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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, August 18, 2016 - Vol. 44 N° 62

General consultation and public hearings on the consultation document entitled “Québec Immigration Planning for the 2017-2019 Period”


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Table des matières

Auditions (suite)

Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec

Mouvement Québec français (MQF)

Association canadienne des conseillers professionnels en immigration (ACCPI)

Ville de Montréal

Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité (RQUODE)

MM. Abdelaadim El Hanchi, Abdelghani Dades et Badreddine Filali Baba

Stéphane Tajick Consulting

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Table de concertation des organismes au service des personnes
réfugiées et immigrantes (TCRI)

Autres intervenants

M. Marc Picard, président

Mme Kathleen Weil

M. David Birnbaum

M. Maka Kotto

Mme Nathalie Roy

*          Mme Florence Côté, Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec

*          M. Santiago Risso, idem

*          M. Christian B. Rivard, MQF

*          M. Éric Bouchard, idem

*          Mme Isabelle Vachon, ACCPI

*          M. Louis-René Gagnon, idem

*          M. Lionel J. Perez, ville de Montréal

*          Mme Valérie Roy, RQUODE

*          M. Jean-Luc Gélinas, idem

*          Mme Mélanie Hébert, idem

*          M. Stéphane Tajick, Stéphane Tajick Consulting

*          M. Jean Lortie, CSN

*          Mme Anne Pineau, idem

*          M. Stephan Reichhold, TCRI

*          M. Yann Hairaud, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2017‑2019.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par Mme Roy (Montarville).

Auditions (suite)

Le Président (M. Picard) : Ce matin, nous entendrons les groupes et organismes suivants : le Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec, le Mouvement Québec français, l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration et la ville de Montréal.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants du Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé. Vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Je vous demanderais, dans un premier temps, de vous présenter et de faire votre exposé. Allez-y.

Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec

Mme Côté (Florence) : Merci. Bonjour, je m'appelle Florence Côté. Je suis présidente du Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec et du projet Citoyenneté jeunesse et présidente du forum jeunesse régional Capitale-Nationale. En parallèle, je complète mon externat en médecine à l'Université Laval puis je suis membre du conseil d'administration puis du comité exécutif de l'Université Laval.

M. Risso (Santiago) : M. le Président, Mme la ministre, chers députés, bonjour. Mon nom est Santiago Risso, président du Forum jeunesse de l'île de Montréal et vice-président du réseau des forums jeunesse régionaux et du projet Citoyenneté jeunesse. Et aussi je suis administrateur de Concertation Montréal.

Et, tout d'abord, nous sommes très, très heureux d'être ici parmi vous aujourd'hui. On est très contents de savoir que le gouvernement, il consulte encore la jeunesse. Et d'abord, suite à la commission sur le projet de loi n° 77, nous saluons le fait de retrouver nos recommandations en ce qui concerne notamment la reconnaissance des compétences, l'intégration par l'implication ainsi que la régionalisation de l'immigration. Nous apprécions le fait que nos propositions aient été majoritairement entendues et reprises dans le cadre de la planification. Cela démontre que l'expertise développée il y a plus de 15 ans par les forums jeunesse est toujours utile, et cette instance est toujours pertinente pour le gouvernement.

Dans le même mémoire... Dans le mémoire, en fait, qu'on va vous présenter aujourd'hui, nous allons nous attarder notamment sur les orientations 3, 6 et 7 de la planification, en reprenant et en précisant plusieurs éléments à propos des étudiants étrangers, de la reconnaissance des acquis et des compétences ainsi que de la concertation des acteurs socioéconomiques et municipaux.

• (9 h 40) •

Mme Côté (Florence) : Nous comprenons et partageons l'objectif et la stratégie derrière la volonté d'augmenter la proportion de travailleurs temporaires et d'étudiants étrangers étant ensuite sélectionnés par l'immigration permanente. Mais, pour s'assurer que cette initiative-là soit couronnée de succès, on pense que, d'abord, il faut faciliter et perfectionner l'accès aux conseils en immigration pour les futurs étudiants étrangers.

Dans le journal Le Soleil du 1er août 2016, on nous présentait l'agence Alfabé, qui est une agence spécialisée en demandes d'admission et de bourses pour les étudiants étrangers et surtout une agence spécialisée en fraude, alors qu'elle demande 421 $ pour une demande d'admission qui en coûte 79 $ à l'Université Laval. C'est un exemple parmi tant d'autres, d'agences et de conseillers qui affirment pouvoir faire les démarches à la place de l'étudiant et lui faciliter le travail tout en lui obtenant une place à l'Université du Québec de son choix.

Le noeud du problème derrière cette situation-là, c'est que ces étudiants étrangers ont l'impression que c'est trop difficile de se retrouver dans tous les processus de demandes de bourses, de visas, d'acceptations nécessaires pour venir étudier au Québec. Ils pensent donc qu'ils doivent absolument avoir accès à ces agences et ces conseillers disponibles par Internet dans leur pays. La nouvelle loi en immigration du Québec, qui calque, à ce sujet, la loi canadienne en immigration et en protection des réfugiés, limite l'accès à des conseils de qualité et favorise du même coup l'utilisation de ces fraudeurs.

Comme on l'explique dans notre mémoire, jusqu'en 2013, les employés des universités et des cégeps n'étaient pas considérés comme des conseillers potentiellement fraudeurs et n'étaient donc pas soumis au resserrement de leur formation et de leur reconnaissance parce que, d'une part, ils n'étaient pas rémunérés directement par les étudiants et les demandeurs pour leurs services et parce que ces services ne représentaient pas l'ensemble de leurs fonctions. Mais, en 2013, l'interprétation de la loi a changé et ces raisons aussi. On pense qu'on devrait revenir à cette ancienne interprétation de la loi pour les mêmes raisons, d'autant plus que les conseils dans les universités et les cégeps sont toujours donnés via l'établissement d'enseignement; que les administrations universitaires et collégiales encadrent et surveillent les conseils donnés... et qu'avec les années d'expérience vient l'expertise en matière d'étudiants étrangers; et, finalement, que les coûts associés à la formation et au maintien de la reconnaissance ainsi que la charge financière que représentent les potentielles amendes... sont une charge financière trop importante pour plusieurs universités et cégeps, qui ont déjà commencé, cette année, à réduire l'accès aux conseillers en immigration pour les étudiants étrangers. Comme il s'agit d'une compétence provinciale, on pense que le gouvernement devrait demander au gouvernement canadien d'enlever la notion d'enseignement supérieur de leur loi et s'entendre ensuite directement avec les universités et les cégeps pour assurer au Québec des conseils accessibles et de qualité pour les étudiants étrangers.

De la même manière, beaucoup de candidats au travail et aux études arrivent avec un bagage de compétences, d'expérience et de diplômes. Nous comprenons et approuvons le désir de démêler, faciliter et standardiser la reconnaissance des acquis, mais, dès maintenant, il faut s'assurer de mieux communiquer les lignes directrices actuelles et futures pour éviter les mauvaises surprises et limiter l'impression de s'être fait flouer que peuvent vivre certains immigrants à leur arrivée au Québec. Il faut que ce soit fait évidemment par les conseillers en immigration, mais aussi, surtout avec la diminution des conseillers à prévoir, par des campagnes, des infos visuelles et des fiches pratiques qui pourraient être consultées directement par les candidats avant même leur demande d'immigration.

M. Risso (Santiago) : O.K. En lien avec l'orientation n° 6 de la planification, on mentionne, dans le document de consultation de la planification de l'immigration au Québec, que le gouvernement veut maintenir, pour la période 2017‑2019, le taux d'acceptation de jeunes arrivants à 65 %. Évidemment, ce taux élevé est nécessaire afin de ralentir la tendance du vieillissement de la population et ainsi avoir un impact positif au niveau économique et social de notre province. En considérant un taux aussi élevé de nouveaux jeunes immigrants, il est primordial de bien prendre au sérieux l'intégration des jeunes et de nous doter des outils nécessaires pour réussir une intégration réellement ouverte. En 2015, le Secrétariat à la jeunesse indiquait, dans son document de consultation pour la politique québécoise de la jeunesse que, je cite, «en plus de la participation politique, la participation sociale des jeunes aux activités de leurs communautés contribue également de façon importante à leur intégration». Donc, le Réseau des forums jeunesse recommande que le MIDI travaille en étroite collaboration avec les forums jeunesse. Nous proposons pour le gouvernement d'utiliser les instances démocratiques régionales qui sont les forums jeunesse. Notre expertise développée dans les 15 dernières années en matière de participation citoyenne en concertation pourrait être un atout pour le gouvernement afin de mieux intégrer les nouveaux arrivants, notamment dans nos activités de mobilisation, nos activités locales et régionales et aussi notre représentation au niveau de la jeunesse, et surtout, et surtout, par notre philosophie de par et pour les jeunes.

Mme Côté (Florence) : D'ailleurs, les forums jeunesse régionaux et leurs parrains, les CRE, font déjà partie de l'ADN des planifications pluriannuelles en immigration. Celle de 2005-2008 déjà nous identifiait comme partenaire incontournable, et, cette année encore, on parle encore davantage de régionalisation de l'immigration, et on veut, pour ce faire, concerter les acteurs socioéconomiques et les municipalités de chacune des régions du Québec. Mais, après l'abolition, dans les deux dernières années, des CRE, des CLD, des bureaux régionaux du MIDI, des forums jeunesse régionaux, après la diminution des enveloppes budgétaires des municipalités et des MRC, il faut se demander : Il reste quoi pour la régionalisation en immigration?

Les organismes en régionalisation de l'immigration basés à Montréal doivent se donner les moyens de rejoindre réellement et efficacement les acteurs régionaux. C'est vrai que la concertation est la clé, mais qui vont être les chefs d'orchestre? Ce qu'on vous propose, c'est des ententes spécifiques avec les forums jeunesse régionaux, Place aux jeunes en région, et la FQM notamment ainsi qu'un travail parallèle pour structurer une solution à long terme pour la régionalisation de l'immigration selon des objectifs concertés régionalement.

M. Risso (Santiago) : Donc, pour conclure, on voulait simplement vous remercier encore une fois de consulter la jeunesse et d'affirmer encore la collaboration des forums jeunesse avec le ministère de l'Immigration. Donc, on est vraiment prêts à travailler avec le MIDI.

Le Président (M. Picard) : Merci. Merci. Je vais céder la parole à Mme la ministre pour une période de 16 minutes.

Mme Weil : Oui. Alors, rebonjour, donc, Florence Côté, Santiago Risso. Merci beaucoup de vous intéresser... il faut que je parle dans le micro parce que vous entendez un léger bruit derrière nous, on s'en excuse. Mais on est contents que vous soyez là, mais très, très contents aussi que vous vous intéressiez à l'avenir du Québec par l'immigration et que vous souhaitiez y jouer un rôle, parce que vous êtes devenus des gens, des interpelants... j'oublie le mot, là... qui regardez les choses de très près. Je regarde tout ce que vous dites sur le mouvement des étudiants, mouvement dans le sens de ceux qui veulent venir ici, rester ici, puis vous portez attention à ça.

Pour ce qui est des conseillers, j'essaie de comprendre la préoccupation. Vous savez que la loi est déjà adoptée par le gouvernement fédéral et que les conseillers universitaires se sont déjà pliés à la loi et se sont ajustés. Mais on vous rassure que nous, on travaille en étroite collaboration avec ces personnes-là, et on les connaît depuis longtemps, ils sont très connaissants, très, très connaissants. C'est l'expérience que j'ai en échangeant avec ces conseillers, ils sont vraiment capables d'orienter les étudiants sur différents aspects.

Mais vous touchez aussi — et, je crois, c'est ça que je vois dans votre mémoire — à la mobilité internationale. Ça, c'est l'autre partie de la réforme du PTET, on s'est déjà exprimés là-dessus auprès du gouvernement fédéral, qui porte une attention particulière à cette problématique. Comme vous dites, il faut que ces gens, ces étudiants puissent venir ici, c'est des stages importants pour eux et pour nous. Alors, ça, c'est un dossier mobilité internationale qui a été pris, si vous voulez, dans l'engrenage de la réforme du PTET. Alors, on fait nos représentations. Merci d'en parler et d'évoquer cette problématique.

Vous avez vu notre orientation sur... 40 % de nos travailleurs qualifiés seraient issus de la filière, si vous voulez, étudiants étrangers et travailleurs temporaires. Est-ce que vous aviez une inquiétude que ça pourrait nuire à l'atteinte de cet objectif ou... Quelle était votre crainte par rapport aux conseillers?

Le Président (M. Picard) : Mme Côté.

• (9 h 50) •

Mme Côté (Florence) : En fait, c'est que, dans le cadre de cette orientation-là, on souhaitait s'exprimer sur la facilité pour les étudiants étrangers ou, en fait, la difficulté pour les étudiants étrangers de venir d'abord ici avant même d'être sélectionnés parmi 40 %. On comprend qu'en effet les conseillers en immigration, dans les universités puis les cégeps, sont très compétents, puis ça, on ne le nie vraiment pas.

L'enjeu qu'on a vu soulever, au moment de l'adoption de la loi en 2013, c'est que les universités et les cégeps ont eu des craintes par rapport aux amendes possibles si des employés, qui n'étaient pas considérés comme des conseillers parce qu'ils n'avaient pas reçu la formation ou parce qu'ils n'avaient pas le statut préalable nécessaire... Si les employés voulaient donner des vrais conseils, ils ne pouvaient pas le faire, il fallait absolument que ce soient des informations neutres, puis ça a donné lieu a un certain... un petit chaos dans certaines des universités puis des cégeps de la province puis même du Canada au complet. Puis, pendant un certain temps, même, certaines universités ont refusé de parler aux immigrants pendant quelques mois, le temps de bien comprendre, avec leurs propres avocats, l'indication de la nouvelle loi. Donc, c'est simplement ça. On ne dit pas que les conseillers en immigration reconnus ne sont pas compétents, loin de là, on dit simplement que les autres employés, qui ne sont pas reconnus comme tels, comme des conseillers, ont tout de même une expertise et une expérience antérieure en matière de conseiller les étudiants étrangers.

Mme Weil : Et il y a le ministère de l'Immigration aussi, hein?

Mme Côté (Florence) : Oui.

Mme Weil : Alors donc, je vous dirais qu'on a beaucoup, beaucoup de contacts, et on les aide rapidement. Quand vous dites : Des lenteurs ou de la bureaucratie, parce qu'il y a deux paliers de gouvernement qui traitent de ça... Donc, le ministère s'assure de traiter leurs cas de façon rapide. On a ce souci-là, parce que les universités et les cégeps sont assez... on le comprend, ils ont besoin de savoir exactement combien d'étudiants vont étudier dans leurs institutions au mois de septembre ou à la fin du mois d'août. Alors, on a cette préoccupation-ci, on s'assure que le système roule bien.

On va parler peut-être de la reconnaissance des compétences, donc votre préoccupation à cet égard aussi. Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer sur cette question, vos constats, votre expérience par rapport à ces problématiques de reconnaissance des compétences?

Mme Côté (Florence) : Oui. Bien, en fait, c'est encore une fois une recommandation qu'on porte un peu en parallèle avec l'orientation qui est énoncée, parce qu'on reconnaît puis on est très d'accord avec le fait de gérer, là, avec les ordres professionnels puis avec les employeurs, avec les universités, toute la reconnaissance des acquis et des compétences, puis on ne veut pas nécessairement s'exprimer sur quelles compétences et quels acquis devraient être reconnus ou pas.

Par contre, on entend toujours des histoires, puis on en voit nous-mêmes dans notre entourage, mais de gens qui arrivent avec une idée préconçue de quelle reconnaissance de leurs acquis et compétences va leur être accordée, puis finalement ça ne s'avère pas exactement le cas. Ça occasionne quand même des déceptions, ça occasionne aussi des problèmes au niveau de la prévision. Quand on dit, par exemple, à un médecin étranger qu'il va pouvoir venir ici parce qu'on a des besoins de médecins, mais que finalement il y a un délai, il faut qu'il passe par d'autres endroits où il n'avait pas prévu passer, ça nuit à tout le monde, finalement, là, dans leurs prévisions des effectifs.

Mme Weil : Alors, juste vous rassurer que c'est une grande préoccupation, je vous le dirais, c'est même central dans la nouvelle politique et stratégie d'action. Donc, il y a un comité interministériel qui va déposer un rapport très, très bientôt des suites à donner à ça. Et l'objectif ultime, c'est la reconnaissance totale ou presque totale avant l'arrivée, au moins une voie tracée sur : Bon, voici ce que vous avez à faire.

Maintenant, les ordres professionnels, nous, on finance un programme pour les aider dans la reconnaissance des acquis, des compétences. Il faut savoir que c'est à peu près 10 % de notre immigration qui se destine à un ordre professionnel, près de 10 % aux métiers réglementés, mais tout le reste, c'est des travailleurs qui ont des compétences, une expérience qui... et les employeurs ont un peu de difficultés ou beaucoup de difficultés à reconnaître le diplôme et l'expérience. On travaille, donc, ces trois voies-là avec des recommandations. Il y a une intention ferme d'aller plus loin. Il y a la ministre de la Justice qui a déposé un projet de loi aussi concernant les pouvoirs du commissaire aux plaintes, qui, lui, examine ces dossiers-là.

Il y a beaucoup, quand même... Je tiens à le dire publiquement, il y a quand même beaucoup de progrès qui a été fait ces dernières années, depuis le rapport Bouchard-Taylor, mais même avant, c'est... Mais l'important, c'est que tout le monde travaille ensemble, parce qu'il y a beaucoup de ministères qui sont dans ce dossier. Mais merci aussi de vous préoccuper de cette question.

Bon. Vous êtes vraiment les personnes toutes désignées pour parler du programme de l'expérience québécoise. Vous avez évoqué les problématiques. J'aimerais peut-être vous entendre sur l'aspect positif de cet objectif, là, 40 % qui seraient des jeunes, et le rôle aussi du... vous souhaitez jouer un rôle, aussi, à l'avenir, par rapport à cette orientation, parce qu'évidemment il y a un nombre important d'étudiants étrangers qui sont partout au Québec... et peut-être faire le lien avec les régions aussi. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire à cet égard.

Mme Côté (Florence) : Bien, en fait, oui. On parle du 40 % ou du 65 %, mais, dans les deux cas, on parle, si on parle d'étudiants étrangers ou des jeunes de moins de 35 ans qui vont être reconnus comme immigrants permanents, on parle de jeunes. Puis on pense, comme on l'avait dit, en fait, en février, que, pour bien intégrer des jeunes, comme n'importe qui, mais des jeunes, entre autres, dans la communauté, il faut qu'ils aient l'impression de pouvoir avoir un impact sur leur communauté. Puis, de la même manière, les jeunes, qu'ils soient nés au Québec ou pas, doivent avoir l'impression, pour avoir un sentiment d'appartenance à leur région puis vouloir y revenir... il faut qu'ils aient l'impression de justement avoir un impact dans leur région.

Puis c'est, entre autres, ce que les forums jeunesse régionaux s'efforcent de faire d'année en année, mais c'est vraiment de réunir autour d'une même table des jeunes qui proviennent de tous les secteurs économiques, de tous les secteurs d'activité, de tous les secteurs territoriaux et de tous les horizons, finalement, puis de les faire travailler ensemble à leur région, à donner des conseils à leurs municipalités, à travailler ensemble, finalement, à parler aussi au gouvernement provincial, puis à organiser des activités en concertation avec les autres organisations jeunesse, en concertation avec les universités et les associations étudiantes, puis d'organiser des activités politiques, mais pas seulement des consultations, aussi, simplement, de la mobilisation, parler d'enjeux, se poser des questions. Puis tout ça ensemble fait en sorte qu'immigrants ou pas tout le monde peut avoir l'impression d'avoir un réel impact sur son milieu puis vouloir rester dans sa région, vouloir la voir foisonner puis vouloir y mettre des efforts.

M. Risso (Santiago) : Pour nous, en fait, c'est vraiment important de créer des liens. Intégrer les jeunes en silo en faisant des activités juste pour les nouveaux arrivants, pour nous, ce n'est pas suffisant. Il faut qu'on soit capables de créer des liens avec les nouveaux arrivants, avec les jeunes Québécois qui sont déjà impliqués dans leur communauté.

Donc, pour nous, on pense que la participation citoyenne, c'est un bon moyen pour intégrer les jeunes. Justement, c'est pour ça qu'on a cité le Secrétariat à la jeunesse. Je pense que le gouvernement, par cette... il croit aussi que la participation citoyenne, la participation politique, la participation à une communauté, c'est un incontournable au niveau de l'intégration. Et, au-delà des connaissances de comment ça fonctionne, la société, tout ça... mais ça peut être aussi banal qu'aussi ça peut être une façon pour les nouveaux arrivants d'être en contact avec des francophones aussi. Ça va aider à la francisation aussi des nouveaux arrivants.

Si je peux me permettre, Mme la ministre, un petit commentaire par rapport au dernier point, notamment par rapport à la reconnaissance des acquis, on sait très bien que... quand la politique est sortie, je pense que c'était un grand point qui était ressorti et très intéressant, d'ailleurs : c'est de travailler en collaboration, justement, avec les ordres professionnels. Nous, notre crainte, c'est jusqu'à quel point les ordres, ils sont prêts à travailler, justement. C'est ça, notre crainte, en fait.

Moi, malheureusement... c'est très personnel, mais je l'ai vécu quand même, ma mère étant professeur de français en langue seconde, ayant un diplôme français... moi, je suis Uruguayen d'origine... mais elle avait quand même fini ses études en Uruguay... on a été acceptés il y a 14 ans au Québec. Une des raisons pourquoi on a été acceptés, c'est parce que, bon, ma mère avait un métier qui était en demande au Québec. Quand elle est arrivée pour faire revalider son diplôme, ce n'était pas possible. Il a fallu qu'elle refasse des études. Aujourd'hui, elle est chargée de cours à McGill, là, mais elle a fait des études, elle a fait une maîtrise pour y arriver, quand même. Avec une famille, c'est pire. Là, ça peut parler très personnel puis être un cas isolé, mais ça arrive très souvent. Donc, c'est primordial pour nous.

• (10 heures) •

Mme Weil : En effet, l'expérience que votre mère a vécue, c'est une expérience que j'entends beaucoup. Mais il y a quand même eu, depuis ce temps-là, beaucoup, beaucoup de progrès à cet égard. Mais c'est important parce qu'il reste, évidemment, encore des cas particuliers, que j'entends, de gens qui sont arrivés tout récemment. Mais des programmes qui ont été mis en place de reconnaissance des diplômes, là, il y a vraiment beaucoup de progrès.

