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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Tuesday, February 1, 2011 - Vol. 41 N° 35

Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé « Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait – Vers un deuxième plan d’action gouvernemental pour l’égalité entre les femmes et les hommes »


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
M. Patrick Huot, président suppléant
M. Raymond Bernier, président
Mme Christine St-Pierre
M. Gilles Lehouillier
Mme Carole Poirier
M. Mathieu Traversy
Mme Louise Beaudoin
* Mme Danièle Tessier, RQCALACS
* Mme Karine Tremblay, idem
* Mme Lydya Assayag, RQASF
* Mme Nathalie Parent, FQPN
* Mme Francine Mailloux, idem
* Mme Lorraine Fontaine, RNR
* Mme Nicole Pineau, idem
* Mme Michèle Audette, FAQ
* Mme Émilie Grenier, idem
* Mme Wassyla Hadjabi, AFHQ
* Mme Yasmina Chouakri, TCRI et Comité de réflexion sur la
situation des femmes immigrées et racisées
* Mme Mounia Chadi, idem
* Mme Tatyana Litovchenko, idem
* Mme Diane Matte, CLES
* Mme Carole Boulebsol, idem
* Mme Louise Chabot, CSQ
* Mme Chantal Locat, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Huot): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je rappelle à tous et à toutes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait -- Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouimet (Marquette) sera remplacé par M. Huot (Vanier); M. Charette (Deux-Montagnes) par M. Traversy (Terrebonne); et Mme Lapointe (Crémazie) par Mme Beaudoin (Rosemont).

Auditions (suite)

Le Président (M. Huot): Merci. Nous recevons trois groupes ce matin. En premier lieu, le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions sexuelles, avec deux représentantes. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Il y aura par la suite un échange de 30 minutes avec les membres de la commission. Je demande à la personne -- je ne sais pas qui sera celle des deux qui fera la présentation -- de bien vouloir vous présenter. Vous présentez la personne qui vous accompagne, et vous avez 15 minutes par la suite. La parole est à vous.

Regroupement québécois des centres
d'aide et de lutte contre les agressions
à caractère sexuel (RQCALACS)

Mme Tessier (Danièle): Donc, je vais commencer. Alors, mon nom est Danièle Tessier; ma collègue, Karine Tremblay. Je vais faire une courte présentation de notre organisme, puis Karine va prendre la parole à son tour. On est toutes deux agentes de liaison et de promotion au Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Je ne le redirai pas, je vais dire RQCALACS pour les prochaines fois.

Alors, merci de nous avoir invitées. Bon matin à toutes et tous. Bon. Mme la ministre, je ne ferai pas trop de protocole, on s'est un peu toutes et tous présentés tantôt.

Alors, le Regroupement des CALACS, ça existe depuis 30 ans. On regroupe aujourd'hui 24 centres d'aide qui sont dispersés dans plusieurs régions du Québec. Les centres se consacrent à fournir une réponse aux besoins d'aide qui leur sont formulés par les femmes et les adolescentes qui ont été agressées sexuellement, mais on cherche également à apporter une réponse collective à cette situation de violence qui leur est faite. Alors, pour cette raison-là, on offre trois volets d'intervention. Donc, un premier volet, qui sont des services d'aide aux femmes et aux adolescentes...

Une voix: ...

**(9 h 40)**

Mme Tessier (Danièle): Oui. O.K. Ce sont des mères... Donc, on parle de... Ces femmes-là, ce sont des mères dont les enfants sont victimes d'agressions sexuelles. On parle aussi de femmes qui sont issues de l'immigration. Elles sont âgées ou proviennent de communautés autochtones. Ce sont des femmes qui vivent avec un handicap. Certaines viennent, nous dévoilent des choses qui se sont passées dans leur vie, le plus souvent ce sont des horreurs qu'elles nous racontent. Certaines sortent ou veulent sortir de la prostitution, ou encore certaines y sont encore... bien, des femmes que nous rencontrons. Leur âge varie entre 14 ans, et 50 ans, et plus.

On offre également des services de prévention auprès de la population et dans les écoles. On rejoint, de ce fait, 30 000 personnes par année au moins, dont 28 000 sont des jeunes, la majorité de niveau secondaire. Alors, 30 000, ça paraît bien, mais, pour nous, c'est largement insuffisant, on devrait pouvoir... On évalue qu'on fait à peu près 33 % de ce qu'on voudrait réaliser comme prévention à ce niveau-là. C'est vraiment un incontournable pour nous, la prévention.

Enfin, on réalise un travail de défense des droits qui vise vraiment à inscrire les préoccupations des femmes à l'agenda politique dans des secteurs où les femmes sont confrontées, soit les services policiers, les instances judiciaires et médicosociales.

Alors, le RQ adhère à une analyse féministe, finalement. On met de l'avant des principes qui visent à lutter contre toute forme d'exclusion. On s'intéresse donc aux différents groupes qui vivent de la violence sexuelle et aux différentes facettes qui façonnent leur réalité. Donc, on parle d'intersectionnalité, on travaille vraiment sur toutes les formes de violence.

Depuis 1990, nos recherches et interventions ont porté sur l'hypersexualisation de la société, et, depuis 2002, on s'est prononcées en faveur de l'abolition de la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes sous toutes ses formes. Alors, voilà pour notre organisme. Je cède la parole à ma collègue Karine Tremblay.

Mme Tremblay (Karine): Merci. Alors, nous avons déposé un mémoire devant cette commission, et le titre résume bien notre propos. Notre mémoire s'intitule La tolérance, complice de la violence et de l'exploitation sexuelle. Nous avons démontré comment certains discours, comme le discours des médias et des antiféministes, et certains phénomènes sociaux comme l'hypersexualisation renforcent la tolérance à l'égard de la violence et de l'exploitation sexuelle.

En premier lieu, nous avons voulu souligner l'aspect genré de la violence sexuelle. Par exemple, dans les cas d'agressions sexuelles déclarées à la police, 98 % des fois, l'agresseur est un homme et 82 % des victimes sont de sexe féminin. D'ailleurs, dans la définition gouvernementale des agressions sexuelles, cet aspect genré n'est pas mis en lumière. Selon nous, la violence et l'exploitation sexuelle prennent racine dans les inégalités entre les femmes et les hommes et dans les rapports de domination entre les sexes. À la base de toutes ces inégalités, selon nous, il existe une logique patriarcale selon laquelle les hommes et les garçons profitent de certains privilèges, comme un meilleur accès au pouvoir, meilleur accès aux emplois mieux rémunérés, un partage inégal des tâches domestiques, etc., et ce, malgré les avancées du féminisme. C'est ça qui fait la différence un peu entre l'égalité de droit et de fait, comme vous le savez sans doute.

Parmi les privilèges des hommes, il y a l'accès au corps et à la sexualité des femmes. Selon nous, ce privilège découle de deux mythes qui ont la vie dure et qui sont, en fait, le revers d'une même médaille: d'une part, il y a la disponibilité sexuelle des femmes et, d'autre part, les pulsions sexuelles soi-disant incontrôlables des hommes. Donc, pour les femmes, cette disponibilité signifie un pouvoir de séduction, un soi-disant pouvoir qui, en fait, les oblige à être sexy, à être attirantes et tout ce qui s'ensuit dans une société de consommation comme la nôtre. Donc, on peut penser aux chirurgies esthétiques, toute la mode, les produits de beauté, etc. À une autre époque, ça s'est exprimé, par exemple, dans le devoir conjugal au sein du mariage. Donc, c'est un peu de tout temps, cette logique patriarcale.

Et, du côté des hommes, leurs pulsions sexuelles soi-disant incontrôlables justifient trop souvent les agressions à caractère sexuel. L'agresseur va s'expliquer, s'excuser en disant qu'il n'a pas pu résister, et ce même mythe des pulsions incontrôlables présente la prostitution comme un exutoire, alors qu'il s'agit, pour nous, clairement d'une forme de violence sexuelle.

Vous connaissez sans doute le phénomène d'hypersexualisation de la société, puisqu'il envahit tous les aspects de notre quotidien. Saviez-vous que l'hypersexualisation renforce et aggrave les préjugés sexistes, qu'elle brouille les frontières entre sexualité assumée et violence? Par exemple, une jeune fille peut se demander si elle fait un acte sexuel parce qu'elle le désire vraiment ou parce qu'elle se sent forcée. La pression sociale est telle que ça devient un peu flou pour elle, surtout donc dans l'esprit des jeunes, dont l'hypersexualisation a brouillé les codes sociaux. Selon une étude de l'Université Laval, d'ailleurs, qui a été effectuée en 2006, 80 % des jeunes interrogés considéraient que les activités sociales sexualisées comme les concours de chandails mouillés, les jeux d'imitation de fellation ou le sexe en groupe... Pour eux, c'étaient de beaux exemples de relations égalitaires entre les filles et les garçons. Et, de plus et surtout, l'hypersexualisation obscurcit l'idée même de consentement, et, selon nous, c'est très inquiétant. Il y a une étude du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada qui a révélé qu'il y a 20 % des filles de 14 et 16 ans qui avaient été interrogées dans le cadre des études qui ont eu des relations sexuelles, alors qu'elles ne le désiraient pas. On peut se demander aussi comment leurs partenaires, possiblement des garçons un peu plus âgés, ont pu exiger un tel comportement de leur part. En somme, l'hypersexualisation contribue à la banalisation de la violence et de l'exploitation sexuelle et donc à la tolérance sociale à leur endroit.

Le discours des médias, quant à lui, tend en général à banaliser, même à encourager l'exploitation sexuelle. On n'a qu'à penser, par exemple, à la chaîne Vanessa et à la grande visibilité dont profite Anne-Marie Losique. Que vend-on sur cette chaîne? Que vendra-t-on, puisque ce n'est pas encore en ondes? Le corps et la sexualité. Pour notre part, nous refusons que la sexualité devienne une marchandise, parce que ça sous-entend qu'on peut l'acheter.

Le discours des médias tend aussi à banaliser la violence sexuelle. Par exemple, les médias s'attardent beaucoup aux conséquences de soi-disant fausses allégations envers un agresseur présumé comme un enseignant, par exemple, qui aurait vu sa carrière ruinée. Par contre, ils s'attardent peu à la réalité authentique des femmes victimes de violence sexuelle. On ignore souvent, par exemple, que les femmes handicapées courent beaucoup plus de risques d'être victimes d'une agression à caractère sexuel. Puisqu'on ne les perçoit pas comme sexy ou attirantes, on ne peut pas expliquer que des pulsions sexuelles -- donc, on revient avec ce mythe-là -- aient poussé un agresseur à s'en prendre à elles. Cet exemple démontre bien qu'il s'agit de profiter de la vulnérabilité de ces femmes et donc que les agressions à caractère sexuel sont bien des actes de contrôle et de domination.

Parmi les autres facteurs de vulnérabilité, on peut aussi mentionner la pauvreté des femmes, qui va favoriser leur entrée dans la prostitution, bien souvent -- on sait que les femmes ayant un vécu en lien avec la prostitution ont eu des conditions économiques très défavorables -- et, bien sûr, il y a beaucoup d'autres facteurs qui rentrent en ligne de compte. Notamment, bien, on peut remarquer une très grande surreprésentation des femmes autochtones dans la prostitution. Par exemple, selon une enquête du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, 21 des 28 prostituées arrêtées par la Sûreté du Québec en septembre 2008 étaient autochtones, alors qu'il y a seulement 6 % de la population de Val-d'Or qui est autochtone. On voit bien la disproportion.

Un autre discours qui contribue à la tolérance sociale concerne l'analyse antiféministe de la violence. Nous l'avons expliqué plus en détail dans notre mémoire, mais en gros il s'agit de deux stratégies: la banalisation de la violence envers les femmes et la déresponsabilisation des hommes face à leurs comportements violents. D'ailleurs, le mythe des pulsions sexuelles contribue à cette déresponsabilisation, parce qu'il insiste sur les prétendues différences biologiques entre les sexes, comme le font souvent les tenants du discours antiféministe. Et il ne s'agit pas de quelques illuminés. Ce discours, il s'immisce un peu dans toutes les sphères de la société. D'ailleurs, il y a beaucoup de place dans les médias pour des chroniques, là, qui défendent de tels arguments.

**(9 h 50)**

Donc, enfin, au phénomène d'hypersexualisation sociale, au discours des médias et des antiféministes s'ajoute la grande impunité dont bénéficient les agresseurs sexuels et les clients prostitueurs. Jusqu'à 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police, et en cas d'inculpation les peines sont souvent ridicules, disproportionnelles par rapport aux conséquences vécues par les victimes, et les hommes qui consomment le corps et la sexualité des femmes dans la prostitution sont rarement embêtés par les forces de l'ordre, au contraire des prostituées.

Ainsi, la violence et l'exploitation sexuelle deviennent banales, voire sans gravité. En fait, la société dans son ensemble contribue par sa tolérance silencieuse au maintien et à la reproduction de la violence et de l'exploitation sexuelle, ce qui a des impacts destructeurs sur les victimes.

Mme Tessier (Danièle): Eh bien, moi, je vais vous parler des impacts destructeurs, justement, quels sont les effets, les impacts sur ces femmes, parce que c'est majoritairement des femmes dont on parle. Alors, les femmes sont neuf fois plus à risque que les hommes de vivre une agression sexuelle. Jusqu'à 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police. Vous direz certainement qu'on vous l'a répété souvent. Ça fait à peu près quatre fois qu'on le dit, je crois. Des milliers de femmes et de jeunes restent donc invisibles et susceptibles de s'isoler suite à une agression sexuelle, et c'est ce qui nous interpelle davantage. 85 % des victimes d'agression sexuelle, nous dit-on également, manifestent des troubles de stress post-traumatique sévères qui vont interférer avec leur fonctionnement social, familial et professionnel. On parle ici de problèmes de santé physique ou mentale, de difficultés au travail, dans les relations interpersonnelles, familiales, amoureuses, sexuelles. On parle de symptômes d'ordre dissociatif et de détachement. Alors, c'est des symptômes qui vont permettre d'éviter d'être submergé par ses émotions. Alors, c'est une coupure complète entre le corps et la tête. On parle également de flash-back, de cauchemars. Bref, les victimes de stress post-traumatique sont en état d'alerte constant, et une des expressions que j'aime bien utiliser, c'est: Le corps reste pris en tension de survie constamment. Et ça, ça peut durer des années.

Si elles ne sont pas rencontrées en deçà de trois mois, justement, les conséquences de cette agression risquent de mener à la cristallisation des symptômes et se traduire par des comportements non désirés, voire destructeurs. On parle donc ici de chronicité. Or, selon nos statistiques, près de la moitié des femmes rencontrées dans nos centres attendent 13 ans et plus avant de dévoiler leur agression. Alors, on parle évidemment majoritairement de femmes qui ont été agressées dans l'enfance. Plusieurs en supportent les séquelles donc depuis l'enfance. Notre intervention consiste ici à revisiter et défaire les comportements de survivance, c'est certain. C'est désolant quand on est rendu là.

Alors, pour ces raisons-là, pour nous, il est essentiel de réduire nos listes d'attente afin qu'on puisse réaliser notre travail de manière conséquente et répondre rapidement aux besoins spécifiques en regard de ce vécu de violence. Alors, sous cet angle, pour nous, l'égalité réside dans une meilleure réponse aux besoins des femmes, et je retiens une définition dans le cadre d'une définition donnée par le Conseil du statut de la femme lorsqu'elle dit: «lorsqu'une personne n'est pas "libre de développer ses propres aptitudes et de procéder à des choix[...]", son droit à la dignité humaine est compromis.» Et je crois que, quand il y a des femmes qui passent à travers ça pour toute leur vie, alors là on parle de conséquences: alcool, drogues, enfin, mettez-les toutes, là, et donc souvent on va trouver en amont des femmes qui vivent toutes sortes de problématiques, mais c'est souvent des... c'est-à-dire, en aval, on va trouver ces femmes-là avec plusieurs problématiques, et souvent la cause, c'est une agression sexuelle en bas âge.

Alors, pour cette raison... Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Huot): 15 secondes.

Mme Tessier (Danièle): Oh! Donc, des recommandations: de la prévention, de la prévention et encore de la prévention, et là je vais sauter, mais des politiques qui vont encadrer et interdire, et, soyons originaux, on sait qu'il y a des choses qui ne sont pas de compétence provinciale, mais soyons innovateurs, par exemple, au niveau des publicités sexistes et donnons des prix citron et...

Le Président (M. Huot): Merci beaucoup. Vous aurez l'occasion sans doute de revenir sur vos conclusions lors de l'échange avec les deux partis. Je reconnais d'abord Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour une période de 15 minutes.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci pour cette présentation. C'est toujours un sujet qui est intéressant, mais à la fois triste, parce qu'on est un peu découragés de voir que, dans la société dans laquelle on vit, on voit encore ce genre d'attitudes. On essaie évidemment, avec toutes les campagnes de sensibilisation puis tout ce qu'on a mis en place, de limiter ces problèmes, mais ils existent encore.

J'aimerais vous entretenir sur la question de... Vous avez terminé votre présentation en parlant d'interdictions: toute la question d'hypersexualisation, la question de la publicité. Moi, je m'interroge vraiment sur les moyens, bon, la prévention, bien sûr, les campagnes, et tout ça, mais, sur les véritables moyens qui seraient le... Comment on pourrait définir... Qui serait le censeur ou les censeurs d'une publicité sexiste, par exemple? Ce qui est sexiste à vos yeux n'est peut-être pas sexiste aux yeux d'une autre personne. Ou comment est-ce qu'on arriverait à dire que cette chose-là, tel type de publicité, est inacceptable puis tel autre, bien, c'est acceptable? La ligne, là? Il y en a, c'est vraiment clair, là. Disons, on s'entend toutes là-dessus, là, des affaires des fois qu'on voit, on n'en revient pas, on tombe en bas de notre chaise. Mais, des fois, tu dis: Ah bien, moi, je trouve que c'est pousser le bouchon un peu loin, puis une autre génération va dire: Bien voyons donc, ma tante!, tu sais. Aïe! Arrivez en 2011. Mais il y a vraiment une question, là, de jugement. Et, moi, je me dis: Est-ce que ça doit passer? Bon. Évidemment, à l'école, on voit qu'il va y avoir des choses qui vont revenir, tout ça, sur l'éducation sexuelle. Mais est-ce que ça passe aussi par les parents? Quand vous avez un enfant, une ado, là, une préado ou un préado, là, il n'y a pas un rôle qu'à la maison les parents doivent jouer dans la sensibilisation de leurs enfants? Je ne dis pas qu'il faut que le gouvernement se décharge de tout, là, mais, en même temps, est-ce qu'il y a quelque chose que la société doit faire conjointement avec... Et enfin, je vais peut-être dans toutes les directions, mais mon idée principale, c'est de dire: Comment on y arrive -- on en parle depuis longtemps -- à définir... Comment on arriverait à interdire quelque chose qui serait jugé sexiste?

Mme Tremblay (Karine): Mais c'est ça, vous l'avez nommée, la clé, un peu: c'est la société. Mais la société, qui est-ce particulièrement? Est-ce que c'est les parents, le gouvernement? C'est vraiment que ça... Une problématique sociale telle que la violence sexuelle, par exemple, qui est encouragée par les publicités sexistes, bon, qui encouragent la tolérance, la banalisation, ça demande vraiment des actions à long terme sur plusieurs fronts, selon nous. Donc, vous donnez l'exemple des parents. C'est bien sûr que les parents ont un rôle d'éducation auprès de leurs enfants. Mais comment peuvent-ils acquérir ce rôle alors qu'ils sont bombardés d'images à caractère sexuel ou... Donc, c'est vraiment une dynamique sociale, alors c'est difficile de dire où ça commence, où ça débute. C'est pourquoi il faut agir, comme vous... Le retour des cours d'éducation sexuelle, c'est déjà, selon nous, une bonne étape, en autant que ça se fasse dans un esprit justement de promouvoir des comportements égalitaires et non hétérosexistes et que les groupes comme -- bon, je vais prêcher pour ma paroisse, évidemment -- le Regroupement québécois des CALACS, qui travaille en prévention depuis plusieurs années, depuis des décennies, soient consultés sur le contenu du programme d'éducation sexuelle. Ça peut être des politiques d'affichage concernant les publicités.

Définir les publicités sexistes. Je comprends votre difficulté, mais en développant l'esprit critique des jeunes, c'est déjà un premier pas pour ouvrir les yeux des jeunes et de leurs parents, faire réfléchir là-dessus. Et donc les campagnes de sensibilisation, c'est sûr que, nous, on est pour, mais elles demeurent ponctuelles, et ce doit être à plus long terme, selon nous, ces campagnes de sensibilisation là.

Mme St-Pierre: Mais, justement, ça, je pense qu'on est sur le même terrain quand on parle de prévention, quand on parle de sensibilisation. Est-ce que les moyens, d'ailleurs, de sensibilisation aujourd'hui par les campagnes, les moyens traditionnels de campagne rejoignent vraiment les jeunes qu'on veut rejoindre, là? Des fois, il faut peut-être être un peu plus créatif, là, qu'une pub à la télé, parce qu'ils ne regardent plus la télé, là, alors...

Mme Tessier (Danièle): C'est pour ça que, justement, au niveau des programmes de... Je m'excuse, mais je veux juste ne pas perdre non plus la ligne de tantôt.

Mme St-Pierre: Oui. Oui, le fil.

**(10 heures)**

Mme Tessier (Danièle): Je pense que les programmes de prévention -- nous, comment on le vit, là -- ces programmes de prévention sont sur le terrain. Vraiment, c'est un travail de terrain en profondeur. Il y a des écoles où on peut rentrer seulement une fois. Ça, ça peut être pour plusieurs raisons, là. Ça peut être que ce n'est pas possible cette année-là, il y a eu trop d'affaires. Mais, quand on rentre trois fois dans la même année... Et c'est là que les programmes sont intéressants, et les professeurs nous le disent: Bien là, j'ai vu la différence! Et là ils la voient, la différence. Et donc ça, ça vient chercher la notion d'esprit critique, effectivement. Ils développent des façons de voir qui sont différentes. Alors, oui, ça sera peut-être eux autres, à un moment donné, qui vont dire: C'est quoi, ces affaires d'affichage là, tu sais, de publicité? Mettons que je me pencherais sur cette question-là, mais il faudrait vraiment que je m'arrête à ça: le comment, exactement, au niveau publicitaire, on pourrait... Mais juste peut-être bannir de certains endroits... Peut-être, ce serait juste ça ou je ne sais pas, moi, les prix citron, ce n'est pas mauvais. Bien, je donne ça, je fais... c'est pour rire, mais ça peut être n'importe quoi qui fait au moins que: Oups! Ah, regarde donc ça! Comment ça se fait qu'ils ont dit que c'était un prix citron, cette publicité-là? Les jeunes ne se posent plus ces questions-là. Il y a désensibilisation au niveau de la violence chez les jeunes, et je crois qu'on devrait être... On devrait avoir les baguettes dans les airs, ça devrait être... Puis ça, ça touche le consentement. Et quand on touche le consentement en agression sexuelle, là, ça, c'est grave, c'est très, très grave.

Mme St-Pierre: On a développé des outils, puis peut-être qu'il faut qu'on continue à développer ces outils-là sur des questions d'hypersensibilisation, et tout ça. Mais les campagnes de sensibilisation classiques que l'on connaît, que, nous, on trouve, bon, bien léchées, puis, esthétiquement, c'est très beau, puis ça coûte beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, puis ça passe pendant un mois, puis...

Une voix: ...

Mme St-Pierre: Oui, mais, moi, je me dis: Est-ce qu'on devrait se dire que, plutôt que de le faire un mois, de le faire sur toute l'année et avoir une campagne peut-être plus modeste? Parce qu'on sait combien ça coûte, là, faire de la conception, puis mettre ça en ondes, puis acheter des... dans les journaux. Est-ce que cet argent-là, qu'on met dans des campagnes de sensibilisation, est-ce qu'on devrait plutôt le faire de façon un peu plus... Peut-être que le grand public ne le verra pas, mais peut-être ce qu'on veut... les gens, qu'on veut rejoindre, le verront plus. Comprenez-vous?

Mme Tessier (Danièle): Bien, je comprends ce que vous voulez dire, c'est sûr que... C'est parce qu'au niveau financier, ce n'est pas le bon terrain pour m'amener, mais, moi, je pense que... Oui, je comprends si... Mais je crois qu'il faut avoir des moments d'éclat parfois pour faire réagir. parce que, si on parle de désensibilisation sociale, regarde, il faut faire réagir. Je crois que l'autre aussi est bon, oui, c'est des façons plus subtiles. Je ne sais pas, ça peut être dans les écoles. Moi, j'irais vers les jeunes, notamment vers les jeunes.

Et, comme je vous dis, le travail qu'on fait sur le terrain, on le voit... Premièrement, ce qu'on voit, là, vous n'avez pas idée, ce qui se passe, c'est épouvantable, là, la manière dont les jeunes, entre garçons et filles, se traduisent la sexualité, se traduisent socialement les relations. C'est là qu'il faut aller frapper quelque part. Et je pense que l'univers social contribue, comme Karine l'a bien dit, c'est un mélange, là, vous faites juste brasser ça, là, puis tout est là. Les parents, moi, je crois que les parents ont une responsabilité, c'est «so much», hein! Mais quand t'arrives devant la télévision, quand tu arrives à l'école, je regrette, là, mais, tu sais, ce n'est pas là que les parents ont un grand contrôle. Ils en ont un à avoir, mais, là, se retrouvent... Si on regarde, tu sais, on... C'est comme toute la roue, là, les femmes monoparentales qui s'occupent des enfants, au niveau de la pauvreté des femmes, et tout ça, ça aussi va contribuer à avoir des impacts un peu partout sur la violence.

Mme St-Pierre: Sur la question des crimes qui sont commis en termes d'agressions sexuelles, est-ce que... Dans votre mémoire, vous parlez de l'importance de former les policiers, les enquêteurs. Il y a du chemin qui a été fait, évidemment, là-dessus. Vous trouvez que les interventions ne vont pas encore assez loin. Il faudrait qu'on aille encore plus loin de ce côté-là? Est-ce que vous avez des mesures concrètes?

Mme Tessier (Danièle): Bien, c'est parce que, c'est comme encore... C'est vrai, puis là je vous ramène dans votre notion de coup d'éclat, puis d'aller plus tranquillement et plus longtemps; c'est peut-être ça. La formation continue, je ne pense pas... Il y a toujours des nouveaux policiers qui rentrent aussi, puis... Est-ce qu'eux autres... Les formations sont très courtes, ce n'est pas long. Et malheureusement, comme on voit la société hypersexualisée, là, telle qu'on la voit maintenant, bien, elle n'était pas là il y a 10 ans, hein? C'est comme des nouveaux phénomènes. Bien, on voit la même chose un peu dans la... au niveau de la criminalité; il y a comme des nouveaux phénomènes. C'est drôle, maintenant, ils essaient de faire passer le test de -- comment qu'on appelle ça? -- déclencheur de mensonge, là, de...

Une voix: Oui, le test de... le détecteur de mensonge.

Mme Tessier (Danièle): ...le détecteur -- j'ai dit «déclencheur» -- le détecteur de mensonge aux femmes. Tout d'un coup, on leur dit, là: Ce n'est pas légal, vous n'avez pas le droit, tatata, puis c'est contre les droits des femmes, ça, de... C'est comme dire: Regarde, on va voir si tu as menti. C'est tellement épouvantable. Et là, tout d'un coup, ça se calme, puis woups! une recrudescence, c'est comme... Mais là, là, est-ce que vous vous êtes passé le mot, là, pour vous le dire, que vous n'avez pas le droit de faire ça? Alors ça, c'est toujours ça qu'on voit. Ce n'est pas que... Oui, il y a de la formation, de l'amélioration, puis là, on l'entend, puis oups, tout d'un coup, ça dégringole. On se dit: Bon, bien il n'y a plus de formation qui se passe, là, il faudrait recommencer tout ça.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous voyez apparaître quelque chose de... Bien, je ne dirais pas le mot «concret», le mot «concret» n'est pas bon. Est-ce que vous voyez paraître, apparaître un phénomène de crime d'honneur?

Mme Tessier (Danièle): Un phénomène de crime d'honneur.

Mme St-Pierre: Oui.

Mme Tessier (Danièle): Non, on en a vus, mais on n'a pas vu de phénomène.

Mme St-Pierre: Voyez-vous quelque chose qui est en croissance? Voyez-vous quelque chose qui est en...

Mme Tessier (Danièle): Non.

Mme St-Pierre: ...sur lequel on devrait avoir des actions de prises? Parce que vous êtes vraiment proches des clientèles, là. Vous êtes sur le terrain. Vous voyez... Est-ce que vous avez des...

Mme Tremblay (Karine): Bien, crime d'honneur, encore là, cette notion-là...

Mme St-Pierre: Bien, je n'aime pas le mot «crime d'honneur», là, je n'aime pas ça, là, crime de... enfin, ce genre de crime là.

Mme Tremblay (Karine): On s'entend que ça tend, tu sais, à donner un caractère vraiment ethnique, là, au crime en question, alors que c'est un crime de violence envers les femmes comme un autre en quelque sorte, où les motivations de l'agresseur sont aussi le contrôle et la domination, avec d'autres variables culturelles, tu sais. Je ne pense pas qu'il faut comme focusser sur les crimes d'honneur, mais sur la violence envers les femmes qui doit être éradiquée dans la société québécoise. Ce n'est pas... C'est ça, tu sais... Parce qu'il y a beaucoup de drames conjugaux qu'on voit aux nouvelles et puis dans les médias, où on parle rarement que c'est l'aboutissement d'un cycle de violence conjugale. Quand on est rendu au meurtre, tu sais, on dit: un drame conjugal. Je trouve que ça minimise le... Il faut voir toute la dynamique qui s'est déjà placée, de rapport de domination dans la... et que ça n'arrive pas comme ça, un drame conjugal, là. Donc, c'est tout...

Mme Tessier (Danièle): Mais, souvent, c'est l'honneur de l'homme aussi qui est remis en question, alors je vous dirai que c'est des crimes d'honneur, ça aussi, parce qu'il va la tuer parce qu'il est jaloux, parce que, si, tu sais, comme... Regarde, c'est des crimes d'honneur, ça.

Mme Tremblay (Karine): Ça reste...

Mme Tessier (Danièle): C'est avant tout des crimes, et je pense que le mettre comme ça, insister trop sur le crime d'honneur, c'est aussi vraiment... Elle l'a bien dit, la composante ethnique, c'est comme si... Pour moi, là, je veux dire, ceux que je vois le plus, c'est vraiment des crimes conjugaux. Il y en a énormément aussi en agressions sexuelles. Ils peuvent aller jusqu'à tuer la victime, ça... ou la victime va mourir d'elle-même, ça, ça se peut.

Mme St-Pierre: On s'entend là-dessus qu'un crime est un crime, là. Mais je voulais juste essayer de voir avec vous si on devait, dans notre plan d'action, tenir compte, bon, des approches, des approches plus spécifiques ou plus particulières auprès des femmes immigrantes, être un peu plus actives.

Mme Tessier (Danièle): Bien, moi, je suis sociologue de formation et je... il n'y a pas... je ne vois pas de phénomène, là. Je ne peux pas vous dire ça, non.

Mme Tremblay (Karine): Mais, par contre, l'idée d'avoir une approche spécifique pour tenir compte des réalités particulières des femmes immigrantes...

Mme Tessier (Danièle): Ça, c'est important.

Mme Tremblay (Karine): ...nous sommes pour, comme il devrait y avoir des mesures aussi plus spécifiques pour les femmes handicapées, les femmes autochtones qui subissent tellement de violences sexuelles. Et il y a des aspects, là, particuliers à leur réalité.

Mme St-Pierre: Le temps achève, peut-être une courte question. rapidement.

Le Président (M. Huot): M. le député de Lévis, en un petit peu plus qu'une minute.

M. Lehouillier: O.K. Alors, moi, ma question... Parce que je vous écoute parler, alors je ne veux pas poser les mêmes questions que la ministre a posées, très judicieusement d'ailleurs. Mais évidemment on est dans une société, comme vous l'avez dit, d'hypersexualisation, de banalisation de la violence par les médias, de mythes, de préjugés qui sont renforcés.

Moi, ce que je constate, dans mon comté... En passant, on a un CALACS à Lévis. Moi, je suis fier qu'on ait ce CALACS là, et ils insistent beaucoup sur le volet de la prévention. Parce qu'on est comme dans un système à deux valeurs, parce que les valeurs que vous véhiculez... Des fois, je rencontre des groupes de filles, des groupes de jeunes qui véhiculent les valeurs qui sont celles qui sont véhiculées par les médias. Alors, ça veut dire qu'il y a une sérieuse pente à remonter par rapport à ça.

Et, moi, je voulais vous poser la première question: Vous avez collaboré à la campagne qui s'est faite en 2010. Vous avez collaboré, comme groupe. Est-ce que vous pensez que ça a vraiment de l'effet? Et j'aimerais vous entendre davantage sur quel serait votre rôle, à vous, au niveau de la prévention?

Le Président (M. Huot): Malheureusement, le temps est complété. Peut-être qu'avec l'échange avec l'opposition officielle vous trouverez l'occasion de répondre à la question en même temps.

Je reconnais maintenant Mme la députée de d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille. La parole est à vous.

**(10 h 10)**

Mme Poirier: Bonjour. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Karine. Je ne peux pas, je ne dirais pas... Mme Karine, Mme Tessier, merci. Bonjour.

Écoutez, vos propos sont rafraîchissants et troublants, je dirais, dans un premier temps, lorsque vous parlez de la marchandisation du corps des femmes, de l'exploitation en tant que telle. On parle aussi de prostitution beaucoup dans votre mémoire. Vous souhaitez d'ailleurs qu'on appuie une position abolitionniste concernant la... de traiter les clients prostitueurs, plutôt que les prostituées, comme des criminels, et les femmes comme des victimes.

J'aimerais vous entendre... Parce qu'il y a un vent, on le voit bien, qui vient de l'Ontario, présentement, avec des jugements qui sont attendus sur justement des volontés, on le voit bien -- on pourrait dire même des volontés masculinistes, peut-être même aussi des volontés de certaines travailleuses du sexe -- en disant qu'il faudrait ouvrir la législation. Il faut ouvrir le Code criminel et aller vers une acceptabilité sociale, je dirais, de ces milieux de vie là. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Comment vous voyez, là, ce vent-là arriver sur le Québec?

Le Président (M. Huot): Mme Tessier.

Mme Tessier (Danièle): ...M. le Président. Eh bien, je pense que le jugement, donc Bedford contre Canada -- c'est de ça dont on parle -- touche la sécurité des femmes, a voulu dire: Bien, regarde, les femmes, là, on va les mettre en sécurité, puisque, sur la rue, elles risquent d'être violentées. Alors, c'est comme un peu une tautologie, hein, on s'entend, là. C'est comme... Elles sont dans un... On parle de la prostitution, on parle du plus vieux mensonge du monde, de notre point de vue, et non pas du plus vieux métier du monde, comme si, à un moment donné, c'était rendu, quasiment dans la hiérarchie sociale, que la prostitution pouvait occuper une place comme une autre. Alors, je crois que... C'est nouveau comme commentaire, ou, en tout cas, c'est nouveau au Québec, ce vent-là, effectivement -- c'est bien de le nommer comme ça -- et c'est important de voir qu'on est vraiment... c'est vraiment de la marchandisation du corps des femmes. On ne peut pas parler de ça autrement.

Pour nous, c'est clair et net, on est dans une société capitaliste, et non seulement on marchande à peu près tout ce qui peut se marchander, mais là on est rendus à marchander le corps des femmes, quand ce n'est pas celui des jeunes filles, parce que, là... Puis quand on parle aussi de la publicité où des jeunes filles, dans la prostitution, là... si elles ont 16 ans, à se trémousser, ou à 14, ou à... Et je vous rappelle que l'entrée dans la prostitution est habituellement 14 ans et beaucoup plus jeune que la...

Mme Tremblay (Karine): C'est sous l'âge du consentement sexuel.

Mme Tessier (Danièle): Du consentement sexuel. Alors, tu sais, on est vraiment dans quelque chose... On sait que ces femmes-là ont vécu des choses assez atroces aussi. Certaines... On sait que la pauvreté est un enjeu. On sait que l'agression sexuelle en bas âge est un enjeu, je le répète et je le répète, est un enjeu pour bien des choses.

Les femmes itinérantes, on les retrouve... qu'elles ont un passé d'agressions sexuelles en bas âge, on en retrouve beaucoup au niveau de la prostitution. Et, non, les prostituées n'ont pas envie de faire ça, ce n'est pas vrai. Et ça, il y a bien des recherches qui vont arriver à le démontrer, et vous allez avoir nos collègues de la CLES, cet après-midi, qui vont pouvoir vous en parler de manière beaucoup plus éloquente et très éloquente.

Alors, je pense que, oui, c'est un vent, et on doit se positionner, c'est quelque chose de... Socialement, on doit avoir un discours par rapport à ça, on doit prendre position. Et juste rester entre les deux... Prenons le temps de réfléchir tant qu'il faut, ça, je suis entièrement d'accord, mais c'est vraiment un des éléments de ce siècle, je pense. Imaginez-vous, dans le pays, qu'on se retrouverait avec une loi qui permet la prostitution, alors que vos petites filles, là, aujourd'hui, pensez, vont grandir, là, dans 10 ans, et auront accès à ça. Elles vont naître dans un pays où on va pouvoir dire: Ah, on a le droit à ça! Bien, moi, je veux que les enfants qui vont grandir naissent dans un pays où elles vont pouvoir dire: Non. Ah, ce n'est pas... On n'a pas le droit de ça, maman? On n'a pas le droit de faire ça? Non, c'est interdit. Alors, je crois que...

Mme Tremblay (Karine): D'autre part, j'ajouterais qu'il faut... Tant et aussi longtemps qu'il y a des hommes clients prostitueurs qui vont penser que, finalement, les filles font ça parce qu'elles aiment ça, c'est une belle justification pour nier toute la violence, les conditions de pauvreté dans lesquelles elles vivent. Tant qu'on n'aura pas, justement, détruit ce mythe des pulsions sexuelles incontrôlables soi-disant des hommes pour lesquels ils ont besoin d'un exutoire comme la prostitution, tant qu'on n'aura pas, justement, sensibilisé nos garçons à dire: Bien non, une relation, ça doit se faire dans un contexte assumé et égalitaire et non pas où un partenaire domine l'autre sans égard à son consentement et qui le domine par un contrôle économique, comme dans la prostitution.

Mme Tessier (Danièle): Oui. Puis, dans nos écoles, actuellement -- puis là je vais revenir sur la prévention -- c'est ce qu'on voit: on voit des jeunes filles qui ont l'air de jeunes prostituées puis on voit des garçons qui ont l'air de jeunes «pimps». C'est vraiment des modèles dans lesquels nos jeunes sont en train de grandir. Alors, la prévention, la prévention et encore la prévention. Et ce que, nous, on propose, c'est vraiment... On a une expertise qui est très forte, on veut que nos programmes soient reconnus par le ministère de l'Éducation. Et, en ce moment, ces programmes-là sont en train, par le bais d'une doctorante, à l'Université de Montréal, je crois... est en train d'évaluer nos programmes de prévention, et on va vraiment mettre de l'avant à les mettre dans les écoles, ces programmes-là, parce qu'on croit que c'est par là que ça passe. Il faut arrêter le ravage, là, là où il est rendu.

Le Président (M. Huot): M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Merci, M. le Président. Juste pour quelques instants. Bien, écoutez, vous parliez de prévention, tout à l'heure, dans votre introduction et dans votre présentation, comme étant une de vos priorités pour les CALACS. J'ai aussi également la chance d'avoir un CALACS, là, dans le sud de Lanaudière, très actif. Vous dites que, par les interventions de vos organismes, vous êtes capables de rejoindre environ 30 000 jeunes, ce qui représente environ 33 % seulement, là, de la jeunesse que vous voulez cibler par ces actions de prévention.

J'aimerais donc savoir: Quelles seraient, selon vous, des actions à envisager pour pouvoir réussir à atteindre les 66 % qui manquent, dans le fond, là, à l'atteinte de l'objectif global de prévention? Et, pour faire du pouce sur ce que mon collègue de Lévis disait tantôt, quel est le rôle que, vous, en tant que CALACS, vous pensiez pour voir... vous pourriez penser jouer à l'intérieur de cette démarche de prévention ou de continuer, dans le fond? Parce que...

Le Président (M. Huot): Mme Tessier.

Mme Tessier (Danièle): Oui. Alors, eh bien, on parle, d'une part, des cours sur la sexualité dans les écoles qui vont être obligatoires, nous l'espérons. On veut être consultées. On veut être consultées au niveau de la... Bien, pas juste nous, hein, moi, je pense que tous les groupes qui travaillent en violence doivent être consultés dans le cadre de ces programmes-là et au niveau du contenu, etc. Mais je pense que ça n'est pas suffisant, alors je vais redire un peu ce que je dis, là, mais je pense que nos programmes de prévention, ça ne doit pas se faire juste une fois, pas une fois dans l'année, il faut que ça se fasse de manière continue. Des comportements, là, ce n'est pas parce que tu l'entends une fois que ça change. L'éducation continue, l'éducation, c'est... On le sait, que l'éducation passe par la répétition, entendre dire et redire, et ça, on peut le voir. Comme je vous dis, nos programmes sont en train d'être évalués de manière scientifique, là, si je peux dire, mais, on le voit, c'est quand il y a trois, quatre... Et c'est là que les professeurs disent: Ah oui, j'ai vraiment vu des différences!

Alors, c'est vraiment des discussions, et ce travail-là se fait avec des filles qui sont très équipées, des moyens qui rejoignent les jeunes. Et, oui, je pense que, la publicité, on peut penser à toutes sortes de formes, tout ça, il y a des choses à faire, mais je pense que, là, sur le terrain, pour l'instant, il faut y être, il faut être consacrés, il faut vraiment changer la donne pour que les filles se protègent aussi, là, tu sais. Il y a vraiment des choses... Ce n'est pas hot, hein, ce qui se passe, là. On doit être alarmés un peu.

Alors donc, écoute...

Une voix: ...

Mme Tessier (Danièle): Mais la réponse... 66 %, là, je regrette, là, je vais être obligée de demander de l'argent, là, c'est comme... C'est ça, là, tu sais, ce que je veux dire, la réponse est qu'on ne peut pas le faire parce qu'on n'a pas les ressources humaines et financières appropriées pour le faire. C'est certain, là. Alors, si vous voulez m'amener sur ce chemin-là, c'est bien certain, je suis ouverte, mais...

Une voix: ...

Mme Tessier (Danièle): Non, non, mais c'est un... ce n'est pas la...

M. Traversy: J'ai bien compris la réponse, M. le Président. Je vais repasser donc la parole à ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.

Le Président (M. Huot): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

Mme Poirier: Écoutez, ce qui m'inquiète, c'est quand j'entends «liste d'attente» pour rencontrer les femmes victimes de violence. J'ai rencontré, il n'y a pas très longtemps, les gens de TROVEP, dans mon comté, et effectivement on parle de plus de six mois, plus de huit mois d'attente et même, des fois, un an, parce qu'on n'est pas capables de répondre à la demande, parce qu'il n'y a pas assez d'intervenants, parce que les groupes sont totalement débordés.

Moi, pour moi, ça a un impact sur la personne qui réussit à porter plainte, le fait qu'elle ait à attendre, parce qu'elle doit vivre, continuer à vivre avec son fardeau encore plus longtemps. Et, à partir du moment où elle a décidé de porter plainte, elle a fait un grand geste, mais il s'arrête à la porte de l'organisme, parce que la suite va peut-être arriver juste dans six mois ou dans huit mois.

**(10 h 20)**

Mme Tessier (Danièle): C'est sûr qu'on ne laisse pas les femmes sur le trottoir. On va les rencontrer une première fois. Si on peut trouver d'autres ressources, on va les envoyer, on va les... tu sais. Mais c'est sûr qu'il va y avoir une période d'attente, surtout quand c'est des problématiques sérieuses, sévères, tout ça, tu sais. Elles peuvent bénéficier d'un groupe de soutien, par exemple, dans un centre de femmes, peut-être, le temps... Mais on ne parle pas d'intervention ciblée sur une agression sexuelle, avec tout ce que ça veut dire, puis ça prend une expertise.

Mais l'autre chose aussi que je vous dirais, c'est que, depuis, je dirais, les 10 dernières années, on a vu... Nous, au début, là, on rencontrait les femmes; Aïe, on leur faisait des... c'était vraiment... on les rencontrait très longtemps, hein, puis on avait des groupes, là. Après ça, elles allaient dans des groupes. Des fois, elles pouvaient... Ah! ça ne marchait pas, ça fait qu'elles revenaient en intervention individuelle. On ne peut plus faire ça. Là, on est obligées de faire plus de groupes pour vraiment toutes les ramasser ensemble, moins de suivi individuel. Eh bien, à un moment donné, il faut que ça parte, parce que, tu sais, il y en a trop, puis il faut qu'il y en ait d'autres qui rentrent.

Et ce qu'on s'est rendu compte, c'est qu'on est en train de créer une création de ressources parallèles qui ne sont pas spécialisées et qui sont juste des ressources pour que les femmes puissent être entre elles, puis s'entraider, puis tout ça. Et ça, on le voit «popper», là, ça commence à sortir, parce qu'on n'est pas en mesure d'offrir assez sérieusement un service de qualité sur une longue durée. Et ça, c'est déplorable aussi, c'est très déplorable.

Bien ça, c'est sûr que les listes d'attente, moi, je... Quand je parle de stress post-traumatique, là, puis que je dis «trois mois», là, c'est très... c'est scientifique, là. Ça, c'est des femmes, des psychologues, Ph. D., puis mettez-en, qui l'ont dit. Ils l'ont examiné à travers... Vous savez que c'est juste depuis les années soixante-dix que c'est... C'est en comparant avec les victimes du Vietnam qu'on a vu qu'effectivement c'étaient les mêmes symptômes qu'ils avaient.

Alors, c'est sûr qu'après trois mois, là, le réseau, là, il n'est plus là, hein, à dire: Bien, moi, ça ne va pas bien, puis là le monde vont dire: Bien, regarde, tu vas t'en sortir, voyons donc, là, regarde, c'est correct, ça. Alors, après trois mois, là, les femmes n'ont plus de réseau de soutien autour d'elles pour vraiment être... Alors, si elles se taisent, comme plusieurs le font -- je vous répète la statistique, il y en a plusieurs qui ne vont pas porter plainte -- si elles arrivent en plus à nos portes -- puis c'est sûr qu'on ne peut pas les... on n'est pas des organismes privés, là, tu sais -- bien c'est sûr que ça crée des délais, des dégâts.

Mais là on parle aussi de femmes qui ont été agressées et qui vont venir, à 40, 50 ans, nous voir ou qui vont venir quand leur fille va avoir l'âge -- et ça, c'est fréquent -- où elles ont été, elles-mêmes, agressées. Et ça, là, ça fait des déclics, et puis, là, bon... Alors, ces femmes-là arrivent certainement avec... C'est des survivantes, hein? Elles ont survécu aux agressions, elles se sont construites autour de ces agressions-là et elles sont devenues, bon, on espère, pas trop toxicomanes, pas trop alcooliques, pas trop «pilules», tout ça. Il y en a qui se sont... Elles ne sont pas toutes tombées là-dedans, là. Mais, veux veux pas, ça crée des... il y a vraiment des effets pervers, là, évidemment, dans ton comportement, parce que tu ne peux pas survivre avec ça sans avoir nécessairement entrepris des corrections à ta personnalité, mettons. Alors, voilà.

Mme Poirier: Écoutez, je vous écoutais, tout à l'heure, parler de détecteur de mensonge.

Mme Tessier (Danièle): Oui.

Mme Poirier: Ça m'inquiète énormément, là. J'aimerais ça que vous nous disiez un petit peu... Vous nous dites que les femmes qui portent plainte...

Mme Tessier (Danièle): Il y a certains policiers qui vont tendre à essayer de leur dire: Bien là, nous, ici, vous devez passer le détecteur de mensonge. Alors, une femme qui va aller porter plainte comme ça, qui n'est pas accompagnée...

Mme Poirier: ...

Mme Tessier (Danièle): Bien oui, mais, là, regarde, ça fait longtemps qu'on le dit, que c'est aberrant. Certain, que c'est aberrant. Bien oui! Alors, ce n'est pas... Et ça, c'est un manque de formation, tu sais, c'est comme... Et je pourrais vous lister ça, oui.

Mme Tremblay (Karine): Puis je l'ai mentionné un peu dans la présentation, là, mais toutes les soi-disant fausses allégations qui sont beaucoup plus nombreuses que certains le prétendent, c'est que, bon, les policiers ne sont pas... ils vivent dans la même société que nous.

