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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, January 28, 2015 - Vol. 44 N° 16

Special consultations and public hearings on the paper entitled Towards a New Québec Policy on Immigration, Diversity and Inclusion and the related documents


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Kathleen Weil

M. Maka Kotto

M. Simon Jolin-Barrette

Auditions

Accueil-Parrainage Outaouais

Actions interculturelles de développement et d'éducation inc. (AIDE)

Chambre de commerce latino-américaine du Québec (CCLAQ)

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

Organisme de communication pour l'ouverture et le rapprochement interculturel (COR)

Mme Cécile Rousseau

Regroupement interculturel de Drummondville (RID)

Service d'aide aux néo-Canadiens (Sherbrooke) inc.

Service Intégration Travail Outaouais (SITO)

Autres intervenants

M. Marc Picard, président

M. Luc Fortin

Mme Filomena Rotiroti

M. David Birnbaum 

*          M. Bato Redzovic, Accueil-Parrainage Outaouais

*          M. Jacques Vidal, AIDE

*          M. Mohamed Soulami, idem

*          M. Oscar Ramirez, CCLAQ

*          M. Ivan Leal, idem

*          M. Jacques Frémont, CDPDJ

*          Mme Renée Dupuis, idem

*          M. Daniel Carpentier, idem

*          Mme Amina Triki-Yamani, idem

*          Mme Samira Laouni, COR

*          Mme Marie-Andrée Provencher, idem

*          Mme Ghayda Hassan, accompagne Mme Cécile Rousseau

*          Mme Spyridoula Xenocostas, idem

*          M. Daniel Poirier, RID

*          M. Darryl Barnabo, idem

*          M. Denis Marceau, Service d'aide aux néo-Canadiens (Sherbrooke) inc.

*          Mme Mercedes Orellana, idem

*          M. Robert Mayrand, SITO

*          M. Antoine Normand, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures cinquante minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur les documents intitulés Vers une nouvelle politiquequébécoiseen matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires et nous recevrons par la suite Accueil-Parrainage Outaouais, Actions interculturelles de développement et d'éducation, la Chambre de commerce latino-américaine du Québec et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Sans plus tarder, j'invite la ministre de l'Immigration et de la Diversité et de l'Inclusion à faire ses remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil : Oui. Bonjour. Alors, bonjour, M. le Président, Mme la secrétaire. Je salue aussi mes collègues et députés ministériels, la députée de Jeanne-Mance—Viger, les députés de Sherbrooke et de D'Arcy-McGee. Je salue aussi le député de l'opposition officielle, député de Bourget, et le député de la deuxième opposition, le député de Borduas.

Mesdames messieurs, bienvenue à tous et à toutes. J'aimerais tout d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent : le sous-ministre Robert Baril à ma droite; la directrice des politiques et programmes de participation et d'inclusion, Martine Faille, derrière moi; de mon cabinet, mon attachée politique, Amanda Bennet.

Depuis près de 25 ans, le Québec s'appuie sur la politique Au Québec pour bâtir ensemble, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1990, pour fonder son action en matière d'immigration et d'intégration. Cette politique aura été une politique importante, notamment pour la sélection des personnes immigrantes établie en fonction des besoins réels du Québec et pour tout ce qui concerne la francisation, l'intégration, le rapprochement interculturel et l'ouverture à la diversité. Des progrès significatifs ont été réalisés. Cependant, les changements survenus sur la scène internationale et québécoise depuis 1990 et l'évolution des besoins du Québec ont rendu nécessaire l'élaboration d'une nouvelle politique.

Le nouveau nom du ministère, le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, indique clairement notre volonté de faire grandir ensemble le Québec d'aujourd'hui. Le mandat que nous avons dans le cadre de cette consultation est de susciter une participation constructive en vue de définir ensemble une politique-phare en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion, une politique qui permettra de consolider notre cohésion sociale autour d'un vaste projet collectif : le renforcement d'une société inclusive qui bénéficie de la participation de chaque personne et qui conjugue sa diversité à l'affirmation de son identité distincte en Amérique du Nord.

Depuis 25 ans, la société québécoise s'est transformée, et la mobilité internationale a pris beaucoup d'ampleur. Il est donc devenu nécessaire de revoir en profondeur nos stratégies et de redéfinir nos actions en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion. En décembre dernier, j'ai déposé à l'Assemblée nationale un projet de politique qui s'appuie sur les acquis et l'expérience accumulés par le Québec depuis 25 ans. Cette consultation nous offre l'occasion d'élaborer ensemble une vision commune, une vision québécoise qui nous ressemble et qui nous rassemble.

Le projet de nouvelle politique proposé s'appuie sur l'interculturalisme, un modèle élaboré depuis 40 ans au Québec, qui exprime la spécificité de notre société. La révision en profondeur de notre politique d'immigration, de diversité et d'inclusion nous offre l'occasion de l'y inscrire, lui donnant ainsi une raison d'être plus concrète. Le projet préconise la vision d'un Québec francophone inclusif et fier de sa diversité, un Québec qui aspire à une plus grande cohésion sociale par la participation de chacune et chacun à la vie collective et qui conçoit l'immigration comme une richesse essentielle à son développement. Notre démarche permettra de relever les défis actuels du Québec, notamment en visant la pleine participation et en levant les obstacles à l'inclusion des personnes immigrantes et de minorités ethnoculturelles, en mobilisant l'ensemble de la société autour d'un équilibre entre, d'une part, l'ouverture à la diversité et, d'autre part, l'affirmation de valeurs et d'une langue commune et en effectuant un meilleur arrimage entre l'immigration et les besoins économiques du Québec, entres autres sur le plan de la main-d'oeuvre et du dynamisme entrepreneurial. Pour que cette vision et les choix collectifs que nous ferons puissent devenir réalité, la nouvelle politique qui sera adoptée à la suite des consultations sera accompagnée d'une stratégie d'action. Ainsi, au terme de cet exercice démocratique, nous pourrons compter sur une politique structurante et durable, un véritable guide pour nos actions, comme l'énoncé de 1990 l'a été durant 25 ans.

Les auditions que nous débutons sur la nouvelle politique sont une étape importante pour le Québec. Une fois adoptée, elle agira sur les orientations de la prochaine planification pluriannuelle de l'immigration, qui est prévue pour cet automne. Elle servira aussi d'assise à une révision en profondeur de la Loi sur l'immigration au Québec, adoptée il y a plus de 40 ans, pour un système d'immigration moderne, concurrentiel, dont le Québec a besoin.

Comme vous le voyez, nous avons une tâche importante à accomplir. Je remercie donc les personnes qui viendront en commission, les personnes qui ont déposé des mémoires mais qui ne pourront être entendues et celles qui participent à la consultation en ligne. Je les remercie de participer à ces travaux importants. Je serai évidemment à l'écoute. C'est en travaillant ensemble et en unissant nos efforts que nous pourrons élaborer et adopter une politique structurante et durable en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion pour le Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

M. Maka Kotto

M. Kotto : M. le Président, Mme la ministre, chers collègues, salutations à toutes les personnes également et aux groupes qui participeront aux travaux de cette commission parlementaire. Je les félicite pour les efforts consentis à participer à cet exercice malgré le très court préavis. Je rappelle que le gouvernement a déposé son projet politique le 5 décembre dernier, soit à la toute dernière journée de la session parlementaire, et les convocations ont été quant à elles acheminées le 17 décembre, à une semaine de Noël. Bref, les accueillir aujourd'hui et les jours qui viennent relève de l'exploit.

Cela dit, partout à travers le monde, y compris au Québec, l'immigration est l'un des grands enjeux des 50 prochaines années. Il est donc opportun de se poser une question très simple : Quel genre de tissu socioculturel voulons-nous pour le Québec et pour Montréal dans 10 ou 20 ans et bien au-delà?

Je rappelle que, le 18 février dernier, notre ancienne collègue Diane De Courcy avait déposé le projet de loi n° 71, qui avait pour objet de contribuer, par l'immigration, à l'enrichissement du patrimoine socioculturel, à la prospérité économique, au dynamisme démographique, à l'occupation et à la vitalité des territoires ainsi qu'à la pérennité du français. Nous notons que de grands pans du projet ici en question aujourd'hui s'inspirent du projet de loi n° 71. Toutefois, comme l'a dit Albert Camus, «mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde», et c'est à ce propos que nous avons de grandes interrogations, dis-je, voire de grandes inquiétudes vis-à-vis de la vision du gouvernement libéral.

Le Québec est certes une société multiethnique, mais le Québec n'est pas une société multiculturelle. Le multiculturalisme, tel que pratiqué au Canada anglais et dans des pays comme l'Angleterre ou l'Allemagne, est de plus en plus dénoncé comme source de tensions et qualifié d'échec par les actuels dirigeants anglais et allemands. Ils créent des ghettos, isolent, intègrent peu. Bref, c'est une idéologie qui est très loin de remplir les conditions d'une dynamique d'intégration effective.

Le présent projet politique parle d'interculturalisme, mais il n'en définit pas clairement la nature. De plus, nous sommes étonnés, voire troublés que le présent projet ne fasse aucunement référence à la citoyenneté comme la pierre d'assise du vivre-ensemble. Par ailleurs, comment concilier une contribution significative au dynamisme des régions et en même temps couper les ressources qui y sont consacrées, notamment par la fermeture annoncée des bureaux régionaux du ministère?

La ministre veut s'en remettre notamment aux organismes communautaires, mais ces organismes sont également dans la mire des austères propagandistes de l'austérité. Cette semaine, un quotidien nous rapportait les propos de la ministre, qui disait, et je cite : «Là "où je veux me rendre, c'est un système d'immigration basé sur le modèle canadien"...» Fin de la citation. Nous voulons bien savoir ce qu'il y a derrière cette pensée et également ce qu'il y a derrière les commentaires du premier ministre du Québec quant à l'intégrisme et le projet politique qui nous occupe aujourd'hui. Merci.

• (10 heures) •

Le Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'Immigration à faire ses remarques pour une durée maximale de 2 min 30 s.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, de saluer Mme la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, les collègues ministériels, M. le député de Bourget. C'est un plaisir de vous retrouver tous pour l'étude de la nouvelle politique en matière d'immigration.

Je tiens tout d'abord à féliciter l'équipe de la ministre pour la qualité des documents qui ont été produits au niveau du cahier de consultation. Je crois que le recueil statistique ainsi que le portrait global sont une belle représentation de l'état de l'immigration au Québec. Et souvent on ne souligne pas assez la qualité du travail effectué par la fonction publique, mais je tiens à lever mon chapeau, parce que c'est d'une très grande qualité.

Donc, pour ma part, la nouvelle politique qu'on va établir, elle est fondamentale pour l'avenir du Québec. Elle est fondamentale parce que, vous savez, au cours des prochaines années, en fait, au cours des dernières années, on a accueilli en moyenne environ 50 000 immigrants. Il y a des seuils d'immigration qui ont été établis, qui n'ont pas été respectés. Ce qu'on constate au cours des dernières années, c'est qu'il y a une difficulté au niveau de l'intégration des immigrants, principalement en matière de francisation. 40 % des nouveaux arrivants au Québec n'ont pas la connaissance de la langue française. Et il y a des lacunes au niveau de la francisation. C'est important de développer une nouvelle politique en matière d'immigration pour les prochaines années, surtout que la dernière datait d'il y a 25 ans. Et nous déplorons un peu ce fait-là parce que... Pourquoi avoir attendu si longtemps? Parce que le constat de la situation difficile éprouvée par les immigrants n'est pas récent. Donc, on est heureux d'apprendre que cette politique-là va être mise de l'avant.

Cependant, comme je le disais, l'immigration en lien avec la francisation, c'est important d'avoir les ressources nécessaires, de dire aux gens qui choisissent le Québec, de dire qu'ils vont avoir les ressources requises pour participer pleinement à l'essor de la société québécoise. Ça passe notamment par une francisation accrue, par une intégration, par la régionalisation de l'immigration. 75 % de l'immigration est basée dans la grande région de Montréal. Ce n'est pas à l'image de la population, de la répartition de l'image du Québec. Il y a du travail à faire à ce niveau-là. Également, au niveau de l'accessibilité au marché du travail, le Québec veut aller chercher les meilleurs éléments un peu partout dans le monde. Mais ce qui est important en contrepartie, c'est de dire : Bien, nous allons vous permettre d'intégrer pleinement la société québécoise et le marché du travail. Merci.

Auditions

Le Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Nous allons maintenant débuter nos auditions. Donc, je souhaite la bienvenue à Accueil-Parrainage Outaouais. Je vous invite à vous présenter et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes pour votre présentation. La parole est à vous.

Accueil-Parrainage Outaouais

M. Redzovic (Bato) : Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, je m'appelle Bato Redzovic. Je veux m'excuser d'abord pour la qualité de ma langue française. Je vais essayer d'être précis. La langue française n'est pas ma première langue. Et d'abord je voulais vous dire que c'est un grand privilège pour moi d'être ici, avec vous.

Je suis arrivé au Québec comme réfugié parrainé par le gouvernement. Et d'abord, sur ça, je voulais bien vous remercier de m'accepter et de me donner possibilité de partager ma vie avec ma famille avec les citoyens du Québec ou, plus précis, avec les citoyens de l'Outaouais. Je suis directeur de l'Accueil-Parrainage Outaouais. D'abord, j'étais le client d'Accueil-Parrainage Outaouais, après, le bénévole d'Accueil-Parrainage Outaouais, intervenant qui a travaillé en accompagnement des nouveaux arrivants. Et finalement j'ai le privilège aussi d'être directeur de l'Accueil-Parrainage Outaouais.

C'est avec un grand plaisir qu'Accueil-Parrainage Outaouais a accepté de participer à cette consultation particulière portant sur le document intitulé Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion. Alors, Accueil-Parrainage Outaouais est fondé il y a 35 ans. On parle de 14 200 clients qui sont passés par les services d'Accueil-Parrainage Outaouais. Et d'abord, au début, c'était juste le programme de parrainage collectif. 35 ans après, l'Accueil-Parrainage Outaouais donne les services à toutes les catégories d'immigrants. On parle d'immigrants parrainés par le gouvernement, demandeurs d'asile, immigrants économiques et tous les autres, une soixantaine de catégories, qui viennent s'installer et vivre en Outaouais.

Accueil-Parrainage Outaouais est un organisme à vocation régionale également impliqué au niveau national et provincial qui accomplit sa mission avec huit services. D'abord, service d'accueil établissement, service de jumelage et de bénévolat, service d'interprétariat, service de médiation interculturelle, intervention communautaire, scolaire interculturelle, de service de parrainage collectif, de l'hébergement et puis de différentes activités qu'on organise en intégration des immigrants et la sensibilisation auprès du public.

Le document de consultation intitulé Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion apporte une vision claire de la volonté québécoise de rester à l'avant-garde du monde occidental en matière d'immigration. Comme mentionné dans le document, le Québec doit compter sur des personnes immigrantes bien intégrées dans toutes les facettes de la vie collective, et ces dernières doivent s'établir de façon durable sur le territoire. Nous sommes convaincus que l'accueil, l'établissement et l'intégration est une étape fondamentale dans son processus d'adaptation. Bien sûr, ici, la majorité des pistes de réflexion dans le document proposé, c'est l'intégration économique des nouveaux arrivants. Mais, d'abord, on ne doit jamais oublier que l'intégration est d'abord linguistique, économique, sociale, culturelle, d'abord politique et religion, et puis on peut parler des autres dimensions d'intégration aussi. Dans ce contexte, nous devons donc demeurer vigilants et nous impliquer afin que nos nouveaux concitoyens puissent connaître leurs droits et leurs devoirs dans notre société démocratique.

Et puis nous autres, on voulait toucher juste quatre questions parmi... de questions sur lesquelles on peut parler. Premières questions qu'on a posées ici, ce sont les questions de logement et des difficultés de trouver un logement qui réponde bien au besoin familial qui vient s'installer en Outaouais. En théorie, au Québec et au Canada, un propriétaire n'a pas le droit de demander une caution, il n'a pas le droit non plus d'exiger le loyer à l'avance, mais il peut faire une enquête de crédit. Nous soutenons, pour l'avoir vérifié à plusieurs reprises, que les familles immigrantes sont les plus vulnérables en ce qui concerne l'accès au logement. Ce problème se révèle encore plus marqué en Outaouais que partout ailleurs au Québec. Quelques exemples : les prix du logement en Outaouais sont plus élevés au Québec avec pour résultat que les familles sont souvent obligées de débourser jusqu'à 70 %, voire 100 % de leur revenu. Soulignons particulièrement la difficulté des familles monoparentales qui dépensent la totalité de leur revenu mensuel en loyer. Une solution possible : adapter les montants d'aide aux régions.

En Outaouais, on vit une pénurie constante de logements locatifs abordables, surtout pour les familles nombreuses, et on est obligés assez souvent d'installer celles-ci dans un logement qui ne correspond pas à leurs besoins, trop petit et insalubre. Les grands propriétaires dans l'Outaouais refusent catégoriquement de louer leurs logements aux nouveaux arrivants à cause de l'impossibilité de faire une enquête de crédit. Ces gens viennent d'arriver, comment pourrait-on trouver des données sur leur crédit? Certains propriétaires utilisent donc l'enquête financière comme prétexte pour refuser l'accès à leur logement, mais, en réalité, la cause de ce refus relève de la discrimination, des préjugés et du racisme. En effet, comment expliquer que certaines familles sont acceptées et d'autres non? Certains propriétaires exigent des nouveaux locataires qu'ils paient leur loyer trois à six mois d'avance pour les décourager. Alors, le gouvernement devrait ajuster l'aide de dernier recours par rapport au prix des logements, qui ne cesse d'augmenter, prendre les mesures nécessaires pour que le propriétaire respecte plus le droit au logement et construire plus de logements sociaux accessibles aux familles vulnérables.

• (10 h 10) •

La deuxième question que je voulais toucher, c'est la rétention. Nous constatons, malgré un programme d'accueil chaleureux et bien organisé, un faible taux de rétention de certains groupes. Or, le déplacement des immigrants entraîne souvent un retard dans le processus d'intégration. C'est bien pensé, dans le document, de faire une déclaration d'intérêt, mais une bonne réflexion sur les critères et la sélection des personnes immigrantes serait nécessaire. Ici, en passant, vous savez, on a accueilli un certain nombre de clients, des immigrants qui arrivent de, disons... je vais donner un exemple, il s'appelle... un coin du Congo. On a accepté un certain nombre de familles. C'est le gouvernement qui l'a accepté; c'est le gouvernement qui a réalisé plein de choses, qu'il arrive ici, qui l'accueille bien, qui achète toutes les choses nécessaires, qu'il puisse bien vivre ici, mais, d'un jour à l'autre, il décide de quitter le Québec pour s'installer dans une autre province. Il y en avait pas mal. Je peux vous donner l'exemple de trois, quatre familles les derniers deux mois, et puis d'un autre coin aussi, je me souviens que je pense de l'Estrie aussi, de familles qui décident tout à coup de quitter le Québec et s'installent à quelque part d'autre. Je pense que, quelque part, on devrait avoir un certain contrat moral de demander aux gens d'au moins rester un certain temps, parce que le gouvernement achète tout. Et imaginez-vous quand on trouve, en avant d'un édifice, les lits et les commodes nouvellement achetés jetés... et quitter le logement, de s'installer dans une autre province. Quelle image on laisse aux citoyens du Québec qui, d'abord, paient tout ça?

Question de rétention aussi, là, quand j'ai touché les critères, peut-être une bonne réflexion sur les critères, aujourd'hui, après-midi, vous allez rencontrer Robert Mayrand qui est d'abord directeur de SITO, Service d'intégration au travail Outaouais, un organisme qui s'occupe aussi des immigrants, des nouveaux arrivants, et puis il a déclaré une fois — il est d'abord ici, dans la salle, SITO, c'est notre partenaire — que les immigrants qui viennent, qui ne parlent pas la langue française, trouvent plus vite du travail que les immigrants qui parlent la langue française. Alors, je ne veux pas embarquer en discussion, mais vous pouvez garder votre question peut-être pour cet après-midi, pour 17 heures, et demander à Robert de vous expliquer pourquoi il pense, et ce sont quoi, ses résultats dans son organisme.

Sensibilisation. Un sondage fait par la firme Léger Marketing en octobre 2011 nous montre que les citoyens de l'Outaouais sont plus nombreux à considérer l'immigration comme une menace plutôt que comme un enrichissement. Il est important de dire que l'intégration des nouveaux arrivants ne peut pas se faire si la société d'accueil n'est pas préparée et réceptive aux défis que pose la diversité culturelle. L'intégration est bidirectionnelle. Elle nécessite non seulement l'engagement de la personne réfugiée et immigrante elle-même, mais également celui de l'ensemble de la société d'accueil. Cela sous-entend un travail d'information, de sensibilisation et d'éducation de la communauté d'accueil. On parle également d'adaptation réciproque et de contrat moral. La personne réfugiée et immigrante doit trouver sa place, se faire une place, et une place doit lui être faite par le milieu d'accueil. Il me semble que la société d'accueil se forme une image des nouveaux arrivants à partir de cas négatifs et isolés qui paraissent à l'occasion dans les médias. Une campagne nationale et permanente en sensibilisation est nécessaire.

Et, de l'autre côté, on a touché activités collectives. Les immigrants récemment arrivés ont besoin de recevoir de l'information sur les façons de s'ajuster à la vie quotidienne, à leurs nouvelles structures sociales, aux nouvelles lois, et ça prend du temps, d'où l'importance des cours de francisation à l'intérieur desquels on informe les nouveaux arrivants sur les façons de faire au Québec. Le gouvernement devrait investir davantage, y compris pour des immigrants francophones, dans des formations sur les valeurs et les règles de la société d'accueil.

Et puis, juste... C'est fini. Très bien.

Le Président (M. Picard) : Votre temps est écoulé. Vous pourrez préciser...

M. Redzovic (Bato) : Très bien. C'est ça...

Le Président (M. Picard) : ...lors de l'échange avec les parlementaires.

M. Redzovic (Bato) : Merci beaucoup. Oui, c'est bien.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, la parole est à vous pour une période maximale de 17 min 30 s.

Mme Weil : Oui. Bonjour, monsieur. Je vous remercie beaucoup, beaucoup de votre présence, et d'ailleurs on s'est vus lors d'une consultation que j'ai menée au courant de l'été et on a eu l'occasion de partager ensemble les genres de préoccupations que vous soulevez. Et je vais peut-être commencer par ce phénomène que vous voyez surtout dans votre région, l'attrait, évidemment, hein, je pense, l'exode que vous voyez... l'exode, je ne sais pas si c'est un exode, mais les gens qui quittent parce qu'il y a l'attraction, évidemment, d'Ottawa puis des régions autour, et donc tout le monde l'avait soulevé lors de cette réunion. Donc, comment faire pour mieux intégrer? Finalement, c'est un peu ça. Alors, je ne vais que retenir «améliorer le taux de rétention», et je vous dirais qu'un des grands objectifs, un peu, de cette consultation, c'est comment créer une société où on met l'accent sur le vivre-ensemble ou une société attrayante, parce qu'on parle de compétition internationale pour les immigrants.

Mais je voudrais venir peut-être à votre question sur le logement. C'est une grande question à Montréal, la question de salubrité, qualité des logements. Et d'ailleurs le ministre des Affaires municipales, ce matin, dans le journal, parle de mieux informer... l'intention, le projet du ministère, c'est de mieux informer les nouveaux arrivants sur leurs droits, leurs droits en matière de logement. Mais je voudrais savoir : Est-ce que vous — parce que vous le soulignez comme une grande préoccupation, il y a des organismes à Montréal aussi qui travaillent dans ce domaine — avez-vous vu des meilleures pratiques ailleurs au Canada ou même au Québec, des meilleures pratiques qui pourraient alimenter un plan d'action en la matière? Est-ce qu'il y a des mesures qui existent au Québec, au Canada? Sinon, si vous n'en connaissez pas, ce n'est pas grave, on ira à la prochaine question. Mais un des objectifs qu'on a, c'est, oui, les constats, qu'on partage les constats, mais on veut aussi, avec l'expertise des organismes qui connaissent les enjeux, voir si vous, vous avez eu l'occasion d'examiner ou de réfléchir à des meilleures pratiques ailleurs.

M. Redzovic (Bato) : C'est toujours possible. Vous savez, dans le document, j'ai remarqué que vous avez nommé la... mais là on a parlé de l'intégration économique des gens, que les résultats dans les différentes provinces sont meilleurs qu'au Québec, alors... qu'Ontario et British Colombie. Alors, je vais vous donner juste un exemple. C'est toujours possible trouver le meilleur logement pour moins de l'argent si on pouvait avoir un cosignataire. Tandis que les gens qui arrivent, ils ne peuvent pas avoir un cosignataire. Le propriétaire, le grand propriétaire en Outaouais veut s'assurer qu'un locataire paie bien son logement.

Je vous donne un exemple d'Ontario. En Ontario, l'aide au premier recours, l'aide sociale, elle se donne en deux parties : une partie directement au propriétaire, l'autre partie à la famille quand on parle de réfugiés parrainés par le gouvernement. Le propriétaire, il exige toujours un cosignataire, le gouvernement ne veut rien savoir, comment un organisme communautaire peut prendre en charge de cosigner le bail avec une famille? Impossible. Alors, peut-être à réfléchir sur la pratique en Ontario. Je ne veux pas dire que, peut-être, ils devront avoir les communications directes avec les propriétaires, mais peut-être qu'au niveau du gouvernement on peut réfléchir sur les solutions.

Mme Weil : ...l'occupation du territoire, puis vous avez évidemment parlé du défi de la rétention, et vous avez parlé de l'importance de l'immigration pour vitaliser les territoires. Est-ce qu'il y a des stratégies, selon vous, qu'on devrait privilégier pour améliorer l'attraction des personnes immigrantes? Moi, je vous dirais mon constat suite à la rencontre qu'on a eue. La ville de Gatineau, c'est une ville très dynamique en la matière, et je ne sais pas si vous vous rappelez des constats qui avaient été faits, c'est que, depuis l'année 2000, la communauté en général, autour de la ville de Gatineau, est beaucoup plus ouverte à la diversité. Alors, j'aimerais vous entendre sur vos impressions. Vous, vous êtes arrivé en quelle année?

M. Redzovic (Bato) : Je suis arrivé en 1994, au mois d'août, 11 août 1994, durant la guerre en ex-Yougoslavie. Je suis arrivé de la Bosnie et puis je suis né à Sarajevo. J'aime bien ma ville, mais je ne me sens plus ni Bosniaque, ni... je me sens vraiment, là, Québécois. Alors, trois enfants qui sont parfaitement québécois, vous ne pouvez pas les remarquer, la différence quand ils parlent. Assez souvent, moi aussi, je ne peux pas le comprendre.

Mme Weil : Bien, bravo! Bravo, monsieur! Et bravo pour votre français! Et vraiment vous êtes l'image de la réussite du Québec en matière d'intégration des réfugiés, et c'est une fierté, beaucoup. Et votre succès est une fierté pour nous.

Et moi, j'ai vu, donc, une ville dynamique, une certaine mobilisation de la communauté autour. Vous parlez du centre culturel qui est en planification. Vous-même, vos constats personnels par rapport à ce qui va bien dans votre région et qui pourrait inspirer d'autres régions et, encore là, les meilleures pratiques, qu'est-ce qui a bien marché, c'est sûr qu'on prend note de vos constats de défis, mais qu'est-ce qui a bien marché pour partager avec d'autres régions?

M. Redzovic (Bato) : Vous savez, ces quelques dernières années qu'on a, c'est sûr, le sentiment que les plusieurs ministères embarquent en intégration. En passant, vous savez, il me semble qu'assez longtemps la question d'intégration, c'était juste la question du ministère de l'Immigration et d'Emploi-Québec, les organismes communautaires. Dernièrement, vraiment, avec tout ce qui se passe, avec l'accompagnement de jeunes scolaires qu'on a développé, c'est le ministère de l'Éducation, les cliniques pour les immigrants, les cliniques pour les nouveaux arrivants développées dans quatre régions, sont développées avec le ministère de la Santé et Services sociaux.

Alors, vous savez, on sent beaucoup d'appui de gens qui sont dans la ville de Gatineau. D'abord, la politique de la ville sur la diversité culturelle et l'appui d'un gouvernement nous donnent vraiment le souffle qu'on s'en va vers le projet, vers le projet qui nous donne le meilleur service pour les nouveaux arrivants. On essaie toujours, vous savez, et ce qu'on va continuer, donner le plus avec la même somme de l'argent. Vous savez, on avait découvert qu'on manque là, on manque là. On sait bien que la situation dans la société est difficile, qu'on a moins de l'argent, que tout le monde devrait se serrer la ceinture, et puis on regarde toujours comment, avec même somme de l'argent, vraiment donner un peu plus pour nos clients.

• (10 h 20) •

Mme Weil : Merci. Donc, une approche transversale. Si je résume un peu, vous, ce que vous voyez, c'est que, de plus en plus, le gouvernement du Québec prend une approche transversale.

J'aimerais aller sur votre chapitre Les bons coups ces dernières années en Outaouais, puis ce que je trouve personnellement extrêmement important, et les études le démontrent, c'est le rôle de l'école en matière d'intégration. Et vous parlez justement du projet intervention scolaire communautaire interculturelle, qui vise à établir et à consolider le lien entre école, famille, communauté. Personnellement, je trouve que c'est essentiel, et, dans les études PISA, les études internationales, les écoles québécoises et les écoles canadiennes sont reconnues pour leur approche interculturelle — c'est bien dit comme ça — parce qu'elles vont à la rencontre des parents et des enfants. C'est dans les études PISA. Et j'aimerais vous entendre sur ce projet, parce que je trouve que c'est peut-être un projet qui pourrait inspirer aussi d'autres écoles.

M. Redzovic (Bato) : Voilà. C'était un projet développé avec un appui des deux commissions scolaires, commission scolaire des Draveurs et commission scolaire du portage. C'est ce qu'on a senti en Outaouais, comme d'abord dans d'autres régions au Québec, que notre activité avec les enfants, avec jeunes scolaires, se terminait avec l'inscription à l'école, et on les laisse, abandonnés. Il n'y a pas d'accompagnement, il n'y a pas de surveillance. On était obligés, assez souvent, vous savez, inscrire les gens qui ne sont même pas alphabétisés à l'école secondaire régulière parce qu'on n'avait pas de choix, c'est la loi qui dit : Jusqu'à 16 ans, tu es obligé. On ne pouvait pas inscrire les gens à l'école pour adultes, on était obligés de les inscrire à l'école secondaire. Et puis imaginez-vous un enfant qui a 13 ans, 14 ans, 15 ans, qui embarque dans une école secondaire régulière, bien sûr, s'il ne parle pas la langue française, c'est une classe d'accueil, et ça va un peu mieux, mais, quand même, dans une classe d'accueil où les gens peuvent lire, peuvent écrire, etc., un enfant qui a de la difficulté, ça commence mal, vous savez. On n'a pas d'autre choix que décrocher, hein, et attendre peut-être les 16 ans pour embarquer dans une école pour les adultes.

De l'autre côté, vous savez, quand on regarde les écoles pour les adultes et les jeunes scolaires, on avait le sentiment que, voilà, on finance nos écoles secondaires par le nombre des élèves. On ne regarde jamais le résultat qui pose, vous savez, le... Et puis on avait le sentiment aussi que, de temps en temps, l'école garde les immigrants un peu plus qu'il fallait, peut-être, qu'il fallait et qui sont peut-être déjà préparés pour le marché du travail pour avoir le nombre qui était d'abord financé. Alors, quelque part, peut-être le gouvernement devrait réfléchir sur le financement des écoles en regardant le résultat. Qu'est-ce qu'on a fait avec les gens qui sont embarqués à l'école?

Quand on parle, bien sûr, d'écoles régulières, on avait beaucoup de résultats en intervenant... qui est communication quotidienne avec les nouveaux arrivants, avec les écoles et avec les familles où on peut voir vraiment où il manque, qu'est-ce qu'il manque et se jeter ensemble, avec nos bénévoles, bien sûr, qui peuvent aider à faire les devoirs, qui peuvent aider à attraper certaines choses qu'il manque pour venir dans une classe qui répond bien à ses besoins.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. L'autre projet ou l'autre suggestion que vous avez, qui est évidemment très intéressant, surtout lorsqu'on parle d'interculturalisme, c'est la médiation interculturelle. Ce n'est pas beaucoup d'organismes qui en parlent, mais vous semblez avoir une connaissance...

M. Redzovic (Bato) : ...j'oublie, évidemment, dans le titre de notre service, c'est : médiation interculturelle et intraculturelle. C'est différent des autres projets en médiation, vous savez? Ça, ce projet, on l'a développé il y a quatre ans avec un support financier du ministère de l'Immigration qui nous a d'abord abandonnés avec le support financier, mais c'est la ville qui est embarquée avec quelque mille dollars. Et on réussit vraiment à garder une équipe de 10 bénévoles bien formés. On a un monsieur qui est bénévole, un retraité professionnel qui a participé, même, en négociations internationales partout dans le monde, qui ait accepté de former nos bénévoles, de réagir au niveau de médiation, de réagir comme médiateur professionnel. Et puis ce sont des gens qui embarquent vraiment dans les situations difficiles, dans les cas difficiles, lesquels on ne peut pas régler avec nos interventions régulières avec les agents d'accompagnement. Et puis là les résultats sont incroyables. Je ne vais pas vous parler vraiment de cas... ce qu'on a traité les dernières deux, trois années, mais c'était... vous savez, on avait des cas très difficiles. Bien sûr que la médiation, vous savez, en général, est nécessaire quand on parle de questions de logement, questions de locataires.

Les nouveaux arrivants, le comportement, etc., ce sont les cas ordinaires, mais je ne vais pas vous parler des cas difficiles qu'on avait, ce sont les histoires où on peut pleurer, vraiment. Et puis on avait aussi aidé beaucoup des nouveaux arrivants, même un certain nombre de citoyens de l'Outaouais, avec le projet comme tel. Grâce à la ville de Gatineau et puis grâce à nos bénévoles qui s'impliquent bien, on réussit toujours à garder notre projet en médiation comme tel. L'idée, c'était vraiment aussi un trait... en famille. Vous savez, nous autres, comme les intervenants en terrain, on peut bien remarquer quelle famille va avoir des problèmes. Vous savez, on a les familles nombreuses où on a les enfants adultes, les familles qui viennent... un exemple, ça peut arriver d'Afrique, ça peut arriver d'Asie et n'importe quel continent, et puis on remarque que les valeurs culturelles et les bagages avec qui les nouveaux arrivants arrivent, quelquefois, c'est difficile. Ils devront accepter les valeurs culturelles de la société d'accueil, et puis on peut remarquer tout de suite qu'il y a un chef de famille qui veut gérer tout l'argent qui vient dans la famille. Et on sent tout de suite que la famille va avoir des problèmes, que la famille va se séparer dans quelques mois, vous savez?

Et puis là on voulait bien entrer un petit peu en famille pour l'approcher plus vite des valeurs culturelles de la société d'accueil comme telle. Et puis c'est inévitable que, bien sûr, en choisissant de vivre ici, au Québec, de rejeter certaines valeurs culturelles, lesquelles on amène avec notre bagage quand on arrive. Alors, c'est nécessaire, informer les gens de la situation réelle ici.

Mme Weil : Si j'ai le temps...

Le Président (M. Picard) : Il reste encore deux minutes.

Mme Weil : Juste, rapidement, d'avoir peut-être une idée de la clientèle que vous desservez, parce que, peut-être, pour les gens qui nous écoutent, il y a l'immigration économique, les travailleurs qualifiés, il y a les réfugiés, le regroupement familial...

M. Redzovic (Bato) : ...demandeurs d'asile, pas beaucoup, parce qu'avec les dernières lois, vous savez, ils se sont alignés vers les grands centres, Montréal et Toronto, parce que les audiences ne se font plus à Ottawa. Alors, on a moins de demandeurs d'asile. On a à peu près 200... les clients... 200 réfugiés parrainés par le gouvernement, 250, les immigrants économiques. Alors, on parle de 500 clients, 500 à 600, les dernières années, à cause de la diminution du nombre de réfugiés parrainés par le gouvernement. On a terminé notre année avec 481 clients.

Mme Weil : Donc, j'ai du temps. ...sur les réfugiés, parce que ce n'est pas tous les organismes qui ont cette expérience. Et ce qu'on connaît de l'expérience, c'est que les gens qui viennent... les situations à l'international, de détresse, se complexifient — et nous, on a fait une étude lorsque j'étais ministre de l'Immigration, la dernière fois, sur ça, sur le terrain — et qu'il faut répondre à des problèmes de santé, des problèmes psychologiques aigus. Est-ce que vous, vous avez vu aussi qu'il y a des situations plus complexes dans le travail que vous avez à faire auprès des réfugiés?

• (10 h 30) •

M. Redzovic (Bato) : La question de réfugiés parrainés par le gouvernement et les familles, c'est toujours complexe. Ce sont des gens qui pouvaient vivre dans un camp de réfugiés 15, 18 ans. Les enfants qui sont nés, là, dans un camp de réfugiés, qui n'étaient jamais scolarisés, ça pouvait être les cas difficiles. De l'autre côté, on a les cas moins difficiles, mais je vais vous donner un exemple. La semaine passée, on a accueilli 11 personnes qui arrivent de Guinée. La Guinée est un des pays encerclés par Ebola. On avait, dans la famille, des cas de tuberculose inactive. Mais, grâce à la clinique pour les immigrants, l'intervention des gens qui travaillent au CSSS, vous savez, ils sont bien accueillis, bien accompagnés. Et puis le travail qui s'est fait, c'est extraordinaire, vous savez. Ils sont sous la surveillance... Les gens vont être... ils sont arrivés mardi passé et ils vont être installés aujourd'hui dans ces appartements, et puis la vie continue. Les cas de réfugiés, c'est pas mal toujours difficile et beaucoup plus de travail que... beaucoup plus de besoins que les familles qui arrivent dans la catégorie des immigrants indépendants, travailleurs qualifiés, etc.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je dois maintenant céder la parole à M. le député de Bourget.

Mme Weil : Merci, M. Redzovic. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : O.K. Je dois céder la parole à M. le député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Redzovic, soyez le bienvenu. Je vous réitère mes salutations et je vous dis bravo pour votre implication également. Vous êtes en quelque sorte un médiateur pour ceux qui suivent ou ceux qui ont suivi, et qui, du haut de son expérience, a probablement joué un rôle déterminant. Il suffit d'une écoute attentive, sensible, pour rassurer le monde. Déjà, quand on quitte son pays d'origine, on vit un déracinement qui n'est pas toujours facile. Et embrasser un nouvel espace socioculturel méconnu, c'est un peu comme quitter la Terre pour aller sur Mars. Vous voyez, quand on a fait ce trajet-là, comme moi — ça fait une vingtaine d'années que je suis ici — on le comprend très bien.

Je veux revenir particulièrement sur la question de la médiation culturelle à proprement parler. Pourquoi pensez-vous... et j'ai bien entendu ce que vous répondiez à la ministre, vous disiez que c'était une recommandation, certes, et je vais aller un peu plus loin. Est-ce que de votre point de vue, à partir du moment où on sélectionne à l'extérieur des frontières du Québec, en tant que gouvernement, on se doit, à l'instar de tous les autres critères inscrits sur la fiche de sélection... est-ce qu'on devrait apporter énormément, investir énormément d'efforts dans le dessein de dire aux gens qui viennent ici ce qu'est le Québec précisément, au plan historique, au plan identitaire, identité comprenant la langue, la culture, etc.? Est-ce qu'on devrait investir beaucoup plus d'efforts en amont, avant que ces personnes arrivent au Québec pour ne pas qu'elles se retrouvent perdues?

M. Redzovic (Bato) : Je dirais oui, sauf que je me souviens, quand j'ai passé les interviews de présélection, le gouvernement ne veut jamais confirmer, vous dire : Voilà, soyez sûrs, vous allez venir au Canada. Il dit jusqu'au dernier moment : On ne sait pas.

Alors, vous savez, si vous voulez travailler avec quelqu'un qui est sûr et certain de l'obligation dans son pays natal... Il faut vivre, hein, il faut gagner pour nourrir la famille, n'importe où où on se trouve. Est-ce qu'ils vont avoir du temps de participer? Je dirais : Sûr et certain, oui, si le gouvernement peut s'investir, de préparer les gens, de préparer... de leur parler de la valeur culturelle de la société d'accueil. Ça, c'est sûr et certain. Vous le savez, préparer quelqu'un mieux, de venir le dire... Et puis quelqu'un qui va choisir le Québec, il va signer, là, qu'il a choisi le Québec. Encore ça, je me demande pourquoi un certain nombre de personnes, après un mois, deux mois, trois mois, quitte le Québec s'il a choisi, s'il a signé, s'il a accepté les valeurs de la société d'accueil comme telles, s'il a signé d'abord qu'il accepte les valeurs comme telles. Je me demande. Alors, quelque part, vous savez, on peut parler de la liberté de circulation, mais je pense qu'on devrait avoir un contrat moral avec les gens qu'on accepte ici, au Québec. Les bien préparer, sûr et certain, M. Maka Kotto, et puis travailler avec, sûr et certain, leur dire c'est quoi, le règlement chez nous.

Vous savez, dans ma maison, j'ai mes règlements. Si j'ai le règlement que personne ne peut pas fumer dans ma maison, s'il veut fumer dans la maison, il n'est pas bienvenu. Vous savez, on a nos règlements, on devra expliquer les gens : Et à ça ces conditions... Alors, si vous acceptez le pays d'accueil comme tel, vous êtes bienvenu.

M. Kotto : Je vais aller un peu plus loin encore. À partir du moment où on fait preuve de carences en matière de représentation diplomatique, en quelque sorte... Il y a plusieurs pays qui sont, via l'immigration, représentés. Il y a 185 pays qui sont source d'immigration au Québec et une centaine d'ethnies différentes. À partir du moment où nous n'avons pas, en tant qu'État, une représentation diplomatique pour faire ce travail pédagogique sur place, pensez-vous objectivement — je ne fais pas de politique, là, c'est valable pour tous les gouvernements qui se sont succédé, qu'ils soient du Parti québécois ou du Parti libéral — à partir du moment où il n'y a pas de représentation diplomatique pour faire un travail de pédagogie sur place... n'y a-t-il pas là un problème?

M. Redzovic (Bato) : Mais oui, évidemment. Si on n'a pas les gens qui vont travailler, on devra bien se présenter pour l'accueillir ici. Mais, vous savez, une fois arrivé ici, vous ne pouvez pas mettre toutes les valeurs de la société dans une tête dans quelques mois. Le problème arrive, vous savez dans quel sens? Une famille avec ses valeurs culturelles va envoyer un enfant à l'école, et puis un prof, il va remarquer certaines choses, qu'il était battu peut-être, avec ceinture, avec je ne sais pas quoi, là. Sans savoir, les gens, ils vont avoir les représentants de la DPJ d'un jour à l'autre à la maison qui vont s'occuper des enfants, et les gens, ils vont se trouver très surpris parce qu'on n'a même pas réussi de leur donner les valeurs de la société, qu'est-ce qu'ils peuvent faire, qu'est-ce qu'ils ne peuvent pas faire.

Je donne assez souvent... En fait, ici, tout est réglementé, vous savez, là. Ils arrivent d'un pays où il n'y a pas les règlements comme ici. Je donne assez souvent un exemple pour les Africains et la pêche, vous savez... le permis de pêche, une canne à pêche... une canne à pêche, quel poisson en quel mois, quelle grandeur, etc. Quand tu commences à expliquer ça à un Africain, là, ça devient drôle. Il te regarde comme que tu es fou, là. Alors, c'est juste un exemple banal.

Vous savez, là, n'importe quelle question qu'on touche... question d'éducation. Vous savez, combien de crédits un enfant... C'est quoi, le cheminement dans une école secondaire, CPC, CPT, régulier, etc? Alors, même un citoyen de Québec ne peut pas comprendre comment approcher tout ça dans une période courte à une famille qui arrive. Et puis, vous savez, les informations... Première journée, session d'information, Emploi-Québec : vous allez avoir l'aide sociale, mais vous allez être obligé de faire ça, ça, ça. Ça rentre ici, ça sort ici, et puis il n'y a rien qui reste dans la tête après sept jours, un mois.

Pour ne pas arriver dans le problème, on devrait vraiment travailler un peu plus. Comment, quelle façon? Je ne sais pas. Les intervenants sont là. La meilleure solution, possibilité, j'ai vu, dans une recherche d'un groupe de profs de l'Université de Sherbrooke... Il y a un document qui s'appelle L'Accompagné : les nouveaux arrivants avec leurs récits. Et j'ai vu vraiment dans les récits, les visites à domicile, c'est qu'on essaie... fait tout le temps, mais combien réussissent vraiment ça? Je ne peux pas vous dire. En fait, le gouvernement accueille les immigrants, mais on n'a pas vraiment un bon papier qui va nous dire ce sont quoi les résultats après six mois, après une année. On a investi, comme gouvernement, de l'argent par les organismes communautaires, mais qui a fait quoi, comment on peut avoir vraiment les informations vraies? Est-ce qu'on avait vraiment tout ce qu'on a payé avec de l'argent? Ça, je me questionne aussi, là.

Le Président (M. Picard) : M. le député, il reste deux minutes.

M. Kotto : Deux minutes. Sur la question du logement, est-ce que vous pouvez, du haut de votre expérience, nous dire, si c'est possible, bien sûr, spécifiquement le profil des Québécois d'adoption qui ont de la difficulté... le profil socioéconomique... qui ont de la difficulté à trouver un logement ou à y rester? Des histoires d'horreur, j'en connais, mais je veux vous entendre relativement à votre expérience.

• (10 h 40) •

M. Redzovic (Bato) : Mais chaque famille monoparentale est d'histoire d'horreur. Vous savez, là, une famille, quand on a un célibataire et quand on leur donne l'aide sociale, qui est à peu près 600 $, on peut l'installer dans une chambre, dans une maison de chambres, trouver une chambre pour 350 $, 375 $. Ça, c'est le prix, en Outaouais, d'une chambre. Il va partager la cuisine, la toilette, etc. Mais une famille monoparentale, elle a la même aide sociale, mais une mère avec deux enfants, vous ne pouvez pas l'installer dans une chambre. Vous devrez aller chercher au moins un appartement avec une chambre à coucher minimum. C'est 600 $ en Outaouais. 600 $. Alors, la famille vit des allocations familiales. La mère, elle est obligée d'utiliser de l'argent pour acheter la nourriture. Ça se termine là, si elle peut arriver jusqu'au dernier jour du mois. Alors, pour moi, ça, c'est une histoire d'horreur.

Où on peut peut-être chercher les solutions, les appartements à prix modique, le logement social, vous savez, la Société d'habitation... Mais vous savez qu'un des critères principaux, être résident 12 mois. À Gatineau, je ne sais pas, dans notre coin, si c'est la même chose, mais vous ne pouvez pas, même pas appliquer pour un appartement à prix modique si vous n'êtes pas résident 12 mois. Alors, vous savez, première année, une famille monoparentale, c'est une histoire d'horreur. Assez souvent, on est obligés de diviser les familles. Si on a une famille de huit, neuf personnes, on ne peut pas trouver de logement de quatre chambres à coucher. Il n'y a pas... Taux d'inoccupation, zéro. Alors, vous savez, on est obligés assez souvent de diviser les familles dans deux appartements, de diviser une famille.

Le Président (M. Picard) : Merci, monsieur. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Dans un premier temps, vous avez parlé beaucoup d'accepter les règles du pays d'accueil. Vous avez parlé qu'il manquait de formation au niveau de l'enseignement des valeurs de la société d'accueil et que, parfois, il y avait des situations où les nouveaux arrivants se retrouvent confrontés à une situation problématique par rapport aux règles générales qui encadrent la vie collective québécoise. Selon vous, quel devrait être le type de formation donnée par rapport à ces valeurs-là et le contenu surtout?

M. Redzovic (Bato) : Merci. D'abord, premièrement, on a un système d'information. On appelle l'activité quand on accueille les nouveaux arrivants, comme la première démarche d'installation. C'est un peu un point développé par le gouvernement, par le ministère de l'Immigration, et on leur donne vraiment les informations. C'est la base, vous savez. C'est quoi, une carte d'assurance sociale, une carte d'assurance maladie, etc., comment... de quelle façon on l'accompagne pour arriver jusqu'à un certain point.

