien aussi avec l'information entre les différents… Parce que
tout ne peut pas se faire par juste l'arrivée d'un nouveau projet de loi, la
signature d'un projet de loi fait par l'ensemble du continuum de services.
Mme Gagnon (Karine) :
Effectivement.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mme Gagnon,
M. Lysight. Merci beaucoup de répondre à nos questions.
J'ai beaucoup de petits points que
j'aimerais toucher avec vous, aborder avec vous et vous donner le temps
d'ajouter à la lecture qu'on peut faire de votre mémoire, donc de nous donner peut-être
un peu plus de précisions. J'en suis donc à la sectionRecommandations
de votre mémoire. Je commencerais par vos inquiétudes. Vous vous dites «inquiets
de l'abolition des rentes viagères sans qu'un mécanisme clair d'attribution de
montants forfaitaires ne soit établi.» Et vous soulignez à cet effet là que «ne
pas leur verser de compensations significatives pourrait contribuer à les
placer dans un état de pauvreté». J'aimerais vous entendre là-dessus, quant à
cette inquiétude-là, attribution aux montants forfaitaires sans balise clairement
établie.
Mme Gagnon (Karine) : Bien,
en fait, c'est en ce qui concerne la réglementation d'application, c'est
comment les barèmes vont être déterminés, tandis… attendez, je vais juste
retourner…
M. Tanguay
: Page 22,
quatrième point.
Mme Gagnon (Karine) : Pardon.
Oui, bon, c'est ça, exactement. Puis l'aspect aussi de verser des sommes
forfaitaires au lieu de verser des rentes viagères, il y a certaines personnes,
hein, qui sont très vulnérables et, quand elles reçoivent des sommes
forfaitaires, elles ne sont pas à même de les gérer adéquatement. Et ça, c'est
problématique. Parce que ça existe déjà, les sommes forfaitaires, et on le
voit, là, je pense, entre autres, aux gens qui ont des problèmes de
consommation. Il n'y a pas seulement ces situations-là, mais ça, c'est une des
situations qui me vient en tête, où là la personne va, malheureusement, plonger
dans sa consommation, dans sa toxicomanie, puis va se retrouver avec plus rien
ensuite, là. Ça fait que c'est une…
M. Tanguay
: Ça, je
trouve ça intéressant. Je trouve ça intéressant que vous souleviez cette
réalité, évidemment, triste, là. Effectivement, une somme forfaitaire, il y a
toujours le risque, l'envie, le goût, l'opportunité de ne pas budgéter sur une
longue période, surtout pour des personnes qui ont des défis de consommation, c'est…
Et diriez-vous, donc, c'est une partie substantielle des personnes avec
lesquelles vous collaborez? Puis probablement que, dans tous les cas de
consommation, bien, c'est un risque très, très élevé aussi, là.
Mme Gagnon (Karine) : Oui.
Bien, je ne dirais pas que c'est la majorité des gens, mais c'est quand même
une certaine proportion de la clientèle qu'on a, qui vont avoir des problèmes,
là, qui peuvent… que le fait de… pour qui le fait de recevoir une somme
d'argent pourrait précipiter, là, on va dire, la gravité des <problèmes…
M. Tanguay
: …puis
probablement que, dans tous les cas de consommation, bien, c'est un risque
très, très élevé aussi, là.
Mme Gagnon (Karine) :
Bien, je ne dirais pas que c'est la majorité des gens, mais c'est quand même
une certaine proportion de la clientèle qu'on a, qui vont avoir des problèmes,
là, qui peuvent… que le fait de… pour qui le fait de recevoir une somme
d'argent pourrait précipiter, là, on va dire, la gravité des >problèmes.
Par contre, pour n'importe qui, recevoir une somme d'argent qui est assez
substantielle, souvent on parle de dizaine de milliers de dollars, bien, je
pense que pour n'importe qui, ce n'est pas si simple que ça à gérer.
M. Tanguay
: Non, tout
à fait…
Mme Gagnon (Karine) : Ça fait
que je pense que c'est à considérer.
M. Tanguay
: Ah! tout à
fait. Autre élément… puis excusez-moi, je ne veux pas être impoli puis vous
presser, mais on n'a pas beaucoup de temps puis c'est tellement important ce
que vous avez à nous donner comme éclairage. Alors, juste le point en dessous,
à la page 22, le dernier, là : Nous sommes préoccupés quant au
remplacement salarial. Rien n'est prévu pour les personnes qui sont sans
emploi.
Sous le régime actuel, c'est 90 %
comme plancher, 90 % du revenu minimum, mais vous dites : Les
victimes étudiantes ou les victimes qui ne sont pas sur le marché du travail,
de façon même temporaire, lorsqu'elles ont été victimes, pour prendre, par
exemple, soin des enfants, bien, ça, c'est un drapeau rouge que vous soulevez.
Vous vous dites préoccupés de cela.
Mme Gagnon (Karine) : Oui,
bien, en fait, l'idée c'est de pouvoir... Parce que, déjà, quelqu'un qui ne
travaille pas peut déjà avoir de la difficulté à arriver, dépendamment des
situations. Il y a des gens qui font le choix de ne pas travailler, mais le
fait de s'assurer que la personne n'aura pas à se soucier de mettre un toit sur
sa tête, de manger puis de nourrir ses enfants pendant, minimalement, un
certain temps, au moins, c'est une préoccupation que cette personne, là, n'a
pas dans son rétablissement.
Je peux faire un peu le parallèle, ce n'est
pas une compagnie d'assurance du tout, là, l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, mais une personne qui tombe malade au travail et qui doit se soucier
de son rétablissement, mais qui a des démarches à faire auprès de son assureur
pour être indemnisée, c'est déjà une lourdeur de plus. Il me semble… il nous
semble, en fait, que de pouvoir s'assurer qu'on va pouvoir subvenir à nos
besoins de base pour vraiment focusser sur notre rétablissement, c'est un peu
la base.
M. Tanguay
: Et…
M. Lysight (Dave) : …
M. Tanguay
: Oui. Je vous
en prie.
M. Lysight (Dave) : Oui, c'est
ça, puis il faut penser également aux étudiants, aux mamans qui sont victimes
aussi, puis également, évidemment, pour les conséquences qui sont graves,
reliées à un trauma complexe. Vous comprenez, une personne, ce n'est pas parce
qu'elle ne veut pas travailler ou quoi que ce soit, c'est qu'elle est dans
l'incapacité de le faire, parce qu'évidemment d'autres symptômes sont survenus
suite à la survenance des événements. Donc, il y a ces éléments-là. Au niveau
étudiant, maman, particulièrement, là, que je souhaitais mettre sous le radar.
M. Tanguay
: Tout à
fait. J'en suis maintenant à la page 23, votre deuxième point, concernant
vos préoccupations au sens qui sera donné, à l'interprétation qui sera donnée à
certains termes. J'en ai sélectionné quelques-uns, parce que, vite comme ça,
là, vous en avez peut-être huit, 10. Le premier, le titre II de
l'article 2… l'article 2 du titre II, devrais-je dire :
«Les proches, les personnes à charge et les témoins ne semblent pas être
considérés comme des personnes victimes». J'aimerais vous entendre quant à vos
préoccupations, quant au sens qui sera <donné…
M. Tanguay
: ...
parce que, vite comme ça, là, vous en avez peut-être huit, 10. Le premier, le
titre II de l'article 2… l'article 2 du titre II,
devrais-je dire : «Les proches, les personnes à charge et les témoins ne
semblent pas être considérés comme des personnes victimes». J'aimerais vous
entendre quant à vos préoccupations, quant au sens qui sera >donné à ce
terme.
• (11 h 40) •
Mme Gagnon (Karine) : Bien, à
notre... En fait, c'est de dire que ces gens-là peuvent vivre les mêmes
conséquences que la personne victime elle-même, donc devraient avoir droit au
même soutien, aux mêmes services. C'est un peu dans ce sens-là, la
préoccupation.
M. Tanguay
: Et, une
fois qu'on a dit ça puis qu'on est d'accord avec vous, bien, comme législateur,
on a l'obligation de le mettre clairement dans la loi. Puis ça, c'est un autre commentaire
que vous faites. C'est une nouvelle loi, c'est costaud, c'est 190 articles.
Il y a des articles excessivement complexes, dont le fameux article 16. Il
y a beaucoup... en toute bonne foi, une méconnaissance, des fois, de la loi,
des intervenants ou, des fois, il y a beaucoup de subjectivité, ça va amener
une application différente, d'où l'importance de la réglementation qui va être
très large, mais qu'il y ait des consultations là-dessus. Et justement vous
nous invitez, sur ces termes-là : Bien, vous rédigez la loi, précisez-le donc,
comme ça, ça va éviter des écueils. Parce que le débat jurisprudentiel devant
les tribunaux ne se fera pas sur le dos d'une victime qui dit : Bien, aïe!
je pense que j'ai droit, là. Alors, ça, c'est message reçu.
Mme Gagnon (Karine) : Bien,
puis... Puis en fait, ce que vous...
M. Tanguay
: Je vous en
prie.
Mme Gagnon (Karine) : Pardon.
Mais, par rapport, justement, aux témoins, c'est pourquoi on soulève que ça, c'est
un avancement d'avoir vraiment le terme «témoin» dans la loi et non pas
seulement se baser sur ce qui a été interprété par le Tribunal administratif
pour dire que le témoin peut être assimilé à une victime, parce que ce n'est
pas clairement écrit dans la loi. Là, en le mettant clairement dans la loi, c'est
cadré une fois pour toutes, là. Ça ne porte... bien, ça... bon, une loi peut
toujours porter à interprétation, là, mais ça vient clarifier.
M. Tanguay
: Voilà, c'est
ça, tout à fait, tout à fait. Le point suivant, en tout bas de la page 23,
le lien intime, donc, à l'article 10 : «Cette section ne semble pas
inclure les personnes sans lien intime», puis vous donnez un exemple très
tangible, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, les propriétaires d'un
logement locatif, qui découvrent des scènes de crimes et qui éprouvent par la
suite, évidemment, un trauma important à la suite d'une telle expérience. Ça,
mon propriétaire de mon logement, il n'y a pas de lien intime, bien, c'est une
victime collatérale, si je peux dire. Si socialement on veut le couvrir, bien,
il va falloir... il faudra le mettre. Et c'est une autre réalité à laquelle il
faut penser, à laquelle vous nous invitez à réfléchir puis à le mettre dans la
loi.
Mme Gagnon (Karine) : Oui,
tout à fait. Puis, vous savez, ce n'est pas les situations qui se produisent le
plus souvent non plus, là, ça fait qu'en termes de coûts ce n'est peut-être pas
ça qui a le plus gros impact, mais ces gens-là ont besoin de ces services-là.
Puis ça arrive, on l'a vécu, là. Ça a été mis comme exemple parce que c'est un
exemple réel, là, qui est arrivé.
M. Tanguay
: Tout à
fait, tout à fait. Puis merci, justement, d'où la pertinence des consultations,
d'où la pertinence de ne pas… de se hâter lentement, comme disait Boileau, puis
la précipitation est mauvaise conseillère — projet de loi déposé le
10 décembre — d'où la pertinence de vous entendre puis de
continuer à vous entendre. C'est une réforme majeure, là, puis il ne faut pas
manquer le coche parce que, je veux dire, ça aura pris 50 ans pour une
réforme qui est demandée depuis <30...
M. Tanguay
:
…justement, d'où la pertinence des consultations, d'où la pertinence de ne pas…
de se hâter lentement, comme disait BoileauV, puis la précipitation est
mauvaise conseillère, p
rojet de loi déposé le 10 décembre, d'où la
pertinence de vous entendre puis de continuer à vous entendre. C'est une
réforme majeure, là, puis il ne faut pas manquer le coche parce que, je veux
dire, ça aura pris 50 ans pour une réforme qui est demandée depuis >30 ans.
Je veux dire, quand le chapitre de nos travaux se fermera, on ne le rouvrira
pas de sitôt. Alors, c'est important de prendre le temps de bien travailler.
Autre réalité sur laquelle j'aimerais vous
entendre, le haut de la page 25, quand on parle des personnes — puis
ça, c'est une autre réalité, d'où la pertinence de votre témoignage — des
personnes victimes de domination conjugale. Alors là, on est à
l'article 81, Programme d'aide en situation d'urgence : «Le ministre
peut établir un programme d'aide…» Vous dites : «Est-ce que cet article
inclut les personnes victimes de domination conjugale mettant leur vie en
danger ou à haut risque...» J'aimerais vous entendre sur cette autre
réalité-là.
Mme Gagnon (Karine) :
Attendez un petit peu. Laissez-moi juste relire la disposition…
M. Lysight (Dave) : Je vais
revérifier moi aussi.
M. Tanguay
:
L'article 81 : «Le ministre peut établir un programme d'aide en
situation d'urgence qui permet aux personnes dont la vie ou la sécurité ou
celle de leur enfant ou toute autre personne qui en est à leur charge est
menacée…» Alors, vous, vous dites : Bien, est-ce que cet article pourra
inclure les personnes victimes de domination conjugale? Vous nous invitez à le
préciser, le cas échéant.
Mme Gagnon (Karine) : Ah oui!
Bien… O.K., puis je comprends ce qu'on nomme ici. En fait, c'est qu'il y a des
situations de violence conjugale où les gens ne pourront pas quitter ou, en
tout cas, ne voudront pas quitter pour toutes sortes d'éléments particuliers,
entre autres, l'exemple qu'on nomme… puis mon collègue pourra poursuivre, mais,
entre autres, ça nous arrive quand même assez régulièrement, des femmes qui ne
voudront pas quitter leur domicile parce qu'elles ont des animaux. Ça peut
paraître banal, là, mais c'est des choses auxquelles il faudrait penser.
M. Lysight (Dave) : Il y a cet
élément-là, mais notamment aussi tout l'aspect de la violence psychologique,
là. Le processus de domination, évidemment, oui, peut être de l'ordre de la
violence physique, mais il peut être également dans un très grand exercice de
violence psychologique, morale faisant craindre à la personne victime ou à son
entourage… Donc, tout l'aspect du harcèlement, la domination, c'est entre
autres dans ce contexte, là.
M. Tanguay
: Et
j'aimerais souligner… Vous n'aurez pas, malheureusement… Il me reste
20 secondes. J'aimerais souligner votre première recommandation : «Créer
un protecteur des personnes victimes d'infractions criminelles.» Donc, vous le
demandez. C'est important?
Mme Gagnon (Karine) : À notre
sens, oui. Ça prend un endroit où les gens peuvent se référer de façon facile,
directe, claire pour pouvoir faire part de leurs doléances quand ils en ont.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci pour votre présentation. Je veux revenir sur un bout de
conversation que vous avez eu plus tôt avec une de mes collègues sur la
transmission d'informations. Dans votre mémoire, vous dites que ça devrait
faire l'objet d'une meilleure réglementation. Quand vous vous êtes exprimée
tout à l'heure, vous avez dit que ça devrait être prévu dans la loi. Est-ce que
ça fait une différence, pour vous, que ça soit dans la loi ou dans un
règlement? Puis qu'est-ce qui <devrait être…
Mme Labrie : …Je veux
revenir sur un bout de conversation que vous avez eu plus tôt avec une de mes
collègues sur la transmission de l'information. Dans votre mémoire, vous dites
que ça devrait faire l'objet d'une meilleure réglementation. Quand vous vous
êtes exprimée tout à l'heure, vous avez dit que ça devrait être prévu dans la
loi. Est-ce que ça fait une différence, pour vous, que ça soit dans la loi ou
dans un règlement? Puis qu'est-ce qui >devrait être inscrit dans la loi
pour, justement, faciliter votre travail, là, puis permettre la transmission
d'informations?
Mme Gagnon (Karine) : Bien,
en fait, le libellé de l'article 99, en ce qui concerne les services de
police, qui existe déjà, là, dans le projet de loi, c'est l'article 99,
là, si ma mémoire est bonne, je pense que le même libellé pourrait être repris,
mais pour les différents partenaires avec qui on travaille. Et je pense que ça
faciliterait, parce qu'il serait, par la suite, légitimé de… il y aurait moins
d'embûches au niveau… C'est la protection… puis c'est correct, là, chacun doit
protéger les renseignements personnels de la clientèle qu'il y a dans son
organisation, c'est normal, mais il faut créer ce… j'appellerais ça ce pont-là
facilitant. Puis je pense que, si c'est dans la législation, ça vient vraiment
asseoir la chose. Puis là je ne suis pas en train de dire qu'on n'a jamais
accès à l'information, là, ce n'est pas ça, du tout, on a déjà des mécanismes
prévus, mais il y a des choses qui accrochent, puis ce n'est pas toujours
simple quand on essaie de trouver des solutions.
Puis l'idée, aussi, c'est que ça ne soit
pas tributaire des personnes qui sont en place, hein? Que ce soit vraiment
inscrit dans la loi, à ce moment-là, bien, c'est une obligation pour tout le
monde, dans le même sens pour nous aussi, là. Nous aussi, on doit communiquer
des choses à nos partenaires. Et ça vient faciliter la fluidité de tout ça, à
mon avis. Je ne sais pas si mon collègue veut…
Mme Labrie : J'entends que le
libellé, il en existe un, déjà, qui est adéquat, mais simplement le reprendre
pour d'autres…
Mme Gagnon (Karine) : Oui. Il
faudrait le… Oui, c'est ça.
Mme Labrie : C'est très clair.
Merci…
Le Président (M. Bachand) :
M. Lysight, voulez-vous rajouter quelque chose?
M. Lysight (Dave) : Non, c'est
correct.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Alors, je cède la parole à la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui.
Merci beaucoup. Évidemment, vous amenez des points très, très pertinents. Vous
faites bien ressortir que toutes les situations ne sont pas les mêmes, et que
les personnes qui… bien sûr, après trois ans, ne seront pas rétablies,
d'où le questionnement sur l'abolition complète des rentes viagères. Est-ce que
vous pensez qu'on pourrait imaginer un système où, pour certaines personnes,
c'est du forfaitaire, mais, pour d'autres, on devrait garder les rentes
viagères, parce qu'on le sait, d'emblée, que le rétablissement va prendre
beaucoup de temps?
Mme Gagnon (Karine) :
J'imagine que c'est quelque chose qui pourrait être fait. Maintenant, comment
asseoir ça? Comment expliquer aux gens que, vous, on vous donne une somme
forfaitaire, vous, c'est une rente viagère? Tu sais, il y a quelque chose à
réfléchir par rapport à ça, mais de dire : Est-ce que, sur le terrain, ce
serait pertinent qu'il puisse y avoir les deux en fonction de la situation des
gens? Certainement. Mais, maintenant, après ça, comment attacher tout ça? C'est…
Mme
Hivon
:
Effectivement. On est un peu, en fait, dans la même situation que vous parce
qu'on ne sait pas, vu qu'il y a des pouvoirs réglementaires vraiment énormes,
on ne le sait pas, l'ampleur des <montants qui sont…
Mme Gagnon (Karine) :
…qu'il puisse y avoir les deux en fonction de la
situation des gens?
Certainement. Mais, maintenant, après ça, comment attacher tout ça? C'est…
Mme
Hivon
:
Effectivement. On est un peu, en fait, dans la même
situation que vous
parce
qu'on ne sait pas, vu qu'il y a des pouvoirs réglementaires vraiment énormes,
on ne le sait pas, l'ampleur des >montants qui sont envisagés, à quel
point ça va être différent. Donc, c'est des hypothèses que je voulais vous
soumettre.
L'autre enjeu, c'est que vous aviez dit
qu'il y a encore des efforts à mettre pour la question de l'aide et des droits
des victimes en fusionnant les deux lois dans une seule. Si je résume,
d'autres nous ont dit ça : L'aspect indemnisation a été bien retravaillé,
mais beaucoup moins celui de l'aide. Donc, qu'est ce qu'on devrait… On devrait
préciser, selon vous, tous les mécanismes d'aide pour que les droits soient
bien précisés, c'est ça?
• (11 h 50) •
Mme Gagnon (Karine) : Bien,
ça serait intéressant que ce soit nommé dans la loi. Et ce serait intéressant
aussi que la loi prévoie la façon d'informer la population de l'existence des
services qu'il y a déjà. Il y a déjà énormément de sommes investies, puis, là,
on ne parle pas juste de nous, là, de notre réseau, là, on a un paquet
d'organismes partenaires, là, il y a un paquet d'organismes partout sur le
territoire du Québec qui offrent les services aux personnes victimes. Puis
malheureusement, comme le nommait mon collègue tout à l'heure, on entend encore
trop souvent : Il n'y a pas d'aide, il n'y a pas de…
Évidemment, les gens qui sortent dans les
médias, c'est, malheureusement, les gens qui ont eu des expériences plus
négatives, puis ça existe, là, on n'est pas dans un monde rose, là, on sait que
tout n'est pas parfait, mais ce serait important que la population, en général,
soit au courant des services qui existent déjà et qui soit au courant avant… bien,
«avant», on ne souhaite pas à personne, là, d'être victime, mais avant de se
retrouver dans cette situation-là parce que, trop souvent encore, on entend de
nos gens qui sont dans nos services : Bien, moi, le CAVAC, je ne savais
pas qu'est-ce que c'était avant que ça m'arrive, moi, je n'avais jamais entendu
parler de ça. Puis ça, c'est récurrent, c'est partout, là, dans notre réseau
qu'on entend ça encore. Il y a du travail à faire, je pense, par rapport à ça,
tu sais, des campagnes nationales pour que les gens soient au courant que ces
services-là, ils sont en place puis ils sont offerts par différents types
d'organismes.
Et puis, après ça, bien, on parle plus,
peut-être, de l'application, comme on parlait tout à l'heure des locaux dans
les palais de justice, tu sais, on parle plus des aspects terrain de la chose,
mais est-ce que ça doit être dans la loi, dans la réglementation? Je ne serais
pas en mesure de répondre à cette question-là, mais ça devrait être prévu, à
quelque part, qu'on doit prioriser ça. Exemple : les locaux dans un palais
de justice, la façon dont ça doit être installé dans un palais de justice puis
quelle norme ça doit rencontrer pour répondre aux besoins des personnes
victimes.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, merci beaucoup. Ça conclut notre échange. Alors, merci beaucoup,
Mme Gagnon, M. Lysight, d'avoir été avec nous.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à
14 heures. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 11 h 51)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 heures)
Le Président (M.
Bachand) : Bonjour, tout le monde. Bon après-midi. La
Commission des institutions reprend ses travaux.
Nous poursuivons donc l'étude des consultations
publiques… particulières, pardon, et auditions publiques sur le projet de loi
n° 84, Loi visant à aider les personnes victimes
d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Cet après-midi, nous entendrons les
personnes et groupes suivants : Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, la
Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle, le Centre des
ressources et d'intervention pour hommes abusés sexuellement dans leur enfance,
Me Elizabeth Corte et Mme Julie Desrosiers. Mais nous débutons avec
Mme Stéphanie Tremblay et Mme Laurence Morin, du Regroupement
québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère
sexuel, ce qu'on connaît mieux sous l'acronyme CALACS.
Donc, mesdames, bienvenue à la commission.
C'est très apprécié que vous soyez avec nous cet après-midi. Alors, sur ce,
comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation au total, et, après
ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous laisse
la parole. Et, encore une fois, merci de participer aux travaux de la
commission.
Regroupement québécois des centres d'aide et de
lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Merci beaucoup. Donc, je vais débuter la présentation... En fait, je vais
débuter d'abord, là, c'est certain, en remerciant, là, le ministre de la
Justice, M. Jolin-Barrette, d'avoir déposé cet important projet de loi là.
Ça faisait longtemps qu'on l'attendait.
Et, comme vous savez, hein, il y a une
grande proportion des personnes qui font des demandes IVAC, donc
l'Indemnisation des victimes d'actes criminels. Je pense que je ne vous
apprends rien, là, c'est juste une déformation professionnelle, je pense, de
toujours nommer les acronymes. Donc, il y a une grande proportion, là, des
personnes qui font des demandes IVAC qui sont des victimes d'agression sexuelle.
Alors, je vous dirais, là, que, dans les deux dernières semaines, je pense
qu'il n'y a pas un seul CALACS qui ne nous a pas appelés pour nous demander si
on allait être entendus à cette commission-là et pour pouvoir, là, jeter un
oeil à cet important projet de loi là, là. Donc, c'est très apprécié d'être
convié ici, là, à cet exercice démocratique là, et…
(Interruption)
Mme Tremblay (Stéphanie) : Oups!
mon ordinateur vient de se mettre en veille. Et donc, voilà, et c'est très
apprécié aussi de voir qu'il y a ce dossier-là qui bouge.
Alors, on va commencer la présentation,
là, vraiment… Bien, je vais vous parler très, très rapidement du regroupement,
de son approche, et ma collègue Laurence, qui travaille dans un CALACS, en fait,
elle est intervenante au CALACS-Agression Estrie, donc elle vient vous parler
plus en détail, là, de qu'est-ce que les CALACS et qu'est-ce qu'ils font
exactement, notamment, qu'est-ce que leur… qu'est-ce qu'ils font en termes
d'accompagnement, là, judiciaire. Après ça, là, bien, c'est sûr qu'on a déposé
un mémoire, on l'a déposé il y a comme, je pense, deux heures, là, donc
j'imagine que vous n'avez pas eu le temps de le lire, on va vous faire une
présentation très sommaire, là, des principales recommandations, là, qu'on a à
faire. Donc, voilà.
Bien, dans un premier temps, le Regroupement
québécois des CALACS, bien, c'est un <organisme…
Mme Tremblay (Stéphanie) :
...on l'a déposé il y a comme, je pense, deux heures, là, donc j'imagine
que vous n'avez pas eu le temps de le lire, on va vous faire une présentation
très sommaire, là, des principales
recommandations, là, qu'on a à faire.
Donc, voilà.
Bien, dans un premier temps, le
Regroupement québécois des CALACS, bien, c'est un >organisme sans but
lucratif, communautaire qui... en fait, on relève, là, de l'action
communautaire autonome et on regroupe 26 CALACS, donc les centres d'aide
et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Et notre mission, c'est
vraiment de rassembler, en fait, ces CALACS-là pour favoriser, là, l'échange
d'expertise entre nos membres pour développer, là, des solutions toujours plus
adaptées pour les survivantes de violence sexuelle. Et on a aussi comme
mission, là, finalement, de défendre les droits de l'ensemble des victimes
d'agression sexuelle qui sont... qui résident au Québec. Et, en 2019, eh
bien, on fêtait notre 40e anniversaire. Donc, c'est vraiment 40 ans,
là, d'expertise que les CALACS incarnent, là. Le premier CALACS a vu le jour en 1975
et le regroupement s'est formé en 1979.
Donc, très rapidement, je voulais quand
même placer notre analyse de la violence sexuelle parce que c'est quand même
important dans le cadre de cette consultation-là. Là, je vois le temps qui
avance. Mon Dieu! on n'aura jamais le temps de tout traiter. Je vais quand même
prendre le temps, puis quitte à ce qu'on échange plutôt sur nos recommandations,
là, par la suite, là, on aura quand même 35 minutes d'échange, là. Donc,
voilà, au niveau de l'analyse, je vais vraiment spécifier qu'on a une analyse
sociale qu'on va appeler une analyse féministe aussi de la violence sexuelle.
Donc, on considère vraiment que c'est un phénomène, là, qui est ancré dans
notre société par les rapports inégaux, là, entre les sexes… j'ai envie de dire
«notamment», mais les rapports inégaux notamment entre les sexes. C'est-à-dire
que, de plus en plus, on considère, là, que tous les types de discrimination
vont alimenter les violences sexuelles, le phénomène des violences sexuelles,
l'occurrence de violence sexuelle, c'est-à-dire que… bon, je pense au
colonialisme, au capacitisme, au racisme, à l'homophobie, à la transphobie
également. Donc, ce sont tous des systèmes de discrimination qui vont favoriser
l'occurrence, malheureusement, de violence sexuelle chez les personnes qui sont
visées par ces systèmes de discrimination là. Donc, c'est une analyse vraiment
globale de la violence sexuelle qu'on fait et qui va transparaître nécessairement,
là, dans les recommandations qu'on va faire.
Laurence, je te laisserais peut-être
parler rapidement des CALACS, qu'est-ce que vous faites et... qu'est-ce qu'on
fait, en fait, et de l'accompagnement judiciaire.
Mme Morin (Laurence) : Parfait.
Bonjour. Merci de nous recevoir. Est-ce que vous m'entendez bien, tout le monde?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, très bien.
Mme Morin (Laurence) :
Parfait. Donc, en gros, nous, on offre… Les CALACS, c'est des services aux
femmes et aux filles de 12 ans et plus et à leurs proches. On a trois volets
par lesquels on va agir : l'aide directe, donc individuelle et de groupe,
redonner du pouvoir aux femmes, les aider à surmonter les conséquences des
violences sexuelles subies, deuxième volet, on fait de la prévention et de la
sensibilisation, donc tout ce qui est atelier, conférence, kiosque, autant
grand public, des écoles secondaires, enseignement supérieur, formation aux
personnes intervenantes dans divers milieux, troisième volet, comme aujourd'hui,
lutte et action politique, lutte et défense de droit, donc on met en oeuvre des
<actions...
Mme Morin (Laurence) :
…prévention et de la sensibilisation, donc tout ce qui est atelier, conférence,
kiosque, autant grand public, des écoles secondaires, enseignement supérieur,
formation aux personnes intervenantes dans divers milieux; troisième volet,
comme
aujourd'hui, lutte et action politique, lutte et défense de droits,
donc on met en œuvre des >actions pour avoir des changements au niveau
politique, social, juridique et on défend les droits collectifs des femmes qui
ont vécu des violences sexuelles.
L'accompagnement judiciaire, ça fait
partie des services qu'on offre, c'est gratuit, c'est disponible. À chaque
étape du processus judiciaire, on va offrir d'accompagner les femmes et les
filles, on va pouvoir les soutenir, les orienter, les informer, réduire les
risques d'être revictimisées dans le processus.
Juste pour vous donner une idée, messieurs
dames, là, en 2019‑2020, nous, les 26 CALACS du regroupement, on a fait
550 accompagnements dans les procédures de justice criminelle ou civile.
Puis, les demandes IVAC, les fameuses demandes IVAC, on a aidé environ
430 personnes à en remplir en 2019‑2020.
Donc, est-ce que, Stéphanie, je pouvais
commencer avec les recommandations, c'est bon?
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Oui, je te laisserais commencer.
Mme Morin (Laurence) : O.K.
Alors, très sommairement, on a d'autres recommandations. Notre première
recommandation : considérant la complexité du projet de loi, compte tenu,
en ce moment, du contexte de pandémie mondiale dans laquelle on est, comment que
ça complexifie nos réalités, autant les femmes que les organismes, considérant
le fait qu'on a eu des délais de révision du projet de loi, qu'on considère
nettement insuffisants, on demande aux parlementaires de reporter le projet de
loi, de réaliser des consultations qui reconnaîtraient l'apport des groupes des
personnes qui travaillent à la défense des droits des victimes en leur laissant
le temps nécessaire pour examiner, là, de manière rigoureuse, approfondie, le projet
de loi pour exprimer leurs recommandations de manière adéquate.
Deuxième recommandation : on
recommande de ralentir le processus d'étude du projet de loi n° 84 pour
élaborer une loi qui serait harmonisée avec la Charte canadienne des droits des
victimes. Donc, vous avez sûrement entendu parler du rapport Rebâtir la
confiance du comité d'expertes et d'experts, là, sur l'accompagnement des
victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale, il y avait un
chapitre complet sur la promotion et l'application de la Charte canadienne des droits
des victimes. Donc, c'est tellement peu fréquent qu'il y ait une réforme, comme
on vit en ce moment, qu'on se dit qu'il faut absolument tenir compte des plus
récentes recommandations qui ont été publiées au Québec, ici, par rapport à la
Charte canadienne des droits des victimes.
Troisième recommandation : on insiste
sur l'importance que le présent projet de loi adresse adéquatement la
recommandation 176 du rapport du comité, dont je vous parlais tout à
l'heure, d'expertes et d'experts. Donc, c'était aussi présent, puis je vais
vous dire c'est quoi rapidement, mais juste que vous sachiez, dès 1993,
cette recommandation-là, elle se retrouvait dans un rapport, un mémoire de
l'Association <québécoise…
Mme Morin (Laurence) :
…adéquatement la
recommandation 176 du rapport du comité, dont je
vous parlais
tout à l'heure, d'expertes et d'experts. Donc, c'était
aussi présent, puis je vais vous dire c'est quoi rapidement, mais juste que
vous sachiez, dès 1993, cette recommandation-là, elle se trouvait dans un
rapport, un mémoire de l'Association >québécoise Plaidoyer-Victimes. Et
ça dit quoi? C'est la recommandation n° 3, de mettre en place des
mécanismes simples, rapides puis des outils qui vont permettre d'accueillir et
de traiter les plaintes formulées par les personnes victimes quand elles
considèrent que leurs droits à l'information, à la protection, à la
participation puis au dédommagement n'ont pas été respectés.
• (14 h 10) •
La quatrième recommandation. Je ne sais
pas si vous étiez au courant, mais, en 2019, il y a eu 92 demandes à
l'IVAC qui ont été refusées à cause du motif d'exclusion appelé la faute
lourde. Ce motif d'exclusion là, dans certains cas, bien sûr, là, il va être
légitime, il va être pertinent. Par contre, il a été utilisé pour empêcher
l'admissibilité au régime de victimes de violence sexuelle, on pense surtout
ici aux victimes de l'exploitation sexuelle, donc, quand il y a de l'échange de
sexualité contre autre chose, donc, le fait que la victime n'avait pas été
démontrée comme une victime innocente. Donc, la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs l'a bien expliqué, le fait d'appliquer le
concept de faute lourde de cette manière-là, c'est comme si ça impose un
fardeau à la victime, sans que ce soit prévu par la loi de l'IVAC, et sachez
que le Protecteur du citoyen a fait le même constat : attribuer à l'IVAC
que l'interprétation de la faute lourde était trop large puis que les décisions
faisaient porter à la victime le fardeau de preuve. Donc, notre recommandation,
ici, c'est simplement d'ajouter un article de loi qui spécifierait que la
notion de faute lourde, elle ne s'applique pas aux cas de violence sexuelle ni
de violence conjugale.
Recommandation 5, maintenant, donc…
Le Président (M.
Bachand) : Mme Morin, je dois vous dire qu'il reste très
peu de secondes, puis je sais que… puis je ne veux pas vous interrompre en
plein milieu d'une recommandation, mais…
M. Jolin-Barrette : ...sur
mon temps, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui? D'accord. Alors donc, c'est ce que j'allais
dire, donc, sur le temps du ministre, je vous laisse continuer.
Mme Morin (Laurence) : Merci
beaucoup au ministre Jolin-Barrette et à vous.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre.
