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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, February 3, 2015 - Vol. 44 N° 20

Special consultations and public hearings on the paper entitled Towards a New Québec Policy on Immigration, Diversity and Inclusion and the related documents


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Table des matières

Auditions (suite)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Médecins du Monde Canada

Montréal International (MI)

Ville de Sherbrooke

Fédération des communautés culturelles de l'Estrie (FCCE)

M. Paul Eid

Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)

Autres intervenants

M. Marc Picard, président

Mme Kathleen Weil

Mme Filomena Rotiroti

M. Maka Kotto

M. Simon Jolin-Barrette

M. David Birnbaum

M. Luc Fortin

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          Mme Louise Mercier, idem

*          M. Nicolas Bergeron, Médecins du Monde Canada

*          Mme Nadja Pollaert, idem

*          Mme Dominique Anglade, MI

*          M. Martin Goulet, idem

*          M. Christian Bernard, idem

*          Mme Annie Godbout, ville de Sherbrooke

*          M. Alain Castilla, idem

*          M. Henri M'Batika, FCCE

*          Mme Jill Hanley, accompagne M. Paul Eid

*          M. Jean-Luc Trahan, CPTM

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur les documents intitulés Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).

Auditions (suite)

Le Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous recevons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Médecins du Monde Canada, Montréal International et la ville de Sherbrooke.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à faire leur présentation. Donc, je vous demanderais de vous présenter et faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes; vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. À vous la parole.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Boyer (Daniel) : Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Merci, distingués députés. Écoutez, je suis Daniel Boyer, le président de la FTQ, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je suis accompagné de Louise Mercier, qui est vice-présidente à la FTQ et responsable politique du dossier des personnes immigrantes et de la francisation, et j'ai à ma gauche Rima Chaaban qui travaille au Service de la francisation et également responsable du dossier des personnes immigrantes.

C'est avec beaucoup d'intérêt que la FTQ a pris connaissance du document de consultation devant mener à des changements majeurs dans le cadre d'une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion. On se sent très concernés par la démarche, et ce, à plusieurs titres. Ainsi, la FTQ et ses syndicats affiliés, bien, vous le savez, on représente 600 000 membres présents dans tous les secteurs de l'activité économique dans toutes les régions du Québec et dont une proportion importante sont des personnes issues de l'immigration. La FTQ est membre de deux organismes gouvernementaux directement concernés par les problématiques traitées, l'Office québécois de la langue française, la Commission des partenaires du marché du travail, où nous avons à nous prononcer et nous impliquer autour des grands enjeux qui concernent les personnes que nous accueillons au Québec. Je vous avoue qu'on a été un peu surpris, à prime abord, de ne pas avoir été invités à cette consultation. On a donc pris l'initiative de s'inviter et de transmettre nos commentaires sur un sujet qui nous concerne au moins autant que les employeurs, je vous avoue. On espère que la consultation actuelle, qui se veut une démarche de questionnement très large, mènera à la définition d'une politique sur laquelle nous aurons aussi l'occasion de réagir.

La société québécoise est généralement reconnue comme étant ouverte et accueillante dans la mesure où les nouveaux arrivants démontrent un intérêt à la connaître, à partager sa culture et manifestent leur volonté de s'intégrer. Pour aborder la question des valeurs québécoises, le document de consultation fait référence à juste titre à nos chartes qui traitent des droits de la personne et de la langue. Nous pensons qu'il faut aussi mentionner que notre culture commune s'exprime aussi dans un ensemble de lois qui gèrent l'organisation de la société, dont la Loi sur les normes du travail, qui diffèrent très souvent de celles qui prévalaient dans les pays d'origine de nombreuses communautés culturelles, d'où l'importance de bien informer les nouveaux arrivants avant même qu'ils se mettent à la recherche d'un emploi. La connaissance et le respect des règles qui régissent le marché du travail sont loin d'être acquis, même pour les personnes immigrantes qui sont ici depuis plusieurs années. Il y a donc un important travail de formation et de sensibilisation à poursuivre, tant pour les employeurs immigrants que pour les travailleuses et travailleurs que nous accueillons au pays.

Si nous sommes interpellés par les enjeux liés aux nouveaux arrivants, nous sommes aussi préoccupés par la situation des personnes immigrantes déjà en emploi qui ont de la difficulté à communiquer en français. C'est pourquoi nous avons toujours jugé prioritaire la formation en francisation, supportée par le fonds de formation dont la Commission des partenaires est responsable, et nous souhaitons d'ailleurs que cette orientation soit maintenue.

La question de la reconnaissance des acquis et des compétences nous préoccupe aussi. Bien que des avancées importantes aient été réalisées durant les dernières années, il y a encore énormément de travail à faire pour que cette reconnaissance devienne une réalité et une pratique courante.

Par ailleurs, nous avons été pour le moins surpris en constatant qu'on interpelle les employeurs pour évaluer les compétences acquises par l'expérience. Puisque la plupart sont des petites et moyennes entreprises, des PME, peu d'entre elles disposent d'un service de ressources humaines ou même d'une personne dont c'est la fonction principale. Comment alors s'étonner qu'elles ne puissent procéder à de telles évaluations?

Nous réitérons donc l'importance et l'urgence de développer des outils mais aussi de donner l'heure juste aux personnes qui souhaitent immigrer au Québec. On ne peut continuer à accepter des personnes immigrantes sur la base de leurs diplômes et qualifications dans leur pays d'origine et refuser de les reconnaître ou les obliger à reprendre à peu près toute leur formation dès leur arrivée au pays. Le gouvernement doit donc prendre les moyens nécessaires pour accélérer le développement des processus permettant la reconnaissance des compétences et des acquis, dont ceux des personnes immigrantes.

La francisation est au coeur de nos préoccupations depuis longtemps déjà. La FTQ identifie la connaissance du français, langue commune du Québec, comme étant l'un des critères majeurs de l'intégration des personnes immigrantes. Or, la francisation des nouveaux arrivants n'est pas chose faite, le nombre de personnes immigrantes au Québec qui n'ont pas de connaissance du français demeure considérable. On apprenait récemment que près de 40 % des nouveaux arrivants ne parlent pas le français.

• (9 h 40) •

Pour les personnes qui arrivent au Québec, une des premières préoccupations est de trouver rapidement un emploi pour leur permettre de gagner leur vie. Ceux et celles qui ne parlent pas le français doivent, dans bien des cas, accepter des emplois pour lesquels ils ou elles sont surqualifiés. Elles ne sont donc pas disponibles pour suivre des cours de francisation offerts par le MIDI. Ces personnes sont cependant facilement joignables dans leurs milieux de travail, mais encore faut-il que les ressources nécessaires y soient consacrées et que les employeurs y soient un peu plus contraints qu'ils ne le sont actuellement. Certains de nos syndicats dans le secteur du vêtement, de l'hébergement ou de l'entretien ménager ont tenté de négocier et ont parfois réussi à implanter des classes de français sur les lieux de travail, dans quelques cas durant les heures de travail et rémunérées. L'organisation de cours de français pendant les heures de travail nous semble être une avenue accessible et permettant de rejoindre un plus grand nombre de personnes immigrantes. Des mesures incitatives existent déjà, notamment pour financer ces activités, mais il faut promouvoir davantage l'intérêt de telles initiatives et inciter les employeurs à les utiliser, en collaboration avec les syndicats. Les employeurs doivent recevoir un message fort à l'effet de veiller à ce que leur personnel maîtrise le français dans un délai raisonnable, cela est d'autant plus important quand l'État accepte d'accueillir des personnes immigrantes pour répondre à leurs besoins de main-d'oeuvre.

La situation du français au Québec est intimement liée à la composition linguistique des nouveaux arrivants. Le gouvernement doit donc continuer à privilégier l'immigration francophone et augmenter le niveau de connaissance du français des nouveaux arrivants au Québec. Bref, la question de la maîtrise et de l'apprentissage de la langue française devrait, selon nous, être au coeur de la nouvelle politique en matière d'immigration.

Comme plusieurs autres partenaires, nous trouvons important de mettre un accent sur la catégorie des travailleuses et travailleurs économiques en favorisant la diversité des immigrants reçus. Nous insistons toutefois pour maintenir les catégories de la réunification familiale ainsi que de la solidarité internationale. Il faut reconnaître que ces deux catégories permettent aussi d'accueillir des personnes formées et compétentes, même si elles sont entrées au pays sur la base de conditions différentes.

Lorsqu'on parle d'immigration économique et de sélection de candidates et de candidats formés, on a souvent l'impression qu'on recherche uniquement des travailleurs très qualifiés, pour lesquels il faut trouver des moyens de mieux reconnaître leurs connaissances et compétences. Les besoins des entreprises sont vastes. Nous avons besoin de main-d'oeuvre spécialisée et non spécialisée, disposant d'une formation professionnelle et technique. Nous avons aussi besoin de personnel moins scolarisé dans des secteurs très variés, allant de la manufacture à la restauration et à l'hôtellerie.

À cause de difficultés linguistiques ou de non-reconnaissance des diplômes acquis dans leurs pays d'origine, on retrouve actuellement un pourcentage élevé de personnes immigrantes surqualifiées dans des emplois qui ne nécessitent aucune qualification particulière. Plus rapidement nous arriverons à reconnaître les compétences de ces personnes, plus vite elles pourront occuper des emplois exigeant des qualifications et des compétences reconnues, mais plus nous retardons le processus, plus ces connaissances et compétences deviennent désuètes et ne pourront être mises à profit par les entreprises. Il faut donc s'assurer que la sélection des nouveaux des nouveaux arrivants tienne compte de ces réalités et laisse aussi place à des personnes moins qualifiées mais sûrement très motivées.

Bien que nous soyons entièrement d'accord avec la réduction des délais de traitement des demandes d'immigration, nous avons quelques inquiétudes quant au nouveau système de déclaration d'intérêt. Quelle place le gouvernement entend-il donner aux entreprises quant à la sélection des personnes immigrantes? Le gouvernement doit travailler avec les acteurs économiques et sociaux, mais il doit maintenir sa pleine responsabilité quant à l'intégration économique et sociale des personnes immigrantes.

Concernant les travailleurs temporaires, on s'est déjà exprimés dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 8. Écoutez, je vous dirais simplement qu'on est absolument contre deux classes de citoyens, deux classes de travailleurs, et qu'on doit avoir les mêmes droits pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au Québec, que ce soient des travailleurs temporaires ou que ce soient des citoyens de plein droit du Québec.

Depuis plusieurs années, les acteurs régionaux réalisent qu'il faudra de plus en plus faire appel à une main-d'oeuvre immigrante pour répondre aux besoins du marché du travail de leur région, sur une base permanente ou temporaire. Nous sommes bien conscients que ce recrutement est généralement plus difficile dans les régions éloignées. Même si l'on considère que les employeurs et les acteurs socioéconomiques régionaux ont un rôle important à jouer, il n'en demeure pas moins que c'est à l'État de s'assurer que tout est en place dans les régions pour bien accueillir et intégrer les personnes immigrantes qui voudront s'y installer. C'est pourquoi nous avons été surpris et déçus, pour ne pas dire choqués lorsque le ministère a annoncé la fermeture de nombreux bureaux régionaux. C'est la crédibilité même de la nouvelle politique qui peut être questionnée alors qu'il y a à peine trois mois on annonçait des fusions dans la grande région de Montréal ainsi que des fermetures dans des centres aussi importants que Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières et Gatineau. Rétablir les bureaux régionaux donnerait aux régions les moyens de soutenir l'intégration des personnes immigrantes.

Pour terminer, nous ferons un petit arrêt sur la question de la gouvernance. Ainsi, nous ne pouvons qu'être d'accord avec l'idée de mettre en oeuvre une stratégie qui permette de mesurer les diverses dimensions de la participation et accompagner la nouvelle politique d'un cadre de suivi et d'évaluation de programme. Sur ce point, toutefois, nous espérons que le ministère ira plus loin que la simple reddition de comptes quantitative et qu'il documentera les réalisations comme les échecs des mesures qui seront mises en place.

Nous terminons en espérant que la future politique québécoise comporte les moyens et des ressources suffisantes pour atteindre ses objectifs. Et nous rappelons que nous faisons partie de ces acteurs incontournables pour réussir les changements envisagés. Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Bienvenue. Bonjour, M. Boyer, Mme Mercier, Mme Chaaban. Je veux vous féliciter pour un excellent mémoire, beaucoup de matière ici pour nous, puis je vais essayer, avec le temps que j'ai, de vous poser plusieurs questions.

Dans un premier temps, je pense que... Puis ça peut, je vais vous dire, donner un peu une idée des questions que je voudrais vous poser, puis vous allez voir comment y répondre. Le rôle que peut jouer la FTQ pour créer, justement, cette société plus inclusive et comment... On a beaucoup parlé des préjugés, contrer la discrimination, les préjugés, ces derniers jours. Votre vision, j'arrive là-dessus parce que... Votre mission d'inclure, d'inclusion, là, vous partagez tout à fait cette vision en évoquant l'immigration humanitaire, je vous remercie de souligner l'importance, et que toutes les personnes, quelles que soient l'origine de cette personne et la voie d'immigration qu'ils ont empruntée, ont des droits égaux ici. Bon, j'aimerais vous entendre sur cette question. Comment la FTQ peut jouer un rôle dans les milieux de travail pour contrer les préjugés? On a parlé aux entreprises, le rôle que les entreprises ont aussi pour créer des milieux de travail plus ouverts, accueillants et libres de préjugés. Ça, c'est une des questions.

Le Président (M. Picard) : M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, d'entrée de jeu, vous dites qu'il y a beaucoup de matière dans notre mémoire. Je vous avoue qu'on avait plutôt l'intention de faire un document assez court, mais on s'est enflammés et emportés au fil du temps. Puis c'est un dossier qui nous tient à coeur, c'est un dossier qui nous tient beaucoup à coeur.

Quand vous mentionnez le rôle que peut jouer la FTQ, on peut jouer un grand rôle. Puis, vous savez, on n'a pas beaucoup de moyens, pour la bonne et simple raison qu'on n'est pas des employeurs, on n'est pas le gouvernement non plus. On a à s'entendre avec des employeurs, on a à s'entendre avec le gouvernement pour mettre des programmes en place puis on réussit, on réussit. Il y a de belles initiatives — Louise pourrait en parler plus que moi parce que c'est son syndicat — entre autres dans le secteur du vêtement, de l'hôtellerie, de l'entretien ménager, qui a réussi à négocier des ententes avec des employeurs pour, entre autres, des cours de francisation. Puis je prends... Ici dans la région de Québec, dans Chaudière-Appalaches, la FTQ a mis sur pied un cours, justement, parce qu'on peut se parler de préjugés, là, mais ce n'est pas juste les employeurs qui ont des préjugés, les travailleurs ont des préjugés aussi à l'égard de leurs confrères et de leurs consoeurs qui sont d'origine différente, puis on constatait ça dans nos rangs. Et on a mis sur pied une formation qui a été subventionnée, une subvention de la Commission des partenaires, je crois. On a mis sur pied une formation dans le but, dans chacun des milieux de travail, d'avoir des leaders qui assument la responsabilité de convaincre leurs collègues de travail, justement.

Ça fait qu'on a un rôle, on joue un rôle important, on a un rôle important. On est prêts à en jouer un encore plus important, mais vous comprendrez qu'on le joue avec les moyens qu'on a, hein?

Mme Weil : ...je comprends. Bien, c'est un exemple qui est vraiment intéressant, on en prend bonne note.

Valeurs, les valeurs communes, on a tendance... Et notre document parle de valeurs communes. La Commission des droits de la personne et d'autres recommandent qu'on parle plutôt de valeurs démocratiques, que «valeurs communes» a moins de sens et que «valeurs démocratiques»... on peut parler de valeurs démocratiques communes, mais ça rejoint beaucoup plus la Charte des droits et libertés. Qu'en pensez-vous? Avez-vous une réaction? Avez-vous réfléchi? C'est sûr que nous aussi, on a utilisé l'expression «valeurs communes», mais ça me séduit, cette notion de parler de valeurs démocratiques qui incluent l'égalité entre les hommes et les femmes et de tous, liberté d'expression, liberté de conscience, tous ces...

• (9 h 50) •

M. Boyer (Daniel) : Bien, moi, je pense que c'est plus correct de dire «valeurs démocratiques», mais il faut absolument rajouter «communes», pour la bonne et simple raison qu'il faut que ces valeurs-là, même si elles sont démocratiques, elles soient à tout le moins communes. On veut une intégration des personnes immigrantes à la société québécoise, donc moi, je pense qu'il faut avoir des valeurs démocratiques communes. Puis, vous savez, on est venus ici déjà, il n'y a pas si longtemps, dans le cadre de la charte sur la laïcité. Je ne me souviens pas... Ce n'est pas ce nom-là qu'elle portait, là, elle avait un nom immensément long, mais c'est des débats houleux qu'on a à faire dans nos organisations aussi, hein? Ça fait que je pense que, si on prend... «Valeurs démocratiques communes», je pense que ça a bien du sens dans une société laïque comme celle du Québec.

Mme Weil : Très bien. Les cours de francisation, là aussi, je vous dirais, unanimité sur l'importance de l'immigration, le rôle que l'immigration peut jouer, doit jouer pour pérenniser, si on veut, le fait français, l'expression qu'on utilise depuis plus de 25 ans, mais c'est vraiment de permettre aux gens... Et je comprends ce que vous dites aussi, c'est de permettre aux gens de participer à la société, donc la langue comme outil de participation, que ce soit dans les milieux de travail... et d'être valorisés et de pouvoir travailler au niveau de leurs compétences, et donc je pense qu'on est tous, comment dire... ça nous affecte quand on voit que des gens par ailleurs très compétents, on le sait, très scolarisés n'arrivent pas à atteindre le niveau dans un milieu de travail à cause de ce manque de connaissance.

Donc, il y a la sélection des personnes francophones dans les travailleurs qualifiés, évidemment la nouvelle grille qui a augmenté le niveau de connaissance qui est requis, le niveau 7, mais par ailleurs, évidemment, il y a le regroupement familial. Donc, il n'y a pas de sélection qui est faite pour le regroupement familial ni pour les réfugiés, puis il n'y a pas un pays qui fait des sélections de ces groupes-là. Donc, c'est là qu'il faut... Ils sont présents... bien, regroupement familial moins, mais les réfugiés, tout de suite. Mais ce que vous recommandez, donc, c'est que... Avec les entreprises on fait beaucoup la promotion en milieu de travail, et vous voyez là quelque chose de bien stratégique. Donc, ça peut être à temps partiel, évidemment, ça peut être très flexible. Nous, on a créé un programme. Je ne sais pas si vous avez vu le reportage sur les dépanneurs chinois hier soir à la télévision. C'est d'ailleurs suite à l'intervention de l'association des dépanneurs du Québec, qui sont venus me voir pour me dire... Parce qu'il y avait eu des articles là-dessus. Ils ont dit : Il faut faire quelque chose, il faut permettre à ces gens... Et on a créé le programme en l'espace de quelques jours, le ministère. Avec le ministère de l'Immigration, ça a été très rapide, donc on est capables aussi de répondre à des besoins. Mais ça permet à des gens de continuer à travailler, parce qu'on peut imaginer, des entreprises comme les dépanneurs, ils ont besoin de travailler, mais dans les milieux de travail aussi. On le remarque de plus en plus, d'ailleurs. Donc, ce que vous recommandez, c'est en milieu de travail beaucoup. Peut-être des formules flexibles, aussi, adaptées.

M. Boyer (Daniel) : Bien, je vous dirais oui. Oui, tout à fait. Écoutez, nous, on souhaite un renforcissement des règles concernant la francisation, mais on peut comprendre aussi que les employeurs ont besoin à certains moments d'une main-d'oeuvre spécialisée puis que de la main-d'oeuvre qui maîtrise le français, bien c'est peut-être plus rare. Mais il y a une chose importante : il faut à tout prix permettre à ces nouveaux arrivants là d'être en contact avec le français le plus rapidement possible et d'apprendre le français le plus rapidement possible. Puis, vous savez, je dis souvent... pas à la blague, mais à Montréal on est capable de vivre toute une vie juste en anglais, hein? Et les nouveaux immigrants, les nouvelles personnes qui arrivent ici qui ne maîtrisent pas le français, ce n'est pas chez eux, dans leur famille, ce n'est pas dans leur cercle d'amis qu'ils vont apprendre à parler français, parce que ça ne se passera pas en français. Ça fait que le seul moment où ils peuvent apprendre le français, c'est quand ils sont au travail. Donc, il faut insister.

Puis, oui, on est prêts, puis Louise pourrait en témoigner davantage que moi, là, mais on est prêts à toutes sortes de flexibilité. Et je vous avoue que c'est un dossier qu'on a tellement travaillé fort. On a dû convaincre des employeurs, on administre nous-mêmes ces cours de français là à la place des employeurs. Donc, on a fait des efforts immenses dans le but, justement... On y croit tellement, qu'il faut travailler cet aspect-là.

Mme Weil : Est-ce que vous avez remarqué, donc, dans les régions, que cette intégration linguistique se fait plus rapidement parce que les gens parlent juste français? C'est ce qu'on me dit, c'est que, dans les régions, ils ont moins cette inquiétude, la personne qui... Ils disent que c'est une exigence, de parler français, mais qu'ils semblent l'apprendre rapidement.

M. Boyer (Daniel) : Bien, peut-être, mais, écoutez, il y a tellement peu d'immigrants qui s'installent en région aussi que l'échantillon n'est pas très grand, hein?

Mme Weil : O.K. Ce qui nous amène sur la régionalisation. Je veux vous rassurer que les investissements qu'on a, c'est pour investir dans les acteurs régionaux, on a tout à fait cette volonté, et que l'argent soit vraiment dans des organismes communautaires, que l'argent puisse aller directement dans ces organismes, et que, le ministère de l'Immigration, les gens sont très mobiles, ils vont partout en région.

Je voudrais vous parler de la déclaration d'intérêt, vous l'avez évoqué, l'intention et la vision derrière ça, évidemment, oui, les entreprises, mais aussi... Puis on voit déjà le maire Coderre qui évoque le rôle de sa ville en matière de sélection. Moi, je l'ai évoqué aussi, de dynamiser le processus en amont, et je verrais... Et puis j'aimerais vous entendre là-dessus, les acteurs régionaux par les villes. On voit que les villes vont jouer un rôle, évidemment, important. Bien, en tout cas, moi, je vois cette vision des villes qui jouent un rôle important.

Donc, votre préoccupation par rapport à la déclaration d'intérêt, pouvez-vous l'expliquer puis voir comment vous et d'autres peuvent jouer un rôle dans ce nouveau système? Parce qu'on peut vraiment construire notre propre modèle. On va s'inspirer des meilleures pratiques des trois autres systèmes qu'on connaît, Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Canada, mais on peut rajouter des éléments qui sont propres à nous. Et c'est pour ça que c'est important d'écouter tout le monde. On aura d'autres occasions au cours de l'année, mais cette consultation est en partie pour prévoir un peu ce qui s'en vient dans l'année.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, je vous répondrais à ça : Ce n'est pas surprenant que le maire Coderre tente... Il rapatrierait tous les pouvoirs à Montréal, quand même, s'il le pouvait, là.

Mais il y a un bout avec lequel on est d'accord, puis ça me fait penser à ce que je vais mentionner dans une heure et demie à une autre commission parlementaire qui est le projet de loi n° 28 sur le développement local et régional. Écoutez, il faut donner à tout prix aux régions les moyens, et dans le cadre de l'immigration c'est la même chose, à tout prix aux régions les moyens d'accueillir de nouvelles personnes immigrantes. Et ça, on n'y arrivera pas si... — puis là je vais peut-être vous faire plaisir, là — si on se concentre juste sur les efforts du gouvernement, on n'y arrivera pas, on doit mettre la communauté au service de l'immigration à tout prix. Puis on est des acteurs importants là-dedans, là. Puis, quand je vous dis ça, dans le développement économique local et régional on est un acteur important, bien, en matière d'immigration, on peut être un acteur important aussi. On tente... On joue déjà un rôle important. Puis moi, je pense que, si on met les acteurs de la société civile, pas juste les élus mais les acteurs de la société civile, moi, je pense qu'on peut avoir quelque chose de relativement bon, là.

Mme Weil : Excellent. C'est très bien. Je veux voir si mes collègues, peut-être sur la reconnaissance des acquis...

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee?

Mme Weil : Je pense que c'est...

Le Président (M. Picard) : O.K. Mme la députée de Jeanne-Mance...

Mme Rotiroti : Je pense que c'est Mme Mercier qui voudrait dire quelques mots. Allez-y, Mme Mercier.

Mme Mercier (Louise) : Bonjour. Moi, je suis dans un syndicat où à peu près... dans certains secteurs il y a 60 % de la population qui travaille qui est d'origine ethnique, vêtement et entretien ménager particulièrement, et je dois vous dire que ça fait plus de 15 ans qu'on organise des classes de français dans ces milieux-là. Et il ne faut pas se le cacher, notre culture québécoise passe par le français, effectivement. Donc, dans les milieux de travail, si on veut garder cette culture vivante, il faut que ça parle français.

C'est extrêmement difficile de travailler... Daniel le mentionnait, nous gérons à bien des endroits toute l'organisation, la logistique, et etc., c'est le syndicat qui l'organise parce que ce sont des entreprises de sous-traitance, par exemple, en entretien ménager où les gens travaillent de soir, de nuit et de jour, donc aller à l'école, pour eux, quand tu travailles de nuit puis il faut que tu dormes quelque part, c'est extrêmement difficile. Donc, il y a une douzaine d'années, on a fait des démarches auprès des employeurs. Ça a pris plus d'un an et demi à les convaincre par le comité paritaire en entretien ménager, à convaincre l'association des entrepreneurs surtout de Montréal au bien-fondé de cette façon de faire, de libérer les gens dans leur temps de travail une fois par semaine, qu'ils viennent à l'école toutes les semaines le même jour. Ça se fait depuis 12 ans, donc c'était possible, sauf qu'on comprend très bien que, si le syndicat ne l'avait pas pris en charge, avec un partenariat nettement important de la part de l'employeur, ça ne se ferait pas, pour la simple raison qu'ils ne sont pas chez eux, ils sont chez des clients, donc ils ne pourraient pas... ils n'ont pas d'espace pour faire ces cours-là.

Le vêtement, la même chose. Vous disiez tout à l'heure, Mme la ministre, qu'on peut organiser... essayer de voir dans les horaires comment on pourrait faire ça. Dans le vêtement, on n'y est pas encore arrivé, il n'y a aucun employeur qui veut libérer ses gens pendant les heures de travail. Et pourtant on est là depuis 15 ans, où les salariés viennent après leurs heures de travail, on organise des cours de français à raison de deux fois par semaine, donc quatre heures par semaine où ils viennent prendre des cours de français; où on essaie de convaincre l'employeur en vêtement particulièrement et en hôtellerie sur le fait qu'il pourrait peut-être assouplir les horaires et garder sa main-d'oeuvre, parce que souvent, dans le vêtement, il arrive un moment donné durant l'année où on doit cesser la production par un inventaire qui est trop important, surtout dans le vêtement pour femmes, qui en arrache un petit peu plus, là, que les autres manufacturiers, et, à ce moment-là, l'employeur pourrait garder sa main-d'oeuvre qualifiée. Parce que, contrairement à d'autres endroits, il est extrêmement difficile de garder une main-d'oeuvre qualifiée dans la couture. Donc, nous, on essaie de le convaincre qu'au lieu de faire des mises à pied il pourrait peut-être continuer de garder ces personnes, plutôt que de les laisser partir ailleurs.

Et, pour la régionalisation, je veux juste vous dire que cette année nous venons de convaincre un employeur de la région de Québec, syndiqué avec nous, de faire à peu près semblable à ce qu'on fait dans le vêtement avec un groupe d'entretien ménager, une compagnie à Québec où il y a 30 % au moins de la main-d'oeuvre qui est immigrante. Alors, je suis de Québec, alors je sais que ce n'est pas si commun que ça dans nos entreprises, mais il y en a. Et on vient de commencer les cours de français. Et on a eu la chance que ces salariés-là travaillent à l'Université Laval, et l'employeur... bien, pas l'employeur mais l'endroit, l'Université Laval, a convenu avec nous de nous prêter des locaux pour qu'ils puissent venir aux cours de français avant ou après leurs quarts de travail. Mais tout ça pour vous dire que ça, ça prend un an et demi, deux ans avant d'y arriver. Ça fait déjà au moins deux ans qu'on y travaille.

• (10 heures) •

Mme Weil : Merci beaucoup, madame.

Mme Rotiroti : Rapidement, j'imagine?

Le Président (M. Picard) : Il reste 1 min 30 s.

Mme Rotiroti : 1 min 30 s. Bien, je vais aller directement à la question. Merci d'être là.

Vous avez abordé dans votre mémoire, à la page 8 et 9, la reconnaissance des compétences, puis vous parlez des outils. Il y a certains groupes qui sont venus nous dire que, la CSQ, on devrait donner un statut légal à la CSQ. On devrait aussi commencer le processus de la reconnaissance des équivalences de diplôme à partir de l'étranger.

Quand vous parlez des outils, vous faites référence à quoi exactement?

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, je pense qu'il y a plusieurs outils qui sont actuellement disponibles, puis je ne sais pas pourquoi ça prend autant de temps puis c'est aussi compliqué, la reconnaissance des acquis. Je le disais à la Commission des partenaires du marché du travail la semaine dernière parce qu'on discutait de la position de la Commission des partenaires que la commission était pour venir défendre ici, puis, moi, il y avait deux éléments majeurs, c'étaient la francisation et la reconnaissance des acquis. Je ne sais pas pourquoi c'est si compliqué puis je ne sais pas pourquoi ça prend autant de temps, mais je pense qu'on devra, demain matin, mettre toutes les énergies nécessaires dans le but que ça fonctionne, cette reconnaissance des acquis là.

Quels outils utiliser? Écoutez, je ne le sais pas, mais une chose est certaine, il y a déjà des outils qui existent, et il faudrait avoir la volonté que ça aille plus vite. Puis là je ne vous parle pas du dentiste ou du docteur qui fait du taxi, là, ça, c'est un peu loufoque, là, mais il y a de la reconnaissance d'acquis qui peut se faire très facilement, puis on dirait qu'on n'y arrive pas. Je le sais, que c'est complexe, là, mais en même temps il faudrait mettre les énergies, les efforts pour qu'on y arrive, parce qu'on ne dessert pas les personnes immigrantes quand on fait ça. Ils sont cantonnés dans des emplois où ils sont surqualifiés.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Boyer, madame... Excusez-moi, je n'ai pas les noms exacts.

Une voix : ...

M. Kotto : Mme Mercier et Mme Chaaban, c'est ça? Soyez les bienvenus. Merci pour votre contribution. C'est toujours agréable d'avoir votre son de cloche relativement à ce débat qui engage l'avenir socioculturel et économique, évidemment, du Québec pour plusieurs années, parce que le dernier énoncé politique en matière d'immigration, il remonte à 25 années. Les temps ont changé. Les enjeux à la fois nationaux et internationaux sont, sur le thème qui nous engage ici, sur le thème de l'immigration, très sensibles aussi sous différents angles.

J'étais surpris moi-même de savoir que plusieurs groupes avaient été consultés préalablement à l'élaboration du document de consultation, qui est un canevas d'orientation de ce débat parce que c'est la base, et je me pose la question : Pourquoi est-ce que vous... De votre côté, vous savez pourquoi vous n'avez pas été consultés préalablement à ça?

Le Président (M. Picard) : M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, je n'en ai aucune idée. Les organisations syndicales, on a été un peu surpris. C'est à la Commission des partenaires qu'on a appris que de nombreux organismes patronaux avaient été convoqués, et d'autres organismes aussi, mais aucune organisation syndicale, alors qu'on est des acteurs majeurs. Écoutez, je ne le sais pas, pourquoi. Mais, une chose est certaine, on a fait les démarches pour être entendus parce qu'on a quelque chose à dire, et je remercie Mme la ministre de nous permettre de se faire entendre, parce que je pense que c'est important.

Puis vous avez parlé... Je voudrais insister parce que je pense que c'est important : Il ne faudrait pas voir l'immigration comme un seul enjeu économique, c'est beaucoup plus large que ça. Puis je pense que c'est important. On a tendance, depuis quelques mois, à réduire ça à l'aspect financier, à l'enjeu économique. Oui, c'est important, mais il y a aussi bien d'autres enjeux, les enjeux socioculturels sont également importants. Je pense qu'il faut regarder le dossier dans son ensemble.

M. Kotto : Donc, c'est un débat important. Et, à la lumière... de la façon dont il est amené, parce que c'est une première phase, à ce moment-ci, que nous abordons, il y a la phase entourant la question des flux ou des seuils d'immigration qui va suivre par la suite, considérant que le débat était engagé au moment où on allait en vacances pour Noël, considérant que le laps de temps qui avait été dévolu aux personnes invitées à présenter des mémoires était très court et l'absence de publicité autour de cet exercice qui nous amène à la monopolisation par un certain nombre de gens seulement des enjeux importants pour le Québec, de votre point de vue, un tel débat, fondamental pour notre société, n'est-il pas plus enclin à transiter via des forums beaucoup plus importants pour impliquer l'ensemble des acteurs socioéconomiques et culturels?

M. Boyer (Daniel) : Probablement. Sûrement, même.

M. Kotto : Et sur une période beaucoup plus longue?

M. Boyer (Daniel) : Oui, oui, oui, je suis d'accord. Écoutez, nous, on a la faculté, étant une organisation syndicale qui représente 600 000 membres avec... Bon, on a du personnel, on a des affiliés, on a cette faculté de se retourner rapidement de bord, donc on a réussi en peu de temps — puis on le fait souvent, là — on a réussi en peu de temps à mettre nos idées ensemble puis de faire les démarches pour qu'on soit convoqués, mais effectivement moi, je pense que ça va prendre un débat plus large. Mais on est dans le cadre d'une consultation. Je souhaite que le débat soit amené à un autre niveau à un moment donné parce que, si nous, comme organisation syndicale, comme la plus grande centrale syndicale au Québec, on a les moyens de se présenter ici dans un court délai, j'imagine que d'autres organismes n'ont pas les mêmes moyens que nous, et qui ont tout autant le droit de se faire entendre dans cet exercice démocratique là, là.

M. Kotto : Merci.

M. Boyer (Daniel) : Mais là je ne veux pas... J'ai assez de ma gang à défendre qu'à un moment donné, là...

M. Kotto : Je veux revenir sur la perspective de répartition des responsabilités en matière d'immigration et d'intégration entre le gouvernement et les villes, en l'occurrence Montréal, parce que jusqu'à présent c'est de Montréal dont j'entends parler relativement à son nouveau statut, en débats en coulisses en ce moment. Pensez-vous qu'il est important de définir préalablement les responsabilités que le gouvernement aurait à sa charge versus les responsabilités qu'il accorderait à une ville telle que Montréal, qui reçoit 80 % de l'immigration au Québec au moment où on se parle?

M. Boyer (Daniel) : C'est primordial que... Puis il ne faut pas interpréter ce que j'ai dit tantôt en donnant plus de responsabilités au niveau régional et local, là, il ne faut pas interpréter ça comme le gouvernement se déchargerait de son obligation et de ses responsabilités vers les régions, vers les localités, bien au contraire. Il faut avoir des enlignements clairs, des dispositions claires visant à mettre en jeu ces enjeux-là au niveau local et régional, il faut que les mandats soient clairs, et il faut que l'État assume l'entière responsabilité de la politique d'immigration.

M. Kotto : O.K. Je reviens sur votre mémoire. Il est mentionné que vous travaillez à sensibiliser vos membres dans les milieux de travail à améliorer la francisation des personnes, à combattre le racisme et la discrimination, l'exploitation, notamment des travailleuses et travailleurs migrants.

Parce qu'on a déjà abordé avec d'autres la question de la discrimination et du racisme mais... je vais m'attarder sur la question de l'exploitation des travailleurs et travailleuses. Qu'est-ce qui vous amène à prendre la peine d'introduire ce vecteur dans votre mémoire? Est-ce qu'il repose sur des expériences tangibles que vous pouvez nous rapporter ici?

• (10 h 10) •

M. Boyer (Daniel) : Tout à fait. Je vous mentionnais tantôt qu'on est intervenus dans le cadre du projet de loi n° 8 qui visait les travailleurs et les travailleuses du secteur agricole. Pour nous, il n'est pas question d'avoir deux classes de citoyens, deux classes de travailleurs et de travailleuses. Nos chartes reconnaissent un droit à la liberté d'association, à la liberté de négociation, et, à notre avis, qu'on soit un travailleur temporaire, un travailleur permanent ou un citoyen québécois, canadien, on doit tous avoir les mêmes droits. Et ces deux droits-là, le droit de s'associer et le droit de négocier ses conditions de travail, sont intimement liés, et on ne peut pas faire deux classes de...

Puis les travailleurs agricoles, je m'excuse, là, mais ils n'ont pas le droit d'association puis ils n'ont pas le droit de libre négociation, avec le projet de loi n° 8, et je vous dirais la même chose... Et là on est-u dans le cadre de travailleurs illégaux ou pas? Mais toute la problématique des agences, c'est un sérieux problème. Des agences qui envoient des travailleurs, travailleuses travailler dans nos usines, où on est présents, et à des conditions qui ne sont pas celles prévues dans les milieux de travail, écoutez, c'est un problème, c'est un problème. Des gens arrivent là, ne sont pas visés par la convention collective, n'ont pas les mêmes droits que les autres travailleurs, travailleuses. Pourquoi ils n'ont pas les mêmes droits? Ce n'est pas parce qu'ils gagnaient 1 $ de l'heure dans leur pays qu'ils doivent se contenter de moins ici. Ce sont des travailleurs, des travailleuses au même titre que les autres travailleurs, travailleuses dans une usine, dans une école, dans un établissement de santé, là.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. Kotto : Deux minutes? O.K. J'avais plein de questions, mais je vais m'attarder sur la 14e recommandation dans votre mémoire, qui est, je vous rappelle : «Que le gouvernement précise davantage le système de "déclaration d'intérêt" et qu'il maintienne sa pleine responsabilité quant à l'intégration des personnes immigrantes tant économiquement que socialement.» Quand vous dites : «Et qu'il maintienne sa pleine responsabilité quant à l'intégration», etc., est-ce que vous avez des craintes relativement à ça?