Mais il y a tellement, tellement de choses à dire à une famille. Vous savez, la... Dans certains pays, on ne paie pas assez cher de conduire une voiture avec un taux d'alcool plus élevé que permis par la loi. Ici, les gens, ils paient vraiment cher de temps en temps parce qu'ils ne sont même pas informés combien ils vont payer, pourquoi ils ne peuvent pas conduire leur voiture. Vous savez, les gens qui arrivent, ils sont... comment je peux vous dire, les formations, lesquelles on devrait faire, moi, je pense que le gouvernement devrait développer certaines formations obligées pour les nouveaux arrivants, leur dire certaines choses, vous savez... Les intervenants qui l'accueillent, les intervenants qui parlent, ça, c'est une chose. Mais moi, je pense, quelques sessions obligatoires pour le nouveau, pour l'approcher.

Qu'est-ce qu'on va poser comme le sujet de différentes formations? Là, vous savez, on peut peut-être sortir la dizaine de questions principales pour approcher aux gens et puis leur dire : Voilà, ce sont les choses que vous n'avez pas de choix que de l'accepter comme tel et se comporter dans ce sens-là.

M. Jolin-Barrette : Donc, pour vous, la sensibilisation aux valeurs québécoises passerait nécessairement par des activités de formation obligatoires.

M. Redzovic (Bato) : ...québécoise? Excusez-moi, là, j'ai pensé les immigrants. Je n'ai pas compris que vous avez demandé la sensibilisation des citoyens du Québec.

M. Jolin-Barrette : Non, la sensibilisation aux valeurs du Québec pour la...

M. Redzovic (Bato) : Aux valeurs de la société d'accueil.

M. Jolin-Barrette : ...pour la population qui est issue de l'immigration. Mais ça m'amène à vous poser la question suivante : Trouvez-vous que le réseau de partenaires, les organismes communautaires sont suffisamment supportés par le ministère de l'Immigration? Trouvez-vous que vous avez les ressources requises pour réussir à offrir tous les services que requièrent les néo-Québécois, les nouveaux arrivants, pour pouvoir s'intégrer pleinement?

M. Redzovic (Bato) : Mais je ne veux pas revendiquer, vous savez, la... Je ne suis pas arrivé ici vraiment revendiquer, dire : On est sous-financés à gauche, à droite. Je veux dire que le ministère paie certaines sommes d'argent par tête et puis les résultats sont là. Je voulais juste proposer qu'on peut faire plus. Je ne sais pas, est-ce qu'on peut faire ça avec la même somme d'argent? C'est possible, vous savez, c'est possible toujours d'évaluer les choses, voir qu'est-ce qu'on a fait et comment, de quelle façon on peut s'organiser.

Vous savez, la majorité des gens, ils vont venir et dire : Voilà, on est sous-financés, on n'a pas d'argent. On peut faire ça à gauche, à droite, c'est le gouvernement qui devrait choisir. Sûr et certain, certaines choses, dans la vie, si tu paies, tu vas l'avoir; si tu ne paies pas, tu ne vas pas l'avoir, et puis ça se termine là, mais peut-être évaluer la situation et voir qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour...

M. Jolin-Barrette : Et puis tout à l'heure, en réponse à une des questions de mon collègue, vous disiez qu'il n'y avait pas véritablement d'indicateur au niveau de la reddition de comptes. Vous disiez : Bien, on ne peut pas mesurer l'intégration. Est-ce que vous avez des pistes de solution pour développer ces indicateurs-là, pour savoir est-ce qu'on accomplit de façon appropriée la mission, est-ce qu'on réussit véritablement?

M. Redzovic (Bato) : Vous savez, quand on parle de reddition de comptes, la reddition est là. On est obligés, vous savez. On est attachés avec le ministère, avec un programme, et puis on est obligés de mettre toutes les interventions qu'on donne aux nouveaux arrivants. Ça peut aller, vous savez... On est obligés d'accompagner les gens jusqu'à 60 mois, jusqu'à cinq ans, et puis la reddition de comptes est là. Mais je voulais plutôt toucher la qualité, qualité des services qu'on donne.

Bien sûr, dernièrement... vous pouvez remarquer dans le document aussi que le ministère a décidé de certifier tous les organismes qui sont financés en mesure de plus que 50 000 $ et plus, et puis je pense que ça va porter les fruits. Mais, de l'autre côté, peut-être que le ministère devrait voir certaines pistes d'évaluer les clients directs, vous savez, parce que, quand ça se fait par les organismes, on peut vous sortir toujours les sondages pour chaque service qu'on donne aux nouveaux arrivants, au moins à l'Accueil-Parrainage Outaouais. Vous savez, si vous me demandez le sondage en accueil et le sondage en activités collectives, sondage en hébergement, sondage de notre interprète qui sont engagés dans notre banque d'interprètes... Là, on a trois clients, vous savez... et puis elle est là. Elle est là. On peut toujours prouver que voilà quels services on donne. Mais de temps en temps, vous savez, quand vous sondez les clients directs qui dépendent de vos interventions, je me pose la question : Est-ce qu'il est prêt à donner la vérité, qu'il n'a pas peur qu'il va peut-être rester sans les services, vous savez, le logement? Je me demande.

M. Jolin-Barrette : O.K. À la page 4 de votre mémoire, vous dites...

Le Président (M. Picard) : M. le député, il vous reste 15 secondes.

M. Jolin-Barrette : Bien, je tiens à vous remercier pour la présentation de votre mémoire.

M. Redzovic (Bato) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Je tiens à vous remercier pour votre présentation.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre au prochain groupe, qui est Actions interculturelles de développement et d'éducation, de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 49)

(Reprise à 10 h 50)

Le Président (M. Picard) : Nous allons reprendre avec le groupe Actions interculturelles de développement et d'éducation. Je vous invite à vous présenter. Vous disposez de 10 minutes pour votre présentation.

Actions interculturelles de développement
et d'éducation inc. (AIDE)

M. Vidal (Jacques) : Bonjour. Jacques Vidal, je suis président du conseil d'administration d'Actions interculturelles.

M. Soulami (Mohamed) : Bonjour. Mohamed Soulami, directeur général.

M. Vidal (Jacques) : Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, Actions interculturelles est un organisme à but non lucratif qui contribue depuis 25 ans au rapprochement interculturel grâce à plusieurs projets, recherches et activités. Nous avons des actions à travers le Canada et à l'international. Notre mission est de valoriser la richesse d'une société pluraliste et à contribuer à son ouverture sur le monde, faciliter l'intégration socioprofessionnelle des personnes issues de l'immigration, et nous travaillons, jour après jour, à une société riche de sa diversité.

Tout d'abord, nous tenons à féliciter le gouvernement pour l'initiative en cours par rapport à la nouvelle politique. Nous pensons que cette politique peut être un socle pour l'avenir du Québec. Nous faisons le constat que les résultats des politiques passées ne sont pas à la hauteur des attentes. L'analyse des données statistiques souligne, par exemple, que la région métropolitaine de Montréal est celle où le rapport entre le taux de chômage des non-immigrants et le taux de chômage des immigrants est le plus défavorable au Canada. Le Québec accuse la plus grande perte d'immigrants de toutes provinces ou tous territoires découlant de la migration interprovinciale. D'un point de vue national, la presse québécoise publie plus d'articles controversés ou conflictuels concernant les minorités ethnoculturelles que toute autre province.

Pour tenter d'aider à rétablir la situation, nous vous présentons trois propositions que nous considérons pertinentes pour que cette nouvelle politique soit plus complète et adéquate que l'ancienne dans le contexte social et économique actuel du Québec.

M. Soulami (Mohamed) : Nous souhaitons mettre l'accent particulièrement sur trois propositions.

La première : un continuum de services cohérent et soutenu. Le taux de rétention du Québec est très inférieur à la moyenne canadienne. Plusieurs données statistiques officielles donnent à peu près 71 % pour le Québec, alors que dans d'autres provinces le taux de rétention est plus élevé. Maintenant, la réalité terrain nous montre qu'il y a un taux de rétention encore plus faible, et, quand on regarde la migration interprovinciale, ce taux de rétention du Québec tombe à 50,7 %. Et malheureusement c'est encore plus important pour certaines régions. On peut parler de la région d'où on vient, la région de l'Estrie, où le taux de rétention est 21,6 %. Nous considérons que cette tendance est la conséquence d'investissements financiers insuffisants, lesquels ne permettent pas de soutenir les services pour les immigrants au Québec, de maximiser le pouvoir d'agir des institutions et des organismes oeuvrant pour l'intégration et la rétention à long terme des personnes immigrantes.

Notre recommandation. Nous recommandons donc que le continuum, qui est déjà amorcé parce qu'il y a un dispositif de services intégrés qui a été lancé en 2014 par le ministère... nous recommandons que ce continuum s'étende aux régions et prévoie des partenariats soutenus avec les acteurs impliqués en milieux de l'immigration, tous les acteurs, et que ce service s'adresse à toutes les catégories d'immigrants, y compris les immigrants temporaires.

Notre deuxième proposition : associer les médias en vue d'encourager une représentativité équitable et responsable de la diversité. Le Conseil des relations interculturelles, qui n'existe plus, avait fait une étude sur les médias, justement, puis les constats sont très inquiétants. On vous les a écrits. Donc, nous, ce qu'on recommande, c'est que les médias soient des partenaires aussi pour la diversité culturelle, et, dans ce contexte, nous considérons que la nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion devrait encourager et favoriser davantage la collaboration avec les médias dans les efforts et les projets qui sont développés par différents organismes et différents acteurs du milieu. Et nous avons des exemples qu'on pourrait d'ailleurs en discuter dans la période de questions et qui sont dans la pochette qu'on vous a donnée.

Notre troisième proposition, c'est valoriser l'innovation et soutenir les efforts des différents acteurs qui soutiennent l'intégration des immigrants. L'interculturalisme est basé sur la nécessité d'un rapprochement conjoint entre tous les groupes ethnoculturels qui forment le Québec d'aujourd'hui. Ces communautés dynamiques sont des acteurs importants, et il est essentiel de les impliquer positivement. Pour réaliser le tout adéquatement, le gouvernement doit donc valoriser les efforts des partenaires, des Québécois et des différents acteurs impliqués en immigration.

Notre recommandation. Nous recommandons au gouvernement de confirmer des partenariats collaboratifs avec des acteurs du milieu, des partenariats à long terme aussi des organismes, des villes et différents autres acteurs qui sont intéressés par être impliqué dans l'immigration pour ainsi concrétiser les actions inscrites de cette présente politique et aider à résorber les lacunes des anciennes politiques d'une façon durable et efficace.

M. Vidal (Jacques) : Tout comme vous, nous avons à coeur la réussite du modèle d'interculturalisme québécois. Nous croyons en ces valeurs et en cette nouvelle approche de la diversité. Nous espérons grandement que la mise sur pied de cette nouvelle ligne directrice permettra de faire du Québec une province forte de sa diversité, investie auprès de sa population et prête à soulever les enjeux qui l'attendent dans les prochaines décennies pour une société riche de sa diversité culturelle. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Merci, messieurs. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre, pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Merci beaucoup, M. Vidal. Merci beaucoup, M. Soulami. Très heureuse que vous ayez fait trois recommandations, et on aura l'occasion ou j'aurai l'occasion de vous poser des questions pointues là-dessus.

Juste sur une question de chiffres — et je ne veux vraiment pas qu'on s'engage dans un échange de chiffres, mais on pourra échanger après, les chiffres qu'on a pour la rétention — parce qu'on était curieux à savoir d'où venaient vos chiffres, est-ce que vous, c'est toutes catégories confondues en matière d'immigration? Est-ce que c'est pour les travailleurs qualifiés, lorsque vous parlez de taux de rétention?

M. Soulami (Mohamed) : Ça concerne toutes les catégories d'immigrants, sauf les temporaires, bien sûr.

Mme Weil : O.K. Alors, le chiffre que nous avons, au ministère, c'est que, pour les travailleurs qualifiés, c'est au Québec que le taux de rétention est le plus élevé pour la période de mai 2006, se situant à 90 %, alors qu'il est de 87,5 % en Ontario, 84,7 % en Alberta, 79,6 % en Colombie-Britannique. Il se pourrait que peut-être le regroupement familial... En tout cas, on regardera ça. On a vu quand même, c'est sûr, un taux de rétention plus bas en 2012, mais pas juste pour les nouveaux arrivants et les immigrants, mais tous les Québécois en général, et on dit souvent : C'est plus à cause de l'activité économique qu'autre chose.

Donc, vous, ce que vous dites, c'est : Par un service, un continuum de services, on réussirait mieux à intégrer. C'est un peu votre propos. Mais, dans le troisième, vous parlez d'innovation. Je trouve ça intéressant, parce que l'intérêt, évidemment, c'est de stimuler l'activité économique, et les régions où il y a une activité économique vont être plus attrayantes pour les nouveaux arrivants, les travailleurs qualifiés. Et, dans la réforme qu'on voudra, évidemment, éventuellement implanter, si vous voulez, c'est une sélection plus dynamique, en temps réel, pour une meilleure intégration rapide selon les besoins des régions, donc un nouveau mode de sélection. Alors, c'est important que je vous pose des questions pour voir, parce que vous allez peut-être pouvoir nous donner des pistes de réflexion.

J'aimerais vous entendre sur cette question d'innovation. Tout le monde en parle, et on dit souvent que les personnes immigrantes, beaucoup d'études le confirment, toutes les études américaines, canadiennes, que c'est beaucoup dans les milieux de diversité qu'on voit l'innovation. On pense aux lettres de toutes les créations, les nouvelles compagnies, etc., c'est une réussite partout dans le monde. J'aimerais vous entendre, peut-être, creuser un peu plus cette proposition, je trouve ça intéressant, qui pourrait être aussi... parce que la régionalisation va être une orientation importante pour notre politique, la régionalisation de l'immigration, mais évidemment il faut stimuler l'activité économique.

• (11 heures) •

M. Vidal (Jacques) : Pour appuyer votre point, dans mes occupations professionnelles, je suis très impliqué en tout ce qui est développement économique et innovation, puis, en effet, tout prouve que plus un milieu est diversifié, plus le niveau d'innovation organisationnelle est élevé. Donc, cette logique-là, elle s'applique facilement.

Si vous voulez aller vers une immigration qui est plus choisie en fonction des besoins d'emploi, a priori, si on s'en va, à ce moment-là, vers davantage d'immigration via des permis de travail ou des travailleurs temporaires, à ce moment-là, on arrive au premier point, qui est celui du continuum de services, qui devrait aussi être adapté à cette clientèle-là. Actuellement, il y a beaucoup de services qui ne sont pas ouverts aux travailleurs temporaires. Alors, finalement, on se place un peu dans une position d'échec, parce que les gens sont là avec un permis de deux ou trois ans qui, a priori, est le meilleur gage de réussite pour leur intégration future si, ensuite, ils font les démarches pour devenir résident permanent, mais encore faut-il s'assurer qu'on puisse leur donner les services pendant ces deux ou trois années-là.

Mme Weil : Merci pour ça, c'est très intéressant. Est-ce que vous connaissez le Programme de l'expérience québécoise? C'est-à-dire, après un an, un travailleur temporaire qualifié peut devenir résident permanent, avoir un certificat de sélection du Québec. Et donc est-ce que vos conseils aussi vont dans le sens de faire connaître ce programme et de les préparer aussi pour le Programme de l'expérience québécoise?

M. Soulami (Mohamed) : Oui, tout à fait. Puis cependant il y a beaucoup de... ça s'adresse aux diplômés qui sont ici plus particulièrement, mais il y a beaucoup d'immigrants temporaires qui, malheureusement, parfois, sont laissés à eux-mêmes, et ils n'ont pas accès à des services qui les aideraient à mieux s'intégrer. Et il faut saluer la décision des gouvernements autant du Québec que fédéral, depuis déjà plusieurs années, d'ouvrir la voie à l'immigration permanente à des immigrants temporaires, qu'ils soient des immigrants temporaires ou des étudiants, qui peuvent devenir permanents. Donc, ça, il faut le saluer.

Maintenant, il y aurait lieu d'avoir accès aussi à des services pour aider à l'installation des personnes immigrantes et pour les aider dans leur intégration de façon durable. Je voudrais revenir... Peut-être, effectivement, on ne devrait pas faire un débat de chiffres ici, mais les taux de rétention, à contrecoeur, on doit les sortir. Pourquoi? Parce que c'est un indicateur. C'est un indicateur assez important de voir réellement est-ce que les personnes immigrantes viennent s'installer ici puis restent d'une façon durable ici ou ils viennent s'installer ici puis, comme ils rencontrent beaucoup d'obstacles, ils décident de partir ailleurs. Et, la région de l'Estrie, je peux donner un exemple. L'accroissement entre les deux recensements de 2006 et 2011, en cinq ans, il y a eu 1 225 personnes de plus au niveau du recensement alors que, chaque année, normalement, la région en accueille à peu près 1 000 à 1 200 par année. Alors, ça, c'est important. Il faut voir ce côté-là pour voir l'importance d'assurer des services qui vont permettre de garder les personnes immigrantes, que ce soit, d'un côté, la rétention, mais, de l'autre côté, on sait très bien — et je pense que le document de la politique fait le constat aussi — qu'en termes de taux de chômage... il est pas mal plus élevé chez les personnes immigrantes, et, pour certaines catégories, c'est encore plus élevé. Donc, c'est l'investissement là-dedans qui va donner des résultats, à notre avis, qui, maintenant, ici, au Québec, sont un peu moindres que dans d'autres provinces.

Maintenant, le continuum de services. Le continuum de services, c'est excellent. Bravo pour le gouvernement d'avoir lancé ça. C'est en 2014 que ça a été lancé. C'est lancé en Ontario il y a deux ans. Il y a des pratiques similaires qui sont faites dans différentes provinces où il y a des continuums de services aussi dans des organismes sous forme de guichet unique ou des partenariats structurés entre différents acteurs pour offrir des services. Et ça, c'est une voie de l'avenir pour assurer un soutien à la personne immigrante pour qu'une fois arrivée ici qu'elle obtienne un premier service, mais aussi qu'elle passe aux deuxième et troisième services pour assurer son intégration durable. C'est là le problème majeur. Je suis content de voir dans la politique qu'on insiste beaucoup sur l'intégration durable, parce que c'est ça, la clé.

Quand il y a une faille entre deux services, quand il n'y a pas de communication, il y a un manque d'information qui est transmise à la personne immigrante pour aller utiliser un autre service, même s'il existe, ou qu'il y ait un manque de service — parfois, il y a des services qui manquent dans certaines régions, dans certaines places — qu'est-ce que ça fait? Ça fait une interruption, puis la personne immigrante est laissée à elle-même et elle n'arrive pas à trouver la solution pour s'intégrer. Souvent, c'est par des contacts réseau directs qu'ils utilisent, et souvent il y a des contacts dans les autres provinces. On dit : La ville de Sherbrooke peuple certaines régions en Ontario, puis en Alberta, puis en Colombie-Britannique. Il y a le village Brooks qui a beaucoup d'immigrants de Sherbrooke.

Je voudrais juste ajouter une chose. Et l'innovation, effectivement, c'est majeur. L'innovation, il y a beaucoup d'organismes communautaires qui offrent des services aux personnes immigrantes, qui innovent dans les pratiques. Il y a des municipalités qui ont innové dans les pratiques. Et ça, il lui faut un soutien continu pour assurer justement que ça donne des résultats.

Mme Weil : Oui. J'ai deux petites questions, mais je voudrais aussi céder la parole à mon collègue. La Nouvelle-Zélande... parce que, pour parler des travailleurs temporaires, c'est important et c'est intéressant pour nous, savez-vous qu'en Nouvelle-Zélande 85 % des travailleurs qualifiés temporaires deviennent des immigrants permanents? C'est quand même impressionnant. Et, lorsqu'on va penser à notre nouveau mode de sélection éventuellement inspiré de l'Australie, Nouvelle-Zélande, mais aussi beaucoup inspiré de ce qu'on va entendre lors de cette consultation, on va prendre le meilleur de tout, pensez-vous que ça serait une orientation intéressante en amont, en amont, c'est-à-dire même de privilégier cette voie? Parce qu'ils sont déjà intégrés, hein? C'est ça, l'avantage, c'est des personnes déjà intégrées, les employeurs les veulent. Et verrez-vous un rôle aussi pour les employeurs dans ce cheminement de l'immigration vers l'immigration permanente?

M. Vidal (Jacques) : Je fais partie de cette catégorie-là. Je suis rentré avec un permis de travail il y a 25 ans. Donc, oui, il y a beaucoup de missions aussi, depuis plusieurs années, avec les missions au Québec, donc de recrutement dans les pays francophones avec un accompagnement d'entreprise. Donc, les gens sont recrutés directement par rapport à un besoin concret. Donc, c'est des gens qui arrivent directement sur le marché du travail. Donc, évidemment, d'une part, leur capacité d'intégration est bien supérieure parce que c'est par le travail qu'on s'intègre, hein, le fait qu'on est dans un milieu de travail et puis qu'on a un salaire, et aussi, du côté de l'employeur, c'est une réponse à des besoins. Parce qu'il ne faut pas se cacher non plus tous les besoins de main-d'oeuvre qu'ont les PME à travers le Québec actuellement. Donc, le fait de qualifier des travailleurs, des immigrants, évidemment, on est doublement gagnants à court terme par rapport aux besoins d'emploi et à long terme sur la capacité d'intégration de ces personnes.

M. Soulami (Mohamed) : Et effectivement nous sommes totalement en accord que c'est une voie extrêmement intéressante, de s'assurer que des travailleurs temporaires deviennent des résidents permanents. C'est une voie intéressante à plusieurs niveaux et surtout parce que les personnes arrivées ici, ils ont déjà un emploi et ils peuvent s'épanouir professionnellement. Et ce qui va manquer, c'est justement cette résidence permanente pour eux pour rester d'une façon durable ici. Maintenant, cette voie, comme n'importe quelle voie, elle est intéressante, mais il faudrait s'assurer de la réglementer pour aider à éviter certains problèmes que peuvent rencontrer les personnes immigrantes.

Mme Weil : Merci beaucoup. M. le Président, j'aimerais céder la parole au député de Sherbrooke.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Sherbrooke, il reste cinq minutes.

• (11 h 10) •

M. Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. M. Vidal, M. Soulami, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je suis très heureux qu'on puisse vous accueillir aujourd'hui, parce que, souvent, Sherbrooke est citée en exemple comme ville régionale pour l'accueil, l'intégration des immigrants, puis ça, je pense, c'est... Et puis on doit le dire : C'est parce qu'on a de nombreux organismes, à Sherbrooke, comme le vôtre, qui se dévouent à chaque jour. Et je suis un témoin privilégié pour voir tout ce que vous faites pour notre collectivité, pour valoriser le pluralisme, et je pense que vous jouez un grand rôle, justement, dans ce succès-là.

Malgré tout, on a nos défis. Vous en avez abordé un qui est important. Comme la ministre l'a dit, je n'ai pas l'intention, moi, d'entrer dans les chiffres, mais le fait est qu'on a un problème de rétention qui est, selon moi, assez évident, on m'en parle régulièrement. En même temps, toute la question de la rétention, selon moi et de ce qu'on me dit aussi, est très liée à l'emploi, hein, la capacité de s'intégrer en emploi, d'obtenir un emploi, d'obtenir un emploi de qualité. Or, souvent, les gens d'affaires nous disent... à Sherbrooke, mais un peu partout ailleurs au Québec, sont les principaux... je dirais les principaux partisans, hein, qu'on accueille un plus grand nombre d'immigrants possible, parce qu'ils voient la pénurie de main-d'oeuvre arriver, qui nous guette d'ici 2020. Alors, ça inquiète beaucoup les entrepreneurs, ça inquiète beaucoup les dirigeants d'entreprise, mais, en même temps, il y a comme une difficulté à embaucher les gens qui sont issus de l'immigration, et on le voit. À Sherbrooke, il y a des emplois de disponibles pour lesquels les gens issus de l'immigration ne trouvent pas nécessairement leur place. Et donc il y a un paradoxe là, moi, pour lequel je me questionne beaucoup. Je voudrais vous entendre là-dessus, surtout que vous dites que les entreprises doivent faire davantage, hein, pour mieux intégrer, laisser une plus grande place aux nouveaux arrivants en emploi.

Alors, comment vous expliquez ce paradoxe-là, et qu'est-ce que les entreprises doivent faire de plus, et comment, par une nouvelle politique, on pourrait aussi venir aider ces entreprises-là à faire en sorte que nos nouveaux arrivants soient mieux intégrés en emploi, notamment les nouveaux arrivants en région comme chez nous, à Sherbrooke?

M. Soulami (Mohamed) : Oui. Merci pour la question. Effectivement, c'est un paradoxe apparent. Cependant, je pense que la clé, elle est dans la politique, c'est l'intégration durable, et l'intégration durable passe par une préoccupation de tous les moyens nécessaires pour assurer l'intégration de la personne, outiller la personne et outiller le milieu pour faire en sorte que cette intégration soit durable.

L'adéquation entre les profils des personnes immigrantes et les besoins de la région est une voie qu'il faudrait regarder adéquatement, parce que c'est sûr que, lorsque, parfois, on a, dans une région comme Sherbrooke, un ingénieur maritime, il va avoir beaucoup de difficultés à s'intégrer réellement. Donc, premièrement, il y a une adéquation. Autant pour la région de l'Estrie que pour tout le Québec, il faut qu'il y ait une adéquation, puis le gouvernement travaille maintenant très fort là-dessus.

Deuxièmement, les employeurs sont très intéressés. On travaille avec les employeurs, et parfois la méconnaissance de la réalité des personnes immigrantes, la méconnaissance des cultures fait en sorte que l'employeur a une première réticence d'embaucher une personne immigrante. Donc, un soutien, d'un côté, à la personne immigrante pour qu'elle connaisse les lois de notre pays, connaisse la culture du travail ici, au Québec, est un point important, mais aussi le soutien à l'employeur pour qu'il ait des formations en diversité culturelle, chose qu'on fait, et qu'il puisse mieux assurer l'intégration de la personne immigrante, ça, c'est une voie aussi qui aide énormément. Et beaucoup d'employeurs, quand ils expérimentent ça puis qu'ils ont des formations, s'ouvrent énormément et commencent à utiliser les employés immigrants qui sont chez eux comme des recruteurs dans leur communauté.

Donc, une fois qu'on investit dans un employeur, on investit dans une personne. Pour moi, j'utilise le terme «investissement» parce que c'est réellement un investissement de formation, d'éducation, de préparation pour une intégration durable, ça a un impact par la suite pas juste sur la personne, mais sur aussi tout le milieu au sein de l'entreprise, à mon point de vue.

M. Vidal (Jacques) : Si je peux rajouter...

Le Président (M. Picard) : M. Vidal.

M. Vidal (Jacques) : ...la politique se nomme immigration, diversité, inclusion. Le volet inclusion devrait avoir des aspects, justement, du côté employeur, parce qu'on ne peut pas mettre tout le poids de l'intégration sur l'immigrant, et, en travaillant du côté des employeurs, il y a beaucoup de gains à faire.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Sherbrooke, il reste 30 secondes.

M. Fortin (Sherbrooke) : Bien, très bien. En terminant, bien, je voulais tout simplement vous remercier pour les commentaires que vous nous avez transmis aujourd'hui. Et ce que vous dites, que, dans le fond, la responsabilité de l'intégration, c'est une responsabilité partagée, moi, c'est un principe avec lequel je suis entièrement d'accord, que notre gouvernement est d'accord. Et, de plus, que vous dites qu'une nécessité d'améliorer l'adéquation entre notre recrutement de nouveaux arrivants et nos emplois qui sont disponibles, je pense que c'est aussi un objectif qui est poursuivi par la ministre dans le cadre des présentes consultations, dans le cadre de la nouvelle politique québécoise. Alors, en ce sens-là, je pense que vous partagez la vision du gouvernement, je vous en remercie.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Vidal, M. Soulami, soyez les bienvenus. Heureux de vous avoir parmi nous, et, à l'instar de ce que j'ai dit de votre prédécesseur ici ce matin, je vous félicite pour votre implication, votre engagement. Vous êtes en quelque sorte des architectes de référence de ce Québec divers de demain que nous souhaitons durable, effectivement, considérant la place que l'immigration occupe et occupera d'ici les 50 prochaines années. Ce n'est pas seulement au Québec que c'est un enjeu important, c'est un peu partout en Occident et même dans les régions de l'Afrique, par exemple, ou en Amérique latine.

Je veux revenir sur le soutien à vos activités spécifiques. Vous l'avez dit avec beaucoup de subtilité, si je vous ai bien compris, il y a une carence en matière de soutien en ce qui concerne vos activités. Et, quand vous dites qu'il y a une carence, vous comparez à quoi, à qui? Est-ce que vous pouvez donner un exemple comparatif, soit au Québec soit à l'extérieur du Québec, en Ontario, par exemple, ou en Colombie-Britannique? Je ne sais pas. Ce que je veux savoir à terme, c'est : Comparativement aux autres, où est-ce que nous nous situons?

Le Président (M. Picard) : M. Soulami.

M. Soulami (Mohamed) : Oui. Merci, M. Kotto, pour la question. Les carences qui existent, c'est en termes de soutien continu à des initiatives qui sont développées pas juste par notre organisation, par différents acteurs de la société. Différents organismes, souvent, se heurtent à des difficultés d'avoir des soutiens et des soutiens continus pour assurer les services. Des expertises qui se développent, malheureusement, se perdent avec le temps parce qu'il y a un manque de soutien pour les acteurs. Alors, en ce qui nous concerne — on peut donner quelques exemples — c'est qu'on a développé plusieurs initiatives très intéressantes qui ont eu des appuis assez importants, mais par la suite on ne trouve pas de financement qui permet de les réaliser.

Et nous travaillons toujours avec une philosophie, c'est de travailler avec des partenaires. Nous avons décidé depuis très longtemps que c'est la voie, d'avoir une efficacité puis des bons résultats, c'est de travailler avec différents acteurs. On travaille avec beaucoup de partenaires, puis je pourrais donner peut-être un petit exemple, c'est un document qu'on vous a présenté, La Tribune de la diversité. C'est une belle collaboration qu'on a développée avec un média, le média régional de la région de l'Estrie, et ça a été, pendant trois ans, toujours extrêmement difficile d'arrimer le financement pour ça, pour pouvoir le continuer. Ça fait maintenant deux ans que c'est complété. Ça a été élargi autant par La Tribune, avec un souhait de ce média et avec d'autres médias, Radio-Canada, Matv, etc., et avec des soutiens de plusieurs acteurs de la région. Mais ça fait deux ans qu'on a un projet, Les Voix-es de la diversité, puis on n'arrive pas à le financer, Les Voix-es de la diversité, pour faire en sorte de faire parler de la diversité et des avantages de la diversité par les acteurs des médias et par les différents... dans la société pour que les gens... qu'on puisse faire plus de sensibilisation.

Alors, c'est sûr qu'en rencontrant des difficultés comme ça... et on n'est pas les seuls, sincèrement, là, il y a beaucoup d'acteurs qui développent des initiatives et qui ont de la difficulté à les soutenir. C'est des initiatives porteuses même qui ont prouvé des résultats. On donne un exemple, La Tribune de la diversité, vous avez ici... on vous l'a distribuée, et c'est ça qu'il faudrait soutenir, à notre avis, parce que la base, c'est d'avoir le terrain. Dans la société, cette sensibilisation est importante. Beaucoup d'employeurs nous ont dit, après avoir lu des articles comme ça : Wow! Ça, c'est des exemples qu'on aime. Là, on vient de comprendre que, oui, il faut faire le pas, il faut engager une première personne, il faut assurer un dialogue, il faut créer des comités à l'intérieur de l'entreprise pour créer un échange entre les employés pour assurer l'intégration durable.

Alors, ça aide beaucoup, mais il faut qu'il y ait des soutiens pour pouvoir assurer que ces initiatives puissent continuer et puissent donner encore plus de résultats.

• (11 h 20) •

M. Kotto : O.K. Quand des initiatives constructives, à l'instar de celles que vous avez sommairement évoquées, n'aboutissent pas, quels sont les impacts potentiels au niveau de la communauté, au niveau, même, de nos ambitions du vivre-ensemble à votre niveau et dans l'ensemble du Québec?

M. Soulami (Mohamed) : Bien, les impacts, obligatoirement, c'est un... finalement, il y a des acteurs qui laissent tomber puis qui ne travaillent plus à soutenir la diversité puis l'intégration des personnes immigrantes. Pour une organisation comme la nôtre, c'est notre mission, donc ce qui fait qu'on continue tout le temps à travailler et à faire tous les efforts pour faire en sorte que ça continue à fonctionner. Mais, pour d'autres acteurs qui sont sensibilisés, exemple, La Tribune, hein, qui est un journal régional, exemple, d'autres acteurs, on pourrait en citer plusieurs, quand ils n'ont pas de soutien, ils vont faire un essai pendant une année, deux ans, puis après ils vont laisser tomber. Alors, autant dans les écoles que dans les chambres de commerce que dans les organismes communautaires, il y a des initiatives excellentes des meilleures pratiques... La ville de Sherbrooke, c'est un bon exemple, hein, la première ville fusionnée à avoir développé une politique de l'immigration. Il faut qu'il y ait un soutien continu pour assurer que ce qui a été implanté par la ville de Sherbrooke ou par d'autres acteurs puisse continuer à donner des résultats.

M. Vidal (Jacques) : Je voulais juste compléter. D'un côté, on a des employeurs qui sont en recherche permanente d'emploi, de l'autre côté, on a des immigrants qui, pour la plupart, sont à la recherche permanente d'emploi aussi, puis malheureusement la rencontre entre ces deux solitudes-là ne se fera pas automatiquement. Donc, si on ne se donne pas les moyens pour faire les ponts, ça va être très long avant que les ponts se fassent naturellement.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Bourget, il vous reste un petit peu moins de trois minutes.

M. Kotto : O.K. Je vais poser une question en lien avec le taux de rétention que vous avez évoqué tout à l'heure. Du haut de votre connaissance, est-ce que c'est exclusivement pour des raisons de chômage que les gens quittent soit votre région soit le Québec pour aller ailleurs?

M. Soulami (Mohamed) : Exclusivement, je dirais non, majoritairement, oui.

M. Kotto : Y a-t-il d'autres raisons?

M. Soulami (Mohamed) : Bien, il pourrait y avoir d'autres raisons. La circulation est libre, bien sûr, au Canada, puis ça, c'est un élément important. Parfois, c'est pour des raisons familiales, parfois pour des raisons de choix, pour des études, mais majoritairement, on peut dire, c'est pour le manque, parce qu'il y a eu des difficultés d'intégration professionnelle, que les gens finissent par quitter, et ça, c'est dans différentes... À Sherbrooke, il y a beaucoup de familles qu'on a connues, qui étaient à Sherbrooke puis qui ont essayé, de différentes façons, de s'intégrer professionnellement, ils ne sons pas arrivés à s'intégrer professionnellement et par la suite, suite à un contact d'un membre de leur communauté qui est déjà rendu à Kitchener, en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique, bien, ils décident finalement de quitter. L'Office national du film, d'ailleurs, il a fait un film, Les Élias et les Petrov, là, donc, il y a quelques années, qui était un suivi de deux familles, une latino-américaine, une ex-Yougoslavie, et qui présente bien ça. Puis la communauté d'ex-Yougoslavie, qui était pas mal installée à Sherbrooke, il y en a beaucoup qui ont quitté. On peut citer beaucoup de communautés. Et de là l'importance de l'investissement pour assurer... On souhaite qu'ils restent en Estrie, on souhaite qu'ils restent au Québec. C'est ça, notre objectif, et, pour le faire, bien, il faut qu'on s'assure que les gens puissent s'épanouir professionnellement, donc qu'ils puissent intégrer un emploi.

M. Kotto : Dernière question. Avez-vous été consultés préalablement à l'élaboration de ce projet de politique d'immigration, en fait, le dossier pour lequel vous êtes ici aujourd'hui?

M. Soulami (Mohamed) : Pardon?

M. Kotto : Avez-vous été consultés par le ministère relativement à la préparation de ce projet?

M. Soulami (Mohamed) : Non.

M. Kotto : Non?

M. Soulami (Mohamed) : Non, mais on est vraiment très contents de voir cette politique, parce que ça va exactement dans notre mission, là, c'est une très belle politique.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Vidal, bonjour, M. Soulami. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Tout à l'heure, la discussion portait sur le permis de travail temporaire qui pourrait être une avenue, tel que proposé par la ministre, pour assurer une plus grande intégration, donc de débuter par un permis de travail temporaire et, par la suite, que ça résulte en immigration permanente. Mais, je voulais savoir, dans votre perspective, l'immigrant qui décide de venir travailler de façon temporaire ne quitte-t-il pas son pays d'origine avec cet esprit-là, de venir travailler temporairement, en ce sens où est-ce qu'à la base il y a une distinction entre les deux? Parce que le projet d'immigration ne sera pas le même pour la personne qui décide de déposer une demande d'immigration de façon permanente versus quelqu'un qui décide de venir travailler temporairement au pays.

M. Vidal (Jacques) : C'est vraiment une bonne question. De mon expérience — les dernières années, j'ai participé à plusieurs missions de recrutement, les Journées Québec — je vous dirais que — les missions en question, c'étaient plutôt dans la francophonie, essentiellement en Europe — les taux de chômage... et la situation économique étant ce qu'elle est là-bas, avec des taux de chômage qui sont de plus de 30 % pour les moins de 30 ans, les gens qui veulent immigrer, ils veulent immigrer. Donc, les gens qui sont dans la situation, depuis des années, de chercher un emploi dans leur pays d'origine, et qui ne trouvent pas, puis qui font la démarche d'immigration, la plupart du temps, c'est avec une perspective long terme, de mon expérience.

M. Jolin-Barrette : Donc, si on dit aux gens... bien, si on modifie le système puis on dit : Bien, vous allez passer par un processus d'immigration temporaire, et par la suite on va tenter de favoriser la transformation de votre permis temporaire en... de façon permanente, bien, ça ne crée pas un peu d'instabilité, supposons, pour les familles, les gens qui ont des familles, qui veulent immigrer? Si uniquement le permis de travail est temporaire, on ne risque pas, à ce moment-là, de créer une instabilité chez les gens qui souhaitent venir au Québec?

M. Soulami (Mohamed) : Ce que je pourrais vous dire, c'est qu'il y a... dans tout, il y a toujours des cas, hein? Donc, on ne peut pas avoir l'ensemble de tous les immigrants temporaires qui vont souhaiter rester ici. Je peux témoigner. Moi, je suis venu comme immigrant temporaire, j'étais venu comme étudiant ici puis je devais rester pas très longtemps, mais j'ai eu la piqûre du Québec, et j'ai décidé de m'installer ici, au Québec, et j'ai fait ce choix-là, puis j'ai eu la possibilité de le faire. Alors, il y a beaucoup d'étudiants étrangers, des chercheurs qui viennent. Il y a des travailleurs temporaires, lorsqu'ils viennent, ils souhaitent, par la suite, de s'installer, ils aiment le Québec et ils souhaitent rester. Donc, soutenir cette démarche puis assurer des services pour assurer leur intégration, c'est très bien.

Il y a d'autres immigrants temporaires, par contre, qui vont venir, mais ils vont vouloir venir pour vivre une expérience strictement temporaire puis retourner chez eux, beaucoup de diplômés. D'ailleurs, c'est une source de relations importante pour le Québec au niveau international, parce qu'il y a beaucoup de diplômés des universités du Québec qui retournent dans leur pays puis qui occupent des postes hautement importants dans des grandes entreprises, dans des gouvernements, et on ne garde pas des liens avec ces personnes. Donc, le fait de soutenir même cette période d'immigration temporaire, qu'elle soit vécue d'une façon harmonieuse, va permettre à ces personnes de garder des liens, de tisser des réseaux de contacts ici puis de faire des bonnes collaborations. Et il y a vraiment, même dans beaucoup de gouvernements... Le président de l'OPEP, il est diplômé du Québec, de l'Université McGill.

Donc, c'est des exemples importants, mais c'est l'investissement qu'on va faire pendant la période de l'immigration ici, de la personne, qui va porter des fruits pour la personne et pour le Québec.

M. Vidal (Jacques) : Le risque est moins grand pour quelqu'un qui va rentrer avec un permis de travail, que ce soit pour une durée pour deux ou trois ans, mais au moins il a un emploi et puis il peut bâtir quelque chose, que quelqu'un qui va faire les démarches d'immigration, qui va attendre pendant des mois ou des années à avoir des papiers puis finalement qui a des papiers plusieurs années après, qui arrive ici, qui n'a pas d'emploi ni rien. Donc, risque pour risque, il est moindre avec un permis de travail.

M. Jolin-Barrette : Vous avez parlé de la question de l'investissement, vous en parlez notamment à la page 9 et à la page 14 de votre mémoire en invoquant les transferts fédéraux et puis l'argent qui est utilisé pour l'intégration et la francisation. Je paraphrase un peu votre mémoire, mais, dans le fond, vous dites que l'argent devrait davantage être dirigé vers les partenaires qui visent une intégration dynamique. Est-ce que vous trouvez qu'il y a les ressources suffisantes pour l'intégration?

• (11 h 30) •

M. Soulami (Mohamed) : Bien, le transfert fédéral-provincial est un transfert qui est dédié spécifiquement à l'intégration des personnes immigrantes. Et pourquoi on l'amène ici? Parce qu'on considère que ces moyens doivent... on doit s'assurer que ces moyens sont réellement investis pour l'intégration des personnes immigrantes et de s'assurer d'une reddition de comptes de tous les acteurs pour faire en sorte que ça puisse être utilisé spécifiquement pour l'intégration des personnes immigrantes. Ce transfert, qui était d'à peu près d'une centaine de millions en 1999, il est rendu maintenant à 320 millions par année qui est transféré du fédéral au provincial. Et le fait de s'assurer que cet argent-là puisse être, je veux dire, utilisé par le ministère de l'Immigration puis qu'il y ait une reddition de comptes de tous les acteurs vers lesquels ce serait parti, je pense, c'est important.

Dans tout ce montant-là, il y a à peine 20 millions qui est investi dans les acteurs, organismes communautaires, municipalités et CRE, etc. Donc, il y a moyen de s'assurer encore d'une meilleure utilisation de cet argent-là pour assurer l'intégration des personnes immigrantes.

M. Jolin-Barrette : Donc, actuellement, ce que vous constatez, selon votre expérience, c'est que, parmi les 320 millions qui devraient être consacrés à l'intégration et à la francisation des immigrants, le réseau de partenaires ne reçoit, selon vous, pas sa juste part pour réaliser cette mission-là à laquelle l'argent est destiné.

M. Soulami (Mohamed) : Le réseau des partenaires, qui sont les organismes communautaires et les municipalités, à notre connaissance, c'est à peu près 20 millions qui sont investis là-dedans. Il y a une partie qui est pour la francisation. Donc, je ne voudrais pas rentrer dans tous les détails, mais ce qui est le plus important là-dedans, je pense que le ministère de l'Immigration doit avoir un leadership beaucoup plus fort pour s'assurer que cet argent soit investi pour l'intégration des personnes immigrantes. Et, tant qu'il n'y a pas un investissement adéquat, d'ailleurs dans les différents milieux, bien, on va avoir, malheureusement, des difficultés au niveau de l'intégration puis au niveau des taux de chômage qui sont élevés.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Soulami. Ça termine votre présentation. Je tiens à remercier M. Vidal, M. Soulami.

Et je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place, le prochain groupe qui sera la Chambre de commerce latino-américaine du Québec.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Picard) : Nous allons reprendre avec la Chambre de commerce latino-américaine du Québec. J'invite les intervenants à se présenter et à faire leur exposé. Vous disposez de 10 minutes.

Chambre de commerce latino-américaine du Québec (CCLAQ)

M. Ramirez (Oscar) : Bonjour. Mon nom, c'est Oscar Ramirez, président du conseil d'administration de la Chambre de commerce latino-américaine. Je vous présente aussi Ivan Leal, que c'est le président exécutif de la chambre de commerce. Avant tout, j'aimerais remercier Mme la ministre, les membres du comité. Mesdames messieurs, merci beaucoup pour nous avoir invités à nous présenter.

La Chambre de commerce latino-américaine a été formée il y a quelques années pour favoriser l'intégration, entre autres, des professionnels et des entrepreneurs au milieu québécois. Notre exposé, en vérité, c'est sur quatre points. Je veux commencer avec trois mots qui, pour nous autres, c'est important. Les trois mots, c'est : intégration, intégration, intégration. C'est très important pour nous autres, ça, extrêmement important.

Aussi, les points qu'on aimerait discuter avec vous autres, numéro un, c'est la francisation. Je pense que la francisation, pour nous autres, étant professionnels, étant hommes d'affaires, c'est très important, il ne faut pas oublier ça pour nous autres. Je pense que les nouveaux immigrants qui arrivent ici, professionnels ou des hommes d'affaires qui veulent partir des affaires ici, la francisation, c'est très important. Nous autres, on travaille en fonction d'essayer le maximum de franciser nos compagnies, nos sociétés qui arrivent ici. C'est extrêmement important.

La deuxième chose, c'est de développer beaucoup le côté professionnel, informer le monde, et c'est là où est-ce qu'une intervention qu'on veut faire ici, c'est qu'actuellement il y a beaucoup de professionnels qui arrivent au Québec, des médecins qualifiés ou des architectes, des ingénieurs qui sont qualifiés, mais ne sont pas au courant des réglementations et qu'est-ce qui se passe au Québec. Ça, c'est très important parce qu'ils arrivent ici, ils ne sont pas informés, déménagent au Québec... Moi, je suis ingénieur. Quelqu'un arrive : je suis ingénieur, arrive au Québec, dis : Moi, je veux exercer ma profession. Il ne peut pas l'exercer, parce qu'il y a des règlements, il y a des lois au Québec pour pouvoir arriver à être ingénieur. Ça, c'est très important chez vous.

Dans mon cas, moi — moi, je dis ça beaucoup à mes membres — je suis architecte diplômé de l'École d'architecture de l'Université de Montréal et moi, je ne peux pas travailler en Ontario ou en Colombie-Britannique. C'est déjà quelque chose d'énorme, et les immigrants qui arrivent ici, arrivent au Canada... bien, les professionnels arrivés au Canada, ils pensent qu'en ayant un diplôme de l'université d'Uruguay ils sont déjà aptes à travailler au Québec. Et ça, moi... pour nous autres, c'est important. Il faudrait avoir un guichet unique pour ces personnes-là, un guichet unique, qu'elles soient informées avant même de venir ici et qu'elles sachent qu'est-ce qui se passe, c'est quoi le système, c'est quoi, nos règlements et c'est quoi, nos lois. Et c'est pour ça qu'il y en a beaucoup, des ingénieurs, des médecins, qui se ramassent dans des places où est-ce qu'ils ne devraient pas être. C'est la matière grise qu'on est en train de gaspiller quand même ici, au Québec. Ça, c'est une chose qui est, pour nous autres, importante.

Ça, c'est la même chose pour les entrepreneurs qui essaient d'ouvrir des nouvelles business ici, qui essaient d'ouvrir des choses, qui ne sont pas informés avec toute la réglementation, les taxes, les lois. Combien de personnes qui arrivent ici en pensant que ça marche comme dans leur pays? Bien, ici, ils veulent faire la même chose ici, mais là la taxation est différente, il faut avoir des comptables ici. Je pense que c'est bien beau, avoir des immigrants qui viennent investir, mais il faut les informer. Je répète encore : C'est important, avoir une seule et unique porte d'entrée, qu'elles soient informées, ces personnes-là. Actuellement, plusieurs professionnels et hommes d'affaires qui arrivent ici, on a au Québec beaucoup, beaucoup des associations, mais, des fois, ces personnes-là, elles se contredisent entre elles-mêmes, parce que ça... Ils disent quelque chose ici pour un professionnel, mais ailleurs ils disent une autre chose, après ça ils disent une autre chose. Je pense qu'un guichet unique, c'est extrêmement important pour nous autres.

• (11 h 40) •

J'ai parlé de la francisation, et, en même temps, il y a une chose qui peut inspirer aussi les hommes d'affaires : avoir une participation en politique aussi, les inspirer pour aller en politique. Moi, je sais qu'ici, au Québec, depuis que je suis là, je pense qu'il y a juste deux personnes latino-américaines que c'était d'origine latino-américaine, c'était Joseph Facal — je pense qu'il y a... 90 % des immigrants latino-américains, ils ne savent pas qu'il est Latino-Américain — et M. Saul Polo, qui vient de rentrer ici, qui, vraiment, c'est quelqu'un qui est extrêmement, extrêmement intégré, autant dans la société québécoise que dans la communauté latino-américaine.