Mme Morin (Laurence) : Donc,
la recommandation 5. Un peu de la même manière que la faute lourde, qui
est une barrière d'accès au régime de l'IVAC, qui… pour les victimes de
violence sexuelle, le droit à la subrogation que s'octroie le ministre à
l'article 27 du projet de loi a le même résultat. Pourquoi? Alors, on va
être en désaccord, nous, qu'on puisse recourir à la subrogation quand il y a
des agressions sexuelles ou de l'inceste. Nos réserves sont lesquelles? En fait,
c'est surtout quand ça force le maintien d'un lien entre l'agresseur et la
victime contre la volonté de cette dernière. On peut penser, puis c'est... Dans
environ 85 % des cas, l'agresseur est une personne que la victime
connaissait, en qui elle avait confiance. Donc, imaginez, c'est probablement un
proche, c'est peut-être un membre de la famille, un ancien conjoint, un <ami.
Et…
Mme Morin (Laurence) :
...l'agresseur et la victime contre la volonté de cette dernière. On peut
penser, puis c'est dans
environ 85
% des cas, l'agresseur
est une personne que la victime connaissait, en qui elle avait confiance. Donc,
imaginez, c'est probablement un proche, c'est peut-être un membre de la
famille, un ancien conjoint, un >ami. Et aussi ça fait en sorte que la
victime, elle ne veut pas porter plainte à la police parce qu'elle veut rompre
le lien avec cet agresseur-là, elle pourrait se voir forcée de le confronter au
procès à cause d'une réclamation qui serait intentée par l'IVAC. Cette
clause-là, vous pouvez vous l'imaginer, c'est une source de stress incroyable
pour les victimes, ça peut les revictimiser, donc les faire revivre les
symptômes, notamment, de stress post-traumatique qui sont liés à ça. Donc,
notre recommandation 5, d'ajouter un article de loi qui spécifierait que
le droit de subrogation, il ne s'applique aux victimes de violence sexuelle ni
de violence conjugale.
Je termine, pour ma part, avec la
recommandation 6. Donc, je vous dirais que... Je vous la nomme pour
commencer : de réviser l'article 46. Dans quel but? De sorte que le
recrutement et la rémunération des professionnels de la santé soient mieux
encadrés pour les demandes d'IVAC. Il y a tellement de cas, messieurs dames, autant
de réhabilitation ou de cas d'évaluation, où on voit que c'est... qu'on peine à
l'IVAC à recruter suffisamment de professionnels de la santé. Il y a un nombre
énorme de victimes qui nous rapporte avoir de la difficulté à trouver des
personnes psychothérapeutes qui soient compétentes, qui soient surtout adaptées
à leurs besoins et qui acceptent des mandats de l'IVAC.
Je note deux petites choses. Il y a
souvent un enjeu de parité dans la liste de professionnels qui sont désignés
par l'IVAC, donc moins de femmes que d'hommes. Ici, dans les violences
sexuelles, c'est un enjeu qui est problématique parce que la majorité des
agresseurs déclarés vont être de sexe masculin. Et la situation fait que les
victimes vont être confrontées à être évaluées dans toute leur vulnérabilité
par des hommes qui n'ont pas nécessairement une expertise en intervention avec
les victimes.
Dernier point, là, ça se peut que des
victimes aient à parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres pour
aller rencontrer une personne psychiatre pour les évaluer, quand elles sont des
régions éloignées, c'est une barrière.
Je vais ici céder la parole à ma collègue
Stéphanie pour continuer les six autres recommandations. Merci de votre
écoute, votre attention.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Merci.
Merci, Laurence. Il nous reste combien de temps, environ?
Le Président (M.
Bachand) : Bien, l'idée, c'est qu'il reste à peu près
13 minutes pour la période d'échange avec la partie ministérielle. Ça fait
que je vous inviterais peut-être à accélérer le rythme pour avoir une chance
d'intervenir avec le ministre.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Tout à fait. Donc, je vais aller très rapidement, en fait. Donc, on a deux autres
recommandations qui visent vraiment, là, cette question-là des professionnels
de la santé, là. C'est-à-dire qu'il y a vraiment un enjeu au niveau du choix
pour les victimes de pouvoir, là, faire appel aux professionnels de la santé
qu'ils ont choisis. Donc, il y a vraiment un article de loi, là, qui stipule
que... Bien, en fait, c'est qu'il y a une liste à l'IVAC qui va vraiment
répertorier une certaine quantité de professionnels de la santé qui peuvent
être remboursés. Et ça, pour nous, c'est un enjeu parce que les victimes,
finalement, n'ont pas nécessairement accès aux ressources dont elles ont <besoin.
Donc, ça, c'est...
Mme Tremblay (Stéphanie) :
…à l'IVAC qui va vraiment répertorier une certaine quantité de professionnels
de la santé qui peuvent être remboursés. Et ça, pour nous, c'est un enjeu parce
que les victimes, finalement, n'ont pas
nécessairement accès aux
ressources dont elles ont >besoin. Donc, ça, c'est une chose, au niveau
des professionnels de la santé. Puis il y a vraiment au niveau aussi, là, de la
formation des agents, agentes de l'IVAC qui devraient être mieux formés, qui
devraient travailler de pair aussi avec, notamment, les intervenantes des
CALACS, mais toutes les intervenantes qui travaillent, là, auprès des victimes
pour mieux accompagner les victimes, mieux les informer sur toutes les
ressources auxquelles elles pourraient avoir accès. Et c'est vraiment important
parce que c'est tout un processus, là, puis je tiens… je vais quand même
prendre le temps de le mentionner, parce que c'est vraiment… c'est au coeur de
l'approche des CALACS, au niveau de l'intervention, vraiment, de laisser les
victimes faire leurs propres choix pour les… bien, en fait, faire leurs propres
choix dans leur processus de guérison, hein, suite aux agressions sexuelles.
Donc, l'article de loi qui stipule, là, que, finalement, il y a un règlement
qui peut déterminer si une ressource va être remboursée ou pas, pour nous,
c'est un problème, parce que c'est important de laisser les victimes choisir
les ressources auxquelles elles vont avoir accès.
Je vais terminer, dans le fond, on a deux autres,
je dirais, secteurs de recommandations. Il y en a au niveau des agressions
sexuelles qui sont commises à l'extérieur du Québec, je vais y revenir.
Je veux vraiment mentionner notre
recommandation sur la modification de la Loi sur l'aide aux personnes et aux
familles pour assurer une exclusion totale et permanente de toutes sommes
versées par l'IVAC. Donc, on voudrait vraiment profiter du projet de loi
n° 84 pour apporter une modification à cette loi-là, qui est complètement
injuste et inéquitable. Donc, je veux vraiment… En fait, je ne vous la décrirai
pas en détail, là, mais je tenais quand même à le spécifier explicitement pour
apporter, vraiment, là, votre regard sur cette recommandation-là. Donc, je le
sais qu'on n'est pas les seuls à l'avoir recommandée. Le projet de loi n° 84,
il est vraiment costaud, complexe, ça vaudrait la peine, vraiment, d'ajouter à
ça, là, une modification de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Il
y a l'espace pour ça, c'est un projet de loi qui est construit, hein, qui
permettrait… qui permet la modification d'autres lois. Donc, on aimerait
beaucoup que ce soit fait, parce que c'est vraiment une injustice incroyable
pour les victimes les plus vulnérabilisées.
Puis je vais terminer vraiment avec nos
recommandations sur les infractions commises à l'extérieur du Québec. En fait,
je vais vraiment mettre l'emphase sur le fait qu'on n'a pas eu le temps de
consulter les groupes, nos groupes partenaires qui sont… qui ont une expertise
en immigration. Et, pour nous, il y a des enjeux excessivement problématiques
dans ce chapitre-là, en fait, du projet de loi. Donc, on salue, évidemment,
l'inclusion des crimes qui ont été commis à l'extérieur du Québec. C'est une
avancée incroyable, mais il y a des enjeux vraiment problématiques, là. Donc,
on veut, vraiment, encore là, freiner l'étude du projet de loi pour être
capables de consulter des ressources qui sont adaptées. Donc, je <vais…
Mme Tremblay (Stéphanie) :
…du
projet de loi. Donc, on salue évidemment, hein, l'inclusion des
crimes qui ont été commis à l'extérieur du Québec. C'est une avancée
incroyable, mais il y a des enjeux vraiment problématiques, là. Donc, on veut
vraiment, encore là, freiner l'étude du
projet de loi pour être capables
de consulter des ressources qui sont adaptées. Donc, je >vais m'arrêter
là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme Tremblay, Mme Morin. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
combien de temps nous reste-t-il, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : 9 min 30 s.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Mme Tremblay, Mme Morin, merci d'être présentes en commission
parlementaire puis de nous partager votre expertise relativement au dossier. Je
tiens à vous rassurer, si, au cours des prochaines semaines, vous avez
davantage de commentaires relativement à la dernière section pour les crimes
commis à l'étranger, n'hésitez pas à les faire parvenir au secrétariat de la
commission, on va pouvoir en prendre connaissance, relativement à vos
commentaires.
Sur le point de retarder l'étude du projet
de loi, j'explique le processus. Pour tenir les consultations, il y a eu une
entente avec les quatre groupes parlementaires ici, à l'Assemblée
nationale, et c'est pour ça qu'on entend les groupes cette semaine. Et surtout
il faut comprendre que la réforme de l'IVAC, aussi, pour pouvoir donner les
aides supplémentaires, pour pouvoir faire en sorte, aussi, d'élargir la liste
des crimes, parce qu'actuellement il y a certaines personnes qui se font dire
non par l'IVAC parce que le crime n'est pas couvert ou qui se retrouvent dans
des situations où il y a de la prescription, bien, plus on retardera l'adoption
du projet de loi, plus on se retrouvera dans des situations où certaines
victimes qui pourraient être couvertes par le régime actuel ne le seront pas
tant que le projet de loi n'est pas adopté, aussi. Donc, il y a un enjeu aussi
relativement à cela.
Mais j'étais curieux de vous entendre, bon,
sur la question de la faute lourde, vous n'êtes pas le premier groupe à nous le
dire, je vais l'étudier sérieusement en matière, notamment, de violence
sexuelle. Sur la question… Vous avez dit : La liste des professionnels à
la DIVAC... Dans le fond, il y a une liste mais la victime peut choisir
quelqu'un de son choix, mais on va bonifier ça aussi, on va permettre à des
sexologues aussi d'être couverts. On veut s'assurer, là, d'offrir davantage de
soutien aux victimes, davantage également de ressources.
Et surtout, je me demandais, vous, là, en
matière… On met en place un programme d'urgence dans le cadre du projet de loi.
Qu'est-ce que vous en pensez? Pour sortir du milieu, là, rapidement.
• (14 h 20) •
Mme Tremblay (Stéphanie) : Au
niveau de l'exploitation sexuelle?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, tous les types de domaines mais incluant l'exploitation sexuelle, parce
que, oui, bien entendu, ça va couvrir. D'autant plus que maintenant, ça devient
une infraction qui est admissible, l'exploitation sexuelle.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Oui, bien, en fait, sur ce fonds d'urgence là… Bien, en fait, c'est ça, moi, je
me demandais… Parce qu'il faut dire aussi, puis je pense qu'on ne l'a pas
nommé, là, que c'est un projet de loi qui est excessivement complexe et qui m'a
donné, personnellement, je vais parler en mon nom personnel, qui m'a donné mal
à la tête. Il y a des articles de loi qui sont vraiment, pour une non-juriste,
là… puis ce n'est pas… je veux dire, j'ai 10 ans d'expérience dans le
domaine des violences sexuelles, j'ai fait de l'intervention, je suis aux
communications, aux enjeux politiques, là, ce n'est pas parce que je ne suis
pas intelligente, là, mais vraiment il y a des articles de loi que je trouvais
complètement incompréhensibles. Au niveau du fonds d'urgence, je me demandais
s'il n'y avait pas un lien avec le… Il y a eu une annonce, là, dernièrement,
justement, du ministère de la Justice, avant les fêtes, sur un fonds, là, qui
serait géré par SOS Violence conjugale, où les victimes de violence <peuvent…
Mme Tremblay (Stéphanie) :
…politiques, là, ce n'est pas parce que je ne suis pas intelligente, là, mais
vraiment il y a des articles de loi que je trouvais complètement
incompréhensibles. Au niveau du fonds d'urgence, je me demandais s'il n'y avait
pas un lien avec le… Il y a eu une annonce, là, dernièrement, justement, du
ministère
de la JusticeT, avant les fêtes, sur un fonds, là, qui serait géré par SOS
Violence conjugale, où les victimes de violence >peuvent téléphoner puis
être indemnisées pour des ressources, là, alimentaires, des ressources
d'hébergement, tout ça. Est-ce qu'on fait référence à ce fonds d'urgence là?
M. Jolin-Barrette :
Effectivement.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Parfait.
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, il va être pérennisé par la réforme de l'IVAC. Dans le fond, ça tombe
dans les attributs financiers de l'IVAC. Donc, il a été annoncé rapidement pour
la première année, mais, par la suite, on l'inclut dans le projet de loi pour
qu'il ait une assise financière, pour s'assurer qu'on puisse le rendre pérenne
et on peut s'assurer d'offrir ce service-là.
Peut-être, j'aimerais ça vous entendre sur
quand vous recevez une victime de violence sexuelle. On nous a beaucoup parlé,
bon, des formulaires qui étaient compliqués à remplir, tout ça. Est-ce que ça
vous arrive d'avoir des victimes qui se sont fait dire non parce qu'elles
étaient hors délai en matière d'agression sexuelle, par l'IVAC?
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Laurence, est-ce que tu veux y aller ou tu voulais que j'y aille? Parce que
c'est sûr, la réponse est oui, là, c'est arrivé, donc, c'est sûr… Laurence, est-ce
que tu voulais que je te laisse la parole?
Mme Morin (Laurence) : Je te
laisse aller puis je compléterai avec mon expérience terrain si tu veux aussi,
là.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Oui, c'est ça, donc, effectivement, oui, c'est arrivé. Donc, pour nous, bien, en
tout cas, dans notre compréhension, là, le projet de loi venait vraiment
inscrire l'abolition, là, du délai de prescription pour les victimes d'agression
sexuelle. Si je ne me trompe pas, là, je n'ai pas le… je ne veux pas aller
fouiller dans le projet de loi, là, mais ça n'incluait pas nécessairement les
victimes de violence conjugale qui rencontrent des enjeux similaires à ceux des
violences sexuelles, là. Donc, pour nous, il y avait un enjeu à ce niveau-là,
mais sinon…
M. Jolin-Barrette : Je vous
rassure, Mme Tremblay, ça les inclut également. On a aboli la prescription
pour la violence subie pendant l'enfance, violence sexuelle et violence conjugale.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Parfait. Donc, ça, pour nous, je trouve que c'est un bon exemple, puis on le nomme
dans notre mémoire, c'est un bon exemple d'article de loi qui va vraiment venir
structurer puis faciliter l'accès des victimes à ces régimes-là, parce qu'au
lieu d'un règlement ou d'une directive qui va laisser, vraiment, là, tu sais,
un pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires de l'IVAC, bien, c'est un article
de loi qu'on n'a pas le choix de respecter. Donc, effectivement, ça, c'est une grande
avancée, là, pour les femmes qu'on accompagne, tout à fait, parce que c'est un
enjeu qu'on rencontrait.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que vous vouliez rajouter quelque chose, Mme Morin?
Mme Morin (Laurence) : Non,
merci. C'est bon.
M. Jolin-Barrette : Ça va? Parfait.
Écoutez, je vais céder la parole à mes collègues qui souhaitent vous poser des
questions, mais un grand merci, Mme Tremblay et Mme Morin, pour votre
présence en commission parlementaire ce matin, c'est apprécié.
Une voix : Merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci, M. le ministre. Je cède la parole au
député de Chapleau. Il reste quatre minutes. M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Morin et Mme Tremblay, pour
votre témoignage aujourd'hui, là, merci d'être avec nous. Peut-être une petite
question en lien avec votre expérience, puis vous allez peut-être pouvoir nous
éclairer, là, à la commission. Souvent, il y avait des enjeux de rejoindre les <victimes
pour...
Le Président (M.
Bachand) : ...
M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci
beaucoup,
M. le Président. Merci, Mme Morin et Mme Tremblay,
pour votre témoignage
aujourd'hui, là, merci d'être avec nous.
Peut-être
une petite question en lien avec votre expérience, puis vous allez
peut-être
pouvoir nous éclairer, là, à la
commission. Souvent, il y avait des
enjeux de rejoindre les >victimes pour qu'elles puissent mieux connaître
leurs droits et leurs ressources qui s'offrent à elle. Est-ce que vous avez peut-être
des pistes de solution à nous offrir sur ces questions-là?
Mme Tremblay (Stéphanie) :
C'est une bonne question. Laurence, je ne sais pas si tu avais une réponse à
accorder. C'est sûr que nous, dans les CALACS, d'emblée, on va toujours en
parler. Puis, d'expérience, tu sais, nous autres, dans le fond, il y a à peu
près un délai, là, de 10 ans en moyenne, là, avant que les victimes
viennent nous rencontrer. Donc, souvent… Bien, c'est pour ça aussi que, souvent,
les demandes sont remplies hors délai, là, quand les femmes viennent nous voir
parce que, souvent, ça fait 10 ans, par exemple, que l'agression a été
commise et elles n'ont jamais entendu parler de l'IVAC ni par les psychologues
ni par d'autres ressources, là, communautaires. Laurence, voudrais-tu
compléter?
Mme Morin (Laurence) : Moi,
c'est sûr que je pense à des enjeux de financement. C'est-à-dire que, si on
avait encore des meilleurs financements, on aurait plus de ressources, par
exemple, d'une part, pour faire de l'éducation. Donc, si on veut être capables
de rejoindre rapidement les victimes, on sait qu'il y a environ 67 % des
victimes qui sont mineures au moment des violences sexuelles… Nous, là, on ne
fournit pas. On le fait auprès d'à peu près 11 écoles secondaires en
Estrie puis on est obligés de refuser des demandes d'atelier, dans le fond, de
formation. Et ça, ça serait vraiment aidant, si on avait plus de financement.
Je vous donne cet exemple-là, mais ça peut
être aussi quand on a des listes d'attente. Pour les femmes, il y a comme un
momentum. Par exemple, la femme, ça fait 10 ans, ça fait 15 ans, elle
nous appelle, pour la première fois de sa vie, elle en parle, c'est comme là
que ça se passe. Quand ça prend des semaines ou des mois à ce qu'elle puisse
recevoir de l'aide, il y a vraiment un enjeu à ce niveau-là aussi.
Puis je terminerais avec la question des
régions éloignées. Dans le fond, là, comme le territoire de l'Estrie, par
exemple, puis il y a d'autres régions où c'est le cas, il y a des femmes qui
n'ont pas les moyens, le temps, que ça va être un frein de se déplacer sur le
territoire pour venir nous voir. Et, si on avait davantage de financement pour
avoir des ressources qui pourraient mieux couvrir cet aspect-là, c'est sûr
qu'on arriverait à mieux rejoindre les victimes.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Puis en matière de ressources humaines? Parce que vous m'avez dit, bon, prévention
dans certaines écoles secondaires avec peut-être un volet de formation puis la possibilité
de se déplacer dans les régions éloignées pour rejoindre les victimes, donc
qu'est-ce qu'il en serait, à ce moment-là, pour les ressources humaines? Est-ce
que vous auriez les équipes qu'il faudrait?
Mme Morin (Laurence) : ...
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Bien, en fait, c'est ça… Oh!
Mme Morin (Laurence) : Vas-y.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Bien, en fait, c'est ça, effectivement, bien, en fait, j'allais rebondir sur ce
que Laurence a nommé, effectivement, c'est vraiment un manque de ressources
humaines qui nous empêche, hein, de rejoindre l'ensemble des victimes, en fait,
l'ensemble de la population, l'ensemble du territoire qui sont attitrés à
chaque CALACS, là.
Puis il faut savoir aussi, ça, c'est
quelque chose... c'est ça, ça fait 10 ans que je suis dans les CALACS, une
chose, puis je me rends compte, c'est que les CAVAC sont beaucoup plus connus
que les CALACS. Généralement, c'est parce que, bien, c'est ça, ils ont un
financement plus <soutenu...
Mme Tremblay (Stéphanie) :
…
rejoindre l'ensemble des victimes, en fait, l'ensemble de la
population, l'ensemble du territoire qui sont attitrés à chaque CALACS, là.
Puis il faut savoir aussi, ça, c'est
quelque chose... c'est ça, ça fait 10 ans que je suis dans les CALACS, une
chose, puis je me rends compte, c'est que les CAVACV sont beaucoup plus connus
que les CALACS. Généralement, c'est parce que, bien, c'est ça, ils ont un
financement plus >soutenu, là, par le ministère de la Justice.
D'ailleurs, hein, on espère que nos groupes et d'autres groupes, qui
travaillent auprès des femmes violentées, seront reconnus, hein, par cette
loi-là. Donc, on parle des centres pour victimes d'infractions criminelles.
Est-ce qu'on parle uniquement des CAVAC ou,
tu sais, de tous les groupes aussi qui travaillent auprès des victimes, là? Donc,
d'une part, c'est ça, il faut savoir qu'on gagnerait, hein, à faire connaître
davantage les CALACS, parce que ce qu'il faut savoir, c'est qu'une victime
d'agression sexuelle ne se reconnaîtra pas nécessairement comme une victime
d'acte criminel. Ça peut être excessivement confrontant, pour une femme
survivante de violence sexuelle, d'aller dans un CAVAC, pas parce qu'elles ne
sont pas... moins compétentes que nous, pas du tout, c'est vraiment la
terminologie qui va faire en sorte qu'une femme va s'identifier beaucoup plus à
une ressource comme la nôtre, qui ne sera pas dans un poste de police, par
ailleurs, et compagnie, là. Donc…
M. Lévesque (Chapleau) :
Communautaire.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Exactement. Donc, faire plus de promotion, là, des ressources communautaires en
violence faite aux femmes. Et je pense aussi à d'autres groupes, là, qui ne
travaillent pas spécifiquement sur les violences, mais qui ont développé une
expertise en la matière parce que les communautés auprès desquelles elles
travaillent sont beaucoup victimes de violence, là, je pense à des groupes
auprès de femmes autochtones, auprès de femmes qui vivent des handicaps
physiques…
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Tremblay.
M. Lévesque (Chapleau) : Bien
noté. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mme Tremblay
et Mme Morin. Merci beaucoup d'être ici, avec nous, virtuellement, à midi,
pour discuter du projet de loi.
Beaucoup d'éléments. Vous dites : Wo!
ralentissez, ralentissez, ralentissez, M. le ministre. C'est le message qu'on
a, également, parce que, imaginez-vous donc, on a reçu, donc, votre mémoire.
Merci beaucoup. Alors, pendant que vous parliez, j'ai plein de petits points
sur lesquels… deux paragraphes, des fois, fait naître des questions. Alors,
merci pour votre temps. Puis excusez-moi à l'avance d'être un peu
télégraphique, mais le temps, mon 11 minutes, est excessivement limité.
• (14 h 30) •
Mais on a très bien retenu, de notre côté en
tout cas, le fait que, pour des personnes qui sont habituées à de tels projets
de loi, à de telles lois, ça a créé des maux de tête excessivement complexes,
et ça, il ne faut pas manquer le coup. On salue le fait qu'il y a une réforme,
mais il ne faut pas manquer le coup, parce que, des réformes, il y a des
semaines où il n'y en a pas, et, quand la loi sera faite, bien, il faudra vivre
avec la loi, et, vous le voyez, il faudra vivre avec les interprétations tantôt
heureuses, mais trop souvent malheureuses qui font en sorte que, hein, la
personne, la fille, la femme n'a pas d'indemnité, n'est pas reconnue. Wow! Et
ça, c'est excessivement malheureux, puis on ne veut pas créer d'iniquité
là-dessus. Alors, ça, c'est… d'autant plus qu'il y a un immense pouvoir
réglementaire, on aura l'occasion de faire des représentations.
J'aimerais vous entendre… Bon, infractions
hors Québec, vous demandez le retrait du <paragraphe...
>
14 h 30 (version révisée)
<11789
M.
Tanguay
: …Et ça, c'est excessivement malheureux, puis on ne
veut pas créer d'iniquité là-dessus. Alors, ça, c'est… d'autant plus qu'il y a
un immense pouvoir réglementaire, on aura l'occasion de faire des
représentations.
J'aimerais vous entendre… Bon,
infractions hors Québec, vous demandez le retrait du >paragraphe 5
de l'article 63…
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Tout à fait.
M. Tanguay
: …autrement
dit, infractions hors Québec : «Il nous apparaît complètement insensé
qu'une loi visant à aider les personnes victimes d'infractions [...] oblige [les]
victimes à dénoncer [une infraction] criminelle.» Alors, que ce soit
l'étudiante, par exemple, qui étudie à l'étranger, bien, elle devrait pouvoir...
suite à une violence sexuelle, par exemple, elle aurait dû, pour être
admissible au Québec, avoir dénoncé l'infraction auprès des autorités de l'État
étranger. Pour vous, ça, ça ne passe pas la rampe, tout comme ça ne passe pas
la rampe... de toute façon, ce n'est pas prévu de même, ce n'est pas prévu de
même au Québec, même, là.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Bien non, bien, je veux dire, on trouve ça complètement insensé. Il n'y a
aucune charte des droits pour les victimes ou des droits de la personne, là,
qui va endosser un tel article, là. On s'explique vraiment mal d'où il sort,
là. Bon, on comprend que c'est tout un nouveau chapitre, là, à la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels, donc on comprend que,
peut-être, là, une tentative, là, de limiter, quand même, les crimes, là, qui
seraient admissibles par l'IVAC. Mais c'est sûr que cet article-là, on demande
vraiment, là, qu'il soit complètement retiré, parce que c'est complètement
insensé de demander à des victimes d'agression sexuelle de porter plainte, là,
dans l'état où elles ont subi leur crime, là, c'est complètement insensé.
M. Tanguay
: Autre
élément également : au niveau des femmes, je reprends cet exemple-là, qui
ont le statut de réfugié, qui sont accueillies au Québec et qui seraient
victimes, par exemple, d'une violence sexuelle, d'une agression sexuelle, bien,
vous demandez de reconnaître les personnes victimes qui ont un statut de
réfugié aussi, au même titre, là, puis il en va de droits et libertés
fondamentales.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Bien, tout à fait, puis là, vraiment à ce niveau-là, c'est pour ça que j'ai
insisté beaucoup dans la présentation sur le fait qu'on demande de… qu'il y ait
une expertise vraiment, sur… bien, qu'il y ait vraiment une lecture plus
approfondie par des groupes qui ont l'expertise en immigration, parce que là on
n'avait pas le temps de consulter nos partenaires sur ces questions-là. Ça fait
que c'est sûr que, d'emblée, bon, on demande que soient reconnues les personnes
réfugiées, mais on demande que… Probablement qu'on aurait énormément plus de
recommandations si on avait eu le temps de consulter nos partenaires. Bien, on
a commencé, là, déjà, à les interpeller sur ces questions-là. Donc, je suis
contente de savoir qu'on peut… on va pouvoir apporter d'autres recommandations,
là, rapidement, dans les semaines qui suivent, là.
Donc, c'est, premièrement, une chose qu'on
va faire, mais c'est sûr que d'aller… Vous, comme député, allez consulter
directement des groupes, je pense au Mouvement contre le viol et l'inceste, à
Montréal, qui a une expertise vraiment poussée sur l'intersection, hein, entre
les victimes de violence sexuelle et les femmes issues de l'immigration. Donc,
il faut se poser la question, parce que c'est une communauté qui est davantage
vulnérable aussi, face aux violences sexuelles à cause de la <dépendance…
Mme Tremblay (Stéphanie) :
...
l'inceste, à Montréal, qui a une expertise vraiment poussée sur
l'intersection, hein, entre les victimes de violence sexuelle et les femmes
issues de l'immigration. Donc, il faut se poser la question, parce que c'est
une communauté qui est davantage vulnérable aussi, face aux violences sexuelles
à cause de la >dépendance à leur... aux personnes qui les ont
accueillies, à cause du manque d'information, la barrière de la langue, etc.
Donc, cet article de loi là doit être vraiment, là, étudié de manière plus
approfondie, parce qu'on risque de créer des iniquités, là.
M. Tanguay
: Oui. Et
j'ai très bien noté que vous, l'organisme que vous représentez, le
regroupement, vous, votre clientèle, si je peux dire, entre guillemets, des
femmes, des filles de 12 ans et plus, 67 % des victimes d'inconduite
sexuelle sont mineures. On a un nouveau projet de loi très complexe, très
lourd. On ne pourra pas demander à ces personnes de faire avancer le droit
québécois pour qu'on puisse savoir comment on doit interpréter un article de
loi qui n'est pas clair. Alors, ça, ça ne serait non seulement pas une avancée,
ce serait un recul, ce serait sur le dos des victimes.
Rapidement, je veux vous entendre, on aura
trop peu parlé de l'impact des indemnisations, ici, des sommes forfaitaires sur
les personnes qui sont à l'aide sociale. Vous dites une chose qui nous frappe,
puis la façon dont vous le verbalisez — puis je vous laisse du temps,
là, je vais me fermer, là : «Empêcher qu'elles ne soient obligées de
dépenser la somme forfaitaire avant la fin du mois suivant sa réception».
Parlez-nous-en.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Bien, c'est un énorme problème, hein, parce qu'en fait, aussi, les personnes
qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, c'est encore des clientèles, des
communautés qui sont encore plus vulnérabilisées, hein, face aux violences
sexuelles et qui sont, bien, c'est ça, davantage affectées par les violences
sexuelles subies.
Donc, actuellement, comment les règlements
sur l'aide sociale fonctionnent, c'est que, si l'IVAC indemnise avec une rente
mensuelle, eh bien, le chèque de l'aide sociale, finalement, va diminuer en
fonction de l'indemnisation de l'IVAC. Et, si l'IVAC va donner une somme
forfaitaire, bien, en fait, la personne doit — c'est un règlement de
l'aide sociale, encore là — doit dépenser toute sa somme forfaitaire
avant la fin du mois. Donc, ça ne permet pas aux victimes de vraiment utiliser
ces fonds-là pour se rétablir. Et donc le problème à ce niveau-là, c'est
vraiment au niveau de l'aide sociale.
On a fait beaucoup de représentations
auprès du ministère de la Solidarité sociale. On a rencontré le directeur
général de l'aide sociale. On a fait plusieurs démarches. Vous pouvez aller
voir les... voyons, je n'ai pas le terme, là, je ne suis pas une juriste, là, mais
il y a eu des recours au Tribunal administratif du Québec, à la Cour suprême. Donc,
il y a des juges qui se sont penchés aussi sur cette question et ils demandent
au législateur d'agir. Donc, je trouve que c'est une occasion extraordinaire,
le projet de loi n° 84.
M. Tanguay
: Tout à
fait. Et une phrase dans le projet de loi pourrait régler ça. Et c'est d'autant
plus injuste que, dans le calcul de l'aide sociale... Puis qu'il n'y a personne
qui a du fun, là, d'être sur l'aide sociale puis qui trouve ça bien le fun,
l'aide sociale, là, c'est le minimum, <minimum...
Mme Tremblay (Stéphanie) :
...
législateur d'agir. Donc, je trouve que c'est une occasion
extraordinaire, le projet de loi n° 84.
M. Tanguay
: Tout à
fait. Et une phrase, dans le projet de loi, pourrait régler ça. Et c'est
d'autant plus injuste que, dans le calcul de l'aide sociale... Puis qu'il n'y a
personne qui a du fun, là, d'être sur l'aide sociale puis qui trouve ça bien le
fun, l'aide sociale, là, c'est le minimum, >minimum. Dans ce qu'on donne
aux gens sur l'aide sociale, là, c'est déjà calculé que, bon, une personne,
pour vivre ou survivre, tant pour le logement, tant pour la nourriture,
gnagnagna, et de ça, on va retirer, exemple, une portion qui serait sur logement,
nourriture ou autre, en disant : Bien, ce 100 $ là ou ce 200 $ là,
je l'enlève de l'aide sociale, mais je vais considérer maintenant qu'il va
avoir double emploi puis qui va être indemnisé parce qu'elle a été victime
d'une infraction criminelle puis qu'elle a le droit à ça. Alors, c'est tout à
fait, là, inéquitable et, je vous dirais, c'est inhumain, tout à fait.
Autre élément — le temps presse — «faute
lourde». Vous demandez que le concept qui imposerait un fardeau à la victime,
qui aurait une interprétation malheureuse, vous demandez que «faute lourde»... Parce
qu'on a rencontré, dans notre tourbillon de consultations depuis mardi,
2 heures, là, on a rencontré 20 groupes, là — je ne me plains
pas, mais on aurait mérité d'avoir plus de temps, surtout vous, les
groupes — des gens qui sont venus dire qu'on parle, entre autres, de
proxénétisme, de manipulation, de participation à un acte criminel... vous
faites en sorte que — vous, sur le volet — il faut exclure
la faute lourde dans des cas de violence sexuelle et conjugale.
Et également j'aimerais vous entendre,
pour mettre l'emphase là-dessus, sur le droit de subrogation. Vous demandez à
ce que... tel que proposé : «Nous sommes en désaccord avec le fait de
recourir à la subrogation en matière d'agression sexuelle et d'inceste.» Vous
faites référence au «maintien d'un lien obligé entre l'agresseur et la victime,
et ce, contre la volonté de cette dernière». Ça, c'est votre quotidien. J'aimerais
ça que vous nous en parliez.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Je
laisserais peut-être Laurence, là, vraiment vous entretenir sur ce que ça fait
vivre aux victimes, hein, quand elles voient cette clause-là, quand elles
doivent cocher cette clause-là dans les formulaires IVAC. Laurence.
Mme Morin (Laurence) : Dans le
fond, dans le sens où qu'elles pourraient avoir à être confrontées à leur
agresseur dans le processus judiciaire, c'est ça que vous voulez dire,
«qu'est-ce que ça leur fait vivre»?
M. Tanguay
: Oui,
exact.
Mme Morin (Laurence) : Oui.
C'est sûr qu'il y a même des victimes que ça va décourager complètement du
processus, au niveau de... Tu sais, la loi... le projet de loi sur lequel on
est, là, le but, là, c'est le rétablissement puis le mieux-être des victimes,
là. On observe, là, la majorité pour qui, là, le processus judiciaire, là, ça
va, au contraire, être nuisible à ce qu'elles aillent mieux, ces personnes-là,
parce que ça va être... Déjà que, si elles viennent voir, si elles entendent
ça, ce n'est pas qu'elles vont bien, puis tout est stable, là. Ça fait que là,
c'est comme si, dans une zone de vulnérabilité, le fait de revoir l'agresseur,
de retourner dans ces blessures-là, c'est, ni plus ni
moins, là… ça réactive des symptômes de stress post-traumatique. Ça rend le
rétablissement beaucoup plus long. Ça fait qu'on observe que ce n'est pas
nécessairement souhaitable du tout, là, pour les femmes, de faire la démarche,
comme ça, là.
M. Tanguay
: Puis je
trouve ça intéressant, parce que vous avez un regard très terrain. On a eu,
avec Me Lessard, hier, une <discussion où on disait...
Mme Morin (Laurence) :
…
c'est, ni plus ni moins, là… ça réactive des symptômes de stress
post-traumatique. Ça rend le rétablissement beaucoup plus long. Ça fait qu'on
observe que ce n'est pas nécessairement souhaitable du tout, là, pour les
femmes, de faire la démarche, comme ça, là.