Mais, en bout de ligne, il y a aussi cette question de... le 80 %. Ce n'est pas des ordres professionnels, c'est vraiment des gens qui ont un diplôme et une expérience de travail. Et il y a une réticence. On ne peut pas savoir est-ce que c'est de la méfiance, est-ce que c'est de la discrimination. Il y a une étude de la Commission des droits de la personne... Est-ce que c'est tout simplement que la personne n'est pas capable de reconnaître ses compétences et qu'il a besoin d'accompagnement? Quoi qu'il en soit, on nous recommande un accompagnement plus serré. Là aussi, il y a beaucoup de travail qui a été fait, mais c'est évident qu'il nous reste encore du travail à faire.

Ce qui m'amène à vous poser la grande question, on en parlait beaucoup : l'attitude envers la diversité, les attitudes envers la diversité. Notre jeunesse est toujours... c'est notre avenir. Et notre jeunesse, je pense que tout le monde partage ce grand espoir. On le voit chez nos jeunes, leurs attitudes face à la diversité, qu'ils ne voient pas la différence. Ils ont été élevés dans des milieux de diversité, parce que les écoles sont remplies de... c'est des mini-Nations unies, avec une langue commune, le français.

J'aimerais vous entendre. Vous êtes des jeunes. Parlez-nous de ça, autant dans des milieux urbains que dans les régions, vos constats. Vous voyez une demande de jeunes personnes qui demandent une commission d'enquête sur la discrimination et ce qu'on appelle le racisme systémique. Il y a eu beaucoup de jalons au fil des années pour améliorer les attitudes envers la diversité, les immigrants, pour contrer le racisme. Bon, j'ai énuméré ces actions au fil des années, mais j'aimerais vous entendre parce que vous êtes deux jeunes. On n'a pas beaucoup de gens qui viennent ici représenter les jeunes. Si vous pourriez me dire comment vous voyez les attitudes envers la diversité... parce que c'est la clé, hein, du succès.

Mme Côté (Florence) : Oui. Bien, en fait, on peut revenir un peu à ce qu'on disait, mais on pense que c'est la mixité, comme vous dites, c'est la mixité sociale qui va faire l'acceptation, par l'expérience, par le fait que les gens vont se rendre compte... puis comme les jeunes s'en rendent compte en étudiant ensemble, comme vous le dites, mais que les jeunes, que tout le monde de la société va se rendre compte justement des compétences que les uns et les autres peuvent apporter autour d'une table.

Dans les régions, ce qui est plus difficile depuis, bon, quelques dizaines d'années, c'était évidemment qu'il y avait moins d'immigrants qui se retrouvaient en région, que les régions sont majoritairement blanches et catholiques. Par contre, avec l'objectif de régionalisation de l'immigration, qui veut diriger directement des immigrants dans les régions en fonction des besoins, donc avoir un immigrant qui aura directement un emploi ou qui se destinera justement à un travail dans sa communauté, on pense que c'est bénéfique. Si c'est bien fait, c'est bénéfique parce que ça va justement mettre en contact plus d'immigrants avec plus de gens des régions. On mentionnait, en février, les statistiques quand même impressionnantes d'immigrants qui se ramassent, à peu près à 75 %, dans la grande région de Montréal, et, après ça, un petit peu parsemés un petit peu partout. C'est le même principe, là, qui fait en sorte que les régions ont moins de contacts avec les immigrants. Puis on a beau discuter dans l'espace public, on a beau discuter, à la télévision, des immigrants, l'acceptation, il n'y a rien qui vaut l'expérience.

Mme Weil : Merci. Je vais céder la parole à mon collègue de...

Le Président (M. Picard) : Il reste seulement une minute.

Mme Weil : Ah? on nous avait dit quatre minutes.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Et merci à Mme Côté et M. Risso. Une autre prestation très lucide et intéressante comme l'autre fois que vous... dont vous étiez ici.

J'ai envie, dans le peu de temps qui reste, prendre l'autre côté de la question de Mme la ministre et de vous inviter, de votre expérience, de parler brièvement des étudiants de l'étranger et qu'est-ce qui est dans leur âme, dans leur esprit. Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour augmenter le monde, le pourcentage de jeunes d'extérieur qui décident de rester chez nous et, dans votre cas, de rester en région? C'est quoi, les plus gros obstacles et comment on peut vous aider à les aider à faire le choix du Québec?

M. Risso (Santiago) : Je peux commencer. En fait, une des questions, c'est juste au niveau des statuts de cette personne-là, de cet étudiant-là quand il arrive au Québec. Des fois, quand il a juste un visa d'étudiant, le temps est très limité, s'il ne peut pas travailler non plus, c'est des choses qui... c'est difficile pour lui aussi de se «voyer» comme un résident à long terme ou à moyen terme aussi. Donc, il faut effectivement donner plus des outils à ces jeunes-là pour qu'ils soient capables de mieux s'intégrer, de vivre comme un résident permanent au Québec, donner ces outils-là justement pour qu'ils puissent travailler puis puissent apporter à la société pendant son séjour étudiant. On pense qu'en fait les étudiants étrangers, c'est une bonne façon d'aller chercher un type d'immigration qualifiée aussi. Puis je pense que c'est avantageux pour la société à long terme.

Mme Côté (Florence) : Je dirais, dans le document même de consultation, on le mentionne quand même assez bien, là, il y a toute une partie qui dit à quel point les étudiants étrangers sont des bons candidats à l'immigration permanente parce que, de base, bien, ils ont déjà vécu une certaine partie de l'expérience québécoise. Mais, comme le dit mon collègue Santiago, il faut essayer de bonifier le plus possible cette expérience québécoise là pour leur donner le goût de rester parmi nous. C'est sûr qu'on pourrait aborder, là, les côtés, bien, de droits de scolarité, ce que les associations étudiantes apportent en particulier, là, sur les impôts postétudes puis tout ça, mais ce n'est pas vraiment pour ça qu'on est ici, on n'est pas en train de parler au ministère de l'Éducation, on n'est pas les associations étudiantes. Donc, nous, on se concentre vraiment dans le discours sur le fait que bonifier l'expérience pendant qu'ils sont ici, ça va leur donner le goût de la continuer plus longtemps.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 9 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Alors, Mme Côté, M. Risso, soyez les bienvenus et merci pour la contribution, l'ensemble de l'oeuvre, en somme.

Je voudrais revenir sur... à la page 8 de votre mémoire... 6, dis-je, de votre mémoire, la première, la toute première recommandation, pour rebondir sur le premier échange que vous avez eu avec la ministre. Donc, la recommandation 1 est à l'effet «que le gouvernement québécois demande au gouvernement canadien de retirer les établissements postsecondaires de l'ajustement sur l'encadrement des conseils en immigration; que le MIDI collabore avec les administrations collégiales et universitaires pour encadrer les conseils en immigration donnés au sein des établissements d'enseignement supérieur». Est-ce que vous pouvez élaborer davantage pour la bonne compréhension des personnes qui nous écoutent?

Mme Côté (Florence) : Oui. Dans les fait, comme on l'expliquait, jusqu'en 2013, alors que la loi canadienne a été adoptée et en fonction, les employés des universités puis des cégeps étaient exclus, là, de l'application de la loi, donc étaient exclus du fait de devoir se former à 4 000 $ d'abord, puis 2 000 $ par année pour avoir une formation spécifique, étaient exclus des amendes potentielles s'ils contrevenaient à ladite loi parce qu'on considérait qu'au sein des établissements d'enseignement ces conseillers-là étaient tellement ciblés puis tellement hors du champ global de conseillers en immigration qu'ils n'étaient pas potentiellement fraudeurs, que, si c'était un employé de l'université dans le cadre de ses fonctions qui répondait à un étudiant sur comment bien s'y retrouver dans sa demande visa, ça ne faisait pas partie, là, des potentiels fraudeurs qu'on voulait contrer avec la loi canadienne et avec la loi québécoise par la suite.

Donc, ce qu'on croit, c'est qu'en effet il faut se pencher sur les conseillers en immigration au sein des établissements d'enseignement supérieur, sauf que, de les contraindre à exactement les mêmes choses que les conseillers en dehors des établissements d'enseignement supérieur qui répondent à toutes sortes de questions pour toutes sortes d'immigrations différentes, ce n'est pas exactement la manière la plus efficace de fonctionner pour les étudiants étrangers. Donc, ce qu'on proposait, c'était justement de pouvoir faire un ajustement spécifique dans les établissements d'enseignement supérieur dans le cas des étudiants étrangers, dans le cas des conseils donnés dans les établissements d'enseignement supérieur. Mais, au final, ça a l'air très pointu, mais, ce que ça permet, c'est tout de même de répondre à des centaines d'étudiants étrangers dans toute la province du Québec de manière plus efficace et plus personnalisable et personnalisée.

M. Kotto : Étudiants étrangers déjà intégrés maîtrisant...

Mme Côté (Florence) : ...

M. Kotto : Voilà. Avez-vous fait des représentations au niveau fédéral avant que le cadenas ne se ferme?

Mme Côté (Florence) : Malheureusement, non. Par contre, des associations étudiantes l'ont fait. Mais, nous, à l'époque, là... les forums jeunesse régionaux sont relativement très provinciaux dans leur action. À l'époque, évidemment, on ne siégeait pas dans les forums, donc je ne sais pas personnellement exactement ce qu'il s'est dit à ce moment-là.

M. Kotto : Et les associations qui ont, disons, exprimé ce besoin, considérant la portée structurante de sa finalité, est-ce que ces associations ont été, selon ce que vous en savez, entendues, écoutées ou ignorées tout simplement?

Mme Côté (Florence) : Il faudrait demander entre autres à la FAECUM. Je sais que la FAECUM était sortie à ce sujet dans les dernières années, mais manifestement la loi est fonction. Je sais que des universités ont fait des représentations aussi. Il y a des universités, à l'époque, là, surtout du milieu canadien-anglais, là, mais qui avaient exprimé leur malaise, qui avaient dit : On va devoir réduire, au moins pendant quelques mois, notre offre de services pour les conseils en immigration aux étudiants étrangers. Donc, je sais qu'à l'époque ça avait fait un certain bruit. Ça l'a fait ensuite, dans les années suivantes aussi, quand on a vu l'impact, puis ça a continué d'en faire un petit peu. Mais c'est sûr que, comme disait Mme la ministre, les universités se sont adaptées. Il y a des conseillers en immigration qui sont présentement actifs et qui répondent à la loi. Par contre, ils sont en nombre moins nombreux, puis les employés qui ne sont pas des conseillers en immigration sont limités plus qu'avant dans leurs fonctions.

M. Kotto : O.K. Tout ceci, parce que c'est la raison pour laquelle que je voulais que vous élaboriez davantage pour les personnes qui nous écoutent, parce que, très souvent, nous proposons que le gouvernement, l'État québécois, ait la pleine mesure de ses politiques en immigration, qu'il soit maître d'oeuvre à ce chapitre-là de a à z, ce qui éviterait ce genre de malentendu. C'est une belle illustration.

Mon autre point, ce que... avant vous, d'autres, dans l'absolu, considèrent que l'orientation 3 est une bonne chose. L'orientation 3, qui est à l'effet d'augmenter à au moins 40 %, en 2019, la proportion de personnes immigrantes de 18 ans et plus de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés sélectionnés ayant un statut de travailleur temporaire au Québec au moment de leur sélection ou d'étudiant étranger.

Mais je vais m'arrêter sur le profil travailleur temporaire, qui est de juridiction fédérale, comme vous le savez. Et ce qui me titille un peu, c'est le fait que les temporaires n'ont pas l'obligation d'envoyer leurs enfants à l'école française. Ils peuvent les envoyer à l'école anglaise sans problème. Et je ne vois rien dans le document traitant de cette équation difficile à résoudre, parce que je ne sais pas si on a la réponse à cela. Il n'y a rien qui oblige les travailleurs temporaires à envoyer leurs enfants à l'école française. Donc, il y a là une faille. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

• (10 h 10) •

M. Risso (Santiago) : Mais effectivement, il y a une faille puis, comme vous dites, étant donné que ça devient au gouvernement... ça fait partie du gouvernement, un des pouvoirs du gouvernement fédéral, comme vous dites, par rapport aux travailleurs temporaires. C'est sûr que oui, exactement, on ne s'est pas attendu spécifiquement à ces réponses-là, mais, dans tous nos documents, on parle quand même de l'importance de la francisation puis comment y arriver aussi, là.

Mme Côté (Florence) : On n'a pas la solution plus que vous. C'est un bon problème que vous nous apportez, mais c'est sûr que les forums jeunesse régionaux sont persuadés que travailler en français, ça aide aussi à l'intégration en français.

M. Kotto : O.K., là, je vais aller au coeur du sujet qui nous occupe : c'est les seuils d'immigration. Vous avez entendu depuis quelques mois déjà les oscillations relativement aux cibles notamment exprimées par le premier ministre, qui avait envisagé d'augmenter les seuils, passant de 50 000 à 60 000.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste deux minutes.

M. Kotto : ...et ce, en porte-à-faux avec la ministre, qui, elle, attendait la tenue de cette commission pour statuer sur la question. À 50 000 déjà en moyenne, il est avéré que nous n'avons pas la totalité des moyens ou des ressources pour un accompagnement réussi en intégration en emploi et en francisation. Est-ce que vous avez pris, disons, comme conscience de ces deux enjeux-là?

Mme Côté (Florence) : Oui, on le mentionnait, en fait, en février aussi. On mentionnait le fait qu'entre autres que le CPMT, là, qui finançait, en lieu de travail, les activités de francisation n'avait plus de fonds dans sa cagnotte qu'ils utilisaient jusqu'à présent pour ce faire et qu'il demandait à ce moment-là au MIDI de palier et qu'il s'attendait à ce que le MIDI pallie finalement aux coûts inhérents à ces formations de francisation en lieu de travail. Donc, c'est à l'époque quelque chose qu'on avait soulevé, les manques de fonds. De la même manière, l'absence de bureaux régionaux du MIDI par coupures financières est problématique. Donc, on ne veut pas s'attarder nécessairement au nombre d'immigrants, parce que, comme on l'a dit tout à l'heure, avoir des immigrants, surtout jeunes, ça aide à renouveler le bassin jeune de la population, à continuer d'avoir une bonne population dynamique. Par contre, au point de vue des moyens financiers, pour bien les accueillir, c'est certain que c'est quelque chose auquel il faut s'attarder.

M. Risso (Santiago) : Effectivement, ce n'est pas une question des seuils. Il faut juste que, si on décide d'augmenter, je pense que le Québec a besoin de ça, mais il faut que les ressources, elles viennent avec, effectivement. Puis on le sait d'ailleurs que ce n'est pas la première fois que les ressources, elles manquent, là, et notamment en 2012, quand le gouvernement, il avait décidé de couper, si je ne me trompe pas, d'environ 50 % dans les cours de francisation. Donc, si on décide d'augmenter les seuils, bien, effectivement, il faut qu'il y ait des ressources qui viennent avec.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville pour une période de 6 min 30 s.

Mme Roy  (Montarville) : Et demie.

Le Président (M. Picard) : Et demie.

Mme Roy  (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Madame, monsieur. Merci d'être là. Je me souviens de vous, on s'est vus il y a quelques mois déjà. Vous m'aviez d'ailleurs impressionnée par votre présentation. Dans celle-ci, ce que je comprends bien, puis je vais aller à la page 10, pour les gens qui nous écoutent, là. Tu sais, je vulgarise rapidement, là, tout le mémoire, très, très rapidement. Vous voulez être un acteur beaucoup plus présent dans tout le dossier de l'immigration en région, on le sent, là, on sent vraiment que c'est le message que vous nous communiquez aujourd'hui. Et vous aussi, vous dénoncez les coupes importantes qui ont eu lieu... Ça, c'était en 2015. Et on parle entre autres des CLD, des bureaux régionaux du MIDI, de Force Jeunesse. Sachez que...

Une voix : Forum.

Mme Roy (Montarville): Forum, pardon. Excusez-moi, c'est un lapsus... de forum jeunesse et... pour que vous sachiez... à l'époque, nous avons aussi dénoncé, parce qu'on considère que c'est des instances qui sont importantes, qui sont de première ligne, qui sont la porte d'entrée souvent dans les régions. Alors, que vous le sachiez que là-dessus, on est sur la même longueur d'onde.

Vous nous dites : Il faudrait «s'assurer que le MIDI restructure des liens régionaux et municipaux. Cela pourrait se faire notamment via des ententes avec les forums jeunesse régionaux...» Alors, pour le bénéfice des gens qui vous écoutent, pourriez-vous nous dire quel est le rôle actuellement des forums jeunesse relativement à toute l'immigration, quel est le rôle que vous souhaiteriez avoir.

M. Risso (Santiago) : Mais, présentement, au niveau du rôle de l'immigration, effectivement, ce n'est pas nécessairement notre expertise. Notre expertise, c'est la participation citoyenne. Par contre, lorsque les forums jeunesse, ils géraient le Fonds régional d'investissement jeunesse, donc les fonds publics dédiés à la jeunesse, financièrement, on était capables de mettre en place des initiatives pour les jeunes immigrants, notamment, si je prends un exemple, en employabilité. Par exemple, au Forum jeunesse de l'île de Montréal, ont financé, en collaboration avec le MIDI à l'époque, étant donné qu'on n'a plus le financement maintenant... on a fait un projet ensemble en concertation avec Intégration jeunesse du Québec. Donc, c'est un projet qui consistait à insister les entrepreneurs, soit des organismes communautaires ou même des entrepreneurs privés, inciter à donner un cachet pour qu'ils embauchent des jeunes immigrants. Ça, c'est un exemple de comment on peut... on aidait à l'époque.

Aujourd'hui, notre place, c'est plus au niveau... Il y aurait plusieurs possibilités. Une des possibilités, ça serait au sein... comment impliquer davantage justement les gens, les nouveaux jeunes immigrants à des instances comme les forums jeunesse pour qu'ils vivent et participent à la vie active, à la vie citoyenne de notre communauté.

Tu veux ajouter quelque chose?

Mme Côté (Florence) : On avait aussi pensé à quelque chose qu'on fait déjà, mais c'est des ateliers dans les écoles secondaires et dans les cégeps, donc des ateliers qui traitent en particulier, la plupart du temps, de la démocratie, le vote, les élections, comment ça fonctionne, les différents paliers de gouvernement au Québec. On va dans des classes de francisation pour le faire, entre autres, mais on va aussi dans des classes normales parce qu'au secondaire tout le monde a besoin d'apprendre ces choses-là. Mais on voudrait continuer de le faire puis perfectionner aussi ce créneau-là, parce que plus les jeunes, en francisation ou ailleurs, ont accès tôt à ces informations-là, plus ils peuvent se prendre en main justement dans leur participation citoyenne jeunesse et future.

Mme Roy (Montarville) : Et devenir des citoyens avertis. Il faut être informé, vous avez tout à fait raison. Donc, ça, ce dont on vient de parler, c'est votre recommandation 3, cette plus grande participation, ce lien avec le MIDI et forums jeunesse. Mais vous nous dites... lorsque vous nous parlez de la consultation des acteurs socioéconomiques et des municipalités, comment concerter efficacement, à la page 9, vous nous dites, après les compressions qu'on a connues, là : «...force est de constater qu'avec l'abolition de toutes les instances régionales de concertation et d'organisation dans la dernière année, le défi sera de taille et possiblement insurmontable.» Insurmontable, c'est un gros mot. Pourquoi vous dites-vous que c'est insurmontable?

Mme Côté (Florence) : C'est que, dans l'état actuel des choses... En fait, on parlait comment impliquer directement les jeunes un peu de manière individuelle, là, mais, au niveau des régions, on est des acteurs de concertation, surtout d'organisations jeunesse, c'est pour ça qu'on parle aussi d'autres organismes, là, jeunesse ou autres, qui pourront aider à la concertation. Mais on recrée, pour notre part, ce que les CRE faisaient au niveau adulte. Donc, on concerte les jeunes et les instances jeunesse de chacune des régions. Donc, quand le MIDI parle, par exemple, de justement demander à chacune des régions ses objectifs en matière d'immigration et ses besoins, on pense qu'il faut qu'ils aient un interlocuteur par région pour pouvoir justement mieux les encadrer sur les besoins et que ces besoins-là ne soient pas uniquement gérés de Montréal avec les besoins économiques visualisés de là-bas.

Donc, c'est un petit peu là qu'on voit le problème, c'est que, dans l'état actuel des choses, on ne sait pas qui gérera ces objectifs régionaux là, à part les bureaux en régionalisation de l'immigration à Montréal, puis c'est un petit peu ce qui est notre crainte finalement, c'est qu'il y a encore certaines organisations régionales qui existent, on parlait de Place aux jeunes en région, on parle aussi des municipalités quand on parle de la FQM, mais les forums jeunesse existent encore sans financement, mais il faut essayer de revoir ça puis de le restructurer de manière un petit peu plus pérenne si on veut répondre à l'objectif de régionalisation dans les règles de l'art, selon nous.

Le Président (M. Picard) : Merci. Il reste une minute.

Mme Roy (Montarville): Une minute? Parfait. Vous n'en parlez pas dans votre mémoire, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez des seuils qui sont proposés par le gouvernement, le nombre d'immigrants que le gouvernement souhaiterait accueillir au fil des années. Vous n'embarquez pas sur cette recommandation, en fait, cette suggestion du gouvernement. Avez-vous une idée à cet égard?

M. Risso (Santiago) : Bien, c'est ça, pas nécessairement. Comme on disait, peu importent les seuils, c'est une chose qu'on veut s'assurer qu'il y a les ressources pour l'intégration. Pour nous, c'est primordial. Dans qu'est-ce qu'on peut dire qu'on est peut-être d'accord, c'est qu'on trouve intéressant que la plupart de ces immigrants-là, ça va être des jeunes de moins de 35 ans. Je pense que c'est un atout à long terme et c'est une vision à long terme que notre société va se doter.

Mme Roy  (Montarville) : Vous avez raison. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission et je suspends quelques instants afin de permettre d'éteindre les sonneries de téléphones. Donc, merci beaucoup pour votre contribution.

(Suspension de la séance à 10 h 20)

(Reprise à 10 h 22)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant le Mouvement Québec français. Vous disposez d'une période de 10 minutes. Je vous demanderais, dans un premier temps, de vous présenter. Et va s'ensuivre, après votre présentation, un échange avec les parlementaires. Vous êtes déjà habitué, monsieur... Bouchard — Bouchard? — exact, allez-y.

Mouvement Québec français (MQF)

M. Rivard (Christian B.)  : Est-ce que c'est fonctionnel, oui? Le micro, O.K., vous m'entendez bien?

Le Président (M. Picard) : Oui, oui, c'est fonctionnel. Malheureusement, il y a du bruit, là, mais c'est fonctionnel. Il faut parler fort, puis on n'est pas fâchés, personne.

M. Rivard (Christian B.)  : Je suis Christian Rivard, le président du Mouvement Québec français. Mon collègue ici, Éric Bouchard, est le directeur général du Mouvement Québec français. Et nous, nous sommes une organisation civile qui a comme mission et objectif de promouvoir et de défendre la langue française et de rappeler aux élus que la langue française n'est pas encore la langue commune du Québec, et qu'ensemble il faudra régler la situation et il faudra renforcer la loi 101.