Comme professionnel aussi, pour finaliser, qu'est-ce que j'ai à vous dire, c'est que, comme professionnels, pour nous autres, c'est important qu'on est acceptés au Québec pas à cause qu'on est des immigrants. Pour nous autres, c'est important qu'on est acceptés à la société québécoise parce qu'on est compétents à qu'est-ce qu'on fait et qu'on fait les affaires bien. Si on est acceptés parce qu'on est des immigrants et qu'on va nous mettre quelque part parce qu'on est des immigrants, je pense que, pour nous autres, ça ne marche pas. Si on veut apporter quelque chose à la société québécoise, et je pense que tous les Latino-Américains professionnels et hommes d'affaires sont aussi intéressés à apporter quelque chose à la société et je ne pense pas qu'on s'attend beaucoup à recevoir beaucoup de la société. C'est le contraire. On veut être des hommes d'affaires ici, on veut réussir au Québec et on veut mettre au Québec plus haut qu'aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Oui. Bonjour et bienvenue. Merci, M. Ramirez, M. Leal, d'être ici pour participer à cette consultation publique importante qui va guider nos actions, à l'avenir, pour... Vous l'avez bien souligné, il y a des obstacles, et on veut parler ouvertement. Moi, je vais être à l'écoute par rapport aux obstacles qui sont observés par des groupes comme le vôtre, et vous, vous avez une expérience avec la communauté latino-américaine, qui est une, comment dire, une source d'immigration importante pour le Québec.

Je vais vous poser une question peut-être qui touche plus l'immigration dans un premier temps, avant d'aller sur les questions d'intégration. On essaie, depuis ces dernières années, de recruter. On fait de la promotion de l'immigration en Amérique latine, au Mexique, au Brésil, dans d'autres pays, Colombie, mais on a remarqué, ces dernières années, plus de difficultés. On parle de pays francotropes, donc on l'entend par votre excellent français, on acquiert plus facilement la langue française quand on parle espagnol. Et on a plus de difficultés, plus récemment, à recruter. Est-ce que vous connaissez ces facteurs? Est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait faire pour augmenter, si vous voulez, le nombre de demandeurs venant de l'Amérique latine?

Je vous le dis, quand je parle à des Québécois, c'est comme un constat partagé, un désir partagé : l'expérience, malgré des obstacles, avec des communautés hispanophones, elle est bonne, je pense, beaucoup à cause de la langue, la culture, toutes sortes de raisons, et c'est une immigration qui est souhaitée. Comme vous le savez peut-être, le gouvernement du Québec, nous, on a un désir, et ce qu'on fait dans nos actions, on fait la promotion, la prospection partout dans le monde pour nous assurer d'une diversité de notre... assurer la diversité de l'immigration au Québec. J'aimerais vous entendre là-dessus, peut-être, dans un premier temps.

M. Ramirez (Oscar) : Je pense qu'il y a plus qu'un facteur. Disons que c'est mon opinion, là, la façon que je vois, pour avoir entendu beaucoup de monde, pour être ici depuis 36 ans. Je pense qu'un des problèmes, c'est que, pour plusieurs personnes latino-américaines, à cause de problèmes sociaux et politiques, le gouvernement est mal vu à certains moments. Ça fait que, quand le gouvernement, il arrive, il pense que c'est comme le gouvernement. Moi, je suis clair avec ça, O.K., c'est... certains gouvernements là-bas, ils ont opprimé les pays, certains pays, et ces personnes-là, elles se sentent mal à l'aise avec ça. Ça, c'est un facteur, à mon avis.

Le deuxième facteur, c'est aussi la langue, le français. Un immigrant qui vient d'Amérique du Sud ou qui... dans l'immigration, il vient au Canada. Ils ne sont pas si renseignés de qu'est-ce qui se passe au Québec. Il vient au Canada avant tout. Et, même aujourd'hui, beaucoup de partenaires qu'on a à la chambre de commerce ou des professionnels, ils viennent au Canada et, même aujourd'hui, ils viennent au Canada. Ça fait une différence. C'est sûr qu'il vient au Canada, mais il vient au Québec aussi, et ça, c'est un facteur que, pour moi, c'est important. Je pense qu'il parlait aussi de la francisation, le français, parce que lui vient en pensant qu'ici on parle anglais, mais on vient et on parle français.

Et l'autre chose aussi, c'est le climat, pour certains. Le climat, c'est vraiment, pour certains pays, c'est... Pour un Brésilien, là, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile. Ça fait que c'est... s'ils ont le choix de s'en aller en Floride, bien, ils vont aller en Floride plus que venir ici, dans le froid. Je parle d'une façon très, très légère, O.K., il n'y a pas d'étude là-dedans, là, mais c'est qu'est-ce que j'entends parler.

Mme Weil : Oui, merci. Oui.

M. Leal (Ivan) : Bonjour. Je voudrais ajouter tout simplement qu'il faut tenir compte que, pour l'Amérique latine, le principal partenaire commercial dans l'historique de l'Amérique latine, en fait, c'est les États-Unis, puis la langue, c'est l'anglais, la deuxième langue qui prédomine par la région.

Alors, il faudra faire plus pour la promotion de la culture québécoise française. Je sais que vous avez déjà des ententes avec l'alliance française, mais même l'alliance française n'a pas une clientèle... un marché trop bas chez nous. Alors, il faut mettre des efforts dans la promotion encore pour faire ça, parce que je sais qu'après que nous arrivons ici, nous nous adaptons tellement bien, parce que la culture d'ici se rapproche plus à la nôtre que l'américaine. Mais, c'est ça, il faut connaître d'avance.

Mme Weil : Merci. Là, j'aimerais aller sur les mesures d'accompagnement à l'entrepreneuriat, parce que moi, j'ai eu l'occasion souvent de parler avec les différentes chambres de commerce latino-américaines, et on parle beaucoup de l'entrepreneuriat. Il y a vraiment cet intérêt des gens d'affaires qui ont le désir de lancer en affaires.

Donc, peut-être, quels seraient, selon vous, le ou les ministères qui auraient un rôle à jouer? Parce que, je l'ai dit d'entrée de jeu, le ministère de l'Immigration, c'est vraiment un ministère qui joue un rôle transversal. Souvent, l'information que nous, on a, on est capables d'inviter d'autres ministères, on leur donne l'information. Et, évidemment, l'intégration des immigrants, c'est l'affaire de toute la société québécoise. Nous, c'est l'accueil, c'est la francisation, les cinq premières années, mais globalement... On a eu un exemple parfait du rôle des écoles, les écoles qui jouent un rôle peut-être de premier plan au chapitre de l'intégration. Elles le font très bien. Et, juste pour la petite histoire, l'argent qui est transmis par le gouvernement fédéral au gouvernement du Québec est ensuite transmis à d'autres ministères pour faire ce genre de travail. Donc, il y a peut-être d'autres... des ministères que vous auriez en vue qui pourraient jouer un rôle. J'aimerais vous entendre sur ces questions-là, l'entrepreneurship, l'entrepreneuriat.

M. Ramirez (Oscar) : Le ministère de l'Économie. Je pense qu'il y a le ministère des... Puis je comprends votre ministère, mais, quand même, le ministère de l'Immigration, il a un rôle quand même à jouer très important, parce que, dans la tête d'un immigrant qui rentre ici, c'est le ministère de l'Immigration qui leur donne le droit de rentrer. Je pense qu'il a un rôle important.

C'est sûr et certain que le ministère de l'Éducation a un rôle important, mais le ministère de l'Éducation, c'est pour des personnes qui sont plus jeunes. Au niveau des centres universitaires, je pense que les personnes qui sont là, c'est un autre type de... ils ont un autre profil. Mais c'est sûr et certain que... même nous autres, à la chambre de commerce, actuellement, on travaille beaucoup pour les nouvelles générations, parce que c'est l'amélioration que l'on suspecte le plus, la génération qui est plus professionnelle, qui essaie d'aller plus à l'université et qui sont plus intégrés à la société québécoise. Mais, à part... Quel autre ministère, je ne peux pas vous répondre vraiment plus que ça.

• (11 h 50) •

Mme Weil : C'est très bien. M. le Président, avant de céder la parole à ma collègue, je voudrais juste corriger quelque chose que j'ai dit avec le dernier groupe, juste parce que je l'ai mal dit. Pour la Nouvelle-Zélande, on parlait... ça ne vous concerne pas directement, mais vous avez peut-être des connaissances dans la matière, les travailleurs temporaires. C'est qu'en Nouvelle-Zélande 85 % des immigrants permanents sont issus de la voie temporaire. Il semblerait que, dans la façon de l'exprimer, ce qui est intéressant, on parlait d'immigration temporaire, mais c'est vraiment intéressant.

Je ne sais pas si vous... Vous n'avez pas besoin de faire un commentaire là-dessus, mais je connais par ailleurs, je connais... en fait, une des façons d'aller chercher très précisément des travailleurs partout dans le monde. Et on a des partenariats avec Montréal International, avec Québec International, qui font du recrutement, recrutement aussi dans le bassin latino-américain, et c'est souvent comme ça que la personne arrive. Et soit qu'il a la piqûre du Québec ou bien le froid le refroidit. Alors, je ne sais pas si peut-être vous avez des commentaires sur les travailleuses temporaires aussi qui pourraient être intéressés.

M. Ramirez (Oscar) : ...commentaires, ils sont que... c'est une expérience plus personnelle, je peux parler de ça. C'est comme homme d'affaires, comment avoir ma boîte d'architecture à Montréal. Ces politiques existent déjà au Québec avec beaucoup les... avec les Français, si je ne me trompe pas. Les Français, ils arrivent avec un permis temporaire de travail, et je pense aussi que, pour eux, c'est plus facile aussi vis-à-vis les ordres professionnels et les associations professionnelles pour pouvoir travailler au Québec. Ça fait que, ces personnes-là, c'est sûr et certain qu'ils arrivent plus jeunes, c'est des diplômés qui viennent, dans les cas que je vois, moi. Après, ce que je vous dis, c'est facilement deux à trois par mois, des personnes qui arrivent, des Français surtout, qui arrivent avec des diplômes français, qui arrivent avec un permis de travail temporaire.

C'est sûr et certain que, pour nous autres, c'est une assurance. Ça reste que c'est temporaire. Ça fait qu'on n'est pas, comment je peux dire ça... on peut travailler avec ces personnes-là, sauf qu'il faut prendre en considération quelque chose, que c'est des personnes qui n'ont pas d'expérience québécoise. Et moi, je peux parler que la plupart des hommes d'affaires que je connais qui vont accepter des immigrants dans leurs boîtes, c'est clair on est là pour faire l'argent. Les hommes d'affaires, on est là avec des boîtes pour faire de la business, si on peut dire comme ça. On est dans une chambre de commerce latino-américaine, mais nos partenaires, c'est pour faire l'argent. Ça fait que, quand on intègre des immigrants, vous voulez, vous ne voulez pas, ça nous coûte de l'argent, aux hommes d'affaires.

Ça fait que moi, je rappelle qu'il y a quelques années, il y avait des Français qui arrivaient... ou des autres immigrants qui arrivaient avec un certain montant dans leur salaire qui venait avec ça. Et c'était eux qui venaient avec l'argent. Ces personnes-là gagnaient 20 $ de l'heure, mais le gouvernement, il payait 10 $ de l'heure. C'est sûr et certain que, pour les hommes d'affaires, c'est quelque chose que c'est intéressant. C'est très intéressant parce qu'on peut les absorber. Ça ne coûte pas trop cher, mais eux vont gagner une expérience québécoise, et, dans un curriculum vitae, c'est bien beau écrire qu'on a travaillé en Uruguay, il y en a... au Brésil, au Mexique, mais l'expérience que nous autres, on cherche, les hommes d'affaires, souvent : Quelle expérience tu as au Québec? Ça fait que, pour ces personnes-là, ça les aide beaucoup, avoir une subvention. Je ne sais pas si je réponds à votre question d'une façon... Je suis passé un petit peu...

Mme Weil : C'est intéressant... peut-être parce qu'on parle de ce programme, de programme d'expérience québécoise, vous l'avez évoqué. Il y a quand même beaucoup d'étudiants étrangers qui viennent des pays de l'Amérique du Sud, du Mexique, etc. Est-ce que vous avez une expérience à cet égard aussi? Et, après qu'ils reçoivent leurs diplômes, en 20 jours, ils reçoivent leur certificat de sélection.

M. Ramirez (Oscar) : Mais, concernant les Latino-Américains, je n'ai pas beaucoup qui viennent me voir. Je ne sais pas pourquoi, là. Mais il y a beaucoup de Français. Et qu'est-ce que je vous dis, là, c'est que... parce qu'eux, ils arrivent vraiment avec des subventions. Je pense que nous autres, comme hommes d'affaires, on ne cherche pas les subventions. La personne, il faut qu'elle arrive avec la subvention. Il nous dit : Regardez, j'ai une subvention, j'ai un permis de travail, ta, ta, ta... arrivent avec ça. Ça fait que, pour nous autres, c'est plus facile de dire : Ah! mais, regardez, on peut l'intégrer dans le milieu de travail. Et souvent, de mémoire, moi, dans mon bureau, on a engagé déjà deux Français qui ont resté plus que deux, trois ans dans ma boîte, qui sont partis tout de suite après. Je ne sais pas si Ivan, il a une opinion là-dedans, peut-être...

M. Leal (Ivan) : Mais, retournant aux étudiants qui viennent d'être mentionnés, je dois dire qu'on travaille dans la main avec les associations étudiantes, mais de... et Concordia. Parce que les étudiants qui proviennent de l'Amérique latine vont faire ses études en anglais. Alors, ils vont finir ces études et, à la fin, ils vont trouver plus d'opportunités de travail dans une autre province. Alors, c'est ça, on constate ça à chaque réunion de travail, là, avec eux. Puis c'est une réalité, parce que les Français avaient la place en Amérique latine, mais il faut, encore une fois, la promotion. Tout simplement ça.

Le Président (M. Picard) : Merci.

Mme Weil : Alors, M. le Président, j'aimerais céder la parole à ma collègue.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Jeanne-Mance—Viger, il reste cinq minutes.

Mme Rotiroti : Merci, M. le Président. Merci d'être là, messieurs. Moi, je vais vous parler un petit peu... Vous avez abordé brièvement, dans votre présentation, au niveau de l'intégration professionnelle... Vous avez fait allusion à la reconnaissance des compétences et la non-reconnaissance des études hors Québec. Alors, vous savez évidemment que la reconnaissance des études hors Québec, on parle d'un diplôme, que ce soit collégial ou universitaire. Et, quand on parle de la reconnaissance des compétences ou des acquis, c'est comme l'exemple que vous avez donné brièvement, de l'ingénieur qui arrive ici et il se rend compte qu'évidemment il fait face à un ordre professionnel et il doit faire certaines démarches pour obtenir cette reconnaissance pour être capable de pratiquer son métier, si je peux dire ça comme ça.

Alors, vous, dans votre organisme, pouvez-vous me dire c'est quoi, les obstacles? Est-ce que vous avez plus de gens qui demandent la reconnaissance d'évaluation des diplômes ou c'est plus par rapport à la reconnaissance des acquis? Et quelle sorte d'obstacles? Est-ce que c'est en arrivant ici, parce qu'ils n'ont pas les informations à partir de l'étranger et ils ne peuvent pas commencer les démarches? Alors, ils arrivent ici, puis c'est là qu'ils apprennent que, bien là, c'est malheureux, mais ils ne peuvent pas pratiquer, ils ne peuvent pas être ingénieur ici comme ils sont dans leur pays d'origine. Pouvez-vous élaborer un petit peu là-dessus, s'il vous plaît?

M. Ramirez (Oscar) : Oui. Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord avec... En arrivant au Québec, bien, c'est comme à Rome... À Rome comme les Romains, au Québec comme les Québécois. Je pense que n'importe quel professionnel qui vient au Québec, il faut qu'il suive la réglementation et les normes que tous les professionnels suivent ici. Cette reconnaissance-là, si quelqu'un arrive... Disons que j'ai rencontré un architecte qui avait venu dans mon bureau, il m'a dit : Bien, moi, je suis diplômé, j'ai 20 ans d'expérience, j'arrive ici, et mon diplôme n'est pas reconnu. Bien, je lui ai dit : Bien, je te comprends.

Moi, je comprends très bien ça, parce que, moi-même, pour avoir fait tout le processus, moi, pour être architecte ici, au Québec, ça prend cinq, six, sept, huit, neuf ans à peu près pour être architecte. Quelqu'un qui est avec un équivalent bac, qui est cinq ans, il a quand même un chemin à faire avant. Il y a les examens à faire, il y a un processus à faire, mais ces personnes-là ne sont pas... Il ne sait pas que c'est ça qu'il faut faire. Vous savez qu'il arrive ici, et c'est un choc complètement, et c'est un choc qu'ils disent : Mais, mon Dieu, que... je ne savais pas. Ça fait qu'ils se disent : Bien, la première chose qu'il faut que tu fasses, aller faire tes équivalences. Les équivalences, c'est le fédéral qui les donne, je pense. Il faut faire une... les fédéraux. Le fédéral, il envoie ça au Québec. Le Québec, il donne le statut. Bien là, tu as l'équivalence des trois ans d'école, bien, il faut que tu étudies. Ça fait que c'est un petit peu décourageant pour certains. Je ne sais pas si je réponds à votre question, là.

Mme Rotiroti : Juste bien comprendre votre intervention, vous êtes en train de me dire ceci : On informe les gens à partir de l'extérieur en disant : Écoutez... Puis d'ailleurs c'est quelque chose qu'on regarde au niveau de la déclaration d'intérêt. Si la personne, à partir de l'étranger, pourrait être informée du processus et le fait qu'il y a des ordres professionnels qui existent ici, au Québec, il pourrait entamer au niveau de la... Il pourrait avoir une évaluation, de voir qu'est-ce qu'il manque, comment qu'il peut obtenir ses équivalences, et il pourrait commencer, à partir de son pays d'origine, de faire des démarches dans ce sens-là pour... Est-ce que ça, ça pourrait être un facteur qui pourrait faciliter l'arrivée de cet immigrant-là?

M. Ramirez (Oscar) : Bien, oui. Je pense que oui, mais c'est sûr et certain que c'est... Je trouve que c'est très, très compliqué, parce que déjà on part du fédéral, et les ordres professionnels, c'est dans la loi québécoise. Ça fait que déjà, je ne sais pas, mais on parle du Canada aussi. Je ne sais pas si... Ça fait que, moi, qu'est-ce que j'ai essayé de dire seulement, c'est que, si l'immigrant est avisé que, quand il arrive au Québec, il ne peut pas exercer sa profession telle que lui le fait, il va pouvoir... C'est juste l'aviser que ça va prendre... Ton diplôme, ce n'est pas bon là-bas. Il va falloir que tu étudies probablement. Ça fait que lui, il va pouvoir réfléchir pour savoir si vraiment il vient au Québec ou non. C'est plutôt ça.

Mme Rotiroti : Mais je voulais vous rassurer...

Le Président (M. Picard) : Mme la députée, il vous reste 30 secondes.

Mme Rotiroti : Ah! bien, merci beaucoup pour votre intervention.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Ramirez, M. Leal, soyez les bienvenus. Heureux de vous recevoir ici ce matin. Avez-vous été consultés préalablement à l'élaboration du document ici, en question, par le ministère avant aujourd'hui?

Une voix : Non.

• (12 heures) •

M. Kotto : Non. O.K. Parce que vos origines, entre guillemets, sont devenues référence. On en parle dans les couloirs un peu partout. Déjà, quand on parle d'intégration, quand on parle de Québécois d'adoption, très souvent, il revient que des personnes qui arrivent d'Amérique latine ont beaucoup plus de facilité à s'intégrer au Québec versus d'autres. Mais, parallèlement à cela, comme le soulignait indirectement la ministre, il y a comme de la difficulté à aller chercher, à attirer du monde de là-bas à cause des États-Unis. Notamment, vous évoquez le fait que la langue anglaise est une langue très courante en Amérique latine en général, et ceci peut expliquer cela. M. Leal évoquait le fait que nous devrions, en tant qu'État, en tant que nation, faire une meilleure promotion du Québec dans l'ensemble de ces pays, mais force est de constater que nous n'avons pas de représentation diplomatique, parce que c'est par ces canaux-là que ce genre de travail peut se faire. Et ma question est la suivante : Est-ce que, dans le meilleur des mondes, le numérique peut faire ce travail à distance? Est-ce que l'Internet peut remplacer ces entités physiques sur place pour faire la promotion, pour expliquer le Québec, pour dire ce qu'est le Québec?

M. Ramirez (Oscar) : Moi, je crois que oui, je crois que oui parce qu'avant de venir dans un pays aujourd'hui, là, on se renseigne où est-ce qu'on s'en va. Et je parle d'un point de vue professionnel, O.K., je ne parle pas de toute l'immigration. Un professionnel, avant de venir ici, si, à quelque part dans le Net, dans le cloud, l'information nécessaire, en disant : Bien, les architectes ou les ingénieurs, pour travailler ici, ont besoin de ça, ça, et ça, au moins, ça va aider. Oui, je crois que oui.

M. Kotto : Excusez-moi, M. Leal.

M. Leal (Ivan) : Simplement pour ajouter que la promotion ne se fait pas seulement à travers des délégations diplomatiques, les échanges culturels aussi. Si le Québec commence à cibler, mettre l'accent d'avance en Amérique latine pour faire des affaires avec ses PME, écoute... De plus, on s'appuie sur les réseaux que nous avons. D'ailleurs, comme hommes d'affaires, partout en Amérique latine, ça va bouger. Il ne faut pas chercher des solutions coûteuses pour l'État, non, pas du tout. Mais, si on oriente bien la politique puis on commence à développer, on fait des missions commerciales, on augmente les échanges, on fait grandir les échanges, on pousse, c'est comme ça que ça va commencer à marcher. Parce qu'à la fin on peut décréter sur papier une chose, mais, si personne ne fait rien, ça va être impossible de construire, et y arriver, puis...

Alors, il faut faire... Et, pour moi, je dirais, dans les relations humaines, les relations humaines, elles sont très importantes pour les Latino-Américains. Internet, oui, ça va aider beaucoup parce que de plus en plus tous les pays ont monté dans la vague du numérique, mais c'est l'expérience, c'est l'échange humain qui va donner des... Oui, le Québec, c'est bon, ça fonctionne, tu dois venir ici et faire des affaires ou tu dois venir ici pour prospérer, et travailler, et tout ça. Alors, je crois que c'est le témoignage qu'on pourra, comme citoyens, comme Québécois, comme «Montrealers» — on met le côté anglais parce que ça fonctionne comme ça, là-bas... Puis c'est notre expérience, c'est notre raison qui va faire que ça bouge encore plus.

M. Kotto : O.K. De votre perspective, de votre expérience, qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur le sentiment d'acceptation qui habite des personnes que vous connaissez venant d'Amérique latine en général par rapport au Québec? Le sentiment d'acceptation, quel est-il? Et aussi on peut donner une échelle de 1 à 9, quel est-il, ce sentiment-là?

M. Ramirez (Oscar) : Bien, si je comprends la question, je pense que les Latino-Américains qui décident de rester au Québec, ils restent au Québec, ils adorent le Québec, ils vont travailler pour le Québec. Je pense que, vraiment, si on parle de la première génération qui est venue, que c'est les Chiliens, aujourd'hui ils sont très intégrés au niveau universitaire, ils sont un petit peu partout.

Et actuellement la nouvelle génération qui s'en vient, que c'est des enfants, ces enfants-là sont encore plus intégrés dans la société québécoise. Je pense que ce sont des Québécois avec des racines latino-américaines, parce que, même pour nous autres, de plus en plus, les pays, disons... Moi, je suis Guatémaltèque, les Chiliens, ça disparaît un petit peu, c'est plutôt... on est des néo-Québécois, plusieurs nés au Québec, mais des racines qui viennent d'ailleurs, et ça, en tout cas, moi, mon expérience, et qu'est-ce que je vois dans la Chambre de commerce, c'est que c'est des personnes qui veulent entrer au Québec, ils veulent entrer ici et faire leurs affaires ici parce qu'ils adorent le Québec, parce que... Ivan, il a dit, tout à l'heure, quelque chose que les Latino-Américains... la culture québécoise est plus proche de notre culture que la culture nord-américaine ou anglo-saxonne. C'est que le Québec, pour nous autres, c'est vraiment très important, c'est vraiment... on entre facilement ici, on aime le Québec, même s'il fait froid, des fois, mais on fait du ski, après ça... C'est une blague à part! On aime beaucoup le Québec, et ça, je peux témoigner de ça de la communauté latino-américaine, qui travaille beaucoup pour le Québec et essaie de se franciser de plus en plus. Et, pour nous autres, la francisation, c'est très important.

Le Président (M. Picard) : M. le député, il reste quatre minutes.

M. Kotto : Quatre minutes. J'aurai deux questions. La première, vous n'êtes pas sans savoir qu'en termes d'intégration — je sais combien c'est important à vos yeux, l'intégration — il y a deux approches en compétition dans ce domaine : il y a l'approche canadienne-anglaise, qui est le multiculturalisme, et l'approche québécoise, qui est l'interculturalisme, dont les contours restent à définir, qui est évoqué dans le document.

Dans l'interculturalisme, il y a deux cultures en interaction : il y a la culture de la maison d'accueil et la culture de l'immigrant, et ce qui fait la différence avec le multiculturalisme, c'est que, là, il y a interaction. Dans le multiculturalisme, théoriquement, il n'y a pas d'interaction, il y a un développement séparé, en silo. Dans quelle configuration les Québécois d'adoption d'origine latino-américaine s'identifient-ils le plus facilement?

M. Ramirez (Oscar) : Moi, je pense que c'est plutôt une intégration presque totale au Québec, parce que souvent je vois — et on voit ça dans plusieurs événements qu'on fait à la Chambre de commerce — plusieurs Latino-Américains sont même mariés beaucoup avec des Québécoises. Par contre, dans les autres sociétés, dans ces autres communautés, je sais qu'on se marie entre nous-mêmes seulement. Ça, on le voit, nous autres. Je pense que les Latino-Américains, ils restent Latino-Américains dans une société québécoise. Si je comprends bien, c'était ça, votre question, je pense qu'on n'est pas...

Quand on décide de rester ici, c'est parce qu'on veut rester ici. C'est sûr et certain qu'on garde certaines choses, comme, regardez, manger, un petit peu, de la façon qu'on mange, mais ce n'est pas tous les jours qu'on va manger dans un restaurant latino-américain, on va manger aussi dans des restaurants québécois — peut-être c'est une figure de style, O.K.? — et plusieurs des partenaires qu'on a actuellement, latino-américains, de restaurants, là, c'est vraiment... c'est plus axé pour les Québécois que pour les Latino-Américains, plusieurs restaurants.

Le Président (M. Picard) : Un petit mot... deux minutes.

M. Kotto : Deux minutes. Parfait. Alors, je vais revenir sur une question qui vous concerne en tant qu'entité, directement. Vous parliez des ressources d'accompagnement entrepreneurial. Quels sont les impacts des décisions récentes du gouvernement de faire sauter les CLD et les CRE, relativement au milieu des... les ambitions en affaires?

M. Leal (Ivan) : En fait, je voudrais dire qu'on travaille, ça fait plus d'un an, avec plus d'une trentaine d'organisations, dont les CLD. Mais je dois dire, ici, que, même si on a fait des références, parce qu'on offre de la formation aux entrepreneurs, chez nous, même si le CLD donne du soutien technique, on n'a pas beaucoup remarqué de l'appui pour le financement. Alors, ça, ils ont coopéré, oui, dans d'autres domaines, mais pas pour le financement. Alors, je ne sais pas quel sera l'impact, je ne suis pas en mesure de mesurer ça, mais nos entrepreneurs n'ont pas reçu assez de financement des CLD. Je dois dire ça. Par contre, l'accompagnement technique, oui, ils ont reçu, tous, O.K.? Alors, c'est difficile à mesurer.

M. Ramirez (Oscar) : Je suis dans le conseil d'administration, aussi, de la Chambre de commerce du Québec, je pense que vous pourrez poser la question à eux. Ils en discutaient... on a eu beaucoup de discussions par rapport à ça. Je pense que, ces questions-là, vous pourrez les poser à eux, je pense qu'ils sont plus aptes à vous répondre.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.

• (12 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ramirez, bonjour, M. Leal. Ça me fait plaisir de vous entendre par rapport à la nouvelle politique. Vous avez débuté, M. Ramirez, votre propos en disant trois mots : intégration, intégration, intégration. Donc, pour vous, c'est le coeur de la politique, c'est ce qui doit être mis de l'avant, principalement. Parallèlement à ça, vous avez abordé la question de la représentation politique. Vous avez fait référence à M. Facal, vous dites : Mais on n'a pas souvent de représentation politique. Qu'est-ce qui, selon vous, explique cette situation?

M. Ramirez (Oscar) : Je pense qu'ils ont un petit peu la peur de s'impliquer en politique au Québec. C'est que je pense que, si je peux me permettre, ils ont une sensibilisation à faire chez les Latino-Américains par rapport à ça, de s'impliquer. Je ne dis pas au niveau député ou... c'est quand même... il y a des choses à faire, mais au niveau d'être dans un parti politique ou aller voter, s'impliquer dans la société politique, c'est important. Il y a beaucoup de Latino-Américains qui sont plus branchés pour savoir qu'est-ce qui se passe au Chili que ce qui se passe ici, à la télévision. C'est que je pense qu'il y a quelque chose à faire là-dedans.

Je vais dire, peut-être, quelque chose de bizarre, mais comme Saul Polo, c'est quelqu'un que, pour nous autres, on va le vendre pas mal, O.K., à la chambre de commerce. C'est quelqu'un qui, pour nous autres, il peut ouvrir les portes à bien du monde pour pouvoir s'impliquer en politique, et déjà on commence à sentir qu'il y a du monde qui veut s'impliquer doucement là-dedans.

Je me rappelle de ça, il y a plusieurs années, je pense qu'il y a eu un slogan, je l'ai entendu parler beaucoup, c'est qu'on disait : Le Québec pour les Québécois il y a plusieurs années, et ça, ça fait peur à bien du monde, ce slogan-là. Mais je ne veux pas non plus qu'on mentionne : Le Québec pour les immigrants non plus, je ne suis pas d'accord avec ça non plus, O.K.? Je pense qu'il y a une façon d'intégrer la communauté latino-américaine à s'impliquer doucement dans la politique, soit municipale soit provinciale, fédérale. Je pense qu'il y a des choses qu'on peut apporter à la société de la bonne façon.

M. Jolin-Barrette : J'encourage la communauté latino-américaine à s'investir dans tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale!

Vous avez parlé tout à l'heure... il y a un point que j'ai noté, de votre désir de voir un guichet unique pour avoir de l'information pour savoir, bon, quelles sont les exigences pour les ordres professionnels, pour pouvoir travailler, pour les entrepreneurs, au niveau de la taxation, les règles à respecter. Vous considérez que ce guichet unique là devrait être présenté dès les premières démarches d'immigration. De quelle façon?

M. Ramirez (Oscar) : Bien, je ne peux pas vous dire parce que c'est vraiment... c'est une discussion qu'on a eue il n'y a pas longtemps avec mon conseil d'administration et certaines personnes latino-américaines. C'est que, qu'est-ce qu'on trouve, nous autres, c'est qu'on veut... quand on veut quelques... quand on essaie de renseigner, il y a trop d'informations et trop des associations, on s'en va partout. Vous savez... à qui, quoi... Disons qu'il y a une association d'aide aux immigrants, une autre est aide pour les gens immigrants, l'autre, c'est aide aux femmes immigrantes, mais chacun, il peut avoir un discours complètement différent. Et ça, c'est un petit peu mêlant pour le monde.

Vous savez qu'on essaie d'aller là, ils nous disent quelque chose... Mais non, allez-y, au fédéral; non, non, c'est au provincial; non, non, il faut qu'il soit avec les ordres professionnels. Ça fait que, si tout ce monde-là, il peut envoyer... un professionnel — je parle pour des buts professionnels — si on a quelqu'un qui a besoin de l'aide, bien, on va l'envoyer dans un guichet unique, on dit : Ce n'est pas grave, tu as besoin de ça, ça et ça, c'est ça, ça et ça, au lieu que lui, il se promène pendant un an, parce que ça dure, c'est... ils font un cours ici, un stage ici, on fait ça ici. Je pense que c'est la perte d'argent pour ces personnes-là.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous trouvez qu'il devrait y avoir un plus grand leadership effectué par le ministère dans la recherche et la cueillette d'information.

Vous venez de parler un peu du réseau de partenaires au niveau des différentes associations qui offrent des services. Est-ce que vos membres vous disent que cette façon de procéder là est optimale, est efficiente ou ça devrait être sous le régime du ministère davantage qu'il y ait une implication gouvernementale accrue?

M. Ramirez (Oscar) : On n'est pas arrivés à parler... on n'est pas allés à la technique aussi loin que ça, mais moi, je pense que ça reste... Il y a une personne qui a discuté de ça dans le comité qu'on a formé. C'est vraiment... point de vue ministériel, c'est du ministère que devrait venir un petit peu...

M. Leal (Ivan) : Il y a des opportunités d'amélioration quand même, O.K., ce n'est pas optimal, alors il faut faire plus, encadrer, en fait.

M. Ramirez (Oscar) : Puis, si je peux me permettre, je pense qu'il faudrait avoir un lien aussi avec des chambres de commerce, pas uniquement latino-américaine, mais toutes les chambres de commerce pour pouvoir... que nous autres, on peut informer à ces professionnels d'où aller comme il faut, aller chercher l'information, parce qu'actuellement on fait beaucoup de bénévolat pour expliquer à des personnes... on essaie de chercher un ingénieur, un architecte ou un avocat pour qu'il informe à la personne qu'est-ce qu'il faut qu'il fasse, puis des fois peut-être on les mêle plus. Ça fait que, si c'est un guichet unique, c'est vraiment... on va là, on a l'information, là, ça serait l'idéal pour moi... pour nous autres.

M. Jolin-Barrette : Vous disiez tout à l'heure, M. Leal, que beaucoup de personnes issues de la communauté latino-américaine préféraient fréquenter les institutions d'enseignement supérieur de langue anglaise. Selon vous, de quelle façon on pourrait développer des mécanismes pour favoriser l'inscription à des établissements francophones pour, en fait, permettre une meilleure adéquation entre le marché du travail et la formation?

M. Leal (Ivan) : Je vais relancer l'idée que j'avais déjà développée, on a mentionné un peu, c'est à travers les échanges, O.K.? Il faut faire les échanges culturels, les échanges éducatifs, les échanges commerciaux. Alors, il faut vraiment chercher les moins jeunes pour pouvoir avoir généré une expérience avec les Québécois et les gens de l'Amérique latine, c'est comme ça qu'on va se connaître. Alors, on dit : Oh non, il y a une expérience magnifique au Québec, en étudiant dans l'UdeM, en étudiant à la HEC puis tu dois y aller. C'est ça, la façon de faire, parce qu'à la fin on va faire la pub, mais la pub, sans quelqu'un qui peut témoigner, ça ne fonctionne pas, pas chez nous.

Oscar avait mentionné aussi, par rapport à l'implication politique — je m'excuse de revenir à cela — il avait dit, tout en commençant, qu'à l'occasion nous avons des gouvernements qui utilisent la politique pour se rendre service à eux-mêmes, pas à la société, et c'est pour ça qu'on manque encore de l'implication parce qu'on a l'impression que la politique n'aide pas à bâtir un meilleur avenir pour la société. Mais les gens commencent à changer sa vision parce qu'ils disent : Oui, mais, écoute, c'est comme... on s'implique, on est arrivés à faire quelque chose ensemble, ça commence à changer. Mais c'est comme ça, c'est un pas à la fois, hein, c'est...

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Leal. Le temps est écoulé. Je vous remercie pour votre présentation, MM. Ramirez et Leal, et je vais suspendre quelques minutes pour permettre au prochain groupe de prendre place, le prochain groupe qui sera la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 12 h 19)

Le Président (M. Picard) : Nous allons reprendre. Donc, nous recevons la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je reconnais M. Frémont, donc je vais vous demander de présenter les gens qui vous accompagnent et de faire votre présentation, d'une durée maximale de 10 minutes.

Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Frémont (Jacques) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Jacques Frémont, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné de Me Renée Dupuis, qui est vice-présidente à la même commission; de Me Daniel Carpentier, qui est directeur de la recherche à la commission; ainsi que de Mme Amina Triki et de M. Jean-Sébastien Imbeault, qui sont chercheurs à la commission.

• (12 h 20) •

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour l'invitation faite à la commission de participer aux consultations particulières sur le cahier de consultation Vers une nouvelle politique en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.

Je tiens à vous rappeler que la Commission des droits a pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect de la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle veille à l'application de la loi sur l'égalité en emploi dans des organismes publics. La commission oeuvre également à promouvoir les droits et libertés énoncés dans la charte et à lutter contre toute forme de discrimination par ses travaux de recherche, d'éducation, de sensibilisation et de recommandation aux institutions de la société civile et gouvernementale.

Dans un premier temps, je tiens à souligner que la commission accueille très favorablement la démarche entreprise par le gouvernement vers l'adoption d'une politique qui aborde non seulement l'immigration, mais aussi la diversité et l'inclusion. Étant donné l'expertise de la commission en matière d'inclusion et de lutte à la discrimination, nous considérons que certains commentaires méritent d'être soulevés ce matin en vue de l'adoption de la nouvelle politique.

Tout d'abord, au sujet du travail. Pour la commission, la prise en compte de la diversité et de l'inclusion des personnes immigrantes et natives appartenant à une minorité racisée... doivent être analysées dans une perspective de lutte contre le racisme et la discrimination. En ce sens, le gouvernement devra mieux reconnaître sa part de responsabilité dans l'intégration socioéconomique des membres des minorités racisées. Il s'agit là d'un des véritables enjeux de la nouvelle politique. À lui seul, le taux de représentation des personnes racisées dans la fonction publique illustre l'ampleur du défi à relever par l'État, qui doit servir de modèle pour les autres secteurs d'emploi. Des efforts supplémentaires devront ainsi être consentis, notamment, pour redresser la situation de ces personnes, et ce, dans tous les secteurs de l'emploi et à tous les niveaux du système d'emploi. Des objectifs de représentation en emploi doivent être établis spécifiquement à l'endroit de chaque groupe visé, notamment des minorités racisées, dites visibles.

Même si les personnes appartenant à ces minorités sont souvent hautement qualifiées et ont une maîtrise suffisante du français, elles rencontrent diverses barrières discriminatoires, tant en amont qu'au sein du marché du travail, en témoignent les résultats de deux études menées par la commission. Je réfère ici à l'étude sur la discrimination dans l'accès à des programmes de résidence en médecine à l'endroit des médecins formés à l'étranger. La seconde étude porte sur la discrimination subie à l'embauche par les membres des minorités racisées ayant acquis un diplôme et une expérience de travail au Québec et parlant aussi bien le français que l'anglais.

Les résultats de ces deux études démontrent que l'application de critères de sélection ont pour effet d'exclure de façon disproportionnée aussi bien les immigrants formés à l'étranger que les candidats des minorités racisées formés au Québec. De l'avis de la commission, la lutte contre la discrimination systémique en emploi ne se fera qu'en appliquant plus systématiquement les programmes d'accès à l'égalité en emploi et en élargissant ces programmes au secteur privé.

La commission note par ailleurs que le gouvernement semble afficher une certaine ambiguïté par rapport à la prise en compte des inquiétudes à l'égard de l'immigration par la population en général. Ces inquiétudes sont qualifiées de légitimes dans le cahier de consultation. On y précise qu'elles porteraient plus spécifiquement sur l'adhésion des immigrants aux «valeurs communes». La commission craint qu'une prise en compte de ce malaise sous l'angle des «valeurs communes» — je mets toujours des guillemets — risque de renforcer plutôt que de le combattre. En effet, ces «valeurs communes» ne sont pas suffisamment bien définies. Les implications ne sont pas les mêmes si elles sont comprises comme les valeurs démocratiques ou encore comme les valeurs du groupe majoritaire, car leur contenu peut différer largement. Mal définir la nature de ces «valeurs communes» risque d'instiller une incompréhension dans la population au sujet du modèle d'aménagement de la diversité réellement mis de l'avant par le gouvernement. Cela pourrait créer des attentes déraisonnables à l'égard du processus d'intégration des immigrants. Mal définir les «valeurs communes» pourrait entretenir certaines aspirations envers un modèle assimilationniste refusant et niant les différences. Cela entrerait en contradiction avec les objectifs mêmes de la politique, dont ceux de reconnaissance de la diversité, de pluralisme et de participation des immigrants.

Ainsi, la commission recommande, dans son mémoire, que la nouvelle politique réfère plutôt au respect des valeurs démocratiques plutôt que les «valeurs communes», telles qu'énoncées dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Nous tenons ainsi à rappeler le caractère inclusif de ces valeurs démocratiques qui comprennent, comme le rappelle le préambule de la charte, l'égalité de tous les êtres humains en valeur et en dignité, le droit pour tous à une égale protection de la loi, l'égalité entre les hommes et les femmes, de même que la reconnaissance des droits et libertés comme fondement de la justice, de la liberté et de la paix. Ces valeurs comprennent aussi — et c'est important de l'ajouter — la promotion de la justice et de l'égalité sociale, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société. Référer à ces valeurs démocratiques permettrait de lever en bonne partie, croyons-nous, l'ambiguïté sur la prise en compte par le gouvernement du malaise de la population à l'égard de l'immigration.

De l'avis de la commission, d'autres moyens pourraient concourir à atténuer ce malaise, et il est important que le gouvernement agisse de manière cohérente avec les observations qu'il dresse. À cet égard, le document de consultation fait état d'un certain nombre de constats et parle d'apparitions périodiques de questionnements et de tensions portant sur les relations interculturelles. Le même document parle de préoccupations de la population attribuables au port des signes visibles et à certaines demandes d'accommodement sur une base de motifs religieux. Le document parle aussi de discours hostiles et de tensions sur la base de différences culturelles particulièrement à l'endroit des personnes appartenant à des minorités ethnoculturelles natives ou immigrantes.

Si le gouvernement reconnaît véritablement les effets de ces manifestations sur le lien de confiance et de solidarité entre les Québécois et les personnes d'origines ethnoculturelles différentes, il doit en tirer les conséquences complètes et concrètes. Or, le document sous examen semble banaliser ce malaise lorsqu'il affirme, et je cite, que «les préoccupations exprimées à l'égard de l'immigration et de la diversité ne sont pas propres au Québec et les débats sur ces sujets y demeurent généralement plus pacifiques et moins virulents qu'ailleurs». La commission tient à le souligner, il ne faut pas donner aux divers malaises exprimés par la population à l'égard de l'immigration un caractère normal, voire mineur.

Pour véritablement rétablir les liens de confiance et la solidarité entre la société d'accueil et les personnes issues de l'immigration, le gouvernement doit chercher à tout prix à mieux comprendre les origines de ce malaise, en identifier les principaux mécanismes sociaux qui participent à sa reproduction et agir concrètement sur ceux-ci afin d'atténuer les effets possiblement discriminatoires de ces craintes vis-à-vis des personnes immigrantes, ou perçus comme tels. Le chantier est vaste, certes, et les défis, considérables.

Quelques mots sur l'éducation aux droits — aux droits avec un x et un s, vous aurez compris. Selon la commission, l'éducation aux droits et libertés est un outil à privilégier dans la lutte contre les préjugés et la discrimination. Des campagnes publiques de sensibilisation devraient notamment être entreprises pour déconstruire certains mythes tenaces dans la population ainsi que certains préjugés à l'égard de l'immigration. De même, au moment où l'État envisage d'élargir à un public plus grand l'offre de formation interculturelle, antiraciste et à la diversité ethnoculturelle, l'éducation aux droits et libertés doit être mise de l'avant. L'ensemble du personnel de l'État québécois devrait y être formé, et ce, afin que les services disponibles au public soient véritablement accessibles à tous. Outre les personnes en situation d'autorité, une formation aux droits de la personne devrait être donnée en priorité aux hauts fonctionnaires de l'État ainsi qu'aux gestionnaires dont les décisions influencent la teneur des normes et des pratiques institutionnelles.

L'enseignement primaire et secondaire représente un secteur clé de la société où l'éducation aux droits et libertés aura aussi un impact très significatif. De l'avis de la commission, un espace plus grand devrait être accordé à l'éducation aux droits, tant dans les programmes d'enseignement qu'à travers les pratiques de l'école.

Enfin, selon la commission, l'éducation aux droits et libertés dans la formation collégiale et universitaire constitue un moyen supplémentaire à mettre de l'avant dans l'ensemble des disciplines et des programmes.

Je vous remercie de votre attention, et nous sommes évidemment très disposés à répondre à toutes vos questions.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Frémont. Avant de débuter la période d'échange, j'aurais besoin d'un consentement pour qu'on puisse excéder 13 heures pour nos travaux. Ça va pour tout le monde?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Picard) : Consentement. Mme la ministre, ça va?

Mme Weil : Absolument.

Le Président (M. Picard) : Donc, je vous cède la parole, pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup à la Commission des droits de la personne d'être ici avec nous, Me Frémont, Me Dupuis, Me Carpentier et Mme Triki-Yamani.

Évidemment, on aurait besoin de vous entendre encore plus, mais... alors, je vais essayer de vous donner beaucoup de temps pour développer ces idées, parce que vous touchez à des éléments importants, votre analyse est précieuse. Je pense que votre rôle dans ce grand défi est important, ça prend la profondeur que vous avez, les recherches que vous faites.

On va peut-être commencer par cette question de valeurs communes. Et je comprends tout à fait ce que vous dites, honnêtement, mais c'est une façon... Et je vais aller sur les valeurs communes que nous, on énumère dans le document que signent les nouveaux arrivants. J'ai participé aussi — juste pour vous dire, là — participé, comme ministre de l'Immigration, à aller aux séances de francisation, les premières séances avec les nouveaux arrivants, et je peux vous dire que la discussion est vraiment intéressante, parce qu'on va sur l'égalité hommes-femmes, toutes sortes de choses, et les nouveaux arrivants sont très... ils sentent beaucoup, comment dire, d'ouverture de la société québécoise de partager leurs opinions ensemble. C'est une expérience intéressante... en tout cas, la séance à laquelle j'ai assisté.

Alors, les valeurs qu'on énonce, puis j'aimerais vous entendre parce que je trouve intéressante votre proposition : donc, parler français évidemment, c'est ce que j'appelle le ciment qui nous tient unis; une société libre et démocratique, un État laïc, une société pluraliste; une société reposant sur la primauté du droit : les femmes et les hommes ont les mêmes droits, et l'exercice des droits et libertés de la personne se fait dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être général. Il n'y a peut-être pas celui sur la liberté d'expression, liberté aussi de conscience et de religion.

Donc, pour revenir à votre proposition, peut-être je vous permets d'aller un peu plus loin sur ça, l'importance que vous y voyez, mais est-ce qu'en énonçant que c'est de ça qu'on parle, les valeurs communes, mais qu'il faudrait peut-être changer l'expression... Mais vous comprenez l'intention lorsqu'on parle de valeurs communes. Mais j'aimerais vous entendre encore un peu plus sur ces faits.

M. Frémont (Jacques) : Écoutez, c'est une question délicate. Ce qui est clair, c'est que la charte québécoise — c'est le message, finalement, qu'on veut passer — contient l'essentiel. On ne parle pas de français dans la charte québécoise... dans la Charte des droits et libertés de la personne, mais, pour le reste, l'essentiel des valeurs démocratiques qu'on s'est données il y a bientôt 40 ans ces mois-ci, au Québec, sont contenues, et des valeurs comme l'égalité de l'homme et de la femme, le respect de la primauté du droit, etc., et aussi certaines valeurs relatives à la liberté d'expression ou aux grandes libertés, aux grands droits.