M. Tanguay
: Puis je
trouve ça intéressant, parce que vous avez un regard très terrain. On a eu,
avec Me Lessard, hier, une >discussion où on disait : Bien, on
va laisser ces obligations-là, de subrogation, puis tout ça, mais on pourrait y
mettre une condition, si ça n'atteint pas le processus de rétablissement. Vous,
vous dites : Écoutez, là, dans certains cas, ça sera une décision
heureuse, mais, dans d'autres cas, ça va être des décisions où on va
dire : Ça n'atteint pas le processus de rétablissement, puis ça va
l'atteindre... Vous dites : Gardons ça simple, violence sexuelle et
conjugale, excluez-les.
• (14 h 40) •
Mme Morin (Laurence) : Oui.
Puis, si je peux me permettre juste de rebondir sur ce que vous venez de dire…
Le Président (M.
Bachand) : Juste très, très rapidement, parce que le temps est
écoulé. Quelques secondes, s'il vous plaît.
Mme Morin (Laurence) : Oui.
Il y a souvent des femmes qui vont décider de faire le processus, qui croient
que ça va être aidant, et souvent ce qu'elles nous disent après, c'est
que : Si c'était à refaire, je ne le referais pas, parce que ça m'a
traumatisée davantage. Ça fait qu'elles pourraient dire, avec cette clause-là,
que vous proposez : Ah oui, moi, ça va être correct, tout ça, ça va me
faire du bien, mais finalement elles sont plus détruites après, mais elles ne
le savent pas, au départ.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke, vous avez la
parole.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Morin, Mme Tremblay, d'abord, de nous dire de
ne surtout pas nous remettre en cause vos compétences. Il y a plusieurs
juristes qui sont passés devant nous nous dire qu'il y avait plusieurs articles
incompréhensibles dans le projet de loi.
J'ai parcouru votre mémoire, mais je n'ai
pas… À ma connaissance, vous n'abordez pas la question des indemnités de revenu
dans votre mémoire. Comme vous l'avez peut-être constaté, c'est un maximum de
trois ans, dorénavant. Ce n'est pas… Il n'y en a pas de prévu pour les
personnes qui n'avaient pas de revenu au moment de l'agression. Donc,
j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Ah
mon Dieu! Bien je n'aurai pas grand-chose à dire malheureusement, pas parce que
je suis d'accord avec ces nouvelles modalités là prévues dans la loi, mais
c'est juste que, c'est ça, il a fallu se concentrer sur certains éléments, là.
C'est sûr que, tu sais, on est, c'est ça, là, des organismes communautaires où
on fonctionne en sous-effectif. Il faudrait que…
Mme Labrie : De votre
expérience, quand même, est-ce que c'est de nature à favoriser le
rétablissement, comme le veut, techniquement, la loi, d'être aussi limité dans
les indemnités de remplacement de revenu?
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Non, pas du tout. Je pense que c'est une mentalité qui est assez, je dirais,
j'oserais dire, paternaliste, là, de penser qu'en donnant, tu sais, un temps
limité de revenu, ça va faire en sorte qu'une personne va être plus encline à
aller... à retourner sur le marché du travail, des choses comme ça. Je veux
dire, toute personne veut, c'est ça, être utile à la société, là. Ce n'est pas
parce qu'on est… Ce n'est pas avec enthousiasme, là, avec enthousiasme qu'on va
bénéficier des indemnités de l'IVAC, là, de manière récurrente, là. Donc, c'est
sûr que, pour nous, cette question-là, du trois ans maximum, c'était
vraiment un problème, parce qu'on sait qu'il y a des victimes d'agression
sexuelle qui deviennent complètement invalides en raison, là, des conséquences
des violences sexuelles. Donc, c'est sûr que ce n'est pas après trois ans
que les conséquences s'envolent, là.
Donc, c'est, effectivement, excessivement
problématique. Puis je ne pense pas, effectivement, que ça va aider au
rétablissement des femmes, que de leur mettre une limite de temps, là, pas du
tout.
Mme Morin (Laurence) : Si je
peux me permettre <d'ajouter un…
Mme Tremblay (Stéphanie) :
…complètement invalides en raison, là, des conséquences des violences
sexuelles. Donc, c'est sûr que ce n'est pas après trois ans que les
conséquences s'envolent, là.
Donc, c'est, effectivement,
excessivement problématique. Puis je ne pense pas, effectivement, que ça va
aider au rétablissement des femmes, que de leur mettre une limite de temps, là,
pas du tout.
Mme Morin (Laurence) :
Si je peux me permettre >d'ajouter un petit quelque chose, rapidement...
Le Président (M. Bachand) :
Rapidement, oui.
Mme Morin (Laurence) : ...à
ce que ma collègue vient de nommer, là, vous vous en doutez peut-être, la
majorité des victimes de violence sexuelle, elles ont des symptômes d'anxiété,
qui fait partie du stress post-traumatique. Puis je le vois, quand elles ont
des délais, souvent, là, ça va augmenter leur état d'anxiété. Ça fait que le
fait de savoir que : Ah, merde, j'ai juste comme trois ans pour me
rétablir, bien, ça va faire qu'elle va vivre un tel stress que ça peut nuire, en
fait, à son rétablissement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci pour votre excellente présentation. Je suis tout à fait d'accord
avec vous que le temps serait vraiment aidant, de se donner le temps de
respirer un peu pour faire cette réforme-là. J'ai une solution pour le
ministre, là, qui dit qu'il faut l'adopter rapidement pour aider les gens. Il a
juste à le mettre rétroactif à la date du dépôt de son projet de loi, au mois
de décembre, on va tous respirer. Puis sa date d'entrée en vigueur, si elle
était à la date qu'il l'a déposé, ça fait qu'on pourrait se prendre le temps de
vraiment faire une bonne réforme qui répond aux besoins pour vrai, parce qu'on
ne refera pas la réforme à toutes les semaines.
Et aussi je suis d'accord avec vous
qu'entre-temps il y a eu, évidemment, le rapport du comité d'experts qui a été
déposé avec beaucoup de pistes intéressantes, et ça serait bien de pouvoir en
tenir compte dans la réforme. Et vous nous amenez précisément la
recommandation 176. Donc, je voulais vous entendre, parce que vous dites
qu'il y a d'autres groupes avant qui l'ont souligné, là, l'importance de mettre
des mécanismes simples et rapides et des outils permettant de traiter les
plaintes qui sont formulées par rapport à un paquet de droits. Est-ce que vous
avez des idées, comment on pourrait concrétiser ça? Puis est-ce que ça devrait
être dans la loi?
Mme Tremblay (Stéphanie) :
Bien, je peux... Je peux me permettre, Laurence?
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y, Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Stéphanie) :
O.K. Je vais y aller. En fait, bien, c'est sûr que… C'est ça, c'est une
recommandation qui date, hein, depuis 1993. Puis oui, on pense que ça devrait… C'est
pour ça qu'on se permet, d'ailleurs, de le mettre dans nos recommandations,
dans notre mémoire, parce qu'on pense que ça devrait faire partie de la loi.
Parce que la loi est beaucoup plus structurante, hein, c'est-à-dire que quand
ça fait partie de la loi, bien, après ça, on n'a plus le choix de le mettre en
application.
Ce qu'on pense qu'il faudrait avoir, c'est
vraiment un… Bien, en fait, on pensait à quelque chose comme les tribunaux
spécialisés, hein, qui sont recommandés aussi par le comité d'experts et
d'expertes, c'est-à-dire vraiment une instance qui serait — voyons,
je n'ai pas le terme que je cherche, là — mais qui serait… qui ne
serait pas partisane, hein, qui ne ferait pas partie du ministère de la Justice
donc, où les victimes pourraient se sentir vraiment en sécurité de faire appel
à leurs droits, là, donc.
Puis on mettait vraiment l'accent sur
cette recommandation-là, parce qu'on trouve que le projet de loi est vraiment
faible au niveau des droits des victimes, hein, c'est comme si… il y a comme un
flou, là. Qu'est-ce qu'on entend par aide aux victimes? Est-ce qu'on parle
juste des <indemnisations auxquelles elles ont droit…
Mme Tremblay (Stéphanie) :
…faire appel à leurs droits, là, donc.
Puis on mettait vraiment l'accent sur
cette recommandation-là, parce qu'on trouve que le
projet de loi est
vraiment faible au niveau des droits des victimes, hein, c'est comme si… il y a
comme un flou, là. Qu'est-ce qu'on entend par aide aux victimes? Est-ce qu'on
parle juste des >indemnisations auxquelles elles ont droit pour la
réhabilitation ou est-ce qu'on parle vraiment de droit en tant que victime
d'agression à caractère sexuel ou de tout acte criminel? Est-ce qu'on a des
droits? Et comment on peut les faire respecter? Il n'y a rien, dans le projet
de loi, qui permet ça, et c'est problématique, là.
Au niveau des idées, bien là, c'est sûr
qu'on en aurait une tonne, là. Mais, encore là, je pense qu'il faudrait
consulter, encore là, tous les groupes, hein, qui travaillent auprès de femmes
marginalisées, qui sont davantage… qui rencontrent encore plus de barrières,
hein, quand vient le temps d'avoir accès, notamment à l'IVAC ou au système de
justice, et tout ça. Mais le tribunal spécialisé pourrait être un endroit,
hein, où il pourrait y avoir, là, une instance qui accueillerait les plaintes,
par exemple.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Mme Tremblay, Mme Morin, merci
infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est très, très, très apprécié.
Sur ce, la commission suspend ses travaux quelques
instants. Merci encore.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 49)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend
ses travaux. Ça nous fait plaisir d'accueillir le sénateur Pierre-Hugues
Boisvenu. Sénateur Boisvenu, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi.
M. Pierre-Hugues Boisvenu
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
C'est un plaisir d'être avec vous, et je tiens à vous remercier d'abord.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. Alors, comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation, et par après nous aurons un échange avec les
membres de la commission. Donc, la parole est à vous, sénateur.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Merci. Alors, M. le Président, je tiens, d'entrée de jeu, à remercier
sincèrement la commission, pour son invitation à vous présenter mon mémoire
relativement au projet de loi 84, lequel vise à aider les personnes
victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement. Vous
n'êtes pas sans savoir que je suis un fervent défenseur des droits des victimes
d'actes criminels, et sachez, M. le ministre, vous avez ma plus grande
appréciation relativement à votre intention de vouloir mieux et davantage les
soutenir. Ma présentation sera faite avec le profond respect et la grande
considération que j'éprouve envers les victimes d'actes criminels du Québec et
leurs familles.
• (14 h 50) •
Je veux également témoigner mon
appréciation envers le présent gouvernement et vous-même, M. le ministre,
avec lequel j'ai eu, dans le passé et comme tout récemment, l'opportunité de
partager mes préoccupations face aux expériences vécues des victimes d'actes
criminels et leurs familles dans le système de justice ainsi que leurs rapports
avec les programmes gouvernementaux d'aide aux victimes. Il est important pour
moi de souligner que le ministre a toujours fait preuve d'écoute et d'empathie
envers les victimes d'actes criminels et surtout qui… ces victimes-là n'ont pas
choisi de voir leur vie basculer et trop souvent détruite à jamais.
M. le Président, depuis plus de
18 ans maintenant, suite à l'assassinat de ma fille Julie, le
23 juin 2002, qui était sous la responsabilité, d'ailleurs, du
ministère de la Sécurité publiquedu Québec, il faut le dire, que je milite pour
donner une voix aux victimes d'actes criminels. Depuis 18 ans, des
victimes d'actes criminels me partagent leurs vécus, leurs drames, leurs
quotidiens et surtout leurs grandes difficultés, et leurs divers combats, dont,
parfois, sont injustement vécus avec l'IVAC entre autres. En 2004, avec
trois pères de famille, dont les filles ont été assassinées ou sont
disparues criminellement, j'ai fondé l'Association des familles de personnes
assassinées et disparues, laquelle vient en aide aux familles de victimes
d'actes <criminels et…
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
…
et leurs divers combats, dont, parfois, sont injustement vécus avec
l'IVAC, entre autres. En 2004, avec trois pères de famille, dont les
filles ont été assassinées ou sont disparues criminellement, j'ai fondé
l'Association des familles de personnes assassinées et disparues, laquelle
vient en aide aux familles de victimes d'actes >criminels et dont la pérennité
est assurée grâce au Fonds d'aide aux victimes.
La collaboration ouverte et positive entre
l'AFPAD et le gouvernement du Québec, les gouvernements du Québec qui se sont
succédé entre 2004 et 2010, a donné lieu à des améliorations parfois
importantes et parfois mineures dans l'aide apportée aux victimes d'actes
criminels et à leurs familles. Toutefois, il est important de se remémorer
l'importance du… l'important rapport d'enquête, Indemnisation des victimes
d'actes criminels : pour une prise en charge efficace et diligente des
personnes vulnérables, publié le 15 septembre 2016 par l'ancienne
Protectrice des citoyens, laquelle est aujourd'hui ma collègue au Sénat,
Mme Raymonde Saint-Germain.
À la lecture du rapport, une citation
m'avait donné espoir qu'un jour le Québec traiterait mieux les victimes d'actes
criminels, alors qu'elle avait qualifié l'IVAC d'organisme d'exclusion, lorsque
ces victimes transigent avec cet organisme. À la lecture du projet de
loi 84, je suis convaincu que le gouvernement s'est largement inspiré du
rapport de Mme Saint-Germain pour sa rédaction, rapport sur lequel je
reviendrai plus tard. Donc, en 2010, j'ai accepté l'invitation de
M. Stephen Harper à siéger au Sénat canadien afin de porter la voix
des victimes d'actes criminels et celle de leurs familles à Ottawa.
Entre 2010 et 2015, les 12 demandes
que l'AFPAD avait adressées à M. Harper en 2005 ont toutes été réalisées à
travers des réformes des institutions fédérales et par l'adoption de plusieurs
projets de loi. Je suis particulièrement fier de la loi C-44 adoptée en
décembre 2012, laquelle constitue la première mesure d'un gouvernement
fédéral visant à apporter financièrement... supporter financièrement les
familles de partout au Canada, d'un enfant qui a été assassiné ou est
criminellement disparu, et évidemment l'adoption de la première Charte
canadienne des droits des victimes d'actes criminels qui, je crois, est la plus
grande victoire de la dernière décennie pour les victimes d'actes criminels et
leurs familles au Canada.
Quant au projet de loi 84, d'entrée
de jeu, je tiens à souligner l'engagement du ministre de la Justice et de son
gouvernement afin d'améliorer le sort des victimes et de leurs familles au
Québec. Dans le projet de loi 84, l'élargissement de l'offre de prestation
et l'inclusion du plus grand nombre de victimes sont louables, mais ne
représentent pas, à mes yeux, une véritable réforme des responsabilités de
l'État du Québec dans sa relation avec les victimes d'actes criminels. Cependant,
j'ai écouté certaines critiques du projet de loi n° 84, qui m'apparaissent
inquiétantes et qui sont en lien avec la décision du gouvernement d'abandonner
la clause... excusez-moi, de rente viagère. Je comprends que cette décision est
importante sur le plan financier, mais il ne faudrait pas que les victimes en
paient le prix. J'invite donc le ministre à réfléchir sur les <impacts de
cette…
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
…
projet de loi n° 84, qui m'apparaissent inquiétantes et qui sont
en lien avec la décision du gouvernement d'abandonner la clause...
(Interruption)
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
...excusez-moi, de rente viagère. Je comprends que cette décision est
importante sur le plan financier, mais il ne faudrait pas que les victimes en
paient le prix. J'invite donc le ministre à réfléchir sur les >impacts
de cette modification et d'inclure, dans le projet de loi actuel, des mesures
compensatrices, sous forme de montants forfaitaires, lesquelles reconnaîtraient
aux victimes le sort qui leur a été fait et les impacts sur leur futur. Si le
gouvernement reconnaît, dans le régime d'assurance automobile du Québec, le
principe du «no fault», ce principe devrait être aussi reconnu pour les
victimes d'actes criminels. Je le répète, les victimes n'ont pas choisi d'être
victimes. Dans bien des cas, elles subissent les conséquences du geste, qui
pourraient être... bien souvent, auraient pu être prévenues.
M. le ministre, quand vous critiquez la
rigidité et l'insensibilité du passé, vous dites juste, mais cela va bien
au-delà des budgets. Une vraie réforme doit également se faire au niveau des
rapports entre l'État et les victimes d'actes criminels. Je qualifie donc le projet
de loi n° 84 davantage d'une bonification budgétaire consacrée à l'aide
aux victimes, plutôt qu'une véritable réforme. Il s'éloigne d'un important
objectif réclamé depuis 30 ans, celui d'harmoniser les régimes d'indemnisation
des victimes québécoises. Je constate que cet article, dans le projet de loi,
est un choix politique et que je disais plus tôt : Il faut éviter que les
victimes paient le lourd prix pour ce réalignement politique.
Il est vrai que le Québec investit, autant
que toutes les provinces canadiennes, dans l'aide aux victimes d'actes
criminels. Malgré cela, c'est entre autres au Québec, que le taux
d'insatisfaction des victimes, dans leur rapport avec l'État, est un des plus
élevés. En fait, pour cette unique raison, une réforme en profondeur s'impose
en 2021. Je m'explique. Le Québec possède de nombreux organismes d'aide aux
victimes. Au fil des années, ces organismes se sont spécialisés dans des
créneaux spécifiques, que ce soit la violence familiale, les agressions
sexuelles, la violence faite aux enfants, les personnes assassinées ou
disparues. D'ailleurs, la plupart de ces organismes sont supportés
financièrement par le Fonds d'aide aux victimes pour qu'ils remplissent
adéquatement leur mission.
Pour les besoins de la cause, je vais
m'attarder à deux de ces organismes qui, à mon avis, devraient être au centre
de la réforme que le ministre propose. Les CAVAC, d'abord. Relevant
exclusivement du ministre de la Justice, les CAVAC sont présents dans toutes
les régions administratives du Québec et ils constituent, pour moi, l'exemple
d'une organisation qui s'est très bien adaptée aux besoins des victimes au
cours des dernières années. Les CAVAC sont près des intervenants locaux en
matière judiciaire, que ce soit les policiers ou les avocats de la couronne.
Ils ont bonifié leurs services, comme la disponibilité de ceux-ci à la réalité
des victimes et de leurs familles. Les CAVAC sont reconnus pour leurs services
personnalisés, disponibles et sont d'un humanisme exemplaire quand l'État doit
traiter avec une personne qui n'a pas choisi son état de victime et qui vit la
pire expérience de son existence. Les CAVAC devraient devenir la porte d'entrée
<unique…
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
…
réalité des victimes et de leurs familles. Les CAVAC sont reconnus pour
leurs services personnalisés, disponibles et sont d'un humanisme exemplaire
quand l'État doit traiter avec une personne, qui n'a pas choisi son état de
victime et qui vit la pire expérience de son existence. Les CAVAC devraient
devenir la porte d'entrée >unique pour la prestation de tous les
services qui s'adressent aux victimes d'actes criminels au Québec.
L'IVAC, au contraire, est un organisme
hypercentralisé, lequel est reconnu, depuis des décennies, pour très mal
desservir les victimes d'actes criminels et leurs familles. Le rapport de la
Protectrice du citoyen de septembre 2016 en est la preuve la plus éloquente.
Donc, pour l'IVAC, d'avoir survécu dans l'appareil gouvernemental québécois depuis
toutes ces années avec une telle réputation est en soi un tour de force. La
réforme du bureau d'indemnisation des victimes d'actes criminels est attendue
depuis plus de 30 ans. Il est un organisme bicéphale relevant à la fois du
ministère du Travail et à la fois du ministère de la Justice. En 2021, c'est
une incongruité bureaucratique. L'IVAC n'a pas été qualifié d'organisme
d'exclusion sans raison par la Protectrice du citoyen dans son rapport
d'enquête de 2016. Plutôt que d'être aidant dans le processus de reconstruction
des victimes, il est plutôt nuisible pour plusieurs d'entre elles. L'IVAC, dans
sa forme actuelle, n'est pas un organisme adapté au vécu des victimes d'actes
criminels et leurs familles.
Même après l'adoption du projet de loi
n° 84, les droits des victimes à contester les décisions de l'IVAC seront
toujours un long combat, et elles sortiront le plus souvent perdantes. C'est
une autre contradiction dans le système actuel, la victime porte la
responsabilité du fardeau de la preuve pour démontrer qu'elles sont victimes,
alors que, pour le criminel, c'est à l'État que revient le fardeau de la
preuve. Voilà pourquoi, même après l'adoption de la loi n° 84, les
rapports entre l'État et les victimes d'actes criminels continueront d'être inégaux.
Pour moi, une véritable réforme devrait
reposer sur quatre prérequis. Premièrement, la création d'une commission
d'indemnisation des victimes d'actes criminels. La création d'une commission
d'indemnisation dédiée aux victimes d'actes criminels serait le premier pas à
faire pour l'atteinte d'une parité dans les relations entre les citoyens et
citoyennes victimes et l'État québécois, qu'elles soient victimes de la route,
du travail ou des accidents, et des actes criminels.
Le Québec pourrait copier le modèle de la
commission ontarienne, dont les membres sont nommés par le gouvernement, dans
laquelle il peut siéger un représentant des victimes pour les victimes. Cette
commission entend les demandes d'arbitrage, ce qui le rend plus sympathique aux
yeux des victimes qu'un tribunal administratif. La création d'une telle
commission confirmerait la responsabilité du dossier des victimes d'actes
criminels à un seul ministre, le ministre de la Justice.
Le deuxième prérequis, la régionalisation…
Le Président (M.
Bachand) : Sénateur Boisvenu, je m'excuse de vous interrompre, votre
temps est malheureusement écoulé.
M. Jolin-Barrette : ...sur mon
temps, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Alors donc, grâce à la générosité du ministre, de
son temps, alors vous pouvez continuer.
• (15 heures) •
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Je vais être rapide. D'abord, la loi n° 84, par rapport à régionalisation,
ce que je dis, c'est qu'il devrait y avoir une porte unique pour les services
d'aide aux <victimes…
>
15 h (version révisée)
<17859
Le Président (M. Bachand) : ...vous
interrompre, votre temps est malheureusement écoulé.
M. Jolin-Barrette :
...sur mon temps,
M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :Alors donc, grâce à la générosité du ministre, de son temps,
alors vous pouvez continuer.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Je vais être rapide. D'abord, la loi n° 84, par rapport à régionalisation,
ce que je dis, c'est qu'il devrait y avoir une porte unique pour les services
d'aide aux >victimes. En intégrant l'IVAC et les CAVAC, les victimes ne
vivraient pas la frustration de faire affaire avec des boîtes téléphoniques. Le
parcours d'une victime d'actes criminels, tant dans le système de justice qu'à
travers les organismes d'aide, est un combat où les abandons font légion, un
parcours qui demande force et énergie et endurance qui sont rarement au
rendez-vous suite à un acte criminel. Il faut que la réforme rapproche les
services des victimes, qu'ils soient plus humains, compatissants et
disponibles.
Le troisième prérequis, l'intégration des
structures afin de favoriser le principe du guichet unique. Les victimes
doivent faire beaucoup de démarches pour être aidées au Québec. En 2021, il est
plus que temps que le Québec n'ait qu'un seul ministre responsable des victimes
d'actes criminels, donc que les victimes n'aient qu'une seule porte d'entrée où
demander toute l'aide dont elles ont besoin. Cette porte d'entrée, quant à moi,
doit être aux CAVAC.
Dernier point, une charte québécoise des
droits des victimes. Il est très essentiel pour moi d'aborder avec vous le
dernier prérequis, celui de l'adoption d'une charte des droits des victimes.
J'espère que celle-ci pourrait nourrir la réflexion de tous les membres de la
commission afin de faire du projet de loi n° 84 une reconnaissance
politique, afin que les victimes d'actes criminels soient écoutées et comprises
par le gouvernement ainsi que par ses mandataires. C'est l'adoption par le
Québec, comme le fédéral l'a fait, de cette charte.
La plus grande injustice, dans notre
système de justice, c'est l'absence d'équilibre entre les droits des criminels
et ceux des victimes. Au criminel, il y a obligation de leur lire leurs droits,
de respecter leur silence, de leur fournir un avocat. Les victimes, qui n'ont
pas choisi leur sort, doivent se débattre à toutes les étapes du processus
judiciaire, soit pour revendiquer leurs droits, soit pour être supportées, ou
simplement ne pas être oubliées.
À titre d'exemple, les règles de
contestation auxquelles les victimes d'actes criminels sont soumises devant le
Tribunal administratif du Québec. Les contestations des décisions de l'IVAC par
les victimes sont un combat qui démontre l'inégalité, l'injustice et les nombreuses
difficultés devant lesquelles les victimes doivent continuellement composer
dans leurs revendications avec l'administration publique. Rarement les victimes
peuvent faire un appel à un soutien juridique, alors que l'IVAC sera fortement
représenté par ses juristes et ses professionnels, ce qui démontre un
déséquilibre, dès le départ. Une grande partie des victimes abandonnent leur
démarche faute de soutien adéquat. Ces inégalités dans les moyens d'être
représentés condamnent les victimes à l'abandon de leur procédure et à leurs
droits, elles condamnent à l'exclusion de leur propre régime d'indemnisation,
comme le constatait la protectrice des citoyens.
Conclusion, en terminant, le projet de loi
doit réformer d'abord le regard que l'État pose sur les victimes d'actes
criminels et qu'il fasse partie intégrante de sa véritable intention de
réformer, qui est son grand objectif. Une réforme en profondeur de l'IVAC ne
sera véritablement accomplie seulement que <lorsque...
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
...
des citoyens.
Conclusion, en terminant, le projet de
loi doit réformer d'abord le regard que l'État pose sur les victimes d'actes
criminels et qu'il fasse partie intégrante de sa véritable intention de
réformer, qui est son grand objectif. Une réforme en profondeur de l'IVAC ne
sera véritablement accomplie seulement que >lorsque le Québec
reconnaîtra, dans une loi, des droits fondamentaux aux victimes d'actes
criminels et à leur famille, lesquels droits les protégeraient sans qu'elles
aient à se battre pour être reconnues et soutenues, comme les victimes d'actes
criminels le souhaitent depuis longtemps, une vraie réforme de l'IVAC.
Je suis convaincu que le gouvernement
tiendra compte du contenu de ma présentation, et laquelle je vous ai présentée
en mon nom et au nom des nombreuses victimes. Le Québec est chef de file en
matière d'aide aux victimes d'actes criminels, je pense qu'en dotant le Québec
d'une charte des droits des victimes, le Québec maintiendra son titre de chef
de file. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Merci infiniment, M. le sénateur. Je cède maintenant la parole au ministre.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, M. le sénateur, merci de participer à nos travaux.
Merci également pour votre engagement pour les victimes depuis toutes ces
années, je pense que vous portez bien leurs voix.
M. le sénateur, d'entrée de jeu,
lorsque vous dites : Écoutez, il faut avoir une charte des droits des
victimes, je ne suis pas en désaccord avec ça. Le fédéral l'a fait au niveau
fédéral. Au niveau du Québec, c'est quelque chose qu'on pourrait peut-être
explorer, mais, avec la réforme que nous faisons, j'ai entendu beaucoup les
critiques par rapport aux contestations, par rapport au Tribunal administratif
du Québec, par rapport à la direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels également, puis un des objectifs qu'on a, c'est de rapatrier la
compétence au sein du ministère de la Justice, par rapport aux prestataires de
services qui vont être en relation avec les bénéficiaires de l'IVAC. Donc, au
niveau du service à la clientèle, le ministère de la Justice va désormais avoir
la mainmise sur cet élément-là, et on veut améliorer le service en simplifiant
les formulaires, en faisant en sorte que, dès le départ, l'offre de soutien
psychologique soit offerte aux victimes. Donc, on va un peu dans la direction
que vous souhaitez en s'assurant d'avoir un service plus humain, mais surtout
en élargissant la notion de victime. Ce que nous faisons dans le projet de loi,
c'est qu'il n'y a plus de noyau familial maintenant pour être considéré comme
une victime. Donc, la résultante de ça pourrait être beaucoup moins de
contestations parce que la loi actuelle, elle était assez hermétique et un
peu... elle n'était pas très généreuse en termes d'ouverture au niveau de
l'interprétation. Est-ce que ça vous rassure si je vous dis ça?
Le Président (M. Bachand) :
Juste peut-être un élément, sénateur Boisvenu, il y a un son. Peut-être,
juste fermez votre micro et de le réouvrir lorsque vous prenez la parole pour
être sûr qu'on entend bien les... Parfait comme ça. Et puis, là, lorsque vous
prenez la parole, tout simplement le réouvrir.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui. Je pense, c'était ma tablette qui faisait interférence. Est-ce que c'est
mieux?
Le Président (M. Bachand) :
Ah, merveilleux! Vous êtes un vrai technicien informatique. O.K., à vous,
sénateur.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui, mais vu que c'était ma tablette qui était près de mon ordinateur... Alors,
merci beaucoup pour la question, M. le ministre. D'abord, il faut <comprendre...
Le Président (M.
Bachand) : …la parole pour être sûr qu'on entend bien les...
Parfait comme ça. Et puis là, lorsque vous prenez la parole, tout simplement le
réouvrir.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui. Je pense, c'était ma tablette qui faisait interférence, e
st-ce que
c'est mieux?
Le Président (M.
Bachand) : Ah, merveilleux! Vous êtes un vrai technicien
informatique.
O.K., à vous, sénateur.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui, mais vu que c'était ma tablette qui était près de mon ordinateur... Alors,
merci beaucoup pour la question,
M. le ministre.
D'abord,
il faut >comprendre que le projet de loi C-84 réforme un programme,
il ne réforme pas une loi, et c'est pour ça que le fédéral s'est donné une
charte des droits, une Charte des droits des victimes et qu'elle inclut cette
charte-là dans une loi, et cette loi elle est supra-constitutionnelle, donc les
organismes fédéraux doivent automatiquement adopter tous leurs règles et
règlements au contenu de la charte.
Ce qui manque au Québec, dans le fond, c'est
que les victimes n'ont pas de loi sur laquelle reposer leurs contestations, elles
contestent des décisions administratives. Et le pire, c'est qu'elles contestent
ces décisions administratives là devant un tribunal. Donc, c'est comme si les victimes,
lorsqu'elles se présentent au Tribunal administratif, sont des gens qui ne sont
pas crus dans le système. Donc, c'est sûr que ça rend les… Les victimes me
disent, lorsqu'on va au Tribunal administratif, elles ont l'impression de
revivre leur procès lorsqu'elles ont dénoncé l'agresseur. Elles doivent se représenter
devant le Tribunal administratif pour faire la preuve encore qu'elles sont
victimes, alors que si le Québec adoptait des lois fondamentales dans… une loi
fondamentale dans laquelle il y aurait des droits reconnus, les victimes
auraient une base légale pour revendiquer ces droits-là, alors qu'actuellement
elles n'en ont pas.
Donc, je dis : La loi 84 est un
pas en avant. Là-dessus, je l'ai dit, d'entrée de jeu, je l'ai souligné, bravo!
Le gouvernement est très sensible aux victimes. C'était une promesse
électorale, vous réalisez cette promesse-là, très peu de gouvernements ont fait
ça dans le passé, je le répète, donc, mais, par contre, pour une vraie réforme,
M. le ministre, il faut aller plus loin. Il faut que le regard de l'État
sur les victimes d'actes criminels change. Il ne faut pas que les victimes se
représentent au Tribunal administratif comme n'étant pas des victimes et
qu'elles doivent faire la preuve qu'elles sont victimes, alors que le criminel,
c'est à l'État à faire la preuve qu'il est criminel, c'est le monde à l'envers.
M. Jolin-Barrette : Puis,
peut-être, si on peut aborder la question des crimes subis à l'extérieur du
Québec, pensez-vous que c'est une bonne explication qu'on élargisse la notion?
Et puis j'aimerais vous entendre par rapport, vous l'avez abordé un petit peu
tout à l'heure, par rapport aux autres provinces canadiennes, par rapport au
fait que le Québec, c'est les plus généreux, mais au niveau de la… Dans
l'ensemble canadien, là, comment vous voyez ça?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui. Vous savez, actuellement, M. le ministre, je travaille sur un gros
projet de loi sur la violence familiale que je devrais déposer au mois de mars,
là, au Sénat, et j'ai eu à consulter tous les ministres des provinces
anglophones et vous-même dans le cadre de ce projet de loi là, et je travaille actuellement
sur une réciprocité entre les provinces, parce que vous savez que si, un exemple,
vous habitez Gatineau et vous êtes victimes d'un acte criminel en Ontario, vous
allez être aidé de façon exceptionnelle et non de façon générale. Le Québec,
l'ouverture que le Québec vient de faire aux victimes québécoises à l'extérieur
du Québec est une première au Canada, je tiens à le dire et je tiens à dire
bravo. Également, ça va s'appliquer aux victimes à l'extérieur du pays, quoique
le ministère des <Relations…
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
…et vous êtes victimes d'un acte criminel en Ontario, vous allez être aidé de façon
exceptionnelle et non de façon générale. Le Québec, l'ouverture que le Québec
vient de faire aux victimes québécoises à l'extérieur du Québec est une
première au Canada, je tiens à le dire et je tiens à dire bravo. Également, ça
va s'appliquer aux victimes à l'extérieur du pays, quoique le ministère des
>Relations internationales a déjà un programme d'aide aux victimes pour
les familles ou les proches qui sont assassinés ou qui sont victimes à
l'extérieur du pays. Il y a déjà un programme qui existe, au plan fédéral, mais
je pense que les deux peuvent être complémentaires. Mais effectivement, je
pense qu'il est temps qu'au Canada, un Canadien, qu'il soit victime dans sa
province d'origine ou dans une autre province, ait les mêmes droits et les
mêmes services. Et le pas que vous faites, dans ce projet de loi là, M. le
ministre, pour moi, je vais le dire, c'est une très bonne avancée que, moi, je
vais me servir pour parler aux autres provinces pour qu'elles aient la même
approche par rapport à des Ontariens, des Albertains qui viennent au Québec,
qui sont victimes d'actes criminels, et qu'ils ne tombent pas entre
deux planches.
• (15 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie, M. le sénateur. Je vais céder la parole à mes collègues, mais un
grand merci pour votre présentation en commission parlementaire.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Merci encore pour l'invitation.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de
Bellechasse. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Bonjour, M. le
sénateur.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Mme Lachance, bonjour.
Mme Lachance : Contente de
vous avoir en commission aujourd'hui. Ça va bien, oui?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui, vous aussi?
Mme Lachance : Très bien,
merci. Écoutez, je suis contente de pouvoir vous questionner puis, évidemment,
je suis heureuse de vous entendre parler pour les victimes, et j'ai bien
compris que vous trouviez extrêmement important qu'on change davantage notre
vision envers les victimes, et vous l'avez exprimé, entre autres choses, en
mentionnant l'importance de la Charte canadienne des droits des victimes et
même en suggérant qu'une charte québécoise du droit des victimes soit mise en place.