Une voix: Bien oui.

Mme Tremblay (Karine): Et donc, c'est ça. Puis on s'entend que, bon, non seulement les agressions sexuelles sont des crimes peu dénoncés, mais elles restent difficiles à prouver hors de tout doute raisonnable dans notre système de justice et... pas que je sois contre la présomption d'innocence, mais, bon, ça complique un peu la chose. Donc, il peut arriver que des agresseurs soient acquittés, faute de preuve, là. Donc, ça ne veut pas dire nécessairement que c'était une... Un acquittement n'est pas nécessairement une fausse allégation, mais, bon, c'est un peu dans cet esprit-là qu'il y a des policiers qui vont...

Puis, bon, en plus qu'une victime traumatisée peut, tu sais, facilement se contredire, bon, dans l'émotion, sous le coup de l'émotion, donc ça met beaucoup de pression sur les victimes qui se sentent déjà, en général, très coupables de ce qu'elles ont subi.

Le Président (M. Huot): Merci. Merci beaucoup, donc, Mme Danièle Tessier, Mme Karine Tremblay, du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Merci de votre contribution aux travaux de cette commission.

J'invite les représentantes du Réseau québécois d'action en santé des femmes à prendre place et je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

 

(Reprise à 10 h 28)

Le Président (M. Bernier): Nous allons donc reprendre nos travaux. Donc, bonjour à vous tous. Ça me fait grand plaisir d'être ici, ce matin. Mme la ministre, les députés... MM. les députés, nous recevons le Réseau québécois d'action en santé des femmes, représenté par Me Lydya Assayag. C'est ça?

Réseau québécois d'action pour
la santé des femmes (RQASF)

Mme Assayag (Lydya): C'est bien ça.

Le Président (M. Bernier): Ah! Merci beaucoup, madame. Donc, vous avez 15 minutes pour votre présentation, et, par la suite, suivront des échanges de 15 minutes avec chacun des groupes parlementaires. La parole est à vous.

Mme Assayag (Lydya): Parfait. Alors, bonjour, tout le monde, et merci de nous avoir invitées à participer à cet exercice démocratique fort intéressant. Très brièvement, le Réseau québécois d'action pour la santé des femmes -- RQASF pour les intimes -- c'est un réseau, comme son nom l'indique, sur tout le territoire de la province, à part peut-être le Grand Nord, qui agit pour la promotion de la santé des femmes, physique, mentale et sur leurs conditions de vie, dans une approche globale et féministe de la santé; et nous touchons environ 300 000 femmes, donc avec nos membres et nos partenaires, ce qui est quand même assez majeur.

Notre mémoire qui est présenté aujourd'hui, à cette commission, a plus de 24 recommandations et de 45 pages. Je ne les reprendrai pas en 15 minutes, il faudrait que je parle comme un TGV. Donc, je ne les reprendrai pas en détail, je vais faire un bref survol, si vous me permettez de le faire, et vous allez voir qu'on reprend beaucoup de recommandations des gens qui sont déjà passés devant vous, parce que c'est nos membres, et c'est nos partenaires, et c'est des gens qui sont spécialistes de la question. Nous, nous sommes des spécialistes de la généralité.

**(10 h 30)**

Et donc, nous allons commencer par quelques remarques préliminaires, des concepts, juste pour être certaines qu'on s'entende. Ensuite, on va parler brièvement des liens entre la santé et les femmes. Par la suite, je vais vous entretenir sur le plan du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui a été présenté en collaboration avec le ministère de la Condition féminine, et, finalement, nous vous proposons un itinéraire pour améliorer la santé et les conditions de vie des femmes. Alors, c'est parti.

Égalité. Je pense que, vous le savez bien, l'égalité entre les femmes et les hommes est loin d'être atteinte. Les inégalités persistent, et on ne peut pas parler d'égalité sans évidemment reconnaître les retards historiques qui se sont accumulés et qu'on est encore en train de rattraper. Donc, traiter de la même façon les hommes et les femmes, de toute évidence, ce n'est pas ça qui va régler la question, puisque c'est nier le retard que nous avons à rattraper par rapport aux hommes là-dessus.

Mais, quand on parle d'égalité, c'est aussi important pas seulement de parler d'égalité entre les femmes et les hommes, mais entre les femmes elles-mêmes et les hommes eux-mêmes, et, dans ces cas-là, on parle d'intersectionnalité. Et je suppose que ce n'est pas la première fois qu'on vous parle de cela lors de cette commission, c'est-à-dire que les femmes ne peuvent être pas plus égales que d'autres, il faut qu'elles soient égales aussi entre elles. Et c'est pour ça qu'une recommandation, c'est de jumeler systématiquement l'analyse différenciée selon le sexe, l'ADS, avec l'analyse intersectionnelle pour que les femmes marginalisées, celles dont l'orientation sexuelle est différente, dont l'ethnie est différente, dont le statut économique, handicap, autochtones, bref vous connaissez comment la souffrance peut se décliner, pour que ces femmes-là soient aussi égales. Sinon, ça veut dire qu'on créerait des inégalités entre les femmes, et je pense que ce n'est vraiment pas le but de cette commission ni de la loi. C'est aussi vrai pour les femmes racisées, évidemment, qui, comme on le sait, souffrent d'exclusion beaucoup plus que d'autres.

Autre chose dans l'égalité: l'égalité, c'est un facteur de santé. Les nombreuses études et locales et internationales le démontrent: quand on mise sur l'égalité entre les femmes et les hommes, on augmente la qualité de la santé des femmes automatiquement. Donc, à chaque fois que vous vous penchez, dans cette commission, sur toutes les variations que va décliner l'égalité devant vous, bien, vous travaillez aussi sur la santé.

Deuxième chose: les liens entre les femmes et la santé. Ça fait des millénaires, probablement depuis le début de l'humanité, que les femmes ont un lien intime avec la santé. C'est elles qui prennent soin. C'est elles qui prennent soin des enfants, qui prennent soin de leurs conjoints, qui prennent soin des parents âgés, qui prennent soin des beaux-parents, des voisins. C'est elles qui prennent soin, de tout temps. Et elles continuent à le faire d'ailleurs, puisque vous retrouvez, à la page 16, quelques statistiques que je vais me permettre de vous lire.

Les femmes représentent 80 % du personnel de la santé; 80 % du réseau communautaire et, en tant qu'aidantes, elles prodiguent 80 % des soins non rémunérés. De plus, les femmes utilisent davantage les services et produits de santé. Par exemple, en 2005, elles étaient 95,6 % à avoir recours à des services de santé contre 92,2 % des hommes...

Une voix: ...

Mme Assayag (Lydya): ...90,2 % -- vous avez tout de suite remarqué que ma bosse, ce n'est pas les maths -- 10,5 % des femmes contre 5,6 % des hommes ont consulté une ressource professionnelle de la santé au sujet de la santé mentale en 2003, et enfin les femmes consomment deux fois plus de psychotropes que les hommes.

Donc, les liens entre santé et femmes sont intimes. C'est elles qui sont dans le réseau de la santé, c'est elles qui consomment plus de soins, qui consomment plus de médicaments -- ça dépend des périodes de leur vie, là, ce n'est pas forcément continue -- et aussi parce qu'elles consultent, et mes collègues qui vont me suivre vont vous en parler amplement, elles consultent même quand elles ne sont pas malades, pour leur santé sexuelle, gynécologique, et quand elles ont des enfants. Donc, elles ne consultent pas forcément parce qu'elles sont malades.

Donc, tout ce qui touche santé et femmes, ce sont deux vases communicants. Vous touchez à la santé, vous touchez aux femmes. Vous touchez aux femmes, vous touchez à la santé: ou en tant qu'usagères ou en tant que celles qui donnent des soins. C'est pour ça que, quand je parlais plus tard de garantir l'accès universel à la population, vous allez voir à quel point ça a un lien important.

Dernier élément, dernière remarque préliminaire: la santé, ce n'est pas juste, vous le savez, l'absence de maladie. La santé, ça se conditionne, ça se détermine. Autant les maladies transmissibles que les maladies non transmissibles sont déterminées par les conditions de vie dans lesquelles on vit. Le pourcentage génétique ou biologique dans un facteur de santé est minime par rapport à l'influence du milieu dans lequel on vit. C'est ce qu'on appelle les déterminants. C'est reconnu depuis de très nombreuses années, aussi bien par notre ministère de la Santé que par l'OMS, et c'est officiellement aussi dans nos politiques, seulement ce n'est pas mis en pratique. Et la façon dont nous avons articulé notre mémoire, c'est pour nous dire comment on prend le taureau par les cornes et on agit sur les déterminants de santé, dans le sens sur les conditions qui conditionnent la santé pour avoir un impact. Et elles sont nombreuses, et c'est ce qu'on va vous proposer de faire.

Alors, les obligations du ministère de la Condition féminine, vous le savez, c'est une obligation transversale, c'est une obligation de collaboration de travail avec tout l'appareil gouvernemental et avec même les différents secteurs de la société pour l'avancée de l'égalité. Donc, on va beaucoup vous parler du plan d'action et du ministère de la Santé, mais c'est évidemment qu'on a à l'esprit que c'est la responsabilité du ministère à la Condition féminine de travailler avec le ministère de la Santé et avec tous les autres ministères pour travailler sur les déterminants de santé.

Premièrement, alors, que nous propose le plan d'action -- le tout dernier né, là, 20 décembre -- du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui correspondait à l'obligation 4.1 dans le plan d'action de la condition féminine? Il nous propose un document, premièrement, qui ne respecte pas la gestion par résultats. Comme vous savez, en vertu de la Loi sur l'administration publique, on doit gérer par résultats, c'est-à-dire qu'on doit se fixer des objectifs, des cibles à atteindre, des échéances, des budgets, des niveaux de responsabilité pour être capables d'évaluer est-ce qu'on a atteint nos objectifs ou pas et aussi par exercice de transparence et de reddition de comptes. Et on ne trouve pas ces données dans ce plan, et c'est fort déplorable parce qu'on ne peut pas évaluer ce plan-là et vérifier dans quelle mesure on a réussi à atteindre ce qu'on voulait faire.

Deuxième problème avec ce plan... D'abord, une bonne chose: il y a une très bonne analyse des conditions marginalisées des femmes et de l'analyse intersectionnelle. Ça, vraiment, bravo! Le travail de recherche a été excellent là-dessus. Et donc on veut, dans les préambules aux actions de ce plan, s'occuper d'une analyse transversale de la santé, d'une analyse globale de la santé. Mais, dans l'application, dans la logique qui est proposée de l'action, il y a un problème parce que la politique... plutôt les objectifs stratégiques de base sur lesquels le plan s'applique, qui s'appelle Au féminin... à l'écoute de nos besoins, proposaient trois orientations.

La première, c'était d'intégrer les données sexuées, les DS, comme on le sait, à la planification pour adapter les soins de santé et services sociaux à la réalité des femmes. La deuxième, c'était d'intégrer ces données dans la planification; la deuxième, c'était adapter, justement, ces soins de santé. Et la troisième, c'était continuer à développer des recherches et à se mettre à jour, avoir des données sur la santé des femmes, comme on doit le faire dans n'importe quel domaine.

Le dernier plan d'action proposé renverse la logique. On commence par dire: Il faut d'abord acquérir des connaissances pour ensuite les intégrer, pour ensuite adapter les soins. Et ça voudrait dire qu'on revient exactement en arrière, à l'époque de 2002 de la politique, comme si on n'avait pas de données sexuées, comme si on ne savait pas c'est quoi, les problèmes en santé des femmes et qu'éventuellement on va arriver à les intégrer dans la planification. Donc, en renversant cette dynamique, on vient de reculer 10 ans en arrière. On est en train de faire du surplace, là, depuis 2002. Premier problème.

Deuxième problème, l'essentiel de ce plan d'action en santé des femmes mise sur la meilleure coordination entre les différentes politiques de différents départements qui ont un impact sur la santé des femmes, ce qui est normalement normal, ce qui est en effet le rôle du ministère de la Santé et de la Condition féminine. Malheureusement, les politiques auxquelles se réfère ce plan d'action, c'est des politiques qui n'ont pas été conçues avec une analyse différenciée selon le sexe, qui n'ont pas incorporé de données pour analyser les hommes et les femmes et chacun leurs besoins.

Si vous voulez, c'est comme si on veut construire un immeuble puis, bon, on met des escaliers, on met des tables hautes, on met des toilettes basses, on met des présentoirs hauts. On le construit, on le trouve bien beau, il est sécuritaire, il est selon les normes, il est adéquat. Et, au moment de mettre la porte d'entrée, on se dit: Bien, il faudrait peut-être l'adapter à des fauteuils roulants. Mais l'édifice, il a déjà été conçu pour... pas pour prendre en considération des fauteuil roulants. Donc, même si vous adaptez la porte d'entrée, les fauteuils roulants, les personnes en fauteuil roulant ne vont pas être capables d'utiliser cet édifice. C'est pareil.

**(10 h 40)**

Les politiques ont été élaborées sans impliquer les besoins des femmes, et donc essayer de le faire après coup, c'est extrêmement difficile, surtout -- et je reviens là-dessus -- étant donné l'immense travail à faire et le manque de moyens du ministère de la Condition féminine. Parce qu'il ne faut pas oublier, s'occuper du bien-être de la moitié de la population, ça prend des sous, ça prend des structures solides -- et c'est pour ça que nous avons toute une partie de la recommandation là-dessus -- par rapport à un budget de 34 millions sur quatre ans, qui est dérisoire, par... à la hauteur de la mission du ministère de la Condition féminine. Et, comme on prend au sérieux, dans la province de Québec, l'égalité entre hommes et les femmes, bien, il faut mettre l'argent avec, il faut mettre les ressources à la mesure de ce mandat.

Donc, le plan d'action du MSSS propose cette coordination entre différentes politiques, mais sans qu'il y ait véritablement... sans que chacune de ces politiques, faute de moyens de travailler en amont avec ces différents ministères, sans que ces politiques intègrent véritablement les besoins des femmes dans leur conception.

Alors, que faire? Travailler sur les déterminants, c'est gros, c'est un devoir de cohérence immense, on en est conscients. Mais on n'est pas les seuls. Il y a un courant mondial, depuis de nombreuses années, mais qui s'est accentué depuis 2009, parce qu'à l'Organisation mondiale de la santé il y a la commission sur les déterminants sociaux de santé qui a fait un travail gigantesque de cinq ans sur tous les pays -- quasiment tous les pays -- et qui a pondu un rapport qui s'appelle -- qu'on cite ici -- Combler le fossé et qui propose, en une génération, de combler le fossé des inégalités de santé des femmes... en général, mais plus particulièrement des femmes.

C'est comme s'il nous propose un itinéraire, une carte, de dire: O.K., on sait que c'est du travail, on sait que ça demande un effort de cohésion incroyable, mais c'est la seule façon d'y arriver. Et d'autres pays l'ont fait. La Suède, la Norvège, ça fait 30 ans qu'ils le font. L'Écosse, ils ont commencé ça il y a six ans. L'Inde est en partie... de le faire. La Belgique... Bref, il y a un courant mondial à cet effet-là, de lier femme et santé, de lier inégalités de santé et femmes et de s'attaquer aux déterminants de la santé en travaillant en cohérence pour que la main droite ne défasse pas ce que la main gauche fait.

Alors, qu'est-ce qu'ils nous proposent pour faire ça en une génération? Ils nous disent: Il faut travailler à trois niveaux. Premièrement, améliorer les conditions de vie. On part de là. Deuxièmement, lutter contre les inégalités par la répartition du pouvoir, la répartition de l'argent et la répartition des ressources. Et, troisièmement, évaluer l'efficacité de nos actions et sensibiliser la population. Moi, je vais vous entretenir très brièvement, parce que j'entends le tic, tic, tic qui passe.

Le Président (M. Bernier): 1 m 30 s.

Mme Assayag (Lydya): Aïe! aïe! aïe! Mamma mia! Alors, je vais vous entretenir très brièvement sur les conditions de vie. Je ne reprendrai pas tout. Premièrement, améliorer les conditions de vie: logement, violence, inégalités socioéconomiques, renforcement des politiques sociales, garantir un accès universel -- il ne faut pas oublier qu'un système public de santé, c'est ça qui est un facteur d'émancipation pour les femmes dont on a libéré le temps et les ressources pour ne plus être à la maison et travailler -- et inclure l'équité en santé dans les critères de performance du gouvernement et associer les femmes, les groupes communautaires, à leurs décisions de santé. C'est aussi un facteur de santé, selon la Charte d'Ottawa dont on est signataires.

Alors, je répondrai à vos questions pour plus de détails. Je veux juste terminer brièvement sur les stéréotypes sexuels et l'image des femmes, dont nous avons travaillé les impacts de santé depuis plus de 10 ans.

Le Président (M. Bernier): ...secondes.

Mme Assayag (Lydya): O.K. Alors, nous faisons trois recommandations, et je suis prête à répondre à ces questions. On souligne la possibilité d'une action concertée, et je voudrais simplement vous... terminer en disant que nous offrons toute notre collaboration pour ce défi que nous devons relever.

Le Président (M. Bernier): Merci infiniment. Merci infiniment de votre présentation. Effectivement, c'était difficile pour vous d'avoir une synthèse rapide, en 15 minutes, de votre document. Je vous comprends.

Nous allons donc passer immédiatement aux périodes d'échange avec les parlementaires. Donc, la parole est à la ministre pour un bloc du côté parlementaire.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Bienvenue.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Merci.

Mme St-Pierre: On est heureux de vous revoir. Alors, madame, merci beaucoup pour votre présentation. Effectivement, vous avez beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à dire, et on aimerait vous entendre peut-être encore longtemps, mais, évidemment, le temps est limité. Cependant, il y a des questions qui sont fort... Vous soulevez des questions fort importantes. Dans le plan d'action... Vous faites référence au plan d'action qui a été rendu public au mois de décembre. Si vous aviez à prioriser des actions, des actions incontournables pour l'amélioration de la santé des femmes, ce serait... votre première idée qui vous viendrait à l'esprit?

Mme Assayag (Lydya): C'est consolider le régime public de santé pour garantir l'accès aux services, et ça, mes collègues vont vous en parler. La fédération québécoise pour le planning des naissances et le Regroupement Naissance-Renaissance...

Mme St-Pierre: Vous êtes-vous concertés avant de venir faire la commission parlementaire?

Mme Assayag (Lydya): Non, mais ce sont nos membres et nos partenaires.

Mme St-Pierre: O.K.

Mme Assayag (Lydya): On est un réseau, hein, alors, comme on a une approche globale...

Mme St-Pierre: O.K.

Mme Assayag (Lydya): Mais, moi, je sais que je n'ai pas développé ces points-là parce que je savais qu'ils les développaient. Oui, pour répondre à votre question, mais on n'a pas écrit ensemble le mémoire.

Donc, d'abord ça. Ça, c'est clair, parce qu'il faut... Ce n'est pas normal que des femmes, par exemple, qui accouchent n'ont pas de suivi. Enfin, je les laisserai parler là-dessus. Ça, c'est la première chose.

Deuxième chose, la pauvreté. La pauvreté, comme disait Gandhi, c'est la pire des violences, hein? D'ailleurs, en parlant de violence, si je me permets, s'il vous plaît, juste une parenthèse, le travail qui a été fait en violence, c'est un exemple patant de ce qu'il faut faire en santé. C'est-à-dire qu'on se met plus ensemble, le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, de la Sécurité publique, le MSSS, Condition féminine, on dit: O.K., on s'assoie là et qu'est-ce qu'on fait avec ce monstre? Comment on l'attaque? Comment on travaille ensemble? Et ça a porté fruit. C'est ça qu'il faut faire en santé.

Donc, premièrement, accès à un service public, gratuit et accessible, qui est très difficile, et ça, je fais référence à l'analyse du Conseil du statut de la femme là-dessus qui montre qu'il y a un impact discriminatoire quand il n'y a pas accès. Deuxièmement, la pauvreté. Ça, c'est absolument essentiel, parce qu'on ne peut pas travailler autrement. Et, troisièmement, travailler en prévention. Et on peut le faire, d'autres l'ont fait.

Mme St-Pierre: Comme disait le groupe avant vous: Prévention, prévention, prévention.

Mme Assayag (Lydya): Oui.

Mme St-Pierre: Donc, c'est un PPP.

Mme Assayag (Lydya): Non, pas vraiment.

Mme St-Pierre: Je voudrais que vous me parliez de...

Mme Poirier: ...

Mme St-Pierre: Pardon?

Mme Poirier: Social.

Mme St-Pierre: J'aimerais que vous me parliez de la question de l'hypersexualisation. Comment vous voyez un lien entre l'hypersexualisation et la santé des femmes?

Mme Assayag (Lydya): Ah! Il y en a beaucoup. Je ne sais pas si je vais avoir suffisamment de temps pour vous répondre.

Mme St-Pierre: Ah! Bien, j'ai beaucoup de questions, alors vous allez me faire des petites réponses courtes.

Mme Assayag (Lydya): O.K. Je vais essayer. L'hypersexualisation présuppose que la valeur d'un homme et d'une femme, c'est sa valeur sexuelle, son potentiel sexuel, dans le sens: pas de potentiel sexuel, point, salut. Maintenant, il faut être sexy de sept à 77 ans. Que vous soyez fatiguée, que vous soyez en ménopause, vous êtes une prépuberte, ce n'est pas grave, il faut être sexy, sinon vous n'avez pas de valeur sociale. Or, ça réduit votre valeur d'être humain dans le sens... C'est montré, les petites filles n'investissent plus dans les écoles... dans les études. Ce n'est pas important, les études; c'est important d'être sexy, d'avoir le plus de gars possible. Donc, pas d'études, pas de travail, problème à l'égalité économique.

Deuxièmement, l'hypersexualisation, ça favorise une précocité de la sexualisation, ça provoque une précocité de la sexualisation qui fait que plus... les études montrent que plus c'est jeune, plus il y a des chances que ce soit empreint de violence.

Et, troisièmement, c'est que quelqu'un qui... Écoutez, tout le monde aime séduire. Le sexe, ça fait partie de la santé. Je veux dire, je ne suis pas là pour prendre un discours... Bon, vous comprenez ce que je veux dire. Mais il y a une limite au-delà de laquelle ça devient nocif. La limite, c'est quand on ne se valorise que par le sexe et on ne se valorise que par la séduction. Donc, on est toujours en attente de l'approbation de notre séduction par l'autre. Vous trouvez que c'est très égalitaire, ça?

Mme St-Pierre: Ça m'étonne un peu, ce que vous dites, mais je le prends très au sérieux. Mais, quand même, on voit que le décrochage scolaire, c'est plus un problème de garçon, on voit que, dans les facultés de médecine, les facultés de droit, les femmes sont majoritaires, on voit que les femmes semblent, au cours des années, avoir pris conscience de leur autonomie.

Mme Assayag (Lydya): Oui.

Mme St-Pierre: Ce n'est pas parfait, il y a encore du chemin à faire, mais il y a quand même un mouvement où les femmes sont plus scolarisées qu'elles l'étaient auparavant. Donc, j'ai un peu de difficulté à rallier ces statistiques-là avec le portrait que vous venez de nous poser.

Mme Assayag (Lydya): Je ne parle pas des...

Mme St-Pierre: Mais, bon. Oui, effectivement, ça peut être un facteur important, l'âge des premières relations sexuelles et tout ce qui vient avec, avec les questions de maladies transmises sexuellement, et tout ça. Il y a peut-être des actions vraiment importantes à prendre là.

J'ai une question sur la consommation de psychotropes...

Mme Assayag (Lydya): Je m'excuse. Est-ce que je peux ajouter juste une remarque sur la réponse avant, s'il vous permettez?

Mme St-Pierre: Oui. Oui.

Le Président (M. Bernier): Allez-y.

Mme Assayag (Lydya): L'hypersexualisation, c'est quelque chose aussi fondamental, c'est que ça ébranle l'estime de soi. Et ça, c'est le fondement pour une autonomie dans la vie. Quand vous n'avez pas confiance en vous... Je n'ai pas dit qu'il y a une... des filles, je n'ai pas dit qu'il y a un abandon des écoles. C'est juste que, dans leur hiérarchie de valeur, et on le voit... Et c'est une génération qui monte -- on n'a pas encore les statistiques, on a les statistiques de l'ancienne génération -- qui arrive maintenant sur les bancs d'école. C'est assez récent, cet accentuation du phénomène d'hypersexualisation. On ne sait pas ce que ça va donner dans 10 ans.

Et l'estime de soi, c'est le fondement de la personnalité. Donc, quand vous n'avez pas une estime de soi, vous pouvez vous faire exploiter, vous n'exigez pas un rapport égalitaire face à votre environnement, face à votre conjoint, face à votre patron, face... parce que ça ébranle, ça. C'est pour ça que c'est aussi fondamental dans la santé mentale.

**(10 h 50)**

Mme St-Pierre: J'avais... La semaine dernière -- je veux juste raconter rapidement une... -- je suis allée dans une école, j'ai été invitée dans une école à Dorval où ils avaient fait des élections scolaires, puis ils avaient fait un petit conseil des ministres puis, bon, ça m'a frappée, parce qu'il y avait 10 élèves puis il y avait huit filles, deux garçons qui avaient fait les élections. Ça, j'ai trouvé ça intéressant, je veux dire, bon, il y a... Plus on va sensibiliser les jeunes à s'impliquer en politique, on va avoir plus de femmes. Puis la deuxième chose qui m'a frappée, c'est qu'elles avaient des ministères, ils et elles. Alors, il y avait Environnement, il y avait Santé, il y avait Loisirs et il y avait la Culture et les Arts, et à aucun endroit on ne parlait d'égalité entre les hommes et les femmes. Je les ai évidemment sensibilisés, mais il reste que c'est comme s'il y avait un changement qui s'était fait dans les mentalités. Elles ont été plus nombreuses à se présenter, elles ont été plus nombreuses à être élues dans leur école, et, cependant, on voit qu'il y a encore du chemin à faire sur ce que vous nous dites, tu sais. Bon, c'était une remarque que je voulais faire sur une expérience que j'ai vécue sur le terrain.

Sur la question des psychotropes, pourquoi les femmes sont plus en... Pourquoi on en prescrit plus aux femmes? Est-ce que c'est parce que les médecins, dans le fond, se disent: Bon, bien, elle est déprimée, on va lui donner des psychotropes ou si c'est parce que c'est...

Mme Assayag (Lydya): Il y a plusieurs...

Mme St-Pierre: Est-ce qu'on voit... Chez les femmes, il y a une éducation où elles voient que, bon, là-dedans, il y a la planche de salut, puis ça va les rendre heureuses ou...

Mme Assayag (Lydya): Il y a beaucoup de contexte là-dessus. D'abord, les femmes consultent plus parce qu'elles consultent pour leurs enfants, pour leurs conjoints. Donc, elles voient plus les médecins, donc elles sont plus susceptibles de parler de leurs problèmes que les hommes. Premier facteur.

Deuxième facteur, bon, je n'en ai pas parlé parce que je n'ai pas eu le temps, mais les femmes vivent une multiplicité de valeurs... de rôles sociaux, bon. Non seulement, je vous ai dit, il faut être sexy de sept à 77 ans, mais aussi il faut s'occuper du ménage, il faut s'occuper des enfants, il faut être performant dans son travail, il faut s'occuper, bon, de la belle-mère en perte d'autonomie, de... bon, hein? Il y a une multiplicité de rôles sociaux, et les statistiques le prouvent encore. Il y a des progrès, mais on en est encore malheureusement là. Et ça, ce n'est pas innocent, ça a un impact au niveau du stress, au niveau de la détresse -- pas forcément au niveau de la santé mentale, un diagnostic paranoïaque, schizophrénique, non, au niveau de la détresse, et on est en train de faire une étude d'ailleurs là-dessus -- et ça, il n'y a pas de... il n'y a pas de possibilité à cause du manque de conciliation travail-famille vraiment intégrée au niveau social et au niveau des différents ministères. Il y a vraiment un problème quotidien de détresse des femmes. Et, quand elles vont voir leur médecin, bien, le médecin, il ne peut pas régler les problèmes de conciliation travail-famille. Il voit quelqu'un qui est en souffrance avec elle, qui a énormément de mal à jumeler... comme, bon, toutes ses balles en même temps, bien, il va essayer... il ou elle va essayer de réduire la souffrance et de diminuer, mais c'est... D'après les études, les femmes s'identifient comme ayant... comme vivant beaucoup plus de détresse et de stress. Je ne dis pas que les hommes n'en souffrent pas; on a tous notre fardeau à cet effet. Mais la construction sociale des rôles que l'on doit assumer en plus du travail, ou en plus des études, ou en plus... tout ça, ça s'accumule, hein, et ça ne s'évapore pas. Ou ça se stigmatise par une maladie ou ça se stigmatise par le stress, et c'est pour ça que l'anxiété et les psychotropes...

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, je vais laisser la chance à mes collègues de poser des questions.

Le Président (M. Bernier): Le député de Lévis. Donc, M. le député de Lévis, la parole est à vous.

M. Lehouillier: Bonjour. Bienvenue à cette commission. C'est fort intéressant les échanges, en passant. Et félicitations pour la belle qualité de votre mémoire, il est bien fait et bien construit.

Mme Assayag (Lydya): Ah! Merci, si vous saviez les conditions dans lesquelles il s'est fait.

M. Lehouillier: Et, justement, j'ai constaté, dans votre mémoire, qu'il y a comme un fil conducteur, entre autres au niveau de la promotion des modèles et des comportements égalitaires. Vous proposez la création d'un comité interministériel concernant l'égalité économique. Vous proposez aussi la création d'une structure interministérielle pour assurer la cohérence des services d'aide et de soutien pour les mesures financières destinées aux aidantes. Également, pour la santé des femmes, vous proposez également une structure interministérielle... intersectorielle interministérielle, et, finalement, donc ça fait beaucoup de comités interministériels.

Ma question est la suivante: Est-ce qu'au fond vous voyez quatre, cinq comités interministériels sur des sujets différents, ce qui risque de noyer le poisson davantage que de faire avancer les choses, ou si vous voyez en fait un comité interministériel qui regarderait l'ensemble de ces questions-là? Puis je me demande s'il n'en existe pas un, d'ailleurs, en passant.

Mme Assayag (Lydya): Quand je dis «un comité interministériel», ça veut dire que... ça veut vraiment dire comité interministériel, dans le sens que ça veut dire que, dans la conception de leurs programmes -- d'ailleurs, le Conseil du statut de la femme vous en a fait part aussi, je pense -- dans la conception même des programmes que les ministères ont à faire et à gérer, dans leurs budgets, etc., qu'ils se mettent ensemble...

Par exemple, la santé, ce n'est pas juste l'affaire du ministère de la Santé, c'est aussi l'affaire de Condition féminine, c'est aussi l'affaire d'Éducation, c'est aussi l'affaire... Et donc, quand on va mettre en place un programme ou quand on évalue un programme, les différentes...

Je vais vous répondre par un exemple. Il y a trois ans, l'Écosse a décidé de se donner cinq critères: être plus en santé, être plus vert, être plus efficaces, et puis j'ai oublié les deux autres. Et ils se sont dit: Chaque ministère va rencontrer les autres et travailler avec les autres -- c'est du bouleau, hein? -- va travailler avec les autres pour concevoir son propre programme pour s'assurer de, chacun, respecter en cohérence les cinq ministères.

En santé, on se rend compte que tout est tellement relié qu'on ne peut pas ne pas travailler en cohérence. On l'a fait en violence; on peut le faire à d'autres. Évidemment, on ne peut pas tout faire en même temps, il va falloir prioriser, mais on peut commencer en disant: Bon, on commence santé, on commence... image corporelle, sexualisation, et se donner... petit à petit intégrer dans la machine gouvernementale... C'est déjà là, mais vraiment passer à la vitesse V et le faire avec les ressources qui vont avec, parce que, très souvent, les ressources ne suivent pas. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

M. Lehouillier: Oui. Oui, ça va. Donc, je comprends que, pour vous, toute cette notion d'interministériel est extrêmement importante.

Mme Assayag (Lydya): Ah, c'est vital.

M. Lehouillier: Et c'est l'élément, je pense... C'est le fil conducteur de votre mémoire, c'est d'essayer de faire en sorte d'infléchir l'action des divers ministères en fonction du plan d'action.

Mme Assayag (Lydya): Oui, pour plus de cohérence.

M. Lehouillier: Alors, voilà. Ça, c'est très bien. Maintenant, j'avais peut-être une autre question en ce qui... Parce que vous avez parlé beaucoup du secteur de la santé. Et on sait qu'actuellement le ministère de la Santé travaille sur trois objectifs: améliorer la connaissance des besoins des Québécoises, adapter les soins de santé aux besoins des Québécoises et intégrer les besoins des femmes à la planification nationale. Le ministère va certainement donner priorité à certaines de ces actions justement dans le prochain plan d'action, Pour que l'égalité de droit devienne égalité de fait.

Pour vous, là, si vous auriez à prioriser -- parce que vous en avez parlé beaucoup dans votre mémoire -- si vous auriez à prioriser, c'est quoi... C'est quoi, pour vous, les incontournables pour l'amélioration de la santé des femmes? C'est quoi, là? Qu'est-ce qui est incontournable et dont le ministère de la Santé devrait tenir compte?

Le Président (M. Bernier): Mme Assayag.

Mme Assayag (Lydya): Merci. C'est l'accès aux soins.

M. Lehouillier: L'accès aux soins?

Mme Assayag (Lydya): Le renforcement du système public de santé.

M. Lehouillier: O.K. Accès aux soins, renforcement du système public.

Mme Assayag (Lydya): Quand je dis «soins», je dis santé et soins, soins en santé, là. Et ça, c'est... Le renforcement du système public, là, c'est incontournable parce que... Les femmes ont pu avoir accès au travail et aux études parce qu'elles n'étaient plus obligées de rester à la maison pour garder leurs parents et leur enfant malade. Là, elles recommencent à faire ça avec le phénomène des proches aidantes. Les femmes refusent des promotions, retournent... abandonnent leur travail, même, des fois, tombent plus malades que la personne qui s'en occupe. Et on revoit ça de plus en plus avec le vieillissement de la... On voit aussi la génération sandwich, où les femmes ont à s'occuper et de leur enfant et de leurs parents en perte d'autonomie avec des mesures qui ne leur permettent pas de le faire. Et, quand on parlait de psychotropes, essayer de gérer ça, ce n'est pas évident, en plus de sa propre vie, sa propre activité. Et donc, dès qu'on effrite et qu'on fragilise un système de santé public, c'est les femmes qui écopent dans... formelle. C'est pour ça que je dis: la première, il faut absolument renforcer notre système public.

M. Lehouillier: Je vous remercie. Est-ce qu'on a encore du temps?

Le Président (M. Bernier): Vous avez une minute.

M. Lehouillier: Une minute? Bien, j'avais une dernière question très rapide. Vous savez que le ministère de l'Éducation désire, souhaite réintégrer systématiquement les sciences et les ateliers d'éducation à la sexualité. Pour vous, c'est quoi, les sujets qui devraient être abordés? Puis à quel âge les enfants devraient y avoir accès? Avez-vous une idée là-dessus? Vous êtes-vous fait une idée là-dessus?

Mme Assayag (Lydya): Là, je ne sais pas. Les sujets... Mais je sais que les collègues vont en parler, beaucoup plus... Donc, je vais leur laisser la parole. Les sujets, je sais qu'ils vont vous le dire aussi, bon: des modèles égalitaires, la question de prévention aussi des maladies transmises sexuellement, la question de l'hypersexualisation. Mais, si vous permettez, je vais leur laisser la parole là-dessus.

M. Lehouillier: Oui. Bien, merci. Je vous remercie...

Une voix: Merci beaucoup.

M. Lehouillier: ...d'avoir répondu à ma question tout à l'heure. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernier): Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

Mme Poirier: Merci. Bienvenue, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Merci.

**(11 heures)**

Mme Poirier: Mme Assayag, moi, je veux vous entendre... On a parlé, avec les précédentes personnes, de tout le phénomène de, oui, l'hypersexualisation, l'impact, prostitution. Vous l'abordez par le biais des stéréotypes sexuels dans votre mémoire et vous faites la promotion, comme disait mon collègue, là, d'un comité en vue d'élaborer un programme multisectoriel de lutte contre les stéréotypes. Mais, aussi, vous faites la recommandation -- je trouve ça très, très intéressant -- d'ajouter une obligation contractuelle, aux entreprises qui font affaire avec le gouvernement, de véhiculer une image saine de la femme. Je pense que la charte que la ministre a précédemment présentée n'inclut pas cette obligation-là. Il y avait une forme de signature en tant que tel de véhiculer ça mais pas d'obligation contractuelle pour l'ensemble des gens qui font affaire avec l'État. J'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus, de cette volonté-là, mais comme... Qu'est-ce que vous voyez dans ce programme multisectoriel là? Quels seraient les éléments qui composeraient ce programme-là?

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Assayag.

Mme Assayag (Lydya): Je vais répondre à la première question, la question de l'obligation contractuelle. Vous savez, c'est difficile de dire: Faites ce que je fais, mais... Non. Faites ce que je vous dis de faire, mais ne faites pas ce que je fais, là, dans le sens qu'il faut avoir une cohérence, hein? Donc, il y a la charte qui a fait des efforts importants pour sensibiliser l'industrie de la mode et les faiseurs d'images, si vous voulez, des médias, et qui continue de le faire, mais c'est un premier pas. Il faut... En lui seul, ça ne suffit pas, c'est évident.

Donc, une autre façon très concrète de le faire, le gouvernement étant un contracteur de services important, c'est de dire: Bien, puisque, nous, on a pris déjà position, on connaît l'impact de l'image que ça pouvait avoir sur les rapports égalitaires et sur la santé, donc quiconque travaille avec nous, dans leurs propres communications, images, écrits, visuels, quels qu'ils soient, doivent respecter certaines balises.

C'est comme... Par exemple, on ne permettrait pas d'avoir des propos racistes, par exemple, ou xénophobes, ou homophobes, avec des gens qui font affaire avec nous ou qui agissent en notre nom. Bien, on ne devrait pas plus permettre qu'il y ait une image malsaine dont les impacts de santé sont majeurs et qu'il y ait un impact direct sur l'égalité qui soit faite.

Et c'est quelque chose qui est quand même assez facile à gérer, dans le sens où on a déjà une obligation contractuelle, comme nous le suggérait le Conseil du statut de la femme. Ce n'est pas quelque chose qui est très... Parce qu'on est en période de coupures budgétaires, on sait qu'on essaie de... Bon. Donc, c'est quelque chose qui... Quand même, ce n'est pas... il suffit d'ajouter une clause de plus puis de mettre un guide et... Bon, tu sais, ce n'est pas quelque chose de vraiment...

Il peut même y avoir un rôle conseil que des organismes ou des gens du ministère peuvent jouer. Donc, ce n'est pas onéreux à faire et ça serait assez facile, dans le renouvellement du contrat, de s'assurer... et ça permet une grande diffusion dans un monde qui est difficile à convaincre, qui est le monde des affaires, qui a une logique d'affaires, qui n'a évidemment pas une logique de droits de la personne, égalité, etc.

Donc, ce serait une façon efficace de diffuser et de sensibiliser tout un pan de la population, puis ça ferait partie des usages. Ça envoie le message: Bien, pour nous, l'égalité hommes-femmes, c'est important. Donc, si tu veux faire avec nous, bien, tu adhères.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Assayag (Lydya): ...

Le Président (M. Bernier): Oui, vous pouvez continuer.

Mme Assayag (Lydya): Il y avait une deuxième partie de la question.

Le Président (M. Bernier): Oui, allez-y, allez-y.

Mme Poirier: Oui, le programme, le programme...

Mme Assayag (Lydya): Si vous le permettez.

Mme Poirier: Oui.

Mme Assayag (Lydya): Le programme, c'est toujours pareil -- je m'excuse, j'ai peut-être l'air d'un disque rayé, là, mais c'est qu'il faut agir avec cohérence -- ... Donc, si on fait un... Les enjeux sont importants, il faut s'unir, et pas juste, d'ailleurs, entre ministères, mais entre ministères, et groupes communautaires, et différents pans de la société. C'est comme ça qu'on va y arriver. L'égalité, c'est une affaire sociale, ce n'est pas juste le ministère de la Condition féminine, bon, c'est tout le monde.

Donc, un programme, c'est comme on a fait pour la violence, c'est de dire: Ça, l'hypersexualité, non. On veut un rôle égalitaire hommes-femmes, et ça, c'est une des facettes majeures d'un rôle égalitaire. On sait comment la sexualité est intime dans le rapport à l'autre et dans notre rapport à nous-mêmes. Ça fait vraiment... C'est comme respirer, là, c'est important, ça fait partie de la façon dont on véhicule notre corps. Donc, on va se mettre ensemble, Éducation, Justice, Culture, parce qu'il ne faut pas oublier, il y a tout le volet culture, média, publicité. Je veux dire, c'est perméable, c'est dans l'air qu'on respire, c'est dans la norme.

Donc, il faut se mettre ensemble avec des cibles modestes au début, puis, comme n'importe quel plan, se faire un échéancier et se dire: O.K... et puis inclure les gens du milieu, inclure les groupes de femmes, inclure les diététiciennes, les psychologues qui ramassent les pots cassés, les gens dans les écoles qui ramassent les pots cassés, inclure les gens qui voient les effets de ça. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Oui?

Mme Poirier: Au niveau de la prostitution en tant que telle, le groupe qui vous a précédé nous a beaucoup parlé de marchandisation du corps des femmes. J'aimerais vous entendre sur votre lecture, parce qu'il y a comme deux tendances. Je parlais du vent que nous apporte l'Ontario avec son jugement. Il y a comme deux tendances: une qui défend l'industrie des travailleuses du sexe et une autre tendance qui dit non, à savoir: Non, il y a là une marchandisation, un abus du corps des femmes. J'aimerais avoir votre lecture là-dessus.

Mme Assayag (Lydya): Je ne peux malheureusement pas prendre de position officielle parce que le réseau ne s'est pas prononcé de façon officielle. Donc, je ne peux pas dire: Le RQASF... Bon. Et je ne peux pas non plus parler en mon nom personnel, puisque je ne suis pas là à titre personnel.

Néanmoins, si vous parlez de marchandisation du corps des femmes, elle n'est pas juste dans la sexualité. Je peux vous en parler pendant des heures dans la santé, O.K.? Quand on provoque... Quand la césarienne est devenue la norme sur l'accouchement vaginal parce que le médecin n'a pas le temps, il faut en faire en série, et puis: Prête, pas prête, bébé prêt, pas prêt, ce n'est pas grave, moi, je t'accouche maintenant, «tough luck», ou que, par pénurie de ressources aussi, des fois, c'est les femmes qui le demandent, mais, très souvent, c'est aussi une décision -- et ça, je vais encore laisser parler mes collègues -- ... c'est une forme de marchandisation des corps de femme. O.K.?

Quand on met dans des contrats qu'il faut avoir recours à la chirurgie esthétique pour faire annonceur à la télévision, ou pour être acteur, ou pour... c'est une forme de marchandisation du corps des femmes. Quand on traite... Quand on impose... on empêche la possibilité d'avoir recours à un véritable choix par rapport à la façon dont on va accoucher, par rapport à la façon dont la santé gynécologique va se faire, c'est aussi une forme de marchandisation.

La médicalisation du corps de femme, c'est un vieux phénomène et ça correspond à des... Regardez le marché des psychotropes, c'est très lucratif, on a intérêt... Donc, c'est aussi une forme de marchandisation, de dire: La santé des femmes, c'est monnayable, ça nous rapporte de faire des opérations, ça nous rapporte de vendre des médicaments, ça nous rapporte. Je ne dis pas qu'il ne faut pas en faire et qu'on n'a pas besoin de médicaments, mais...

Donc, elle n'est pas juste dans la prostitution. La prostitution, c'est le haut de l'iceberg, c'est le plus évident, c'est le plus patent. Mais il y a un rapport traditionnel... enfin, «traditionnel», depuis quatre siècles avant nous, mais peut-être depuis quatre siècles, il y a un rapport de la médecine au corps des femmes qui est un rapport de contrôle et de marchandisation. Je n'ai pas le temps d'élaborer là-dessus, là, mais, à moins... Je ne veux pas préjudicier pour ceux qui arrivent, mais elle est plus profonde que vous pensez, la marchandisation du corps des femmes.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Poirier: Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Terrebonne. Allez-y.

M. Traversy: Oui. Merci, M. le Président. C'est toujours intéressant d'avoir des discussions avec des gens passionnés. Donc, j'aurais peut-être juste une petite question. Moi, je m'intéresse beaucoup à votre gestion par résultats. Donc, vous avez parlé tantôt, là, des différentes raisons qui vous amenaient à vouloir que le ministère de la Condition féminine, puis de la Culture et des Communications s'assure que son partenaire du réseau de la santé mette en oeuvre un plan d'action, là, avec une gestion de résultats. Vous avez mentionné plusieurs arguments.

Est-ce qu'on doit comprendre aussi officieusement que, pour le plan d'action sur lequel on est en train de plancher au niveau de la condition féminine, vous vous attendez également aussi à une gestion par résultats? Et, si c'est le cas, est-ce que vous avez déjà certaines idées, certaines visées par rapport à des cibles à atteindre?

Mme Assayag (Lydya): Merci pour la question, ça me permet d'élaborer sur quelque chose qui est important pour nous. Écoutez, nous, on a une gestion par résultats, on gère des fonds publics, et donc, c'est normal, on doit être transparents, on a une reddition de comptes, puis laissez-moi dire qu'elle est pas mal exigeante, et ça va. Je veux dire, bon, il y a des choses, des fois, qui sont... Je n'aborderai pas ça, mais le principe est là: on gère des fonds publics, on doit être transparents et on doit prouver qu'on les a utilisés le mieux possible. Quiconque gère des fonds publics, donc l'État aussi. Et c'est la Loi sur l'administration publique, ce n'est pas nous qui le disons, c'est une exigence de la Loi sur l'administration publique.

Et c'est aussi simplement... il faut savoir où on va, il faut savoir où on va puis dire: O.K. Là, on est à telle étape puis après on prend le courant puis on tourne à gauche puis on va être rendus, O.K. Dans 10 ans, on va être rendus ou dans trois ans on va être rendus. Il faut se donner une directive. Comment mesurer les efforts si on n'a pas d'indicateur? Donc, c'est vraiment vital que de se donner ça.

Donc, évidemment, dans le nouveau plan... D'ailleurs, si je me souviens bien, dans le plan stratégique du ministère de la Culture et des Communications, il y a des indicateurs de résultat, il me semble, hein? Donc, c'est déjà impliqué. Bien, dans le futur plan, évidemment, qu'il y en ait.

Maintenant, quels sont ces indicateurs? Bien, il existe des indicateurs d'inégalité. On ne les a pas inventés, ils sont reconnus, et l'OMS vous donne des indicateurs. Tout ce qui est énuméré dans le mémoire, et je n'ai pas eu le temps de le faire, l'accès aux logements, la violence, toutes les statistiques...

Au fond, ce qu'il faudrait, là, c'est que, dans trois ans, on se revoie, et toutes les statistiques qu'il y a dans la colonne de gauche... de droite, dans notre tableau, bien, on montre une... Par exemple, si on dit: 53 % des femmes paient la moitié de leur logement pour leur revenu, bien, que, dans trois ans, ce sera 45 % des femmes qui paient le... Vous comprenez?

Au niveau... il y a tant de personnes qui attendent pour des services, bien, qu'il y ait des réductions, même si elles sont minimes. On comprend que ça prend du temps, il n'y a personne qui a de baguette magique, mais se donner des échéances, dire: Bien, on va faire ça dans trois ans, puis on va faire ça dans six ans, puis, au bout de six générations, on va y arriver, je peux vous le garantir, parce que d'autres l'ont fait avant nous, on n'est pas les premiers. Donc, il suffit de se mettre ensemble, d'avoir un peu plus de cohérence puis de lui donner... et on va le faire.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

**(11 h 10)**

M. Traversy: En fait, c'est le tour de ma question et je trouvais ça très clair. Je vois que c'est... L'idée de faire un suivi, là, au cours de quelques années, avec un partenariat avec certains acteurs peut être très intéressante. Puis je suis certain que, bon, la ministre et les députés qui sont autour de cette table ont reçu le message en ce sens. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Oui. Écoutez, dans votre mémoire, vous reprenez, là, les recommandations du Conseil du statut de la femme -- et là je vous parle à titre de porte-parole en famille -- au niveau des services de garde, les congés parentaux. Vous les reprenez presque dans l'entièreté, là, des recommandations. Mais j'aimerais vous entendre: en le regardant du point de vue de la santé des femmes, le maintien des services de garde en CPE, par exemple, et favoriser l'émergence des CPE, vous, ce que vous dites, c'est de privilégier la création des services de garde plutôt que l'octroi des crédits d'impôt, là, qui sont les recommandations du CSF, et que les centres de petite enfance continuent à jouer un rôle majeur.