Donc, ce que nous proposons, c'est pour éviter des... comment dire, certaines dérives dans les débats ou certaines choses. On s'est déjà donné ces valeurs démocratiques communes, qui sont certainement communes et qui font certainement très large consensus. Et la question, c'est peut-être de réfléchir sur ce qui existe déjà et qui sont des normes non seulement enchâssées comme des valeurs, mais qui sont des principes de droit puisqu'on s'est donné ça, et que, vous le savez, la charte québécoise a une valeur supraconstitutionnelle, ça a été reconnu par les tribunaux, donc on a déjà un bassin de «valeurs communes» — j'utilise votre expression — de valeurs communes démocratiques ou de valeurs démocratiques communes qui, pour l'essentiel, nous pensons, sont suffisantes pour répondre... comment dire, à certains soucis des uns et des autres à l'égard des valeurs qui doivent guider notre société, qui doivent les orienter. Et, croyez-moi, lorsqu'on parle, par exemple, de droits économiques et sociaux dans la charte, on n'a pas du tout extrait, comme société, tout le potentiel des droits et libertés qui sont contenus dans la charte.

Mme Weil : Merci. Je trouve ça vraiment intéressant, ce que vous dites. Et peut-être un petit commentaire : C'est très rassurant aussi, quand on parle de valeurs démocratiques, je l'ai vécu. Quand on parle de valeurs démocratiques et d'égalité, de liberté, évidemment, c'est ce que tout le monde recherche dans toute société, et c'est sûr que les personnes immigrantes, que ce soient des réfugiés, regroupement familial ou les travailleurs qualifiés, c'est des valeurs universelles. Alors, j'apprécie beaucoup votre point de vue.

J'aimerais aller aussi... votre suggestion de campagne de sensibilisation, d'éducation, dans les milieux scolaires. Moi, je suis partie prenante beaucoup de ça. Je remarque souvent que, lorsque je suis avec les jeunes, ils comprennent presque de façon innée l'importance de l'inclusion, et je dis souvent : C'est notre espoir. Et nos jeunes ont grandi dans des milieux de diversité, et on hésite à utiliser le mot «tolérance», mais on comprend ce qu'on veut dire, c'est quand même un mot avec une belle résonance. Mais ce n'est pas juste tolérer, ils acceptent — c'est l'acceptation — et, très jeunes, ils ne voient pas la couleur, ils n'entendent pas l'accent, ils ne vont pas poser toujours des questions : D'où tu viens, toi? Tu es mon ami et on va partager mon carré de chocolat ou...

Alors, j'aimerais vous entendre sur comment on pourrait... Parce que ça, quand on imagine éventuellement un plan d'action, je cherche... on cherche, comme gouvernement, des suggestions pour justement sensibiliser la population, et, avec cette préoccupation de la génération qui va nous porter plus loin dans une société égalitaire et inclusive, votre notion de campagne, comment on pourrait faire, les types de messages, qui pourrait embarquer là-dedans, et j'aimerais que vous enchaîniez peut-être avec ce qu'on peut faire dans les écoles, l'éducation par rapport... Vous l'avez évoqué, mais, peut-être, je vous donne le temps d'aller plus profondément dans cette question.

M. Frémont (Jacques) : Je pense que c'est une question qui est très importante. Vous avez tellement raison de mentionner que, quelque part, les enfants, spontanément, sont daltoniens, ils ne distinguent pas les couleurs, et ceux qui ont la chance d'être dans des milieux où, justement... parce que ce n'est pas tout le monde, au Québec, qui a ce privilège, sont... comment dire... sont beaucoup plus ouverts et n'ont pas de problème avec ça, finalement. Ce qui est intéressant un peu partout au Québec — et je vais un peu sortir de notre propos — il y a toute la question de l'intégration des enfants en difficulté d'apprentissage dans les écoles et aussi dans les classes. Là aussi, les enfants apprennent à vivre dans la diversité partout au Québec, et, je pense, pédagogiquement, que c'est extrêmement important.

Ce qui est clair, c'est qu'on... comment dire... on n'enseigne pas, dans les écoles, les droits et libertés, la sensibilité aux droits et libertés de la même façon qu'on donne un cours de droit à la faculté de droit, ce n'est pas du tout ce dont il s'agit. Il y a toute une série notamment d'ONG qui font un travail remarquable sur l'éducation aux droits et qui est adapté, si on est au cours primaire, au cours secondaire, qui est adapté aux enfants où ils en sont rendus dans leur niveau de développement, et il y a des projets remarquables aussi à l'international, il y a tout un corpus, là, d'expérience. Alors, je pense que ce qu'on voudrait, c'est que ça soit plus systématisé dans les écoles au Québec, que ça fasse résolument partie du curriculum pour que les enfants puissent éventuellement structurer leur compréhension, finalement, de l'égalité et peut-être prendre un peu de distance vis-à-vis certains discours, lorsqu'ils seront un petit peu plus âgés, lorsqu'ils sont confrontés à d'autres types d'attitudes peut-être déjà un petit peu moins ouverts, qu'ils puissent comprendre pourquoi leur... comment dire, leur daltonisme est de bon aloi et doit être maintenu.

Je ne sais pas si j'ai des collègues qui veulent ajouter quelque chose.

• (12 h 40) •

Mme Dupuis (Renée) : Si vous me permettez, j'aimerais aussi souligner un élément qu'on fait ressortir dans notre mémoire, c'est-à-dire que les enfants d'aujourd'hui sont les décideurs de demain et, dans ce sens-là, on doit s'assurer... Et c'est pour ça qu'on insiste sur le fait qu'en matière de discrimination comme dans d'autres domaines, si on ne commence pas et si l'État ne commence pas par donner l'exemple en sensibilisant ses propres hauts dirigeants, ses propres gestionnaires de ressources humaines, il y a peu de chances que les processus de décision fassent autre chose que reproduire des systèmes qui sont discriminatoires. Alors, dans ce sens-là, que ça se passe à l'école... Et l'expérience des plaintes qu'on reçoit à tous les jours — on en a quand même un certain nombre chaque année — nous enseigne qu'il y a un élément de sensibilisation qui doit s'adresser à tout le monde, qui doit partir du haut de la hiérarchie et qui doit faire en sorte que, quand elle rejoint les enfants, on les sensibilise, eux aussi, non seulement au respect de la différence, que ça soit sur le plan du handicap, ou de la couleur, ou de la race, ou de l'origine ethnique, mais aussi sur les protections que la charte accorde à chaque enfant qui est dans cette école. Donc, c'est la raison pour laquelle on essaie de vous suggérer de sortir de concepts comme l'équité, qui sont flous, qui entretiennent le flou, et de resserrer les références à ce qui est inscrit clairement dans la charte comme étant des valeurs qu'on a choisi de consacrer de façon particulière.

Mme Weil : Merci. J'aimerais revenir sur le point que vous avez souligné, puis j'en prends bonne note et on va faire attention. Vous dites : Faites attention quand vous comparez à d'autres provinces, notamment. Parce qu'il y a un sondage qui montre quand même qu'on voit des ressemblances, hein, par rapport à ce malaise, par rapport à la diversité. Ce n'était pas dans l'intention de banaliser, c'était beaucoup dans l'intention... Parce qu'un gouvernement a la responsabilité de prendre note de ça puis de regarder les meilleures pratiques, aussi, évidemment des meilleures pratiques dans d'autres provinces, qui m'amèneraient, puis... Parce que je voudrais céder la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee, qui voudrait vous poser des questions.

Par rapport au Programme d'accès à l'égalité, par exemple, est-ce que vous avez des modèles ou vous connaissez des modèles au Canada qui pourraient être inspirants? On me dit qu'il y a des villes comme Toronto, qui a des modèles intéressants, parce que les villes jouent des rôles importants. Si ce n'est pas pour aujourd'hui, on pourra s'informer plus tard, parce qu'on cherche... Ça, c'est un domaine très technique, et il y a certainement des modèles ailleurs, je ne sais pas si vous, vous avez cette information.

M. Frémont (Jacques) : Il y a un modèle qui n'est pas inintéressant, c'est le modèle québécois, c'est la loi sur les programmes d'accès à l'égalité dans les organismes publics. Nous venons de déposer notre rapport triennal sur l'application, donc 2010‑2013, et nous allons, sous peu, dans les prochaines semaines, les prochains mois, publier des rapports sectoriels sur l'accès à l'égalité dans les commissions scolaires, à la Sûreté du Québec, à Hydro-Québec, dans les cégeps, les universités, etc. — donc, ça s'en vient — et dans lequel on montre qu'il y a un lien de causalité. Lorsqu'on investit dans les programmes d'accès à l'égalité, on arrive à plus de diversité, donc on fait la démonstration des programmes. Si vous voulez, et n'allons pas très loin, regardez la STM à Montréal, la Société de transport de Montréal, qui a atteint des... sans que... rien n'étant parfait en ce monde, mais qui a atteint des modèles de diversité et d'inclusion avec une main-d'oeuvre qui est remarquablement diversifiée, et ça s'est fait, ma foi, relativement sereinement.

Alors, je vous dirais, on peut peut-être aller voir Toronto et ailleurs, mais, même chez nous, il y a des choses très intéressantes qui se font. Mais ce qu'on suggère dans notre mémoire, Mme Dupuis vient de le rappeler, c'est que la diversité... l'État québécois devrait être modèle et, comme actuellement, il impose des obligations en matière d'accès à l'égalité à des organismes publics qu'il ne s'impose pas nécessairement de façon aussi rigoureuse à lui-même...

Mme Weil : Alors, avant de céder la parole, M. le Président, à mon collègue, je voudrais juste vous remercier beaucoup de votre présence, votre mémoire, évidemment très, très riche, avec beaucoup de recommandations, on va étudier ça avec beaucoup d'intérêt. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Je vais vous souhaiter... Me Frémont et l'équipe de la commission, vos interventions à la fois toujours rigoureuses et pertinentes sont très appréciées; en voilà un autre exemple.

Je vais poursuivre davantage la discussion sur l'accès au travail. Évidemment, on est devant une politique qui vise à privilégier l'inclusion, mais aussi avec un impératif qui nous touche tous, c'est une adéquation main-d'oeuvre-emploi qui s'impose de plus en plus. Alors, c'est par le bilan de l'immigration qu'on va combler ce grand problème là d'une adéquation qui s'annonce dans les années à venir.

Là, vous parlez d'une discrimination quasi systémique qui est présente et à adresser. C'est une chose très sérieuse si on veut parler davantage d'adéquation et de l'accès à l'emploi pour les nouveaux arrivants. Je vous invite d'élaborer un petit peu sur cette discrimination et de nous parler d'autres facteurs peut-être qui empêchent une embauche plus... une ouverture plus claire pour les nouveaux arrivants. Et, sur tous ces facteurs-là, quoi faire? Vous avez fait allusion à plusieurs stratégies, mais c'est un enjeu primordial, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

M. Frémont (Jacques) : Merci. Merci pour votre question. Je pense que vous avez compris, pour les gens qui sont moins familiers avec le discours, la discrimination systémique, c'est la discrimination qu'on ne voit pas, c'est-à-dire que la règle semble neutre, mais, dans son application, parce que les gens sont différents, on se trouve à écarter ou à discriminer à l'égard des membres de certains groupes. Donc, il est clair qu'il y a de nombreuses pratiques de discrimination systémique dans la société. Les deux études auxquelles je faisais référence l'ont bien indiqué. Il y a plusieurs études de Commission canadienne des droits de la personne qui ont démontré que, par exemple, l'expérience canadienne était un grand motif d'écarter les nouveaux arrivants, les nouveaux venus : l'étude qu'on a faite, qui dit qu'on envoie un C.V. avec un nom à consonance étrangère, on a 60 % de moins de chances d'être reçu en entrevue, voilà des exemples... Et les gens ne sont pas nécessairement mauvais, ce n'est pas nécessairement à dessein, ça arrive comme ça. C'est donc, comment dire, imbriqué dans nos façons de faire. Il est clair que le rôle de la commission est de les identifier, de les dénoncer, de le rappeler aux gens que ça existe.

Dans certains cas, lorsqu'il le faut, nous avons des pouvoirs pour intervenir, pour traîner les choses devant les tribunaux pour forcer les... ça peut être le secteur privé, notamment, à changer leurs pratiques. Mais, avant tout, je pense que c'est une question de sensibilisation, de travailler avec les employeurs, de développer cette sensibilité à la diversité et de tous les avantages qui peuvent venir avec le respect de l'égalité. Vous pouvez être sûr que, si la STM, qui a une politique énergique en matière de diversité... je suis sûr, je suis convaincu qu'ils ne reculeraient pas. Ils ont une main-d'oeuvre qui est remarquable, qui est très fidèle et qui travaille extrêmement bien. Alors, finalement, les dialogues comme on a aujourd'hui, mais après, de parler avec les employeurs, d'avoir des programmes d'accès à l'égalité, d'identifier... Vous verrez dans les rapports sectoriels, nous identifions les pratiques qui, par rapport aux différents secteurs, favorisent la diversité et a contrario les pratiques d'embauche, par exemple, ou de promotion qui défavorisent l'accès de personnes autres qui ne sont pas des personnes du groupe majoritaire.

Alors, nous... comment dire, nous poursuivons cette réflexion, à la commission, depuis longtemps. Nous partageons... nous allons la partager et nous commençons à la partager, nous allons la partager dans différents secteurs. Mais finalement, le message, c'est d'en faire un projet de société. C'est ce que nous aimons dans ce que nous lisons par rapport au document. On dit : On va en faire un projet de société, on va avancer là-dedans. Et l'inclusion, ça se joue des deux côtés, et ça se joue notamment au niveau, dans le domaine du travail, de tous les employeurs. Et ce que nous disons : L'État doit être modèle, mais le secteur privé doit faire partie aussi de la donne. Et, si tout le monde, on veut en sortir gagnant et on va avoir une politique d'immigration beaucoup plus riche et des immigrants beaucoup plus... mieux intégrés, donc, comment dire, c'est du «win-win», comme on dit, un peu partout. Mais il faut en faire un projet de société.

Le Président (M. Picard) : Me Frémont, merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus et merci pour cette contribution. Je pose la question de façon, disons, informelle. Avez-vous été consultés préalablement à l'élaboration du document qui nous... pose ici aujourd'hui... par le ministère?

M. Frémont (Jacques) : Nous avons participé à... oui, à deux... deux?

Une voix : À trois ateliers.

M. Frémont (Jacques) : ...à trois ateliers qui ont été des ateliers, oui. Au début septembre, c'est ça, à l'automne?

M. Carpentier (Daniel) : Oui. Il y a donc eu des consultations, par le ministère de l'Immigration, Diversité et l'Inclusion, en septembre et octobre derniers, et on était invités à y participer et à émettre des commentaires sur certaines thématiques autour de questions qui sont incluses maintenant dans le document de consultation.

• (12 h 50) •

M. Kotto : Juste pour l'information de nos collègues, je pose la question pour savoir ce qui habite l'esprit de cet exercice, et je suis bien content d'avoir entendu... de propos que vous avez tenus relativement aux enjeux soulevés et aux réponses en guise de recommandations à y apporter.

Je veux laisser passer parce que je veux occuper mes 10 minutes, malgré tout. Vous parlez... Vous posez, disons, l'évidence que les enfants sont daltoniens, ils ne voient pas la couleur et... Mais, dans la mesure où ils sont comme des éponges, les enfants, parce que certains psychanalystes nous disent, nous enseignent que les enfants, de la naissance et même à partir du ventre de la mère, certains vont plus loin, jusqu'à l'âge de 18, 20 ans, sont en phase de construction de leur personnalité psychique et qu'ils sont dans un mimétisme spontané, souvent les modèles d'identification ou des modèles de référence, ce sont les parents. Alors, quand ils ont, dans cette première phase, des parents qui ont un comportement xénophobe, voire raciste, et qu'à l'école on ne les reprenne pas ou, à la limite même, quand à l'école on les reprend et que le poids de la famille pèse plus lourd, ce sont les modèles parentaux qui gagnent à ce moment-là. Et l'enfant, progressivement dans sa croissance, est habité involontairement par des comportements, des habitudes qui, à terme, quand celui-ci devient chef d'entreprise ou dirigeant d'un parti politique, manifeste ce que vous et moi, en tant qu'humanistes, ne souhaitons pas voir.

Et, dans la même perspective, quand on se réfère à l'imagerie populaire véhiculée à travers la télévision, le cinéma, le théâtre, la littérature et autre moyen de communication très puissant aujourd'hui, c'est indubitable, il y a lieu de considérer que, quand on exclut des pans pléthoriques de la composition des gens de la cité, on contribue justement à renforcer ce sentiment de «vous» et «nous» chez ceux qui ne se voient pas représentés en tant que tels. Et leurs enfants, dans leur propre développement, se sentant inexistants dans ce paysage numérique ou médiatique, développent des complexes qui peuvent, à terme, les amener, une fois le sentiment de l'exclusion... comment dire, incarné en gangrène, les amener à se braquer contre cette même société. J'évoque ça pour compléter, en fait. Je ne suis pas en désaccord avec tout ce que vous avez dit, mais je voulais amener ces éléments pour compléter vos arguments.

M. Frémont (Jacques) : C'est très intéressant que vous les ameniez. Et je vous avoue que ça sort, je pense, du domaine de juridiction de la commission que les aspects plus psychanalytiques, éducation des enfants... Une chose est claire... et je pense que vous avez tout à fait raison, mais ce n'est pas mauvais que l'enfant soit confronté à des visions différentes, que l'enfant reçoive certains messages à la maison et reçoive des messages qui ne sont pas nécessairement parfaitement convergents au niveau de l'école. On peut penser qu'en matière de tolérance, d'acceptation de la diversité, on voudrait que ça soit les mêmes messages qui passent, mais, si, d'aventure, ce ne sont pas les mêmes messages qui passent... enfin, ce qui est important, c'est d'outiller l'enfant pour être capable éventuellement d'avoir ce qu'on appellerait son sens critique. Et c'est de développer ses...

Et c'est, comment dire, l'éducation au droit, c'est aussi ça, c'est de permettre aux enfants de raisonner. Et, croyez-moi, j'ai assisté à de la formation dans certaines écoles primaires, ce sont des exercices tout simples dans lesquels on amène les enfants à réfléchir sur ce qu'ils sont, sur la différence, sur l'acceptation de la différence, etc. Donc, pour moi, ce... comment dire, les... tout n'a pas nécessairement à être convergeant, mais il est sûr que c'est...

Là, je prends la deuxième partie de votre intervention : il est sûr que... On ne peut pas forcer personne, mais, dans les médias, la représentation de la diversité devrait faire partie, comment dire, d'une façon de faire, parce que c'est une façon correcte tout simplement, pas nécessairement une obligation. On a eu un débat récemment au sujet du «blackface» dans un milieu. En soi, ce n'est pas un mauvais débat. Moi, je le vois de façon très positive. Il y a eu des positions tranchées, il y a eu des... mais les gens en ont parlé, et, comment dire, la prochaine fois, le milieu va peut-être s'interroger, à savoir : S'il y a un sketch avec une personne noire, est-ce qu'on ne devrait pas prendre un acteur de race noire plutôt que de faire un «blackface»? Alors, tout ça, ça fait évoluer une société. La culture des droits, la compréhension qu'on a de la diversité et de la culture des droits, c'est appelé à évoluer et ça évolue en temps réel.

Moi, ça me fascine, au Québec, quand on parle du mariage homosexuel aujourd'hui et que c'est... il n'y a plus grand monde qui sourcille là-dessus, mais, si on en avait parlé il y a 15 ans puis il y a 20 ans, ayoye! Et même les États-Unis sont en train de flipper là-dessus. Alors, qu'est-ce qui fait... Notre relation aux droits et libertés évolue en temps réel. Les tueries de Charlie Hebdo ont fait évoluer les Québécois, je dirais, globalement dans leur sensibilité à l'égard des droits et libertés. Donc, le rôle de l'État et des politiques d'inclusion et de diversité, c'est peut-être de mieux comprendre, je dirais, la carte sociologique des relations, des perceptions que les Québécois ont avec leurs droits et libertés et de bâtir là-dessus. Et je pense que c'est un formidable projet, c'est un des projets sur lequel la commission travaille actuellement : mieux comprendre pour être capables de mieux travailler.

M. Kotto : Et...

Mme Dupuis (Renée) : Et, si vous me permettez, rapidement...

M. Kotto : Oui, je vous en prie.

Mme Dupuis (Renée) : Je voudrais aller dans le même sens que ce que vous disiez, à savoir... et c'est une des raisons pour lesquelles on insiste tant sur l'éducation à partir de la petite enfance : c'est que le contexte qu'on a créé sur le plan des normes avec la Charte des droits et libertés fait en sorte qu'on doit cesser de prendre les choses pour acquises, celles qu'on connaît bien, celles qu'on connaît moins bien, et qu'on doit se poser la question, qu'on soit un enseignant, qu'on soit un agent correctionnel, qu'on soit un sous-ministre, qu'on soit un directeur d'entreprise, un président d'entreprise, ça nous oblige à revoir les façons de faire, et on veut outiller les gens, à commencer par les enfants, non seulement sur les obligations en vertu de la charte, mais sur le fait que la charte est censée les protéger aussi, quel que soit l'enfant.

M. Kotto : O.K. Et vous conviendrez — et je veux juste avoir votre confirmation là-dessus parce que vous l'avez, la réponse — que la loi seule ne suffit pas pour changer des comportements.

M. Frémont (Jacques) : C'est intéressant. Lorsque j'enseignais le droit, je disais toujours aux étudiants : La partie la plus facile de la réforme du droit, c'est l'adoption de la loi. La partie la plus difficile, c'est sa mise en oeuvre. Et la partie plus difficile encore, lorsqu'on a besoin, c'est le changement des mentalités.

Le Président (M. Picard) : ...une minute.

M. Kotto : Bien, je vous remercie dans cette minute restante, et c'est très inspirant de vous entendre, ici, ce matin. Merci.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Borduas, pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, mesdames messieurs, bonjour. Tout d'abord, je vais vous référer à la page 4, et 5, et 17 de votre mémoire, là, la première partie relativement au Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles.

Vous allez retrouver, à la page...

M. Frémont (Jacques) : Du résumé, c'est bien ça? 4 et 5?

M. Jolin-Barrette : 4 et 5 du résumé, 17 du document.

M. Frémont (Jacques) : Oui, O.K.

M. Jolin-Barrette : J'aimerais vous entendre sur ce point parce que, concrètement, je constate qu'il y a une absence de juridiction, de la part du commissaire, pour faire le lien entre les ordres professionnels et les institutions d'enseignement pour la reconnaissance.

• (13 heures) •

Mme Triki-Yamani (Amina) : Oui. La loi, telle qu'elle a été adoptée en 2009, permet au commissaire aux plaintes, pour faire le lien entre les établissements d'enseignement et les ordres professionnels, il lui permet de vérifier que ces établissements d'enseignement collaborent bien avec les ordres professionnels et rendent accessible la formation requise pour l'obtention d'un permis d'exercer ou de pratique, mais il n'a pas le pouvoir d'enquêter auprès des établissements scolaires, notamment quant à l'accessibilité, à la formation d'appoint. On pense aux médecins formés à l'étranger, qui ont du mal à accéder à la résidence en médecine dans les facultés québécoises, qu'elles soient francophones ou anglophones. La commission a entrepris à ce sujet une vaste enquête systémique, de sa propre initiative, pour déceler tous les biais discriminatoires qui excluaient les médecins formés à l'étranger de l'accès à la formation postdoctorale. Donc, c'est ici une forme de discrimination en amont du marché du travail. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Jolin-Barrette : En fait, je voulais faire le lien avec le potentiel des droits économiques et sociaux que vous avez invoqués tout à l'heure. Est-ce que ce genre de sujet pourrait être lié à l'invocation des droits prévus dans la charte ou on s'éloigne?

M. Frémont (Jacques) : Écoutez, je ne suis pas certain. Ce qui arrive, c'est que le problème des reconnaissances professionnelles et l'illustration des stages doctoraux en médecine en est un bon exemple, c'est véritablement basé sur les droits à l'égalité dans la charte, donc l'article 10 de la charte, c'est un motif, et on peut penser qu'il y a discrimination. Et ce que nous constatons, c'est qu'il y a une zone — ce n'est pas un droit économique et social, c'est véritablement en vertu de l'article 10 — où, actuellement, le bât blesse, et le commissaire, lui, n'est pas capable, il n'a pas les pouvoirs de se rendre jusqu'aux établissements d'enseignement. Alors, comment dire, c'est complexe, parce que le ministère qui est là-dedans, il y a des programmes spéciaux, il y a des ci, des ça. Mais le noeud, là, ce n'est pas au niveau de la corporation professionnelle — lui, il a juridiction sur la corporation professionnelle, il donne les permis — c'est au bout. Et le problème qu'on a identifié, c'est au niveau des facultés. Et là le commissaire aux plaintes n'a pas juridiction, carrément pas juridiction.

Donc, les droits économiques et sociaux, c'est un chapitre de la charte, qui est un chapitre autre, qui reconnaît certains droits économiques et sociaux, ne reconnaît pas des droits plus classiques. Certains droits à la santé, vous ne les trouverez pas là-dedans, même si on pourrait penser qu'ils pourraient y être. Mais donc je ne pense pas qu'il y ait de lien formel à établir entre cette situation de reconnaissance des acquis et les droits économiques et sociaux.

M. Jolin-Barrette : Merci. Au début de la présentation, vous avez fait un lien entre les valeurs communes, qui sont plus ou moins définies, et les valeurs démocratiques, qui, elles, le sont plus clairement. Par ailleurs, à la page 7 du mémoire aussi : «...la commission [met] en garde le législateur contre une approche [où] les signes religieux devraient être exclus en raison du caractère neutre d'une institution.» Est-ce que vous pouvez aborder un peu la question de la neutralité de l'État dans le concept du développement, peut-être de la codification des principes des accommodements raisonnables tel qu'il avait été proposé par une loi sur la laïcité?

M. Frémont (Jacques) : Vous nous ramenez un an en arrière. On a fait un...

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, c'est un sujet qui est tout à fait connexe, parce que, lorsque le gouvernement parle de valeurs communes à la société québécoise, bien, il y a un consensus social au Québec pour la codification de la jurisprudence qui a été développée par les tribunaux supérieurs relativement à certains aspects. Donc, je veux savoir la position de la commission lorsqu'elle met en garde le législateur à cet effet-là. Est-ce que c'est simplement sur une partie ou c'est sur la totalité?

M. Frémont (Jacques) : Écoutez, la position de la commission, là-dessus, on est sur le mode passif, nous. C'est au gouvernement en place à faire des propositions. Ils font des propositions, et nous les commentons. C'est le rôle de la commission. Le rôle de la commission, ce n'est pas de s'avancer et de dire au gouvernement quel qu'il soit : Faites ci, faites ça. Ce qui est clair, c'est qu'on entend comme tout le monde qu'il y aurait un avantage à codifier les principes d'accommodement raisonnable. On a déjà dit, dans nos mémoires, il y a un an, deux fois plutôt qu'une, que, techniquement, on n'en voyait pas l'utilité, mais, si c'était pour des motifs pédagogiques et de meilleure compréhension, bien là on regarde qu'est-ce qui est codifié, et, la dernière fois, si je me souviens bien, on n'avait pas de grande difficulté, sauf peut-être à certains égards, avec le type de codification qui était proposé.

M. Carpentier (Daniel) : Si vous permettez. Ce qu'on avait dit, quand on a eu une proposition d'aménagement ou, en tout cas, de reprendre les critères de la jurisprudence en matière d'accommodements raisonnables dans une loi, on a dit : Bien, appliquez les critères reconnus. Ce qu'on avait comme proposition en ajoutait d'autres qui venaient modifier la règle de l'accommodement dans certains domaines. Pour certaines questions, dont les questions religieuses, nous, on a dit : Bien, la règle, la norme, elle existe, elle est connue, elle est reconnue depuis plus de 20 ans. Si on veut la codifier, codifions-la telle qu'elle existe. Ça a été ça, notre position.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : ...met fin à nos... Donc, je vous remercie, Me Frémont, ainsi que toute votre équipe et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur les documents intitulés Vers une politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.

Nous allons débuter cet après-midi avec le groupe communication pour l'ouverture et le rapprochement interculturel. Je vous invite, mesdames, à vous présenter et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes. La parole est à vous.

Organisme de communication pour l'ouverture
et le rapprochement interculturel (COR)

Mme Laouni (Samira) : Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, bonjour. Samira Laouni, fondatrice et présidente du COR, communication pour l'ouverture et le rapprochement interculturel. Notre organisme a été fondé afin de construire des ponts d'échange entre tous les Québécois pour atteindre un véritable vivre-ensemble. Pour accéder aussi à une vie harmonieuse, les nouveaux et anciens Québécois doivent s'engager dans un réel dialogue serein, d'abord, ensuite, pour s'entreconnaître et enfin pour établir des relations fructueuses afin de prévenir aussi bien la discrimination que le communautarisme.

La vision du COR exige donc le rapprochement dans toutes ces dimensions interculturelles et intergénérationnelles, que ce soit en termes d'origines ethniques, de sexe, d'orientation sexuelle, de religion ou non-religion. Notre but ici, à nous tous, je pense, est de contribuer à édifier un Québec interculturel, pluriel et inclusif. Je pense que c'est notre objectif à tous aujourd'hui ici.

Mais comment parvenir à faire accepter le pluralisme à tous les Québécois? C'est la première question qui nous est venue à l'esprit, la deuxième question étant : Comment peut-on espérer que les descendants des minorités ethnoculturelles se fondront dans le grand nous avec un grand N-O-U-S tout en majuscules? Comment est-ce qu'on peut sans faire de distinction aucune? Ces descendants des minorités ethnoculturelles, puisqu'ils conserveront toujours leur nom de famille... celui qui s'appellera Laouni — moi, je m'appelle Laouni, mais mon enfant continuera à s'appeler Laouni aussi — comment lui, qui est né ici, est-ce qu'il peut se considérer dans ce grand nous vraiment immense, québécois? Il faut travailler aussi bien auprès des accueillants que des accueillis pour que la deuxième génération ne subisse aucune discrimination.

Commençons par des solutions à mettre en place auprès de la majorité, d'abord — parce qu'on aura comme deux phases, deux propositions à vous faire — d'abord pour prendre en compte l'insécurité identitaire des Québécois canadiens-français. Il faut absolument travailler sur cette première chose de prime abord. Pour cela, il faut, d'une part, établir des lois pour le vivre ensemble, notamment en déclarant la laïcité de l'État. Deuxièmement, il faut connaître les balises déjà en vigueur pour les accommodements religieux. Et encore une fois j'insiste sur le religieux et pas les accommodements raisonnables; il faut faire la distinction et il suffit de regarder le site Internet de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

• (14 h 10) •

Comment pourrait-on collectivement influencer les journalistes tout en préservant la liberté d'expression, qui est vraiment d'actualité, pour qu'ils diffusent une information objective en évitant le sensationnalisme? Parce que c'est ça où le bât blesse. Pour enrayer la banalisation de certains propos discriminatoires, le gouvernement doit mettre en oeuvre une grande campagne de sensibilisation du genre de celle pour l'acceptation de la maladie mentale, qu'on voit tout récemment sur nos télés, ou celle contre l'homophobie, par exemple, qui s'étendrait sur une longue période — ça ne serait pas quelque chose de vraiment... de six mois ou un an, ça doit être une longue période — et qui serait réévaluée, réajustée, si besoin est, en fonction de la perception du public, en fait.

Je voudrais insister sur le rôle de l'école comme un point privilégié de rencontre entre enfants, parents, enseignants de toutes origines. En particulier, les directions, conseils d'établissement et comités devraient se faire une obligation sociale de rendre invitante aux parents des minorités ethnoculturelles et même d'inciter ceux-ci à participer à la vie de l'école. Ils en auront, du travail, ça, je peux le concevoir.

En ce qui concerne les nouveaux arrivants maintenant, de l'autre bord, surtout ceux de minorités ethnoculturelles, parce que le problème ne se présente pas de la même manière aux Européens, par exemple, aux immigrants européens, ce n'est pas la même chose, donc nous nous contenterons de rappeler qu'il faut surtout faciliter leur accès à l'emploi, parce que c'est par là que passe toute l'inclusion, elle passe par l'emploi. Donc, d'une part, avec une reconnaissance, dans le pays d'origine, de leur diplôme et expérience acquise, ensuite en leur donnant, en leur fournissant le portrait réaliste de la situation locale dans leur domaine d'activité et en leur offrant des stages de travail dans leur domaine professionnel, pas des stages juste pour avoir la première expérience canadienne, québécoise, faire caissière alors qu'on est médecin, ce n'est pas du tout la même chose.

Il faut, si cela est approprié, leur offrir... dès leur arrivée — parce qu'à ce moment-là ils sont vraiment comme des éponges, ces personnes-là absorbent tout ce qui passe sous leur main — il faut leur offrir une francisation conforme à leurs besoins professionnels, pas n'importe quelle francisation, en fonction de leurs besoins professionnels. Il faut, à certains francophones, si leur domaine d'activité l'exige, il faut leur donner aussi accès aux cours d'anglais nécessaires pour leur fonction. Parce qu'on le voit très, très bien, quand on demande de l'emploi, ce n'est pas seulement le fait d'être francophone qui va nous permettre d'accéder à cet emploi-là, on est beaucoup dans le bilinguisme au Québec.

Aussi, tous doivent avoir l'occasion d'acquérir minimalement les codes sociaux québécois, c'est une condition évidente pour se faire accepter par un employeur québécois. Je donnerai ici l'exemple de la bulle québécoise, il ne faut pas rentrer dans la bulle de la personne quand on lui parle. C'est quelque chose de méditerranéen. Non, c'est... on se touche, on est proche, etc. Donc, un exemple.

Mais comment peut-on se résigner à ce que les Québécois nés ici soient encore l'objet de discrimination? Pourtant, l'étude de Paul Eid prouvant que les chercheurs d'emploi qui portent un nom africain ou latino-américain, qu'ils soient nés ici ou non, subissent une forte discrimination pour obtenir une entrevue d'embauche... Mais cette étude démontre aussi, pour ceux qui sont parvenus à décrocher un emploi, qu'ils encourent une disparité salariale semblable à celle de leurs parents. Consultez les tableaux de notre mémoire, pages 9 et 10, tous les chiffres y sont. Cette découverte, sincèrement, a été un choc vraiment dur pour nous parce qu'on ne s'y attendait pas.

Pour surmonter ces obstacles, il faudrait comme deux voies possibles. D'abord, travailler en amont sur la sensibilisation des employeurs, par exemple, en mettant en place des lieux d'échange, des filières d'information ou autre, où les entreprises ayant réussi l'inclusion d'employés de minorités ethnoculturelles, comme, par exemple, la CGI, Pharmascience, des banques, pourraient faire part de leur expérience de réussite d'inclusion ou d'acceptation de l'autre. Deuxièmement, faire en sorte qu'Emploi-Québec et le MIDI — ça doit être un travail de collaboration entre les deux — diffusent l'information et coordonnent les actions concernant les bassins et les pénuries de main-d'oeuvre existant dans la métropole et les régions pour que ça devienne des vases communicants et que ça doit devenir fluide pour la répartition de la main-d'oeuvre partout.

En guise de conclusion, pour corriger cette injustice qui risque de s'étendre aux prochaines générations, il est non seulement nécessaire d'appliquer de façon rigoureuse la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics, mais de l'amender pour inclure les disparités salariales aussi. Il faudrait alors obtenir que les compagnies qui font affaire avec le gouvernement y soient également soumises, parce que c'est la seule façon de les obliger.

Et un critère, à notre avis, un critère d'ethnoculturalité devra être ajouté au système qualité, nommément système de management de la qualité, comme, par exemple, ISO. Pour obtenir ISO, la certification ISO, il faudrait avoir un critère qui répondrait à l'ethnoculturalité dans l'entreprise, et ça, ça va faire augmenter, je dirais, même la publicité de l'entreprise, ça va faire augmenter son acceptation, sa réussite, etc. Et il faut espérer que cette obligation dans la fonction publique et parapublique constituera un exemple à suivre pour de nombreuses entreprises privées. Mais ce qui est certain, c'est qu'il faudrait que les enfants nés ici avec des noms qui ne ressemblent pas aux Bélanger et aux Tremblay puissent réellement se sentir chez eux à part entière pour qu'ils ne se sentent pas repoussés et qu'ils aillent se réfugier dans un communautarisme qu'on ne saurait pas régler plus tard. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Laouni. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Laouni et Mme Provencher. Plaisir de vous revoir. On a eu l'occasion de se voir à plusieurs reprises. Moi, je pense que c'est la troisième fois qu'on se voit...

Mme Laouni (Samira) : Quatrième.

Mme Weil : ...quatrième en commission parlementaire.

Mme Laouni (Samira) : Des habituées.

Mme Weil : Et, honnêtement, je vous remercie beaucoup pour votre participation et votre passion pour un Québec inclusif. Je vous remercie de nous donner des pistes de réflexion, des pistes très sérieuses, des suggestions. Et, je l'ai dit d'entrée de jeu, c'est une occasion unique que nous avons d'écouter, écouter les critiques, d'écouter... Oui, il y a des choses qui vont bien, mais comment peut-on faire mieux? Le vivre-ensemble, un peu, c'est la façon de résumer. Donc, l'idée, c'est d'adopter une nouvelle politique, donc toutes vos suggestions sont intéressantes.

M. le Président, peut-être, avant d'aller plus loin, le député de l'opposition pose souvent la question : Avez-vous été consultés? Moi, ce que je propose, parce qu'on pensait... On pourrait déposer la liste d'organismes. Je pensais peut-être que le représentant, le député de la deuxième opposition serait intéressé aussi. Le ministère a consulté beaucoup, beaucoup de chercheurs, de groupes, d'organismes, un processus très, très sérieux parce que, pour écrire un texte comme ça, et je pense que le député de Borduas l'a souligné... c'est un travail très sérieux. Et là, pour produire un document comme ça, ça prend des consultations. Moi, j'ai participé à beaucoup de ces consultations. Donc, c'est ce que je propose. Comme ça, le député ne sera pas en position de toujours demander aux groupes s'ils ont été consultés.

Maintenant, le contenu, ils signent un engagement de confidentialité. Mais je pense que c'est important que le public sache que la partie consultation, c'est la partie publique. C'est ça qui est important. Ça, c'est un document pour réfléchir, donner de la matière, des pistes de solution, etc., mais c'est vraiment cette consultation qui est importante pour nous. C'est les gens qui vont venir se prononcer en ligne, ou qui déposent des mémoires, ou qui viennent être écoutés, et ça permet à tous et chacun de participer — je parle aux deux oppositions ici — participer à cet exercice. Parce qu'évidemment, en bout de ligne, on souhaiterait avoir une politique qui cherche l'adhésion de tous les parlementaires. Alors, je voulais offrir, dans un premier temps, si les oppositions sont intéressées...

Le Président (M. Picard) : Est-ce que...

M. Jolin-Barrette : J'aurais une question pour Mme la ministre, très courte. Vous dites qu'il y a un engagement de confidentialité des groupes consultés. À ce moment-là, je...

Mme Weil : Sur le contenu.

M. Jolin-Barrette : Sur le contenu, mais, de toute façon, en commission parlementaire, ils sont...

Mme Weil : Mais il y en a beaucoup qui ne viennent pas ici, mais la question que le député de Bourget posait, c'est : Avez-vous été consultés? à chacun, mais là il ne serait pas obligé de poser la question à chaque groupe.

M. Jolin-Barrette : Mais les groupes parlementaires qui auraient été consultés, qui viendraient en commission parlementaire, répondraient quand même aux questions...

Mme Weil : Mais tout est dans la liste.

• (14 h 20) •

M. Jolin-Barrette : ...des parlementaires sur le...

Mme Weil : Mais tout est dans la liste.

M. Jolin-Barrette : Non, mais sur le contenu de la consultation aussi, là.

Mme Weil : Mais, sur le contenu de la consultation avec le ministère, non, ils ne se prononceraient pas, mais, s'ils sont ici, évidemment, ils peuvent se prononcer. Ils sont ici pour se prononcer sur tout, oui, absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K., merci.

Mme Weil : Mais ce n'est pas nécessairement les mêmes groupes, là, mais, tout à fait, c'est logique. Alors, j'offre le dépôt de cette liste.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, on ne procédera pas par dépôt, ça va être une distribution, parce que, si vous déposez le document, il devient public, donc...

Mme Weil : D'accord, on va distribuer, donc.

Le Président (M. Picard) : Est-ce que ça va pour M. le député de Bourget?

M. Kotto : Oui, merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Mme la ministre, c'est à vous.

Mme Weil : Oui. Sur la question, parce qu'il y a un groupe qui l'a proposé aussi ce matin, le rôle des médias... Et on n'a pas eu le temps de poser la question... je n'ai pas eu le temps de poser la question, alors je ne voudrais pas manquer cette fois-ci. Alors, quel rôle les médias pourraient jouer pour diffuser des représentations et des informations justes sur l'immigration? Peut-être aller un peu plus là-dessus, expliquer votre vision des choses. Moi, ce que je remarque, et je ne sais pas si vous le voyez : en région, je trouve intéressant, il y a beaucoup de médias qui vont faire des reportages sur des succès. Ils vont faire le profil très humain d'un organisme communautaire ou d'une famille, etc., et ça me touche beaucoup quand je vois ces reportages, mais je les vois beaucoup plus en région. Je ne sais pas si vous avez remarqué. Ce n'est pas les médias nationaux nécessairement qui le font. Alors, j'aimerais vous entendre généralement sur cette question.

Mme Laouni (Samira) : Tout à fait. Nous savons toutes et tous que les médias sont dans un timing très court, l'information, le... comment dirais-je, l'arrivée de l'information, elle doit être à telle heure, et puis la tombée, etc. On comprend tout cet aspect-là de la chose, du travail des journalistes, mais il y a certains journalistes qui s'en vont dans le sensationnalisme. Et c'est ça que nous déplorons. Est-ce qu'ils y vont par souci économique, ou par souci de cotes d'écoute, ou est-ce qu'ils y vont parce qu'ils n'ont pas de contact interculturel, de contact à l'autre pour mieux le connaître? Comme vous le dites, Mme la ministre, comme vous le soulignez, c'est surtout en région où il y a des reportages de la sorte, mais on ne peut pas dire que c'est seulement dans les régions où il y a des réussites. Il y a bien des réussites aussi à Montréal, aussi à Québec, partout sur le Québec, il y a des réussites, comme il y a aussi des échecs, on ne va pas se le cacher. Mais est-ce qu'on souligne toutes ces réussites-là, petites ou grandes soient-elles? Non. Ce n'est pas ce qu'on fait.

Et il y a aussi, quand je parle de journalisme ou quand nous parlons, quand nous discutons, dans notre organisme, du journalisme, c'est surtout les amalgames qui se font. Il y a beaucoup aussi... ça se joue beaucoup sur la sémantique, sur les terminologies, sur... Et tout ça fait en sorte que ça n'aide pas à la... — comment on appelle ça? — l'éducation populaire. Parce que, si on veut jouer un rôle réel de leader pour un réel vivre-ensemble, bien, ça y va par l'éducation populaire. Et l'éducation populaire, son nom l'indique, elle est populaire. Et donc on ne peut pas faire des classes, on ne peut pas... Même le cours ECR, il existe, il est très bon. Il est bon pour les enfants, c'est excellent, mais qu'est-ce qu'on aurait comme équivalent pour les adultes, pour les parents qui ne savent pas... dont les enfants sont vraiment habitués à l'interculturalisme, à la diversité, au pluralisme? Mon copain, il est blanc, il est noir, il est peut-être homosexuel, il ne l'est pas, il est religieux, il ne l'est pas. Mais, les parents, comment est-ce qu'on peut les toucher par ces aspects-là si ce n'est par les médias, si ce n'est par la télévision? Et c'est là où moi, j'insiste personnellement, j'insiste sur ce point-là que les médias ont un rôle extrêmement important à jouer dans l'éducation populaire et qu'ils doivent prendre leurs responsabilités. Si jamais le vivre-ensemble échoue, bien, ils auront une grande part de responsabilité de cet échec-là.

Mme Weil : Je vous amènerais, parce que je pense que c'est un sujet important, sur deux aspects : un, la représentation de la diversité chez nos médias — on dit souvent que le Québec a du retard à cet égard par rapport au reste du Canada, on ne voit pas le visage de la diversité, on n'entend pas les voix de la diversité, ça, c'est une chose — et les écoles de journalisme, la formation pour avoir une meilleure connaissance, parce que c'est des enjeux complexes. Est-ce qu'il y aurait lieu, j'ai déjà entendu ça aussi... Il faut dire qu'il y a des écoles de journalisme, maintenant, avec beaucoup plus de diversité au sein même du corps étudiant. Mais ce que j'entends beaucoup, c'est que, dans les sociétés occidentales, à cause de ce défi de la transmission d'informations exactes et recherchées et une bonne compréhension des enjeux, parce que c'est des enjeux nouveaux pour tout le monde... que les écoles de journalisme se penchent sur ces questions-là. Je ne sais pas si vous avez une réflexion là-dessus.

Mme Laouni (Samira) : Pour répondre brièvement à cette question, c'est dans le sens où peut-être les élèves ne choisissent pas ces formations-là, justement, n'y vont pas, dans les écoles de journalisme, sachant qu'ils ne pourront pas être réellement représentatifs. Je m'explique. Si on voit, par exemple, à la télé que... Radio-Canada, une télévision publique, d'accord? Il n'y a pas de représentativité de la diversité. Oui, il y a une Céline Galipeau, dont le nom n'est pas vraiment canadien-français, tout ce qu'on veut, mais elle n'est pas vraiment représentative de la diversité. Il y a Nadia Zouaoui, qu'on a vue pour certains reportages, mais qui n'est plus dans le champ journalistique. Il y a aussi Akli Aït Abdallah, le nom, mais aussi qu'on ne voit pas tout le temps, qu'on n'entend pas tout le temps. On ne l'a jamais vu à la télé, de toute manière. On l'entendait à la radio parce qu'il faisait des reportages dans les pays arabo-musulmans, surtout. Mais c'est ça que ça prendrait. Ça prendrait de la représentation aussi bien pour les embaucher, mais, si on embauche le premier et le deuxième, les autres générations qui s'en viennent vont être encouragées d'aller pendre les cours. Mais, si on sait que c'est des études au bout desquelles on ne peut pas être embauché ou, même si on est embauché, on va rester en arrière-ban, ça ne nous intéresse pas. Ça ne les intéresserait pas. Donc, il faudrait peut-être penser à cet aspect-là.

Mme Weil : Merci beaucoup. Je vais aller sur une question, vous l'avez évoquée, peut-être parce qu'on va parler de barrière à la participation, essentiellement, parce que l'objectif de cet exercice, c'est de nous amener avec des stratégies pour une pleine participation, hein? C'est la vision : pleine participation des Québécois de toutes origines. C'est l'objectif. Alors, on voit qu'il y a des obstacles, des barrières pour l'intégration professionnelle, on pourra y revenir, mais vous avez évoqué la deuxième génération. J'entends beaucoup ça, une préoccupation pour la deuxième génération qui sont venus avec leurs parents, parents très qualifiés, très compétents, avec une contribution importante à la société, mais qui n'ont pas pu réaliser leurs rêves — la deuxième génération, je l'entends même dans mes discussions avec ces jeunes, et ils sont tristes pour leurs parents, ils sont tristes — et qu'il faut se préoccuper. Est-ce que vous avez... Et dans les écoles... j'aimerais vous amener sur les écoles, parce que vous avez parlé du rôle des écoles. Je pense que c'est fondamental. Donc, peut-être sur cet enjeu, on en a parlé avec la Commission des droits de la personne, qui priorise beaucoup les écoles aussi, donc cette deuxième génération et le rôle des écoles.

• (14 h 30) •

Mme Laouni (Samira) : Alors, la deuxième génération, je vais en parler. Le côté de l'école, je vais le laisser à ma collègue, Mme Provencher. Donc, pour ce qui est de la deuxième génération, pour le vivre à tous les jours avec des parents qui nous font part de leur désarroi vis-à-vis à cette problématique-là... Parce que la plupart, comme vous le savez, c'est des gens diplômés qu'on a choisis, qu'on a sélectionnés du Québec, le Québec les a sélectionnés pour les amener ici, puis, une fois ici avec de grands diplômes d'ingénieur, de médecin, de pharmacien, de plein de choses, enseignants universitaires, et j'en passe, se retrouvent sans emploi.