M. Boyer (Daniel) : Oui. Oui, on a des craintes. Quand je mentionnais tantôt que je souhaite qu'il y ait une espèce de décentralisation, c'est non pas des responsabilités, hein, mais c'est la possibilité d'accueillir, parce que je pense que le milieu est plus propice pour accueillir les immigrants, mais en même temps c'est à l'État d'assumer l'entière responsabilité. Et là on voit une tendance à donner à des employeurs et, dans le cas de Montréal, à la municipalité certains pouvoirs qui devraient relever de l'État, relever du gouvernement québécois. Encore là, il y a possibilité, là, de bien faire les choses, en autant qu'on encadre et qu'on donne des mandats précis, puis je pense que c'est sain, là, que ce ne soit pas l'État, le gouvernement qui décide, parce que les employeurs ont besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée, pas qualifiée, professionnelle, technique, non professionnelle, mais en même temps c'est à l'État de décider qui va immigrer ici, au Québec. Puis je pense que les mandats doivent être clairs, les lignes directrices doivent être claires, et ça, ce n'est personne d'autre que le gouvernement qui peut les édicter, et on sent un flou artistique un peu, là, dans cette consultation-là. Il ne faudrait pas donner pleins pouvoirs à des employeurs, à des maires sur l'immigration.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, bonjour. Je vais vous référer à la page 19 de votre mémoire, la recommandation 17 : «Que les travailleuses et les travailleurs étrangers temporaires aient le droit de changer d'employeur.» Pouvez-vous aborder cette question-là? Parce qu'on comprend que généralement le régime fait en sorte qu'un travailleur temporaire vient pour une certaine période de temps, dans certains cas, supposons, les travailleurs saisonniers qui viennent en raison d'un besoin de main-d'oeuvre particulier, qui vont chez l'employeur et qui ont une sorte de contrat avec eux. Donc, quelle est votre position à cet égard-là?

M. Boyer (Daniel) : Bien, une plus grande flexibilité, hein? Là, ils sont cantonnés pour un temps donné chez un employeur donné, alors qu'ils pourraient avoir peut-être du travail chez un... puis là on peut se parler du secteur agricole mais bien d'autres secteurs aussi qui pourraient avoir le lendemain matin de la fin du travail qui est fait chez un employeur donné... avoir accès à du travail chez un autre employeur, ce qui n'est pas le cas, ce qui n'est pas le cas. Donc, c'est très limité, limité dans le temps, limité chez un seul et même employeur. On pense que ça devrait être un peu plus flexible. Puis ça revient à ce que je disais tantôt, hein, accorder les mêmes droits aux travailleurs temporaires, aux travailleurs immigrants qu'aux autres travailleurs québécois, c'est-à-dire la possibilité, quand tu n'as plus de travail, la possibilité que tu ailles ailleurs travailler, là.

M. Jolin-Barrette : Mais, sur ce point-là, vous abordez la question du projet de loi n° 8. Dans le fond, ça faisait suite, je pense, à un jugement de la Cour supérieure qui donnait un an à l'État québécois pour revoir une disposition du Code du travail. Cette disposition-là s'appliquait à l'ensemble des travailleurs agricoles et non pas uniquement à des travailleurs migrants temporaires ou étrangers.

M. Boyer (Daniel) : Non, vous avez raison.

M. Jolin-Barrette : Par contre, historiquement, au Québec, dans le cas des petites exploitations agricoles qui sont exploitées par le propriétaire et moins de trois salariés, bien, en raison de la difficulté économique et de la compétitivité et aussi en raison du climat, tout ça, il y a toujours eu une exception historique. C'est la même chose, exemple, dans les lois du travail qui visent la construction, au niveau de la Régie du bâtiment : pas besoin d'avoir de licence pour un agriculteur qui bâtit un bâtiment sur sa ferme, même chose au niveau des cartes de compétence.

Vous pensez que... — bien, deux questions, en fait — que cette disposition-là... Parce que, là, on a conféré un droit associatif mais pas un droit à la négociation collective. Première question : Pensez-vous qu'on devrait le faire? Et, deuxième élément, est-ce que votre organisation compte contester la constitutionnalité de cette loi-là?

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, compte contester la constitutionnalité... On est après analyser ça. Mais je vous dirais que les travailleurs agricoles, qu'ils soient des travailleurs temporaires ou qu'ils soient des travailleurs permanents, des citoyens permanents du Québec, ont des droits différents, puis on n'est pas d'accord avec ça.

Puis on est vus — je le sais pour avoir participé puis avoir écouté ce qui s'est dit à cette commission parlementaire — comme si on n'était pas responsables, comme organisation syndicale, quand on négocie des conditions de travail. Écoutez, on négocie des conditions de travail dans des milieux où est-ce que la job est saisonnière, on est conscients de ça. On inscrit des choses dans une convention collective, dans un contrat de travail qui tient compte de ça, que des fraises poussent... elles poussent dans une période de plus en plus longue, en passant, là, mais qu'on ait un moment pour les cueillir, que ce ne soit pas au mois de janvier. On est bien d'accord avec ça puis on est prêts à assouplir nos dispositions dans nos conventions collectives.

Je vous dirais qu'il y a plusieurs fermes, au moment où on se parle, qui sont syndiquées puis qui ont des conventions collectives, puis moi, je pense qu'on est capables de le faire pour tout le monde. Qu'on leur permette de négocier, de s'associer, de véritablement s'associer et de véritablement négocier leurs conditions de travail.

Puis là, écoutez, c'est sûr que, dans le secteur agricole, ça touche beaucoup de personnes... de travailleurs temporaires, mais en même temps il y a une majorité de travailleurs québécois dans ce secteur-là. Mais c'est les mêmes droits pour tout le monde, à mon avis, là.

M. Jolin-Barrette : Dans votre mémoire, vous faites également l'adéquation entre l'immigration qu'on reçoit — présentement c'est une immigration très qualifiée, très scolarisée — et les besoins du marché du travail, dans le fond ça ne prend pas toujours un diplôme universitaire pour remplir les emplois qui sont disponibles. Pouvez-vous développer la position de votre organisation là-dessus et ce que vous voudriez?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, bien évidemment, les gens qui... les personnes immigrantes qui viennent au Québec, elles viennent parce qu'elles ont une opportunité de travailler, puis il faudrait... Puis là il y a toute la problématique qu'on a parlé tantôt, la reconnaissance des acquis puis des compétences. Il faudrait que le plus possible les personnes qui immigrent au Québec se trouvent un emploi, puisque c'est pour ça qu'on les fait immigrer, en plus de ça. Donc, il faudrait qu'elles se trouvent un emploi qui réponde à leurs acquis puis leurs compétences.

Et vous me parlez de main-d'oeuvre qualifiée. Oui, de la main-d'oeuvre qualifiée, c'est peut-être un moins grand problème, mais, à partir du moment où les qualifications sont moins élevées, il y a toute la problématique de reconnaissance des acquis. Puis je le disais tantôt, là, le docteur et le chauffeur de taxi, là, ça n'a comme rien à voir. Des fois, il manque un peu de formation. Pour être électricien au Québec, il y a des normes. Bien, s'il y a un électricien qui immigre au Québec, ce n'est pas compliqué, la reconnaissance des acquis et des compétences, ça demande une mise à jour en fonction des normes, électricien ici, on ne lui fait pas suivre un cours de médecine au complet, là. Et on dirait qu'on a de la difficulté avec ça. Puis effectivement il faut qu'il y ait absolument un appariement entre les emplois disponibles et l'immigration, mais les emplois... Je l'ai dit tantôt, ce n'est pas rien qu'un enjeu économique, l'immigration, mais il faut qu'ils aient la possibilité, ces gens-là, de travailler.

Mais, vous savez, le problème est beaucoup plus complexe. Il y a des immigrants de la communauté maghrébine qui parlent très bien français, qui sont scolarisés puis qui ne travaillent pas, qui ne travaillent pas. Donc, on a un problème de sensibilisation auprès des employeurs, auprès de nos membres aussi, là. Il y a des préjugés, et il va falloir passer outre, il va falloir aller travailler là-dessus, là.

M. Jolin-Barrette : Vous abordez la question de la formation puis vous donnez l'exemple de l'électricien. Est-ce que les partenaires syndicaux seraient ouverts, supposons, dans l'industrie de la construction, à avoir une plus grande flexibilité au niveau de l'accès aux corps de métier, au niveau du marché du travail, notamment par l'ouverture des bassins? Parce qu'on sait que, supposons, dans cette industrie-là c'est extrêmement rigide.

• (10 h 20) •

M. Boyer (Daniel) : Oui, mais on le fait déjà. Même si on entend toujours que c'est rigide, là, la minute qu'il y a trop de rigidité puis qu'il y a un problème, on est prêts à s'asseoir puis à regarder c'est quoi, les solutions.

Moi, écoutez, c'est sûr que, s'il y a des électriciens québécois qui attendent de l'emploi puis qu'on amène des électriciens étrangers ici, il y a un problème. Mais, à partir du moment où on a besoin de main-d'oeuvre puis qu'il leur manque un petit bout de formation, un petit bout de compétence, un petit bout d'acquis pour répondre aux exigences normales de l'emploi qu'on leur demande, écoutez, faisons-le. Aidons-nous un peu puis aidons-les en même temps, là.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer. Ça met fin à nos interventions. Donc, je vous remercie pour votre présentation.

Et je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe, qui est Médecins du Monde Canada, de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 21)

(Reprise à 10 h 23)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant Médecins du Monde Canada. Je vois que Dr Nicolas Bergeron a pris place. Je lui demande de présenter la personne qui l'accompagne et...

Médecins du Monde Canada

M. Bergeron (Nicolas) : Oui. En fait, il s'agit de... Je pense qu'elle n'était pas inscrite. C'est Nadja Pollaert, qui est notre directrice générale, Médecins du Monde Canada.

Le Président (M. Picard) : O.K. Et vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et va s'ensuivre un échange avec les parlementaires. Allez-y.

M. Bergeron (Nicolas) : Merci. Alors, Mme la ministre, MM. les députés, bon matin à vous tous. Écoutez, pour être bref, je commencerai d'abord par présenter nos recommandations, et je pourrai ensuite discuter un peu de l'argumentaire qui soutient ces recommandations. La première chose et qui implique directement le gouvernement est celui de l'abolition du délai de carence. La seconde est celle d'une obtention d'une couverture médicale de base minimalement pour les personnes en attente d'une décision suite à une demande humanitaire ou un parrainage, l'accès à une couverture intégrale pour les soins périnataux des femmes enceintes en démarche de régularisation de leur statut migratoire, l'accès à une couverture médicale pour les enfants nés au Canada sans égard au statut migratoire de leurs parents et également l'accès aux soins complémentaires tels que la dentisterie et la psychothérapie pour les personnes éligibles au Programme fédéral de santé intérimaire, dont on pourra discuter un peu tout à l'heure.

Alors, pourquoi améliorer l'accès aux soins à des personnes en processus d'immigration? C'est un sujet d'actualité, vous en convenez, l'accès aux soins, aux médecins de famille au Québec. J'ai vu que Dr Barrette était séance tenante à discourir de la loi n° 20. D'abord et avant tout, je pense, le premier argument, c'est que, d'une perspective de droit, il apparaît que nous devons honorer les engagements des pactes, des conventions, qui sont multiples, que le Canada a ratifiés et qui essentiellement... En tout cas, certainement un principal, c'est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui, dans le fond, va préciser un peu davantage la Déclaration universelle des droits de l'homme et qui s'intéresse évidemment au droit à la santé. Le droit à la santé, ce n'est pas le droit d'être en bonne santé mais plutôt, évidemment, que tout être humain a droit au meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre, et donc que les gouvernements, les autorités doivent mettre en place des plans d'action et des politiques pour permettre, justement, la réalisation de ce droit à la santé.

Le deuxième point, je pense, c'est la perspective de santé publique. La crise d'Ebola, je pense, nous a démontré l'importance que pouvait avoir une perspective de santé publique. Donc, l'identification, bien sûr, d'infections comme la tuberculose, le VIH ou encore d'autres pandémies permet évidemment de protéger la population et de freiner la propagation. Également, dans les soins, le dépistage, la prévention et la promotion de la santé va effectivement prévenir des problèmes plus importants, c'est certainement une perspective de santé publique qui doit être soutenue de l'avant. On ne remet pas en question la vaccination des enfants, mais plusieurs personnes en situation d'immigration voient leurs enfants qu'ils n'ont pas vaccinés ici même, au Québec.

Troisième chose, c'est les perspectives de coût. C'est souvent abordé. Alors, c'est bien beau, la santé, l'accès à la santé, mais ça a des coûts. Par ailleurs, un suivi précoce de femmes enceintes ou de prévenir la dégradation de maladies chroniques va permettre d'appréhender des catastrophes médicales, une femme en prééclampsie ou en éclampsie qui arrive à l'hôpital, parce qu'évidemment notre système de santé va honorer les urgences médicales, mais, bien sûr, on pouvait prévenir la chose. Donc, petite infection deviendra grande. Un séjour aux soins intensifs pour une endocardite, évidemment, a des coûts énormes, donc c'est dans une perspective aussi de coût. En fait, c'est un investissement.

Question de valeurs, le gouvernement, avec une petite enveloppe budgétaire du ministère des Relations internationales, le ministère canadien, donc le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et Développement, feu ACDI, évidemment, offre des sous pour des programmes d'accès aux soins de santé dans les pays en voie de développement. Il serait tout à fait cohérent aussi sur notre territoire d'être capables d'offrir minimalement aussi ce type de soins qu'on offre et qu'on met beaucoup d'argent à aider les systèmes ailleurs à faire ce genre de mise en oeuvre. D'ailleurs, de travailler sur les déterminants sociaux de la santé, qui incluent évidemment l'accès à un revenu, logement, alimentation, évidemment, dans l'ensemble des programmes, vise au bien-être de la population ailleurs, alors pourquoi ne pas le faire, certainement, ici? Vous avez certainement des interlocuteurs qui ont bien appuyé leurs opinions là-dessus.

Une autre valeur, et le premier ministre en a parlé à l'occasion : celle de l'égalité de traitement, donc que les citoyens doivent... sans discrimination puissent recevoir des services de santé ou d'autres services, peu importe leur âge, leur religion, leur origine ethnique, à situation égale, certainement, prestation égale. Mais il existe aussi un autre concept qui est extrêmement important en santé, celui de l'équité. Donc, on parle plus de l'égalité de chances à des personnes plus défavorisées, des personnes en situation de vulnérabilité comme les personnes en processus de migration. On doit davantage leur offrir de services ou être traité un peu différemment, donc un traitement inégal pour des gens qui sont inégaux. Et c'est une valeur, je pense, qui est utile par rapport à ce dont on parle.

• (10 h 30) •

Alors, puisqu'on parle d'exclusion, de discrimination, en 2001 le gouvernement avait instauré le délai de carence, donc un trois mois où les futurs concitoyens n'auraient pas accès à des soins de santé. On annonçait une économie de 2 millions de dollars, surtout pour s'opposer au tourisme médical, mais la démonstration de cette mesure restrictive qui aurait diminué des potentiels d'abus n'a jamais été appuyée, n'a jamais été démontrée, n'a jamais été chiffrée, et, au contraire, plusieurs rapports démontrent au contraire que le retard de prise en charge d'un problème de santé petit, évidemment, occasionne des coûts globaux supérieurs. Donc, ces économies de trois mois où à des concitoyens on n'aurait pas offert des soins s'avèrent plutôt catastrophiques, plusieurs d'entre eux. Et le tourisme médical n'est pas démontré. Le réseau de Médecins du Monde, qui compte 15 délégations, parfois les gens nous identifient beaucoup à l'action humanitaire internationale, mais chacune des 15 délégations a des activités nationales dans les pays où sont nos sièges, et on s'intéresse à la santé des populations vulnérables, marginalisées, mais aussi aux populations migrantes, et, depuis plusieurs années, des enquêtes sont faites pour appuyer, de témoigner avec des chiffres à l'appui quelle est la condition de santé des personnes migrantes, et notamment en Europe. Le dernier rapport, en fait, de 2014, qui avait étudié près de 17 000 patients qui avaient été reçus dans 25 villes de huit pays européens, s'était informé des raisons de migration de ces populations : la moitié pour des raisons économiques, le quart pour des raisons politiques, religieuses ou ethniques, 6 % pour fuir la guerre mais seulement 2,3 % pour des raisons personnelles de santé. Donc, le tourisme médical demeure un mythe qui n'a pas été démontré. Et les personnes migrent pour trouver du travail et fuir la violence mais pas pour obtenir des soins. Donc, cette recherche est extrêmement marginale.

Finalement, pour le Programme fédéral de santé intérimaire, donc, qui sont des soins médicaux pour les réfugiés et demandeurs d'asile, qui date depuis plusieurs années, comme vous le savez, l'abolition de ce programme a été présentée en juin 2012. D'ailleurs, j'en profite pour remercier le gouvernement. À l'époque, à ce moment-là, c'est le Dr Bolduc qui avait mis en place une couverture d'exception et temporaire. Le 4 juillet 2014, donc c'est tout récent, la Cour fédérale a statué que cette réforme allait à l'encontre des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, et le 5 novembre, donc, des changements ont été apportés. Et elle est actuellement en appel, et tout récemment, donc, les structures de santé, on voyait, le 14 janvier, des ajustements. Et Médecins du Monde recommande aussi de poursuivre des soins complémentaires aux gens qui sont éligibles au PFSI, notamment pour la dentisterie et les soins psychologiques. Les soins psychologiques, peu dispendieux, mais la grande majorité des demandeurs d'asile réfugiés ont subi des violences, et certainement c'est, sans jeu de mots, de bonne guerre de pouvoir leur offrir les soins dont ils ont besoin. Je pense qu'il y a certainement aussi une recommandation implicite, celle de peaufiner les informations, que ce soit clair pour les immigrants mais aussi pour le personnel médical, parce qu'il y a beaucoup de confusion, qui a droit à quoi. Et certainement déjà, pour les personnes migrantes, il y a de multiples barrières — qui vous ont sûrement été exposées ici — pour leur intégration, mais, pour connaître, comprendre le système de santé et faire reconnaître leurs droits aussi, c'est excessivement compliqué, alors certainement il y a une clarification d'information à ce sujet.

Donc, certainement, je nous invite à dissocier le plus possible la santé et les politiques d'immigration, processus administratifs, et puis de voir l'accès aux soins de santé non pas en termes de coût, mais en termes d'investissement. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Merci beaucoup, Dr Bergeron et Dre... Mme Pollaert, c'est bien ça? Je vous remercie d'être ici avec nous. Vous touchez un vaste sujet. Je vous félicite aussi beaucoup pour le travail que vous faites. Je pense que toute la société est en admiration pour votre engagement envers l'égalité puis les soins pour les plus vulnérables.

Personnellement, j'ai été très touchée dans ce... J'étais ministre de l'Immigration à l'époque, lorsque le gouvernement fédéral avait annoncé, annoncé parce qu'on le voyait venir, la fin de ce programme, et, oui, avec Dr Bolduc on a réagi rapidement parce qu'on était en lien avec des médecins à Montréal qui traitaient justement ces populations, les demandeurs d'asile, qui, vous savez, sont un peu dans un no man's land, hein, pas juridiquement au Québec, je veux dire, tout le monde sur le territoire a accès à l'aide sociale et des soins de santé, mais parce que depuis des années, 40 ans, il y avait ce programme, bon, le Québec était surtout en demande auprès du gouvernement fédéral, pendant des années, pour pouvoir traiter ces demandeurs d'asile, parce qu'il avait un volume important, hein, depuis plusieurs années. Quoi qu'il en soit, je vous remercie du remerciement, parce que, c'est vrai, on a agi vite. Et ce que j'ai compris, c'est que par la suite d'autres provinces ont suivi le «lead» du gouvernement du Québec.

Maintenant, si je comprends bien, là, le programme est rétabli mais pas à 100 % de ce qu'il était avant. Mais est-ce qu'il est comblé par le Québec? Juste pour bien comprendre, parce que j'ai connu ce dossier. Comment vous voyez la situation? Au-delà des traumatismes et des problèmes de santé graves qu'on peut voir... J'y reviendrai, parce que je veux bien comprendre la situation des réfugiés aussi, mais on va parler des demandeurs d'asile dans un premier temps. Est-ce que vous voyez que c'est rétabli mais pas à votre satisfaction, c'est un peu ça?

M. Bergeron (Nicolas) : En fait, je pense que vous le dites très bien, c'est un dossier extrêmement compliqué à comprendre parce qu'il y a de nombreux statuts. Déjà, de discriminer dans les différents statuts sur les personnes migrantes, ça devient un peu compliqué, mais donc, pour les demandeurs d'asile, par rapport aussi à leur origine, donc, ce sont des pays d'origine sécuritaires versus non sécuritaires, on en perd beaucoup son latin. Je pense qu'on l'a mis un peu en détail dans le mémoire.

Mais grosso modo ce que j'ai compris, et puis Mme Pollaert pourra combler s'il manque de l'information, le Programme fédéral de santé intérimaire n'est pas revenu à ce qu'il était avant, il y a effectivement... À cause un peu de la gêne, que la Cour fédérale aura dit : Écoutez, vous n'honorez pas les droits, les droits internationaux et puis minimalement, je pense, des valeurs et des dignités qui sont bien enchâssées dans la charte canadienne, donc, ils ont un peu rebroussé chemin. Et donc les réfugiés, donc, reçoivent des services. Les demandeurs d'asile, dépendamment de leur origine, vont recevoir qu'est-ce qui était minimal.

Peut-être pour le bénéfice des députés, avant, les seuls soins, c'est si la santé des Canadiens était menacée. Donc, si la personne avait une tuberculose active ou était psychotique et allait non pas se suicider mais tuer quelqu'un d'autre, là, à ce moment-là, on pouvait lui offrir des soins.

Mme Weil : Mais, juste pour que les gens comprennent, ça, c'était la solution après l'abolition du programme, mais le programme avant était plus large, juste pour que les gens comprennent.

M. Bergeron (Nicolas) : Exactement. Alors, avant, on offrait minimalement ce que la population canadienne... ce qu'ils reçoivent de protection sociale, là, de base reçoivent. Il y avait certains soins complémentaires de dentisterie et soins psychologiques, je vous en ai parlé un peu tout à l'heure, mais effectivement qui ne sont pas revenus. Donc, actuellement, il y a des soins de base qui sont offerts, des suivis de grossesse pour les femmes enceintes, pour les enfants. Là, on parle de cette petite portion de gens qui sont des demandeurs d'asile et des réfugiés reçus.

Mme Pollaert (Nadja) : Si vous permettez, Mme la ministre, peut-être juste une petite explication, parce que je crois qu'il y a quand même un enjeu au niveau des différents statuts. Si vous permettez, je vais juste clarifier rapidement.

Quand on parle du délai de carence, on parle des immigrants reçus. Donc, c'est des personnes qui ont été sélectionnées à l'étranger, qui arrivent ici, qui vont rester au Québec, qui ont payé leurs frais, qui ont été sélectionnées. Bon. Ça, c'est une chose.

Pour les réfugiés, il y a les demandeurs d'asile, donc, qui sont en attente de statut. Nous, ce qu'on voit beaucoup, par contre, dans la clinique migrants à Montréal, c'est des personnes, comme Dr Bergeron expliquait, qui... Et c'est pour ça qu'ils rencontrent toujours d'abord une travailleuse sociale, parce que vous avez vu l'annexe à notre rapport, c'est un casse-tête très, très difficile à chaque fois, de déterminer qui a accès aux soins de santé et qui qui n'en a pas. Et, même si on le détermine, ça prend un accompagnement, et d'où l'importance d'une présence de Médecins du Monde et aussi de sensibiliser le milieu hospitalier, parce que ce n'est pas parce qu'un droit existe que les gens ont vraiment accès à ce droit-là. Et vous connaissez bien ce dossier, Mme la ministre. Donc, peut-être juste ça pour compléter.

Mme Weil : J'aimerais vous amener sur les réfugiés, donc, qui ont un statut permanent parce qu'ils sont soit parrainés par un groupe de parrainage ou sélectionnés par le gouvernement fédéral mais suite à un accord avec le gouvernement du Québec, donc pris en charge vraiment par l'État. Mais ce qu'on apprend, c'est que les situations... leur santé est de plus en plus fragile à cause de ce qu'ils ont vécu, les traumatismes des enfants qui ont grandi dans des camps.

Évidemment, l'information, le ministère de l'Immigration travaille de façon transversale, donc, toute l'information que vous nous donnez, on la partage avec d'autres acteurs du gouvernement qui devraient... qui l'ont vu, sûrement, mais vous le présentez de façon structurée, avec beaucoup d'information, j'en profite pour vous poser des questions là-dessus. Et c'est des informations qu'on peut partager, évidemment, avec le ministère de la Santé surtout mais le ministère de l'Éducation. Et j'aimerais voir si vous avez aussi... par rapport aux enfants, parce que j'entends certaines choses. Qu'est-ce que vous voyez au point de vue problèmes psychologiques, psychiatriques pour les jeunes enfants? Je vous laisse aller pour qu'on puisse mieux connaître l'état de santé psychologique et physique de certains réfugiés. Je pense qu'il faut faire attention, il y en a beaucoup qui sont très bien, très en santé et capables de contribuer rapidement mais d'autres qui ont besoin de soins plus particuliers.

M. Bergeron (Nicolas) : J'en profite pour dire... Nadja Pollaert a été directrice du bureau du droit international des enfants pendant quelques années, donc elle maîtrise assez bien... Et puis je dirais que Médecins du Monde travaille main dans la main avec des perspectives, bien sûr, de l'accès aux soins mais avec une perspective de santé publique et de droit de la santé, donc, effectivement, c'est quelque chose d'excessivement important pour nous.

• (10 h 40) •

Mme Pollaert (Nadja) : Peut-être... Je vous remercie de tenir compte de la particularité des enfants, parce que cette année, malheureusement c'est passé un petit peu en douce, mais on a quand même fêté le 25e anniversaire de la ratification de la Convention relative aux droits de l'enfant, et il y a plusieurs articles, donc, qui se concentrent directement sur les enfants réfugiés.

Je pense que la première chose — mais ça, je suis certaine que mes collègues de la table de concertation hier aussi l'ont fait valoir — il y a vraiment l'enjeu des demandes de regroupement familial qui sont extrêmement longues, des délais de regroupement familial. Et ça, ça fait en sorte que soit les enfants qui sont ici et séparés d'un de leurs parents ou de leurs parents, c'est extrêmement long, ça peut aller jusqu'à plusieurs années... Évidemment, pour tous ceux d'entre vous qui ont des enfants, vous pouvez vous imaginer qu'un enfant qui sort d'une situation de conflit, de guerre, et qui se retrouve dans un pays sans soutien familial, ce n'est pas vraiment évident.

Ensuite, il y a les enfants qui se trouvent encore dans le pays et parce que souvent c'est un des parents qui vient ici pour revendiquer le statut de réfugié, qui est accepté, et, là aussi, le parrainage est extrêmement long. Donc, quand l'enfant arrive, au bout de plusieurs années... On a eu des cas d'enfants où la mère ou le père ont quitté, l'enfant avait six mois, un an, un an et demi, et le regroupement prend cinq, six, des fois sept, huit ans, j'ai vu des cas comme ça. Évidemment, les enfants arrivent ici, au Québec, ils ont énormément de lacunes d'abord, souvent, au niveau scolaire, parce qu'il y a tout un travail de mise à jour à faire. Il y a le sentiment d'abandon aussi par rapport à un des parents qui les a laissés pour venir ici et souvent aussi qu'il ne comprend pas pourquoi ça a été si long, parce que c'est très difficile à expliquer parce qu'effectivement, quand on regarde d'autres pays comme notamment les États-Unis, les cas de parrainage et de regroupement, plutôt de regroupement familial, c'est extrêmement rapide. Donc, les délais sont très différents. C'est rare qu'on cite les États-Unis en exemple par rapport aux réfugiés, aux immigrants, mais c'est assez rapide, hein? Donc, je pense, ça, c'est quelque chose qui nous préoccupe et... Oui, c'est ça, en gros ce serait ça.

Donc, nous, à la clinique, oui, on en voit aussi, des enfants, mais c'est sûr que... Oui, l'aspect psychologique est pris en compte, mais, comme c'est un travail de plus longue haleine et que nous, on offre surtout des services de premiers soins, on va les voir, on va essayer de les référer dans le système. Mais vous savez aussi, Mme la ministre, qu'avant on avait le RIVO, on avait plusieurs organisations à Montréal et aussi des milieux comme la clinique interculturelle de l'Hôpital Jean-Talon, le Jewish General où on pouvait référer des clients qui avaient des besoins particuliers. Aujourd'hui, le RIVO n'existe plus, les services ont été considérablement réduits, et c'est sûr qu'on voit les effets par rapport aux enfants mais aux adultes aussi.

M. Bergeron (Nicolas) : Si je peux rajouter, en fait, dans notre clinique migrants, depuis 2011, qui existe essentiellement pour offrir des services de soin vraiment de base, soins de première ligne qui sont faits par des médecins bénévoles qui sont dans le système public, par ailleurs, et qui font ça en dehors de leurs heures, je peux vous rassurer, et qui voient... en fait on voit très peu d'illégaux, par ailleurs, on pourrait dire que c'est peut-être le quart, mais les réfugiés et demandeurs d'asile, ça correspondait à moins de 10 % des personnes qu'on accueillait parce qu'il y avait une certaine prise en charge via le Programme fédéral santé intérimaire, donc, des cliniques avoisinantes. Et souvent ce sont les mêmes médecins qui sont bénévoles chez nous mais qui vont s'occuper des réfugiés ailleurs. Donc, on a une énorme crainte des besoins immenses avec l'abolition du Programme fédéral de santé intérimaire. Heureusement, ça ne s'est pas traduit encore avec une augmentation, mais on craint énormément. Donc, des soins de base.

Et, par rapport aux soins psychologiques... Parce qu'effectivement les réfugiés sont une classe de migrants qui, contrairement aux autres migrants, qui sont souvent un peu plus en santé pour passer à travers la migration, ce sont des gens qui ont essuyé des violences extrêmement physiques et psychologiques. D'ailleurs, dans le rapport du réseau international de Médecins du Monde, c'est à peu près le trois quarts des personnes qui avaient subi au moins une violence. Donc, ce sont des gens, si vous permettez, poqués par les violences qu'ils ont subies de leur pays d'origine, et ce pourquoi ils demandent l'asile ou ont été réfugiés, et actuellement il n'y a pas de service, de soins pour les sévices psychologiques. Donc, c'est certainement un manque à gagner. Et c'est pour ça que l'on suggère... Et d'ailleurs c'est peu coûteux non plus, ce genre de service, on n'a pas besoin de «scan» et on n'a pas besoin de prise de sang compliquée, ce sont des psychothérapeutes qui s'y connaissent en trauma et puis évidemment sur les dimensions culturelles qui peuvent accompagner ces personnes-là. Et je pense que, certainement, d'être en mesure d'offrir une certaine couverture sera bon pour les parents, les enfants et puis les futurs concitoyens, donc, qui ont reçu le statut de réfugié.

Mme Weil : ...combien de temps?

Le Président (M. Picard) : Cinq minutes, Mme la ministre.

Mme Weil : J'ai pu rencontrer le haut-commissaire des réfugiés des Nations unies, qui est venu me rencontrer pour féliciter et remercier le Québec pour le rôle qu'on joue et notamment au chapitre de la santé. Puis, vous savez, on avait même réfléchi tout haut à peut-être faire une conférence internationale pour partager les meilleures pratiques en la matière. Même si nous, on constate des lacunes, puis les problématiques sont sévères, il a quand même reconnu que le Québec jouait un rôle important d'ouverture.

D'ailleurs, ça fait partie des orientations, vous le voyez dans le document, bâtir une société plus inclusive. On ne vise rien de moins que la pleine participation, on ne fait pas de distinction entre les catégories de personnes qui se retrouvent sur notre territoire. Et donc ce que vous apportez, évidemment, c'est ce message, je le vois, évidemment, par des soins de santé, des soins psychologiques.

Mais j'ai deux questions. Peut-être les meilleures pratiques que vous avez vues ailleurs, dans d'autres pays, qui pourraient nous inspirer. L'autre question : Est-ce que vous avez des liens particuliers avec le milieu scolaire, justement, parce que... ou les CSSS qui ont des relations... ça, je sais qu'il y a le CSSS de la Montagne, par exemple, qui a des liens avec tous les milieux, mais le milieu scolaire, pour aussi bien informer les milieux scolaires des problématiques que vous voyez, de santé, puis d'être sensible à ça? Bon.

Et finalement, troisième question, dans le temps qu'il nous reste, si vous avez d'autres points de vue sur cette grande vision qu'on a, l'objectif de bâtir une société plus inclusive qui, évidemment, ne fait pas de distinction entre les personnes, quelles que soient les catégories, mais qui valorise leur capacité de contribuer à la société. Vous les aidez en amenant ces soins essentiels, mais, dans votre pratique, peut-être des histoires intéressantes où vous avez vu, justement, que le travail que vous faites permet à cette personne d'avancer dans sa vie.

• (10 h 50) •

M. Bergeron (Nicolas) : Bien, écoutez, d'abord — je passerai la parole peut-être à Nadja ensuite — d'abord, en termes de capacitation, l'expression d'autonomisation, d'«empowerment», certainement ça a toujours été le fer de lance de Médecins du Monde, et ça suppose évidemment, pour que le citoyen puisse être en pleine capacité, qu'il ait accès à la santé, qu'il soit en santé. Donc, toute mesure qui est discriminante ou qui rend les choses complexes pour la personne pour avoir accès à la santé même lorsqu'il a droit... Donc, comment on peut l'accompagner, lui faciliter la chose va être bienvenu pour lui permettre une pleine... être capable de se mettre en mouvement comme futur citoyen ou citoyen, déjà, du monde. Alors, un délai de carence n'a pas raison d'être.

Des messages clés d'information, de liaison, effectivement, interministérielle, quand vous parlez de parler de l'éducation, de la santé, déjà sur le terrain, je pense, les gens déjà ont des rapports extrêmement généreux et tissés. Donc, l'enfant à l'école, l'éducation à la santé, de comprendre... ou, les professeurs, d'être capable d'appréhender, on l'a vu un peu après le séisme : Comment est-ce qu'on accueille les nouveaux Haïtiens qui viennent chez nous, notamment les enfants? Je pense qu'il y a un travail qui se fait.

Mais je pense qu'il y a déjà une sensibilité qui est présente auprès de nos organes, je dirais, de proximité. Médecins du Monde va aller dans une tranche qui est mal desservie, donc c'est les gens qui ne sont pas déjà dans ces eaux-là, mais, bien sûr, va interpeller... Nos acteurs sont des gens qui connaissent un peu le système. Et de promouvoir la santé aux différents paliers, de donner l'information juste m'apparaît excessivement porteur et va permettre donc de meilleurs citoyens et en santé.

Concernant les meilleures pratiques, il y a énormément de tension, en ce moment, sur les politiques migratoires en Europe. L'Espagne, la Grèce ont des politiques migratoires régressives et qui ont des impacts sur la santé avec... qui ont été condamnées. Évidemment, il y a des tensions xénophobes majeures qui occasionnent des violences et donc aussi sur des personnes, qui conduit à des impacts sur leur santé, psychologiques mais aussi physiques. Donc, c'est extrêmement difficile, il y a des tensions dans le système. Mais il y a des pays, en tout cas, notamment en Scandinavie encore peut-être, mais je sais que la Suède a annoncé, il y a deux ans environ, des mesures plutôt progressistes en termes d'accueil, de façon plus généreuse sur la santé de la population en général. Donc, j'inviterais vos conseillers à aller scruter un peu qu'est-ce qui a été fait là-dessus.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Alors, M. Bergeron, Mme Pollaert, merci d'être là, merci pour la contribution. Une question en liminaire : Comment vous est venue l'idée de venir contribuer à ce débat important?

M. Bergeron (Nicolas) : Bien, j'ai envie de vous dire, aider, soigner, témoigner font partie de notre mission, donc certainement de présenter la perspective de santé, droit à la santé pour les populations migrantes était tout à fait naturel. Et le réseau de Médecins du Monde est le porte-parole ou l'organisme pour... lequel la Commission européenne interpelle sur la question de la santé et des migrants. Donc, en Europe, Médecins du Monde, les personnes sont capables de prendre la parole. Et certainement nous, donc, depuis, on a suivi notre réseau, et depuis 2011 on s'intéresse à la chose et on veut certainement avoir une veille épidémiologique là-dessus pour vous aider à prendre des meilleures décisions, mais aussi de venir témoigner ici fait partie certainement de notre mission.

M. Kotto : Et comment avez-vous eu vent de la tenue de cette commission?

Mme Pollaert (Nadja) : Donc, on a été invités à comparaître à la commission. Et d'ailleurs on vous en remercie, d'avoir tenu compte de l'aspect de la santé.

M. Kotto : Maintenant... Alors, merci d'être là. Je vais aller dans vos recommandations. La troisième recommandation dans le mémoire nous parle de la prise en charge médicale des femmes enceintes en démarche de régularisation de leur statut migratoire. Des cas de femmes enceintes qui se retrouvent ou qui se sont retrouvées en marge du système de santé faute de statut, est-ce que vous en avez compilé un certain nombre?

M. Bergeron (Nicolas) : On en a beaucoup et de plus en plus. C'est probablement les bénéficiaires, les personnes qui viennent le plus souvent à notre clinique migrants. Nos rapports annuels donnent les détails, je peux vous donner des chiffres absolus, là, je vais les regarder, mais c'est un problème extrêmement important.

Et aussi il faut dire qu'il y a des tensions budgétaires dans les établissements de santé au Québec, qui fait qu'effectivement elles ne sont pas nécessairement les bienvenues. Et on a fait des démarches qui vont un peu dans la phase, là, d'éducation et d'information avec les établissements de santé pour parler des problématiques des femmes enceintes, donc, avec des statuts migratoires divers — souvent, à cause du délai de carence, c'est une question de temps — et puis pour voir de quelle façon on peut collaborer, parce que Médecins du Monde n'a pas de plateau technique, évidemment, pour faire les accouchements, pour faire les césariennes ou en cas de problème majeur, mais certainement on est capables de faire le suivi minimal de... les prénataux pour évidemment freiner ou appréhender des catastrophes médicales qui, elles, seraient très onéreuses pour notre système.

Mais, si tu veux répondre... Moi, je peux regarder, vous donner les chiffres, mais c'est extrêmement impressionnant sur le nombre de personnes que nous avons accueillies à notre clinique.

M. Kotto : Allez-y, madame, oui.

Mme Pollaert (Nadja) : Oui. Je veux juste peut-être compléter ce que Dr Bergeron a dit. Il faut savoir... C'est que, nous, notre philosophie, au niveau du travail, c'est que l'idée, c'est de référer les personnes dans le système, là où la responsabilité de l'État doit être là. Nous, on réfère. Donc, c'est pour ça que c'est vraiment... la clinique migrants, c'est les premiers soins, c'est la base, si vous voulez, et ensuite on a comme une toile d'araignée, tant au niveau du système hospitalier qu'au niveau des organismes communautaires. Donc, quand vous posiez la question par rapport aux écoles, par exemple, on va référer à des partenaires qui travaillent directement dans ce domaine-là. Donc, on ne le fait pas à la place d'eux, on essaie vraiment de travailler en collaboration et de sensibiliser les milieux de la santé aux enjeux des migrants.