Mais j'aimerais ça que vous donniez le biais du réseau québécois dans cette recommandation-là en tant que telle: Qu'est-ce qui, pour vous, favorise la santé des femmes dans le fait que l'on favorise les CPE versus la garde en milieu privé, par exemple?

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Assayag.

Mme Assayag (Lydya): Merci. Bien, ça revient à une question qui a été posée tout à l'heure par rapport à la multiplicité des rôles sociaux. On revient à ça, hein? Écoutez, il y a 24 heures dans une journée, on a une énergie limitée, et, quand quelqu'un doit faire deux rôles et quelqu'un d'autre doit faire trois rôles, qui que ce soit, le sexe ou la personne qui le font, bien, forcément, il y a inégalité dès le départ quant aux énergies, quant aux moyens financiers et quant à l'impact que ça a sur la santé. Donc, la conciliation travail-famille, travail-études-famille, c'est quelque chose de vraiment pivot dans l'égalité hommes-femmes. Il y a l'image, l'hypersexualisation, l'égalité, etc., et il y a ça.

Vous savez, la Suède, la première chose qu'ils ont faite quand ils ont décidé: Qu'est-ce qu'on fait en matière d'approche globale?, il y a à peu près 30 ans, première chose qu'ils ont faite, ils ont fait un revenu, si vous voulez, un revenu garanti pour tout le monde. Dans le sens que, que vous soyez accident de la route ou pas, que vous prenez soin des enfants, par exemple, en bas âge ou de votre grand-mère en perte d'identité, ou votre enfant adulte, ou que vous faites... vous êtes enceinte et que vous allaitez, c'est de garantir que vous avez une flexibilité par rapport au travail.

Et la deuxième chose qu'ils ont faite, c'est de faire un réseau... une flexibilité au niveau des horaires, au niveau du droit au travail et de toutes les ressources de garde en santé. C'est ça qu'ils ont fait, la première chose, il y a 30 ans.

C'est pour vous dire à quel point la question de revenu, de la pauvreté et la question de la conciliation travail-famille, c'est primordial dans la santé des femmes, parce que c'est encore nous. Ça progresse, c'est loin d'être statique, ça progresse, mais c'est encore nous qui cumulons le travail ou les études, les charges domestiques, le soin aux enfants, aux parents, etc., le ménage et, en plus... bon, en tout cas, d'autres choses.

Donc, il faut mettre en place des structures pour... Et, si vous mettez ça en place, vous allez voir automatiquement un... Je vous fais le pari que, si on met quelque chose de solide en place -- c'est déjà en place, je ne dis pas qu'il n'y a rien, hein, je dis simplement qu'il faut solidifier et augmenter -- le degré de stress et de détresse va diminuer. C'est interrelié.

Le Président (M. Bernier): Merci. 30 secondes.

Mme Poirier: Je... 30 secondes? Juste une petite précision. Le Régime québécois d'assurance parentale que l'on a au Québec, qui est innovateur et qui est extraordinaire pour autant les mamans que les papas, a renforcé le rôle aussi des papas. Si ce régime-là était fragilisé en tant que tel, quel impact il aurait, selon vous?

Mme Assayag (Lydya): Ah! Ce serait vraiment un recul, un recul majeur, d'abord par rapport au rôle égalitaire, parce que, là, on fait des pas, on avance. Il y a de belles choses, hein? Je m'excuse, j'ai surtout mis... sur des choses qui ne fonctionnaient pas, mais il y a de belles choses aussi qui se font, heureusement. Et ça, c'est vraiment quelque chose dont on est fiers. Et donc ce serait un recul, d'abord au niveau des rôles égalitaires, parce que c'est bien beau de dire: Il faut être égaux, mais il faut donner les moyens pour l'être. Donc, c'est comme si on efface, je ne sais pas, moi, 10 ans de travail, d'abord. Et deuxièmement, c'est un impact sur la conciliation travail-famille, parce que ce que les pères ne feront pas, bien, c'est les mères qui vont récupérer.

Le Président (M. Bernier): Mme Assayag, je vous remercie beaucoup. Merci de votre présentation au nom du Réseau québécois d'action en santé des femmes. Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre aux deux groupes de prendre place. Et je vais donner les directives par la suite. Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

 

(Reprise à 11 h 17)

Le Président (M. Bernier): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons la Fédération du Québec pour le planning des naissances et également le groupe... le Regroupement Naissance-Renaissance. Donc, comme il y a deux groupes, nous allons donc accorder une période de 60 minutes. Je vous demande immédiatement, aux parlementaires, s'il y a consentement pour qu'on puisse excéder nos travaux jusqu'à vers 12 h 15, 12 h 20, oui? D'accord, consentement.

Je vous demanderais, à chacune des personnes, de s'identifier et d'identifier le groupe auquel elles appartiennent. Donc vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. On me dit que vous allez vous partager chacun ce temps. Je vous informerai au moment où la première partie sera terminée pour que la deuxième partie puisse débuter.

Donc, la parole est à vous, en vous identifiant. Merci.

Fédération du Québec pour le planning
des naissances (FQPN) et Regroupement
Naissance-Renaissance (RNR)

Mme Parent (Nathalie): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci beaucoup d'avoir invité la Fédération du Québec pour le planning des naissances à cette consultation. Je suis Nathalie Parent, coordonnatrice générale de la FQPN, et je vous présente Mme Francine Mailloux, qui est la présidente de la fédération.

Alors, la FQPN est un organisme féministe de promotion de la santé et de défense des droits reproductifs et sexuels. Pour nous, cette question fondamentale pour l'autonomie des femmes et leur égalité est trop peu abordée dans la politique égalité et dans son premier plan d'action. Nous avons plusieurs recommandations dans notre mémoire pour corriger cette situation, mais j'aimerais, compte tenu du temps accordé, attirer votre attention sur trois d'entres elles.

Premièrement, il n'existe pas de politique au Québec en matière de santé reproductive et sexuelle. Les dernières orientations ministérielles du ministère de la Santé datent de 1996 et sont complètement désuètes. Or, l'absence de stratégie globale et de priorité en matière de santé des femmes conduit à l'adoption de mesures à la pièce et qui manquent parfois de cohérence.

Par exemple, les cours d'éducation à la sexualité dans les écoles ont été retirés avec la réforme scolaire, alors que les infections transmissibles sexuellement augmentent de façon fulgurante au Québec depuis plusieurs années. Les ITS sont aussi des facteurs de risque pouvant mener à l'infertilité. Mais, plutôt que de miser sur la prévention des problème d'infertilité, le gouvernement a choisi de financer des services de pointe de procréation assistée à raison de 80 millions de dollars par année, alors que déjà les femmes ont de la difficulté à trouver un obstétricien gynécologue pour leur suivi de grossesse et que le manque d'accès aux sages-femmes est décrié partout au Québec.

Le MSSS semble, en effet, privilégier des technologies nouvelles et coûteuses, alors que les services de première ligne en matière de planification des naissances s'effritent depuis plusieurs années. Ces services sont présents dans moins du quart des établissements du réseau de la santé. L'offre de service est très variable d'une région à une autre et dépend souvent de l'intérêt des professionnels de la santé en place.

n(11 h 20)**

Le manque d'accès aux médecins de famille, ajouté au manque de services, pose de sérieux obstacles pour les femmes, même en ce qui concerne l'accès à quelque chose d'aussi simple qu'aux différentes méthodes contraceptives. En matière d'avortement, les délais d'attente et une éventuelle pénurie de médecins qui les pratiquent risquent aussi de compromettre l'accès à ces services.

Nous avons vraiment besoin de l'aide du ministère de la Condition féminine pour convaincre le ministère de la Santé de voir à l'adoption de nouvelles orientations ministérielles en matière de santé reproductive et sexuelle basées sur une approche globale, transversale, intersectionnelle et qui miseraient avant tout sur la prévention et le développement de services de première ligne, et dans le milieu communautaire aussi.

Nous sommes encouragés par l'ouverture de la ministre de l'Éducation à notre demande de réinstaurer des programmes d'éducation sexuelle dans les écoles. Nous espérons que le contenu de ce programme sera novateur et qu'il sera développé en collaboration avec les organismes jeunesse et les groupes de femmes, et je pense qu'on aura l'occasion d'en rediscuter.

Mon deuxième point concerne la procréation assistée. Le premier plan d'action lié à la politique sur l'égalité incluait l'adoption d'un projet de loi visant notamment à protéger la santé des femmes utilisant des techniques de procréation assistée. Or, malgré l'adoption d'une telle loi et de deux règlements, dont celui permettant le financement de trois essais de fécondation in vitro, les préoccupations de la FQPN demeurent entières, car ni dans la loi ni dans les règlements on ne voit la mise en place de mesures visant à réellement protéger la santé des femmes. Seul le risque de grossesses multiples est réduit grâce à l'interdiction de transférer plusieurs embryons à la fois. Par contre, on ne fait aucun cas des grossesses multiples provoquées par la simple stimulation ovarienne utilisée seule ou avec insémination artificielle, par exemple.

De plus, toutes les techniques de procréation assistée, qu'elles soient très nouvelles ou pratiquées depuis plusieurs années, sont aussi maintenant assurées. Ainsi, notre système de santé couvre des techniques expérimentales telles que la maturation des ovules in vitro ou des techniques comme l'ICSI soupçonnées de perpétuer les problèmes d'infertilité chez les enfants qui en sont nés.

Nous savons aussi que les activités de procréation assistée soulèvent bon nombre d'enjeux éthiques. Or, aucune des 19 recommandations de la Commission de l'éthique, de la science et de la technologie n'a été retenue dans le cadre réglementaire. Les risques de commercialisation en lien avec les dons d'ovule ou le recours aux mères porteuses ne sont ainsi aucunement encadrés.

Les ITS, les facteurs environnementaux, le report de la première grossesse à des âges où la fertilité naturelle commence à décliner sont tous des facteurs menant à l'infertilité et sur lesquels on pourrait intervenir en amont. Il serait grand temps de commencer à s'y attaquer plutôt que de miser sur des technologies et des techniques lourdes et coûteuses pour la société.

C'est pourquoi nous souhaitons que le deuxième plan d'action inclut, entre autres, des mesures visant la prévention de l'infertilité, des actions visant à mieux protéger la santé des femmes avec, par exemple, l'instauration d'un mécanisme de collecte de données permettant d'évaluer l'impact de ces pratiques sur la santé à long terme ou encore avec la révision de la liste des techniques offertes à la population et dont l'innocuité n'a pas encore été démontrée.

Nous avons aussi besoin de mesures pour contrer la commercialisation possible du corps des femmes en interdisant notamment la rémunération et les possibilités de compensation ou de gains financiers en échange de services de reproduction ou de gamètes.

Mon troisième point porte sur la question du droit à l'avortement. Alors, même si, au Québec, ce droit est largement reconnu et respecté, nous ne sommes pas entièrement à l'abri de l'influence du mouvement antichoix de plus en plus présent sur la scène politique fédérale et aussi au Canada.

Enfin, j'attire votre attention sur la présence accrue des centres d'aide à la grossesse antichoix ici, au Québec. Ces centres, qui se présentent souvent comme un service neutre de soutien aux femmes enceintes, visent surtout à les dissuader de recourir à l'avortement en leur donnant des informations souvent mensongères et qui visent à leur faire peur. Les femmes peuvent recourir à leurs services sans savoir qu'elles ont affaire à des groupes opposés à l'avortement.

Alors, c'est pourquoi nous souhaitons que le ministère de la Condition féminine encourage le financement de la recherche sur l'émergence de ces groupes et sur leurs pratiques et voit aussi à la mise en place d'un mécanisme de certification prochoix qui permettrait aux femmes d'être certaines de recourir à des services qui seront vraiment respectueux de leurs choix. Alors, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup, Mme Parent. Vous êtes très respectueuse des temps qui vous sont accordés, hein? Et maintenant je vais donner la parole aux représentants du Regroupement Naissance-Renaissance, en vous identifiant et en identifiant les personnes qui vous accompagnent. Donc, madame.

Mme Fontaine (Lorraine): Donc, je suis Lorraine Fontaine, du Regroupement Naissance-Renaissance, coordonnatrice des dossiers politiques; ma collègue et co-coordonnatrice, Nicole Pineau; et présidente Claudine Jouny, aussi enseignante en soins infirmiers.

Donc, je m'excuse pour le délai dans l'envoi du mémoire, mais je vais partager avec vous des éléments essentiels du mémoire. Donc, on partage l'analyse de Mme Assayag, et le lien, et le fait qu'on soit ici ensemble... La santé reproductive nous lie, mais on a des dossiers assez particuliers.

Le Regroupement Naissance-Renaissance existe depuis 30 ans. Il travaille à l'humanisation de la période périnatale, donc de la grossesse jusqu'à la fin de la première année de vie de l'enfant.

Donc, ce que je voulais souligner par rapport à la commission aujourd'hui, c'est que, oui, il y a eu des gains, et beaucoup de gains aussi -- dans le fond, les 30 ans, on n'a pas chômé -- mais, quand vient le temps de la grossesse, il y a une amnésie collective qui s'opère et on oublie à qui appartient le corps des femmes. Et donc on traite la femme comme un objet, on objectitise, on instrumentalise, on fait des interventions.

Et ce que je veux soulever dans les points que je vais amener, c'est la nécessité d'une transparence, d'une collaboration quand on élabore les politiques, et du respect des droits des femmes à leur intégrité physique, et au consentement éclairé, et aussi à leur droit de refuser les traitements.

Donc, quand on parle de la grossesse, et de l'accouchement, et de la période périnatale -- je vais toucher surtout la grossesse pour commencer -- tout ce qui se passe, c'est... les interventions: on dit aux femmes comment elles doivent se comporter, on contrôle le corps de la femme de plus en plus par souci de la santé du foetus. Donc, on a passé d'une inquiétude au début du XXe siècle de la mortalité maternelle à une préoccupation sur la santé du foetus.

Donc, on voit des tests de dépistage à multiplicité, on voit une intervention sur le corps de la femme, sur ses comportements pour qu'elle ne nuise pas à la santé de son foetus. On ne veut pas dire qu'elle veut nuire à la santé de son foetus, sauf que ce que je peux dire, c'est qu'on fait abdication parfois des droits des femmes en ce lien-là. Donc, quand on parle de la normalité et qu'on dit que, dans les années cinquante, il était normal qu'un travail d'accouchement prenne 36 heures et qu'aujourd'hui, après huit heures, on dit que c'est anormal et que c'est dangereux, qu'il faut passer à la césarienne, ça nous dit quelque chose: ce n'est pas les corps des femmes qui ont changé, c'est notre attitude.

Donc, il est important de se rappeler que la grossesse, c'est un événement humain, ce n'est pas une situation pathologique, même si les spécialistes de l'urgence et des dangers que sont les obstétriciens peuvent parfois voir la grossesse comme ça.

Quand on parle aussi de la situation actuelle, le portrait actuel de ce qui se passe en périnatalité, Naissance-Renaissance, avec une équipe de recherche financée par le CRI-VIFF, s'est penché depuis deux ans sur la question suivante: L'accouchement en établissement est-il susceptible de donner lieu à la maltraitance, la négligence, voire même la violence? On s'est penchés sur deux études, deux récits pour dégager des centaines de récits de femmes.

Et ce qu'on a dégagé, c'est qu'un nombre non négligeable, aujourd'hui, en 2011, de femmes au Québec témoignent de grandes souffrances, voire même de traumatismes lors de l'accouchement et de leur séjour en postnatal. Et les études démontrent aussi que les femmes marginalisées, racisées, jeunes, autochtones, handicapées, réfugiées, migrantes, sans papier subissent encore plus de ces effets décrits. Donc, on parlait de... On parle de traumatismes qui durent plusieurs années.

Ce qui caractérise aussi... Je voulais vous amener... Vous avez une annexe, c'est l'Initiative internationale pour la naissance MèrEnfant, qui propose 10 conditions, dont la première, c'est le respect des femmes, que chaque femme soit traitée avec respect et souci de sa dignité. Je vous le propose parce qu'il serait un modèle intéressant pour le Québec, pour les établissements, et aussi, j'imagine, comme ministre de la Culture et des Communications... Peut-être que tous les gens qui font des films sur l'accouchement pourraient s'inspirer un petit peu de ce texte-là et démontrer la naissance un peu différemment.

Je vous parle aussi du fait qu'il existe au Venezuela une loi qui définit la violence obstétricale -- je vais vous lire: «L'appropriation du corps et du processus reproducteur des femmes par les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, appropriation qui se manifeste sous les formes suivantes: traitement déshumanisé, abus d'administration de médicaments [...] conversion [du processus naturel] en processus pathologique.» Et je vous épargne du reste. Mais il y a une loi qui définit la violence obstétricale.

Peut-on regarder et essayer de comprendre le portrait de ce qui se passe ici, au Québec, en lien avec la naissance quand on a des taux de césariennes qui vont de 18 % à 30 %, quand on a des épisiotomies de 5 % à 25 % dans des hôpitaux au Québec? Ce sont là des interventions qui... L'OMS nous dit qu'entre 5 et 15 %, c'est optimum. Quand on dépasse le seuil, on commence à faire du dommage.

Et donc, ce langage, ce milieu de risques et de peur qui entourent la naissance n'est pas sans dommages collatéraux. Et c'est pour ça qu'on dit qu'une ministre de Condition féminine doit se préoccuper de cette période-là, interpeller ses homologues au ministère de la Santé pour que les droits des femmes en lien avec la période périnatale soit respectés.

Quant aussi... Je voulais adresser un autre sujet, un autre point, je ne sais pas s'il me reste 30 secondes ou quoi...

**(11 h 30)**

Le Président (M. Bernier): Il reste environ deux minutes.

Mme Fontaine (Lorraine): Bon. C'est beau. Donc, cette initiative est importante. Cette loi sur la violence obstétricale... la question des taux d'intervention nous donne un portrait. Il y a eu un sondage SOM fait par le ministère de la Santé, il y a quelques années, et répété par un sondage CROP qui est sorti, qui dit que 26 % des femmes en âge de procréer souhaiteraient accoucher en dehors d'un centre hospitalier. Ce n'est pas accessible aujourd'hui. Alors, on parle de 26 % des jeunes femmes ou des femmes en âge de procréer dont les droits sont brimés. Il y a actuellement 58 % des femmes qui sont suivies par des obstétriciens, 40 % par des omnipraticiens et qu'un maigre 2 % par des sages-femmes. Et pourtant, c'est le besoin, c'est le droit des femmes de choisir le lieu et la personne qui va les accoucher. Donc, ce qu'on déplore, c'est cette inaccessibilité. Quand Mme Assayag parlait du développement d'accès aux soins, c'en est un.

À la page 11 de mon document, il y a un tableau qui parle des priorités et des annonces de financement et d'investissements pour les priorités de la Politique de périnatalité. Je veux juste soulever les inégalités de priorités. On voit, quand on l'analyse, que le domaine ultraspécialisé est priorisé: le dépistage systémique de la trisomie, qui touche un foetus pour 800 grossesses, 35 millions d'annoncés; dépistage de la surdité, 72 enfants vont être dépistés, on parle de 5 millions récurrents; fécondation in vitro, je vous en épargne, mais on parle de 945 grossesses, 25 millions récurrents et plus, probablement; syndrome du bébé secoué, on dit que ça va toucher 30 à 40 cas par année. Je ne déplore pas ces effets-là, ces actions-là, mais quand on compare ça aux services des sages-femmes qui... bien, plus de 23 000 femmes auraient envie d'avoir accès, il y a 1 772 appels, il n'y a aucune cenne d'annoncée pour ce déploiement. Alors, on déplore ça et on demande qu'on passe à l'action, et on vous demande d'interpeller votre homologue à ce sujet.

Le Président (M. Bernier): Je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît, Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Lorraine): Alors, je dirais, dans le fond, pour le mieux-être des femmes, vous avez un rôle à jouer, on vous invite à le jouer. Il y a des lois, il y a des politiques, il y a des choses qui pourraient être mises en place. On a des recommandations à cet effet. Une étude... Nous, notre étude était exploratoire, on souhaiterait une étude longitudinale qui regarde, qui fait un vrai portrait de ce qui se passe et des droits des femmes en lien avec l'accouchement. Et, par rapport aux soins, à l'accessibilité des professionnels de leur choix, on a besoin de votre aide pour faire une pression, pour que sortent des annonces de financement, un plan véritable d'action pour le développement et un réseau de maisons de naissance partout à travers le Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci, vous aurez l'occasion d'échanger d'ailleurs avec les parlementaires sur ces sujets. Et la façon dont nous allons procéder, nous avons environ 20 minutes, chacun des groupes parlementaires. Comme vous êtes nombreuses, au niveau des possibilités de réponses, j'aimerais que vous puissiez lever la main, me faire un signe, pour que je puisse, à ce moment-là, nommer votre nom de façon à pouvoir faire l'enregistrement correctement des paroles que vous allez prononcer. Donc, Mme la ministre, pour un bloc d'environ 20 minutes, la parole est à vous.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Tout d'abord, juste à la suite de remarques qui m'ont été faites avec le groupe précédent, j'aimerais dire que le plan d'action que nous avons mis en place en 2007 comportait un bilan. Et on voit, on est capables, on pourra transmettre aux députés les acquis qui ont été faits. Puis là on travaille sur le prochain plan d'action, et évidemment le prochain plan d'action va aussi comporter un bilan. Je pense que c'est important, si on veut voir quels gestes il faut poser, il faut savoir qu'est-ce qu'on a fait concrètement. Alors, juste pour clarifier, parce que des fois il y a des affaires qui sortent, puis ce n'est pas toujours la réalité.

J'aimerais aussi... j'aimerais, sur la question de... les montants, les sommes que le gouvernement a décidé d'accorder en procréation assistée, moi, je vais vous dire que, comme ministre de la Condition féminine, j'ai été très, très, très en faveur de ce geste qui a été posé par notre gouvernement. Pourquoi? Parce que je considérais qu'auparavant la procréation assistée n'était accessible qu'à des femmes, hein, qui avaient des moyens, les femmes riches qui pouvaient se payer ce genre de technique là, et que, maintenant, bien, il y a des femmes qui ont moins les moyens... on peut parler d'une personne, une femme, qui travaille dans un Tim Hortons ou un McDonald, au salaire minimum, peut avoir accès à ces techniques de haute technologie, et je pense que c'est un gros, gros plus.

Maintenant, est-ce que le système est parfait? Probablement pas. Mais je ne voyais pas ça et je ne vois toujours pas ça comme étant un recul pour les femmes, au contraire, et, dans mon esprit, l'infertilité, c'est autant une maladie que la surdité. Alors, une femme infertile, qu'elle ait accès... ou en couple, parce que le couple aussi peut avoir des... bien, enfin, peut être tout à fait traumatisé par le fait de ne pas pouvoir avoir d'enfant.

J'aimerais que vous m'en disiez davantage sur les maisons des naissances, parce que je pense que mon collègue, M. Bolduc, a été très clair, la semaine dernière, sur les commentaires qui sont sortis dans les médias. Et je me souviens très bien que, lorsque les premières maisons des naissances ont été acceptées, ça a été toute une révolution, parce que les femmes ont lutté vraiment fort pour qu'elles puissent avoir accès, à la maison, à des sages-femmes, et tout ça. C'était vraiment quelque chose qui était un tabou, à peu près impossible. Et il y a eu une ouverture puis un réseau qui s'est fait.

Quand vous dites qu'il y a un certain nombre de femmes qui aimeraient accoucher dans une maison des naissances, mais elles n'ont pas accès... Où prenez-vous vos statistiques? Est-ce que c'est des femmes qui ont... Vous prenez chaque femme qui a accouché à l'hôpital, puis vous posez la question: Auriez-vous aimé accoucher dans une maison des naissances plutôt qu'accoucher à l'hôpital? Comment vous décidez que vous avez... que vous mesurez ça?

Mme Fontaine (Lorraine): Il y a deux...

Le Président (M. Bernier): Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Lorraine): Oui, madame... Merci. Il y a deux places: une, c'est que les maisons de naissances elles-mêmes reçoivent des appels de femmes qui souhaiteraient accoucher là, et il y a... Trois sur quatre qui sont refusées, O.K. Alors, c'est déjà un chiffre. On sait que les taux de naissances, c'est 88 600 en 2009, le nombre de naissances qui a eu lieu. Et, si on se base sur le sondage CROP qui a été fait... Premièrement, le sondage SOM a été fait par le ministère de la Santé et démontrait que 24 % des femmes en âge de procréer auraient souhaité être... accoucher en dehors des centres hospitaliers, et c'est seulement les sages-femmes qui offrent ces choix-là. Donc, si on applique ce 26 % qui est actuel, ce sondage CROP a été fait en avril, si on l'applique, celui-là, au taux de natalité, on se retrouve avec le nombre de femmes qui aurait souhaité accoucher avec sages-femmes. Et donc, quand on sait qu'il y a juste 1 700 et quelques qui ont eu accès, on voit le chiffre, dans le fond.

Et le ministre... C'est vrai, il y a des choses louables là-dedans. Dans le fond, un plan d'action... Il nous dit publiquement qu'il attend que les projets... Il y a 16 comités de citoyens, dans toutes les régions du Québec, qui développent des projets novateurs, qui ne vont pas coûter des millions de dollars, et qui attendent... qui essaient de les faire passer, et il y a des blocages. Il y a des blocages par la méconnaissance, il y a des blocages bureaucratiques. Il y a toutes sortes de choses qui ont besoin d'être travaillées. Donc, les chiffres viennent de sondages, viennent des listes d'attente. C'est de là que viennent les chiffres.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Sur la question des césariennes, vous parlez d'une augmentation du nombre de césariennes, encore en termes de pourcentages. Est-ce que ce sont des statistiques qui viennent du ministère lui-même, de la Santé et des Services sociaux, ou si...

Mme Fontaine (Lorraine): Il y a une...

Le Président (M. Bernier): Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Lorraine): Excusez-moi. Il faut que je vous attende, hein?

Le Président (M. Bernier): Comme je vous dis, ça facilite l'enregistrement, et ça permet aux gens de vous identifier lors de vos prises de parole.

Mme Fontaine (Lorraine): C'est beau, je vais essayer.

Le Président (M. Bernier): Allez-y.

Mme Fontaine (Lorraine): Merci. Alors donc, par rapport aux césariennes, une des choses qu'on recommande dans notre mémoire, c'est que les taux des interventions soient disponibles publiquement et publiés sur le site du ministère de la Santé. Ils l'étaient auparavant, ils ne le sont plus. Alors, on a des taux qui datent des années de, quoi, 2006, c'est les derniers, ou 2005, qui sont publiés. Les taux que je vous ai parlé, de césariennes, ils viennent d'une recherche qui est sortie sur les hôpitaux à Montréal. Donc, les hôpitaux accoucheurs, à Montréal, on peut savoir les taux de toutes les interventions qui se passent. Alors, c'est une indication de taux de césariennes. C'est sûr que, quand on parle des grandes métropoles, comme Montréal, il y a plus d'interventions.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

**(11 h 40)**

Mme St-Pierre: Sur la question des groupes qui se créent pour... Vous avez fait mention, là, sur la question des groupes qui se créent pour... lorsqu'une femme enceinte va chercher de l'aide, on va l'inciter davantage à aller... bien, à mettre... continuer sa grossesse plutôt que d'aller vers son choix, qui sera peut-être le premier choix, d'aller vers un avortement. C'est un phénomène, encore là, dont on entend parler, mais entre... Puis je ne veux pas minimiser ce que vous dites, mais, entre la légende urbaine puis la réalité, est-ce que vous êtes capables de nous dresser un portrait très clair de ça? Avez-vous des exemples précis, des endroits où ça se passe, des groupes où vous êtes capables de dire: Eux, ils ne donnent pas l'information sur... bien, en fait, toute l'information? Parce que ça se peut qu'une femme décide, à un moment donné, qu'elle n'ira pas vers... elle voulait aller vers l'avortement, elle n'ira pas, ou le contraire, là, c'est... Et comment peut-on, si ce phénomène existe comme vous le dites, dans notre plan d'action, contrer ce phénomène? Par quelles actions précises on pourrait contrer ce phénomène?

Mme Parent (Nathalie): Alors...

Le Président (M. Bernier): Mme Parent.

Mme Parent (Nathalie): Oui, merci. Oui, en fait, on a commencé à être à l'affût de cette question-là par l'entremise de certains de nos groupes membres qui pouvaient s'apercevoir de la mise sur pied, par exemple, de l'apparition d'un groupe à Québec. Et puis là on appelait et puis on savait qu'ils donnaient des informations incorrectes aux femmes.

Mais on a aussi été en mesure de commencer à voir ce phénomène-là de plus en plus par l'entremise... lors de notre recherche qu'on a effectuée, récemment, en collaboration avec l'Association canadienne pour la liberté de choix, Le point sur les services d'avortement au Québec, où est-ce que, là, on a fait des appels téléphoniques anonymes à neuf centres d'entre eux. Et c'est là où est-ce qu'on a pu s'apercevoir que certains ne s'identifiaient pas comme étant opposés à l'avortement -- certains, oui, mais certains, non -- et pouvaient continuer de donner un counseling et des informations parfois mensongères aux femmes.

Mme St-Pierre: Comment détectez-vous qu'elles n'étaient pas opposées à l'avortement... qu'elles étaient opposées à l'avortement?

Mme Parent (Nathalie): Elles le disaient.

Mme St-Pierre: Mais vous dites qu'il y en a qui ne le disaient pas.

Mme Parent (Nathalie): Par les commentaires qu'elles faisaient, par le genre d'information qu'elles donnaient aux femmes. Quand on dit aux femmes que, l'avortement, elle va le regretter tout le reste de leur vie, qu'on leur donne des informations à savoir que ça peut provoquer le cancer du sein... On voit quel genre d'arguments qui circulent dans les milieux provie, antichoix, qui sont repris dans ces centres-là. Mais c'est délicat, et on n'a pas... On recommande de faire une recherche pour justement aller voir davantage qui sont véritablement ces centres-là. Qu'est-ce qu'on dit? Il faut vraiment faire davantage d'études sur leurs pratiques, sur comment ils sont financés. Nous, on pense qu'il y en a une vingtaine, de ces groupes-là installés au Québec, mais il faudrait... On demande le financement pour faire une recherche beaucoup plus en profondeur sur leurs pratiques, sur ce qu'on dit sur leurs documents, sur le genre de counseling qu'ils offrent aux femmes.

Et donc, pour contrer ce phénomène-là, c'est là que doit émerger l'idée d'avoir une certification prochoix. Alors, plutôt que de dire «ces groupes-là sont peut-être antichoix et opposés à l'avortement», on va faire une certification prochoix. Comme ça, on sait que les femmes, quand elles vont consulter des organismes ou des services qui font vraiment... qui respectent vraiment le choix des femmes, que ce soit de conserver... poursuivre leur grossesse ou d'aller vers l'avortement, eh bien, qu'ils seraient affichés comme des organismes prochoix. Et on demande au ministère de la Santé, avec votre collaboration, de voir au développement de ce mécanisme-là.

En fait, c'est une idée très concrète pour s'assurer que les femmes vont être bien conscientes de savoir où elles sont. Vous savez, il y a même des établissements de la santé, parfois, qui référaient à certains groupes qui donnent des informations fausses aux femmes. Donc, c'est pour éviter ce phénomène-là par l'affirmative: si vous allez dans un centre prochoix, certifié prochoix, vous savez que vous avez accès à toute la panoplie des possibilités pour vous, et sans jugement.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Mailloux, vous voulez ajouter...

Mme Mailloux (Francine): Oui. Juste rajouter que, dans la recherche qu'on a faite avec ACLC, au Québec, on est fiers des ressources en avortement qui sont offertes. On a soulevé certaines lacunes, soit, et ces indicateurs-là sur ces centres-là, c'est pour nous un indicateur de la... comme l'invasion dont on redoute... de remettre en question la qualité et l'accessibilité des services que les Québécoises ont. C'est plus... C'est de ce côté-là où, nous, on manifeste notre inquiétude.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: En fait, vous nous dites d'être vigilants sur la résistance qui continue et qui peut continuer à certains milieux, à certains groupes.

Mme Mailloux (Francine): Et qui réapparaît.

Mme St-Pierre: Qui réapparaît. Alors, M. le Président, j'aimerais laisser l'occasion à mes collègues de poser des questions.

Le Président (M. Bernier): Alors, M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Merci beaucoup, d'abord, pour la présentation de vos mémoires. C'est très bien fait, belle présentation et, en même temps, des belles propositions.

Mais, moi, j'avais une première question, c'est: Pouvez-vous m'indiquer, juste pour ceux qui nous écoutent, quelle est la... Par rapport à vos fonctions principales, la Fédération du Québec pour le planning des naissances et le Regroupement Naissance-Renaissance, qu'est-ce qui distingue la mission des deux? Juste en quelques mots.

Le Président (M. Bernier): Bon, qui répond?

Une voix: Ça, c'est Nathalie.

Le Président (M. Bernier): Mme Parent, la parole est à vous.

Mme Parent (Nathalie): Alors, on touche les deux facettes de la santé reproductive des femmes. Je vous dirais qu'à la Fédération du Québec pour le planning des naissances on est plus en lien avec tout ce qui est l'avant et l'après accouchement...

M. Lehouillier: O.K.

Mme Parent (Nathalie): ...et donc question de contraception, avortement, santé sexuelle, etc. Et que le Regroupement Naissance-Renaissance est plus autour de la période de la périnatalité, donc tout ce qui est plus en lien avec la grossesse, l'accouchement, etc.

M. Lehouillier: O.K.

Le Président (M. Bernier): Mme Fontaine, vous voulez ajouter?

Mme Fontaine (Lorraine): Donc, membres du Regroupement Naissance-Renaissance, ce sont des groupes d'entraide en allaitement, des groupes d'accompagnantes à la naissance, des comités de citoyens qui réclament l'accès aux sages-femmes, des maisons de la famille qui ont des volets de périnatalité. Vraiment, on est circoncis dans cette année, de la grossesse jusqu'à la première année de vie.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: O.K. Bien, merci. Alors, moi, sur ce point, je veux revenir un petit peu sur la procréation assistée, parce que, je vous avoue que je suis un peu étonné, là, de voir votre position, eu égard à ça. Et vous dites que vous avez... vous portez un regard critique, parce que vous dites: Ça «constitue une réponse médicale à un désir individuel d'enfant».

Pouvez-vous expliciter davantage? Parce que, moi, un petit peu à l'instar de ce que la ministre a dit tout à l'heure, moi, je trouvais que c'était quand même une mesure pour les femmes en tout cas importante et intéressante. J'ai un peu de difficulté à vous suivre sur ce volet-là, et c'est la raison pour laquelle j'aimerais ça que vous expliquiez davantage votre position.

Le Président (M. Bernier): Mme Parent.

Mme Parent (Nathalie): Ça va me faire plaisir d'y répondre et de pouvoir aussi faire référence aux commentaires de Mme la ministre. Donc, vous avez raison de dire que cette mesure-là, la gratuité des services de procréation assistée, est une mesure qui vient rééquilibrer les choses, et ce n'est maintenant plus seulement les femmes riches qui ont accès à ces technologies-là, mais aussi les femmes pauvres ou les femmes dans n'importe quelle circonstance.

On ne considère pas ça comme un recul. On n'a jamais dit que c'était un recul, bien au contraire, pour les femmes. Mais notre critique est davantage -- on n'est pas contre la procréation assistée non plus -- notre critique est davantage sur: Comment c'est fait? Et comment c'est encadré? Et comment on s'assure que la santé des femmes et des enfants... et comment on s'assure que les multiples questions éthiques que ces technologies-là soulèvent sont encadrées et sont adressées? C'est beaucoup plus ça, notre réserve par rapport à ça.

On aimerait bien voir que la santé des femmes soit renforcée, l'aspect de l'impact de la santé des femmes soit renforcé dans l'encadrement. Comme je l'ai dit, on n'a aucune donnée québécoise sur l'ampleur du phénomène, premièrement, de l'infertilité. On n'a aucune donnée qui nous permet de faire le suivi de l'impact sur la santé des femmes de ces technologies et de ces pratiques-là. Aussi, c'est qu'on trouve que, si on capables de mettre plusieurs millions de dollars pour offrir des services qui viennent contourner les problèmes d'infertilité, hein -- on ne guérit pas l'infertilité, on vient contourner l'impossibilité de procréer de façon naturelle -- bien, on aimerait qu'autant d'argent soit investi dans la recherche des causes de l'infertilité et beaucoup dans la prévention -- comme on le disait tout à l'heure, PPPs, oui, prévention, prévention, prévention -- pour réduire le nombre de personnes, et de femmes, qui auront des problèmes d'infertilité plus tard et devoir recourir à ces technologies-là. Donc, c'est une question de balance aussi dans l'attention qu'on accorde à la prévention, aux problèmes d'infertilité, etc.

Il y a une chose aussi que je n'ai pas mentionnée dans ma présentation, mais vous savez que, jusqu'à maintenant, les personnes qui avaient recours à la procréation assistée avaient un crédit d'impôt et avaient un remboursement jusqu'à concurrence de 10 000 $ si elles choisissaient d'aller vers les services de procréation assistée, et la même chose pour l'adoption internationale. Eh bien, avec cette mesure-là, on vient un petit peu déséquilibrer ces deux options-là. Maintenant, l'adoption internationale, il faut continuer de payer pour avoir accès à ça, et la procréation assistée, non. Donc, on dirait qu'on vient de favoriser une option au détriment de l'autre, et, nous, on est en faveur que les femmes puissent avoir accès à toutes les possibilités d'ajouter des enfants dans leur vie. Et donc, on aimerait aussi soulever cette... pas incohérence, mais cette façon-là de débalancer un petit peu les choix autant financiers pour avoir les enfants qu'on désire.

Donc, c'est des préoccupations de cet ordre-là plutôt que...

**(11 h 50)**

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Lehouillier: O.K. Par rapport à la question antichoix, prochoix, vous, en fait, ce que vous dites, si je comprends bien votre mémoire, c'est qu'on devrait effectuer une recherche sur l'émergence et les pratiques des centres d'aide de grossesse antichoix. Donc, ce que vous nous dites, c'est que leur approche à eux n'est pas bonne, la vôtre est bonne.

Donc, je veux juste que vous exprimiez... vous l'avez déjà exprimé tout à l'heure, mais j'aimerais ça vous entendre, parce que les gens, qui nous écoutent souvent ont de la difficulté à se faire une idée par rapport à ça, étant donné aussi les libertés accordées par nos chartes, etc., par rapport aux mouvements. Alors, comment vous voyez cette recherche-là? Et quel serait l'objectif d'une telle recherche, finalement? Qu'est-ce que vous voudriez que cette recherche-là comprenne ou inclue par rapport à... Vous dites qu'il y a une vingtaine de ces centres, là, qui ont vu le jour, alors votre vision là-dessus.

Le Président (M. Bernier): Mme Parent.

Mme Parent (Nathalie): Bien, tout d'abord, prochoix, c'est de dire que, peu importe la décision de la femme, hein, par rapport à une grossesse qui survient, peut-être qui n'a pas été désirée ou planifiée, peu importe son choix, qu'elle décide de poursuivre sa grossesse, qu'elle décide d'interrompre sa grossesse ou qu'elle décide d'amener son enfant jusqu'à l'adoption, je veux dire, on est en appui à son désir, et on doit s'assurer qu'elle ait accès aux services pour ce faire et aux moyens pour ce faire. C'est une question de droit, en fait, et le droit de décider d'avoir ou non des enfants et d'avoir accès aux technologies et aux services pour ce faire. C'est une question de droit fondamental. Et on sait, quand les femmes n'ont pas le choix, n'ont pas accès à ces services, on n'a qu'à penser à... Il n'y a pas si longtemps, au Québec, c'était la première cause d'hospitalisation chez les femmes que ne pas avoir accès à des services d'avortement, par exemple, qui étaient faits de façon légale. Et, bon...

Antichoix, c'est ce qu'on préfère utiliser comme terme plutôt que provie, parce que, nous aussi, on est pour la vie, hein? Nous aussi, on est favorables aux femmes qui décident de poursuivre leur grossesse et d'avoir des enfants, bien entendu. Donc, antichoix, c'est pour faire remarquer que, justement, on prive aux femmes d'une des options possibles, on dit que l'option de l'avortement n'est pas envisageable et qu'elle est nuisible, et donc c'est le discours provie qui est là, c'est le discours antichoix. On prive les femmes d'un de leurs choix fondamentaux, choix de recourir à l'avortement si elles le souhaitent.

Donc, si on est inquiets du phénomène des centres, c'est parce qu'on voit que c'est une stratégie des mouvements antichoix qui viennent des États-Unis, qui passent par le Canada anglais, qui... C'est une des manifestations ici, au Québec, du mouvement antichoix, et ils travaillent à la base, hein, ils travaillent auprès des femmes. Et donc, c'est une façon pour eux de tenter de les convaincre d'opter... de ne pas opter pour l'avortement, parce qu'on est contre l'avortement pour des principes qui sont les leurs.

Donc, on est favorables au libre choix des femmes, et je pense que la société québécoise est favorable au libre choix des femmes. Et c'est pour ça qu'on est préoccupées par l'émergence de ces groupes-là, et c'est pour ça qu'on aimerait les investiguer aussi davantage.

M. Lehouillier: Il reste...

Le Président (M. Bernier): 30 secondes.

M. Lehouillier: Bien, 30 secondes. Moi, c'était juste par rapport au ministère de la Santé. Vous insistez beaucoup sur l'élaboration de nouvelles orientations ministérielles qui misent sur le développement des services de première main en matière de santé reproductive. Juste un mot là-dessus, là: «services de première ligne», vous voulez dire donc l'accès direct aux services, c'est ça?

Une voix: ...

M. Lehouillier: Médecins?

Le Président (M. Bernier): Un court commentaire.

M. Lehouillier: Oui, très court.

Mme Parent (Nathalie):«Services de première ligne», c'est les services d'information à la contraception...

M. Lehouillier: O.K.

Mme Parent (Nathalie): ...services stérilisation-counseling, services de prévention et dépistage des ITS, les services d'éducation sexuelle qui doivent se faire dans le réseau de la santé aussi; on parle de «services de première ligne». On a déjà eu des cliniques de planification des naissances beaucoup plus développées, au Québec, qu'on en a maintenant. On voit que les services s'effritent, que maintenant c'est principalement une infirmière qui s'occupe des services de planification des naissances dans le réseau public. On a vraiment besoin de renforcer ça. Et, si on avait des orientations ministérielles, minimalement, pour voir au renforcement et dans le réseau et dans le milieu communautaire aussi, je pense que les femmes seraient vraiment mieux servies.

M. Lehouillier: Merci.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle, avec Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. La parole est à vous.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Écoutez, moi, je voudrais aborder le dossier particulièrement de l'allaitement. On a eu une situation, encore une fois, déplorable. Il y a quelques semaines, un magasin -- qui en plus vendait des vêtements pour enfants, on ne le nommera pas -- a mis à la porte une maman qui allaitait son bébé, comme si l'allaitement était un crime en tant que tel. D'ailleurs, je reprends le thème d'une campagne ontarienne qui dit que: L'allaitement[, ce] n'est pas un crime.

Actuellement, on a mis en ligne une... Bon. Il y a eu le «allaite-in», au centre-ville, qui a regroupé une centaine de femmes qui sont allées allaiter leurs bébés, en faisant la démonstration qu'effectivement l'allaitement, c'était quelque chose de naturel, tout a fait naturel. Et on a mis en ligne, la semaine passée, une pétition -- j'imagine que vous l'avez vue -- et qui demande qu'on introduise dans la charte le fait que l'allaitement en public soit un droit, que ce n'est pas discriminatoire... et qu'il serait discriminatoire de demander à une mère de se couvrir, de se faire discrète, d'être déplacée ou d'être isolée lorsqu'elle allaite son enfant au sein, tel qu'il est écrit dans la charte en Ontario, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse. Je voudrais avoir votre avis là-dessus.

Le Président (M. Bernier): ...Mme Pineau. Mme Pineau, la parole est à vous.

Mme Pineau (Nicole): Merci. Oui, bien, effectivement, on est très favorables à ça. On a accueilli très favorablement cette pétition-là. On est tout à fait en appui avec ça, effectivement. Ça fait partie de... Comme on parlait du contrôle social autour de la femme, que, quand vient la maternité, on dirait qu'elle ne s'appartient plus, puis les choix qu'elle fait, on normalise tout, puis là elle doit suivre certaines façons de faire, et tout ça, alors que, d'allaiter son enfant, c'est juste tout à fait normal.

Alors, oui, effectivement, on est pour ça. Il y a d'ailleurs la ville de Shawinigan qui vient d'adopter une politique municipale d'allaitement. Il y a la ville de Gatineau aussi qui est présentement en train d'en mettre une sur pied aussi. Donc, ça aussi, c'est des initiatives qu'on appuie fortement, qu'on comprenne que c'est ça... que l'allaitement, c'est un droit fondamental puis qu'il n'y a absolument rien de déplacé là-dedans, surtout quand on voit, dans un contexte où on voit tellement de publicités, partout affichées sur les autobus ou n'importe où, de femmes dans des positions suggestives, nues, tout ça. Puis là une femme, qui allaite, là, tout d'un coup, c'est dégradant ou quoi que ce soit; il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Donc...

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Poirier: Je pense que c'est effectivement vrai, à l'effet de dire que, donner le sein à un enfant, ce n'est pas un acte sexuel, c'est plutôt un acte justement de don de soi. Et, en tout cas, moi, j'encourage la ministre à aller consulter la pétition et à donner son appui à une modification éventuelle pour que justement l'allaitement en public devienne quelque chose, dans le fond, de banal dans notre société. Il est malheureux qu'on doive passer par une modification législative pour faire reconnaître ce droit-là.

Écoutez, j'étais très surprise, hier, d'apprendre aux nouvelles qu'une dame, pour aller passer son écographie pour ses jumeaux, doit payer. On a, de plus... Puis c'est parce qu'il n'y a plus de place, tout simplement, et qu'elle devra aller au privé passer une écographie. Est-ce que ce genre de situations là, vous voyez ça régulièrement qu'on... Puis je regarde l'article qui est passé, le 14 janvier, Crise aiguë en gynécologie, le Dr Sabbah qui dit que la «gestion est complètement déconnectée»: un manque de médecins gynécologiques; il n'y a pas de... le niveau d'inscription des médecins en gynécologie n'est pas relevé au ministère de la Santé; ce n'est pas une priorité, malgré la hausse des naissances.

Cette accessibilité-là des femmes... Et Mme Assayag l'a dit tout à l'heure, s'il doit y avoir une priorité, c'est justement l'accès des femmes à la santé, mais particulièrement en situation où elles sont enceintes, avoir un suivi de grossesse. Dans l'article, on dit: «Des femmes qui accouchent sans avoir été suivies...» J'aimerais ça que vous nous dressiez un portrait de ça. Moi, ça m'apparaît un peu inconcevable, là, qu'on puisse se rendre à l'accouchement sans avoir vu un médecin, là.

Le Président (M. Bernier): Mme Pineau.

**(12 heures)**

Mme Pineau (Nicole): Oui. Mais, en fait, il y a plusieurs facteurs qui rentrent en jeu ici. Bon, premièrement, il y a effectivement... ce qu'on voit, c'est que le système de santé est de plus en plus privatisé, donc ce qui amène justement ces effets-là, que les femmes vont aller au privé et payer pour des tests de dépistage, des écographies, des choses comme ça. Ça, c'est une des choses.

Une autre des choses, c'est comme on parlait aussi, il y a une mauvaise utilisation des ressources aussi: comme on parlait tout à l'heure, des interventions... de l'interventionnisme qui est de plus en plus présent. Bien là il y a des femmes, pour une grossesse normale, qui vont vivre huit écographies pendant leur grossesse, alors que, là, il y en a une autre qui n'aura pas accès à... aucune échographie, alors que cette personne-là, elle n'a pas besoin de huit échographies, mais: Ah! on va vérifier, on n'avait pas vu le sexe, on va regarder encore. Ah! il me semble que... Tu sais, puis on... Ça, c'est juste un exemple qu'on fait avec l'échographie, mais c'est vrai pour beaucoup, beaucoup de tests, et tout ça dans le suivi de grossesse.