Alors, ils font tout pour diriger leurs enfants vers les études, mais, généralement, les enfants, qu'est-ce qu'ils disent? La réponse qu'ils donnent à leurs parents : Qu'est-ce que tu as fait, toi, avec ton diplôme? Tu as un Ph. D., tu es médecin, tu es pharmacien. Qu'est-ce que tu fais? Tu es vendeur de pizza, livreur de pizza, tu es chauffeur de taxi. Et ça, ça fait même... d'un point de vue, même, je dirais, même culturel, en tout cas, pour les Arabes, c'est très difficile quand le parent reçoit... C'est comme une insulte, pour lui, de recevoir ça de son enfant, qui lui dit : Qu'est-ce que tu as fait, toi, avec ton diplôme? Donc, il y a ce clash-là, déjà, maintenant, intergénérationnel, qui se produit à cause de ça, à cause du fait du manque de travail, mais il y a aussi le fait de la perte d'espoir. Il n'y a plus d'espoir : de toute manière, on n'arrivera à rien du tout, donc ce n'est pas la peine de faire des études, il vaut mieux décrocher. Et on sait très, très bien, tous et toutes ici, on sait très bien que ça commence par le décrochage, ça finit par des choses très graves dans la vie d'un adolescent, je ne dirai pas ni jeune ni vieil adolescent, mais d'un adolescent.

Donc, il faudrait prendre tout ça en considération pour pouvoir réellement travailler sur l'intégration par l'emploi, l'inclusion par l'emploi pour donner l'exemple à la deuxième génération, mais en plus travailler sur les entreprises pour qu'elles ne continuent pas à discriminer juste sur la base du nom. Parce que, quand ce n'est, politiquement, pas Bélanger et Tremblay, bien, c'est Traoré, et puis c'est Laouni, et puis ça ne veut pas dire la même chose. Et pourtant ils sont nés au Sacré-Coeur, ici, et puis ils viennent de la même manière.

Pour l'école, je vais laisser...

Mme Weil : Peut-être juste sur cette question, parce que c'est en lien, puis ensuite on pourra parler des écoles. Mais c'est que ces dernières années, donc, on a vraiment implanté beaucoup de programmes intéressants, de mentorat, un programme de projet de stage professionnel, meilleure reconnaissance par les ordres professionnels, bon, meilleure intégration, le programme PRIIME, une subvention salariale. Parmi ces stratégies, avez-vous une opinion sur les meilleures de ces stratégies? Et les résultats en 2013, c'est qu'il y a quand même une baisse du taux de chômage. Maintenant, on sait qu'il faut faire plus et mieux, mais, parmi les stratégies, en avez-vous que vous privilégiez?

Mme Laouni (Samira) : Certainement. On en a parlé dans notre mémoire, d'ailleurs, du programme PRIIME, et on a dit qu'il fallait l'étendre un petit peu. Parce qu'il y aurait un obstacle à ce niveau-là, pour ce programme-là très spécifiquement, c'est qu'il est accessible par les personnes qui viennent ici de zéro à cinq ans. Donc, une fois cinq années dépassées, la personne ne peut plus y accéder, au programme. Et des fois les cinq premières années, c'est juste pour vraiment se stabiliser, se trouver un réseau social, pouvoir déposer son enfant chez la voisine ou chez une amie. Et donc tout ça est à prendre en compte. Donc, il faudrait peut-être l'étendre à plus de cinq ans d'accessibilité pour qu'il devienne plus accessible, en fait.

Et puis aussi les stages... on avait dit que, pour les stages, il faut absolument que ce soient des stages dans le domaine professionnel pour que ça aide la personne à non seulement acquérir l'expérience tellement nécessaire au Québec, l'expérience canadienne québécoise, mais en même temps d'acquérir l'expérience dans son domaine d'activité, et comme ça la rétention serait encore meilleure. Parce que, vous le savez, vous avez des chiffres, la rétention n'est pas vraiment, vraiment bonne dans les stages qui n'ont pas de rapport avec la profession.

Mme Weil : Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Mme Provencher, il reste une minute.

Mme Provencher (Marie-Andrée) : Alors, Marie-Andrée Provencher, je travaille en francisation d'adultes. Mes étudiants ne sont pas les enfants, ils sont les parents des enfants. D'accord? Bon. Et moi, je trouve que, surtout dans la grande région de Montréal, bien sûr, on n'utilise pas assez l'école comme lieu interculturel. Il est naturel. Les enfants, entre eux, oui, ils sont amis, et ça fonctionne bien, normalement, etc., mais c'est le lieu par excellence où attirer... que la deuxième génération attire la première, c'est-à-dire leurs parents. Et je trouve que, à toute mon expérience, il manque des caractéristiques pour... Bon, on va dire : Les portes de l'école sont ouvertes. Oui, bien, elles sont ouvertes. Ce n'est pas suffisant pour des nouveaux arrivants des minorités ethnoculturelles plus spécifiquement pour... Vous savez, ça prend un certain courage, hein, pour se présenter à l'école, pour offrir des services d'accompagnement aux enfants pour les sorties ou rencontrer les enseignants en dehors de la grande rencontre, souvent unique, de l'année.

Le Président (M. Picard) : Mme Provencher, s'il vous plaît, le temps est écoulé, mais vous auriez pu prendre quelques secondes pour terminer aussi, là, mais... C'est beau? Malheureusement, je dois céder la parole... Malheureusement, je vous coupe la parole. Ce n'est pas malheureusement pour vous, M. le député de Bourget, là, mais allez-y pour 10 min 30 s.

M. Kotto : O.K. Non, mais je vais être, comment dire, généreux en proposant à madame de terminer sa phrase.

Mme Provencher (Marie-Andrée) : Merci. Alors, je pense que, par exemple, ce serait par là qu'il pourrait y avoir, par des jumelages linguistiques entre parents, d'accord, le pivot étant l'école, d'accord, le moyen d'avoir réellement une adaptation interculturelle dans les deux directions, c'est-à-dire le parent nouvel arrivant qui parle la langue que l'autre veut apprendre, vice et versa, avec... bon, alors que, grâce à l'école, il y ait des contacts et naturels et organisés entre les parents de toutes les origines, et c'est essentiel que, dans l'école, la diversité, toutes les diversités soient présentes et visibles et que les enfants de toutes les origines, de la majorité, d'abord, bien entendu, mais des différentes minorités se sentent reconnus comme tels. Bien sûr que les enfants, ils sont à l'école pour devenir des Québécois, des Québécois qui vont fonctionner dans notre société, mais il faut qu'ils se sentent acceptés dans toutes leurs dimensions et pas seulement en tant qu'élèves.

Alors, merci, monsieur, de m'avoir donné la chance de terminer.

M. Kotto : Je vous en prie. Mme Provencher, Mme Alaoui, soyez les bienvenues. Je voudrais, M. le Président, juste remercier la ministre de nous communiquer la liste des personnes qui ont été consultées préalablement à l'élaboration du dossier en question ici aujourd'hui. Mais je voudrais néanmoins savoir si c'est vous qui avez sollicité — parce que vous êtes sur la liste — manifesté l'intérêt à être consultées relativement à cet enjeu-là.

Mme Laouni (Samira) : Mais bien entendu.

M. Kotto : Oui? O.K. Parfait. Alors, je voudrais revenir sur la question de... enfin, le sujet que Mme Alaoui évoquait tout à l'heure relativement au nom. C'est venu me chercher quand vous disiez : Mon enfant va porter mon nom, et l'enfant de son enfant, etc., ça suivra. Ça m'amène sur un terrain de réflexion qui m'a occupé quelquefois ces derniers temps. Quel est le poids de notre propre héritage en tant que, disons, nouveau... puisque moi, je ne suis pas né ici, mais mes enfants, une partie d'entre eux sont nés ici, quel est le poids de notre héritage culturel initial que nous devons poser sur ces enfants-là, qui, eux, sont nés dans un nouvel environnement qui n'a rien à voir avec notre propre environnement de naissance?

Mme Laouni (Samira) : La question est très profonde, M. Maka Kotto, mais je vais essayer d'y répondre très brièvement. D'abord, même s'ils sont dans un environnement nouveau par rapport au nôtre, on ne peut pas leur changer de nom, ils doivent garder... En tout cas, il y en a qui changent de nom. Personnellement, je ne suis pas, mais chacun est libre de faire ce qu'il veut.

Maintenant, quel est le poids qu'on leur donne ou qu'on leur impose? Je ne pense pas qu'on leur impose de poids, je ne le pense pas. On leur impose une éducation, c'est sûr, jusqu'à un certain âge, comme tout parent de toute culture, de toute origine, de toute orientation religieuse, non religieuse, sexuelle, pas sexuelle. En tout cas, n'importe quel être humain, il essaie d'éduquer ses enfants, de leur apporter ses connaissances à lui, bien entendu en fonction de ce que lui, il a porté aussi. Mais on le voit très, très bien...

M. Kotto : ...dans un environnement spécifique.

• (14 h 40) •

Mme Laouni (Samira) : Oui, je suis tout à fait d'accord.

M. Kotto : Parce que, là où je veux aller, et j'irai un peu plus loin dans la confidence, cette discussion, je l'ai eue avec ma fille aînée et qui me posait la question de savoir si, en allant vivre au Cameroun, par exemple, elle serait acceptée. Je lui ai dit : Ça va être difficile. Il faudrait qu'elle s'intègre, parce que les codes culturels qu'elle véhicule sont les codes d'ici et qui ne sont pas validés là-bas. Et donc il y a, dans l'hypothèse où elle rejette son patrimoine, le patrimoine qui l'habite relativement à l'espace, au domaine dans lequel elle a vu le jour, si elle ne l'assume pas, elle est partiellement... elle n'est pas entière, disons, c'est ce que je lui disais, elle n'est pas entière. Pour qu'elle soit entière, il faut qu'elle soit en phase avec l'environnement dans lequel elle fonctionne.

Mais, de la perspective de certaines personnes qui, comme certains parents, hein, sont arrivés et qui ont fait des enfants ici, c'est mal vu que de ne pas transmettre une part de cet héritage issu dans notre territoire, en l'occurrence le Cameroun, par exemple, c'est souvent mal vu. Sauf qu'en le faisant on handicape l'enfant quelque part. On en fait une personne partielle à la fois ici et là où elle irait peut-être passer des vacances à un moment donné, c'est-à-dire dans le pays d'origine de ses propres parents.

Mme Laouni (Samira) : Mais je pense que nos façons de voir sont complètement opposées, M. Maka Kotto, je suis désolée, parce que vous, vous voyez le verre à moitié vide, moi, je le vois à moitié plein, et donc je suis très optimiste par rapport à ça et je suis très positive. Au contraire, moi, je dis qu'aux enfants à qui on donne plus accès à plusieurs choses à la fois, il n'a que la richesse du choix et la richesse de la diversité. Au contraire, moi, je trouve que mes enfants sont très chanceux d'avoir aussi bien la culture marocaine en tant que culture, et là ça n'a rien à voir avec la religion, parce que je suis très, très minutieuse là-dessus, la culture...

M. Kotto : Mais dans une approche théorique, elle n'est pas incarnée dans un vécu.

Mme Laouni (Samira) : Pardon?

M. Kotto : Dans une approche théorique, parce que l'enfant n'est pas dans un environnement concret, tangible pour vivre cet héritage-là.

Mme Laouni (Samira) : Oui, mais il voyage, il voyage et il peut accéder à cette culture-là. Et justement c'est pour qu'il se sente... Et, au contraire, moi, je trouve qu'il se sent très épanoui d'avoir et à la fois la culture des parents et à la fois leur culture de leur pays où ils sont nés. Donc, moi, je le vois plutôt une richesse qu'un handicap pour les enfants.

M. Kotto : Je n'ai pas parlé de handicap. Je pourrais taxer l'enfant d'être un enfant hybride, quelque part, et qui ne se reconnaîtrait ni dans son pays de naissance, en l'occurrence le Québec, ni dans le pays de naissance de ses parents, en l'occurrence le Cameroun ou le Maroc.

Mme Laouni (Samira) : Tu aimerais répondre?

Mme Provencher (Marie-Andrée) : Oui, j'aurais quelque chose, moi, à dire là-dessus, même si je n'ai pas les mêmes... O.K.? Bon, moi, je pense que la famille transmet des valeurs, transmet une culture, mais l'enfant qui vit au Québec, il acquiert les codes sociaux de communication du Québec, puis, s'il va au Cameroun, bien, pourquoi il n'apprendrait pas rapidement les codes sociaux de mise au Cameroun?

M. Kotto : C'est plus complexe que cela parce que... pour l'avoir vécu moi-même parce que j'ai quitté le Cameroun à l'âge de 17 ans pour continuer mes études universitaires en France, j'avais du mal à être accepté. Je ne dirai pas les qualificatifs qu'on m'affublait. J'avais du mal à être accepté parce que je n'étais plus l'enfant du lieu, voyez-vous? Il y a là un rejet, je le sentais viscéralement. Et c'est la raison pour laquelle je posais... Ce n'était pas pour juger ou entrer en conflit avec d'autres choix, c'est parce que je l'ai vécu.

Alors, quand on est, disons, pointé, stigmatisé dans deux espaces parce qu'on n'est pas entièrement une entité du lieu, il y a quelque chose qui vient nous chercher profondément et qui peut nous conduire à des désespoirs quand on n'est pas solide.

Mme Laouni (Samira) : Je pense que nous, en tant que parents, nous qui arrivons d'ailleurs, je pense que c'est nous qui sommes ce trait d'union là et qui, souffrant de cette comme double culture ou double, je dirais, identité, c'est plus nous que nos enfants... parce que, nos enfants, je pense qu'ils sont très... en tout cas, ils prouvent leur identité, au contraire, et ils sont fiers d'être ce qu'ils sont, peut-être à la fois avec un bagage culturel d'ailleurs, mais tout en étant identitairement complètement Québécois francophones.

Donc, je pense que, là, c'est une richesse extraordinaire que nous avons, une chance inouïe que nous avons au Québec, et c'est nous qui, les parents... je sais, comme je le dis toujours, moi, je dis : Nous sommes la génération sacrifiée, en ce sens où c'est nous qui ne trouvons pas de travail, c'est nous qui faisons le déménagement, c'est nous qui subissons toutes les choses et...

Le Président (M. Picard) : Mme Laouni, merci. Je dois maintenant céder la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Laouni, bonjour, Mme Provencher. Je vais vous référer à votre mémoire, à la page 4, au niveau des compétences linguistiques. Vous mentionnez, au départ, qu'on devrait peut-être envisager d'allouer une allocation de survie dès le départ pour avoir des cours de francisation dès l'arrivée des nouveaux arrivants pour qu'il n'y ait pas de délai d'attente entre le moment où la personne arrive au Québec et le moment où elle peut suivre son cours. Parce qu'on sait que la façon que le ministère fonctionne, bien, ça prend un certificat d'accréditation, d'acceptation à la poursuite d'un cours de français qui peut être délivré dans les 20 jours ouvrables. Et, par la suite, à partir du moment où le ministère de l'Immigration accorde ce certificat d'acceptation là, bien, la norme que le ministère s'est fixée, c'est 60 jours ouvrables pour offrir des cours de français.

Donc, lorsqu'on parle de 60 jours ouvrables, on se rend bien... si on utilise la limite, on peut se ramasser à 90 jours, en termes... trois mois. Donc, pour quelqu'un qui arrive au Québec, qui n'a pas la connaissance de la langue française, il se retrouve dans une situation où, pendant trois mois, il vit au Québec, mais il n'a pas de possibilité d'accéder à un cours de langue française, et, par le fait même, bien, à réussir à se trouver un emploi rapidement, à intégrer la société québécoise.

Dans certains paramètres, dans certaines régions, on réussit plus rapidement à offrir ce cours-là, c'est la limite maximale pour l'offre du cours de français. Et je voulais savoir : De quelle façon voyez-vous la proposition que vous faites sur l'allocation de survie? Parce qu'actuellement il y a déjà une allocation qui est versée aux gens qui suivent un cours de français à temps plein.

Mme Laouni (Samira) : Je laisserais Mme Provencher parce que c'est sa spécialité.

Mme Provencher (Marie-Andrée) : Je travaille là-dedans. Bon. D'abord, à mon expérience — peut-être que ce n'est pas fondé de façon générale — il arrive que des gens attendent beaucoup plus longtemps que le trois mois pour réellement intégrer un cours. Est-ce parce qu'ils préfèrent tel cours plutôt que tel autre, qu'il soit à proximité de la... Je ne sais pas pourquoi, mais, de mes étudiants que je connais, ça a pris beaucoup plus de temps que ça. Et c'est pour ça qu'on dit, nous : Le plus vite possible. Bien, le plus vite possible, trois mois, c'est raisonnable comme maximum, d'accord? Bon.

C'est que, quand ils arrivent, ils sont désireux de s'adapter. En même temps, ils ont besoin de manger, en général. Alors, d'une part, s'ils trouvent un petit boulot gagne-pain en attendant d'obtenir l'accès au cours, au cours où ils auront une allocation, d'accord, bon, eh bien, on échappe des nouveaux arrivants, comme ça, qui ne se franciseront pas, malheureusement.

M. Jolin-Barrette : ...travail en raison du fait qu'ils n'ont pas avoir accédé assez rapidement à un cours? Est-ce que...

• (14 h 50) •

Mme Provencher (Marie-Andrée) : Parce qu'ils n'auront pas eu accès au cours pendant la période de sensibilité, pendant la période où ils sont très, très disposés à faire un grand, grand effort d'adaptation.

Tout le monde connaît les différentes étapes pour la majorité des nouveaux arrivants. Ils arrivent... bon, il y a une période comme d'euphorie — en tout cas, moi, je l'appelle comme ça — à l'arrivée, ils vivent une aventure, ils sont prêts à tout prendre, ils sont pleins de... bon...

Une voix : ...

Mme Provencher (Marie-Andrée) : Oui, oui, oui. Bon, suit une période de désenchantement, généralement, une période de deuil, alors il faut que le français arrive pendant qu'ils sont pleins de pep.

M. Jolin-Barrette : Le plus rapidement possible. Ça m'amène à la page suivante de votre mémoire. Vous indiquez que, dans certaines circonstances, par exemple, l'épreuve uniforme de français au niveau du D.E.C. ne devrait pas être requise pour certaines professions. Donc, vous faites le lien entre un français... On devrait exiger un français de la vie courante ou un français, si je peux le dire ainsi, pratique pour occuper un emploi et ne pas avoir la même standardisation.

Mme Provencher (Marie-Andrée) : Je vais bien expliquer ça. Je donne cet exemple-là, mais ce n'est pas le seul, mais c'est celui que je peux le mieux documenter. Alors, il existe, dans quelques-uns des cégeps, un cours accéléré en soins infirmiers. Quand ce cours fut mis sur pied au départ, c'étaient généralement des gens qui avaient déjà un diplôme de cégep, qui avaient déjà, donc, réussi la fameuse épreuve uniforme de français et qui, bon, voulaient se trouver un gagne-pain rapidement ou changer d'orientation. On voit beaucoup de jeunes, au cégep, changer d'orientation, O.K.?

Mais, depuis quelques années, une grande partie des étudiants qui s'adressent pour recevoir ce cours... Le cours accéléré en soins infirmiers, c'est deux ans au lieu de trois ans. Une bonne partie des nouveaux arrivants qui désirent suivre ce cours, ce sont des adultes, parfois — parfois, parfois, là, comme exemple et pas comme généralisation — qui sont déjà des médecins ou qui... une profession dans ces domaines-là. Ils ont eu une formation générale dans une autre langue.

Donc, la formation littéraire dont un être humain bénéficie pour devenir ce qu'on appelait autrefois un honnête homme, ils l'ont eue dans une langue. Alors, au cégep, on devrait exiger d'eux d'abord un examen d'entrée pour s'assurer qu'ils maîtrisent le français à l'oral, à l'écrit pour et bien profiter du cours, réussir le cours, et être capables de pratiquer cette profession-là ensuite. Et qu'on exige un cours de sortie, si je peux dire... un examen, plutôt, de sortie, de français un peu plus élevé, mais pour les mêmes buts, c'est-à-dire qu'ils pratiquent leur profession de façon absolument impeccable en français, c'est absolument nécessaire. Mais l'épreuve uniforme de français, c'est une dissertation de 900 mots, où, très souvent, on leur demande de comparer deux textes littéraires en français, qu'il soit du français du Québec, ou d'un autre pays, ou même une traduction en français.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Provencher. Je tiens à vous remercier pour vos... Oui, Mme Provencher?

Mme Provencher (Marie-Andrée) : C'est impossible à réussir, cette épreuve uniforme de français, si on n'a pas suivi les cours.

Le Président (M. Picard) : O.K. Je vous remercie pour votre présentation. Je vais suspendre quelques minutes pour permettre à la Dre Cécile Rousseau de prendre place.

(Suspension de la séance à 14  h 54)

(Reprise à 14 h 55)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons. Donc, nous accueillons la Dre Cécile Rousseau. Vous disposez de 10 minutes, veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent. Merci.

Mme Cécile Rousseau

Mme Rousseau (Cécile) : Très bien. Donc, je suis accompagnée de Spyridoula Xenocostas et de Ghayda Hassan, qui est, donc, professeure en psychologie à l'Université du Québec à Montréal. Nous représentons, ensemble, un regroupement de recherche appelé Sherpa, qui est le centre de recherche du CSSS de la Montagne, dont le créneau est la diversité et la pluriethnicité. Ce centre de recherche regroupe 43 chercheurs de presque toutes les universités au Québec, et nous travaillons sur cette question, qui est bien représentée dans la politique.

Alors, aujourd'hui, nous voulions d'abord saluer l'apport de cette politique. Je pense que l'esprit de la politique représente un texte qui est nécessaire dans ce moment. Donc, le fait, pour nous, de la mention de l'inclusion... alors, j'avais présenté un PowerPoint, mais ça fait partie de la culture universitaire, qui n'est pas exactement la culture parlementaire, je m'en excuse, mais on pourra le rendre disponible après.

Donc, mettre l'accent sur l'inclusion nous paraît bienvenu, c'est aussi, malheureusement, nécessaire. Et je pense que, si on compare à la politique précédente, le contexte local et international n'était pas le même. C'est une prise de position qui souligne une volonté de mieux comprendre les enjeux et de réunir tous les acteurs dans le développement et l'évaluation de solutions, un long travail. Donc, nous pensons que ce qui se noue autour de cette politique est le début d'une conversation, mais que les travaux qui vont la suivre vont être le coeur de l'action et le coeur des liens sociaux dans notre société dans les prochaines années, une politique qui se situe en continuité aussi avec les valeurs de démocratie, d'équité et de respect des droits humains que notre société québécoise a toujours mis de l'avant.

Alors, nous allons vous adresser très rapidement à trois points de la politique : les défis du vivre-ensemble, la question de la formation interculturelle et, si nous avons le temps, la question de l'accueil des réfugiés.

D'abord, donc, le vivre-ensemble. Comment peut-on, en ce moment, relever le défi de la complexité? Alors, je pense que, si on regarde les débats qui traversent notre espace social, il y a urgence de clarifier et de distinguer les concepts que nous utilisons. Pour ne citer que les concepts de l'ordre du politique, laïcité, relation majorité-minorité, radicalisation et radicalisation violente doivent être distinguées.

Comme le fait remarquer le Pew Institute, dans les six dernières années, partout dans le monde, l'hostilité sociale autour de la religion, mais aussi autour des relations nationales et ethniques est en augmentation. Actuellement, la radicalisation xénophobique... Et, si vous avez regardé ce matin dans le New York Times, un très bel article montrait — c'est très inquiétant — la montée d'une radicalisation xénophobique en Europe, à plusieurs endroits. Donc, la radicalisation xénophobique monte et apparaît en contrepartie des radicalisations nationales ethniques ou religieuses. Donc, la radicalisation est un problème.

Maintenant, ne pas distinguer radicalisation et radicalisation violente est dangereux. Rappelez-vous — pour ceux qui ont des cheveux blancs — comment le Québec a souffert de l'amalgame entre radicalisation violente au moment des événements d'octobre 70 et la montée d'un mouvement nationaliste qui était nécessaire et qui répondait à un vécu d'humiliation et d'oppression du peuple québécois. Donc, je pense que repenser comment nous avons souffert de ces amalgames est important au moment où il faut distinguer, dans notre espace public, ces concepts de façon à ne pas blesser des pans entiers de notre société.

• (15 heures) •

Alors, quels sont les liens? Et je pense que nous n'aurons pas le temps d'en parler cet après-midi, mais quels sont les liens — Ghayda Hassan travaille avec moi avec tout un regroupement de chercheurs — qui existent entre exclusion, aliénation, radicalisation et radicalisation violente au sein et de la majorité et des minorités? Ce sont des questions difficiles, on va pouvoir en discuter avec vous, mais je pense que c'est des questions absolument cruciales de ne pas céder à la panique et de penser ces concepts-là. Comment pouvons-nous réfléchir? Il ne faut pas uniquement les penser, il faut agir.

Alors, agir de façon systémique, et je mentionnerais trois points dans ce domaine-là : susciter une réflexion éthique autour des débats dans l'espace public et médiatique. Je donnerais un exemple... Bon, je suis psychiatre, donc dans le champ de la santé et santé mentale, vous savez qu'on a arrêté de médiatiser les événements suicide dans les médias. Pourquoi? Parce que le suicide, c'est terriblement contagieux, hein? Est-ce que ça veut dire qu'on censure le discours sur le suicide? Non. On parle de suicide, il est important d'en parler, mais pas n'importe quand, pas n'importe comment, parce que c'est dangereux de le faire. La même chose au moment des épidémies comme H1N1. Donc, il faut que nous ayons, communément, politiciens, chercheurs, universitaires et médias, une éthique de ce qui va dans l'espace public et médiatique. En ce moment, si quelqu'un est en train de gagner la bataille médiatique, c'est le groupe État islamique. Ne leur laissons pas ce privilège. Nous devons adopter des stratégies médiatiques non seulement dans les médias officiels, mais dans les médias sociaux, qui sont absolument essentiels pour gagner cette bataille-là. Donc, vous voyez cette importance, mais, pour ça, nous devons nous concerter, nous devons nous concerter, nous devons avoir un plan, pas un plan de désinformation. La population doit être informée, mais attention! pensons aux instances où la panique est mauvaise conseillère.

Deuxième point — on n'aura pas le temps d'en parler beaucoup : diminuer l'exclusion, renforcer les solidarités, réduire évidemment la discrimination structurelle, ce que d'autres personnes de notre regroupement viendront vous dire dans les prochains jours. Se concerter aussi, alors, avec des instances cliniques et d'intervention pour soutenir les personnes, familles et communautés qui se trouvent en situation beaucoup plus vulnérable, soit à cause de la discrimination, soit à cause de la radicalisation en ce moment. La police, les centres jeunesse, on est en train de constituer des groupes de soutien et de conseil pour s'adresser à cette question-là, mais il faut penser que ça ne remplace pas un travail de prévention dans l'espace public.

L'adaptation des institutions à la diversité, Spyridoula s'y connaît beaucoup, c'est toute la question de la formation. Si nous voulons relever le défi qui est contenu dans la politique, il faut effectivement une formation intersectorielle aux enjeux de la diversité. Des modèles existent; l'Institut national de santé publique du Québec vient de faire une revue de tous ces modèles, des modèles de formation générale et spécifique. Il faut les évaluer et les généraliser. C'est-à-dire que, si notre société veut relever le défi de la diversité, il faut que, nous tous, nous ayons un certain nombre d'outils et de capacités de penser ces questions-là et de capacités de penser notre position par rapport à cette diversité de façon à ce que ça se passe le mieux possible.

J'aurai le temps, quand même, d'aborder la question des réfugiés et des politiques d'immigration. Alors, même si un certain nombre de choses ne sont pas du ressort provincial, le Québec a joué... dans les dernières années, avec un resserrement des politiques fédérales par rapport aux réfugiés et une tendance à associer réfugié et criminalité, réfugié et terrorisme, le Québec a joué un rôle qu'il faut souligner, un rôle d'avant-plan qui a mis de l'avant nos valeurs. Le Québec, rappelons-le, a été la première... de loin la première province canadienne à dire au niveau fédéral : Nous ne couperons pas les soins de santé aux réfugiés, nous allons maintenir ces soins de santé. Le Québec a également donné un accès à l'éducation pour des enfants à statut précaire. Bon, je pourrais multiplier les exemples.

Ce que nous tenons à vous dire, c'est que, même dans des domaines qui sont de juridiction fédérale, le Québec a un rôle-phare, un rôle clé pour faire valoir ces valeurs-là auprès du fédéral et pour que nos politiques canadiennes et fédérales reflètent le type de société, le type d'humanité que nous voulons proposer, et aussi pour s'adresser aux perceptions plus négatives face aux migrants à statut précaire, et en particulier à la séparation entre l'éducation, la santé, la police et l'immigration.

Donc, c'était peut-être pour souligner... Et je pense qu'il y a un certain nombre de choses, de pratiques au niveau des pratiques auprès des réfugiés qui sont prometteuses et dans lesquelles nous sommes particulièrement investis et que le Québec ait un rôle, donc, gouvernemental de représentation à ce niveau-là.

Pour terminer avec un dernier point : le soutien à la recherche — alors, on va prêcher pour notre paroisse. Mais je pense que c'est important de promouvoir la prise en compte de la diversité de la population du Québec. Comme les instituts de recherche en santé du Canada disent : Il faut toujours tenir compte du genre, hein? Je pense qu'il faut toujours tenir compte de la diversité de notre population dans nos recherches et proposer des actions concertées sur des thématiques ciblées de façon à mieux comprendre ce qui se passe en ce moment dans notre société. Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Rousseau. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Oui. Alors, bonjour, Dre Rousseau. Et je n'ai pas le nom de vos deux collègues avec moi, mais, en tout cas, merci. Merci beaucoup de votre participation. Vous avez un point de vue, mais vous avez surtout une expérience professionnelle tout à fait unique, très au coeur de Montréal et la réalité de diversité à Montréal, mais d'un point de vue du vécu, peut-être, de certains traumatismes, beaucoup de traumatismes surtout.

Je vais peut-être commencer avec les réfugiés parce qu'on n'a pas beaucoup l'occasion de parler des réfugiés. Je vous remercie d'avoir souligné ce que vous avez souligné, parce qu'à l'époque c'était moi qui étais ministre de l'Immigration et il y avait Yves Bolduc comme ministre de la Santé, on voyait ce dossier monter, de coupures qui s'annonçaient pour le programme PFSI, hein, le programme... et j'étais en lien évidemment avec beaucoup de médecins qui étaient très préoccupés. Et, c'est vrai, le Québec a joué un rôle, et il n'y a jamais eu de questionnement, au niveau du gouvernement, à cet égard. Le gouvernement avait dit à l'époque : Non, pas question de laisser ces familles, ces enfants seuls sans l'appui qu'on puisse leur donner. Et j'ai appris par la suite que d'autres provinces ont emboîté le pas essentiellement.

Alors, j'ai commencé cette année, parce que je voulais vraiment mettre en relief... On ne parle pas beaucoup d'immigration... des réfugiés humanitaires, mais je pense que le Québec et les Québécois sont fiers de ce qu'on fait en matière d'immigration humanitaire. Alors, on a annoncé, vous l'avez peut-être vu, on a remercié les groupes de parrainage humanitaire pour les réfugiés syriens, et on va être capables d'augmenter le nombre de Syriens. Et d'ailleurs le Canada et le gouvernement fédéral nous remercient, mais le Haut-commissaire des Nations unies nous remercie aussi, parce qu'il dit : Vous allez être un des endroits où... proportionnellement, qui va recevoir le plus de réfugiés syriens. Donc, je vous remercie pour ça.

Et j'aimerais quand même, peut-être parce qu'on a, comme je vous dis, peu d'experts qui peuvent nous en parler... parce que c'est une obligation, mais un mandat que nous avons... c'est l'accueil, l'intégration des personnes réfugiées au niveau de la langue, et tout le reste. Il y a des problèmes de santé : on apprend que les problèmes de santé sont plus aigus à cause des traumatismes. J'aimerais vous entendre là-dessus. Et comment est-ce que... Comment vous jugez un peu le travail qu'il reste à faire pour une meilleure intégration, un meilleur accompagnement, par rapport aux réfugiés, pour qu'ils puissent aussi participer pleinement au développement économique et social et culturel du Québec?

• (15 h 10) •

Mme Rousseau (Cécile) : Peut-être souligner... Et Ghayda Hassan, donc, Université du Québec, voudra peut-être ajouter un mot là-dessus. Ghayda a été chargée par le Haut Commissariat aux réfugiés — donc, au niveau inter-national — d'élaborer un document sur la question de la santé mentale des réfugiés syriens. Et Ghayda est personnellement impliquée, donc, dans un consortium qui donne des soins directement aux réfugiés en Syrie et ici. Or, je pense que la question que vous soulevez au niveau des traumatismes et de la santé des réfugiés est importante parce qu'on peut faire une différence.

Alors, on peut toujours faire une différence en santé mentale, mais je dirais que tous les désordres associés au stress et les traumatismes, particulièrement chez les personnes jeunes et chez les enfants, sont parmi les désordres pour lesquels on peut espérer un très bon pronostic. Alors, ça, c'est toujours important, parce que, vous savez, au-delà de l'humanitaire, une société tient toujours à avoir des gens qui s'adaptent le mieux possible. Et, quand on intervient précocement, encore une fois de façon concertée, entre la santé des écoles, avec lesquelles il faut beaucoup travailler quand il s'agit d'enfants, et la capacité d'une insertion au travail, les résultats sont habituellement excellents, c'est-à-dire qu'on a quand même une très, très belle évolution.

On se retrouve dans des dilemmes, parce que vous savez que nos services de santé sont en soi débordés et donc toute la question — et c'est souvent quelque chose qui arrive comme question — surgit au niveau de l'équité, de dire : Est-ce qu'il faut faire des services spécialisés pour les réfugiés ou pour ces gens-là? Et notre position, je dirais, comme CSSS, c'est plutôt de dire : Au-delà de l'accueil qui est bien fait, il faut mieux équiper nos services de santé en général, et je pense que ça peut se faire et ça peut se faire très bien.

Un certain nombre de réfugiés se retrouvent en région, à Saint-Jérôme, à Joliette, à Gatineau, à Sherbrooke éventuellement, il s'agit donc de transférer les expertises et l'expertise en santé mentale dans ces régions, de façon à ce que ces gens-là acceptent d'accueillir et de soigner sans paniquer des situations qui leur sont très... non familières, et je pense que ça, ça marche bien.

Je ne sais pas si tu veux rajouter quelque chose sur les réfugiés syriens.

Mme Hassan (Ghayda) : Je pourrais rajouter, mais, au fait, je pense qu'il y a aussi, en plus des soins en santé mentale, fournir un soutien à l'intégration, je pense aussi qu'il y a toute une question de sensibilisation par rapport à l'impact des enjeux des rapports internationaux et intercommunautaires. Donc, c'est des personnes qui arrivent de situations conflictuelles. Le rapport du Haut Commissariat est en production, il sera disponible. C'est un rapport qui est public, donc je pourrais également vous le rendre disponible lorsqu'il sera sorti. C'est un rapport qui explique vraiment en détail tout le contexte syrien, le contexte conflictuel, le contexte de phénomène de refuge, de déplacement, les impacts sur la santé mentale, et les pistes possibles d'intervention. On pourra peut-être en parler si jamais on reparle de la question de la radicalisation, mais je pense qu'il y a aussi une sensibilisation importante qui doit se faire sur l'enjeu des relations intercommunautaires et l'impact des conflits internationaux, leur impact, l'impact sur les familles que nous accueillons.

Mme Weil : ...

Le Président (M. Picard) : Excusez, Mme la ministre. Mme Hassan, votre rapport, lorsqu'il sera prêt, pourriez-vous le transmettre à la commission, pour qu'on puisse le transmettre à tous les membres de la commission?

Mme Hassan (Ghayda) : Absolument! Tout à fait.

Le Président (M. Picard) : Merci. Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Alors, vous avez parlé de la prise en compte des inquiétudes exprimées par une partie de la population à l'égard de la diversité, des préoccupations des personnes immigrantes et que ça nécessite un dialogue constructif et ouvert. Selon vous, quels sont les rôles des divers acteurs dans ce dialogue?

Mme Rousseau (Cécile) : Alors, ce qui nous paraît important, c'est de voir que, face au phénomène de mondialisation qui provoque des tensions intercommunautaires importantes au Québec mais aussi ailleurs, pour l'instant, personne n'a de solution magique, et c'est pour ça que j'insiste tellement sur une concertation intersectorielle, mais aussi de tous les secteurs de la société, hein? Nous faisons face à des défis qui n'ont pas existé dans les dernières décades. Les phénomènes de polarisation actuels sont difficiles à contrecarrer, ils sont délicats.

Maintenant, il existe, au sein de la société québécoise, de très beaux exemples de belles pratiques. Donc, je pense qu'il faut arrêter de penser que l'Europe, les États-Unis ou ailleurs ont une solution magique. Nous avons fait, nous continuons à faire une revue des meilleures pratiques ailleurs; les résultats ne sont pas convaincants. Donc, ce que ça nous invite, la société québécoise a des acquis en termes de relations intercommunautaires, il y a des choses dont nous pouvons être fiers; ça ne veut pas dire qu'il faut s'endormir sur ses lauriers. Je pense que nous pouvons regarder dans nos institutions, quelles sont nos institutions, nos villages, nos quartiers, les réseaux familiaux, quels sont les endroits où ça va bien et pourquoi ça va bien et évaluer ces interventions-là. Évidemment, il faut aussi s'inspirer de l'international et des expériences de succès à l'international, mais il ne faut pas minimiser nos acquis, il faut évaluer ça pour pouvoir le disséminer. Donc, il ne faut pas trouver les bonnes pratiques uniquement pour se dire : Finalement, nous sommes très bons. Nous sommes très bons, mais nous sommes aussi, comme le reste du monde, sur une pente glissante, en termes de relations intercommunautaires.

Donc, l'idée, c'est de trouver les bonnes pratiques pour les disséminer, dire comment est-ce que, si ça se passe bien dans tel quartier, dans telle école, dans telle école secondaire, dans tel cégep — on a des très beaux exemples — comment est-ce que ça peut se passer bien dans d'autres cégeps, dans d'autres écoles secondaires, dans d'autres milieux. Donc, cette idée d'apprendre de nos pratiques, d'aller au-delà des perceptions et de généraliser les expériences de création de microsolidarité qui vont, à ce moment-là, nous protéger contre les tempêtes médiatiques qui, forcément, traversent le monde et nous atteignent.

Mme Weil : J'aurais une question peut-être sur le rôle. On est revenus beaucoup là-dessus, je pense que... je sens une tendance forte d'un consensus sur le rôle des écoles. Je pense que vous avez évoqué un peu le rôle des écoles. De votre expérience des enfants que vous voyez, que vous traitez, les parents que vous rencontrez, premièrement, comment va l'intégration? Comment va cette — ce qu'on pourrait peut-être appeler généralement — médiation culturelle dans nos écoles? Qu'est-ce qu'on peut faire pour aller plus loin? Parce que, dans ce plan d'action... Évidemment, c'est un plan d'action, la politique et plan d'action qui va interpeller beaucoup d'acteurs gouvernementaux, mais je pense que l'école est perçue peut-être un des endroits névralgiques importants au sein du gouvernement. Le ministère de l'Immigration, évidemment, c'est sûr, mais ensuite c'est toute la société qui intègre. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette question.

Mme Rousseau (Cécile) : Bien, alors, l'école, évidemment, là, vous allez dans des choses qui me tiennent beaucoup à coeur, mais je pense que l'école est le lieu du rêve partagé entre les communautés. C'est l'endroit sur lequel... Bon, alors, on a des disputes, et on les connaît bien, sur l'école francophone, école anglophone, et tout ça, mais, au-delà de ça, donc dans cette idée de l'école comme porte d'entrée et d'appartenance à notre société, je pense qu'il y a un rêve commun. Toutes les communautés immigrantes et réfugiées veulent que leurs enfants soient à l'école et réussissent, et nous voulons la même chose.

Ce rêve partagé porte beaucoup, beaucoup de possibles. Donc, toutes nos écoles ne vont pas bien, mais je pense que c'est un lieu de vivre-ensemble potentiellement réussi qui est extrêmement important et sur lequel il faut investir. Et, là encore, il y a des connaissances qui se sont développées — je pense aux travaux de Françoise Armand — l'éveil aux langues d'origine et tous les travaux des directions des services aux communautés culturelles du MELS, je pense qu'il y a des très, très belles avancées. Il faut juste les prolonger et les pousser plus loin, de façon à ce que l'école devienne un lieu où les communautés et les familles à la fois se reconnaissent et apprennent à comprendre et à connaître, à apprécier la richesse de la société québécoise, donc vraiment un lieu de rencontre.

Et ça m'amène au débat — j'avais du mal à... qui se passait dans l'audition avant la nôtre : je pense que, quand on est porteur de plusieurs cultures... Je dis toujours aux enfants immigrants : Vous pouvez être 100 % beaucoup de choses. Donc, les enfants immigrants peuvent être 300 % quelque chose, c'est-à-dire être pleinement de la société hôte, pleinement québécois, pleinement canadiens si ça leur chante, pleinement nord-américains, mais aussi pleinement de leur culture d'origine et de d'autres, s'ils le souhaitent. Et l'école est vraiment le creuset où c'est possible, dans un endroit où les désirs de leur famille et de leur communauté coïncident avec ceux de la société hôte.

Mme Weil : C'est vraiment intéressant. Donc, les programmes ou... moi, ce que j'entends beaucoup, puis les études le montrent, que les écoles québécoises sont bien positionnées. Quand vous parlez de miser sur nos atouts, l'école québécoise réussit bien à ce chapitre. Maintenant, je vois que, dans les études, ils ne font pas vraiment de distinction entre les écoles québécoises et canadiennes, et on parle de l'approche, dans les études PISA, interculturelle. Donc, c'est la rencontre des parents et des professeurs, la rencontre de l'école et la famille.

Je vais vous amener sur l'interculturalisme et je ne sais pas si c'est un concept que vous travaillez beaucoup, mais c'est évident... Dans vos paroles, dans tout ce que vous dites, je reconnais l'interculturalisme, et on veut aussi fouiller cette question, mieux comprendre le concept, voir comment il est vécu dans le quotidien pour éventuellement renforcer ce modèle d'accueil, d'intégration. Est-ce que vous avez un point de vue sur l'interculturalisme qui est pratiqué dans nos écoles ou ailleurs?

• (15 h 20) •

Mme Xenocostas (Spyridoula) : Oui. En effet, les formations en interculturel que notre CSSS donne, en partenariat avec le domaine de la recherche, s'appuient sur une approche qui est une approche en interculturel. Ça veut dire que ce n'est pas juste d'essayer de comprendre l'autre, mais aussi de comprendre soi-même. Parce que la rencontre clinique, c'est une dynamique entre au moins deux personnes. Souvent, c'est une clinicienne, la famille, un enfant, les voisins qui sont là pour servir comme interprètes, donc c'est une approche où on prend l'espace clinique, où... dans les écoles, ce n'est pas un espace neutre, mais c'est un espace où ça se situe dans un espace social plus large, qui est marqué par les tensions dans notre société. Et ce n'est pas neutre dans le sens où, oui, le clinicien, l'enseignante, elles portent leur chapeau professionnel, puis ils ont des connaissances formelles et professionnelles, mais, en même temps, il y a des perceptions des deux côtés par rapport à l'altérité, par rapport à l'autre.

Et, dans nos formations, ce qu'on vise, c'est de répondre à la fois aux besoins crédibles, légitimes des intervenants, pour dire : Je ne sais pas, j'aimerais mieux comprendre quelque chose pour mieux intervenir, mais aussi on essaie aussi de baliser ces perceptions en donnant des données issues de la recherche, mais aussi on essaie de le recentrer quand ça arrive, des petits chocs culturels, pour lui dire : Enfin, c'est avec votre chapeau clinicien qu'il faut répondre. Puis, oui, c'est normal, des fois, qu'on peut voir des malentendus et des chocs culturels ou même... Mais il faut aussi se centrer sur ce qui est le professionnel et aussi qu'il faut que la démarche clinique est toujours balisée par les lois et les codes déontologiques professionnels.

Mme Weil : Il reste...

Le Président (M. Picard) : 45 secondes.

Mme Weil : Ah bon! D'accord. Alors, je vous remercie beaucoup, chaleureusement, d'être venues partager vos expériences. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mesdames, soyez les bienvenues. C'est très intéressant, ce que je viens d'entendre, et vous êtes les mieux placées pour nous amener un peu de lumière sur le territoire où je vous conduis.

Maintenant, dans l'interculturel, qui nous reste à définir de fond en comble — parce qu'on l'a évoqué pour signifier le Québec distinct du reste du Canada, qui, lui, a adopté, enchâssé dans sa loi suprême, en l'occurrence sa Constitution, le multiculturalisme — l'interculturel, donc — et on y revenait tantôt — nécessite une relation entre deux entités, en l'occurrence la maison d'accueil, la maison hôte, comme vous disiez, et l'immigrant qui arrive avec son bagage culturel. Ça nécessite une interaction, ce qui n'est pas le cas dans l'exemple du multiculturalisme.

Mais, quand la maison hôte a des assises fragiles au plan identitaire, c'est le cas du Québec, quand cette maison hôte n'arrive pas à s'affirmer culturellement, au bout du compte, de cette relation, je dirais, factice, considérant que nous sommes dans un environnement dominé par l'autre idéologie, quels seraient les résultats? C'est un modèle que je vous donne. Je ne vous demande même pas de vous référer à la réalité québécoise, mais, dans l'absolu, ça donne quoi?

Mme Rousseau (Cécile) : C'est une question intéressante mais délicate que vous posez. Je pense que la question de la fragilité identitaire, que vous posez, pour la majorité se pose aussi pour chacune des minorités. Et, si elle se pose historiquement pour le Québec parce que le Québec a été une minorité dans une majorité pendant longtemps, je dirais qu'en ce moment ça pourrait éventuellement être une force parce que beaucoup de majorités ailleurs — je parle aux États-Unis et en Europe — se sentent fragilisées et se sentent menacées, mais ne sont pas habituées à être en position de minoritaires, et vous voyez comment le Québec a éventuellement une longueur d'avance à ce niveau-là pour avoir été dans cette position-là pendant plusieurs siècles.

Les changements au niveau mondial, alors, je pense qu'il faut parler politiques et économiques. Les changements au niveau de la dominance mondiale, les changements vont amener des changements en termes de privilèges d'un certain nombre de nations, dont les nations qui reçoivent des immigrants, comme l'Europe et l'Amérique du Nord. Cette analyse est absolument essentielle pour comprendre la peur des majorités. Donc, avant de condamner l'émergence des mouvements néonazis en Allemagne ou les partis d'extrême droite qui fleurissent en Europe, il faut comprendre la peur, comprendre d'où vient le mouvement de repli, le mouvement défensif, et je suis totalement d'accord avec vous qu'il vient d'une position de fragilité. Et donc, dans cette position de fragilité alors que les minorités sont aussi en position de fragilité, comment peut-on construire des ponts dans un modèle...

Je trouve que le modèle interculturel est intéressant parce que, contrairement au modèle de la mosaïque canadienne ou du multiculturel — et on pense à Bissoondath — qui peut supposer une juxtaposition des peuples sans qu'il y ait nécessairement interaction, on peut rester ce qu'on est. À quel moment devient-on enfermé dans ce qu'on est? On n'est pas non plus dans un modèle républicain où l'assimilation, le rouleau compresseur de la république fait qu'on est tous des citoyens, sauf qu'on sait bien qu'on n'est pas tous égaux, hein, et que la discrimination existe, sauf qu'on ne peut même pas en parler. Or, je pense que, l'interculturel, il y a cette notion qu'à partir de positions...

Et je pense que ce que vous dites est vrai, qu'il faut tenir compte des vulnérabilités ou forces relatives des communautés et écouter les peurs qui se manifestent, et entre autres les peurs des majorités, pour être capables de se métisser. Ça ne veut pas dire devenir l'autre, mais c'est prendre conscience que ce que nous sommes se transforme de façon accélérée avec la mondialisation, avec les médias — je veux dire, on n'est pas du tout dans des cultures closes — se transforme et que ça suppose des deuils et aussi des gains. Alors, comment est-ce qu'on peut évoluer pour avoir une conversation autour de cet échange-là? J'espère que nous pourrons le faire.

Mme Hassan (Ghayda) : Je pourrais ajouter quelque chose.