Est-ce que vous êtes capable de, peut-être, nous donner des exemples un peu
concrets dans lesquels la Charte canadienne des droits des victimes a pu faire
une différence?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Vous savez, la Charte canadienne des droits des victimes comprend quatre droits
fondamentaux, le droit à l'information, le droit à la participation, le droit à
la protection et le droit à des indemnisations. Je fais référence... Durant la
pandémie, vous savez que le gouvernement fédéral a réduit beaucoup, beaucoup
ses activités et, entre autres au niveau de la Commission des libérations
conditionnelles, au mois de février dernier, on a décidé de mettre fin aux
audiences en personne, ceux qui demandaient une libération conditionnelle. Ça a
pris huit mois avant que la commission puisse offrir aux familles et aux
victimes une audience via vidéoconférence et c'est à cause de la charte qu'on a
pressé le ministre, ministre Blair, d'accélérer la mise en place des
audioconférences pour les familles de victimes parce que, dans cette charte-là,
effectivement, il y a un droit à la participation. Et c'est grâce à la charte
qu'on a fait bouger le gouvernement sur cet enjeu-là parce que, pour les
familles, de participer aux audiences de la commission, pour plusieurs, c'est
fondamental. Donc, c'est la charte qui a fait en sorte que les victimes ont
porté plainte de ne pas participer et qui a fait bouger le gouvernement fédéral
pour <obliger…
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
…il y a un droit à la participation. Et c'est grâce à la charte qu'on a fait
bouger le gouvernement sur cet enjeu-là parce que, pour les familles, de
participer aux audiences de la
commission, pour plusieurs, c'est
fondamental. Donc, c'est la charte qui a fait en sorte que les victimes ont
porté plainte de ne pas participer et qui a fait bouger le gouvernement fédéral
pour >obliger la commission à faire participer les victimes. Et il ne
faut pas oublier que cette charte-là vient en évaluation cette année, ça fait
déjà cinq ans, et la charte… il y avait dans la charte la possibilité pour les
victimes de déposer des plaintes. Au-delà de 5 000 plaintes ont été
déposées depuis cinq ans comme non-respect, et c'est à partir de ces
plaintes-là qu'on va éventuellement déposer un projet de loi ce printemps pour
améliorer la portée de cette charte-là et surtout rendre encore plus
contraignant, pour les ministères, de se dérober à l'application de la charte.
Donc, c'est ça que donne, une charte. Une charte donne le pouvoir aux victimes
de se plaindre que leurs droits ne sont pas respectés, et quand vient le temps
d'évaluer cette charte-là, bien, on a de la matière à faire en sorte qu'on peut
la faire évoluer, comme la charte des droits et libertés, qui a évolué depuis
1982 avec les décisions de tribunaux, ce qui n'existe pas au Québec
actuellement, cette progression des droits des victimes ne peut pas exister, il
n'y a pas de fondement légal à ces droits-là.
Mme Lachance : D'accord. Et
puis on convient, là, je pense que vous avez, lors de votre discussion avec le
ministre… le concept élargi de victime, les victimes hors Québec, ce sont des
avancées qui sont très significatives au niveau de la loi. Dans le fond, le
volet qui, à votre avis, pourrait être amélioré, c'est le volet relationnel, la
relation entre l'État et la victime.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Deux volets. D'abord le volet… On sait que la notion de rente viagère a fait
l'objet, dans les dernières années, les dernières tentatives de réforme... ça a
été le point le plus contesté pour réformer le programme, c'est pour ça que les
gouvernements n'ont pas fait de réforme. De le réformer aujourd'hui, j'admire
le courage du ministre de le faire, mais, une fois qu'on dit : On
abolit les rentes viagères, il ne faut pas faire en sorte que les victimes qui
étaient bénéficiaires de ces rentes-là ou celles qui le seraient dans l'ancien
programme, de dire... soient désavantagées, il ne faut pas que ce soient les
victimes qui portent le seul fardeau financier de l'abandon de cette clause-là.
Il faut s'assurer qu'il y ait des montants forfaitaires qui viendront compenser
pour ça et que, dans le temps, cette rente-là se réduise.
Par rapport aux victimes hors Québec, ce
que je dis : Oui, c'est un pas intéressant pour que les autres provinces
puissent copier le Québec, mais c'est aussi le regard qu'on porte sur les
victimes au Québec qui, à mon avis, n'a pas beaucoup évolué dans les organismes
d'aide, particulièrement les organismes d'aide financière où on a encore une
approche un peu, je dirais, douteuse face à la victime, face à sa situation. Et
moi, je le reviens... Pourquoi on ne fait pas en sorte qu'on croit la victime,
et, s'il y a des problèmes de doute, que l'administration se corrige après. On
n'a même pas cette approche-là par rapport aux criminels, parce qu'on dit aux
criminels : Nous devons faire la preuve que tu es criminel, et si on ne
réussit pas à faire la preuve que tu es criminel, tu es innocent. Alors, pour
les victimes, face à l'État, elles doivent faire la preuve qu'elles sont <victimes…
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
...
qu'on croit la victime, et, s'il y a des problèmes de doute, que
l'administration se corrige après. On n'a même pas cette approche-là par rapport
aux criminels, parce qu'on dit aux criminels : Nous devons faire la preuve
que tu es criminel, et si on ne réussit pas à faire la preuve que tu es
criminel, tu es innocent. Alors, pour les victimes, face à l'État, elles
doivent faire la preuve qu'elles sont >victimes. Ça, ce changement de
philosophie là, à mon avis, est essentiel pour la réussite de la réforme du ministre.
Mme Lachance : Merci,
sénateur. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :
Il reste 40 secondes, M. le député de Saint-Jean, si vous voulez profiter.
M. Lemieux : Profiter,
dites-vous?
Le Président (M. Bachand) :
D'un commentaire.
M. Lemieux : Bonjour, M. le
sénateur. Oui.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
M. Lemieux... bonjour, M. le député.
M. Lemieux : Content de vous
retrouver aussi. C'est une question d'équilibre, tout ça, hein, quand on
regarde le titre de la loi, du projet de loi n° 84, «aider
les personnes victimes d'infractions et favoriser leur rétablissement», vous
l'avez évoqué tantôt, c'est un réalignement, vous l'appelez politique, mais il
y a un équilibre, là, à préserver, et si on veut ouvrir, comme le ministre veut
le faire, bien, ce n'est pas qu'il faut fermer ailleurs, mais il y a un
équilibre, d'autant plus qu'on rajoute déjà de l'argent. Votre lecture de cet
équilibre-là, on est où, là, dans l'équilibre?
Le Président (M. Bachand) :
Malheureusement, c'est tout le temps qu'on a.
M. Lemieux : Ah!
il va le dire plus tard, il va trouver le moyen de le dire plus tard. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :
Alors donc, M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.
M. Tanguay
:
Merci beaucoup, M. le Président. Bien, j'aimerais évidemment demander à monsieur...
Bonjour, M. Boisvenu.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui. Bonjour.
M. Tanguay
: J'aimerais
vous donner l'opportunité, évidemment, par respect élémentaire, de peut-être
répondre à mon collègue sur sa question, si le coeur vous en dit.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
M. Lemieux, c'est un équilibre qui va être, quant à moi, difficile à
atteindre, mais souhaité, c'est évident, parce que le problème, c'est la
proximité des services aux victimes. Je me souviens, en 2002, quand Julie, ma
fille, a été assassinée, les CAVAC n'aidaient pas du tout les familles, elles
n'aidaient que les victimes survivantes, ce qui correspondait à l'ancienne loi.
Malgré les changements qui n'ont pas été faits avec rapidité, les CAVAC ont adapté
leurs services plus rapidement, un exemple, que l'IVAC à cause de cette
proximité qu'elles ont avec les victimes. Ce que je crains de cette loi-là, c'est
qu'elle ne changera pas la mentalité des fonctionnaires de l'IVAC à cause de
leur éloignement physique avec les victimes. On ne peut pas être sensibles aux
victimes si on n'a pas un contact humain avec les victimes.
M. Tanguay
: Et
là-dessus, M. Boisvenu, merci pour votre réponse. Je reprends la balle au
bond, «ont su s'adapter», les CAVAC devraient être... et c'est votre
recommandation, puis j'aimerais qu'on puisse insister sur cette
recommandation-là, que les CAVAC soient la porte d'entrée unique, qui ont cette
expertise humaine dans tous les sens de l'expression et qui pourraient aussi
participer d'une régionalisation des services également, là, les deux
pourraient aller de pair, là.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Je
vous dirais, pour les victimes d'actes criminels, ça serait le plus grand gain.
Vous êtes en Abitibi, vous êtes en Gaspésie, vous êtes loin des services
gouvernementaux, et souvent les services sont moins complets que dans les
grands centres, et de constamment traiter via une ligne téléphonique, et vous
battre via une ligne téléphonique pour avoir des services, moi, je pense qu'en
2021, ce n'est plus acceptable. Et je pense que les CAVAC, avec l'expertise
qu'elles ont développée au cours des 10, 15 dernières années avec les
familles dont un proche a été assassiné, je <pense...
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
...
et de constamment traiter via une ligne téléphonique, et vous battre
via une ligne téléphonique pour avoir des services, moi, je pense qu'en 2021,
ce n'est plus acceptable. Et je pense que les CAVAC, avec l'expertise qu'elles
ont développée au cours des 10, 15 dernières années avec les familles dont
un proche a été assassiné, je >pense que les CAVAC sont à même,
aujourd'hui, d'assumer un rôle beaucoup plus grand, par rapport à leur rôle
avec les victimes, pour faire en sorte que les victimes ne frappent qu'à une
porte, et, ensuite, sur le plan administratif, que le travail soit fait par les
gens du CAVAC.
Moi, j'ai vu cette évolution-là, là, parce
que, lorsque Julie a été assassinée, on est venu me voir, les CAVAC, trois ans
après. Bien, j'ai dit : C'est un peu tard. Mais ils ont commencé leur
réforme à l'intérieur du Québec à ce moment-là, et je regarde les services
aujourd'hui, dans beaucoup de régions, c'est 24 heures sur 24, sept jours
semaine, les CAVAC sont beaucoup plus près des victimes, et je pense qu'ils
devraient être, à mon avis, pour le ministre, l'outil à privilégier pour
traiter avec les victimes.
M. Tanguay
: Et, avec
cette pierre-là, on atteindrait plusieurs coups, donc, le coup... des bons
coups, là, la régionalisation, l'aspect humain. Et également on se cassait la
tête, en discutant avec les intervenants, sur dire : Bon, bien, les
fonctionnaires, les hommes et les femmes qui sont de bonne foi, mais qui sont à
Québec, qui ne sont pas... qui doivent être au courant qu'ils font affaire avec
des personnes qui ont des besoins très spécifiques, là, je n'appelle pas pour
renouveler un permis de conduire, là. Alors, ça prend une approche différenciée
pour être au fait de cela malgré toute la bonne foi que vous pouvez avoir. Bien,
ça, c'est un grief qui est revenu régulièrement, de dire : On peut-tu
avoir le moins d'interlocuteurs possible pour ne pas être obligé de toujours
recommencer? On peut-tu avoir également une approche humaine? Plus là on se
disait : Bon, pourquoi ne pas légiférer? Soyez polis, soyez gentils, soyez
humains, on ne peut pas légiférer ça, mais, avec l'approche des CAVAC, on
atteindrait cet objectif-là. Et ça, avant même de dire : Vous allez être
indemnisé. Ça, c'est la porte d'entrée, ça participe aussi, puis j'aimerais
vous entendre là-dessus, c'est fondamental, ce qu'on dit là, d'un processus
aussi de guérison, un processus de reprendre le contrôle de sa vie, tu sais,
c'est tout l'aspect humain de la chose, c'est d'abord de l'humain dont on
parle.
• (15 h 20) •
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
C'est fondamental, ce que vous dites. Et vous savez, les victimes se présentent
deux fois devant un tribunal, lorsqu'elles portent accusions puis elles doivent
témoigner, on sait comment c'est difficile pour une victime de témoigner devant
un tribunal judiciaire, et la deuxième occasion, c'est se présenter au tribunal
administratif. Et ça, je pense, le traiter avec uniquement les CAVAC, et que
les CAVAC deviennent aussi pour les victimes une personne-ressource pour
préparer leur témoignage au tribunal administratif, ça serait, M. le ministre,
l'avancée la plus grande pour les victimes.
Les victimes, lorsqu'elles contestent
l'IVAC au tribunal administratif, le plus grand sentiment qu'elles ont, c'est
l'abandon par l'État. Et ça, d'améliorer ce service-là, ce n'est pas un service
qui va coûter des millions au Québec, je pense que les CAVAC pourraient très
bien remplir ce rôle-là, de préparer les victimes qui n'ont plus d'énergie, qui
n'ont plus d'efforts à mettre pour défendre leurs droits. Si les CAVAC pouvaient
élargir leur mandat à ce niveau-là, ça serait une très grande avancée.
M. Tanguay
: J'aimerais
vous entendre... Je ne sais pas si les collègues qui n'ont pas la parole
peuvent fermer leur micro, on entend des <bruits de fond. Alors...
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
...
très bien remplir ce rôle-là, de préparer les victimes qui n'ont plus
d'énergie, qui n'ont plus d'effort à mettre pour défendre leurs droits. Si les
CAVAC pouvaient élargir leur mandat à ce niveau-là, ça serait une très grande
avancée.
M. Tanguay
:
J'aimerais vous entendre... Je ne sais pas si les collègues qui n'ont pas la
parole peuvent fermer leur micro, on entend des >bruits de fond. Alors,
j'aimerais, M. Boisvenu, sénateur Boisvenu, vous entendre justement sur
une recommandation du réseau des CAVAC, qui nous disait : Créez un poste
de protecteur des personnes victimes d'infractions criminelles, tel qu'un
ombudsman, avec un pouvoir d'enquête et une force exécutoire. Vous en penseriez
quoi, vous, de ça?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Bien, écoutez, là, l'ombudsman, des victimes de criminels est à Ottawa depuis
2005 et la seule faiblesse que l'ombudsman du fédéral a, c'est qu'il relève du ministre
de la Justice plutôt que de relever du Parlement. Je pense que si on a une
approche «commission des victimes d'actes criminels», où on va donner les
pouvoirs uniques au ministre, où on aura une commission qui aura aussi des
pouvoirs d'étudier des contestations, je pense que le poste d'ombudsman ne
serait pas nécessairement nécessaire. Le poste d'ombudsman qu'on créerait au Québec,
on le créerait à cause des faiblesses des structures, donc, moi, je me dis :
Ce n'est pas un fonctionnaire de plus que ça nous prend au Québec, ça nous
prend des structures plus efficaces pour venir en aide aux victimes. De
remettre un étage là-dessus, moi, je ne pense pas que c'est l'approche. Les
structures sont là, adaptons les structures aux victimes, et non d'adapter les
structures aux fonctionnaires.
M. Tanguay
: Je
comprends bien votre point, c'est tout à fait logique, autrement dit, puis c'est
votre premier prérequis, là, la création d'une commission d'indemnisation des
victimes d'actes criminels où il y aurait justement un représentant ou représentante
des victimes sur la commission, et ainsi de suite. Et le bienfait de ce que
vous nous proposez, si on en discute, serait que ce serait une analyse systématique
pour tout le monde et non pas une aide de dernier recours, de dire : Bien,
moi, je veux contester d'abondant puis je m'en vais à l'ombudsman, puis là il y
a des délais, puis c'est l'exception qui conteste devant l'ombudsman, qui peut
s'en saisir ou ne pas s'en saisir. Il y a là, donc, une complémentarité, des
moyens différents, mais vous vous privilégieriez la commission, je comprends très
bien votre point. J'aimerais vous entendre, vous en avez parlé, sur la rente
viagère.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Je veux juste faire un commentaire, si vous permettez. Ce que les victimes
veulent avoir au Québec, là, c'est un vrai ministre des victimes d'actes
criminels. On a souvent l'impression que le ministre est entre deux chaises,
l'IVAC qui répond du ministère du Travail et là, on a un ministre aujourd'hui, M. Jolin-Barrette,
qui a pris ce dossier-là, je veux dire, à bras le corps, et c'est ce que les
victimes souhaitent maintenant, c'est que le ministre la porte plus loin,
cette... Et les victimes veulent se reconnaître dans une institution qui leur
ressemble, c'est ça que les victimes veulent, ils veulent une institution qui
va les croire lorsqu'elles vont dire : Je n'ai pas été bien traité, mes
droits n'ont pas été... C'est ça que les victimes veulent.
M. Tanguay
: Bien, merci beaucoup.
La rente viagère, vous avez vu les échos, les inquiétudes qui ont été soulevées
par l'abandon de la clause de rente viagère. Vous, si je veux bien vous
comprendre, vous dites, donc, votre principal, c'est de dire, je pense, puis
corrigez-moi si j'ai tort parce que des fois, en un paragraphe, on interprète,
là, vous <dites...
M. Tanguay
: …La
rente viagère, vous avez vu les échos, les inquiétudes qui ont été soulevées
par l'abandon de la clause de rente viagère. Vous, si je veux bien vous
comprendre, vous dites, donc, votre principal, c'est de dire, je pense, puis
corrigez-moi si j'ai tort parce que des fois, en un paragraphe, on interprète,
là, vous >dites «clause de rente viagère», vous n'êtes pas
nécessairement pour, mais vous dites : Si vous allez là, assurez-vous que
les montants forfaitaires tiennent compte du futur. C'est ce que vous nous
dites.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
L'exemple le plus frappant, c'est lorsque, dans une famille, une personne est
assassinée, si elle est mineure, je pense que l'aide financière est autour de
12 000 $, mais, si elle est majeure, il n'y a aucun montant
forfaitaire, alors qu'en Ontario, dans les cas de meurtre, c'est
50 000 $. Moi, j'ai eu deux filles qui sont décédées, une sur la
route, elle a reçu… la famille a reçu 50 000 $, et une qui a été
assassinée, où l'État avait une responsabilité sur le criminel, puis on a reçu
600 $. Aujourd'hui, c'est 5 000 quelques dollars pour enterrer notre
proche, peut-être 6 000 $, mais, ce que je dis, si on délaisse la
formule des rentes viagères, et là-dessus je n'ai pas de difficulté,
assurons-nous, par contre, s'il y a des montants forfaitaires qui viennent les
remplacer, qu'une personne qui veut, deux, trois ans après, reprendre sa vie
professionnelle, qu'il y ait du support au niveau de la mise à jour de ses
connaissances, un support au niveau d'une formation professionnelle, qu'elles
aient des outils pour revenir sur le marché du travail, parce que je pense que
toutes les victimes, toutes les victimes ne veulent pas rester victimes toute
leur vie, elles veulent reprendre une activité de citoyen, citoyenne impliqué.
Mais, si, après deux, trois ans, il n'y a pas d'outil qui va supporter ces
victimes-là pour reprendre une vie normale, bien, je pense qu'on va appauvrir
leur situation professionnelle et leur situation économique.
M. Tanguay
: Lorsque
vous parlez d'harmoniser les régimes d'indemnisation québécois, pouvez-vous…
détrompez-moi, là, les différents régimes d'indemnisation, justement, vous n'y
faites pas référence parce que certains nous invitent à faire des parallèles,
des liens avec les tables d'indemnisation, l'approche, le corpus législatif par
rapport à la Société de l'assurance automobile du Québec, la SAAQ, par rapport
à la CNESST, est-ce que c'est ces régimes-là que vous aimeriez qu'il y ait une
harmonisation?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Je pense que tout le monde qui est victime au Québec, que ce soit de la route,
accident de travail, victime d'acte criminel, il ne veut pas subir de la
discrimination, ce que les victimes d'actes criminels ont subi pendant des
années de temps. Je viens de le dire, moi, j'ai eu affaire à deux régimes, régime
d'assurance automobile, quand Isabelle est morte sur les routes, et le régime
de l'IVAC, et j'ai eu… c'est comme si j'étais dans deux gouvernements
totalement différents. Face à la SAAQ, je n'ai pas eu à faire la preuve de
rien. Et la grande contradiction, c'est que quelqu'un qui est en boisson puis
qui a un accident de la route, puis c'est le principe du «no fault», il va être
aidé sans contestation, alors que la victime des criminels, qui n'a pas choisi
son état, elle devrait faire la preuve qu'elle est victime. C'est un peu
incompréhensible. Donc, quand je parle d'harmonisation, j'essaie… je dis :
Essayons d'avoir une vision <uniforme…
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
…quelqu'un qui est en boisson puis qui a un accident de la route, puis c'est le
principe du «no fault», il va être aidé sans contestation, alors que la victime
des criminels, qui n'a pas choisi son état, elle devrait faire la preuve
qu'elle est victime. C'est un peu incompréhensible. Donc, quand je parle
d'harmonisation, j'essaie… je dis : Essayons d'avoir une vision >uniforme
lorsqu'on traite avec un citoyen qui a un accident de la route, un accident de
travail, ou une victime d'acte criminel, ayons une approche philosophique qui
est la même.
M. Tanguay
:
M. Boisvenu, merci beaucoup. Avant de vous quitter, une question rapide.
Donc, la charte québécoise des droits des victimes serait quasi
constitutionnelle, donc serait plus forte que les lois, elle pourrait venir
aider l'interprétation des lois. Et une demande, à la fin : S'il vous
plaît, si vous aviez de la documentation supplémentaire quant à la Charte
fédérale des droits des victimes, sa rédaction, et tout ça, s'il vous plaît, je
vous en fais la demande, prière de l'envoyer au secrétaire de la commission, ce
serait très apprécié pour nos travaux, puis je vous remercie beaucoup.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Comme c'est moi qui a écrit la Charte canadienne des droits des victimes, je
peux proposer au ministre de l'assister, si jamais, un jour, il veut faire une
telle charte, mais ce que je veux dire, c'est que la charte québécoise des
droits des victimes, c'est comme la charte des droits et libertés au Québec, la
charte des droits et libertés québécoise, les ministères sont obligés de
respecter, dans leur quotidien, cette charte-là, bon, ça serait la même chose
avec une charte des droits des victimes.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Mais on va vous envoyer l'information.
M. Tanguay
: Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
Merci, M. Boisvenu, pour votre présentation.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Merci, Mme la députée.
Mme Labrie : J'apprécie
beaucoup votre suggestion par rapport à la commission d'indemnisation. Il y a
plusieurs personnes qui nous ont témoigné du problème du tribunal, de l'épreuve
que ça présentait pour les victimes, mais votre solution est assez
intéressante, je dois dire, ça mérite d'être exploré.
Je voudrais vous entendre davantage sur la
question de la porte d'entrée unique. Vous proposez les CAVAC, je comprends
tout à fait pourquoi vous soutenez qu'ils ont une approche plus humaine parce
qu'ils rencontrent en personne les victimes, donc ils sont plus à même de
s'adapter. Par contre, il y a quand même d'autres types d'organismes, aussi,
qui accompagnent les victimes et qui le font de près, je pense aux CALACS, par
exemple. Quand vous dites que ça prendrait une porte d'entrée unique et que ça
devrait être les CAVAC, est-ce que vous voulez… est-ce que vous englobez,
là-dedans, les autres types d'organismes qui sont sur le terrain ou vous pensez
que ça devrait vraiment être une seule porte unique?
• (15 h 30) •
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Écoutez, si j'étais ministre, mais je ne le suis pas, mais j'ai quand même
30 ans d'expérience dans l'administration québécoise comme haut
fonctionnaire, je ferais une réflexion de rationalisation des organismes d'aide
aux victimes. Moi, je pense que tous les organismes d'aide aux victimes qui
traitent d'éléments judiciaires, les CALACS en sont, les CAVAC en sont, moi, je
ferais un exercice de réflexion, à savoir est-ce qu'il n'y a pas lieu de
rationaliser, d'intégrer des structures pour s'assurer que les victimes
puissent être à la même porte, mais à l'intérieur de cette porte-là, on a des
spécificités, comme au ministère de l'Environnement, comme dans d'autres
ministères. Le ministère de l'Environnement, vous avez l'agriculture, vous avez
le municipal, vous avez l'industriel, mais il y a une porte unique. Est-ce
qu'on ne pourrait pas y <avoir…
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
…de rationaliser, d'intégrer des structures pour s'assurer que les victimes
puissent être à la même porte, mais à l'intérieur de cette porte-là, on a des
spécificités, comme au ministère de l'Environnement, comme dans d'autres
ministères. Le ministère de l'Environnement, vous avez l'agriculture, vous avez
le municipal, vous avez l'industriel, mais il y a une porte unique. Est-ce
qu'on ne pourrait pas > y avoir une approche similaire au Québec au
niveau des victimes d'actes criminels? Il y a un centre de victimes d'actes
criminels à l'intérieur desquels il y a des gens qui s'occupent d'agression
sexuelle, d'autres qui s'occupent des gens qui ont commis… des victimes qui ont
été victimes de meurtre. Ça ferait en sorte qu'on aurait une approche intégrée
par rapport aux victimes d'actes criminels. Parce que, souvent, une victime d'actes
criminels, d'agression sexuelle va faire affaire avec la CAVAC et le CALACS.
Donc, souvent, il y a une confusion au niveau des gens. Moi, quand que les gens
m'appellent, puis je dis : Je vais vous référer au CALACS, bien, là, ils
disent : C'est quoi, le CALACS? Pourquoi vous ne me référez pas au CAVAC?
Donc, il y aurait peut-être une forme… une réflexion à faire à ce niveau-là,
pour avoir une meilleure intégration.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée, il reste du temps.
Mme Labrie : Oui. Vous allez
tout à fait dans le sens des recommandations du rapport qui a été déposé en
décembre au niveau de l'intégration de ces services-là, de s'assurer que, dans
chacune de ces portes d'entrée là, il y ait un éventail de services qui
répondent aux différents besoins des victimes. Ça clarifie quand même votre
position. Donc, j'entends que l'idée, pour vous, ce n'est pas nécessairement
que les victimes ne puissent que passer par les CAVAC pour avoir accès à l'IVAC,
mais que ça puisse se faire aussi par d'autres organismes, mais qu'il y ait une
meilleure concertation, une meilleure intégration.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Écoutez, on dépense… on a dépassé le 100 millions par année qu'on investit
au niveau des victimes d'actes criminels au Québec. Moi, je pense qu'il est
temps de voir comment ces argents-là sont dépensés et si on ne peut pas tirer
une meilleure efficacité des structures qui traitent avec les victimes.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, sénateur Boisvenu, merci beaucoup d'avoir
été avec nous cet après-midi. Grand plaisir de vous retrouver, d'ailleurs.
Et, sur ce, la commission suspend ses
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 32)
(Reprise à 15 h 38)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Avant d'aller plus loin, je comprends
qu'il y a un consentement entre les groupes parlementaires afin d'annoncer un
remplacement au cours de la séance afin que Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)
soit remplacée par Mme St-Pierre (Acadie). Consentement? Merci infiniment.
Donc, il nous fait plaisir d'accueillir
les représentantes de la Concertation des luttes contre l'exploitation
sexuelle, dont l'une d'elles est une survivante de l'exploitation sexuelle.
Afin de protéger son identité, elle sera entendue en audio seulement et sous le
pseudonyme de Lau Ga. La vidéo du témoin qui l'accompagne, Mme Martine B.
Côté, sera activée comme à l'habitude.
Donc, mesdames, merci infiniment d'être
avec nous. Et je vous cède la parole pour 10 minutes, et, après ça, on
aura un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous. Merci.
Concertation des luttes contre l'exploitation
sexuelle (CLES)
Mme Côté (Martine B.) : Bien
le bonjour. Merci de nous avoir invitées.
On salue évidemment l'abolition de la
liste des crimes indemnisables, et ce que nous espérons être une admission
entière et sans discrimination des personnes exploitées sexuellement au
bénéfice de la loi. Elles le méritent, ces femmes, elles en ont besoin, car les
conséquences de l'exploitation sexuelle sont nombreuses, complexes et nuisent,
voire empêchent le retour à un emploi ou aux études. Les femmes exploitées
sexuellement souffrent de troubles de stress post-traumatique, d'anxiété, de
fibromyalgie, de dépression, et j'en passe, sans parler de leur précarité
financière.
J'aimerais vous sensibiliser à quatre enjeux
qui touchent les femmes qui reçoivent des services chez nous. Premièrement, la
rétroactivité, question de corriger une injustice. En 2005, le crime de
traite a été ajouté au Code criminel. En lien avec cet ajout au code, les
provinces ont <ajusté...
Mme Côté (Martine B.) :
...sans parler de leur précarité financière. J'aimerais vous sensibiliser à
quatre enjeux qui touchent les femmes qui reçoivent des services chez nous. Premièrement,
la rétroactivité, question de corriger une injustice. En 2005, le crime de
traite a été ajouté au
Code criminel. En lien avec cet ajout au code,
les provinces ont >ajusté leur liste de crimes indemnisables par leur
propre régime de type IVAC. Seul le Québec ne l'a pas fait. Dans le même ordre
d'idées, en 2014, le proxénétisme est passé de crime contre les moeurs à
crime contre la personne dans le Code criminel. Encore une fois, le Québec
aurait dû harmoniser son régime d'indemnisation pour inclure ce nouveau crime,
mais ne l'a pas fait. Cette fameuse liste de crimes non harmonisée avec le Code
criminel a laissé beaucoup, beaucoup de femmes victimes d'exploitation sans ce
droit à la réparation dont le Québec a choisi de se doter. Vous pouvez, MM. et
Mmes les députés, corriger cette erreur du passé. Avec la pandémie,
l'exploitation sexuelle a monté en flèche. Quand ces femmes seront en mesure de
demander de l'aide, disons, l'an prochain, allez-vous vraiment leur dire que
l'exploitation sexuelle n'était pas un crime indemnisable en 2020?
• (15 h 40) •
Parlons maintenant délai. La CLES salue
l'abolition de la prescription dans le cas des violences sexuelles, conjugales
et commises pendant l'enfance. Toutefois, il est impératif d'inclure à cette
imprescriptibilité les crimes liés à l'exploitation sexuelle, et ce, pour les
mêmes raisons. La Cour suprême a reconnu que le préjudice est souvent latent,
d'où le principe de la présomption de conscience élaborée en 1992, soit
que le délai de prescription commence à courir au moment où la victime prend
conscience du lien de causalité entre le préjudice subi et la faute commise par
l'agresseur. Ce phénomène-là, il est tout aussi applicable et documenté chez
les personnes victimes d'exploitation sexuelle. Pour les femmes exploitées, la
prise de conscience du lien entre le crime subi et les séquelles se fait souvent
plusieurs années après la fin de l'exploitation sexuelle. Donc, en ce sens, on
vous recommande d'inscrire à l'article 20 qu'une demande de
qualification puisse être présentée en tout temps, lorsque celle-ci est en lien
avec l'exploitation sexuelle.
Mon troisième point, la faute lourde.
Depuis 2017, le principe de faute lourde ne s'applique pas dans le
contexte d'une agression sexuelle, mais cette précision est trop importante
pour ne faire l'objet que d'une simple directive administrative et doit être inscrite
dans la loi. De même, on vous demande de considérer une indication selon
laquelle le contexte de prostitution ne peut pas être considéré comme une faute
lourde. En 2014, dans l'affaire N.C. c. Procureur général, on a refusé
l'IVAC à une femme en situation de prostitution qui a subi une agression qui
l'a privé d'un oeil en invoquant la faute lourde. Cela ne doit plus jamais se
reproduire. La CLES recommande l'inscription dans la loi, à l'article 16,
d'une disposition d'exception à la faute lourde pour les agressions sexuelles
ainsi que les crimes subis dans un contexte de prostitution, de traite et de
proxénétisme.
Je vous parle enfin d'indemnisation. En ce
moment, la majorité des 161 femmes qui ont un suivi chez nous ne vivent
que d'aide sociale, et, parfois, après avoir engrangé beaucoup d'argent, de
l'argent dont elles n'ont pas vu la couleur. Si vous <allez...
Mme Côté (Martine B.) :
…contexte de prostitution, de traite et de proxénétisme.
Je vous parle enfin d'
indemnisation.
En ce moment, la majorité des 161 femmes qui ont un suivi chez nous ne
vivent que
d'aide sociale, et, parfois, après avoir engrangé beaucoup
d'argent, de l'argent dont elles n'ont pas vu la couleur. Si vous >allez
de l'avant avec votre intention de couper l'indemnité aux personnes sans revenu
incapables de vaquer à leurs occupations, ces femmes n'auront aucune aide
financière. Se rétablir des séquelles d'exploitation et pouvoir réintégrer le
marché de l'emploi ou des études, ça prend du temps pour ces femmes aux prises
avec des problèmes de santé importants et une vie à reconsolider. On vous
demande donc de revenir à une forme d'indemnité pour incapacité, même pour les
personnes dites sans revenu.
Je termine ainsi, avant de passer la
parole à ma collègue : on sent que votre gouvernement, M. le ministre, est
sensible à la question de la prévention à l'exploitation sexuelle. On l'a vu
avec votre Commission spéciale sur l'exploitation, vous êtes soucieux,
soucieuses du «avant» de la prévention, mais il faut que la sortie de
l'exploitation et le «après» soient pris en compte, et l'IVAC peut faire une
grande différence dans le rétablissement pour les personnes victimes
d'exploitation sexuelle. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme Lau Ga.
Mme Ga (Lau) : Oui. Bonjour.
J'ai choisi de porter plainte. Donc, vu les procédures judiciaires qui suivent
leur cours, mon anxiété et ma peur de représailles de la part de mon agresseur,
je préfère taire mon identité.
Quand tu es dans un poste de police et qu'on
te parle de l'IVAC, ma première réaction fût : C'est quoi ça, pourquoi
moi? Encore dans les premiers instants de cette tragédie qui venait d'être
dévoilée, on me martèle d'informations importantes alors que je ne comprends
même pas comment je me suis rendue là.
J'ai choisi de porter plainte contre mon
agresseur, mon proxénète, mais aussi l'homme dont je suis éperdument amoureuse,
parce que, oui, de l'amour pour notre pimp, on en ressent toujours. On m'a
alors parlé de l'IVAC qui me faciliterait la vie et qui m'aiderait à reprendre
ma vie en main après l'acte criminel. À ce moment-là, ça n'avait pas grand sens
dans ma tête, en fait, rien n'en faisait.
Alors, l'IVAC va attendre que je sois
capable de comprendre ce qui m'arrive, cependant tu te rends compte que l'IVAC
n'attend pas. J'obtiens donc un rendez-vous dans un CALACS pour que
l'intervenante puisse m'aider à remplir les formulaires de l'IVAC. Je me rends
de reculons rencontrer une nouvelle personne et lui conter mon histoire que je
n'ai pas envie de raconter encore et encore. Je ne réalise aucunement, à ce
moment-là, que mon histoire, elle ne m'appartenait plus et que je n'avais pas
terminé de la raconter.
Avec l'arrivée de la pandémie, j'ai dû
terminer de remplir les papiers seule. Dans le formulaire, je dois expliquer
les conséquences de ce que je viens de vivre, mais les conséquences, je ne les
connais pas. Je découvre encore, chaque semaine, de nouvelles conséquences au
fait d'avoir subi de l'exploitation sexuelle et de souffrir d'un trouble de stress
post-traumatique. Seule et perdue, je termine et j'envoie les formulaires de
l'IVAC. En attendant, je fais une demande d'aide sociale, parce que des
revenus, j'en ai besoin maintenant.