M. Kotto : O.K. Je pose la question parce que j'en ai eu, des cas, et un récemment, il y a quelques mois. C'est un jeune couple d'origine africaine qui terminait ses études, sa formation universitaire ici, au Québec. Le conjoint venait de trouver un emploi, mais il ne travaillait pas encore, donc il n'avait pas encore de revenus, et sa conjointe, elle attendait un bébé et attendait également le traitement de son... parce qu'elle avait son CSQ déjà à la base, mais elle attendait le traitement de son dossier au niveau fédéral, traitement qui mettait un temps fou à être traité. Mais force est de constater l'impuissance du gouvernement du Québec quand vient le moment de faire des interventions à l'effet de prioriser le traitement de ce genre de dossier pour permettre à cette personne, à cette jeune personne qui correspond au profil d'immigrant qu'on veut, instruite, qualifiée, parlant couramment le français, un français impeccable, profil que nous voulons retenir au Québec... Mais paradoxalement il n'y a rien de concret qui est fait pour aider cette personne, ce couple, donc, par extension, à vivre une grossesse de façon décente, parce que pendant des mois elle n'a pas pu consulter.

Et j'évoque cet exemple parce que je fais la part des choses entre le discours et la réalité. Il y a de bonnes volontés exprimées ici et là par le discours, mais, dans le concret, quand on ambitionne de retenir une jeune immigration formée au Québec, bien intégrée, et que vient le temps de donner un coup de pouce juste pour accélérer, prioriser un dossier en traitement à Ottawa, il n'y a rien qui se fait. Comment est-ce que vous voyez ça?

M. Bergeron (Nicolas) : L'action de Médecins du Monde prend ses racines dans cette indignation que vous partagez avec nous, de dire : Ça n'a pas de bon sens que les femmes enceintes, que les enfants n'aient pas minimalement les soins de santé minimaux partout un peu dans le monde! Mais évidemment il y a une organisation de la chose. La clinique migrants est née de cette urgence et de cette indignation pour offrir à cette personne un suivi minimal, pour pouvoir être capable de s'assurer une bonne santé. Ce qu'on demande aujourd'hui au Québec, c'est, finalement, de dire : Bien, pour les femmes enceintes, peu importe leur statut, toute femme enceinte sur son territoire devrait recevoir des soins de santé, parce que cela est juste et digne. Et c'est aussi moins coûteux globalement et c'est aussi, d'une perspective de santé publique, la meilleure chose à faire, c'est ce qu'il y a de plus sensé et c'est exactement ce qu'on appuie. Médecins du Monde souhaite ne plus exister parce que le système d'État public va être capable de prendre en charge minimalement la santé de ces personnes sur son territoire. Alors, c'est un peu l'esprit de la clinique migrants. Nous, on espère, évidemment, que... On travaille toujours de façon complémentaire avec le système de santé, mais on est là dans les zones où effectivement il n'y a pas de prise en charge pour ce que l'on croit être juste et les personnes qui auraient droit à ce droit à la santé minimal.

M. Kotto : O.K. Je n'ai pas d'autre question. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

• (11 heures) •

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Madame monsieur, bonjour. Dans votre mémoire, vous abordez la question des barrières linguistiques et des barrières culturelles au niveau de l'accessibilité aux soins de santé, au niveau... lorsque le réfugié est en contact. Comment est-ce qu'on pourrait mettre en place des mesures qui simplifieraient ce contact-là?

M. Bergeron (Nicolas) : Question très sensible. La réponse de Médecins du Monde et celle qui devrait être faite un peu dans le système de santé, c'est un accompagnement, évidemment, un peu personnalisé, que ce soit au niveau du service social, que ce soit au niveau d'une infirmière ou encore de techniciens, je pense, donner de l'information sur les parcours possibles, les dédales de services de santé, mais aussi par rapport à certains aspects administratifs, juridiques de leur statut.

Donc, Médecins du Monde, sa clinique, elle se veut interdisciplinaire. On a des travailleurs sociaux, des infirmières, des médecins et puis accès à des gens qui peuvent donner... d'autres organismes qui sont intéressés sur les questions juridiques notamment, qui sont bénévoles et puis qui donnent un peu cet accompagnement-là pour essayer de comprendre, avec aussi l'accès à des interprètes, donc, vous parliez de la barrière linguistique. Et je pense qu'au sein du système de santé, de travailler en donnant un peu plus pour ces personnes-là, donc, une perspective d'équité, on pourrait dire : Nous vous offrons davantage de services parce que c'est plus compliqué pour vous et on pense que c'est payant en bout de compte pour le faire. Et donc ça suppose, je pense, le plus simple, un accompagnement personnalisé et d'être... Je dirais qu'il y a un travail aussi de Médecins de Monde, celle un peu... une perspective de changement social, c'est-à-dire que les médecins, les infirmières qui oeuvrent à Médecins du Monde, qui participent bénévolement à la clinique travaillent aussi dans les hôpitaux, travaillent aussi dans les CLSC et donc reconnaissent un peu les difficultés que rencontrent autant l'itinérant dans la rue que la personne immigrante, que les Premières Nations qui reviennent à Montréal, qu'il y ait une acculturation aussi complète pour eux dans certains cas. Donc, sensibiliser l'ensemble des soignants à cette dimension-là fait partie aussi, je dirais, de notre mission, donc, d'information, mais ça appartient aussi, je pense, aux ministères, les différents ministères, d'encourager cette compréhension et cette connaissance-là pour faciliter les parcours.

M. Jolin-Barrette : Dans ce cas-ci, la clinique est située à Montréal, mais on sait qu'il y a une partie des demandeurs d'asile et des réfugiés qui sont dirigés vers certaines régions d'accueil, je vous donne l'exemple de Sherbrooke.

Est-ce que les régions désignées pour accueillir des réfugiés sont outillées, dans l'état actuel, pour répondre à ces besoins-là? Et, d'une façon sous-jacente, est-ce que ce que vous disiez, l'accompagnement, la formation, est dispensé au niveau du personnel de la santé? Puis, en sous-question également, est-ce qu'on permet aux réfugiés, aux demandeurs d'asile de vraiment avoir l'éventail des possibilités au niveau des soins de santé, pour y avoir accès?

M. Bergeron (Nicolas) : Alors, les réfugiés et les demandeurs d'asile normalement, donc, via le Programme fédéral de santé intérimaire, ont accès aux mêmes soins.

Maintenant, l'accompagnement, je ne peux vous certifier s'il existe, s'il est bien soutenu dans les autres régions que Montréal, mais je sais qu'il y a une sensibilité à la chose. Mais certainement il y aura davantage à poser... C'est un peu l'esprit d'aller visiter... On est à Montréal, mais on est Médecins du Monde Canada, donc il y a tout un travail, il y a d'autres groupes, évidemment, qui sont... Et le travail de Médecins du Monde, c'est de travailler aussi avec d'autres organismes qui sont dans les différentes régions, qui ont déjà... — vous avez reçu la table de concertation hier — donc qui sont capables. Donc, ils connaissent Médecins de Monde. Donc, s'il y a des dimensions de santé, bien évidemment on est là pour partager l'information et la donner, donc, pour que les demandeurs d'asile ou toute personne migrante en dehors de Montréal puissent avoir aussi... c'est-à-dire que les gens autour puissent être outillés pour pouvoir les accompagner.

M. Jolin-Barrette : Vous vouliez peut-être ajouter.

Mme Pollaert (Nadja) : Juste pour ajouter, je pense que, bon, Sherbrooke, c'est quand même proche de Montréal, mais la réalité, c'est aussi que, dans d'autres régions, pour certaines interventions, il y a moins accès, par exemple, par rapport aux interprètes, il y a moins d'expérience aussi parce que le bassin de personnes qui ont vécu la violence politique ou les tortures... Je veux dire, ça existe encore dans plus que 130 pays de manière régulière, la torture, donc il y a beaucoup de gens qui arrivent très hypothéqués à ce niveau-là, et il n'y a pas les ressources. Donc, la table, avec le volet formation, ils ont déjà commencé, je suis sûre qu'ils vous en ont parlé hier, vous savez le travail substantiel qui est fait à ce niveau-là, mais ça, c'est un des moyens, je pense, pour pallier, pour équilibrer un petit peu le niveau de connaissance et de compétence.

M. Jolin-Barrette : À l'annexe III de votre mémoire, vous établissez l'accès à la Régie d'assurance maladie du Québec pour un nouveau-né. Dans le fond, les critères, il y a une série de critères. Ce qu'on constate, c'est que parfois il va y avoir des enfants qui vont se retrouver sans possibilité d'accès aux soins de santé. J'imagine que vous militez pour le fait que, lorsqu'un enfant naît sur le territoire québécois, il puisse avoir accès aux soins de santé.

M. Bergeron (Nicolas) : Oui. Écoutez, l'ensemble du réseau de Médecins du Monde prône dans tous les pays du monde que les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans spécifiquement puissent avoir accès gratuitement à des soins de santé, c'est un dénominateur de bien-être commun, je pense, un standard international qui fait honneur à l'ensemble des pactes et des conventions qui régissent ou bien qui tournent autour de ces questions-là, alors, absolument, un nouveau-né, donc, peu importe le statut des parents, puisse recevoir les soins nécessaires.

M. Jolin-Barrette : Parmi les pays qui reçoivent une part importante de l'immigration mondiale, comment ça fonctionne? Est-ce qu'il y a un standard international pour dire : Bien, les soins de santé sont offerts aux enfants de moins de cinq ans? Ou quelle est la tendance, un portrait global?

Mme Pollaert (Nadja) : Bien, le portrait global, c'est que toutes les normes internationales déterminent très clairement que c'est jusqu'à 18 ans. Donc, il y a vraiment, normalement, quand l'État a ratifié les instruments internationaux, un engagement pour respecter l'enfance — mais pas juste la petite enfance, parce que c'est vraiment les zéro à 18 ans — et de donner accès aux soins de santé.

Mais, comme Dr Bergeron a expliqué, si ça vous intéresse, ce sujet-là, on pourra vous revenir avec plus de détails à ce niveau-là, au niveau des différents modèles, mais ce qu'on voit de la tendance générale, effectivement, c'est de moins en moins accès. Donc, ça dépend aussi des pays, vous avez le droit du sang, le droit du sol, tous ces aspects-là, mais par contre tous les... Médecins du Monde milite pour dire que, finalement, l'enfant, il est né au Québec, il est né au Canada, il est Canadien. Donc, comment ça se fait qu'il est discriminé par rapport à d'autres Canadiens et qu'il n'a pas accès aux mêmes soins? Et parce qu'il y a tout l'enjeu aussi du statut des parents, et les parents, aussi, évidemment, quand vous n'avez pas vraiment un statut légal, vous avez moins tendance à vous présenter aux autorités pour revendiquer des droits, l'accès aux soins de santé pour vos enfants. Il y a cet enjeu-là aussi.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Pollaert, ça met fin à la présentation. Merci, Mme Pollaert, Dr Bergeron, pour votre présentation.

Je suspends quelques instants pour permettre au prochain groupe, qui est Montréal International, de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 11)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en accueillant Montréal International. Nous accueillons Mme Dominique Anglade, présidente-directrice générale. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Dans un premier temps, j'aimerais connaître les gens qui vous accompagnent.

Montréal International (MI)

Mme Anglade (Dominique) : Parfait, merci beaucoup. Alors, un plaisir pour nous d'être avec vous aujourd'hui. Je suis accompagnée de Martin Goulet, qui est directeur de la mobilité internationale chez Montréal International, et de Christian Bernard, qui est notre économiste en chef.

Je pense qu'on vous a remis copie de notre mémoire, donc vous l'avez sous la main. Dans un premier temps, ce que j'aimerais faire, c'est peut-être une mise en contexte, pourquoi est-ce que cette question-là est au coeur des stratégies de Montréal International, et vous dire qu'on va se concentrer essentiellement sur des recommandations qui vont viser les travailleurs temporaires et les étudiants internationaux, c'est vraiment le volet que nous allons particulièrement aborder.

Dans le document qui vous a été remis, en première partie, il y a une section qui résume les recommandations. Je pense qu'on va y revenir plus tard, je préférerais commencer tout de suite dans la mise en contexte et vous amener à la page 7 du document. En page 7 du document, ça décrit la mission de Montréal International, et il me semble important de la mentionner parce qu'elle va vraiment déterminer pourquoi est-ce que nous abordons le sujet de l'immigration.

Alors, il y a trois piliers importants de création de richesse, pour Montréal International, que sont les investissements directs étrangers, les talents stratégiques et les organisations internationales.

En matière d'investissements directs étrangers, on couvre également l'ensemble de la métropole, donc les 82 municipalités qui constituent le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal. Et il existe sur le territoire de la métropole 2 000 filiales étrangères, et l'objectif de Montréal International, son but premier, c'est de s'assurer que ces organisations grandissent ou d'en attirer davantage. Et donc chaque fois qu'on amène une entreprise étrangère il y a des gens qui viennent s'établir à travers cette entreprise étrangère là de manière régulière, et donc nous avons un service d'accompagnement au sein de Montréal International qui nous permet de faciliter le travail de l'immigration au niveau temporaire de ces travailleurs-là.

Dans un second temps, il y a les talents stratégiques, l'attraction des talents stratégiques. Bon an, mal an, il y a des centaines de postes qui ne sont pas comblés avec l'immigration pour la région métropolitaine. Il y a des missions qui sont organisées avec le ministère et auxquelles nous prenons part, et nous accompagnons donc les entreprises à l'étranger pour aller recruter ces postes dont il n'y a pas la main-d'oeuvre nécessaire ou les qualifications nécessaires, je devrais dire, pour combler ces postes-là. Donc, on fait également partie de cette attraction au niveau des talents stratégiques.

Troisième volet qui est important et troisième pilier de Montréal International, c'est le volet des organisations internationales. La métropole compte 62 organisations internationales, et évidemment ces organisations internationales sont en grande majorité avec originellement des travailleurs temporaires qui viennent de l'étranger, qui viennent s'établir avec ces organisations internationales là.

Donc, toute la trame de fond de Montréal International, c'est réellement le soutien que l'on amène auprès de ces organismes, de ces organisations qui viennent s'établir sur le territoire métropolitain. Puis je vous dirais que de manière systématique... Depuis la dernière année, tous les jours nous sommes en contact avec des travailleurs qui sont étrangers et des compagnies étrangères. Je vous dirais que systématiquement, de la part des compagnies qui veulent venir ici ou des organisations internationales, la première question qui est posée maintenant, au-delà même des coûts, c'est la question du talent. Est-ce que la région métropolitaine a le talent nécessaire à fournir pour pouvoir s'assurer qu'une entreprise vienne s'établir ici et qu'on ait le talent pour suffire à la demande? Donc, ce sont des enjeux qui sont extrêmement importants pour la suite des choses.

J'aimerais maintenant vous amener au principe directeur de ce que l'on vous présente aujourd'hui, en page 11. À l'intérieur de l'ensemble de l'immigration qui existe au Québec, il y a une immigration qui est temporaire. Elle est composée de deux groupes spécifiques : l'immigration des travailleurs spécialisés et puis les étudiants internationaux. Nous pensons que ces deux groupes-là constituent un bassin qui est vraiment sous-utilisé en termes d'immigration permanente. Ce sont des gens qui viennent ici, qui travaillent ici de manière temporaire, ce sont des gens qui viennent étudier, mais par la suite bon nombre de ces personnes-là quittent et ne restent pas ici, alors qu'il y a un intérêt de leur part à rester, à rester au Québec, et donc on pense qu'il y a un bassin sur lequel on devra miser de manière beaucoup plus systématique que l'on a fait par le passé pour le volet de l'immigration.

Si je vous amène, en termes de chiffres, à la page 13, vous verrez qu'à la page 13 on a tâché de montrer la croissance qu'il y a eu au niveau des étudiants internationaux, incluant les cégeps et les universités, et les travailleurs temporaires spécialisés, et vous voyez qu'il y a une croissance, il y a une croissance quand même importante. J'aimerais par contre mentionner, quand on parle de croissance importante dans ces domaines, qu'au niveau des étudiants internationaux notre croissance est bien inférieure à celle qu'elle pourrait être quand on la compare à nos voisins des autres provinces canadiennes. Vous voyez donc une croissance des étudiants internationaux, on parle de... 2012 on est à 34 000, 2013 on est à 36 000, mais nos voisins croissent beaucoup plus rapidement que nous, et, là aussi, il y a un enjeu. Donc, on pense que non seulement ce bassin, il croît, mais il pourrait croître de manière beaucoup plus importante.

Ce que l'on constate, si on prend les chiffres de 2013 et qu'on regarde juste la portion qui touche Montréal, vous avez 36 000 étudiants internationaux, au niveau de 2013, qui étaient sur le territoire du Québec, ça représente 25 000 étudiants internationaux pour la région métropolitaine. Et là-dessus il n'y avait que 1 000 personnes, 1 000 personnes sur ces 25 000 là qui recevaient de l'information sur la résidence permanente, donc très peu d'information qui circule pour aller accueillir ces personnes.

Il y a une étude qui a été faite par le Conseil emploi métropole et Montréal International dont les résultats sont sortis dernièrement et qui est à la page suivante, page 14, qui démontre la chose suivante, c'est que, dans le bassin de travailleurs temporaires, et d'immigrants, et des étudiants, il y a plus de 50 % des gens qui aimeraient venir s'établir ici à plus long terme. Pourtant, lorsqu'on regarde ceux qui réellement s'établissent ici, on constate que c'est bien inférieur au 50 %, on parle de 10 %, 12 %, dépendant de la manière dont on regarde les chiffres. Donc, il y a une réelle volonté de la part des gens, mais, d'un autre côté, ça ne se traduit pas par une augmentation au niveau de leurs demandes de résidence permanente.

Ce qu'on a tâché de faire à la page suivante, à la page 15, c'est vraiment d'estimer le bassin potentiel de travailleurs temporaires spécialisés qui seraient éligibles au programme du PEQ. Et ce qu'on a fait, c'est qu'on a pris le nombre d'étudiants internationaux qui graduent en une année avec les travailleurs étrangers qui se constituent dans cette année-là, et nous avons estimé que, lorsqu'on va arriver en 2018, il y aura environ un bassin de 25 000 personnes qui seraient intéressées à venir ici, qui pourraient immigrer, mais sur lesquelles, encore une fois, on ne mise pas suffisamment.

Dernière page avant de rentrer spécifiquement dans les recommandations. La proportion de travailleurs temporaires spécialisés et étudiants internationaux qui ont déposé une demande, on voit qu'en 2014 elle est de 30 %. On pense qu'elle devrait être d'environ 60 % en 2018. Si vous regardez l'objectif que l'on s'est mis en bas de la page 16, vous verrez que ce que l'on dit, c'est qu'il y a un bassin potentiel d'environ 25 000 personnes. On pense qu'il pourrait facilement y avoir 15 000 personnes, bon an, mal an, qui fassent partie de l'immigration permanente et que l'on cible de manière systématique. Encore une fois, on pense que cibler ces personnes... On est rendus seulement, en 2014, à 5 000. On pense qu'on est capables de tripler ce chiffre, en autant qu'on se donne les moyens et les ressources pour le faire.

Pour faire cet effort-là, bien il s'agit d'avoir deux axes importants de travail. Et là je vais céder la parole à mes collègues. Alors, je cède d'abord la parole à M. Martin Goulet au niveau de la mobilité.

• (11 h 20) •

M. Goulet (Martin) : Alors, comme notre mémoire le mentionne, on s'attaque aux étudiants étrangers et aux travailleurs temporaires. Le premier axe s'attaque à l'attraction et l'admission des travailleurs temporaires.

Plusieurs employeurs se plaignent d'avoir de la difficulté à recruter des travailleurs temporaires. En 2012, il y avait une étude, on le cite, une étude d'Emploi-Québec qui mentionnait qu'un employeur sur cinq avait des difficultés à recruter des travailleurs spécialisés. 67 % des postes à pourvoir sont des postes spécialisés, donc des postes de gestion, des postes professionnels et techniques. Il y a plus d'une dizaine de professions en lien avec la haute technologie qui offrent des perspectives favorables d'ici 2017, vous avez en annexe ces professions, on parle de professions de haute technologie dans le Grand Montréal. Les besoins de main-d'oeuvre se font ressentir au niveau des travailleurs spécialisés, des gens qui ont vraiment des connaissances pointues, une expérience qui peut apporter énormément aux entreprises de la région.

Aussi, on le mentionnait tout à l'heure, plusieurs entreprises participent aux Journées Québec, Journées Québec qui sont organisées par le ministère en collaboration avec Montréal International. Bon an, mal an, c'est deux missions. C'est près d'une quinzaine d'entreprises de la région qui participent à chacune de ces missions-là, et la qualité des offres d'emploi est exceptionnelle. On parle d'aéronautique, de jeu vidéo, tout le volet consultants au niveau informatique. C'est vraiment la clientèle, là, qui se présente aux Journées Québec.

Le Président (M. Picard) : M. Goulet, je dois vous interrompre. Et vous pourrez...

M. Goulet (Martin) : Ajouter.

Le Président (M. Picard) : ...en ajouter avec les interventions des parlementaires. Merci.

M. Goulet (Martin) : D'accord.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Weil : Oui, merci, M. le Président. Alors, Mme Anglade, M. Goulet et M. Bernard, merci beaucoup de votre présence ici, parce que vous frappez, vous touchez un enjeu qui est tellement important pour nous. Et je l'ai mentionné il y a quelques jours, qu'en Nouvelle-Zélande 85 %, je crois bien, 85 % de leur immigration permanente découle de l'immigration temporaire, donc on peut être très ambitieux. Et je vais vraiment vous poser des questions sur comment on peut faire mieux, comment on peut aller plus loin.

Vous avez beaucoup de bonnes idées par rapport aux étudiants étrangers. Je trouve très intéressant le chiffre de 30 % parce qu'on avait fait un sondage, il y a quelques années, avec des étudiants étrangers, combien d'entre eux pourraient être intéressés à immigrer, et c'était 30 % à l'époque. Mais j'aime bien vos ambitions de doubler ce chiffre-là en l'espace de quelques années parce que c'est des gens qui sont déjà intégrés, ils ont cette fameuse expérience québécoise, ne pas dire... Et notre volonté, ce n'est pas d'exclure tous les autres. La reconnaissance des acquis, on travaille fort là-dessus. C'est des compétences des gens qui sont ici, scolarisés et tout. Mais, pour l'avenir, c'est vraiment intéressant, couplé avec la déclaration d'intérêt, ce nouveau système d'immigration auquel on réfléchit.

Alors, vous aviez une page avec des stratégies. On va... À moins que vous vouliez finir peut-être l'intervention, monsieur, que vous aviez...

M. Goulet (Martin) : Bien, rapidement, sur le premier axe — merci de me donner la possibilité de terminer — sur le premier axe d'intervention, d'attraction des travailleurs étrangers, d'abord on a un avantage concurrentiel, au Québec, qui est le processus simplifié dans le cadre des demandes de permis de travail, des demandes de certificat d'acceptation. C'est un avantage concurrentiel par rapport aux autres provinces, et on devrait maintenir ce processus-là.

Aussi, intégrer tout le volet universitaire à ce processus simplifié là — Montréal a vraiment avantage à accueillir encore plus de professeurs et de chercheurs — et toujours poursuivre la recherche au niveau, je dirais, de l'analyse des demandes de ces CAQ.

Là, actuellement, le ministère traite les demandes avec des statistiques d'Emploi-Québec. Il faut être capable d'offrir aux travailleurs étrangers un bon salaire puis il faut le faire aussi en respect des travailleurs québécois qui sont déjà en place.

Finalement, au niveau de la promotion, si je puis dire, du Québec, de la région de Montréal, je pense qu'il faut être plus actifs au niveau des médias sociaux pour promouvoir, je dirais, les industries fortes de la région métropolitaine. Et il faut viser une certaine tranche d'âge, hein, les 25-40 sont très actifs sur les médias sociaux.

Et, naturellement, poursuivre les missions de recrutement et en ajouter, si possible, avec des missions sectorielles. Plusieurs entreprises font cette demande-là, notamment au niveau de l'aérospatiale, des jeux vidéo. On aimerait pouvoir mener ces missions-là sectorielles en Californie, par exemple, au niveau des jeux vidéo, avoir une force de frappe pour attirer les talents.

Mme Weil : C'est intéressant. Les Manufacturiers et exportateurs du Québec nous ont fait exactement cette recommandation. Donc, c'est des missions spécialisées par secteurs, c'est vraiment intéressant. Toutes ces recommandations sont intéressantes, et on va les analyser. Évidemment, le C est un peu plus technique, évidemment, les technicalités, mais, bon, on va regarder tout ça.

Maintenant, pour peut-être nous amener en amont, le recrutement, ces missions de recrutement, comment renforcer peut-être... Bon, il y a le sectoriel, on pourrait renforcer avec une approche sectorielle. Donc, par rapport aux pays où on pourrait aller aussi, hein, on a fait donc des missions... on fait des missions en France, maintenant on a rajouté la Belgique. Avez-vous d'autres idées, peut-être, d'autres pays qui pourraient être intéressants pour ces missions? En tout cas, toutes vos idées sur ces questions de recrutement sur le terrain, de missions.

Mme Anglade (Dominique) : On a réfléchi à la question des pays pour finalement se dire que ce qui serait beaucoup plus porteur, c'est l'aspect sectoriel. L'aspect sectoriel nous force à être géographique par la suite. Recruter aujourd'hui en Angleterre, ça pourrait être intéressant, il y a des vecteurs qui sont intéressants en Grande-Bretagne, il y a des vecteurs qui sont intéressants au niveau de la Californie, donc, mais c'est le sectoriel qui définit davantage le géographique, selon nous.

Et on a fait des tentatives au niveau médias, Web, étant donné les restrictions budgétaires, de voir comment est-ce qu'on est capables de faire des missions sectorielles mais à distance, et ça a donné des résultats assez probants. Donc, je pense qu'il y a des investissements peu... plus faibles qui peuvent être faits mais avec des résultats vraiment importants, au niveau du Web, et tout se fait maintenant par réseau, par LinkedIn, etc., donc c'est vraiment l'approche qu'il faut maximiser. Il ne se passe pas de journée chez nous sans qu'on reçoive un tas de C.V. de personnes qui sont intéressées à immigrer, qui ont des profils extraordinaires, qui pourraient faire... On pourrait faire des liens, mais on n'est pas en mesure d'assurer ce lien-là direct. Donc, on pense qu'il y a du potentiel là-dedans.

Mme Weil : Puis quel rôle vous pourriez jouer? Ça m'amène peut-être avec ce nouveau système de déclaration d'intérêt, parce que vous voyez tellement de C.V. puis de gens intéressants, s'il n'y a pas un poste temporaire, bien, qui pourraient peut-être rentrer aussi par ce nouveau système. Comme vous savez, on ne serait pas pris avec les délais de traitement qui actuellement encombrent le système. Alors, il y a des volumes importants de personnes, mais là ce serait vraiment un profil intéressant puis de faire un genre de «matchmaking» avec quelqu'un qui serait intéressé.

Mme Anglade (Dominique) : Ce n'est pas hyperdifficile à coordonner. Montréal International joue toujours un rôle de «catalyst», hein, parce qu'évidemment, si vous regardez, notre conseil d'administration est composé de plusieurs recteurs des universités, le milieu des affaires est là, le milieu politique est là, donc c'est vraiment un «catalyst» qui nous permet de jouer un rôle intéressant. Et, par le passé — peut-être que tu pourras commenter là-dessus — au niveau de la résidence permanente, on a été impliqués, au niveau de l'immigration temporaire. Donc, je pense que c'est plus d'être collés avec les entreprises et faire ce lien-là de manière beaucoup plus systématique.

On a différents projets sur la table aujourd'hui. Évidemment, comme je vous dis, contexte budgétaire oblige, on ne peut pas présenter des projets qui sortent au-delà des enveloppes budgétaires, mais on serait tout à fait prêts à s'asseoir avec vous pour regarder de quelle manière on peut le faire de manière beaucoup plus proactive et, encore une fois, à des coûts qui ne sont pas si élevés que ça, parce que c'est très «Web-based», maintenant, tout ce processus-là. Donc, un rôle de «catalyst».

Mme Weil : Là, j'aimerais parler des étudiants étrangers, hein? On est tous intéressés, évidemment, à les intéresser, à avoir la piqûre du Québec, puis on remarque qu'il y en a beaucoup qui l'ont. On a quand même atteint, après quatre années, 20 000 étudiants étrangers, travailleurs temporaires qui ont fait une demande et qui ont obtenu un CSQ, qui est quand même... il y a eu une croissance importante. Puis je suis d'accord avec vous que, juste en quatre ans, si on a eu ce résultat, on peut aller plus loin.

Qu'est-ce que vous recommandez? Moi, je le vois... Bon, premièrement, qu'ils connaissent le programme, parce que moi, je fais des visites sur les campus, je rencontre des étudiants étrangers, puis très peu connaissent le programme, mais le ministère fait quand même des présentations, donc, à ce niveau-là. Mais aussi qu'est-ce qu'on peut faire aussi pour les accompagner, tout en privilégiant, évidemment, les étudiants québécois aussi, aux possibilités d'emploi et de carrière dans le milieu, de faire un lien avec les entreprises, les... Certainement, les grandes entreprises me disent qu'elles sont intéressées par cette main-d'oeuvre et d'avoir des étudiants étrangers qui parlent plusieurs langues, qui sont des têtes de pont avec d'autres marchés, d'autres pays, bon, tout l'avantage de la diversité dans un milieu de travail. Je vous laisse aller.

• (11 h 30) •

Mme Anglade (Dominique) : Je vais répondre au début de votre réponse et après je vais céder la parole à mon économiste en chef parce que c'est son sujet de prédilection.

Sur la première partie, laissez-moi juste répondre au niveau des étudiants internationaux, je veux quand même attirer votre attention sur une chose. Le Québec, auparavant, attirait 33 % des étudiants étrangers au niveau canadien; aujourd'hui, on est environ à 23 %. On est sans cesse en recul. Même si on a une progression qui est similaire à ce qu'on a comme poids de la population, on est en recul. Et ça, c'est vraiment... je ne veux pas dire «dangereux» pour être alarmiste, mais, d'un autre côté, toutes les universités montréalaises se disent : On a vraiment un enjeu pour aller recruter des étudiants internationaux. Donc, je pense qu'il y a un volet qui est : Comment est-ce qu'on donne des incitatifs à nos universités pour aller chercher des étudiants étrangers? Parce qu'aujourd'hui nos universités montréalaises n'ont pas suffisamment d'incitatifs pour aller chercher des étudiants étrangers. Donc, sur le volet attraction, il y a un travail à faire en amont qui est important. Sur l'autre volet...

M. Bernard (Christian) : Oui. J'aimerais ça vous amener, messieurs dames, à la page 22 de notre mémoire pour vous dévoiler en primeur les résultats d'une étude qu'on a réalisée avec le Conseil emploi métropole, qui sera dévoilée à la fin du mois de février et qui portait spécifiquement sur la rétention des travailleurs temporaires spécialisés et aussi des étudiants internationaux. Et donc on leur a demandé, à ces deux groupes qui nous apparaissent stratégiques, sur lesquels on doit miser : Quels sont les irritants? Qu'est-ce qui freine vos intentions de rester ici au terme de vos études et de votre permis de travail? Il y a trois grands irritants majeurs qui sont ressortis de notre sondage et des groupes de discussion qu'on a menés.

Le premier, c'est l'accès à l'emploi. Vous le disiez tout à l'heure, Mme la ministre, c'est particulièrement le cas des étudiants internationaux, qui sont ici avec un statut temporaire, donc il y a une certaine incertitude, pour les employeurs, de leur donner une chance. Pour les conjoints et conjointes aussi des travailleurs temporaires, il y a un enjeu au niveau de l'accès à l'emploi.

Le deuxième irritant majeur, c'est le processus d'immigration. C'est une grosse boîte noire complexe pour la grande majorité d'entre eux. Ma collègue Dominique, tout à l'heure, disait que, sur les 28 000 étudiants internationaux du Grand Montréal, du système d'enseignement supérieur du Grand Montréal, il y en a seulement 1 000 qui sont accompagnés, qui sont informés des démarches à faire, où est-ce qu'il faut commencer, là, pour obtenir la résidence permanente.

Et le troisième enjeu, il est linguistique, donc c'est la maîtrise du français pour les non-francophones, qui sont ici, bien souvent, sur des permis de travail, qui sont dans des programmes d'études qui sont d'une durée de deux, trois ou quatre ans et donc doivent, en parallèle à ça, développer un niveau de français suffisamment élevé pour se qualifier au niveau du PEQ.

Et donc je voudrais vous amener sur le programme d'expérience Québec, parce qu'on a une voie rapide qui été mise en place en 2010 qui a un potentiel extraordinaire, qui est bien faite, mais, comme ma collègue le disait tout à l'heure, il y a juste, selon nos estimations, en 2014, seulement 30 % des candidats qui seraient éligibles qui sont passés par le PEQ. Alors, pourquoi ne pas... On a une autoroute. Pourquoi la majorité des candidats potentiels prendraient la voie de campagne, la voie de service? Pourquoi ne pas s'assurer que ce programme-là ait la note de passage, c'est-à-dire que 60 % des candidats qui sont potentiellement éligibles passent par le PEQ?

Et donc essentiellement, nous, comment ça se traduit au niveau des recommandations de l'axe 2, je ne les lirai pas toutes parce que vous les avez sous les yeux, mais, essentiellement, comment on peut faire en sorte d'informer davantage de travailleurs et d'étudiants internationaux par rapport à l'existence de cette voie rapide et des exigences de ce programme et de les tenir par la main? Parce que, pour plusieurs d'entre eux, ils ne savent pas par où commencer, ils ne savent pas comment s'y prendre. Ils ne connaissent même pas, bien souvent, l'existence de cette voie rapide.

Et, deuxièmement, au niveau de l'exigence linguistique, on recommande de retourner au seuil de français qui était exigé, c'est-à-dire intermédiaire débutant, lors de la mise en place du programme en 2010, parce que ce qu'on s'est fait dire, c'est qu'en particulier pour les étudiants qui sont ici ils étudient à temps plein, on leur demande en l'espace de trois, quatre ans, d'acquérir une maîtrise du français qui est intermédiaire avancé. Comme c'est des candidats à l'immigration qui présentent une probabilité d'intégration extraordinaire, on suggère, pour le programme PEQ uniquement, de revenir à l'ancienne exigence linguistique qui était en place lors de la mise en place de ce programme-là.

Mme Weil : Je vous remercie. Mes collègues ont aussi des questions, donc je vais céder mon temps, évidemment, partager avec mes collègues. Merci.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Mme Anglade, M. Goulet, M. Bernard, bienvenue. Merci pour votre exposé, intéressant et essentiel à nos réflexions.

Si on est ici pour discuter de refondre de la politique sur l'immigration, c'est parce qu'il y a plein d'enjeux dont vous avez mentionné quelques-uns qui nous interpellent, bon, défi démographique énorme, une pénurie de main-d'oeuvre, un monde concurrentiel, et tout ça dans un incontournable qui est l'importance d'intégrer et de franciser nos immigrants.

Vous venez de parler un petit peu et vous avez... Dans votre conclusion, vous parlez du volet économique de la nouvelle politique d'immigration qui doit s'appuyer sur un arrimage plus direct avec les besoins du marché du travail, et en plus vous avez parlé de revenir à la grille de sélection, même, pour les immigrants qualifiés, qui a été révisée à la hausse. Je veux vous inviter à vous prononcer sur comment se rendre au juste équilibre entre les exigences qui sont devant nous en ce qui a trait à l'immigration. On parle de francisation comme incontournable, on parle de cette pénurie, la concurrence avec le reste du monde, les immigrants très intéressants peuvent choisir d'aller ailleurs. C'est où, cet équilibre entre ces exigences? Et comment s'y rendre?

Mme Anglade (Dominique) : Est-ce que je peux y aller? Oui? Eh bien, écoutez, on s'est également posé cette question-là, et c'est pour ça qu'on s'est dit que, par rapport aux exigences du français, si l'on prend les gens qui sont déjà ici, qui travaillent ici et qui étudient ici, réduire les exigences ou bien revenir à ce qui était la situation en 2010 pour faciliter leur intégration nous paraît être une bonne décision, équilibrée, parce que, dans ce cas-ci, on parle de gens qui sont déjà sur notre territoire, qui sont bien... qui ont commencé leur intégration dans la communauté québécoise.

On s'est également posé la question au niveau des autres types d'immigration, est-ce qu'on devrait également revoir l'aspect du français — Martin, je ne sais pas si tu veux intervenir là-dessus — et là, on s'est dit, on n'y toucherait pas. Par contre, on reverrait la grille de manière plus large.

M. Goulet (Martin) : En fait, pour préciser, c'est le Programme de l'expérience québécoise, ce dont on parle. La grille de sélection actuelle ne serait pas touchée, il n'y aurait pas de retour, en fait, au niveau du niveau de français. On croit que les immigrants qui à partir de leur pays d'origine décident spontanément de venir s'établir au Québec doivent avoir un niveau de français relativement élevé, pour toutes sortes de raisons, mais entre autres pour être employables lors de l'arrivée au Québec. Ça, c'est, je pense, la première raison.

Cependant, à l'intérieur de la grille, s'il y avait des changements, ce seraient des changements pour valoriser les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers, c'est-à-dire augmenter peut-être les points au niveau du séjour au Québec, peut-être augmenter, encore une fois, les points accordés au niveau de la validation d'emploi permanent, accorder aussi 10 points pour les gens qui sont dans la région de Montréal notamment. Mais on ne croit pas que c'est nécessaire d'aller modifier la grille de sélection au niveau du français.

Mme Anglade (Dominique) : Et, pour finir, pour être compétitifs, là... Vous parlez de la concurrence. La concurrence, elle est partout, elle est féroce. Elle est féroce à l'intérieur du Canada, elle est féroce à l'extérieur du Canada. Il faut qu'on soit beaucoup plus agressifs.

Si on regarde ce que l'on fait aujourd'hui, les 25 000 étudiants étrangers qui sont sur le territoire, honnêtement je trouve qu'il n'est pas normal qu'on ait 1 000 personnes qu'on rejoigne. Pourquoi est-ce qu'on ne dédie pas deux, trois, quatre ressources dont le seul mandat, c'est d'aller rencontrer ces étudiants-là puis d'aller leur expliquer tout le processus d'immigration? Ce n'est pas complexe à organiser, mais il faut qu'on soit plus agressifs dans notre manière de voir les choses parce que les autres pays le sont passablement plus que nous aujourd'hui. Donc, sur ces volets-là, je pense qu'il y a des éléments sur lesquels il faut être plus systématiques et plus agressifs.

M. Bernard (Christian) : Si je peux me permettre de compléter ce que vient de dire ma collègue, ça s'applique également au niveau des travailleurs temporaires spécialisés. Ils occupent des emplois hautement rémunérés, des emplois qui sont stratégiques dans des secteurs de pointe, et notre sondage qu'on a réalisé récemment nous indique qu'il y a plus de la moitié, il y a près de 60 % d'entre eux qui ont l'intention de rester ici au terme de leur permis de travail temporaire. Alors, il faut être beaucoup plus proactifs pour aller à la rencontre de ces gens-là, et les intéresser, et leur expliquer les démarches à suivre pour obtenir leur résidence permanente, et leur expliquer aussi l'existence d'une voie rapide qui est le programme expérience Québec.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Anglade, M. Goulet, M. Bernard, merci d'être là, merci pour la contribution.