Pour y arriver, le MQF multiplie les actions militantes, les démarches dans la rue. On explique les conséquences de l'anglicisation aux citoyens. On fait des conférences partout à travers le Québec. On dénonce le bilinguisme institutionnel. Et on porte la parole de nos milliers de membres et de sympathisants dans les médias du Québec. Et enfin, le MQF coordonne la table de concertation Partenaires pour un Québec français, qui regroupe les plus importantes centrales syndicales du Québec et les mouvements citoyens dévoués à la défense de la langue française. Voilà. Je vais laisser la parole à mon collègue Éric Bouchard.

M. Bouchard (Éric) : M. le Président, Mme la ministre, messieurs dames les députés, vous savez, on est chanceux, on vit dans un État où il y a des recensements. Et les recensements, vous savez, ça fait quoi, un recensement? Ça fait deux choses. Ça donne le portrait aux cinq ans de la population puis ça donne des indicateurs, des tendances démographiques. Et ça, là, ça nous dit quoi? Ça nous en dit beaucoup sur l'âge de notre population. Va-t-elle vieillir? Va-t-elle se rajeunir? Puis quand on sait ça, bien, on peut prévoir, dans le fond, l'argent qu'il faut mettre dans les fonds de pension. Si on sait que la population vieillit, il faudrait en mettre un peu plus dans les fonds de pension. Ça nous permet de prévoir les investissements en santé. Ça nous permet, dans le fond, de voir c'est quoi, les besoins dans les politiques familiales. Ça nous donne aussi des données sociodémographiques pour voir où sont les poches de pauvreté dans la société pour intervenir de façon ciblée. À la place d'avoir des mesures puis des politiques publiques mur à mur, on peut y aller de façon ciblée. Puis ça donne des indicateurs aussi de la mobilité de la population. Donc, on peut savoir si certaines villes ou villages sont en croissance ou en décroissance. Donc, c'est un outil extraordinaire.

Cet outil-là, bien, il sert à qui? Il sert d'abord au gouvernement, il sert aux élus de l'Assemblée nationale, il sert aux groupes de pression comme nous puis il sert aussi aux citoyens. Les deux fonctions, là, donc, pourquoi ça nous sert tant? Bien, ces deux fonctions, c'est d'établir des politiques publiques intelligentes et de planifier de façon intelligente, dans le fond, ce qu'on veut faire, ce qu'on veut donner aux Québécois comme politiciens et comme citoyens pour faire en sorte qu'on ait une société cohérente et la plus efficace possible. Et c'est un outil aussi qui sert à faire des prévisions démographiques sur l'évolution linguistique des sociétés. Et donc là — vous l'avez vu dans la lettre qui a été publiée dans Le Devoir de ce matin — les documents du MIDI sont d'une rare qualité. Rarement, là, j'ai consulté des documents publics où est-ce qu'on peut en savoir autant sur l'immigration. Donc, franchement, là-dessus, chapeau au MIDI, chapeau, Mme la ministre!

Mais, comme je l'explique dans la lettre, il manque deux choses essentielles, c'est-à-dire que, quand on fait des... on est ici, ici, là, on discute avec les élus sur les prévisions pluriannuelles des volumes d'immigration; dans le fond, il faut savoir sur quoi on se base. Qu'est-ce que ça va donner? Pourquoi 51 000, pourquoi 60 000, pourquoi 80 000? Qu'est-ce que ça va donner dans 50 ans? Et, malheureusement, les documents ne contiennent pas de prévisions démographiques, mettons, sur 50 ans, mettons, jusqu'en 2066. Et ça, c'est majeur, parce que les décisions qu'on prend aujourd'hui ici — bien, les décisions ne sont pas prises aujourd'hui, mais, vous comprenez, dans le cadre du processus — vont faire en sorte qu'il va y avoir des répercussions dans cinq, 10, 15, 20, 30 ans, 50 ans. Bref, il faut savoir sur quoi se baser pour dire si un chiffre est préférable à un autre.

Je vous amène à la page 5 de notre mémoire, dans le résumé. On voit, ici, il y a un graphique. Bien, ce graphique-là, il fait quoi? Il fait un paquet de petites lignes puis il fait l'évolution, dans le fond, du poids du français comme langue d'usage en fonction de divers scénarios d'immigration, c'est-à-dire 60 000 immigrants, 50 000 immigrants ou 35 000 immigrants, puis en fonction de la composition de l'immigration. Parce que c'est beau, parler du nombre, 50 000, 51 000, 60 000, mais la composition de l'immigration a une incidence majeure sur la langue qui va être parlée dans 50 ans.

Habituellement, les gens, quand on est au Mouvement Québec français, la première affaire que les gens se disent dans la société — parce que, c'est normal, un peu tout le monde s'étiquette dans la société — ils disent : Ah! le Mouvement Québec français, vous autres, vous devez être contre l'immigration. Pas tout à fait. S'il y avait 80 000 immigrants par année, puis la moitié d'entre eux étaient de langue maternelle française et l'autre moitié étaient des francotropes, donc tous ceux qui viennent de pays de langues latines ou de pays qui ont été colonisés par les Français à une certaine époque, eh bien, ça changerait énormément la composition linguistique de Montréal, et Montréal se franciserait en dedans de 10, 15 ans. Donc, le nombre, c'est une chose, mais de quoi est composée votre immigration, c'est une autre affaire.

En 1987, il y avait seulement 27 000 immigrants qui arrivaient par année, mais la plupart d'entre eux ne connaissaient pas le français. Donc, qu'est-ce qui est mieux : 27 000 personnes qui ne connaissent pas le français ou 80 000 personnes où est-ce qu'il y a beaucoup, beaucoup plus de monde? Et donc là c'est pour ça que je dis que les documents du MIDI, c'est... un des points faibles des documents, c'est de dire sur quoi on se base. Pourquoi Mme Weil et le MIDI proposent 51 000 en 2017-2018 puis 52 000 en 2019? Pourquoi M. Couillard a proposé déjà 60 000? Pourquoi Jean-François Lisée a déjà dit qu'il faut réduire les volumes d'immigration? Ça nous prend quelque chose pour se baser. Et donc c'est une faille majeure dans les prévisions. Puis c'est dans l'exercice qu'on fait, parce que c'est ça qu'on fait, on prévoit comment va être la population dans cinq, 10, 15, 20 ans.

Si on regarde à la page 13 du mémoire, on peut voir qu'il y a une évolution démographique selon les prévisions de Marc Termote, que ce soit de la région de Montréal ou dans l'ensemble du Québec : avec 60 000 immigrants par année dans la composition, à peu près, actuelle de ce qu'est l'immigration, bien, on voit que le français va reculer de façon drastique d'ici 2056, soit de 10 % dans l'ensemble du Québec ou de 12 % dans la région de Montréal. Ce n'est pas banal. Alors donc, c'est pour ça que c'est important de savoir... oui, peut-être 51 000, mais c'est quoi, les objectifs du gouvernement dans la composition de l'immigration?

Autre chose, quand on parle d'immigration puis qu'on parle d'établir des seuils, oui, le chiffre, c'est important, des seuils, oui, la composition, c'est important, mais, après ça, on parle de francisation, parce qu'on sait très bien que ce ne seront pas tous les immigrants à 100 % qui seront francophones. Donc, l'immigration est-elle obligatoire ou pas? Parce que ça, ça change. Si la francisation est obligatoire, bien, il est clair qu'on peut se permettre d'avoir une immigration moins francophone puisqu'à l'arrivée la francisation va être obligatoire. Mais, si la francisation n'est pas obligatoire, oh! il va falloir, en amont, que la composition, elle soit plus francophone.

• (10 h 30) •

Et donc, là, l'autre question par rapport à la francisation, disons obligatoire ou pas... Mais, après ça, combien d'argent est disponible et combien ça coûte, franciser un immigrant? Un immigrant. Puis, dans la lettre ouverte de ce matin qui a été publiée dans Le Devoir, c'est notre grande préoccupation parce que, au Mouvement Québec français, on cherche, puis on a financé une étude à l'IREC puis qui n'est pas encore sortie, mais on cherche à savoir le coût unitaire. On le sait, qu'il y a des gens qui sont... ça prend plus de temps à franciser parce qu'ils viennent du Sud-Est asiatique, alors que les gens qui viennent d'Amérique latine sont plus faciles à franciser; on sait qu'il y a des cours qui sont à temps partiel, il y a des cours à temps complet. On sait tout ça. Mais, dans l'ensemble, comment coûte franciser un immigrant? Et donc, s'il y a 20 000 immigrants par année qui foulent le territoire québécois, bien, 20 000 personnes... puis, si notre objectif, c'est d'être optimal pour le français... parce que les documents du MIDI sont clairs, on veut fort, fort, fort, au gouvernement, pour le français, et c'est clair, net et précis dans le vocable utilisé dans les textes, mais, après ça, ça prend des moyens. Donc, si on ne sait pas combien coûte un immigrant en moyenne à franciser puis qu'il y en a 20 000 sur le territoire... mettons, je vais mettre un chiffre aléatoire, ça coûte 20 000 $ franciser un immigrant, puis, s'il y en a 20 000 qui franchissent le territoire du Québec par année, 20 000 fois 20 000, bien là, on parle de quelque chose comme 400 millions que ça prend par année juste pour la francisation.

Alors, c'est un peu ça qu'on est venu dire pour débuter. Il y a deux choses importantes : les prévisions démographiques en fonction de divers scénarios, ça va être quoi, l'impact; deuxième des choses, francisation obligatoire ou pas; puis, troisième chose, c'est quoi, le coût unitaire. Et ça fait 25 ans que, depuis l'accord de 1991, on tient ces consultations pluriannuelles et on n'a jamais su c'était quoi, le coût unitaire. Donc, j'aimerais ça le savoir. Peut-être pas aujourd'hui, mais j'aimerais ça que ça devienne, dans l'espace public, quelque chose sur lequel on travaille fort. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Bouchard. Vous êtes un habitué. Donc, tout à l'heure, on parle de Mme la ministre, de M. le premier ministre et de M. le député de Rosemont, pour... Vous avez nommé les gens par leur nom de famille, ce qui est interdit par le règlement, ici.

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Non, mais vous avez parlé de monsieur... le député de Rosemont, je ne peux pas le nommer.

Une voix : Excusez, je me suis trompé.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, la parole est à vous pour une période de 16 minutes.

Mme Weil : Bonjour, M. Rivard, M. Bouchard. Merci de revenir une deuxième fois. Vous êtes venus pour le projet de loi n° 77, et là on est rendus à l'étape, le troisième pilier de la réforme en immigration avec, bon, les gens qui participent, et c'est important d'avoir tous les points de vue, tout le monde participe, et des orientations sur lesquelles on vous demande de vous prononcer.

Donc, je voulais juste voir s'il y a quelques chiffres. Vous savez que, bon, on va commencer avec la composition de l'immigration. Vous savez qu'il y a des réfugiés et que le Québec adhère à la Convention de Genève; il n'y a pas d'obligation linguistique. Donc, c'est toujours une cohorte qui arrive et qui sont inscrits en francisation. Et d'ailleurs, dans la foulée des dernières arrivées, puis il y en a d'autres qui vont venir, on maintient cet engagement humanitaire, on s'est assuré d'ouvrir des classes de francisation le plus rapidement possible. Évidemment, il faut leur donner le temps de s'installer et, bon, pour le regroupement familial, il y a cette catégorie-là et les travailleurs qualifiés.

On est maintenant rendus que 95 % des requérants principaux parlent le français à l'arrivée. C'est une tendance très forte. Le niveau de français requis a été remonté au niveau sept, la francisation avant d'arriver aussi, qui donne d'excellents résultats. Moi, je rencontre des gens qui ont suivi nos cours de francisation avec les alliances françaises. Ils savent déjà, hein? Le message est lancé à l'international que, si vous voulez immigrer au Canada, ça va, c'est plus anglais et, si c'est le Québec, il faut parler français. Donc, ce message est véhiculé, ils le savent. Donc, ils prennent le cours.

Je voulais juste savoir si vous comprenez tout ce qu'on fait en amont, qui fait que ça donne ces résultats-là et que, depuis les 20 dernières années, le nombre de personnes qui parlent français a doublé. Donc, c'est des chiffres macro et des tendances. Moi, personnellement, j'avais fait des recherches, je l'ai fait confirmer par le MIDI. Parce que le regroupement familial, évidemment, c'est, là aussi, des conventions internationales, auxquelles, bien, le Québec adhère, hein? C'est l'importance de réunir la famille. Donc, c'est strictement, comment dire, de compétence fédérale, mais le Québec, évidemment, va toujours donner sa capacité, la capacité d'accueil, et tout, etc. Mais il faut s'attarder, donc, à cette cohorte-là.

Mais on voit, avec le temps, que les enfants sont le reflet de ceux qu'on a admis, donc plus francophones depuis les 20 dernières années, beaucoup de Maghrébins, d'Africains de l'Ouest, qui parlent un français impeccable, beaucoup de Français. La France était notre premier bassin d'immigration en 2015, donc, de plus en plus, évidemment. En tout cas, plus que le message, la réalité... vous, vous parlez d'une certaine réalité, mais la réalité que j'entends, c'est que partout, au Québec, si on ne parle pas français, ils quittent. Ce n'est pas tout le monde qui quitte, mais le taux de rétention est difficile. Pour nous, le taux de rétention est important. On investit dans ces personnes-là.

Donc, je voulais savoir comment vous voyez l'orientation parce que, jusqu'à date, on a vraiment 100 % d'adhésion à l'orientation 4, fixer un minimum de 85 % de la proportion des adultes de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés qui déclarent connaître le français à l'admission comme orientation. Évidemment, cette orientation, elle est basée sur, un peu, le portrait que je vous ai donné. Évidemment, les vases communicants, c'est l'immigration humanitaire et les travailleurs qualifiés. Plus on a de travailleurs qualifiés, plus on peut agir sur cette question de la langue. Mais on comprend que, ces prochaines années, il y a un engagement humanitaire qui fait en sorte qu'on a un travail à faire de francisation.

Juste vous entendre sur cet équilibre... parce qu'on est là-dedans, nous, en immigration, on est un pays d'immigration, on l'a toujours été et on va continuer à l'être, mais on veut s'assurer que ces personnes puissent participer à la société dans la langue commune, qui est le français.

M. Bouchard (Éric) : Bien, première des choses... C'est drôle, hein? Quand les gens ont des débats, souvent, les gens, ils ont de l'air de ne pas être d'accord. Bien, ce que vous venez de dire, je suis d'accord avec ce que vous dites. 95 %... mais ça, c'est le requérant principal. Moi, je ne peux pas dire : Bien non, Mme la ministre, vous n'avez pas raison. Vous avez raison. Sauf que le requérant principal, c'est : la personne est... il a soit sa femme ou son enfant et le reste de sa famille. Et donc ça, c'est sûr et certain que le requérant principal, c'est parfait, puis on est d'accord avec ça, 85 %, c'est sûr, sûr, sûr. Mais, par la suite, c'est tous ceux qui ne sont pas les requérants principaux, qui eux... Est-ce que la francisation est obligatoire ou pas? Puis est-ce que les moyens sont là pour les franciser? C'est sûr et certain que... Et c'est là qu'après ça on va être en mesure dire : Ah! bien, écoutez...

M. le premier ministre, il propose 60 000 immigrants, mettons, en... On ne sait pas qui est-ce qui va être premier ministre dans trois ans, hein, parce qu'il va y avoir des élections, mais admettons que c'est M. Couillard encore une fois. Et donc peut-être qu'il va dire : Bon, bien, c'est 60 000 immigrants par année. Bon, parfait, 60 000 immigrants, mais, si on est sûrs qu'à la fois le requérant principal et le reste de la famille se francisent et utilisent le français dans l'espace public, c'est clair que, là, on va pouvoir dire : Ah! le seuil de 60 000 est un bon seuil. Nous, on revient là-dessus. Le nombre, là, nous, ça nous importe peu.

Mme Weil : ...

M. Bouchard (Éric) : Allez-y, allez-y.

Mme Weil : L'objectif comprend le conjoint, le 85 %. 95 % des requérants principaux parlent français, mais notre objectif, le 85 %, ça, ça comprend le conjoint. Et d'autres chiffres qui sont intéressants, c'est que, dans...

M. Bouchard (Éric) : Donc, qui connaissent le français. Excusez-moi. Qui connaissent le français à l'arrivée.

• (10 h 40) •

Mme Weil : Oui, qui connaissent le français à l'arrivée, c'est ça. Donc, honnêtement, je vous le dis, j'ai lu les mémoires et les interventions : tout le monde est d'accord avec cet objectif. Ils voient qu'on va toujours plus loin.

L'autre chiffre qui est vraiment important... Et puis ça revient à la loi 101 et l'objectif de la loi 101, qui est peut-être la disposition la plus stratégique de la loi 101 : c'est qu'un quart des immigrants, c'est des enfants, qui seront scolarisés en français. Et, dans le cas des réfugiés... on regarde les chiffres, nous, on le voit, dans le cas des réfugiés syriens, un tiers, c'est des enfants. C'est des grandes familles. Ils sont jeunes, hein? Moi, je les rencontre, des fois, c'est deux mois après l'arrivée, trois mois après l'arrivée. Vous seriez impressionnés par le niveau de français.

Vous connaissez les jeunes. Bon, on parle d'éponges. C'est des éponges, oui, mais il ne faut pas sous-estimer... Quand même, d'apprendre une langue, il y a une difficulté là-dedans. Mais les jeunes parlent le français. Et c'est pour ça que je vous disais qu'on a remarqué que, sur 20 ans, le nombre de... même issus du regroupement familial... parce que cet enfant-là deviendra grand, et donc les personnes de sa famille qu'il va faire venir, soit que ça provient d'un bassin francophone ou, bon, ils ont déjà le message que ça se passe en français, mais aussi parce que nos bassins sont beaucoup francophones. C'est peut-être la deuxième langue. Je regarde mon collègue de Bourget évidemment, hein?

Donc, ça, c'est le portrait global, et il y a des indices positifs dans tout ça qui conditionnent, donc, cette planification. Et j'aimerais rappeler qu'on stabilise des volumes, hein? On fait un exercice, là, on propose un exercice sur trois ans. Et la raison pour laquelle on veut stabiliser les volumes, la vision derrière ça, c'est parce qu'il y a une grande réforme en immigration actuellement qui touche beaucoup vos préoccupations. Bon. La grande réforme, en partie, c'est l'intégration rapide en milieu de travail, mais amener les gens en région. Et les gens parlent beaucoup aussi d'aide de francisation en milieu de travail, et ça, donc, on l'entend de tout le monde, d'avoir plus une offre diversifiée parce que des gens on peut-être un certain niveau, mais ils souhaitent atteindre un niveau plus élevé au plan professionnel. Donc, ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur le français en milieu de travail.

Et, je ne sais pas si vous le saviez, mais, dans nos crédits 2016‑2017, on a rajouté 4 millions en francisation, c'est un sommet historique. Et on a lancé une campagne de promotion de la francisation pour rejoindre des clientèles qu'on a plus de difficultés à rejoindre, qui est le regroupement familial. Ce n'est peut-être pas des gens destinés toujours au marché du travail, ça peut être la mère, et ses enfants sont à l'école, son mari travaille, mais, elle aussi, on voudrait qu'elle participe à la société en français.

Donc, je vous donne ces morceaux-là parce que c'est quand même des morceaux, moi, je trouve, stratégiques, avec plus d'argent pour atteindre notre but pour que, oui, en effet, l'immigration contribue au fait français au Québec, et qu'on continue toujours dans cette marche, et de ne pas perdre les gens aussi parce qu'ils n'ont pas un niveau de compétences assez élevé, qu'ils vont partir en Ontario ou ailleurs au Canada.

M. Bouchard (Éric) : Plusieurs choses. Une chose qu'il faut différencier pour ceux qui nous écoutent, il y a une différence entre connaître une langue et l'utiliser dans l'espace public. Donc, qu'il y ait 85 % des gens, des requérants principaux, qui connaissent le français, c'est super. Et je vous donne l'exemple : si moi, j'immigrais en Espagne, on pourrait dire : Éric Bouchard connaît l'espagnol. Puis je connais aussi le catalan. Mais quelle langue que je parlerais à Barcelone d'après vous? Je parlerais catalan. Donc, dans les chiffres du gouvernement espagnol, je serais considéré comme quelqu'un qui connaît l'espagnol puis qui vient contribuer au fait espagnol en Espagne. Mais, dans les faits, je parlerais uniquement catalan parce que la langue que je parlerais avec mes amis, avec les gens avec qui je travaille... Donc, l'importance de la langue utilisée dans l'espace public et la langue utilisée à la maison, donc la connaissance, c'est une chose, mais l'utilisation...

Et pour que l'utilisation soit bonifiée dans l'espace public, et ça, on en parle dans le mémoire, il faut qu'il y ait un arrêt du bilinguisme institutionnel de l'État. Donc, encore une fois, au niveau du bilinguisme individuel, on en est, c'est certain. Je serais bien mal placé de dire que je suis contre le fait de parler plusieurs langues, j'en parle quatre. Mais, après ça, c'est dans l'espace public, le comportement de l'État fait en sorte que, oui, il y a des gens qui vont connaître le français, mais, si l'État leur répond en anglais de façon systématique, ça va faire en sorte qu'eux vont dire : Bon, bien, j'ai le choix entre le français et l'anglais. Et c'est après l'arrivée qui fait en sorte que l'espace montréalais, parce que c'est principalement... c'est là que ça se passe, on est dans une période d'anglicisation, et on le voit, et on le sent à tous les jours.

Moi, je suis natif de Montréal, et on voit l'évolution, là. À chaque année, là, on va toujours une rue plus à l'est, puis on va toujours un peu plus loin à Longueuil, moi, je demeure à Longueuil, puis, à Laval, ça s'anglicise toujours un peu plus.

Donc, il y a des preuves des faits, il y a des statistiques, puis il y a le fait que je reviens à ça : s'il y a 50 000 immigrants par année, mais la composition est beaucoup plus francophone de langue maternelle, pas seulement la connaissance, mais de langue maternelle, ça vient aider la francisation à Montréal, le fait français dans l'espace public. Ah! c'est votre tour de parler, Mme la ministre.

Mme Weil : Non, non, c'est toujours votre tour, mais...

M. Bouchard (Éric) : Oui, mais c'est votre tour d'intervention.

Mme Weil : ...mais je voulais compléter, mais ça dépend combien de temps il me reste.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste quatre minutes.