Donc, il y a ça. Il y a des femmes qui sont trop suivies, puis ça mobilise des ressources. Puis là, après ça, il y a des femmes, effectivement, qui arrivent au moment de l'accouchement et qu'elles n'ont pas eu de place. On a présentement, encore là, les sages-femmes... des sages-femmes diplômées, en ce moment même -- on parle des sages-femmes qui vont sortir, la prochaine cohorte -- mais, en ce moment même, il y a des sages-femmes diplômées qui n'ont pas d'emploi. Et là, on a des femmes enceintes qui n'ont pas de suivi. C'est incroyable! C'est inacceptable. Puis là on va parler... Oui, il y a une absence de... on parle des gynécologues, les obstétriciens-gynécologues, qu'il n'y en a pas assez, mais les obstétriciens-gynécologues suivent 58 % des grossesses. Alors, on s'entend, ils suivent... la majorité des grossesses qu'ils suivent, c'est des grossesses normales, ce n'est pas des grossesses à risque. Donc, encore là, on va chercher des spécialistes à coûts beaucoup plus élevés pour suivre des grossesses normales, alors, les... Puis là ils n'ont plus de place pour suivre les cancers gynécologiques ou d'autres choses comme ça, d'autres problèmes, puis on a alors...

Donc, il y a... Tout ça, c'est un problème assez complexe. Mais effectivement, ce qu'on sait, c'est qu'il manque, bon, beaucoup de sages-femmes et des omnipraticiens. Encore là, c'est de renforcer la première ligne et d'avoir une utilisation optimale des ressources qu'on a actuellement.

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Fontaine, vous voulez ajouter?

Mme Fontaine (Lorraine): Je fais allusion aux commentaires de Mme Assayag qui parlait de la marchandisation du corps des femmes, et je soulève un... Il y a un reportage qui a été fait aux États-Unis, Pregnant in America, qui dit que 60 % des profits dans les hôpitaux américains se font sur les femmes enceintes et les nouveau-nés. Alors, on peut dire: Non, on n'est pas dans un système privé ici. Mais il y a quand même, en dessous de notre système public, des influences qui s'opèrent. Donc, une machine qu'on achète, qui coûte cher, il faut l'utiliser, donc on l'utilise. Et des tests qu'on installe, il faut les utiliser, il faut les systématiser. Donc, on est... Si on a fait, dans notre document, la comparaison des annonces de budget pour des tests de dépistage, ce n'était pas pour dénoncer ces gestes-là. C'était le zéro à la fin du... aucune annonce d'argent, aucune transparence sur quel est l'argent qui va être mis pour les alternatives.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Poirier: Bien, justement, parlant d'alternative, on parle de sages-femmes. Effectivement, beaucoup de projets sont en élaboration. J'ai participé à deux manifestations, entre autres à Montréal, de groupes qui sont bien organisés, dont, entre autres, un projet qui devrait voir le jour et pour lequel on attend, on attend toujours une annonce, le projet avec le regroupement... au-dessus du Regroupement des sages-femmes, dans Centre-Sud, ça... Il est prêt. Il est prêt depuis un an. Il est sur le bureau du ministère, et on n'a toujours pas d'annonce, alors... Et je sais que d'autres projets comme ceux-là sont prêts. Le ministre nous dit que, oui, il va les annoncer; on les attend toujours.

Mais, actuellement, les sages-femmes, elles peuvent aller faire des accouchements en hôpitaux. Elles ont le droit d'y... d'aller faire les accouchements à l'hôpital, d'accompagner le médecin. À ce moment-là, qu'est-ce qui nous empêcherait justement... Bon, si on ne voit pas les maisons de naissance mais on continue à avoir des femmes qui se scolarisent pour justement devenir sages-femmes, il y a comme... On continue à produire des sages-femmes mais on ne leur donne pas de lieu de travail. Donc, comment on pourrait arrimer le besoin? Parce que le besoin est là, les femmes ont besoin de suivi de grossesse. Elles n'ont pas accès à un professionnel. Il y a des sages-femmes de disponibles, mais on n'a pas les lieux pour les faire travailler.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Fontaine.

Mme Fontaine (Lorraine): Un peu comme Mme Parent vient de dire, si une femme a accès à une sage-femme et au suivi sage-femme, le choix du lieu de naissance lui appartient. Une fois qu'on a une place en maison de naissance, on peut choisir si on veut avoir un accouchement à l'hôpital, en maison de naissance ou chez nous, O.K.? Ce n'est pas en imposant ni aux sages-femmes ni aux femmes le lieu de naissance de leur enfant que ça va améliorer l'égalité des femmes. Donc, il y a ça. Et le modèle en Ontario a été... Il y a... Le seul lieu, presque, sur la planète où il y a un modèle maison de naissance comme il existe, c'est ici, au Québec; et c'est un joyau. Actuellement, ailleurs au monde, tout le monde est en train de s'arracher les présentations pour comprendre comment ça se fait, qu'est-ce qui se passe, quel est ce modèle, parce qu'il est vu comme le modèle qui va protéger la naissance physiologique. On sait qu'en Ontario, là où les sages-femmes pratiquent soit à l'hôpital ou à domicile, selon le choix de la femme, il y a des taux d'intervention beaucoup plus élevés. Aussitôt qu'on met l'intervenante dans le milieu de risque et de contrôle et d'intervention, ce n'est pas la sage-femme qui influence le milieu, c'est l'inverse.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Poirier: Je vais passer la parole à mon collègue de Terrebonne.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Terrebonne, la parole est à vous.

M. Traversy: Merci, M. le Président. Simplement une petite question pour être... pour juste être certain de bien comprendre. Je ne sais plus si c'est Mme Parent ou si c'est Mme Fontaine qui avait énoncé la chose tantôt par rapport à l'avortement. Donc, vous avez... Vous avez donc demandé, encore une fois, autour de la table, donc, que le gouvernement du Québec réaffirme toujours sa position par rapport à l'avortement. Le gouvernement et la ministre l'ont fait, là, de façon quand même assez claire au cours de la dernière année, même en dénonçant certains personnages issus du clergé religieux dans certaines occasions pour réaffirmer encore certaines positions. Mais je vois qu'il y a toujours, là, cette crainte avec la mouvance qu'on voit au niveau du gouvernement fédéral. Il y a une motion commune aussi qui a été adoptée. Est-ce qu'il y a d'autres actions que vous voyez lorsque vous nous réaffirmez cette demande-là? Est-ce que vous pensez qu'on peut aller plus loin, et, si oui, comment?

Le Président (M. Bernier): Mme Parent.

Mme Parent (Nathalie): Oui, on a été enchantés de la motion de l'Assemblée nationale suite au... à l'ambiguïté du gouvernement Harper et dans son financement de quels services seraient inclus dans son plan pour la santé maternelle et infantile. On a été vraiment enchantés de ça. Et on sait que la question du droit à l'avortement n'est pas remise en question par le gouvernement ici. On vous demanderait votre aide auprès de vos collègues des autres provinces canadiennes, beaucoup, pour les encourager à respecter le choix et à dénoncer quand la question du droit à l'avortement est remise en question. Ça serait un recul beaucoup trop important pour les femmes de partout au pays. Donc, on a besoin de toutes les forces vives, on a besoin aussi d'encourager les institutions, sociétés médicales canadiennes qui sont beaucoup plus lentes à réagir que certaines associations médicales ici, au Québec, quand vient le temps de menacer ce droit à l'avortement. Et donc, aussi, on s'est beaucoup battus pour... contre maintenant cinq projets de loi qui ont été déposés par des députés fédéraux, qui menacent d'une façon ou d'une autre... Donc, de continuer de nous appuyer dans ces démarches-là, de continuer à interpeller les députés fédéraux et vos collègues interprovinciaux, etc., pour contrer un peu ce vent de menace au droit à l'avortement et le recul important en la matière qui... Vraiment, on sent qu'il y a une tendance qui est très présente et sur la colline Parlementaire et aussi au Canada.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: C'est très clair, je n'ai plus d'autres questions.

Le Président (M. Bernier): Pas d'autre question. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Écoutez, je suis assez inquiète de vous entendre sur les groupes anti-choix. Je sais que ça existe, je les ai même reçus dans mon bureau de comté; ça fait un choc. C'est aussi beaucoup associé à un mouvement religieux en tant que tel. En tout cas, moi, les gens que j'ai rencontrés, il y a une connotation religieuse assez précise. Ils sont plusieurs, mais, d'une façon territoriale, comment vous les identifiez? Et comment on fait pour... Parce que ce que vous demandez, c'est une forme de certification. Je poserais... Peut-être revenir sur la question de la ministre: Comment on fait pour les identifier et s'assurer qu'on est... entre un groupe qui dénonce l'avortement et un groupe qui va plutôt inciter une jeune femme particulièrement, et surtout des mineures, là -- le groupe que j'ai rencontré, on s'adressait plus à des mineures -- comment on fait pour... ceux qui voudront tout simplement offrir un choix et surtout en favoriser un plus que l'autre versus un groupe religieux qui est vraiment antiavortement, là? J'aimerais ça que vous nous partagiez, là, votre identification de cela.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Parent.

**(12 h 10)**

Mme Parent (Nathalie): Bien, je pense qu'en regardant un peu comment ces groupes-là... Comme je vous dis, on est... on les a appelés, pas tous, on a besoin de faire une recherche vraiment beaucoup plus méthodologique et systématique de leurs pratiques et de ce qu'elles... ce que ces groupes-là disent aux femmes. Ça peut varier d'une intervenante à une autre aussi, donc c'est complexe. Mais, en regardant, si on fait la recherche un petit peu plus comment ces groupes-là sont financés, peut-être que ça peut être des indicateurs, de regarder qui les appuie. Et c'est pour ça aussi que, plutôt que de leur demander de s'afficher antichoix, ce qu'ils ne feront probablement jamais, on veut miser sur ceux qu'on connaît au Québec, ceux qui déjà offrent des services d'avortement, ceux déjà qui offrent du soutien à la prise de décision et de confirmer ceux qu'on sait sont prochoix et soutiennent le libre choix des femmes dans toutes circonstances.

Et c'est comme ça qu'on réussirait à sécuriser les femmes et s'assurer qu'elles connaissent le type de groupes qui les conseillent. Il y a des femmes qui sont peut-être opposées à l'avortement et qui peuvent avoir besoin de... qui peuvent vouloir recourir à ceux qui partagent ce point de vue là, mais, au moins, celles qui ne sont pas antichoix et celles qui veulent avoir du counseling et des informations, qu'elles soient assurées qu'elles ont affaire avec des groupes qui sont favorables au libre choix.

On a besoin de creuser ça un peu pour exactement savoir comment les identifier. Et passer par la certification nous permettrait, au moins, d'être sûrs que ceux qu'on certifie sont ceux qu'on connaît déjà et...

Le Président (M. Bernier): Mme Fontaine, vous vouliez ajouter.

Mme Fontaine (Lorraine): J'ai juste un tout petit point à ajouter, c'est sur la question de l'autonomie des femmes, quand on parle des jeunes femmes et qu'on voudrait essayer de les aider à prendre des décisions. Dans le fond, elle n'a pas pu élaborer sur tout l'aspect de l'éducation sexuelle autant peut-être qu'elle aurait souhaité, mais, nous aussi, autour de la grossesse, de l'accouchement de ce que c'est la naissance, de ce que c'est notre corps, notre santé reproductive, on sent que les jeunes femmes ont peu de connaissances.

Et je soulève, quand on se substitue à la femme pour prendre des décisions qu'on pense qui sont meilleures pour elle, il y a une possibilité de glissement. On sait que, dans certains hôpitaux à Montréal, des jeunes mères qui accouchent se font injecter du Depo-Provera sans qu'elles se soient expliquées... sans qu'elles se fassent expliquer les conséquences de cette injection-là. Donc, les médecins se substituent à elles pour décider que, dans le fond, vous n'êtes pas capables de gérer votre fertilité, on va le faire pour vous. Et puis c'est des groupes d'entraide en allaitement qui nous l'apprennent, parce que la femme, finalement, elle n'est pas capable d'allaiter après.

Donc, le choix de la jeune mère aurait pu être d'allaiter, mais elle n'est pas capable parce qu'on a substitué son choix. Donc, ça m'amène dans ce glissement-là qui touche... et tout ce qui est en lien avec le planning et aussi la grossesse et l'accouchement.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée, deux minutes.

Mme Poirier: Je veux revenir sur la certification. J'avais l'impression, et à la lecture du document de l'étude, que nos centres de femmes au Québec pratiquent des avortements. Il y a une certification en tant que telle. Elles ont passé tout proche de devenir sous l'égide de la loi n° 124 et, fort heureusement, nous avons gagné la bataille; on les a finalement retirées de ça, ce qui aurait fait qu'elles auraient eu une certification. Mais elles ont une reconnaissance, elles ont une reconnaissance du ministère de la Santé en tant que tel et elles font... Ce sont des centres d'avortement, mais ce sont aussi des centres de libre choix aussi, parce que... ce n'est pas parce qu'on passe la porte qu'automatiquement il y aura un avortement et, bien au contraire, il y a plutôt une démonstration aux femmes de l'ensemble des choix qui sont devant...

Alors, comment vous voyez, entre ces centres-là qui sont reconnus par le gouvernement... Ils sont cinq, je pense, trois ou cinq?

Une voix: Trois.

Mme Poirier: Trois. Trois au Québec, Gatineau, Montréal et Québec.

Une voix: Trois-Rivières.

Mme Poirier: Trois-Rivières, Trois-Rivières au lieu de Québec. Comment vous voyez ce lien-là entre ces centres-là et ces groupes-là?

Le Président (M. Bernier): Vous avez une minute, Mme Mailloux.

Mme Mailloux (Francine): Je peux essayer, là. La certification, moi, je vois ça comme tous les services d'aide à la personne qui existent au privé, des entraîneurs privés, des... comme des causes privées, tout ça. Bon. Ils ont, eux autres, un permis de commerce, et tout. Mais la certification, ce serait comme une «batch» que tu donnes à quelqu'un pour dire: il est prochoix. Alors, ce serait simple pour les centres de santé de femmes de les obtenir en... Ça serait plus une vérification du type d'information qu'ils donnent, du message qu'ils donnent, de l'objectivité et de la possibilité qu'ils donnent aux femmes d'avoir une information qui permet de faire un choix selon les besoins ou les attentes qu'elles ont, non pas avec des valeurs cachées derrière.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Merci, Mme Parent, Mme Mailloux, Mme Fontaine, Mme Pineau, Mme Jouny. Merci de votre participation et merci de votre présentation et de vos échanges.

Avant de suspendre les travaux, je désire vous informer que ceux-ci vont reprendre à 14 heures et que nous aurons à ce moment-là les Femmes autochtones du Québec. Et il est prévu cinq groupes cet après-midi, donc je vous demanderais d'être ponctuels pour 14 heures. Je suspends les travaux jusqu'à 2 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

 

(Reprise à 14 heures)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre la commission.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait -- Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Cet après-midi, nous aurons l'occasion d'entendre dans un premier temps les Femmes autochtones du Québec; second temps, l'Alliance des femmes handicapées du Québec; la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes; Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle; et la Centrale des syndicats du Québec.

Nous allons donc débuter notre après-midi de travail en recevant les Femmes autochtones du Québec. Bienvenue, mesdames. Je vous inviterais à vous présenter et vous identifier, et vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation; par la suite suivront des échanges avec les groupes parlementaires. Merci.

Femmes autochtones
du Québec inc. (FAQ)

Mme Audette (Michèle): Merci beaucoup. Alors, à mes côtés, j'ai ma collègue de travail, Mme Émilie Grenier, qui est l'analyste politique pour Femmes autochtones du Québec, et ici Émilie Pien, de la nation anishnabe, du Lac-Simon, qui est aussi notre vice-présidente de Femmes autochtones du Québec. Je me présente: Michèle Audette.

(S'exprime dans une langue étrangère).

Comment les choses se passent.

Alors, je salue Mme la ministre, les gens du Parti québécois et les élus ici dans la salle, les membres de la commission et aussi la nation huronne-wendat de nous accueillir sur leur territoire maintenant partagé avec nous tous et nous toutes. Ça me fait plaisir de me retrouver ici après plusieurs années au sein de cette Assemblée nationale qui représente pour moi un lieu de pouvoir, de décision, de reddition de comptes, et chaque jour je crois qu'ici se fait une page pour l'histoire du Québec, entre ces murs ou à l'extérieur, quand le peuple décide de se lever, ou les femmes, pour rappeler aux élus le rôle de cette Assemblée. C'est aussi avec beaucoup d'espoir que nous vous présentons le mémoire que vous avez en main: Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait -- Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Femmes autochtones du Québec a bientôt 35 ans. Elle est jeune mais en même temps remplie de sagesse. C'est une organisation qui représente plusieurs femmes à travers le Québec, des membres de l'organisation. 11 nations sont... pardon, 10 nations sont parties prenantes. Alors, on a les Abénaquises, les Algonquines, les Attikameks, les Cries, les Malécites, les Micmaques, les Innues, les Naskapies, les Mohawks et les gens en milieu urbain. Le beau travail de Femmes autochtones du Québec au quotidien, c'est de lutter en faveur des droits à l'égalité, et des droits humains des femmes, et surtout à la famille aussi. On le fait à la fois collectivement et on le fait aussi à la fois individuellement. C'est important de faire valoir nos besoins et nos priorités en tant que membres auprès des gouvernements, auprès de la société civile et évidemment auprès de nos propres leaders autochtones. Ce qu'on veut, c'est le respect de nos droits à l'égalité et surtout la reconnaissance de nos droits à l'égalité, tant sur le plan législatif que constitutionnel.

Et, si nous avions la possibilité ici de voir au-dessus de nos têtes les bulles de pensée que les gens peuvent avoir en ce moment, sûrement certaines personnes diraient: Bien voyons! La question indienne, ça appartient au ministère des Affaires indiennes, au gouvernement fédéral. En effet, la Loi constitutionnelle de 1867 détermine au gouvernement fédéral toute l'autorité législative chez les premières nations dans les réserves. Mais il y a des failles, des fois, dans les lois, comme: l'article 88 de cette même loi-là permet à une loi provinciale d'application générale en vigueur de s'appliquer dans les communautés, comme la Loi sur la protection de la jeunesse. Même la Vérificatrice générale du Canada disait dans un de ses rapports que les enfants autochtones sont huit fois... beaucoup plus... placés, là... plus nombreux à être placés dans des familles d'accueil. Juste ici au Québec, dans ce beau territoire, plus de 1 500 enfants sont placés annuellement. Le taux de signalement est trois fois plus élevé que la population en général.

On peut se poser comme question en ce moment: Mais c'est quoi, le lien avec cette politique? Il y en a plusieurs. Les femmes autochtones vivent de la double discrimination suite à un lourd passé. Je ne peux pas passer sous silence la dépossession du territoire, l'imposition de la Loi sur les Indiens, les écoles résidentielles, la surreprésentation en milieu carcéral et la pauvreté, racisme, qui amènent souvent à un placement très élevé de nos enfants. Il y en a d'autres, mais on va accélérer pour le temps qu'on a.

Aujourd'hui, ce qu'on vous demande aussi ou ce qu'on vous dit, c'est qu'on veut reprendre notre place; notre place, pas comme le ministère des Affaires indiennes le reconnaît, comme étant des mineurs, mais on veut être d'égal à égal, nation à nation, avec vous. On veut être respecté comme un peuple autodidacte, un peuple instruit et un peuple aussi visionnaire. Et je suis convaincue qu'ensemble le peuple québécois pourrait nous aider à accélérer l'écart de revenu entre les autochtones et le reste de nos soeurs canadiennes, les Canadiens, les Québécoises, les Québécois. Sinon, ça prendrait 63 ans pour les autochtones à atteindre le même niveau de revenu que vous. C'est long. Je ne pense pas que je vais être encore vivante. Alors, c'est important -- excusez-moi, mes pages... j'ai le mémoire ici -- je vous demande de façon personnelle de ne pas être témoins ou complices de cette aberration. Au contraire, on devrait profiter ensemble de cette politique, en ce moment, pour faire des petits pas vers une égalité de droit et une égalité de fait.

Au niveau économique, les statistiques le démontrent, la double discrimination subie par les femmes autochtones a déjà conduit à une féminisation de la pauvreté. Le taux de chômage chez les femmes autochtones est près du double de celui de mes soeurs québécoises. Il va falloir beaucoup de volonté de la part des deux paliers, tant de la province que du fédéral, du milieu entrepreneurial, de la société civile pour éradiquer la pauvreté dans les communautés autochtones, évidemment, ce qui va nous permettre d'améliorer les conditions économiques et sociales. Ensemble, Femmes autochtones du Québec, avec l'aide de diverses mesures dans ce nouveau plan, on pourrait permettre aux femmes de développer dans nos programmes de la formation, des ateliers, des aptitudes de vie quotidienne, l'estime de soi, leadership, connaissance de soi et entrepreneurship. Je vous dirais que mon rêve est de voir un jour le Québec, avec Femmes autochtones du Québec et sûrement avec le fédéral aussi, mettre sur pied un fonds de micro-entreprises, un fonds pour l'entrepreneuriat chez les femmes autochtones. Je sais que ça existe chez les femmes Eeyou, elles sont conventionnées, mais il faut penser aux femmes du sud, qui ne sont pas conventionnées.

Au niveau de la santé, les femmes autochtones s'inscrivent dans un contexte très particulier façonné par des conditions socio-historiques et juridiques dont témoignent les conditions actuelles de vie et de santé. L'espérance de vie chez nous, chez les femmes autochtones, a -- une chance! -- augmenté, mais ça demeure toujours en dessous de la moyenne canadienne. Les déterminants de la santé nuisent au développement, comme les conditions économiques, le taux de pauvreté, le logement, la sous-scolarisation, etc. On est, on reste toujours les champions, comme disent souvent mes collègues à Femmes autochtones, des champions des statistiques, mais dans le sens négatif, malheureusement. Et, en effet, en plus des multiples barrières auxquelles les femmes autochtones, on est confrontées pour arriver à un niveau confortable, ceci amène beaucoup de problématiques, et aussi ça constitue des facteurs de stress individuel, familial et parfois communautaire. Alors, c'est important de maintenir -- et je vous remercie aussi -- le financement à Femmes autochtones du Québec pour le poste de coordonnatrice santé que nous avons depuis plusieurs années. Mais, avec ce poste-là aussi, il faut aller au-delà de juste les agressions sexuelles -- parce que c'est dans le cadre du plan d'action sur les agressions sexuelles -- il faudrait développer diverses mesures et activités de promotion à la santé pour les femmes autochtones. Ça serait important aussi de mettre sur pied un réseau de femmes autochtones et santé et de mener des recherches sur la santé des femmes autochtones selon leur diversité. Nous avons 11 nations au Québec. Alors, on ne parle pas tous et toutes la même langue, il y a des diversités importantes à prendre en considération.

**(14 h 10)**

Quelque chose qui me tient aussi personnellement à coeur et, au niveau de Femmes autochtones du Québec, depuis plusieurs décennies, on doit au quotidien affronter un défi de taille, qui est la violence familiale, la violence conjugale et la violence sexuelle. Je vous ai nommé un peu d'où pouvaient venir les problèmes sociaux par rapport à notre contexte historique, mais il faut aussi se rappeler que Femmes autochtones, lorsqu'elle travaille en matière de promotion à la non-violence, on doit prendre en considération les milliers de kilomètres qui peuvent séparer diverses communautés versus celles du nord, ou du sud, ou de l'est, ou de l'ouest. L'approche aussi peut être différente de nos soeurs québécoises au niveau de la promotion à la non-violence. C'est que c'est clair pour nous que c'est tolérance zéro. La violence, on ne peut pas nier que c'est un crime. Cependant, lorsqu'on parle de violence en milieu autochtone, c'est qu'il y a un mal social qui est là depuis longtemps, et c'est un résultat aussi d'un lourd passé -- la Loi sur les Indiens -- et ça, ça a été expliqué un peu plus tôt. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que, lorsqu'une femme va dénoncer -- si elle dénonce, parce que ce n'est pas toutes les femmes -- la violence dans sa communauté, elle doit quitter -- et on va judiciariser la situation -- et quitte, avec des enfants la plupart du temps, quitte son milieu familial, son emploi, parce qu'il n'y a pas de maisons d'hébergement dans toutes les communautés. Alors là, il y a un premier choc: elle se retrouve dans un environnement qui n'est pas le sien, les gens dans la maison d'hébergement ne parlent pas sa langue, ne comprennent pas sa culture, etc. Imaginez les enfants aussi qui doivent quitter l'école, se retrouvent en centre urbain. S'il y a de la place dans l'école du quartier, tant mieux, mais là un autre choc aussi pour l'enfant, qui est sûrement la marginalisation suite à sa différence, à sa couleur, sa langue, etc. Alors, on revictime encore la femme et sa famille.

Alors, ce qu'il est important de comprendre dans l'approche de Femmes autochtones du Québec, c'est que, oui, les maisons d'hébergement sont importantes, mais c'est une action parmi plusieurs choses qu'on pourrait faire, et on pense qu'il est important aussi -- vous l'avez vu dans notre mémoire -- de mettre en place des programmes et des mesures pour aider les hommes violents, les contrevenants. Pourquoi? Parce que ces femmes-là retournent dans ces communautés-là et, le lendemain ou, peu importe, après la sentence, elles recroisent au quotidien leur agresseur ou le contrevenant. Alors, il faut penser à cette dimension-là qui est très, très importante aussi. Vous allez aussi voir dans... bien, vous l'avez vu dans le mémoire, pour nous, c'est une forme de justice réparatrice ou un processus de guérison qui va amener à des interventions et à des actions proactives. Les hommes font partie de la solution, et nous avons besoin de se mobiliser collectivement autour de cette réalité-là. Ensuite, c'est important aussi d'adapter les services afin qu'ils correspondent aux besoins et aux réalités des femmes autochtones ainsi qu'à la culture et aux traditions des autochtones. Nous aimerions être en mode proaction au lieu d'être en mode réaction, donc, si c'est possible, de continuer encore les campagnes de sensibilisation que les premières nations et que Femmes autochtones du Québec ont déjà entamées à travers les divers plans d'action, qu'on puisse les maintenir pour pouvoir toujours sensibiliser la relève, notre jeunesse, et évidemment les femmes dans ces situations-là.

Ma partie préférée, mais sans oublier le reste, parce que c'est extrêmement important: sur 44 communautés au Québec -- on parle seulement des premières nations, je ne pourrais pas parler des communautés inuites -- on compte seulement cinq femmes chefs, et c'est une réalité. À certains moments, on peut en compter une, à d'autre moments pas du tout. Il y a quelques années de ça, l'assemblée des chefs avait organisé une rencontre de femmes élues. Alors, ça incluait aussi les conseillères ou les chefs qu'on appelle, là, comme à Kahnawake, les conseillères de chaque communauté, et 89 femmes étaient assises autour de cette même table. C'était à mes yeux à moi un succès, c'était une réussite, j'étais vraiment contente. Pas l'objectif de dire qu'il faut 50 % ou la parité, mais on a un sérieux déficit, là, en matière de participation de femmes, là, aux instances décisionnelles.

Pourquoi ne pas comprendre ces origines-là ensemble? Je pense qu'il y aurait lieu de faire une belle recherche, un exercice là-dessus pour essayer de comprendre comment ça se fait qu'il n'y a pas tant de femmes -- autochtones, on s'entend, parce que je sais qu'il y a des recherches chez les non-autochtones, chez les Québécoises aussi -- comment ça se fait qu'on n'est pas aussi présentes dans ces milieux-là, ce qui est à mes yeux extrêmement important. Alors, ça serait aussi dans les recommandations qu'on fasse un exercice, là, de réflexion et une recherche, là, et de proposer des actions pour inciter les femmes à se lancer en politique. Il faudrait aussi pouvoir assurer un certain pourcentage -- de façon officielle, là, si je peux me permettre, de façon officielle -- dans le programme À égalité pour décider, qu'un montant soit alloué spécifiquement aux Femmes autochtones du Québec. Et je sais que, de plus en plus, les femmes autochtones appliquent, mais on doit, dans un concours, appliquer au même titre que nos soeurs québécoises. Alors, ça serait important de se pencher là-dessus pour pouvoir allouer un financement pour les femmes autochtones.

En mon nom personnel et au nom des membres de Femmes autochtones du Québec, je vous remercie beaucoup pour votre écoute. Je vous dis: avec passion, amour et un peu moins d'énergie, parce qu'on arrive tout frais du Mexique, là, pour une rencontre interaméricaine avec les femmes, alors un peu fatiguées, mais on va continuer ce qu'on fait à chaque jour, continuer pour lutter pour avoir une meilleure justice, pour pouvoir dire tantôt tant au gouvernement du Québec, au gouvernement du fédéral, à la société civile et aussi auprès de nos leaders qu'on a besoin de vous pour poursuivre cet idéal, qui est une vraie égalité de fait, pas juste de droit, mais de fait.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Audette. Merci de votre présentation. Merci d'être ici. Donc, vous avez effectivement, comme vous l'avez mentionné, des voyages importants. Écoutez, nous allons échanger avec les parlementaires, dans un premier temps du côté ministériel, dans un second temps du côté de l'opposition officielle. Donc, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme St-Pierre: Merci. Merci, Mme Audette, merci pour cette présentation que vous faites sur un ton qui est tout à fait -- comment dirais-je? -- calmant. Alors, c'est bien présenté. Vous nous amenez sur des pistes, évidemment, puis on n'a que quelques minutes pour évidemment saisir toute l'importance de votre action.

Vous existez depuis 1974, donc vous avez un certain vécu par rapport à la situation des femmes autochtones. Et je lisais ce matin un papier fort intéressant de Pascale Navarro, dans le magazine Vita, sur la situation des femmes du Nunavik, qui vivent des situations assez similaires, et je voudrais aussi vous dire que ce qui m'a frappée dans ce papier, c'est l'implication que les femmes autochtones veulent avoir dans les prises de décision, donc s'impliquer dans les processus électifs, là, appelons ça comme ça, là, et je trouvais ça très, très stimulant de voir qu'il y a un appétit, puis je pense qu'il faut travailler là-dessus, puis il faut continuer à travailler là-dessus.

Sur la question de l'autonomie économique, quand j'ai pris des notes sur votre mémoire, j'ai écrit: «ORSEF autochtone». Bien, évidemment, vous connaissez ça, des ORSEF, le microcrédit, et tout ça. Est-ce qu'on devrait avoir un programme semblable, similaire qui pourrait être... Est-ce que le modèle est un modèle qui pourrait être réservé aussi ou s'il faudrait que ce modèle-là soit bonifié, changé? Enfin, est-ce que vous avez étudié ce modèle-là?

Le Président (M. Bernier): Mme Audette.

Mme Audette (Michèle): Merci, M. le Président. Non, nous n'avons pas utilisé ce modèle-là à Femmes autochtones du Québec, et, je vais être franche avec vous, Mme la ministre, c'est en lisant le bilan que j'ai pris connaissance qu'il se passait des belles choses chez les femmes cries. Alors, mon réflexe, ça a été d'appeler les femmes cries, puis ce n'est pas toutes les femmes cries qui étaient au courant. Alors, je n'ai pas appelé beaucoup de gens, mais, quand même, les trois personnes, il y en avait deux qui ne connaissaient même pas le projet et qui étaient contentes de le connaître. Alors, je ne pourrais pas vous dire que, oui, il faut l'adopter ou il faut le garder tel quel. Alors, mon premier réflexe serait de vous dire: Nous devons le regarder et sûrement l'adapter pour la réalité du Sud versus nos soeurs du Nord, là. Mais, en même temps, je vous dirais que, si c'est quelque chose qui est considéré par le gouvernement, je vous dirais: Vous venez de réaliser un de mes rêves, là, lorsque je me suis présentée à Femmes autochtones du Québec: un microcrédit qui n'existe pas, qui n'existe pas, et, mon Dieu, on a beaucoup de femmes, là, qui ont juste le désir de le faire. Mais je vous dirais aussi que, dans cet exercice-là, dans ce rêve-là, je devrais vous dire, c'est qu'il faut que des femmes déjà en affaires ou entrepreneures puissent devenir des mentors pour celles qui désirent le faire. Alors, il faut prendre aussi cette considération-là, là, dans ce rêve.

n(14 h 20)**

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Vous parlez aussi de développer des programmes d'alphabétisation, préparation à l'emploi et des programmes de formation, vous parlez d'ateliers. C'est encore déficient, les programmes de... Quand on parle de programmes d'alphabétisation, ça veut dire qu'il y a de l'analphabétisme. Est-ce que vous avez un pourcentage, des chiffres? Est-ce que vous êtes capables de mesurer l'ampleur de l'analphabétisme, à partir du moment où l'école est obligatoire?

Mme Audette (Michèle): Je vous dirais...

Le Président (M. Bernier): Mme Audette.

Mme Audette (Michèle): Merci. J'ai oublié le protocole.

Mme St-Pierre: Bien oui, vous êtes une ancienne sous-ministre adjointe, il faut le mentionner.

Le Président (M. Bernier): C'est pour les fins d'enregistrement, pour s'assurer que...

Mme Audette (Michèle): Oui. Justement, la sous-ministre adjointe ne parlait pas, elle était assise en arrière, alors j'ai pris le pli. C'est une discussion agréable. Excusez-moi.

Alors, je vous dirais, nous n'avons pas les statistiques, sinon on les aurait mises, là, dans le mémoire. Mais ce qu'on sait qu'il y a... C'est difficile pour les femmes de terminer leur secondaire, difficile: soit elles mettent au monde des enfants très jeunes, violence, pauvreté, etc. Alors, à partir de ce moment-là, on a été capables de dire qu'en effet il y a un besoin, parce qu'on a fait des consultations, des groupes recherche focus ou des rassemblements de femmes où c'est ce qu'elles demandaient. Elles disent: Là, on part de loin, là, nous, on part de très loin. Il y a une forte majorité qui ne maîtrisent pas bien le français ou l'anglais ou ne savent pas du tout écrire. Alors, c'est pour ça qu'on a mis ça. Mais les pourcentages exacts, je ne les ai pas.

Mme St-Pierre: Puis les incitatifs pour les études supérieures ne sont pas là?

Mme Audette (Michèle): Il y a des... Bien, il y a des incitatifs... Je pourrais vous dire: le ministère des Affaires indiennes finance en partie notre éducation. À un faible revenu, mais c'est comme une mesure, pour moi, incitative. Mais, à part de ça, dans les communautés, non, il n'y a pas de moyens pour faire de mesures incitatives. Donc, par le biais de nos campagnes de sensibilisation, tant par l'APNQL ou le CEPN, le centre d'éducation pour les premières nations, on... font beaucoup, beaucoup d'exercices ou de sensibilisation là-dessus, justement, puis il va y avoir à Odanak bientôt un centre collégial, universitaire, là, pour les premières nations. Donc, oui, il y a beaucoup d'exercices de sensibilisation qui se font, mais il ne faut pas oublier aussi une proportion importante de femmes qui ne savent pas lire ou écrire.

Mme St-Pierre: Sur les questions de violence conjugale ou d'agression sexuelle -- bon, on sait que ce sont des choses qui sont inscrites dans le Code criminel, là: voies de fait et voies de fait graves, enfin tout, là. On peut décliner, ça va jusqu'à l'homicide -- dans quelle mesure... puis je ne veux pas être mal interprétée, là, mais dans quelle mesure est-ce que les... Bon, je vais la poser directement: Est-ce que les policiers autochtones sont bien préparés à faire face à ces cas-là? Est-ce qu'il y a beaucoup de femmes qui deviennent policières? Puis comment ça se passe quand il y a une intervention dans un cas de violence conjugale, par exemple?

Le Président (M. Bernier): Mme Audette.

Mme Audette (Michèle): Merci. Alors, il y a une entente tripartite entre la province, le fédéral et les premières nations. Dans les tout débuts, lorsque cette entente-là a vu le jour, l'objectif était de faire en sorte que nos corps policiers soient formés en bonne et due forme. On parle de ça il y a une quinzaine d'années à peu près. Et, dans cette entente-là, on donnait à peu près un cinq à six ans aux premières nations de pouvoir être formées, parce que justement les gens réalisaient que, chez les hommes aussi, la plupart n'avaient pas fini leur secondaire V. Malheureusement, cet article-là est encore présent. Alors, on retrouve beaucoup dans nos communautés ce qu'ils appellent -- excusez-moi l'expression -- des surnuméraires, des gens qui ont eu quelque formation, quelques heures de formation et qui deviennent policiers surnuméraires dans la communauté, donc avec aucune formation, connaissance... comment intervenir en matière de violence conjugale ou d'agression sexuelle. Alors, ces gens-là ne savent même pas comment monter un dossier. Alors, ça a un effet jusqu'à ce qu'on amène le dossier à la cour parce que le dossier a mal été rempli. Alors, de plus en plus, on retrouve des communautés qui vont forcer la donne pour qu'on ait des policiers formés à Nicolet -- dans leur expression, là, les «full-fledged». Ce n'est pas très joli, mais c'est ce qu'on nous dit à Femmes autochtones -- et de plus en plus de femmes vont aussi suivre ces formations-là, et elles sont très encouragées, là, par nous. Pourquoi? Parce que c'est les seules qui peuvent intervenir lors d'une situation de violence familiale.

Alors, pour ce qui est de la violence telle quelle, depuis plusieurs années, Femmes autochtones, avec notre coordonnatrice justice et notre coordonnatrice promotion à la non-violence, qui est aussi financée par le gouvernement du Québec, a permis d'offrir de la formation aux policiers autochtones, tant aux femmes et aux hommes, mais c'est majoritairement des hommes. C'est quelques heures. Il faudrait que ça soit plus intégré, là...

Mme St-Pierre: Il faudrait plus...

Mme Audette (Michèle): Oui.

Mme St-Pierre: Il y a un besoin de ce côté-là. O.K.

Mme Audette (Michèle): Oui.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Vous parlez aussi de mener des recherches sur le phénomène de la traite des femmes autochtones au Québec en misant sur les différents types d'exploitation sexuelle. Vous êtes sans doute au courant que... la dernière rencontre fédérale-provinciale des ministres de la Condition féminine, il a été question de ce dossier-là. On a eu une rencontre téléphonique encore la semaine dernière. Ça préoccupe beaucoup, beaucoup des ministres de la Condition féminine de provinces où il y a de plus grandes concentrations, là, d'autochtones. Au Québec, on dirait, quand je pose des questions, qu'on n'est pas capables de cerner vraiment cette question-là.

Mme Audette (Michèle): Justement...

Mme St-Pierre: Est-ce que vous avez des choses à nous dire là-dessus?

Le Président (M. Bernier): Allez-y, Mme Audette, allez-y.

Mme Audette (Michèle): Merci. Je suis trop excitée, excusez-moi, je suis contente de vous parler. Alors, oui, on va avoir des choses. On dit «On va avoir», parce que notre coordonnatrice jeunesse, justement, est en train d'organiser une collecte d'informations sur la traite des femmes, et très vite on a réalisé que les femmes ne savaient même pas qu'elles vivaient de la traite d'exploitation sexuelle, etc., ne savaient même pas quelle était la définition. Donc, on retourne en arrière, et là on va... Une grosse campagne.

Mme St-Pierre: Alors, vous allez nous l'expliquer, parce qu'on n'arrive pas, on dirait, à cerner comment ça se produit, comment ça se passe, comment vous le détectez. Quand vous dites: Elles ne savent même pas qu'elles vivent la traite, comment ça se détecte, de la traite, par rapport à de l'exploitation sexuelle, par rapport à de la prostitution? Est-ce que c'est la même chose ou si ça a un label différent?

Mme Audette (Michèle): Bien, pour Femmes autochtones, l'exercice, je vous dirais, c'est plus gros, c'est... On ne pourrait pas vous dire: Oui, c'est juste les travailleuses du sexe qui subissent ça ou... Je vais vous donner un exemple qui n'est même pas discuté encore, pourtant ça nous préoccupe: beaucoup de gens... d'hommes, des hommes d'autres pays désirant avoir une citoyenneté canadienne, vont aller sur le Facebook, ou le MSN, ou peu importe, chez les femmes autochtones au Québec, énormément, énormément, sachant qu'elles sont vulnérables, que l'estime de soi n'existe pratiquement plus, etc., et vont la mettre sur un piédestal comme étant une déesse, se marient, et elle est trois ans responsable de cette personne-là, et lui disparaît. Alors, ça, c'est une réalité dans la traite des femmes, dans l'exercice de Femmes autochtones du Québec, que, nous, on va intégrer pour sensibiliser les femmes qui se marient vite, vite parce que son amoureux doit partir, mais lui avait une autre intention derrière tout ça. Donc, on veut renseigner les femmes sur les droits. Ça, c'est un exemple concret, là, au niveau de comment, nous, on...

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Bien, moi, je pense que je vais -- on aurait beaucoup de questions, je pense, à poser -- laisser mes collègues en poser, parce que...

M. Lehouillier: Oui.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier pour la qualité de votre mémoire, je trouve qu'il a des bons moyens, des belles propositions. Mais, justement par rapport à vos propositions, puis je prendrais l'exemple de conciliation travail-famille, on sait, par exemple, que, tu sais, au Québec, il y a eu des avancées assez exceptionnelles dans les dernières années: conciliation travail-famille, les garderies à 7 $, l'assurance parentale, bon, les allocations familiales, etc. Alors, ce sont des mesures qui existent pour l'ensemble du Québec. Et là vous dites: Il faudrait mettre sur pied des programmes de conciliation travail-famille pour les femmes autochtones en communauté, mais aussi en milieu urbain. Donc, déjà, dans le milieu urbain, rejoindre les femmes autochtones, ça ne doit pas être facile, j'imagine. En tout cas, je pose la question. En même temps, qu'est-ce que ça veut dire de plus, tu sais, par rapport à ces programmes-là, puis qui devrait les mettre sur pied? Alors, est-ce que je me trompe quand je dis que, dans votre dynamique, vous dites: Bon, bien, les programmes qui sont mis sur pied au Québec répondent peut-être aux besoins de l'ensemble des Québécois, mais, nous, au niveau autochtone, ce n'est pas sûr que ça répond à nos besoins?. Grosso modo, c'est la perception que j'ai.

Alors, par rapport à conciliation travail-famille, aux mesures qui existent déjà, qu'est-ce que, vous, vous proposez comme programme qui n'est pas déjà dans conciliation travail-famille, là, ce qui existe déjà? Voyez-vous un peu ma question?

Mme Audette (Michèle): Oui.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Audette.

M. Lehouillier: O.K.

Mme Audette (Michèle): Un exemple très, très concret...

M. Lehouillier: Oui.

**(14 h 30)**

Mme Audette (Michèle): ...que je pourrais vous donner: le Centre de formation et de main d'oeuvre de Wendake, le CDFM, un très, très beau centre, je pense qu'il est unique au Québec. Il y aurait lieu de mettre en place un petit CPE, ou une petite garderie, ou une halte-garderie, parce qu'il y a tellement, mais tellement de femmes innues, attikameks, anishnabe et wendat qui vont suivre une formation là dans une cohorte bien précise, travail social, infirmière, etc., et le taux de réussite est assez intéressant.

Et j'ai posé la question à la direction, à Mme Vincent: Qu'est-ce qui fait que les femmes abandonnent? Et c'était une question de garde des enfants. Alors, elles devaient quitter parce qu'elles n'avaient pas trouvé de garderie dans la région de Québec. Vous le savez, c'est rempli, là, pendant plusieurs années. Puis ça, ce serait un exemple concret. Alors, de voir, dans les communautés où il y a des centres de formation, où il y a des écoles ou des écoles secondaires, peut-être les appuyer, pas la totalité mais être partenaires, là, pour mettre en place ce genre de programme là.

Pour ce qui est des femmes en milieu urbain, il y a une forte proportion de femmes en milieu urbain à Montréal, à Québec et à Val d'Or. Alors, déjà là, il y a des centres d'amitié existants qui pourraient peut-être... ou des centres de formation aussi qui pourraient s'associer avec une communauté autochtone ou plusieurs, peu importe, il y a déjà des partenariats qui se font. Alors, c'est ce genre d'appui là, là, pour les mamans, les femmes. Mais, si tu veux... M. le Président?

Le Président (M. Bernier): ...Mme Grenier, je vous donne un 15 secondes.

Mme Grenier (Émilie): Oui, oui. Non, c'est juste aussi pour les femmes monoparentales. Il y a vraiment un besoin en milieu urbain qui est différent aussi, puis dans les communautés, parce que ces femmes-là, elles ont la responsabilité totale... Puis, nous, on avait fait des recherches, il y a un projet qu'on a... que FAQ a, depuis cette année, parti, mais c'est des choses comme ça qu'ils ont découvert: les femmes monoparentales ont besoin de services vraiment particuliers qui ne sont pas les mêmes pour les femmes monoparentales qui sont non autochtones; il y a comme une différence.

Le Président (M. Bernier): Merci. Nous allons passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Mme Audette, mesdames, bonjour. Heureuse de vous rencontrer et de vous saluer.

Moi, je voudrais peut-être même... un peu dans le sens de ce que le député de Lévis vous posait comme question. Quand vous dites dès le départ, dans votre mémoire, que les problématiques qu'en 2004 vous aviez déjà identifiées sont encore d'actualité aujourd'hui, mais vous ajoutez: «...demeurent [...] très peu reflétées au sein de la politique gouvernementale reformulée en 2006 sous le titre Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait ainsi qu'au sein du premier plan d'action couvrant la période 2007-2010»...

En fait, ce que je voudrais savoir, c'est: Est-ce que vous voudriez, à l'intérieur du plan d'action général et global, un plan d'action particulier pour chacun des enjeux, disons, qui sont soumis, là, à notre discussion d'aujourd'hui ou est-ce que vous voulez des mesures dans... Comment vous voyez ça? Un plan d'action vraiment plus centré sur les besoins des femmes autochtones à l'intérieur d'un plan plus général pour chacune des choses? Parce que je vois bien, là, ce que vous nous dites tout au long, pour les besoins, disons, concernant les besoins particuliers des femmes autochtones.

Le Président (M. Bernier): Mme Audette.

Mme Audette (Michèle): Merci, Mme la députée. Ce qui est important, je l'ai épluché de deux façons, le plan d'action: le bilan et la politique. Et, dans le plan 2006 d'action, je ne voyais pas, mesure pour femmes québécoises, la même mesure pour les femmes autochtones; je le voyais de façon plus... différemment. Puis l'exercice qu'on a eu aussi entre femmes, c'est qu'il est important, cette fois-ci, peut-être de prendre exemple sur le plan d'action en matière de violence faite aux femmes où, là, il y a un volet vraiment pour les femmes autochtones.

Et pourquoi? Je vous dirais, ma plus grande recommandation dans ce nouvel exercice là, c'est de vraiment faire en sorte qu'on nous enlève des groupes vulnérables. C'est comme si, pour être politiquement correct, j'imagine, femmes handicapées, femmes lesbiennes et femmes autochtones, femmes minorités visibles... Ce n'est pas ça qu'on demande. On demande d'être reconnues comme étant un groupe qui est «femmes autochtones», et, dans certains endroits, il y aurait lieu de travailler ensemble pour atteindre l'égalité.

Alors, moi, je me dis, ce n'est pas dans chaque mesure, mais de prendre l'exemple sur le plan d'action en violence conjugale. Donc ensemble pour ce qui est de... pour atteindre, je ne sais pas, pour l'instant... pour les femmes en politique, bien qu'on puisse travailler ensemble, que Femmes autochtones puissent développer des choses pour que les femmes puissent avoir confiance en elles. Vous avez passé par là, mesdames, on vous admire pour ça, mais maintenant comment, nous, on peut le faire? Et ainsi de suite dans ce qu'on vous présente.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est ça. Comme vous dites...

Le Président (M. Bernier): Allez-y, Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, merci, merci, M. le Président. Ça existe déjà, donc, pour un des volets, et vous voudriez que ça soit étendu, donc, aux autres volets mais en fonction de cet exemple-là dont la ministre a parlé tout à l'heure et dont vous avez aussi parlé. Et ça, pour vous, ça serait l'idéal, donc, avec, j'imagine, des financements adéquats pour chacune de ces mesures-là.

Parce que je voyais dans le bilan, effectivement, qu'il y avait un... ce partenariat -- c'est de ça dont vous parlez, j'imagine -- afin de produire, par exemple, et de diffuser auprès des différentes communautés autochtones un DVD portant sur la problématique des agressions sexuelles. C'est des questions comme celles-là que vous souhaiteriez, donc, qu'elles soient beaucoup élargies puis que vous trouviez votre compte. Parce que, là, vous, vous ne trouvez pas que, dans la politique qui vient de se terminer, là, il y avait suffisamment d'attention portée et de volets portés spécifiquement aux femmes autochtones, bon.