M. Kotto : Je vous en prie.

Mme Hassan (Ghayda) : Bien, je vais reprendre votre exemple d'hybridisation et prendre le 100 % toutes sortes de choses. Donc, je pense qu'à travers ces multiples fragilités, si on les additionne, si on réussit... je pense qu'un des défis principaux à réussir en ce moment, en tenant compte du contexte politique national et international, c'est de réussir cette hybridisation-là pour qu'aucun des pans de l'identité ne sente qu'il y a un qui ostracise l'autre. En fait, je pense que le problème ne vient pas tant du fait que nous sommes des Québécois hybrides, et des Québécois et des Québécoises hybrides historiquement, tous ici et toutes, je pense que la problématique majeure vient du fait qu'il y a un ensemble de deuils, et de griefs, et d'expériences d'exclusion, et de menaces à l'identité, qui, au lieu de réussir cette hybridisation-là, la fragilisent. Et c'est pour ça... Je ne veux pas systématiquement vous ramener à l'idée du débat autour de la radicalisation, mais c'est pour ça qu'on voit, en ce moment, dans la société québécoise, que ce n'est pas uniquement les jeunes issus de l'immigration ou des minorités soi-disant ethniques ou religieuses qui sont à risque de la radicalisation, mais on a aussi des jeunes de la majorité qui sont à risque parce qu'ils vivent cette même crise d'hybridation identitaire. Et je pense qu'une loi autour de l'immigration, qui est une loi en réalité autour de l'interculturalité, doit à tout prix prendre cet aspect-là en considération et travailler, de manière économique, sociale, politique et judiciaire, concertée, pour réussir ce défi-là.

• (15 h 30) •

M. Kotto : Je veux revenir sur la question de l'information, et l'exemple du suicide est un très bon exemple. Nous allons nous fier à votre expertise. Alors, comment, de façon optimale, informer, dans les circonstances, sans désinformer ou sans occulter?

Mme Rousseau (Cécile) : Laissez-moi vous donner un autre exemple qui... Je pense, il faut qu'on étudie plus la question en ce moment. Ce que je vois, c'est que la façon dont l'information sur les situations de radicalisation circule, même après Charlie Hebdo, en ce moment, a un effet de contagion, et ça, ça m'inquiète beaucoup.

Une analyse des tueurs en série aux États-Unis avait montré qu'aux États-Unis ces phénomènes-là étaient très contagieux, alors qu'ils ne l'étaient pas ou très peu en Europe. Donc, on avait regardé ça de façon comparative, et ce qu'on s'était aperçu, c'est qu'aux États-Unis les tueurs en série sont présentés comme des monstres. Or, vous savez, du monstre au héros, il n'y a qu'un pas. C'est l'envers de la médaille et c'est très, très, très attirant pour des jeunes qui sont en révolte ou qui sont en détresse, alors qu'en Europe on avait tendance à présenter ces mêmes personnes comme des personnes souffrantes, des pauvres types. Il n'y a personne qui veut être un pauvre type.

Donc, ce que je veux dire, c'est que, dans les événements, il faut condamner ce qui est criminel sans concession. Ce n'est absolument pas justifiable. Mais, dans la présentation de ces choses-là, il ne faut pas créer des martyrs en polarisant les représentations. Créer des monstres, c'est créer des héros et des martyrs. Humaniser les choses, essayer de comprendre la souffrance des personnes, c'est tout d'un coup en faire des personnes avec qui on ne veut plus s'identifier parce que c'est des personnes souffrantes, et petites, et mal prises comme nous.

Donc, vous voyez comment le traitement d'une même information peut devenir soit très séduisante pour des jeunes, soit, au contraire, quelque chose qui suscite une grande ambivalence et beaucoup moins d'attrait. Donc, le traitement médiatique, tout en donnant une bonne information, doit devenir plus complexe. On ne doit pas céder à l'hyperbole et à la création de polarités encore plus grandes. C'est ce genre de choses, mais, en fait, c'est un long débat.

Le Président (M. Picard) : ...une minute.

M. Kotto : Une minute? Juste pour vous demander : Avez-vous sollicité d'être consultée dans le cadre de ce projet de politique en matière d'immigration?

Mme Rousseau (Cécile) : Oui, et j'étais d'ailleurs... On avait reçu une lettre pour... dans une semaine, en fait, le moment où on était sollicitées ne nous convenait pas, et on a fait des pieds et des mains, donc je remercie la commission d'avoir accepté qu'on change de moment.

M. Kotto : O.K. Bien, merci. Merci pour votre contribution.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, mesdames. Bien, en fait, je voudrais reprendre votre dernier propos, au niveau du fait que vous disiez qu'il ne fallait pas humaniser... bien, en fait, si on humanisait la situation de la personne qui commettait des gestes déplorables par une radicalisation ou un intégrisme, vous disiez, bien, les gens vont pouvoir se détacher, et le modèle ne se répétera pas. Donc, on ne va pas constituer les gens en héros ou, de l'autre côté, en monstre.

Mais le fait d'humaniser la situation, quelqu'un — puis je voudrais avoir votre opinion, là, sur ça — qui se retrouve dans la même situation que la situation vécue par la personne qui aurait commis des actes, tout ça, vous ne pensez pas aussi que, là, il peut y avoir un lien pour dire : Bien, écoutez, moi, je vais prendre la même direction parce qu'elle était comme moi, elle souffrait de la même exclusion ou des mêmes sévices?

Mme Rousseau (Cécile) : ...en fait, en santé mentale, c'est rarement... les gens s'identifient rarement avec des modèles souffrants, qui leur ressemblent. Ils cherchent plutôt quelque chose d'autre, et je pense que c'est ça qui est contagieux. Mais vous amenez, je pense, en filigrane, un autre point qui est important et qui est souvent présent, ces temps-ci, dans les débats, c'est-à-dire : Est-ce qu'essayer de comprendre, c'est justifier? Alors, je pense que c'est très, très important de faire la différence entre comprendre, et amener, sur la place publique, une compréhension, et justifier un acte. Bon.

Le 11 septembre ou le massacre de Charlie Hebdo sont absolument injustifiables. C'est condamnable à tous les points de vue. Attention! Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer de les comprendre. Reprenons l'exemple au Québec, ce que le FLQ avait fait était injustifiable et criminel, mais c'est important, comme société, d'essayer de le comprendre. Donc, vous voyez la distinction. Il faut amener, dans notre espace public, une compréhension, dire : D'où vient cette colère? Qu'est-ce qui fait que des jeunes peuvent être attirés par des choses aussi horribles que ce qu'on voit actuellement dans les médias? Qu'est-ce qui fait que, tout d'un coup, ils ont l'impression que leur colère n'est tellement pas entendue que ça peut prendre cette forme-là? Ou qu'est-ce qui fait que cette forme-là devient tout d'un coup séduisante?

Donc, comprendre n'est pas justifier, et ce que j'entends dans les médias ces temps-ci, c'est que, si on essaie de comprendre, ça veut dire qu'on excuse et qu'on justifie, et je pense que c'est très important de faire la distinction entre les deux. Encore une fois, c'est une discussion qu'il faut continuer parce que c'est des choses très délicates, et, comme vous voyez, la nuance, la ligne peut être mince entre comprendre et justifier.

M. Jolin-Barrette : Donc, à partir du moment où vous avez cette compréhension-là, si je vais plus loin dans la réflexion, j'imagine que vous diriez : Bien, à ce moment-là, ça nous permet d'agir en amont, et par de la prévention, et pour corriger ces comportements-là pour éviter que ça se produise.

Mme Rousseau (Cécile) : C'est exactement ça, et ça, c'est très important. Nous n'avons pas encore, mais nous souhaitons le faire au Québec, le profil des jeunes qui peuvent être attirés par une radicalisation violente. Je ne dis pas : Qui se radicalisent, mais : Qui peuvent être attirés par cette radicalisation violente. Nous nous attendons à trouver un profil un peu similaire à ce qu'ils ont trouvé très dernièrement en Angleterre, c'est-à-dire que, pour des jeunes des minorités, c'est probablement des jeunes qui vont bien, qui sont deuxième génération, qui n'ont pas de problème à l'école, qui sont bien intégrés et qui sont dans une situation socioéconomique satisfaisante, qui se radicalisent parce qu'ils ont un sentiment d'injustice. Si c'est le cas, si on essaie de dépister, on va profiler et augmenter énormément la colère parce que c'est indétectable, ce n'est pas des jeunes problématiques. Alors, vous voyez comment c'est important.

Maintenant, pour ce qui est des jeunes de la majorité qui se radicalisent, je pense qu'on a un profil complètement différent. Alors, ce que vous dites est très, très important parce qu'il faut être sûr, dans nos solutions, qu'on va améliorer les choses et ne pas les empirer, et agir en amont, ce que vous nommez, est absolument essentiel.

Regardez, pensez à ce qui s'est passé après le 11 septembre. Quand George Bush a dit que le terrorisme était un problème et un problème qui était dangereux, il avait raison. Donc, pour prendre une métaphore médicale, le diagnostic était exact. Le traitement, 15 années après, était désastreux. On est en cancer généralisé, d'accord? Donc, le traitement n'était pas bon.

Alors, on a exactement la même chose à faire au Québec. Quand on dit : Les relations intercommunautaires, ces temps-ci, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers, il faut les réexaminer, je pense que c'est vrai. Est-ce que c'est potentiellement dangereux? Oui, on risque des problèmes dans les prochaines années. Ce serait très, très peu probable qu'on n'en ait pas. Maintenant, comment agir? Bien, la première chose, de ne pas faire de tort, que ça ne s'étende pas. Et la deuxième chose, bon, évidemment, les renseignements et tout ça vont faire leur travail, mais agir en amont, je pense que c'est notre priorité numéro un, en ce moment, par rapport à ce problème-là.

M. Jolin-Barrette : Merci.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste 1 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Rapidement, vous disiez qu'on doit adapter l'appareil public à la réalité des relations interculturelles. Pouvez-vous un peu développer, rapidement?

Mme Rousseau (Cécile) : Oui, c'est... alors, en une minute, c'est extrêmement difficile, mais ce que je pense, c'est que, pour beaucoup de gens encore, dans nos services publics, que ce soit la police, les services de santé, surtout en dehors de la région montréalaise, mais même dans la région montréalaise, c'est déstabilisant de recevoir des gens qui viennent d'ailleurs et qui ont des valeurs différentes. Et ça les amène à se positionner, à se dire : Est-ce que j'ai tort ou j'ai raison? Et je pense que ces gens-là ont besoin d'être outillés pour se dire : Ils n'ont ni tort ni raison, ils ont besoin quelquefois d'agir autrement tout en gardant leurs valeurs. Et je pense que c'est des habiletés qui s'apprennent et que nos institutions... on a quand même eu un changement populationnel au Québec qui a été très rapide dans les dernières décennies. Je pense que nos institutions ont besoin de rattraper le temps perdu pour s'adapter. Ce sont de bonnes institutions, ce sont de bons professionnels. Ils n'ont pas tort ou raison, ils ont juste besoin de nouvelles habiletés.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre présentation et je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au Regroupement interculturel de Drummondville de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 40)

(Reprise à 15 h 44)

Le Président (M. Picard) : Nous poursuivons nos travaux avec le Regroupement interculturel de Drummondville. Je vous demande de vous présenter et de faire votre présentation pour une période maximale de 10 minutes.

Regroupement interculturel de Drummondville (RID)

M. Poirier (Daniel) : Merci, M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs. Je suis Daniel Poirier, président du conseil d'administration du Regroupement interculturel de Drummondville, qu'on appelle plus familièrement chez nous le RID, et c'est un organisme qui a plus de 20 ans d'existence et qui a comme mandat d'accueillir les immigrants dans notre communauté.

Quand on parle d'immigrants, il y a d'abord les immigrants économiques, là, qui arrivent avec, souvent, des qualifications importantes. Ils sont à peu près une centaine par année actuellement qui arrivent, et le taux de placement de ces gens-là est assez important, là. On a 80 %, actuellement, là, des immigrants qui arrivent et qui sont en emploi assez rapidement, et une vingtaine de pour cent d'autres, là, qui sont en formation avant d'accéder à un emploi.

On reçoit aussi, selon un quota, les réfugiés qui sont pris en charge par l'État, qui arrivent, là, à certains moments, là, lors des crises internationales. Et, dans ces personnes-là, il y en a une centaine, habituellement, qu'on reçoit par année, et 50 % trouvent un emploi et un autre 50 % est en formation, arrivant peut-être avec moins de bagages que les immigrants, là, qui arrivent, là, pour le marché de l'emploi directement. Ce groupe-là, les réfugiés, arrive aussi souvent avec des familles nombreuses, qui ont des problèmes importants au niveau de la santé, de l'éducation, etc., et qui ont vécu, là, souvent des traumatismes importants dans leur pays d'origine.

Le RID, là, comme tel mise aussi beaucoup sur la régionalisation de l'immigration, parce que le Centre-du-Québec est un endroit qui a développé ce volet-là particulièrement parce que c'est un endroit où il y a beaucoup d'industries ou d'établissements qui cherchent des gens pour remplir les postes. Et, dans les années qui viennent, leur nombre est assez important pour avoir besoin, là, de faire du recrutement constamment. Donc, c'est une région économique qui est en croissance, la région Centre-du-Québec. Et nous sommes aussi membres du TCRI, là, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, que vous connaissez sans doute aussi. Nous faisons aussi partie... Nous sommes un des partenaires importants, donc, du ministère pour lequel nous sommes redevables aussi, là, des activités que nous faisons.

Je peux, d'entrée de jeu, dire que nous appuyons et souscrivons assez bien et très fortement aussi aux enjeux énoncés dans la politique qui est présentée actuellement, là, pour étude. Et je laisserais mon directeur général, M. Barnabo, continuer la présentation.

Le Président (M. Picard) : M. Barnabo.

M. Barnabo (Darryl) : Merci bien. Darryl Barnabo, je suis le directeur général du Regroupement interculturel de Drummondville et également coprésident de la table, la TCRI, qui vient ici le 2. Je ne serai donc pas avec mes collègues le 2, étant donné que je viens représenter le Centre-du-Québec, Drummondville.

Nous amenons une particularité, celle des régions en fait, et, au Centre-du-Québec, nous accueillons certes avec beaucoup d'enthousiasme cette nouvelle politique québécoise en matière d'immigration pour des raisons suivantes. La relation entre les Québécois et les immigrants, nous pensons qu'elle doit être développée sous plusieurs angles, Donc, on parle de la participation citoyenne, de la participation collective au développement économique du Québec et de ses régions.

Pour nous, je vous dirai qu'au-delà du nombre d'immigrants accueillis par année, du mode de sélection, les pays privilégiés et autres critères qui sont mis en place, qui demandent effectivement de s'y pencher, nous nous sommes principalement intéressés à la mise en oeuvre des initiatives et stratégies collectives qui se définissent par la création de synergie entre une pluralité d'acteurs tels que le secteur commercial privé, l'éducation, la commission scolaire, le communautaire, le développement économique, donc notre société de développement économique chez nous, et Emploi-Québec. Par nos démarches inclusives, notre initiative est devenue une plateforme de partenariat fort improbable au départ. Ce n'est certes pas une stratégie de peuplement qui doit être privilégiée, mais plutôt des efforts pour l'intégration des immigrants en emploi et le partage de valeurs, la mise en commun et l'engagement collectif et individuel pour un Québec florissant.

En mettant l'accent sur l'économie, la cible est parfaite, mais nous pensons qu'elle doit être une finalité en soi, c'est-à-dire le Québec a besoin de main-d'oeuvre pour nos entreprises, pour que nos entreprises produisent et génèrent plusieurs richesses. Donc, les personnes choisies doivent soit posséder des compétences ou être en mesure de les acquérir afin de les mettre à contribution. C'est de cette manière que nous construirons un Québec inclusif, où tout le monde est appelé à participer à l'essor économique. C'est de cette manière que nous souhaitons ou que nous avons... où nous réussissons d'ailleurs à prévenir les débordements qui sont dus à l'exclusion ou encore à certaines formes de radicalisation.

Nous souhaitons vous interpeller sur les nombreuses personnes immigrantes déjà sur le territoire, qui possèdent des compétences et dont le fort taux de chômage frappe tout le monde, je pense. Nous pourrions développer et inciter les nouveaux à prendre le train en marche une fois que ces personnes-là sont aussi... on les aide aussi à trouver un emploi convenable.

• (15 h 50) •

Puisque chaque région a sa particularité, voilà comment nous recommandons d'aller plus loin avec nous. Deux points. Au Centre-du-Québec, nous misons particulièrement sur un programme de diversité axé sur les jeunes. J'entendais les questions tantôt qui étaient soulevées. Nous avons mis en place une campagne de sensibilisation à la diversité dans l'ensemble des écoles à Drummondville. Et je pourrais transmettre, s'il faut d'ailleurs, les résultats de cette campagne-là. Toutes les écoles souscrivent à cette campagne. Cette campagne nous a permis de rejoindre non seulement l'ensemble des écoles, de sensibiliser les jeunes à la différence et d'amener les jeunes à différentes activités avec, donc, des immigrants qui arrivent, donc chaque année, autour d'activités, que ce soient sportives ou culturelles.

Autre chose, le deuxième point, nous parlions tantôt de diverses synergies, nous avons mis en place une structure, et cette structure-là, on ne parle que de ça, au Centre-du-Québec, à Drummondville, notre coopérative de développement, donc, de solidarité Goûts du monde. Cette coopérative nous a permis, donc, de favoriser l'intégration des personnes immigrantes du Centre-du-Québec, particulièrement les femmes et les jeunes, en les faisant participer à l'économie locale et en les initiant à la rencontre des communautés immigrantes et de souche via un vecteur commercial et économique. Avec une formation complémentaire et une diplomation semi-spécialisée, c'est 40 personnes qui, après 20 semaines, donc, de formation, sont intégrées au marché du travail. Donc, on parle de deux cohortes par année. Finalement, c'est un pont que nous avons réussi à établir entre la communauté immigrante et la communauté d'accueil afin de mettre fin à l'isolement et à l'exclusion sociale par cette vitrine commerciale.

Alors, je me suis permis, pour terminer notre bref exposé, de vous citer une lettre qui nous a été adressée par la Chambre de commerce et d'industrie de Drummondville, qui nous disait : «Lors de la réunion du 18 décembre dernier, les administrateurs de la chambre de commerce ont appuyé, par résolution, votre stratégie qui s'inscrit dans une démarche d'inclusion, d'une pluralité de partenaires des milieux industriel, commercial, communautaire et social et confère aussi à l'économie sociale un rôle de développement économique et commercial important dans la dynamisation du centre-ville de Drummondville.» Finalement, il souligne l'ouverture et la vitrine que Drummondville entend offrir aux nouveaux arrivants.

Donc, ceci pour vous dire que ces initiatives-là... nous prenons, en fait, ces initiatives pour permettre la synergie qui peut se développer autour, donc, des nouveaux arrivants qui pourraient arriver à Drummondville par le biais, donc, de la régionalisation et par le biais, donc, du programme Réussir l'intégration, qui nous permet d'accueillir, donc, nos réfugiés également. Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Barnabo. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Oui. Merci beaucoup, monsieur, de votre présentation et de votre participation. Nous étions ensemble, M. Barnabo, à Drummondville pour une table ronde, et il y avait des... Je ne sais pas si vous... sûrement que vous vous rappelez, parce que vous connaissez bien le milieu. J'aimerais que vous nous transportiez un peu dans votre milieu, parce que, pour moi, c'est intéressant, chaque milieu est un peu différent. Mais on a eu une longue discussion sur les entreprises et... les entreprises accueillantes ou les entreprises frileuses par rapport à la diversité, parfois des expériences difficiles par rapport à la diversité, donc qui ne voulaient pas reprendre l'expérience.

Et, dans les notes que j'ai de cette rencontre, on disait : Ce n'est pas nécessairement du racisme, c'est plutôt des mauvaises expériences. Et on avait parlé de l'importance de mieux préparer les milieux. Vous vous rappelez de ça? Vous avez une expérience dans la région. Mais, par ailleurs, ce que j'ai remarqué, évidemment, c'est une région où... de plus en plus de diversité, et il y a beaucoup de partenaires qui veulent mobiliser la région pour que la région accueille plus d'immigration et puisse réussir l'immigration.

Mais, sur cette question plus précise d'intégration d'emploi, les entreprises, comment les accompagner dans la gestion de la diversité, hein — c'est ce qu'on appelle la gestion de la diversité — pourriez-vous peut-être partager votre expérience en la matière?

M. Barnabo (Darryl) : Certainement. Je suis très heureux, d'ailleurs, qu'on en parle parce que, d'entrée de jeu, nous parlions du Centre-du-Québec et Drummondville comme un développement économique important, et j'oserais même dire — je prêche pour ma paroisse — supérieur, même, à certaines régions, je dirais. Et les entreprises ont fait ce... on a fait ce constat. Les entreprises ont parlé de ces points-là parce qu'il y a un besoin en termes de main-d'oeuvre, dans un premier temps. Et, dans cette région, pour attirer les travailleurs, ce n'est pas si facile. On parle de travailleurs autant des Québécois ou autres. L'important, c'est la compétence. Les employeurs sont définitivement ouverts à avoir des personnes... et je dirais, dans ce cas-ci, des personnes immigrantes chez elles. Maintenant, c'est l'accompagnement qui fait défaut.

Alors, pour nous, dans le cadre de notre régionalisation, nous avons d'excellents chiffres, nous avons d'excellents taux de placement, où les immigrants qui arrivent, travailleurs qualifiés, de hauts diplômes, très qualifiés, diplômés, se trouvent un emploi. Mais, vous le mentionnez, oui, des fois, il y a des échecs, des échecs où les employeurs, souvent, sont frileux, par... il y a des expériences qui, malheureusement, ont amené certains freins.

Notre expérience a été laquelle? L'accompagnement, oui, il faut le mener. Donc, quand on parle de gestion de la diversité, nous l'avons plutôt nommée, nous autres, gestion de la diversité en entreprise. C'est accompagner ces entreprises-là avant même que les personnes immigrantes soient en emploi. Et quand... vous me permettrez le parallèle, je parlais tantôt de notre initiative de la coopérative, c'est aussi de travailler avec les immigrants, dans un premier temps. On ne parle pas uniquement des normes du travail, on parle aussi des habitudes. Donc, on parle d'une hiérarchie, on parle de... on peut avoir une femme comme employeur. Donc, c'est tous ces concepts-là que nous travaillons avec les immigrants avant qu'ils intègrent, donc, l'entreprise.

Avec l'entreprise, nous les accompagnons donc lors de, comment dirais-je, de... même la description d'emploi, la sélection des personnes. Nous accompagnons les personnes en entrevue, nous préparons les gestionnaires, des responsables des ressources humaines, nous préparons également les employés qui sont déjà en poste, permettant justement que les nouvelles personnes qui arrivent puissent s'intégrer plus facilement.

Par la suite, ce qui nous a surpris cette année, c'est que les employeurs nous demandent d'organiser avec eux des activités interculturelles qui leur permettraient de mieux socialiser. Au Québec, nous avons des clubs sociaux, dans tous lesquels les employés, souvent, font des activités. Mais ce qu'ils remarquent, c'est que les personnes immigrantes ne participent pas aussi facilement. Donc, cet accompagnement-là nous permet d'accroître le taux de succès finalement des personnes immigrantes en emploi. Et je vous dirais : Dans tous les secteurs que nous avons actuellement au Centre-du-Québec, à Drummondville, c'est un besoin que nous avons, c'est une demande qui nous est faite, un accompagnement en gestion de la diversité en entreprise qui s'adresse tant à l'employeur qu'aux employés.

Mme Weil : J'aimerais revenir, parce que c'est très intéressant ce que vous dites... Je vous dirais que, ce constat-là, on le voit beaucoup dans la littérature de gestion de diversité, beaucoup de la littérature qui émane beaucoup, je vous dirais, du Conference Board, bon, tous ceux partout au Canada qui explorent ces questions-là, mais c'est sorti très fort dans votre région. Et, oui, le constat a été : ce n'est pas juste l'entreprise ou l'employeur qui a besoin, ce n'est pas juste le nouvel arrivant ou l'immigrant, c'est le milieu de travail, c'est les collègues et tout ça.

Donc, ce que vous nous dites, c'est que vous, vous agissez vraiment sur les trois acteurs, si on veut, les trois... donc, l'employé pour l'accompagner pour trouver l'emploi, l'employeur évidemment pour qu'il puisse reconnaître les compétences et accueillir la personne, mais le milieu de travail aussi.

M. Barnabo (Darryl) : Tout à fait, et j'irais même plus loin. C'est que, pendant que nous travaillons avec messieurs dames en emploi, la campagne de la diversité dans les écoles fait son travail aussi.

Les questions que nous avons eues, si vous me permettez le parallèle, avec les jeunes, c'est : Ah! bien, au primaire, ce que je sais des personnes immigrantes, ce sont — permettez l'expression, je ne fais que la rapporter — des voleurs de job, mon père m'a dit de ne pas m'impliquer dans telle activité parce qu'il y avait un Noir ou... Ça vient de là. Mais, quand on travaille avec les jeunes qui ramènent ça à la maison, que, d'autre part, on travaille avec monsieur ou madame en emploi, à la maison, ça se parle.

Donc, je ne vous dis pas... je serais peut-être prétentieux de vous dire qu'on a trouvé le modèle parfait, mais, jusqu'à présent, nous arrivons à cibler chacun des secteurs pour s'assurer justement qu'à la maison, bien, il y ait une discussion qui soit faite. Ce ne sont peut-être pas des voleurs de job comme tu le disais, papa, parce que j'ai un collègue qui vient de la Russie, qui vient de l'Afrique, qui vient de la Syrie, qui a vécu telle chose et a telle compétence, et on fait un devoir, et, ensemble, nous avons réussi à concrétiser ceci. Ou quelqu'un en emploi qui peut très bien parler de son homologue qui vient du Maroc ou d'un autre pays avec lequel... je découvre ses compétences, ça va très bien. Ah! bien, tiens, on l'invite à souper chez nous. Donc, bref, je vais un peu loin, mais, pour nous, c'est amener ces milieux-là à se développer pour faciliter, justement, l'intégration des nouveaux arrivants en tant que telle.

Mme Weil : Donc, en fait, c'est la méconnaissance de l'autre, parce que le constat, c'est... comme je vous ai dit, les gens hésitaient à dire que c'est du racisme, mais c'était plus une méconnaissance, mais... et qu'on pouvait y remédier en organisant la rencontre des uns et des autres et l'éducation. Donc, vous, vous agissez beaucoup dans les milieux scolaires. On a beaucoup parlé des milieux scolaires aujourd'hui.

On a parlé de campagnes aussi, de campagnes de sensibilisation. La Commission des droits de la personne dit que ce serait important d'avoir des programmes d'éducation, des campagnes, plusieurs l'ont répété, pour agir de façon... plus largement et vraiment toucher le coeur, le cerveau des gens. Qu'en pensez-vous, des campagnes d'éducation?

• (16 heures) •

M. Barnabo (Darryl) : Je vous dirais que je suis totalement pour ce que j'appellerais, oui, une campagne... j'appellerais, moi, une campagne plutôt de sensibilisation ou d'éducation auprès de la jeunesse.

Ce matin, j'étais encore avec un de nos administrateurs avec ce document que nous appelons Slash Diversité. Au-delà des ateliers de présentation qui sont faites avec les jeunes, des activités qui sont organisées, la Fête de la diversité, où on organise... Cette année, on organise un «flash mob», par exemple, où l'ensemble des écoles de Drummondville qui ont suivi la campagne, donc, s'improvise, donc, dans le parc, donc, lors de la Fête de la diversité. J'oserais dire que nous mettons en place un Facebook de la diversité, si vous voulez. Donc, c'est une plateforme — je ne l'appelle pas un site Web — c'est une plateforme où nous avons, autant les parents, la zone pour les professeurs, le jeune qui se retrouve et nos différents ICSI, donc les intervenants scolaires, où ils retrouvent un ensemble de concepts. Les profs, par exemple, retrouvent des ateliers, retrouvent un vidéo ou des collègues, comment ils ont mené des difficultés qu'ils ont eues, comment ils ont réussi à les résoudre. Les jeunes s'identifient à travers une implication sociale qu'ils ont faite avec d'autres personnes immigrantes ou québécoises et deviennent l'ado du mois, par exemple. Donc, et on permet aussi aux jeunes de s'exprimer. Donc, ils vivent un isolement, ils vivent une frustration par rapport à telle activité ou tout...

Donc, nous avons mis ça en place pour s'assurer que ce ne soit pas juste des ateliers, dans un sens, que c'est livré et qu'il y ait une continuité qui se fasse. Je vous parlais tantôt, quand on parle d'éducation, des jeunes qui reçoivent cet atelier-là retournent à la maison et sont capables de faire un lien aussi avec leurs parents. J'ai eu cet atelier-là, cette information-là, voilà comment ça se traduit finalement sur un site. Les jeunes, ils sont où aujourd'hui, au primaire, au secondaire? Bien, ils sont sur les iPhone, et tout ça. Alors, ce que nous avons voulu, c'est de transmettre... de transférer plutôt cela sur une plateforme où ces jeunes se retrouvent.

Donc, pour nous, il est définitivement... il est pertinent, en fait, de maintenir des campagnes d'éducation. La commission scolaire chez nous nous a donné ce mandat-là, de couvrir l'ensemble des écoles et de s'assurer effectivement qu'il y ait des résultats quantifiables par rapport à ça.

Mme Weil : Merci beaucoup, M. Barnabo. Est-ce qu'il reste...

Le Président (M. Picard) : ...

Mme Weil : Je cède la parole à mon collègue de Sherbrooke.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Sherbrooke.

M. Fortin (Sherbrooke) : Bonjour à vous. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Comme vous venez aussi, comme moi, des régions du Québec, je vais en profiter pour vous poser quelques questions. Évidemment, je suis bien intéressé par tous les sujets d'attraction, rétention, intégration de nos immigrants en région, et ça m'a fait sourire parce que, dans votre intervention, vous avez un peu abordé le paradoxe que j'ai soulevé ce matin avec un groupe de Sherbrooke, et vous l'avez dit vous-même : Les employeurs sont très ouverts à avoir une main-d'oeuvre immigrante, mais, en même temps, vous avez dit un petit peu plus loin, dans votre intervention, qu'ils étaient frileux à le faire. Alors, on dirait que, quand on a des besoins en main-d'oeuvre ou qu'on anticipe une pénurie de main-d'oeuvre, on est très ouverts à ça, mais, quand se présente vraiment l'opportunité de le faire, là, peut-être qu'il y a eu des expériences, vous parliez d'expériences des fois malheureuses qui se sont produites, et là on est un petit peu plus réticents à embaucher une main-d'oeuvre immigrante. Je voulais voir un petit peu avec vous si vous aviez des explications à ça.

Et vous avez parlé beaucoup de la gestion de la diversité en entreprise, d'intervenir autant au niveau de l'employeur que de l'employé, et, concrètement, comme mesure gouvernementale... parce que c'est ça, le but de l'exercice qu'on fait ici, c'est d'établir une politique, hein, qui va faire en sorte que, chez vous, vous puissiez avoir une meilleure intégration en emploi, comme chez nous, à Sherbrooke. Alors, si je vous demandais, vous, là, comme mesure concrète de la part du gouvernement, qu'est-ce que vous souhaitez voir dans cette nouvelle politique là qui va vous permettre une meilleure intégration en emploi au Centre-du-Québec...

M. Barnabo (Darryl) : Les initiatives dont nous vous faisons part depuis tantôt, la campagne de la diversité auprès des jeunes, auprès des entreprises, si on reste dans ce cas-là, sont une initiative du regroupement en tant que tel. Nous, nous avons la régionalisation, donc, qui, pour nous, est d'aller chercher, donc, des travailleurs qualifiés à Montréal, amenez-les en région. C'est le mandat en tant que tel. La difficulté que nous avons concrètement, c'est celle dont nous parlons. Nous les amenons, mais nous avons des difficultés à ce que les personnes rentrent en entreprise. C'est de là que nous avons mis en place cette initiative-là. Ça veut dire qu'il y a quelqu'un qui a besoin d'être accompagné. Au-delà de l'immigrant, l'employeur a besoin d'être accompagné. Oui, l'employeur est frileux, mais l'employeur, une fois accompagné, ne l'est plus.

Je vous dirais que ça fait déjà trois ans que le vent a tourné. Ce sont les employeurs qui nous appellent, en fait. Ils nous appellent et nous demandent : Nous avons deux, trois, quatre, cinq postes à combler, pouvez-vous nous accompagner dans les démarches? Lesquelles? C'est de préparer le milieu dans un premier temps. Ce n'est pas tout de suite d'aller chercher les candidats, c'est de préparer le milieu dans un premier temps et, une fois le candidat arrivé, s'assurer qu'avant que le candidat arrive... l'avoir préparé et s'assurer qu'il s'intègre le plus possible.

La question de la compétence n'est pas à remettre en question. Quand ils parlent leur jargon, si vous me permettez l'expression, on ne les comprend pas, mais ils se comprennent. Mais, au niveau de l'attitude, et autre, ça, c'est de notre ressort. Mais, jusqu'à présent, ça a été une initiative que nous avons mise en place. Alors, qu'est-ce que ça nous prendrait dans cette politique-là? C'est qu'il soit défini, qu'il soit mis en place, qu'il y ait une mesure, justement, qui permette que nous puissions accompagner adéquatement les entreprises. Nous avons mis en place, de par nos propres initiatives, des outils, pouvons-nous avoir l'opportunité, bien, de décupler cela, si on veut?

Donc, une mesure serait de permettre effectivement que cette campagne-là soit dans une région comme la nôtre, où on parle d'un grand parc industriel en besoin, bien qu'on puisse rencontrer les employeurs et les accompagner tout de suite dans ce sens-là. Le besoin est différent d'une région à une autre, mais il faut mettre l'emphase sur l'employeur, il faut mettre l'emphase sur le milieu. Une fois l'immigrant arrivé, il y a une préparation à faire, mais l'emphase doit définitivement être mise... si on veut s'assurer que nous puissions accompagner ces personnes-là.

Et je terminerais en vous disant, encore une fois : La coopérative, pourquoi prendre 40 personnes par année et travailler avec eux autres pendant 20 semaines avant de les intégrer en emploi? Nous avons des employeurs, nous avons les commerces IGA, Olymel et plusieurs entreprises qu'Emploi-Québec cible qui sont déjà attachés au bout de ce projet-là, qui disent : Puisque vous les préparez, puisque vous leur donnez cette formation-là et qu'il y a une diplomation... Pour eux, c'est un gage, finalement, qu'il y a moins de risques, finalement, qu'il y ait un échec au bout. Alors, si cela n'est pas fait, ils vont définitivement y avoir un taux d'échec plus élevé. Dans la mesure, c'est ce que nous souhaiterions.

M. Poirier (Daniel) : Moi, j'ajouterais peut-être, comme président du conseil d'administration, que c'est un peu frustrant de voir qu'on doit, à l'occasion, arrêter des projets du type qu'on vient de décrire parce que, finalement, le financement n'existe plus. Dans ce sens-là, je pense qu'il y aurait intérêt et avantage que le MIDI soit ouvert aux initiatives qui sont prises puis que ça soit supporté. Parce que, localement, il y a beaucoup de choses qui sont faites, sauf qu'à un moment donné ça prend de l'eau au moulin, puis les gens ne travaillent pas pour rien. Ce n'est pas des bénévoles, chez nous, là, loin de là. Ça fait que ça prend des experts puis une continuité aussi à travers ces démarches-là. Dans ce sens-là, quand je vois partir quelqu'un parce que le budget est terminé ou que le programme n'est pas reconduit et qu'on doit reprendre avec une autre personne quelques mois plus tard parce que, là, on redémarre quelque chose d'autre, comme administrateur d'un centre comme le nôtre, ça peut être difficile, là, de toujours être à point, là, comme tel. Mais je pense que, quand je parlais de support et d'innovations, je pense que c'est ça, il y a des organismes qui développent des choses intéressantes et pertinentes qui devraient amener le ministère à appuyer, là, fortement, là, ces démarches-là qui sont intégrantes et dynamiques comme telles.

Le Président (M. Picard) : Une minute.

M. Fortin (Sherbrooke) : Une minute? Alors, si je comprends bien, messieurs, vous, vous êtes un petit peu dans la même dynamique qu'on a en Estrie, donc vous souhaitez davantage des mesures orientées vers la rétention que l'attraction. Je vous comprends bien?

M. Barnabo (Darryl) : Tout à fait.

M. Fortin (Sherbrooke) : Et dans quelle mesure... Est-ce que vous êtes capable de nous donner rapidement des mesures pour un petit peu chiffrer, justement, cette problématique-là que vous vivez? Est-ce que vous êtes capable de nous donner des chiffres sur le taux de rétention que vous avez, dans votre région, des nouveaux arrivants?

M. Barnabo (Darryl) : Alors, aussi étonnant que cela paraisse, on a quand même... prenons le cas des travailleurs qualifiés dans la régionalisation, on parle quand même de 90 % de... — comment dire? — de rétention au Centre-du-Québec.

Une voix : ...

M. Barnabo (Darryl) : Oui, définitivement. Ce qui est très bon par rapport... Et ça, c'est dû, justement, à ces initiatives-là qui ont mises en place. Je vous le disais, ce sont les employeurs qui nous appellent, maintenant. Mais, en parlant de mesures, qu'est-ce que ça prend? Bien, c'est de pérenniser ce genre d'initiatives, oui, de s'assurer que ces personnes-là restent dans ces entreprises et que le milieu soit favorable aux nouvelles personnes qui vont y adhérer.

M. Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, messieurs... plaisir.

Le Président (M. Picard) : Merci. M. le député de Bourget, pour 10 min 30 s.

• (16 h 10) •

M. Kotto : Merci, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus, et merci pour votre contribution. Je rebondis sur les programmes qui arrivent à échéance et qui sont abandonnés en cours de chemin. Quand vous les initiez, ces projets-là, vous aviez dit tout à l'heure que le ministère était un partenaire. Avant la fin de l'échéance, est-ce que le ministère vous interpelle ou alors est-ce que vous, de votre côté, vous faites des représentations auprès du ministère à l'effet qu'il est impératif, parce que pertinent, de continuer un tel programme?

M. Barnabo (Darryl) : Alors, pour le cas, bien, qui nous occupe — on parle de régionalisation — actuellement, oui. Je vous dirais qu'en tant que partenaires il y a ces échanges-là qui sont mis en place. Bon, le hasard fait que je suis aussi le coprésident de la TCRI, donc il y a effectivement différentes discussions qui sont faites là qui permettent effectivement de ramener ces discussions à la table sur un programme qui se termine.

Maintenant, voyez-vous, récemment, le constat que nous faisons, c'est qu'il fallait revoir aussi la régionalisation, c'est-à-dire à quoi est-ce que nous voulons tendre. Le programme était défini. Nous avons mis en place des mesures, des initiatives que nous décrivions tantôt. Est-ce que ces initiatives-là devraient être comprises dans l'ensemble du programme? C'est à ça que nous tendons, là, dans nos discussions pour s'assurer, effectivement, qu'il y ait une pérennité qui soit faite, mais aussi une prise en compte du besoin des régions. Le programme ne peut pas répondre à l'ensemble des régions compte tenu de la particularité de chacun, en fait, donc...

Mais, pour répondre à la question, oui, ce sont des discussions qui sont mises à l'avant-plan avec le ministère fréquemment, je vous dirais, pour s'assurer que, un, le programme réponde effectivement aux besoins et qu'il y ait une reconduction qui nous permette d'aller plus loin dans ce sens-là.

M. Kotto : Est-ce que vous pouvez spécifier quel est votre interlocuteur immédiat au niveau du ministère? Est-ce que c'est une antenne locale, régionale ou Québec directement?

M. Barnabo (Darryl) : Actuellement, c'est une direction régionale que nous avons.

M. Kotto : Direction régionale. Est-ce qu'à votre connaissance cette direction régionale est appelée à disparaître?

M. Barnabo (Darryl) : Actuellement, oui. Notre direction régionale, bien, au 31 mars, ne sera plus en fonction.

M. Kotto : C'est quoi, les impacts?

M. Barnabo (Darryl) : Chez nous, je vous dirais que la discussion se fait actuellement avec le ministère, justement, pour définir, au 31 mars, quels seraient nos interlocuteurs. Nous sommes, jusqu'au 30 juin, en fait, reconduits, donc, dans le programme tel quel. Et la discussion qui s'instaure actuellement, c'est celle que je viens, donc, de mentionner pour savoir : Est-ce que le programme correspond, dans un premier temps? Est-ce que ces initiatives-là peuvent être incluses pour s'assurer qu'il y ait une pérennité dans le programme et, pour une région comme la nôtre, dans le fond, s'assurer qu'on réponde, oui, à ces entreprises-là?

Donc, jusqu'au 30 juin, c'est ce que nous avons comme confirmation, et nous continuons la démarche avec le ministère pour s'assurer qu'il y ait une suite à partir du 1er juillet.

M. Kotto : D'accord. Je vais vous poser une question en tant que spécialiste de terrain. Et ça, c'est dans la perspective du prochain exercice, mais, comme vous êtes là, je profite de votre présence. Est-ce qu'on doit d'abord se préoccuper d'accueillir de nouveaux arrivants, au Québec, plutôt que ceux qui sont déjà ici, de votre perspective des choses, au regard du taux de chômage qui affecte une portion importante des Québécois d'adoption?

M. Barnabo (Darryl) : Je le mentionnais tantôt, nous sommes fort préoccupés par, oui, le taux de chômage de ceux qui sont déjà là. Et ce que je mentionnais dans la présentation, c'est qu'il faut effectivement mettre en place des mesures pour que ces personnes-là soient des gens en emploi, pour que les autres prennent le train, en fait. Pour nous, dans le fond, si on prend le cas du Centre-du-Québec, Drummondville, au niveau de la régionalisation, nous avons un mandat spécifique. Donc, quand on parle de travailleur qualifié, on parle des postes spécialisés, et autres. C'est un besoin qui est énorme. Donc, lorsque nous faisons nos démarches, que ce soit à Montréal, pour les amener, une demande spécifique est faite. Donc, à ce point de vue là, le taux de chômage de ces personnes-là est beaucoup moindre chez nous.

Maintenant, si on prend le conjoint, la conjointe, les personnes réfugiées, par exemple, qui arrivent, oui, de cette catégorie-là, on a un taux, comme on dirait, de chômage plus élevé. C'est avec ces personnes-là qu'il faut travailler. C'est encore là la raison pour laquelle nous avons mis une autre initiative. C'est de dire : Créons une structure, demandons au milieu qu'est-ce qu'ils ont besoin, créons une structure puis formons-les, donnons-leur le savoir-être et ce savoir-faire-là qui pourrait répondre à la question.

Donc, pour nous, nous sommes déjà dans une démarche de s'assurer qu'il y ait une activité, de quoi qui soit fait pour les personnes qui attendent un emploi de manière à ce que, les prochaines années... la prochaine année, soyons dans le moyen terme, les personnes qui viennent, bien, suivent, prennent ce train-là, comme je me répète, enfin, à le dire.

Donc, la coopérative, 20 semaines, 40 personnes, une cohorte, des entreprises déjà attachées, les prochaines qui vont arriver, si les conjoints ou conjointes ne trouvent pas d'emploi, pourraient passer par là justement pour effectivement trouver un emploi aussi. Mais, pour revenir à la question, c'est un point qui nous interpelle parce qu'aujourd'hui on parle d'exclusion, on va jusqu'à parler de radicalisation. Pour nous, c'est de mettre les gens en... comment je vais... en action, voilà. Et ça, ça évite justement de mettre en place des mesures pour rattraper du monde parce qu'ils ne l'étaient pas. Donc, c'est des choses, pour nous, qui doivent être faites de pair, en ce qui nous concerne, dans notre région chez nous, parce qu'il y a des initiatives qui sont déjà mises en place dans ce sens-là.

M. Kotto : O.K. Et, de votre perspective, des choses... On parlait des employeurs frileux, tantôt, et ceux qui sont ouverts. Ceux qui sont ouverts, ils sont ouverts à quel profil de Québécois d'adoption, pour ne pas dire immigrants?

M. Barnabo (Darryl) : Alors, l'ouverture...

M. Kotto : Et je vous poserai la question dans l'autre sens. Ceux qui sont frileux, ils le sont par rapport à quel profil d'immigrants?

M. Barnabo (Darryl) : Alors, je vous dirais, la réponse aurait été différente il y a deux ans. Actuellement, le frileux, en fait, s'applique à tout employeur lorsqu'on parle d'immigrants tout court. Je m'explique. Est-ce qu'il parle français? Est-ce qu'il possède réellement les compétences? Est-ce qu'il connaît... Est-ce qu'on va devoir faire des accommodements raisonnables, ou religieux, ou... Donc, ce sont ce genre de questions là qui se posent tout de suite. Donc, on parle, encore là, de méconnaissance.

Alors, pour nous, c'est amener les gens, comme j'appelais tantôt, les accompagner à comprendre, oui, l'immigration. Pourquoi l'immigration? La question de la compétence n'est pas nécessairement, je le disais tantôt, mise en questions, remise en question ou mise en cause, parce qu'une fois qu'ils ont l'immigrant en face d'eux après les étapes que nous aurons faites, si c'est un ingénieur, si c'est... Bien, il parle un jargon que moi, je ne comprends pas, et après, bien, nous rentrons, donc, aussi... nous sommes à contribution. Alors, le frileux vient de la méconnaissance. C'est pour ça, une campagne de sensibilisation à la diversité, même au niveau des entreprises qui, elles, se demandent aussi pourquoi l'immigration, pourquoi l'immigration vient répondre à un besoin de main-d'oeuvre.

Pour ce qui est de la région, pourquoi ne sommes-nous pas capables de trouver des personnes... des personnes... — comment dirais-je? — bien, québécoises ou autres, bref, qui peuvent remplir ce poste-là chez nous? C'est comme toutes les régions qui sont soit en rareté de main-d'oeuvre, ou qui n'ont pas de personnes spécialisées, ou... voilà, où il y a des exodes vers des grands centres en tant que tels. Par contre, les personnes immigrantes qui arrivent dans un petit milieu, ce qui ressemble, pour la plupart, à des petits milieux dans lesquels ils vivaient, se retrouvent bien plus à l'aise dans ces contextes-là. Ça, c'est le côté immigrant.

Mais, pour revenir au niveau de l'employeur, c'est définitivement une question de : Si nous faisions la démarche, aurions-nous quelqu'un, c'est drôle à dire, qui nous prendrait par la main, qui nous amènerait à comprendre le phénomène et à mieux intégrer ces personnes immigrantes là? Parce qu'après on a un réseau des RH chez nous, ils se parlent. Il y a une intégration réussie avec une entreprise X ou Y, ils se parlent. Alors, pourquoi ça réussit avec l'une et pourquoi pas avec un autre? Qu'est-ce qui est un frein chez nous? C'est pour ça que la question que vous posiez tantôt, Mme Weil, je l'ai prise en note tantôt : Quel est le rôle des différents milieux? Chez nous, on attend que... bon, nous sommes très entreprenants chez nous, je dois dire, on attend que nous prenions un certain leadership. Nous avons réussi à travailler certains projets, à ramener autant, je le disais tantôt, l'industriel, le commercial, la SDED, Emploi-Québec, le... bref.

• (16 h 20) •

Alors, on attend qu'on prenne le «lead» et qu'on accompagne ces entreprises-là dans chacune de ces démarches-là. Le Mondial des cultures a permis quand même à ce qu'il y ait une ouverture certaine au niveau de la population en général. La Fête de la diversité que nous organisons, la même chose. Nous sommes passés d'une première... Je vais long pour ramener à votre question, mais la Fête de la diversité, par exemple, est partie d'une première année de 3 000 personnes à une quatrième édition de 8 000 personnes. C'est pour dire qu'il y a une ouverture certaine qui est là. Alors, moi, pour moi, une personne qui participe à une activité, c'est un employeur, c'est un responsable de ressources humaines, c'est une personne en emploi qui va côtoyer une personne immigrante, qui va embaucher une personne immigrante aussi. Donc, pour nous, le travail commence par là.

Alors, pour nous, c'est définitivement ce que j'ai ramené tantôt, c'est l'accompagnement de ces entreprises-là, c'est l'accompagnement... pas l'accompagnement, mais dynamiser leur milieu aussi. Parce qu'accompagner le responsable des ressources humaines, c'est une chose, mais la crainte des ressources humaines, c'est comment la personne s'intègre dans mon milieu par la suite. Et est-ce que nous avons les ressources pour faire ça? Les entreprises ne l'ont pas. Ce qu'elles veulent en bout de ligne, c'est le chiffre au bout, donc, de l'année, et, nous, dans le fond, c'est de nous assurer que ce soit un milieu propice, finalement, à l'intégration des personnes. Alors, c'est là que nous travaillons beaucoup dans le frileux qui... — comment dire? — interpelle nos employeurs.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Barnabo.