Mme Weil : Mais je pense que je vais vous donner des chiffres parce que ça va être important d'avoir votre réaction. Je viens d'avoir ces chiffres du MIDI, une étude qui a été faite. 89,1 %, donc 90 % des Québécois communiquent surtout en français avec l'administration publique. 88,1% des Québécois communiquent en français avec la banque. 88 % des Québécois communiquent... bien, c'est toujours surtout en français, c'est-à-dire que peut-être qu'il y a un mot en anglais, mais surtout en français dans les centres d'achats. 92,4 % des Québécois communiquent surtout en français au CLSC. Vous parliez de l'interaction avec l'administration publique et le... appuyez sur neuf... Je pense bien que j'ai appuyé sur...

M. Bouchard (Éric) : «Press nine». Le «press nine».

Mme Weil : Cinq. Ce n'est pas neuf, oui. Donc, je ne sais pas si vous aviez ces chiffres-là.

M. Bouchard (Éric) : Bien, ça, c'est l'étude qui est sortie en décembre 2014, je crois, de l'OQLF...

Mme Weil : ...conscience linguistique et usage du français, en 2013, mais...

M. Bouchard (Éric) : En tout cas, c'est les Québécois avec les interactions dans l'espace public. Ce qu'on voit dans une de ces études-là...

Mme Weil : ...

M. Bouchard (Éric) : Donc, c'est ça, les Québécois... Bien, les Québécois, ça comprend tous ceux qui sont sur le territoire, donc ceux qui sont immigrants aussi. Et l'étude nous montre que...

Mme Weil : Dans ça, là, je pourrais vous le donner, mais il y a aussi les chiffres sur les immigrants. Donc, on voit que la majorité communique en français.

M. Bouchard (Éric) : Bien, les chiffres sur les immigrants, ce que ça nous dit, c'est que les gens qui sont desfrancotropes, donc ceux qui sont de pays de langue latine ou de pays qui ont été colonisés dans le passé par la France, donc, exemple, les pays du Maghreb, ces gens-là utilisent dans l'espace public énormément de français. Ceux qui sont non francotropes utilisent très, très peu le français dans l'espace public. Et c'est pour ça que je parle beaucoup de la composition, qui est importante.

Mme Weil : Mais aussi l'évolution. Et c'est ça que les chiffres montrent. Donc, ceux qui sont ici depuis plus de 10 ans, c'était 72,4 % des personnes immigrantes qui avaient ce contact, donc, avec l'administration en français. Ensuite, il y a eu une progression, parce que ceux qui sont ici depuis cinq, 10 ans, c'est 76,5 %. Et ceux qui sont ici depuis cinq ans et moins, c'est 83,3 %. Ça, ce n'est pas un hasard. C'est les politiques de sélection qui donnent ce résultat-là. Donc, on est allés chercher dans les bassins francophones ou francotropes. Il y a eu beaucoup de francophones ces 10, 15 dernières années avec vraiment des stratégies de promotion, de prospection importantes. Aussi, le message qui a été véhiculé... Là, nous, on le voit même dans la l'admission. Là, avec le niveau 7, c'est donc encore plus important. Donc, c'est des stratégies... C'est de vous entendre sur cette progression... quand même, il y a une progression... et qu'on peut agir sur cette progression par les orientations qu'on vous propose aujourd'hui, autant par la réforme qu'une stabilisation pour permettre justement que nos programmes donnent les résultats qu'on souhaite et qu'ils vont dans le sens de ces chiffres.

M. Bouchard (Éric) : M. le Président, il nous reste combien...

Le Président (M. Picard) : ...

M. Bouchard (Éric) : Donc, le syndicat de la fonction publique, écoutez, ce n'est quand même pas banal, il y a un 42 000 membres. Il y a un exécutif, puis il y a eu un congrès, puis les gens disent : il y a un problème dans la région de Montréal particulièrement. Nous, les commis de l'État, lorsqu'on fait affaire avec les gens devant nous, la langue dans laquelle plusieurs personnes vont s'adresser à nous, puis les gens qui sont souvent issus de l'immigration, très, très, très souvent, c'est l'anglais. Et, nous, comme travailleurs, on n'a pas de directives claires que ça doit être en français, donc, qu'on doit parler. Donc, le commis de l'État doit faire l'arbitrage constamment entre : Je dois-tu parler en français, pas en français, les cotes de langue. On en a déjà entendu parler, des cotes de langue. Donc, je comprends qu'il y a une progression, je comprends que ça va mieux, Mme la ministre. Je ne peux pas contester l'étude tu sais, puis les chiffres que vous venez de dire. Mais, en même temps, peut-être qu'en pourcentage ça va mieux, mais, comme il y a beaucoup plus de gens qui arrivent, il y a beaucoup plus de gens aussi, en nombre, qui ont une interaction avec l'État, et ça ne se passe pas nécessairement en français. Et ça, parce que les pourcentages, c'est une chose à regarder, mais 1 % de 100 personnes, c'est une personne. 1 % de 50 000 personnes... il faudrait que je le calcule. Je ne l'ai pas tout de suite, mais c'est beaucoup plus de gens, donc c'est sûr et certain...

Le Président (M. Picard) : Merci.

M. Bouchard (Éric) : Ah! pardon.

Le Président (M. Picard) : Merci. M. le député de Bourget. C'est 9 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. «Donc, c'est sûr et certain», je vous laisse continuer.

• (10 h 50) •

M. Bouchard (Éric) : Donc, si on revient sur l'exemplarité de l'État, l'étude que vous citez, Mme la ministre, il est clair qu'on voit une progression, mais, s'il y a 50 000 personnes par année qui franchissent le territoire du Québec puis qu'il y a x pourcentage de la population, que ce soit 15 % ou 8 %, c'est quand même un bon nombre, tu sais. 10 % de 50 000, c'est quand même 5 000 personnes par année qui se concentrent toutes autour de Montréal. C'est 5 000 personnes qui interagissent avec l'État en anglais. Et, si l'État le permet, le message envoyé, c'est de dire : Tu peux choisir. Et donc, après ça, ça se répercute. C'est que tu n'as pas besoin d'apprendre le français. Si tu n'as pas besoin d'apprendre le français, bien là, tu te trouves un emploi, et là, dans un de tes emplois, bien, la langue qui va être parlée avec tes collègues, si tu ne sais pas le français, bien, ça va être souvent peut-être pas l'anglais, mais une espèce de «globish». Et donc, là, finalement, quand tu arrives, toi, comme citoyen immigrant par la suite et tu t'en vas aux Galeries d'Anjou, bien, il est clair que tu t'adresses au commis qui te vend ton téléphone cellulaire... tu vas t'adresser en anglais, ce qui fait en sorte que les employeurs exigent l'anglais parce qu'ils se disent : Je ne veux pas perdre une vente parce que, si, chez Vidéotron, la personne, elle ne peut pas parler en anglais à ce client-là, ce client-là va aller chez Telus... et donc une bilinguisation du monde du travail à cause de ça.

Et donc, là, on n'arrête pas de dire que, pour franciser, au Québec, il faut que tu puisses travailler en français, mais, pour travailler en français, il faut que les conditions d'embauche... ne soit pas exigé le bilinguisme, mais, pour ne pas exiger le bilinguisme, il faut que la population sache, qu'il y ait un message clair, que ça se passe en français. Les natifs le savent bien, ils sont nés, ils ne se forcent pas, ils se lèvent puis la majorité, ils vont parler en français. Mais ceux qui arrivent d'ailleurs, même si la proportion, comme vous dites, tend à s'amenuiser, de ceux qui s'expriment en anglais, il y a quand même... si c'est seulement 10 % de 50 000 par année, c'est quand même 5 000 personnes à chaque année qui s'ajoutent dans la région de Montréal, mais 5 000 sur 10 ans, ça fait 50 000 sur le territoire montréalais qui s'adressent en anglais à l'État, puis ils s'adressent en anglais non seulement à l'État, mais à tous les commis de tous les magasins, et c'est là qu'on bilinguise les milieux de travail.

Ça fait que, même si l'État met énormément d'efforts, met des programmes, que vous proposez des... Je n'ai pas contesté du tout ce que vous proposiez, Mme la ministre, hein, on n'a pas dit : Ça n'a pas de bon sens. Nous autres, on dit : Il faut aller plus loin. Donc, aller plus loin, si on veut optimiser tout ça, il est clair qu'il faut connaître c'est quoi, le prix unitaire, tu sais, le coût unitaire de franciser un immigrant. Ça, ça n'a pas de bon sens qu'on ne sache pas ça. On envoie des gens sur la lune, on bâtit des avions au Québec, mais on nous demande des redditions de comptes pour, disons, faire une demande de prêt comme organisme sans but lucratif, on nous demande toutes sortes de documents. Il faut prévoir sur cinq ans à la cent près ce qu'on va dépenser, et, lorsque ça vient le temps de dire : Il y a des budgets pour la francisation de l'immigration, on ne sait pas c'est quoi, le coût unitaire. Donc, si 20 000 personnes sur 50 000 ne parlent pas français à l'arrivée, il faut savoir combien on peut investir. Et là ça va permettre aux partis d'opposition de dire : Vous faites un bon travail ou pas, parce que, là, s'ils regardent les chiffres, ils disent : Mme la ministre a promis tel budget pour franciser, il y a 20 000 immigrants qui arrivent qui ne parlent pas français, ça coûte 20 000 $, Mme la ministre met le 400 millions, des groupes comme nous, on va vous féliciter, et les partis d'opposition ne pourront pas dire que vous faites un mauvais travail puis vous non plus, même, vous allez pouvoir dire : J'en ai un peu plus si vous mettez 500 millions par année. Mais, si vous mettez 250 millions, là, les partis d'opposition vont pouvoir dire : Ça n'a pas de bon sens, parce que c'est beau, elle a peut-être augmenté, Mme la ministre, de 5 ou 6 millions, mais, pour être optimal, il faudrait qu'il y ait tant d'argent.

Donc, le coût unitaire, on ne fera pas ça aujourd'hui, hein, on s'entend-u, mais ce qui se pourrait, dans les prochaines années : ce soit établi. Nous, on est venus pour demander ça.

Alors, M. le député de Bourget, je pense, j'ai répondu à votre... quand vous m'avez relancé la balle.

M. Kotto : Tout à fait. M. Bouchard, M. Rivard, merci d'être là ce matin, et on vous écoute religieusement, sachant pertinemment que l'enjeu sur la table, ici, en commission, en est un que vous maîtrisez tous les deux sur le bout des doigts.

Je voudrais cependant continuer avec vous sur la question de l'obligation de la francisation. Considérant l'entente Canada-Québec, considérant les deux chartes des droits, considérant la place du Québec à l'intérieur de la fédération, la pseudo fédération aujourd'hui, comment est-il possible d'obliger un immigrant à se franciser, un immigrant adulte? Parce que la loi 101 couvre les enfants, les moins de 18 ans, mais les adultes, en référence à l'entente Canada-Québec, en référence aux deux chartes, comment cela serait-il possible? Ne serait-il pas plus logique que l'État, lui, soit obligé de faire ce travail, que l'État soit obligé de rendre des comptes relativement à la francisation plutôt que de mettre l'obligation sur les immigrants, compte tenu des blocages potentiels au plan du droit, tout simplement?

M. Bouchard (Éric) : Vous savez, il y a plusieurs choses dans ce que vous avez dit. Je ne sais pas combien il me reste de temps. Mais, première chose, on est dans une... tu sais, il y a un partage des pouvoirs, et tous les élus de l'Assemblée nationale, peu importe le parti confondu, peu importe l'orientation, que ce soit pour faire la souveraineté du Québec ou de dire qu'on reste dans le Canada — tu sais, il y a des orientations de parti claires depuis longtemps — on peut demander, comme État, et les parlementaires peuvent s'unir ensemble... Et c'est ce qu'a fait Robert Bourassa lorsqu'il est allé chercher des pouvoirs en matière d'immigration. Et donc, là, il pourrait y avoir quelque chose qui dirait : Écoutez, on négocie avec le Canada, et le Canada, on veut avoir quoi? Nous, on veut que, pour ceux qui font une demande...

M. Kotto : Juste une parenthèse, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Allez-y, M. le député.

M. Kotto : Aller renégocier, c'est aller renégocier l'entente, ce qui met le Québec à risque, parce que le Québec, face aux autres provinces, est envié, c'est une cible. Les autres provinces considèrent qu'il y a une inéquité d'avoir demandé, d'une part, autant d'argent, au Québec, et autant de marge de manoeuvre relativement aux pouvoirs en matière de politique d'immigration. Vous êtes bien sensible à ça?

M. Bouchard (Éric) : Je suis sensible. Mais, vous savez, je suis amateur de sport, puis, si vous êtes amateur de sport, moi, je préfère toujours les équipes un peu plus offensives, hein, puis il y a du monde qui prépare les choses un peu plus défensives. Moi, pour ma part, je trouve qu'il y a peut-être un risque, mais je ne dis pas que c'est la solution optimale, mais de dire : On va renégocier avec Ottawa, et Ottawa peut dire ce qu'il veut par la suite. Si Ottawa dit : On n'est pas contents, on vous refuse tout ça, ça sera aux Québécois de décider, par la suite, des conséquences du refus du Canada. Mais on a le droit de demander que, pour tout demandeur, tout requérant principal qui demande au Québec d'immigrer, hein, quelqu'un qui obtient un certificat de sélection, bien, à la fin, lorsque vient le temps de dire : On t'octroie ta citoyenneté ou pas, bien, ceux qui ont fait la demande au Québec, souvent bien des années avant, bien... Parce que le Canada, il y a une discrimination à l'entrée au Canada, c'est de dire : Il faut que tu connaisses une des deux langues, soit le français ou l'anglais. Donc, il y a déjà une discrimination sur une des deux langues. Donc, se pourrait-il qu'on demande à Ottawa de dire : Non, mais, nous, ceux qui font une demande au Québec, qui ont un certificat de sélection du Québec, bien, que ce soit seulement la connaissance du français? Donc, ça, c'est un incitatif majeur pour la personne qui veut devenir un citoyen canadien de dire : Il faut que j'apprenne le français. Donc, ça, c'est la partie incitative.

Mais il pourrait aussi avoir une autre partie qui est plus, disons... c'est difficile de s'exprimer là-dessus, mais, disons, plus punitive, de dire : Tant que tu n'as pas atteint le niveau 7, le niveau 7 de connaissance du français, puis le niveau qui permet de travailler en entreprise et de s'envoyer des courriels pour les gens, tu sais, qui ne comprennent pas nécessairement tout le jargon de la connaissance des langues, bien, tant que tu n'as pas atteint le niveau 7, eh bien, tu n'es pas en mesure d'avoir tel ou tel permis ou droit à l'intérieur du Québec, exemple, un permis de conduire. Mais ce n'est pas la solution optimale, là, que je dis là, c'est le travail des députés d'en discuter. Nous, on est là pour amener des choses sur la place publique, on ne détient pas la vérité, je peux vous le dire, et donc là on amène... on essaie d'amener de l'eau au moulin pour la discussion, et donc, là, lorsque... Et puis là, ça, c'est la partie, disons, qui a de l'air un peu plus punitive, mais, après ça, il faut aider l'immigrant. Donc, et de dire, si on dit : Il a un délai de 24 mois pour apprendre le français, bien, il faut donner des moyens pour que les gens puissent être sur les bancs d'école et l'apprendre, le français, que ce soit dans tous les programmes que Mme la ministre proposait, c'est-à-dire soit le français sur les lieux de travail, soit autour des écoles, soit un peu partout dans l'ensemble de l'offre qui est donnée en cours de francisation.

Le Président (M. Picard) : Merci. Merci, M. Bouchard. Mme la députée de Montarville, pour une période de 6 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : M. Bouchard, M. Rivard, merci d'être là, merci du mémoire. Ce matin, dans mon lit, je lisais l'article du Devoir, que je trouvais fort intéressant d'ailleurs, votre lettre ouverte. La question est bonne : Quel est le coût unitaire? Mais je vous dirais que c'est difficile, hein? On a un montant global, et puis il n'y a pas un individu dont l'investissement pour la francisation sera le même montant. Certaines personnes, le cours pourra prendre plus de temps, d'autres moins. Donc, c'est difficile à évaluer. Et on sait qu'il y a une enveloppe. On sait que l'enveloppe... Il y a beaucoup de cours de francisation, cependant, qui ont été coupés au cours de la dernière année, ce qui est un peu beaucoup dommage, puisqu'il est très important de franciser nos nouveaux arrivants.

J'aimerais vous amener sur les recommandations que vous formulez et en poser une de façon plus globale : Quelles modifications souhaiteriez-vous que le MIDI fasse à la grille de sélection relativement à la connaissance du français? Parce que vous en parlez un peu partout. Pourriez-vous être plus précis relativement à cette grille-là?

• (11 heures) •

M. Bouchard (Éric) : Bien, O.K. Il y a plusieurs volets, parce qu'on s'entend, là, l'immigration, hein, tous les programmes, bon, les différentes catégories, c'est assez vaste. Exemple numéro un, par rapport à la connaissance du français niveau 7, c'est déjà exprimé dans le programme PEQ, par exemple. Si tu veux pouvoir, dans le fond, déposer, dans le fond, une demande, bien, que tu sois dans une université de langue française ou anglaise, si tu as le niveau 7, tu peux faire une demande et là, donc, étudier au Québec puis, finalement, tu as comme une... c'est quelque chose de facilitant pour t'amener... Dans le fond, c'est un peu l'autoroute express de l'immigration. C'est un peu l'idée, dans le fond, de la réforme, si je ne m'abuse, Mme la ministre. Donc, ça, c'est une chose. Donc, le niveau 7, ça sert à ça. Donc, quand on établit un barème, ça, ça veut dire que c'est le niveau qu'on veut atteindre comme société pour que les gens puissent travailler. Et donc, ça, c'est le niveau, donc, le programme PEQ.

Moi, il est clair que ce qui arrive souvent là-dedans, c'est que nous, on préférerait que ce soit dans une université de langue française, dans des programmes en français. Pourquoi? Bien, parce qu'il est clair que les gens peuvent connaître le français, mais, si tu as étudié l'ensemble, comme immigrant, de tout ton parcours universitaire, ou que ce soit collégial, en anglais, bien, il est clair que tous les termes puis tout ton apprentissage pour ta langue de travail va se faire en anglais. Ça fait que, oui, tu vas connaître le français, mais, comme immigrant, lorsque tu vas arriver sur le milieu du travail, tu vas pouvoir discuter avec tes collègues en français, mais la langue dans laquelle tu vas travailler, ça risque d'être l'anglais. Donc, programme PEQ, ça, c'est un exemple.

Et donc, sur la grille de sélection, pour revenir là-dessus, il est clair qu'on pourrait favoriser de dire : Ah... Il ne faut pas pénaliser ceux qui connaissent l'anglais. C'est ça, l'affaire. Et donc, là, de dire : Les points accordés à l'anglais devraient être donnés seulement à ceux qui ont le niveau 7... Parce que ce qui arrive, c'est que tu peux être admis au Québec en étant marié avec trois enfants, puis que tu as en bas de 35 ans, puis tu as un diplôme, là, hein — je brosse ça de façon très arrondie — tu peux arriver au Québec sans connaître le français puis tu peux connaître l'anglais. Donc, mettons, quelqu'un qui vient de l'Inde ou du Pakistan, donc, lui, il va parler l'anglais, ça va être, tu sais, sa deuxième langue, il va arriver au Québec, il va pouvoir immigrer, et finalement, dans la grille de sélection, ses points sur le français ou l'anglais ne seront pas... même, il va peut-être pouvoir passer parce qu'il a des points en anglais. Donc, donner les points à l'anglais seulement à ceux qui ont le niveau 7, ça, ça permettrait de faire en sorte que ceux qui sont juste sur le bord, tu sais, de passer ou de ne pas passer, bien, on s'assurerait... le niveau 7, là, c'est quand même un bon niveau... ça ferait en sorte qu'on aurait... oui, la personne connaît l'anglais, mais elle connaît aussi très bien le français. Donc, on serait sûrs d'avoir un travailleur qui serait plus, disons, pas juste un bilingue fonctionnel, quelqu'un qui connaît très, très bien le français pour travailler et quelqu'un qui, oui, connaît l'anglais, mais qui obtient seulement ses points pour la grille de sélection s'il connaît le niveau 7. Ça va?

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Montarville, deux minutes.

Mme Roy (Montarville): Oui, j'ai très peu de temps. Donc, le niveau 7, on s'entend, vous êtes d'accord avec le niveau 7 qui est proposé.

M. Bouchard (Éric) : ...

Mme Roy (Montarville): Bon. À l'égard des ressources, naturellement, toute la question du calcul, à savoir est-ce qu'on a la possibilité de bien franciser nos immigrants, c'est la question que vous posez, justement, à Mme la ministre, au MIDI... Moi, je vous poserais une autre question. Au niveau de cette grille de sélection, est-ce que vous avez des recommandations, des suggestions au niveau de la provenance des nouveaux arrivants?

M. Bouchard (Éric) : Franchement, non, parce que, pour la provenance, il est clair que... Regardez, on privilégie, on dit : C'est sûr que quelqu'un qui vient d'un pays francophone, qui est francophone ou qui vient d'un pays francotrope, c'est sûr que ça, il faut que ce soit privilégié. Mais on ne peut pas dire : Ah! On ne veut pas du monde, mettons, de l'Asie, on ne veut pas du monde du Pakistan, mais on veut du monde d'Amérique latine. Tu sais, tu ne peux pas le faire à travers une grille de sélection. Et c'est pour ça que les points sur la langue, c'est là qu'ils sont importants. C'est là que tu peux dire à des gens, sans discrimination, tu sais, d'où est-ce que tu viens, tu peux dire : Ah! tu n'auras tes points de l'anglais, de connaissance de l'anglais que si tu as le niveau 7. Et c'est ça qui va influencer la provenance. Donc, la composition de la grille va influencer la provenance, mais tu ne peux pas dire, de prime abord : Vous, on vous prend ou vous, on vous prend moins ou un peu plus en fonction du territoire d'où les gens viennent.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie, parce que j'avais cru comprendre l'inverse. Alors, je suis contente que vous précisiez à cet égard-là. Merci beaucoup pour votre mémoire.

Le Président (M. Picard) : Merci, MM. Rivard et Bouchard, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 8)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, qui sont représentés par Mme Isabelle Vachon et M. Louis-René Gagnon. C'est bien ça? Donc, vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous.

Association canadienne des conseillers
professionnels en immigration (ACCPI)

Mme Vachon (Isabelle) : Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. Je me nomme isabelle Vachon, je suis la présidente de la section du Québec de l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration. Je veux remercier la commission de nous avoir invités à présenter un mémoire devant elle. M'accompagne ce matin M. Louis-René Gagnon, professeur de droit de l'immigration au collège Saint-Laurent, qui agit comme conseiller technique pour la préparation de notre mémoire.

L'ACCPI est l'association professionnelle pancanadienne des consultants en immigration qui les représente et leur fournit des services d'information et de perfectionnement. Elle agit distinctement, mais de concert avec le CRCIC qui est l'organisme de réglementation et de discipline. Notre section du Québec compte 141 membres, soit la grande majorité des consultants inscrits au registre des consultants en immigration.