En tant qu'immigrant, je suis passé par là. J'avais un permis de travail temporaire, et ce sont mes employeurs qui m'ont proposé de déposer une demande pour un statut de permanent. J'ai hésité quelque temps, considérant les aléas climatiques notamment, mais par la suite, au bout de six années d'hésitation, j'ai décidé d'aller de l'avant. Mais ça prend ça. Il est fort probable qu'en les impliquant davantage, les employeurs, dans ce processus, on ait des résultats probants qui nous ramèneraient probablement... On évoque, pour les étudiants, une baisse de 33 % à 26 %, que vous évoquiez tantôt.

Parlant des étudiants — et je parle notamment des étudiants qui viennent du Sud — quelle est votre position relativement au procès d'intention que vous anticipez peut-être à l'effet qu'on encourage l'exode des cerveaux du Sud, donc qu'on dépouille le Sud de leurs cerveaux, ce qui contribue au ralentissement de leur propre développement à l'avantage du Nord? Quelle est votre position relativement à ça?

• (11 h 40) •

Mme Anglade (Dominique) : Qui suis-je pour juger, hein, dans ce domaine-là? Les étudiants du Sud, écoutez, la réalité aujourd'hui, c'est que, qu'on ait une stratégie agressive et proactive ou qu'on ne l'ait pas, ça n'a pas d'incidence sur le bassin, parce qu'eux, ils vont partir, et eux, ils vont avoir des offres ailleurs. La question qu'il faut se poser, c'est : Est-ce que nous, on a envie d'aller chercher les meilleurs à travers le monde puis de les former ici? Et je crois que, comme pays, bien là c'est une question qui est beaucoup plus large, parce que je crois que, comme pays, on a une responsabilité, en tant que pays, d'aider les autres pays à avoir les infrastructures nécessaires pour les accueillir à nouveau dans leur pays par la suite. On peut prendre le cas d'Haïti, c'est un très bon exemple. 80 % des gens qui sont des universitaires ont quitté le pays, c'est un bon exemple. Mais il reste que les étudiants qui sont capables de partir à l'étranger et d'étudier vont le faire, et moi, je pense qu'on doit se positionner de manière plus systématique par rapport à ça. Moi, je suis en faveur d'aller donner les formations et, un autre volet, à voir les pays qui les soutiennent par la suite à l'intérieur de leur pays.

M. Kotto : O.K. Comme vous le savez, gouverner, c'est prévoir, c'est anticiper. Jusqu'à présent, les mémoires qui nous sont présentés font fi d'un autre volet qui devrait, à mon sens, être mis sous les feux de la rampe également, c'est-à-dire une planification stratégique en termes de formation professionnelle et technique relativement aux besoins à court, moyen et long terme du marché. Il n'y a pas beaucoup d'efforts qui soient investis dans cette perspective-là. Comment expliquez-vous ça?

Mme Anglade (Dominique) : Est-ce que vous dites... J'essaie de comprendre votre question. Est-ce que votre question, c'est de dire : On n'a pas l'impression de comprendre quels vont être les besoins du marché à moyen terme ou à long terme, et donc il y a un manque d'arrimage avec l'immigration, puis vous...

M. Kotto : Non, non, ce n'est pas relativement au manque d'arrimage avec l'immigration, c'est au manque d'arrimage avec la réalité, la donne locale, c'est-à-dire les Québécois, quelles que soient leurs origines, vivant déjà sur le territoire, faisant des enfants aujourd'hui et demain. Comment est-ce qu'il se fait qu'on ne s'attarde pas là-dessus? Je parle de la formation professionnelle et technique dans des écoles, des cégeps, des universités. Pourquoi? Parce que, pour le long terme, on peut anticiper, ne pas tout miser systématiquement sur l'immigration massive, notamment. On n'a rien contre l'immigration, mais, quand elle est massive, ça devient inquiétant, notamment pour des raisons que je vais évoquer par la suite.

M. Bernard (Christian) : Je vais répondre. Je pense qu'il faut attaquer les deux volets en parallèle. C'est-à-dire qu'à l'heure actuelle il y a des entreprises montréalaises qui n'arrivent pas à trouver chaussure à leur pied sur le marché local de l'emploi, et le phénomène est encore plus exacerbé ici, dans la région de la Capitale-Nationale. Alors, il faut absolument cibler à l'international des travailleurs spécialisés pour ne pas freiner la croissance économique, pour ne pas freiner le développement des entreprises.

En parallèle à ça, effectivement, il faut absolument... Puis il y a beaucoup d'initiatives, notamment au niveau des grappes, dans la région métropolitaine de Montréal, qui visent à faire la promotion des carrières scientifiques et techniques, qui visent à assurer une meilleure adéquation entre les besoins du marché du travail et l'offre de formation, et ça, c'est un travail qui est fondamental pour s'assurer... Puis on le voit. La réalité, c'est que les entreprises peinent à trouver chaussure à leur pied, mais en même temps les nouveaux arrivants dans la région de Montréal se caractérisent par un taux de chômage qui est hallucinamment élevé. Alors, il y a beaucoup d'enjeux, notamment la reconnaissance des acquis, des diplômes, mais il y a aussi, pour les gens qui sont à la recherche d'emplois, hein... Le taux de chômage est assez élevé dans la région métropolitaine de Montréal, ça dépasse la barre des 8 %. Alors, il y a vraiment un travail à faire. Il y a beaucoup d'intervenants qui sont impliqués, notamment avec Emploi-Québec, le Conseil emploi métropole, pour s'assurer qu'il y ait une meilleure adéquation, là, entre l'offre et la demande de travail.

M. Kotto : O.K. Donc, vous conviendrez que, pour le second volet, il n'y a pas encore, disons... la preuve n'est pas encore faite à l'effet que les investissements adéquats sont opérés.

Mme Anglade (Dominique) : Bien, d'un point de vue immigration, il reste quand même qu'il y a un déclin démographique, peu importe la situation, peu importe la manière dont on voit les choses, il y a un déclin démographique auquel on fait face. Et, la croissance économique, si on prend la croissance économique de la grande région métropolitaine entre 2008 puis 2013, essentiellement cette croissance économique là est liée au fait qu'on a une immigration qui vient, environ de 1 %, et qui nous permet d'avoir une croissance économique.

Donc, les chiffres vont être têtus, hein, dans les prochaines années, ils vont être assez têtus, ils vont nous rappeler qu'on ne peut pas simplement faire une adéquation et penser que ça va fonctionner, l'immigration et le niveau d'immigration que nous allons avoir va être fondamental pour garantir la croissance économique du Québec à terme, et que tous les efforts que nous allons mettre au niveau local vont certainement aider mais ne seront jamais suffisants pour juguler cet état de fait.

M. Kotto : Avez-vous des études qui démontrent cela, cette perspective-là? Parce qu'on en dispose qui nous démontrent le contraire, à l'effet que l'immigration n'a qu'un effet, disons, négligeable relativement à la croissance économique, au ralentissement de la courbe, de la courbe du vieillissement de la population.

Mme Anglade (Dominique) : ...on a des études. Ça, on va pouvoir...

M. Kotto : On aimerait en avoir. Parce qu'on est en réflexion, hein? Ce n'est pas que je veux remettre en question ce que vous dites, mais on a besoin de ces éléments de réflexion pour, disons, les mettre en balance avec les thèses contraires.

Je reviens sur le français. Vous n'êtes pas sans savoir que le...

M. Bernard (Christian) : Bien, je veux juste réagir rapidement à ce que vous venez de dire parce qu'on a les statistiques, puis je pourrai vous les faire parvenir, si vous le souhaitez.

Bon an, mal an, la région de Montréal augmente sur le plan démographique à un rythme de 1 % par année. Donc, il y a 4 millions d'habitants dans le Grand Montréal. La croissance nette de la population annuelle, c'est environ 40 000. Et on sait que le principal vecteur de croissance économique, c'est la croissance démographique. C'est un des deux grands moteurs de croissance économique. Et, lorsqu'on l'on compare la croissance démographique montréalaise avec celle de Toronto, de Calgary, d'Edmonton, d'Ottawa, on est à la traîne de ces grandes métropoles. Et donc, si on veut être en mesure de rivaliser sur le plan économique, il faut absolument que notre croissance démographique soit plus soutenue. Et, sur le 1 % de croissance démographique annuel, l'immigration est responsable de plus de la moitié de ce 1 %. Alors, si demain matin, cas de figure extrême, on ferme les robinets, ce n'est pas 1 % de croissance démographique sur une base annuelle qu'on va avoir dans le Grand Montréal, c'est 0,4 %, et donc là on va être encore plus à la traîne des autres métropoles en ce qui concerne la croissance démographique et, de facto, la croissance économique.

Mme Anglade (Dominique) : Il y a deux éléments importants pour croissance économique : productivité accrue ou démographie. C'est ces deux éléments-là sur lesquels on peut jouer. Au niveau démographique, c'est elle qui tire vers le haut, et, au niveau productivité, c'est l'autre élément dont vous parlez, tous les autres aspects que l'on devrait faire d'arrimage, etc., sont des éléments qui vont avoir un impact au niveau de la productivité, mais il reste que ce sont ces deux vecteurs, deux piliers sans lesquels on n'aura pas de croissance économique à terme. Mais on peut vous envoyer des études là-dessus.

M. Kotto : O.K. Merci d'avance.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste 30 secondes, M. le député.

M. Kotto : 30 secondes, bon, bien, pour vous remercier. Je vous enverrai des questions. Merci.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Borduas, c'est à vous.

• (11 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Anglade, c'est un plaisir. M. Goulet, M. Bernard.

Vous avez abordé la question de diminuer, dans la grille de sélection, la connaissance du français, donc de passer du niveau 7 au niveau 6, de retourner comme c'était avant en lien avec les étudiants étrangers qui viennent étudier ici. Je voudrais savoir : Parmi les étudiants que vous visez, est-ce que vous visez les étudiants qui étudient dans des établissements d'enseignement supérieur anglophones principalement? Et la sous-question à ça, c'est parce que dans les universités francophones, bien, il y a déjà des standards à respecter au niveau de la connaissance du français.

M. Goulet (Martin) : Oui. Écoutez, juste pour préciser, il n'y a pas de modification proposée à la grille de sélection, c'est une modification qui est au Programme de l'expérience québécoise, donc ce qui n'implique, naturellement, que les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires sur le territoire du Québec.

Maintenant, écoutez, lorsqu'on rencontre des travailleurs, on le voit, les efforts qui sont mis au niveau de l'apprentissage du français. Ça, il n'y a pas de problème. Les entreprises s'investissent aussi, il y a des cours de français qui sont donnés au sein des entreprises, on veut que les employés apprennent le français. Ça, il n'y a pas un employeur qui est contre la vertu.

Cependant, il arrive que, sur deux, trois ans, c'est difficile d'obtenir un niveau de français aussi élevé. Alors, nous, on dit : Prenons ce bassin-là, le bassin des travailleurs étrangers, des étudiants étrangers, et on va ouvrir un peu l'éventail des candidats potentiels. Certains vont redoubler d'ardeur pour apprendre le niveau intermédiaire débutant. D'autres vont décider de rester sur la touche et de ne rien faire, donc ces gens-là ne seront pas susceptibles d'appliquer dans cette demande-là.

Donc, il est clair que l'avantage va être au niveau des étudiants étrangers non francophones, c'est eux qui vont y gagner, parce qu'il faut voir que, des études à temps plein avec des cours de français, pour arriver à ce niveau-là, c'est plus de quatre ans, c'est plus de quatre ans. On a eu des rencontres avec des entreprises et les universités et on a essayé de voir un peu le cheminement normal d'un étudiant et d'un travailleur et combien de temps il devrait... en combien de temps pourrait-il obtenir ce niveau-là. C'est ardu.

En parallèle, il faut comprendre, pour les travailleurs étrangers aussi, que le gouvernement canadien, Citoyenneté et Immigration Canada, a limité certains permis de travail à quatre ans. Ça s'est fait en avril 2011. Donc, pour des emplois techniques, tout ce qui touche les animateurs 2D et 3D dans les jeux vidéo, les effets spéciaux, ces permis de travail là sont limités à quatre années. Si vous n'avez pas obtenu un certificat de sélection au Québec ou une autre sélection dans une autre province, vous devez quitter le Canada, et ce, pour quatre ans, sans pouvoir y revenir, de là l'urgence pour les travailleurs étrangers de ce niveau-là d'obtenir rapidement un certificat de sélection. Parce que comprenez un peu la logique derrière ça. Vous avez un employeur qui a fait des recherches sur le territoire québécois pendant deux, trois mois, n'a pas trouvé, est allé sélectionner quelqu'un à l'étranger, a payé des frais de déménagement, et peut-être que dans quatre ans la personne devra quitter. Donc, il faut aider à la fluidité, si je peux dire, du passage temporaire vers le permanent. Ça, je pense que c'est notre responsabilité. Il y a une responsabilité qui appartient aux entreprises, puis ils la prennent, croyez-moi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous proposez, à la page 23 de votre mémoire, d'accorder 10 points pour une offre d'emploi permanente validée pour un employeur de la région métropolitaine de Montréal, au même titre que les OEPV d'un employeur hors région de Montréal. Il y a une certaine problématique de régionalisation de l'immigration où la majorité de l'immigration est concentrée dans la région métropolitaine de Montréal. Vous ne pensez pas qu'avec une telle mesure ça va favoriser encore plus l'établissement et la concentration des immigrants, des néo-Québécois dans la région de Montréal?

M. Bernard (Christian) : Oui. En fait, la réponse, ce n'est pas oui, mais, oui, je vais y aller.

En fait, on y a réfléchi ce matin dans le train, à cette question-là, on l'attendait effectivement, puis c'est un objectif qui est tout à fait louable, qui est tout à fait légitime, de vouloir régionaliser l'immigration sur le territoire du Québec.

Maintenant, est-ce qu'il faut que ça se fasse au détriment de Montréal? Est-ce qu'il faut absolument qu'il y ait un facteur dans la grille de sélection qui discrimine de façon négative la région de Montréal dans un contexte où les secteurs de haute technologie, que ce soit l'aérospatiale, le jeu vidéo, que ce soient les technologies de l'information, ont des besoins criants en matière de main-d'oeuvre? Et la réponse à laquelle on est arrivés, c'est non. Il y a certainement d'autres mesures qui peuvent être mises en place pour favoriser la régionalisation de l'immigration mais que ça ne se fasse pas... que ça ne pénalise pas en bout de piste la région métropolitaine de Montréal.

M. Jolin-Barrette : Au niveau du bilan de la migration interprovinciale, on a une difficulté au niveau de la rétention des immigrants au Québec et à Montréal. Quelle est votre position ou des possibles pistes de solution à cet effet-là?

Mme Anglade (Dominique) : Bien, je ne suis pas sûre que les pistes de solution soient très différentes de ce que l'on a mis de l'avant de manière générale. On est conscients du fait que les gens... le solde migratoire interprovincial n'est pas à la faveur du Québec, et c'est d'autant plus important de se dire que, par exemple, pour les travailleurs temporaires, ça vient en fait soutenir tout ce que l'on vient de dire auparavant au niveau des employeurs, des gens qui ont des postes non permanents ici, temporaires, pour les garder. Quand je parlais, tout à l'heure, d'être plus agressif, d'être plus systématique, je fais entre autres référence aux autres provinces, parfois, dans lesquelles il est plus facile de trouver un emploi plus rapidement. Donc, comment est-ce que nous, comme Québécois, on va compenser l'offre qui est faite des autres provinces, ça vient compenser, justement, ce problème-là.

Même chose au niveau des étudiants internationaux. Les étudiants qui graduent ici, une fois que tu as gradué d'une université canadienne, ce n'est pas difficile d'aller trouver un emploi ailleurs à travers le Canada. Donc, si nous, on n'est pas proactifs avec ces éléments-là, bien c'est sûr qu'on perd du terrain.

Donc, votre prémisse est celle qu'on a utilisée pour arriver à ces recommandations-là également.

M. Jolin-Barrette : Au niveau...

Le Président (M. Picard) : 30 secondes, M. le député.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je vais en profiter également pour vous remercier pour la qualité de votre mémoire et puis pour votre apport à cette commission.

Le Président (M. Picard) : Je vous remercie pour votre présentation.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de la ville de Sherbrooke de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

(Reprise à 11 h 59)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants de la ville de Sherbrooke. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation, et après ça il va y avoir un échange avec les parlementaires. Donc... Et je vous demanderais aussi de vous présenter. Merci.

Ville de Sherbrooke

Mme Godbout (Annie) : D'accord. Bonjour. Alors, je suis Annie Godbout. Je suis conseillère municipale à la ville de Sherbrooke et présidente du Comité des relations interculturelles et de la diversité.

M. Castilla (Alain) : Bonjour. Alain Castilla, agent professionnel de développement à la vie communautaire et secrétaire du Comité des relations interculturelles et de la diversité de la ville de Sherbrooke.

• (12 heures) •

Mme Godbout (Annie) : Alors, nous travaillons en complicité.

Alors, en premier lieu, je souhaite remercier les leaders parlementaires de nous permettre d'exprimer notre point de vue à l'égard de la nouvelle politique en matière d'immigration. Merci tout particulièrement à notre député de Sherbrooke, Luc Fortin.

À la lecture de la vision, des enjeux et des choix stratégiques que nous retrouvons dans la nouvelle politique proposée, je vous ferai part de trois préoccupations.

Sherbrooke est un pôle d'attraction des immigrants au Québec et est reconnue comme une ville accueillante qui a su mettre en place le vivre-ensemble. Effectivement, nous cohabitons en harmonie avec plus d'une centaine de communautés culturelles différentes. Nous sommes la première ville fusionnée au Québec à avoir adopté une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes. Notre marque de commerce est l'implication de nos citoyens, la mobilisation de nos milieux de vie et le travail rigoureux et proactif de notre Comité des relations interculturelles et de la diversité. Nous sommes convaincus que le socle commun d'une société pluraliste sont les valeurs démocratiques et le libre choix d'établissement des personnes immigrantes.

La politique gouvernementale proposée met en lumière plusieurs enjeux majeurs. Le document de consultation explore plusieurs pistes d'action et est, en ce sens, un pas évident dans la bonne direction. Le défi majeur pour Sherbrooke reste sans contredit la capacité du gouvernement à travailler en toute complicité avec les milieux et sa capacité à investir les sommes nécessaires pour mettre en place de façon durable les actions structurantes pour favoriser l'intégration des personnes immigrantes.

Le travail de concertation doit évidemment se faire entre le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, le MIDI, et ses différents partenaires régionaux et locaux, mais il serait d'autant plus intéressant que ce travail de concertation dépasse le rôle et les responsabilités du MIDI pour englober également l'ensemble des autres ministères avec une stratégie interministérielle. Les enjeux liés à l'immigration touchent tous les secteurs, allant de l'éducation à l'économie, jusqu'à la santé. À notre sens, une telle stratégie est la clé à une appropriation plus large des enjeux, à des actions plus cohérentes et à des résultats durables.

Trois préoccupations retiennent notre attention : la gouvernance et le financement des actions locales, les spécificités locales de nos milieux de vie, l'intégration à l'emploi des personnes immigrantes.

Bien que le rôle des municipalités ne soit pas clairement défini dans le cahier de consultation de la politique, deux ministères, le MIDI et le MAMOT, reconnaissent aux municipalités le rôle de gestionnaire du milieu de vie, comme décrit dans la trousse d'information à l'intention des municipalités au Québec sur les enjeux de l'immigration et de la diversité ethnoculturelle publiée l'an dernier. En effet, la notion de gouvernance nous interpelle particulièrement, car présentement les défis en matière d'immigration sont de taille. Dans un contexte où les directions régionales du MIDI sont maintenant chose du passé et que la politique ne précise pas le rôle et les responsabilités des municipalités dans le continuum de services, Sherbrooke doit pouvoir compter sur une entente bilatérale avec le MIDI. Les municipalités connaissent les besoins de leur milieu et les actions à mettre en oeuvre pour atteindre des résultats probants. Évidemment, nous souhaitons partager avec nos élus et nos partenaires une vision commune et des objectifs précis en matière d'intégration des immigrants, mais nous souhaitons surtout être mieux outillés et avoir les moyens pour être en mesure de jouer pleinement notre rôle. Pour ce faire, deux aspects sont essentiels : un cadre d'intervention bien défini avec le MIDI, un financement adéquat en regard des responsabilités qui incombent à une municipalité.

Nous souhaitons également vous faire part de notre questionnement quant à la mise en place d'une structure de coordination, qu'on peut voir à la page 55 de votre document. Évidemment, nous partageons le constat de l'importance d'avoir une approche transversale. L'élimination du travail en silo peut se faire de multiples façons. À Sherbrooke, un travail de concertation est déjà bien amorcé. Des lieux de concertation existent déjà, et les intervenants qui y participent connaissent les réalités terrain et les besoins du milieu. Il faut faire confiance aux différents partenaires qui sont déjà en mode action et concertation.

Comme mentionné, des liens de confiance et une complicité doivent s'instaurer entre les différents paliers de gouvernement, ayant comme résultat une concertation accrue. Cette concertation se traduit par des mécanismes de consultation, d'échange et de partage d'avis en amont du processus de décision. Je prendrai simplement l'exemple des programmes qui découleront de la politique d'immigration. Est-ce possible qu'ils s'arriment avec ceux des municipalités? Est-ce possible que l'on puisse impliquer les acteurs locaux dans le choix des projets à mettre de l'avant? Peut-on envisager une cogestion avec le milieu pour investir dans les actions les plus appropriées à l'intégration des personnes immigrantes? Qui d'autre que les acteurs du milieu sont les mieux placés pour identifier les actions à mettre en place afin de résoudre une problématique ou répondre à un besoin?

Dans l'approche du développement de nos communautés, Sherbrooke mise sur l'innovation sociale, la participation citoyenne et la vie communautaire. Le mieux-vivre ensemble est notre défi, mais nous avons le devoir de montrer l'exemple en travaillant mieux ensemble dans une perspective de réussir ensemble. Pour y arriver, quelques pistes sont à explorer : un réseau des grandes villes en collaboration avec le MIDI pour le partage des bonnes pratiques, un observatoire sous la gouverne du MIDI nous permettant d'obtenir des données chiffrées et de mesurer l'impact des actions mises en place dans un souci d'efficience et d'efficacité.

Au niveau des spécificités locales de nos milieux, je souhaite attirer votre attention sur la particularité de Sherbrooke en ce qui concerne le nombre d'immigrants dans la catégorie de réfugié et de parrainé par rapport au nombre total d'immigrants. Annuellement, les immigrants de cette catégorie représentent environ 53 % de nos nouveaux arrivants, tandis que la proportion dans les autres municipalités est de 10 % en moyenne. Cette spécificité sherbrookoise caractérise les défis auxquels nous sommes confrontés. Bien entendu, cela a un impact direct sur l'offre de services à la population, exerçant ainsi une pression sur nos partenaires communautaires, institutionnels et paramunicipaux dont les budgets sont limités, même très limités.

La pleine participation des citoyens de toutes origines à la vie collective et leur capacité d'agir sont essentielles, certes. Cependant, nous constatons que cette participation et cette capacité d'agir sont fortement associées à leur statut d'immigration. Une personne réfugiée, dont le parcours est atypique, nécessitera des conditions préalables à son intégration linguistique, économique et sociale, c'est-à-dire une période d'adaptation pour comprendre et se préparer à sa nouvelle réalité, un accompagnement multidisciplinaire en fonction de ses besoins spécifiques — soutien psychosocial, médical — et une période de francisation adaptée et même voire d'alphabétisation.

Lorsque collectivement nous faisons le choix de répondre à des situations humanitaires, il faut être conséquent et assurer le financement adéquat. La ville de Sherbrooke est soucieuse de l'appauvrissement de ses communautés, et nos personnes réfugiées sont vulnérables et à risque. Dans ce contexte, une stratégie interministérielle prendrait tout son sens en considérant la personne immigrante dans sa globalité, sans segmenter les différents pans de sa vie et des défis.

Chez nous, c'est unanime, les acteurs du milieu et les personnes immigrantes elles-mêmes clament qu'il y a urgence d'agir pour l'intégration en emploi chez les personnes immigrantes. Des pistes à explorer : la volonté d'agir à l'égard de la reconnaissance des diplômes doit se traduire par des actions concrètes, une meilleure adéquation entre les qualifications des immigrants et les besoins de nos entreprises dans nos milieux, la mise en place de cibles d'embauche à atteindre par nos institutions publiques afin de montrer l'exemple.

Alors que la représentativité des minorités visibles et ethniques au sein de notre ville s'établissait, en 2004, à 0,8 %, nous nous sommes engagés à accroître ce chiffre. La commission des droits de la personne et de la jeunesse établissait en 2006 une cible de 3,22 %, que nous avons surpassée en 2011. Nous avons réussi le défi, mais le travail n'est pas terminé, puisque notre objectif est maintenant d'augmenter nos ratios de représentativité en ce qui concerne les postes de professionnel et de cadre intermédiaire.

Nous saluons votre volonté de mettre en lumière l'apport des entrepreneurs immigrants au développement économique et de vouloir stimuler l'entrepreneuriat chez les immigrants. Oui, entrepreneuriat et emploi doivent être juxtaposés.

En conclusion, force est de constater que Sherbrooke est prête à passer à la l'action. Toutefois, sans entente bilatérale et sans soutien financier, il est impossible de faire davantage. D'ailleurs, depuis 2012, depuis près de trois ans, aucune aide financière n'a été accordée par le MIDI à la ville de Sherbrooke. La mobilisation est toujours présente, mais elle montre des signes de découragement. La fermeture du bureau régional du MIDI et la fermeture de la CRE ont pour effet de mettre fin à une entente spécifique annoncée en grande pompe et qui n'aura jamais vu le jour. Disons que nous avons une fois de plus refroidi les ardeurs de nos acteurs locaux.

Nous vous confirmons que nous sommes prêts à travailler comme partenaires et qu'ensemble nous puissions faire de Sherbrooke une ville interculturelle. Pour y arriver, une réelle complicité entre nos instances où règnent les notions de confiance et de collaboration est indispensable.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Godbout. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

• (12 h 10) •

Mme Weil : Oui. Bonjour et bienvenue. Merci beaucoup pour votre présence. Je suis très contente que vous ayez pu venir, Mme Godbout, M. Castilla, parce qu'en effet la ville de Sherbrooke est bien reconnue comme un pôle important d'immigration. Et vous l'avez bien soulignée, votre expertise. La collectivité de Sherbrooke est beaucoup, par la ville, la collectivité qui a réussi vraiment très bien l'accueil, l'intégration des personnes réfugiées, avec tous les défis que ça peut représenter mais une volonté et une expérience importantes. Et, oui, je vous dirais que je reçois bien vos commentaires sur comment va-t-on appuyer la ville, et il y a eu beaucoup de changements, mais l'intention, c'est que les villes jouent un rôle important. C'est des acteurs... Et d'ailleurs, même lors de cette commission, il y a quelques... beaucoup de représentants, d'ailleurs, qui mettent l'accent sur le rôle des villes, comment les villes peuvent jouer un rôle important parce qu'elles sont... c'est le palier gouvernemental le plus proche du citoyen, elles sont capables de faire la concertation rapidement, elles sont capables de mobiliser les partenaires, vous l'avez souligné, puis on le voit, que Sherbrooke a vraiment une expérience. Donc, je reçois bien vos commentaires pour l'avenir.

Alors, puisque vous représentez vraiment la ville type de ce qu'on a un peu en tête lorsque je parle de faire en sorte que les villes puissent jouer un rôle accru encore, reconnu, puis comment développer ce partenariat avec les villes en matière d'immigration, donc, on pourra parler de l'aspect accueil, intégration, mais j'aimerais vous amener un peu plus en amont aussi parce qu'on l'évoque, la FTQ a bien souligné qu'il faudrait que ça soit fait dans un esprit pas de délaisser les pouvoirs, évidemment, en immigration, ce n'était pas l'intention alors je le dis plus clairement, c'est plus comment bien prendre en compte la vision de la ville pour son avenir, ses espoirs, ses ambitions pour l'avenir et ses constats et son expertise des besoins de la ville. Le nouveau système qu'on regarde pour modifier la loi, on veut s'inspirer des meilleures pratiques. Les trois systèmes connus, c'est le Canada, qui vient de l'implanter — déclaration d'intérêt, ça s'appelle — donc on ne traite pas les dossiers en termes de date, qui crée des délais importants, trois ans de traitement, donc souvent le marché du travail a changé le temps que la personne rentre — j'exagère un peu, mais c'est un peu ça — donc un système plus rapide, qui répond aux besoins du marché du travail plus rapidement; l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Mais ce qu'on dit bien ou ce que je dis bien, c'est de s'inspirer de ces consultations, il y aura plusieurs consultations au fil de l'année sur l'immigration, mais en profiter... Vous êtes là, représentants de la ville de Sherbrooke. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça, comment vous pourriez... votre volonté, votre intérêt à jouer un rôle en amont alors qu'on bâtit une société basée sur l'immigration, on bâtit notre avenir, notre avenir collectif.

D'ailleurs, la conférence de... pas la conférence de Montréal, Montréal International soulignait à quel point, au point de vue démographique, l'immigration va jouer un rôle de plus en plus important. Le Québec perd du terrain par rapport au reste du Canada, par rapport aux États-Unis, l'Ontario, nos voisins, tous nos voisins, et c'est surtout par rapport aux personnes en âge de travailler. Ça, je ne sais pas, je n'ai pas les chiffres pour Sherbrooke, mais donc est-ce que vous remarquez ce problème-là? Et le rôle que vous voudriez jouer en amont. Et peut-être vous entendre sur, en aval, votre expertise en matière d'accueil et d'intégration. Donc, il y a comme trois questions, là, et ensuite je céderai la parole à mon collègue de Sherbrooke, qui veut absolument vous poser des questions.

Mme Godbout (Annie) : Oui. Bien, c'est sûr qu'on voit effectivement un rôle en amont. Nous, c'est important, en fait, cette diversité-là, tant d'un point de vue de richesse de la collectivité mais au point de vue du développement économique. Vous avez souligné effectivement qu'on... Bien, en faisant référence à Montréal International, aussi, à Sherbrooke, nous avons beaucoup d'étudiants, nous avons beaucoup d'étudiants étrangers. Parce que cet enjeu-là, tu sais, nous appartient aussi. Quand on regarde qu'il y a... J'ai fait des recherches, et c'est plus de 2 000 étudiants, quand même, spécifiquement sur le territoire de Sherbrooke, d'étudiants étrangers. Et là je parle juste au niveau universitaire, parce qu'avec le cégep aussi on reçoit... Puis je n'ai pas eu les données.

Mais cette attractivité-là pour stimuler le développement économique est aussi importante, effectivement, mais c'est sûr que de jouer un rôle en amont, d'être... On veut pouvoir répondre aux besoins des entreprises. Quand on parle, entre autres, de l'enjeu de la rétention, c'est sûr que la rétention passe par l'intégration en emploi, et beaucoup, et c'est pour ça qu'on sent qu'il y a urgence d'agir à cet égard-là. Donc, il faut vraiment, dans le fond, travailler avec vous, s'assurer cette adéquation sur le territoire, mais, pour nous, c'est important, comme municipalité... Parce qu'effectivement on a des compétences municipales, puis on ne souhaite pas transgresser ces compétences-là, mais l'immigration, comme on disait tout à l'heure, ça touche tellement... c'est transversal, autant dans le secteur de l'éducation, dans le domaine de la santé. Dans la dernière année, on l'a entendu plusieurs fois, à quel point la pression était importante sur les autres services également, là, au niveau de la communauté.

Je ne sais pas s'il y a quelque chose que tu veux rajouter à cet égard.

M. Castilla (Alain) : C'est sûr que, comme dit Mme Godbout, on dit que l'emploi attire, mais c'est le milieu qui retient. Donc, dans ce sens-là, le rôle des municipalités serait beaucoup plus dans tout le volet animation du milieu de vie, donc, à l'égard de pouvoir retenir ces familles, mais c'est sûr que ça va de la main, l'emploi et le milieu de vie qui va accueillir ces personnes immigrantes.

Mme Weil : Et juste avant de passer aux autres questions, donc, pour les... C'est vrai, les étudiants étrangers, donc, le programme, vous étiez ici, je pense, lorsque Montréal International faisait sa présentation, donc il y a ce programme de... le PEQ, le Programme d'expérience québécoise. En 20 jours après avoir obtenu son diplôme universitaire, un étudiant peut obtenir un CSQ, un certificat de sélection du Québec, c'est vraiment très, très rapide. Et c'est un programme qui fonctionne très bien, qu'on veut évidemment maximiser.

Donc, par exemple... Bien, premièrement, est-ce que vous avez des chiffres sur la rétention des étudiants, qui étudient là et qui restent dans la région? Et est-ce que vous verriez peut-être un rôle pour la ville de Sherbrooke pour mieux faire connaître ce programme chez les étudiants étrangers puis de travailler avec le gouvernement pour en faire la promotion?

Mme Godbout (Annie) : En fait, on n'a pas traité cet enjeu-là dans la dernière année, au niveau des étudiants étrangers, parce qu'on en avait déjà, je dirais, beaucoup d'autres, beaucoup d'autres, enjeux. Mais, quand on regarde en région, quand on parle de régionalisation, là, il y a quand même beaucoup... Les jeunes, de manière générale, quittent les régions. Il faut tout faire pour les garder, puis les immigrants aussi. Vous l'avez dit, c'est une force vive du développement, là. Donc, c'est de travailler un peu les deux ensemble, là, quant à moi, là. Ça, c'est ma vision très personnelle.

Mais on n'a pas... Pour les étudiants étrangers, bien que tantôt je me suis un peu avancée de vous dire qu'il n'y a pas juste à Montréal qu'il y a des étudiants étrangers, c'était plus pour lever le «flag» en regard de ça, mais ce n'est pas un enjeu qu'on a traité à ce stade-ci, là.

Mme Weil : Et c'est un peu... on en discutait un peu avec Montréal International, c'est la poule et l'oeuf, hein, donc développement économique qui va attirer du capital humain, le capital humain va créer de la richesse par sa présence et sa créativité, son innovation. Donc, c'est tout ça qu'il faut... En tant qu'acteurs, je dirais, acteurs publics, gouvernementaux, il faut jouer sur tout ça.

Pour créer... Combien de temps il reste? Parce qu'on va se partager...

Le Président (M. Picard) : Neuf minutes.

Mme Weil : Combien?

Une voix : Neuf.

Mme Weil : Neuf, O.K.

Mme Godbout (Annie) : Mon collègue voulait peut-être juste ajouter un truc.

M. Castilla (Alain) : Juste au niveau des étudiants internationaux et des étudiants en général, à Sherbrooke, notre comité de développement social et communautaire avait mis sur pied un groupe de travail justement pour se pencher... dans le sens comment, comme municipalité, on pourrait faire connaître davantage notre milieu de vie. Donc, on a commencé, on a amorcé un travail dans ce sens-là pour rapprocher les étudiants, qui souvent vont être sur les campus universitaires mais ne vont pas oser peut-être connaître ou découvrir les attractions de notre ville. Donc, ça, dans ce sens-là, on a commencé à travailler et on a un groupe de travail qui est là-dessus, mais, comme dit Mme Godbout, c'est sûr qu'il y a d'autres préoccupations aussi. Donc, on commence cette réflexion-là d'arrimer.

Mme Weil : Je vous remercie beaucoup parce que je cède la parole au député de Sherbrooke. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Sherbrooke, c'est à vous.

• (12 h 20) •

M. Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Godbout, M. Castilla, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je salue également vos familles respectives. Aujourd'hui, vous faites de la conciliation politique-travail-famille, alors comme quoi Sherbrooke est un milieu familial accueillant. Et je suis très heureux de voir ça, moi-même, comme père de deux jeunes enfants, bientôt trois. Alors, on voit que Sherbrooke a la famille à coeur, au coeur de ses actions.

Alors, on a beaucoup parlé, depuis le début de nos consultations, de la capacité ou de la volonté des employeurs d'embaucher une main-d'oeuvre immigrante, notamment en région. On sent souvent la volonté de vouloir le faire, mais, quand ça arrive, il y a peut-être des fois certaines réticences.

Or, à la ville de Sherbrooke, il ne semble pas y avoir ces réticences-là. La ville est souvent citée comme un employeur exemplaire quant à la diversité de la main-d'oeuvre, vous l'avez abordé dans vos remarques d'introduction. Je voulais voir un petit peu comment ça se passait à Sherbrooke, d'une part, dans les services municipaux, comment se passait l'intégration en milieu de travail de ces nouveaux arrivants là, puis quelles sont peut-être les bonnes pratiques qui sont faites à la ville de Sherbrooke que, oui, on peut exporter dans les autres institutions publiques mais même auprès des employeurs privés.

Mme Godbout (Annie) : Là, la preuve vivante, hein, c'est Alain. Alain, qui est un citoyen du monde, est un bel exemple, justement, d'intégration en emploi, qui est originaire... bien qui a plein d'origines, tu n'as pas à conter ton parcours, mais Alain pourrait vraiment parler de l'ensemble des bons coups de la ville à cet égard.

M. Castilla (Alain) : Oui. Et, dans le document qu'on vous a présenté, le mémoire, à la page 10, justement, on faisait un survol rapide de quelques bons coups qu'on voulait partager, justement. Puis, dans ce volet-là, il y a une approche qui a été implantée à la ville, l'approche de la gestion de la diversité ethnoculturelle, en 2007. Donc, c'était une approche d'intervention qui a voulu mettre l'accent sur trois axes. Donc, tout le volet organisationnel, donc, c'est l'adéquation, justement, de comment faire les sélections de personnes immigrantes, parce qu'on sait que, si on demande une ou deux années d'expérience, quelqu'un qui vient de débarquer, même s'il connaît le français, donc, ça, il va y avoir des situations un peu complexes. Donc, il y a tout un volet de normalisation de grilles de présélection et d'entrevue. On voit ici, dans le volet intégration en emploi, tout ce qui a été fait, des guides, on fait des rencontres d'accueil avec les personnes nouvellement embauchées issues de l'immigration. Il y a aussi des outils pour les gestionnaires, pour encadrer, et avec les collègues de travail aussi, donc tout un volet en intégration en emploi, en formation, en gestion de la diversité; au niveau des employés de première ligne aussi, donc, aussi, pour accueillir nos citoyens, donc d'avoir ces outils-là, puis tout le volet aussi au niveau de la formation, de l'intégration.

Alors, ça, c'est notre expertise qui a été développée depuis 2007 grâce, justement, à des ententes bilatérales avec le ministère, qui nous a permis d'aller plus loin. Donc, cette expérience-là, c'est celle qu'on voudrait transférer, justement, à d'autres municipalités.