Mais je pense que c'est certainement en tout cas intéressant de vous entendre à cet égard et que vous nous dites, finalement: On ne veut pas être dans les... un groupe de...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est ça, oui. Ah oui! Oui. Bon, bien, très bien, M. le Président, merci, je vais laisser la parole à mes collègues.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Audette, bonjour, mesdames. Écoutez, il y a un point de votre présentation qui m'a frappé tout à l'heure, lorsque vous avez mentionné que, malheureusement, vous étiez les championnes des statistiques -- négativement parlant, cependant -- et que, bon, effectivement, là, les femmes autochtones étaient prises avec des problématiques beaucoup plus particulières, mais des problématiques qui semblent être à tous les niveaux. Je vous entendais parler de pauvreté, de chômage, de problèmes de rémunération, de violence, de mal social.

Ça a l'air d'être effectivement un problème qui est très large, et, moi, je voulais vous poser une question: Par où commencer? Selon vous, est-ce qu'il y a un message ou une priorité dans lequel on pourrait entamer, dans un prochain plan d'action, des solutions pour corriger certaines problématiques? Parce que, devant l'ensemble des faits que vous nous énoncez, j'avoue que je suis un peu... je ne sais pas par quel bout prendre la bête, là. Ça a l'air d'être assez difficile. Donc, j'aurais besoin de vos lumières pour éclairer ma lanterne.

Le Président (M. Bernier): Mme Audette.

Mme Audette (Michèle): Merci beaucoup. La lutte à la pauvreté, l'éducation... C'est vraiment, je vous dirais... Nous avons eu la même question de la part du ministre Corbeil ce matin. Et c'est vraiment, là, je vous dirais, la lutte à la pauvreté. La pauvreté amène tellement, tellement de problèmes sociaux qui... est la même chose pour les gens du Québec, là. Ce n'est pas juste chez les autochtones.

Et l'éducation, c'est très, très important. Puis je vous dirais... qui ne fait pas partie de cette politique-là, mais l'identité. Je sais, moi, que le peuple québécois... parce que je suis moitié québécoise: j'ai le plus beau papa québécois, moi, et fier de l'être aussi, il est très, très fier. L'identité est extrêmement importante, et nous avons perdu cette identité-là, pour la plupart d'entre nous, dans les communautés. Mais ceux et celles qui sont autodidactes, éduqués ou visionnaires et qui sauvent des vies au quotidien nous aident à retrouver cette identité-là.

Alors, moi, ça serait les trois que, je vous dirais, là, sur lesquels on doit se pencher.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Traversy: Bien, écoutez, je trouve ça très intéressant. Puis, donc, vous parlez, au niveau de l'éducation, beaucoup de prévention, j'imagine. C'est des investissements. Et le rôle de Femmes autochtones dans cette démarche, comment le voyez-vous?

Le Président (M. Bernier): Mme Audette.

Mme Audette (Michèle): Je suis rendue bonne, hein?

Le Président (M. Bernier): Vous êtes excellente.

**(14 h 40)**

Mme Audette (Michèle): Comment je la vois? Je la vois par la mobilisation, par l'éducation populaire, par la sensibilisation et par ce genre d'exercice là qu'on fait aujourd'hui. Et je vous dirais que les femmes, c'est tellement beau de les voir quand on les sort, quand elles sortent des communautés, pour la plupart isolées ou semi-isolées, et elles repartent avec un sourire au visage, disant: J'ai un bagage de plus, ou j'ai un cahier de plus dans mon sac d'école, ou peu importe. C'est par la mobilisation, parce qu'on n'est pas ancrées dans toutes les communautés, on n'est pas un conseil de bande, alors, de là l'importance de faire beaucoup de séminaires, de colloques, de mobilisations, et ça crée des petits bébés dans les communautés. Moi, j'y crois. C'est donner la parole aux femmes.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Audette. Bonjour, mesdames.

Moi, j'ai été très, très sensibilisée et surtout très, très alarmée lorsque j'ai vu le documentaire Avenue Zéro, qui était en particulier sur la situation des femmes autochtones, la traite, plus en Colombie-Britannique, mais on abordait le Québec en tant que tel. Le dossier des femmes disparues, en tant que tel, qu'on a vu ressurgir encore dans les médias et pour lequel on n'a aucune issue, il n'y a pas de solution, on ne voit pas de solution.

Moi, j'aimerais ça... Femmes autochtones, est-ce qu'elles en voient, des solutions? Et, dans un plan d'action justement pour l'égalité, quelles solutions pourraient... Vous proposez de mener une recherche, là, moi, je suis tout à fait d'accord. Il y a eu un comité interministériel qui s'est penché là-dessus dans les dernières années, avec le ministère de la Justice, et ils ont conclu qu'il n'y en avait pas, de traite. Je ne suis pas convaincue. Vous le vivez, vous nous avez expliqué un des volets de la traite. Ce qu'on a vu dans le documentaire était l'autre volet, qui était plus le volet qui menait vers la prostitution. C'est quelque chose qui existe au Québec.

Pouvez-vous nous dire: Est-ce qu'il y a des solutions? Comment vous les voyez, ces solutions-là, et comment on pourrait contribuer à ces solutions-là?

Le Président (M. Bernier): Mme Audette.

Mme Audette (Michèle): Alors, comme je disais à votre collègue, la pauvreté, hein? Nos femmes, nos mères, nos soeurs, nos filles, si elles se rendent vers la prostitution, ce n'est pas parce qu'un matin elles se sont levées puis elles ont dit: Bien, moi, je suis travailleuse du sexe, et ça me tente de le faire. Il y a plusieurs aspects qui font qu'on arrive à ça, c'est un résultat, puis la pauvreté fait partie de ça.

Je vous dirais aussi plus vers le côté justice -- où on voit, nous, de l'injustice -- c'est que les femmes qui sont disparues ou assassinées... sans vraiment avoir fait la lumière, là, sur pourquoi, qui et comment ça a été fait. Il y a beaucoup de sensibilisation qui doit se faire, et ce n'est pas juste Femmes autochtones qui doit tenir ce flambeau-là. L'Assemblée des chefs, d'autres organismes autochtones doivent s'asseoir et faire de la sensibilisation auprès des futurs policiers sur la question autochtone. Parce que, on le sait, on vit de part et d'autre aussi de... On se nourrit de racisme, de discrimination ou de préjugés, hein? Les médias aussi, ce qu'ils véhiculent sur nous. Ou comment, nous, on vous perçoit, etc. Alors, il y aurait un bel exercice à faire.

Puis, au Québec, il y a des femmes qui sont disparues, des jeunes femmes anishnabes, algonquines de la nation de mon amie ici, et on ne sent pas que les enquêtes ont été faites en bonne et due forme. Mais là, il faut prouver que c'est une double discrimination, il faut prouver, etc. On n'a pas les moyens. Donc, une vraie enquête serait comme ça a été demandé par femmes autochtones du Canada sur les raisons, là, de cette double discrimination envers les femmes disparues et assassinées.

Mais je vous dirais aussi qu'avec le temps, si, à l'école, quand je parlais d'éducation, nos belles écoles, là, québécoises, la vraie histoire des autochtones était véhiculée -- la vraie histoire, pas celle où on a tué, où on a scalpé, là, mais celle où on a contribué au peuple québécois, là -- je suis sûre qu'on sortirait un peuple de l'ignorance. Je parle tant des premières nations que des gens... que ce qu'on apprend à l'école, on ferait des avancées incroyables, là, à plusieurs niveaux.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée, deux minutes, oui? Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, merci, M. le Président. Dites-moi justement, ça fait longtemps que je n'ai pas lu les livres d'école, là, et est-ce que -- parce que vous dites ça, là, vous m'étonnez, vous me surprenez -- encore aujourd'hui... D'abord, on étudie si peu l'histoire en général, première des choses, mais, là où on l'étudie, quand même, au primaire et au secondaire, êtes-vous en train de me dire qu'il y a encore une narration qui donne ce stéréotype de l'image finalement des autochtones et que ça n'a pas été corrigé au fil du temps, du temps où, moi, j'étais à l'école?

Le Président (M. Bernier): Mme Grenier, informez-nous, donnez-nous l'histoire.

Mme Grenier (Émilie): Oui, bien, il faut croire. Tu sais, c'est ça.

Mme Audette (Michèle): Elle est plus jeune que moi.

Mme Grenier (Émilie): Non, mais c'est ça. Pour avoir été récemment... avoir fini mes études récemment... Non, moi, l'histoire que j'ai apprise, c'est... En commençant chez Femmes autochtones, j'ai lu le travail de la Commission des droits de la personne du Québec qui était Mythes et réalités... par Pierre Lepage. Mais c'est là que j'ai appris l'histoire, parce que ce qu'on nous enseigne à l'école et même, tu sais, les enfants que je connais qui vont à l'école en ce moment, c'est l'histoire de la première rencontre, le sirop d'érable, les raquettes, et tout ça, les Iroquoiens, bon, les nomades, et tout ça. Puis ensuite, il y a 1990, la crise d'Oka.

Mais tout ce qui se passe entre les deux, il y a comme... il n'y a aucune histoire. L'histoire de la colonisation, l'histoire de ce qui s'est passé pour les peuples autochtones, il n'y a rien qui est enseigné dans les cours obligatoires. Si on veut, on peut aller chercher l'information dans des cours. Je sais que, bon, à l'UQAM, il y a des cours sur l'histoire autochtone qui se font puis il y a des gens qui les suivent. Mais, processus obligatoire au primaire puis au secondaire? Non, il n'y a pas de... Non.

Mais je sais qu'avec la réforme il y a des cours qui deviennent de plus en plus... On a eu déjà des demandes pour justement aider à sensibiliser dans les classes, et tout ça. On a donné des conférences, mais on n'a pas les moyens, en tant que petit organisme, de faire cet exercice-là. Mais ça serait intéressant que des cours soient obligatoires au primaire pour l'histoire des autochtones mais l'histoire de la colonisation, là, pas juste les raquettes, etc.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Donc, Mme Audette, Mme Grenier, Mme Pien, merci de votre participation fort intéressante. Donc, au plaisir.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre à l'Alliance des femmes handicapées du Québec de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 47)

 

(Reprise à 14 h 50)

Le Président (M. Bernier): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous poursuivons avec l'Alliance des femmes handicapées du Québec, représentée par Mme Wassyla Hadjabi.

Bienvenue, madame. Nous sommes heureux de vous recevoir cet après-midi. Vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et, par la suite, échanger avec les parlementaires. Allez-y.

Alliance des femmes handicapées
du Québec (AFHQ) et Action des
femmes handicapées Montréal (AFHM)

Mme Hadjabi (Wassyla): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, comme M. le Président m'a présentée, donc, je suis Wassyla Hadjabi, présidente et fondatrice de l'Alliance des femmes handicapées du Québec et ex-présidente d'Action des femmes handicapées Montréal, qui coprésente avec nous ce mémoire.

D'abord, nous souhaitons remercier les membres de la commission de nous offrir cette occasion de parler de notre réalité, parce qu'il est important de savoir que nous ne sommes pas dissociées de l'ensemble des mouvements des femmes concernant, donc, la discrimination basée sur le sexe. Mais à cela s'ajoute celle basée sur le handicap. Et, bien sûr, si d'autres discriminations se rajoutent, on assiste là à une discrimination qui est très complexe et qui peut être, dans certains cas, perverse. J'en suis un des exemples, par exemple: je suis une femme handicapée, oui, mais je suis aussi une femme des communautés culturelles, donc c'est un exemple concret de l'intersectionnalité.

Alors, la lutte des femmes handicapées est complexe puisque nous sommes engagées dans plusieurs luttes émancipatrices et antidiscriminatoires en même temps, mais sans toutefois faire en sorte qu'une écrase l'autre ou se subordonne. Donc, tout dépend du contexte dans lequel on se trouve. Mais c'est sûr que la question du handicap, quelque part, transcende, parce que, dans toutes les cultures, les civilisations, le handicap est vécu comme un fardeau, comme une anormalité.

En ce sens, donc, j'aimerais apporter un commentaire sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes, en 2005, où Action des femmes handicapées Montréal avait déposé un mémoire et présenté, à savoir, l'omission d'élargir le concept de l'égalité, car, pour nous, il était comme partiel, il devait être élargi dans la mesure où il devait inclure les différentes situations que pouvaient vivre les femmes en général, donc l'intersectionnalité des différentes réalités.

Donc, on aimerait que ce concept d'égalité... et d'inclusion -- puisque, pour nous, les femmes handicapées, c'est «égalité et inclusion» -- se comprenne à la base, donc, des réalités. Il faut analyser ces réalités, il faut étudier tout ce que nous vivons pour comprendre ce que nous vivons comme discrimination systématique et systémique.

J'aimerais aussi rajouter quelque chose. Le ministère de la Condition féminine est dépendant, bien sûr, de sa structure d'accueil. Et des changements continuels au gré de ses remaniements font en sorte qu'il est pas mal, pour nous, déstabilisé, parce qu'il est quelque part, comme une tutelle. Alors, on aimerait bien que le ministère de la Condition féminine soit indépendant.

Je pense que les femmes, au Québec, constituent la majorité, au moins la moitié mais au moins un peu plus que la moitié... Donc, ça serait très important pour le Québec de se prévaloir d'un ministère de la Condition féminine. Je pense que c'est important, parce qu'en étant indépendant il pourra vraiment se dédier, bien sûr avec le financement adéquat, et abolir vraiment les discriminations.

Les différences existent donc entre les femmes et les hommes mais aussi entre les femmes, bon, parce qu'il y en a certaines qui, peut-être, ont atteint un semblant d'égalité... Même que nous ne sommes pas tout à fait en accord du fait qu'on ait atteint l'égalité: nous ne l'avons pas encore atteinte. Moi, je trouverais qu'on l'aurait atteinte quand on aurait autour de nous pas seulement des hommes mais aussi des têtes de femmes. Excusez-moi, c'est au niveau politique... Mais, pour les femmes handicapées, je ne l'aborderai pas, parce que nous sommes très loin d'atteindre ce niveau. À part que, moi, si ça me prend, que je me jette dans le... comme je suis là, toute seule, encore une fois. Donc, je voulais apporter ça, c'était important pour que toute la réalité des femmes soit vraiment étoffée comme il se doit et, bien sûr, le financement qui va avec.

Alors, une brève présentation de l'Alliance des femmes handicapées et d'Action des femmes handicapées Montréal. Donc, ce sont deux organisations autonomes à but non lucratif qui ont été mises en place par et pour les femmes handicapées, qui travaillent dans un cadre d'analyse féministe intersectionnel à améliorer les conditions de vie des femmes et leurs familles, à développer des projets et favoriser des initiatives, qu'elles soient communautaires, individuelles ou autre, alors, tout ça pour encourager l'autonomie, le développement personnel et l'«empowerment» pour les femmes handicapées à travers le Québec.

Alors, concrètement, nous avons des objectifs d'identifier les besoins des femmes dans toutes les sphères d'activité, de promouvoir la reconnaissance et la spécificité... et de mettre en place les conditions propices à la participation citoyenne, de travailler à l'élimination de toutes les formes de violence et de discrimination, de marginalisation et d'exclusion à notre égard.

Je passerai les autres choses, mais, disons, les plus importantes, ce seraient celles-là. Donc, vous comprendrez qu'étant donné l'omission historique et systémique de nos réalités de femmes handicapées, nous n'avons d'autres choix que celui de nous faire connaître nous-mêmes.

Alors, en effet, ce qu'on constate, c'est qu'il y a très peu d'études sur les conditions de vie des femmes handicapées. Ce n'est qu'en 1992, par exemple, que l'Office des personnes handicapées a commencé à ventiler les statistiques selon le genre, suite à des recommandations très poussées d'Action des femmes handicapées Montréal. Ensuite, c'est suivi, en 1997, de trois documents portant sur le sujet de la femme et du handicap, mais il reste que c'est quand même très, très rare. Dernièrement, une obligation par la loi... l'exercice des personnes handicapées, il y a eu l'étude sur... Une évaluation sur les maisons d'hébergement, donc les services pour les femmes victimes de violence conjugale, donc a été déposée en 2009, à la fin... pardon, à la fin de 2010.

Donc, si je passe à la situation économique, puisque ce sont les éléments que vous abordez dans le document de consultation, donc, les femmes handicapées vivant en ménages privés: donc, cela constitue uniquement les gens qui sont dans des maisons et non pas les femmes qui sont dans des institutions. Donc on ne les compte pas. C'est juste pour vous dire que la proportion de femmes ou de personnes handicapées en général est sous-estimée, étant donné qu'on ne compte dans les statistiques que ceux qui sont dans des maisons.

Donc, actuellement on est 16,3 % en général, les femmes handicapées, dans la population du Québec, et 54 % dans la population des personnes handicapées. Donc, on est plus nombreuses encore dans la population des personnes handicapées. Donc, la moitié de ces femmes handicapées vivent une situation de dépendance dans la réalisation des activités quotidiennes et domestiques, soit personnelles, tâches ménagères, etc., en comparaison de 30 % des hommes handicapés.

Alors, les statistiques, donc Statistique Canada, celles de l'enquête québécoise sur les limitations d'activités et la compilation de l'Office des personnes handicapées, montrent que nous sommes, comme femmes handicapées, confrontées à une double discrimination, c'est vraiment très parlant. Le revenu moyen des femmes handicapées correspond à 70 % de celui des femmes sans handicap. Déjà que les femmes sans handicap, c'est 70 % de celui des hommes, alors imaginez où on est, nous. Et, par rapport aussi aux hommes handicapés, c'est 76 %. Donc, les hommes handicapés gagnent un peu plus que les femmes.

Donc, cette réalité, elle est claire. La proportion de femmes handicapées qui vivent sous le seuil de faibles revenus est de 41 % dans l'ensemble du Québec, et, encore, ici les Québécoises handicapées sont en proportion plus nombreuse que les hommes à vivre sous le seuil de faibles revenus. Donc, 64 % des femmes handicapées sont absentes du marché du travail, comparativement à 43 % des hommes et 30,4 % des femmes sans handicap.

Selon le plan 2006, donc, le taux de chômage démontre clairement l'intégration très, très difficile des femmes handicapées. Donc, elles ont un taux de chômage égal à 17,6 %; les hommes handicapés, 11,6 %; et les femmes sans handicap, 5,6 %. Les femmes handicapées ont moins accès aux études supérieures que les femmes sans handicap, 6 % contre 16 %. Les femmes handicapées ont moins de possibilités d'occuper un emploi, donc les chances d'occuper un emploi sont plus élevées pour les hommes non handicapés, 80,1 %; les femmes non handicapées, 71,5 %; les hommes handicapés, 63,4 %; et les femmes handicapées, 50,3 %.

La pauvreté dans laquelle vivent la majorité des femmes handicapées s'explique par le fait qu'elles ne peuvent pas travailler à temps plein en général, qu'elles n'occupent pas des emplois hautement payés, mais surtout qu'elles ne trouvent pas de lieux de travail qui accommodent leurs handicaps. Les emplois qu'elles occupent sont assez précaires dans la mesure où il n'y a pas de services de syndicat, donc il n'y a pas de pouvoir de négociation pour améliorer les conditions de travail.

Donc, en plus de ces phénomènes, nous subissons également un appauvrissement relié à un handicap dans la mesure où nous avons des dépenses additionnelles qui sont liées donc au handicap et qui ne sont malheureusement pas remboursées. Une statistique: en fait, dans la région de Montréal, 40 % des personnes handicapées ont eu des dépenses occasionnées par... donc reliées au handicap, et 15 % seulement d'entre elles ont été remboursées par un régime privé d'assurance ou par un programme gouvernemental. C'est juste pour vous dire que les assurances ne veulent pas nous assurer parce qu'on n'est pas payants pour eux, donc... Et le gouvernement évidemment, les mesures, c'est en général des mesures comme la SAAQ, qui remboursent ces choses-là mais pas les autres. En général, ils sont sur le bien-être social, donc il n'y a pas de régime concurrent à ce niveau-là.

**(15 heures)**

Donc, ce qui est le cas pour les individus, c'est aussi... ça s'applique aussi pour nos organismes. Donc, si je parle d'Action des femmes handicapées Montréal, qui existe depuis 25 ans, nous avons... nous sommes financées par le SACAIS actuellement, et ce n'est que récemment qu'on a atteint 47 000 $ de financement annuel. Donc, l'Alliance des femmes handicapées n'est pas financée. Donc, d'ailleurs, c'est pourquoi le mémoire a été déposé un peu en retard et pas aussi beau à ma... à la mesure de ce que... ce qu'on voulait faire vraiment, parce que c'est du bénévolat. Et nous... je travaille personnellement aussi.

Donc, je passerai en gros à la violence faite à l'égard des femmes. Donc, les femmes handicapées, en plus de subir les mêmes formes de violence et d'agression que les femmes non handicapées -- bien sûr la sexuelle, physique, verbale, psychologique -- elles subissent d'autres formes reliées au handicap, comme par exemple quand l'agresseur nous enlève nos aides techniques pour nous rendre complètement vulnérables, isolées, totalement à sa merci. Donc, c'est ce qu'on appelle donc la maltraitance et une autre forme de violence aussi, la négligence. On est plus à risque, donc en contexte conjugal d'être donc victimes de violence, donc 50 % à 90 %, ça, ça a été démontré par l'étude que vous avez entre les mains, Mme la ministre.

On vit aussi de plus longues périodes d'abus. Et cet abus, cette violence, on le lie très étroitement à la pauvreté parce que, quand on est pauvre, on est dépendant économiquement. Donc, on n'a pas pour payer nos services, on n'a pas pour payer le personnel pour qu'on soit autonome, on ne peut pas se permettre d'avoir le choix, de choisir les personnes finalement qui peuvent faire le travail pour nous. Et la violence qui peut être engendrée à la suite de cette dépendance économique peut faire apparaître d'autres types de handicaps comme, par exemple, la santé mentale, souvent, et, bien sûr aussi, il y a des coûts, et tout, donc des sévices, une aggravation de handicap, ça dépend du type de handicap, mais une aggravation du handicap s'il n'est pas grave, moteur ou autre.

Donc, nous sommes donc exposées à plus de... une plus forte vulnérabilité. Nous, nous n'avons pas de problème à dire le mot «vulnérable» mais, en même temps, on veut... identifiées comme «femmes handicapées», comme un groupe cible et non pas dans une liste d'épicerie. Donc, c'est important de maintenant nommer et, comment dire, décadrer -- ou je ne sais pas comment dire le mot -- pour vraiment sortir les choses et non pas être dans une liste d'épicerie tout le temps, tout le temps. Il faut s'attaquer aux vrais problèmes, comme on dit.

Donc, je disais donc, une forte vulnérabilité causée par des discriminations systémiques, des inégalités structurelles, le manque de ressources ainsi que les perceptions sociales. Nous sommes vues comme des fardeaux pour la société. Comme femmes, on ne correspond pas nécessairement au modèle de la beauté. Même si, évidemment, donc, comme groupe de femmes, on déplore l'exploitation de ce qu'on voit actuellement sur les jeunes filles, l'utilisation de la femme dans toutes les publicités sexistes, nous sommes en désaccord complet avec évidemment ces publicités et compagnies, donc on est vraiment en accord avec le milieu des femmes, avec leurs revendications, mais il reste que nous sommes dans une absence d'image, quelque part, nous, puisqu'on n'est pas à l'image de ce qu'on veut qu'on soit, donc on ne nous montre pas.

Donc, cette perception, donc, négative, il faut qu'on... quand on est dans un milieu institutionnel, par exemple, pour, comme je disais, les personnes qui sont en institution donc, ça va nous mettre plus à risque puisqu'on est comme déjà dévalorisées, ce n'est pas grave, il n'y a pas de système juridique. Il faut mettre en perspective des plans pour vraiment que les gens qui font des actions de maltraitance ou de négligence soient vraiment punis comme il se doit. Ils doivent être des exemples pour qu'on arrête tout ça.

Bon, je parlais aussi de la violence économique. Je vais la... en fait, expliquer pourquoi, parce que c'est une forme de violence indirecte qui est créée et maintenue par... Par exemple, on demande, par exemple, de l'argent pour qu'on nous donne les services à domicile. Actuellement, on a un gros problème pour les services à domicile. Donc, nous, ce sont des préalables à notre participation citoyenne. Si, par exemple, la personne, elle est handicapée, elle a besoin de se lever, pour se lever, elle a besoin d'une préposée ou d'un préposé pour...

Une voix: ...secondes, madame...

Mme Hadjabi (Wassyla): Encore? Ah, mon Dieu! Je n'ai pas fait la moitié. Vous voyez?

Une voix: Vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires.

Mme Hadjabi (Wassyla): O.K. Bon. En tout cas, la violence donc économique, donc quand on nous refuse... on nous refuse.

Bon, la santé. Évidemment, la santé, on n'est pas dans une optique de prévention, on est dans une optique plus curative, donc nous sommes des malades, on nous traite comme des malades, donc tout ce qui est en dehors du handicap, on ne le met pas... on ne le traite pas réellement. La sexualité, le plaisir, et tout ça, on ne nous pose pas des questions sur notre santé gynécologique. Donc, il n'y a pas de médecin qui pratique automatiquement des tests Pap, là, et tout ça, parce que, bien sûr, ça prend des tables adaptées pour celles qui ont des handicaps moteurs, donc elles ne peuvent pas monter sur la table, quelque part.

Le Président (M. Bernier): Donc, je vous remercie, puis on va permettre aux parlementaires d'échanger avec vous, vous interroger sur le mémoire. Celui-ci étant déposé, ils peuvent en prendre... ils vont en prendre connaissance ou ils en ont pris connaissance déjà. Donc, c'est l'occasion maintenant d'échanger avec eux. Mme la ministre, on débute par vous.

Mme St-Pierre: Merci, madame. C'est très intéressant de vous entendre, vous écouter, et puis, en plus, vous nous dites que votre mémoire, c'est du... un mémoire qui vient de bénévoles. Alors, vous avez des bénévoles très actives. Et c'est une bonne chose parce que vous allez vraiment dans le détail, dans tous les aspects de la vie d'une personne handicapée, dans son intimité, les soins de santé, le travail, la vie familiale, et tout ça. C'est vraiment... Vous nous amenez, là, partout, partout, dans tous les secteurs.

J'aurais le goût de vous demander, par rapport à un homme handicapé, est-ce que la situation est si différente que ça? Est-ce qu'on a un regard différent vis-à-vis un homme handicapé qui serait, comme vous, là, devant moi, en fauteuil roulant que le regard que j'ai, que j'ai pour vous? Est-ce que la société en général a un regard différent pour les hommes?

Mme Hadjabi (Wassyla): O.K. Un exemple concret, sans nommer aucune personne. Il y a eu deux personnes qui ont cheminé, qui ont créé deux organismes communautaires de personnes handicapées. La femme n'a jamais obtenu de financement, donc, et l'autre personne, qui était un homme qui était à la tête de cet organisme, qui avait plus ou moins les mêmes pistes d'action, la même mission quelque part, a été financée. Bon. Pour moi, c'était très clair en... C'était parce que l'homme avait ses entrées plus facilement, son réseau, tout ça, et la femme, malheureusement, était plus... Donc, elle a fait du bénévolat pendant 25 ans pour cet organisme, et elle n'a jamais créé son emploi ni quoi que ce soit. L'autre personne a créé son emploi, est toujours à l'emploi, avec des bonnes conditions de travail. Donc, c'est au niveau... Par exemple, je parle juste de financement, c'est très simple.

L'autre chose aussi, c'est que, quand on est une femme, on a d'autres besoins qui sont reliés. Par exemple, souvent, les femmes handicapées, c'est elles qui gardent les enfants, comme les femmes en général. Donc, une grande proportion de femmes handicapées sont des mères et même pas d'un enfant seulement mais de plus d'un enfant, et donc elles ont la charge de l'enfant, donc elles ont des besoins plus pointus. Donc, c'est une chef de famille. Donc, elle doit avoir un revenu pour vraiment élever ses enfants adéquatement, et tout. Elle doit aller à l'école, les écoles ne sont pas accessibles. Donc, même si elle veut faire du bénévolat pour aller, par exemple, siéger sur un conseil de classe ou, en tout cas, de parents, impossible.

En tout cas, moi, j'ai vécu cette réalité plusieurs fois. Quand je devais rencontrer... Si je parle concrètement, si je devais rencontrer les professeurs, là, l'école n'était pas accessible, eh bien, je les rencontrais dehors. J'attendais mon fils dehors, pendant une heure, le temps que le transport revienne me chercher.

Bon. Donc, il y a des réalités qui sont reliées au fait qu'on a des obligations comme mère; aussi des réalités qui sont reliées au fait d'être femme. Mais la discrimination, elle est très subtile parce que... Pourquoi? Peut-être les gens ne s'en rendent pas compte, parce qu'ils sont dans l'optique du handicap. C'est le handicap qui comme transcende, donc on ne voit pas la réalité, on a l'impression que les femmes et les hommes sont traités de la même chose. Oui, ils sont traités parce que, sur la base du handicap, c'est tous des fardeaux, mais un peu plus quand on est une femme. Donc, il y a toute l'attente qu'on a envers une femme. Donc, tu es handicapée, tu n'es pas à la hauteur, tu n'es pas une bonne mère, tu n'es pas... tu réfléchis beaucoup avec tes sentiments, tes émotions, tu n'es pas cartésien. Tous ces commentaires, on les entend: «la petite dame», des choses comme ça. C'est très subtil.

Mme St-Pierre: Nous aussi, on les entend, ces commentaires-là.

Mme Hadjabi (Wassyla): Oui, mais... en tout cas. Vous les entendez, mais, moi, je les entends, ils s'associent au fait d'être femme, mais en même temps aussi au fait d'être handicapée. Donc, il faut démêler tout ça. Mais c'est très subtil. Mais, concrètement, les chiffres le disent: Pourquoi on engage plus des hommes et pas des femmes? C'est aussi parce qu'elles ont des enfants, donc elles ont d'autres obligations, les absences sont plus élevées. Il y a toute la question qui est hormonale aussi, que certains handicaps sont plus... comment dire? Par exemple, la fibromyalgie qui est plus aussi sujette à modulations avec les hormones, des choses comme ça. Il y a toute une panoplie d'éléments qui font qu'on est vraiment réellement... On est des femmes, non? Il me semble bien que je suis une femme, non?

Donc, c'est ça. Mais ils voient la femme, ils voient la femme handicapée, donc il y a comme... Ah! D'abord, on n'est pas à la hauteur d'être appréciées, d'être aimées ou bien, si on nous utilise, on utilise comme un attrait sexuel, des choses comme ça. Donc, il y a beaucoup de, comment dire, manipulations et on joue avec... selon l'identité dans laquelle ça les arrange, donc on joue avec ça aussi.

**(15 h 10)**

Mme St-Pierre: Parce qu'il y a une stratégie nationale qui a été mise en place par mon collègue, M. Sam Hamad, lorsqu'il était au ministère de l'Emploi. Quand même, c'est une stratégie qui est sur plusieurs années, qui est quand même importante, c'est pour l'intégration et le maintien des emplois des personnes handicapées. Est-ce que, dans cette stratégie-là, il manque ce «cochez féminin, masculin»?

Mme Hadjabi (Wassyla): Absolument, oui. Elle n'a pas été... Ce n'est pas une stratégie basée avec une analyse différenciée, non. C'est vraiment... C'est ça, c'est ça qui est très difficile. C'est qu'on est des personnes handicapées. Même dans le milieu des personnes handicapées, le fait qu'on existe, nous, c'est comme... Ça les dérange, parce que, pour eux, c'est comme si on vient affaiblir la force du mouvement en disant qu'on est des femmes et des hommes. Donc, on est comme... On subit des pressions de partout, dans le sens de nous maintenir encore en étau, asexuer la personne. Or, les femmes ont des besoins, les hommes ont des besoins différents. Mais les femmes, c'est sûr qu'elles... On est sujets au modèle patriarcal qui s'applique, quelle que soit la société; ce n'est pas seulement au Québec, c'est partout. Donc, la question de... pour en revenir à la politique dont vous parliez, effectivement, elle n'a pas cette spécificité, donc, basée sur donc l'analyse différenciée selon les sexes. Donc, elle est comme à grande échelle. Mais on ne s'attaque pas systématiquement à la discrimination systémique que vivent les femmes.

Par exemple, je parle, un exemple, de notre groupe action des femmes handicapées. Nous avons mis en place un projet sur l'entrepreneurship pour les femmes handicapées parce que nous avons pensé que c'était une possibilité pour elles, peut-être, d'améliorer leurs conditions de vie, leurs revenus. Mais c'est très difficile, parce que, bon, c'est un projet qui est en exploration, mais déjà, d'emblée, on voit des choses qui se passent. C'est que c'est très difficile, parce qu'il y a des choses... Par exemple, les femmes ont peur: elles vont être exposées à la concurrence, à beaucoup de choses, il y a toute l'estime de soi dans laquelle... qui doit être reconstruite ou... elle doit être valorisée. Donc, elles ne croient pas complètement à leurs capacités, elles ont peur de l'échec et, donc, elles vont avoir du mal à s'aventurer pour aller dans cette voie-là. Donc, on essaie de les encourager, mais il y a des mesures qui devraient être mises en place par le gouvernement pour assurer. Parce que, par exemple, si elles doivent faire une formation, il faut qu'elles demandent... parce qu'en général elles sont sur le bien-être social, donc ils leur demandent d'avoir une autorisation. Pourtant, Emploi-Québec ne paie pas du tout pour la formation, c'est notre groupe qui paie la formation. Mais Emploi-Québec voit pour elles, comme si elles doivent sortir du bien-être social. Donc, ils commencent à faire des pressions, les agents font des pressions, donc... Et alors, une fois qu'ils commencent les pressions, la femme dit: Bon, O.K., je ne m'embarque pas sur ce chemin-là. C'est insécurisant pour elle, elle va perdre le revenu, le peu de revenu, elle va perdre... Parce que c'est associé avec les médicaments, et tout ça, donc c'est beaucoup de dépenses qu'elle doit encourir une fois qu'elle est sortie du régime, ce type de régime. Donc, il y a beaucoup de choses à travailler dessus.

Et aussi, je vous ai entendus tout à l'heure dire aussi par rapport aux ORSEF, et tout. Actuellement, il n'y a aucun ORSEF pour les personnes handicapées, par exemple. Ça, c'est quelque chose que, personnellement, j'avais pensé. Mais ça demande énormément de travail, et c'est du travail bénévole. Donc, pour vraiment peut-être avoir quelque chose qui s'adresse aux personnes handicapées, même si j'aimerais bien que ce soit adressé comme aux femmes handicapées, mais dans... Mais, c'est clair, je suis consciente que ça prendrait une masse plus critique pour vraiment pouvoir bénéficier. Mais peut-être la gestion de ce front-là serait plus appliquée à l'analyse différentiée, parce que, bon, les ORSEF, il y a, pour les femmes, l'entrepreneurship au féminin, mais il y a des réalités, des adaptations qui sont nécessaires qu'on ne trouve pas dans les programmes de femmes. C'est pour ça qu'on a mis en place, par exemple, comme un projet d'exploration, par exemple, en termes de...

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Qu'est-ce que vous suggérez, dans notre plan d'action, là, qui serait... Quelles sont les mesures, là, dans le plan d'action sur lequel on est en train de travailler, les priorités sur les... Est-ce que c'est la santé, l'emploi, qui serait... Dans quel secteur, vous pensez que, là, on ferait vraiment un bon bout de chemin, là, pour...

Mme Hadjabi (Wassyla): Alors...

Le Président (M. Bernier): Allez-y.

Mme Hadjabi (Wassyla): ...le bon...

Mme St-Pierre: C'est sur que c'est des choix déchirants que je vous demande là, là.

Mme Hadjabi (Wassyla): C'est déchirant, mais, en même temps, je vous dis: Nous, on part de très loin. Ça prend des mesures, des préalables qui sont la compensation des coûts reliés aux déficiences, ça prend l'application... l'accessibilité universelle dans toutes les mesures, dans toutes les mesures, donc qu'elles soient des mesures, donc, politiques, architecturales, tout ça. Vous savez c'est quoi, l'accessibilité universelle?

Mme St-Pierre: Bien, vous allez m'éclairer. Je le sens.

Le Président (M. Bernier): Éclairez-nous.

Mme Hadjabi (Wassyla): C'est un concept qui... En anglais, ils disent «barrier free». Ça veut dire qu'il n'y a pas de barrière, il n'y a pas d'obstacle. Donc, ça s'applique... C'est construire les politiques dès le début...

Mme St-Pierre: Un peu comme l'ADS.

Mme Hadjabi (Wassyla): Voilà. Mais ça s'adresse aux personnes handicapées.

Mme St-Pierre: O.K.

Mme Hadjabi (Wassyla): Mais... En fait, non. Excusez-moi. Ça ne s'adresse pas aux personnes handicapées, ça s'adresse à toute la communauté. Mais toute la communauté peut en bénéficier. Par exemple, je parle d'une rampe d'accès ou un bouton, là. En général, il n'y a pas que moi qui va appuyer sur le bouton, plusieurs personnes... tout le monde veut rentrer dans... le même bouton. Mais, nous, ça ne nous dérange pas, parce que, c'est ça, le but, c'est de faciliter la vie à tout le monde. En nous facilitant à nous, on facilite la vie à tout le monde. Donc, ce n'est pas un fardeau pour la société, c'est une facilitation pour tout le monde: pour les mères qui ont des poussettes avec des enfants. Donc, ça s'applique sur les programmes, sur les structures, le bâtiment, au niveau des communications, donc des communications accessibles. Par exemple, je vais vous donner un exemple: pour le document de consultation, la consultation n'est pas vraiment accessible aux personnes avec des handicaps visuels parce que les personnes avec un handicap visuel utilisent certains logiciels qui n'étaient pas compatibles avec la manière que... au moment où c'est construit, au niveau de la consultation. Donc, ça, c'est inaccessible. Il y a des personnes qui ne peuvent pas donner leurs recommandations et participer à la consultation, par exemple.

Donc, ça, c'est des choses qu'on fait d'emblée. Mais, si on y pense dès le début, tout marche bien parce que ça coûte moins cher que de faire des adaptations après coup. Et, bien sûr, le plus important, c'est les politiques. Si la politique, elle inclut déjà la diversité, tout va couler de lui-même. C'est sûr que c'est une vision, c'est ouvrir ses... enlever les oeillères, là, qu'on a. Je sais que ça semble ardu, mais je pense, en travaillant en partenariat, on peut déconstruire tout ce qui a été fait pour isoler certains groupes. Donc, des fois, c'est fait sans le vouloir, mais c'est ça, la conséquence.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci. C'est tout un plaidoyer, hein? Je pense qu'il reste quelques minutes...

Le Président (M. Bernier): Il reste environ trois minutes. M. le député de Lévis, vous avez trois minutes.

M. Lehouillier: ...d'abord, c'est fort intéressant, parce que je voulais vraiment... je voulais vraiment saisir un peu les nuances. En fait, au niveau des personnes handicapées, là, ce n'est pas l'accessibilité des lieux que vous touchez dans votre mémoire. Ce que vous touchez, au fond, est-ce que je me trompe ou si c'est le manque d'une égalité dans les services qui s'adressent aux femmes en particulier? Est-ce que c'est ça ou...

Mme Hadjabi (Wassyla): Non. En fait, c'est une partie de la réponse.

M. Lehouillier: O.K.

Mme Hadjabi (Wassyla): C'est qu'il y a les services qui s'adressent actuellement aux femmes, ça, c'est un exemple, qui ne sont pas tout à fait accessibles à toutes les femmes. Exemple: les maisons d'hébergement. L'étude, actuellement, elle est... Clairement, elle identifie, donc, non seulement une accessibilité architecturale, mais au niveau aussi des attitudes. Les personnes ont peur de recevoir des femmes handicapées, notamment celles qui ont des problèmes de santé mentale. Moi, je suis allée personnellement dans une maison d'hébergement, les personnes étaient très... Les femmes étaient très gentilles, mais la manière, la pensée de la maison d'hébergement n'est pas faite totalement pour accueillir une femme handicapée. Parce que c'est vivre en collectivité, donc il faut faire les tâches comme les autres femmes. Mais, si tu ne peux pas faire les tâches, si la cuisine n'est pas adaptée, donc tu es comme... tu es dans une... toujours une question de dépendance. Tu dois demander: S'il te plaît, donne-moi la bouteille, s'il te plaît, donne-moi ça. Ça vous met dans une... Votre dignité, tous les jours, elle est minée. Par exemple, d'avoir des enfants et le bas... le sous-sol n'est pas accessible, votre enfant, il est tout seul, ça pose des problèmes. Personnellement, moi, j'ai dû quitter cette maison parce que mon fils subissait cette pression à cause de moi à quelque part. Donc, c'est toute cette réalité-là.

Mais l'autre chose aussi que j'ai apportée, c'est que ce n'est pas seulement... Donc, les programmes accessibles actuellement, qu'on a déjà, c'est de les rendre... Et, bien sûr, les maisons d'hébergement, et tout ça, il y a de la formation, il y a... Donc, pour tout ça, il faut de l'argent. C'est clair, il faut investir de l'argent. Il est là, le nerf de la guerre: c'est l'argent. Donc, c'est ça.

Mais il y a d'autres choses qu'il faut faire, donc appliquer, donc, les concepts d'accessibilité universelle à toutes les politiques et les services et les programmes. C'est toute la question, aussi, faire des campagnes de sensibilisation pour déconstruire les préjugés, les images qu'on fait des personnes handicapées. On les voit tous dans des institutions, malades, mais on est capables d'avoir du plaisir, on est capables de rire, on n'est pas tristes, on accepte... C'est ça, c'est qu'on est dans une autre dynamique de construction. On n'est plus les misérables, là, cachés, les... Comment ils s'appelaient? Les infirmes, là, des choses comme... On est dans une autre dynamique. Et le Québec est quand même, je sais, pour avoir vécu dans d'autres pays et dans mon pays d'origine, on est très avant-gardistes, il faut continuer. C'est vraiment... C'est quelque chose qui valorise notre société, et il ne faudrait pas qu'on perde ces acquis. Parce que, moi, je trouve extraordinaire de vivre au Québec, cela dit. Mais je vais chialer parce que j'ai besoin de chialer, je dois faire mon travail. C'est ça.

**(15 h 20)**

Le Président (M. Bernier): On va vous donner l'opportunité de continuer, mais avec les membres de l'opposition, avec la députée de Rosemont. Mme la députée de Rosemont, la parole est à vous.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Mme Hadjabi, bonjour.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bonjour. Alors, tout à l'heure, en entrant dans cette salle, j'avais eu comme un malaise, et vous avez répondu à mon questionnement. C'est en regardant tout autour, je me suis dit: C'est ça, qu'est-ce qu'il y a donc qui ne va pas? C'est qu'il n'y a que des hommes, et tous les premiers ministres du Québec, donc, sont là. Bon, moi, je suis contente, M. Parizeau, M. Bouchard juste derrière moi. Mais quand même c'est...

Le Président (M. Bernier): C'est par accident.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est... Oui, c'est par accident que je suis là, mais ce n'est pas un accident que ce ne soit que des hommes depuis le début de la Confédération, là, comme premiers ministres du Québec. Moi, j'ai participé -- là, vous parlez d'accessibilité architecturale, et tout -- à une expérience. Vous le savez, Mme Hadjabi, n'est-ce pas? Vous n'étiez pas venue?

Mme Hadjabi (Wassyla): Je n'étais pas venue ce jour-là, mais j'étais avec Mme Louise Harel la veille.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Bon, c'est ça. Alors moi, j'étais dans ma circonscription de Rosemont, comme vous savez, à la corporation de développement communautaire. Et puis on a fait cette expérience pas facile, là, de monter dans une chaise roulante et puis de se promener comme ça sur la rue Masson, qui est la grande avenue dans Rosemont, et pour s'apercevoir incroyablement que les trois quarts des commerces n'étaient pas accessibles. C'est parce que jamais on ne réfléchit à ça. Jamais on ne pense à ça. Jamais on ne se rend compte de ça sauf que lorsqu'on est dans une chaise roulante soi-même. Et c'était l'automne, il faisait beau, un beau dimanche. Heureusement à part ça, parce que c'est vrai que se promener sous la pluie ou sous la neige... Mais là, au bout de deux heures, là, je dois vous dire... D'abord, j'étais fatiguée. Ce n'était pas reposant, et puis... Mais j'ai vraiment, enfin, constaté ce que ça pouvait représenter dans le quotidien. Alors, c'est vous qui aviez organisé ces différentes journées, entre autres. Alors, en tout cas, je vous en félicite parce que je pense que c'est une prise de conscience qui était salutaire pour nous tous, dans Rosemont, qui avons fait...

Mme Hadjabi (Wassyla): M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Hadjabi.

Mme Hadjabi (Wassyla): Vous me permettez d'intervenir juste par rapport à ça.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, bien sûr.

Le Président (M. Bernier): Oui, oui. Allez-y. Allez-y.

Mme Hadjabi (Wassyla): Qu'est-ce que... À part le fait d'être difficile de vivre dans un fauteuil roulant, mais quelle est la... Qu'a été la perception des personnes autour de vous, de vous voir en fauteuil roulant? Comment vous êtes...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah! Mais, là, oui... Surtout que la... Oui, je suis...

Le Président (M. Bernier): Mme la députée de Rosemont, vous pouvez répondre.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Oui. Quand on est députée, au moins dans sa circonscription, on est connue, le dimanche matin, quand on se promène sur la rue principale. Alors, oui. Alors... D'abord, tout le monde se demandait ce qui m'était arrivé, en effet. Alors, les gens étaient un peu mal à l'aise de m'aborder pour me poser la question. Et...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Et vous avez raison. Oui, le regard de l'autre. Tout à fait.

Mme Hadjabi (Wassyla): C'est le pire.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est le pire. Oui. Oui, sans doute. En tout cas, moi, ça a été une expérience très, très profonde, là.

Le Président (M. Bernier): Est-ce que vous avec d'autres questions, Mme Hadjabi?

Mme Hadjabi (Wassyla): Non.

Le Président (M. Bernier): Non, O.K. Alors, c'est bien. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Moi, je dois vous dire que... Je voudrais juste vous poser une question. Page 18, là, de votre rapport... Vous en avez un peu parlé, mais qu'est-ce que ça veut dire? Puis... Aussi, les femmes handicapées sont plus à risque -- vous mettez 50 % à 90 % -- de subir de la violence dans un contexte conjugal que les femmes non handicapées. Est-ce qu'il y a une étude de...

Mme Hadjabi (Wassyla): Oui. Alors, de... C'est tiré du travail que l'Office des personnes handicapées a fait. Malheureusement, je n'ai pas ramené avec moi des copies. J'avais remis juste à madame le rapport. Mais vous pouvez l'avoir sur Internet.

En fait, pourquoi c'est plus à risque dans un contexte conjugal? Parce que la femme handicapée, elle dépend de son mari. Par exemple, elle peut dépendre pour les services, par exemple, corporels, donc, prendre son bain ou pour le ménage. Elle dépend beaucoup de lui au niveau aussi ressources, donc argent. Souvent, c'est lui qui gère l'argent. Donc, elle n'a pas le pouvoir de son argent, de pouvoir décider ce qu'elle veut. Donc, elle est vraiment pas mal à sa merci, et physiquement aussi. Ça dépend du type de handicap. Mais, en général, ce type-là d'incident... de prévalence de la violence qui est plus élevée... On parlait beaucoup des femmes avec un handicap, donc, physique ou intellectuel, où la personne est moins crédible, plus dépendante aussi physiquement pour tous les soins, et tout ça. Donc, ça peut varier selon les circonstances par rapport à la dépendance totale à son conjoint.

Mme Beaudoin (Rosemont): Et ce qui est vrai...

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Ce qui est vrai, c'est qu'elles sont plus à risque cependant. Ça, c'est...

Mme Hadjabi (Wassyla): C'est clair.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est clair. Quand vous dites 50 % à 90 %, c'est ça, ça peut dépendre du...

Mme Hadjabi (Wassyla): La fuite, ne serait-ce que la fuite.

Mme Beaudoin (Rosemont): On ne peut pas, on ne peut pas.

Mme Hadjabi (Wassyla): On ne peut pas fuir.

Mme Beaudoin (Rosemont): On ne peut pas fuir, oui. Bon. Alors, oui, en effet. Moi, je voudrais... une dernière question qui est un peu différente, que vous n'avez pas abordée, c'est celle des accommodements raisonnables. On le sait... Bon, vous savez ce que je pense des accommodements religieux, mais des accommodements pour... Parce que je pense que les accommodements raisonnables sont venus justement...

Une voix: C'est l'origine...

Mme Beaudoin (Rosemont): Voilà, de l'origine...

Mme Hadjabi (Wassyla): ...excessifs.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui.

Mme Hadjabi (Wassyla): Il y a toujours ça.

Mme Beaudoin (Rosemont): Alors, mais dites-moi, comment... Est-ce que ça s'applique? Est-ce qu'il y a une évolution positive de la part, par exemple, des employeurs? Est-ce qu'ils sont prêts à accommoder davantage les personnes handicapées et... Comment ça se passe sur le terrain? Parce que, bon, vous parlez beaucoup du travail, de la difficulté qu'ont les personnes handicapées et les femmes handicapées -- vous avez plusieurs statistiques là-dessus -- pour s'insérer dans le marché du travail, mais là, avec les accommodements raisonnables qui sont possibles, comment ça se passe?