Je relance l'IVAC au mois de mai 2020
puisque je n'ai toujours pas de leurs nouvelles. Je parle avec un monsieur qui
me traite comme un numéro et qui m'expédie le plus rapidement <possible…
Mme Ga (Lau) :
…Seule
et perdue, je termine et j'envoie les formulaires de l'IVAC. En attendant, je
fais une demande d'aide sociale parce que des revenus, j'en ai besoin
maintenant.
Je relance l'IVAC au mois de
mai 2020 puisque je n'ai toujours pas de leurs nouvelles. Je parle avec un
monsieur qui me traite comme un numéro et qui m'expédie le plus rapidement >possible
mon numéro de dossier de l'IVAC, le nom de mon agente et m'indique que je vais
recevoir une lettre explicative. Ils m'ont préapprouvé deux heures
d'évaluation chez la psychothérapeute ainsi que 10 séances, le temps
qu'ils traitent ma demande. Tu dois trouver une psychothérapeute qui fait
affaire avec l'IVAC, qui est à l'aise avec l'exploitation sexuelle, car, à ce
moment-là, je ne sais pas encore que l'IVAC ne reconnaît pas l'exploitation
sexuelle comme un acte criminel, je l'apprendrai seulement en juillet 2020.
Je demande à l'IVAC s'ils ont une liste de
psychothérapeutes à me fournir; bien non, ils n'en ont pas. Donc, ils vont
t'approuver ton aide, mais le reste, tu dois te débrouiller seule. «Seule»,
quel mot si simple, mais si lourd de sens en même temps. Parce qu'en ce moment,
même si j'essaie de tout faire ce qu'on me demande, je n'y arrive pas. J'ai
beau essayer de m'accrocher, mais, à travers la tragédie, je me sens seule,
délaissée et jugée. Pourtant, on me répète souvent que je suis une femme forte.
Mais l'IVAC n'est pas mon seul combat. Si je vous énumérais tous les combats
qu'on a lorsqu'on vient de porter plainte... Wow! tout ça pour une même
personne. Mais l'IVAC est la démarche de trop, les papiers de trop, les lettres
de trop. Aucune compassion quand tu leur parles. Pour eux, tu es seulement un
numéro. Quelle aide t'offre-t-il? Celle de te pousser au bout du rouleau afin
que tu ne complètes pas toutes les démarches et tous les papiers qu'ils te
demandent. Donc, si tu en échappes une, eh bien, là, il est trop tard, les
délais sont passés.
Pour moi, l'IVAC ce sont des personnes
sans coeur au bout du téléphone pour qui tu es juste une autre pauvre victime.
Des phrases telles que : Oui, mais, madame, vous étiez prostituée avant.
Oui, mais, madame, vous ne travailliez pas avant. Madame, qu'est-ce que la
traite humaine? Si ces phrases vous surprennent, sachez que moi, ces phrases-là
me sont familières. Je leur envoie des papiers qu'ils perdent et me redemandent
encore et encore. À chaque fois que je dois ressortir pour leur envoyer à
nouveau le papier par fax ou par la poste, après, ma journée est foutue. Sortir
pour une lettre me demande toute mon énergie d'une journée. J'essaie de leur
expliquer, mais, si je ne leur renvoie pas, c'est moi qui suis pénalisée. Faire
affaire avec l'IVAC, c'est très difficile, et ils t'apportent le strict minimum
de soutien. Si tu veux quelque chose, bats-toi. Mais avec quelle énergie
voulez-vous que je me batte? Pourquoi se battre pour faire valoir un droit qui
m'est dû? Pourquoi? «Non» est leur réponse d'emblée.
Je suis retournée à l'école à distance en
octobre 2020, à raison de 20 heures par semaine au début et ensuite
16, parce que c'est trop difficile. Mais, dans la vie, on m'a enseigné :
Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'on abandonne. Le chemin facile, je
l'ai choisi souvent, mais ce n'est que rarement le bon. Pour l'IVAC, si je vais
à l'école, c'est parce que je vais bien, mais non, avoir une routine, une
motivation, de savoir que, quand je vais être capable, je vais avoir un diplôme
et travailler dans un emploi que j'aime, ce sont des démarches pour aller
mieux, éventuellement.
On est rendu en janvier 2021, donc
plus de huit mois plus tard, et je n'ai jamais reçu le remplacement de
revenu pour les mois que j'étais incapable de vaquer à mes <occupations…
Mme Ga (Lau) :
…avoir une routine, une motivation, de savoir que, quand je vais être capable,
je vais avoir un diplôme et travailler dans un emploi que j'aime, ce sont des
démarches pour aller mieux éventuellement.
On est rendu en janvier 2021, donc
plus de huit mois plus tard, et je n'ai jamais reçu le remplacement de
revenu pour les mois que j'étais incapable de vaquer à mes >occupations.
J'ai encore des dépenses qui sont en traitement. Deux mois d'entreposage
qui ont été refusés puisque cela ne constitue pas une dépense supplémentaire. Une
case postale refusée puisque ce n'est pas justifié avec ce que j'ai vécu. Déplacements
pour rendez-vous en lien avec ma trousse médico-légale, refusés, ce n'est pas
en lien direct avec les actes criminels. J'ai été victime, entre autres,
d'agression sexuelle.
L'IVAC m'a remboursé les frais reliés à
mes déménagements, mes lunettes brisées et un système d'alarme, que mon médecin
et ma psychothérapeute avaient recommandé. Chaque demande fut une bataille.
L'IVAC m'a autorisé 10 séances de massothérapie et il rembourse
47,50 $ par séance. Pouvez-vous me dire quel massothérapeute charge
47,50 $ par séance?
J'ai de la difficulté à payer mes
factures, mon épicerie. Je coupe dans mes dépenses pour pouvoir arriver
financièrement, je demande même de l'aide à des organismes pour y arriver. Je
me bats contre les symptômes et les conséquences du trouble de stress
post-traumatique contre mon agresseur devant le tribunal, je me bats contre
l'IVAC, et, à travers tout cela, je dois recommencer à vivre, et à prendre soin
de moi, et à mettre de côté ma tragédie. Ce n'est pas normal d'avoir à se
battre avec l'IVAC, mais je me bats parce que je suis une battante. Je me bats
pour celles qui n'ont pas la force de se battre parce que les crimes contre la
personne doivent être reconnus. N'était-ce pas là la promesse électorale de
votre parti, M. le ministre? J'ai été victime d'exploitation sexuelle en 2020.
Allez-vous me dire que la loi n'est pas rétroactive et que le crime subi n'est
pas indemnisable, l'an passé? Ce n'est pas trop demander. Pour moi et pour
toutes les autres victimes, je vous en prie, aidez-nous.
• (15 h 50) •.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup pour votre exposé. On va débuter la
période d'échanges. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Mme Côté,
Mme Lau Ga, merci pour votre participation à la commission
parlementaire. Merci également pour votre témoignage, Mme Lau Ga, je
pense que c'est un témoignage courageux de venir dire en commission
parlementaire ce que vous avez vécu puis de témoigner sur les démarches que
vous avez eu à faire avec l'IVAC et les difficultés que vous avez eues avec
l'IVAC. Et c'est principalement pour ça qu'on a déposé le projet de loi
n° 84, pour réformer l'IVAC, notamment, au niveau… au service à la
clientèle. Désormais, on va ramener ça sous la responsabilité du ministère de
la Justice pour s'assurer que, le genre de situation que vous décrivez, ça
n'arrive plus et qu'on s'assure que les gens puissent avoir de l'aide d'urgence
dès le départ, puissent avoir des séances de psychothérapie dès le départ,
puissent être soutenus adéquatement, également, pour faire face aux
conséquences des crimes, des infractions criminelles que vous avez subies.
Alors, c'est notre objectif.
Je l'ai dit dès le départ, le projet de
loi, il n'est pas parfait. On tente, le plus possible, de répondre aux <demandes…
M. Jolin-Barrette :
…
puissent être soutenus adéquatement, également, pour faire face aux
conséquences des crimes, des infractions criminelles que vous avez subies.
Alors, c'est notre objectif.
Je l'ai dit dès le départ, le projet de
loi, il n'est pas parfait. On tente, le plus possible, de répondre aux >demandes
des victimes d'actes criminels depuis les 30 dernières années, notamment
au niveau de l'élargissement de la liste des crimes. Tout à l'heure,
Mme Côté nous disait : En 2005, lorsque le crime de traite est
survenu, a été inscrit dans le Code criminel, ça n'a pas été ajusté par les
gouvernements précédents au Québec. En 2014, même chose, également. Alors,
c'est sûr que je ne peux pas refaire le passé, mais, par contre, une chose
qu'on peut faire en adoptant le projet de loi, c'est de faire en sorte que les
crimes qui n'étaient pas couverts... on parle d'une quarantaine de crimes, qui,
désormais, le seront, dont celui d'exploitation sexuelle. Alors, dans une
réforme comme celle-ci, on tente le plus possible d'offrir du soutien, d'offrir
un élargissement, également, au niveau des personnes victimes pour faire en
sorte que, justement, on puisse multiplier… et je suis conscient des critiques
qu'il y a eu au cours des dernières années, en fait, au cours des
30 dernières années, pour l'ensemble des individus qui ont subi des
infractions criminelles.
Je voudrais peut-être vous demander :
À l'IVAC, directement, lorsque vous faites affaire avec les gens à l'IVAC, vous
considérez qu'ils n'ont pas eu une approche humaine avec vous?
Mme Ga (Lau) : Non. En fait,
l'IVAC, ce n'est pas très humain. Quand on vient de vivre une telle tragédie,
on a de la misère à se lever le matin, à manger, à se brosser les dents, à
vivre. En fait, on n'a plus le goût de vivre. Et là, moi, on m'a relocalisée
pour ma protection, donc tu vis cachée. Tu dois te trouver un nouvel
appartement, tu as besoin de revenus, tu as tellement de choses à faire. Puis,
quand j'ai appelé à l'IVAC, je me suis sentie comme un numéro, comme un numéro
de plus sur leur bureau, comme une charge de plus. Moi, me faire poser une
question par une agente de l'IVAC sur qu'est-ce que la traite humaine,
en 2020, je trouve ça anormal. Ce n'est pas à moi d'éduquer l'IVAC, mais à
l'IVAC d'être éduqué pour nous aider.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
pense que votre témoignage rejoint ce que beaucoup de victimes nous ont dit,
justement, d'avoir davantage de formation, d'avoir un meilleur service, aussi,
d'accompagnement auprès des victimes. Et on va simplifier, également, les
formulaires, l'aide, aussi, qui va être apportée.
Sachez qu'on prend le tout en grande
considération. Puis, un de nos objectifs, c'est justement de faire en sorte que
les victimes n'aient plus à, comment je pourrais dire, se débattre pour obtenir
l'aide requise, notamment en matière d'exploitation sexuelle, notamment, aussi,
au niveau du délai de prescription en matière d'agression sexuelle, pour faire
en sorte que les personnes victimes de ce genre de crimes là, lorsqu'elles
seront déterminées à demander de <l'aide, à…
M. Jolin-Barrette :
...à se débattre pour obtenir l'aide requise,
notamment
en
matière d'exploitation sexuelle, notamment, aussi, au niveau du délai de
prescription en matière d'agression sexuelle, pour faire en sorte que les
personnes victimes de ce genre de crimes là, lorsqu'elles seront déterminées à
demander de >l'aide, à faire leur demande, bien, elles pourront le faire
également.
Alors, je vous remercie grandement pour
votre témoignage. Je pense que j'ai des collègues qui veulent vous poser des
questions, donc je vais leur céder la parole. Un grand merci, Mme Lau Ga,
pour votre témoignage en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de
Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci, M. le ministre. Merci beaucoup, M. le Président. En fait, d'entrée
de jeu, Mme Côté, Mme Lau Ga, je veux vous remercier d'être à cette
commission aujourd'hui.
Votre témoignage, Mme Lau Ga, est
tout à fait courageux et démontre effectivement le grand bout de chemin qu'il
reste encore à faire malgré le dépôt de ce projet de loi là. Il y a des
avancées sur le projet de loi, mais le côté humain, vous l'avez très bien
mentionné, Mme Lau Ga, je pense que c'est une des raisons pour laquelle il
fallait travailler sur ce projet de loi là. Parce que, non seulement en
abolissant la liste, donc en ouvrant la porte à ce type de crimes là,
l'exploitation sexuelle des mineurs et l'exploitation sexuelle... la traite des
personnes aussi, ça fait en sorte qu'il faut davantage se pencher sur cette
réalité, c'est-à-dire le rétablissement. C'est pour ça que je louange votre
témoignage, Mme Lau Ga, parce qu'on voit que vous voulez vous sortir de
cette torpeur-là. Peut-être que vous ne le savez pas, mais j'ai également fait
partie de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Et
effectivement on voit que c'est important, le rétablissement, mais il faut
qu'il se fasse de façon structurée et évidemment humaine. Alors, bravo pour
votre témoignage, vos éclairages.
J'aimerais vous entendre sur le fait...
parce qu'on a eu beaucoup… Au cours de ces auditions-ci, là, depuis deux jours,
on entend beaucoup parler aussi de l'importance… je vais appeler ça un guichet
unique parce que je fais référence à ce qu'on a entendu dans la commission
spéciale, bien, l'importance d'avoir un guichet unique, donc un continuum de
services, un endroit où on doit... on peut se référer. Vous disiez, l'IVAC,
vous n'aviez jamais entendu parler de ça avant il y a quelques mois. Donc,
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'importance que ça revêt d'avoir un
guichet unique.
Mme Ga (Lau) : Ça serait
sûrement plus facile, parce que tu dois chercher de l'aide. L'IVAC a beau
t'approuver ton aide qu'il faut que tu la trouves, puis, quand tu ne sais pas
où la trouver, ça ne sert à rien. Comme, moi, ma psychothérapeute, un coup que
l'IVAC m'ont dit : Bien non, on n'a pas de liste, comment je trouve une
psychothérapeute? Ça fait qu'avec un guichet, ou une liste, ou une banque qui
pourrait t'aider autant au <niveau de la...
Mme Ga (Lau) :
…ton
aide qu'il faut que tu la trouves, puis, quand tu ne sais pas où la trouver, ça
ne sert à rien. Comme, moi, ma psychothérapeute, un coup que l'IVAC m'ont
dit : Bien non, on n'a pas de liste, comment je trouve une
psychothérapeute? Ça fait qu'avec un guichet, ou une liste, ou une banque qui
pourrait t'aider autant au >niveau de la psychothérapie que… Là, moi,
ils me suggèrent de la massothérapie, quand tu ne sais pas où chercher puis que
tu es toute seule… C'est sûr que moi, avec l'arrivée de la pandémie, je me suis
ramassée très isolée avec les formulaires, très seule lors de la première
vague. Ça a été l'enfer, tu n'as même plus envie, tu as envie d'abandonner mais
tu as besoin d'aide, tu es pogné… on est prise dans un dilemme assez
incroyable, qu'on n'a pas besoin de rajouter en plus. C'est les démarches, en
plus, qu'on n'a pas besoin de rajouter.
Mme Côté (Martine B.) : Oui,
puis, si je peux compléter la réponse de ma collègue : guichet unique,
très bonne idée. M. le ministre, vous parlez de formation, tout le monde vous
en a parlé, mais je voudrais juste vous donner une petite précision. Chez nous,
malheureusement, il y a une blague un peu cynique, c'est qu'il vaut mieux être
victime de traite en Ontario qu'au Québec. Parce que, quand on fait affaire
avec, notamment, des services en Ontario, les gens ont été formés selon une
approche qui s'appelle «trauma-informed», donc une approche sensible aux
traumatismes. Et puis on voit vraiment toute la différence chez les agents,
chez le degré de compassion, chez… dans l'évitement de certaines questions
retraumatisantes, dans la formulation. Donc, peut-être que d'autres personnes
vous en ont parlé, mais il y a des bonnes pratiques ailleurs, il faut peut-être
s'en inspirer. La Nouvelle-Zélande est, entre autres, précurseur dans ce
domaine-là aussi, l'Ontario, et la Santé publique du Canada a mis en ligne un
guide de bonnes pratiques «trauma-informed». Donc, peut-être que, dans la loi,
on pourrait ajouter que les personnes désignées, qui doivent prendre ou réviser
des décisions, soient formées de telle façon, parce que, de toute façon, une
grande partie de la clientèle de l'IVAC — clientèle n'est pas
tellement le bon mot, là — est aux prises avec des blessures de type
traumatique.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Vous avez devancé, Mme Côté, ma question, ma prochaine question, qui était
justement la formation, aussi, des agents de l'IVAC, comme on va entrer des
nouveaux types de victimes. Donc, ce serait plus qu'opportun, ce serait
essentiel.
J'aimerais aussi vous amener sur le
terrain de la faute lourde. Expliquez-moi, et c'est Mme Lau Ga,
probablement, qui va répondre à cette question-là, qu'est-ce que ça implique. Parce
que, quand on est victime d'exploitation, vous l'avez dit d'entrée de jeu, vous
êtes encore ou vous étiez encore en amour avec votre proxénète. Donc,
expliquez-moi l'importance que ça revêt.
• (16 heures) •
Mme Ga (Lau) : Excusez-moi,
mais j'ai mal compris votre question, là. Moi, la faute lourde, je n'en ai
jamais entendu parler dans mes démarches avec l'IVAC.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Mme Côté.
Mme Côté (Martine B.) : Oui.
C'est ça, je peux peut-être prendre la relève de ma collègue, parce
qu'effectivement ça n'a pas été soulevé dans le cas de <Lau Ga…
>
16 h (version révisée)
<17949
Mme
Lecours (Les Plaines) : …ça revêt.
Mme Ga (Lau) :
Excusez-moi,
mais j'ai mal compris votre question, là. Moi, la faute lourde, je n'en ai
jamais entendu parler dans mes démarches avec l'IVAC.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Mme Côté.
Mme Côté (Martine B.) :
Oui. C'est ça, je peux peut-être prendre la relève de ma collègue, parce
qu'effectivement ça n'a pas été soulevé dans le cas de
>Lau Ga, et
bien heureusement, parce que la faute lourde, là, ça relève d'une
méconnaissance des conditions d'entrée et de maintien dans la prostitution et
de la difficulté d'en sortir parce que, notamment, souvent les femmes en
situation d'exploitation sexuelle vont être en contact avec des groupes dits
criminalisés, des gangs de rue, des personnes qui commettent des infractions
criminelles. Alors, leur refuser une indemnisation en vertu de l'IVAC pour
avoir participé, souvent sous la menace d'ailleurs, à des infractions
criminelles, ça serait vraiment à essayer d'abolir. Puis, comme je le disais,
l'affaire… la dernière décision du TAQ en la matière, quand vous pensez à cette
femme dans un parc à 1 heure du matin, parce qu'on parle d'une
prostitution de rue dans son cas, agression, voie de fait, elle perd un oeil,
IVAC lui refuse lui disant : Vous étiez… vous n'êtes pas une victime
innocente, vous n'aviez pas d'affaire à solliciter des clients dans un parc.
Que le juge administratif reconduise la décision, c'est scandaleux. Ça ne doit
plus jamais arriver parce que ça relève, de toute façon, de la même logique que
les agressions sexuelles. Si vous pensez que c'est se mettre en faute lourde
que d'être en situation de prostitution, c'est vraiment mal connaître toute la
situation de l'exploitation sexuelle.
Mme Ga (Lau) : Si je peux
renchérir.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Oui.
Mme Ga (Lau) : Vous ajoutez
l'exploitation sexuelle à l'IVAC, mais, en tant que victime d'exploitation
sexuelle, on ne s'enfuit jamais juste de notre proxénète, on s'enfuit du réseau
auquel il est lié. Donc, les enjeux de sécurité sont d'autant plus importants,
et l'anxiété de sortir… tu as peur de le croiser lui, mais de croiser son
réseau aussi parce qu'il n'est pas la seule personne à te chercher quand tu
t'enfuis pour les dénoncer.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Oui, effectivement. Et parlez-moi aussi un peu de la façon dont vous avez
décidé de prendre le téléphone puis dire : Je veux m'en sortir. J'aimerais
ça juste que vous m'expliquiez le cheminement pour qu'on puisse bien comprendre
que tout le réseau d'aide doit se consolider et se parler. Quelles ont été les
premières démarches que vous avez faites pour vous en sortir?
Mme Ga (Lau) : En fait, je ne
peux pas vous parler des faits puisque je suis en procédure judiciaire, mais ce
que je peux vous dire, c'est que, quand j'étais là-dedans, je n'avais aucune
idée qu'il existait des organismes pour m'aider. Je travaillais
particulièrement dans des hôtels. Et, quand j'ai commencé à vouloir m'en
sortir, j'ai composé le 9-1-1, puis j'ai feint être en danger. Et les policiers
sont arrivés de… ils pensaient que j'étais en danger, donc trop sauvagement.
J'ai eu peur, je n'ai pas parlé. Et, par la suite, je me suis rendue chez des <proches
à moi pour leur dire… en fait, la…
Mme Ga (Lau) :
…j'ai
commencé à vouloir m'en sortir, j'ai composé le 9-1-1, puis j'ai feint être en
danger. Et les policiers sont arrivés de… ils pensaient que j'étais en danger,
donc trop sauvagement. J'ai eu peur, je n'ai pas parlé. Et, par la suite, je me
suis rendue chez des >proches à moi pour leur dire… en fait, la première
phrase a été : Je suis escorte et je vais mourir.
Et c'est là qu'on m'a… que mes proches
m'ont prise en charge, et qu'ils m'ont aidée, et que j'ai cheminé jusque dans
un poste de police. Et j'insiste sur le mot «cheminer», parce que tu n'as pas
envie d'aller dans un poste de police. Ce qu'on m'a demandé, l'affaire la plus
dure à faire, outre l'IVAC, ça a été de porter plainte contre la personne que
j'aime. Et, même s'il nous a fait du… même s'il m'a fait beaucoup, beaucoup de
mal, l'amour, ça ne s'efface pas du jour au lendemain.
Mme Lecours (Les Plaines) : On
comprend ça.
Mme Côté (Martine B.) : Oui.
Je…
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y, Mme Côté.
Mme Lecours (Les Plaines) : Allez-y.
Mme Côté (Martine B.) :
J'appuie ma collègue. Juste… évidemment, je renforce sur ce qu'elle vient de
dire. Je vous demanderais de faire attention, madame est en procédure
judiciaire, alors…
Mme Lecours (Les Plaines) :
Oui.
Mme Côté (Martine B.) : Merci.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Oui, oui, il n'y a pas de problème. Écoutez, je voulais juste qu'on puisse
expliquer l'importance de… comme je vous dis, là, que les organismes se
parlent. Parce que le projet de loi, la base du projet de loi, c'est de
favoriser le rétablissement des personnes, ça, c'est bien important, donc
d'avoir tous les services qui sont autour, c'est important. Le projet de loi
est doté, également, d'un programme d'urgence. Donc, ça aussi… Et la grande
ouverture, c'était important qu'on puisse abolir cette liste-là, justement,
pour ouvrir grande la porte à ce genre de crime là.
Écoutez, je ne sais pas s'il reste encore
beaucoup de temps pour notre portion, mais j'aurais une dernière question.
Quelle est votre grande priorité dans ce projet de loi là? C'est quoi, le gros
morceau, là, pour vous?
Mme Côté (Martine B.) : Bien,
c'est évidemment la rétroactivité. Je veux dire, votre réforme de l'IVAC, M. le
ministre, elle est majeure, on a l'impression que c'est la première loi
d'indemnisation au Québec, c'est à l'image de 1972, donc, vous réécrivez
tout. Donc, pourquoi ne pas faire comme le législateur, en 1972, qui
initiait quelque chose et qui a accordé une forme de rétroactivité de
six ans? Je veux dire, là, vous changez du tout au tout, vous acceptez,
enfin, des crimes d'exploitation sexuelle, donc essayez de réfléchir à une
forme de rétroactivité.
Moi, je considère que l'organisme que je
représente, ça représenterait, peut-être, une trentaine de dossiers. Mais
c'était une injustice, qu'un vieux crime comme le proxénétisme ne soit pas
indemnisable, encore aujourd'hui. Donc, c'est sûr que c'est ça, notre priorité,
là, vraiment, vraiment, pour corriger cette erreur historique des gouvernements
précédents de ne pas avoir harmonisé la loi et de ne pas s'être débarrassé de
cette liste-là en 1993, notamment, quand ça avait été voté par l'Assemblée
nationale.
Alors, merci, enfin, de <l'enlever,
cette…
Mme Côté (Martine B.) :
...indemnisable, encore
aujourd'hui. Donc, c'est sûr que c'est ça, notre
priorité, là, vraiment, vraiment, pour corriger cette erreur historique des
gouvernements
précédents de ne pas avoir harmonisé la loi et de ne pas s'être débarrassé de
cette liste-là en 1993, notamment, quand ça avait été voté par l'Assemblée
nationale.
Alors, merci, enfin, de >l'enlever,
cette liste, mais, s'il vous plaît, par égard pour toutes les femmes qui se
sont fait dire : Ah! bien non, tu ne peux pas demander pour exploitation
sexuelle, donc choisis un crime connexe que tu as vécu, agression sexuelle,
voie de fait, puis fais ta demande d'IVAC. On a demandé pendant trop longtemps
aux femmes de compartimenter leur expérience d'exploitation sexuelle, de
choisir un crime, alors que ça s'inscrit dans le continuum des violences
sexuelles faites aux femmes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, merci infiniment. Je passe la parole
à la députée d'Acadie. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
St-Pierre
:
Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre témoignage, Lau Ga. Merci,
Mme Côté, d'être présente aussi à la commission.
Alors, moi, j'ai été vice-présidente de la
commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs et je suis heureuse de voir
que la présidente... l'ex-présidente est aussi sur cette commission. Elle a
remplacé le président qui est devenu ministre et nous avons travaillé pendant
18 mois pour accoucher d'un rapport qui contient 58 recommandations. Et,
dans ces audiences que nous avons tenues, dans ces travaux que nous avons
faits, évidemment, la question de l'IVAC est arrivée très rapidement, et très
rapidement, tout le monde, tous les membres de la commission se sont dit :
Il faut absolument qu'on en fasse une recommandation. C'est ce que nous avons
fait. Mais, dans l'esprit de tous, je pense, la question de la recommandation
sur l'IVAC en était une aussi qui devait inclure la rétroactivité. Votre
première recommandation, c'est l'inclusion de la rétroactivité.
Nous avons tenu des audiences, nous avons
entendu des victimes, comme ce témoignage que nous venons d'entendre, nous
avons entendu des parents, nous avons entendu des policiers, des policières,
des intervenants, des intervenantes, des chercheurs, et tout le monde a dit la
même chose, c'est-à-dire qu'il faut aider le plus possible des victimes
d'exploitation sexuelle. Montréal est la plaque tournante de l'exploitation
sexuelle. On se commande une fille ou un garçon comme on peut se commander une
pizza. Ça a été dit sur toutes les tribunes. Notre président s'est promené sur
toutes les tribunes, sur tous... en fait, tous les micros, toutes les
télévisions, toutes les radios, tous les journaux pour dire à quel point il
fallait vraiment, vraiment… il y avait urgence de mettre l'emphase sur les
victimes d'exploitation sexuelle et leur venir en aide.
Le projet de loi, bien sûr, est une bonne
chose puisqu'il vient corriger le fait que «victime d'exploitation sexuelle»
n'était pas inclus dans les indemnisations de l'IVAC. C'était un non-sens, tout
le monde en convient, et maintenant il faut regarder en avant. Et là c'est
inclus, sauf qu'on dit : Bien, il n'y a pas de rétroactivité. On vient d'entendre
un témoignage percutant, percutant, pour nous dire à quel point c'est injuste,
c'est ingrat, c'est inacceptable de ne pas inclure la rétroactivité.
Mme Lau Ga aurait de l'aide, là, et ça lui… ça <l'aiderait à...
Mme
St-Pierre
:
…entendre un témoignage percutant, percutant, pour nous dire à quel point c'est
injuste, c'est ingrat, c'est inacceptable de ne pas inclure la rétroactivité.
Mme Lau Ga aurait de l'aide, là, et ça lui… ça >l'aiderait à
pouvoir regarder l'avenir en face et pouvoir avoir un meilleur avenir. En
parlant de rétroactivité… c'est-à-dire que, puisqu'elle, elle a eu le courage
de dénoncer en 2020 : Bien non, tu n'y auras pas accès parce que tu
as eu le courage de dénoncer en 2020 et non pas en 2022 ou 2021, à la
fin de 2021, lorsque le projet de loi sera accepté. Moi, M. le ministre, je
pense que le gouvernement doit, sur cet aspect-là, vraiment réfléchir.
• (16 h 10) •
Et les victimes ont mis leur confiance en
nous. Les victimes sont venues mettre sur la table leurs souffrances, elles ont
dit à quel point elles avaient besoin d'aide. Et là, encore aujourd'hui, on
vient vous le dire : On a besoin d'aide. Et Mme Côté vient de parler
d'une trentaine de cas. Ce n'est pas la fin du monde, ce n'est pas la fin du
monde, et on est capables de faire en sorte que ce projet de loi là ait une
rétroactivité pour les victimes d'exploitation sexuelle.
J'ai été vice-présidente de la commission
sur l'exploitation sexuelle des mineurs, ils sont tous témoins que nous avons
travaillé au-dessus de la partisanerie pendant ces 18 mois. Le seul parti,
c'était le parti des victimes. Et moi, si je me suis lancée en politique, c'est
pour venir en aide au monde, et je ne lâcherai pas le morceau parce que c'est
très, très, très important.
Mme Lau Ga, merci pour votre
témoignage. Merci, Mme Côté. Puis, Mme Lau Ga, je vais vous poser une
question.
Mme Ga (Lau) : Oui, allez-y.
Mme
St-Pierre
:
Quel est le mot qui vous vient en tête lorsqu'on vous dit qu'il n'y a pas de
rétroactivité dans ce projet de loi là qui inclut maintenant les victimes
d'exploitation sexuelle? Quel est le premier mot qui vous vient en tête?
Mme Ga (Lau) : Sans coeur.
Moi, ce que… peut-être pouvoir faire une proposition à M. Jolin-Barrette.
C'était une promesse électorale de votre parti, monsieur. Pourquoi ne pas
mettre la rétroactivité en date d'élection de votre parti? C'est une promesse
que vous avez faite, et je crois que ça serait sans trop demander d'y aller en
date d'élection de votre parti. Et même le ministre avant vous en avait parlé
l'année passée, à pareille date, d'une réforme de l'IVAC. Donc, ça a déjà
traîné pendant un an.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre
:
Mme Côté, vous avez suivi de très près les travaux sur la question de
l'exploitation sexuelle des mineurs. Vous avez vu que nous avons, dès le
départ, parlé de la question de l'indemnisation. Est-ce que, dans votre esprit,
vous aviez confiance qu'il y aurait d'abord l'inclusion, ce qui est fait, de
l'exploitation sexuelle des mineurs, mais qu'il y ait une rétroactivité?
Mme Côté (Martine B.) :
Et pas juste des mineurs, hein, si je peux me permettre, Mme St-Pierre.
Mme
St-Pierre
:
…sur l'exploitation sexuelle des <mineurs…
Mme
St-Pierre
:
...la
question de l'indemnisation.
Est-ce que, dans votre esprit,
vous aviez confiance qu'
il y aurait
d'abord l'inclusion, ce qui
est fait, de
l'exploitation sexuelle des mineurs, mais qu'il y ait une
rétroactivité?
Mme Côté (Martine B.) :
Et pas juste des mineurs, hein, si je peux me permettre, Mme St-Pierre.
Mme
St-Pierre
:
…sur
l'exploitation sexuelle des >mineurs, mais de l'exploitation
sexuelle.
Mme Côté (Martine B.) : Oui,
c'est ça, en termes d'indemnisation, oui, l'exploitation sexuelle ne fera pas
de distinction majeur-mineur, on en est bien, bien heureuses.
Alors, oui, effectivement, j'ai eu la
chance, moi aussi, de témoigner dans cette commission qui, je trouve, faisait montre
d'une belle ouverture d'esprit par rapport à ces victimes-là, on évacue
beaucoup, beaucoup de préjugés, mais je n'avais pas... On était avant la
pandémie, et je ne sais pas si je vous aurais plaidé une telle rétroactivité
aujourd'hui avec la même vigueur, bien que mon petit statut de juriste me dit
que mes arguments tiennent la route, c'est une loi qui n'a pas été harmonisée
avec le Code criminel. Mais, outre ça, est arrivée la pandémie. L'exploitation
sexuelle a monté en flèche, les proxénètes sont devenus vraiment plus violents
parce qu'il y avait moins de clients. On a vu beaucoup plus de traites de
femmes plus jeunes qu'on baladait comme ça dans certaines provinces parce que,
selon les restrictions liées aux mesures sanitaires, il y a des endroits où
c'était plus facile d'aller faire un peu de sous sur le dos des femmes, donc...
Ça va être quelque chose, je pense, l'année prochaine, quand ces femmes-là vont
faire une demande à l'IVAC. Je ne vois pas comment on va leur dire :
Désolé, en 2020, ce n'était pas indemnisable.
Donc, évidemment, je vous ai parlé de 30 dossiers,
ça représente à peu près ceux de l'organisme que je représente. Il y a des
victimes à Québec, il y a des victimes qui ne fréquentent pas notre organisme
et il y aura ces victimes à prendre en compte de la pandémie. Donc, vraiment,
c'est un objectif à garder en tête.
Puis, merci, Mme la députée St-Pierre, de
le porter, parce qu'on leur doit ça. Ce n'était pas normal, cette liste-là. On
pouvait être indemnisé pour avoir été victime d'un détournement d'aéronef
jusqu'à cette année, mais pas de proxénétisme. Ça ne tient pas la route.
Mme
St-Pierre
: Je
pense que, lors de la commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs, on a
vraiment creusé le sujet, creusé le dossier, et on a dit à ces victimes :
Faites-nous confiance, faites-nous confiance à nous, les députés, à nous, les
élus, nous allons porter votre voix. Alors, je cède la parole à mon collègue,
M. le député de LaFontaine. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de LaFontaine... Merci. Il reste trois minutes.
Merci beaucoup. M. le député.
M. Tanguay
: Oui. Merci,
M. le Président. Merci, Mme Côté. Merci beaucoup, Mme Lau Ga, pour
votre témoignage.
Il y a quelque chose que je retiens de
votre témoignage, et je vous cite : Je découvre encore l'ampleur des
séquelles. Le projet de loi, et j'aimerais vous entendre là-dessus,
Mme Lau Ga ou... et Mme Côté également, le projet de loi aussi ferme
la porte pour le passé et ferme la porte pour l'avenir. Les rentes viagères qui
iraient au-delà de trois ans, ça existe <présentement...