M. Fortin (Sherbrooke) : Vous avez parlé tantôt que la ville souhaitait jouer un plus grand rôle, justement, dans toutes les politiques d'immigration, ce que je salue bien évidemment. Évidemment, bon, il y a toute la question de la rétention en emploi, et évidemment le secteur privé aura à jouer un rôle de ce côté-là.

Vous avez parlé beaucoup de l'animation. J'aimerais vous entendre sur la façon dont vous concevez votre rôle ou le rôle futur que pourrait avoir la ville de Sherbrooke, par exemple, dans la lutte contre le racisme, dans la lutte à la discrimination raciale. Alors, comment la ville de Sherbrooke anticipe son rôle de ce côté-là?

Mme Godbout (Annie) : En fait, c'est une très bonne question. Nous, ça nous préoccupe beaucoup, en fait, ces questions-là.

Bien, d'abord, sur le terrain, on a vu, l'année passée, il y a eu des actes de vandalisme auprès d'épiceries halal, donc on a vécu des situations, des faits. Et nous avons à la ville un comité vigilance, qu'on appelle, qui, dans le fond, a comme mention... bien comme mandat d'avoir une lecture du terrain sur, justement, s'il y a des actes de discrimination, des paroles, s'il y a eu une montée, et tout ça. On a ce comité vigilance là et on se rencontre. Et d'ailleurs moi, j'ai demandé récemment d'avoir une rencontre, parce qu'avec les événements de l'après-Charlie... donc la prévention de la radicalisation, parce qu'il y a des jeunes aussi présumés, là, qui sont partis en Syrie, à Sherbrooke, peut-être que vous avez vu aussi dans les médias, à l'université ça se jase. Et donc la prévention de la radicalisation, la prévention de la discrimination envers les communautés, c'est un enjeu qui nous préoccupe.

Donc, avec ce comité-là, que nous avons relancé vraiment même récemment, même on a fait venir des universitaires, parce que c'est des enjeux qui sont extrêmement complexes, ce n'est pas simple, puis c'est facile d'aller dans la dérive intellectuelle, là, dans ces contextes-là, donc d'avoir des gens rationnels autour de la table qui peuvent amener toutes leurs connaissances, leur expertise. On les voit souvent dans les médias, ces personnes-là. Donc, on a décidé, nous, de les mettre à contribution dans nos comités pour avoir une meilleure lecture, donc, d'avoir une meilleure lecture.

Maintenant, nous, on a commencé à élaborer même des pistes d'action qui sont extrêmement intéressantes. Donc, je m'en tiendrai là pour le moment, mais on va vous revenir assurément avec des idées plus claires, là, au cours des prochaines semaines. Mais je suis bien contente que vous ayez ouvert la porte, M. Fortin.

M. Castilla (Alain) : Au niveau de l'animation des milieux, c'est sûr qu'au niveau des municipalités, nous, ce qu'on veut, c'est que le milieu se prenne en main. On ne veut pas le faire pour eux mais les accompagner et animer le milieu.

Donc, il y a plusieurs expériences. En ce moment, on est en train de travailler avec nos organismes communautaires interculturels à voir si on peut créer un réseau entre ces sept organismes, on appelle ça notre G7. Donc, on essaie de voir comment on peut mettre en place des choses avec ces organismes-là qui ont déjà l'expertise.

Dans l'animation du milieu, récemment, l'année passée, on a eu une expérience, justement, avec la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, on voulait essayer d'animer le milieu dans ce sens. Alors, c'est sûr qu'au niveau local, comme ça se passe local, le rapprochement interculturel, on s'est approprié ce concept de semaine québécoise et on a appelé ça notre Semaine sherbrookoise des rencontres interculturelles, et puis on a pu, de cette manière-là, développer un sentiment d'appartenance de beaucoup de ces organismes-là qui auparavant travaillaient beaucoup avec le ministère et étaient financés pour ces activités-là, malheureusement on n'a plus de financement. Donc, changer de «québécoise» à «sherbrookoise», ça a développé ce sentiment d'appartenance, et on a pu avoir une programmation globale et intégrée du milieu communautaire, culturel et sportif. Voilà.

Le Président (M. Picard) : M. le député.

M. Fortin (Sherbrooke) : Oui. Bien, on me dit qu'il me reste...

Le Président (M. Picard) : Une minute.

M. Fortin (Sherbrooke) : Une minute. Alors, je vais en profiter pour vous remercier. Puis, Mme Godbout, vous avez piqué ma curiosité, alors j'espère qu'on va avoir l'occasion de s'en reparler très prochainement. Et il y a des gestes à poser, parce qu'effectivement, moi, comme député, on m'interpelle régulièrement suite aux événements de Saint-Jean-sur-Richelieu, d'Ottawa et, plus récemment, de Paris. Ça a des conséquences sur nos communautés, notamment les communautés musulmanes, à Sherbrooke, alors c'est important de poursuivre le dialogue avec ces communautés-là. Alors, merci pour votre témoignage.

Le Président (M. Picard) : Merci. Avant de céder la parole à M. le député de Bourget, j'aurais besoin d'un consentement pour poursuivre après 12 h 30. Ça va pour tout le monde? M. le député de Bourget, c'est à vous.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Alors, Mme Godbout, M. Castilla, soyez les bienvenus. Merci pour votre contribution. Bravo pour ce que vous faites déjà chacun dans son espace respectif!

Sherbrooke est un laboratoire de l'intégration, de la diversité, l'expérience humaine est magnifique. J'en parle parce que j'y vais souvent et je connais du monde là-bas.

Cependant, j'aimerais savoir si l'usage... l'utilisation du terme «communauté culturelle» en est une qui est convenue ou qui vous habite parce que c'est une réalité immuable. Je m'explique.

Quand on étiquette «communauté», on marginalise, on balkanise. Je pars du principe que tous, quelles que soient nos origines... Moi, je viens d'Afrique, du Cameroun plus spécifiquement. Quand je choisis de venir vivre au Québec, je m'y intègre comme citoyen, pas comme un élément, un vecteur appartenant à un groupe spécifique, et je m'y intègre en adoptant les valeurs que j'y ai trouvées comme étant les valeurs consensuelles fondamentales, démocratiques pour certains. Et m'enfermer dans une logique communautariste, ça vient limiter la reconnaissance, la validation de mon intégration à cette société nouvelle en tant que citoyen. Qu'en pensez-vous?

Mme Godbout (Annie) : Oui, bien, tout à fait. En fait, nous sommes très sensibles à ce que vous dites. D'ailleurs, je dirais qu'on est en train, même, de changer notre vocabulaire. On ne l'a peut-être pas fait là, là, mais de plus en plus on parle, nous, de néo-Sherbrookois, on parle... c'est vraiment le terme de la dernière année qui nous habite davantage, puis on tend vers justement une réelle intégration en appelant les communautés plus des néo-Sherbrookois, on est vraiment plus dans cette dynamique-là que de les segmenter peut-être par communautés. Je ne sais pas si ça répond ou...

• (12 h 30) •

M. Castilla (Alain) : Puis, dans nos actions, ce que l'on privilégie, c'est vraiment le mélange des cultures. Peut-être vous avez eu l'occasion d'assister à certaines activités à Sherbrooke comme le Buffet des nations, madame... Je sais qu'elle est souvent chez nous. Alors, vous voyez que... Et, à l'intérieur des organisations aussi, des organismes, même, culturels, sur les C.A., vous voyez des gens qui viennent de tous les horizons. Donc, nous, c'est vraiment dans ce sens-là. On favorise le mélange des cultures pour qu'il y ait un frottement et un rapprochement, alors, entre communautés culturelles et société d'accueil mais aussi entre communautés culturelles qui sont présentes, parce que nous cohabitons avec plus d'une centaine de communautés culturelles, de personnes de toutes origines. Donc, il faut savoir vivre ensemble dans ce sens, donc se mélanger et se connaître.

M. Kotto : J'entends bien, mais...

Mme Godbout (Annie) : ...je dirais qu'on a quand même un grand défi. Quand on regarde, en tout cas pour mon expérience de la dernière année, là, c'est un constat très personnel, c'est que, tu sais, on voit souvent que, les activités qu'on fait, c'est souvent des gens qui sont déjà un peu vendus à l'interculturel, des gens qui aiment l'international. Donc là, notre défi, hein, qu'on a, c'est d'aller rejoindre tranquillement pas vite... d'étendre, en fait, ce réseau-là de Québécois de souche pour faire connaissance, entamer le dialogue, comme vous dites, davantage avec... pour étendre, là, la toile d'araignée, si je peux dire, là, pour faciliter ce climat interculturel là.

M. Kotto : J'avais, je vous suggère ça au passage, moi, pensé à «Québécois d'adoption», en parlant de moi en tant que nouveau... Je vous suggère juste l'appellation pour votre réflexion là-bas, à Sherbrooke.

Autre question. C'est une centaine de Québécois d'adoption venus de tous les coins du monde. Est-ce que ce sont... Vous disiez que 53 % d'entre eux sont des réfugiés. Quelles sont les difficultés d'intégration auxquelles ces personnes fragilisées sont exposées?

Mme Godbout (Annie) : Bien, ce qu'on a senti sur le terrain, pour avoir discuté avec les gens, c'est que souvent, quand les gens arrivent, on essaie rapidement de les mettre dans un moule, de les cadrer soit pour apprendre le français, entre autres, beaucoup, parce qu'ils viennent de pays où ils ne sont pas... le français n'est pas la langue principale, et ce qu'on entend, c'est qu'on essaie de les mettre rapidement dans un cadre, mais souvent les gens ne sont pas prêts nécessairement à ça, il y en a qui arrivent avec des conditions où, par exemple, ils peuvent souffrir de dépression, ils ont des problèmes psychologiques quand même importants. Donc, rapidement, premièrement, on essaie de les mettre dans ce moule-là, et donc ils ne sont pas nécessairement prêts.

Là, il y a des normes, hein, des périodes de temps où on veut faire un peu de francisation, et là, quand le terme est terminé, ces gens-là sont souvent laissés à eux-mêmes. Puis en plus, le français, ces cours-là, c'est un bon moyen de sociabiliser, pour eux, puis il y en a qui se retrouvent dans une espèce de vide, il y a certaines tranches de gens réfugiés qui se retrouvent dans un vide où il y a peu de moyens pour les rejoindre, les amener à sociabiliser, éviter l'isolement, particulièrement aussi pour les personnes qui n'ont pas d'enfant, hein, parce que, les enfants, c'est sûr que c'est facilitant pour sociabiliser, avec les écoles. Mais, encore là, ce qui est extrêmement difficile, ce qu'on voit sur le terrain, c'est que, les familles, les enfants qui vont dans les écoles, les parents, ils ne parlent pas français. Donc, pour l'aide aux devoirs, ils n'ont pas de moyen, ils ne sont pas outillés. Donc, on a des organismes qui vont dans les maisons. Et là, quand on débarque dans les maisons, ce qu'on entend, c'est qu'ils se rendent compte qu'il y a des problèmes familiaux importants, là, où la culture n'est pas encore complètement intégrée, donc là ils ont besoin d'avoir... ces gens-là qui font de l'aide aux devoirs théoriquement ont besoin d'être outillés aussi pour, dans le fond, être de premier plan, là, avec ces gens réfugiés qui ont différents autres problèmes, là, importants, là.

Donc, tout ça, toutes ces pressions-là, donc, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé, tu sais, on sent, les gens, qu'ils ont besoin, là, beaucoup d'aide et de ressources, ça, c'est criant, en fait, par chez nous, là, à cet égard-là, puis, comme je vous dis, des gens qui sont laissés plus à eux-mêmes, qui ne tombent pas dans les cadres dans lesquels on veut les mettre, parce que c'est vraiment ça, hein, c'est qu'on les met dans... Je ne me répéterai pas.

M. Castilla (Alain) : Il faut voir que les dernières vagues d'immigration de personnes réfugiées parrainées viennent de pays comme Bhoutan, Népal, Afghanistan. Donc, c'est des gens qui, bien sûr, ont vécu dans des camps de réfugiés, les enfants ne sont pas allés à l'école. Donc, quand ils arrivent ici, de s'intégrer, comme dit Mme Godbout, dans ce moule de notre société, c'est là où il y a des difficultés, c'est très complexe, et nos intervenants, souvent, ne sont pas outillés. Alors, ça prend du temps jusqu'à ce qu'ils puissent comprendre cette réalité-là.

Mme Godbout (Annie) : Oui. Puis, pour sortir de cet état de pauvreté, l'éducation, là, c'est essentiel, là, c'est essentiel pour ces jeunes-là. La réussite scolaire, là, c'est très, très important.

M. Kotto : Considérez-vous, à l'aune de ces défis de part et d'autre, que le soutien de l'État québécois est adéquat?

Mme Godbout (Annie) : En fait, c'est justement pour ça qu'on demande plus une stratégie interministérielle, pour être sûrs que tout arrive à bien s'arrimer ensemble, parce que c'est arrivé, nous, quand on a des rencontres du Comité des relations interculturelles, que ces problématiques-là nous sont amenées, et, dans le fond, on tombe nous-mêmes dans le vide parce que ça ne relève pas de nos compétences. Donc, on n'est pas outillés, nous, comme ville, pour faire face à ces défis-là, pour aider nos organismes à le faire. On a besoin... Là, c'est sûr qu'on essaie, justement, de s'adjoindre des gens de notre milieu dans le domaine de la santé, sur le CRID, dans le domaine de l'éducation, des gens qui ont des lectures terrain, des gens qui ont des pouvoirs. Encore là, eux sont tout de même limités. Mais c'est important, c'est très important, en fait, très, très important d'avoir des canaux, justement, avec le gouvernement plus importants. C'est un des messages qu'on vous lance aujourd'hui, là, qu'on souhaite qu'on améliore, en fait, ce... C'est de pouvoir mieux communiquer ces enjeux-là et de trouver des solutions ensemble.

M. Kotto : Vous disiez... Dans les recommandations, vous proposiez, en fait, la mise en place d'un observatoire sous la gouverne du MIDI. Un observatoire proche du pouvoir, lié au pouvoir m'apparaît un peu risqué, hein? Risqué pourquoi? Parce qu'on voit ce qui arrive aux bureaux régionaux d'immigration aujourd'hui avec les décisions.

J'irai davantage plus loin. C'est une bonne idée à la base. Ça pourrait être un observatoire qui aurait le même profil que celui du Vérificateur général ou de la Protectrice du citoyen et ayant des comptes à rendre uniquement à l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Picard) : ...30 secondes, M. le député.

M. Kotto : ...parce que c'est l'Assemblée nationale qui nommerait cette entité-là et la personne qui serait à sa tête. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Picard) : Rapidement, s'il vous plaît.

Mme Godbout (Annie) : Ça prend plus que ça, qu'un vérificateur général. C'est difficile de quantifier le terrain, en fait, là, en termes... Ça a été difficile pour nous. On a vu, avec l'entente spécifique régionale, qu'on a essayé d'avoir des chiffres sur, justement, quelle est notre immigration, d'avoir un portrait clair, donc c'est là qu'il faut tendre pour appuyer. Si on a les meilleures données terrain, nous serons en mesure de prendre les meilleures décisions sur quelles actions on doit agir en priorité, là. Nous, c'est ce genre de tableau de bord là plus que peut-être un vérificateur... Bien, à moins que j'aie mal compris.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole...

Mme Godbout (Annie) : Mais on pourra en reparler, là. On peut revenir à Québec, à Montréal. Nous, on aime ça échanger avec vous, là.

Le Président (M. Picard) : Pas de problème. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Mme Godbout, M. Castilla, bonjour. Bien, en fait, je vais vous laisser la possibilité de répondre à la question du député de Bourget, parce que c'était une question qui m'interpellait aussi. Il y a plusieurs groupes qui sont venus nous voir, depuis le début de la consultation, qui parlaient davantage d'un organisme de coordination. Donc, peut-être vous pouvez terminer sur la question du député de Bourget et aussi donner votre avis sur : Est-ce que ça prend un organisme de coordination pour synchroniser l'ensemble des ressources pour les services aux immigrants?

Mme Godbout (Annie) : Nous sommes plus, nous, dans l'optique de dire : Travaillons avec les structures déjà en place, parce qu'à multiplier les structures on perd de l'efficacité. On l'a vécu, nous, spécifiquement avec l'entente spécifique régionale qu'on voulait mettre en place au niveau de la région. Là, on se disait au niveau de la région... Nous, à Sherbrooke, on avait déjà des structures en place, la région, maintenant, voulait mettre des structures en place, et là on voyait un dédoublement, en fait, d'efforts, de tables de discussion.

Donc, nous, ça nous préoccupe, de multiplier les structures de coordination. Donc, est-ce que c'est à l'échelle juste de la ville, l'échelle régionale, ville? Les enjeux, en tout cas, pour l'Estrie, c'est très différent à Sherbrooke versus l'ensemble de l'Estrie, donc... Et je trouve, là, dans l'expérience de ma dernière année... C'est qu'on perd tellement de temps à penser à des structures qu'on perd l'essentiel sur le terrain puis les besoins du terrain. Moi, je suis rendue là, là, tu sais, de se dire : O.K., là, on peut-u vraiment, là, travailler sur le terrain avec les structures en place, mettre les bonnes personnes aux bonnes places? Tu sais, moi, je ne dis pas que c'est à la ville à tout ramasser puis d'être tout le coordonnateur, là, ce n'est pas nécessairement ça que je vous dis aujourd'hui, mais il y a des structures en place puis il y a moyen, je pense, de faire ça simple et efficace, sans multiplier les tables. Il y en a déjà trop.

• (12 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Parmi les structures qu'il y a actuellement en place, le ministère fonctionne par le biais d'un réseau de partenaires, d'organismes communautaires. Est-ce que, pour Sherbrooke, pour la région de l'Estrie, c'est une façon optimale et appropriée?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : De travailler avec le réseau de partenaires plutôt qu'avec des organismes étatiques.

M. Castilla (Alain) : Une des propositions, en fait, dans le document, c'est qu'on voudrait poursuivre les travaux du réseau des grandes villes en immigration. Donc, au niveau des municipalités, il y a quelque chose qui avait été amorcé mais que, bon, ça a tombé un petit peu à l'eau, mais on voudrait remettre en place ce réseau pour être branchés, justement, et que le ministère soit collaborateur là-dessus; de la même manière qu'il le fait avec le réseau des organismes communautaires, bien, qu'on soit aussi branchés, au niveau des grandes villes, pour le partage des bonnes pratiques, pour l'échange d'information mais aussi pour pouvoir coconstruire des programmes, des projets, etc., ensemble.

Mme Godbout (Annie) : Bien, pour répondre, au niveau local, là, le réseau des partenaires, moi, je crois, oui, qu'on peut travailler ensemble sans créer de structure.

M. Jolin-Barrette : À la page 7 de votre mémoire, vous recommandez de «dresser un portrait des municipalités en ce qui concerne leur réelle capacité d'accueil et d'intégration, notamment en termes d'emplois, de services, d'infrastructures, de logement et de transport». Exemple, pour Sherbrooke, est-ce que la capacité d'accueil, elle est respectée en termes de nombre d'immigrants que vous recevez annuellement versus les ressources qui sont mises actuellement à la disponibilité, que ce soit par le ministère ou par la municipalité?

M. Castilla (Alain) : Justement, on disait que ce bassin qu'on a en ce moment, surtout de personnes avec des besoins beaucoup plus importants qu'un immigrant économique, fait en sorte que ça exerce une pression beaucoup sur tous nos partenaires, que ce soit au niveau communautaire, au niveau des institutions publiques, l'OMH, etc. On sait qu'il y a des initiatives à Sherbrooke importantes qui sont des modèles pour le Québec, comme notre clinique des réfugiés. Donc, étant donné, justement, ce bassin qu'on avait, l'offre de services qui était normale n'était pas suffisante. Donc, on a dû mettre en place une clinique des réfugiés parce que l'offre et la demande n'étaient pas égales.

M. Jolin-Barrette : Un des groupes vous précédant, Médecins du Monde, disait justement : C'est un des défis, exemple, d'identifier, pour les réfugiés qui arrivent au Québec, bien, les ressources disponibles. Donc, je comprends que ça prend une coordination des acteurs qui offrent des services. Et aussi peut-être ce qu'ils proposaient, eux, c'était véritablement de l'accompagnement.

M. Castilla (Alain) : Exact. Et même, dans les organismes, on a un organisme d'alphabétisation chez nous qui était à la base un organisme d'alphabétisation pour les Québécois; maintenant, je dirais que 90 % de sa clientèle, c'est des personnes immigrantes réfugiées. Donc, ils ont vu la composition de leur clientèle changer avec les vagues d'immigration qu'on a reçues à Sherbrooke et ils n'ont plus de locaux, il n'y a plus... ils ne fournissent plus parce que les besoins, comme vous dites, ça exerce une pression sur tous nos partenaires, la santé, le communautaire, l'éducation, etc.

M. Jolin-Barrette : Généralement, lorsque vous accueillez une clientèle réfugiée, combien de temps ça prend, tout en étant conscient que le parcours de chacun est unique, mais combien de temps ça prend pour que les gens se sentent à l'aise dans leur milieu d'accueil?

M. Castilla (Alain) : C'est sûr que ce volet-là, c'est plus le Service d'aide aux néo-Canadiens, qui est notre organisme mandaté par le ministère pour tout ce volet accueil de personnes réfugiées. C'est sûr que, comme on dit ici, c'est un parcours qui est très atypique, hein, ça va dépendre d'où provient cette personne-là, qu'est-ce qu'elle a vécu, les enfants, etc., mais je vous dirais que c'est un parcours qui est beaucoup plus long qu'une personne immigrante économique. Donc, c'est très complexe.

M. Jolin-Barrette : Puis au niveau des... Il y a un point sur les administrations publiques, dans votre mémoire, sur la représentativité des gens issus de l'immigration. Comment ça se traduit à la ville de Sherbrooke?

Mme Godbout (Annie) : Bien, moi, ce que j'ai entendu... À la ville, nous, c'est ça, donc, on s'était donné des cibles, tout ça, puis on y tient, mais ce que j'entends sur le terrain, notamment, entre autres, le service... certains segments de... il y a certains étudiants qui sortent de l'université qui ont vraiment de la difficulté à trouver même un emploi dans des organismes institutionnels. Ils sentent... Bien, leur lecture du terrain, c'est que les immigrants, bien, ceux qui portent un nom peut-être plus étranger, là, se rendent dans les entrevues, mais ils arrivent souvent bons deuxièmes.

Donc, il y a comme peut-être un effort qui pourrait être fait, avec des cibles peut-être plus précises, sur l'intégration en emploi même en région dans les institutions. Il faut travailler ça, travailler de manière concertée, donner l'exemple de travailler ensemble, là. Je pense qu'on a un bon défi à cet égard-là aussi, là.

M. Jolin-Barrette : Puis, au niveau des employeurs non institutionnels, au niveau du marché du travail, par le biais d'employeurs privés, par le biais des PME, quel est le portrait à Sherbrooke?

M. Castilla (Alain) : C'est sûr que les grandes entreprises, les multinationales sont beaucoup plus ouvertes, et c'est beaucoup plus facile qu'une personne immigrante puisse intégrer ce genre d'entreprise. Dans nos régions, on sait que c'est principalement des PME, et c'est ces gens-là, ces chefs d'entreprise qu'il faudrait sensibiliser davantage, informer davantage sur tout le volet... Justement, quand on parlait que les employeurs ne savaient pas trop comment une personne peut devenir de temporaire à résident permanent, tout ce volet-là est très important, de sensibilisation et d'information de ces entreprises, des PME.

Mme Godbout (Annie) : Oui. Moi, je pense qu'il faut...

Le Président (M. Picard) : Merci... Oh!

Mme Godbout (Annie) : Juste... Dernière petite chose. Il faut trouver des zones d'expérimentation, idéalement, de part et d'autre, parce que, tu sais, il y en a beaucoup qui disent : Bien, tu sais, on est comme bloqués, mais, si on peut trouver des zones d'expérimentation où les gens apprennent à se connaître... Les stages, c'est sûr que c'est une bonne façon, mais en même temps c'est très exigeant au niveau des employeurs. Mais il y a lieu, moi, je crois, par des projets peut-être, sans que ce soient des stages, de mixer étudiants, jeunes, immigrants... jeunes, immigrants, employeurs, pardon, pour justement se connaître puis de voir la richesse que tout le monde peut en tirer, de ça.

Le Président (M. Picard) : Merci beaucoup. Ça met fin à nos travaux pour cet avant-midi.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci pour votre présentation.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur les documents intitulés Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.

Cet après-midi, nous commençons nos travaux en recevant le représentant de la Fédération des communautés culturelles de l'Estrie. Je vous inviterais à vous présenter. Et vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. À vous la parole.

Fédération des communautés culturelles de l'Estrie (FCCE)

M. M'Batika (Henri) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, honorables députés. Je suis Henri M'Batika, je viens de Sherbrooke, j'ai été pendant longtemps président du conseil d'administration de la fédération, et c'est un honneur que vous me faites, à travers les membres des communautés culturelles, de nous accueillir dans votre auguste assemblée. J'en profite aussi pour témoigner de notre gratitude pour tout ce que vous faites, surtout en matière d'immigration.

Donc, aujourd'hui, nous présentons notre mémo parce que c'est une question qui nous intéresse au plus haut chef, et nous pensons que notre contribution sera majeure pour répondre aux besoins et aux préoccupations et de l'État et des citoyens et des citoyennes.

La Fédération des communautés culturelles de l'Estrie est un organisme communautaire fondé en 1994. Elle existe par la volonté de ses pairs de promouvoir la solidarité entre membres. Elle sert d'interface entre les décideurs du milieu, les milieux économiques et culturels dans la région de l'Estrie, et ceci, depuis 21 ans. Dans sa mission, la Fédération des communautés culturelles de l'Estrie vise le regroupement des associations monoethniques et les accompagne dans le processus d'intégration dans la nouvelle société. La fédération s'est fixé comme principaux objectifs promouvoir et défendre les droits de ses membres, promouvoir et consolider la vie associative de ses membres, susciter l'émergence d'autres organismes monoethniques, favoriser la rétention et l'intégration des immigrants dans la région de l'Estrie, assurer la représentativité des communautés culturelles en partenariat avec les institutions du milieu, favoriser le développement de relations harmonieuses et durables.

Nonobstant la modicité de ses moyens d'action, l'ancrage de la fédération dans la collectivité a permis l'émergence de projets structurants favorisant l'intégration et l'insertion socioprofessionnelle. À son actif, la fédération a réalisé des projets qui sont aujourd'hui le champ de la réflexion de l'État québécois sur les conditions gagnantes dans le processus d'accueil et d'intégration des immigrants. À travers le mémo que la fédé dépose à la commission, l'organisme apporte sa modeste contribution par ses propres réalisations pour mieux répondre à la fois aux besoins de la société d'accueil et aux besoins des personnes immigrantes.

Des projets de la fédération qui répondent aux questions soulevées par le ministère sont les suivants.

Le premier, c'est la politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes. Cette politique initiée par la fédération et adoptée par la ville de Sherbrooke demeure un outil d'insertion professionnelle en faveur des personnes immigrantes. Dans la vision des initiateurs, cette politique devrait permettre de résorber le déficit de la main-d'oeuvre, consolider un partenariat gagnant-gagnant entre la fédération, d'une part, et la ville de Sherbrooke et les entreprises locales de l'autre, reconnaître et promouvoir les expériences professionnelles des personnes immigrantes.

Deux, l'Espace de la diversité, qui est un lieu rassembleur propice aux échanges interculturels, à la découverte de nouvelles richesses dans l'interaction entre le patrimoine identitaire estrien et l'apport de la collectivité. Objectifs recherchés à travers tous ces projets : d'abord, offrir l'opportunité aux immigrants de découvrir et de mieux connaître les municipalités régionales afin qu'ils puissent évaluer les possibilités de s'y établir; B, permettre aux citoyens des municipalités ciblées de mieux connaître la diversité ethnoculturelle de l'Estrie et l'apport de l'immigration au développement de notre région; C, contribuer aux efforts de décentralisation de l'immigration vers d'autres municipalités de l'Estrie; établir un meilleur arrimage entre le potentiel que représentent les néo-Estriens et les défis auxquels notre région doit faire face; établir un maillage entre la Fédération des communautés culturelles et les organismes d'aide à la collectivité tout en promouvant un partage mutuel des expertises afin de bâtir un pôle interculturel qui favorise l'attraction, l'intégration et la rétention des immigrants en Estrie.

Trois, projet néo-Sherbrookois. Ce site interactif questions-réponses permet de centraliser les informations que la ville de Sherbrooke, les ministères, les institutions mettent à la disposition des usagers de tous les services et les ressources disponibles. Ce site est axé sur l'idée que les immigrants posent des questions et que ce soient d'autres immigrants ou des intervenants travaillant dans le domaine qui leur fournissent des réponses. À travers cette expertise acquise depuis novembre 2014, la Fédération des communautés culturelles a entamé une étude pour évaluer les possibilités d'implantation d'une plateforme internationale appelée Néo-Québécois qui vise à fournir aussi aux futurs immigrants, à partir de leur pays d'origine, des informations sur le Québec en général, le marché de l'emploi en fonction de leur destination prévue et de leur secteur professionnel, les organismes communautaires présents dans leur milieu. Ainsi, ceux et celles qui veulent s'établir au Québec pourront trouver plus facilement avant leur arrivée les informations pertinentes sur le Québec. Le soutien en ligne aussi aux bénéficiaires sous différentes formes est à considérer.

Quatre, projet «speed meeting». Ce projet vise à former et préparer les immigrants pour occuper des postes décisionnels et à s'y maintenir et aussi de permettre aux organismes du milieu de mieux reconnaître l'expertise de ces derniers et de faciliter leur accessibilité au sein des instances décisionnelles.

Cinq, violence familiale. Des initiatives de sensibilisation et de prévention initiées par la fédération, avec le soutien de ses partenaires, donnent des résultats probants pour enrayer ce phénomène, que ce soit au niveau des jeunes filles, des femmes ou aînés.

• (14 h 10) •

Les perspectives d'avenir pour la fédération. La fédération, fière de ses réalisations, continuera de jouer son rôle d'interface entre les acteurs socioéconomiques, culturels, politiques et la communauté immigrante afin d'assurer une réelle intégration dans la région de l'Estrie. Le plan stratégique de la fédération a inscrit des objectifs d'actions qui vont concourir à la consolidation d'une solidarité agissante entre ses membres, à la poursuite du travail en partenariat avec les différents paliers gouvernementaux, les organismes, les institutions. La fédération instruit ses membres à participer à l'animation de la vie associative, de participer aux différentes tables décisionnelles et à promouvoir l'égalité et l'excellence.

De tout ce qui précède, la fédé formule les recommandations suivantes : Que le ministère de l'Immigration favorise les partenariats entre les organismes qui offrent déjà des divers services d'accueil, de soutien, d'accompagnement et d'insertion aux personnes immigrantes. Que le ministère de l'Immigration permette à la fédération de développer son site Néo-Québécois afin d'offrir aux candidats à l'immigration québécoise d'obtenir de ce site l'information qui guidera son choix — reconnaissance des acquis, les normes du travail, la francisation, la démocratie, la culture, la durée des études, etc. Que le ministère de l'Immigration soutienne le développement de la plateforme actuelle de la fédération afin d'adopter des ressources nécessaires à son fonctionnement. Que le ministère de l'Immigration privilégie le travail en partenariat avec les organismes voués aux besoins des personnes immigrantes afin de mieux évaluer les besoins, les problématiques et les outils de leur intégration ou les outils de leur insertion socioprofessionnelle. Que le ministère de l'Immigration travaille en partenariat avec les organismes communautaires pour obtenir du gouvernement fédéral le financement adéquat aux politiques et programmes en immigration. Que le ministère de l'Immigration agisse et obtienne du gouvernement fédéral la réduction des coûts du processus de demande de citoyenneté. Que le ministère de l'Immigration se concentre aussi sur la question de la pauvreté afin d'enrayer ses conséquences — violence, décrochage scolaire — dans les familles immigrantes. Que le ministère de l'Immigration sensibilise les employeurs sur les gains qu'ils tirent en développant l'employabilité auprès des personnes immigrantes. Que le ministère prenne en son compte les retombées positives de la convention de Genève sur la protection accordée aux réfugiés victimes de violence dans leur pays d'origine. Que le ministère de l'Immigration s'engage à promouvoir la diversité, l'interculturalité, la multiculturalité et à développer l'employabilité des personnes immigrantes. Que le ministère de l'Immigration opère des choix en tenant compte des recommandations des professionnels des questions liées à l'immigration et des organismes qui dans le passé ont exercé un leadership dans la mise en oeuvre des politiques d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes.

En conclusion, à travers ce mémorandum, la Fédération des communautés culturelles et tous ses membres viennent apporter leur contribution dans la recherche de pistes d'amélioration d'accueil et d'intégration d'immigrants dans leur nouvelle collectivité. La fédération a déjà prouvé son efficacité à répondre à la fois aux besoins de ses membres, de l'autorité politique et des acteurs des différents secteurs de la vie en Estrie. Comme organisme communautaire, notre rôle va au-delà du regroupement, notre contribution à travers des projets structurants dans la région nous a valu plusieurs reconnaissances. Notre mémorandum vient rejoindre la préoccupation du ministère de l'Immigration. Nos recommandations qui s'articulent autour des relations, si elles sont appliquées par l'autorité compétente, donneront des résultats escomptés. La fédération est disposée à non seulement approfondir la réflexion, mais aussi à offrir au ministère les outils de sa politique et aux personnes immigrantes les outils de leur intégration dans leur nouvelle société. Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci. Merci pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Alors, bonjour, M. M'Batika. Merci beaucoup de votre présentation, d'avoir pris le temps de nous faire cette présentation, nous expliquer tout le travail que vous faites. Et, si je comprends bien... Et d'ailleurs la ville de Sherbrooke vous a précédé, et ils ont parlé du travail que vous faites ensemble. Et la terminologie «néo-Sherbrookois», on a découvert ça ce matin. C'est une belle expression qui montre l'importance du rôle que joue la région en matière d'attraction, d'accueil, d'intégration des néo-Québécois dans la région, alors c'est très bien.

J'ai quelques questions sur la terminologie, parce qu'il y a quelques mots que vous utilisez qui sont différents. Vous parliez de regroupement d'associations monoethniques. Qu'est-ce que ça représente comme approche envers les différentes communautés?

M. M'Batika (Henri) : Bien, c'est plus facile. Nous, on considère, par exemple, que... On a des Camerounais, on a des Congolais. Bien, ils représentent une organisation culturelle qui est unique à eux, mais nous nous mettons ensemble comme organisation monoethnique, c'est comme ça que nous appelons. Donc, nous considérons les Colombiens, les Congolais, les Péruviens, les Algériens, les Tunisiens comme étant une entité culturelle, et c'est comme ça que nous les appelons.

Mme Weil : Ça ne change pas l'approche. Parce qu'il y en a qui diraient «multiethnique», mais ça ne change pas l'approche que vous utilisez. C'est juste une façon... c'est juste la terminologie, oui.

M. M'Batika (Henri) : C'est une façon de présenter, mais la réalité, elle est la même, oui.

Mme Weil : Est-ce que vous vous penchez... Bien, je vois beaucoup... Vous parlez de relations interculturelles, vous parlez de multi...

M. M'Batika (Henri) : Multiculturalité, interculturalité.

Mme Weil : Oui, c'est ça, multiculturalité et interculturalité mais dans la même phrase. Comment vous faites cette distinction... ou quelle est la distinction que vous faites dans l'approche?

M. M'Batika (Henri) : Bien, l'interculturalité, c'est notre choix au Québec; la multiculturalité, c'est le choix du Canada. Nous faisons partie du Canada, on doit reconnaître aussi ce que le Canada apporte dans notre nation. Donc, il y a aussi ces deux réalités qui sont attachées au choix que nous avons fait, nous comme interculturel, le fédéral comme multiculturel, mais c'est un peu lié, c'est un peu la démarche qui est un peu différente. Mais nous, nous acceptons les gens tels qu'ils sont et pour qu'ils puissent s'intégrer dans notre société, c'est un peu ces deux réalités-là. On ne vit pas en vase clos, donc il y a une réalité du Canada qui nous rattrape, mais nous avons notre propre réalité aussi comme une société distincte à l'intérieur du Canada. Donc, il faut tenir compte aussi de ces deux réalités.

Mme Weil : Une des questions que je pose aux gens, c'est justement de voir qu'est-ce que le Québec, le gouvernement pourrait faire pour aller plus loin dans la définition de notre modèle d'accueil et d'intégration qui est l'interculturalisme et devrait-on le formaliser par une action quelconque. On a eu beaucoup, beaucoup de commentaires là-dessus, d'ailleurs Alain Gagnon, un chercheur, hier, qui nous en a parlé en long et en large et d'autres qui vont le faire d'ici la fin de la semaine.

Vous, par rapport à ce que vous vivez sur le terrain et votre approche, justement, de rapprochement interculturel, que pensez-vous? Pensez-vous qu'on devrait aller plus loin pour le définir, mieux le faire comprendre, formaliser cette approche d'intégration?

M. M'Batika (Henri) : Je pense qu'il y a des choses qui sont faites, votre propre réflexion nous rejoint, en ce sens que... Est-ce que nous avons les moyens de notre politique? Peu importe le choix qu'on fait, si on n'a pas les moyens pour y arriver, on n'y arrivera jamais. Et c'est pour ça que, nous, notre contribution, comme fédération, ça part déjà de notre vécu. Si vous prenez l'exemple de la politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes, c'est nous qui avons sensibilisé la ville. Et c'est très important que le gouvernement sache qu'il y a une politique de régionalisation de l'immigration, il y a des villes qui sont choisies pour cette politique-là. Donc, c'est déjà quelque chose, si le gouvernement provincial peut obtenir suffisamment d'argent pour que cette politique... qu'il y ait des réalisations sur le terrain, parce qu'au bout de la ligne on veut vivre comme des citoyens à part entière. Et, que ce soit la question de la pauvreté ou que ce soit la question de l'exclusion sociale ou de la violence, bien, si on n'a pas des moyens pour enrayer cela, on peut avoir même la très belle définition des termes qu'on veut, le contenu est là, mais la réalisation sur le terrain peut poser problème.

Donc, nous, notre réflexion, c'est... on vous apporte à travers nos propres réalisations comment on a réussi, dans la ville de Sherbrooke, à adopter une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes qui est aussi en lien avec la politique de régionalisation de l'immigration. Mais, au-delà de tout, les immigrants, au fait, quand ils viennent ici, ce n'est pas nécessaire qu'on leur dise : Allez là-bas, dès lors qu'ils savent qu'il y a du travail à Sherbrooke. Donc, la politique de régionalisation doit être un plus, en ce sens que, la mobilité, on l'a déjà. Mais, s'ils viennent et qu'ils trouvent... il y a une politique, il y a des moyens qui vont avec cette politique-là, je pense qu'on fera oeuvre utile. Et, nous, ce que nous voulons, c'est vous apporter des éléments pour que, lorsque vous allez formuler même les demandes au niveau du gouvernement fédéral, vous puissiez vous appuyer sur des exemples concrets de ce qui se fait sur le terrain, et ça, ça prendra tout le sens.