Le Président (M. Bernier): Mme Hadjabi.

Mme Hadjabi (Wassyla): C'est sûr que le terme «accommodement raisonnable» est sorti donc de la jurisprudence, et tout. Dans le concret, là, les employeurs, les grosses entreprises... D'abord, on n'engage pas énormément de personnes handicapées, mais, si elles engagent, elles n'ont pas besoin, par exemple, des contrats d'intégration au travail qu'Emploi-Québec permet aux entreprises, donc à l'employeur, d'avoir pour pallier au manque de productivité, et donc de permettre certaines adaptations des lieux de travail. Donc, en général, qui se prévaut de ça? C'est souvent des petits organismes, donc des PME ou des groupes communautaires. Souvent, donc, ils vont faciliter l'emploi des personnes handicapées parce que, bon, oui, ils sont sensibilisés à la cause, mais, en même temps, donc, le fait d'avoir ce contrat d'intégration au travail -- qu'on appelle CIT de manière abrégée -- facilite aussi le maintien en emploi, mais il faudrait maintenir ces CIT. Parce qu'actuellement le gouvernement est en train de revoir ces... la période de validité de ce contrat, et tout, et ça, c'était le danger. Nous avons peur, nous, comme groupe en général de personnes handicapées, je reviens à ça, qu'on perde cet acquis qui nous permet d'être en emploi, au moins avoir une expérience d'emploi enrichissante, avoir un salaire plus ou moins décent. Mais il reste que c'est un programme qui peut être, à un moment donné, non subventionné et on perd tout ça. Donc, c'est des mesures qui sont mises en place par Emploi-Québec, et c'est une bonne chose aussi, oui.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Très bien. Moi, ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Merci, M. le Président. Alors, Mme Hadjabi, tout d'abord, j'aimerais souligner la force et la détermination de vos propos lors de vos interventions. Je trouve ça motivant et... Bien, je voulais vous féliciter d'abord pour le mémoire qui, ma foi, en annexe, là, a un nombre impressionnant de références, là, pour un groupe de bénévoles qui ont dû le monter avec vous. C'est assez, assez intéressant.

J'avais une question un peu pointue par rapport à la partie... la partie 2, les préalables à l'égalité et à l'inclusion. Il y a un point, dans votre mémoire, qui traite, là, des lois, des politiques, des programmes et des services sans obstacle, à la page 35. Je voulais juste que vous me donniez quelques petites précisions par rapport aux faits. Vous dites, à l'intérieur de vos recommandations, qu'il faut «appliquer et respecter les dispositions législatives existantes». Donc, vous laissez évidemment sous-entendre qu'il y en a qui sont déjà légiférées mais qui ne sont pas, dans les faits, appliquées, peut-être, là, dans le milieu. J'aimerais juste que vous me donniez quelques exemples pour... pour bien comprendre; que vous me donniez aussi l'information de ce qu'est la clause d'impact, parce que vous le mentionnez quand même assez souvent: «appliquer la "clause d'impact"»; «informer tous les ministères de la "clause d'impact"», juste pour bien comprendre ce que c'est. Et finalement: «réaliser une simplification de la procédure de recours». J'aimerais également juste comprendre les genres de complication qu'une personne... qu'une femme handicapée peut avoir dans le cadre, là, de telles procédures, pour juste bien comprendre davantage, là, ce que vous voulez mentionner.

Le Président (M. Bernier): Mme Hadjabi.

**(15 h 30)**

Mme Hadjabi (Wassyla): O.K. Alors, «appliquer et respecter les...», c'est juste... Parce que c'est des extraits, hein? Donc, je veux juste me retrouver. «Appliquer...», O.K. Donc, les dispositions existantes. Par exemple, il y a les droits de la personne, par exemple, on a la charte, donc l'article 10 de la charte qui dit donc qu'on ne doit pas discriminer sur la base du handicap et ta, ta, ta. Mais, évidemment, dans les faits, il peut arriver que, par exemple, des employeurs le font, mais c'est tellement bien ficelé, disons, que ça peut passer entre les filets. Donc...

Et si je reviens, par exemple, à la simplification de la procédure de recours. Parce que, des fois, par exemple, la personne peut donc faire un recours, mais il faut... elle n'a pas toute la... l'employeur, par exemple, il peut avoir le système juridique derrière lui, et tout; elle, elle est toute seule. C'est sûr qu'il faut... Il y a beaucoup de démarches qu'elle doit faire, mais on doit partir d'une personne qui a déjà été, comme déjà... Pour elle, d'avoir un emploi, cet emploi-là, c'est déjà une faveur. On lui fait comprendre que c'est presque une faveur qu'on l'ait engagée, et tout ça. Donc, ça demande beaucoup, au niveau émotionnel, de confronter l'employeur au niveau des différentes étapes de recours, et tout ça. Donc, c'est un peu simplifier ou peut être accompagner dans certains cas.

Alors, par rapport à la clause d'impact dans la politique pour l'exercice des personnes handicapées donc, il y a une clause qui dit que l'Office des personnes handicapées peut donc -- comment dire, ah, mon Dieu, ça -- saisir, en fait... Elle a le pouvoir de saisir donc les tribunaux pour dire que cet employeur, par exemple, n'a pas présenté un plan d'embauche, des choses comme ça. Donc, c'est vraiment se prévaloir... Une clause d'impact, c'est pour un peu... quelque part, un peu le bâton, hein? Donc, c'est pour vraiment dire: O.K., attention, il y a des lois qui protègent, donc il faut faire attention. Et elle peut saisir même normalement les ministères, et tout, mais c'est sûr que, quand on mange dans la même assiette, ce n'est pas évident. Donc, cette clause d'impact vient peut-être renforcer... Il n'y a pas un pouvoir vraiment coercitif en tant que tel, pointu, mais, quand même, c'est une manière de pouvoir faire respecter les droits.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Donc, si je comprends bien, c'est que, présentement, elle ne serait pas assez appliquée ou elle ne serait pas assez utilisée.

Mme Hadjabi (Wassyla): Oui, c'est ça. Exactement.

M. Traversy: O.K. Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Ça va? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, environ 3 min 30 s.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Écoutez, je suis... Bien, premièrement, bonjour à vous. J'ai été d'ailleurs très, très heureuse de marcher à vos côtés à la marche des femmes à Rimouski.

Mme Hadjabi (Wassyla): Ah oui! Ah oui!

Mme Poirier: Alors, vous étiez une marcheuse active. Alors, vous avez roulé, vous avez roulé dans tous les sens...

Mme Hadjabi (Wassyla): Ah oui!

Mme Poirier: ...et vous avez occupé le terrain. Moi, je peux vous le dire, vous étiez à l'avant de la marche. Et vous aviez signifié d'ailleurs, très rapidement, en disant: Il faut que les femmes handicapées soient en avant, et je l'ai bien retenu, ce message.

J'aimerais vous parler de l'accessibilité des femmes aux soins de santé. C'est quelque chose, dans votre mémoire, qui me frappe beaucoup, à l'effet, entre autres, de l'accès aux mammographies. On sait qu'on a un programme de dépistage au Québec. Est-ce qu'on parle d'accessibilité? Parce que vous parlez d'accessibilité aux cliniques, accessibilité à l'information, accessibilité aux examens.

Mme Hadjabi (Wassyla): C'est ça, oui.

Mme Poirier: J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que ça m'inquiète beaucoup. Parce que, si on a mis un programme de dépistage en place, c'est justement pour réduire le nombre de cancers. Donc...

Mme Hadjabi (Wassyla): Alors, malheureusement, les femmes handicapées et d'autres femmes aussi, comme les femmes des communautés culturelles et immigrantes, utilisent très peu ce programme, donc... parce qu'il y a un manque d'information ou l'information n'est pas comprise, donc elle n'est pas dans les langues que... Par exemple, si je parle des femmes immigrantes... sont comprises, ce n'est pas dans la mentalité, par exemple, de la chose.

Mais, pour les femmes handicapées, c'est vraiment une question que: Ce n'est pas important. Elles ne sont pas... Comment dire ça? Par exemple, les femmes qui ont un handicap intellectuel, qui ont le syndrome de Down, souvent, la ménopause qu'elles ont, elle est avancée...

Une voix: ...

Mme Hadjabi (Wassyla): Elle est précoce -- oui, excusez, merci. Et donc, par contre, les statistiques... On a des statistiques -- et je pense que je l'ai mis aussi dans le mémoire -- c'est que, comparativement à des femmes qui n'ont pas de handicap, elles subissent donc... 88 % des femmes non handicapées subissent une mammographie, comparativement à des femmes avec un handicap intellectuel qui n'en subissent que 13 %. Parce qu'en fait, par exemple, les femmes qui ont un handicap intellectuel, c'est les parents qui reçoivent... ou c'est dans les centres où elles sont hébergées. Souvent, actuellement, elles sont dans des maisons d'accueil, parce qu'elles ne sont pas chez les parents. Donc, ces personnes-là ne trouvent pas important qu'elles aillent passer une mammographie.

Donc, ça va tomber dans les limbes, où la personne, par exemple, qui reçoit le formulaire, ne le comprend pas, parce qu'il est pas mal complexe. Pour quelqu'un... Je vous dirais que pour quelqu'un qui a fait des études universitaires, je peux vous dire comment ça prend pas mal une certaine attention pour vraiment saisir les choses. On reçoit une invitation en disant: Vous êtes invitées à participer... Ce n'est pas très clair, et la feuille, elle est très, très... C'est écrit petit, c'est très serré. On a essayé de travailler... Parce que nous avons travaillé avec la DSP, Direction de santé publique, sur le programme, dans la région de Montréal, par contre. Et on a essayé de rendre plus accessible possible. Donc, on a fait... Action des femmes handicapées a fait une recherche-action où elle a... elle est partie visiter les centres de dépistage avec des femmes avec différents handicaps pour qu'elles disent qu'est-ce qu'elles ont ressenti. Beaucoup... Ce qui est ressorti de cette étude, c'étaient les préjugés dont elles étaient... l'accueil, la froideur des gens, ou on ne les regarde pas dans les yeux, la personne qui les... on regarde la personne qui les accompagne, ou, par exemple, pour les femmes qui ont un handicap moteur, il y avait des appareils qui étaient... Voilà. Il y avait... Il y a une manière...

Le Président (M. Bernier): Mme Hadjabi.

Mme Hadjabi (Wassyla): Vous ne voulez pas que j'explique?

Le Président (M. Bernier): Je vous remercie. Vous avez expliqué. On vous remercie de votre présentation, on vous remercie de votre participation. On vous remercie d'avoir tenu ces propos cet après-midi. Donc, Mme Hadjabi, de l'Alliance des femmes handicapées du Québec, merci.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 36)

 

(Reprise à 15 h 39)

Le Président (M. Bernier): Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, nous recevons la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Mme Yasmina Chouakri, bienvenue; Mme Mounia Chadi, bienvenue; Mme Tatyana Litovchenko, bonjour.

Une voix: Bonjour.

Le Président (M. Bernier): Bienvenue. Donc, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation.

Table de concertation des organismes
au service des personnes réfugiées
et immigrantes (TCRI) et Comité de
réflexion sur la situation des
femmes immigrées et racisées

Mme Chouakri (Yasmina): Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, Mme la sous-ministre, Mmes et MM. les députés, puis je pense aussi certains fonctionnaires, bonjour, merci de nous accueillir et de nous écouter sur ce deuxième plan d'action gouvernemental en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

Alors, je voudrais dire qu'à titre de regroupement national des organismes oeuvrant auprès des personnes réfugiées et immigrantes au Québec et dont plus de 50 % de la clientèle sont des femmes, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes et le Comité de réflexion sur la situation des femmes immigrées et racisées ont pris connaissance, avec grand intérêt, du projet de deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

**(15 h 40)**

Bien que nous nous réjouissions du bilan de cette politique, qui démontre incontestablement des avancées en matière d'égalité entre les femmes et les hommes au Québec, nous constatons malheureusement, par la même occasion, que ce n'est pas le cas pour les femmes immigrées et racisées dont la situation tarde à s'améliorer, ici, dans le contexte québécois. À titre d'exemple, pour ces dernières années, entre 2007 et 2009, le taux de chômage des femmes immigrantes a augmenté relativement, tant aux hommes immigrants qu'à la population québécoise en général, passant de 11 % en 2007 à 11,3 % en 2009.

Ceci dit, nous tenions aussi, auparavant, avant de rentrer dans le vif du sujet, à réitérer aussi notre surprise d'avoir constaté que nous n'avions pas fait partie, au début, de la liste des groupes visés par cette consultation -- alors, nous tenions à le redire, je pense qu'on vous l'a écrit, mais on voulait le dire quand même, on l'a mis dans notre mémoire -- et que, de surcroît, sur une quarantaine de groupes de femmes qui avaient été visés par cette consultation, un seul groupe de femmes immigrantes en faisait partie. Pourtant, selon les données statistiques de 2006, les femmes immigrantes représentent plus de 11 % de la population féminine du Québec, 45,8 % des femmes de la ville de Montréal -- j'entends la nouvelle ville -- et 26,14 % des femmes de la région métropolitaine de recensement de Montréal. Il était donc évident qu'elles étaient largement sous-représentées dans la liste de votre... de la consultation prévue.

Actuellement, et ça, je reviens à ce que fait la TCRI actuellement, la table de concertation, la TCRI travaille, en collaboration avec le Comité de réflexion sur la situation des femmes immigrées, sur un projet de grande envergure pour les femmes immigrées et racisées qui vise à apporter des changements structurels susceptibles d'apporter des résultats significatifs et concrets dans la vie des femmes en agissant sur les raisons de leur isolement, de leur précarité économique et de leur manque de leadership, et de participation et par la même manière... de la même façon, vise à outiller les organismes à concevoir leurs interventions en fonction des réalités de ces femmes et des valeurs d'égalité hommes-femmes.

Dans l'étape actuelle concernant ce projet, nous nous penchons sur une définition des besoins exprimés par les femmes concernées elles-mêmes par une tournée dans sept régions du Québec, qui s'est achevée par ailleurs tout récemment.

Mme Chadi (Mounia): Alors, pour un peu clarifier concernant cette tournée que nous avons effectuée dans les sept régions du Québec, ça s'est passé en l'année 2010, et c'était pour identifier justement tous les obstacles à l'intégration des femmes immigrantes. Alors, ça concernait environ 200 femmes dans les sept régions du Québec. Et l'élément flagrant qui ressort de notre tournée des groupes témoins que nous avons organisés avec ces 200 femmes, c'est le grand contraste entre le niveau de scolarité hautement élevé de ces femmes et ou bien la précarité de leur emploi ou leur situation de sans-emploi.

Alors, les chiffres de notre tournée, de notre travail de terrain disent que ces femmes-là sont à 32 % de niveau universitaire et à 17 % de niveau collégial ou professionnel, alors qu'en réalité -- et c'est là le grand contraste -- 84 % d'entre elles sont sans emploi et le reste sont dans des emplois précaires. Donc, c'est un peu l'élément qui ressort le plus et qui montre bien un résultat de cette double discrimination pour les femmes immigrées.

Mme Chouakri (Yasmina): Alors, bien que nous appuyions entièrement l'utilisation d'une approche spécifique transversale et sociétale à cet effet au niveau de la politique, nous nous inquiétons, aujourd'hui, beaucoup sur le risque d'un intérêt limité dans ce deuxième plan d'action pour un des groupes qui est cité et reconnu comme un des plus vulnérables, c'est celui des femmes immigrées et racisées. Et je pense que les faits saillants, qui ont été produits, démontrent bien... c'est très riche, en termes de données, et je pense que ça démontre bien cette réalité.

Pour nous, et d'emblée, nous préconisons pour chaque orientation -- on va rentrer, tout de suite, dans le vif du sujet -- et mesure du prochain plan d'action, de prendre en compte, au-delà de la discrimination liée au sexe, le croisement avec l'ensemble des discriminations vécues, notamment par les femmes immigrées et racisées, ainsi qu'un renforcement des partenariats des différents ministères concernés, c'est-à-dire Condition féminine, Immigration et Communautés culturelles, Emploi et Solidarité, Santé, Éducation, Famille, avec le milieu communautaire de l'immigration et afin de mieux rejoindre et intervenir auprès des femmes les plus vulnérables et concernées par de multiples discriminations, s'accompagnant évidemment de ressources supplémentaires en mettant un terme définitif à l'invisibilité des besoins de ces femmes dans les politiques publiques québécoises.

Alors, concernant les recommandations elles-mêmes que nous prévoyons à l'intérieur de chacune des orientations et des questions posées:

Pour l'orientation 1, nous proposons une valorisation pour la promotion de modèles et de comportements égalitaires; la valorisation des savoirs et savoir-faire venus d'ailleurs afin de favoriser une reconnaissance des diplômes et expériences acquis ailleurs; la responsabilité et l'imputabilité des institutions publiques et parapubliques dans la représentation de la diversité ethnoculturelle, y compris lorsqu'il s'agit des groupes cibles liés au sexe; le développement de mesures spécifiques pour l'accès des femmes immigrées et racisées aux emplois non traditionnels.

Pour l'orientation 2, qui concerne l'égalité économique entre les femmes et les hommes: la multiplication de formations de courte durée et adaptées ainsi qu'un soutien financier qui pourraient constituer des mesures spécifiques intéressantes afin de favoriser une relative reconnaissance des diplômes étrangers et l'accès des femmes immigrées et racisées à certains emplois; l'introduction, en matière de politiques et de programmes d'immigration et d'intégration, et ça, c'est fondamental, d'intégration en emploi, de ressources supplémentaires et de mesures spécifiques pour les femmes migrantes et immigrantes dans l'accès aux services prévus dans les programmes d'intégration et d'établissement du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles ainsi que d'Emploi-Québec. Je cite, entre parenthèses, le PANA, les programmes de francisation, la préemployabilité, employabilité, etc.

Pour l'orientation 3, pour une meilleure conciliation des responsabilités familiales et professionnelles: un financement suffisant et systématique de haltes-garderies accompagnant tous les programmes d'accueil, d'accompagnement, d'établissement et d'intégration en emploi s'adressant aux personnes nouvellement arrivées afin de s'assurer d'une réelle participation des femmes aux programmes mis en oeuvre et lutter contre leur isolement; augmenter aussi de façon substantielle le nombre de places en garderie à des prix abordables afin de favoriser la conciliation travail-famille et en tenant compte de la précarité économique de ces femmes.

À ce sujet-là, justement, ma collègue Tatyana Litovchenko va vous citer quelques réalités qui ont été exprimées lors de la tournée dans les sept régions. Est-ce que je vais trop vite? Parce qu'on essaie de tout dire en...

Le Président (M. Bernier): Non, allez-y. Il vous reste...

Mme Chouakri (Yasmina): ...en 15 minutes.

Le Président (M. Bernier): Il vous reste environ 5 min 30 s.

Mme Chouakri (Yasmina): C'est bien. Oh! Donc, je vais lui laisser quelques minutes pour illustrer un petit peu ce besoin de places en garderie à prix abordable.

Mme Litovchenko (Tatyana): Donc...

Le Président (M. Bernier): Mme Litovchenko. Allez-y.

Mme Litovchenko (Tatyana): Merci. Donc, effectivement, dans le cadre de notre tournée que nous avons réalisée donc dans différentes régions du Québec, nous avons pu relever ce besoin énorme d'accès aux garderies subventionnées pour les femmes immigrées et racisées.

Et je voudrais citer, pour illustrer, le témoignage d'une participante d'un groupe de femmes immigrées que nous avons rencontrées ici, à Montréal.

Donc: «Au niveau des garderies, il y a des difficultés de trouver une place. Moi, ça fait deux ans que j'ai mis mon fils sur la liste d'attente, et je n'ai pas encore reçu aucune réponse. Je veux faire une formation, je veux trouver un emploi, mais je n'ai pas où mettre mon fils. On est stagnantes, on ne peut pas bouger parce qu'on ne trouve pas de place vacante.»

Donc, évidemment, on sait que, pour toutes les femmes au Québec... Toutes les femmes au Québec sont confrontées à cet obstacle, mais ce qu'on voulait souligner, c'est que, pour les femmes immigrées et racisées, il s'agit d'un cumul des obstacles qui sont liés à leur situation. Notamment, on peut citer, à titre d'exemple donc, les défis d'apprentissage du français, reconnaissance des diplômes, recherche d'emploi, etc.

**(15 h 50)**

Mme Chouakri (Yasmina): Pour l'orientation 4 concernant les approches en santé adaptées aux spécificités des femmes: on recommande notamment une formation régulière aux intervenantes en santé et services sociaux... intervenants et intervenantes en santé et services sociaux sur les facteurs qui affectent la santé des femmes immigrées et racisées du fait de leur parcours migratoire, notamment; une plus grande représentation des intervenantes et intervenants issus de la diversité dans les services de santé et services sociaux -- peut-être, dans le cadre des échanges, on vous expliquera pourquoi; une augmentation des ressources en interprétariat, et ça, ça a été un... c'est un besoin criant qu'on a relevé, là, lors de la tournée, notamment, dans les régions. Et peut-être, rapidement, Tatyana va vous illustrer aussi de quelle manière ça a été soulevé, d'ailleurs.

Mme Litovchenko (Tatyana): Voilà. Donc, en ce qui concerne l'insuffisance des ressources en traduction et interprètes, d'ailleurs que nous avons pu relever dans notre enquête de terrain, je voudrais justement parler d'un cas qui nous a été présenté par une intervenante dans un organisme, qui travaille... donc qui intervient auprès des personnes immigrantes en Mauricie, à Trois-Rivières. Donc, l'organisme est obligé, à cause donc de manque de ressources, il est obligé à faire recours, pour l'interprétariat, à des services des personnes issues de certaines communautés culturelles, et ce qui... Et cela peut poser notamment problème de neutralité parce que ce qui arrive, c'est qu'il y a une proximité et souvent une implication émotionnelle des interprètes qui sont issus de la même communauté que les personnes auprès desquelles l'organisme intervient.

J'aimerais aussi citer un témoignage pour illustrer un peu cette problématique, donc un témoignage d'une femme immigrante qu'on a rencontrée dans le cadre de notre tournée, à Trois-Rivières, donc... C'était une traductrice, donc c'est une traduction de l'arabe. Donc, la dame dit qu'une fois elle a reçu des papiers très importants des Revenu du Québec et n'avait pas trouvé quelqu'un qui lui explique qu'est-ce... de quoi s'agit-il et qu'il y avait une durée qu'il fallait qu'elle respecte pour payer sa dette envers le gouvernement, elle n'a pas lu. Donc, elle est obligée de payer les intérêts de plus à cause de ça.

Une voix: O.K.

Le Président (M. Bernier): Il vous reste environ une trentaine de secondes pour conclure.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui. Bien, écoutez, je terminerais peut-être... on ne va pas passer à travers toutes les orientations, mais peut-être... La proposition la plus importante qui nous intéresse, c'est le rajout d'une mesure spécifique qui s'adresse spécifiquement aux femmes immigrées et racisées en termes de redressement de la situation qui, pour nous, s'impose et qui s'appuierait sur trois points -- très rapidement: une application ferme de l'analyse différenciée selon les sexes dans la budgétisation du ministère de l'Immigration et dans tous ses programmes; un programme de redressement spécifique aux femmes immigrantes dans le plan d'action sur un minimum de 10 ans, mais évidemment un programme qui introduirait la présence de plusieurs ministères à la fois par le biais, notamment -- et ça, c'est le troisième point -- d'un espace de concertation et de suivi en termes d'engagement du ministère de l'Immigration, du Secrétariat à la condition féminine pour l'amélioration de la condition des femmes immigrées au Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme Chouakri (Yasmina): C'est certain que ça ne serait pas fermé non plus à Emploi Québec, éventuellement.

Le Président (M. Bernier): Merci de votre présentation. Nous allons maintenant passer aux échanges avec le groupe parlementaire, du côté du gouvernement, Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Tout d'abord, je veux vous féliciter pour la présentation que vous venez de nous faire et aussi vous féliciter pour la qualité du français. On montre souvent du doigt les personnes issues de l'immigration en leur disant qu'elles n'ont... ne s'intègrent pas et n'apprennent pas la langue. Je pense en tout cas que dans... j'entends, dans deux cas d'entre vous, que ce n'est pas votre langue maternelle, et je veux vous féliciter pour la qualité vraiment impressionnante de votre français.

C'est intéressant et important, ce que vous nous dites, parce que, je le vois sur le terrain, il y a un travail énorme à faire auprès des femmes immigrées, les femmes immigrantes et les femmes réfugiées. Ce qui me frappe, c'est que vous avez... votre organisme est créé depuis 1979, et vous regroupez 141 organismes. C'est énorme.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui. C'est sûr que...

Le Président (M. Bernier): Mme Chouakri.

Mme Chouakri (Yasmina): Pardon.

Le Président (M. Bernier): Je vais devoir vous identifier pour fins d'enregistrement chaque fois que vous allez prendre la parole, de façon à simplifier les choses. Quand il y a une personne, comme le dernier groupe, bien là, ça va bien, mais là je dois vous identifier pour faciliter l'enregistrement.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui. Je voudrais dire à Mme la ministre que les 140 organismes ne sont pas tous des organismes qui sont des organismes qu'on appelle de l'immigration, communautaires de l'immigration, qui interviennent au niveau de l'accompagnement, de l'accueil, de l'intégration des immigrants. Ceux qui le font, parmi les membres, beaucoup sont des organismes qui s'intéressent aussi, en partie, aux problématiques immigrantes... et aux problématiques des personnes immigrantes et réfugiées. Et il y a aussi beaucoup d'organismes de femmes qui sont membres de la TCRI, parce qu'elles reçoivent de plus en plus de femmes immigrantes, donc le besoin de mieux connaître les statuts, les difficultés rencontrées par les immigrants et les réfugiés dans leurs processus d'intégration... font qu'il y en a aussi. Mais pour ce qui est des organismes, on va dire, mixtes, communautaires et qui se penchent exclusivement sur la question de l'intégration, on va dire qu'il y en a autour de 80 et qu'ils sont... Mais les autres, ce sont des organismes de différents types.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous êtes membre aussi de la Fédération des femmes du Québec?

Mme Chouakri (Yasmina): Non, non.

Mme St-Pierre: O.K.

Mme Chouakri (Yasmina): On n'est pas membre de la fédération, mais disons qu'on a déjà collaboré, à certains moments, sur certains dossiers.

Mme St-Pierre: Moi, j'aimerais avoir des pistes pour faire un travail qui est vraiment un travail de terrain, dans le sens que... Je vais vous parler de deux exemples. Je pense que, quand on donne des exemples, ça parle beaucoup puis...

Le premier exemple, c'est un centre de femmes dans la circonscription qui est juste voisine de la mienne, et c'était dans le cadre de la journée du 8 mars. Alors, je vais rencontrer des femmes qui sont d'origine... la plupart sont d'origine marocaine, et certaines viennent d'arriver, là. Elles sont ici depuis un mois, deux mois, puis il y en a que ça fait, bon, pas très longtemps, mais c'est vraiment de l'immigration très récente. Et, dans la pièce à côté, il y a deux hommes. Alors, on fait la rencontre, et, dans la pièce à côté, il y a deux hommes. Alors, est-ce que... On se dit: Bon, bien, pourquoi, en plein après-midi, ces deux hommes-là sont là puis écoutent ce qu'on a à dire entre nous, tu sais? Alors, les dirigeants de la maison... du centre de femmes n'ont pas mis les hommes dehors. Les femmes n'ont pas demandé que les hommes sortent, puis moi non plus, évidemment. Mais, vous savez, il y a des actions qu'on aimerait bien poser, mais, en même temps, on ne veut pas blesser puis on ne veut pas nécessairement forcer la chose.

Deuxième exemple. On est dans un événement après... à Montréal, c'est lors des inondations au Pakistan, un événement très important. Il y a plusieurs personnes qui sont là. Les femmes sont en arrière, les hommes sont en avant. Les femmes avec les petites filles sont en arrière, puis les hommes... les petits gars sont en avant avec les papas. Est-ce que... Comment on... Et là, c'est vraiment un exemple que les femmes sont d'une deuxième classe de citoyens, elles sont assises en arrière puis...

Moi, je vous dis, comme ministre de la Condition féminine, ça vient me chercher beaucoup, parce que je me dis: Oui... Puis on le dit: Bon, il faut que les femmes... il faut que les gens arrivent ici, puis s'intègrent, puis tout ça. Mais, en même temps, comment on fait ça? Puis je fais un petit lien rapide avec le film Incendies que j'ai vu pour la deuxième fois en fin de semaine; j'avais déjà vu la pièce de théâtre. Et le message pour moi, dans ce film-là, c'est de dire aussi: Ces personnes-là arrivent ici avec un bagage qu'on n'imagine pas, parce qu'il y a des blessures, il y a des affaires épouvantables qui se sont passées dans leurs pays.

Bon, ça, c'est le portrait de ce que je veux vous... Comment on arrive à aider pour faire en sorte que l'égalité entre des hommes et des femmes soit vraiment bien comprise, là? Ici, c'est l'égalité entre les femmes et les hommes. Avez-vous des pistes et des actions, des recettes, quelque chose?

**(16 heures)**

Le Président (M. Bernier): Des suggestions? Mme Chouakri.

Mme Chouakri (Yasmina): Grosse question. Mais, moi, je vous dirai que, oui, il peut arriver des cas... Je pense que ça serait plutôt des cas extrêmes que vous avez cités, parce que je pense aussi, de toutes les femmes que nous avons rencontrées, je pense qu'il est souvent évident que les valeurs d'égalité ne sont pas forcément rejetées. Quand je dis des valeurs extrêmes, je ne dis pas qu'il n'y a pas de communautés où ça se passe comme ça. Il y en a beaucoup, parce qu'avec aussi la diversification de l'immigration effectivement il y a des femmes arrivant de pays où elles sont des citoyennes de second cas, ça, on ne peut pas dire les choses autrement, et elles le restent ici, elles le restent ici pour deux raisons. Et c'est là que le problème se pose.

Elles restent parce que... Et je comprends, je peux très bien comprendre que ça vienne chercher les féministes québécoises ou même les femmes québécoises qui ont souffert, elles aussi, pour arriver aux acquis qu'elles ont aujourd'hui. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que, si ces femmes sont maintenues encore comme ça ou elles continuent comme ça, c'est par le fait d'une double exclusion, par le fait qu'elles sont... elles évoluent dans une communauté qui continue de les exclure. Et ça, il n'y a aucun doute là-dessus. Elles n'arrivent pas comme étant des femmes égales et, malheureusement, la situation ici, les politiques d'intégration et d'immigration ne favorisent pas... ou les maintiennent dans une certaine exclusion.

Donc, il y a... Je pense qu'il faut aller, dans ce sens-là, sur deux volets. Et je pense que, d'un côté, oui, il faut sensibiliser, il faut mieux faire connaître. Et, moi, j'ai constaté que beaucoup de femmes immigrantes qu'on pourrait considérer effectivement comme des femmes exclues, quand elles connaissent mieux l'histoire des luttes féministes au Québec, comprennent un peu mieux les choses et elles ne sont pas forcément opposées.

Et deuxième élément, de l'autre côté, moi, je pense que les politiques d'immigration doivent absolument, d'un côté, appliquer une analyse différenciée selon les sexes, parce que les femmes et les hommes n'ont pas le même parcours migratoire. Vous le dites vous-même, Mme la ministre, vous vous retrouvez face à des personnes où les hommes se mettent devant, les femmes derrière. Ce n'est pas la même position, là, qui est mise en avant. On ne peut pas traiter les hommes et les femmes, en matière d'immigration, de la même façon.

Or, au niveau du ministère de l'Immigration, il y a une lenteur dans l'application, au niveau des programmes, qui ne tient pas compte de ces différences-là. Et je crois qu'aussi il y a un besoin aussi de sensibilisation et, du côté de ces femmes-là, de mieux connaître les valeurs, de mieux connaître l'histoire des luttes des femmes au Québec. Pourquoi elles en sont arrivées à... Et croyez-moi, moi, je n'ai pas l'impression, y compris les femmes que vous voyez en seconde zone, qu'elles ne sont pas intéressées par les valeurs d'égalité; elles sont très intéressées. Mais, seulement, il faut favoriser les contextes dans lesquels elles peuvent se retrouver, comment dire ça, à exprimer ou à mettre en pratique cette égalité. Malheureusement, ce n'est pas le cas, hein?

J'aimerais qu'on revienne...

Mme St-Pierre: Ce n'est pas ce que j'ai dit...

Mme Chouakri (Yasmina): Oui, oui. Je sais... Non, non. Je n'ai pas dit que vous disiez ça.

Mme St-Pierre: Non, non.

Mme Chouakri (Yasmina): Mais c'est pour dire qu'effectivement il y a deux côtés qu'il faut aborder pour vraiment traiter la question adéquatement.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Pour parler d'intégration, il y a ici, dans l'assistance, une jeune femme, à l'arrière, qui porte un voile, puis je pense que c'est un sujet qui porte... qui soulève beaucoup de questionnements au Québec, beaucoup de... On connaît la position de l'opposition officielle, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas y avoir de signes religieux dans la fonction publique. Est-ce qu'à votre avis, c'est ce qui devrait être fait dans une société d'accueil ou est-ce que la société d'accueil devrait aussi, pour une meilleure intégration dans la fonction publique, dire: Bon, bien, il y a une certaine place que le Québec devrait faire à certains signes?

Le Président (M. Bernier): Mme Chouakri.

Une voix: ...

Mme Chouakri (Yasmina): Je m'excuse, je vous laisserai la parole. Bien, écoutez, nous, personnellement, nous ne nous sommes pas penchés sur cette question en particulier à la TCRI. Ce que nous disons, c'est que l'intégration économique des femmes immigrantes est la priorité. L'imputabilité et le respect des plans d'accès à l'égalité dans la fonction publique est une priorité. Ça, ce sont, pour nous, des éléments qui permettent une réelle intégration économique. Nous pensons déjà... Nous pensons que toute société d'accueil quelle qu'elle soit peut choisir la laïcité qui lui convient. Donc, l'expression des signes religieux dans la fonction publique ou pas, c'est un choix qui revient à la société d'accueil. Ce qui est certain, c'est que nous pensons quand même que, pour les immigrants, la société d'accueil est un langage et qu'un discours cohérent là-dessus, ça aiderait. Mais, d'un autre côté, ce n'est pas une priorité pour nous. Nous nous penchons plus sur l'intégration et nous pensons, par exemple, que, pour l'expression de, disons, toute liberté de religion ou d'expression religieuse, la Charte des droits et libertés existe déjà et elle est un instrument qui apporte toutes les... qui respecte, il me semble, toutes les expressions religieuses.

Donc, voilà un petit peu, nous, notre position, c'est vraiment de prioriser l'intégration économique.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Donc, dans l'intégration, maintenant, dans les mesures que nous devrions avoir dans ce plan d'action, ça serait comment? Est-ce que vous voyez en forme de quotas? Qu'est-ce qui serait, pour vous, les meilleures... les manières les plus adéquates, compte tenu de tout ce qu'on sait, le vécu, le passé, l'intégration, et tout ça? Quels seraient les meilleurs moyens pour vraiment s'assurer qu'on se dirige vers l'égalité entre les hommes et les femmes et que cette égalité-là atteigne également les femmes immigrantes et réfugiées?

Mme Chouakri (Yasmina): ...

Le Président (M. Bernier): Mme Chouakri.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui, pardon. Je pense qu'au niveau de l'ensemble des mesures, c'est important que, relativement à l'approche, une approche intégrée d'égalité, on puisse constamment prendre en compte les réalités de certains groupes. On en a vu d'autres qui sont passés avant nous aujourd'hui, et je pense que c'est important. L'invisibilité, c'est ce qu'il y a de pire; ne pas être visible dans un... dans des mesures ou dans des politiques, c'est comme ne pas exister. Et je pense que, oui, il y a des situations particulières. Les femmes immigrées vivent... ont des parcours migratoires particuliers. On a eu l'exemple, par exemple, de places en garderie. Oui, nous savons qu'au Québec toutes les femmes vivent ce déficit, malheureusement, de places en garderies subventionnées. Mais, en même temps, les femmes immigrées, il faut comprendre qu'à ce problème s'ajoutent tous les obstacles qu'elles vivent dans leur parcours migratoire. Donc, ça fait un cumul d'obstacles et qui font qu'elles sont dans des situations toujours peut-être un peu pires que les autres.

Donc, de façon générale, c'est vraiment qu'au niveau de toutes les mesures il y ait une réelle prise en compte des besoins et des préoccupations des femmes immigrées, mais qu'il y ait aussi une mesure spécifique, une orientation spécifique. Pourquoi? Parce que, pour nous, c'est absolument urgent, par exemple, que le Secrétariat à la condition féminine du Québec et le ministère de l'Immigration travaillent ensemble, et qu'aussi Emploi-Québec soit inclus dans certains aspects de ce travail-là. Parce que c'est difficile à la fois d'obtenir au niveau des politiques en condition féminine... Et je comprends la... on comprend la complexité, le fait d'introduire constamment cette diversité, mais il faut le faire, parce que les femmes sont diversifiées. Mais, en même temps, du côté du ministère de l'Immigration, des politiques d'immigration et d'intégration, la difficulté qu'il y a aussi à appliquer une... On traite l'immigration comme un groupe, les immigrants comme un groupe homogène, comme s'il n'y avait pas de différence, et la difficulté d'appliquer l'analyse différenciée, là aussi, c'est très difficile.

Alors, c'est en ces termes-là surtout que cette mesure... Il devrait y avoir une mesure spécifique, avec évidemment des moyens mis en oeuvre sur une période, qui permettrait de redresser la situation, parce qu'économiquement on voit très bien que la situation des femmes immigrées est loin de s'améliorer depuis un bon nombre d'années.

Le Président (M. Bernier): ...vos commentaires. Oui, allez-y, Mme Chadi.

**(16 h 10)**

Mme Chadi (Mounia): Bien, juste pour compléter, je voudrais dire que... pourquoi c'est important de regarder le problème de la femme immigrée comme une discrimination croisée. C'est dans le sens qu'il y a ces problèmes comme immigrantes et ces problèmes comme femmes. Et, dans notre enquête de terrain qu'on a faite dans les sept régions du Québec, on a remarqué un rapport de cause à effet entre plusieurs problèmes qui se cumulent. Il y a les difficultés à la francisation, les difficultés de trouver une garderie, les difficultés d'accès à l'information quand on vient d'arriver pendant les premiers mois et les difficultés d'avoir un accompagnement. S'ajoutent à cela le problème de la non-reconnaissance des acquis du pays d'origine et la non-reconnaissance des diplômes. Alors, tous ces problèmes-là imbriqués créent l'isolement de la femme immigrée. Alors, briser cet isolement, trouver le moyen de la reconnaître dans son passé, son passé du diplôme, son passé d'expérience et lui ouvrir à la société québécoise justement pour qu'elle sorte de sa communauté, pour qu'elle va à la rencontre des valeurs d'ici, tout cela passe par un véhicule essentiel qui est l'intégration économique. Sinon, avec les autres éléments qui s'ajoutent, parce qu'il y a... Dans l'étude qu'on a faite, la moitié des femmes ne parlent pas français. Malgré qu'elles aient passé par le processus de francisation, elles n'arrivent pas vraiment à fonctionner en français. Donc, ça déjà, c'est un grand handicap. Donc, il y a une réalité de croisement de plusieurs problèmes qui nécessite un traitement qui spécifie les problèmes de la femme immigrée.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne. M. le député.

M. Traversy: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, merci beaucoup de vous être déplacées à Québec, aujourd'hui. C'est très intéressant d'avoir l'expertise, là, de dames aussi actives sur le terrain suite à votre explication de tournée à travers les régions avec les femmes que vous avez rencontrées.

J'aimerais tout d'abord, d'entrée de jeu, juste avoir peut-être une petite explication concernant justement la table de concertation que vous représentez, que vous puissiez me faire la distinction, pour commencer, entre des personnes réfugiées et immigrantes. Au niveau des femmes, qu'est-ce que ça représente, ça, exactement, la véritable distinction? Merci.

Le Président (M. Bernier): Mme Chouakri.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui. C'est deux statuts différents, tout simplement. L'organisme s'appelle comme ça. Mais, nous, personnellement, nous nous sommes penchées sur les... Bien, des femmes... des personnes immigrantes, ce sont des personnes qui sont, on va dire, des résidentes permanentes. Très souvent, comme la table représente des organismes qui travaillent auprès de ces personnes, ce sont des... Ces organismes-là peuvent accompagner des personnes immigrantes dans les cinq premières années de leur cheminement, de leur intégration, ici au Québec, par différents moyens: francisation, pré-employabilité, employabilité. Il y a beaucoup d'aspects qui sont... accompagnement parfois, quand ça existe.

Maintenant, réfugié, c'est un autre statut. Aujourd'hui, le Québec reçoit beaucoup moins de réfugiés qu'avant. La majorité des réfugiés, d'ailleurs, sont des réfugiés sélectionnés qui sont... c'est-à-dire que c'est le Québec, puisque le Québec décide de sa politique en matière d'immigration, il a... et il est autonome sur ce plan-là, donc ce sont des fonctionnaires qui vont sélectionner des réfugiés dans des camps de réfugiés, à l'extérieur, et qui sont ensuite ramenés ici au Québec, qui sont invités à venir au Québec. Actuellement, ils sont plus installés dans différentes régions. C'est lié à la politique de régionalisation de l'immigration, qui est initiée par le ministère de l'Immigration.

Et d'ailleurs, par rapport à cette situation, c'est assez grave, parce que, dans notre tournée, on a constaté effectivement que, parmi ces personnes réfugiées qui sont envoyées maintenant, qui sont placées directement en région, il y avait beaucoup de femmes réfugiées mais que les moyens... il y avait... c'étaient des femmes, vraiment, qui vivaient de nombreux obstacles, nombreuses difficultés, qui sont très, très isolées. Parce que, d'un côté, les cours de francisation, ça prend un certain temps avant de pouvoir commencer leurs cours. Les organismes ne sont pas assez financés pour faire de l'accompagnement, les aider dans différents moyens. Elles connaissent très peu les ressources existantes en matière de santé, de condition féminine qui existent dans les régions. Et, même si elles l'étaient, elles ne parlent souvent pas la langue, ou pas suffisamment. Donc, il y a vraiment un... Elles sont dans un étau terrible. Nous avons été vraiment choquées par... de voir la situation de ces femmes en région, des femmes réfugiées notamment, hein?

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Traversy: Je comprends bien, donc, le regroupement, la distinction, là, entre les deux statuts. Et donc faire du pouce sur un peu ce que vous mentionnez par rapport justement à l'isolement. On voit que la compréhension puis l'utilisation de la langue a un effet important par rapport justement à ce brisement qu'on veut faire au niveau de l'isolement. À la suite de plusieurs visites de diverses communautés culturelles notamment, on s'est aperçus que l'isolement était très présent. D'ailleurs, madame a mentionné tantôt justement une possibilité avec les haltes-garderies pour justement aider les femmes immigrantes à sortir des foyers, à pouvoir justement se permettre de se lancer au niveau du travail et de la communauté.

Est-ce que vous avez pensé à une solution un peu plus spécifique, politique, pour essayer justement de corriger la situation? À une certaine époque, on avait déjà eu des COFI, je crois que ça s'appelait, ou, en tout cas, il y avait d'autres politiques linguistiques qui avaient été mises en place. Celle qui est actuellement en poste, de ce que je comprends, n'est pas tout à fait adéquate. Qu'est-ce que vous suggérez au gouvernement du Québec pour essayer de bonifier la chose? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bernier): Mme Chouakri ou Mme Litovchenko.

Mme Chouakri (Yasmina): Est-ce que... Bien, écoutez, on a parlé des haltes-garderies. Nous, on préconise véritablement que, dans les programmes d'intégration... Parce que, nous, nous... En fait, à la TCRI, nous nous penchons plus sur des cas de femmes... pas dans notre tournée, mais on a plus rencontré des femmes qui étaient arrivées dans les cinq dernières années, donc ce qu'on appelle couramment, dans le jargon immigration, ici, des nouveaux arrivants ou des nouvelles arrivantes. Et ce qu'on constate effectivement: que, face au déficit de places en garderie subventionnées, ça serait vraiment important que le ministère de l'Immigration, dans l'ensemble des programmes qui s'adressent à l'intégration des femmes immigrantes, quels qu'ils soient, puissent s'accompagner de haltes-garderies, parce que... effectivement, pour s'assurer qu'elles soient moins isolées et qu'elles participent réellement à l'ensemble des programmes.

S'il n'y a pas de halte-garderie... Malheureusement, c'est très peu d'organismes... il y a très peu d'organismes qui ont les moyens d'avoir ces haltes-garderies et qui accompagnent les personnes immigrantes, et notamment les femmes. Et, malheureusement, ce qu'il faut noter, c'est que les femmes immigrantes arrivées dans les cinq dernières années, par exemple, fréquentent beaucoup plus ces organismes-là qu'elles ne fréquentent des centres de femmes ou qu'elles ne fréquentent des organismes québécois qui n'ont pas comme priorité justement, eux, dans leurs objectifs, l'intégration des femmes immigrantes. Donc, les objectifs étant différents, c'est plus là-bas qu'elles se...

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Litovchenko.

Mme Litovchenko (Tatyana): Oui. Ce que je voulais juste rajouter: nous avons aussi rencontré des femmes qui sont là depuis plus de cinq ans et, comme on savait pertinemment, il y a... La plupart des programmes s'adressent aux personnes immigrantes dans... qui sont là, qui sont établies au Québec moins de cinq ans, alors que, ce qu'on a pu voir, ce qui est souligné et démontré par plusieurs études, très souvent, ce délai de cinq ans n'est pas suffisant, surtout dans le cas des femmes qui sont souvent... Par exemple, quand il y a le choix d'accéder aux cours de francisation, très souvent, ça peut être... c'est le mari qui va être priorisé, alors que la femme, elle va plus se concentrer donc sur son rôle de mère, etc. Et donc les femmes, ce délai de cinq ans dépassé, elles se retrouvent donc finalement privées de la possibilité d'accéder aux cours gratuits de français à plein temps.

Le Président (M. Bernier): Oui. Effectivement. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Donc, je constate que... je note donc, à ce moment-ci, que le concept des haltes-garderies, là, serait une solution, là, des plus intéressantes à la chose. Et de constater aussi donc que la durée justement des cours de francisation... Puis, compte tenu que la mère s'occupe aussi plus souvent des enfants, si elle ne comprend pas bien le français, elle ne peut pas non plus le transmettre dans du dialogue avec ses plus jeunes. Donc, effectivement, il y a une problématique qui peut... sur laquelle il faut s'attarder.

Concernant la question de l'égalité hommes-femmes, lorsque justement des nouveaux arrivants arrivent au Québec -- on est présentement, là, justement dans un débat politique au niveau de notre discours sur l'identité, vous avez bien fait de le mentionner tantôt -- ce qu'on aimerait, c'est qu'on soit de plus en plus clairs, là, au niveau du discours, là, qui tourne un peu... nos valeurs et au niveau justement de notre identité, notamment sur l'égalité entre hommes-femmes. Un des problèmes qu'on a remarqués, c'est qu'au niveau... Vous avez vu qu'on a inséré, le gouvernement du Québec, l'égalité hommes-femmes dans la charte, dans la Charte des droits et libertés. Un des problèmes, c'est que, des fois, au niveau juridique, lorsque vient le temps de prendre certaines décisions, on a remarqué que, des fois, le droit à la religion pouvait parfois primer sur le droit à l'égalité hommes-femmes.

J'aimerais savoir: Est-ce que votre table de concertation a une position par rapport au fait que... est-ce que l'égalité hommes-femmes doit prévaloir le droit des religions ou l'inverse?

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Chouakri.

Mme Chouakri (Yasmina): Question... Bien, écoutez...

Le Président (M. Bernier): Pas facile.