M. Kotto : Merci. Merci bien.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Poirier. Bonjour, M. Barnabo. M. Barnabo, lors de votre présentation, vous disiez, puis ça a soulevé mon intérêt : On ne souhaite pas de stratégie de peuplement, mais plutôt une stratégie d'intégration. Pouvez-vous un peu définir votre pensée sur cet élément-là?

M. Barnabo (Darryl) : Alors, je m'emploie à dire : Il faut que l'immigration et le développement économique aillent de pair. Je m'emploie à dire que l'immigration doit contribuer, donc, au développement économique. Et l'initiative que nous avons mise en place, vous me trouverez redondant avec notre Coopérative de solidarité Goûts du monde, mais c'est pour nous aujourd'hui un gage de succès. Alors, ce n'est pas... Et je ne pense pas que, quand on parle de régionalisation... ou, oui, je vous dirai plutôt à l'inverse : Il serait difficile de convaincre nos milieux, notre région, d'accepter tout le monde à bras ouverts sans qu'il n'y ait aucune contribution à rien du tout. Je pense que c'est plutôt la meilleure façon de... — comment dirais-je? — de favoriser tout ce qu'on appellerait du racisme, du... Bref, nommons-les. Alors, c'est de là que nous disons : Les personnes qui sont là, mettons-les en action, faisons-les participer à un développement économique, donc la coopérative, mettons-les en action, une vitrine commerciale.

Donc, si la personne arrive parce qu'il y a un besoin de main-d'oeuvre, on répond à un besoin, les personnes arrivent parce qu'il y a un regroupement familial ou peu importe la raison et qu'ils rentrent, je le dis encore, qu'ils prennent le train en marche, on les met en action, c'est dans ce sens-là que je parle, ce n'est pas une stratégie de peuplement à amener des personnes qui vont rester sur l'aide sociale à ne pas trouver un emploi ou... Il faut définir, convenir de stratégies, d'initiatives porteuses comme celle-là, qui rallient tout Drummondville, toutes les couches socioéconomiques de Drummondville, à ce que toute personne qui arrive, bien, passe par... je ne dirai pas un tuyau, là, mais, bref, passe par une trajectoire qui lui permet au moins, bien, d'avoir une première expérience d'emploi. Après, s'il, écoutez, comme toute personne, Québécois, décide... — comment dirais-je? — de déménager, d'aller dans une autre région ou autre, libre à elle en tant que tel.

M. Jolin-Barrette : Quelles sont les principales problématiques auxquelles font face les Néo-Québécois qui arrivent chez vous? Cet automne, à l'Assemblée nationale, on a tenu un événement avec les gens du Centre-du-Québec, puis il y a une personne qui me disait : Moi, je voulais travailler, mais j'avais une difficulté en matière de transport pour me véhiculer. Donc, ça, c'était un grand problème. La personne devait même assumer les frais de taxi pour aller travailler parce qu'elle voulait détenir une expérience, une première expérience québécoise, et elle avait énormément de difficulté à trouver en région un emploi. Est-ce qu'il y a des obstacles comme ça qui sont vécus dans la région de Drummondville?

M. Barnabo (Darryl) : Bien, vous le nommez, le transport en est un, définitivement. Nous ne faisons pas de cachotteries aux personnes qui arrivent en région. Il est clair que, chez nous, si vous arrivez là, il faut définitivement et rapidement trouver une option de transport si vous voulez travailler, dépendamment où vous travaillez aussi, si c'est la zone industrielle ou tout ça. Plusieurs exemples qu'on a eus, en fait, ont été assez bien résolus quand même. Je vous donne un exemple. Nous avons eu un Brésilien, qui est arrivé avec sa conjointe, qui travaille chez Soucy International, qui n'avait pas de moyen de transport. Encore là, dans l'accompagnement du milieu, nous avons jumelé cette personne-là à une autre personne en emploi qui, effectivement, donc, faisait la navette le temps que monsieur et sa conjointe s'installent convenablement et, plus tard, acquièrent, donc, une auto. Bon. Mais, je vous dirais, c'est le point majeur, ce que les personnes vont avoir comme difficulté, là, chez nous. L'intérêt, la volonté, celle d'acquérir une expérience, celle de trouver la région propice à leur épanouissement, elle est là, c'est indiscutable. Mais le transport en est un. Nous avons vu des transports collectifs qui ne se rendent pas nécessairement partout. La ville est en éclosion, je vous dirais. Donc, les choses se définissent au fur et à mesure. Mais ce n'est pas impossible. Ce n'est pas impossible. Il y a des gens qui arrivent chez nous et qui vont travailler dans le village voisin, et, encore là, ça a été de jumeler avec un de ses collègues dans la même entreprise le temps qu'il y ait... ou même des employeurs qui y ont participé aussi, donc du covoiturage, du jumelage en auto avec des employeurs et des employés qui, par la suite, ont permis à des gens de se rendre plus, par la suite, autonomes. Pour nous, il y a un effet positif, c'est que, quand on côtoie un Québécois ou des personnes immigrantes, bien, il y a une suite logique et une suite sociale aussi qui découle de cela.

M. Jolin-Barrette : Parmi les gens que vous accueillez, est-ce que... Il y a le processus à travers la coopérative dont vous discutiez tout à l'heure. Est-ce que, parmi ces gens-là qui se trouvent un emploi, il y a une véritable corrélation entre leurs qualifications et l'emploi qu'ils trouvent dans le pôle économique de Drummondville? Est-ce que la corrélation, elle est directe ou ce sont davantage des emplois connexes?

M. Barnabo (Darryl) : Alors, dans le cas de la régionalisation, le requérant principal, on appelle ça le conjoint ou la conjointe, dont le profil correspond à l'emploi, donc, demandé se place. La deuxième personne peut ne pas se placer dans un emploi qui correspond directement à ses compétences. Vous le savez certainement qu'il y en a qui font le deuil de leur profil, de leurs compétences, et autres, prennent d'autres emplois avant d'accéder à... — comment dirais-je? — à quelque chose qu'ils chercheraient ou qui aurait été... qui leur correspond le mieux. Et ils sont prêts à prendre peu importe l'emploi, souvent, pour avoir au moins une première expérience, pour se faire un réseau, comme on dirait, de connaissances sur le terrain. Et c'est là aussi que nous intervenons et c'est là aussi que... c'est le genre d'initiative que je mentionnais tantôt, qui devrait être mise, comme on en parlait, dans la question de la régionalisation pour s'assurer qu'il y ait une... — comment dirais-je? — une... il n'y ait pas d'interruption finalement dans les étapes qui sont mises en place.

Mais, oui, il y en a qui arrivent et qui... Et je parlais à ce moment-là plutôt du conjoint ou de la conjointe, habituellement, parce que les personnes qui arrivent, je vous parlais du taux tantôt, on parle de 80 % qui sont en emploi, c'est des gens qui arrivent parce qu'il y a un emploi qui est déjà là. Et, je vous dirais, le frein se ferait assez naturellement puisque les personnes à Montréal, avant d'arriver là, bien, elles ont un bail, elles ont, bref, des obligations qu'elles ne peuvent pas, du jour au lendemain, commencer... être coupées puis arriver en région. Donc, pour eux, il faut qu'il y ait un emploi qui corresponde à leurs besoins avant de s'installer chez nous. Par la suite, bien, les choses se font... ou le second doit trouver quelque chose avant de s'installer.

M. Jolin-Barrette : Puis, parmi les gens que vous recevez...

Le Président (M. Picard) : 15 secondes.

M. Jolin-Barrette : ...je comprends que la destination de Drummondville n'est pas nécessairement toujours la première destination, les gens posent leurs valises d'abord à Montréal. Et ensuite dans quel continuum de temps les gens font le transfert entre Montréal et Drummondville?

M. Barnabo (Darryl) : Je vous dirais, ça varie entre deux jours et un an en tant que tel. Cependant, pour répondre très rapidement, plus nos initiatives sont mises de l'avant, plus les personnes qui s'intègrent, qui sont chez nous, qui sont des exemples de succès en parlent à l'extérieur. Et, quand on en parle à l'extérieur, ce qu'ils choisissent finalement, c'est : J'ai entendu parler de Drummondville, j'arrive à Drummondville. Cependant, quand ils arrivent à Montréal, bien, ils s'installent puis ils font...

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Barnabo et M. Poirier, pour votre présentation. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au Service d'aide aux néo-Canadiens de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 31)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en accueillant le Service d'aide aux néo-Canadiens. Je vais demander aux deux personnes de se présenter et de faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes.

Service d'aide aux néo-Canadiens (Sherbrooke) inc.

M. Marceau (Denis) : Merci, M. le Président. Je suis Denis Marceau, le président du conseil d'administration du Service d'aide aux néo-Canadiens, et je suis accompagné de Mme la directrice générale du Service d'aide aux néo-Canadiens, Mme Orellana.

Mme Orellana (Mercedes) : Bonjour.

M. Marceau (Denis) : Alors, nous disposons d'un peu de temps. Merci de nous recevoir. C'est un grand honneur pour nous de venir vous rencontrer pour partager nos réflexions par rapport à ce grand dossier et cette grande cause.

On veut exprimer notre accord en partant avec la démarche entreprise par le gouvernement du Québec, qui est une démarche éducative. Et c'est très important, cette démarche-là, parce que la population québécoise a besoin de cette démarche-là pour s'apprivoiser de ce dossier de l'immigration, de la diversité, de l'inclusion, surtout dans un contexte actuel où les fragilités et méfiances sont bien présentes. Finalement, cette démarche ne doit pas être escamotée. C'est important qu'on prenne le temps de bien la faire, parce que c'est une occasion d'éducation en soi, la démarche comme telle.

Alors, on voulait mettre ça en évidence. L'important, c'est vous remercier d'avoir entamé cette démarche-là, et elle est très importante. Et, n'oubliez pas, on est dans un processus éducatif, et, comme l'éducation, ça prend du temps, il ne faut pas se décourager. Ce n'est pas une intervention qui règle le problème, c'est une intervention continue.

Deuxième élément que je voudrais mettre en évidence, c'est que le projet de politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion, c'est un bon projet, qui repose sur une bonne lecture du passé, du présent et une belle anticipation du futur. Il y a une proposition d'une très belle vision, et je veux la souligner, cette vision-là. Elle est d'envergure, elle est claire, elle positionne bien ce vers quoi nous devons aller. Le dossier qui accompagne la politique est très généreux, fait le tour d'une façon sans complaisance, fait un bon regard et met en évidence, entre autres, les difficultés. Et j'aimerais prendre le temps, même, de les nommer avec vous, ces difficultés-là. On les voit aux pages 15 à 20 du dossier d'accompagnement.

Donc, les principales difficultés, on dit : «L'accès insuffisant à de l'information pertinente et en temps opportun sur les exigences du marché du travail québécois et les perspectives professionnelles; deuxième — les difficultés liées à la reconnaissance des compétences, que ce soit par les employeurs, les établissements d'enseignement ou par les ordres professionnels et les autres organismes de réglementation; les compétences linguistiques et socioprofessionnelles insuffisantes ou inadaptées aux exigences de l'emploi; des réseaux sociaux en construction et donc moins développés; et la discrimination à l'embauche.»

Et on ajoute aussi quelque chose qui très important dans le contexte actuel : Est-ce que la population québécoise connaît le coût social engendré par ces difficultés? À ces obstacles il faut ajouter les inquiétudes de la population, basées sur ces perceptions qui ne correspondent pas toujours à la réalité, les préoccupations concernant la pérennité du français, l'intégration et le respect des valeurs québécoises, l'occupation et la vitalité des territoires.

Donc, on a de beaux grands défis nommés, ils sont bien nommés. Il s'agit de s'atteler pour résoudre ces obstacles-là, les abaisser. Donc, le défi sera de lever les obstacles et d'actualiser la vision proposée, très belle vision : une société francophone, inclusive et fière de sa diversité, qui aspire à une grande cohésion sociale par la participation de chacun et de chacune et qui conçoit l'immigration comme une richesse essentielle à son développement. Donc, moi, je trouve extraordinaire cette vision-là, elle est sans nuance, mais elle est visionnaire, et c'est ce vers quoi nous devons aller.

Nous avons une suggestion à vous faire. Il y a trois enjeux qui sont nommés, mais on aimerait bien en nommer un quatrième, qui est l'intégration réussie. On parle de l'immigration, mais on n'a pas fait un enjeu sur l'intégration en soi, et je trouve que là où le bât blesse souvent, au Québec, c'est dans ce processus d'intégration réussie, et ça vaudrait la peine, je pense, d'y mettre tout... de l'attacher à un enjeu proprement dit.

Et la TCRI, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, a défini, a fait une réflexion sur cette intégration-là, et je me permets de vous indiquer que c'est dans le dossier, vous l'avez à la page 14, l'intégration étant un processus complexe puisqu'il est multidimensionnel, bidirectionnel, graduel et continu, individuel, encadré par le réseau familial et sociétal et complexe. Donc, l'intégration est vraiment quelque chose de difficile à cerner comme il faut et l'intégration des personnes immigrantes dans une société québécoise, je pense qu'il y a matière à réfléchir et de camper ça dans un enjeu qui est particulier.

Pour progresser vers la vision, il faut une campagne d'information. J'entendais ça tantôt, la discussion, et on est pleinement d'accord avec une campagne d'information nationale qui vise à donner l'heure juste aux Québécois, à contrer les stéréotypes, à définir des concepts souvent, qu'on dit, en passant, sans trop savoir exactement la teneur de ces concepts-là. Et un de ceux-là, de ces concepts-là, c'est le concept de l'interculturel, qui doit être bien cerné, bien compris. Moi, ce concept-là, je l'aime bien, beaucoup mieux que celui du multiculturalisme. C'est un concept qui veut dire qu'on met les gens en interaction, les cultures ensemble pour réaliser un développement, un objectif qui nous est commun et qu'on partage.

Je veux également vous dire que nous avons... là où souvent, dans le processus de l'intégration, les personnes nous arrivent ici et, qu'ils soient des indépendants ou des réfugiés, arrivent en terre méconnue, dans une terre nouvelle, et ils n'ont pas de réseau, ils n'ont pas... Ils ne peuvent pas se jumeler facilement. Donc, nous, on a un projet, au Service d'aide aux néo-Canadiens, où on veut développer le réseautage, jumelage interculturel dès les premiers instants de l'arrivée pour éviter que les gens s'isolent, se découragent et finalement perdent leur enthousiasme. Parce que les gens qui arrivent ici, que ce soit les réfugiés ou les indépendants, arrivent avec beaucoup d'enthousiasme, et c'est souvent la façon dont on les accueille... mais après, dans le processus d'intégration, c'est là que souvent ils vont se river aux obstacles, aux difficultés, et, s'ils sont laissés tout seuls, bien, ça peut être assez difficile pour eux, alors qu'un bon projet où on développe le réseautage, le jumelage, nous, on croit que c'est une piste d'avenir pour ce processus d'intégration réussie.

Finalement, je dois souligner que le Service d'aide aux néo-Canadiens, on vient de fêter notre 60e anniversaire, nos 60 ans d'existence. À travers ces 60 ans-là, on a développé de l'expertise, on a développé des compétences. On est bien placés pour faire de l'accueil et de l'accompagnement des personnes immigrantes dans leur intégration socioéconomique et on tend la main au gouvernement, on tend la main aux villes, aux régions pour qu'on se partage notre... et qu'on s'épaule pour réaliser ce grand objectif. Je voudrais souligner que le Service d'aide aux néo-Canadiens est bien en selle aussi pour être en contact avec les employeurs. On a reçu un prix d'excellence lors du gala de La Chambre de commerce de Fleurimont, ce qui signifie qu'ils nous reconnaissent comme étant un agent, un organisme au coeur de la vie de Sherbrooke et de l'Estrie.

Je passerais la parole à Mme la directrice pour compléter et rendre peut-être encore plus percutant...

• (16 h 40) •

Le Président (M. Picard) : En 30 secondes. Il reste 30 secondes, tout simplement, ou tout à l'heure, lorsque vous allez échanger avec les parlementaires, vous pourrez...

Mme Orellana (Mercedes) : En fait, je voulais simplement vous dire qu'il y a... nous, de la façon qu'on a construit le mémoire — puis que c'est le document que vous venez de recevoir — il est accompagné d'un dépliant qui explique nos services, dont vous pouvez en prendre connaissance plus tard. Je voudrais juste attirer votre attention sur la mission du Service d'aide aux néo-Canadiens, qui est justement dans la première partie de notre dépliant et qui dit que c'est un organisme qui accueille les personnes immigrantes en Estrie, pas juste à Sherbrooke, et qu'il les accompagne dans leur intégration socioéconomique et contribue au rapprochement interculturel. C'est une mission qui est très large, mais qu'on accomplit très bien depuis 60 ans.

Le dernier élément que je voulais vous dire, c'est que le document qu'on a construit comme mémoire reprend les enjeux, reprend les orientations stratégiques, les questions que vous aviez dans le cahier de consultation, et, à chaque question... pardon, à chaque bloc de questions, il y a des éléments de réponse, il y a des propositions qu'on fait, il y a des pistes de solution qu'on vous mentionne puis aussi des exemples aussi sur des choses qui ont déjà très bien réussi dans notre région aussi. Pour éviter de commencer puis refaire la rue quand il y a des belles choses, bien, il faut plutôt peut-être les faire connaître puis les partager pour qu'il y en ait d'autres qui en bénéficient aussi. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Alors, oui. Merci beaucoup, M. Marceau, Mme Orellana, et bienvenue à cette commission pour parler et échanger avec nous sur cette importante politique, et je vous remercie pour vos commentaires. D'ailleurs, je vous dirais qu'il y a vraiment un consensus. Les gens sont heureux de pouvoir parler de cette nouvelle politique et de pouvoir contribuer à bâtir les prochaines, peut-être, 25 années sur l'immigration, aller plus loin, faire mieux.

Mais vous, vous avez une longue expérience et vous êtes un partenaire de longue date du ministère de l'Immigration. Alors, vous avez 60 ans d'expérience. Alors, je trouve ça intéressant, parce que vous avez été, comment dire, sur tous les plans par rapport à l'immigration, l'intégration, bon, les réfugiés, les travailleurs qualifiés, évidemment certainement des personnes du regroupement familial, la francisation. Vous avez une perspective du passé et vous avez peut-être compris qu'on veut aller vers l'avenir parce qu'on voit que le Québec a changé, les enjeux ont changé.

La question démographique se présente différemment : c'est des pénuries de main-d'oeuvre aiguës dans certaines régions; les personnes en âge de travailler qui sont maintenant en chute, contrairement à l'Ontario, le Canada, les États-Unis, qui, eux, voient les personnes en âge de travailler en croissance. Donc, il faut être, comment dire, compétitif à cet égard, répondre rapidement à ces besoins pour le développement économique et social ou culturel du Québec.

J'aimerais peut-être vous permettre de parler un peu de vos perspectives, et c'est un peu peut-être... je ne vous donne pas beaucoup de temps pour faire juste un petit résumé de ce que vous voyez dans les changements, vous-mêmes, dans l'organisation, et comment vous voyez les défis des prochaines années. Et vous avez souligné l'importance de la vision, une vision qui est d'inclusion, mais qu'il faut travailler l'inclusion. Donc, j'aimerais vous amener sur vos constats par rapport à l'importance de moderniser, peut-être, et d'aller plus loin sur nos façons de faire en matière d'accueil et d'intégration.

Mme Orellana (Mercedes) : Bien, en fait, effectivement, je suis près de l'équipe de travail, de l'équipe terrain. Quand je dis «l'équipe terrain», c'est le personnel salarié, mais c'est aussi les bénévoles, parce qu'il faut souligner aussi qu'on travaille en complicité avec une centaine de bénévoles qui nous accompagnent dans toutes les démarches d'installation qu'on fait auprès des familles, et cet exercice de complicité, bien, ça nous aide à être à l'affût aussi puis à l'écoute de commentaires de personnes qu'on aide à installer.

C'est clair que, dans l'histoire du Service d'aide aux néo-Canadiens, on est présents depuis les premiers ressortissants aussi après la Deuxième Guerre mondiale. Il y a eu différentes vagues aussi d'immigrants qui ont coloré le paysage de Sherbrooke et de ses environs. On a aussi des personnes très entreprenantes. On a, dans le document on le mentionne à un moment donné, l'exposition Sherbrooke, terre d'accueil, que La Société d'histoire de Sherbrooke a présentée de 2009 jusqu'à 2016, où on voit justement des exemples de l'apport de l'immigration dans notre territoire. C'est clair que la vision qui est prônée par le gouvernement par rapport à la nouvelle politique amène un défi au niveau d'être compétitif pour le recrutement, pour la sélection de personnes et les inviter à venir s'établir pour continuer à construire le Québec dans un environnement mondial où est-ce qu'il y a d'autres pays qui sont aussi à l'affût de, justement, les mêmes personnes, des mêmes profils aussi au niveau des candidats à l'immigration.

Je pense que la technologie peut nous aider aussi, justement, dans les... Je voulais simplement vous mentionner que, pour chacun des enjeux, on a donné des pistes de solution et, en lien avec la sélection, on dit : Il pourrait y avoir... parce qu'on souhaite... On voit que le Québec veut s'aligner un peu de la même façon que le Canada le fait aussi avec la déclaration d'intérêt. Il serait intéressant, par exemple, de proposer à des personnes qu'ils fassent des tests en ligne sur la connaissance des régions du Québec parce que, si on voit la région de l'Abitibi-Témiscamingue qui peut être... ses propres atouts, mais des atouts qui sont différents de si on va vers l'Outaouais, par exemple, ou si on reste à Montréal ou en Estrie.

Donc, déjà, d'avoir des informations, des petits quiz, des questions que la personne, elle peut répondre en ligne parce qu'on sait bien qu'on s'adresse à des personnes plus qui répondent à la catégorie travailleurs qualifiés, déjà, la personne, elle va être intéressée par qu'est-ce que les différentes régions ont à offrir, et c'est là qu'il peut y avoir les premiers atomes crochus aussi qui se développent, mais il y a une connaissance obligatoire, je dirais, pour que la personne puisse déjà imaginer le pays ou la région où est-ce qu'il va aller s'installer. Ça, c'est clair qu'il faut se moderniser peut-être au niveau de la technologie en utilisant tous les outils qu'on peut avoir à l'accès, comme Skype ou des entrevues en ligne.

M. Marceau (Denis) : J'aimerais revenir sur, évidemment, les obstacles. Il faut les lever, ces obstacles-là, mais le grand défi pour moi est peut-être moins dans l'accueil — on fera nos choix, là, pour accueillir qui on veut — mais, pour moi, demeure toujours, quels que soient les choix qu'on va faire, c'est dans le processus d'intégration. Donc, le grand défi, pour moi, c'est l'intégration. On a fait des efforts dans le passé et on a des gens qui se sont bien intégrés, mais le bât blesse beaucoup. Il y a des gens, si on faisait des relances auprès des personnes qui ont été accueillies, ils disent : L'accueil, ça va bien, là, mais on attend. Sur l'intégration, vraiment, le bât blesse, là, et je pense que le futur doit vraiment... on doit pousser vraiment sur l'amélioration de tout ce qui est comme embûche dans ce processus d'intégration.

• (16 h 50) •

Mme Orellana (Mercedes) : Et, si vous permettez... Et, dans l'intégration, en fait, dans nos constats, on a constaté qu'il y a eu une énorme amélioration au niveau de la francisation pour les personnes qui sont allophones ou qui nécessitent encore un petit peu de soutien par rapport à la francisation.

Par contre, là où on pense qu'il peut y avoir de l'amélioration, c'est : Est-ce qu'on peut penser à un modèle où la francisation pourrait se faire de façon concomitante? Au Québec, on a un style d'intégration qui est linéaire. Tu finis d'abord tes 900 heures de francisation, ensuite on passe à la prochaine étape. On peut-u penser qu'on s'adresse à des adultes qui ont une capacité d'apprendre, et qui sont capables de faire deux choses en même temps, et qui pourraient... d'une part, un certain nombre d'heures passées dans les bancs d'école, mais ensuite aller dans un milieu de stage, dans un milieu de pratique où est-ce qu'ils pourraient déjà... ou même en emploi et qu'ils pourraient déjà travailler? On peut s'inspirer des autres modèles comme ça existe en Allemagne, où les étudiants, bien, ils étudient les cours de théorie et, en même temps, ils ont l'occasion de pratiquer pour mettre en pratique leurs connaissances.

Moi, je peux avoir eu le bagage d'avoir appris 10 nouveaux mots dans une journée, mais, si je n'ai pas l'occasion de pratiquer ces nouveaux mots dans un contexte où est-ce qu'on l'utilise correctement, ils vont rester dans mon cerveau jusqu'à tant que je sois capable de l'apprendre, mais je peux les perdre aussi parce que je n'ai pas eu l'occasion de pratiquer. Donc, ça, à mon avis, c'est un virage qui serait peut-être intéressant à regarder pour dire comment on peut faire, de façon à ce que les personnes accentuent les occasions de pouvoir pratiquer le français tout en continuant son apprentissage théorique.

L'autre élément où est-ce qu'on a vu aussi... on a constaté une amélioration, c'est au niveau de la réceptivité des entreprises. Nous, en Estrie, on est situés au Québec, dans une région où est-ce qu'on est proches de la frontière avec les États-Unis, où est-ce que les anglophones ont vécu avec les francophones pendant longtemps. On a une longue tradition d'immigration dans notre région, et les entreprises vivent, oui, des raretés d'emploi dans certains domaines, dans certains postes aussi, dans certaines régions, mais la réceptivité des entreprises, une fois qu'on a cogné à la porte puis qu'on est capables de leur dire : Connaissez-vous les profils de candidats immigrants... Savez-vous qu'il peut y avoir une personne qui est déjà ici, en Estrie? Pas besoin d'aller en Europe, pas besoin d'aller à Montréal, cherchons dans le bassin qui est plus près de chez nous, puis peut-être que vous allez dénicher la perle rare que vous cherchez, à compétences égales, évidemment, parce qu'on ne parle pas de donner un passe-droit ou d'enfreindre les règles qui existent au niveau de la sélection ou de recrutement. On parle de compétences égales.

Donc, c'est une grande amélioration, mais il reste encore qu'il reste du travail à faire parce que, M. Fortin l'a mentionné tantôt, il se peut que... on n'est pas à l'abri d'avoir une mauvaise expérience, puis une mauvaise expérience pour une entreprise, c'est assez, parfois, pour pouvoir comme se mettre à la défensive, pour ne plus avoir le goût d'essayer, pour garder la distance un certain temps avant de recommencer. Donc, la sensibilisation, l'information, le soutien, l'accompagnement des entreprises, c'est important de ne pas lâcher le morceau pour justement garder cet intérêt des entreprises.

Dans le projet de mémoire, on suggère, par exemple, que le comité interministériel qui vient d'être formé, qui est mentionné dans le cahier de consultation, qui était formé en 2014, ait le mandat de... ait peut-être la possibilité de créer une trousse d'information pour les entreprises, surtout pour les PME, pour les petites entreprises qui n'ont pas une grosse machine en ressources humaines, et pouvoir les accompagner au niveau de la sélection, au niveau des personnes immigrantes dans leur milieu, un peu à l'instar de la trousse d'information qui était faite, le guide dediversité plus, plus, qui était fait par le comité aussi quelques années auparavant, les quatre ministères, donc... Je vais m'arrêter là.

Mme Weil : Oui. Bien, on va revenir sur certains éléments. Vous avez mentionné que l'intégration... vous mettez beaucoup l'accent sur l'intégration. J'imagine, vous parlez d'intégration sociale, intégration en emploi sûrement, mais vous mettez beaucoup l'accent là-dessus. Qu'est-ce qui vous préoccupe ou quelles sont les barrières que vous voyez? Certainement, vous en voyez. Est-ce que c'est par rapport à la méconnaissance, les attitudes ou l'accompagnement, la préparation de l'immigrant? Quels sont les défis que vous voyez? Et je vous amènerais aussi sur, peut-être, le modèle d'intégration qu'est l'interculturalisme. Vous l'avez évoqué, les rapports interculturels. Est-ce que c'est un modèle à formaliser ou à mieux définir, élargir?

M. Marceau (Denis) : Je peux commencer. En tout cas, je le prends par... le modèle interculturel, moi, c'est un modèle que je trouve très parlant pour moi, qui, à l'opposé d'accueillir des gens puis de les encourager à s'organiser comme ils veulent, l'interculturel a comme exigence d'être en situation toujours inter de dialogue et d'entraide. Que ce soit l'employeur, que ce soit la personne immigrante, c'est qu'ils soient toujours en situation interactive pour s'enrichir mutuellement. Alors, moi, pour moi, ça, c'est un concept très, très important, dans le modèle à venir, par rapport à tout ce processus d'intégration là.

Et c'est là que je joins le projet qui nous sied beaucoup, qu'on caresse beaucoup, là, au niveau du Service d'aide aux néo-Canadiens, sur le réseautage, jumelage interculturel, pas juste à des fins d'intégration sociale, mais d'intégration socioéconomique aussi, c'est-à-dire cette question d'être immédiatement mis en réseau avec soit une famille, soit des employeurs, soit des organisations, pour que la personne soit tout de suite en mouvement par rapport à... D'abord, les personnes ont des aspirations. Les personnes qui nous arrivent ici ne sont pas démunies. Ils ont des aspirations. Si tu les mets assez rapidement en réseau, ces gens-là vont pouvoir, à travers le réseau, actualiser et voir comment ils pourraient actualiser leurs rêves.

Mme Orellana (Mercedes) : Si je peux enchaîner, dans la préoccupation par rapport à l'intégration, chez nous, autre que la question de se mettre en réseau, de créer un réseau, c'est aussi la question de l'emploi parce qu'on reçoit des personnes de tout statut d'immigrant. Donc, on a les personnes réfugiées, les personnes parrainées par un conjoint ou par un groupe, parrainées, on a aussi les travailleurs qualifiés, et chaque groupe a commencé ses embauches au niveau de pouvoir en arriver avant de dénicher un emploi. Il y a, par exemple, les personnes pour qui la connaissance de l'anglais, c'est une difficulté parce que, s'ils viennent d'un pays francophone, mais qu'il ne connaît pas l'anglais, mais, pour le type d'emploi qu'ils recherchent, les entreprises demandent une connaissance de l'anglais parce qu'ils font l'exportation avec des entreprises de l'extérieur, donc c'est déjà un blocage pour la personne. Mais il n'y a pas de mesure pour former des groupes pour acheter des cours, disons, d'anglais pour des personnes qui peuvent... C'est à la charge ou c'est aux frais de la personne.

Il y a aussi la catégorie des personnes qui sont moins scolarisées, qui, pour des raisons humanitaires, le Canada les accueille, mais qui ont droit aussi à pouvoir se trouver un emploi. C'est des personnes qui veulent aussi contribuer à l'économie, mais il y a un problème au niveau de la scolarité, donc l'intégration, elle va prendre plus de temps aussi. Et là les mesures d'Emploi-Québec, parfois, comment je dirais, établissent des critères qui font en sorte que ces personnes-là ne rentrent pas nécessairement dans aucune des mesures. Donc, on tourne en rond parce qu'ils doivent continuer encore à apprendre le français, ils doivent se scolariser, mais c'est plus long.

Mme Weil : M. le Président, j'aimerais céder la parole à mon collègue de Sherbrooke.

M. Fortin (Sherbrooke) : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Picard) : Deux minutes.

M. Fortin (Sherbrooke) : Deux minutes, alors on va y aller rapidement. Alors, bien, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je suis très content qu'on puisse vous recevoir ici parce que vous êtes un partenaire de choix, pour la région de l'Estrie, en matière d'immigration. Je pense que vos 60 ans d'existence en témoignent que vous avez l'appui de notre collectivité. Vous êtes aussi un partenaire important du ministère.

Alors, on a souvent l'occasion de discuter ensemble, je connais vos positions, alors, quand j'ai lu votre mémoire, il n'y avait pas de surprise pour moi, mais il y avait un élément qui m'apparaissait nouveau, pour lequel j'ai eu une certaine curiosité. C'est à la fin de la page 16, début de la page 17 de votre mémoire. Vous dites : «Le Québec pourrait mieux se positionner en faisant la promotion auprès des candidats francophiles dans les territoires non francophones ainsi que les pays réunissant un nombre significatif des personnes francotropes», donc des gens qui ont des aptitudes ou un intérêt pour la langue française. Et, ensuite de ça, vous dites : «Il est louable de porter une attention particulière à la sélection basée sur [les] besoins économiques, mais il faut s'assurer que l'arrimage entre les besoins économiques et les candidats sélectionnés se fasse en temps réel.»

Mais la dimension de la langue, je voudrais savoir pourquoi vous prenez cette position-là, telle qu'elle était suggérée, hein? C'est une piste de réflexion suggérée dans le cahier de consultation. Est-ce que vous, par votre expérience au quotidien, vous en venez à la conclusion que, pour avoir une bonne intégration, il faut sélectionner des candidats qui n'ont peut-être pas les connaissances en matière de français dans leur pays d'origine, mais qui ont des aptitudes pour les développer et l'intérêt pour le développer, et que, par votre expérience, en fait, les connaissances en matière de français, dès l'arrivée, ne sont pas nécessairement un gage d'intégration et même d'intégration réussie pour prendre le volet que vous souhaitez développer?

• (17 heures) •

Mme Orellana (Mercedes) : ...effectivement, quand on a lu les cahiers de consultation... puis on a vu que c'est une piste que le gouvernement veut... en tout cas, mentionne dans son document. Nous, de notre observation à travers les années, on a reçu des personnes de tous les horizons, allophones, ou francophones, ou mi-francisés, on dirait, mais avec les... lorsque le gouvernement a fait des missions à l'étranger, dans des pays comme en Amérique du Sud, que ce soit l'Argentine notamment... et les personnes qui viennent comme indépendantes de leur propre choix, mais qui viennent de pays comme le Brésil, le Mexique, le Venezuela, le Chili, ce sont des personnes qui ont, de leur propre gré, avec le soutien ou non du gouvernement du Québec, appris le français avant de venir ici. Donc, c'est des personnes qui, effectivement, comportent des atouts aussi parce qu'ils vont peut-être choisir Sherbrooke pour s'enraciner davantage que s'ils iraient du côté anglophone, disons, ailleurs au Canada...

Le Président (M. Picard) : ...s'il vous plaît.

Mme Orellana (Mercedes) : Pardon?

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît. Parce que M. le député de Sherbrooke vous a laissé 15 secondes.

Mme Orellana (Mercedes) : Mais je voulais simplement... O.K. Simplement pour dire que c'est...

Le Président (M. Picard) : Non, non, mais il vous a laissé...

Mme Orellana (Mercedes) : On voulait dire qu'on allait dans le sens de la proposition du cahier de consultation, dans ce sens-là.

Le Président (M. Picard) : Merci. M. le député de Sherbrooke, il vous restait 15 secondes.

M. Fortin (Sherbrooke) : Ah! Merci de votre générosité, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Marceau, Mme Orellana, soyez les bienvenus et merci de contribuer du haut de votre longue expérience de terrain. C'est la deuxième fois que j'entends, aujourd'hui, dire que, très souvent, des immigrants en recherche d'emploi, on exige la maîtrise de l'anglais. On sait, vous et moi... et ça part d'il y a une quarantaine d'années : le mois d'août dernier soulignait les 40 années de l'institution de la langue française comme langue publique, langue de travail, comme une langue de communication, sous M. Robert Bourassa, et, par la suite, la loi 101 est venue consolider cet acquis, en tout respect pour la minorité historique anglophone du Québec, qui a accès à des services en anglais. Mais, pour le travail en tant que tel, à l'extérieur, quand des immigrants, notamment francophones, viennent au Québec, c'est pour travailler en français. Alors, si l'exigence de l'anglais devient un obstacle relativement à leur embauche, est-ce que vous seriez d'avis que la loi s'applique encore plus vigoureusement qu'elle ne le fait en ce moment? Je parle ici de la loi 101.

Mme Orellana (Mercedes) : Moi, je vais commencer, si vous voulez, M. Kotto. Moi, je suis d'accord, effectivement, à ce que la loi s'applique, ça continue à s'appliquer. La loi 101, elle a sa place. Là, on parle de la pérennité du français, c'est une valeur commune aussi au Québec, qui est le pays... qui est l'espace francophone en Amérique du Nord, jamais qu'on va être en désaccord avec ça.

Ce qu'on dit, c'est que les entreprises, dans leurs opérations, dans leurs marchés, dans le développement des produits et des services, certaines entreprises exigent une connaissance, pas une maîtrise nécessairement, mais une connaissance de l'anglais pour être capable d'être fonctionnel dans un emploi quelconque. Et, si on veut que la personne, dans un espace où est-ce qu'il y a plusieurs chercheurs d'emploi, les personnes immigrantes aient une chance aussi d'être capables de compétitionner pour obtenir un emploi en quelque part, mais, s'ils n'ont pas une connaissance minimale du français, parce que c'est exigé par rapport à la tâche à faire, bien, ils vont toujours être en deuxième rang, si vous voulez, puis il va toujours y avoir des candidats qui vont pouvoir répondre à ces critères. Je ne sais pas si je suis claire dans ma réponse.

M. Kotto : Tout à fait.

Mme Orellana (Mercedes) : Mais, pour répondre à la vôtre : Oui, on est tout à fait d'accord à ce que la loi 101 continue à s'appliquer au Québec.

M. Kotto : O.K. M. Marceau, dans votre exposé, vous avez évoqué le fait que le document donnait une bonne lecture du passé, du présent et une bonne anticipation du futur, en gros. Vous faites référence ici à une perspective historique ou... Vous vous appuyez sur quoi pour dire ça? Est-ce que vous pouvez élaborer, notamment relativement au passé? La bonne lecture du passé, vous vouliez dire quoi, par rapport à ça?

M. Marceau (Denis) : C'est-à-dire, le document de consultation, y compris toutes les statistiques qu'il y a... Il y a un document sur les statistiques, sur le rôle du ministère, qu'est-ce que le ministère a fait depuis des années et des années. Je trouve que tout est bien relevé, ce qui s'est passé dans le passé, et avec un regard critique, qui n'est pas complaisant, vu uniquement complaisant — c'est dans ce sens-là que je le dis — tient compte de notre histoire, dans le... Parce que l'immigration, au Québec, c'est... Moi, j'en suis un aussi, un fruit, hein, on est tous des fruits de l'immigration, un jour ou l'autre, et l'Estrie, entre autres, est construite par les personnes immigrantes, hein? Je le dis et je le redis encore : Il n'y aurait pas d'Université de Sherbrooke sans des personnes immigrantes. Donc, les personnes immigrantes ont apporté une très grande contribution au développement du Québec. De reconnaître cela, c'est dans ce sens-là que je dis : Le document rend bien le passé et l'actuel, avec un certain regard critique, puis on s'en va vers où, et là la vision nous trace ce vers quoi on devrait aller. Évidemment, il reste à définir toutes les conditions de succès pour qu'on s'approche de cette belle vision.

M. Kotto : Moi, ce qui me titillait, c'était la référence au passé, parce qu'à ma lecture il manquait une dimension historique, qui est celle de la conquête, qui ne figure pas dans le document, qui est un document public.

Bref, je vous rejoins, là, relativement aux moyens pour soutenir... vous, comme entité et d'autres, qui faites un travail structurant, déterminant sur le terrain, les moyens manquent, évidemment. Et, dans ce cas-là, pourquoi faire venir tant de gens si c'est pour les abandonner et les laisser à eux-mêmes sans référence et sans réseau? C'est un paradoxe. Et c'est bien d'avoir amené cela en surface. Vous n'êtes pas les seuls, aujourd'hui, à l'avoir fait. Vous l'avez fait avec beaucoup de subtilité, on vous comprend très bien. D'autres l'ont également évoqué, ce problème-là.

M. Marceau (Denis) : Bien que je me mets en garde moi-même sur le repli, c'est-à-dire, puisque nous n'avons pas les moyens à la hauteur pour faire une belle intégration réussie, diminuons, ne faisons rien, accueillons moins... Et, pour moi, la position de repli n'est pas une solution.

M. Kotto : Mais, accueillir moins, est-ce une position de repli? N'est-ce pas une position réaliste? Parce que, quand on s'embarque dans un projet, on s'y embarque en connaissance de cause, notamment en ayant conscience de ses limites financières pour aller là-dedans. Parce que ce ne sont pas des statistiques, là, ce sont des humains, donc... Vous connaissez la référence au miroir des alouettes : quand on fait miroiter des tas de belles choses... Et il y a beaucoup de gens qui évoquent cela, ceux qui ont fait le trajet migratoire, quand on leur fait miroiter des tas de belles choses par rapport au Québec et qu'ils arrivent enthousiastes et qu'ils frappent le mur de la réalité, il y a des drames, là, il y a des... quand ce n'est pas des drames individuels, c'est des drames familiaux, collectifs. C'est pourquoi il ne faut pas, disons, de notre perspective des choses, prendre cela à la légère. Ambitionnons, mais ambitionnons réalistiquement, entre guillemets, à la hauteur de nos moyens, de notre capacité financière d'encadrer, d'accompagner des gens.

Le ratio d'immigration que nous présentons en tant que nation, il est beaucoup plus élevé que celui des États-Unis ou de la France, par exemple. C'est aussi là une réflexion à avoir. Ce n'est pas être xénophobes ou racistes que de dire : Soyons réalistes, faisons, à l'aune de nos capacités financières, ce que doit en matière d'immigration et d'intégration. C'est le bon sens, tout simplement, non?

• (17 h 10) •

M. Marceau (Denis) : Moi, je vous suis, mais, en même temps, je veux être prudent là-dessus parce que... Évidemment, ça dépend quelle sorte d'analyse qu'on fait de notre société, de ses besoins. Ici, on a besoin d'accueillir un plus grand nombre de personnes... Bien, ça devient un choix de société, là. Et, quand on fait un choix de société, il faut aussi accompagner des moyens qu'il faut. Ça, c'est d'une part.

D'autre part, dans les moyens que nous avons actuellement, est-ce qu'on les utilise bien? Ça, c'est une autre question. Par exemple, on parlait tantôt de la francisation. Il se dépense beaucoup d'argent dans la francisation au Québec, mais est-ce qu'on a fait un bon regard critique sur ce qui se passe avec nos mesures de francisation, ainsi de suite? Je ne veux pas engager de débat là-dessus nécessairement, mais je veux juste poser la question. C'est qu'une fois que j'ai fait mon choix de société... moi, je pense que c'est un bon choix de société, qui est d'accueillir le plus de personnes possible ici, au Québec; on a besoin de personnes pour se développer et faire un peu, à l'instar du Québec d'hier... Le Québec d'hier s'est construit avec des personnes immigrantes, on a besoin aussi de personnes immigrantes pour construire notre futur. C'est un choix de société, et là ça veut dire, ça, qu'il faut mettre les moyens qu'il faut, mais, en même temps, il faut avoir un regard critique sur les moyens qu'on a mis à venir jusqu'à date, puis est-ce qu'on a mis les bons moyens, est-ce qu'on a bien utilisé nos moyens, nos deniers publics, finalement, pour réaliser nos ambitions.

Mme Orellana (Mercedes) : Et, si vous permettez, j'aimerais juste donner un complément, aussi, important à cette question. Je pense que le Québec, il a un poids relatif dans la Confédération canadienne aussi, et il a encore la capacité d'accueillir, à mon avis, des nouveaux citoyens qui vont continuer à aider à construire le Québec dans un Canada qui est très vaste. Je pense que ce poids que représente l'immigration a diminué dans les dernières années et, si on le laisse continuer à diminuer, à diminuer, bien, quelle sera la place du Québec à l'intérieur du Canada? Je pense que, ne serait-ce que pour contrer au vieillissement de la population, pour continuer à contribuer à la pérennité du français, et parce que le Québec choisit aussi les différentes catégories, l'immigration humanitaire ne représente pas le plus grand pourcentage, on vise beaucoup les travailleurs qualifiés, qu'ils puissent continuer à contribuer...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

Mme Orellana (Mercedes) : ...contribuent déjà, en partant, à partir de l'étranger, ne serait-ce que pour payer toutes les dépenses qu'ils font pour venir.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Dans votre mémoire, à la page 10, vous abordez la question des demandes d'équivalence pour les immigrants qui travaillent ici, qui occupent des emplois qui ne sont pas dans le cadre de leurs compétences professionnelles ou de leurs qualifications qu'ils ont eues à l'étranger, puis là vous abordez la question de, en raison du coût de l'accréditation du diplôme... enfin, de la qualification, les gens renoncent à obtenir ces papiers-là. Est-ce que je peux vous entendre là-dessus? Est-ce que le gouvernement devrait subventionner ou faciliter la reconnaissance?

Mme Orellana (Mercedes) : Bien, en fait, on parle de la démarche pour obtenir l'équivalence des diplômes acquis à l'étranger. Il y a un coût pour pouvoir faire la demande. Quand la personne, après avoir fini la francisation ou une fois qu'elle est déjà prête à faire la recherche de travail, elle se rend compte que ça serait plus facile d'utiliser ses documents pour les présenter à un employeur qui pourrait lui demander : Ça équivaut à quoi, vos études, ici, au Québec?, bien, il y a des personnes qui ne sont pas en mesure de pouvoir payer ces montants. Donc, soit qu'ils retardent le moment pour pouvoir le présenter, soit qu'ils décident tout simplement de ne pas faire la démarche, donc, entraînant, comme ça aussi, un retard, si on veut, dans l'intégration, ou les obligeant peut-être à regarder d'autres options et pas leur objectif principal de recherche d'emploi, mais un deuxième objectif qui va leur fournir ne serait-ce qu'un emploi alimentaire. Nous, on utilise beaucoup le terme d'«emploi alimentaire» parce qu'il faut subvenir à ses besoins.

Pour un travailleur qualifié, on sait qu'il ne peut pas faire une demande de dernier recours pendant les premiers mois parce qu'on pense qu'il va être en mesure de pouvoir se trouver un emploi. Souvent, c'est possible, mais, dans d'autres cas, ce n'est pas nécessairement possible pour différentes sortes de situations aussi. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait peut-être apporter une situation particulière puis pas... surtout pas, peut-être, laisser de soutenir cette mesure aussi. Parce qu'actuellement, si la personne va se présenter devant son agent au centre local d'emploi, c'est l'agent du centre local d'emploi qui détermine, qui autorise ou non que la personne puisse avoir un remboursement des frais occasionnés par cette demande.

M. Jolin-Barrette : Et, selon votre expérience, est-ce que les Néo-Québécois, lorsqu'ils arrivent au Québec, ont déjà la connaissance des exigences au niveau des qualifications ou pour la reconnaissance des diplômes ou c'est rendus sur place qu'ils réalisent qu'il y a certaines exigences à remplir ou certaines équivalences à aller chercher?

Mme Orellana (Mercedes) : Il y en a des deux. Je vous dirais, il y en a des deux : autant il y a des personnes qui sont très bien informées, qui ont passé par les services du ministère, qui s'appellent le Service intégration en ligne, le SIEL, où la personne, de l'étranger, elle fait déjà comme un premier plan puis qu'il reçoit déjà de l'information qu'il peut consulter en ligne aussi; le guide Apprendre le Québec, où il y a de l'explication sur les démarches à faire. Il y en a qui entament déjà les démarches avant de venir. Pour d'autres, c'est une fois qu'ils sont rendus sur place que... soit à travers les services d'accompagnement, parce qu'on les aide aussi au niveau de la recherche d'emploi. C'est une des questions qu'on va vérifier aussi puis qu'on va voir si la personne... à quel moment qu'elle est prête pour entamer ses démarches.

M. Marceau (Denis) : Moi, j'oserais ajouter que, pour avoir travaillé un peu beaucoup dans toute cette question de la reconnaissance des acquis, on est encore à l'orée du bois, on n'est pas rentrés dans le bois, au Québec, là-dessus. Et il y a tellement d'enjeux là-dedans, il y a tellement de composantes, il y a tellement... il y a les ordres professionnels et les maisons d'enseignement, les employeurs, etc., puis c'est comme si on n'a pas encore trouvé le moment de rentrer dans la forêt et de franchir cette étape qu'on arrive finalement à donner à César ce qui appartient à César.

M. Jolin-Barrette : À la page 12 du mémoire, relativement au Programme d'aide à l'intégration des immigrants et des minorités visibles en emploi, vous suggérez que cette subvention-là soit élargie, soit assouplie.