• (14 h 20) •

Mme Weil : Et, si je regarde votre vision, les différentes initiatives, donc, il y a la politique d'accueil et d'intégration, vous mentionnez l'Espace de la diversité, c'est un espace d'échange interculturel, social pour bâtir ce vivre-ensemble, se connaître, démystifier la différence, bon, c'est tout ça, le projet, un site interactif questions-réponses où les gens peuvent poser des questions, j'imagine, sur une foule de questions comme le logement, comment ça se passe et toutes sortes de choses qu'on a besoin de savoir.

Mais j'arrive au 1.4, le projet «speed meeting» que la ville de Sherbrooke a mentionné. On trouve ça intéressant, j'aimerais en savoir un peu plus.

Et peut-être nous dire ce que vous percevez, comme organisme, comme les grands défis, les... L'intégration en emploi, j'imagine, c'en est un, mais qu'est-ce que vous voyez comme les deux, trois grands défis quand vous dites : Le gouvernement doit investir là-dedans? Évidemment, je vous répondrais que ça prend toute une société pour réussir l'immigration, plusieurs acteurs, mais c'est sûr que le gouvernement a beaucoup de moyens à sa disposition, puis c'est plusieurs ministères.

Mais donc si vous pourriez juste nous parler de ce projet de «speed meeting». Est-ce que c'est votre expression? «Speed meeting» au lieu de «dating»?

M. M'Batika (Henri) : Bien, c'est des mots anglais. Je pense qu'on vient enrichir aussi... Oui, c'est nous qui avons inventé le terme, oui.

Mme Weil : Non, mais c'est une variation, hein, c'est une variation qui rend ça un peu plus sérieux que «speed dating», hein, O.K., si je comprends bien.

M. M'Batika (Henri) : «Speed dating», «speed meeting».

Mme Weil : D'accord. Alors...

M. M'Batika (Henri) : Bien, en tout cas, je pense qu'on doit prendre conscience aussi que le Québec enrichit la francophonie, même s'il y a des néologismes et que nous-mêmes, on sait comment utiliser tous ces termes-là. On l'a utilisé, justement, parce qu'il y a des immigrants qui arrivent ici comme professionnels mais qui ne trouvent pas l'espace pour s'intégrer. Et, nous pensons, le fait de pouvoir être en contact avec les personnes qui en haut lieu prennent des décisions, ils comprendront comment ça fonctionne et quelles sont les exigences à l'intérieur du fonctionnement d'un service ministériel ou d'un organisme, d'une institution. Donc, on les met en contact avec la réalité de ceux et celles qui font ce travail-là pour qu'ils apprennent sur le tas et qu'ils soient fonctionnels.

Donc, ils viennent avec l'expérience, ils viennent avec l'expertise, et souvent ils ne trouvent pas d'espace d'expression pour qu'ils puissent mettre à contribution l'expérience, l'expertise et tout ce qu'ils ont comme connaissances. Et on peut échanger aussi à travers ce contact, à travers cet espace, acquérir de l'autre ce qu'on connaît, ce qu'on fait et apprendre aussi de l'autre ce qu'il sait faire. Donc, c'est un peu dans cette optique-là.

Et il faut aller chercher ces gens-là. Souvent, ils sont à la maison et ils ne savent pas qu'il y a cette possibilité de rencontrer des personnes qui en haut lieu prennent des décisions et d'être en contact avec ces gens-là pour comprendre comment ça fonctionne à l'intérieur, qu'est-ce qu'ils peuvent tirer comme bénéfice de cette expérience-là, de cet espace-là.

Mme Weil : Est-ce que vous avez des relations avec les employeurs, avec des entreprises?

M. M'Batika (Henri) : La politique d'accueil et d'intégration visait cela. Je pense que nous l'avons souligné, on veut aller au-delà. Dans la ville de Sherbrooke, on a eu le maire Perrault qui est parti, ensuite le maire Sévigny qui est là, et ils n'ont pas la même vision des choses. Parce qu'avec le maire Perrault c'est qu'il voulait qu'au moins 10 % des emplois dans la ville de Sherbrooke soient occupés par des personnes issues de l'immigration. Alors, nous lui avons dit que seul il n'y arrivera jamais, donc il faut que lui-même vende cette politique auprès des entreprises avec lesquelles il signe des contrats dans la ville de Sherbrooke. Donc, ça, c'est ce qu'on lui avait demandé. Et, cette politique, la ville de Sherbrooke prend aussi le temps de promouvoir les grandes articulations de cette politique en France et dans d'autres régions chez nous ici, au Québec, que ce soit à Gatineau, que ce soit à Rimouski et dans d'autres villes encore.

Donc, nous, c'était un objectif affiché, et nous voulons effectivement résorber le déficit de main-d'oeuvre, parce que la main-d'oeuvre, elle est là. Alors, nous demandons à la ville de Sherbrooke de nous accompagner dans ce processus-là. Ce n'est pas facile, mais c'est là où on voudrait arriver. Et nous voudrions aussi que le ministère nous soutienne dans ce processus-là, parce que c'est une politique qui a été adoptée par la ville de Sherbrooke, et la promotion de cette politique-là va jusqu'en France. Alors, nous aimerions qu'il y ait vraiment des résultats palpables ici dans la ville de Sherbrooke ou à travers le Québec aussi.

Mme Weil : O.K. J'ai deux autres questions rapides, puis ensuite je vais demander à mon collègue de Sherbrooke... Est-ce que vous avez des relations avec Emploi-Québec?

M. M'Batika (Henri) : On a des relations avec Emploi-Québec, justement, lorsqu'il y a un projet. Vous savez, souvent on écrit des projets. Et aussi le gouvernement, à travers le ministère de la Solidarité, il a une politique qui permet à un immigrant de faire un stage de six mois en lien avec son domaine de formation. Alors là, la fédération peut demander au ministère de l'Emploi et Solidarité d'accompagner, par exemple, un immigrant qui veut une expérience professionnelle dans son domaine de formation pendant six mois, pour qu'après six mois il puisse obtenir du travail. Donc, nous avons ce genre de relation avec Emploi-Québec.

Mais, là aussi, on ne l'a pas mentionné dans le mémo qu'on vous a donné, on aura aussi le projet Oméga. Le projet Oméga, c'est recruter les immigrants pour leur donner la formation sur tout le français québécois, parce que, quand on dit «slaquer quelqu'un», quelqu'un qui vient d'Algérie, ou du Congo, ou du Cameroun ne sait pas ce que ça signifie... ou bumper quelqu'un, ils ne comprennent pas ce que ça signifie. Donc, ça prend quelqu'un pour leur expliquer, voici ce que cela signifie, pour qu'ils ne se sentent pas étrangers lorsqu'ils sont dans leur milieu de travail. Donc, ça, c'est un projet que nous sommes en train de travailler avec Emploi-Québec, et ils ont accepté de nous accompagner dans ce projet-là.

Mme Weil : Et le profil des personnes avec qui vous êtes en relation, qui sont des nouveaux arrivants, j'imagine, ou de plus longue date, beaucoup de réfugiés ou un peu de tout? Est-ce qu'il y a des travailleurs qualifiés, regroupement familial?

M. M'Batika (Henri) : Tout le monde est regroupé là, Mme la ministre.

Mme Weil : C'est tout le monde, oui. Puis...

M. M'Batika (Henri) : C'est tout le monde. On reçoit tout le monde, les jeunes comme les aînés, oui.

Mme Weil : Oui. Vous parlez de violence familiale comme... Un de vos objectifs recherchés, c'est de réussir à prévenir la violence conjugale, enrayer le phénomène, que ce soit au niveau des jeunes filles, des femmes et des aînés. Est-ce que vous pourriez nous en parler, de ce projet?

M. M'Batika (Henri) : On avait regroupé des jeunes filles et des jeunes garçons. On leur a demandé quelles étaient les difficultés qu'ils rencontraient ou qu'elles rencontraient à l'école, et il y en a qui étaient effectivement victimes de violence. C'est à travers leurs propres expériences, leurs propres situations que nous avons développé des stratégies pour pouvoir faire face à cette réalité-là. On avait vraiment réuni les jeunes comme on est là, et chacun a apporté son expérience d'intégration, ceux qui avaient des problèmes ou qui ont été victimes de violence, on a recensé toutes ces informations-là. C'est sur base de toutes ces informations que nous avons travaillé pour pouvoir les aider à s'intégrer, que ça soit à l'école, que ça soit dans les centres de formation.

Donc, vraiment, avec le vécu des jeunes eux-mêmes et même les aînés et les parents, dans des forums, dans des rencontres, on les invite pour partager comment ils sont arrivés, quelles étaient les difficultés, quels sont les problèmes. C'est sur base de tous ces éléments-là que nous travaillons.

Mme Weil : Très bien. Merci.

Le Président (M. Picard) : Je cède la parole à M. le député de Sherbrooke pour 3 min 30 s.

M. Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. M. M'Batika, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Un des objectifs de la fédération, c'est de favoriser la rétention et l'intégration des immigrants dans la région de l'Estrie. Évidemment, cette rétention et cette intégration passent beaucoup par l'emploi.

Dans votre mémoire, vous faites une recommandation qui est la suivante : «Que le ministère de l'Immigration sensibilise les employeurs sur le gain qu'ils tirent en développant l'employabilité auprès des personnes immigrantes.» Alors, la question que j'ai pour vous est la suivante : Est-ce que vous pensez réellement que c'est au ministère de faire ça ou le rôle du ministère ne serait pas plutôt d'encadrer des organisations locales peut-être comme la vôtre ou des instances de développement économique local dans cette mission-là, plutôt que, le ministère, le faire directement?

Et, si vous pensez que le MIDI devrait le faire directement, qu'est-ce qu'on doit faire de mieux auprès des employeurs? Qu'est-ce qu'on doit leur dire? Comment on peut davantage... mieux les accompagner pour favoriser une meilleure intégration en milieu de travail?

• (14 h 30) •

M. M'Batika (Henri) : Souvent, nous disons que le Québec, il sélectionne ses immigrants, mais le Québec fait le tri, il ne sélectionne pas, il fait le tri, il choisit parmi les meilleurs. Donc, ça, c'est déjà une preuve qu'on a sur notre territoire les gens, les personnes que nous voulons parce qu'ils répondent au profil et ils répondent aux besoins. Et, lorsqu'on arrive, c'est souvent des gens qui ne travaillent pas. Et nous, au niveau de la fédération, nous avons réfléchi là-dessus et nous avons dit à la ville de Sherbrooke : Vous signez des contrats avec des entreprises ici, dans la ville de Sherbrooke. Est-ce que vous pouvez leur parler de cette politique-là et réfléchir avec eux? Parce que nous avons déjà réfléchi avec eux.

Donc, le ministère, c'est que nous demandons au ministère d'élargir aussi cette réflexion non seulement à Sherbrooke, même dans d'autres villes, parce qu'on a des immigrants qui arrivent, qui sont déjà formés mais qui sont obligés, même pour deux matières qu'il n'a pas étudiées dans son pays d'origine, de retourner à l'université pour reprendre encore. Et il y en a qui arrivent ici, c'est des pères de famille, des mères de famille. Ça prend encore plus du temps à s'intégrer.

Et ce que nous voulons... Les instruments du ministère, par exemple Pro-Gestion ou la politique même de régionalisation de l'immigration, ça profite à qui? Donc, à partir de là, le ministère peut savoir est-ce que l'argent que j'affecte pour la régionalisation de l'immigration... ça répond à quel besoin et jusqu'à quel niveau les montants que je donne sont suffisants pour aider les villes à intégrer, à accueillir les personnes immigrantes dans leur ville. Et ce que nous voulons, c'est véritablement que le ministère ait les instruments de sa politique. Les outils, nous les apportons, mais aussi la décision reviendra au ministère par rapport au vécu. Et nous, nous croyons qu'à la ville de Sherbrooke... Nous avons déjà pensé qu'en sensibilisant les entreprises sur les gains qu'elles tirent des personnes qui arrivent déjà... qui sont déjà professionnelles, ça permettra à la politique de régionalisation d'être efficace, et on aura des effets visibles sur le terrain, et on aura de l'emploi. Si c'est de l'emploi de qualité, bien les gens y resteront, ils n'iront pas ailleurs. Et, n'oubliez pas, souvent on vient pour vivre au Québec et pas aller ailleurs. Donc, le Québec investit déjà pour que les gens arrivent ici, donc il faut qu'il y ait un suivi de cet accueil et de l'intégration. Et nous pensons que le choix revient au ministère, en tenant compte des recommandations que nous faisons, mais au-delà c'est le ministère qui prendra la décision.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Je vous salue à mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Nous nous sommes croisés dans le couloir très furtivement tout à l'heure.

Je vais mettre en évidence une contradiction d'apparence. Vous parliez de déficit de la main-d'oeuvre, arrimé à cela le chômage remarquable, accentué chez les Québécois d'adoption — que vous appelez néo-Québécois, moi, je préfère Québécois d'adoption. Comment expliquez-vous cette contradiction?

M. M'Batika (Henri) : Bien là, c'est au niveau du ministère lui-même. Nous, nous pensons que l'immigration, chez nous, elle répond notamment à cet objectif-là, c'est-à-dire résorber le déficit de natalité, aussi la question d'emploi. Et ceux qui viennent, ils viennent pour travailler, ceux qui viennent, ils viennent pour s'intégrer dans la société, et la meilleure des intégrations, c'est celle qui passe par le travail.

Et la réalité, c'est que les gens qui arrivent, avec les informations qu'on nous donne au départ, lorsqu'on arrive ici, il y a le problème de la reconnaissance des acquis et il y a aussi l'expérience qu'on n'a pas, il y a des connaissances qu'on n'a pas, donc on a encore plus de travail à faire pour s'intégrer. Et, nous, ce que nous voulons, c'est que, les immigrants qui arrivent, ceux qui peuvent travailler, qu'ils puissent trouver un espace pour travailler; ceux qui peuvent retourner à l'école, qu'ils retournent à l'école pour avoir ce qu'il faut et s'intégrer dans la communauté.

Donc, le travail, c'est pour ça qu'on est là, et ceux qui ne pourraient pas travailler retournent à l'université, au cégep, au centre de formation, mais, nous, avec la politique d'intégration, un des objectifs, c'est permettre à la ville de disposer de la main-d'oeuvre dans la ville et que les entreprises ne puissent plus se poser la question : Est-ce qu'on a de la main-d'oeuvre pour ceci, pour cela?, dès lors qu'on a un bassin assez important de personnes qui sont arrivées pour travailler. Ça prend donc la sensibilisation, ça prend aussi la volonté. Quelle est cette volonté politique qui va permettre à la ville d'accueillir ces immigrants et aussi de leur donner du travail? Donc, c'est un peu ça.

M. Kotto : Et je reviens... Contrairement à des pays comme la France ou d'autres pays en Europe où on ne pratique pas... ils sont en train de prendre ce chemin, là, progressivement, nous, on a une immigration choisie. Donc, quand on sélectionne nos immigrants au-delà de nos frontières, normalement nous nous devons, en toute transparence, de leur transmettre une information claire, précise, qui soit fidèle à notre réalité socioéconomique, culturelle également, parce que les valeurs qui sous-tendent l'identité de cette société sont très claires, elles sont consensuelles, démocratiques ou fondamentales, comme diraient d'autres. Ce travail devrait être fait en amont, parce que, si ce travail n'est pas fait en amont, cela provoque des situations de déchéance qu'on a pu observer notamment chez certaines communautés plus touchées que d'autres, plus stigmatisées même encore que d'autres et souffrant de multiples problèmes dans la société.

Cela dit, de votre point de vue... Nous sommes ici en train de débattre sur les avenues d'une nouvelle politique en immigration, en intégration. Est-ce que ce n'est pas le temps de revoir ces paradigmes-là? Est-ce que ce n'est pas le temps de dire : En amont, il y a un travail à faire rigoureusement, sérieusement pour ne pas être pris à gérer des dossiers inextricables une fois au Québec, pour ne pas attirer du monde dans des pièges? Parce que ce sont de vrais pièges. Ce ne sont pas des statistiques qu'on invite ici, ce sont des êtres humains, alors nous devons, en tant qu'État, en tant que nation, leur dire : Voici ce que nous sommes, voici la réalité, voici ce à quoi vous vous engagez une fois que vous faites le choix de venir au Québec. Est-ce que nous ne nous devons pas cet exercice de probité?

M. M'Batika (Henri) : Je suis d'accord avec vous, M. le député. Je pense que nous l'avons mentionné dans les mémos qui sont devant vous, il faut que ceux qui sont que ça soit au Cameroun, que ça soit au Congo, que ça soit en France, ils aient l'information exacte.

Quand ils viennent ici, par exemple, les ordres, ça existe. Quelquefois, on ne leur donne pas cette information-là. Donc, à partir du pays d'origine, qu'ils aient l'information nécessaire pour pouvoir une décision éclairée parce que, quand tu prends une décision, tu sais que, bon, tu es ingénieur, tu arrives ici, tu dois faire face à l'Ordre des ingénieurs, mais, quand tu arrives ici, si tu n'es pas reconnu, dès le départ tu savais ce qui t'attendait.

Donc, nous demandons au ministère de nous aider à développer cet outil-là qui sera en ligne, qu'on peut consulter à travers le monde, pour que tous ceux, tous ceux qui veulent venir chez nous, ils aient l'information exacte, et pouvoir prendre la décision en fonction de l'information qui est réelle, qui n'est pas uniquement les statistiques mais vous dirait : Dans telle ville, voici les réalités, dans la ville de Sherbrooke. Vous irez à Gatineau, voici les réalités de Gatineau. Et, à partir de là, ils auront l'information nécessaire pour pouvoir décider de manière éclairée.

M. Kotto : O.K. Vous êtes, bien sûr, au courant du niveau de chômage dans certains milieux. Est-ce que, disons, par souci de cohérence, nous ne devons pas davantage investir temps, énergie et ressources sur ceux qui sont aujourd'hui sur le trottoir, plutôt que de mettre toutes nos énergies relativement à ceux qui vont venir?

• (14 h 40) •

M. M'Batika (Henri) : Je suis d'accord avec vous. Moi, ma vision personnelle part du fait que l'immigration, c'est une des solutions, ce n'est pas la seule solution. Donc, on devra aussi sensibiliser les Québécoises et les Québécois d'avoir des enfants, par exemple, on doit avoir une politique familiale cohérente et qui répond aux besoins et à la réalité ici. Et nous avons mentionné ici aussi que la pauvreté, elle est trop présente dans les familles immigrantes, mais, si vous regardez les pays émergents, on réussit à sortir les pauvres de leur pauvreté, et ces pays-là sont devenus émergents, mais nous, les pays industrialisés, on n'est pas capables de sortir les pauvres de chez nous de la pauvreté. Ça aussi, c'est quelque chose qui nécessite une profonde réflexion, et nous avons mentionné aussi quelque chose dans ce sens-là. Le ministère doit savoir que, les gens qu'ils accueillent, quelquefois la situation qu'ils vivent les rend encore plus vulnérables qu'avant. Et jusqu'à quel niveau le ministère peut agir, je pense, il y a d'autres ministères, Emploi et Solidarité et d'autres ministères; qu'ils soient en relation par rapport à cette réalité-là. Et je suis parfaitement d'accord avec vous qu'on doit faire l'effort nécessaire ici.

Et j'étais candidat aux dernières élections municipales. Ce que je disais : Si vous prenez la province d'Alberta, tous les vendredis l'école finit à midi, et tous les jeunes vont au travail, et la société est sensibilisée en ce sens que les jeunes ne peuvent pas travailler pendant la semaine, ils travaillent juste pendant les week-ends pour acquérir une autonomie financière, une expérience de travail, une expertise. Ils investissent déjà dans les jeunes, ce que nous ne faisons pas ici. Donc, ça aussi, c'est une des avenues que le ministère peut explorer pour éloigner un peu les jeunes de la pauvreté de leurs parents.

Et l'autre chose aussi, c'est le ministère de l'Éducation. Dans certains pays, le stage, il est rémunéré. Chez nous, certaines facultés, ils rémunèrent les stages, mais d'autres non. Mais, si on pouvait étendre cette rémunération, je pense, ça va réduire aussi l'endettement des étudiants, et ce sont des pistes aussi pour enrayer la pauvreté.

M. Kotto : O.K. C'est des bonnes suggestions, tout ça.

En 1 min 30 s, j'aurais aimé revenir sur le croisement interculturalisme et multiculturalisme. Ça peut créer de la confusion parce qu'au Québec, depuis M. Bourassa, d'ailleurs, premier ministre libéral du Québec, nous avons prôné et étendu la notion d'interculturalisme pour faire différence avec le reste du Canada, parce que société distincte oblige.

Je vous suggérerais le terme «réunion éclair» à la place de «speed meeting», en terminant.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. M'Batika.

Lors de la présentation, lors de l'échange questions-réponses, un peu plus tôt, vous avez mentionné que, sous l'administration du maire Perrault, à Sherbrooke, il y avait un objectif de doter la municipalité de 10 % du personnel des gens qui sont issus de l'immigration. Vous avez suggéré par la suite de dire : Bien, ce ne sera pas possible d'atteindre ce 10 % là à l'intérieur même des employés de la fonction publique sherbrookoise, mais plutôt que les sous-traitants qui font affaire avec la ville de Sherbrooke eux-mêmes, à l'intérieur de leurs organisations, aient des cibles prévues au niveau de la diversité.

Par votre propos, est-ce que je dois comprendre que vous souhaiteriez qu'on en fasse un critère, supposons, d'appel d'offres pour les contrats publics?

M. M'Batika (Henri) : Oui, vous avez lu dans notre pensée, c'était vraiment un des objectifs parce que nous pensons qu'effectivement le Québec gagnerait. L'exemple peut partir de Sherbrooke. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est une politique que nous avons initiée. Et nous avons sensibilisé la ville de Sherbrooke, et la ville de Sherbrooke l'a adopté, on a une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes. La ville de Gatineau est venue s'inspirer, et ça fonctionne à Gatineau; Trois-Rivières, la même chose, et la France aussi. Donc, il y a des retombées positives de cette politique-là. Et nous voulons qu'effectivement les entreprises à Sherbrooke, au lieu d'aller chercher la main-d'oeuvre à l'extérieur de Sherbrooke... de regarder si effectivement on n'a pas la main-d'oeuvre sur place, et nous avons demandé à la ville de faire cet exercice-là. Et, comme je vous l'ai dit, les champs d'intérêt, chaque maire ou chaque ministre n'a pas toujours les mêmes champs d'intérêt, mais nous insistons pour que ça soit fait comme ça.

M. Jolin-Barrette : Parce qu'il existe déjà des programmes d'insertion à l'emploi, mais est-ce que...

M. M'Batika (Henri) : Ils ne répondent pas vraiment à cette demande-là. Et je peux vous dire que, si vous allez dans certaines villes, même ici au Canada, la ville elle-même s'occupe de la question de l'emploi. Mais avec les maires actuels ils disent non, la ville n'a pas à s'occuper de l'emploi.

Mais, avec la réalité, il y a des maires qui comprennent quand même qu'il faut faire quelque chose dans ce sens. Le maire Labeaume le fait, Coderre le fait aussi à Montréal, et avant lui aussi le maire Tremblay. Si vous allez dans Bordeaux-Cartierville ou le quartier Saint-Michel, ils ont des politiques avec le ministère de l'Immigration, avec Emploi-Québec et le CSSS pour soutenir les organismes en ce qui concerne la question de l'emploi. Et je pense que le ministère peut sensibiliser les maires dans toutes les villes de notre province pour aller dans cette direction-là.

M. Jolin-Barrette : Outre la question de personnalité, là, au niveau des gens qui sont en place dans les différentes municipalités, ce que vous souhaitez véritablement, c'est une directive du ministère qui oriente vers le palier municipal pour dire : Bien, écoutez, vous devriez favoriser la diversité. Notamment lorsque vous donnez des contrats publics, bien on souhaiterait qu'il y ait des seuils minimaux au niveau de la diversité dans ces organisations-là.

M. M'Batika (Henri) : C'est ça, l'objectif. Vous avez touché le bobo.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé la question de la congestion, notamment au niveau de la régionalisation. Pouvez-vous définir un peu le concept de cogestion? Est-ce que vous le voyez par rapport aux organismes communautaires qui ont déjà la charge et le mandat au niveau de donner des services aux néo-Québécois? Est-ce que c'est dans ce sens-là, avec les municipalités, ou c'est versus le ministère?

M. M'Batika (Henri) : Bien, la fédé travaille en partenariat avec la ville de Sherbrooke, avec d'autres organismes communautaires, avec les ministères aussi à travers d'autres projets, et il faut étendre cela, il faut que ça soit consolidé. Ce partenariat, il est gagnant-gagnant, donc, si on travaille ensemble, je pense... Nous avons à coeur la préoccupation de la collectivité, de l'ensemble de la collectivité. Même si c'est l'immigration... Moi, ça fait 15 ans que je suis là. Mais est-ce que je suis encore immigrant? Je suis citoyen d'ici, mais il y a encore des immigrants qui viennent qui ont encore plus de problèmes pour pouvoir s'intégrer. Et la régionalisation de l'immigration, c'est quelques villes qui ont été choisies justement pour aider à ce que les villes accueillent de manière digne les immigrants qui arrivent et qu'elles leur offrent la possibilité de s'intégrer dans la société, donc c'est déjà un outil, mais comment on fait pour que cet outil-là soit plus efficace aujourd'hui et demain? Et c'est là où se trouve le questionnement.

Mais nous, nous apportons déjà la politique d'accueil et d'intégration : la première phase, c'est l'accueil; la deuxième, c'est les emplois de qualité pour qu'il y ait une rétention. Mais jusque-là on n'est qu'au niveau de la première étape qui est l'accueil et l'intégration. La rétention, c'est encore un sérieux problème. La régionalisation pourra permettre à ce qu'il y ait rétention de ces gens-là et si ce sont des emplois de qualité surtout.

M. Jolin-Barrette : Toujours sur le sujet de la régionalisation, vous marquez un point, dans votre mémoire, sur la distinction entre Sherbrooke en tant que lieu d'accueil versus les municipalités environnantes. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire par là? Dans le fond, est-ce que la ville régionale, supposons, le pôle régional Sherbrooke a un impact pour les autres municipalités? Comment est-ce qu'on travaille avec les immigrants qui souhaitent s'établir, supposons, une ville... à Windsor, supposons, en lien avec Sherbrooke?

M. M'Batika (Henri) : Bien, l'exemple de la politique d'accueil et d'intégration, c'est un exemple où les villes sont venues s'informer auprès de la ville, c'est l'un des forums, et nous avons expliqué comment nous avons initié cette politique-là pour qu'elle soit connue à travers tout le Québec. Et, nous, l'objectif, c'est celui-là. Comme j'ai dit tout à l'heure, la ville est allée jusqu'en France pour leur parler de cette politique, parce qu'ils ont appris que la ville a adopté une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes, et quelles sont les avancées, quels sont les bénéfices qu'on peut en tirer.

Et donc nous, nous avons dit à la ville : C'est une politique... Bien qu'initié par les Sherbrookois et les Sherbrookoises que nous sommes, bien ça doit rayonner à travers. Vous avez des villes telles que Magog. À un moment, les employés dans les usines à Magog venaient de Sherbrooke. Donc, on dit aux maires : Il faut travailler aussi avec les autres maires pour la question d'emploi. Nous avons de la main-d'oeuvre ici, ils peuvent venir travailler. Il y avait même des autobus qui permettaient à ceux qui n'avaient pas de voiture d'embarquer le matin, on les dépose à midi et puis la nuit, la Société de transport de Sherbrooke était mise à contribution.

Le Président (M. Picard) : Merci. Ça met fin à nos discussions.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension à 14 h 49)

(Reprise à 14 h 51)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant M. Paul Eid, du Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal. Je vais vous demander de présenter la personne qui vous accompagne. Et vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires.

M. Paul Eid

M. Eid (Paul) : Parfait. Bonjour. Bien, merci beaucoup pour l'invitation, je suis très honoré. Je suis accompagné de Jill Hanley, qui est professeure au département de travail social de McGill, et puis je lui ai demandé de venir avec moi parce qu'on travaille ensemble sur les mêmes questions sur l'immigration en lien avec l'intégration au travail. Donc, voilà.

Et alors en gros... Alors, on n'a pas présenté de mémoire, mais peut-être qu'on pourra vous fournir un document a posteriori. On va essayer d'être brefs. Notre présentation, on veut insister dans notre présentation sur l'importance, dans une politique... D'abord, la politique, je veux féliciter... Je ne sais pas qui l'a rédigée, mais elle est très intéressante, elle jette des pistes très prometteuses, très constructrices. Et on apprécie aussi que l'accent soit mis sur la question de l'intégration par le travail, et c'est là-dessus qu'on va insister. Donc, souvent, dans les politiques antérieures, on entend beaucoup parler... on met beaucoup l'accent sur la gestion de la diversité, l'importance de l'éducation interculturelle. Donc, c'est des objectifs tout à fait importants, mais, nous, ce qu'on pense, c'est qu'une politique d'intégration, pour être vraiment efficace, le travail, c'est ce qui permet aux immigrants de vraiment... qui est un tremplin vers l'intégration citoyenne. On va mettre l'accent sur l'importance, pour les immigrants, de ne pas se voir entraver par des obstacles systémiques de racisme ou de discrimination; sur la question des statuts d'immigration précaires, qui peut être aussi un frein à l'intégration. Et donc il faut une pleine participation, créer les conditions pour une pleine participation à la société québécoise et à l'exercice des droits économiques et sociaux.

Alors, rapidement quelques statistiques. Alors, juste pour dire — vous le savez sans doute, donc je vais aller plus rapidement là-dessus — toutes les statistiques le montrent, les taux de chômage et les revenus, les taux de chômage des immigrants sont supérieurs à la moyenne à niveau de scolarité égal. Et ce qui est troublant, c'est qu'aussi, quand on regarde parmi les immigrants toujours ceux qui appartiennent aux minorités visibles ou, moi, je dis, racisées, celles qui sont sujettes au racisme, les taux de chômage sont à peu près deux fois supérieurs à ceux des natifs, à taux de scolarité égal. Et, juste pour prouver, pour se rappeler que la question du racisme ne touche pas que les immigrants mais aussi toutes les personnes issues des minorités visibles, on voit que le taux de chômage des personnes nées au Québec, donc plus seulement les immigrants, mais appartenant aux minorités racisées est aussi presque deux fois... est deux fois supérieur en moyenne à celui des natifs n'appartenant pas aux minorités visibles.

Finalement, je veux juste rappeler les résultats d'une étude que j'ai effectuée pour le compte de la Commission des droits de la personne. Je sais qu'ils en ont fait mention dans leur rapport, que j'ai lu dans le mémoire. Alors, rapidement se rappeler ce que cette étude a montré : quand on envoie des C.V. fictifs qui sont semblables sous tous les rapports sauf le nom de famille, on se rend compte que, pour les postes de travailleur qualifié et non qualifié, les C.V. avec un nom à consonance québécoise, disons, Tremblay, Bélanger, ont 60 % plus de chances d'être convoqués à une entrevue d'emploi que pour les personnes avec un nom à consonance latino, arabe ou africaine.

Alors, une chose que ça nous inspire, c'est que le marché du travail, quand il est laissé à lui-même, ce n'est pas vrai qu'il crée... il permet aux individus de maximiser leur capital humain et d'avoir une job à la hauteur... une intégration à la hauteur de leur capital humain. Donc, ce qu'il faut, et vous en parlez dans le document de consultation, les programmes d'accès à l'égalité doivent, d'une part, être renforcés, les mécanismes de surveillance des programmes d'accès à l'égalité doivent être renforcés pour être sûrs qu'ils soient bien appliqués, et ça, ça comprend les ministères qui à l'heure actuelle ne sont pas soumis à une instance de surveillance externe, donc ce qui fait que les résultats stagnent, on le sait, depuis à 6 % pour Montréal, ce qui n'est pas normal étant donné la proportion d'immigrants.

Et autre chose. Les organismes et la Commission des droits de la personne, où je travaillais dans une autre vie, le recommandent aussi, d'élargir le bassin des entreprises, donc, assujetties au programme d'accès à l'égalité, et ça comprend donc les entreprises privées, notamment pour Montréal, avec des programmes d'obligation contractuelle qui ne sont pas appliqués par la ville de Montréal à l'heure actuelle, seulement... c'est les ministères qui ont ce programme-là, et puis d'appliquer des sanctions aussi contre les entreprises contrevenantes.

Alors, je vais passer la parole à Jill.

Mme Hanley (Jill) : Alors, moi, j'aimerais passer quelques minutes à parler du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons plusieurs critiques sur la façon que ce programme, comme tel, marche, mais aujourd'hui ce qu'on veut discuter, c'est comment ce programme intersecte avec l'immigration permanente.

Alors, premièrement, on était contents de voir que le Québec priorise ces travailleurs pour devenir résidents permanents, mais justement à cause de ça et à cause de la présence dans nos communautés on considère que c'est essentiel que les travailleurs étrangers temporaires aient accès aux services d'accueil dès leur présence au Québec, de ne pas attendre les deux ans ou même un an avant de leur donner accès aux services d'accueil, aux cours de francisation parce que, si on veut qu'ils deviennent résidents permanents, on veut les accueillir comme membres de notre communauté dès qu'ils sont ici au Québec. Alors, les services d'accueil, les cours de francisation.

Et aussi, selon nous, ce serait important d'élargir le Programme de l'expérience québécoise pour donner la chance à tous les travailleurs, même dans toutes les catégories d'occupation professionnelle. Je fais référence aux peu spécialisés, que présentement ils sont exclus, mais on voit qu'au Québec il y a une demande continue pour cette catégorie de travailleurs et on ne voit pas de raison pour justifier leur exclusion de la possibilité de devenir permanents.

• (15 heures) •

M. Eid (Paul) : Moi, je voulais... Un autre point, c'est la sélection des immigrants, qui est abordée dans le document. Dans le document, à la page 41 du document de consultation, il y a une nouveauté quand même qui est que le gouvernement propose de faire participer beaucoup plus les entreprises à la sélection des immigrants dans la catégorie des travailleurs qualifiés, comme en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Donc, on pense que c'est une initiative qui peut être intéressante à certains égards, mais il faut être très prudent. On pense que l'État doit quand même demeurer le maître d'oeuvre de la sélection en dernière instance. Il n'est pas non plus souhaitable que les entreprises deviennent des agents de sélection de ces immigrants, qui ne sont pas seulement une force de travail mais des futurs citoyens, il ne faut pas l'oublier. Les besoins des entreprises sont très ponctuels, circonstanciels et ne répondent pas nécessairement... n'obéissent pas à des besoins sociaux plus larges qui ne sont pas tout le temps économiques, comme la maîtrise du français notamment.

Et aussi, donc, les critères de sélection, donc, nécessitent une vision assez globale des besoins sociaux, et je pense qu'il ne faut pas seulement avoir... En arrimant la sélection aux besoins immédiats du marché, on se trouve à évacuer les catégories d'immigrant qui ont mal réussi dans le passé à cause d'obstacles systémiques souvent liés à la discrimination. Donc, par exemple, je donne l'exemple des médecins étrangers. Vous savez qu'il y a, tous, une pénurie de médecins ici, les médecins étrangers ont de la difficulté à faire reconnaître leurs diplômes. La Commission des droits de la personne, après une enquête très longue, a montré qu'il y a des mécanismes... de la discrimination systémique indirecte qui se fait par les facultés au moment d'accorder les stages en hôpitaux.

Et, dans la grille de sélection, pour revenir à la grille de sélection, bien, ce qu'on a remarqué ces dernières années, elle a été modifiée pour enlever les points, il y a zéro point pour la plupart des professionnels, les immigrants professionnels qui veulent accéder à une profession réglementée. Et donc c'est un bon exemple pour montrer qu'au lieu de dire : Bien, on n'en veut plus parce qu'ils ne réussissent pas, essayons donc de... Le gouvernement a la responsabilité — et je pense que c'est dans l'intérêt de la société québécoise — d'accompagner les ordres professionnels dans la reconnaissance des diplômes, on peut faire beaucoup mieux, je sais qu'il y a beaucoup de choses qui ont été faites, mais aussi de s'assurer, donc, qu'il n'y a pas de biais discriminatoire dans les normes pratiques de reconnaissance. Et ça, je pense qu'une politique ne doit pas simplement être dans le... énoncer des principes qui supposent, donc, un accompagnement des ordres, mais aussi de s'immiscer dans leurs pratiques de reconnaissance au moins pour s'assurer qu'il n'y a pas de biais discriminatoire systémique.

Mme Hanley (Jill) : Alors, juste pour terminer, nous avons deux points qui touchent à l'accès aux droits sociaux pour les immigrants et particulièrement les gens qui arrivent avec des statuts précaires.

La première chose, c'est la question de droit à la réunification familiale. On aimerait que ce soit un droit reconnu, et que ce soit réouvert pour les grands-parents, et que ça continue pour les conjoints et les enfants, mais le Québec, généralement, traite assez rapidement ces dossiers-là, mais ils sont bloqués souvent au fédéral, puis la longue attente cause beaucoup de problèmes. On aimerait demander au Québec de mettre la pression sur le fédéral de traiter plus vite ces cas-là mais aussi, le Québec, d'offrir l'accès aux services aussitôt qu'il donne le CSQ pour ces membres de la famille là.

L'autre chose, c'est qu'on aimerait voir abolir le parrainage financier qui fait partie de la réunification familiale. Il n'y a aucune recherche qui suggère que les familles qui sont réunies par ce programme utilisent plus nos programmes de sécurité de revenu, mais il y a beaucoup de recherches qui démontrent que le fait d'avoir ce lien de dépendance cause des problèmes d'inégalité et de pouvoir à l'intérieur des familles et rend vulnérables les gens qui sont parrainés. Alors, pourquoi ne pas les accepter comme tout autre membre de la famille qui immigrent tous ensemble, alors d'abolir le parrainage financier?

M. Eid (Paul) : Peut-être mentionner qu'il rend vulnérables les femmes en particulier.

Le Président (M. Picard) : Merci. Nous allons entreprendre les échanges avec Mme la ministre.

Mme Weil : Alors, bienvenue, M. Eid et Mme Hanley. Merci beaucoup de votre présence. Vous touchez au coeur d'un problème, évidemment, que vous avez identifié il y a un certain temps, puis je vous dirais que votre étude a été citée souvent en commission parlementaire, je ne sais pas si vous êtes au courant, parce que, lorsqu'on arrive sur la pleine participation... En effet, on avait eu beaucoup de discussions avec des chercheurs, moi-même rencontré beaucoup de gens, mais j'étais ministre de l'Immigration de 2010 à 2012, et c'était toujours l'intégration en emploi qui était le premier facteur d'exclusion et cette frustration par rapport à la reconnaissance ou le manque de reconnaissance non seulement des diplômes, non seulement des acquis, mais des compétences, de la formation, des expériences de travail qu'ils ont eues ailleurs. Alors, comme vous le savez... Et ma collègue la députée de Jeanne-Mance—Viger aura des questions, parce qu'elle a un mandat spécial du premier ministre de s'adresser à cette question, et elle pourra poser des questions sur ça.