Nos points de vue sur les orientations. Orientation 1 : Les niveaux d'administration. L'ACCPI est persuadée que l'immigration influence la croissance démographique, ce qui contribue à la croissance économique et ainsi soutient la prospérité du Québec. Comme le démontrent les plus récentes perspectives démographiques de l'ISQ pour la période de 2011 à 2061, il faudra admettre 60 000 immigrants chaque année pour éviter au Québec un recul de sa population en âge de travailler en dessous de son niveau de 2011. Rappelons que le Canada, pour 2016, vise à accueillir 300 000 immigrants, alors que ce nombre était de 279 000 pour l'année 2015. Si le Québec exerçait pleinement le droit que lui confère l'Accord Canada-Québec d'accueillir son poids démographique du mouvement d'immigration canadien, sa cible d'admission pour 2016 serait déjà de 60 000 personnes.

• (11 h 10) •

Nous sommes conscients que certains affirment que ce nombre dépasse la capacité d'accueil du Québec. Les consultants en immigration connaissent très bien les difficultés d'intégration sur le marché du travail de leur clientèle. Toutefois, nous pensons qu'à l'intérieur de paramètres raisonnables la capacité d'accueil est avant tout une question de leadership politique. Quand on veut, on peut. Les décisions très différentes que les gouvernements ont prises en réaction à la crise des réfugiés syriens, tant en Amérique du Nord qu'en Europe, sont éloquentes à cet égard.

Orientation 2 : La part de l'immigration économique. Nous sommes d'accord avec cette orientation, mais il n'y a rien de sacré dans la répartition 65 % économique et 35 % humanitaire et familial. Ce n'est pas parce qu'une crise humanitaire produit davantage de réfugiés que nous devrions réduire le nombre de travailleurs qualifiés. En somme, ce 65 % devrait être compris comme un plancher et non un plafond qui justifierait de limiter le nombre d'immigrants économiques. Par ailleurs, il faudrait augmenter le nombre pour les gens d'affaires. Si des gens intéressés répondent aux exigences des programmes, selon quelle logique devons-nous limiter le nombre des entrepreneurs ou des travailleurs autonomes à 150 et 50, comme on l'a fait en 2016? Avons-nous trop de gens d'affaires au Québec? Pour les investisseurs, nous proposons de progressivement hausser les quotas et d'améliorer la rétention en relevant le seuil de passage pour favoriser les candidats qui obtiennent davantage de points pour les facteurs de sélection autres que la convention d'investissement et l'expérience de gestion qui, à eux seuls, permettent de récolter 35 %, alors que le seuil de passage n'est que de 40 %. Puisque ce sont les gens d'affaires qui font le plus appel aux représentants pour les épauler dans leur DCS, nous croyons que l'ACCPI devrait être étroitement associée aux réflexions sur les réformes envisagées par cette catégorie.

Orientation 3 : Augmenter à 40 % en 2019 la part du PEQ. Nous sommes d'accord avec cette cible de 40 %, mais nous suggérons, pour l'atteindre plus facilement, des modifications au PEQ, dont vous trouverez les détails dans le texte de notre mémoire.

Orientation 4 : Fixer à 85 % la proportion de connaissance du français. L'ACCPI appuie la volonté d'atteindre cette cible, mais il faut éviter d'exclure les candidats de valeur, notamment en faisant du critère linguistique un facteur éliminatoire dans la sélection.

Orientation 5 : Sélectionner au moins 70 % des travailleurs qualifiés détenant une formation en demande. L'ACCPI appuie cette orientation à condition que la LDF soit assez large et souple pour éviter que cela ne devienne une barrière à l'obtention d'un CSQ À cet égard, dans un nouveau système de déclaration d'intérêt où c'est le ministère qui invite une personne à déposer une demande, le MIDI devrait surseoir à la règle de l'application immédiate lors de modifications de la LDF pour ceux qui ont déjà déposé une demande. Puisqu'on nous promet des délais de traitement rapides, il serait équitable de ne pas changer les règles en cours de traitement.

Orientation 6 : Maintenir à 65 % la part des moins de 35 ans. Nous appuyons cette orientation. Cependant, nous suggérons, afin de quand même permettre à des familles dont les parents sont plus âgés que 35 ans d'être plus facilement sélectionnées, de débloquer la grille de sélection du plafond du critère de présence d'enfants qui est maintenant limitée à huit points. Cela augmenterait la présence des jeunes enfants dans le flux migratoire, tout en incluant des familles dont les parents sont un peu plus âgés que 35 ans. À ce propos, il faut noter que, particulièrement chez les femmes qui occupent un emploi professionnel, l'âge lors de la venue d'un premier enfant a tendance à augmenter un peu partout dans le monde.

Orientation 7 : Contribuer à la régionalisation. L'ACCPI est favorable à un accroissement des efforts en matière de régionalisation. Cependant, comme nous sommes impliqués principalement dans la phase de sélection, nous suggérons que les critères de sélection comportent un avantage réel pour les clients qui se destinent hors de Montréal. Actuellement, le seul avantage tangible de se destiner en région est un différentiel de deux points si on obtient une offre d'emploi validée par le MIDI hors de Montréal.

Orientation 8 : Favoriser la diversité du mouvement migratoire. L'ACCPI considère cette diversité comme une bonne chose, mais elle met en garde le gouvernement contre la tentation d'utiliser des quotas fondés sur l'origine nationale pour y parvenir. Nous voulons être certains que le nouveau système québécois de déclaration d'intérêt évaluera uniquement des individus et non pas des pays. L'origine nationale ne doit pas être un motif pour refuser de traiter la demande d'une personne que l'on a invitée à présenter une demande d'immigration. Si le Québec veut prendre les meilleurs candidats, seule leur capacité individuelle doit être prise en compte. Leur pays d'origine ne doit pas entrer en considération.

Orientation 9 : L'engagement humanitaire du Québec. L'ACCPI appuie sans réserve le Québec dans son engagement humanitaire. Nous voulons simplement souligner notre souci de ne pas prendre prétexte de cet engagement pour réduire le nombre de personnes admises dans les autres catégories. À propos des réfugiés, nous suggérons que le Québec, à l'instar des autres provinces, crée un registre centralisé de tous les services disponibles pour les réfugiés.

En terminant, nous voulons également vous faire part de nos préoccupations dans le contexte de transition de la nouvelle loi et d'un nouveau système de déclaration d'intérêt qui seront mis en oeuvre pendant la période 2017‑2019 :

Premièrement, être consultés lors de l'élaboration de la nouvelle réglementation du système de déclaration d'intérêt;

Deuxièmement, nous appuyer pour assurer la formation continue de nos membres;

Troisièmement, une mise en oeuvre équitable du système de déclaration d'intérêt en n'appliquant pas aux demandes déjà déposées les changements aux règles;

Quatrièmement, et dernier point, réserver aux opérations d'immigration l'utilisation des fonds générés par la tarification des demandes d'immigration. Peu de gens savent que les opérations de sélection des immigrants ne coûtent rien aux contribuables québécois. L'étude du cahier explicatif des crédits 2015‑2016 du MIDI a permis d'apprendre que, lors de la dernière année budgétaire, le Québec a récolté plus de 41 millions en frais de tarification des demandes d'immigration. Cela dépasse largement les frais d'opération de sélection encourus par le MIDI, et cela même si on y ajoute certains coûts encourus par le MRI à l'étranger.

Vous trouverez, dans le texte de notre mémoire, plus de précisions concernant ces quatre préoccupations. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Vachon. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 15 min 30 s.

Mme Weil : Merci, Mme Vachon et M. Gagnon. Merci pour votre participation. On va en profiter parce que vous, vous avez une expérience qui est vraiment... peu de gens qui viennent en commission parlementaire qui connaissent... Vous connaissez des cas particuliers. Vous avez vu toutes sortes de parcours. Vous avez vu les embûches. Vous avez vu, au fil des années, les transformations, les changements. Mais, globalement... bon, on va peut-être y aller un par un.

Le volume, bon, le volume, le nombre de personnes qu'on souhaite admettre, vous souhaiteriez qu'on l'augmente pour avoir plus de travailleurs qualifiés. Maintenant, vous comprenez les vases communicants entre l'immigration surtout humanitaire... J'aimerais vous entendre sur cet objectif, bon, c'est-à-dire qu'on maintient cet engagement, mais c'est difficile de...

Et, d'ailleurs, excusez-moi parce que j'ai tendance à ne pas parler dans... là, ça va mieux, hein, sûrement? Oui. On s'excuse de ça.

Donc, c'est des vases communicants, et il y a une grande réforme aussi qu'on met en branle. Alors, ça, c'est le troisième pilier de cette grande réforme pour nous permettre d'aller de l'avant. Vous voulez consulter la population sur tous ces éléments. Et les orientations reflètent justement les changements au projet de loi n° 77, la déclaration d'intérêt.

Donc, en regardant les volumes qu'on propose, l'intention, ici, c'est de... la dernière des choses à faire, dans toute initiative de transformation profonde, quel que soit le domaine, c'est de ne pas mettre une pression additionnelle alors qu'on est en train de changer un système. Alors, c'était la prudence.

Oui, on connaît les prévisions démographiques. On voit que les personnes en âge de travailler sont en décroissance. C'est pourquoi, la troisième année, on augmente. Mais, vous, vous dites : Vous devriez augmenter de façon plus importante. Mais vous voyez que, là, on augmente pour avoir plus de travailleurs qualifiés. Le pourcentage est peut-être moins important que pour vous, qu'il y ait plus de travailleurs qualifiés en chiffres bruts, si je comprends bien. Plus de travailleurs qualifiés. Parce que, le pourcentage, on maintient l'engagement des réfugiés. Donc, c'est pour ça que vous, vous proposez une augmentation. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Vachon (Isabelle) : Tout à fait.

Mme Weil : Parce que vous avez une inquiétude qu'en bout de ligne, la troisième année, on n'ait pas assez de travailleurs qualifiés.

Mme Vachon (Isabelle) : Oui. C'est dans l'aspect que, oui, nous sommes pour la catégorie des réfugiés humanitaires et familiaux, mais que, dans l'influence au niveau économique, que ça n'influence pas négativement.

Mme Weil : Qu'est-ce que vous remarquez, vous, dans votre expérience par rapport aux besoins économiques, le besoin des entreprises, les problématiques auxquelles elles font face? Vos clients, là... bien, vos clients... vous le voyez de part et d'autre, surtout le demandeur.

Mme Vachon (Isabelle) : Oui. On le voit de part et d'autre, autant le nouvel arrivant qui se présente dans ses qualifications sur le marché du travail, et l'employeur, ce qu'il recherche au niveau des qualifications comme employé.

• (11 h 20) •

Mme Weil : Et donc les problématiques de reconnaissance. Est-ce que vous avez remarqué des améliorations? Parce que nous, bon, on a financé, depuis de nombreuses années, comment dire, des programmes pour aider les ordres professionnels à reconnaître les compétences. On a vu beaucoup de progrès ces dernières années.

Il y a les employeurs qui ont besoin d'être accompagnés. On a des organismes comme Qualification Montréal, qui fait un excellent travail, qui déborde le territoire de Montréal. Beaucoup, beaucoup d'initiatives ces dernières années. Est-ce que vous, au fil de votre pratique et carrière, vous avez vu que ça commence à donner des résultats ou qu'il y a eu des progrès? Nous, on le constate, mais dans votre accompagnement de ces nouveaux arrivants?

Mme Vachon (Isabelle) : Je dois vous dire que oui, parce que, un emploi... Pendant des années, j'ai été conseillère en emploi auprès d'Emploi-Québec, donc j'avais déjà un intérêt et je cherchais ces éléments-là. Donc, ce qui m'a amené à l'immigration, c'est l'aspect que je n'avais pas de réponse, et donc, quand on est à l'affût de cela, on recherche plus ces informations. On les ressent petit à petit, mais il est clair qu'il y aura toujours des efforts...

Mme Weil : Oui, qu'il faut aller plus loin, en effet.

Mme Vachon (Isabelle) : Oui, tout à fait.

Mme Weil : Maintenant, l'arrimage entre la sélection... Vous avez comme une petite réserve. Peut-être vous entendre là-dessus, cet arrimage entre les besoins du marché du travail... Vous savez qu'il y aura des portraits régionalisés des besoins pour amener les gens plus en région. Pourquoi en région? Bien, ils vont être en région parce que c'est là que l'entreprise les sollicite. C'est ça, ce contact. Mais vous avez des commentaires. Est-ce que je pourrais vous entendre un peu plus là-dessus?

Mme Vachon (Isabelle) : Le bon point par rapport à la région... Oui, l'entreprise a besoin, mais, après, c'est tout le mode de vie, vous comprenez? Alors, à partir de là, quelles sont les activités? Et donc c'est pour ça, comment je pourrais dire, que le nouvel arrivant se redirige un peu vers la métropole, où il y a une certaine concentration. Mais, si l'entreprise prend, oui, en charge l'emploi, c'est déjà bien d'avoir un emploi. Et, par la suite, sur le terrain, auprès, je ne sais pas, du municipal, les engagements, au niveau des différentes associations qui sont positionnées là... ce serait, pour les entreprises, de se jumeler aussi à d'autres activités.

Mme Weil : On est très d'accord avec vous, là, sur cette question, et c'est pour ça que, dans la politique et la stratégie d'action, il y a des mesures, justement, qui visent la société autour de cet immigrant, le vivre-ensemble, la rétention. Ça prend plus qu'un emploi pour assurer la rétention : ça prend tout le milieu de vie. Donc, il y a des stratégies d'action qui viennent accompagner, justement, le nouveau système d'immigration.

J'aimerais vous entendre sur... c'est le point 3, là, l'orientation 3. Je trouve ça vraiment intéressant puis j'aimerais vous entendre un peu plus sur le fait de cibler 40 % de l'immigration permanente qui serait issue de la voie temporaire. Et vous dites qu'on devrait considérer le niveau 7, et ça vient...

Une voix : ...

Mme Weil : C, excusez-moi... et ça vient rejoindre un peu la fédération des entreprises indépendantes par rapport... Qu'est-ce que vous constatez? Là aussi, vos constats par rapport... les types d'emplois, que vous voyez certainement un besoin, des gens qui sont déjà en emploi, peut-être développer un peu cette idée-là.

M. Gagnon (Louis-René) : Oui. Pour les travailleurs temporaires dans le PEQ, pour améliorer... Effectivement, actuellement, le PEQ est réservé au niveau 0, A et B de la CNP. Mais on pense qu'il y a...

Mme Weil : Est-ce que ça vous dérangerait... Je ne sais pas si on a le temps. Pour les gens qui nous écoutent, c'est tellement important, ce que vous dites là. Peut-être expliquer quelques... parce que ce n'est pas facile pour les gens.

M. Gagnon (Louis-René) : Oui, juste expliquer rapidement : 0, c'est cadres, A, c'est professionnels, B, c'est techniciens.

Mme Weil : C'est ça.

M. Gagnon (Louis-René) : Parce que les emplois au Canada sont... Le CNP, c'est quelque chose qui sert beaucoup en immigration, mais qui n'est pas uniquement par l'immigration. C'est produit par Statistique Canada. Il y a les niveaux, aussi, C et D. C, ça demande généralement le secondaire, D, c'est le reste.

On donne des points à C, dans la grille de sélection, pour l'expérience de travail; évidemment, 0, A ou B. Mais on pense qu'il y a certains grands groupes de C qui pourraient être admissibles. Pour donner un exemple, on pourrait prendre ceux qui sont déjà dans la liste de la démarche simplifiée pour les temporaires. Il y a un certain nombre de C. Ce serait logique de permettre ça. Et il y a quelques provinces au Canada, notamment l'Alberta et la Saskatchewan, qui, dans leurs propres processus PNP, élargissent à certains groupes de niveau C la possibilité, là, d'avoir une désignation provinciale.

Alors, là-dessus, sans vous dire exactement... Parce que ça varie, hein, le marché du travail. On est d'accord qu'il faut adapter. Je pense qu'il faudrait peut-être avoir une certaine ouverture pour, de temps à autre, moduler ça et avoir une ouverture d'ouvrir — si vous me permettez cette tautologie-là — à certains groupes de C, qui peuvent une certaine pénurie, ne pas être aussi rigide.

Et aussi on trouverait ça intéressant, vous n'avez pas posé la question, mais de créer un troisième volet, un volet entrepreneur. On se demande quelle est la logique. On offre un parcours rapide aux gens qui ont un diplôme, aux gens qui ont travaillé 12 mois au Canada, au Québec, mais pourquoi quelqu'un qui a opéré une entreprise pendant 12 mois ou 24, si vous voulez, ne se verrait pas offrir, lui aussi, un CSQ selon la même logique?

Mme Weil : On va regarder cette recommandation. Vous savez qu'on est en train de revoir le Programme immigrants entrepreneurs de fond en comble.

M. Gagnon (Louis-René) : Je pense que l'ACCPI aimerait bien être associée de près au...

Mme Weil : Bien, est-ce que je peux vous entendre là-dessus? Parce que vous avez des suggestions là aussi. Est-ce qu'on pourrait vous entendre? On va en profiter. Nous, on est en train de le réviser, là, justement pour associer, donc, ces personnes à des incubateurs, des accélérateurs, etc. Mais vous, vous dites que vous aimeriez être associés ou mieux comprendre parce que vous avez un point de vue, une expérience. Est-ce que vous pourriez partager, donc, votre expérience dans ce domaine?

M. Gagnon (Louis-René) : On a l'avantage, l'ACCPI, c'est que c'est une association pancanadienne, surtout Isabelle travaille avec les présidents de sections des autres provinces, des autres régions, qui ont de l'expérience, par exemple, du programme fédéral. Il y a un programme fédéral de visa pour... Start-up, et donc nous, on peut puiser l'expérience des gens des autres sections qui ont vécu là-dessus pour vous donner des suggestions, même chose que pour Entrée express, qui s'applique dans le reste du Canada depuis le 1er janvier 2015. Les collègues des autres provinces ont de l'expérience qu'ils peuvent nous transférer pour vous aider dans la mise sur pied de la réglementation et des directives concernant le nouveau système de déclaration d'intérêt.

Mme Weil : Allez-y, ce serait intéressant de vous entendre.

Mme Vachon (Isabelle) : À ce niveau-là? Par rapport au Québec, ce qui est revenu en premier, on s'est arrêtés beaucoup sur l'aspect linguistique, on l'a mentionné ici, c'était... ce que vous avez mentionné, on se sent une limite à ce niveau-là, on espère qu'il y aura plus de flexibilité. C'est la réalité du Québec, on maintient le français à ce niveau-là, mais c'est une réalité que, pour entrer au Québec, les candidats rencontrent plus de difficultés. On a beau leur rappeler, leur dire : Oui vous avez besoin du français... Oui, vous en avez de besoin.

On avait parlé, tantôt, au niveau des évaluations des compétences, ça a été mentionné, on travaille beaucoup là-dessus. L'accessibilité aussi aux organismes que vous avez mis sur pied est plus facile, c'est vraiment un avantage. Si je pense à mes collègues des autres chapitres, la facilité se va de l'avant et ils attendent pour nous, pour voir comment nous donner un coup de main quand on va se positionner pour le nouveau projet de loi qui s'en vient.

Mme Weil : Qu'est-ce que vous voyez par rapport à Start-up Visa? Nous aussi, on a consulté beaucoup le milieu des incubateurs, accélérateurs et des entrepreneurs, on a beaucoup consulté pour concevoir ce nouveau programme. On a regardé ce qui se passe au niveau fédéral. Est-ce que vous avez des commentaires, des leçons apprises, des recommandations sur les meilleures pratiques, des choses intéressantes que vous avez vues ailleurs qui pourraient être importées?

Mme Vachon (Isabelle) : Comme commentaire, c'est bien d'avoir un suivi, un suivi au niveau de la participation avant, pendant et après, ce qui va donner une meilleure qualification. Pour avoir fait un projet au SAGE aussi, là, c'est vraiment une réalité. Et surtout au niveau de la comptabilité au Québec, hein, les gens se posent la question : Est-ce qu'on se doit d'avoir un rapport ici, au Québec? Est-ce qu'on se doit de l'avoir au fédéral? Donc, il y a toute une notion d'informations auxquelles peu de gens sont informés. Mais c'est vraiment d'avoir un suivi, ce serait l'avantage.

Mme Weil : Oui. La régionalisation, cette question d'amener les immigrants en région... Je pense qu'on l'a peut-être déjà couvert, hein, les commentaires que vous avez déjà faits.

Mme Vachon (Isabelle) : Oui. On parlait au niveau des entreprises. Oui, les entreprises par l'offre d'emploi, c'est tout à fait génial, mais vraiment les alentours, donc on parle de la ville, de la région, d'avoir des associations, il y en a, des associations, sur pied, mais vraiment une collaboration directe avec les entreprises et même le municipal pour faire découvrir aux gens la région de près et de loin.

• (11 h 30) •

Mme Weil : Là, j'ai une question importante. J'essaie de comprendre quand vous dites qu'on a besoin de plus d'assouplissements dans la liste des domaines de formation pour éviter une barrière pour avoir un CSQ, alors que l'objectif évidemment des travailleurs qualifiés, c'est que les gens intègrent le marché du travail rapidement, donc, c'est toujours basé sur une liste qui sera maintenant régionalisée, là, une fois que le projet de loi n° 70 est adopté, pour amener les gens là où il y a ces emplois. Quelle est votre crainte par rapport à cette liste?

M. Gagnon (Louis-René) : Bien, écoutez, c'est parce que, quand on voit des points domaines de formation, au fond, le vrai régulateur de ça, c'est la liste des domaines de formation. Si la liste est très étroite, très congrue, ça va être très difficile d'aller chercher ça. Donc, c'est simplement attirer l'attention que le véritable enjeu tactique là-dedans, c'est d'avoir quand même une liste des domaines de formation qui n'est pas trop rigide. Récemment, elle a été augmentée. Je dois vous dire qu'il y a plus de... c'est plus facile, puis, même si elle est régionalisée... Mais juste d'attirer l'attention que c'est ça qui est crucial : quand un consultant examine le dossier de ses clients pour voir s'il va aller chercher deux, six, 12 ou même 16 points supplémentaires, si la liste est trop étroite, ça ne passera pas.

Il y a aussi le fait que les changements à la liste des domaines de formation, comme quand c'est arrivé le 26 janvier 2015, ils s'appliquaient immédiatement. Dans le régime actuel, on peut comprendre, mais, dans un régime de déclaration d'intérêts où les gens sont dans un pool puis après ça qu'on fasse une invitation à déposer une demande, appliquer aux demandes qui ont déjà été déposées les modifications à la liste, on ne trouve pas ça équitable, surtout si c'est le ministère qui a invité, puis le délai de traitement est court. Autrefois, si le délai de traitement était encore deux, trois ans, c'était peut-être plus raisonnable de dire : Bien non, il faut l'appliquer immédiatement. Parce que ça met les consultants dans une position terrible par rapport à leurs clients. Ils font une évaluation, ils leur disent : Oui, aujourd'hui, on dépose votre demande, vous faites les points, ça marche, et là le gouvernement change des règles du jeu en cours de route. La plupart des clients, ils ne comprennent pas, là, et ils mettent la faute sur le consultant ou leur avocat quand ils ont un constat de dire : Vous m'avez dit que c'était correct. Puis là ils ont de la difficulté à croire que le gouvernement change des règles en cours de route.