**(16 h 20)**

Mme Chouakri (Yasmina): ...nous, nous considérons. Non, non, non, pas du tout. Nous considérons que c'est une valeur fondamentale du Québec, que tous les outils existent justement pour déterminer, quel que soit le cas qui peut se présenter à notre avis... puisse se faire dans le respect de ces valeurs-là. Et qu'on parle de religion ou d'autre chose, enfin, en tout cas, ce n'est pas... On n'a pas élaboré véritablement de position, mais, globalement, pour nous, les instruments existent, ils sont là pour faire respecter l'ensemble des valeurs, notamment des valeurs québécoises. Et que ça soit en termes de cas, en termes de religion ou autre chose, je pense que le législateur est tout à fait en mesure de juger d'une demande excessive, quelle qu'elle soit, puisqu'il s'agit, en fait, d'accommodement dont vous me parlez. Alors, finalement, tout l'arsenal existe, il est déjà là, à notre avis.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Traversy: Écoutez, j'aimerais vous poser dans ce cas-ci une question par rapport au nombre justement de nouveaux arrivants que le Québec est en mesure d'accueillir chaque année. Vous savez qu'il y a une consultation qui va venir bientôt concernant, bon, justement le nombre de gens qu'on est capables d'accueillir et, par la suite, d'intégrer soit au marché du travail soit à la société, donc, toutes les questions auxquelles on essaie de trouver des solutions depuis tout à l'heure.

Au niveau de ce débat-là, est-ce que votre table a réfléchi justement à une position par rapport aux capacités du Québec d'accueillir les gens, considérant les problèmes qu'on y voit, ou pensez-vous qu'on peut continuer d'aller plus de l'avant, ou que la situation actuelle est acceptable? J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que c'est un débat qui va être important.

Mme Chouakri (Yasmina): Écoutez, je ne peux pas...

Le Président (M. Bernier): Mme Chouakri.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui. Pardon. Je ne peux pas répondre avant que cette consultation débute, mais ce qui est certain, c'est que la position habituelle de la TCRI, c'est une question... c'est une position qui est basée sur la cohérence des politiques d'immigration et d'intégration et des moyens aussi qui sont mis en oeuvre.

C'est sûr qu'il y a eu une augmentation des volumes d'immigration ces dernières années, et ça a produit effectivement des défis multiples, et que les conséquences finalement d'un manque de ressources ou de moyens qui favorisent cette intégration peuvent avoir des conséquences très graves sur le long terme, notamment. Parce qu'il ne faut pas penser que... Effectivement, il y a une vision souvent qui pense que, bon, bien, si la première génération est sacrifiée, les parents, ce n'est pas plus grave; en fait, c'est les enfants qui sont plus intéressants, parce qu'eux vont être complètement intégrés à la société québécoise et puis qu'il n'y aura pas de problème. Malheureusement, les problèmes de santé qui découlent d'un manque d'intégration, d'une absence d'intégration, ils sont énormes. Et, quand je dis «de conséquences sur la santé», c'est sur la santé physique et mentale. Et le fait que des parents immigrants ne s'intègrent pas, n'arrivent pas à s'intégrer, ça va avoir des conséquences aussi sur leurs enfants et aussi sur l'intégration de leurs enfants par la suite. Donc, nous, à la TCRI, nous mettons vraiment en rapport la cohérence des ressources et des moyens. C'est sûr aussi... Et puis le discours sur une immigration purement démographique, économique, pour nous, est dangereux aussi, parce que ça veut dire aussi que ce n'est pas... On ne doit pas parler de l'immigration simplement comme d'un produit qui vient régler un problème de démographie ou un problème économique, mais beaucoup plus aussi en termes beaucoup plus, on va dire, humains, etc., et introduire d'autres éléments qui...

Et je pense aussi que toute la question est de tenir compte aussi de la capacité de la société d'accueil. Je pense qu'il y a beaucoup d'éléments. Mais je vous dis ça globalement par rapport aux positions qui ont été prises antérieurement, mais je ne sais pas, sur la prochaine consultation, qu'est-ce qui va se décider, tout dépend des propositions gouvernementales qui vont être faites.

Le Président (M. Bernier): Merci.

M. Traversy: Merci, M. le Président. C'est très intéressant. Donc, je retiens aussi donc le mot «cohérence» pour cette vision des choses que je trouve tout à fait louable pour mettre un peu plus, justement, le côté humain en valeur dans la réflexion d'une telle politique. Alors, je retiens vos propos.

Peut-être une dernière question, si vous me permettez, concernant justement la reconnaissance des acquis, la reconnaissance des qualifications, de la formation. Vous savez, lorsqu'on rencontre les gens, des nouveaux arrivants, notamment les femmes ont des qualifications qui proviennent, là, de leurs pays d'origine, ont de la difficulté, par contre, des fois, à se les faire reconnaître ou à trouver un emploi sur le marché du travail rendues au Québec. Le gouvernement du Québec a établi des politiques de reconnaissance puis de mobilité d'emploi avec d'autres pays, notamment la France, au cours des derniers mois, de la dernière année. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être intéressant d'élargir de telles ententes avec, peut-être, d'autres pays de la Francophonie comme, exemple, le Maghreb, les pays du Maghreb, ou peut-être tout simplement d'autres États? J'aimerais voir si vous avez réfléchi à la chose.

Le Président (M. Bernier): Vous avez 30 secondes, Mme Chouakri, pour répondre.

Mme Chouakri (Yasmina): Bien, certainement que ça serait intéressant puis, effectivement, ça a été, politiquement, une très bonne initiative. Seulement, j'ajouterais rapidement que, pour les femmes immigrées, les obstacles viennent beaucoup, beaucoup de leur précarité économique. Vous savez, pour faire reconnaître un diplôme auprès d'un ordre professionnel, par exemple, ici, ça coûte... L'étude du dossier, par exemple... Je prends le... je crois, le cas du Barreau du Québec, c'est 1 000 $ juste pour l'étude du dossier. Ensuite, on va vous demander de retourner deux ans à l'université. J'ai vu des juristes diplômés, avec un doctorat, qui ont... à qui on a demandé de retourner en bac. Donc...

Le Président (M. Bernier): Je dois vous...

Mme Chouakri (Yasmina): Voilà. O.K., très bien.

Le Président (M. Bernier): ...malheureusement vous interrompre pour permettre aux autres groupes de faire leurs présentations. Donc, Mme Chouakri, Mme Chadi, Mme Litovchenko, merci de votre présentation, merci de votre participation et merci de votre travail que vous avez fait un peu partout en région. Je pense que c'est fort important.

Donc, je vais suspendre quelques instants pour permettre au groupe concernant la concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 27)

 

(Reprise à 16 h 29)

Le Président (M. Bernier): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Donc, nous recevons des représentantes du groupe au niveau de la concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle. Donc, je voudrais que vous vous identifiiez, et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Allez-y.

Concertation des luttes contre
l'exploitation sexuelle (CLES)

Mme Matte (Diane): Merci. Mon nom est Diane Matte. Je suis accompagnée de Carole Boulebsol, qui est membre de notre de comité de coordination. Je veux d'abord, vous remercier de nous avoir invitées, vous remercier, Mme la ministre, M. le Président, les députés qui sont présents. On va essayer de faire ça, effectivement, bref.

**(16 h 30)**

La Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle existe depuis 2005 et travaille essentiellement à trois niveaux: d'une part, à prévenir l'entrée dans l'industrie du sexe, donc de faire un travail de prévention auprès des jeunes, jeunes femmes et jeunes hommes, par rapport à la question de l'exploitation sexuelle; offrir un soutien aux femmes qui ont été ou sont dans la prostitution et souhaitent effectivement avoir et nécessitent, en fait, des outils pour pouvoir effectivement sortir et voir leurs droits respectés; et un travail évidemment de sensibilisation auprès du public et auprès de décideurs.

En fait, on souligne tout particulièrement, en fait, notre intérêt d'être ici. Effectivement, c'est, d'une part, parce que la politique d'égalité que le Québec... que le gouvernement québécois a adoptée en 2006 est, pour nous, un outil très important de travail, très important, entre autres à cause de l'orientation qui vise à prévenir et contrer l'exploitation sexuelle. Pour nous, c'est, si on pense à d'autres provinces canadiennes, un des seuls endroits où on a un tel outil qui permet effectivement d'avancer. Et donc, on était... nous étions, lorsque la politique a été adoptée, très satisfaites de voir ça, un peu moins satisfaites du plan d'action, qui, selon nous, limitait à la question de la traite, et c'est pour ça qu'on venait présenter aujourd'hui nos recommandations qui vont ouvrir et couvrir beaucoup plus largement la question de l'exploitation sexuelle.

Je tiens aussi à dire que la concertation, depuis 2005... depuis 2008, fait un travail plus particulièrement de terrain auprès des femmes. Et on a rencontré, dans les deux dernières années et demie, environ une centaine de femmes qui ont été ou sont dans la prostitution, des femmes de tout âge, de tout milieu. Et le vécu de ces femmes-là et les chemins dont elles nous ont parlé correspondent, en fait, à tout ce qu'on peut savoir des réalités de la prostitution et de ce qui amène les femmes dans la prostitution. La majorité d'entre elles étaient entrées dans l'industrie du sexe avant l'âge de 18 ans. La majorité d'entre elles avaient un vécu, effectivement, de violences sexuelles dans leur enfance ou dans leur adolescence et, très souvent, vivaient encore diverses formes de violence physique et sexuelle, évidemment incluant dans l'industrie du sexe. Plusieurs avaient été confrontées, effectivement, à la sexualisation, si on peut dire, et partaient avec l'idée qu'effectivement leur présence dans l'industrie du sexe était ce pourquoi elles étaient destinées, en fait.

Et c'est fortes de ces expériences-là que, évidemment, on tient à vous présenter aujourd'hui nos recommandations, mais d'insister plus particulièrement que, pour nous, un outil essentiel pour arriver à ce qui est une égalité de fait pour toutes, incluant les femmes qui ont été ou sont dans la prostitution, c'est d'avoir une politique de lutte contre l'image... contre l'exploitation sexuelle de l'image et du corps des femmes. Et cette politique-là, pour nous, permettrait de faire plusieurs choses, évidemment, mais permettrait, entre autres, de travailler autant au niveau de la prévention qu'au niveau du soutien pour les femmes à sortir... pour sortir de la prostitution.

Ma collègue Carole reviendra plus à fond du contenu de cette politique-là. Mais il est important de savoir que, pour nous, cette politique spécifique permettrait... Évidemment, au cours des années, au Québec, on s'est dotés de politiques sur les agressions sexuelles, sur la violence conjugale, des éléments importants, évidemment, de la violence auxquels les femmes sont confrontées, mais la question de l'exploitation sexuelle a été peu ou pas utilisée, en fait, ou explorée. Et donc, pour nous, c'est important de pouvoir focusser, si on peut dire, sur cette réalité de la violence envers les femmes, réalité qui est reconnue, en fait, par la politique en tant que telle comme étant une forme de violence envers les femmes. Donc, c'est important, pour nous, de penser à l'adoption d'une telle politique.

C'est important aussi pour nous d'éventuellement, peut-être pas dans le plan d'action, dans les trois ans, mais, quand même, de réfléchir dans une perspective d'aller vers une loi contre la violence envers les femmes. On pense que les politiques sont utiles, ont été utiles et continuent d'être utiles, mais d'avoir une loi-cadre qui donnerait effectivement la vision que le gouvernement et que la société québécoise a de la question de la violence envers les femmes, et combien elle est intrinsèquement liée à la question de l'égalité pour toutes et question à la... que la violence est liée à la question de l'égalité. Une loi contre la violence envers les femmes nous permettrait d'aller beaucoup plus loin. On pense, entre autres, à une loi comme la Suède a adoptée, en 1999, qui est une loi sur la paix des femmes, la loi s'appelait... et qui a permis, entre autres, de faire reculer l'industrie du sexe sur le territoire de la Suède, de faire diminuer la traite des femmes et des êtres humains en général, et qui a permis aussi, évidemment, de faire avancer la question des droits des femmes. C'est d'ailleurs, peut-être, une des raisons où on peut remarquer que les pays nordiques... entre autres, la Suède est toujours parmi le palmarès des pays les plus performants en termes de question de droit des femmes. Et, pour nous, c'est une inspiration de penser effectivement dans une perspective de loi contre la violence envers les femmes pour aller plus loin dans la question de l'égalité de fait pour toutes.

Et ma collègue va vous parler plus particulièrement de la politique.

Le Président (M. Bernier): Mme Boulebsol.

Mme Boulebsol (Carole): Boulebsol. Bonjour.

Le Président (M. Bernier): Boulebsol, oui.

Mme Boulebsol (Carole): En effet, nous, on a quand même identifié plusieurs problématiques et préoccupations, là, en lien avec l'exploitation sexuelle du corps, et, en particulier, la problématique de l'exploitation sexuelle de l'image des filles et des femmes. Donc, on parlait de socialisation sexiste et inégalitaire qui est renforcée par des mécanismes d'éducation. Je ne veux pas rentrer dans les détails parce qu'on a quand même bien documenté ça dans le mémoire. On a identifié d'ailleurs, au même titre que le gouvernement, la question de la sexualisation et de la pornographie, sexualisation autant au niveau de la sphère privée que de la sphère publique avec ce qu'on appelle communément, là, l'hypersexualisation de la société et de l'espace social. On a associé, comme facteurs de risque aussi, l'éducation sexuelle diluée, l'absence, la non-éducation sexuelle... d'une politique d'éducation sexuelle claire. Et ces trois facteurs-là ont, selon nous, des impacts sur le comportement inégalitaire et violent dont peuvent faire preuve les adolescents.

On salue quand même le rapport qui a été fait par le Conseil du statut de la femme, en 2008, qui s'appelait donc Le sexe dans les médias: obstacle aux rapports égalitaires et qui s'intéressait justement à cette question-là. Et on salue également la charte québécoise sur une image corporelle saine et variée... saine et diversifiée, pardon. Cela étant, on pense quand même que cela participe... voyons, à tracer, comme le disait Diane, les chemins vers l'exploitation sexuelle du corps des femmes en légitimant finalement une telle pratique.

On parle bien de chemins, hein, et non pas de choix. C'est vraiment très clair pour nous qu'il y a un agencement, qu'il y a des conditions sociales qui vont favoriser l'entrée dans la prostitution, le recrutement: on peut citer la dépendance affective, la dépendance aux drogues; on peut citer la pauvreté; on peut citer l'isolement, des choses comme ça. Ce qui est certain, c'est que la pratique prostitutionnelle, quelle qu'elle soit, va avoir un impact négatif sur la santé physique et psychologique des femmes. C'est quelque chose qui est récurrent dans les résultats des analyses, là, qualitatives, en termes de santé, de vie et de bien-être.

Et ce qui est sûr aussi, c'est que, lorsqu'une femme est, par exemple, autochtone, elle a plus de chances, au Canada, d'être trafiquée ou d'être prostituée. Je vais vous donner un petit exemple qui est quand même assez frappant: dans certaines villes et régions québécoises et canadiennes, les enfants et les femmes autochtones représentent 90 % des femmes qui sont... des personnes qui sont prostituées, 90 %, alors que, paradoxalement, elles ne constituent que 10 % de la population du territoire. Ça, c'est un exemple.

Un autre exemple plus proche: la Sûreté du Québec qui a déclaré, en septembre de l'année dernière, qu'après une opération policière qui avait mené à des arrestations, sur 28 femmes prostituées, arrêtées, il y en avait 21 qui étaient autochtones. Donc, nous, on voit un lien direct entre l'exploitation sexuelle et le racisme.

Donc, au niveau du contenu de la politique, pour ces raisons-là que j'ai expliquées sommairement, nous, on l'aurait orientée sur quatre axes principaux, à savoir: l'éducation et la prévention; la décriminalisation des femmes dans la prostitution; la pénalisation des clients prostitueurs et proxénètes; et enfin le soutien à la sortie de la prostitution.

Alors, pourquoi? Parce qu'on voit, sur le terrain -- non seulement les 40 groupes qui constituent la CLES, mais aussi la CLES dans son travail de terrain -- on remarque qu'il y a des carences en termes d'éducation et de prévention, tant au niveau des enfants, mais aussi au niveau des formateurs et des éducateurs. On a identifié plusieurs besoins en termes de prévention, mais aussi des besoins en termes d'intervention. Comment intervenir auprès de cette population-là?

**(16 h 40)**

On aimerait beaucoup, beaucoup insister sur la question de la décriminalisation des femmes dans la prostitution, puisqu'actuellement c'est elles qui sont majoritairement arrêtées et c'est elles qui sont majoritairement stigmatisées, alors que, finalement, ce sont les clients qui sont responsables de la demande. Et on aimerait donc insister justement sur la pénalisation des clients prostitueurs et sur celle des proxénètes, des tenanciers de bar, de toutes sortes de lieux de proxénétisme et de prostitution. Et donc, j'insisterai aussi sur le soutien à la sortie de la prostitution, puisqu'à l'heure actuelle il y a très peu de services qui existent et beaucoup de demandes. C'est-à-dire que... Encore une fois, je vais vous citer une petite étude, menée à Vancouver, qui relevait que 95 % des femmes prostituées, interrogées, qui étaient majoritairement autochtones, souhaitaient quitter la prostitution; 82 % d'entre elles ont souligné avoir besoin d'un traitement en désintoxication, soit en drogues, soit en alcool; 66 % d'un logement ou d'un lieu sécuritaire; 67 % d'une formation professionnelle; 41 % de soins médicaux; 49 % de cours d'autodéfense; 58 % de services de «consulting»; et enfin 33 % d'assistance juridique.

Donc, il y a bien des besoins, là, qui sont identifiés, qui sont très clairs, mais on manque de moyens pour mettre les services adéquats pour y répondre. Alors, Diane, quelles sont les conditions de réussite de cette politique?

Mme Matte (Diane): Oui, ma chère. Mme Matte.

Le Président (M. Bernier): ...trois minutes.

Mme Matte (Diane): Trois minutes. Les conditions de réussite. En fait, j'aimerais insister aussi, par rapport à la politique, souvent, ce qu'on se fait répondre, c'est: Le Québec ne peut pas agir sur le Code criminel. Évidemment, il s'agit d'une responsabilité fédérale, on est très conscientes de ça. On fait les représentations qu'on doit faire du côté d'Ottawa. Mais nous croyons que le Québec a toujours innové quand il s'agit de la lutte contre la violence envers les femmes et qu'il y a place à innovation quand on parle de la question de l'exploitation sexuelle. On sait quand même que le Québec est capable de... en fait, responsable de l'administration de la justice et qu'il y a des choix qui peuvent être faits par rapport à: Qui est arrêté?

Et, pour nous, c'est très important d'arrêter... en fait, de considérer la prostitution comme étant... En fait, à l'intérieur de la prostitution, de considérer la présence des hommes et des femmes du même pied, ce n'est pas vrai. Les femmes ne sont pas là pour les mêmes raisons que les hommes et ne bénéficient pas de leur présence dans la prostitution de la même façon que les hommes. Au contraire, comme Carole disait, elles sont pénalisées, très souvent dans l'immédiat mais pour le restant de leur vie, puisque ça se met très mal dans un C.V., et ton passé peut te rattraper à n'importe quel moment et amener d'autres types de difficulté.

Donc, pour nous, c'est important que le gouvernement du Québec sache qu'il peut et qu'il doit agir. Évidemment, les conditions de réussite de cette politique-là soulèvent aussi les questions par rapport aux conditions socioéconomiques pour l'atteinte d'une égalité de fait. On l'a souligné, une des raisons pour laquelle les femmes se retrouvent dans la prostitution, c'est par manque de choix, en fait, et, entre autres, par appauvrissement, évidemment. Donc, toutes les politiques qui effectivement... et je suis certaine que vous en avez entendues, à la commission, des recommandations par rapport à tout ce qui concerne l'autonomie économique des femmes. Mais toute amélioration de l'autonomie économique des femmes fait en sorte que moins de femmes vont entrer dans la prostitution. Donc, pour nous, c'est important d'insister sur cet aspect-là.

C'est important aussi, évidemment, de dégager du nouvel argent pour arriver à appliquer une telle politique et à mettre en place le plan d'action, évidemment, mais particulièrement une politique sur l'exploitation sexuelle, et assurer un financement récurrent associé à cette politique-là, et assurer aussi un financement des organismes. Bon, on reviendra, plus tard, dans les recommandations, vous aurez le temps de le lire, l'importance effectivement... Il n'existe pas... Présentement, à part la Concertation -- je suis habituée de dire CLES -- des luttes contre l'exploitation sexuelle et La Maison de Marthe, à Québec, sont les deux seules ressources qui travaillent sur le terrain à aider les femmes à ne pas entrer dans la prostitution et à en sortir. Et donc, c'est important. Et, à ma connaissance, ni La Maison de Marthe, ni nous n'avons un financement assuré et récurrent. On a même un petit... un petit... une fin de projet qui s'en vient. Et donc, c'est important qu'il y ait effectivement des fonds qui soient attribués par rapport à ça.

On veut aussi également souligner...

Le Président (M. Bernier): Mme Matte, vos propos sont fort intéressants, mais on va devoir échanger avec les parlementaires. Votre temps est passé.

Mme Matte (Diane): Oui. O.K.

Le Président (M. Bernier): Donc, merci de votre présentation. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Je vais vous laisser finir votre phrase, parce que c'était tellement passionnant.

Mme Matte (Diane): Je voulais parler du jugement...

Mme St-Pierre: Allez-y.

Mme Matte (Diane): Je voulais parler du jugement de la Cour supérieure, en Ontario, j'espère que plusieurs d'entre vous... On a une recommandation: En fait, on souhaiterait fort que l'Assemblée nationale fasse une motion pour dénoncer le jugement et la décriminalisation totale de la prostitution, un peu comme vous avez fait, en novembre dernier, concernant la polygamie, et vous avez abondé dans le sens du Conseil du statut de la femme. Le Conseil du statut de la femme s'est prononcé contre la décriminalisation totale de la prostitution. Et on pense qu'on doit envoyer un message clair, comme société québécoise, à Ottawa, puisqu'évidemment ça va se rendre jusqu'en Cour suprême, cette cause-là. Nous sommes partie des groupes qui demandent à intervenir dans l'appel, et c'est important de stopper ce jugement très dommageable pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Bon. Alors, écoutez, c'est un sujet évidemment... On est, depuis le matin, dans des sujets passablement difficiles et qui viennent nous chercher très loin. Vous parlez, dans votre... le mémoire, évidemment... On essaie de le passer à vitesse grand V, là, ce n'est pas grave. Vous êtes les deuxièmes, ce matin, à parler des émissions comme celle de Mme Anne-Marie Losique. Et, ce matin, on nous disait, bon, qu'il faudrait qu'on ait quelque chose sur la question de l'hypersexualisation puis on parlait d'interdiction. Moi, je me demande où est-ce qu'on... qui tracerait la ligne et comment on la tracerait, cette ligne-là, dans ces questions-là, à savoir: Qu'est-ce qui est pour vous ou pour moi quelque chose qui n'est pas acceptable? Qu'est-ce qui est acceptable, qu'est-ce qui est inacceptable dans les campagnes publicitaires? Je ne sais si vous l'abordez là-dedans, là, mais c'est...

Mme Boulebsol (Carole): Moi, je pourrais...

Le Président (M. Bernier): Mme Boulebsol.

Mme St-Pierre: Parce qu'ici vous parlez de glamourisation... banalisation de l'exploitation sexuelle: «Malgré la forte présence d'un lobby faisant la promotion de l'industrie du sexe et ses bienfaits pour les femmes et les relations de couple -- puis là vous parlez de Mme Losique -- la CLES refuse de considérer la prostitution comme un travail, encore moins comme une liberté ou un droit.» Ça, on s'entend là-dessus, là. Je ne pense pas que... Comme vous dites, ça ne s'écrit pas dans un C.V. tellement, là.

Comment on pourrait... Dans le sens des messages qu'on envoie aux jeunes, ou des messages qu'on envoie via la publicité, ou via certaines émissions, comment le législateur pourrait dire: Bien, ça, c'est bien, puis ça, c'est mal, le bien et le mal?

Le Président (M. Bernier): Mme Boulebsol.

Mme Boulebsol (Carole): Oui, merci. C'est une question complexe que vous posez. Moi, un peu de manière intuitive, j'ai envie de répondre: Comment a-t-on fait pour les images à caractère raciste? Parce qu'en fait, quand on parle de sexualisation et d'hypersexualisation, moi, j'entends beaucoup... en fait, ce que j'entends par là, c'est du sexisme ordinaire, c'est-à-dire que l'utilisation comme ça, à outrance, d'un corps nu, morcelé, pornographisé pour vendre une machine à coudre aussi bien qu'un tube de dentifrice, en tout cas vraiment tout et n'importe quoi, quand on s'arrête un petit peu, là, à décortiquer, ça donne vite la nausée, parce qu'on se rend compte à quel point c'est important et c'est présent et à quel point c'est banalisé, vraiment. Donc, pour moi, c'est un peu comme la question du racisme. Comment est-ce qu'on fait pour identifier le racisme dans une photo? Bien, je pense qu'il faut aussi aller interroger les personnes concernées.

Et je vais donner un exemple, là. Le conseil canadien des normes de la télévision et les normes canadiennes de la publicité sont actuellement les deux principaux organismes qui ont la possibilité, d'après ce que j'ai compris, de légiférer sur ces questions-là. Et donc il y a l'article 14 du code NCP sur la description et la représentation inacceptable d'une image médiatique qui renvoie, je crois, à la question de la dignité. Et je vais vous donner un exemple: sur toutes les plaintes donc qui ont été données dans l'année 2008, il y en a seulement 10 qui ont été retenues. Sur 683, il y en avait... elles concernent essentiellement la télévision et Internet, et il y en a 5,3 % qui ont été reçues, je pense, grosso modo. Donc, tout ça pour dire... Mon exemple, il est là pour dire qu'effectivement c'est très difficile pour les citoyens et les citoyennes ou même les groupes de porter plainte, d'avoir une action, d'essayer de retirer une photo dans un journal gratuit, des choses comme ça. Donc, moi, je crois que c'est aussi un devoir de société, et du gouvernement, mais aussi des acteurs, des citoyens, etc., de se poser la question de qu'est-ce que le sexisme à l'heure actuelle et comment est-ce qu'il se manifeste.

Puis je réponds à votre question par une autre question: Qu'est-ce que le sexisme, au final? Donc, je pense qu'il faudrait avoir des critères finalement assez clairs, là. De la même manière de comment est-ce qu'on reconnaît du racisme, et c'est interdit par la loi, bien comment est-ce qu'on peut interdire dans la loi la présence d'images sexistes?

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Oui. Mais ça... C'est sûr que... Je pense à la chanson, là, qui a été interdite dans des stations de radio parce que des gens avaient déposé une plainte parce qu'on utilisait le mot «faggot» dans la chanson. Bon. Tout le monde a dit: Bien, voyons, tu sais, c'est un... Alors, comprenez-vous ce que... Bon. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire, là, c'est assez difficile de savoir où est-ce qu'on trace la ligne.

Je fais juste un petit aparté. Vous avez des tableaux absolument magnifiques. Vous mariez l'art à votre discours. Je trouve ça fort intéressant.

Mme Matte (Diane): ...faire ces deux choses.

Mme St-Pierre: Comme ministre de la Culture aussi, ça m'intéresse, ça m'intéresse énormément. Mais je reste dans cette ligne de pensée là: Comment on les établirait, les critères? Parce que, moi, je vais vous dire, ma crainte là-dedans, c'est qu'on peut passer à la censure.

Puis je suis allée voir, la semaine dernière, un spectacle magnifique, à Montréal, de danse, une chorégraphie de Dave St-Pierre -- pas parent avec moi, mais je l'aime beaucoup, Dave St-Pierre. Les danseurs sont nus sur scène, et je peux vous dire que c'est très explicite. Et quelqu'un pourrait arriver et déposer une plainte en disant: Bien, moi, je n'ai pas trouvé ça... j'ai trouvé que ça allait trop loin. C'est là que c'est compliqué.

Mme Boulebsol (Carole): ...pas de... Excusez-moi de vous...

Mme Matte (Diane): Alors...

**(16 h 50)**

Le Président (M. Bernier): Mme Boulebsol ou Mme Matte.

Mme Matte (Diane): Bien, je vais laisser...

Le Président (M. Bernier): Vous allez lui laisser... Mme Boulebsol.

Mme Boulebsol (Carole): Je me dis: Peut-être qu'on pourrait commencer la politique des petits pas, c'est-à-dire que, oui... Puis aussi c'est qu'il y a un poids, deux mesures, c'est-à-dire que vous alliez dans une représentation théâtrale, artistique et qu'il y ait des corps nus, bon, c'est quand même un certain contexte. Le contexte social... Il y a beaucoup d'images sexualisées dans les journaux gratuits, en quatrième de couverture, pour moi, ça, c'est une autre mesure, le fait aussi d'avoir, dans les annonces gratuites, qui font souvent d'ailleurs référence à l'exploitation sexuelle, des femmes toutes nues où on voit écrit: Toutes les nationalités, tous les goûts.

Mme Matte (Diane): Bien, je peux peut-être... Mme Matte. Je vais rajouter. En fait, la mesure d'évaluation, c'est les rapports égalitaires qui sont à l'intérieur de ça. Que des corps soient nus, on... je veux dire, ça peut être effectivement très beau et très artistique. La sexualité, c'est quelque chose qu'il faut glorifier et effectivement apprécier dans toute sa splendeur, mais il faut aussi replacer justement c'est quoi, le rapport égalitaire, c'est quoi, le rôle des femmes dans une image x, y, c'est quoi, le rôle qui est accordé aux hommes, aux femmes, est-ce que c'est effectivement un rapport de domination, d'exploitation ou un rapport égalitaire? Et, je pense, c'est la mesure.

Je suis d'accord avec vous, évidemment on n'est pas ici pour prôner la censure, on n'est pas ici pour prôner une approche moralisatrice par rapport à la question de la prostitution ou de l'industrie du sexe, on est ici pour parler de la question de la violence des hommes envers les femmes, de la violence organisée, en fait, parce que, quand on parle de l'industrie, évidemment il y a une forme de prostitution qui est de la prostitution qu'on appelle, nous, de survie ou de troc, qui effectivement affecte particulièrement les femmes les plus pauvres qui vont monnayer leur loyer contre des faveurs sexuelles parce que c'est ça que le proprio leur propose pour sortir du merdier dans lequel elles se retrouvent. Mais on parle aussi, en général, d'une industrie qui est très organisée, évidemment quelquefois criminalisée mais pas toujours non plus et d'individus ou de groupes d'individus qui cherchent à faire de l'argent sur le corps des femmes.

Et je pense que c'est là qu'il faut aussi regarder dans son ensemble. C'est clair qu'après ça il y a des zones grises où ne s'entendrait pas toutes et tous sur qu'est-ce qui constitue effectivement une inégalité ou un rapport d'inégalitaire, mais il faut avoir en tête effectivement le contexte social dont Carole... et le contexte évidement de la situation en tant que telle, et...

Mme St-Pierre: Oui, mais c'est très pernicieux, parce que...

Mme Matte (Diane): Ah! c'est clair.

Mme St-Pierre: ...on sait qu'il se fait du recrutement dans les centres d'achats... les centres commerciaux, puis, la jeune fille, la jeune ado qui se fait offrir le sac à main dernier cri qu'elle n'a pas les moyens de se payer, bien, ça commence... ça peut commencer par un petit geste comme celui-là puis après ça bien ça s'en va vers encore plus, encore plus, encore plus.

Comment on amène ces femmes-là à repartir à zéro? Parce que certaines peuvent vivre dans des situations où elles peuvent se payer plein de choses, du luxe, là, on s'entend, là, des choses qui sont peut-être superficielles à nos yeux, mais comment on les amène à... comment on pourrait, dans une politique, dans un plan d'action, avoir des actions qui amènent à prendre conscience que repartir à zéro, ce n'est pas facile, mais repartir à zéro peut vouloir dire un avenir qui est plus prometteur aussi, là?

Le Président (M. Bernier): Mme Matte.

Mme Matte (Diane): Oui. Donc, on doit partir... Évidemment, ça dépend à qui on s'adresse exactement. On a, dans les recommandations, évidemment l'importance de travailler en amont, c'est-à-dire, au niveau de l'éducation évidemment dans les écoles, l'importance de parler d'une sexualité mais d'une sexualité qui est basée effectivement sur les désirs communs et non pas le désir de plaire absolument. Et je pense que présentement, puis c'est un peu l'impact aussi de l'exploitation sexuelle de l'image des femmes, c'est que le message que des jeunes femmes reçoivent au moment où on se parle, c'est: Tu ne vaux pas plus que ce que tu es capable d'offrir à un gars.

Et donc toute cette notion de ta valeur propre, je pense que malheureusement on est encore, malgré le travail que des féministes comme nous avons fait depuis plusieurs années... je dirais même qu'on a reculé un peu, parce qu'il y a une espèce de sentiment que, bon, oui, effectivement, si ça te tente d'aller danser, si ça te tente de faire un petit cours de «poll position» ou de passer à l'émission d'Anne-Marie Losique, c'est juste ton choix personnel, puis tu vas avoir ton petit cinq minutes de vedette, puis tu vas être plus cool dans ton milieu, et on ne réfléchit pas à qu'est-ce que ça envoie comme message, qu'est-ce ça envoie comme message aux autres jeunes femmes, l'existence d'une émission... Je ne veux pas lui donner plus de temps d'antenne qu'elle a besoin, mais effectivement de...

Les messages français... L'autre jour, j'étais dans une communauté où une jeune femme a reçu ou a... une petite communauté, en fait, qui a réussi à obtenir sa photo dans le Playboy, et, dans la communauté, c'était vu comme étant: Hé! wow! elle a réussi. Elle pose nue dans Playboy puis elle est devenue comme la vedette. Mais qu'est-ce que ça envoie comme message aux autres jeunes femmes de ce petit bled là qui effectivement aimeraient ça? C'est le fun d'être considérée comme la vedette du jour puis qu'on t'invite partout, etc.

Et donc, pour nous, c'est vraiment en termes de... Et c'est intimement lié avec la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Tu pars effectivement sur la question de l'importance de revenir à: les femmes sont des personnes à part entière, qui ont des besoins à part entière, des droits à part entière, et, après ça, tu peux construire quel type de rapport et non pas... Selon nous, présentement, c'est vraiment le... et particulièrement quand on pense à l'industrie du sexe, ce n'est vraiment axé que sur le droit des hommes à avoir accès au corps des femmes, et des petites filles plus particulièrement.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme St-Pierre: M. le Président, si mes collègues ont des questions...

Le Président (M. Bernier): Oui, il reste environ deux minutes.

M. Lehouillier: Oui. Bien, moi, j'avais une question sur...

Une voix: ...

M. Lehouillier: ... -- oui -- sur... Parce que, c'est drôle, hein, tout à l'heure la ministre parlait: Bien, où on trace la ligne dans ces interventions-là? Et vous avez beaucoup parlé de prévention auprès des jeunes. Mais, dans vos recommandations, ce serait peut-être intéressant si vous pouviez nous réitérer quelles sont ces mesures qui pourraient être destinées justement aux jeunes, compte tenu qu'on est dans un contexte de foisonnement au niveau des mass médias, qui fait en sorte qu'on a l'impression que ces valeurs-là sont de plus en plus ancrées dans l'image collective? Alors, comment on fait pour renverser cette tendance en prévention? Comment on fait, par exemple, pour rejoindre ces jeunes-là qui sont souvent approchés par des gangs de rue et autres groupes? Alors, ça devient... c'est comme si, plus on en parle, plus c'est pareil, finalement. Moi, c'est un peu l'impression que j'ai, là. Je vous donne mon impression personnelle. Alors, c'est quoi, les vrais moyens si, semble-t-il, ce qu'on essaie ne fonctionne pas toujours?

Le Président (M. Bernier): Mme Matte.

Mme Matte (Diane): Dans nos recommandations, il y en a deux particulièrement que je soulignerais, là: évidemment, le retour des cours d'éducation sexuelle qui font la promotion de relations égalitaires, justement, qui est de prime importance. Notre compréhension, c'est que c'est en route, et ce ne sera pas trop tôt, parce qu'effectivement il y a énormément de dommages qui ont été faits par le retrait de ces cours d'éducation sexuelle là. Mais ils doivent être très bien campés justement dans la question des rapports égalitaires, sinon on peut donner des cours d'éducation sexuelle biomécaniques, et ne pas aller plus loin que ça, puis effectivement laisser toute la place, à ce moment-là, aux intentions de créer des inégalités qui sont présentes, effectivement.

Le deuxième, je pense que... Ah! peut-être que ça nous permettrait de la souligner plus particulièrement. On pense vraiment qu'une des façons dont le Québec pourrait innover, ce serait de financer, d'avoir une campagne de publicité sociétale qui lancerait un message aux hommes et aux garçons, en fait, aux clients prostitueurs, parce que l'éducation ne peut pas être juste dans un sens. Ce n'est pas juste les petites filles à qui il faut montrer de se valoriser par tous les aspects de leur personne et non pas strictement par leurs valeurs sexuelles ou de séduction envers les garçons ou les hommes autour d'elles, il y a aussi des messages aux hommes et aux garçons qui doivent être adressés, et, pour nous, ça pourrait être une façon effectivement de commencer à contrer un peu... Bon, Carole le soulignait, la charte sur... j'oublie le nom complet, mais sur l'image corporelle est effectivement, pour nous, un pas important dans la bonne direction, mais, s'il y avait plus de messages, de contre-messages... Parce que c'est clair que, l'industrie, on parle d'une machine énorme, là, il y a présentement une machine énorme qui est à promouvoir l'exploitation sexuelle.

Le Président (M. Bernier): Merci, madame...

Mme Matte (Diane): Et donc, pour contrecarrer, il faut effectivement aller dans des messages qui vont aller dans le sens contraire.

Le Président (M. Bernier): Vous aurez l'occasion de poursuivre avec nos collègues de l'opposition. Alors, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, merci, mesdames, encore d'être venues partager votre expertise en matière justement de lutte contre l'exploitation sexuelle, de représenter aussi un fait intéressant, là, l'intergénérationnel, là, dans votre présence. Donc, la force de la jeunesse et la sagesse de l'expérience, vous avez donc... vous allez sûrement donc pouvoir répondre à mes questions.

Par rapport aux dires que vous avez énoncés tout à l'heure, évidemment, la prostitution, ce n'est pas un choix qui est volontaire, ce n'est pas un choix qui est éclairé. J'aimerais savoir: Est-ce que vous pensez que les services qui sont offerts aux femmes qui veulent se sortir de la prostitution sont suffisants? Puis, s'ils ne le sont pas, de quelles façons spécifiques on pourrait essayer de les améliorer en tant que gouvernement?

**(17 heures)**

Le Président (M. Bernier): Mme Boulebsol.

Mme Boulebsol (Carole): Alors, c'est certain, on s'accorde avec vous, ils ne sont pas suffisants. Non, ils ne sont vraiment pas suffisants. Et pourtant, comme on disait, on a quand même rencontré beaucoup de femmes qui avaient quand même des besoins. J'ai cité tout à l'heure les besoins en formation, etc., mais on a rencontré aussi... on forme aussi, hein, des intervenantes et des intervenants de terrain qui, eux aussi, ont beaucoup de besoins en termes de formation. Alors, ça va être: comment référer une femme qui a subi un stress post-traumatique, comment la suivre, comment accompagner les parents dont une fille a disparu dans la prostitution. Qu'est-ce qu'on a d'autre? Est-ce que tu peux m'aider, Diane, comme besoins exprimés par les groupes en termes de formation?

Le Président (M. Bernier): Mme Matte.

Mme Matte (Diane): Bien, en fait, effectivement, le travail qu'on a fait sur le terrain nous indique... et les formations qu'on donne, en fait, qui s'adressent aux intervenants et intervenantes, nous montrent combien plusieurs se sentent très mal à l'aise d'intervenir sur la question de la prostitution. Et, malgré le fait qu'on a, je ne sais pas... Il y a des maisons d'hébergement qui existent et des centres contre les agressions sexuelles qui existent depuis 30 ans, 35 ans au Québec, mais, même dans ces lieux-là, à cause, entre autres, de cette idée de: Est-ce que je ne juge pas si je lui demande, si je vais dans l'industrie du sexe où est-ce que les femmes ne...

Même les femmes qui travaillent sur la violence envers les femmes ne parlent pas de prostitution aux femmes qui sont là, alors qu'on sait très bien qu'une bonne partie de la prostitution se passe dans des relations dites proxénètes, en fait, des relations intimes où les femmes se retrouvent en situation de se prostituer pour leur consommation, celle de leur chum ou pour faire plaisir à monsieur, etc., et qu'il y a probablement plusieurs femmes qui se retrouvent en maison d'hébergement parce que les proxénètes ne sont pas toujours très doux quand ça ne rapporte pas ce qu'ils veulent que ça rapporte, et elles se retrouvent en maison d'hébergement.

Et, si personne ne leur dit, ne leur parle de ça, elles aussi portent... Et parce que ça, c'est un de nos autres constats de façon à peu près systématique. Comme sur la question des agressions sexuelles ou de la violence physique envers les femmes, les femmes ont honte d'avoir été dans la prostitution et elles se sentent responsables, parce que c'est ça qu'on leur envoie comme message comme société: C'est toi qui as voulu être là; tu aurais pu choisir autre chose. Comment ça se fait...

Donc, les femmes n'iront pas cogner à la porte puis dire: Écoutez, moi, je suis pognée. S'il n'y a pas déjà un espace, que ce soit dans les maisons d'hébergement, les groupes de femmes ou dans les CLSC, n'importe quelle institution, s'il n'y a pas déjà un espace qui est créé pour dire -- et de là l'avantage de la politique -- l'exploitation sexuelle, la prostitution, l'industrie du sexe, c'est une forme de violence envers les femmes... Là, après ça, on peut parler. Mais, si tu ne le vois pas toi-même comme étant une forme de violence envers les femmes et qu'on ne te renvoie pas une image de: «Tu as le droit de sortir de là» ou «Tu vaux plus que ce que tu es en train de vivre et tu as le droit de réclamer tes droits», bien, les femmes font ce qu'elles faisaient jadis par rapport... et que malheureusement des femmes font encore, restent avec leurs conjoints, restent dans les situations, parce qu'elles ne voient pas quelles sont les portes et les possibilités pour elles de sortir.

Donc, la formation est très importante de tout le monde qu'on peut former. Évidemment, dans le mouvement des femmes, vous avez sûrement été à même de constater, depuis le début de la commission... Je sais qu'il y a des groupes qui sont venus vous présenter ici, puis il y a des questions qui leur avaient été posées par rapport à: Est-ce que vous considérez la prostitution comme de la violence envers les femmes?, malheureusement, on sait que ce n'est pas tous les groupes de femmes qui répondent oui. Et, nous, on fait notre travail de façon convaincante, et j'espère avec succès bientôt, pour amener de plus en plus de femmes à pouvoir se positionner.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Matte. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: ...très convaincante, mais très motivée en plus, donc c'est un double cumul de qualités. Et, à cet effet, j'aurais donc une autre question à vous poser concernant... J'ai vu une expression. Pourquoi vous dites que la prostitution est le plus vieux mensonge du monde? J'aimerais que vous puissiez m'expliquer votre expression.

Et vous m'avez parlé tantôt du modèle suédois. Je l'ai noté, c'est la Loi sur la paix des femmes. Vous dites qu'au niveau de la Suède ça a amené des réalisations importantes concernant la traite des femmes, notamment. Est-ce que vous pouvez juste me mentionner quelques points que cette loi-là amène en Suède puis si, d'après vous, on devrait la transposer au Québec?

Le Président (M. Bernier): Mme Matte.

Mme Matte (Diane): C'est ce qu'on appelle le modèle scandinave, en fait, parce qu'il n'y a pas seulement la Suède, il y a également la Norvège, la Finlande, l'Islande, et les féministes du Danemark espèrent, le Danemark bientôt également qui ont effectivement adopté une position qui est de dire: La prostitution, c'est une forme de violence envers les femmes. Le problème, ce n'est pas les femmes qui sont dans la prostitution, le problème, c'est la demande, comme d'ailleurs des conventions internationales telles que le protocole de Palerme, au niveau de l'ONU, le stipulent. Mais eux autres sont allés dans l'application de ça.

Donc, ils ont décriminalisé les femmes qui sont dans la prostitution -- ou les hommes qui sont dans la prostitution -- et axé, en fait, sur deux choses: axé sur le travail en amont, la prévention, des campagnes pour délégitimer l'achat d'actes sexuels, et elles partent du principe qu'acheter des actes sexuels, dans une société qui veut des rapports égaux, ça ne marche pas, et donc le message qui est envoyé de diverses façons, c'est ça, que ce soit au niveau des écoles, que ce soit au niveau de panneaux publicitaires, de campagnes publicitaires; après ça, la décriminalisation des femmes et la criminalisation des clients -- ce que, nous, on appelle les clients prostitueurs -- et des proxénètes pour s'assurer qu'effectivement on pénalise et qu'on punisse ces personnes des crimes qu'elles commettent, donc. Et elles ont eu des succès effectivement très importants: la diminution de l'industrie du sexe, la diminution de la traite des personnes. Et d'ailleurs les pays limitrophes se plaignaient parce qu'évidemment la traite se passait plus ailleurs. Mais, effectivement, si on a un ensemble de... une partie d'un territoire qui dit non à la prostitution, évidemment, ça veut dire qu'il va y avoir ailleurs... Mais il faut commencer évidemment à quelque part.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Je m'excuse de mon absence. Et peut-être que la question vous a été posée, mais je vois qu'en page 24, bon, vous demandez à l'Assemblée nationale d'adopter -- comme elle l'a fait, on l'a fait d'ailleurs à l'unanimité -- une motion, cette fois, appuyant la position du Conseil du statut de la femme contre la décriminalisation totale ou la légalisation de la prostitution. Vous avez dit d'ailleurs tout à l'heure... Et, moi, je dois dire que ça m'étonne à chaque fois de voir que des groupes de femmes, comme vous le disiez, avaient des positions qui, moi, me semblent un peu curieuses sur cette question-là, et que le mouvement féministe, comme sur beaucoup de choses actuellement, est divisé, et qu'on entend des propos qui, normalement en tout cas, de la part de féministes... Quand on parle d'émancipation, je pense qu'on peut dire que le féminisme procède de cette volonté d'émancipation des femmes. Alors, tout ce qui est émancipateur devrait aller dans le bon sens et tout ce qui ne l'est pas ne devrait pas, me semble-t-il, de la part de féministes. Mais ce n'est pas nécessairement le cas en 2011. Mais vous... Je ne sais pas si la question vous a été posée tout à l'heure, mais, en tout cas, vous, vous le demandez, là. Vous demanderiez à ce que l'Assemblée nationale procède de cette façon-là. On recommence la session la semaine prochaine. Moi, en tout cas, je suis bien disposée, si la ministre l'est, elle aussi, à présenter donc une motion dans ce sens-là.

Le Président (M. Bernier): Mme Matte.

Mme Matte (Diane): Ce serait effectivement un message très important, un début de message, justement, très important pour dire que l'industrie du sexe n'est pas... Parce qu'il faut savoir... Je ne sais pas si vous êtes au courant du contenu du jugement de la Cour supérieure de l'Ontario qui décriminalise totalement la prostitution, entre autres dans la tenue de maison de débauche, le fait de vivre de la prostitution d'autrui, et la sollicitation. Évidemment, le fait de décriminaliser les femmes qui sollicitent, pour nous, ça, c'est correct. Mais on a... La juge a enlevé toutes les formes de sollicitation.

Mais ce qu'il est important de savoir, c'est que deux des trois femmes qui étaient les requérantes contre... dans ce cas-là, sont des femmes qui ont été et souhaitent être des teneuses de bordels. Donc, ce sont des proxénètes. Et ce n'est pas banal, là, de voir qu'effectivement ce qu'elles sont... Elles essaient d'utiliser la charte canadienne des droits de la personne, puis, selon moi, ce n'est pas nécessairement à évacuer qu'il n'y aurait pas... qu'il ne pourrait pas y avoir des démarches, ici au Québec, par rapport à la charte québécoise, mais qu'il y ait... Effectivement, elles invoquent la charte pour, dans le fond, continuer et s'installer, elles, dans un commerce d'exploitation sexuelle. C'est quand même assez...

Évidemment, elles ont été aussi, et certaines sont encore, dans la prostitution elles-mêmes, mais elles ont... elles veulent ouvrir des bordels. Et, pour moi, c'est vraiment la confrontation. C'est la confrontation entre une vision de la société... Puis je suis d'accord que les féministes... De toute façon, je suis de celles qui n'aiment pas l'unanimité à tout prix, hein? Des fois, c'est intéressant de se colletailler pour aussi faire avancer des idées. Mais, par rapport à la question de la prostitution, je pense qu'un des poids les plus grands, sur le mouvement féministe, par rapport à ça, c'est justement le «backlash» -- je ne sais pas le mot en français -- que les féministes... le ressac que des féministes qui ont commencé à travailler contre la pornographie, contre la prostitution ont eu. Ce n'est pas un sujet tellement à la mode, si on peut dire, et c'est effectivement un poids qui, je pense, fait en sorte que le mouvement féministe est plus craintif par rapport à ce sujet-là ou cette problématique-là.