M. Tanguay
:
...encore l'ampleur des séquelles. Le
projet de loi, et j'aimerais vous
entendre
là-dessus, Mme Lau Ga ou… et Mme Côté
également.
Le projet de loi aussi ferme la porte pour le passé et ferme la porte pour
l'avenir. Les rentes viagères qui iraient au-delà de trois ans, ça existe >présentement,
ça n'existera plus avec le projet de loi n° 84. En quoi avez-vous
l'assurance que vous n'aurez plus de séquelles dans un an, deux ans,
trois ans, quatre ans? On vous souhaite de ne pas en avoir, mais on
ne peut pas, je crois… Et j'aimerais vous entendre là-dessus, l'importance de
ne pas bloquer l'avenir non plus si vous avez des besoins aussi.
Mme Ga (Lau) : En fait, le
délai en ce moment… Surtout moi qui essaie de se rétablir en pleine pandémie,
donc, je n'ai jamais rencontré ma psychothérapeute en personne. Depuis le
début, je fais des séances en visioconférence et, pour moi, ça n'a pas le même
impact. Ça n'a pas le même impact de parler à quelqu'un à travers un écran pour
aller mieux. Donc, il n'y a rien qui ne me dit pas que, dans un an, deux ans,
je n'aurai pas encore des besoins et ce n'est pas par manque d'efforts pour
m'en sortir, parce que, des efforts, j'en fais et j'en fais tous les jours pour
m'en sortir. Et je ne peux pas croire qu'un jour on va me dire : Ah! bien
non, nous, on pense que c'est bon, c'est fini. Je n'arrive pas à concevoir
cette partie-là.
M. Tanguay
: Et, Mme Côté,
j'aimerais vous entendre sur deux choses. On va toujours pénaliser en
coupant l'aide sociale du montant que vous recevriez d'indemnité, de un, et, de
deux, si vous êtes victime et que vous n'aviez pas de revenu, vous allez avoir
zéro, ce qui est un recul par rapport au système actuel. J'aimerais vous
entendre.
Mme Côté (Martine B.) : Oui,
on a été très, très surprises de lire ça. Évidemment, chez nous, bon, je le
disais d'entrée de jeu, 53 % des femmes qui fréquentent actuellement notre
organisme vivent d'aide sociale. Puis ça, ça correspond vraiment à la littérature
scientifique, là, il y a six, sept études qui ont été faites au Canada
depuis 2006 et puis les pourcentages sont toujours les mêmes, là : les
personnes qui sortent de l'industrie du sexe sont prestataires d'aide sociale à
50 %, 60 %, voire 70 %.
L'exploitation sexuelle mène à la
pauvreté. C'est parce qu'on a été victime d'un crime qu'on devient pauvre et
qu'on devient prestataire d'aide sociale et souvent avec contraintes, parce que,
quand vous souffrez d'un trouble de stress post-traumatique, le nombre
d'emplois qu'il vous est possible d'accomplir, d'obtenir est très limité. C'est
vraiment difficile, ma collègue pourrait témoigner des symptômes du trouble de
stress post-traumatique.
Alors, pour nous, ça a été une surprise,
effectivement, cette coupe de l'aide sociale, et surtout cette considération du
«sans revenu», parce que la couleur de l'argent qu'elles ont engendré, la
plupart des femmes ne l'ont pas vue ou, au début, un petit peu, des gros
montants, et puis après ça, bien, vous le savez, c'est le proxénète qui garde
tout. Donc, comment on va dire : Ah oui! dans les 12 derniers mois,
tu n'as pas eu de revenu. Donc, c'est… on était vraiment très étonnées de cette
abolition de rente là. Et aussi, il y a quelques femmes qui fréquentent notre <organisme
qui sont...
Mme Côté (Martine B.) :
…des gros montants, et puis après ça, bien, vous le savez, c'est les proxénètes
qui gardent tout. Donc, comment on va dire : Ah oui! dans les 12 derniers
mois, tu n'as pas eu de revenu. Donc, c'est… on était vraiment très étonné de
cette abolition de rente là. Et aussi les… il y a quelques femmes qui
fréquentent notre >organisme qui sont prestataires d'indemnités, bien, en
fait, il y en a deux sur 161. Oui, c'est juste deux, et puis elles ont eu
reconnaissance de séquelles permanentes parce qu'elles ne pourront jamais,
jamais retourner ni au travail ni aux études. Donc, on ne peut pas abandonner
ces femmes-là comme ça.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup pour votre présence aujourd'hui.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous
plaît.
Mme Labrie : Merci, toutes les
deux, pour votre présentation. On a bien pris en note ce que vous nous avez dit
concernant la faute lourde en matière de prostitution, la formation, la
rétroactivité.
Je voulais y aller… Puis sur la
rétroactivité, j'avoue que j'ai peine à comprendre, comme vous, pourquoi
l'actuel ministre de la Justice aurait moins de pouvoir que n'avait le ministre
de la Justice de l'époque, au moment de l'adoption de la première loi. Il dit
qu'il ne peut pas revoir le passé, mais, pourtant, il y a des ministres de la
Justice dans le passé qui se sont donné ces pouvoirs-là.
Sur la question des indemnités et d'aide
sociale, j'aimerais ça vous entendre, à savoir si ça… de votre point de vue, qui
travaillait avec les victimes. Est-ce que ça ne va pas à l'encontre de
l'objectif de favoriser le rétablissement des victimes, de ne pas leur donner
d'indemnités de revenu si elles n'avaient pas de revenu avant et de le limiter
à trois ans, si jamais elles y ont accès?
• (16 h 20) •
Mme Côté (Martine B.) : Oui,
bien, bien sûr, parce que qui peut vivre sans revenu, dites-le-moi. Déjà que
vivre de l'aide sociale, c'est limite, alors sans revenu, ce n'est pas
possible. Et puis, de toute façon, c'est considéré aussi que, ces personnes-là,
comme je le disais, les revenus ont été accaparés par une autre personne.
Certaines personnes, dans l'exploitation sexuelle… les proxénètes, ce n'est pas
des fous à temps plein, comme disait ma grand-mère, alors ils déclarent… ils
demandent aux femmes de déclarer un petit 7 000, 8 000 $ pour
des… l'entretien ménager, du travail d'esthétique. Alors, même celles-là qui
ont eu ce genre de revenus là, bien, vont être indemnisées à une hauteur qui
n'est pas représentative, absolument pas, de l'argent qu'elles ont engendré. De
toute façon, cette notion-là d'indemniser selon les revenus, pour moi, en soi, est
une injustice. Est-ce que les blessures d'un P.D.G. valent plus que les
blessures d'une coiffeuse? Personnellement, je ne le crois pas, donc, toute
cette question d'indemnités selon les revenus pose des sérieuses questions en
matière de justice sociale.
Mme Labrie : Puis diriez-vous
que ça contrevient même au rétablissement d'une personne, de la placer dans
cette situation-là où elle obligée de se mettre sur l'aide sociale pour
survivre?
Mme Côté (Martine B.) : Ma
collègue pourra vous le dire, mais survivre c'est un emploi à temps plein. On
ne peut pas se rétablir quand on survit, quand on <essaie de…
Mme Labrie : …diriez-vous
que ça contrevient même au rétablissement d'une personne, de la placer dans
cette situation-là où elle obligée de se mettre sur l'aide sociale pour
survivre?
Mme Côté (Martine B.) :
Ma collègue pourra vous le dire, mais survivre c'est un emploi à temps plein.
On ne peut pas se rétablir quand on survit, quand on >essaie de voir
comment on va aller faire l'épicerie.
Mme Ga (Lau) : Oui, je peux
intervenir. Parce que j'ai dû faire une demande d'aide sociale pour avoir des
revenus, parce que l'IVAC, ça ne débouche pas et ça ne débouche toujours pas
aujourd'hui, et je tombe, quand même, d'un gros revenu à ça, et tu jongles avec
le montant d'aide sociale pour tout payer tes factures. Le stress financier que
ça crée, ça vient te geler parce que tu ne sais même pas comment tu vas manger,
tu ne sais pas comment tu vas payer ton loyer. Regarder dans son frigidaire
puis faire comme : Bon, bien, ce n'est pas aujourd'hui que je vais manger,
ça rajoute à tout ça, puis que ce n'est pas tout le monde qui a la chance
d'avoir un réseau social aussi extraordinaire que le mien, donc… Mais ça m'est
quand même arrivé parce que mon réseau social a une limite financière. On n'a
pas besoin de se rajouter un stress financier à ce qu'on vit déjà.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Sur ce, Mme Lau Ga,
Mme Côté, merci infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est
très, très, très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 25)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir d'accueillir
Mme Martine Poirier, directrice générale du Centre de ressources et
d'intervention pour hommes abusés sexuellement dans leur enfance.
Mme Poirier, merci d'être avec nous cet après-midi. Comme vous savez, vous
avez un exposé de 10 minutes, et, après ça, on va échanger avec les
membres de la commission. Sur ce, la parole est à vous. Merci.
Centre de ressources et d'intervention pour hommes
abusés sexuellement dans leur enfance (CRIPHASE)
Mme Poirier (Martine) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, MM., Mmes les députés, c'est avec plaisir que
je vais m'adresser à vous aujourd'hui.
Le CRIPHASE est un organisme communautaire
autonome qui a été fondé à Montréal en 1997 par trois professionnels en
soutien psychosocial qui constataient que les hommes victimes d'agression
sexuelle dans leur enfance ne disposaient d'aucune ressource spécialisée pour
leur venir en aide dans leur processus de reprise en main de leur dignité.
Le CRIPHASE a pour mission d'accompagner
ces hommes dans leur quête pour se réapproprier sainement le pouvoir sur leur
vie, par le biais d'interventions psychosociales, d'information, de
sensibilisation, d'activités favorisant la socialisation, ainsi que par la formation
des intervenants du réseau communautaire et des services sociaux.
Au cours de ces 24 années
d'existences, l'équipe multidisciplinaire formée de psychothérapeutes, de
sexologues, de travailleurs sociaux, criminologues, psychologues a développé
une expertise unique et reconnue afin d'intervenir auprès des HASE. C'est un
acronyme que vous allez entendre un peu, là, c'est dans notre jargon, qui
signifie «les hommes abusés sexuellement dans l'enfance».
Nous offrons différents services en
relation d'aide permettant d'accompagner les HASE tout au long de leur démarche
vers le mieux-être : des rencontres individuelles, des groupes de soutien
qu'on appelle des PHASE, qui vont aller traiter de différents aspects des
conséquences des agressions sexuelles. Bon, il y a la PHASE sexo, la PHASE colère,
l'art-thérapie, la pleine conscience, les phases thématiques et il y a aussi
des PHASE de familiarisation qui s'adressent à la famille des... aux proches
des victimes.
Nous avons été mandatés également par le Secrétariat
à la condition féminine pour mettre en place un programme de formation
concernant l'intervention auprès des hommes victimes... d'abus sexuels, je
m'excuse. Au cours des quatre dernières années, nous avons sillonné les
routes du Québec afin d'offrir ces formations à un peu plus de
300 intervenants dans 35 organismes différents, ayant pour objectif
de partager notre expertise. Cette tournée, dans plusieurs régions du Québec,
s'est avérée <fructueuse et a...
Mme Poirier (Martine) :
…je m'excuse. Au cours des quatre dernières années, nous avons sillonné
les routes du Québec afin d'offrir ces formations à un peu plus de 300 intervenants
dans 35 organismes différents, ayant pour objectif de partager notre
expertise. Cette tournée, dans plusieurs régions du Québec, s'est avérée >fructueuse
et a permis de mieux outiller des organismes désirant mettre en place des
services pour ces hommes dans leur région.
Le CRIPHASE, par le biais d'un de ses
membres, a participé activement au Comité d'experts sur l'accompagnement des
victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale.
Nous sommes également un des trois organismes
fondateurs du ROQHAS, qui est le Regroupement des organismes québécois pour les
hommes abusés sexuellement, qui a vu le jour ça fait un peu moins d'un an. Avec
nos collègues de SHASE-Estrie et d'EMPHASE Mauricie — Centre-du-Québec,
on est très heureux de pouvoir offrir une meilleure représentativité de ces
hommes auprès des instances gouvernementales et de faire connaître cette
réalité encore trop souvent taboue dans notre société.
Le CRIPHASE est le seul organisme dans la
grande région métropolitaine qui a pour mission d'offrir des services aux
hommes qui ont vécu des abus sexuels dans l'enfance. Je peux vous dire qu'on ne
manque pas de travail.
On vous remercie beaucoup pour
l'invitation, et on est très heureux qu'il y ait enfin une réforme de cette loi
qui, à notre humble avis, en avait bien besoin. Cependant, nous ne vous
cacherons pas que nous aurions grandement apprécié bénéficier d'un délai
raisonnable. Comme plusieurs l'ont mentionné depuis le début des auditions, ça
nous aurait permis de consulter nos membres, puis ainsi vous présenter des
opinions et des suggestions qui auraient été encore beaucoup plus près des besoins
des victimes. Nous sommes une toute petite équipe de six intervenants et une
gestionnaire. Nous ne sommes pas des juristes et nous ne prétendons pas
connaître tous les revers de cette loi. On va quand même se permettre de vous
présenter les perceptions qu'on a de certains aspects, des suggestions et des
commentaires.
• (16 h 30) •
Il est mentionné à plusieurs reprises
qu'il est possible de présenter une demande de qualification en tout temps si
elle est en lien avec la perpétration d'une infraction criminelle qui implique
de la violence subie pendant l'enfance, une agression à caractère sexuel ou de
la violence conjugale. Cette mesure, à notre avis, rejoint l'esprit de la loi
n° 55 qui abolit le délai de prescription pour les victimes de violence
conjugale et de violence à caractère sexuel. Nous applaudissons ce changement
avec enthousiasme. Mais qu'en est-il de la mention indiquant que les
infractions criminelles doivent avoir été perpétrées après le 1er mars
1972? Parmi notre clientèle, uniquement masculine, 63 % ont subi un abus
sexuel avant l'âge de 10 ans; 57 % de notre clientèle est âgée de
plus de 40 ans lors de son premier contact avec nous. Faites le calcul, si
le premier contact afin de <demander de l'aide est lié...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Poirier (Martine) :
...63 % ont subi un abus sexuel avant l'âge de 10 ans; 57 % de
notre clientèle est âgée de plus de 40 ans lors de son premier contact
avec nous. Faites le calcul, si le premier contact afin de
>demander
de l'aide est lié au premier dévoilement dans 75 % des cas...
Considérant toutes ces données-là qui ont
été accumulées dans les 20 dernières années, les hommes dévoilent leur
vécu d'abus sexuels environ 40 ans après les abus, c'est le portrait de
notre clientèle, considérant le nombre toujours grandissant d'hommes qui
dévoilent les abus sexuels commis par les membres des congrégations religieuses
diverses, dont ils ont été victimes, et ce, bien avant 1972, considérant tous
les hommes des nations autochtones qui, à l'enfance, ont été arrachés à leurs
familles pour être placés dans des pensionnats dans lesquels ils ont subi des
abus sexuels, et ce, bien avant 1972, nous vous demandons qu'une mesure
d'exception soit appliquée dans le cas où d'une demande en lien avec la
perpétration d'une infraction criminelle impliquant la violence sexuelle subie
pendant l'enfance, afin que le 1er mars 1972 ne soit pas un critère pris
en compte lors d'une demande auprès de vos instances. Si ce n'est pas déjà le
cas, nous aimerions beaucoup que ça soit appliqué de cette façon-là.
Nous désirons également porter à votre
attention la confusion que nous observons quant à la reconnaissance des
organismes communautaires qui offrent des services aux personnes qui ont été
victimes d'agression à caractère sexuel. Notre organisme, comme bien d'autres
oeuvrant au sein de cette problématique, est financé et reconnu par le
ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous détenons une expertise non
négligeable et avons développé un lien de confiance avec notre clientèle, ce
qui fait de nous un acteur important dans le cheminement des victimes.
Actuellement, les services de relation d'aide que nous offrons ne sont pas
reconnus par l'IVAC. Étant donné l'expertise unique développée au fil des ans
par le CRIPHASE, est-ce que M. le ministre compte nous reconnaître et ajouter
les interventions en relation d'aide effectuées par nos intervenants
psychosociaux à la liste de services reconnus? Nous croyons qu'il est
important, même primordial, que les victimes aient le droit de choisir de qui
elles recevront l'aide nécessaire à leur rétablissement en tout temps, ce qui
inclut le soutien octroyé à la suite de l'acceptation de leur demande auprès de
l'IVAC.
Pour terminer, bien que nous n'ayons pas
eu la possibilité de consulter nos membres dans le court délai que nous avons
eu, nous tenons à vous partager les commentaires que nous avons entendus à
maintes reprises au cours des dernières années concernant les difficultés que
nos membres ont rencontrées lors de leur démarche auprès de l'IVAC : une
grande difficulté à obtenir de l'information sur le processus du traitement de
leur demande, sentiment de se perdre dans un <jargon…
Mme Poirier (Martine) : …
les
commentaires que nous avons entendus à maintes reprises au cours des dernières
années, concernant les difficultés que nos membres ont rencontrées lors de leur
démarche auprès de l'IVAC : une grande difficulté à obtenir de
l'information sur le processus du traitement de leur demande; sentiment de se
perdre dans un >jargon d'administration inconnu, émergence de
réminiscences lors de la rédaction du récit de l'agression, grands inconforts à
raconter son histoire d'agression sexuelle à un médecin qu'il ne connaît pas
afin de satisfaire l'exigence d'un rapport médical, traitement froid, sans
bienveillance, sentiment d'incompréhension et d'incompétence devant le
formulaire à remplir, détresse et sentiment d'invalidation de leur vécu devant
un refus d'indemnisation parce que les agressions sexuelles ont été commises
avant 1972.
Dans le projet de loi, il est mentionné
que la personne victime doit être traitée avec compassion, courtoisie, équité
et compréhension et dans le respect de sa dignité et de sa vie privée. Les
commentaires de notre clientèle, à ce sujet, nous laissent croire qu'au niveau
du personnel de l'IVAC, il y aurait une nécessité d'acquisition de
connaissances reliées à la réalité des conséquences vécues par les victimes, notamment
concernant certains symptômes d'état de stress post-traumatique pouvant être
réactivés lors du processus d'une demande d'indemnisation.
Nous sommes heureux de constater que la
compassion, le respect, l'équité, la compréhension font partie des valeurs
nommées dans cette loi, mais nous nous questionnons sur son application au
quotidien, est-ce que le personnel de l'IVAC reçoit le support et les
formations nécessaires afin d'être outillé suffisamment pour être en mesure de
travailler auprès de cette clientèle, dans le respect de ces nobles valeurs.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Poirier. Merci. Alors donc,
je cède la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
Mme Poirier. Merci de venir témoigner en commission parlementaire, de
livrer le témoignage que vous livrez. C'est intéressant de vous entendre, parce
que lorsqu'on parle d'infractions criminelles, relativement aux infractions à
caractère sexuel ou de violence pendant l'enfance, on pense beaucoup à des
personnes qui sont des femmes, qui sont victimes, mais également des hommes.
Bien entendu, il y a beaucoup plus de femmes qui sont agressées sexuellement
selon les statistiques, mais il n'en demeure pas moins que des hommes également
sont victimes d'agression sexuelle ou de violence subie pendant l'enfance. Puis
je pense qu'il faut le souligner, puis votre organisme, à ce niveau-là, le
démontre très bien.
D'entrée de jeu, parlons de l'organisme.
J'ai bien pris note de vos commentaires au niveau de la reconnaissance des
organismes, tout ça. On va regarder ça avec ce qu'on peut faire relativement
aux organismes. Pour ce qui est du projet de loi comme tel, le fait qu'on
élargisse et qu'on abolisse la prescription, ça constitue une avancée, c'est ce
que je comprends de vos propos. Mais, par contre, vous nous dites qu'il y a
beaucoup d'hommes qui ont été <agressés avant...
M. Jolin-Barrette :
…on va regarder ça avec ce qu'on peut faire relativement aux organismes. Pour
ce qui est du projet de loi comme tel, le fait qu'on élargisse et qu'on
abolisse la prescription, ça constitue une avancée, c'est ce que je comprends
de vos propos. Mais, par contre, vous nous dites qu'il y a beaucoup d'hommes
qui ont été >agressés avant 1972, donc, si vous pourriez tenter d'aller au-delà
de 1972, pour nous, pour notre clientèle, ça permettrait à des hommes qui ont
un certain âge d'avoir accès.
Mme Poirier (Martine) : Tout à
fait, M. le ministre. Je vous dirais que c'est plus de la moitié de notre
clientèle dont les abus ont été perpétrés avant 1972. C'est un constat qu'on
doit faire, les hommes, encore, qui sont là, dans notre société, prennent beaucoup
plus de temps à venir chercher de l'aide et à dévoiler un vécu là-dedans. Ce
qui fait qu'on commence à voir, là, des dévoilements un petit peu plus jeunes
chez les hommes, mais la majeure partie de notre clientèle ont subi des abus
avant 1972 et se font refuser les services de l'IVAC.
M. Jolin-Barrette :
Avez-vous, dans la clientèle que vous desservez, des hommes qui sont victimes
d'exploitation sexuelle?
Mme Poirier (Martine) :
Présentement, non. Ce n'est pas une clientèle qui ont ce profil-là. On n'en a pas
dans notre clientèle actuellement, non.
M. Jolin-Barrette : Par
rapport…
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, excusez-moi, parce qu'il y a un petit
bruit de fond. Lorsque vous ne parlez pas, si vous pouvez juste éteindre votre
micro, ça serait… O.K. Puis là vous pouvez poser votre question, mais, lorsque
vous ne parlez pas, d'éteindre le micro, s'il te plaît. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Parfait,
M. le Président. J'ai des petits problèmes de son. Lorsque vous parlez des
services qui sont donnés à l'IVAC, on veut faire en sorte que le projet de loi fasse
en sorte que l'IVAC soit plus humain, de simplifier les procédures. Il y a
beaucoup d'intervenants qui nous ont dit : Si vous continuez avec la direction
de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, vous devez faire de la
formation supplémentaire. C'est le même commentaire que vous formulez? Vous
avez des difficultés au niveau du service à la clientèle à l'IVAC?
Mme Poirier (Martine) :
Absolument. C'est le premier commentaire que les hommes nous disent, qu'il
semble que le sentiment qu'ils ont, c'est qu'ils ne sont pas compris, et qu'on
leur demande de faire des listes de détails et de… liées à l'agression. C'est
excessivement difficile, c'est vraiment… et accompagné d'un formulaire complexe
à remplir. On a un bon pourcentage de notre clientèle qui, suite aux abus, ont
fait du décrochage scolaire, qui sont peu scolarisés, et pour remplir ce
formulaire-là, déjà, c'est problématique. Et donc, quand ils ont affaire à un <agent
qui…
Mme Poirier (Martine) : …o
n
a un bon pourcentage de notre clientèle qui, suite aux abus, ont fait du
décrochage scolaire, qui sont peu scolarisés, et pour remplir ce formulaire-là,
déjà, c'est problématique. Et donc, quand ils ont affaire à un >agent
qui ne semble pas comprendre les conséquences qu'ils vivent et qu'ils sont
traités avec une certaine froideur, avec un manque de compassion, assurément...
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : C'est un
des objectifs qu'on a en rapatriant la responsabilité sous le ministère de la
Justice. On veut s'assurer vraiment, dès le départ, de donner du soutien aux
personnes qui ont été victimes, notamment en termes de soutien psychologique,
et simplifier le processus.
En ce qui concerne… Dans votre expérience,
la clientèle que vous recevez, qu'est-ce qui pousse les gens… Vous disiez, tout
à l'heure, bon, les hommes qui ont été agressés sexuellement, souvent, ça prend
plusieurs, plusieurs années. C'est quoi, le facteur de déclenchement qui dit…
qui fait en sorte que certains hommes sont prêts à aller chercher de l'aide, à
s'adresser chez vous ou à s'adresser à l'IVAC?
Mme Poirier (Martine) : Je
crois qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent être un déclencheur. C'est sûr
qu'à chaque fois où il y a des dévoilements, des situations qui sont
médiatisées, souvent, ça va avoir un impact sur… on va avoir beaucoup plus de
demandes d'aide. Arrivés à un certain moment de leur vie, ça devient de plus en
plus envahissant, bien que, souvent, ils ont pensé qu'avec le temps ça
s'atténuerait. Non. Quand toutes les conséquences sont de plus en plus
envahissantes, et ils vont consulter, souvent, pour autre chose, bien, ils
aboutissent dans nos organismes, parce que, finalement, la source du problème
est ce vécu d'abus sexuel là vécu à l'enfance.
Beaucoup de tabous, dans notre société,
sont encore très, très, très présents au niveau des agressions sexuelles que
des hommes ont pu subir. Ça fait que, déjà là, c'est une barrière de plus, là,
dans le cheminement des hommes, là, à franchir afin de venir chercher de
l'aide.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie grandement, Mme Poirier. Je vais céder la parole à mes collègues
qui vont pouvoir vous poser des questions. Mais un grand merci pour votre
passage en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau, s'il
vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Mme Poirier, merci pour votre témoignage.
Peut-être une petite question, là, en lien avec ce dont vous discutiez avec le
ministre, précédemment, notamment la question de, bon, du tabou. Vous avez dit,
là, que, souvent, certains hommes étaient agressés à
l'âge de 10 ans et prenaient près de 30 ans avant de venir vous
consulter ou, du moins, requérir vos services. Et donc que pourrions-nous faire
ou, selon votre expérience, qu'est-ce qui serait possible de faire pour
pouvoir, justement, rejoindre ces <victimes-là peut-être plus
tôt…
M. Lévesque (Chapleau) : ...à
l'âge de 10 ans et prenaient près de 30 ans avant de venir nous
consulter ou, du moins, requérir vos services. Et donc que pourrions-nous faire
ou, selon votre expérience, qu'est-ce qui serait possible de faire pour
pouvoir, justement, rejoindre ces >victimes-là peut-être plus tôt, essayer
de les informer de leurs droits et des ressources qui s'offrent à elles,
au-delà de tout le volet de l'IVAC, on sait que la relation peut être difficile
avec, disons, l'appareil administratif, mais pour les rejoindre, ces
personnes-là, pour essayer de briser ce tabou-là ou essayer de réduire le
nombre d'années, parce que j'imagine qu'ils vivent avec ça longtemps et que ça
doit les gruger, là, par en dedans, là, comme on dit?
Mme Poirier (Martine) : Oui, tout
à fait. Bien, je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire au niveau de la
sensibilisation grand public, à faire dans nos écoles secondaires, même au
niveau du primaire aussi. Plus vite les garçons vont se sentir inclus dans le
message qu'on veut livrer au niveau de la prévention des agressions sexuelles,
eh bien, plus vite ils risquent de vouloir le dire quand ça arrive aussi. Il y
a un paquet de préjugés, dans la société, qui empêchent les gars d'aller dévoiler.
On commence à voir un petit changement, mais je vous dis, il est petit, le
changement.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord. Bien, c'est vrai, il y avait aussi un autre groupe qui nous disait
cet après-midi : Il y a peut-être la formation, l'intervention au niveau
du secondaire, même au primaire, aller, dans le fond, donner ce type de
formation là. C'est quelque chose qui serait pertinent, vous croyez?
Mme Poirier (Martine) : Ah!
absolument, absolument. Ça fait 17 ans que je travaille en agression
sexuelle. Ça fait trois ans que je travaille uniquement au niveau des hommes,
et puis je peux vous dire que ce n'est pas un message qui est véhiculé
beaucoup, là, dans tous les programmes de prévention et de sensibilisation.
C'est beaucoup axé sur la victimisation auprès des femmes. C'est correct, il ne
faut pas enlever un pour donner à l'autre, ce n'est pas ça, mais il faut
travailler sur les préjugés et les tabous pour aider les gars qui ont ce
vécu-là à venir chercher de l'aide.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci. Moi, ça complète, M. le Président. Je crois que ma collègue de
Les Plaines avait peut-être quelques questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. le Président. Combien de temps reste-t-il?
Le Président (M.
Bachand) : Sept minutes.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Sept minutes. Merci beaucoup. Bonjour, Me Poirier. Merci beaucoup de votre
présence en commission aujourd'hui, c'est très apprécié. Vous savez, on… Ce que
vous dites, il y a beaucoup de choses, par rapport à la formation en bas âge
aussi, sur les bancs d'école comme on dit, à la
Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs, ça fait partie des
recommandations. C'est en analyse, en réflexion actuellement au sein du
gouvernement. Il y a plusieurs ministères qui ont été interpellés par ces
recommandations-là. Justice aussi a été interpellé. Ils sont en <analyse…
Mme Lecours (Les Plaines) :
…comme on dit, à la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des
mineurs, ça fait partie des recommandations. C'est en analyse, en réflexion
actuellement au sein du gouvernement. Il y a plusieurs ministères qui ont été
interpellés par ces recommandations-là. Justice aussi a été interpellé. Ils
sont en >analyse de plein de choses. Déjà, avec ce projet de loi là, la
grande avancée, c'est de reconnaître les victimes d'exploitation sexuelle,
justement, avec l'abolition de la liste. Donc, je pense que c'est une grande,
grande avancée, qu'il faut faire ces pas-là, on les fait avec ce projet de loi
là.
Dans la commission spéciale aussi, on
cherchait à savoir... les victimes d'exploitation sexuelle hommes, parce
qu'évidemment on a féminisé ce fléau-là, mais il y a aussi plusieurs jeunes
hommes. Et est-ce que vous pensez qu'avec le programme d'aide… Je ne sais pas
si vous en avez beaucoup... Je vais mettre des guillemets autour de «membres», parce
que ce n'est pas des membres, c'est plutôt des gens que vous aidez, mais les
gens que vous côtoyez, les jeunes hommes, est-ce que ça, avec cette autre
avancée là, un programme d'urgence qui va les prendre en main avant même de
rentrer dans le réseau, est-ce que c'est quelque chose que voyez comme étant
aussi une belle avancée ou, à tout le moins, est-ce qu'il faudrait le bonifier,
là, selon vous?
Mme Poirier (Martine) :
Écoutez, je ne me suis pas du tout, je vais être très honnête, je ne me suis
pas du tout penchée sur cet aspect-là du projet de loi. Ce n'est pas une
clientèle qu'actuellement on voit, on rencontre à travers nos services. Je ne
voudrais pas vous donner de fausse réponse. Je vais laisser ça dans les mains
des gens qui ont vraiment ces personnes-là dans leurs services, qui connaissent
beaucoup plus leurs besoins que nous.
Mme Lecours (Les Plaines) :
O.K. À ce moment-là, je vais vous amener sur un autre terrain qui est,
justement, une autre grosse partie de l'essence... bien, l'essence même du projet
de loi, qui est aussi de bonifier, de le rendre plus humain. On l'a dit à
plusieurs occasions, là, plusieurs gens qui sont venus témoigner depuis deux
jours expliquent que le côté humain doit être bonifié davantage, doit être
amélioré. Je pense que le ministre l'a bien expliqué, là, a noté, a expliqué
aussi que ça fait partie, évidemment, du projet de loi, donc toute la formation
du côté des personnes qui prennent en main ces victimes-là, donc ce qu'on
appelle les agents sur le terrain. Ça, ça va être important de travailler
là-dessus, mais également tout le consortium... pas le consortium, mais le
continuum de services qui tourne autour.
Bon. Avec le témoignage précédent, on a
parlé d'une espèce de guichet unique. J'aimerais ça que vous m'en parliez. Vous
pourriez même en faire… vous devriez vous-même en faire partie, je pense, mais
comment est-ce que vous voyez cette réalité-là?
Mme Poirier (Martine) : Je
suis tout à fait <d'accord avec la vision de…
Mme Lecours (Les Plaines) :
…
on a parlé d'une espèce de guichet unique, j'aimerais ça que vous m'en
parliez. Vous pourriez même en faire… vous devriez vous-même en faire partie,
je pense. Mais comment est-ce que vous voyez cette réalité-là?
Mme Poirier (Martine) :
Je suis tout à fait >d'accord avec la vision de… Tout doit être arrimé alentour
de la victime, et non pas la victime qui court partout pour essayer d'arrimer
les services alentour d'elle, que l'on puisse échanger l'information, que les
services soient connus, qu'il y ait… Oui, peut-être un guichet d'entrée qui
faciliterait la personne à aller chercher les services dont elle a besoin, ça
peut juste être aidant. C'est très difficile quand les gens, déjà, sont très
vulnérables et très… ont beaucoup de difficultés à faire confiance d'aller
chercher de l'aide et de savoir même qu'on existe. Déjà, là, c'est… Je vous
dirais que, même dans le réseau Santé et Services sociaux, il y a… si vous
saviez le nombre de fois, dans un mois, qu'on se fait dire : Vous existez?
Il y a des services pour les hommes abusés sexuellement dans l'enfance? Et
pourtant ça fait 25 ans.
Ça fait que c'est sûr que… Que ce soit une
ligne… pas une ligne d'écoute, mais une ligne de référence, un système
quelconque pour le référencement, puis que tout le monde, on travaille dans le
même sens pour aider les victimes, je pense que, oui, ça serait aidant.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Bien, ça a été un grand constat de la commission spéciale, c'est de voir le
nombre d'organismes au Québec qui existent depuis des années puis que plusieurs
de ces organismes-là ne se connaissent même pas, et ils ont pourtant la même
mission. C'est sûr que c'est dans des régions différentes aussi. Et, même dans
certaines régions, il y en a qui existent et qui ne se connaissent pas. Oui,
c'était effectivement une… pas une surprise, mais un constat.
• (16 h 50) •
Et, si je peux dire, c'est sûr, les questions
que je vous pose ne sont pas législatives, mais je pense... Parce que le projet
de loi, bon, avec les règlements qui vont suivre, et tout ça... mais dans sa
mise en place, je pense que ça va être important de connaître tous les besoins
des organismes et surtout, et surtout, et surtout des victimes sur le terrain.
Donc, c'est pour ça que je vais en dehors du législatif, parce qu'en gros, si vous
avez... Je sais qu'il est quand même assez long le projet de loi, bien, je
pense que vous avez vu l'ensemble. En gros, le projet de loi a fait des bonnes
avancées sur l'abolition de la liste, le fait qu'on prône, d'abord et avant
tout, le rétablissement, parce que je que c'est ça qui est essentiel ici, le
rétablissement des personnes victimes d'actes criminels, comme celles qui sont
déjà reconnues et celles que l'on va reconnaître maintenant.
Alors donc, en gros, le projet de loi, si
je peux terminer là-dessus avec vous, comment est-ce que vous… Quelles sont,
justement, les grandes lignes que vous retenez puis que vous dites : Oui,
on va dans le <bon sens? Et quels...
Mme Lecours (Les Plaines) :
…
d'actes criminels, comme celles qui sont déjà reconnues et celles que
l'on va reconnaître maintenant.
Alors donc, en gros, le projet de loi,
si je peux terminer là-dessus avec vous, comment est-ce que vous… Quelles sont,
justement, les grandes lignes que vous retenez puis que vous dites : Oui,
on va dans le >bon sens? Et quels seraient les points, peut-être, à
retravailler au niveau du législatif?
Le Président (M.