Le Président (M. Picard) : Merci.

Mme Weil : Je n'ai plus de temps. Je vous remercie, mais on vous reviendra avec quelques questions précises que j'ai pour nous aider dans l'implantation de cette réforme. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Bourget pour 9 min 20 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Madame, monsieur, soyez les bienvenus. Merci d'être là.

Je voudrais profiter de l'occasion de l'expérience de madame qui a travaillé à Emploi-Québec, qui, de mémoire, considère que ça prend un niveau 8 en termes de maîtrise du français pour travailler en français au Québec. Parce qu'à ce moment-ci nous nous trouvons au niveau 7, et certains de vos prédécesseurs ici, en commission, ont demandé d'assouplir davantage encore. Est-ce qu'assouplir cette condition serait, disons, profitable pour une intégration réussie en français au Québec pour un immigrant ou une immigrante?

Mme Vachon (Isabelle) : Diminuer les critères n'est pas toujours évident, à savoir comment limiter. Le français est important, ça, on ne questionne pas cela, et, pour le pratiquer, il y a certains emplois qui demandent de rédiger des documents, de communiquer par l'écrit. La conversation avec des collègues sur le terrain, verbale, c'est une chose, mais par écrit, quand qu'on demande des tests linguistiques, on peut l'identifier. Parce qu'il faut une préparation. On s'entend, oui, je vis au Québec, je vis dans le français, mais, je peux vous dire, quand vient le temps d'aller compléter des tests, je me remets à certains... et il y a certaines exceptions que je n'ai pas maintenues avec moi tout au long de mes études. Donc, à savoir si on doit diminuer, j'en reviens aux candidats, c'est sûr que ça va franchement aider à déposer leurs demandes, leurs candidatures, ça, oui. Ça, c'est, à ce niveau-là, oui. Et, sur le marché du travail, autant pour nous, pour les consultants, c'est important pour nous d'avoir des gens qui sont capables de maîtriser le français tout à fait.

Mais donc on relance cet aspect-là, comme on dit, au leadership politique, parce que, oui, diminuer, mais pas à un point où est-ce qu'on va questionner à savoir si les gens sont capables de le maîtriser ou non. J'espère que ça répond à votre question.

M. Kotto : Je reviens à cette notion de leadership politique relativement à ce que vous proposiez comme niveau de seuils, vous êtes pour aller jusqu'à 60 000. Serait-ce une proposition à considérer sans, disons, mettre sur la balance les moyens financiers, et les ressources, et les structures d'accueil pour accompagner en intégration, en emploi et en francisation?

Mme Vachon (Isabelle) : Oui, à tous les niveaux, à tous les niveaux, parce que, si on dit : On accueille un groupe et on cible vers l'augmentation, il faut que toutes les structures aillent de l'avant.

M. Kotto : O.K. Donc, il faut qu'il y ait une synchronicité...

Mme Vachon (Isabelle) : Oui.

M. Kotto : ...à ce niveau-là. En gros, voilà les deux questions qui me turlupinaient.

Mme Vachon (Isabelle) : Merci.

M. Kotto : Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci. Mme la députée de Montarville, pour une période de 6 min 10 s.

Mme Roy (Montarville): Merci beaucoup, M. le Président. Mme Vachon, M. Gagnon, merci, merci du mémoire, merci d'être là. Vous avez le nom d'une de mes amies.

J'ai lu votre mémoire. Je vous amène tout de suite à la page 4. Il y a des choses intéressantes que vous dites, avec lesquelles je suis tout à fait d'accord. Page, page, page... je disais 4, voilà. Lorsqu'on parle, effectivement, d'un accroissement de l'immigration en région, on pense tout comme vous que c'est primordial, que c'est important aussi de faire en sorte que nos nouveaux arrivants n'aillent pas tous à Montréal, mais aillent justement en région. Puis, pour nous, c'est aussi pour des raisons d'intégration. Je pense que c'est important d'immigrer partout à travers le Québec, pas uniquement à Montréal. Vous nous dites : «Cependant, comme nous sommes impliqués principalement dans la phase de sélection des nouveaux arrivants, nous suggérons que les critères de sélection ou d'invitation comportent un avantage réel pour nos clients qui désirent se destiner en dehors de la région métropolitaine de Montréal.»

Alors, qu'est-ce que vous voulez dire par «un avantage réel»? Comme quoi, ça ressemblerait à quoi? Voulez-vous élaborer, je vous prie?

M. Gagnon (Louis-René) : Tout simplement donner des points aux gens qui veulent aller en région... c'est un débat éternel au ministère... mais, à part ça, il n'y a pas de points supplémentaires. Ce qui arrive souvent, c'est que les clients qui viennent voir les consultants, on va leur dire : Il faut écrire dans la demande la région de destination. Les gens vont dire : Quel avantage que j'ai si je dis «Québec», si je dis «Gatineau» ou «Rouyn-Noranda»? Actuellement, on est obligés de leur dire : Ça ne vous donne rien, à moins que vous ayez une offre d'emploi validée, ce qui est assez rare, ce qui touche à peine quelques pourcents des demandes. Donc, on n'a pas d'instrument dans la phase dans laquelle on s'occupe, là, celle de la sélection, du choix de la région de destination, on n'a pas de levier pour persuader les gens d'aller en région. Évidemment, on va dire souvent : Bon, bien, si on donne des points aux gens qui disent qu'ils vont, je ne le sais pas, à Québec, ils vont arriver puis ils vont repartir après vers Montréal. Mais, écoutez, c'est vrai pour le Québec, hein? On permet à des gens de venir au Québec puis on en perd quelques-uns pour le reste du Canada, parce qu'ils disent qu'ils viennent à Montréal, puis, après ça, ils viennent à Toronto. Mais le système fonctionne quand même. Il y a quand même beaucoup de gens qui respectent la question de destination. Alors, tout simplement, tout simplement, aménager la grille pour permettre de donner des points aux gens qui déclarent... Bon, on pourrait aussi trouver des moyens après ça de les récompenser. Il y a des qui ont déjà suggéré de rembourser une partie des frais d'immigration aux gens qui sont trois ans après dans la région de destination qu'ils ont promise hors Montréal. Ça serait un incitatif financier. Il peut y avoir d'autres choses. Et, juste en passant, récemment, au Canada, il y a un eu grand succès de régionalisation. Savez-vous où est-ce que c'est?

Mme Roy (Montarville): Allez donc.

• (11 h 40) •

M. Gagnon (Louis-René) : C'est dans les autres provinces du Canada. Autrefois, l'immigration Canada hors Québec se concentrait énormément à Toronto et à Vancouver. Depuis que le gouvernement fédéral a décentralisé et a permis à certaines provinces d'accorder des points via leur système de PNP, la répartition régionale dans le reste du Canada, dans les provinces qui n'étaient pas des provinces d'accueil a beaucoup augmenté. La Saskatchewan, le Manitoba, l'Alberta, dans le temps où c'était intéressant économiquement, il y avait cet aspect-là, mais le Manitoba, notamment, la Saskatchewan ont augmenté de façon remarquable leur pourcentage de l'immigration du ROC, du reste du Canada, pourquoi? Parce qu'ils se sont vu attribuer des pouvoirs de sélection plus intéressants. Donc, l'idée que la décentralisation, donner des points aux régions, la possibilité d'accorder des points aux régions, c'est un levier que le Québec possède en matière de sélection qu'il devrait utiliser davantage.

Mme Roy (Montarville): Dans la quotidienneté de votre travail, puisque vous êtes avec justement les demandeurs, dans la réalité des choses, est-ce que les gens vous demandent d'aller en région? Si oui, quelles régions? Qu'est-ce que les gens veulent puis... parce que vous êtes vraiment en contact avec eux.

Mme Vachon (Isabelle) : Et là, si on s'est déplacés en tant que nous-mêmes consultants dans la région, on a un peu plus d'éléments d'apportés, donc on va faire une recherche voir au niveau... si les gens préfèrent le plein air, s'ils préfèrent, je ne sais pas, au niveau de l'emploi, un aspect minier. C'est nous-mêmes qui se doit d'amener des éléments pour les convaincre de découvrir une autre région, sinon c'est pour ça que les points, ce serait un bon incitatif à ce niveau-là.

Mme Roy (Montarville): Donc, vous êtes en train de me dire que ce n'est pas tant les immigrants qui le demandent, mais c'est vous qui devez leur vendre une région.

Mme Vachon (Isabelle) : Oui. C'est les deux, O.K., c'est les deux.

Mme Roy (Montarville): O.K. C'était ça, ma question, oui. Au niveau de la demande, ça ressemble à quoi?

Mme Vachon (Isabelle) : C'est parce que la demande vient de plus en plus par rapport en région, parce qu'ils disent : Oui, on entend souvent qu'on nous dit que tout le monde est là-bas, tout le monde est là-bas, et on nous dit d'aller voir un peu plus grand ailleurs. Mais ailleurs, c'est quoi? D'où vient un peu qu'on leur parle... J'ai eu la chance, moi, de grandir en région, donc j'ai connu autant les Appalaches, l'Estrie, je suis allée en Ontario. Vous voyez, donc, j'ai ces éléments de leur partager, alors c'est sur ça qu'on se base. Mais une personne, si on prend un consultant qui est arrivé à Montréal, il va positionner Montréal.

Mme Roy (Montarville) : En terminant, vous parlez sur les seuils. Vous dites que vous êtes favorables à une augmentation substantielle de 60 000 assez rapidement du seuil d'immigration. Vous nous dites : Qui veut peut, on a les moyens. Mais concrètement, actuellement, est-ce que la démonstration est faite qu'on a les moyens de réussir l'intégration et la francisation de nos immigrants avec ce qu'on a sur la table?

Mme Vachon (Isabelle) : O.K. C'est sûr qu'au niveau de la francisation ce que j'ai pu voir sur le terrain, il y a eu des activités qui ont été positionnées. Et ce que j'avais été chercher sur le terrain était que, pour apprendre le français, c'est préférable d'être dans un milieu où est-ce que les gens aiment parler le français et parler de la culture aussi. Ce n'est pas juste cet aspect de la langue, donc c'est un élément de partager la culture du Québec. C'est ça qu'il faut mettre aussi par rapport au français.

J'ai vu beaucoup de changements. Il y a une nouveauté qui s'est présentée. Ce n'est pas évident. Parce que j'observe, et je cherche la participation, et je vais à la recherche de ces informations-là. Mais peut-être que d'autres diraient : Non, moi, je ne vois pas de changement. Mais j'encourage le français, ce n'est pas compliqué. Alors, à partir de là... Mais, pour ce qui est de qu'est-ce qui est installé, instauré, il y a toujours... faire place à l'amélioration. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Vachon, M. Gagnon, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants de la ville de Montréal. Donc, vous disposez d'une période de 10 minutes. Vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires.

Dans un premier temps, je vous demanderais de vous présenter, et je vous avise tout de suite que, vers midi, il va y avoir un dynamitage. Donc, il ne faut pas faire le saut, tout simplement. Donc, la parole est à vous.

Ville de Montréal

M. Perez (Lionel J.) : Merci bien. Merci, M. le Président. Mme la ministre, chers membres de la commission, je me présente, mon nom est Lionel Perez. Je suis membre du comité exécutif de la ville de Montréal responsable, entre autres, des infrastructures, de la gouvernance et des relations gouvernementales. J'ai avec moi M. Francisco Silva, qui est du Bureau des relations gouvernementales et municipales.

Donc, au nom de la ville de Montréal, je tiens d'abord à saluer l'initiative du gouvernement du Québec d'entendre les préoccupations des différents acteurs concernés par la planification de l'immigration au Québec. Cette consultation survient dans un contexte où la ville de Montréal est dans l'attente de la loi sur la Métropole. En effet, depuis plusieurs années, la ville de Montréal revendique auprès du gouvernement du Québec une reconnaissance explicite de son rôle en matière d'intégration, d'accueil, ainsi que l'allocation des ressources conséquentes à la reconnaissance de ce statut. J'aimerais également souligner que l'accueil d'immigrants provenant de tous les coins de la planète doit se faire sous la perspective du vivre-ensemble. Cette planification doit tenir compte de cet aspect afin de permettre la pleine et entière participation des nouveaux arrivants à toutes les sphères d'activité. Dans cette logique, Montréal s'est engagée à bâtir des milieux de vie où il fait bon vivre. C'est au niveau local que se vit tous les jours l'inclusion, condition essentielle du vivre-ensemble. Alors, le présent mémoire de même que les recommandations formulées doivent être interprétés en regard de ce contexte global.

Montréal est favorable aux orientations proposées dans le document de consultation. Nous souhaitons toutefois apporter des précisions et des nuances qui nous semblent essentielles au succès de la présente planification. D'entrée de jeu, nous constatons que plusieurs objectifs sont similaires à ceux formulés dans les documents de planification pluriannuelle antérieurs, soit de de 2008 à 2010 ainsi que 2012 à 2015. Cela ouvre la porte à plusieurs interrogations concernant le bilan de ces plans. Il serait fort pertinent de pouvoir prendre connaissance et d'évaluer les résultats obtenus. Ces informations nous permettront de mieux déterminer quels seront les outils et les ressources nécessaires à mettre en place pour atteindre les objectifs suggérés par les orientations 2 à 6 de la présente planification. Il est maintenant impératif de prendre en compte le rôle également de la métropole et de travailler de concert afin d'atteindre les objectifs qui seront fixés.

C'est dans cette logique que nous réitérons au gouvernement du Québec l'importance de développer ce qu'on appelle le réflexe Montréal permettant à la Métropole de participer en amont à la planification de l'immigration pour les années à venir. La première de nos recommandations vise donc à reconnaître le rôle de la métropole en matière d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants et de personnes issues de l'immigration, sa spécificité et ses besoins. Nous soulignons la volonté du gouvernement du Québec, dans sa stratégie d'action 2016‑2021, de mettre en place une approche partenariale, notamment avec les municipalités. Donc, évidemment, Montréal, où on a accueilli 70 % de l'immigration sur une base annuelle, aura un rôle de premier plan.

• (11 h 50) •

Concernant les orientations, la première suggère de stabiliser les niveaux d'immigration pour les deux premières années puis les augmenter légèrement au cours de la troisième année. La ville de Montréal est d'avis qu'il est possible de stabiliser les niveaux d'immigration pour les deux premières années de la planification puis ensuite de les augmenter progressivement dans la mesure où le nombre total de personnes immigrantes et les modalités de répartition prévus ne compromettent pas l'apport migratoire nécessaire à la métropole.

Concernant la deuxième orientation, soit d'accroître progressivement la part d'immigration économique pour atteindre 63 % en fin de période, nous croyons que la croissance de la part de l'immigration économique est souhaitable pour faire face à la tendance démographique actuelle et répondre aux besoins de main-d'oeuvre observés. Toutefois, il ne suffit pas seulement d'accroître la part d'immigration économique pour considérer que les enjeux en matière d'accueil et d'intégration s'amenuisent. Les nouveaux arrivants ont besoin d'un accompagnement adéquat pour que leurs démarches de recherche d'emploi soient positives, que les barrières soient levées et que leur intégration se déroule le plus facilement et harmonieusement possible. Cet accompagnement se fait en ce moment avec des ressources financières limitées et malmenées par certaines règles du gouvernement du Québec qui ne permettent pas la simultanéité des programmes. Je pourrai vous donner un exemple, si vous voulez, lors des périodes de questions.

Ces constats nous amènent à formuler une deuxième recommandation, soit d'assurer une planification des niveaux d'immigration au Québec qui permet à Montréal de faire face aux défis démographiques et économiques actuels. Les orientations 3 à 6 touchent de manière plus particulière aux caractéristiques des nouveaux arrivants et aux qualifications requises. À cet égard, il importe de prévoir des ressources et des services pour permettre l'intégration sociale et économique des immigrants. En concordance avec la troisième orientation, Montréal est d'avis que l'amélioration de la rétention des étudiants étrangers et des travailleurs temporaires présents sur le territoire est un enjeu clé, pour ne pas dire une priorité. Il importe de mettre en place des mécanismes visant à faciliter l'obtention de leur résidence permanente, mais avant tout de mettre à leur disposition un ensemble de services visant à favoriser une adaptation rapide et un enracinement dans le milieu de vie.

En ce qui concerne la quatrième orientation visant à fixer à un minimum de 85 % la proportion des adultes de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés qui déclarent connaître le français d'admission, on sait tous que l'article 1 de la Charte de la ville de Montréal énonce que Montréal est une ville diverse, inclusive et de langue française. Cela contribue à son caractère unique. Évidemment, l'accueil de nouveaux arrivants parlant le français est un atout, sinon la clé afin de favoriser leur intégration, notamment en emploi. Il peut toutefois sembler ambitieux et complexe d'atteindre cet objectif de 85 % de personnes connaissant le français tout en répondant à l'orientation n° 8, qui stipule vouloir assurer une diversification des bassins d'immigration. En ce sens, la ville de Montréal invite le ministère à fournir de plus amples informations sur les mesures et ressources qui seront mises à la disposition des partenaires et des nouveaux arrivants pour parvenir à atteindre ces cibles.

L'orientation 5 propose, quant à elle, de s'assurer que la proportion des candidates et candidats sélectionnés dans la sous-catégorie des travailleurs qualifiés détenant une formation en demande soit d'au moins 70 %. Une fois arrivés au pays, les nouveaux arrivants qui ont été sélectionnés doivent bénéficier d'un accompagnement étroit pour que se concrétise le maillage avec les entreprises qui cherchent à combler leurs besoins. Ces mesures font partie du continuum de services qui doivent être offerts aux nouveaux arrivants pour favoriser leur intégration.

Toutefois, pour atteindre ces objectifs, plusieurs mesures en amont qu'en aval doivent être déployées. Par exemple, la réalisation annuelle de portraits régionaux en collaboration avec les partenaires locaux, dont la ville de Montréal, permettra de prendre en compte les besoins réels des entreprises et d'ajuster à brève échéance l'apport migratoire nécessaire. Également, la reconnaissance des diplômes constitue également un défi important pour un bon nombre de nouveaux arrivants. À cet égard, nous sommes encouragés du fait que le comité interministériel qui étudie la question soumettra un rapport avec recommandations afin de résoudre cette importante problématique.

Enfin, la métropole souhaite que le gouvernement poursuive ses efforts afin de réduire la lourdeur administrative inhérente au processus d'embauche d'un ressortissant étranger pour les entreprises et qu'il soutienne des mesures d'accompagnement plus ciblées.

Quant à la part des personnes de moins de 35 ans dans l'ensemble des admissions, soit l'orientation 6, qui fixe un minimum de 65 % annuellement, les tendances démographiques démontrent un vieillissement de la population accéléré au Québec en comparaison avec les autres provinces canadiennes. Donc, la ville de Montréal considère que la sélection d'une proportion minimale de 65 % de nouveaux arrivants âgés de moins de 35 ans contribuera à pallier cette tendance.

On regarde les orientations 3 à 6 quant aux caractéristiques des nouveaux arrivants et aux qualifications requises. Nous recommandons une série de mesures visant à assurer un continuum de services adaptés aux nouveaux profils des candidats sélectionnés. Vous trouvez la liste de l'ensemble de toutes les mesures proposées sous la troisième recommandation de notre mémoire.

En ce qui concerne la septième orientation, Montréal a développé une expertise particulière en matière de gestion de la diversité de même que des projets porteurs. Plusieurs de ces projets pourraient être déployés à une plus grande échelle dans d'autres régions du Québec. Il est important de déployer tous les efforts requis pour éviter qu'un fossé se creuse entre Montréal et les régions du Québec en ce qui a trait à la vision de l'accueil et de l'intégration des nouveaux arrivants. Le rôle de Montréal et des régions est complémentaire dans cet objectif d'ouverture et d'inclusion.

Par conséquent, notre quatrième recommandation consiste à encourager les échanges entre les régions du Québec et la métropole afin de consolider les ponts et de favoriser le rapprochement entre les Québécois et les Québécoises de toutes origines.

La huitième orientation vise à favoriser la diversité du mouvement migratoire en provenance des différentes régions du monde. En tant que métropole cosmopolite, Montréal considère que le Québec doit être ouvert à attirer les talents nonobstant leur pays d'origine et s'assurer d'offrir des services nécessaires afin que ces personnes apprennent le français.

La neuvième orientation concernant l'engagement humanitaire du Québec par l'accueil des personnes réfugiées et d'autres personnes ayant besoin d'une protection internationale... l'ouverture du Québec à l'endroit des populations réfugiées doit en effet être réaffirmée. Il est également nécessaire d'apprendre des expériences passées afin d'améliorer et de consolider les mécanismes d'accueil et d'intégration prévus dans de telles situations. La métropole...

Le Président (M. Picard) : S'il vous plaît! En terminant, s'il vous plaît.

M. Perez (Lionel J.) : La métropole pourrait cependant répondre plus adéquatement aux besoins des personnes réfugiées dans la mesure où elle dispose des ressources, des compétences accrues.

Pour conclure, l'accueil et l'intégration sociale, économique des immigrants est un défi local, elle doit être une priorité d'intervention partagée entre les différents paliers de gouvernement. La métropole souhaite ainsi jouer un plus grand rôle en matière d'intégration des nouveaux arrivants et, pour y arriver, il est nécessaire d'un partenariat renouvelé avec le gouvernement du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 16 minutes.

Mme Weil : Oui. Bonjour. D'ailleurs, je cherche, votre collègue... le nom.

Une voix : ...

Mme Weil : Oui. Donc, c'est ça, M. Perez, évidemment, bonjour, et M. Silva, bienvenue, merci de votre participation. Un document riche de recommandations par rapport à la relation, la relation de la ville de Montréal avec l'immigration, justement, donc une présence historique de l'immigration dans la ville de Montréal, et aussi le rôle que la ville de Montréal souhaiterait jouer pour améliorer, finalement, l'intégration, et notamment l'intégration en emploi...