Alors, j'apprécie beaucoup que vous fassiez le commentaire que vous faites, c'est-à-dire que vous êtes heureux de voir qu'on a mis l'intégration en emploi comme essentielle, parce que le reste doit suivre. Et, moi, la manière que je le vois beaucoup, c'est qu'on le met dans un contexte de compétition, hein, l'immigration. On parle de talents stratégiques, les sociétés occidentales, il y a des milliers de personnes qui bougent. Et tout le monde a une valeur, tout le monde, tout le monde a une valeur, et les sociétés les plus accueillantes, les plus ouvertes seront les sociétés gagnantes. Donc, le défi, c'est justement d'éliminer ces barrières dans ce genre de contexte.

Mais il y a des gens qui sont ici, soit des réfugiés, vous parliez du regroupement familial, et eux aussi ont leur place et eux aussi peuvent contribuer. Alors, je vais vous amener peut-être sur ces questions de lutte au racisme, de lutte à la discrimination. Plusieurs suggestions. Premièrement, la Commission des droits de la personne nous recommande de ne pas parler de valeurs communes mais de valeurs démocratiques communes ou de valeurs communes démocratiques — et j'aimerais vous entendre là-dessus — qui met plus l'accent sur la Charte des droits et libertés qu'une notion un peu vague de valeurs qui pourrait être interprétée différemment par les uns et les autres. Avez-vous une réaction? Parce que vous êtes beaucoup dans ces...

M. Eid (Paul) : Bien, je pense que le danger... Quand on identifie des valeurs communes comme creuset à l'intégration, c'est très bien, mais souvent c'est des valeurs qui correspondent à des besoins identifiés par la société majoritaire, des besoins en termes de démographie, en termes de maîtrise du français, respect de la laïcité. Mais, quand on parle de valeurs démocratiques, je pense qu'on touche aussi à la question... on regarde le même problème sous l'angle des droits. Et je pense que c'est une question, donc, de droits, de s'assurer que les mesures d'intégration respectent le droit des immigrants à l'égalité pour faciliter, donc, l'insertion au travail, et donc je pense qu'on a intérêt à repositionner ou à recadrer le problème pas seulement pour respecter les chartes, mais je pense que c'est dans l'intérêt, justement, de la société, de s'assurer, dans la sphère du travail, que les droits sont respectés, les droits à une intégration citoyenne, qu'on leur donne les moyens nécessaires pour pouvoir s'intégrer sans rencontrer d'obstacle systémique, et puis je pense que ces valeurs communes là sont en effet beaucoup plus rassembleuses, voilà. Donc, des valeurs démocratiques, ça suppose la possibilité pour la majorité de dire qu'est-ce qu'on veut des immigrants mais aussi de s'assurer que leur droit à une intégration juste et équitable est respecté.

Mme Hanley (Jill) : Peut-être juste quelques mots de plus sur ça. Nous avons fait le choix d'axer notre présentation sur les droits sociaux, et présentement nous avons un système de santé et d'éducation pleins de droits sociaux qui sont compliqués en termes de statut d'immigration, et quelque chose qu'on voulait souligner, c'est que, si on garantit l'accès équitable à tous nos droits sociaux ici, au Québec, ça va très loin vers le sens d'appartenance, le sens d'être respecté, le sens de faire partie et de vouloir contribuer à la société. Alors, c'est quelque chose qu'il ne faut pas perdre de vue non plus, pas juste de demander aux nouveaux arrivants de s'inscrire aux valeurs générales mais d'offrir vraiment la vraie égalité.

Mme Weil : C'est bidirectionnel un peu, c'est l'obligation de la société d'accueil envers... de respecter l'égalité. On parle beaucoup, en France, d'égalité et diversité, ils ont un nouveau programme depuis 2012. Égalité et diversité, j'aime bien cette juxtaposition entre ces deux concepts.

Et donc, avant d'arriver peut-être sur les mesures plus, comment dire, contraignantes — et j'aimerais beaucoup entendre parler d'obligation contractuelle — on a parlé de... Bon, évidemment, ce n'est pas le gouvernement qui peut nécessairement forcer les entreprises à s'ouvrir à ces personnes, mais on a parlé de campagne surtout pour contrer et une meilleure... bien, premièrement, meilleure éducation dans nos écoles sur la Charte des droits et libertés et, deuxièmement, campagne de sensibilisation pour contrer les préjugés, et je vous dirais qu'il y a eu beaucoup, beaucoup d'appuis à ces deux notions-là. Vous avez travaillé à la Commission des droits de la personne, vous êtes très sensibles à ces questions. Qu'est-ce que vous en pensez, comme je vous dis, avant d'arriver à des mesures peut-être plus musclées?

• (15 h 10) •

M. Eid (Paul) : D'accord. Bien, je pense que l'éducation est fondamentale. L'idée, c'est aussi de montrer, d'expliquer aux gens que les problèmes d'intégration ne sont pas liés seulement... Parce que, ces dernières années, avec tout le débat sur la charte de la laïcité, avec le débat sur les accommodements religieux, ça a fait beaucoup de tort aux immigrants, dans la mesure où on a réduit la question de l'intégration à un choc, un clash de valeurs, un clash de cultures, et on avait l'impression, pour schématiser, que, si beaucoup d'immigrants, de minorités religieuses... s'ils n'arrivaient pas à s'intégrer, c'est parce que finalement ils ne partageaient pas nos valeurs communes, alors qu'en fait, quand on a une optique qui est axée sur le racisme et la discrimination, on voit que la plupart, la grande majorité des immigrants veulent s'intégrer si on leur en donne la chance. Et je pense qu'il faut réussir, par des programmes d'éducation, que ce soit dans les écoles, que ce soit en milieu de travail, de sensibiliser les gens pas seulement à l'apport de la diversité, qui a été une approche beaucoup utilisée par les différents gouvernements, mais une approche centrée sur les droits, de démystifier aussi certains préjugés, certaines idées préconçues qui sont très réductrices et qui font que l'individu, quand il arrive en emploi, il n'est pas jugé pour ce qu'il est ou pour ses compétences mais pour son appartenance à un groupe, et avec tous les stéréotypes qu'on accole à ce groupe. Donc, oui, l'éducation est fondamentale, et il faut... Mais elle n'est pas suffisante.

Mme Weil : La préoccupation aussi a été soulevée, préoccupation par rapport à ce qu'on appelle la deuxième génération, et, là encore, en discussion ici avant et depuis plusieurs années, il y a une préoccupation grandissante, chez la deuxième génération, qu'ayant vu leurs parents exclus du marché de l'emploi, des parents par ailleurs très scolarisés, très compétents, bon, formés, et qui eux-mêmes font face à des obstacles... On sent chez certains qui travaillent auprès des jeunes qu'il y a quelque chose à surveiller à cet égard. Est-ce que vous avez des expériences, une perspective sur cette problématique?

M. Eid (Paul) : Oui, c'est ça, parce qu'on entend... Je trouve que c'est tout à fait... c'est fondamental, la deuxième génération, en effet, parce que souvent les immigrants, ils vont projeter leurs rêves déçus, parfois, sur leurs enfants, il y a beaucoup de pression sur... et eux-mêmes, étant donné qu'ils sont nés ici, qu'ils connaissent la langue, les codes, ont beaucoup d'attentes, et puis, quand ils arrivent sur le marché du travail, ils se rendent compte qu'il y a des obstacles à leur insertion, à une insertion citoyenne fondée sur l'égalité.

Et encore une fois je pense qu'il faut toujours distinguer entre les minorités racisées et non racisées. Et, que ce soit chez les immigrants ou chez les natifs, c'est toujours ceux qui appartiennent, donc, à des minorités issues de sociétés non occidentales qui rencontrent certains obstacles à l'emploi à cause de certaines barrières liées, donc, aux préjugés, à la discrimination à caractère raciste.

Je veux juste vous donner des chiffres que je n'ai pas eu le temps de vous donner, qui sont préoccupants, concernant la deuxième génération. Quand on compare les revenus, les revenus des immigrants avec les non-immigrants, pendant les cinq premières années, évidemment, il y a un grand écart, les revenus moyens. Là, je regarde les universitaires seulement, O.K., juste les universitaires. Pour faire le point que je veux faire, c'est important de dire... Alors, quand on regarde ensuite les enfants d'immigrants, on se rend compte que les enfants d'immigrants dans la deuxième génération, quand il s'agit de non-visibles, pour faire court, ils arrivent à un revenu moyen qui est à peu près le même que celui des natifs, alors que, quand on regarde le revenu moyen des enfants d'immigrants appartenant à une minorité visible, donc immigration non européenne, mais nés ici, avec un diplôme universitaire, donc à qualifications égales, le revenu moyen de ces jeunes-là est à peu près le même que celui de leurs parents issus des... il n'y a pas eu de progrès ou presque. J'ai les chiffres, je pourrais vous l'envoyer après. Et ça, c'est préoccupant, et c'est ce qui montre que, dans une politique d'immigration qui veut s'attaquer au racisme et à la discrimination... Ça montre l'importance de s'attaquer au racisme et pas seulement de voir les problèmes d'intégration en termes de déficience de capital humain chez les individus. Et la société doit se remettre en question et adopter certaines mesures de lutte antiracisme, que ce soit par éducation ou mesures coercitives.

Mme Hanley (Jill) : Je voulais juste dire... Sur ce point-là, je pense qu'évidemment c'est très important de faire de l'éducation, de promouvoir les droits, mais il faut aussi avoir des vrais recours s'il y a des problèmes avec ces droits-là, alors des recours effectifs, la Commission des normes du travail, la CSST, que les groupes comme les travailleuses domestiques ou les travailleurs agricoles ne soient pas exclus de certaines parties de ces protections-là, que la Commission des droits de la personne ait le personnel nécessaire pour faire les enquêtes puis faire valoir les droits. Alors, éducation, c'est une chose, mais s'assurer que les gens peuvent faire respecter ces droits-là, c'est essentiel, parce que c'est quand les gens sentent qu'il n'y a personne qui est concerné par la violation de leurs droits qu'ils se sentent vraiment exclus de la société.

Mme Weil : J'aimerais vous demander deux questions. Qu'est-ce que vous pensez de stratégies telles le programme PRIIME, où on donne une subvention...

M. Eid (Paul) : Le programme quoi?

Mme Weil : Le programme PRIIME, où on donne une subvention salariale et on identifie... J'ai compris ou j'ai appris que le Québec est la seule province à avoir un programme où on nomme... et d'ailleurs quand on échange avec d'autres provinces ils sont surpris de voir, mais c'est-à-dire, bon, les personnes racisées, les femmes, les Maghrébins sont nommés, tout le monde est nommé, ceux qui sont sous-représentés. Le taux de rétention est à peu près à 83 %, donc ça donne des bons résultats, après six mois. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Et si vous pourriez expliquer ce programme d'obligation contractuelle, comment ça fonctionne, pour qu'on puisse avoir des pistes. Là, je vous amènerais... je vous demanderais de nous donner peut-être ces suggestions plus... peut-être les meilleures pratiques que vous voyez ailleurs qui pourraient être implantées ici.

M. Eid (Paul) : O.K. Je vais laisser Jill parler de PRIIME. Moi, je vais parler de programme d'obligation contractuelle.

Mme Hanley (Jill) : Oui. Juste pour dire, je pense que c'est un excellent programme, je pense que ça donne une opportunité d'ouvrir les portes à l'expérience, c'est ça, je pense que c'est très bien, mais il ne faut pas... je pense que ça ne répond pas au fait que quand même il y a très peu de gens qui peuvent participer à ce programme-là. Et il faut avoir quand même les portes ouvertes dans le marché du travail en général, et, je pense, c'est là que ça revient.

M. Eid (Paul) : Oui, bien... Puis, juste sur PRIIME, je pense que, tu sais, vous mentionniez ma recherche sur la discrimination, qui montre que vraiment, quand le marché est laissé à lui-même, bien les immigrants n'arrivent pas... Bon. Ça fait que c'est un peu déprimant, mais, justement, s'il faut réussir à en tirer des enseignements, je pense que l'idée, c'est qu'il faut forcer la diversité, soit l'inciter, comme dans le cas de PRIIME, ou carrément la forcer avec des programmes d'accès à l'égalité, parce que ce que ma recherche montre, c'est que c'est au niveau de l'entretien, ils n'arrivent même pas à se faire convoquer à un entretien. Comment tu veux réussir à te mettre en valeur si tu es déjà exclu du jeu dès le départ?

Donc, PRIIME, oui, moi aussi, je dis... à 100 %. Même élargissez-le, augmentez les primes, bon, ça, c'est la partie incitative, parce que ce que les recherches montrent, c'est qu'en effet une fois en emploi, vous l'avez mentionné, il y a un taux de rétention qui est intéressant, une fois que les... Il n'y a rien comme le contact avec la diversité direct, la diversification des milieux de travail. Et là ça crée un effet d'entraînement, un effet boule de neige, puisque la différence est démystifiée.

Et, pour les programmes d'obligation contractuelle, bien, en fait, bien, comme vous le savez, c'est en gros l'obligation qu'ont la plupart des... en fait les entreprises de 100 employés et plus qui ont un contrat de 100 000 $ et plus avec des ministères du gouvernement du Québec ou organismes gouvernementaux mais au niveau provincial d'instaurer, d'implanter un programme d'accès à l'égalité dans leur entreprise.

D'abord, il y a des recherches — je ne sais pas si Éric Charest va venir parler ou Marie-Thérèse Chicha — qui montrent que ça ne marche pas. Les programmes d'obligation contractuelle, en cas de violation des obligations, il n'y a absolument rien qui se passe, il n'y a pas de suivi suffisant, il y a très peu, déjà, d'entreprises qui sont soumises à ce programme. Donc, il faut renforcer le programme. Et moi, j'irais jusqu'à dire : Rendons-le obligatoire à toutes les grandes entreprises, je ne sais pas si c'est... vous allez trouver que ce n'est peut-être pas réaliste, mais avec ou sans contrat avec le gouvernement. Les grandes entreprises, pour pouvoir avoir pied sur rue, pignon sur rue dans notre province, on leur dit : Bien, écoutez, vous devez simplement avoir dans votre personnel une représentation proportionnelle à la... qui soit en proportion avec le poids de chaque groupe dans la société, surtout les groupes minorisés, les groupes à risque.

Et je finis là-dessus. Une proposition qui est très... qui est plus réaliste, c'est juste d'élargir le programme d'obligation contractuelle pour que les organismes qui ont des contrats avec la ville de Montréal soient assujettis. Mon étude a été faite à Montréal. La plupart des immigrants sont à Montréal, les taux de discrimination sont assez alarmants, donc ce serait bien si les programmes d'obligation contractuelle touchaient aussi toutes les grandes entreprises qui font affaire avec la ville. Donc, ce serait une possibilité.

Mme Weil : Je cède pour...

Le Président (M. Picard) : Pour une minute.

Mme Rotiroti : Bon, bien, je vais aborder le sujet rapidement. C'est sur la reconnaissance des compétences. Vous avez fait référence... Dans votre exposé, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y a des éléments discriminatoires dans le processus même d'obtenir la reconnaissance des compétences. Il y a plusieurs groupes qui ont parlé aussi que, même une fois qu'ils obtiennent la reconnaissance, bien il y a un problème après pour avoir le stage. J'aimerais ça si vous avez des idées ou des outils que je pourrais m'inspirer avec mon comité qui se penche là-dessus, justement, pour faire des suggestions à propos... comment qu'on pourrait faire mieux.

• (15 h 20) •

M. Eid (Paul) : Bien, le stage, il y a des secteurs d'emploi où le stage est obligatoire, pour devenir avocat ou pour devenir médecin. Bien, je pense qu'en effet il ne faut pas que reconnaître les compétences, il faut s'assurer qu'après que leur compétence est reconnue... qu'ils aient accès aux stages. Mais, bon, là, après, il y a les mêmes mécanismes discriminatoires que pour avoir un emploi.

Mais, dans le cas des stages, si on prend le cas des médecins que... Je ne connais pas bien toutes les sphères professionnelles, mais, dans le cas des médecins, le stage, c'est la résidence, et puis, dans ce cas-ci, les établissements d'enseignement sont concernés, les facultés sont concernées. Donc, il faut coordonner, je pense qu'il faut que le gouvernement travaille davantage aussi avec les établissements d'enseignement dans les domaines où l'exercice de l'emploi suppose un stage avec... ou des formations d'appoint. Dans ce cas-là, les établissements d'enseignement doivent être surveillés. On l'a vu dans le cas des médecins, qu'il y avait plusieurs critères qui n'étaient pas nécessairement... il y avait des critères qui étaient appliqués avec un deux poids, deux mesures selon que tu es formé à l'étranger ou non...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Eid (Paul) : ...et ça n'avait pas toujours un lien rationnel avec la capacité d'exercer correctement l'emploi dans l'intérêt du public.

Le Président (M. Picard) : Merci. Avant de céder la parole à M. le député de Bourget, c'est pour vous informer que Mme Marie-Thérèse Chicha s'est désistée. Donc, à moins de prolongation de nos travaux, elle ne témoignera pas.

Donc, je cède la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Eid, Mme Hanley, merci d'être là et merci pour la contribution, une lecture très cartésienne de l'enjeu.

De votre perspective des choses, considérant l'expérience qui vous habite, est-ce qu'il ne serait pas, disons, plus cohérent, au moment où on se parle... Vous évoquiez tout à l'heure même la situation des immigrants en situation de chômage, le taux élevé. Considérant qu'on n'a pas fait le ménage, qu'on n'a pas fait le point avant même d'engager l'exercice qui nous pose ici aujourd'hui, considérez-vous qu'il soit sage de s'occuper, dans un premier temps, de ceux qui sont délaissés aujourd'hui — et ils sont légion — avant de se lancer à la pêche à de nouveaux immigrants qu'on enfermerait dans de nouveaux pièges?

Mme Hanley (Jill) : Moi, je pense qu'ici, au Québec puis au Canada, l'immigration va continuer. Et puis il y a des problèmes avec notre système d'immigration, je pense qu'il faut faire... comme le revisiter de temps en temps, l'ajuster. Ceci dit, pour moi, ça n'enlève pas du tout la priorité puis la nécessité de regarder la situation des gens qui sont déjà ici. Je pense que mon collègue a soulevé le fait que des gens nés ici mais membres de minorités visibles font face à plein de problèmes de discrimination. Ça, ce n'est pas quelque chose qu'on peut laisser de côté. Alors, pour moi, si on veut travailler sur l'immigration, ça, c'est une chose, mais ça ne veut pas dire qu'on peut négliger les dynamiques d'inégalité qui existent déjà dans notre société, j'aimerais voir les deux choses se faire en même temps.

M. Eid (Paul) : J'aimerais juste rajouter une chose. C'est que, oui, en effet, c'est une chose, de diminuer les volumes d'immigration de travailleurs qualifiés ou... parce qu'on a de la difficulté à les insérer, mais ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on continue à chercher à répondre aux besoins de main-d'oeuvre par les temporaires et, depuis 2006, on fait venir plus de temporaires que d'immigrants à vocation permanente, parce que l'économie capitaliste étant ce qu'elle est, elle a pris un tournant très néolibéral, les entrepreneurs, les entreprises ont besoin de main-d'oeuvre, je dirais, exploitable et jetable, pour être franc, et ce qui fait que ces gens-là, souvent, viennent et reviennent plusieurs années. Donc, on a un besoin permanent de temporaires, et leur statut temporaire... Donc, on retire quelque chose, ils apportent quelque chose à l'économie, sauf qu'après on les jette. Et, pendant leur séjour ici, il y a des violations de droits — que vous connaissez sans doute — dues à des conditions structurelles dans le programme, qui relève du fédéral, je le sais bien.

Mais je crois donc que, diminuer le nombre de qualifiés parce qu'on n'arrive pas à les intégrer, bon, d'une part, il faudrait peut-être s'assurer de créer les conditions pour qu'ils soient intégrés dans des conditions justes et équitables, parce qu'eux vont en bénéficier, mais aussi nous, on en a besoin. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas de besoin d'immigration au niveau économique, démographique, pour la maîtrise, la survie du français. Alors, on a besoin des immigrants, mais il faut juste les faire venir dans des conditions justes et équitables.

M. Kotto : Et vous seriez d'avis, dans la même foulée, que nous devons la vérité, la transparence aux immigrants quand on va les chercher au-delà de nos frontières? Parce que plusieurs... j'en reçois, moi, à mon bureau, j'en ai reçu quand j'étais au fédéral, très souvent, qui tombaient des nues parce qu'on leur avait raconté des histoires, pour parler carré, et ils se réveillaient brutalement une fois arrivés ici, faisant face à des défis qu'ils n'avaient pas anticipés en quittant leur pays.

M. Eid (Paul) : Ça, c'est courant.

Mme Hanley (Jill) : Ça, c'est quelque chose que récemment j'ai vu beaucoup. Je suis en train de faire des séries d'entrevues avec des travailleurs... des résidents permanents surtout mais qui se retrouvent ici à travailler pour des agences de placement, des gens avec toutes sortes de formations différentes, puis il y en a beaucoup, des francophones de l'Afrique, différents pays, qui ont passé par la France, qui avaient un statut là-bas mais qui ont été dans les salons d'immigration, et ils sont amers du fait que c'était présenté comme si leur formation allait être reconnue, puis en fait ils disent que c'était plus facilement reconnu en France. Ils ont des difficultés à se loger, à avoir des emplois convenables.

Alors, je pense qu'il faut qu'on regarde aussi qu'est-ce qu'on vend comme situation pour les immigrants. Et, si on veut continuer à pouvoir vanter les opportunités ici, il faut vraiment travailler sur la réalité rendu ici.

M. Kotto : J'ai une question plus de stratégie, en termes de gouvernance : Est-ce que vous considérez que le ministère de l'Immigration du Québec est considéré comme un ministère stratégique au moment où on se parle?

M. Eid (Paul) : Par qui?

M. Kotto : Peu importent les gouvernements. Vous voyez le budget qui est alloué à ce ministère, vous voyez la place qu'on lui réserve dans...

M. Eid (Paul) : Oui, bien je vois où vous voulez en venir, mais je pense... Je suis d'accord avec vous, je veux dire, je le sais, vous le savez mieux que moi, je pense, tous ici, moi, j'ai entendu dire que c'est un ministère qui n'a pas les moyens de ses ambitions, c'est vrai. Si on veut vraiment... Et ce n'est pas seulement le ministère, je vous dirais que c'est les groupes communautaires qui sont beaucoup, beaucoup impliqués. Et d'ailleurs dans votre document vous en parlez, vous voulez mettre à profit les entreprises, les groupes communautaires. Eh bien, je ne sais pas, il y a peut-être une enveloppe aussi à gérer qui pourrait être plus grande pour outiller par des subventions les entreprises, par exemple par le programme de PRIIME, ou des groupes communautaires qui sont impliqués de près dans la francisation, qui n'ont pas nécessairement les moyens. Et donc je pense...

Et je pense aussi que ça prend une coordination. Le ministère de l'Immigration ne peut pas agir en vase clos pour permettre... pour produire l'intégration, il faut agir avec le ministère du Travail, le ministère de la Sécurité et... je ne sais plus le nom, Sécurité et Services... pas sécurité...

Mme Hanley (Jill) : MESS.

M. Eid (Paul) : Oui, ministère de l'Emploi et Services sociaux. Donc, je pense, ça prend une coordination. Ce n'est pas juste une question d'argent, c'est aussi une coordination des différents ministères pour s'assurer qu'il y ait une action unifiée et cohérente.

Mme Hanley (Jill) : Et puis quelque chose qui est vraiment criant comme besoin, c'est l'accueil des travailleurs étrangers temporaires, parce qu'il y en a autant ici chaque année que les résidents permanents, ils sont dans nos communautés, et il n'y a aucun groupe, à part d'un petit financement pour les aides familiales, aucun groupe qui est financé pour leur offrir de l'information, l'orientation. Et puis je pense qu'on ne peut pas mettre cette responsabilité-là dans les mains des employeurs parce que c'est un conflit d'intérêts.

Alors, les groupes communautaires qui font déjà l'accueil des immigrants, ils finissent par les accueillir, mais ils sont débordés, ils n'ont pas les ressources pour le faire, ça fait que vraiment c'est un besoin actuel très important. Et, si on veut voir vers le futur, qu'on voie ces gens-là comme des immigrants potentiels de haute qualité. Et ils le sont, ils ont l'expérience québécoise. Il faut leur tendre la main dès leur présence ici, au Québec, pour dire : On va vous aider à apprendre comment ça marche ici et vous appuyer dans le respect de vos droits.

• (15 h 30) •

M. Kotto : Je présume que vous avez, dans vos recherches, dans vos travaux, également réfléchi au sentiment d'acceptation de l'immigrant par rapport à la société d'accueil. Quel est-il au Québec versus les autres parties du Canada?

M. Eid (Paul) : Je pense qu'en fait... La plupart des recherches, souvent, qui s'intéressent à essayer de sonder le sentiment d'appartenance, les définitions identitaires de ces immigrants montrent que malheureusement il y a un faible sentiment d'appartenance sur le plan identitaire à la société québécoise. Moi, c'est ce que mes recherches montrent, ce que d'autres ont montré, surtout chez les immigrants racisés, en particulier, que ce soit Haïtiens ou Arabes...

Une voix : Ou Africains.

M. Eid (Paul) : ...ou Africains. On n'est pas au bord de la guerre civile, on n'est pas comme en France où il y a des voitures qui crament dans les banlieues, des révoltes périodiques, parce que le racisme ici est peut-être moins virulent dans ses manifestations verbales ou ostentatoires, mais c'est la discrimination avec le sourire, comme un auteur a dit, c'est-à-dire on vous tend la main, on vous dit : Merci beaucoup, ça ne va pas être possible, et puis on jette le C.V., bon, tu sais.

Alors, il y a une intégration fonctionnelle, mais, si on veut des citoyens qui s'identifient, qui vont vouloir participer, qui ne vont pas vouloir s'enclaver, se ségréguer et se mêler à la société sans égard à l'appartenance, pour créer une vraie communauté civique, bien je pense qu'il va falloir s'attaquer, donc, à ces questions de racisme et montrer... La société doit montrer qu'elle le prend au sérieux et prendre les mesures nécessaires pour lever les obstacles à cette émergence d'une volonté d'intégration citoyenne.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Bonjour. Vous avez abordé votre intervention en lien... en disant : Il faut avoir de l'immigration pas nécessairement pour combler les besoins économiques, pas dans une logique uniquement de disponibilité de main-d'oeuvre sur le marché du travail mais plutôt aussi au niveau des besoins sociaux de la société. Pouvez-vous définir cette affirmation?

M. Eid (Paul) : C'est-à-dire que je voulais dire... j'ai juste dit ça parce qu'on parlait de faire... Enfin, en lisant le document, il y avait peu de détails, mais on avait l'impression que les entreprises allaient devenir des agents de recrutement ou de sélection non plus juste de travailleurs mais de citoyens, quoi. Parce qu'il faut voir comment ça va se faire. C'est correct de dire : Bon, bien... Par exemple, si un employeur réussit à trouver quelqu'un dans la banque qui correspond à ses besoins immédiats, oui, mais après il faut voir qu'est-ce qui va arriver. Une fois qu'il perd cet emploi, il se retrouve sur le marché du travail, et ses enfants vont aller dans nos écoles, tu sais, il y a d'autres besoins que... Je trouve ça dangereux de définir les besoins ou les critères de sélection à partir des besoins d'un particulier qui, lui, cherche simplement à s'enrichir ou à faire fonctionner son...

Alors, les besoins sociaux, il y a des besoins économiques qui ne se réduisent pas aux besoins d'une entreprise, qui sont beaucoup plus larges. J'ai donné l'exemple des médecins dont on a besoin mais que personne ne va aller chercher parce qu'ils ne s'intègrent pas ou ils ne réussissent pas. C'est comme ça pour plein d'autres professions réglementées, que ce soit architecte ou autres. Et il y a les besoins culturels. On le sait, qu'au Québec on accorde une grande importance à la protection du français, au maintien, à la survie du français, on veut des immigrants francophones. Et puis je crois que, voilà, les besoins de l'entrepreneur ne sont pas nécessairement en concordance avec les besoins plus d'ordre culturel et linguistique notamment.

M. Jolin-Barrette : Pensez-vous que cette approche... Parce que ce qu'on évoque beaucoup dans le cadre de cette commission et dans le cadre des documents de consultation, c'est un peu de s'inspirer du modèle canadien et du modèle australien, néo-zélandais pour réussir à intégrer davantage les immigrants en lien avec le taux de chômage plus élevé dans la région de Montréal. Vous avez parlé... bon, il y a toute la question de la discrimination à l'embauche qui sous-tend la question, puis je vous pose la question : Est-ce que la société québécoise fait preuve de racisme envers les nouveaux arrivants?

M. Eid (Paul) : Le racisme, pour moi, c'est une question... c'est systémique, c'est des rapports de pouvoir. Il y a du racisme, il y a du racisme, mais ce n'est pas... Et je pense qu'il ne faut pas se cacher les yeux ou se fermer les yeux en pensant qu'il s'agit de cas isolés, limités à des groupes d'extrême droite néonazis, là, pour le dire très schématiquement. Le racisme, ça se manifeste aussi par une volonté d'exclusion, de subordination.

Alors, les immigrants, il n'y a pas de problème avec eux tant qu'ils restent à leur place, mais, quand ils essaient d'accéder aux bons postes, aux postes de cadre notamment, vous en avez peut-être parlé, je pense, dans le document aussi, il faut aussi... L'accès à l'égalité, ce n'est pas juste dans les sphères inférieures du... les emplois à faible statut, c'est aussi les postes de cadre, permettre la promotion, l'ascension, la mobilité sociale.

Donc, je pense qu'il y a des questions... des obstacles d'ordre systémique qui relèvent ultimement du racisme, parce que ce n'est pas un hasard de voir que c'est toujours les mêmes groupes qui subissent les frais de la discrimination. Ce n'est pas les groupes d'origine européenne qui après une génération connaissent une intégration assez réussie, c'est toujours ceux qui appartiennent à des groupes racisés qui sont vulnérables dans tout l'Occident, les mêmes groupes, ceux qui sont issus de sociétés anciennement colonisées, qui portent le poids du stigmate, qui assument le poids du stigmate du racisé. Donc, oui, il y a du racisme.

Mme Hanley (Jill) : Je trouve qu'il y a quelque chose d'autre à dire sur la question de l'implication des entreprises dans la sélection des immigrants, c'est que, si on procède vers ça sans régler la question de reconnaissance des compétences, des formations, et tout ça, on va peut-être voir la même dynamique qu'on voit avec le Programme des travailleurs étrangers temporaires, où les entreprises peuvent choisir quelqu'un qui a une grande expertise et formation et peuvent bénéficier de ça comme à l'intérieur de leur entreprise sans que leurs compétences soient reconnues formellement par la société en général. Alors, on risque de reproduire les mêmes dynamiques. Quelqu'un vient, ils sont parrainés par l'employeur, ça crée une dynamique de dépendance sur l'employeur et ça ne règle pas la question : Est-ce que la personne est réellement reconnue pour leurs compétences? Si les personnes décident qu'elles n'aiment plus cet emploi ou elles pensent qu'elles peuvent avoir des meilleures conditions ailleurs, est-ce qu'elles vont être reconnues comme une personne formée, avec une expérience convenable, si elles essaient de bouger à l'intérieur de notre marché du travail? Ça fait partie... C'est comme la liberté de mobilité d'emploi qui est à la base de notre possibilité de faire respecter nos droits du travail. Mais cette façon de procéder risque de reproduire un peu ce qu'on voit avec le Programme des travailleurs étrangers temporaires.

M. Eid (Paul) : Juste rajouter. Il y a déjà, dans la grille d'immigration... Alors, l'idée est bonne derrière, mais déjà dans la grille d'immigration il y a des points donnés pour le fait d'avoir un emploi qui nous attend. Augmentons les points en faisant... On peut en faire un critère encore plus important, donner une pondération encore plus forte.

Moi, tout ce que j'ai dit, en lisant le document, tout ce qu'on a eu, on a eu un petit peu peur, on s'est dit : Bien, comme a bien dit Jill, une fois que la personne a fini son contrat avec son parrain, là, qu'est-ce qu'elle fait? Je veux dire, ce n'est pas... l'entrepreneur, lui, n'a pas évalué les besoins dans une perspective plus globale de la société, comment s'assurer qu'on a des gens dont les compétences sont reconnaissables dans la société. Donc, c'est juste ça, en gros.

Le Président (M. Picard) : En 20 secondes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, je vais en profiter pour vous remercier chaleureusement pour la contribution, votre mémoire, c'était vraiment très intéressant.

M. Eid (Paul) : Merci de nous avoir reçus.

Le Président (M. Picard) : Je vous remercie pour votre présentation.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre à la Commission des partenaires du marché du travail de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 39)

(Reprise à 15 h 41)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant la Commission des partenaires du marché du travail. Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Luc Trahan, président. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il va y avoir un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)

M. Trahan (Jean-Luc)  : Merci. Appréciant l'invitation à être entendus par les autorités gouvernementales dans le cadre de sa consultation publique visant l'instauration d'une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion, les membres de la Commission des partenaires du marché du travail sont heureux de s'inscrire dans ce processus qui, comme l'annonce le document de consultation, préconise une vision porteuse d'un projet collectif rassembleur pour l'ensemble de la société québécoise. Ainsi, tout en s'inscrivant généralement en accord avec les principes directeurs, les enjeux et les choix des stratégies contenues dans le document d'orientation, la Commission des partenaires du marché du travail souhaite contribuer à l'évolution du processus en vous déposant aujourd'hui ce mémoire.

Dans un premier temps, il est important de situer la Commission des partenaires du marché du travail à l'intérieur de la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Le chapitre II de ladite loi instaure la commission et lui confère comme fonctions de «participer à l'élaboration des politiques et mesures gouvernementales dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi, ainsi qu'à la prise de décisions relatives à la mise en oeuvre et à la gestion des mesures et [des] programmes». Comme principaux mandats confiés à la commission dans le cadre de cette loi, nous retrouvons dans un premier temps la définition des besoins en développement de la main-d'oeuvre en regard des réalités du marché du travail, un rôle conseil auprès du ministre de l'Emploi sur les orientations générales de la politique du marché du travail, troisièmement, la participation à l'élaboration de stratégies et d'objectifs en matière de main-d'oeuvre et d'emploi, quatrièmement, l'identification de cibles d'intervention des services publics d'emploi, d'Emploi-Québec, et finalement l'approbation des plans d'action régionaux à travers le Québec en matière de main-d'oeuvre et d'emploi.

La Commission des partenaires du marché du travail est donc une instance nationale de concertation qui réunit des représentants des employeurs, de la main-d'oeuvre, du milieu de l'enseignement, des organismes communautaires ayant tous droit de vote. Elle réunit également des représentants ministériels, sans droit de vote cependant, à savoir le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science, le ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, le ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, et enfin le milieu universitaire y est également représenté. Ces personnes et les organisations qu'elles représentent sont donc animées par un souci constant d'améliorer le fonctionnement du marché du travail en mettant ainsi en commun toute l'expertise en présence dans un objectif d'accroître l'efficacité des services publics d'emploi et pour favoriser le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre québécoise. Le projet de la nouvelle politique en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion interpelle donc la commission, comme vous l'aurez constaté à la lecture du mémoire que nous avons déposé.

Le premier constat important à mentionner est que la commission souscrit aux valeurs sur lesquelles repose l'énoncé de politique du MIDI. Les partenaires réunis au sein de la commission sont conscients de l'important défi pour le Québec d'attirer des travailleuses et des travailleurs étrangers mais aussi et surtout d'assurer qu'ils occupent un emploi après leur arrivée au Québec et qu'ils y demeurent.

Les nombreux enjeux dont le Québec devra tenir compte sur la scène internationale, tel qu'il est d'ailleurs reconnu et énoncé dans le document de consultation, nous font aussi reconnaître l'importance d'un engagement collectif visant à favoriser l'accès à l'emploi des personnes immigrantes. Réunis en séance la semaine dernière, les membres, d'ailleurs, ont pu s'exprimer sur la légitimité de la démarche et ainsi corroborer les éléments contenus dans le mémoire. Le choix stratégique d'instaurer un système d'immigration compétitif permettant d'attirer des talents répondants aux besoins des entreprises, contribuant ainsi à la prospérité, est un élément clé de la politique que la commission approuve.

Les membres de la commission ont aussi examiné en profondeur la question du système de gestion des demandes d'immigration appelée la déclaration d'intérêt. J'aurai l'occasion de revenir plus en détail sur ce point, soit un peu plus tard, car elle comporte des éléments déterminants, tant au niveau de l'identification des candidatures à l'immigration qu'au niveau de la réponse rapide et efficace aux besoins.

Ainsi, les principaux éléments de la nouvelle politique, ses fondements, ses enjeux, ses choix stratégiques et sa vision interpellent la commission à plusieurs égards. En matière d'accès et de maintien en emploi, la commission considère qu'il s'agit d'éléments clés qui favoriseront une intégration réussie et appréciée. Un accès de qualité à l'emploi pour les personnes immigrantes s'avère l'une des meilleures façons d'assurer leur intégration sociale et leur réalisation personnelle, contribuant par conséquent à favoriser la prospérité au Québec. Ainsi, une pleine utilisation des ressources disponibles, emplois, travailleurs, compétences, rencontrera les meilleures conditions et procurera les retombées positives à tous égards, rehaussant par le fait même les notions de valorisation et de reconnaissance personnelle. Pour les membres de la commission, ces éléments représentent des points de convergence en lien avec son propre plan stratégique d'intervention.

La commission reconnaît également que le projet de politique soumis tient comme assises de fond certains principes incontournables à ses propres composantes. Citons notamment la nécessaire sensibilisation des employeurs à la question de l'immigration, la question du français, l'importance de la reconnaissance des compétences, la formation des candidates et candidats à l'immigration, le phénomène de l'emploi en région et son importance relative dans tout le développement du processus d'accueil et d'information.

Sixièmement, l'apport important des travailleurs temporaires, l'entrepreneuriat et la gouvernance. Ces points ont notamment retenu l'attention de la commission et de ses membres. La commission juge qu'un travail important est à poursuivre en regard de la sensibilisation des employeurs et des milieux de travail à l'embauche de personnes immigrantes. L'immigration constitue une richesse incontournable pour le développement économique du Québec et offre de grandes opportunités aux employeurs, l'ouverture de ceux-ci et l'approfondissement de leurs connaissances en matière de diversité culturelle constituent un atout en ce sens. Une meilleure sensibilisation sera le signe d'une meilleure compréhension réciproque et donc d'une meilleure intégration.