Bachand) : Il reste quelques secondes seulement,
Mme Poirier. Je m'excuse.
Mme Poirier (Martine) :
D'accord. Non, il n'y a pas de problème. Bien, écoutez, comme je vous l'ai
mentionné tout à l'heure, la date, là, que les infractions ne soient pas
nécessairement après 1972. Dans le cas de notre clientèle, c'est un enjeu
majeur que je crois qui devrait être ajouté à la loi, ou corrigé.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mme Poirier.
Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi.
J'ai été capable, comme les autres
collègues, de mettre la main sur votre mémoire. Merci beaucoup. Comme vous nous
parlez, à la toute fin, là, des très courts délais, alors, on va essayer de
faire, là, contre mauvaise fortune bon cœur. Puis merci d'être là, puis de
répondre à nos questions. Mais il est clair que moi, comme législateur, puis je
partage ce qui a été dit par plusieurs, je me sens pressé, compressé dans un projet
de loi majeur, une réforme majeure qui vient de faire tomber, sur la table,
190 articles nouveaux.
J'aimerais, parce que vous traduisez une
réalité terrain des êtres humains, des hommes… Le CRIPHASE s'occupe des hommes
abusés sexuellement dans leur enfance. Vous parlez d'un concept, puis
j'aimerais ça que vous l'explicitez, parce que, quand on dit : Bien,
faites une demande d'indemnisation, remplissez un formulaire, vous parlez du
concept d'émergence de réminiscence lors de la rédaction du récit de
l'agression sexuelle. J'aimerais ça que vous traduisiez ces… qu'est-ce qu'ils
vivent, ces hommes-là, quand vous nous dites : Réminiscences, émergence de
réminiscences.
Mme Poirier (Martine) : O.K.
Dans le formulaire de demande de l'IVAC, les personnes doivent faire le récit
de l'infraction, donc le récit de l'agression sexuelle qu'ils ont subie. Pour
quelqu'un qui a été victime de ces gestes-là, d'avoir à en refaire le récit
peut être retraumatisant. Souvent... Vous savez qu'en intervention auprès des
victimes d'agression sexuelle, la plupart du temps, là, on n'a pas besoin de
connaître le récit de leur agression, on les croit, première chose, et puis on
travaille sur les conséquences que l'agression a eues dans leur vie. On n'a pas
besoin de connaître à quel moment ça s'est passé, de quelle façon, où est-ce
que c'était, la date, l'endroit physique, le nom des personnes ou rien qu'avec
une <personne, tous ces…
Mme Poirier (Martine) : ...on
travaille sur les conséquences que l'agression a eues dans leur vie. On n'a pas
besoin de connaître à quel moment ça s'est passé, de quelle façon, où est-ce
que c'était, la date, l'endroit physique, le nom des personnes ou rien qu'avec
une >personne, tous ces éléments-là sont des conséquences connues des...
Tous les gens qui ont subi des stress traumatiques, des grands traumas, comme
des agressions sexuelles à l'enfance, en plus, ne peuvent pas revisiter ça
comme ça sans l'aide, sans accompagnement. Et ce n'est pas nécessaire, ce
récit-là, dans ce contenu-là.
M. Tanguay
: Et
ça, ce que vous dites, vous, vous êtes sur le terrain avec ces hommes. Dans le
cas qui nous concerne, ce qui nous concerne, c'est la CRIPHASE, donc c'est des
hommes, abus sexuels enfance, mais quand quelqu'un, en toute bonne foi, établit
un formulaire administratif, il faut que ça soit su, parce que, si c'est un
passage obligé, vous nous dites : Bien, pour bien des hommes, bien des
victimes, ça rajoute, ça rajoute à l'aspect très négatif des séquelles de ce
qu'ils ont vécu, mais ça devient, administrativement, un passage obligé puis
une évaluation même qui est faite à la vue de ce qui est raconté. Parce que
j'imagine qu'il y a une analyse qui est faite : Est-ce que c'est suffisant,
pas suffisant? Encore une fois, les femmes et les hommes qui administrent le système
sont de bonne foi, mais eux se posent des questions puis ils vont demander des
compléments d'information. Alors, ce que vous nous traduisez démontre beaucoup le...
quand on dit l'expression... le «disconnect», des fois, entre la vraie vie puis
ce que l'administration publique exige. Et j'ajoute à ça, puis j'aimerais vous
entendre là-dessus, votre dernière page, vous dites : Imaginez en bout de
piste la détresse et le sentiment d'invalidation pour ceux qui reçoivent à la
fin de ça. C'est une moyenne claque dans la face.
Mme Poirier (Martine) :
Oui, tout à fait, tout à fait. Chacun d'entre nous, je pense qu'on se
retrouverait dans une situation comme ça, où doit mettre, prêtez-moi
l'expression, nos tripes sur la table, et puis, pour des raisons de date, de
délai, désolé, mais tu n'auras pas d'aide de nous, là.
M. Tanguay
: Et
là-dessus, là-dessus, je reprends la balle au bond. C'est un des points que je
voulais aborder avec vous. Donc, vous, vous le dites, vous le dites qu'il y a
l'imprescriptibilité, on le sait, pour des agressions à caractère sexuel, mais
on dit «imprescriptibilité», ici, on parle de cas d'hommes qui... et vous le
dites, là, environ 40 ans après les abus, donc, 1972 est comme le mur de
fond où, avant 1972, même s'il y a imprescriptibilité, la loi ne vient pas
indemniser pour ce qui est au-delà de 1972. Puis, vous dites : Bien, dans
ceux qu'on rencontre, leur <moyenne, c'est environ 40 ans. Alors, de
se rendre jusqu'à 49 ans, qui...
M. Tanguay
: …
comme
le mur de fond où, avant 1972, même s'il y a imprescriptibilité, la loi ne
vient pas indemniser pour ce qui est au-delà de 1972. Puis, vous dites :
Bien, dans ceux qu'on rencontre, leur >moyenne, c'est environ
40 ans. Alors, de se rendre jusqu'à 49 ans, qui représente 1972, vous
le dépassez dans bien des cas. Alors, c'est pour ça que vous demandez d'enlever
carrément cette règle-là du 1er mars 1972.
Mme Poirier (Martine) : Oui, absolument,
absolument.
M. Tanguay
: Dans ce
que vous venez de nous étayer par rapport au sentiment de réminiscence et également
au sentiment d'invalidation, c'est des particularités qu'on vient d'entendre
avec vous, aussi, la particularité du 1er mars 1972, on pourrait
dire : Bien, voyons donc! au-delà de ça, ça n'existe pas. Vous dites oui,
nommément, parce que des hommes dans l'enfance, ça existe, c'est votre réalité.
Moi, ce que je souligne, en page 2 de votre mémoire, vous avez été mandatés par
le Secrétariat à la condition féminine pour mettre en place un programme de formation
concernant l'intervention auprès des hommes victimes d'abus sexuels. Donc, il y
a tout un aspect sur lequel j'aimerais vous entendre... ou peut-être que ça
peut se mettre dans la loi, moi, je ne suis pas prêt à dire que ça n'a pas de
rapport dans un texte de loi, mais peut-être qu'il y a des articles qu'on
pourrait, le cas échéant, mettre dans le texte de loi justement pour avoir une
obligation de l'État québécois, des organismes proactifs, pour aller chercher
ces informations-là auprès de vous, parce qu'on parle de reconnaissance
d'organismes comme vous, donc d'être proactifs pour aller chercher ces informations-là,
puis que le système s'adapte à ces cas d'espèce là aussi, dont on entend, je
crois, trop peu parler.
• (17 heures) •
Mme Poirier (Martine) : Oui, effectivement,
effectivement, c'est juste pour vous dire, là, dans tout le Québec, là, on est
trois organismes dont la mission est de venir en aide aux hommes abusés
sexuellement dans l'enfance, trois organismes pour le Québec. Les services qui
sont offerts un peu en région pour cette clientèle-là, c'est des organismes
pour hommes qui vont développer un service, mais ce sont des généralistes qui
n'ont pas nécessairement l'expertise, la spécialité pour les hommes qui ont ce
vécu-là. Ça fait que c'est eux qu'on est allé former. C'est important qu'il y ait
des services partout en région, c'est important que les services soient
reconnus par l'IVAC.
Actuellement, les services d'ordre
psychosocial qui sont reconnus, ce sont des services qui sont donnés par des
psychologues, par des psychothérapeutes qui font partie d'ordres professionnels,
ce n'est pas notre réalité. On a des psychologues, on a des psychothérapeutes,
mais, chez nous, tout le monde travaille de façon égale en tant qu'intervenant
psychosocial. Donc, nous, en tant qu'organisme, premièrement, on n'avait pas la
réalité budgétaire de pouvoir avoir tous des gens qui travaillaient en faisant
partie d'un ordre professionnel. Ce n'est pas ce qu'on pouvait développer, ça
fait qu'on développe un service de relation d'aide avec une <spécialité
qui est très, très, très développée pour…
>
17 h (version révisée)
< Mme Poirier (Martine) : …la
réalité budgétaire de pouvoir avoir tous des gens qui travaillaient en faisant
partie d'un ordre professionnel. Ce n'est pas ce qu'on pouvait développer, ça
fait qu'on développe un service de relation d'aide avec une >spécialité
qui est très, très, très développée pour les HASE. Puis, oui, on détient cette
expertise-là, et il faut qu'elle soit partagée partout à travers les régions et
qu'il y ait d'autres organismes qui soient fondés pour répondre à ces
besoins-là.
M. Tanguay
: Oui. Et
vous le dites : Les services de relation d'aide que nous offrons ne sont
pas reconnus par l'IVAC. Et vous, vous êtes financés par le ministère de la
Santé, il y a ça aussi.
Mme Poirier (Martine) : Oui. Oui,
tout à fait.
M. Tanguay
: Alors, ça,
ça traduit bien la réalité ou de… Et je poursuis. Une fois qu'on dit que vous
êtes pertinents sur le terrain, vous répondez à une clientèle, entre
guillemets, des hommes, violence sexuelle, agression sexuelle dans l'enfance,
de façon très spécifique et que force est de constater que, probablement, la
majorité de ceux avec qui vous faites affaire, en tout cas, une partie très
substantielle, ne sont même pas couverts à cause du 1er mars 1972, lorsqu'on
regarde tout ça, vous êtes un organisme, vous pouvez aiguiller, informer ces
victimes, vous faites écho d'une chose qu'on a entendue ailleurs : C'est
le choix de la victime en tout temps de choisir de qui elles recevront l'aide. Ça,
c'est important. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur l'importance
que vous y accordez, aussi, dans le processus de guérison, le lien de confiance
qu'au départ vous devez… parce qu'on a entendu des histoires, là, où il n'y a
pas de lien de confiance, qu'on doit avoir avec la personne avec qui on fait
affaire, le thérapeute, le psychothérapeute, et ainsi de suite, l'importance
de…
Mme Poirier (Martine) : Oui,
tout à fait. Les gens qui ont vécu des abus sexuels, la plupart du temps, c'est
une prise de pouvoir, hein, sur l'autre personne. C'est des enfants qui ont été
abusés par des gens en qui ils avaient confiance, dans la majeure partie des
cas, qui étaient supposés les protéger, qui les aimaient. Ils se retrouvent
dans des situations d'abus où tous ces repères-là n'ont plus de sens. Donc, ce
sont des gens qui ont souvent beaucoup de difficultés à faire confiance à
quelqu'un d'autre, que ce soit même leur conjoint, leurs enfants… C'est pour ça
qu'ils ont beaucoup d'autres problèmes dans leur vie qui sont des conséquences
directes des abus.
À partir du moment où ils commencent à
faire confiance à un thérapeute et qu'ils sont en processus d'un cheminement
qui va les amener au rétablissement, on espère, le plus complet possible, et
qu'on leur dit : Bien là, il faut que tu changes d'intervenant, pour eux,
là, ça n'a pas de sens, là. Ça a été long, là. Je vous dis, il y a des <fois…
Mme Poirier (Martine) :
…qui va les amener au rétablissement, on espère, le plus complet possible, et
qu'on leur dit : Bien là, il faut que tu changes d'
intervenant, pour
eux, là, ça n'a pas de sens, là. Ça a été long, là. Je vous dis,
il y a
des >fois… Nous, ce qu'on offre en soutien individuel, c'est 20 rencontres.
Il y a des fois, ça prend 10 rencontres avant d'établir ce lien de
confiance là. Ça fait que comprenez que de toujours recommencer, ça n'a pas de
sens, et, nous autres, on…
M. Tanguay
: Merci, Mme Poirier.
Et félicitations pour ce que vous faites.
Mme Poirier (Martine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci. Merci, Mme Poirier,
pour votre présentation. En Estrie, on a le privilège d'en avoir un, de ces
rares organismes qui soutiennent les hommes dans leur rétablissement. Ça a été
nommé souvent par d'autres organismes qui ne travaillent pas auprès des hommes
que c'est une difficulté majeure d'avoir accès à des psychologues, par exemple,
spécialisés de… pour… par rapport à leur situation. Je devine que ça doit être
le cas aussi pour les hommes agressés sexuellement, ce n'est pas une expertise
qui est nécessairement répandue. Est-ce que, dans la mesure où le ministre de
la Justice veut favoriser le rétablissement des victimes, il n'y a pas une responsabilité
aussi de sa part, du ministère, de développer une offre de services pour les
hommes agressés sexuellement partout au Québec, dans toutes les régions? Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu, par exemple, de lancer un appel de projets pour
développer des services spécialisés pour les hommes victimes à travers le Québec?
Mme Poirier (Martine) : Pourquoi
pas? C'est sûr que le besoin est partout à travers les régions. Par contre, je
vous dirai, il y a déjà des organismes en place. Pourquoi ne pas leur offrir
les moyens de pouvoir additionner ces services-là à ce qu'ils font en ayant des
intervenants qui vont être… qui vont détenir l'expertise pour intervenir auprès
de ces hommes-là? Mais de… oui, définitivement, si ça peut être inclus dans un projet
de loi, cet aspect-là, oui, il faut développer ces services-là.
Mme Labrie : Puis là j'ai bien
entendu votre préoccupation que la question du 1972, là, doit être rayée. Si on
parvient à convaincre le ministre de procéder à cette demande-là, est-ce que
vous pensez qu'il y a une offre de services suffisante en ce moment pour
répondre aux demandes qui… Vous, vous offrez des services de relation d'aide
dans votre organisme. Est-ce que vous alliez être en mesure de répondre à la
demande qui serait augmentée?
Mme Poirier (Martine) :
Écoutez, c'est sûr que notre profil à nous, on dessert la grande région
montréalaise, c'est une grande densité de population. Je dois vous dire que présentement
j'ai près de 60 personnes sur ma liste d'attente. Il y a un contexte de
COVID, bien sûr, mais on n'a pas vraiment diminué la cadence de nos services,
on les offre seulement différemment. Par <contre…
Mme Poirier (Martine) :
...je dois vous dire que
présentement j'ai près de 60 personnes sur
ma liste d'attente. Il y a un contexte de
COVID,
bien sûr, mais
on n'a pas diminué la cadence de nos services, on les offre
seulement
différemment.
Par >contre, oui, on a des listes d'attente.
Oui, on a besoin de plus. On est en plein développement,
il y a quand même certaines subventions qui sont arrivées très, très, très
récemment, qui vont nous permettre de former et d'engager des nouveaux intervenants
pour diminuer nos listes d'attente, mais, définitivement, il faut la création
de services pour cette clientèle-là. Le Plan d'action en santé et bien-être des
hommes va donner un bon coup de pouce, mais ce n'est pas suffisant, on a besoin
de plus.
Et, oui, on voudrait bien avoir toutes les
ressources pour répondre à la demande adéquatement, parce que, déjà, ces
gars-là, ça a pris tout leur courage pour appeler, pour demander de l'aide. On
sait que, chez la clientèle masculine, de… prêtez-moi l'expression, mais de
faire le «move» d'appeler, là, de prendre le téléphone puis de dire : J'ai
besoin d'aide, on le sait qu'ils attendent un peu à la dernière minute, quand
ça ne va vraiment pas bien. Ça fait que...
Le Président (M.
Bachand) : O.K. Merci beaucoup, Mme Poirier. Je dois céder
la parole à la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui.
Bien, je suis là, mais malheureusement je ne suis pas en mesure de me connecter
pour avoir le fond d'écran standard, donc vous ne pouvez pas me voir à l'écran
parce que je suis avec mon iPad, puis on m'a expliqué que je ne pouvais pas…
donc…
Le Président (M.
Bachand) : Aucun souci.
Mme
Hivon
:
Aucun souci?
Le Président (M.
Bachand) : Exactement.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup de votre indulgence. Donc, désolée pour les problèmes techniques.
Merci beaucoup pour votre présentation. Je note à la fin de votre mémoire,
vraiment, les points, là, que le député de LaFontaine a soulevés, que vous
indiquez à quel point c'est difficile, compte tenu de tout ce que ça implique
pour une personne qui a été traumatisée par une agression dans l'enfance, de
venir tout revivre ça. Et plus j'entends les gens… Et évidemment le projet de
loi ne parle pas beaucoup, puis je dirais de tout ce qui est relation de
service entre l'IVAC et les personnes, mais c'est pourtant au coeur de ce qui
doit être amélioré.
Est-ce que vous pensez que les agents qui
sont là, qui étaient d'abord des agents d'indemnisation mais qui, là, avec la
loi, vont devoir devenir beaucoup plus des agents d'aide, devraient avoir
beaucoup plus une formation de l'ordre du travail social, de l'accompagnement
psychosocial des personnes, pas nécessairement dès le départ, mais pour savoir
qu'ils vont être accompagnés convenablement dès le début? Parce qu'on passe
vraiment d'un régime où c'était d'abord le focus sur une indemnisation à
quelque chose de beaucoup plus large.
Mme Poirier (Martine) : Oui.
Je crois qu'on aurait tout intérêt à avoir du soutien. Et comme j'entendais les
collègues ce matin, là, parler aussi, dans les auditions précédentes, que ce
n'est pas simple pour eux non plus, là, de recevoir tous ces <récits…
Mme Poirier (Martine) :
...oui, je crois qu'e
xactement on aurait tout
intérêt à avoir du
soutien. Et comme j'entendais les collègues ce matin, là, parler, aussi dans
les auditions
précédentes, que ce n'est pas simple pour eux non plus,
là, de recevoir tous ces >récits traumatiques là et qui... S'ils ne sont
pas correctement formés, c'est très difficile pour eux aussi. Puis il faut
définitivement que leur... qu'ils connaissent mieux la réalité des victimes
d'agression sexuelle, la réalité des conséquences pour pouvoir mieux être
capables de les aider. Et, oui, ça prendrait des formations de base. Et je
pense qu'il y a beaucoup d'organismes en agression sexuelle qui seraient prêts
à mettre l'épaule à la roue pour que ces gens-là soient mieux formés.
Mme
Hivon
:
Bien, merci. C'est vraiment quelque chose qui me frappe avec votre témoignage,
là, on progresse tout le monde ensemble, là, depuis mardi, mais je pense
qu'avec les changements que le ministre souhaite apporter il va falloir avoir
une vraie réflexion là-dessus pour que les gens puissent être accompagnés
convenablement dès le départ, parce qu'il y a trop d'histoires d'horreur, là,
qui nous sont racontées. Merci beaucoup.
Mme Poirier (Martine) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Et, sur ce, Mme Poirier, je
tiens à vous remercier d'avoir été avec nous cet après-midi à la commission.
Et puis, sur ce, la commission va
suspendre ses travaux quelques instants. Merci encore, Mme Poirier.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 13)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre! La commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir de recevoir les deux coprésidentes du comité sur
l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale,
Mme Elizabeth Corte et Mme Julie Desrosiers. Bienvenue à vous
deux en commission. Très content que vous soyez avec nous cet après-midi.
Il semble y avoir eu un petit imbroglio au
niveau de la présentation. Écoutez, on va commencer avec le 10 minutes,
puis on verra après avec les autres membres s'ils vous laissent un petit peu de
temps pour terminer votre présentation, mais je vous laisse immédiatement
commencer votre exposé.
Mmes Elizabeth Corte et Julie Desrosiers
Mme Corte (Elizabeth) :
Merci, puis je pense bien qu'on va y arriver, à entrer dans notre temps. Alors,
bonjour, tout le monde. Ça nous fait superplaisir d'avoir été invitées et
d'être ici aujourd'hui, à cette Commission des institutions, pour parler de
votre sujet, l'IVAC, et de notre sujet, les personnes victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale.
Alors donc, on nous a présentées. Moi, je
vais vous indiquer, rapidement, que le mandat de notre comité était d'évaluer,
à la lumière du parcours des personnes victimes, les mesures actuelles et
étudier celles à développer pour assurer un accompagnement plus soutenu et qui
répondait mieux aux besoins et aux réalités des personnes victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale.
Alors, dans ses grandes lignes, le rapport
du comité, qu'on a appelé Rebâtir la confiance, conclut que la personne
victime doit être accompagnée, que cet accompagnement doit se faire tout au
long du processus, quel que soit le processus qu'elle choisit, bien entendu,
que cette personne doit bénéficier des services qui sont <adaptés à ses…
Mme Corte (Elizabeth) :
...Rebâtir la confiance, conclut que la
personne victime doit
être accompagnée, que cet
accompagnement doit se faire tout au long du
processus,
quel que soit le
processus qu'elle choisit, bien entendu, que cette
personne
doit bénéficier des services qui sont >adaptés à ses besoins et que ces
services doivent être intégrés de façon à ce que la victime soit au coeur d'une
équipe d'intervention, de suivi et d'accompagnement. Alors, l'indemnisation des
personnes victimes fait partie de ce processus.
Je pense que c'est important, puis c'est
peut-être un de mes messages importants à vous aujourd'hui, c'est qu'il faut
considérer le processus d'indemnisation des victimes d'actes criminels,
notamment d'agression sexuelle et de violence conjugale, comme une partie de
leur processus de réadaptation, de réhabilitation puis de réintégration dans
leur... au meilleur de leur vie quotidienne. Alors donc, l'indemnisation des
personnes victimes fait partie de ce processus, et je pense qu'il faut
considérer que l'IVAC n'est pas à part, mais que les intervenants de l'IVAC,
non seulement... on ne parle pas, évidemment, seulement du juridique, mais des
personnes qui y travaillent, font partie, à notre avis, de l'équipe qui
accompagne la personne victime dans ses démarches.
Le projet de loi le reconnaît, à son
article 1. Je n'ai pas besoin de vous le citer, mais ça me fait du bien de
le lire parce qu'il y a quand même une belle avancée. Elle établit... À
l'article 1, la loi «établit un régime d'aide leur permettant d'obtenir un
soutien adéquat et cohérent — alors, cohérent — avec les
autres régimes — on voit que c'est important — répondant à
leurs besoins — je le mentionnais tantôt — notamment en
favorisant leur accès à des services efficaces, justes et impartiaux et à de
l'aide financière». Alors, clairement, dans la loi, on voit déjà que l'aide
apportée par l'IVAC fait partie du soutien accordé aux personnes victimes.
Donc, je vous rappelle que, vous le savez
sans doute, 75 % des demandes, a-t-on dit... nous rapportons que 75 %
des demandes proviennent de plaignantes victimes d'agression sexuelle, de
violence conjugale et que ces personnes sont majoritairement des femmes, alors…
Et c'est à ce titre que notre rapport traite de l'IVAC. Évidemment, vous
comprenez que ce n'était pas notre mandat d'analyser l'IVAC, mais, au cours des
consultations, les organismes, les mémoires, les consultations Web des
plaignantes victimes, beaucoup, sinon tous, ont fait état des nombreuses
difficultés tant dans la loi que dans l'application de cette loi.
On savait, bien sûr, comme membres du
comité, que d'autres travaillaient sur un projet de loi. Et vous comprendrez
que c'était mis dans notre mandat, puis on <n'avait pas...
Mme Corte (Elizabeth) :
...fait
état des nombreuses
difficultés tant dans la loi que dans
l'application de cette loi.
On savait,
bien sûr, comme
membres du comité, que d'autres travaillaient sur un
projet de loi. Et
vous comprendrez que c'était mis dans notre mandat, puis on >n'avait pas
vraiment le temps non plus de faire une analyse exhaustive de la loi en tant
que telle, mais on en a énormément entendu parler. Tout le monde nous en a
parlé. Et donc il était… c'était un incontournable pour nous dans notre rapport,
malgré le fait que ce n'était pas l'objectif principal, il était important pour
nous de nommer les principales difficultés. Et Me Desrosiers les abordera
dans un instant.
Notre rapport, donc, recommande d'une
façon quand même relativement générale que la loi de l'indemnisation soit
révisée en profondeur. Bon, évidemment, c'est ce que vous êtes en train de
faire. On demandait particulièrement qu'il y ait une attention ciblée, hein,
puis volontairement ciblée, que la réalité des plaignants victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale soit prise en compte dans cette révision en
profondeur.
On a recommandé aussi, dans la même recommandation,
que le fonctionnement de l'organisme qui était chargé... qui est chargé de
l'appliquer, soit révisé également. Alors, on a eu des commentaires au sujet
des défis que posait la loi aux personnes victimes mais aussi sur la façon dont
les demandes étaient traitées, dont les victimes étaient traitées. J'y
reviendrai. Je reprendrai la parole un petit peu après ma collègue et je vais
vous parler de cette recommandation, aussi, de réviser le fonctionnement de
l'organisme. Je comprends qu'on est... on dépasse un petit peu le cadre du projet
de loi comme tel, mais je pense que d'autres ont frôlé les bords de la loi,
puis je vais me permettre de la faire quand je vais vous revenir tout à l'heure.
Le mémoire que nous avons soumis, bien, c'est directement la partie qui
concerne l'IVAC dans notre rapport.
Et je cède, sur ce, la parole à
Me Desrosiers.
Mme Desrosiers (Julie) :
Merci beaucoup. Est-ce que tout le monde m'entend bien?
• (17 h 20) •
Le Président (M.
Bachand) : Oui.
Mme Desrosiers (Julie) :
Oui. Est-ce que vous pouvez me dire combien de temps il nous reste, M. le
Président, s'il vous plaît?
Le Président (M.
Bachand) : 3 min 30 s.
Mme Desrosiers (Julie) :
Merci beaucoup. Donc, je vais y aller rapidement. Vous avez eu le bénéfice du mémoire.
On a noté les éléments qui étaient problématiques, donc la liste des
infractions admissibles, ce que vous savez déjà et ce qui est réglé par l'article 13
du projet de loi actuellement. Je soulève… et c'est ce que je vais faire tout
au long de ma présentation, je vais soulever des potentiels éléments de
réflexion, là, je vais les porter à votre attention sans nécessairement avoir
toutes les réponses, mais je remarque, nous remarquons que la notion
d'infraction criminelle est définie comme étant une infraction contre la
personne. En fait, elle est définie comme <étant...
Mme Desrosiers (Julie) :
...je vais soulever des
potentiels éléments de réflexion, là, je vais
les porter à votre attention sans
nécessairement avoir toutes les
réponses, mais je remarque, nous remarquons que la notion d'infraction
criminelle est définie comme étant une infraction contre la
personne. En
fait, elle est définie comme >étant, «à moins d'indication contraire,
toute infraction prévue au Code criminel perpétrée après le 1er mars 1972
et qui porte atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'une personne; ainsi
n'est pas visée une infraction criminelle perpétrée contre un bien». Donc, évidemment,
c'est un élargissement qui est salué par le comité, mais la notion d'intégrité
psychique, vous savez que ce n'est pas une notion qui est utilisée au Code
criminel, qui renvoie plutôt à la notion de lésions corporelles comme intégrant
des lésions psychologiques. Et, à ma connaissance, elle n'a pas été définie à
travers la jurisprudence non plus. Et, étant donné qu'on exclut les infractions
contre les biens nommément dans le projet de loi, pensez à la situation où...
C'est fréquent en matière de rupture, quand il y a une situation de violence
conjugale, la violence conjugale n'a pas nécessairement été exprimée de manière
physique, mais, au moment de la rupture, il peut y avoir... par exemple, quelqu'un
peut crever les pneus, défoncer une fenêtre, etc., donc, ça peut être une
infraction contre les biens qui est perpétrée dans un contexte de violence
conjugale sans qu'il y ait eu une infraction, tels le harcèlement criminel ou
les voies de fait, pendant la relation. Donc, ça, ça peut être problématique parce
que, comme la notion d'intégrité psychique est floue, que les infractions
contre les biens sont exclues, il peut y avoir des situations de violence
conjugale ici qui ne seraient pas couvertes. Donc, je le porte à votre
attention.
La notion de faute lourde, j'imagine que
ça a déjà été abordé dans le cadre de vos consultations aujourd'hui. On a dû le
porter à votre attention, le fait que la faute lourde, elle a déjà été opposée
pour exclure des victimes de violence conjugale ou d'agression sexuelle. Et là
le projet de loi prévoit certaines exceptions qui nous apparaissent, en fait,
complexes et probablement difficiles d'application pour les personnes victimes parce
que la façon dont c'est rédigé, ça exige une démonstration de la part de la personne
victime. Donc, ce serait peut-être bien de songer à une rédaction plus claire,
plus directe, qui affirmerait que la notion de faute lourde ne peut pas être
opposée en matière de violence conjugale, agression sexuelle et exploitation
sexuelle.
Délai de prescription, c'est super.
Crimes commis à l'extérieur du Québec,
c'est super. Peut-être prévoir qu'il va y avoir une application rétroactive
pour le crime perpétré à l'extérieur du Québec. Vous êtes au courant qu'il y a
des situations qui ont été problématiques dans un passé récent. Donc, ce serait
bien, pour cette raison-là, de prévoir nommément une application rétroactive
pour ça.
Maintenant, il me reste deux aspects
à aborder avec vous. Je vais y aller rapidement, on pourra revenir pendant la période
de questions. Je sais que le temps file pour vous, vous êtes à la fin de la
journée. Le projet...
Le Président (M.
Bachand) : Oui, juste vous dire, Me Desrosiers, le
10 minutes est maintenant terminé.
Mme Desrosiers (Julie) :
Mais je suis passionnante.
M. Jolin-Barrette : …sur mon
temps…
Le Président (M.
Bachand) : Vous êtes extrêmement passionnante. Et le ministre
vient de décider de vous donner du temps. Alors, je vous invite à continuer, <Me Desrosiers...
Mme Desrosiers (Julie) :
…
rapidement, on pourra revenir pendant la période de questions. Je sais
que le temps file pour vous, vous êtes à la fin de la journée. Le projet…
Le Président (M.
Bachand) :Oui, juste vous dire, Me Desrosiers,
le 10 minutes est
maintenant terminé.
Mme Desrosiers (Julie) :
Mais je suis passionnante.
M. Jolin-Barrette :
...sur mon temps…
Le Président (M.
Bachand) : Vous êtes
extrêmement passionnante. Et le
ministre
vient de décider de vous donner du temps. Alors, je vous invite à continuer, >Me Desrosiers.
Mme Desrosiers (Julie) :
Excellent. Il me reste deux éléments, donc, à soulever. Le premier, c'est
que le projet de loi qui est proposé est plus large, ratisse plus large que la loi
sur l'indemnisation qu'il se propose de remplacer, et notamment il inclut ce
qui était auparavant la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. On va
retrouver différentes dispositions de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels dans le projet de loi actuel. Or, le comité avait recommandé, donc recommandation
182 du comité à la page 198 du rapport, si bien nommé, Rebâtir la confiance,
recommandé donc, que la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels soit non
pas simplement remplacée, mais bonifiée de manière à nommément prévoir les
droits des victimes et les recours des victimes et de manière plus claire que
ce qui était fait dans la Loi sur l'aide aux victimes, qui est maintenant
abrogée ou qui serait abrogée par le projet de loi, et ça, à mon avis, ce n'est
pas rencontré par le projet de loi actuel. Il y aurait lieu de réfléchir plus
clairement à une meilleure… les affirmer de manière plus claire, les droits des
victimes, les recours des victimes.
Là, en ce moment, ce qu'on a, c'est un titre II
qui est intitulé Soutien aux personnes victimes. Donc, c'est un peu en marge,
finalement, de ce qu'on veut affirmer, qui est vraiment des droits, des recours.
Puis c'est important, dans le contexte législatif actuel, de les affirmer clairement,
parce qu'ils sont énoncés dans une charte qui est fédérale. Puis, au Québec,
c'est embrouillé, puis on sent un besoin de les affirmer et de nommer clairement
pour les victimes les droits et les recours qui peuvent être exercés. D'ailleurs,
nous, on avait recommandé un ombudsman québécois des victimes d'actes criminels
pour clarifier la situation au Québec.
Dernier point, très rapidement. La loi
permet la création d'un fonds d'urgence. Nous aussi… En fait, elle permet que
le ministre établisse un fonds d'urgence. Je veux juste attirer votre attention
sur le fait qu'on en parle aussi, dans notre rapport, de ça puis qu'il y a des
besoins qu'on avait ciblés qui ne sont pas repris, puis pourtant, c'est
«notamment» qui est écrit là en ce moment, donc tout est ouvert. Mais, quand
vous serez à la réflexion autour de ça, on a des pages, encore une fois,
passionnantes dans notre rapport, et on avait, notamment, soulevé le fait
qu'actuellement il y a la possibilité pour les victimes de résilier leur bail
quand il est question de violence conjugale ou d'agression sexuelle. C'est
prévu dans le Code civil, mais il y a un deux mois de délai qui est imputé
à la victime, elle doit payer deux mois de délai et ça ne lui est pas
remboursé par l'IVAC actuellement. Donc, c'est également à prévoir. Et je vous
remercie pour cette extension.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment à vous deux. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Me Corte, Mme Desrosiers, merci beaucoup de
participer aux travaux de la commission parlementaire. Mme Desrosiers,
vous avez dit : C'est une bonne <chose…
Mme Desrosiers (Julie) :
...l'IVAC,
actuellement, donc c'est
également à prévoir. Et je
vous remercie pour cette extension.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment à vous deux.
M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Merci,
M. le Président. Me Corte, Mme Desrosiers,
merci
beaucoup de participer aux travaux de la
commission
parlementaire.
Mme Desrosiers, vous avez dit : C'est une bonne >chose, le
fait qu'on abolisse la liste des infractions. Je vois que vous avez certaines
réserves, par contre, vous souhaiteriez qu'on soit un petit peu plus large
relativement peut-être aux biens contre la personne. Ça amène certaines difficultés,
par contre, parce que, vous savez, les infractions contre les biens, ça peut
être très large. Là, on se retrouve dans une situation où l'indemnité...
(Interruption)
Le Président (M.
Bachand) : Vous avez des problèmes, M. le ministre, avec votre
micro, je crois, hein? On a de la misère à vous entendre.
M. Jolin-Barrette :
Attendez-moi juste un instant.
Le Président (M.
Bachand) : Ah! Là, on vous entend, là.
M. Jolin-Barrette : Vous
m'entendez?
Le Président (M.
Bachand) : Oui.
M. Jolin-Barrette : En fait,
je voulais savoir, principalement, dans vos auditions que vous avez eues, les
victimes qui auraient pu être indemnisées si on avait eu la liste mais qui ne
l'ont pas été, est-ce qu'elles ont été en grand nombre?