Alors, je vais vous poser des questions qui vont aller sur chacune de vos recommandations. Dans la première, peut-être commencer par le point 1.2 de vos recommandations, le bilan. On a plusieurs documents de bilans, mais peut-être que vous parlez d'autres choses. Alors, dans le plan annuel, on fait un bilan de l'accueil, l'admission puis la répartition des immigrants. Il y a la publication d'un bulletin statistique sur l'immigration permanente trimestriel et pour l'ensemble de l'année. Il y a une reddition de comptes dans le rapport annuel de gestion avec beaucoup, beaucoup d'information. Ce serait peut-être éventuellement de regarder et de voir qu'est-ce qu'il manque dans ces dossiers-là. La particularité de Montréal n'est peut-être pas prise en compte, et ces des chiffres globaux. Évidemment, c'est complexe. On a évidemment une équipe au ministère qui s'occupe de ça. Donc, ça, c'est quelque chose qu'on pourrait travailler ensemble pour mieux vous aider dans votre planification.

Pour ce qui est du premier, de permettre à la métropole de participer en amont à la définition des objectifs sur le niveau et la composition de l'immigration... Évidemment, cette recommandation va beaucoup dans le sens de cette réforme, que, si on veut améliorer l'intégration des personnes et qu'ils puissent trouver un emploi rapidement, il faut changer nos façons de faire. Et, je le répète souvent, changer nos façons de faire, c'est de bien consulter les premiers intervenants, essentiellement, donc les entreprises qui ont besoin de ces travailleurs qualifiés, les villes et tous les partenaires régionaux. Des fois, c'est des villes, des fois c'est des MRC, des fois c'est cette même entité, tous les acteurs qui ont besoin de bien planifier l'arrivée de ces personnes pour nous assurer d'une bonne intégration comme Montréal et votre... le maire de Montréal répète souvent, c'est le vivre-ensemble et la bonne intégration.

Alors, j'aimerais vous entendre sur votre vision. Moi, j'explique beaucoup comment, et vous touchez à ça aussi, même dans la planification des besoins, qu'on consulte pour voir. Et on aura la Commission des partenaires du marché du travail, d'ailleurs, qui, dans le projet de loi n° 70, c'est prévu, aura des portraits régionalisés des besoins du marché du travail. Et on souhaite aussi consulter les milieux. Alors, j'aimerais vous entendre parce que je pense que ça va tout à fait dans la vision de cette réforme.

• (12 heures) •

M. Perez (Lionel J.) : Tout à fait. Merci, Mme la ministre. Effectivement, nous accueillons très favorablement la volonté d'avoir ce nouveau partenariat, c'est une des orientations de plan d'action évidemment au niveau de la ville de Montréal, qui reçoit, bon an, mal an, 70 % de l'immigration du Québec. Évidemment, on est un joueur de premier plan, avec le gouvernement du Québec, pour pouvoir faciliter l'accueil et l'intégration. Dans ce contexte-là, évidemment, il y a des besoins très précis, il y a des besoins très locaux. À cet égard, on a mis en place différentes opportunités, différents programmes pour pouvoir faciliter cette intégration-là. Mais, nonobstant ces efforts-là, nous croyons que Montréal peut et doit jouer un rôle encore plus important, plus prononcé sur ces enjeux-là. Nous avons la capacité et la volonté de le faire. Évidemment, c'est une question financière, mais aussi une question de principe de subsidiarité.

Nous pensons que, dans plusieurs cas, vraiment, les municipalités, et Montréal en particulier, sont le mieux placées pour pouvoir traiter de certains enjeux. On est vraiment le palier gouvernement le plus proche de la population sur les enjeux, par exemple, de l'affectation des programmes, avec des agents de liaison dans notre bibliothèque, c'est quelque chose qui est ultralocal, ce n'est pas quelque chose qui va se gérer évidemment de Québec, on le comprend. Bien, avec cela, on veut avoir une certaine efficience pour pouvoir répondre aux besoins et éliminer peut-être certains obstacles.

Alors, dans ce contexte-là, on voit l'ouverture, on compte évidemment sur la volonté du gouvernement et de vous-même. On voit également... nos discussions continuent avec le gouvernement du Québec concernant la loi sur la métropole et voir comment on peut s'agencer encore. Et c'est vraiment dans une volonté commune de pouvoir rendre cela plus efficient, plus efficace, pour avoir une meilleure intégration de la part de la population immigrante et évidemment pour qu'elle puisse participer plus pleinement à l'épanouissement du Québec, qui est évidemment l'objectif ultime.

Concernant votre premier point sur le bilan, évidemment, avec le cahier de consultation, mais toute la statistique... il y a énormément de statistiques qui sont données. Mais ce que ça donne, c'est le quoi : ça nous donne des constatations, des effets, des données très spécifiques. Notre recommandation, elle est plutôt dans le pourquoi : Quels ont été les résultats, par exemple, des mesures qui ont été mises en place lors des dernières planifications? Ayons cette information, échangeons, regardons qu'est-ce qui a été plus efficace, qu'est-ce qui a été peut-être moins efficace pour qu'on puisse s'ajuster ensemble afin d'améliorer les résultats.

Mme Weil : Pour revenir sur la planification, il faut comprendre, la planification, c'est un exercice global qui implique tout le gouvernement, hein? Il y a une consultation qui se fait, parce que ce n'est pas le ministère de l'Immigration... comme vous le savez, nous, on s'occupe de l'admission, mais l'intégration, c'est le ministère de l'Emploi, le ministère de l'Éducation, c'est beaucoup d'acteurs. Et plus les années progressent, plus le gouvernement du Québec... et, je pense, que la société en général travaille de façon horizontale pour qu'on ait les points de vue de tout le monde, pour être capable de bien faire les choses, parce qu'on ne peut pas travailler en silo. Si je comprends bien ce que vous dites, c'est : Il ne faut que, vous non plus, vous soyez dans une situation où vous travaillez en silo, sans être connectés à ce grand réseau. Il y a aussi, donc, la capacité financière qui est en jeu quand on estime les volumes. Donc, nous, on estime tout ça avec l'Institut de la statistique du Québec, qui nous donne des prévisions démographiques, puis on regarde, oui, les besoins du marché du travail, et tout.

L'effort, ensuite, c'est la sélection pour répondre aux besoins particuliers des régions, des villes, des régions. C'est ça, la nouveauté, donc, en temps réel. Parce que, dans l'ancien système, c'est premier arrivé, premier servi. Et c'est là, cette consultation avec la ville, qui veut jouer un rôle par rapport à quels sont nos besoins, quand vous dites les créneaux d'excellence, notamment, hein, dans tout ce qui touche la technologie de l'information. Nous, on le sait parce que toutes ces grandes compagnies nous sollicitent souvent parce qu'ils ont besoin... bon, que ce soient des travailleurs temporaires, des travailleurs permanents... Donc, vous, vous voyez la ville aussi jouer donc ce rôle-là sur les besoins en consultation avec le milieu, le milieu économique. Où est-ce que vous sentez la pression pour que Montréal puisse jouer son rôle de métropole et être compétitive, évidemment, avec les autres grandes métropoles? J'essaie de voir ce qui vous intéresse là-dedans. La planification, oui, mais est-ce que c'est plus dans cette optique de dire au Québec et tous les acteurs qui sont impliqués là-dedans : Nous, voici nos besoins, et que, dans cette planification gouvernementale qui est large et vaste, qui souhaite avoir une meilleure répartition, aussi, des travailleurs qualifiés, qui tient compte de la capacité d'accueil, que vous avez votre voix, une voix au chapitre dans cette grande planification?

M. Perez (Lionel J.) : Tout à fait. Évidemment, en tant que la métropole du Québec, en tant que ville qui reçoit 70 %, je l'ai dit tantôt, on doit jouer, on joue un rôle sur l'accueil au plan local, on joue un rôle évidemment sur le terrain. Ce qu'on veut également, c'est pouvoir avoir un plus grand rôle en discussion, en partenariat avec le gouvernement du Québec. On ne veut aucunement s'immiscer dans les compétences du gouvernement du Québec, mais, à cause de la réalité terrain, à cause de notre expertise, de notre connaissance, nous pensons qu'on a un plus grand rôle à jouer, justement, pour en discuter, pour pouvoir participer et actualiser pleinement ce partenariat.

Un exemple très concret... Vous faites allusion aux nouveaux créneaux en technologie. Bien, évidemment, Montréal est une ville universitaire. Alors, il y a le rapport de l'OCDE qui parle très spécifiquement comment Montréal peut jouer un rôle pour être un facilitateur avec les universités, avec les employeurs, avec les organismes locaux pour pouvoir justement être ce lien, faire ce maillage ensemble. C'est quelque chose que... on ne veut pas avoir une lourdeur administrative pour revenir. Alors, c'est de ce contexte-là, on peut dire : Bien, il y a un créneau pour les deux prochaines années, allons-y, il y a un besoin terrain, on est convoqués. Et, nonobstant évidemment toutes les revendications qui vous sont faites également, nous pensons qu'on peut, dans un contexte de subsidiarité, créer cette efficience qui... Ultimement, on veut avoir une meilleure intégration. Si on peut obtenir cet objectif-là, si on peut réduire, par exemple, les taux de chômage des nouveaux arrivants, c'est quelque chose où tout le Québec va en bénéficier.

Mme Weil : Est-ce que je peux vous amener sur un sujet bien important? Puis je pense que ça vous concerne beaucoup. C'est l'orientation sur le... qu'on vise 40 % de l'immigration permanente qui serait issue de la voie temporaire. Vous le savez, il y a beaucoup de travailleurs temporaires dans des créneaux d'excellence à Montréal, beaucoup, et, parfois, pas facile de les rejoindre, de diffuser l'information, de les attirer, de les accompagner. Les étudiants étrangers, là, on a vu quand même des progrès ces dernières années. Plus on diffuse cette information, le programme gagne en popularité. Comme vous savez, Montréal, c'est la deuxième ville étudiante en Amérique du Nord. Comment vous voyez ça, le rôle que Montréal pourrait jouer à cet égard pour retenir ces personnes-là par rapport à l'accompagnement? Surtout, je pense aux travailleurs temporaires qui travaillent dans nos grandes entreprises. J'en rencontre souvent. Je leur pose toujours des questions pour savoir s'ils sont intéressés à rester. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là?

• (12 h 10) •

M. Perez (Lionel J.) : Tout à fait. Évidemment, nous, on voit notre rôle, comme je l'ai dit, comme facilitateurs sur le terrain. La ville de Montréal, elle est là pour l'accueil, évidemment, et avec des programmes, entre autres, avec le MIDI, avec le MTESS. Donc, on est là en partenariat, mais, très souvent, c'est la ville de Montréal qui exécute beaucoup des programmes, qui les réalise. Donc, on a cette expérience terrain.

Et nous, par exemple, on voit quelque chose qui est très efficace, c'est, dans un contexte... je vais le prendre dans un contexte, par exemple, plus socioéconomique, qui est des agents de liaison, des agents de liaison qui puissent encadrer, discuter avec des nouveaux arrivants, avec des immigrants pour... que ça soit pour connaître un peu plus la culture, pour connaître comment interagir au niveau local, au niveau de leur ville, de leurs besoins. Ce qu'on pense, c'est que cette approche-là, si on peut l'apporter juste dans un contexte de préemployabilité pour faciliter les gens pour trouver des emplois... Il y a des programmes qui existent, évidemment. Il y a le programme professionnel, de parrainage professionnel. Il y a le programme NEXUS, qui est un programme qui est là pour sensibiliser les employeurs. Donc, avec ces outils-là, avec ces programmes-là, avec cette expérience terrain, on peut jouer un rôle pour, justement, faciliter, pour faire cette adéquation entre les étudiants, entre les travailleurs temporaires et spécialisés et avec les employeurs.

Évidemment, il va falloir que les ressources financières soient au rendez-vous. Présentement, on reçoit du gouvernement du Québec 1,6 million de dollars du MIDI et environ 10 millions de dollars du MTESS, à travers différents programmes, pour une enveloppe de 10 à 11 millions de dollars par année. Dans un contexte où le gouvernement du Québec reçoit chaque année... en 2014, c'est 320 millions de dollars en vertu de l'entente Gagnon-Tremblay—McDougall... on voit que, vraiment, il y a une opportunité pour, justement, aller chercher plus pour faire plus. Et on est prêts évidemment à donner des comptes et des bilans pour pouvoir justifier le tout et démontrer la plus-value d'avoir et d'utiliser la ville de Montréal pour faire ces rapports et ces programmes.

Le Président (M. Picard) : Merci. Il reste deux minutes, Mme la ministre.

Mme Weil : Il reste deux minutes? Je voulais vous amener sur le BINAM, comment vous voyez, donc, le rôle du BINAM associé, bon, au statut de métropole, quel est le territoire que vous regardez et comment on pourrait travailler, comment vous le voyez intégré au grand réseau gouvernemental d'intégration et d'accueil, qui comprend, comme vous le savez, beaucoup le ministère de l'Emploi, oui, le ministère de l'Immigration, le ministère de l'Éducation. Il y a beaucoup de ministères qui sont là-dedans. Mais vous jouez un rôle important au niveau de l'intégration, donc.

M. Perez (Lionel J.) : Absolument. Donc, évidemment, le BINAM, le Bureau d'intégration des nouveaux arrivants à Montréal, a été annoncé par M. Coderre en début d'année. Il est déjà en opération, évidemment, avec la venue des réfugiés syriens, notamment. Mais vraiment, ce bureau-là, il va être beaucoup plus large. Ça ne va pas seulement être pour des nouveaux arrivants, des immigrants sur la base humanitaire. L'objectif, c'est, encore une fois, de renchérir ce rôle qui est là.

Donc, on parle de la collaboration étroite avec les organismes locaux impliqués, la mise en service d'une ligne — dans le temps, c'était Info-aide — concernant les réfugiés, mais encore, ça peut être élargi; soutien à la recherche de logement ainsi que de la qualité abordable; la création d'outils de communication à l'intention des nouveaux arrivants; discussions avec le milieu corporatif pour coordonner leur contribution; préparatifs visant à l'implantation d'un centre de transition si requis. Ce sont tous des éléments très concrets et très réels sur lesquels on commence.

Évidemment, le rôle du BINAM, de ce bureau, ne va qu'aller en grandissant, notamment avec les attentes qu'on a avec la loi sur la métropole, avec le plus grand rôle qu'on aura, et évidemment, avec la planification, les partenariats de votre ministère ainsi que d'autres. Nous pensons que c'est un modèle qui peut être utilisé pour Montréal, pour la grande région de Montréal, et c'est quelque chose à suivre. Peut-être, il y a d'autres villes, d'autres municipalités, d'autres régions qui pourraient s'inspirer... pour justement voir quelles sont les meilleures pratiques et les instaurer ailleurs au Québec.

Le Président (M. Picard) : Merci. M. le député de Bourget, pour une période de 9 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Perez, M. Silva, soyez les bienvenus. Merci pour la contribution et la clarté de votre exposé. Montréal, métropole culturelle, deuxième capitale économique francophone au monde... Les enjeux de la langue, à Montréal, on en parle, on revient chaque année sur ça. Je poserai une question... enfin, je pose une question aux pédagogues que vous êtes, pour la bonne compréhension des personnes qui nous écoutent. Comment, selon vous... ou, plutôt, de quelle manière l'immigration peut-elle contribuer à la francisation de Montréal, à la sauvegarde du visage français de Montréal?

M. Perez (Lionel J.) : Comme vous le dites, Montréal, évidemment, c'est une ville de langue française, mais c'est aussi une terre d'accueil, une terre d'enracinement. Donc, c'est toujours, si vous voulez... à un certain point, ça peut être perçu comme un défi, comme une divergence sur un spectrum. Nous, on voit ça comme, vraiment, une opportunité.

La clé à une intégration au Québec et à Montréal, c'est vraiment la connaissance du français. Donc, c'est pour ça qu'évidemment, au cours des dernières décennies, la connaissance du français était un élément clé dans la détermination de pouvoir accepter ou non un immigrant. C'est toujours le cas. Mais je vous soumettrai que ce n'est pas suffisant. On ne peut pas nécessairement s'attendre à ce que l'immigration ou les immigrants avec une connaissance de la langue française soit la seule façon qu'on puisse augmenter notre niveau d'immigration, et ça, ça passe évidemment par un système de francisation qui est adéquat, qui est efficace pour que des personnes, même si elles ne connaissent pas le français d'emblée, elles puissent l'apprendre, elles puissent pouvoir contribuer et participer pour éventuellement s'intégrer.

Vous savez, la diversité, c'est évidemment une richesse. Des fois, il y a des capacités, des habiletés qui s'apprennent, qui s'enseignent, et, s'il y a une volonté, s'il y a une volonté de la part de ces immigrants de le faire, s'il y a une opportunité et également, une facilité de le faire, ils le feront, et je pense que c'est ce qu'on voit. On voit, à Montréal, cette capacité.

Maintenant, il y a des défis, c'est vrai, il y a des défis concernant la francisation. Évidemment, c'est quelque chose qui est de compétence du gouvernement provincial. C'est quelque chose sur lequel on n'a aucune volonté ou intérêt de pouvoir s'immiscer. C'est sûr qu'il y a une relation. Lorsqu'on parle d'intégration et francisation, il y a un lien direct. Donc, c'est une façon de comment collaborer ensemble pour s'assurer qu'il y a cette subsidiarité entre le gouvernement du Québec et la ville de Montréal.

Je vous donne un exemple, par exemple, peut-être, où on peut améliorer la francisation. Très souvent, on parle de francisation, on parle d'un système où on veut enseigner pour que quelqu'un puisse, oui, trouver un emploi, puisse gouverner... pas gouverner, plutôt mais pouvoir vivre, savoir comment communiquer, mais il y a aussi des besoins très ponctuels. Par exemple, dans le contexte de préemployabilité, bien, il faudrait peut-être avoir des programmes où un langage plus spécifique, très technique pour le créneau qui est voulu... pour qu'on puisse donner plus d'outils.

Il y a aussi cet élément de culture corporative ou culture d'employeurs au Québec. C'est bien beau de connaître le français, mais il y a des personnes qui viennent de France, qui viennent d'autres pays et puis il y a quand même un ajustement, il y a quand même une intégration. Ce n'est pas le fait qu'on sait le français qu'il y a une garantie d'intégration et ce n'est pas le fait qu'on ne connaît pas le français qu'on ne peut pas s'intégrer. Alors, c'est ça, l'équilibre de pouvoir trouver... Et je pense qu'il faut vraiment combiner ces éléments de préemployabilité avec des éléments... pour pouvoir faciliter cette connaissance, cet apprentissage. Ultimement, une personne qui connaît le français, que ce soit dès son arrivée ou bien au cours des premières années de son arrivée, si on veut avoir un succès, c'est parce qu'il peut apprendre et connaître le français et trouver un emploi en français.

M. Kotto : Sur un autre ordre d'idées, hier, je posais la question au maire de Laval, qui était passé faire sa présentation ici, sur la question de la discrimination en emploi. On en entend beaucoup parler. À titre d'élu, j'ai des commettantes et des commettants qui régulièrement viennent frapper à la porte de mon bureau pour me faire part de leurs désillusions relativement aux arguments qui les ont amenés à venir s'installer au Québec, et plus spécifiquement à Montréal, puisque c'est à peu près 74 %, 73 % ou 74 % des nouveaux arrivants qui sont en rétention à Montréal. Mais, face à ce qu'ils considèrent comme un mur de discrimination, il y a le découragement et parfois des déménagements du côté de Toronto, où les bras sont ouverts. C'est 24 % de taux de chômage à Montréal, et comparativement à 14 % à Toronto, selon les derniers chiffres que nous avons eus, alors que ces personnes parlent français, et ces mêmes personnes qui parlent français à Toronto ont plus de chances de trouver un emploi versus Montréal. Est-ce que la question de la discrimination en emploi, à l'embauche plus spécifiquement, est une vue de l'esprit ou une réalité, selon vous?

• (12 h 20) •

M. Perez (Lionel J.) : On pense que les faits parlent pour eux-mêmes. Le taux de chômage des nouveaux arrivants est de 14,4 %, pour les non-immigrants, c'est de 6,6 %. Ces données-là, si on les examine au fil des dernières années, elles sont plus ou moins stables. Donc, évidemment, il y a un enjeu, il y a un enjeu pour pouvoir s'assurer que la population immigrante puisse trouver des emplois, et il y a des défis. Il y a des défis notamment sur la discrimination. La Commission des droits de la personne en a fait état dans leur rapport. Donc, encore une fois, c'est une réalité. Ce sont des échos que nous entendons, évidemment. De façon plus globale, au niveau de notre société, la ville de Montréal, on a des efforts à faire également pour justement à voir s'assurer qu'on ait plus d'immigrants, mais également plus de personnes des minorités visibles. C'est un enjeu sur lequel la ville de Montréal travaille. Il y a une augmentation, mais, encore une fois, on doit, on peut et on doit bonifier.

Ce que j'apporterais également, c'est le fait, qui est quand même intéressant, c'est que, pour les immigrants qui ont une certaine scolarité au Québec, ce taux de chômage continue à Montréal, mais il diminue à Toronto et à Vancouver, d'après le rapport de CIRANO qui a été fait en 2014. Donc, il y a clairement une problématique. Ça, ça peut s'expliquer notamment avec la reconnaissance des diplômes, avec la reconnaissance des compétences. Nous pensons que ça, c'est vraiment un élément clé pour pouvoir éliminer cette problématique. On connaît tous la problématique de la surqualification. On connaît tous des personnes qui font des travaux de préposés bien qu'ils ont des reconnaissances universitaires. Donc, oui, c'est quand même sur multiples niveaux, mais c'est une problématique, il faut continuer à s'attaquer de façon sociétale au... du gouvernement du Québec.

Au niveau de Montréal, il y a différents programmes, par exemple, le programme NEXUS, qui est un programme qui est administré par la ville de Montréal mais qui est subventionné par le gouvernement du Québec, pour qu'on puisse effectivement sensibiliser l'employeur quant à l'attrait et les apports des nouveaux arrivants, de leurs connaissances, de leurs compétences. Ça fonctionne. Il y a le programme de parrainage professionnel, qui a eu vraiment un grand succès depuis 2010. On parle de plus de 360, sinon 400 stagiaires, où le taux d'embauche après stage est de 60 %. On parle d'un taux de satisfaction de 95 %.

Donc, je pense qu'il y a des opportunités, il y a des programmes, c'est une question de vraiment agrandir le potentiel et avoir une plus grande échelle pour avoir des résultats voulus à différents niveaux.

Le Président (M. Picard) : Il reste 20 secondes.

M. Kotto : 20 secondes? Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Mme la députée de Montarville, 6 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci. Merci pour votre mémoire, que je lis avec intérêt.

Il y a quelque chose qui est très frappant pour les gens qui nous écoutent. Montréal, c'est gros, c'est vraiment le coeur économique du Québec, hein, c'est la réalité, mais vous nous dites une chose frappante. Vous avez beaucoup de chiffres et vous nous dites : «...on estime que ces nouveaux arrivants représentent en moyenne 100 arrivées par jour» à Montréal, 100 personnes. Alors, c'est énorme, et on voit toute la responsabilité qui incombe, oui, au MIDI, mais aussi à la ville de Montréal. Et Montréal, c'est gros, Montréal, c'est grand, il y a des problématiques particulières. Merci pour les données, parce qu'il y a beaucoup de données sur le taux et le pourcentage. Maintenant, on nous dit qu'il y a déjà... en 2011, sur le territoire de Montréal, 612 000 personnes avaient le statut d'immigrant, soit 33 % de la population totale. C'est le tiers, c'est une personne sur trois.