La participation économique des personnes immigrantes doit se concrétiser par des emplois à la hauteur de leurs compétences. Compte tenu du défi que représente l'évaluation équitable de celles-ci, notamment celles acquises par l'expérience, la commission exprime le souhait que la démarche de consultation sur les besoins du marché du travail soit dûment faite avant l'arrivée au pays des personnes. Les membres de la commission ont d'ailleurs clairement énoncé l'importance de cette démarche de reconnaissance des compétences comme élément clé à une bonne adéquation. Meilleure sera la concordance des compétences avec les besoins à combler, meilleure sera la réponse aux aspirations réciproques. Par ailleurs, la possibilité de réaliser des formations d'appoint et des expériences de travail en entreprise pour les travailleuses et les travailleurs issus de l'immigration apportera une contribution certaine au maintien en emploi en lien direct avec les besoins des entreprises.

La question du français, langue d'intégration est un sujet qui a particulièrement interpellé les membres de la commission. Tous, de façon unanime, reconnaissent l'importance d'une bonne connaissance de la langue française chez les personnes immigrantes afin de favoriser leur pleine intégration à la fois au marché du travail et à la société québécoise. Ce critère de sélection des candidats, bien qu'essentiel, devrait cependant être appliqué avec souplesse afin de permettre la constitution de bassin d'individus immigrants pouvant correspondre de façon plus précise aux besoins du marché du travail, et ce, en plus grand nombre. Les membres de la commission souscrivent au concept du français, langue d'intégration et souhaitent de plus que l'offre de formation adaptée en français permette aux personnes immigrantes d'avoir suffisamment d'opportunités pour parfaire rapidement leur apprentissage de celle-ci une fois reçues au Québec.

• (15 h 50) •

La question des formations des individus a retenu l'attention des membres de la commission. Ceux-ci, toutefois, ont tenu à rappeler que les besoins des entreprises ne se situent pas uniquement à l'égard d'une main-d'oeuvre possédant une formation universitaire et que plusieurs entreprises ont des besoins de main-d'oeuvre non spécialisée ou encore formée à un niveau professionnel ou technique. L'adéquation de la formation et des emplois est donc considérée comme étant importante afin d'assurer la meilleure réponse possible aux besoins exprimés.

Les membres de la commission comprennent par ailleurs très bien le rôle qu'auront à jouer les entreprises et les organisations à l'égard du processus d'identification des profils professionnels nécessaires à la sélection des candidates et candidats, et ce, en amont de la sélection des immigrants. Considérant tout aussi importante la catégorie de travailleurs qui ne détient pas de diplôme comparable à un cinquième secondaire, la commission souhaite qu'un mécanisme adéquat visant à favoriser l'admissibilité de ceux-ci, considérant que ces types d'emploi ont souvent un caractère permanent, soit prévu à l'intérieur de la nouvelle politique. Par la suite, et en support à cette ouverture, la formation d'appoint devrait pouvoir combler les déficits de compétence de cette catégorie de travailleurs et ainsi augmenter leurs qualifications.

Considérant qu'il est plus difficile de régionaliser l'immigration, notamment en raison de l'attrait des grands centres, la commission considère par ailleurs important de faire valoir les secteurs d'emploi et demandes dans les régions. La volonté exprimée par l'énoncé de politique de favoriser une plus grande contribution à l'occupation et à la vitalité des territoires rencontre les souhaits des membres de la commission. Tous s'entendent pour dire qu'il serait intéressant qu'il se fasse des actions en amont de l'arrivée au Québec des personnes immigrantes en misant sur une promotion des régions, des marchés du travail des régions, des emplois disponibles, des services offerts; des actions concrètes démontrant la volonté d'accueil dans les communautés. Les expériences pilotes pourraient servir d'éléments attractifs, comme par exemple le développement de projets intégrateurs en français propres aux régions, le jumelage et l'accompagnement.

La migration temporaire représente une belle avenue pour contribuer à répondre aux besoins de main-d'oeuvre pressants et ponctuels des entreprises et est considérée comme telle dans l'énoncé de la nouvelle politique. Cette question a soulevé beaucoup d'intérêt chez les membres de la commission, qui souhaitent notamment un certain assouplissement des barèmes au chapitre des niveaux de qualification des travailleurs immigrants, contribuant ainsi à leur établissement au Québec dans des secteurs d'activité économique présentant des aspects plus particuliers, par exemple le secteur manufacturier...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît. Vous allez pouvoir poursuivre lors des échanges avec les parlementaires.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Oui, d'accord. En ce qui a trait à la gouvernance, de par son rôle la commission privilégie une vérification régulière des effets de la politique et des plans d'action s'y rattachant au moyen d'indicateurs d'intégration socioéconomique nécessaires et par la consultation et des avis partagés. J'aurai l'occasion de conclure tout à l'heure.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Trahan. Nous allons débuter la période d'échange avec Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Bonjour, M. Trahan. Merci beaucoup de votre participation ici à cette commission. Nous sommes ravis vraiment des présentations qui touchent à tous ces enjeux, l'intégration en emploi, l'adéquation entre la formation et les besoins du marché et le nouveau système d'immigration qu'on vise.

Alors, j'ai deux collègues qui ont aussi des questions. Alors, moi, je vais prendre juste quelques minutes pour aller sur qu'est-ce qui est à proprement parler immigration, et d'autres collègues iront sur la reconnaissance des acquis et formation, adéquation.

Vous parlez, donc, dans ce nouveau... Vous êtes très en accord avec le nouveau système qu'on envisage, déclaration d'intérêt, et de voir vraiment une collaboration avec votre organisme, le MESS, MIDI dans tout ce qu'on va faire en amont, hein, si je comprends bien. Peut-être vous pourriez expliquer, parce qu'on a aussi parlé des entreprises, des villes, des régions; un peu pour bien avoir le portrait de ce qu'on veut et aussi éviter ce qu'on a entendu avec les deux personnes qui sont venues avant, de trop attacher la personne à l'employeur, parce que ça pourrait la rendre vulnérable aussi. C'est d'avoir une approche cohérente, logique et soutenable à long terme pour que les perspectives d'emploi de la personne ne soient pas juste cet emploi-là mais de façon plus large. Alors, j'aimerais vous entendre sur votre vision du rôle que vous pourriez jouer dans ce nouveau système.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Il faut comprendre que le rôle de la Commission des partenaires du marché du travail est directement relié au bon fonctionnement du marché du travail. Donc, sa première préoccupation, c'est de développer quelque stratégie que ce soit ou politique qui va permettre une meilleure adéquation avec le marché du travail et les besoins. Alors, pour les membres de la commission, quand ils ont mentionné cette préoccupation-là, il est évident que, pour nous, le fait de pouvoir offrir à un immigrant qui arrive ici tout de suite un emploi, ce n'est pas une contrainte, c'est beaucoup plus un élément qui va lui permettre une meilleure intégration. Alors, pour nous, c'est vraiment de faire du travail en amont et de participer pour pouvoir mettre toutes les chances du côté aussi bien de l'individu, de l'immigrant, de sa famille que des entreprises et des besoins du marché du travail et des employeurs.

Vous comprendrez que les défis auxquels le Québec va faire face au cours des prochaines années... Avec une demande d'emploi de plus en plus importante et un vieillissement de la population, il est évident que le secteur de l'immigration va jouer un rôle prépondérant dans les pistes de solution, d'où l'intérêt de la commission à participer et à travailler de concert avec votre ministère et le ministère de l'Emploi aussi bien que celui de... aussi bien que les services publics d'emploi d'Emploi-Québec.

Mme Weil : À la page 7, vous parlez des travailleurs temporaires et travailleuses temporaires et le programme PEQ, mais vous parlez aussi de niveau d'éducation. C'est une question très sensible, cette question-là, pour l'immigration permanente, justement par souci de protéger les perspectives d'emploi à long terme des travailleurs.

Donc, souvent on nous revient avec cette recommandation, justement, lorsqu'on fait la consultation sur les volumes et la composition de l'immigration, certains secteurs du marché qui auraient besoin de ces travailleurs-là. Ils sont bien formés, puis ils voudraient les mettre aussi sur la voie de la permanence. Pourriez-vous m'expliquer votre vision des... pour bien comprendre, si j'ai bien compris ce que vous voyez par rapport à ces travailleurs temporaires qui seraient entre non qualifiés et qualifiés, si je comprends bien, pas nécessairement avec secondaire V, et, si vous voyez ça comme un besoin croissant à la lumière du taux de chômage, et nos jeunes qui aussi doivent être formés pour le marché de l'emploi, et aussi la vision de Jason Kenney qui voulait répondre justement à l'inverse, c'est-à-dire : Pourquoi aller chercher des travailleurs temporaires peu qualifiés alors que le marché canadien devrait pouvoir y répondre? Donc, j'aimerais juste voir comment vous vous situez dans ce grand débat.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Effectivement, c'est un grand débat, parce que ce n'est pas une science exacte, hein? C'est une dynamique où est-ce qu'auparavant les travailleurs qui entraient sur le marché du travail pouvaient penser d'avoir un travail pendant x nombre de temps sans nécessairement améliorer ses compétences. Aujourd'hui, la dynamique est tout à fait autre, les entreprises que j'ai l'occasion de visiter sont dans une dynamique où est-ce qu'elles doivent absolument s'assurer de créer les conditions pour que les travailleurs développent leurs compétences. Donc, on est dans cet ordre de pensée là. Et, quand on parle avec nos membres qui sont, par exemple, dans le secteur agricole ou dans le secteur... où il y a de la restauration, on se retrouve dans une dynamique où est-ce qu'ils ont des besoins de travailleurs, et c'est de les trouver et, par la suite, de pouvoir les faire progresser.

Il n'y a pas un seul intervenant qui va arriver avec toutes les réponses, il y a plusieurs intervenants qui doivent y travailler, c'est dans ce cadre-là qu'on fait les propositions qui sont là. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de formule magique. En tout cas, ce n'est pas de la façon dont les membres de la commission fonctionnent. On fonctionne toujours sur un processus de consensus, donc les préoccupations, que ce soit du côté des syndicats, des employeurs ou du communautaire, aussi bien que de l'enseignement, nous demandent beaucoup de travaux. Et, ces travaux-là, puis je n'ai pas eu l'occasion d'en parler tout à l'heure, mais c'est basé sur l'information sur le marché du travail. À partir du moment où on a une information sur le marché du travail adéquate, on est capables de pouvoir bien aider les entreprises, que ce soit au niveau des travailleurs temporaires ou autres. Alors, c'est pour ça qu'Emploi-Québec joue un rôle très, très important dans tous les travaux que l'on peut...

Mme Weil : Donc, dans un système de déclaration d'intérêt, vous voyez déjà comment on pourrait essayer de répondre à ces besoins mais de façon très chirurgicale, presque, sans créer de problématique au niveau des personnes, par l'accompagnement, peut-être des formations additionnelles, pour ne pas les rendre vulnérables. C'est un peu ça, la préoccupation.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Tout à fait. Mais, comme vous le voyez dans le mémoire, nous, ce qu'on nous dit, c'est qu'on n'a pas l'impression que c'est nécessairement une réussite du premier coup, il va falloir regarder et améliorer un petit peu comme dans les meilleures pratiques pour pouvoir déterminer : Ah! bien, de ce côté-là, ça fonctionne bien; de tel autre côté, on pourrait avoir une zone d'amélioration. Mais c'est l'approche que la commission a toujours eue.

Mme Weil : Mais les partenaires de la commission sont tous d'accord pour cette vision, puis vous avez tout le monde autour de la table, là, les syndicats aussi, il y a les syndicats aussi.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Oui, mais c'est des discussions intéressantes.

Mme Weil : O.K. Très bien. Alors, je cède la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.

• (16 heures) •

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Trahan. Les interventions et les contributions de la CPMT sont toujours appréciées, surtout quand ça touche à un sujet qui nous interpelle tous.

Vous avez touché quelques-uns des sentiers qui nous préoccupent et qui vous préoccupent, bon, adéquation formation-emploi qui s'impose, dont j'ai le mandat du premier ministre, on parle de la pénurie de main-d'oeuvre dans la situation actuelle, l'obligation incontournable de franciser les nouveaux arrivants, la concurrence mondiale, on a eu beaucoup de témoignages qui parlent... qui confirment les problèmes de la discrimination systémique, quand même, qui touche à l'accueil des immigrants surtout dans l'essentiel, c'est-à-dire l'accès à l'emploi. Vous avez touché plusieurs de ces sentiers. J'aimerais juste vous inviter à revenir, bon, surtout à la francisation, mais aussi, quand vous parlez, à la page 5, de la formation sous tous les angles, vous nous rappelez l'importance de ne pas oublier des cibles très importantes dans l'adéquation dont on parle, c'est-à-dire pour nos besoins de main-d'oeuvre non spécialisée ou formée au niveau professionnel et technique, on a toutes ces considérations à équilibrer, et les unes aussi incontournables des autres. Et, comme je dis, je fais référence à la francisation, vous avez parlé d'assouplir peut-être les critères. Est-ce que vous pouvez élaborer comment on peut trouver l'équilibre entre tous ces besoins-là, d'assurer une plus grande adéquation, plus grande implication des immigrants dans la main-d'oeuvre tout en respectant les besoins, de les aider, de les accompagner dans leurs obligations, ce qu'ils souhaitent, et de se franciser en même temps?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Bien, comme je l'ai mentionné dans le mémoire, que les membres ont approuvé, c'est que l'intégration, pour le rôle du français, est primordiale en ce qui concerne...

Maintenant, le côté qui touche plus le marché du travail est l'inquiétude de certains membres que des emplois intéressants ne soient pas comblés à cause de certains critères. Maintenant, ça ne veut pas dire que les critères doivent être abolis, ça veut seulement dire qu'il faut une certaine souplesse dans son application pour s'assurer que, dans une phase subséquente, l'intégration, la francisation va se faire. D'ailleurs, la commission joue un rôle à tous les ans de ce côté-là, on investit presque 9 millions de dollars pour s'assurer que les employeurs réalisent qu'ils ont des responsabilités de ce côté-là, alors il y a une liste d'entreprises que l'on aide à faire des opérations de francisation. Alors, c'est l'équilibre entre les deux, de s'assurer qu'il n'y a pas de perte d'emploi, il n'y a pas de postes qui ne sont pas comblés tout en réalisant... Et chacun des membres de la commission nous l'a répété la semaine dernière, lors de notre réunion régulière, qu'il était très, très important, quant à la francisation, de trouver les mécanismes nécessaires pour que cette francisation-là ait lieu, il n'y a pas de doute de ce côté-là.

Au niveau de la reconnaissance des travaux... des travailleurs qui n'ont pas nécessairement toutes les compétences, encore là, l'utilisation du mot «souplesse», ce n'est pas une dynamique où est-ce qu'on veut abolir ces choses-là. Ce que l'on remarque, c'est que le défi de la société québécoise, c'est d'avoir une culture de formation. Un des succès que... une des raisons pour lesquelles l'Allemagne a un succès dans son fonctionnement, c'est effectivement l'utilisation de stages, mais c'est vraiment l'utilisation d'une valeur ajoutée de chacun des travailleurs quant à son développement. Et donc on peut penser que l'Allemagne sont les champions au niveau des voitures, mais ils sont également les leaders dans des trucs aussi simples que les laisses de chien rétractables. Alors, ce n'est pas nécessairement strictement des «top talents». Il en reste tout de même que leur objectif, c'est de développer des compétences chez leurs travailleurs et que cette compétence-là suive la progression des entreprises.

M. Birnbaum : Si je peux ajouter une petite complémentaire, alors, vous touchez à deux choses très importantes dans ma lecture de l'affaire, on parle d'une francisation continue en milieu de travail ainsi que des stages. De votre expérience et selon la lecture de vos membres, est-ce que les entreprises et surtout les PME sont prêts, ils sont au rendez-vous avec ces deux exigences-là?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Ça dépend de la taille des entreprises. Évidemment, vous comprendrez qu'une entreprise avec cinq travailleurs n'a pas les mêmes moyens, solutions qu'une entreprise qui a 500 travailleurs. Donc, le défi, puis ça l'est de façon quotidienne pour les gens d'Emploi-Québec qui accompagnent ces entreprises-là, c'est, dépendant de la taille de l'entreprise, le secteur dans lequel elle se trouve, de pouvoir développer et les aider à faire des projets qui peuvent les aider.

Alors, de ce côté-là, si je prends juste un exemple, les membres de la commission ont lancé une initiative qui s'appelle Investissement-compétences, où on demande aux entreprises, si elles croient dans le développement des compétences, de signer un certificat, signé par le ministre et par le président de la commission. L'avantage de ça, c'est qu'on sait tout de suite que ces entreprises-là veulent aider au développement des compétences. Donc, on essaie de moduler quant à la taille.

Quand on parle de stages, la préoccupation de la plupart des membres de la commission, c'est... on s'entend tous qu'il ne faut pas que ce soient des stages qui ne donnent pas de solution ou de résultat, il faut que ce soient des stages qualifiants qui permettent à ce travailleur-là de pouvoir intégrer l'entreprise et de se développer. Donc, il y a beaucoup de travail à faire au niveau de ce développement, et c'est un peu pour ça que le ministre a mandaté les membres de la commission, pour voir comment est-ce qu'on pouvait développer une approche plus... basée sur les stages. Maintenant, les entreprises vont devoir être accompagnées et vont devoir être sensibilisées à ça pour pouvoir le faire. Et il y en a qui réussissent très, très bien, il y a des exemples dans toutes les régions du Québec.

Le Président (M. Picard) : D'autres questions? Ça va? Il vous reste quatre minutes.

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.

Mme Rotiroti : Alors, merci d'être là, M. Trahan. Vous avez mentionné dans votre mémoire... À la page 4, vous parlez de la reconnaissance des compétences, vous dites que vous souhaitez que la nouvelle politique prenne en considération que le processus de reconnaissance des acquis se fait en amont, même avant que l'immigrant arrive ici. Je voulais vous rassurer qu'on travaille là-dessus, évidemment.

Et je voudrais savoir, la Commission des partenaires, si vous avez identifié des stratégies qu'on pourrait mettre ou des outils qui pourraient nous aider à travailler en collaboration avec les ordres, justement, pour être capables de faire cette reconnaissance plus rapidement et s'assurer effectivement qu'on va garder l'aspect de le faire en amont, même avant que l'immigrant arrive ici, si vous avez des idées que vous pouvez partager avec nous.

M. Trahan (Jean-Luc)  : L'élément important pour la commission, c'est la traçabilité des compétences. Donc, on a eu une expérience intéressante il y a quelques années avec la France quant à la reconnaissance des acquis, il y a beaucoup de choses qu'on a découvertes dans le processus, et je vous indiquerais... Je vous inciterais à peut-être retourner à ces éléments-là ou, de notre côté, à retourner dans nos dossiers pour vous faire des propositions plus particulières, mais il est certain que toutes les missions qui ont été faites avec le gouvernement français et le gouvernement du Québec ont donné des résultats pour s'assurer qu'en amont les reconnaissances... les acquis étaient bien identifiées et qu'on faisait des équivalences correctes. Alors, je vous...

Mme Rotiroti : Ça, vous faites référence toujours à l'entente qu'on a signée avec la France, c'est ça?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Oui.

Mme Rotiroti : O.K., parfait. Merci.

Le Président (M. Picard) : Donc, je cède... Oui? Il reste encore deux minutes.

Mme Weil : Deux minutes, oui.

Le Président (M. Picard) : Allez-y, Mme la ministre.

Mme Weil : La régionalisation, peut-être vous l'avez noté, c'est une orientation, une nouvelle orientation, la première fois qu'on le nomme comme ça, comme l'occupation des territoires, la vitalité des territoires, mais on veut avoir une approche dynamique par rapport à ça, et honnêtement moi, je pense que, quand on parle de régionaliser l'immigration, ça fait un peu déconnecté d'être humains, là, qui vont pour travailler et intégrer un milieu. Comment vous voyez cette vision? Puis ça passe beaucoup par l'emploi, encore une fois. Est-ce que vous pourriez peut-être nous en parler un peu, votre vision de la chose?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Bien, de la façon dont elle est formée, la commission, il y a une commission nationale qui touche tout le Québec, mais dans chacune des régions administratives il y a 17 conseils régionaux. Donc, je vous inciterais à utiliser ces conseils régionaux pour pouvoir identifier des champions, parce que la solution, pour les régions, c'est qu'à partir du moment où il y a un exemple cet exemple-là, en général, est copié, parce que... surtout s'il fonctionne, puis, s'il ne fonctionne pas, quelles modifications on peut apporter, mais il y a des histoires extraordinaires à travers toutes les régions du Québec. Et c'est certain qu'à partir du moment où l'intégration se fait bien en région les gens vont avoir moins de soucis ou moins de préoccupations de s'en aller vers les grands centres. C'est ce que je pense qu'il va arriver si on parle avec les conseils régionaux, qui, eux, avec les comités sectoriels, sont bien au fait des préoccupations des régions et des entreprises qui s'y trouvent.

Mme Weil : Combien de...

Le Président (M. Picard) : Allez-y.

Mme Weil : O.K. L'ouverture des entreprises et des milieux, on a beaucoup parlé... Vous êtes quand même en lien avec tous ces gens-là autour de la table, tout le monde est là. C'est ça, l'avantage de parler avec la Commission des partenaires. Là encore, on a parlé de comment faire en sorte d'ouvrir les entreprises, et les commentaires viennent souvent des gens en région, mais on sait que le problème est aussi ici, à Montréal, ici ou dans les grandes... Québec, Montréal. Mais comment vous voyez le rôle des entreprises? Parce que ce n'est pas juste le gouvernement qui peut... ce n'est pas le gouvernement qui emploie tout le monde, là, c'est... Le gouvernement peut avoir des incitatifs, d'autres mesures peut-être plus contraignantes, mais, les entreprises, voyez-vous une évolution dans l'attitude envers la diversité?

• (16 h 10) •

M. Trahan (Jean-Luc)  : Bien, je pense que oui, mais ça passe par de l'échange d'information. Au même titre que, quand la stratégie des grappes industrielles a été lancée, les entreprises avaient une certaine réticence à partager de l'information, c'est sans doute la même chose en ce qui concerne cette dynamique-là. Alors, les régions, il faut absolument que les entrepreneurs partagent.

Mais il faut comprendre qu'un employeur, par définition, sa raison d'être, c'est de développer son entreprise, alors souvent il n'a pas nécessairement le souci de faire la promotion... Et encore une fois il y a des très, très belles histoires qui existent. Et je pense que le plus grand défi ou l'enjeu, c'est de s'assurer que l'information... — puis je parlais tout à l'heure de l'information sur le marché du travail d'Emploi-Québec — que cette information-là soit vulgarisée et que les entreprises puissent y avoir accès. Aujourd'hui, avec toutes les nouvelles technologies de l'information, il est difficile de comprendre qu'une entreprise qui a une question ne puisse pas la poser et avoir une réponse assez rapidement, sans que ce soit compliqué et complexe.

Mme Weil : Merci, M. Trahan.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : M. Trahan, bonjour. Merci d'être là. Si je n'avais pas eu la liste des personnes qui avaient été consultées relativement à l'élaboration de ce projet de politique, du moins ce document de consultation, j'aurais dit que vous avez nourri, inspiré son canevas et son contenu. Ce n'est pas une critique. La seule chose qui me perturbe relativement à cet exercice, c'est l'accent mis azimuts sur... les énergies mises azimuts sur l'objet immigration, demandes du marché en termes d'emploi.

On a tendance — et ça, c'est une partie des personnes que nous avons entendues ici — à négliger ou à prendre à la légère les impacts de la... je ne dirais pas du manque d'intérêt mais de la négligence du vecteur de la langue. Or, pour moi, le critère de qualité en termes de qualification professionnelle ou technique va de pair avec le critère de la maîtrise de la langue. Je ne vois pas comment, dans un souci de préservation d'un Québec durable, considérant que la fibre première de son identité est sa langue, on négligerait cet aspect-là.

Vous êtes un certain nombre à avoir exprimé ce désir de voir abaisser les exigences en termes de maîtrise de la langue française, et c'est ça qui me trouble un peu. Je suis, comme tout le monde ici, conscient des besoins du marché en termes d'emploi, mais encore il nous manque des éléments tangibles, des études fines pour nous désigner spécifiquement dans quelle sphère d'activité professionnelle, dans quelle région telle ou telle demande est indispensable. Ce travail, il reste à faire. Je posais la question hier à certaines personnes qui sont passées, considérant l'importance qu'ils accordent à leurs propres services de recherche, si depuis des années déjà, à l'aune des demandes qu'ils ont formulées par rapport au flux migratoire, par rapport au seuil migratoire, ils avaient fait faire des études pour savoir spécifiquement et de façon tangible les besoins du marché en termes d'emploi, mais la réponse fut non. D'un autre côté, nous avons une littérature abondante qui nous démontre qu'il n'y a pas adéquation entre les seuils migratoires élevés et les besoins du marché en termes d'emploi. Avez-vous réfléchi à ces deux perspectives-là?

M. Trahan (Jean-Luc)  : D'entrée de jeu, je dois vous dire qu'on n'a pas la prétention de traiter d'autres sujets que le marché du travail. Alors, on n'aura pas de point de vue à savoir si c'est telle chose ou telle autre chose. Nous, ce que l'on fait, strictement, c'est de regarder quels sont les besoins du marché du travail, parce que c'est le job, finalement, de la commission.

Ce qui est difficile pour nous, c'est de dissocier ce que vous mentionnez quant aux besoins du marché du travail et le fait français. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut trouver des mécanismes, des façons de faire qui vont permettre les deux.

Ce que l'on prétend, cependant, c'est qu'il ne faut pas se pénaliser d'entrée de jeu, que ce soit dans les jeux vidéo ou les secteurs d'activité où la priorité, c'est la compétence, peu importe la langue. Ce qu'on dit, cependant, c'est qu'à partir du moment où on attire cet individu-là ou cette personne il faut absolument que cette personne-là soit intégrée et il faut que ça se fasse en français, d'où les programmes que l'on a mis en place, que ce soit sur Electronic Arts ou quoi que ce soit. Alors, les deux doivent être combinés. Alors, il n'y a pas une seule solution qui est basée sur : On prend toute personne, et l'intégration dans le fait français ne se fait pas.

Donc, pour nous, on n'a pas la prétention de traiter de tous les sujets, que ce soit... J'écoutais les personnes qui passaient avant nous. Je n'ai pas la prétention de dire qu'il n'y a que le marché du travail, mais notre responsabilité, en ce qui concerne la commission, ce n'est que le marché du travail.

M. Kotto : Donc, si je vous entends bien, vous êtes pour l'abaissement des critères en termes d'exigence pour le français.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Je parle de souplesse quant à la façon de traiter ces critères-là.

M. Kotto : O.K. Alors, la souplesse, c'est quoi? Est-ce que vous pouvez nous illustrer en fait sur une base pédagogique ce que vous comprenez par «souplesse»?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Si je reviens aux jeux électroniques, si on a besoin de... Je vais illustrer mon propos. Quand la compagnie Ubisoft est venue s'installer ici, il y a des programmes qui ont été développés dans les cégeps pour répondre aux besoins du marché du travail, ça s'est fait. Par la suite, on avait une surabondance de personnes qualifiées qui étaient dans ces cégeps. L'industrie est venue nous voir et a dit : On a besoin maintenant de cours magistraux avec des experts internationaux, donc c'est ce qu'on a financé comme projet pilote. À partir du moment où on a attiré ces gens-là, la plupart de ces cours étaient donnés en anglais, mais il était certain que, si on attirait un maître ici, il devait s'intégrer en français, de ce côté-là.

Alors, quand vous me posez la question précise quant à la souplesse que... il va être très difficile pour moi de vous répondre à ça de façon très, très pointue, et je m'en excuse, mais...

M. Kotto : ...je vous en prie.

Dans votre mémoire, il apparaît, dit-on, «important de situer la Commission des partenaires du marché du travail à l'intérieur de la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale étant donné que celle-ci sera appelée à agir concrètement sur plusieurs aspects pouvant avoir une incidence directe avec le développement de la nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion». Seriez-vous d'avis, dans les circonstances, considérant l'aveu que vous-même avez exprimé à l'instant, que d'autres entités, notamment celles oeuvrant au front de la surveillance de la langue, pas pour brimer les aspirations de... des demandes en termes d'emploi pour le marché, mais que des entités oeuvrant sur le front de la langue et des valeurs fondamentales soient également incluses dans la loi?

M. Trahan (Jean-Luc)  : J'aimerais bien pouvoir répondre à votre question, mais je pense que ce n'est pas à moi de répondre à cette question-là. Je peux parler du marché du travail, mais je ne peux pas parler de d'autres instances, comme je ne voudrais pas nécessairement que d'autres personnes parlent des instances que je dirige. Alors, je vais être obligé de vous mentionner, en tout respect, que je vais laisser à d'autres la possibilité de répondre à cette question.

M. Kotto : D'accord. On parlait des syndicats, autour de la table tout à l'heure, relativement aux exigences du français. Est-ce qu'on peut, selon vous, considérer que ces syndicats, en l'occurrence la CSN, la FTQ, vont dans le même sens que l'ensemble des membres autour de la table de la commission?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Le mémoire que vous avez en main est un mémoire qui a été approuvé par tous les membres de la commission, alors les...

M. Kotto : Mais, sur ce point spécifique, est-ce qu'ils se sont exprimés? Est-ce qu'ils ont exprimé leur désir de voir assouplir, pour reprendre votre terme, les critères?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Ce que vous... Ce qui est dans le mémoire — je pense que c'est ce qui est mentionné quant à la souplesse — c'est un mémoire qui a été approuvé en séance régulière de la commission la semaine dernière. Donc, tous les membres ont signé.

M. Kotto : À l'unanimité, donc, si j'entends bien.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Oui.

M. Kotto : O.K. Et qui c'est qui étaient autour de la table? Est-ce que c'est M. Boyer?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Il y avait M. Daniel Boyer, il y avait M. Jean Lortie de la CSN, François Vaudreuil, Mme Chabot. Mais comprenez-moi bien, là, les gens ont réitéré l'importance de l'intégration et de l'utilisation... Et il ne faut pas minimiser, là, l'importance que les membres... peu importe leur affiliation, que ce soient les syndicats, les employeurs, les groupes communautaires ou l'éducation.

• (16 h 20) •

M. Kotto : O.K. Je reprends un passage de vos recommandations, le français, langue d'intégration : «Toutefois, en regard de la maîtrise de la langue française, la commission juge que le critère de sélection des candidats potentiels relié à un niveau de maîtrise de la langue française doit être appliqué avec souplesse, via un pointage moins élevé dans la grille de sélection pour la maîtrise du français selon le domaine de formation par exemple...» Est-ce que cela sous-entend que ceux des bassins francophones ou francophiles sont moins performants relativement aux besoins du marché?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Aucunement.

M. Kotto : Aucunement.

M. Trahan (Jean-Luc)  : S'ils sont compétents, ils sont compétents, peu importe... Ce n'est pas un critère, là.

M. Kotto : Oui. Non, mais ce que je ne comprends pas... Parce que, s'ils sont compétents, pourquoi on va chercher ailleurs ce qu'on peut trouver là en adéquation avec la maîtrise du français?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Mais, s'ils sont là, et compétents, et parlent le français, ils vont travailler, ils vont... Je ne comprends pas la... À partir du moment où les critères sont établis... Ça sera, j'imagine, au ministère ou à l'employeur de décider ce qu'il en est, mais, pour moi, à qualité équivalente... J'ai de la difficulté à saisir ce à quoi vous voulez en venir. Si un...

M. Kotto : Non, mais... Oui, je vais être plus précis.

Le Président (M. Picard) : 15 secondes.

M. Kotto : Oui, 15 secondes. On dit que les bassins actuels... Prenons par exemple le Maghreb, on a beaucoup de francophones qui nous viennent de là. Est-ce parce qu'ils sont moins compétents que ceux qu'on veut aller chercher ailleurs, qui ne maîtrisent pas le français? C'est ça qui nous pose là?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Non, je pense que les gens qui viennent, qui sont au Québec ou qui viennent, s'ils ont les compétences nécessaires, vont répondre aux besoins du marché du travail. Il n'y a pas de... Les gens du Maghreb sont compétents quant à ce qu'ils ont appris, et il faut reconnaître leurs compétences...

M. Kotto : ...merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Trahan. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Trahan. Peut-être je vais vous laisser répondre à la question du collègue de Bourget, si vous voulez.

M. Trahan (Jean-Luc)  : Oui. La question qui est posée, et c'est là où j'ai une certaine difficulté à... c'est qu'on parle, si je comprends bien, d'immigrants futurs. Alors, à partir du moment où la personne a les critères nécessaires pour venir, cette personne-là va trouver un emploi.

Ce que l'on fait strictement mentionner, c'est que, s'il y a une impossibilité de pourvoir à cet emploi-là avec les compétences du français... on dit : Appliquons une certaine souplesse tout en s'assurant que par la suite cette personne-là va pouvoir s'intégrer en français.

M. Jolin-Barrette : Donc, de développer les ressources une fois que la personne est arrivée ici véritablement pour la franciser. C'est ça?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pour une question d'intendance, je voulais savoir, sur... Au conseil d'administration de la commission, le sous-ministre adjoint à la Francisation et à l'Intégration du ministère de l'Immigration siège. Est-ce que la présente politique a été expliquée ou exposée à la commission préalablement... ou de quelle façon que ça se passe?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Il y a eu des rencontres qui ont... Je mentionnais, dans le document que j'ai soumis, qu'il y a des gens qui ont le droit de vote puis il y a des gens qui n'en ont pas. Donc, les gens qui prennent la décision, c'est les membres votants, qui sont six représentants des employeurs, six représentants des syndicats, trois du communautaire et deux de l'éducation. Les sous-ministres qui assistent à ces réunions-là, sauf le sous-ministre en titre au ministère de l'Emploi, n'ont pas le droit de vote.

Donc, les gens ont été informés, le travail a été fait par le secrétariat de la commission en collaboration pour déposer... pour bien analyser la politique qui a été soumise, et ça a produit le mémoire qu'on vous a soumis.

M. Jolin-Barrette : L'une des responsabilités de la commission est de définir les besoins en développement de la main-d'oeuvre au regard des réalités du marché du travail. Donc, vous avez une expertise pour savoir combien d'emplois sont disponibles en fonction des régions, quels corps de métier vont nécessiter davantage de formation pour le futur.

Selon la connaissance de la commission, combien d'emplois sont disponibles? Et est-ce qu'on doit faire... Dans le fond, est-ce que les seuils d'immigration doivent avoir un lien avec les emplois qui vont être disponibles? Parce que sous l'ancienne planification pluriannuelle on avait établi à 700 000 emplois le besoin de main-d'oeuvre pour les prochaines années, pour les employeurs, pour combler les besoins de main-d'oeuvre, et puis on a vu en mars dernier qu'il allait y avoir création de 250 000 emplois d'ici les cinq prochaines années, puis ce qu'on constate, c'est que peut-être qu'en fait il y a 18 000 emplois qui ont été perdus depuis avril. Donc, j'aimerais juste avoir le son de cloche de la commission sur l'état du marché de l'emploi et les besoins régionaux.

M. Trahan (Jean-Luc)  : L'information sur le marché du travail se trouve sur le site d'Emploi-Québec. Il y a un document qui est produit, qui détermine par régions mais également par métiers les débouchés qui peuvent être rattachés avec ce secteur. Donc, c'est basé sur ça que le document est produit, et c'est ce sur quoi les employeurs ou les syndicats s'inspirent pour pouvoir développer avec nous des programmes.

Maintenant, quant à la question qui est posée quant à la création d'emplois, les projections qui sont faites sont sur une tendance qui va se passer au cours des prochaines années. Alors, comme vous avez pu le voir au cours de cette année, on arrive dans ce qu'on appelle le point de bascule, où il va y avoir moins de création d'emplois parce qu'il va y avoir un vieillissement de la population. Le défi auquel on fait face, c'est, oui, d'avoir création d'emplois par les jeunes qui vont sortir de nos écoles, mais il y a également des gens qui vont partir à la retraite qui vont devoir être remplacés. Alors, il y a deux, trois solutions. C'est les gens qui sont déjà dans l'entreprise qui vont développer de nouvelles connaissances et qui vont développer des nouveaux marchés.

Mais une chose qu'on constate, c'est qu'il y a une mutation du secteur de la main-d'oeuvre qui ne s'arrêtera pas et qui est en... pas en mutation mais qui est en perpétuelle dynamique. Ce que je veux dire par là, c'est que les choses sont en train de changer, et on s'adapte de ce côté-là, mais les besoins primaires, que ce soit au niveau de la soudure... Par exemple, il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans la soudure, et donc il faut trouver des solutions pour pouvoir attirer des jeunes. Une des préoccupations qui existent, pour devenir soudeur, c'est la qualité de vie, c'est également l'organisation du travail. Donc, c'est plus large que strictement les compétences, c'est également relié à l'organisation du travail et de voir comment est-ce qu'on peut combler les départs à la retraite ou les gens qui vont... par les nouveaux développements qui se font.

Puis j'ai en tête... Je visitais la semaine dernière une entreprise dans l'aérospatiale. La concurrence exige que les employés soient dans un programme de formation continue. Donc, ils vont toujours progresser dans leurs compétences, et c'est le défi auquel on fait face.

M. Jolin-Barrette : Vous proposez, dans votre mémoire, de revoir la gouvernance et notamment que la commission puisse donner son avis sur la façon de gérer, la gouvernance, et le programme, et la politique d'immigration. Pouvez-vous définir ce que vous entendez par revoir la gouvernance?

M. Trahan (Jean-Luc)  : Bien, je pense que dans le dépôt de cette politique-là il y a un besoin d'arrimage et d'adéquation entre les besoins du marché du travail... Et donc ce que l'on demande, c'est de pouvoir travailler, continuer à travailler tel qu'on le fait en ce moment, dans une dynamique où on a des objectifs précis d'adéquation. Et est-ce que, de ce côté-là, on peut s'assurer que les pénuries ou... — parce que nous, on ne parle pas nécessairement de pénurie, on parle de rareté de main-d'oeuvre — qu'on puisse s'assurer que, dans les secteurs où il y a rareté de main-d'oeuvre, on soit plus attentif à nos critères ou à nos préoccupations de ce côté-là?

Le Président (M. Picard) : En 20 secondes, M. le député.

M. Jolin-Barrette : Bien, je tiens à vous remercier de votre présence à la commission, c'est grandement apprécié. Merci.

Le Président (M. Picard) : Je vous remercie pour votre exposé.

Et je vais suspendre quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 34)

Le Président (M. Picard) : Nous allons reprendre nos travaux. Compte tenu que le prochain témoin ne s'est pas présenté, nous allons passer au dernier... qui s'est désisté ce matin. Et nous avons fait des recherches pour avoir un autre témoin, puis ça n'a pas fonctionné.

Donc, je me dois d'ajourner les travaux au jeudi 5 février 2015, à 9 h 30, afin de poursuivre notre mandat. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 16 h 35)

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