Mme Orellana (Mercedes) : Le programme PRIIME?

M. Jolin-Barrette : Oui, exactement.

Mme Orellana (Mercedes) : Oui, effectivement. Je m'excuse, mais je n'ai pas mes lunettes. C'est difficile à lire.

M. Jolin-Barrette : Mais en fait ce que je souhaite savoir : Quels sont les paramètres dans lesquels vous souhaiteriez que ça soit assoupli? Parce que, présentement, c'est selon une certaine période de temps fixe que ce programme-là s'applique. Est-ce que vous voudriez déborder de plusieurs années?

Mme Orellana (Mercedes) : Non, non, ce n'est pas à ce niveau-là, c'est plutôt parce qu'on fait un lien avec la francisation. On s'est dit : La francisation... Nous, on pense que, si la personne pourrait faire de la francisation dans les milieux de travail, ça serait beaucoup plus facile parce que ça accélérerait l'apprentissage, la consolidation de la francisation de base qu'il a déjà eue soit à l'étranger soit ici. Mais, à ce niveau-là, c'est comme... Les problèmes, c'est plus des quotas : parce que, pour former un groupe, ça prend un enseignant, ça prend un espace, un local, et il faut avoir comme un noyau avant de pouvoir le faire, ce qui est difficile parfois : parce que, si l'entreprise embauchait juste une seule personne, bien, ça coûte trop cher, avec une seule personne, avoir des cours de français en milieu de travail. Est-ce qu'on peut penser à explorer d'autres solutions comme faire des arrimages avec des entreprises du même secteur ou dans la même région ou dans la même MRC, et qu'il pourrait y avoir trois, quatre, cinq personnes? Avec déjà cinq participants, ça coûte moins cher que juste avec deux. C'est plus à ce niveau-là qu'on pense que ça pourrait être...

M. Jolin-Barrette : ...partage une flexibilité au niveau du programme.

Mme Orellana (Mercedes) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Mais je constate aussi, à la lecture de votre mémoire, que, pour vous, la francisation, c'est extrêmement important, puis c'est fondamental de débloquer des ressources, aussi.

M. Marceau (Denis) : Essentiel.

Mme Orellana (Mercedes) : Mais je pense que, des ressources, il y en a. Comme M. Marceau disait, on investit beaucoup... le ministère investit beaucoup en francisation. C'est plutôt de trouver d'autres solutions pour dire : Est-ce qu'on peut appliquer l'argent qu'on a déjà, mais le mettre dans d'autres solutions? Exemple, francisation de façon concomitante à une période de stage en période de travail pour que ça se fasse, l'apprentissage, que les personnes aient l'occasion de pratiquer ce qu'ils ont appris à l'école mais en même temps.

M. Jolin-Barrette : D'où votre proposition avec les stages, jumeler les stages pour avoir l'occasion de pratiquer et de mettre en application les connaissances apprises.

Mme Orellana (Mercedes) : Exact.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre présentation.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au Service Intégration Travail Outaouais de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 22)

Le Président (M. Picard) : S'il vous plaît, nous allons reprendre. J'invite les représentants de Service Intégration Travail Outaouais à faire leur exposé et de se présenter dans un premier temps. Vous disposez de 10 minutes.

Service Intégration Travail Outaouais (SITO)

M. Mayrand (Robert) : Merci. Bonsoir, j'espère que vous avez encore la patience de nous écouter. Alors, M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, distingués invités, ça nous fait un grand plaisir d'être ici. Je vous souligne que M. Antoine Normand, qui est président de la Chambre de commerce de Gatineau, est avec moi. Ce n'est pas anodin. Vous allez sans doute comprendre pourquoi à la suite de ce qu'on va vous dire.

Alors, très rapidement, je vais vous raconter un peu l'historique du SITO pour dire comment on a évolué. Parce que, dans le fond, quand on dit : 20 ans d'amélioration continue, c'est qu'on a beaucoup évolué, au cours des 15 dernières années.

Le SITO a été créé en 1995 et s'est donné comme mission l'insertion en emploi des personnes immigrantes. Moi, quand je suis arrivé au SITO, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de questions qui se posaient. La première question, c'est : L'immigration, ça sert à quoi? Et là, pour certains, c'était la langue; d'autres, c'est la culture, l'identité, le repeuplement, l'occupation du territoire; puis, pour certains curés, c'était remplir les églises vidées par les Québécois. Donc, on a réfléchi à cette question-là et nous, on a dit : Bien, les employeurs ont besoin de main-d'oeuvre puis les personnes immigrantes veulent travailler. Donc, on a adopté ce qu'on a appelé la fonction économique de l'immigration. Ça, ça a entraîné une autre question. Si on travaille pour les employeurs... C'est-à-dire, on s'est demandé : Qui est le client de notre travail? Et la réponse, ça a été : L'employeur. Et ça, ça a été tout un scandale. On s'est fait dire qu'on ne comprenait rien. Et on a décidé de dire oui, on va travailler avec l'employeur. À partir du moment où on a décidé ça, il y a eu deux autres questions qui se sont posées : Si l'employeur est le client principal, quels sont ses besoins, quelles sont ses attentes? Et là on s'est mis à travailler avec les employeurs. On a participé aux associations, on a été très présents chez les employeurs. On a décidé de faire des employeurs des partenaires, des collaborateurs, des alliés, et ça a donné d'excellents résultats.

L'autre question qui s'est, par la suite, posée, c'est : Comment faut-il préparer les personnes immigrantes pour répondre aux attentes des employeurs? Et la réponse, ça a été : Par des programmes de préparation à l'emploi, avec deux volets : un volet formation puis un volet stages. O.K.? À ce moment-là, en 2000, il n'y avait pas de stage, ou sauf des stages d'observation, et on n'était pas en mesure d'avoir des stages. On a donc fait une entente avec la commission scolaire des Portages-de-l'Outaouais, et ça, ça nous a donné accès à des stages. L'année passée, nous avons placé 195 personnes en stages. En 2000, on en plaçait à peu près 20 dans des stages d'observation. Et ce qui est intéressant, c'est qu'on s'est amusés à faire des expériences avec la commission scolaire, le nombre de semaines de formation, le nombre de stages, et ainsi de suite, et finalement on est arrivés à ce qu'on appelle la formule optimale : six semaines de formation, cinq semaines de stages. Au début, quand je suis arrivé, il y avait 12 semaines de formation, sauf qu'on ne pouvait pas recevoir beaucoup de personnes par année. Parce que, dans une année, il y a 52 semaines; si vous prenez 12 semaines, vous êtes limités. Donc, en réduisant ça à 11 semaines, ça nous a permis d'accueillir cinq cohortes par année, donc, d'à peu près 100 personnes.

Et ce qui est intéressant, c'est que maintenant, à la fin de la formation, les 20 participants ont tous un stage le lundi suivant, et ce n'est pas n'importe quel stage, c'est des stages avec forte probabilité d'emploi, O.K., et, à la fin du stage, il y a 80 % des personnes qui restent en emploi après le stage.

Maintenant, on a augmenté — et encore une fois avec la commission scolaire — là, maintenant, on a deux programmes : un qui est de six semaines de formation, cinq semaines de stage; l'autre, c'est quatre semaines de formation et cinq semaines de stage, et, là aussi, on a atteint un résultat qui dépasse les 80 % de maintien en emploi après le stage.

Donc, c'est la formule qu'on a utilisée et qui donne d'excellents résultats. On s'est rendu compte que la meilleure façon de sensibiliser un employeur, ce n'est pas en lui faisant des discours. La meilleure façon de sensibiliser un employeur, c'est d'amener une personne immigrante qui répond à ses besoins et à ses attentes. Quand un employeur dit que le SITO prépare les personnes immigrantes comme on veut qu'elles soient préparées... Quand une personne immigrante se prépare dans une résidence pour personnes âgées, elle est embauchée et elle demande : Est-ce que vous voulez des recommandations?, et que la personne lui dit : Pas nécessaire, tu viens du SITO, pour nous, c'est une belle reconnaissance, O.K.?

Donc, ça fonctionne super bien. Je dois dire, on ne va pas... on a d'excellents résultats, on est très contents. Et ce qui est intéressant, on a pu accroître de beaucoup le nombre de placements en emploi et le maintien, parce que je vous rappellerai qu'en Outaouais le taux de rétention est très élevé par rapport à d'autres régions du Québec. Les personnes immigrantes ne veulent pas partir de l'Outaouais, surtout quand elles ont un emploi, O.K., donc aussitôt qu'elles ont un emploi. Là où on a certaines difficultés, c'est quand on est confrontés aux obstacles posés par les ordres professionnels, les métiers réglementés, bien là, c'est sûr qu'il y a des personnes qui veulent traverser la rivière pour aller de l'autre côté. Par exemple, dans le domaine de la construction, parfois ils ne peuvent pas travailler au Québec, mais ils peuvent travailler en Ontario. Donc, on est confrontés à ces questions-là, c'est la question frontalière, que vous connaissez bien.

Donc, ça, c'est les programmes. On a un service d'aide à l'emploi, mais je ne voulais pas m'éterniser là-dessus. On travaille... On a aussi la régionalisation. La régionalisation, ça fonctionne super bien. On dépasse notre cible, chaque année, depuis plusieurs années. On a un programme d'entrepreneuriat. Au cours des deux dernières années, on a placé... on a aidé au démarrage de 48 microentreprises de personnes immigrantes, O.K.?

Et on a un programme de communication interculturelle. La communication interculturelle : pour nous, c'est la base de notre intervention, O.K., la communication interculturelle. On a même une définition, c'est la capacité d'interagir avec une autre personne, peu importent sa langue, sa culture, sa religion, son origine ethnique, son orientation sexuelle, son genre et son âge, O.K.? Et, quand on travaille avec les personnes immigrantes, ça, c'est la base, vraiment, de notre intervention : comment amener les personnes à interagir ensemble. Dans nos programmes de formation, quand je suis arrivé au SITO, il y avait deux ou trois personnes qui faisaient la formation. Aujourd'hui, on a plus de 20 personnes qui font la formation pendant six semaines. On a des personnes de la commission scolaire, on a des employeurs qui viennent. Lorsqu'on parle des attentes des employeurs, ce n'est pas nous qui parlons de ça, ce sont des employeurs qui viennent, O.K.?

Quand on parle des rapports avec la police, c'était amusant parce que c'est un constable de la ville de Gatineau, du service de police, le constable Durand, c'est une femme qui se présente habillée en policière avec son «gun» sur la fesse. Devant elle, il y a des Maghrébins puis il y a des Subsahariens, puis elle vient leur dire c'est quoi, les rapports avec la police ici. Croyez-moi, c'est superefficace, O.K.?

• (17 h 30) •

Parce que nous, on n'est pas dans la pédagogie de l'information, puis ça, j'insiste. Souvent, on pense que, quand on donne de l'information aux personnes immigrantes, on leur parle des valeurs du Québec, on fait des sites Internet avec 200 pages, ils vont arriver au Québec et ils vont tout comprendre, O.K., puis ils vont s'adapter au Québec. Non, il faut pratiquer ce qu'on appelle une pédagogie de la transformation. C'est comme vous, si vous voulez apprendre à nager, vous pouvez lire autant de livres que vous voulez sur la natation, mais, si je vous amène au milieu du lac, vous allez vous noyer. C'est quand on est... Si on veut apprendre à nager, il faut se jeter à l'eau, il faut être là. Moi, je suis allé plusieurs fois au Brésil, j'avais lu beaucoup de livres sur le Brésil. J'ai compris ce que c'était, le Brésil, quand je suis allé, pas quand j'ai lu les livres. Donc, ça, on appelle ça la pédagogie de la transformation, par rapport à une pédagogie de l'information. Et souvent on donne un paquet d'information puis on pense qu'on a tout réglé. Donc, il faut faire attention à ça.

Dans les ateliers qu'on donne, nous, c'est des ateliers, justement, qui permettent l'intégration des personnes immigrantes, l'autonomie surtout, la confiance en soi et la capacité de s'intégrer en milieu de travail. Puis le maintien et la rétention en emploi est très, très, très élevée. Il y a très peu de personnes qui reviennent chez nous pour avoir de l'aide, c'est presque... Une fois qu'ils sont en emploi, ils sont capables de voler de leurs propres ailes.

Et, pendant qu'ils font la formation chez nous, oui, on touche la langue, oui, on touche la culture, oui, on touche l'histoire du Québec, on touche beaucoup de choses parce qu'ils nous posent beaucoup de questions, puis on doit leur répondre, O.K., ils veulent savoir où ils sont tombés.

Alors, il y a d'autres enjeux dont je ne parlerai pas parce que j'imagine que mon temps commence à s'écouler, O.K? Je peux vous dire que, moi, ce que je voudrais juste dire, en terminant, c'est qu'on a beaucoup rationalisé notre approche. Nos budgets n'ont pas augmenté de façon extraordinaire dans les 10 dernières années, ça a été pas mal similaire. Nos résultats, par contre, ont profondément augmenté. C'est pour ça que je dis dans le rapport : C'est important d'investir dans ce qui fonctionne plutôt que de dépenser dans quelque chose qui ne donne pas de bons résultats.

Le Président (M. Picard) : Merci. Donc, nous allons débuter par l'intervention de Mme la ministre, mais auparavant je vais demander le consentement des parlementaires, parce qu'on va peut-être excéder d'une minute ou deux l'heure normale, c'est-à-dire 18 heures. Ça va pour tout le monde? Mme la ministre, c'est à vous.

Mme Weil : Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Mayrand, bienvenue, M. Normand. D'entrée de jeu, j'aimerais accueillir notre collègue le député de Chapleau, qui est ici précisément parce qu'il tenait absolument à entendre votre présentation. Et la dernière fois que je vous ai vus et la première fois que je vous ai rencontrés, d'ailleurs, c'était lors d'une consultation dans votre région avec le député de Chapleau. Alors, merci d'être présent avec nous.

Je dois vous dire quelque chose, mais j'ai des questions, mais un commentaire général. Toute la journée aujourd'hui, on a entendu des groupes, comme vous, qui travaillent avec passion, intelligence, expérience et vision pour nous assurer de bien réussir l'immigration, et vous avez tous des commentaires... du début de la journée, et des organismes en région, et vous avez des très bonnes idées pour nous amener plus loin. Vous avez des expériences parfois adaptées à vos propres régions, vos expertises. Et j'écoute tout ça puis déjà je peux imaginer qu'on va avoir des filons bien intéressants pour, éventuellement, une nouvelle politique et un plan d'action. Je voulais vous remercier — je n'aurai peut-être pas le temps à la fin — du travail que vous faites et de nous enrichir, de nous nourrir de votre expérience pour nous amener plus loin.

Alors, je vais vous amener peut-être sur la régionalisation. Deux questions : Concrètement, quelles seraient les différences entre une politique de régionalisation axée sur l'insertion en emploi — parce que c'est beaucoup votre expertise — plutôt que sur l'établissement? Et aussi vous proposez, en matière de régionalisation de l'immigration, d'établir un partenariat avec l'organisme Place aux jeunes en région, que je connais. Pouvez-vous nous décrire la forme que pourrait prendre le partenariat que vous proposez?

Donc, ces deux questions... juste vous dire que la régionalisation, pour la première fois, on va mettre ça de l'avant dans notre politique et éventuellement dans nos orientations pour la planification pluriannuelle.

M. Mayrand (Robert) : Bien, vous savez, Place aux jeunes s'occupe de la migration, là, interrégionale. La régionalisation, pour nous, ça se fait surtout à partir de Montréal, O.K.? Donc, Place aux jeunes rencontre des personnes à Montréal aussi, les amène... On travaille déjà avec Place aux jeunes. Donc, si une personne vient de Montréal et elle n'est pas prête à s'insérer au travail, elle peut passer par les programmes de formation que nous avons, O.K., et là c'est... Parce que le danger, c'est toujours d'envoyer quelqu'un en emploi qui n'est pas préparé, parce que, là, on lui fait vivre une mauvaise expérience puis on fait vivre une mauvaise expérience à l'employeur. Et ça, nous, on ne veut pas ça parce que, si on n'a pas des histoires à succès, on n'aura pas le support des employeurs dont on a besoin, O.K.?

Donc, Place aux jeunes, j'ai parlé avec M. Vigneault, puis on est tout à fait d'accord sur cette espèce de continuum qu'on pourrait mettre en place pour favoriser, à partir de Montréal... si la régionalisation se continue toujours à partir de Montréal, lui pourrait inciter les gens, ou, quand il y a des jeunes qui viennent en région, ou peu importe, bien, nous, on pourrait s'en occuper pour leur insertion au marché du travail.

Mme Weil : Et, sur la question de cette différente vision par rapport à la régionalisation axée surtout sur l'insertion en emploi et pas l'établissement... Parce que, pendant des années, ça a beaucoup été l'établissement et, ensuite, le défi de l'intégration en emploi. Là, c'est par l'intégration en emploi dans un premier temps.

M. Mayrand (Robert) : C'est que l'établissement, quand on... puis il y a... Vous avez vu Bato Redzovic, ce matin, qui s'occupe de l'établissement, puis on travaille beaucoup ensemble, c'est un de nos partenaires, mais l'établissement sans emploi, O.K., ça ne va pas loin. Comme quelqu'un me disait, à Montréal, il y a quelques années : Si tu prends quelqu'un qui est sur le bien-être social à Montréal puis tu l'amènes sur le bien-être social à Campbell's Bay, tu es mieux de le laisser à Montréal, O.K.?

Donc, la condition première d'intégration de... Puis, en passant, ce n'est pas nous qui intégrons les personnes immigrantes. Les personnes immigrantes s'intègrent elles-mêmes à partir du moment où elles sont capables de subvenir à leurs propres besoins, et ça, c'est extrêmement important. Pour subvenir à ses propres besoins, bien, ça prend un emploi.

Mme Weil : J'ai une question aussi qui touche encore la régionalisation, mais aussi beaucoup votre vision des choses. Vous avez mentionné que l'implication... une plus grande implication des milieux économiques dans l'immigration est une tendance observée à l'échelle mondiale. Selon vous, quelle place pourrait être faite aux acteurs économiques régionaux dans la sélection et l'intégration de personnes immigrantes? Donc là, je vous amène beaucoup plus en amont dans la sélection.

J'évoque souvent aussi le rôle des villes dans cette action, des villes partout au Québec, les villes, les maires, là, qui connaissent bien les besoins des chambres de commerce, qui connaissent bien les besoins de leurs régions en termes d'emploi, des entreprises qui ont des pénuries, hein, on entend beaucoup ça, il y a des pénuries aiguës dans certains secteurs. Donc, on voulait voir comment vous voyez ça, donc, une implication de ces milieux-là, plus économiques, dans... jusqu'à la sélection, même, et l'intégration.

M. Normand (Antoine) : Bien, Mme la ministre, si je peux me permettre un commentaire là-dessus, je crois qu'il doit y avoir un certain niveau d'implication. Ça se passe déjà dans le contexte du SITO, mais la région de Gatineau, la région de l'Outaouais en entier, de par sa position frontalière, et sa démographie, et tout ça, est dans une situation particulière, qui est en constante croissance, et donc les entreprises doivent compétitionner pour de la main-d'oeuvre qui est de plus en plus rare, spécialement de la main-d'oeuvre qui est très qualifiée, et donc ça cause une pression économique importante sur des entreprises, qui doivent réduire leur croissance faute d'avoir les bonnes personnes dans les bons postes.

Donc, d'avoir une certaine influence sur le type de qualification des personnes qui sont recherchées et accueillies, notamment par le genre de travail que le SITO fait, c'est très important, à mon avis.

Mme Weil : Et j'irais aussi sur la francisation, parce que l'idée, quand on parle de milieux qui sont mobilisés pour réussir l'immigration, donc définition... qui puissent participer à bien reconnaître et définir les besoins du marché du travail dans ces régions, donc qui puissent jouer un rôle en amont dans le processus de sélection... Mais aussi ce qui est devenu ou devient de plus en plus populaire lorsque la personne trouve un emploi, mais n'a peut-être pas le niveau de français requis, la francisation en milieu de travail, l'importance de ça, mais les milieux économiques et les entreprises qui veulent aussi faire la promotion, on le voit, hein, on le voit, on rencontre des entreprises qui le font... J'aimerais vous entendre là-dessus. Et évidemment, donc, qui... l'insertion, l'insertion au marché du travail aussi, donc, des entreprises...

Ce matin, cet après-midi, on a parlé du défi de la gestion de la diversité. On a parlé de... Ce n'est pas nécessairement du racisme, c'est souvent la méconnaissance, donc une certaine inquiétude de la diversité. Mais comment peut-on amener les acteurs économiques à jouer un rôle? Parce que ce n'est pas le gouvernement, en bout de ligne, qui emploie. Le gouvernement a des programmes, des politiques, peut faire de la mobilisation, mais, en bout de ligne, c'est des entreprises qui vont être les employeurs. Donc, comment les engager? Comment vous voyez ce rôle-là et le rôle de mobilisation que les acteurs économiques peuvent jouer?

• (17 h 40) •

M. Mayrand (Robert) : Bien, nous, c'est ce qu'on fait déjà, là, on rencontre plus de 200 employeurs chaque mois. On a une personne qui, à temps plein, travaille avec les employeurs, fait du démarchage. Les employeurs, quand ils veulent embaucher quelqu'un, viennent faire des entrevues chez nous, participent à la formation. Donc, ça les met... c'est une très bonne façon de les sensibiliser à la main-d'oeuvre immigrante.

Il faut dire, quand les personnes arrivent au SITO, elles sont fonctionnelles en français, elles ont une connaissance fonctionnelle, mais, pendant les six semaines qu'elles sont chez nous, on voit, des fois, le français s'améliorer de façon extraordinaire parce que tout se passe en français, ils sont en contact avec d'autres personnes, là, de la société d'accueil, et ça se continue sur le marché du travail parce que le milieu, l'environnement de travail, c'est aussi un endroit où on parle le français, où on est en train de s'intégrer.

Je vais vous donner un exemple. Au SITO, 80 % de mes employés sont des personnes immigrantes, O.K., on travaille avec des personnes immigrantes. Si j'avais imposé des règles d'embauche fondées sur une connaissance x, y, z du français, je n'en aurais pas embauché une. Vous comprenez? Sauf que je ne les ai pas embauchées simplement parce qu'elles parlaient français ou qu'elles le parlaient à un certain niveau, j'ai embauché des personnes qui étaient très fortes en communication, qui sont crédibles, qui sont orientées vers les résultats, qui sont orientées vers la recherche de solutions, et ça a donné d'excellents résultats. Et j'ai des employés qui, au début, avaient un français un petit peu plus difficile, qui aujourd'hui ont un français complètement impeccable.

Donc, moi, je pense qu'encore une fois, si on veut apprendre à parler français, ce n'est pas dans les livres, c'est comme apprendre à nager, il faut se jeter à l'eau, il faut être dans le milieu parce qu'encore une fois c'est une question de communication. Puis je sais qu'on a discuté de la question de la langue aujourd'hui, puis ça a été dit tout à l'heure, ce n'est pas parce qu'une personne arrive ici puis qu'elle parle un français impeccable qu'on va réussir à l'insérer en emploi, O.K.?

Je donne toujours comme exemple un Congolais qui arrive ici, qui parle français comme Charles de Gaulle, il vient chez nous, puis là il faut le mettre en contact avec un employeur, ce n'est pas évident. Quelqu'un qui vient du Chili, du Brésil, de la Colombie, qui passe par la francisation, qui vient chez nous, c'est très facile de lui trouver un emploi parce que, pendant la francisation, il a été en contact avec les codes culturels du Québec et là il apprend à communiquer en fonction de l'auditoire québécois. Et ça, c'est très important, parce que la maîtrise d'une langue théorique, ou la manière de parler, ou peu importe, et la communication en fonction d'une société, ce n'est pas la même chose. Et ce dont on a besoin, ce sont des personnes qui sont capables de communiquer avec les Québécois, O.K., ce n'est pas nécessairement des personnes qui font des belles phrases.

M. Normand (Antoine) : Et, si je peux me permettre, qui ont l'aptitude à apprendre la langue, mais, surtout, les connaissances et les compétences techniques que les employeurs recherchent, là, et c'est ce qui fait qu'un employeur va embaucher quelqu'un, c'est bien avant son aptitude et ses capacités et ses compétences que la langue qu'il maîtrise au départ. Ça s'acquiert par la suite, là.

Mme Weil : Merci beaucoup.

M. Mayrand (Robert) : Il y a des groupes, par exemple, on reconnaît, qui ont une très grande facilité à apprendre les langues. Il y a une personne qu'on connaît, Bato et moi, qui est arrivée ici, en une année — elle avait 20 ans — elle a appris le français et l'anglais et elle parle les deux langues de façon impeccable — elle en parlait déjà cinq à l'arrivée — O.K.?

Donc, si vous avez quelqu'un qui vient du Brésil, en général, les Brésiliens, ils apprennent les langues sans problème. Les personnes d'origine slave, c'est la même chose, une très grande facilité à apprendre les langues. Par contre, ce n'est pas la même chose avec des personnes... même les Français ont plus de difficultés à apprendre des langues, puis il y a des vraies, vraies raisons scientifiques, là, pour expliquer la différence, mais on n'entrera pas là-dedans.

Mme Weil : Merci beaucoup. M. le Président, j'aimerais céder la parole à ma collègue de Jeanne-Mance—Viger.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.

Mme Rotiroti : Oui, merci, bienvenue. C'est très intéressant, qu'est-ce que vous dites. Je vais rester un petit peu sur le même sujet. Vous avez parlé beaucoup de votre modèle de programme formation. Vous avez expliqué que vous avez deux... c'est-à-dire cinq, six semaines de formation pour un cinq semaines de stages et un autre où est-ce que vous avez, je crois, quatre semaines et cinq semaines de stages, quatre semaines de formation. Comment vous décidez, vous... Comment vous évaluez la personne ou l'immigrant devant vous et décidez que cette personne-là, bien, ça prend six semaines de formation, cinq semaines de stages? Est-ce que c'est par métier? Est-ce que c'est par leur niveau d'études? Comment vous faites pour évaluer ça?

M. Mayrand (Robert) : Non, c'est un processus d'évaluation qui est très, très structuré. On a un processus d'évaluation avec une série de questions puis on les évalue par rapport à ce qu'on appelle, nous, les aptitudes génériques.

Il y a une autre raison aussi. Dans un des programmes qu'on a, qu'on appelle programme de formation préparatoire à l'emploi, celui de six semaines, 70 % des personnes qui sont dans ce programme-là sont des prestataires de l'aide sociale parce qu'on travaille avec Emploi-Québec puis on a une cible de prestataires, donc on pourrait penser qu'ils sont plus éloignés du marché du travail. Par contre, on se retrouve avec 150 personnes qu'on ne pouvait pas desservir parce que ce sont des sans-chèques, parce qu'on ne pouvait pas les mettre dans nos programmes. Et là on fait quoi avec ça? Et là c'est là qu'on est allés à la commission scolaire et qu'on a élaboré un deuxième programme. Et, dans ce deuxième programme-là, ce sont des personnes qui ne reçoivent pas de prestation, O.K.? On s'est dit : Ils sont plus proches du marché du travail, O.K., ce qui n'est pas vrai. En fait, là, je vous le dis tout de suite, on s'est rendu compte que c'était une utopie de penser comme ça.

Donc, on avait commencé avec trois semaines de formation, puis là on s'est rendu compte que le taux de placement en emploi, même si ces personnes, en théorie, étaient plus près du marché du travail, notre taux de placement en emploi était de 70 %, était inférieur à l'autre groupe qui était formé surtout de prestataires. Donc, on a décidé d'ajouter une semaine pour voir si ça allait faire une différence. Et effectivement maintenant on est en haut de 80 %. O.K.? Donc, on a fait ces expériences-là avec la commission scolaire, ça a été très intéressant. On a fait varier le nombre de semaines de stages puis on fait varier le nombre de semaines de formation pour essayer de trouver, encore une fois, le modèle optimal puis qui nous permettait, dans une année, d'accueillir le plus grand nombre possible de personnes sans dépense additionnelle, parce qu'on n'a pas augmenté vraiment nos budgets en faisant ça, puis cette année, là, on va dépasser le 200 placements en stages.

M. Normand (Antoine) : M. Mayrand n'a pas abordé non plus toute la question du... ou il a passé très rapidement sur le programme d'entrepreneuriat, mais j'aimerais souligner les bénéfices de ce programme-là, qui sont absolument extraordinaires, avec un budget miniature, là, qui provient du CLD Gatineau. Le taux de personnes qui ont créé leurs propres entreprises après être passées par ce programme-là dépasse ou avoisine les 50 %. Donc, vous trouverez un organisme de démarrage d'entreprises au Québec qui a un taux de succès de 50 % et puis vous m'en reparlerez.

Mme Rotiroti : Parfait. Deux minutes? Mon Dieu! Je vais laisser la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee. J'avais une autre question, mais le temps passe trop vite.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee, deux minutes.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Dans le temps qui reste... Bon, MM. Mayrand et Normand, félicitations pour votre approche à la fois très pragmatique et audacieuse! Les résultats parlent de façon élégante de tout ce que vous faites.

Je suis curieux, j'ai deux petites questions. C'est un virage quand même qui, de toute évidence, a l'air intéressant, mais c'est un virage de viser le client comme l'entreprise. Je serais curieux de savoir comment vos communautés immigrantes réagissent à ça. Les résultats devraient en parler, mais est-ce qu'ils sont... ils appuient cette approche-là, oui?

M. Mayrand (Robert) : ...et ils sont... On blague souvent puis... Non, non, ils sont tout à fait d'accord, parce que ce qui est intéressant... Ils viennent, des fois, de Montréal, de Québec, ils viennent chez nous parce qu'ils savent qu'on a des programmes avec stages, puis il y a 80 % des chances qu'ils restent en emploi, et, pour eux, c'est formidable. Le taux de persévérance dans nos programmes de formation — et ça, c'est Emploi-Québec qui a fait l'étude — est de 100 %, 100 %. Pourquoi? Parce que ce qu'on fait avec eux pendant ces six semaines-là, il y a un sens, parce qu'il y a un point d'arrivée, c'est l'emploi.

Souvent, je sais qu'on a donné de la formation sur les valeurs du Québec, des trucs comme ça, mais, si ce n'est pas rattaché à un objectif précis, à quelque chose de concret, on se demande ce qu'on fait là. Moi, j'ai posé, souvent, des questions à des personnes immigrantes qui viennent chez moi, puis dire : Tu as fait telle formation sur les valeurs québécoises. Puis comment ça s'est passé? Bof, bof, comme ça. Sauf que, chez nous, il y a un résultat.

Et souvent on travaille beaucoup sur l'attitude, hein, on travaille beaucoup, beaucoup sur l'attitude. Puis ce n'est pas compliqué, on leur dit : Bien, une mauvaise attitude, c'est comme un pneu crevé, si tu ne changes pas ça, tu ne vas pas aller loin, O.K.? Et donc, oui, des fois ça ne marche pas, il y en a qui sont plus réticents, mais, en général, ils comprennent parce que c'est la différence entre un emploi et pas d'emploi. Donc, il y a un sens à ce qu'on fait, c'est comme ça qu'ils l'interprètent.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Mayrand. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

• (17 h 50) •

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Mayrand, M. Normand, soyez les bienvenus, et merci de votre contribution. Je veux revenir à l'exemple comparatif entre le Congolais et le Chilien, le Chilien, qui, dans sa phase initiatique du français, est en contact avec l'autochtone et, par le même biais, apprend à cerner les codes et les valeurs québécoises. Est-ce à dire que, pour le Congolais, qui maîtrise la langue et qui n'est pas engagé tout de suite, c'est parce qu'il ne maîtrise pas les codes ni les valeurs québécoises?

M. Mayrand (Robert) : Oui. C'est parce que sa manière de communiquer, sa façon de communiquer n'est pas nécessairement adéquate quand il est en contact avec un employeur, on ne négocie pas ou on ne communique pas au même niveau. Moi, j'ai suggéré il y a déjà longtemps, pour les personnes qui arrivent ici et qui parlent le français, et ça peut être les Maghrébins puis ça peut être les Subsahariens, les Français — les Français, oui, je pourrais vous donner des exemples très concrets à partir des Français — c'est que c'est... j'ai suggéré qu'on ait un programme particulier pour ces personnes-là pour, justement, leur apprendre comment communiquer en fonction des Québécois.

On donne actuellement de la formation, à la ville de Gatineau, aux fonctionnaires, et c'est très intéressant parce que... et on le fait en formation professionnelle, on le fait en santé, on le fait un peu partout, et, de plus en plus, les gens veulent qu'on mélange, dans nos ateliers, les Québécois et les personnes immigrantes, ils veulent que l'atelier soit donné à des groupes. On l'a fait dans des résidences pour personnes âgées, et là on a la moitié du groupe, c'est des Québécois, et la moitié, c'est des personnes immigrantes. Il y a une dynamique extraordinaire, et vous ne pouvez pas imaginer le changement que ça induit chez ces personnes-là. Dans une résidence pour personnes âgées à Aylmer, là, il y avait six griefs qui avaient été déposés pour des questions de problématiques de communication, et, à la fin de la formation, les six griefs ont été retirés. Ça, c'est une bonne nouvelle pour les employeurs, vous voyez? Parce que, dans le fond, l'être humain, là, l'intégration, tout ce qu'on fait, ça se joue par la communication, c'est notre outil relationnel, là.

M. Kotto : Quel est votre budget annuel?

M. Mayrand (Robert) : Notre budget annuel global, là, nous, parce qu'on a plusieurs... on fait surtout affaire avec Emploi-Québec, Service Canada, on a un budget d'à peu près 800 000 $ par année.

M. Kotto : Et le nombre de personnes qui travaillent dans votre cadre, c'est...

M. Mayrand (Robert) : On a 11 postes.

M. Kotto : 11 personnes. Et vous arrivez à accompagner annuellement, en moyenne, dans le marché du travail...

M. Mayrand (Robert) : On a eu, l'an passé, 200 placements en emploi, plus l'entrepreneuriat, 24 entreprises.

M. Kotto : O.K., O.K. Est-ce que vous trouvez que les moyens dont vous disposez sont adéquats relativement aux défis que vous avez à relever?

M. Mayrand (Robert) : Je vais vous le dire d'une façon très simple : Actuellement — on sait combien ça coûte de façon unitaire, là, un placement d'emploi, et ainsi de suite — si on augmentait mon budget, je n'aurais aucune difficulté à placer 300 personnes en emploi parce qu'il y a 35 000 postes à combler en Outaouais dans les prochaines années. Les employeurs, maintenant, nous courent après. Avant, on courait après les employeurs, maintenant ce sont eux qui nous appellent. Oui, si on avait un budget, ça serait un bon investissement.

La même chose en entrepreneuriat. Écoutez, en entrepreneuriat, les gens, on reçoit des groupes pour des séances d'information, ils sont 30, puis on en prend 10 par...

M. Normand (Antoine) : Et une petite augmentation du budget en matière d'entrepreneuriat pourrait facilement doubler le nombre d'entreprises qui sont créées à toutes les années.

M. Mayrand (Robert) : Et le placement en emploi, je vous le dis, en Outaouais, là, on aurait... Mais on a développé, au SITO — parce que, oui, on a besoin de plus de financement — une branche qu'on appelle SITO Affaires, SITO Affaires, et on a commencé à aller chercher des sous dans les entreprises privées un peu partout. Donc, on est en train de développer cette... On va faire de la formation sur mesure.

Je vais vous donner un exemple pas compliqué : quelqu'un arrive ici, il a une formation en comptabilité, il ne connaît pas Simple Comptable. Il ne peut pas aller dans un cégep puis prendre trois heures de cours sur Simple Comptable, il est obligé de s'inscrire à tout un programme. Nous, on va lui faire de la formation sur mesure.

M. Kotto : Est-ce que ce sont des éléments que vous avez communiqués au ministère relativement à la ronde de consultation préalable à l'élaboration de ce document en question?

M. Mayrand (Robert) : Oui. On a eu l'occasion de discuter souvent, on est très, très en contact. Je dois vous le dire, on travaille beaucoup avec les députés de l'Outaouais, les quatre députés de l'Outaouais sont en constante interaction avec nous. Quand on fait, par exemple, des... Je dis toujours : Nous, on fait la reconnaissance de l'insertion en emploi, de l'intégration économique, de l'entrepreneuriat. Nous, on ne fait pas des célébrations des cultures des pays d'origine, on fait les célébrations de l'intégration en emploi. Les élus sont toujours là, les députés sont là, les employeurs sont là, les représentants d'Emploi-Québec, les représentants du MIDI... C'est une façon de reconnaître l'intégration socioéconomique des personnes immigrantes. Puis, pour les personnes immigrantes, c'est fantastique, hein, pour eux, là, c'est une vraie reconnaissance. Vous savez, il y a des personnes immigrantes qui m'arrivent, qui me montrent leur carte de crédit, ils me disent : Ça, ça prouve que je suis intégré, c'est plus important que mon papier de citoyenneté.

M. Kotto : Est-ce que vous pouvez nous donner une idée des secteurs d'activité dans lesquels ils sont orientés une fois sortis de chez vous?

M. Mayrand (Robert) : C'est très varié en Outaouais, c'est très, très varié. On est dans le domaine, surtout, des services, des petites et moyennes entreprises, donc c'est extrêmement varié, beaucoup en informatique, beaucoup en comptabilité, dans le domaine financier, il y en a beaucoup. Encore une fois, là où on a un obstacle, c'est là où il y a des ordres professionnels et les métiers réglementés.

M. Normand (Antoine) : Et les reconnaissances de diplômes.

M. Mayrand (Robert) : Et la reconnaissance des diplômes, parce que ça, c'est... La reconnaissance des diplômes, c'est difficile, au Québec, parce que, vous savez, l'employeur, quand il cherche quelqu'un, il établit une liste de compétences. Nous, on fait faire des CV par compétence. Quand la personne immigrante arrive puis qu'elle a étudié dans une université avec une approche fondée sur des connaissances, comment vous faites pour extraire de ses connaissances les compétences qu'elle a? Si on avait... Ça, c'est compliqué.

M. Kotto : Donc, il y a un travail à faire.

M. Mayrand (Robert) : Il y a un travail à faire de ce côté-là. L'idéal, dans le meilleur des mondes, on aurait un profil d'emploi par compétences, un CV par compétences et une formation par compétences. Et là ça prend trois minutes pour être capable de dire... Et c'est l'employeur qui pourrait le dire... c'est l'employeur qui dirait, hein : Moi, là, ça, hop! Ça marche.

M. Normand (Antoine) : Mais c'est beaucoup moins compliqué, ce type de reconnaissance là, en Ontario. Et donc, le fait qu'on est à 400 mètres fait que c'est beaucoup plus... on perd ces gens-là, on perd ces compétences-là, qu'on a besoin pour faire croître nos entreprises, vers l'Ontario parce que la reconnaissance des diplômes et des compétences est plus facile de ce côté-là.

M. Mayrand (Robert) : Et Antoine a raison. Moi, j'ai travaillé au collège algonquin en Ontario, collège communautaire, pendant longtemps. Et puis, je veux dire, c'était ça qu'on avait là. C'est une formation par compétences, des CV par compétences, puis un profil par compétences. C'est-à-dire, l'employeur, il regarde ça, en deux minutes il sait si la personne a le profil.

M. Normand (Antoine) : Et un financement du programme aux résultats et non en fonction du nombre de personnes qui rentrent dans la porte.

M. Mayrand (Robert) : Bon, ça, c'est peut-être un autre point qui est intéressant. C'est qu'en Ontario, dans le réseau des collèges, il y a ce qu'on appelle du «phasing in», «phasing out», O.K.? La Cité collégiale, l'année passée, elle a éliminé huit programmes puis elle en a introduit sept nouveaux. Si un programme ne répond plus aux besoins du marché du travail, c'est fini. Puis qui définit les compétences du programme? Pour chaque programme, il y a un comité consultatif d'employeurs pour chaque programme, O.K.? Donc, les employeurs se réunissent puis ils disent : Ça, c'est ça, ça, ça qu'on recherche comme compétences, O.K.? Donc, il y a un arrimage entre le marché du travail et la formation qui fait que ça... C'est pour ça qu'au collège algonquin, chaque année, trois mois après la formation, après l'obtention du diplôme, il y a au moins 95 % des gens qui travaillent.

M. Kotto : ...c'est un modèle dont on peut s'inspirer facilement au Québec?

M. Mayrand (Robert) : Je pense qu'il y a beaucoup à faire. Je dois dire qu'au Québec, en formation professionnelle, on a beaucoup évolué de ce côté-là. Moi, je travaille beaucoup avec la formation professionnelle. C'est très bien aligné, mais ça pourrait être fait à d'autres niveaux aussi.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous avez mentionné tout à l'heure que la région subissait une perte d'immigrants en raison... parfois, dans les métiers qui sont réglementés. Vous avez mentionné tout à l'heure l'industrie de la construction. On sait que, bon, il y a des bassins de main-d'oeuvre, ça prend des cartes de compétence quand c'est assujetti au décret de la loi R-20. Même chose pour les ordres professionnels, ça semble être plus facile en Ontario, dans les autres provinces canadiennes. Est-ce que vous pouvez chiffrer, un peu, pour vous, pour votre organisation, le nombre de personnes qui quittent...

• (18 heures) •

M. Mayrand (Robert) : Je n'ai pas de données... Je sais que le taux de rétention, du côté de l'Outaouais, est très bon, est un des meilleurs du Québec, mais il arrive souvent qu'on a quelqu'un qui arrive qui était, par exemple, peintre dans son pays, O.K., ou il est plombier, ou il est électricien, on ne peut pas lui trouver un emploi du côté québécois, O.K., mais on peut lui trouver un emploi de l'autre côté parce que là-bas on n'exige pas la carte de compétence, O.K.?

La différence, par contre, au niveau de l'inspection des bâtiments, O.K... Moi, j'ai un voisin qui est électricien, il travaille au Québec, il travaille en Ontario. Il me dit : Quand je travaille au Québec, les inspecteurs viennent, tout ce qu'ils vérifient, c'est si j'ai ma carte de compétence, ils ne vérifient pas mes travaux; en Ontario, quand l'inspecteur vient, il vérifie mon travail puis il ne me demande pas si j'ai une carte de compétence.

M. Jolin-Barrette : Oui, bien, ça... On rentre dans un autre débat qui n'est pas le forum d'ici, mais...

M. Mayrand (Robert) : ...

M. Jolin-Barrette : Non, mais effectivement, et puis c'est une problématique pour le Québec. Je vais juste faire un aparté, mais c'est vrai qu'au niveau de la construction, supposons, des bâtiments résidentiels... Puis on le voit avec ce qui est arrivé dans la région de Trois-Rivières aussi avec la pyritite, et puis parfois il y a plusieurs Québécois qui se font construire une maison, puis l'autorité compétente, la municipalité ou la Régie du bâtiment délivre un permis, et il n'y a aucune vérification qui est faite. Donc, la carte de compétence ici, c'est l'inspecteur de la Commission de la construction du Québec qui la vérifie.

Mais je trouve ça un peu malheureux, ce que vous me dites, de dire qu'on ne puisse pas, en raison de la protection de métiers, favoriser l'intégration à l'emploi de quelqu'un qui a les compétences pour le faire.

M. Normand (Antoine) : Et c'est dans plein de domaines : des ambulanciers, des policiers... J'ai un gendarme avec qui je travaille qui était gendarme en France avec la formation complète, et tout, travaillait dans le secteur du renseignement, et l'équivalence du diplôme, qui est reconnue du côté ontarien parce que c'est un cours de deux ans, là, dans un collège, la technique policière n'est pas reconnue du côté québécois, et donc l'équivalence de diplôme qu'il a eue, c'est animateur communautaire, donc il va travailler en Ontario.

M. Mayrand (Robert) : Vous savez, en 2010, la ville d'Ottawa a fait un rapport, il y a 6 000 personnes immigrantes qui parlent le français, qui sont parties de Montréal, qui sont à Ottawa — des personnes qui ne parlent pas anglais, O.K. — parce qu'elles n'ont pas d'emploi à Montréal. Elles sont de l'autre côté de la rivière, mais nous, on ne peut pas leur donner de services puis les attirer chez nous parce que la frontière représente une frontière infranchissable. Donc, on vient les chercher à Montréal, mais il y en a 6 000 de l'autre côté de la rivière, puis on ne peut pas leur toucher.

M. Normand (Antoine) : Et Gatineau est la deuxième ville d'accueil de l'immigration au Québec, après Montréal.

M. Jolin-Barrette : Donc, on a une difficulté en raison du mur de Chine entre le Québec et l'Ontario.

M. Mayrand (Robert) : C'est ça.

M. Jolin-Barrette : Donc, selon vous, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour réussir à assouplir cette situation-là?

M. Mayrand (Robert) : Bien, moi, ce que j'espérerais depuis très longtemps, c'est qu'on ait des ententes des deux côtés de la rivière pour favoriser le déplacement de la main-d'oeuvre des deux côtés de la rivière, personnes immigrantes, évidemment, on travaille avec les personnes immigrantes. Il y a une entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre qui fonctionne, je pense qu'il faudrait faire quelque chose, une entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre immigrante des deux côtés de la rivière, et on pourrait avoir des partenariats des deux côtés de la rivière pour travailler ensemble pour favoriser l'emploi.

M. Normand (Antoine) : Moi, j'ajouterais à ça un assouplissement au niveau des règles ou des politiques pour l'équivalence des diplômes et un assouplissement au niveau de la question de la francisation, là, pour les entreprises. C'est un obstacle important de se concentrer seulement sur la question de la langue plutôt que sur les compétences elles-mêmes, là, des candidats qu'ils veulent aller chercher, compte tenu de la problématique de recrutement qu'on a.

M. Jolin-Barrette : Vous disiez tout à l'heure qu'on devrait axer sur le volet compétences plutôt que sur le volet connaissances, au niveau des programmes de formation. Même au niveau québécois? Dans le sens où, lorsque la personne suit un cours, ça faciliterait son intégration uniquement en fonction de la compétence? Jusqu'à quel point vous diminueriez la connaissance dans le cadre du programme?

M. Mayrand (Robert) : Oui, moi, je pense qu'on doit aller se... Vous savez, en éducation, on est passés par une approche par objectifs... On vient d'un modèle scolastique avec beaucoup de compétences, après ça on est allés vers les objectifs, puis aujourd'hui, bien, je pense que, partout... en tout cas, dans tous les pays anglo-saxons, c'est l'approche par compétences. Et pourquoi? Parce qu'aujourd'hui... Vous savez, avant le ministère de l'Éducation au Québec, hein, avant la création du ministère de l'Éducation, le client de l'éducation au Québec, c'était l'Église catholique, O.K.? Aujourd'hui, le client de l'éducation, c'est beaucoup plus l'employeur. Donc, il faut aussi changer notre façon dont on prépare les personnes.

M. Jolin-Barrette : Par rapport au financement à coût forfaitaire au niveau des mesures de service d'aide à l'emploi, vous établissez que c'est forfaitaire. Vous vous questionnez à savoir... puis le libellé est le suivant : «Pourquoi faut-il "dépenser ou investir" davantage pour une Québécoise en recherche d'emploi que pour une personne immigrante?»

M. Mayrand (Robert) : Bien, parce qu'il y a des organismes qui ont des services d'aide pour aider les femmes québécoises. Et je connais un organisme qui aide les femmes québécoises dans le cas du service d'aide à l'emploi, et leur coût forfaitaire est autour de 1 900 $, alors que le nôtre est à 1 391 $. Je pense qu'il y a une question d'équité. Est-ce que les personnes immigrantes méritent moins que les femmes québécoises? C'est ma question.

M. Jolin-Barrette : Puis le financement est établi en fonction d'enveloppes globales?

M. Mayrand (Robert) : On nous a dit que c'était l'historique puis on nous a dit que les femmes québécoises étaient... quelqu'un nous a dit que les femmes québécoises étaient plus poquées que les personnes immigrantes. Moi, je pense... Quand une personne a passé 10 ans de sa vie dans un camp de réfugiés et qui débarque chez nous — ça arrive — ou qui a été violée par les FARC en Colombie, je pense que de dire que les Québécoises ont plus de besoins en matière d'intégration que ces personnes-là, j'ai un petit point d'interrogation.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, MM. Mayrand et Normand pour votre présentation.

La commission ajourne donc ses travaux au jeudi 29 janvier 2015, à 9 h 30, afin de poursuivre son mandat.

(Fin de la séance à 18 h 6)

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