Mme Desrosiers (Julie) : Moi,
je n'ai pas fait une étude empirique. Donc, oui, de mon échantillon, il y a beaucoup
de gens qui n'ont pas pu obtenir indemnisation, mais, tu sais, je veux dire,
c'est les gens que j'ai entendus qui sont venus nous parler à nous, donc
forcément c'est des gens qui ont eu des problèmes d'indemnisation aussi. Mais,
pour répondre à... En fait, votre question est un peu en deux volets. Là,
je voyais que vous souleviez un peu votre préoccupation relative aux fonds
publics, infraction contre les biens, c'est large, tout ça, mais moi, ce que je
voyais, c'était un élargissement législatif qui liait cette idée, parce que
vous avez, d'abord, dans une première partie, une idée que ça prend une
atteinte à l'intégrité psychique, ça fait que, tu sais, il y aurait peut-être...
Ça, pour moi, cette notion-là, elle n'est pas claire, mais il y aurait peut-être
moyen de jumeler les deux. Donc, par exemple, une infraction contre les biens
qui porte atteinte à l'intégrité psychique, parce qu'en fait c'est ça qu'on
veut, c'est que, quand c'est en contexte de violence conjugale, si la terreur,
elle vient d'une terreur contre les biens, dans un contexte de rupture, bien,
tu sais, on le reconnaît, qu'on est dans un contexte de violence conjugale puis
que la personne, il y a une atteinte à son intégrité psychologique par le biais
d'infractions contre les biens, tu sais. C'est un peu ce que je voyais.
Parce qu'on a eu, par exemple, à notre
table, pour donc vous donner un exemple concret, qui était nommée comme
experte, qui représentait les victimes, il y avait une femme où la violence,
elle s'était manifestée contre les biens au moment de la rupture. Ça l'avait complètement
terrorisée. Mais, pendant la relation, il n'y avait pas eu d'atteinte à son
corps, c'était une violence psychologique qui était exercée, qui est
difficilement saisissable sur le plan d'une infraction. Quand il y a eu
infraction criminelle, c'était infraction contre les biens. Donc là, je vois
qu'elle aurait de la difficulté à obtenir indemnisation. Or, cette femme, que
je connais, elle avait vraiment besoin d'aide.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une autre question sur la question des crimes commis hors Québec, vous avez
fait référence, et vous le faites dans votre mémoire, là, à Mme St-Onge,
qui est venue <témoigner aussi avec la… Quand vous nous dites : Bon...
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Desrosiers (Julie) :
...cette femme, que je connais, elle avait
vraiment besoin d'aide.
M. Jolin-Barrette :
Peut-être une autre question sur la question des crimes commis hors
Québec, vous avez fait référence, et vous le faites dans votre mémoire, là, à
Mme St-Onge, qui est venue >témoigner aussi avec la... Quand vous
nous dites : Bon, c'est bien, il y a certaines situations qu'on a vues, certains
demandent une rétroactivité pour ça... Une rétroactivité pour l'ensemble des
crimes commis hors Québec?
Mme Desrosiers (Julie) : Vous
me demandez des questions de législateur, je vais vous dire, là encore, je vois
votre préoccupation relative aux fonds publics. Moi, ce qui m'apparaît clair,
puis je ne vous réponds pas comme présidente du comité, je n'ai pas eu de
consultation avec mes membres là-dessus, je vous réponds comme citoyenne, ce
qui m'apparaît clair, c'est que les enfants devraient être indemnisés, là. Là,
ils ont perdu leur mère, ils sont encore vivants, c'est une affaire de loi, tu
sais, puis là, moi, ça m'apparaît clair, ça.
M. Jolin-Barrette : Mais on
se retrouve dans une situation où il y a des choix à faire aussi, cette situation-là
particulière, il y a plein d'autres cas aussi, plein d'autres crimes que des
Québécois ont subis à l'étranger aussi, donc vous voyez toute la difficulté
d'une réforme du régime de l'indemnisation. On est allés chercher
193 millions supplémentaires pour bonifier l'aide aux victimes en
abolissant la prescription en matière de violence conjugale, violence sexuelle,
mais pour faire en sorte aussi de permettre aux femmes qui s'étaient fait dire
par l'IVAC, bien, vous êtes hors délai, donc on ne peut pas vous indemniser, d'avoir
une période de trois ans pour, justement, du soutien. Alors, on essaie, avec le
projet de loi, vraiment, d'offrir dès le départ le plus d'aide possible, mais
aussi d'élargir la notion de personne victime, parce que, bien qu'une personne
qui subi l'infraction, elle-même, elle est victime, souvent ça a des
conséquences sur le noyau familial, on pense en violence sexuelle ou en
violence conjugale aussi, c'est toute la famille qui est impactée.
Si vous me permettez, j'élargirais un
petit peu la discussion. Je vais vous poser une question avant de céder la
parole à mes collègues, mais je veux vous poser une question sur votre recommandation
du rapport sur le tribunal spécialisé. Et je veux en profiter, du fait que Mme
la juge Corte est là, pour savoir, à l'époque, à la Cour du Québec, est-ce que
c'est quelque chose qui avait été envisagé d'avoir un tribunal spécialisé?
Parce qu'aujourd'hui on se retrouve avec cette suggestion, cette
proposition-là, qui fait bien du sens, mais je me demande, à travers les
consultations que vous avez menées avec les différents acteurs, comment est-ce
que l'opérationnalité d'une chose pourrait se faire?
Mme Corte (Elizabeth) :
D'abord, le premier volet de votre question, je pourrais vous répondre qu'on
n'avait pas vraiment réfléchi la question de mettre sur pied un tribunal
spécialisé de la façon dont on le recommande dans le rapport en matière
d'agression sexuelle et de violence conjugale, mais la <réalité...
Mme Corte (Elizabeth) :
…je pourrais vous répondre qu'on n'avait pas
vraiment réfléchi la
question de mettre sur pied un tribunal spécialisé de la façon dont on le
recommande dans le rapport en matière d'agression sexuelle et de violence
conjugale, mais la >réalité, c'est qu'il y avait déjà tous les éléments,
ou presque tous les éléments, qui auraient pu être bonifiés, bien sûr, mais on
avait quand même déjà beaucoup des éléments d'un tribunal spécialisé, sans que
ça ne porte le nom, en matière de violence conjugale. Alors, il y avait, bon, par
exemple, des rôles particuliers, des délais particuliers, des intervenantes
sociales sur place, des salles d'attente réservées, alors, bon, je ne veux pas
rentrer dans toute la longue liste, mais vous comprendrez qu'on faisait déjà,
en matière de violence conjugale… la cour municipale le fait depuis plus de
30 ans déjà, traiter ces dossiers de cette façon-là. Ce qu'on n'avait pas,
c'était le titre, c'était le nom. Alors, dans le fond, tu sais, c'est que ça
prend, nous le croyons, une organisation plus généralisée adaptée aux réalités
régionales, évidemment aux ressources aussi qui peuvent être là, et qui va
encourager les meilleures pratiques et une meilleure collaboration, une
meilleure intégration de ces services-là par les centres. Alors, il y avait
déjà une forme, selon moi, qui est celle aussi qui existe dans d'autres
provinces, mais il n'y en avait pas en agression sexuelle. En agression
sexuelle, ça, c'est vraiment neuf, si vous me permettez de le dire de cette
façon-là. Je ne sais pas si ça répond entièrement à votre question.
M. Jolin-Barrette : Oui, je
vous remercie. Merci pour votre présentation. Je cède la parole à mes
collègues. Un grand merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames. Vous êtes conscientes, vous l'avez dit tout à
l'heure, que vous êtes nos dernières invitées aujourd'hui et pour cette
semaine, et donc ça me permet de vous demander si vous avez suivi un petit peu
ce qui s'est passé. Aujourd'hui, avec vous et plusieurs autres aujourd'hui, on
a été très pratiques, très proches du terrain et des gens qui y travaillent et
des clientèles particulières, mais on a eu une portion théorique, et j'aimerais
vous entendre sur ce qui a été évoqué, je pense à Me Gardner par exemple…
pas maître, Pr Gardner, de l'Université Laval, qui nous disait : Vous
savez, la SAAQ, c'est les automobilistes qui paient pour ça et qui se
répartissent un peu, ensuite, le risque. La CNESST, c'est la même chose, mais
avec les employeurs qui répartissent le risque. Pour ce qui est des actes
criminels et donc des victimes des actes criminels, c'est l'État, il faut donc
le voir… en tout cas, lui, il nous disait, même, le concevoir autrement. C'est
ce que je me demande, si on est en train de faire… Quand je vous écoutais,
Mme Desrosiers, dire au ministre : Oui, mais je vois bien que vous
pensez aux fonds publics, là, effectivement, et, d'ailleurs, il en a rajouté,
des fonds publics, pour avoir plus de victimes couvertes, et il y a la notion
d'aider, indemniser, si vous voulez, mais il y a <surtout…
M. Lemieux : ...ce que
je me demande, si on est en train de faire… Quand je vous écoutais,
Mme Desrosiers, dire au ministre : Oui, mais je vois bien que vous
pensez aux fonds publics, là, effectivement, et, d'ailleurs, il en a rajouté,
des fonds publics, pour avoir plus de victimes couvertes, et il y a la notion
d'aider, indemniser, si vous voulez, mais il y a >surtout la notion de
servir parce qu'on se fait beaucoup dire : Plus vite on intervient, plus
vite on est capable de donner l'aide qui est nécessaire sur-le-champ, moins longtemps
ça va durer et plus facile ça va être de s'en sortir. Une fois que j'ai tout
répété ça et que, vous, vous êtes très pratico-pratique, terrain, pouvez-vous
revenir à mes considérations un peu théoriques et me donner une lecture de tout
ça pour équilibrer ça?
Mme Desrosiers (Julie) :
Mais, sur le plan théorique, là, ce que vous me demandez, c'est une
justification des dépenses étatiques, c'est ça?
M. Lemieux : Non.
Mme Desrosiers (Julie) :
Non?
M. Lemieux : Non, mais...
Mme Desrosiers (Julie) :
Parce qu'on peut...
M. Lemieux : Mais,
considérant d'où on vient, considérant des 50 ans qu'on vient de passer,
et de la modernisation qui est tellement nécessaire que tout le monde la
réclame, et ce qu'on est en train de faire a été non seulement évoqué, a été
écrit dans le rapport Lemieux d'il y a déjà plus de 10 ans, donc j'essaie
de remettre ça en perspective avec toutes ces couches-là, pas pour justifier,
mais pour comprendre l'impact que ça a sur le terrain, mais, en même temps, le
mettre en relief et en relation avec l'impact que ça a, oui, sur les fonds
publics, mais sur l'ensemble de la théorie de...
Mme Desrosiers (Julie) :
Mais, tu sais, sur les fonds publics, l'impact que ça a sur les fonds publics,
il est payant pour l'État. Tu sais, c'est comme l'assurance maladie, c'est
comme... Tu sais, c'est... Le crime, c'est un risque collectif. Quand tu
n'investis pas dans des programmes sociaux, quand tu n'investis pas dans des programmes
d'accompagnement pour les victimes, quand tu n'investis pas dans l'indemnisation,
quand tu n'investis pas dans le partage des richesses, tu as plus de
criminalité, ça fait que c'est des vases qui communiquent, là. Ça fait que, tu
sais, c'est sûr que si on regarde ça en vase clos puis on fait juste indemnisation,
bien, là, on augmente, mais il faut voir que ça va coûter moins cher ailleurs,
tu sais, les victimes qui ne sont pas accompagnées, qui ne sont pas
indemnisées, ça a des coûts sociaux.
M. Lemieux : Bien, il ne
s'agit pas de ne pas indemniser, il s'agit de prendre le temps, et c'est ce que
le projet de loi nous permet de faire, de voir comment on a toujours indemnisé,
par exemple, la rente viagère qui a des mérites, mais à bien des égards aussi
des effets pervers, et par rapport à la modernité aussi des moyens qu'on a à
notre disposition aujourd'hui, autant en indemnisation qu'en aide. L'aide
psychologique, il y a 45 ans, au début, je suis certain que ça passait
sous le tapis, ce n'est pas pour rien qu'on est pris avec le problème qu'on a aujourd'hui,
alors on en parlait, mais, aujourd'hui, on est capable d'être efficaces comme
on ne l'était pas avant. C'est ce genre d'exercice théorique auquel je vous
demande de vous prêter, sans faire un gains et pertes, là, sans faire un passif,
actif, là.
Mme Desrosiers (Julie) :
Moi, je ne suis pas certaine que je saisisse bien votre besoin. Je ne sais pas,
Elizabeth, si tu es capable de venir à ma rescousse parce que je ne suis pas
certaine de savoir ce qui aiderait, là, à cette discussion.
Mme Corte (Elizabeth) :
Bien, peut-être que, moi, je pourrais ajouter en espérant que ça réponde <partiellement...
Mme Desrosiers (Julie) :
...Je ne sais pas, Elizabeth, si tu es capable de venir à ma rescousse
parce
que je ne suis pas certaine de savoir ce qui aiderait, là, à cette discussion.
Mme Corte (Elizabeth) :
Bien,
peut-être que, moi, je pourrais ajouter en espérant que ça réponde
>partiellement. Les personnes victimes qu'on a entendues, parce qu'on a
fait... évidemment, dans le cadre de nos travaux, on a consulté des organismes,
bien sûr, on a consulté… on a eu des mémoires, mais on a mis en place une consultation
Web, une consultation en ligne où environ 1 600 personnes victimes
ont pris le temps de répondre à un questionnaire. Bon, Mme Desrosiers
disait tantôt : On n'a pas fait de recherche. Puis bon, il n'y a pas
d'échantillonnage, mais ça nous donne quand même... il y avait quand même assez
de réponses.
Vous savez, le bien-être des gens, le
bien-être de ces plaignantes victimes passe par une compréhension. Est-ce qu'on
les comprend? Est-ce qu'on comprend ce par quoi elles ont passé, ce qu'elles
ont vécu et les besoins qu'elles ont, ces personnes-là, de se refaire, de se
remettre en état? Et, bon, évidemment, certainement, il y a les choses très
concrètes, là, on rembourse, on dédommage pour telle chose, pour telle chose,
bien sûr, mais la capacité de l'État de reconnaître ces blessures, de
reconnaître ce besoin, de les traiter comme le dit l'article, le nouvel article 3
du projet de loi, d'être traité avec compassion, avec équité, avec
compréhension, respect de la dignité. Ça va loin dans la perception des gens, ça
contribue au mieux-être de ces personnes-là, ça participe à leur
accompagnement. Alors, moi, c'est ce que je pourrais ajouter en réponse. Je ne
sais pas si ça répond.
• (17 h 40) •
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup.
M. Lemieux : Et je comprends
qu'il ne me reste plus de temps, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :Merci. Exactement, exactement, mais le député de LaFontaine
débute sa présentation... pas sa présentation, sa période d'échange, pardon.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Me Corte,
juge Corte et Mme Desrosiers, merci d'être avec nous et de répondre à nos
questions, merci de nous avoir envoyé le mémoire.
Évidemment, vous voyez que le projet de loi
n° 84, vous l'avez constaté, 190 nouveaux
articles, on pourrait me dire : Oui, mais il y a beaucoup d'éléments du
passé, c'est-à-dire du régime actuel qui sont repris, mais, quand même, c'est
comme... c'est une refonte majeure, alors on est un peu pressé dans le temps et
l'on doit s'assurer que l'on ne manque pas le coche, que l'on atteigne les
objectifs réellement que l'on veut atteindre.
J'aimerais vous entendre, à la toute fin
de votre mémoire, en page 7, vous parlez des difficultés particulières
rencontrées par les personnes qui contestent une décision de l'IVAC devant le
TAQ, et là vous nous invitez, puis j'aimerais vous entendre, vous nous invitez
à <considérer… puis j'aimerais peut-être que vous...
M. Tanguay
: …
J'aimerais
vous entendre, à la toute fin de votre mémoire, en page 7, vous parlez des
difficultés particulières rencontrées par les personnes qui contestent une
décision de l'IVAC devant le TAQ, et là vous nous invitez, puis j'aimerais vous
entendre, vous nous invitez à >considérer… puis j'aimerais peut-être que
vous précisiez la solution que vous suggériez. Oui, donc un processus qui
pourrait être ressenti comme hostile par une personne qui se voit… ou qui
désire contester une décision, donc, effectivement, c'est une personne qui est
déjà atteinte dans son intégrité physique ou psychique qui demande de l'aide,
et là on l'embarque dans une contestation, alors on comprend très bien le
ressenti hostile d'un processus, les témoignages dans un contexte formel, et
ainsi de suite.
Donc, ce que vous nous suggérez,
détrompez-moi si j'ai tort, pour peut-être préciser comment je reçois ça,
davantage d'accompagnement et peut-être essayer de mettre en place un contexte
où il y aurait moins, justement, un processus contradictoire formel qui met
quasiment la personne qui désire contester au banc des accusés, là…
Mme Desrosiers (Julie) : Oui,
c'est ça.
M. Tanguay
:
…j'aimerais vous entendre.
Mme Desrosiers (Julie) :
Merci pour la question, ça nous permet de renchérir. En fait, ça a déjà été dit
dans notre mémoire, on en a parlé dans notre rapport également, mais c'est vraiment
un problème parce que… puis Elizabeth pourra compléter, mais ce que ça fait,
là, c'est que la personne, elle se bat contre l'État pour obtenir une
indemnisation, puis ce que l'État fait puis, tu sais, c'est un drôle de rôle
pour l'État de jouer ce rôle-là, alors qu'en même temps il instaure une loi
puis un processus d'indemnisation, il va essayer de montrer que ce n'est pas
une victime, donc toutes les questions vont… Non, mais ce n'est pas vrai,
vous n'avez pas été victime d'agression sexuelle, mais ce n'est pas comme vous
le dites, ce n'est pas aussi pire que vous le dites, ta, ta, ta. Ça fait
qu'elle, elle se sent vraiment comme une accusée, c'est vraiment… puis c'est un
vrai procès, elle est d'un côté, de l'autre côté, c'est le procureur qui
représente l'État, puis il y a un juge, ça fait que, tu sais, c'est hostile, puis
les gens qui sont passés à travers ça, ça dure longtemps, ça s'étale sur des
années, là, les personnes qui passent à travers ça, elles sont vraiment meurtries,
ça fait que, tu sais, je pense que, là, oui, il y a besoin d'un meilleur
accompagnement, mais il y a aussi besoin peut-être de revoir le processus parce
que ce n'est pas obligé d'être un processus aussi contradictoire. Tu sais, les questions…
Le juge pourrait prendre ça en charge, cette recherche de preuve là, on
pourrait dire que c'est non pas contradictoire, mais que le juge a un plus
grand rôle à jouer ici, dans l'administration de la preuve. Puis, tu sais, il y
a moyen de faire les choses autrement, de les réfléchir autrement puis d'en
fait, traiter plus doucement la victime. Tu sais, même si on ne va pas
l'indemniser, il ne faut pas la faire sentir comme si c'était une menteuse puis
qu'elle voulait tricher puis… C'est comme ça que c'est ressenti actuellement.
M. Tanguay
: Et si vous
me permettez, puis j'aimerais entendre Me Corte, juge <Corte…
Mme Desrosiers (Julie) :
...
puis d'en fait, traiter plus doucement la victime. Tu sais, même si
on ne va pas l'indemniser, il ne faut pas la faire sentir comme si c'était une
menteuse puis qu'elle voulait tricher puis… C'est comme ça que c'est ressenti
actuellement.
M. Tanguay
: Et si
vous me permettez, puis j'aimerais entendre Me Corte, juge >Corte,
basée sur votre expérience de juge, on a un... On s'apprête à, le cas
échéant... On va faire le processus législatif, tout ça, là, 190 nouveaux
articles, puis vous avez vu le fameux article 16, là, qui fait une page et
deux tiers, que des expertes et experts du système d'indemnisation, ils ont dit :
Nous, on ne le comprend pas, on a de la misère à le comprendre, au mieux, on
pense avoir la bonne interprétation, mais on n'est pas sûrs. Comme juge, vous
en avez vu passer, des débats de l'intention du législateur, des nouvelles lois,
et l'impact que de nouvelles mesures ont à créer des litiges. Là, j'aimerais
vous entendre là-dessus, basée sur votre expérience. Ça sera 190 nouveaux
articles avec probablement beaucoup d'amendements, ça va prendre un certain
nombre de temps, des litiges, pour développer un corpus jurisprudentiel tout
neuf aussi. À quelque part, est-ce qu'on peut y voir un drapeau jaune ou rouge,
à ce niveau-là?
Mme Corte (Elizabeth) :
Bien, écoutez, moi, je pense que cette loi avait un grand besoin d'être révisée
de fond en comble, tout le monde nous l'a dit. Et bien sûr qu'il y a des... ça
va amener son lot de difficultés, c'est sûr que les experts, bien, ils vont
étudier la loi, ils vont y voir des interprétations, mais ça ne va pas être
différent, on a eu un nouveau code de procédure civile il y a quelques années.
Bien oui, vous avez raison, ça va
engendrer certaines difficultés, mais je pense qu'on ne peut pas faire
autrement que de changer les choses qui doivent être changées, au fond, et d'avoir
confiance que les gens vont faire pour le mieux. Je pense que ce n'est pas,
quand même, tout qui change, il y a beaucoup qui change, mais c'est un incontournable,
là, de faire les modifications, alors je pense que, oui, vous avez raison, tout
ce que vous avez dit, c'est exact, il va falloir s'y mettre, il va falloir
l'analyser, il va falloir le comprendre.
Une chose, maintenant, qu'on apprend par
contre, c'est que toute législation doit été écrite ou devrait être écrite dans
un langage clair. Je ne dois pas être la seule à vous en avoir parlé. Puis là
vous comprenez que nous, toutes les deux, nous sommes ici à titre de
coprésidentes du comité. Moi, je n'ai pas analysé le projet de loi en fonction
de... est-ce qu'il rencontre les éléments de langage clair et des exigences de
langage clair. C'est sûr que, même moi, à la lecture, je l'ai lu deux, trois
fois, c'est sûr que... Ça, est-ce que ça parle de ça? Ça, est-ce que ça réfère
à ça? Ça, qu'est-ce que ça veut vraiment dire? Mais, bon, il y a quand même des
choses, des éléments qui sont repris de <l'ancienne...
Mme Corte (Elizabeth) :
...
C'est sûr que même moi, à la lecture, je l'ai lu deux, trois fois, c'est
sûr que... Ça, est-ce que ça parle de ça? Ça, est-ce que ça réfère à ça? Ça,
qu'est-ce que ça veut vraiment bien? Mais, bon, il y a quand même des choses,
des éléments qui sont repris de >l'ancienne législation.
Peut-être une des choses à considérer, je
reviens à la partie à laquelle a répondu Mme Desrosiers tout à l'heure, vous
savez, il y a des processus de médiation qu'il faut regarder, qu'on pourrait
regarder aussi, hein, la médiation a pris une grande, grande place maintenant. Je
parlais du nouveau Code de procédure civile, je ne veux pas faire une longue
histoire avec ça, mais on encourage les gens à aller en médiation. Et je sais
que, quand on parlait... j'étais déjà... quand j'étais encore à la cour, on
parlait sur les litiges selon la Loi de l'impôt, là, puis on se disait : Ça
prendrait aussi un mécanisme de médiation. Bon, ce n'est peut-être pas la
solution à tous les problèmes, la médiation, ce n'est peut-être pas approprié
dans tous les cas, mais certainement, les processus de médiation avec des
médiateurs qui sont accrédités, qui sont formés. On recommande même... là, je
reviens à ma violence conjugale et à mon agression sexuelle, on propose qu'il y
ait des médiateurs formés en agression sexuelle et en violence conjugale, bien,
peut-être que, si on avait des médiateurs formés, des médiateurs qui sont au
fait de la nouvelle loi puis qui sont capables de traiter, on arriverait peut-être
à un meilleur résultat, certainement un processus moins confrontant, moins
contradictoire.
• (17 h 50) •
M. Tanguay
: Et vous
avez... Je pense que c'est une très belle suggestion et bonne suggestion que
vous nous faites là, d'autant plus qu'on a — utilisons l'expression
imparfaite de «clientèle» — une clientèle déjà vulnérable au départ. Puis
vous le savez, pour être anciennement avocat en litige commercial, passer
devant le tribunal, là, ce n'est pas drôle pour personne, alors imaginez une
personne vulnérable. On a entendu le groupe avant vous qui travaille avec des
hommes agressés sexuellement en enfance, tout le processus et l'impact de
réminiscence et de rejet que l'on sent comme victime de se faire rejeter sa
demande puis devoir se rebattre puis… Alors, très belle suggestion que l'on
devra analyser, et je fais un lien avec votre recommandation aussi, ça
participe peut-être de ça d'avoir un ombudsman, un ombudsman qui soutient
ressources et qui prendrait la quasi-totalité des cas qui vous seraient soumis,
là, qu'il n'ait pas le problème de choisir qui aura ouverture du recours devant
cette personne, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Ce serait à propos, là...
une clientèle vulnérable.
Mme Corte (Elizabeth) : Oui.
Julie?
Le Président (M. Bachand) :
En une minute, Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers (Julie) : Sur
l'ombudsman, l'idée derrière la création de cet ombudsman québécois, c'est de
faire la promotion des droits et des recours des victimes. Donc, on propose... les
<recours doivent d'abord être...
Mme Corte (Elizabeth) :
...Julie?
Le Président (M.
Bachand) : En une minute, Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers (Julie) :
Sur l'ombudsman, l'idée derrière la création de cet ombudsman québécois, c'est
de faire la promotion des droits et des recours des victimes. Donc, on
propose... les >recours doivent d'abord être offerts par tous les organismes
qui sont chargés de la mise en oeuvre des droits. Puis, si, là, il n'y a pas
satisfaction ou si une personne se pose des questions sur ses droits,
l'ombudsman est une référence. Puis la raison pour laquelle on fait cette suggestion-là,
c'est pour mieux les faire connaître et les structurer au Québec, parce qu'actuellement,
alors que tous les organismes qui offrent des services à l'intérieur du processus
de justice pénale aux victimes devraient avoir des mécanismes de recours, c'est
le cas de manière inégale, et les recours sont différents, difficiles, et ce
n'est pas clair pour les victimes. Donc, l'idée, c'est de structurer tout ça,
d'unifier tout ça, et ça va avec la partie du projet de loi que vous étudiez
qui a trait à l'aide aux victimes. Donc, ce qu'on dit, c'est que la première
partie du projet de loi, je sens la bonne volonté, là, dans cette première
partie-là, là, je ne veux pas, tu sais, qu'on me lise comme étant critique puis
disant que, tu sais, ce n'est pas bien, là, mais...
Le Président (M. Bachand) :En terminant, le temps s'écoule, Me Desrosiers,
pourriez-vous terminer parce que le temps est écoulé maintenant?
Mme Desrosiers (Julie) : Oui,
je fais ça tout de suite. Donc, cette première... en fait, c'est le titre II,
là, Soutien aux personnes victimes, tout ça doit être plus clairement énoncé,
les droits, les recours, puis, nous, on pense qu'un ombudsman aiderait en ce
sens-là. Et même je dirais que je ne suis pas certaine que ça doit se retrouver
dans une loi sur l'indemnisation parce que les droits puis les recours, ça
excède l'indemnisation. Avant, la loi sur l'aide aux victimes, elle avait son
existence propre, puis peut-être qu'il faut revenir à cette idée.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Bonjour. Mme Desrosiers, Mme Corte, ça fait plaisir de
vous revoir aujourd'hui.
Mme Desrosiers (Julie) :
Bonjour.
Mme Corte (Elizabeth) :
Bonjour, Mme Labrie.
Mme Labrie : J'ai trouvé ça intéressant
ce que vous nous avez dit sur la question des biens, l'atteinte aux biens dans
certains contextes de violence conjugale. Il y a des personnes qui nous ont suggéré,
je pense à l'Association des juristes progressistes, à Me Michaël Lessard
aussi, ils nous ont suggéré de rajouter à... bien, il n'y a plus de liste, là, maintenant,
de crimes, mais d'inclure quand même, à cette absence de liste, certains types
de... j'appellerais... bon, ce n'est pas des crimes, mais certains types de
gestes qui ne sont pas criminels, mais qu'on aspire à ce qu'ils le deviennent,
je pense à la violence psychologique en contexte conjugal, qui n'est toujours
pas dans le Code criminel, mais qui pourrait peut-être être ajoutée à la liste
des motifs pour avoir accès à une indemnisation. Est-ce que vous pensez que ça
pourrait être une avenue pour répondre aux besoins des victimes dans la situation
dont vous nous avez parlé?
Mme Desrosiers (Julie) : C'est
une grosse question, c'est la question de la <violence...
Mme Labrie : …mais qui
pourrait
peut-être être ajoutée à la liste des motifs pour avoir accès à
une
indemnisation. E
st-ce que vous pensez que ça pourrait être
une avenue pour répondre aux besoins des victimes dans la
situation dont
vous nous avez parlé?
Mme Desrosiers (Julie) :
C'est une grosse
question, c'est la
question de la >violence
coercitive, hein, c'est ça que le fédéral étudie en ce moment, peut-être faire
de la violence coercitive un crime. Donc, là, la proposition, si je comprends
bien, c'est de dire : Bien, tu sais, s'il y a violence coercitive, même si,
actuellement, ce n'est pas au Code criminel, bien, on pourrait l'inclure. Ça
peut être un choix. Tu sais, moi, ce que je trouve qui est plus facile, peut-être,
ou, en tout cas, certainement qui, moi, me paraît couvrir les situations, c'est
de dire, tu sais… de parler de contexte de violence conjugale, tu sais. Tu
sais, une infraction dans un contexte de violence conjugale, tu sais, peu
importe l'infraction, tu sais, là, je pense qu'en faisant ça, en tout cas,
certainement, on couvre les situations auxquelles je peux penser, tu sais. Maintenant,
est-ce que, si on fait ça, on va échapper des situations où il n'y aurait que
violence psychologique? Quand il y a violence psychologique, on a quand même le
harcèlement criminel, à l'heure actuelle, qui permet de couvrir la majorité des
situations. Donc, si c'était écrit dans un contexte de violence conjugale, moi,
je pense que ça serait peut-être plus facile parce que, tu sais, ce n'est pas
nécessaire de créer une situation hors crime, tu es encore dans l'indemnisation
des victimes d'acte criminel, mais, en disant «dans un contexte de violence
conjugale», tu sais, tu ratisses suffisamment large pour ne pas exclure, parce
que le problème avec cette proposition-là, pour le moment, c'est que ce n'est
pas un crime. Donc là, on est dans l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, n'est-ce pas? Donc, ça serait, c'est ça, ça serait peut-être plus
difficile pour une loi qui se consacre à l'indemnisation des victimes d'actes
criminels de procéder comme ça, mais certainement, je ne vois aucun problème à
dire «dans un contexte de violence conjugale», c'était le sens de ma
proposition.
Mme Labrie : Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Joliette, s'il
vous plaît, pour 2 min 45 s.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, un plaisir pour moi aussi de vous revoir. Merci d'être parmi nous. Et
j'invite tout le monde à lire l'excellent rapport Rebâtir la confiance
du début à la fin.
Donc, juste… je veux revenir sur la
question des droits et du fait qu'on a fusionné les deux lois, donc, l'aide et
l'indemnisation. On se rend compte… en tout cas, beaucoup de groupes nous
disent que c'est comme si la base et la structure est vraiment celle de
l'indemnisation, puis il y a une vraie réflexion qui a été faite pour changer
les choses par rapport à ça puis qu'on est venu coller, un peu, les questions
d'aide et de recours, mais sans vraiment les préciser. Donc, le député de LaFontaine
vous en parlait, je veux juste que vous alliez au bout de votre réflexion. Est-ce
que vous nous suggérez de continuer à avoir deux lois pour ne pas faire comme
si les droits et les recours sont liés uniquement à l'indemnisation? Ça fait
que si vous pouvez juste nous dire votre recommandation par rapport à ça, et
comment on pourrait préciser puis aller plus loin pour la question de la
reconnaissance de l'accompagnement des droits, parce qu'il y a beaucoup de bons
voeux dans le projet de loi, mais il n'y a pas de <moyens…
Mme
Hivon
:
...pour ne pas faire comme si les droits et les recours sont liés uniquement à
l'indemnisation? Ça fait que si vous pouvez juste nous dire votre
recommandation par rapport à ça, et comment on pourrait préciser puis aller
plus loin pour la question de la reconnaissance de l'accompagnement des droits,
p
arce qu'il y a beaucoup de bons voeux dans le projet de loi, mais il
n'y a pas de >moyens, il n'y a pas de précisions par rapport à ça.
Mme Desrosiers (Julie) :
Bien, nous, ce qu'on a suggéré, le comité, là, je suis vraiment dans mon rôle
de coprésidente du comité, parce qu'on a écrit là-dessus, on a écrit un
chapitre là-dessus, pour répondre, donc, directement à votre question, la
réponse pour nous, c'est oui, il y a lieu de le traiter séparément parce que ça
excède la cadre de l'indemnisation. Tu sais, il y a une loi sur l'indemnisation
qui vise à indemniser les victimes d'actes criminels, donc, je répondais, dans
ce sens-là à votre collègue, Christine Labrie, là, on est dans l'indemnisation
des victimes d'actes criminels, mais les droits de la personne victime puis les
recours de la personne victime, ils excèdent le cadre de l'indemnisation. Une
victime peut avoir des droits, par exemple, par rapport à la poursuite, par
rapport à l'enquête policière, par rapport à son traitement à l'intérieur du
système judiciaire.
D'ailleurs, dans le projet de loi,
actuellement, tout l'article 6, il s'adresse au système de justice
criminelle, mais on n'est pas dans l'indemnisation, tu sais, ça fait que c'est
deux thèmes, et le thème des droits et des recours, il est un thème en
lui-même. Puis c'est important de le structurer parce qu'actuellement au
Québec, là, non seulement les victimes ne connaissent pas leurs droits, mais
les intervenantes, les gens sur le terrain ne connaissent pas bien les droits
des personnes victimes garantis par la charte canadienne des droits des
personnes victimes, ça fait que, pour nous, il y a lieu de les préciser et de
les affirmer, dans le contexte québécois, de manière claire.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Sur ce, Mme Corte et Mme Desrosiers, merci infiniment
d'avoir été avec nous, ça finit vraiment avec grande qualité et grande
crédibilité. Alors, ça, on l'apprécie infiniment. Donc, merci d'avoir été avec
nous.
Une voix
: Merci de
nous avoir reçus.
Mémoires déposés
Le Président (M. Bachand) :
Ça fait plaisir. Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des
mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions
publiques.
Je tiens à remercier les femmes et les
hommes de la technique, ici, à l'Assemblée nationale, ce n'est pas évident de
faire des conférences virtuelles, alors merci infiniment de votre
collaboration. Merci aux gens du secrétariat aussi. On forme une équipe,
vraiment, absolument exceptionnelle.
Cela étant dit, ayant accompli son mandat,
la commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 heures)