Il ne faut pas négliger non plus tout le discours qui banalise la prostitution et qui instrumentalise -- c'est le mot que, moi, j'utiliserais, on ne l'a pas utilisé là-dedans nécessairement -- les femmes qui sont dans la prostitution présentement, d'avoir des femmes qui, justement, vont jusqu'en Cour suprême, qu'elles sont prêtes à aller, pour dire: «Écoutez, moi, je suis dominatrice, je gagne bien ma vie. Qui vous êtes pour m'empêcher de faire ce que je fais? Si vous m'empêchez de faire ce que je fais, vous m'empêchez de vivre en sécurité», etc., évidemment, on se retrouve assez...

Je dirais que, pour certaines féministes, comme on a beaucoup apprécié et construit notre analyse à partir du vécu des femmes, c'est très, très bon pour l'industrie du sexe d'avoir des individus qui sont prêts à aller en avant puis dire: Eh, moi, là, je suis bien où je suis, et n'essayez pas de m'enlever de là, vous me faites violence. Parce que, présentement, entre autres à la CLES, on se fait... on se fait dire qu'on est... que les féministes abolitionnistes que nous sommes et que... fièrement, en fait -- que nous sommes violentes envers les femmes dans la prostitution qui ne veulent pas sortir, qui... Je considère que c'est leur choix.

Ça fait que c'est clair que... Et, pour moi, ce n'est pas ces femmes-là individuellement qui sont problématiques, c'est une industrie qui essaie de gagner encore plus de terrain et, éventuellement, beaucoup plus d'argent.

**(17 h 10)**

Le Président (M. Bernier): Merci. 1 min 30 s environ.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, M. le Président, seulement une question de précision concernant ce fameux jugement qui va certainement aller en appel, j'imagine, puis, comme vous dites, probablement jusqu'à la Cour suprême. Mais les droits garantis par les articles 7 et 2.b de la Charte canadienne des droits et libertés, ce sont lesquels, droits, ça?

Mme Matte (Diane): Le 7, c'est le droit à la vie, à la sécurité, à la liberté. Le 2, je ne pourrais pas vous dire, je ne me souviens plus. Je sais que le 7 est le plus...

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais ça, ça fait partie, je ne le sais pas, je le dis comme je pense, là, peut-être brutalement, mais des dérives, je veux dire, du chartisme, si je peux dire. Franchement! On pourrait dire ça. En tout cas, moi, je le dis.

Mme Matte (Diane): En tout cas, moi, je pourrais être prête à le dire; mon organisme, il faudrait en discuter. Mais je pense que c'est un exemple d'une mauvaise utilisation des chartes.

Mme Beaudoin (Rosemont): Voilà.

Mme Matte (Diane): Et il est important aussi de savoir, tant qu'à tout mettre sur la table, qu'il y a aussi un cas en Colombie-Britannique qui invoque la même chose, qui dit que les articles du Code criminel traitant de la prostitution contreviennent à l'article 15 qui traite de l'égalité...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah, mon Dieu!

Mme Matte (Diane): ...de la Charte canadienne des droits et libertés. Donc, ils vont... L'attaque, elle est à différents niveaux, là. Ils essaient... Ils font de l'activisme juridique, si on veut, mais, jusqu'à maintenant, malheureusement, en regardant le jugement de la juge Himel, en Ontario, ça marche. Et c'est ça qui est épeurant pour nous, et c'est pour ça que ça serait fort utile -- puis «utile» est un mot faible -- que l'Assemblée nationale puisse se positionner.

Le Président (M. Bernier): Mme Boulebsol, je vous laisse 30 secondes pour terminer.

Mme Boulebsol (Carole): Oui, je voulais juste faire un petit parallèle aussi avec le fait que les -- corrige-moi si je me trompe, Diane -- femmes... Actuellement, au Canada, une femme adulte a le droit de se prostituer, mais le proxénétisme est interdit. Et, si je ne me trompe pas, donc c'est laissé à la charge de la femme prostituée que de démontrer qu'elle était sous l'influence de quelqu'un d'autre, non, si je ne me trompe pas.

Donc, il y a quelque chose là-dedans qui est un petit peu hypocrite aussi, n'est-ce pas, parce que, du coup, on est un peu coincé entre une liberté d'un bord et puis l'absence de recours pour pouvoir signifier l'absence de liberté.

Le Président (M. Bernier): Mesdames, merci. Merci de votre participation, vos propos fort intéressants. C'est un sujet délicat, mais c'est un sujet qui est important. Donc, Mme Matte, Mme Boulebsol, merci.

Je vais suspendre nos travaux quelques instants pour permettre au groupe suivant de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Bernier): Nous reprenons nos travaux. Alors, bienvenue aux représentantes de la Centrale des syndicats du Québec. Donc, si vous voulez bien vous identifier, et vous avez une période de 15 minutes pour présenter votre mémoire.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise): Merci beaucoup. Louise Chabot, première vice-présidente.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme Chabot (Louise): Et, à ma gauche, à votre droite, Chantal Locat, qui est responsable du Comité de la condition des femmes à la CSQ.

Le Président (M. Bernier): Bienvenue, mesdames.

Mme Chabot (Louise): Bien, merci beaucoup. C'est... Je vais le dire, je ne sais pas si ça compte dans mon temps, c'est la première fois que j'en fais une si conviviale en termes de distance, hein? Je pense que la salle...

Le Président (M. Bernier): La communication est plus facile.

Mme Chabot (Louise): C'est ma première. C'est ma première. Bien, d'abord, très rapidement, juste pour se situer, là, ça teinte aussi notre avis ou notre mémoire, la CSQ, c'est 180 000 membres mais très, très majoritairement dans le secteur public, donc éducation plus de 100 000 membres, santé, services sociaux et les services de garde. On représente... Notre membership est autour de 75 % de femmes. Il y a près de 30 % de jeunes chez nous. Les jeunes, c'est 35 ans et moins. Mais, chez les jeunes, c'est 80 % de femmes chez les membres, ça fait qu'on voit que les emplois dans nos secteurs se féminisent de plus en plus.

D'abord vous remercier pour cette invitation, puis saluer aussi... c'est un engagement, je pense, du gouvernement, qu'au terme du plan d'action on puisse faire le bilan, regarder ce qui a été accompli puis voir comment on pourrait faire. Ça fait qu'on apprécie d'être conviées pour examiner tout ça. Et vous dire aussi que, en tout cas dans les six orientations que vous mettez de l'avant sur l'objectif, et sur l'analyse et les constats, on peut partager ce qui est là. Ça fait que, pour nous, il s'agit de voir comment on peut faire mieux, comment on peut faire plus et comment on peut contribuer.

Il y a quelque chose que j'aimerais souligner, parce que, je pense, quand on parle d'un plan d'action et d'une politique égalité hommes-femmes, il y a un document important qui est international, c'est la Déclaration de Beijing, en 1995, la plateforme. Juste une petite citation où on disait: «La promotion de la femme et l'égalité entre [les] hommes et [les] femmes sont un aspect des droits de l'homme; [et] c'est une condition de la justice sociale[...]. C'est le seul moyen de bâtir une société viable, juste et développée.» Je pense que ça doit nous inspirer et ça doit nous motiver à continuer. D'ailleurs, je sais que le Québec... entre autres, comme outil, l'analyse différenciée selon les sexes a été un des moyens.

Bien, je vous dirais que le contexte, bien sûr, nous questionne. En même temps qu'on est conviés à regarder pour aller plus loin pour l'égalité hommes-femmes, à la fois on a un contexte socioéconomique assez difficile. Que ce soit au plan fiscal ou que ce soit au niveau des services publics, les discours antiféminisme, le néolibéralisme, les coupures dans les services publics, tout ça, pour nous, peut être des attaques qui viennent fragiliser l'ensemble des citoyens mais particulièrement les femmes. Donc, je pense qu'il faut faire attention, être vigilant, ne prendre rien pour acquis et ne pas laisser ces discours ambiants ternir notre marche vers l'égalité.

Au niveau de la gouvernance, on est fiers que vous ayez maintenu -- je pense que c'était dû aussi -- les deux organismes dédiés, le secrétariat à la condition des femmes, le Conseil du statut de la femme. On espère qu'ils auront les ressources nécessaires. Et on va même jusqu'à dire qu'on réitère une revendication: que la ministre à la Condition des femmes devrait avoir exclusivement ça comme responsabilité. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas un lien avec la culture, ce n'est pas parce que la culture et les communications, ce n'est pas important, mais on pense qu'avec tout ce qu'il y a à faire, ce serait important.

Au niveau des approches pour agir sur l'égalité, on tient à réitérer que l'approche spécifique, transversale et sociétale, nous en sommes, c'est des leviers, mais qu'on doit toujours considérer, en prenant... en faisant des constats, que l'approche spécifique doit toujours être prioritaire et au rendez-vous. L'approche transversale, on y reviendra, ça concerne l'ADS, et l'approche sociétale, nous en sommes. Mais je pense qu'un des meilleurs... Mais ça ne doit pas nous faire perdre de vue que les différences ne s'expliquent pas de la même manière et que les montants dédiés pour les femmes sont importants. Et, dans l'approche sociétale, s'il y a quelque chose qu'il faut miser -- parce que c'est vrai que c'est une affaire de société -- c'est particulièrement toute la question de la promotion des modèles et des comportements égalitaires et la sexualisation de l'espace public. Dans ce sens-là, je vais laisser ma collègue Chantal continuer.

**(17 h 20)**

Le Président (M. Bernier): Oui, allez-y, Mme Locat.

Mme Locat (Chantal): Euh...

Mme Chabot (Louise): Non, tu n'es pas obligée...

Mme Locat (Chantal): O.K., ce n'est pas moi qui travaille, bon, O.K.

Le Président (M. Bernier): Non, ce n'est pas vous qui travaillez, on a quelqu'un qui travaille pour vous.

Mme Locat (Chantal): Merci. Merci beaucoup. Pour des changements en profondeur, dans une perspective de promotion de modèles et comportements égalitaires, on doit aller au coeur de la discrimination systémique, et on doit comprendre aussi ce que sont les rapports sociaux de sexe, et on doit aussi tout mettre en oeuvre pour déconstruire les stéréotypes. Adhérer aux stéréotypes ou ne pas les remettre en cause maintient les inégalités, parce qu'il ghettoïse les femmes comme les hommes, entre autres dans leur rapport à l'autre, à la maternité, à l'école, au choix de carrière, au travail et au pouvoir. Il faut voir les stéréotypes comme s'accumulant sur nous et en nous tout au long de notre vie. Que faire? Pour nous, formation, sensibilisation et action gouvernementale exemplaire, c'est simple. Bien, ça semble simple. Il faut voir en l'éducation un passage obligé pour une transformation en profondeur des modèles et des comportements: l'éducation comme un droit fondamental, l'éducation comme institution et l'éducation comme un devoir de citoyen et citoyenne, et ce, à toutes les étapes de la vie.

Pour la CSQ, nous croyons que, dès le primaire, puis ça peut commencer avant, là, mais, pour nous, dès le primaire, les élèves doivent bénéficier d'une éducation où sont mis en valeur les rapports égalitaires. S'assurer que le contenu du matériel scolaire et pédagogique soit exempt de stéréotypes.

Associer les représentantes et représentants du personnel de l'éducation dans la mise en place du programme d'éducation à la sexualité est très important dans une perspective de rapports égalitaires non sexistes et non hétérosexistes, mais aussi un enjeu majeur pour donner au personnel de l'éducation des conditions gagnantes afin qu'il intègre, qu'il fasse même une démarche personnelle, davantage et qu'il soit porteur de cette vision. Donc, on demande: d'offrir, dans le cadre de la formation des maîtres, des cours sur les rapports sociaux de sexe dans une perspective d'égalité entres les femmes et les hommes et sur l'impact des stéréotypes dans les rapports humains; d'offrir aussi, auprès du personnel de l'éducation, une formation continue sur les rapports sociaux. Bref, agir de l'université à la petite enfance et vice versa et simultanément.

Aussi, le gouvernement doit assumer pour nous le leadership. Il doit nommer les inégalités et doit aussi démontrer les impacts. Donc, on demande au gouvernement de mener une campagne promotionnelle visant le grand public afin de sensibiliser la population aux rapports sociaux de sexe, aux stéréotypes et aux impacts qu'ils ont sur les rapports entre les femmes et les hommes, entre les filles et les garçons.

Aussi, nous rappelons que nous sommes contre toute forme de violence. Nous saluons toutes les campagnes de sensibilisation par rapport à la violence conjugale et violence... agressions sexuelles, mais on pense qu'il faut aller plus loin. Et, vous savez, je suis présidente et coordonnatrice de la Coalition nationale contre les publicités sexistes, donc je vais arriver avec la sexualisation de l'espace public.

Pour la CSQ, la banalisation de la violence et de la sexualité dans les médias, le phénomène de l'hypersexualisation, de la sexualité précoce aux allures pornos et la présence des publicités sexistes sont des invitations au mépris et à la violence particulièrement envers les femmes et les filles. C'est un symptôme criant d'une souffrance chronique, soit la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes. Cette situation nous préoccupe depuis fort longtemps. Déjà, dans les années 1975, on faisait la lutte aux stéréotypes à la CSQ, comme d'ailleurs beaucoup de groupes de femmes. Nous avons été signataires de la pétition en 2005-2006. 24 000 avons signé. On demandait la même chose que la Marche mondiale demandait aussi cet automne: de légiférer en définissant les balises pour les pratiques publicitaires.

Aussi, nous pensons que le gouvernement doit, encore une fois, assumer un leadership comme représentant des citoyens et des citoyennes, et on pense que, quand il y a du mépris dans les médias, bien, il doit intervenir -- pour nous, qui ne dit mot consent -- donc condamner publiquement les attaques à l'intégrité des femmes et dénoncer vigoureusement les propos sexistes, racistes, homophobes diffusés dans les médias, particulièrement les médias- poubelles. Merci.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme Chabot (Louise): C'étaient deux grands points. Je vais quand même continuer...

Le Président (M. Bernier): Oui, allez-y, Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): ...parce qu'il y a un axe important -- il me reste du temps -- sur la question de l'égalité économique entre les femmes et les hommes. Bien, c'est un point majeur, si on veut. Je pense que l'autonomie des femmes passe par cette capacité-là de se développer puis d'avoir une autonomie financière. Écoutez, on a fait des grands gains avec nos politiques sociales et, comme Québécoises, quand on se promène, on est fières: Régime québécois d'assurance parentale, service de garde, loi d'équité salariale, aide juridique, retrait préventif. Pour nous, il n'est pas question de reculer. Il faut continuer d'avancer sur ces questions-là, sinon on va reculer. Mais, on le sait, puis vous avez les chiffres, l'inéquité salariale persiste et la ségrégation professionnelle aussi, donc il y a encore des grands rendez-vous.

On a quatre recommandations, les 6, 7, 8, 9, à cet égard-là, qui viennent proposer des solutions, dont le maintien de la Commission de l'équité salariale, bien sûr, dans son entièreté et aussi la hausse du salaire minimum. Je n'ai pas le temps d'élaborer, mais il y aura un bon documentaire... Comment qu'on fait pour vivre avec 8 $ et quelques par jour? Je pense que ça semble un défi pour l'indice du bonheur.

Au niveau de la conciliation famille-travail, nous en sommes. Dans le secteur public, il n'en existe pas, là, de... On a tenté... On a tenté de... Puis là vous allez voir qu'on a une revendication, qui est comme celle de beaucoup de nos collègues de groupes de femmes ou en milieu syndical, de vouloir mettre en place une loi-cadre en termes de conciliation famille-travail. On n'est pas dans le secteur privé, on n'est pas contre les mesures de bonne volonté, mais on pense que ça ne suffit pas. À un moment donné, il faut avoir un... être capable de se donner un programme où on s'oblige, pas pour avoir des mesures universelles, mais on s'oblige, dans les milieux, à faire un exercice de conciliation famille-travail avec les acteurs. Je pense que ça va être gagnant, parce qu'on le sait, c'est dur à changer, les stéréotypes, mais c'est encore une fois les femmes qui prennent beaucoup de congés pour responsabilités parentales, familiales, puis, si on regarde...

J'ai été longtemps aussi au Conseil de la famille et de l'enfance. Une des premières valeurs en emploi, chez les jeunes, c'est la conciliation famille-travail. Ça passe souvent avant tout le régime de protection sociale. Je pense qu'il y a un coup de barre à donner, puis là on ne l'a pas mis dans nos revendications. C'est peut-être mon dada personnel. Deux semaines de vacances au Québec... La société québécoise, on serait peut-être dus pour passer à trois semaines. Si on parle de responsabilités familiales, je pense, ça pourrait être une approche.

Au niveau de la santé, bien, c'est là-dessus que je vais insister, sur l'importance qu'aurait pu avoir une analyse différenciée selon les sexes de façon rigoureuse. C'est tout ce qui se passe en santé et services sociaux et les remises en question de l'accès universel à ces programmes-là. On sait que les femmes -- on dit souvent «doublement», mais je dirais «trois fois» -- sont touchées trois fois. Elles sont les travailleuses, elles sont aussi celles qui prennent soin, elles sont de grandes utilisatrices. Ça fait que les problèmes qu'on vit dans le réseau de la santé, les problèmes d'accès de première ligne: diagnostics, soins de longue durée, soins palliatifs, à chaque fois qu'on veut toucher à ces services-là, bien, on pénalise l'ensemble de la société mais particulièrement les femmes, et, s'il y a un domaine où l'analyse différenciée prend tout son sens, c'est en santé et services sociaux comme en économie, parce que les volontés de privatisation et de tarification dans ce sens-là peuvent, en même temps, comme je le disais au début... en même temps qu'on avance, peuvent nous faire reculer. Je pense que... Vous avez trois recommandations dans ce sens-là.

Au niveau de l'intégrité -- après ça, je vais conclure -- une question particulière qui nous préoccupe, c'est toute la question des lésions professionnelles. Bon, le harcèlement psychologique au travail, c'est sur la Loi des normes. Je pense que le CCTM a un mandat particulier de regarder le bilan, comment ça s'est appliqué. On va laisser ce soin-là... Mais, au niveau des lésions professionnelles, je vous avoue que les derniers... ce qu'on a entendu du Conseil du patronat, en décembre 2010, à l'effet que ça devrait relever, les retraits préventifs, d'un autre programme que la CSST, ça nous laisse tout à fait perplexes sur le sens que... bien, de la... que les employeurs ont un rôle à jouer pour la sécurité des femmes en emploi, donc il y a un maintien à cet égard-là.

**(17 h 30)**

Et votre dernière orientation, qui est sur la participation des femmes aux instances décisionnelles, bien, on convient que c'est un défi et qu'il y a de multiples mesures qui peuvent être envisagées. Je le dis comme ça parce que, on va être honnêtes, c'est un défi même dans le monde syndical. Je vous ai dit tantôt qu'on était à 75 % de femmes, mais on travaille très fort pour tenter d'avoir une représentativité paritaire ou égalitaire. Mais on sait... Bien, moi, ce qu'on sait... Bon, c'est sûr que les rôles hommes-femmes jouent, la conciliation famille-travail joue, les surcharges de travail... On entend souvent aussi: Est-ce que j'aurais les compétences? Est-ce que je serais capable de jouer? Mais je pense que... C'est sûr qu'il y a eu... Je pense qu'il y a des programmes de formation qu'il faut poursuivre. Mais il y a eu, à maintes reprises, soit au niveau des lois électorales ou au niveau des modes de scrutin... Il y a peut-être là des pistes à regarder en termes de financement soit des partis ou des candidates pour tenter de faire avancer plus. Parce qu'il y a la parité -- et je termine -- au Conseil des ministres, ici, mais on sait que ça, ça peut... il n'y a rien qui vient l'institutionnaliser de façon formelle, et, s'il n'y a pas assez de candidates femmes comme députées, un jour, ça va devenir de plus en plus difficile de la maintenir.

Ça fait que je pense que le message qu'on voulait -- et je termine -- passer, c'est qu'il y a des grands pas qui sont faits, mais les femmes sont encore... à plusieurs plans, on le voit, on ne peut pas dire que l'égalité de fait est devant nous. Et notre contribution...

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Chabot. Merci, Mme Locat.

Mme Chabot (Louise): ...d'y arriver.

Le Président (M. Bernier): Nous allons donc passer aux échanges avec les groupes parlementaires. Donc, je vais partager le temps qu'il reste jusqu'à 18 heures de façon à ce que ça puisse être équitable. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Alors, merci d'être parmi nous, aujourd'hui. Je vous avoue, les journées sont fort intéressantes. Elles sont un peu longues, mais en même temps, avec tous les constats qu'on nous amène, on... En même temps, je trouve ça un petit peu déprimant, là. Mais je ne veux pas être mal citée, mais, dans le fond, je me dis: Mon Dieu qu'il reste encore du travail à faire! Puis c'est vrai. Alors, il faut vraiment admettre le constat. C'est sûr qu'on est ici pour regarder qu'est-ce qu'on doit améliorer et pas non plus... pas uniquement se faire des éloges puis s'envoyer des fleurs, c'est bien évident.

C'est sûr qu'il y a des choses qui reviennent dans chacun des... Plusieurs groupes nous arrivent avec les mêmes choses. Donc, bien, quand on parle de publicité sexiste, je pense que c'est à peu près presque unanime, on nous en parle. Moi, ma question, c'est: Comment on encadre ça? Puis qu'est-ce qui est sexiste pour l'un puis qu'est-ce qui ne l'est pas pour l'autre, là, je trouve, ça... Je trouve que ça relève des fois des impressions personnelles, mais il y a peut-être moyen de faire quelque chose.

Sur la question évidemment de la violence, de la violence faite aux femmes, il faut continuer à travailler là-dessus. Il faut travailler beaucoup aussi sur, je pense, l'autonomie économique des femmes et sur aussi des emplois non traditionnels.

Vous êtes une centrale syndicale majoritairement où il y a... votre membership est majoritairement féminin. Comment on pourrait amener une meilleure égalité entre les hommes et les femmes dans ces secteurs d'emploi là? On nous a dit, au début de cette commission parlementaire, de ne pas investir dans les métiers traditionnellement féminins mais d'aller... essayer d'investir dans les métiers ou les professions traditionnellement... les métiers traditionnellement masculins. Mais, moi, je pense qu'il faut agir sur les deux.

Dans vos secteurs... Dans votre secteur et dans les différentes professions que vous représentez, ça serait quoi, les mesures qui feraient qu'on atteindrait... là aussi, qu'on attirerait des hommes dans vos secteurs?

Le Président (M. Bernier): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Bien, à vrai dire, il n'y a rien qui les empêche, c'est ouvert tant dans le secteur de la santé que dans le secteur de l'éducation. Je pense que les portes sont ouvertes. C'est une question qui nous préoccupe parce qu'effectivement on peut observer que... Bien, qui nous préoccupe au sens «on s'y attarde». Il y a sûrement de multiples causes, mais il y en a une qu'on est certaines: ce n'est pas une question de discrimination à l'emploi, là. Donc, ce n'est pas du...

Mme St-Pierre: ...

Mme Chabot (Louise): Ce n'est pas du même type. Moi, mon secteur d'origine, c'est la santé et services sociaux. Il y a encore moins d'hommes, en tout cas, comme infirmières, mais on voit qu'une fois qu'ils sont là il y a quand même des disciplines ou des programmes qu'ils choisissent plus puis qu'ils s'en sortent très bien. Mais probablement que les conditions des emplois typiquement féminins ne sont pas trop attrayantes, hein, tant en termes de conditions de travail que de temps de travail. Le temps partiel est... En tout cas, dans le secteur de l'éducation, là, juste le personnel de soutien -- puis, même moi, ça me frappe, c'est... là, on parle de 30 000 personnes, là, services de garde, tous les services bureautiques, c'est 75 % de temps partiel. Même les éducateurs spécialisés, qui sont à la fois hommes et femmes, ont de la difficulté à recruter en raison de ces conditions-là. Ça fait que je pense que les conditions d'exercice, les conditions du travail... Puis maintenant il y a beaucoup de choix de carrière puis peut-être que les hommes peuvent regarder.

Mais je suis d'accord avec vous qu'il faut s'en préoccuper, mais on est beaucoup plus préoccupés... bien, pas beaucoup plus, on est d'autant plus préoccupés par l'inverse: comment faire en sorte que des femmes choisissent des métiers traditionnellement masculins? On participe avec d'autres groupes aux concours Chapeau, les filles!, Excellence... Excelle Science. Mais, pour y aller à tous les ans, pour y participer à tous les ans, ce qui semble être très, très problématique -- parce que je pense qu'on fait des avancées là-dedans -- c'est au niveau du maintien de ces femmes-là en emploi. Une fois qu'elles ont été encouragées, qu'elles ont fait leur cours, bien, comment les maintenir, surtout dans des domaines comme la construction où on disait... Bon, je pense qu'il y a un travail, le comité d'emploi... Emploi-Québec, je pense, a déjà des initiatives qu'il faut poursuivre.

Le Président (M. Bernier): Mme Locat, vous voulez...

Mme Chabot (Louise): Sur les publicités?

Mme Locat (Chantal): Oui, j'aimerais ajouter que, bien, par rapport à la féminisation des emplois, en tout cas, il faut aussi voir là-dedans une adhésion stéréotype. Parce que, dans le fond, si on imaginait un jeune de 12 ans, un jeune garçon qui discute avec ses amis garçon, dire: Bien, qu'est-ce que tu vas faire quand tu vas être grand? Puis il y en a un qui dit: Bien, je vais être pompier, policier ou médecin. Puis, si jamais quelqu'un avait le goût de dire: Bien, moi, j'aimerais ça aller enseigner à la maternelle, bien, on peut-u penser qu'il y a une pression qui est sociale?

Donc, ce n'est pas une discrimination comme une éducation stéréotype. Il faut comme tout déconstruire les stéréotypes. Les stéréotypes, ce n'est bon ni pour les garçons ni pour les filles. Donc, à ce moment-là, bien, c'est pour ça que, moi, je pense, c'est ça qui est travaillé aussi au coeur. Aussi, parce que, comme disait Mme Chabot, il n'y a pas de discrimination en emploi chez nous, dans l'enseignement. Moi, je suis enseignante. Quand un homme arrive à l'école, il est reçu les bras ouverts; les directions sont tellement contentes! Donc là-dessus, c'est sûr qu'il n'y a pas de discrimination d'emploi pour les hommes. Donc, il faut plutôt y aller d'un autre côté.

Puis ce qui serait important aussi dans le milieu... ce qui est plus important que le genre, parce que le genre, ce n'est pas une compétence pédagogique, c'est la diversité, donc aussi: communautés culturelles, hommes, femmes. Je veux dire, donc, que c'est la diversité de représentation dans les milieux qui est aussi intéressante.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Sur la conciliation travail-famille, c'est vraiment un secteur... c'est un sujet vraiment important, un sujet... Et il semble que c'est difficile de faire avancer cet aspect-là. Il y a des employeurs qui organisent ça à leur manière, là. Moi, dans une ancienne vie, j'ai vu... l'idée de conciliation travail-famille, c'était: celle qui a des enfants, bien, elle peut partir à 4 heures, puis celle qui n'en a pas, bien, elle va faire le travail de celle qui part à 4 heures. Ça, c'était la conception de la conciliation travail-famille. Alors, je peux vous dire que, dans certains milieux, ça crée puis ça peut créer certaines tensions. Donc, il faut y arriver pour qu'en fait ça ne soit pas les autres qui aient le fardeau du travail si la personne, pour des raisons familiales, doit quitter. Vous comprenez comment on... Quelles seraient les pistes, là, sur lesquelles on pourrait travailler davantage?

Le Président (M. Bernier): Mme Chabot, allez-y.

Mme Chabot (Louise): Bon, je pense que... Bien, pour nous, c'est pour ça, une loi-cadre. En tout cas, pour nous, c'est rendu essentiel. Comme vous l'avez dit, on voit qu'il y a des limites qui se posent aux façons de faire. Puis, en plus, d'avoir encore beaucoup de milieux réticents, à se dire: Ah! Embaucher des femmes -- surtout dans le non traditionnel -- je vais être obligé de donner pleins de congés parce que... Puis on a vu le rapport, hein? 76 jours d'absence pour...

Ça fait que, quand on parle d'une loi-cadre, c'est un ensemble de mesures. Bien sûr, renforcer la loi des normes... Mais, s'il y avait l'obligation... Bien, pour nous, on le voit plus comme une loi proactive. S'il y avait au moins l'obligation, un peu comme on l'a vécu en équité salariale, d'avoir des comités ou avoir des obligations des employeurs, s'il n'y a pas de comité, d'avoir consulté leur milieu et de faire rapport de quelles mesures elles entendent mettre en oeuvre dans leur milieu pour concilier, là, déjà, avec des obligations, des obligations de résultat, en quelque part, on pense qu'on ferait un grand pas, plutôt que de se baser sur la bonne volonté avec des initiatives parfois heureuses, parfois boiteuses.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

**(17 h 40)**

Mme St-Pierre: Vous parlez aussi, dans votre mémoire, de la question de la santé des femmes, caractère d'accessibilité, gratuité, universalité des services de santé et des services sociaux, soins à domicile, investissements dans les soins à domicile. Encore là, c'est beaucoup les femmes qui sont ce qu'on appelle les proches aidantes, là, puis qui font les soins à domicile. Il faudrait peut-être... Là aussi, on retrouve une égalité... une meilleure égalité entre les hommes et les femmes, c'est-à-dire... J'ai été frappée récemment par un reportage à la télé. Bon, à cause des congés des fêtes, bon, dans un CHSLD, il y avait eu certains problèmes pour les bains, puis le monsieur, il a dit: Bon, bien, ma mère, il dit, je ne voulais pas le faire moi-même, c'est l'intimité de ma mère, et tout ça, alors que peut-être que la madame, si elle avait eu une fille, bien, elle aurait peut-être eu un peu de soulagement.

Je me dis, les proches aidants aussi, ça tombe toujours sur les épaules des femmes, c'est comme naturel ou, en tous cas, ça fait partie de la vocation, je ne le sais pas. Là aussi, je ne sais pas si ça... il faut en parler au niveau primaire, comme vous disiez, madame. Est-ce que c'est quelque chose aussi qu'il faut qu'il commence au berceau puis qui... Comment on le fait, ça, de rentrer ça dans la tête que ça doit être partagé entre les hommes et les femmes, ces aides-là?

Des voix: ...

Le Président (M. Bernier): Mme Locat. Oui, allez-y.

Mme Locat (Chantal): ...dans le sens que je pense que la déconstruction des stéréotypes va aider. Et je pense aussi que, comme il y a de plus en plus d'hommes qui partagent les responsabilités parentales, bien, dans l'avenir, ça nous fait espérer... puis en espérant que, dans le partage des tâches aussi, ils soient au rendez-vous. Bien, je pense que ça nous fait espérer que, dans quelques années, il y aura un partage plus équitable aussi par rapport aux proches aidants, qu'il y aura... En tous cas, espérer plus... des hommes et des femmes qui feront ce travail-là, parce qu'effectivement, pour l'instant, ce sont les femmes qui s'appauvrissent aussi, qui prennent sur elles mais qui aussi s'appauvrissent, puis ça enlève de la qualité de temps pour elles, aussi.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Chabot, vous voulez...

Mme Chabot (Louise): Bien, c'est un peu ce qu'on voulait illustrer: en même temps qu'elles sont cela dans ce qu'elles donnent de soins -- puis, oui, ça relève beaucoup... c'est comme du rôle traditionnel de la femme, le «care», prendre soin -- en même temps, ça serait bien qu'on cherche une équité là-dedans, au même titre qu'on... Maintenant, avec le congé parental, qu'il y ait une partie qui est non transférable, je pense que ça vient de plus en plus faire en sorte que les hommes voient l'importance de leurs responsabilités parentales. Bien, en termes de proches aidants, on doit aussi avoir des mesures qui font en sorte que tout le monde est sur un pied d'égalité.

Mais ce qu'on voulait dire en réitérant nos positions de maintenir des services publics forts et de repousser la privatisation, c'est qu'on va venir pénaliser encore plus les femmes, parce que la réalité est cela: c'est les femmes qui prennent le plus de congés, c'est les femmes qui sont le plus dans les milieux. Donc, je pense que ça va être... Quand on parle de développement d'une société de justice puis d'équité, se priver de services publics, c'est se priver d'un avancement envers ces questions-là. Ça fait que c'est pour ça qu'on a réitéré.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Chabot. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Je vais céder la parole à mon collègue, qui a des questions.

Le Président (M. Bernier): Oui. Il reste environ deux minutes.

M. Lehouillier: Alors, ma question... D'abord, merci beaucoup pour votre mémoire. Mais je sais que, comme syndicat, vous représentez une force de frappe quand même assez exceptionnelle en matière d'éducation: 100 000 membres, c'est quand même très, très gros. Et effectivement, dans les mémoires qui nous sont déposés, tout le monde parle des rapports sociaux, les stéréotypes, etc. On voit qu'on est face à un gros monstre qui est la sexualisation de l'espace public, qui est très difficile à battre sur le terrain, et vous semblez être -- je dirais, vos membres -- la pierre angulaire de ce qui pourrait être fait. D'ailleurs, c'est ce qui est avancé aussi dans l'évaluation du premier plan d'action, en disant: Bon, bien là, il faut s'attaquer maintenant aux rapports sociaux.

Ma première question... Ma question est la suivante: C'est quoi, l'état de situation du personnel actuellement? Parce que vous parlez beaucoup de la nécessité de la formation par rapport, justement, aux rapports sociaux et les stéréotypes. Puis, en même temps, comment on fait pour arrimer le milieu scolaire avec les parents, donc le milieu de la famille? Parce qu'à mon avis c'est les deux éléments majeurs. On ne pourra pas... en tous cas, ça va être très difficile d'essayer de se battre contre les médias, puis de tracer des lignes, puis de commencer à intervenir à ce niveau-là; il faut changer... il faut changer les attitudes. Alors, ma question est là parce que vous êtes un joueur extrêmement important, et j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bernier): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Il y a deux choses dans votre question: Comment nos membres... Bien, je pense que, sur la question des rapports... de toute la question de la formation des maîtres, de ce qu'on peut faire, oui, on est un acteur important, et je pense que nos membres... On a déjà soumis un avis au Conseil supérieur de l'éducation dans ce sens-là.

Et, Mme St-Pierre, vous aviez raison: au début, des fois, ça semble long, mais là c'est le coeur de notre culture. Dans le fond, on s'attaque à beaucoup. Je ne pense pas qu'on va régler ça dans quelques années. Au même titre que l'équité salariale, ça nous prend du temps. Là, on s'attaque à des racines profondes, des rôles traditionnels, mais ça commence effectivement dans deux lieux: à la maison, par une éducation à la population, donc aux parents, mais je pense que l'école... puis, je dirais même, jusqu'à la petite enfance, là -- mais ça, c'est d'autres débats -- mais... Déjà, avec les services de garde, on pourrait déjà poser la question. Ce sont des lieux majeurs pour... Et la formation des maîtres. Celles et ceux qui vont enseigner et du personnel d'éducation qui vont être avec nos jeunes tout le long de leur parcours, je pense que, déjà... On n'a pas mis, dans le mémoire, les conseillers d'orientation, mais on sait qu'eux aussi ont un rôle important à jouer en termes de choix de carrière.

Le Président (M. Bernier): Merci. Je vais passer la parole du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Bonjour... Bonsoir, mesdames. Moi, je voudrais vous poser une question sur la Commission de l'équité salariale. Il y a une autre commission, bien sûr, qui s'en occupe; j'étais là, ce matin. Mais, vous le savez, Mme Courchesne a fait... la ministre a fait une ouverture, en disant: Bien, on suspendra. Ça n'a même pas été «on pourrait suspendre», mais «on suspendra» l'application des articles de la loi n° 130 qui concernent le transfert ou l'intégration de la Commission de l'équité salariale à la Commission des normes du travail. Est-ce que, vous, ça vous satisfait que cet engagement, donc, de la part du gouvernement, concernant la Commission de l'équité salariale?

Mme Chabot (Louise): Déjà, lorsqu'elle a fait cette annonce-là, c'est durant que la CSQ passait en commission parlementaire. En tout cas, moi, j'étais en Thaïlande, j'ai vu d'autres choses, en Thaïlande, de moins drôle...

Une voix: ...

Mme Chabot (Louise): Pour une conférence, oui. Et, non, ça nous... Bien, écoutez, je pense que déjà il n'y avait pas de date pour l'application, et, pour nous, c'est clair, notre demande, c'est le retrait. Je pense qu'il faut donner à la Commission de l'équité salariale, qui a eu une expertise durant 10 ans, les moyens de continuer la lutte pour la discrimination et de la maintenir dans son intégrité. C'est notre volonté.

Mme Beaudoin (Rosemont): Vous maintenez donc votre recommandation n° 6, et, ce matin, ce qui a été dit par la Centrale des syndicats démocratiques, c'est que c'est en 2019, d'après la Loi sur l'équité salariale, que, là, il devrait y avoir une grande décision qui serait prise, mais en 2019. Alors, on a dit, autour de la table, qu'on ne pensait pas personne qu'on serait là encore en 2019, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...la Loi de l'équité salariale, c'est ce qu'elle dit. Et, vous, vous dites: Allons jusqu'au bout, donc, du processus qui est inachevé. Je pense que tout le monde en convient, qu'il reste beaucoup de choses à faire. La vraie question, c'est: Est-ce que ça peut continuer à se faire ailleurs, ou est-ce qu'il faut maintenir, donc, la commission telle qu'on la connaît et telle qu'elle existe actuellement? Et, vous, votre réponse est très claire, là.

Mme Chabot (Louise): Puis ça ne veut pas dire que...

Le Président (M. Bernier): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): ...dans 10 ans, il n'y aura pas lieu de revoir. Ce n'est pas de maintenir pour maintenir, mais je pense qu'on a été, en tout cas, un agent ou un acteur, comme vous tous, dans la nouvelle loi d'équité salariale qui est venue renforcer des pouvoirs, donner des obligations à l'employeur, faire en sorte que les nouvelles entreprises ou les nouveaux groupes assujettis -- plus de 10 000 -- puissent faire un exercice... les opérations de maintien. Je pense qu'on est encore dans des années charnières pour l'application de cette loi-là. Dans 10 ans, il y aura un autre bilan à faire, et je pense qu'on restera ouverts à regarder des questions...

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Et parce qu'il vous semble donc, si je vous comprends bien, que toute cette question de l'équité salariale, qui n'est pas la même chose que l'égalité mais qu'on a bien compris ce que ça signifiait, puis que le Québec... Moi, j'ai appris ce matin, je pensais que ce n'était peut-être pas partout dans le monde mais dans les pays les plus avancés, bien, que le Québec est... sinon...

Mme Chabot (Louise): Chef de file.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...chef de file là-dedans, alors que c'est extrêmement important, et ça fait... Pour vous, là, ça fait partie intégrante -- puisque vous le mettez dans ce mémoire-ci -- du plan, dans le fond, d'action pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le Président (M. Bernier): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Une mesure intégrante. On l'a mis dans ce mémoire-ci, parce qu'il y a tout un chapitre important sur l'autonomie économique des femmes, et je pense que ça, ça a été un grand pas, de faire en sorte qu'on ait un salaire égal pour un travail équivalent, et, si on a atteint pas mal le travail égal à salaire égal, effectivement on est chefs de file, qu'on soit à l'ONU, à New York, qu'on soit partout dans le monde, puis on encourage les femmes à dire: Si ça a été possible au Québec, c'est possible ailleurs. Parce qu'il y a des grandes luttes internationales pour le droit à l'équité et à un salaire décent, donc un travail décent.

Puis je pense que l'expertise... On ne peut pas abandonner... Ça, c'est comme l'égalité, l'égalité, déjà là, où les... On l'a vu, la bataille sur la Loi d'équité salariale: pour certains employeurs, c'était de dire: Bon, on l'a faite, là, l'équité; c'est fini, on n'a plus besoin de ça. Je pense qu'on n'est pas encore rendus là.

**(17 h 50)**

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. C'est intéressant. Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Ce matin, le Conseil du patronat disait ça, en effet: C'est fait, c'est terminé, donc, l'essentiel, l'essentiel. Ils n'ont pas dit: Tout, tout est terminé, mais l'essentiel, le gros du travail est fait. Eux demandaient même l'abolition complète, finalement, de la commission.

Moi, je veux juste vous poser... Je trouve ça intéressant. D'ailleurs, je souligne que, contrairement à d'autres gouvernements ou d'autres juridictions ou d'autres territoires, disons, d'autres pays... Je ne veux pas dire «provinces», c'est un mot que je n'aime pas beaucoup.

Une voix: Nations.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, que -- oui, d'autres nations, voilà, voilà, c'est, bon, un beau compromis -- dans le fond, les gouvernements ici se sont succédé, et c'est dans la durée qu'on a fait les choses, hein? Dans le fond, la première loi de l'équité salariale était en 1996. Moi, j'étais membre du gouvernement, je n'étais pas dans ces dossiers-là, mais ma collègue Marie Malavoy, ce matin, a bien expliqué comment, elle, avait été très impliquée, en 1996, dans le dossier, et puis donc, en 2006, ensuite, donc, le gouvernement... Vous l'avez dit, vous aussi, à un moment donné, il faut la durée pour que ça donne des résultats. Ça fait déjà 14, 15 ans dans ce secteur-là, et puis pourtant on n'a pas atteint encore tous, bien sûr, les objectifs, à tel point que vous dites: Il faut continuer à persévérer dans ce dossier-là.

Je trouve ça intéressant malgré tout, parce que souvent, dans d'autres pays ou dans d'autres nations, justement, arrive un gouvernement, il dit: Bien, je vais tout défaire ce que... je vais tout détricoter ce que l'autre a fait avant moi. Moi, je ne suis pas de cette opinion-là non plus. Je pense que les choses se font en effet dans la durée. Et, dans ce cas-ci, espérons qu'on retrouvera un consensus, en effet, à l'Assemblée nationale, pour le maintien de la commission.

Je veux juste vous poser une dernière question, moi, plus large mais qui m'interpelle quand même. On dit: Les finances publiques du Québec sont en mauvais état et qu'il y a donc de graves difficultés à venir et, vous, vous répondez: Bien, malgré ça, dans le fond, il ne faut pas de privatisation dans le secteur de la santé, il faut maintenir... Et comment donc vous pensez qu'on peut faire ça, compte tenu de ce que le gouvernement nous dit qu'est l'état des finances publiques?

Le Président (M. Bernier): Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise): Écoutez, en espérant ne pas avoir l'air idéologique, mais vous parlez de durée, et le Québec s'est doté d'un projet de société qui s'inscrit dans la durée aussi, basé sur la solidarité, l'équité puis la justice. Notre système de santé et des services sociaux, au Québec, a été mis en place dans deux objectifs: que, indépendamment de tes moyens, tu puisses te faire soigner, puis aussi indépendamment de tes besoins de santé. C'est sûr que ça fait... On sait qu'il y a une pression sur notre système de santé, mais, nous, on trouve... ce système-là doit être vu comme un investissement en termes de développement de justice sociale puis de solidarité et non comme une dépense.

Et, s'il faut mettre, un jour, des sommes additionnelles, il faudra toujours regarder comment on peut faire l'investissement en faisant en sorte qu'on finance nos services publics à même nos taxes et nos impôts plutôt que de mettre des contributions à la pièce. Ça a toujours été, puis c'est ça qu'on défend, encore une fois, sur les questions de fiscalité. Écoutez, c'est un choix du gouvernement, c'est un choix de se priver d'impôt d'autour... avec la baisse d'impôt d'autour de 2 milliards, si mes chiffres sont bons, en tout cas, ou peut-être plus, là, je... Mais en même temps on s'est privés d'un levier important pour renforcer nos services publics.

Et ce qu'on dit dans ça aussi puis on tente de le faire chez nous, c'est que les services publics et les femmes, il y a un lien. C'est des secteurs fortement avec des emplois féminins qui contribuent. Et, plus qu'on va valoriser ces emplois-là, plus qu'elles vont avoir des meilleures conditions, plus qu'on va atteindre une égalité à la fois des genres, mais aussi pour toute une société. Ça fait que, pour nous, c'est incontestable. Et, si, le dernier budget Bachand, on avait appliqué l'analyse différenciée selon les sexes dans les règles de l'art, on aurait pu voir qu'il y avait des impacts plus criants ou plus particuliers chez les femmes. Puis ça, je pense que ça peut être une mesure, l'approche transversale, qui soit renforcée.

Le Président (M. Bernier): Merci, madame... M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Merci, M. le Président. Tout d'abord, saluer votre combativité syndicale par rapport à l'égalité hommes-femmes. On sent la passion dans votre discours.

Il faut quand même se rappeler que, si le Québec en est rendu là où il est aujourd'hui, avec toutes ces politiques qui traitent justement... à essayer d'atteindre l'égalité de fait, l'égalité hommes-femmes, c'est un peu aussi grâce aux mouvements sociaux dont les syndicats ont fait partie il y a quand même quelques décennies. Donc, d'emblée, je voulais vous en faire part.

Et je voulais voir un petit peu avec vous un point qui semblait susciter, là, certaines passions concernant justement les médias et la façon dont le gouvernement du Québec pourrait condamner ou du moins essayer de mieux gérer, là, le discours des fois sexiste, raciste, homophobe dans certains médias, de voir comment vous le traduiriez ou vous l'appliqueriez dans une politique. Je serais intéressé à savoir un peu votre idée là-dessus.

Le Président (M. Bernier): Mme Locat.

Mme Locat (Chantal): Oui. Bon! Une belle question, je suis assez contente.

Mme Chabot (Louise): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Locat (Chantal): Je suis contente puis en même temps je n'ai pas de réponse.

Mme Chabot (Louise): On n'a pas eu le temps, non...

M. Locat (Chantal): Je n'ai pas une réponse, je veux dire, déterminée, et tout ça, mais dites-vous qu'il y a des outils qui existent.

La première des choses, je pense qu'effectivement, s'il y avait comme une législation en matière de pratique publicitaire, déjà, ça donnerait une balise au gouvernement pour intervenir par la suite. Puis, vous savez, quand on est dans l'enseignement puis qu'il y a quelque chose qui se passe dans la classe, qu'il y a du mépris qui se dit envers un élève, on dit que l'enseignante ou l'enseignant doit intervenir, on ne peut pas laisser faire ces comportements-là parce que ce serait comme de cautionner. Donc, quand on est témoin d'un acte comme ça, il faut intervenir. Puis c'est la même chose un peu, pour nous, le gouvernement. Bon, c'est sûr que là il faudra réfléchir comment on peut faire ça. Il pourrait y avoir un comité, une veille médiatique, bon.

Puis là j'entendais... Parce que j'étais là quand la CLES a passé tantôt, puis ce n'est pas une question de censure, c'est une question de respect des droits et de l'intégrité des personnes. À la Coalition nationale contre les publicités sexistes, nous avons une grille d'analyse qui est validée par des chercheurs. Donc, déjà existent des outils qui pourraient aussi être améliorés, ça, c'est clair. Je pense que... Puis il y aura toujours un endroit où la ligne, elle sera difficile à franchir, mais tout ce qu'on aura pu sauver avant, bien, ce sera ça de fait. Je ne sais pas...

Le Président (M. Bernier): ...publicité...

Mme Locat (Chantal): La publicité, en tout cas, je veux dire... Parce que les publicités sexistes, c'est dommageable. Vous savez que... Moi, j'ai maintenant une petite-fille. Ma fille a eu des jumeaux dernièrement. Là, ils ont quatre mois. Puis là j'imagine que ma petite-fille de quatre mois, elle arrive dans la vie, puis tout ce qu'elle va voir comme publicité sexiste, ou comme publicité, ou comme rapport inégalitaire, elle va l'accumuler en elle et sur elle aussi. Bien, je me dis: Bon, bien, c'est ça, l'espoir pour moi. Je ne suis pas découragée. Je me dis: Oui, on va faire quelque chose, parce que c'est pour nous. Écoutez, on a fait un chemin extraordinaire quand même, même si ça, c'est un recul, mais on est aussi plus outillés qu'on pouvait l'être peut-être voilà 30 ans pour défaire ces outils-là... pour défaire ces publicités-là.

Le Président (M. Bernier): C'est beau?

M. Traversy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernier): Effectivement, madame, il y a une madame qui était contente aussi, dans certaines publicités, on se rappelle, qui étaient faites. Quand vous dites que vous étiez contente...

Des voix: ...

Le Président (M. Bernier): Écoutez, je pense que ceci met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Je vous remercie infiniment pour votre participation, Mme Chabot, Mme Locat. Ça a été fort intéressant encore une fois, toujours, dans vos participations.

Donc, sans plus tarder et compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mercredi 2 février 2011, à 9 h 30, à la salle du Conseil législatif, afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait -- Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Merci. J'ajourne les travaux immédiatement.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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