Donc, allons tout de suite à la page... bien, en fait, page 7, justement, parce que la première question, on est ici pour les seuils d'immigration pour les années à venir. Je crois comprendre que vous êtes d'accord avec les représentations qui sont faites par la partie gouvernementale. Vous êtes d'accord avec les seuils, mais vous nous dites : «Il importe toutefois qu'annuellement le nombre de personnes immigrantes et les modalités de répartition prévues sur le territoire ne compromettent pas l'apport migratoire nécessaire pour la métropole.» Alors, ma question : Est-ce que vous craignez que l'immigration en région se fasse au détriment de Montréal, ou que Montréal en souffre, ou il faut prémunir Montréal d'une certaine façon? Voulez-vous élaborer là-dessus?

M. Perez (Lionel J.) : Bien, je pense tout simplement qu'il faut s'assurer, dans la planification, dans les nombres, qu'effectivement les montants nécessaires pour la croissance démographique de Montréal et pour tous les avantages, pour la main-d'oeuvre, le vieillissement, etc., soient maintenus. On pense qu'avec l'historique... On reçoit plus de 70 % de niveaux d'immigration, on ne pense pas que vraiment il y a un risque à cela. On ne pense pas qu'au jour de lendemain il y aura un changement à cet égard, mais nous pensons qu'il est tout à fait pertinent de pouvoir le souligner et de le rappeler.

Concernant la régionalisation, nous comprenons tout à fait le besoin de main-d'oeuvre en région. Nous comprenons également une volonté d'avoir également une intégration en région. C'est pour le bienfait de la société québécoise. On pense qu'il y a des programmes, il y a des opportunités pour avoir des échanges avec les régions et la ville de Montréal. On parle également d'une maison des régions qu'on est en train de mettre en place pour avoir ces programmes d'échange économiques, mais également culturels. Alors, c'est dans ce contexte-là. Nous, on veut s'assurer que les chiffres, les montants pour la ville de Montréal viennent dans notre direction, pas plus que ça.

Mme Roy (Montarville) : Vous disiez quelque chose tout à l'heure et je hochais de la tête. J'étais tellement en accord avec ce que vous disiez à l'égard aussi de la compréhension de la culture. Ce n'est pas nécessairement parce qu'on a de très bonnes cotes en français qu'on va bien nécessairement s'intégrer si on ne comprend pas la culture et, à l'inverse, on peut parler n'importe quelle autre langue, mais, si on a compris la culture, peut-être que ce sera plus facile, l'intégration. Je trouvais que c'était intéressant de vous entendre dire ça parce que je pense qu'effectivement nous croyons qu'il faut mettre l'accent sur la connaissance de la culture, là, je veux dire nos valeurs, nos valeurs dans la charte québécoise, naturellement. Je pense que c'est important que les gens les connaissent lorsqu'ils arrivent ici et y adhèrent. Et naturellement vous disiez également l'importance de la langue française, la pérennité de la langue française.

Maintenant, il y a naturellement à l'égard de... certaines problématiques, vous les mentionnez, à l'égard d'une certaine discrimination à l'emploi... Peut-on parler de discrimination dans la mesure où, à la page 9, je vous amène en haut de page, vous nous dites : «En février 2015, parmi les prestataires de l'aide sociale au Québec, on comptait 53 829 adultes nés hors Canada, dont une grande partie habitait l'île de Montréal.» C'est beaucoup de monde qui ne travaille pas, et on sait que le taux de chômage est de 18 % pour les immigrants qui sont ici depuis cinq ans et moins. Alors, c'est un défi particulier pour Montréal puisque vous avez le plus grand bassin. Que préconiseriez-vous que le MIDI fasse pour aider justement à diminuer ce taux de chômage chez des immigrants, et des immigrants qui sont francophones aussi, ce qui est assez aberrant?

M. Perez (Lionel J.) : Il n'y a pas de solution magique, hein? Il faut vraiment voir ça dans un contexte structurant où il y a évidemment eu la consultation sur la nouvelle politique québécoise d'immigration, et maintenant, évidemment, le projet de loi n° 70 qui a été adopté avec la nouvelle méthodologie, la nouvelle méthode de sélection. On part maintenant avec la planification. Donc, nous, on voit ça dans un tout. Et, nous, ce qu'on dit, c'est que, si on veut avoir des résultats à la longue, il faut voir quelles sont les meilleures façons d'intégrer le monde. Alors, il y a différentes façons de le voir.

Si on voit ça dans un continuum de services, un continuum de services où évidemment c'est, avant qu'ils viennent au Québec, au Canada, il y a certains éléments, ensuite il y a une sélection qui est faite, mais ensuite, une fois qu'ils arrivent là, il y a toute une panoplie d'agissements, d'actes, de tâches qui doivent être faites, et principalement c'est par les municipalités, par la ville de Montréal, évidemment avec des programmes d'aide du gouvernement du Québec. Mais nous, nous pensons qu'évidemment il faut absolument continuer avec ces programmes au niveau local. La subsidiarité, je l'ai dit, je le répète, c'est important pour créer des efficiences, pour avoir une meilleure intégration.

Mais, à part cela, je pense qu'il faut également, et on le souligne à notre recommandation 3.2, c'est une campagne de sensibilisation auprès de tout le monde, auprès de la société, auprès des employeurs pour pouvoir que c'est une diversité, c'est un apport, c'est vraiment un avantage sociétal. Nous pensons qu'à travers ces différentes mesures, on peut.

Donc, il n'y a pas d'élément clé, c'est à travers des efforts constants, structurants et nous pensons que, par exemple, le BINAM, du bureau d'intégration, c'est un point d'accueil. Nous pensons que les programmes NEXUS, le programme de parrainage professionnel, tous, ce sont des éléments qui puissent améliorer l'accueil, l'intégration pour avoir une meilleure employabilité.

Vous savez, vous dites que le français, ce n'est pas une garantie. Moi, je dirais que c'est évidemment nécessaire à certains niveaux. Mais là il y a tous les autres éléments. Il faut également une volonté de la part des immigrants de pouvoir s'ajuster, ça fait partie... et ce n'est pas unique au Québec. Donc, nous, on pense qu'à travers tous ces éléments, avec tous ces éléments de pouvoir faire plus de pédagogie auprès des employeurs, de pouvoir mieux outiller des immigrants à travers une meilleure sensibilisation, on parle de la population, on peut, et on doit, et on va y arriver.

Le Président (M. Picard) : Merci. Merci, messieurs, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures, où nous poursuivrons les auditions à la salle du Conseil législatif.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons la consultation générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé Laplanification de l'immigration au Québec pour la période 2017‑2019.

Cet après-midi, nous débutons nos travaux en recevant le Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Dans un premier temps, je vais vous demander de vous identifier. Par la suite, il va y avoir des échanges avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous.

Regroupement québécois des organismes pour le
développement de l'employabilité (RQUODE)

Mme Roy (Valérie) : Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre et distingués membres de la commission, mon nom est Valérie Roy, je suis directrice générale du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité, le RQUODE. Je suis accompagnée, à ma gauche, aujourd'hui, de M. Jean-Luc Gélinas, directeur général du Service d'orientation et d'intégration des immigrants au travail, le SOIIT, qui est un de nos organismes membres situés à Québec; et, à ma droite, de Mme Mélanie Hébert, conseillère en emploi à l'Orienthèque, également un de nos organismes membres situés en Montérégie.

Je tiens d'abord à vous remercier de nous permettre de présenter le point de vue des membres du RQUODE sur la planification de l'immigration. Notre regroupement rassemble 87 organismes répartis à travers le Québec qui sont spécialisés en développement de la main-d'oeuvre. Nos membres offrent des services d'emploi à plus de 80 000 personnes chaque année. Leur impact sur les communautés est donc substantiel et les programmes qu'ils mettent en oeuvre ont des retombées significatives sur plusieurs types de clientèles. Je tiens à souligner qu'une trentaine de nos organismes membres oeuvrent auprès de la clientèle immigrante.

C'est donc avec beaucoup d'intérêt, M. le Président, que nous avons pris connaissance du cahier de consultation publié sur les orientations de la planification pluriannuelle de l'immigration. Face aux nombreux défis liés à l'attraction, mais aussi à la sélection, à l'accueil et à l'intégration des personnes immigrantes en sol québécois, le RQUODE a choisi de se concentrer, pour le présent exercice de consultation, sur un enjeu primordial en lien avec l'orientation 7, l'immigration en région. Les constats et recommandations présentés dans notre mémoire s'appuient sur l'expérience et l'expertise des membres du regroupement.

Je cède maintenant la parole à mon collègue, M. Gélinas.

M. Gélinas (Jean-Luc) : Bonjour. En référence à la page 5 du mémoire, le gouvernement du Québec souhaite favoriser l'installation des personnes immigrantes dans les régions de Québec ayant des manques de main-d'oeuvre et qui sont mobilisées pour les accueillir, notamment en encourageant la mobilité interrégionale des personnes immigrantes engagées dans une recherche d'emploi. Il vise ainsi à accroître la proportion de personnes immigrantes qui s'installent hors de la région métropolitaine de Montréal. Les actions décousues en matière de régionalisation sèment des doutes quant à la volonté réelle des autorités politiques. Le gouvernement doit faire preuve de leadership et se doter d'un véritable plan d'action en matière de régionalisation. Il doit également assurer la concertation et la coordination entre les différents ministères impliqués.

L'orientation 7 de la présente consultation démontre clairement la volonté du gouvernement d'impliquer davantage les acteurs sociaux et locaux, mais rend difficilement applicable une stratégie concertée et harmonisée. Si le RQUODE salue cet effort de mobilisation, il craint néanmoins que la multiplication des acteurs puisse nuire au déploiement d'une offre de service cohérente et adaptée. Il est également essentiel de donner aux organismes et aux acteurs locaux impliqués les moyens de mettre en oeuvre la volonté du gouvernement en matière de régionalisation de l'immigration. Combiné à la coordination floue, ce financement incertain, souvent confirmé à la dernière minute, engendre une pression énorme sur les organismes communautaires et leurs ressources humaines, d'où la recommandation 1 de mettre en oeuvre un plan d'action national concerté en matière de régionalisation de l'immigration.

Quant aux régions, même s'il est démontré que le choix du lieu d'établissement peut avoir une incidence significative sur l'intégration professionnelle des nouveaux immigrants, seul un nombre restreint de candidats immigrants choisis initialement s'établissent en région. Plusieurs raisons connues expliquent ce choix. De nombreuses régions tentent alors de recruter davantage d'immigrants installés à Montréal. La pierre angulaire du plan d'action en matière de régionalisation doit donc prioriser les régions afin d'éviter, dans la mesure du possible, un double processus migratoire que représentent l'immigration et l'émigration. Il importe donc de faire davantage connaître et valoir le potentiel des régions dès le début de la démarche d'immigration en identifiant préalablement les secteurs d'emploi en demande dans les régions harmonisés aux compétences pour favoriser l'installation de personnes immigrantes hors de la région métropolitaine. Il est essentiel de s'assurer que les nouveaux arrivants soient de nouveau informés rapidement à leur arrivée, d'où la recommandation 2 d'intensifier les actions en amont de l'arrivée des candidats immigrants.

Mme Roy (Valérie) : Je vais maintenant vous parler de l'emploi comme vecteur d'intégration. Il est certain que l'attraction des travailleuses et travailleurs immigrants en région constitue un vecteur de développement et d'enrichissement des collectivités.

Cependant, la réussite de l'immigration en région nécessite plusieurs conditions. Deux d'entre elles sont plus que nécessaires pour réussir l'immigration : la maîtrise du français et l'intégration en emploi. L'immigration en région ne peut donc être séparée de l'emploi, car la majorité des immigrants se déplaceront en région uniquement s'ils ont accès à un emploi de qualité. Emploi-Québec estime que 17 % des 1,4 million d'emplois à pourvoir d'ici 2021 seront comblés par des personnes immigrantes. Il est alors primordial de s'assurer de l'adéquation formation-compétence-emploi. À ce titre, les projets de stages rémunérés offerts par la Commission des partenaires du marché du travail, la CPMT, dont certains sont pilotés par notre regroupement en partenariat avec nos organismes membres, permettent entre autres à des personnes immigrantes d'intégrer un emploi tout en recevant une formation qualifiante qui favorise le développement des compétences en milieu de travail. Ainsi, nous recommandons de consolider et bonifier la mise en oeuvre des programmes de stages rémunérés en entreprise de la Commission des partenaires du marché du travail pour soutenir les personnes immigrantes et les minorités ethnoculturelles dans leurs démarches vers une insertion réussie sur le marché du travail en portant une attention particulière aux régions.

J'aimerais maintenant vous parler de la nécessité de sensibiliser les milieux d'accueil pour favoriser l'inclusion. Vous serez d'accord avec moi que la réussite de l'établissement et de la rétention des personnes immigrantes en région dépend aussi de l'ouverture et de la capacité d'adaptation des différents acteurs de la communauté d'accueil. S'il y a un manque de sensibilisation, d'ouverture et d'inclusion, les nouveaux arrivants n'hésiteront pas à quitter leur nouvelle région pour s'établir dans la métropole québécoise ou même ailleurs au Canada. Nous croyons que les efforts de sensibilisation doivent être poursuivis à trois niveaux, soit la société en général, les villes et les MRC, ainsi que les employeurs et les milieux de travail. Voilà pourquoi nous recommandons d'abord d'organiser une campagne nationale d'information, de promotion et de sensibilisation au grand public sur l'apport de l'immigration au développement du Québec.

Je vais laisser mon collègue, M. Gélinas, poursuivre pour vous parler de l'importance d'impliquer les villes et MRC.

• (14 h 10) •

M. Gélinas (Jean-Luc) : Concernant les villes et les MRC, de nombreux organismes sur le terrain constatent une méconnaissance des élus face aux enjeux, à la présence et à l'apport des immigrants. Il est donc important de sensibiliser les élus municipaux sur les stratégies à mettre en place pour une harmonisation des relations interculturelles en les invitant à intégrer les besoins liés à l'immigration et à la diversité ethnoculturelle dans leurs politiques.

L'immigration représente une véritable contribution au développement économique des régions en fournissant notamment un bassin de compétences agrandi et renouvelé des travailleurs hautement qualifiés et motivés. L'immigration en région génère également une société plus diversifiée favorisant les échanges interculturels, un apport au dynamisme de l'occupation du territoire.

Les autorités provinciales doivent encourager les autres villes à adopter et mettre en oeuvre une politique d'immigration. Elles doivent par ailleurs s'assurer que ces politiques fassent l'objet d'une véritable appropriation locale, d'une application concrète et d'un suivi, d'où la recommandation d'inciter et soutenir les villes et les MRC, et qu'elles conçoivent et développent une politique d'accueil.

Mme Hébert (Mélanie) : La stratégie d'accès en matière d'immigration insiste sur la nécessité de bâtir un marché de l'emploi local libre de toute discrimination. Donc, la stratégie propose d'outiller les dirigeants pour l'accueil, le maintien et la progression en emploi d'une main-d'oeuvre diversifiée, notamment par des guides et des activités de sensibilisation et de formation.

Par rapport aux nombreux préjugés qui subsistent de la part de certains employeurs, le RQUODE est favorable aux propositions d'augmenter les efforts de sensibilisation et d'information sur les avantages d'une main-d'oeuvre diversifiée auprès des acteurs du milieu économique. Il est d'avis que les entreprises ont besoin également d'un accompagnement plus personnalisé et plus soutenu. L'expérience du projet IntégraTIon Québec a mis en lumière la pensée de nombreux employeurs selon laquelle la gestion de la diversité culturelle ne les concerne pas. Ils ne perçoivent pas toujours l'utilité d'une formation ou d'un accompagnement en gestion de la diversité culturelle pour favoriser l'intégration en emploi de leurs nouvelles ressources immigrantes. Que ce soit une expérience positive ou négative, il en résulte que les gens, les employeurs peuvent hésiter à recruter de nouveau au sein de certaines communautés ou au sein même du bassin de talents issus de l'immigration. Il s'avère donc essentiel de fournir un accompagnement soutenu et personnalisé aux employeurs des régions moins familières avec la diversité. Il n'est malheureusement pas suffisant d'outiller les gestionnaires si aucun transfert n'est réalisé vers les équipes. Ainsi, l'information, la sensibilisation et l'accompagnement des entreprises doivent aussi viser les autres employés, surtout en région. Donc, nous avons la recommandation 6 : recourir aux services des organismes en employabilité spécialisés auprès de la clientèle immigrante pour outiller les employeurs et les travailleurs, contrer les préjugés existants et faire connaître les bénéfices de l'immigration.

Au niveau des travailleurs temporaires, donc, au cours des dernières années, le Programme de l'expérience québécoise a obtenu de bons résultats et a permis d'accroître le potentiel de transition vers un statut permanent de milliers d'immigrants temporaires. Les immigrants temporaires, plus nombreux dans les différentes régions du Québec, répondent à des besoins de main-d'oeuvre spécifique ou poursuivent leur formation dans l'un des établissements scolaires québécois. Selon l'orientation 3, le gouvernement provincial entend doubler la proportion des personnes immigrantes de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés sélectionnés qui sont déjà au Québec et qui ont un statut de travailleur étranger temporaire ou d'étudiant étranger. Le MIDI souhaite offrir le service d'intégration en ligne et la francisation en ligne pour faciliter le passage du statut de résident temporaire au statut de résident permanent. Par contre, ces seuls services ne suffisent guère pour ceux qui ont besoin de services d'accompagnement sur le terrain, que ce soient des étudiants étrangers, qui peuvent être isolés, qui ont de la difficulté à trouver un emploi, ou des travailleurs étrangers, qui sont bien intégrés en emploi mais dont les conjoints ne réussissent pas toujours à trouver du travail. Ces gens font souvent appel à l'expertise des organismes sur le terrain afin d'obtenir, de demander leur résidence permanente. Malheureusement, les organismes...

Le Président (M. Picard) : En conclusion, Mme Hébert, s'il vous plaît.

Mme Hébert (Mélanie) : Oui, merci.

Le Président (M. Picard) : Vous allez pouvoir poursuivre lors des échanges aussi.

Mme Hébert (Mélanie) : Pas de problème. Donc, en fait, c'est ça, ce qu'on veut, c'est permettre aux organismes en employabilité d'offrir des services aux travailleurs étrangers temporaires et à leurs conjoints ainsi qu'aux étudiants étrangers pour faciliter leur établissement durable.

Le Président (M. Picard) : Merci. Nous allons débuter notre période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 16 minutes.

Mme Weil : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mmes Roy, Hébert, et M. Gélinas. Merci beaucoup de participer à cette commission parlementaire. Et vous amenez une expertise... chacun amène une expertise différente et intéressante, et, à quelque part, il faut que tout le monde travaille ensemble pour bien réussir une bonne sélection, une bonne intégration, le vivre-ensemble, et j'aimerais toucher à tous ces enjeux-là.

Peut-être, dans un premier temps, pour que mes collègues et les gens qui nous écoutent comprennent bien votre mission, votre expérience, votre expertise...

Mme Roy (Valérie) : Bien sûr, donc, je vais débuter la réponse. Alors, oui, le regroupement québécois, comme je disais en introduction, représente 87 organismes, et leur expertise, c'est d'accompagner en emploi, pas juste trouver un emploi et intégrer une personne en emploi, mais j'insiste sur le mot «accompagnement», le maintien en emploi. Et, dans les dernières années... Parce que nous, on existe depuis 30 ans, le regroupement, mais il y a certains de nos organismes membres qui existent depuis 35, 40 ans. Donc, vous comprendrez que c'est des organismes très bien ancrés dans leur communauté, avec un fort tissu social, qui travaillent en concertation avec les autres acteurs, qu'ils soient sociaux ou des acteurs du milieu de la santé. Donc, c'est le maintien, leur spécialité, c'est d'aider les gens à se trouver un emploi — ici, on parle des personnes immigrantes, la clientèle immigrante — mais pas seulement d'accompagner l'individu, la personne qui se cherche un emploi, mais l'employeur, les entreprises. Donc, c'est la clé du succès, c'est l'expertise, c'est le trait d'union entre les chercheurs d'emploi et les besoins de main-d'oeuvre des employeurs.

Donc, je dirais que c'est ça qu'on peut apporter autour de la table aujourd'hui, et, aujourd'hui, on parle spécifiquement de régionalisation. Donc, c'est clair qu'ils ont une expertise, dans la région, très poussée avec les autres acteurs parce que, vous allez le voir tout à l'heure dans les échanges, les exemples qu'on va donner, la concertation, et on le nomme dans notre mémoire, elle est primordiale. Donc, il faut vraiment nous voir comme un acteur socioéconomique clé, mais qui est spécialisé dans cette intégration, ce maintien-là, à la fois pour l'employé et l'employeur.

Mme Weil : Donc, je voudrais, dans le temps que j'ai, aborder justement cet accompagnement en amont puis... bon, votre appréciation de la réforme et de la transformation qui va bénéficier de beaucoup plus de rapidité et efficacité et avec un travail en amont. Puis vous évoquez ça, ce travail collégial et de réseautage avant, pour bien déterminer les besoins des régions pour que la personne reste, mais vous touchez aussi le vivre-ensemble. Je veux me donner du temps à la fin pour poser ces questions, ces clés. C'est exactement notre vision des choses.

J'aimerais vous entendre sur la question des stages rémunérés, votre expérience. Comment suggérez-vous de bonifier ces programmes de stages en entreprise? On en a beaucoup parlé, je pense que tout le monde trouve que c'est très stratégique. Quelle est votre expérience avec ces stages? Qui vous ciblez pour ces stages en entreprise?

Mme Roy (Valérie) : Bien, premièrement, les personnes qu'on cible, c'est des chercheurs d'emploi, parce que les stages en entreprise, il faut qu'il y ait plus de stages accessibles pour les gens qui ont a priori des obstacles à leur intégration en emploi. Premièrement, il faut qu'il y en ait plus, il faut avoir plus de souplesse, plus de flexibilité, il faut voir ça comme un accompagnement.

Donc, le stage, c'est une chose, mais il faut que, durant l'intégration, il faut bien cibler, premièrement, l'endroit où le stage va se faire. Donc, les organismes en employabilité, premièrement, identifient selon les besoins d'activité. Parce que les stages en entreprise qu'on parle, c'est que, comme je disais tout à l'heure, c'est un virage qu'on prend un peu... La personne qu'on dessert, ce n'est pas juste le chercheur d'emploi, c'est l'entreprise aussi. Donc, c'est selon les secteurs d'activités en demande. On identifie les possibilités d'emploi, on identifie... après ça, les personnes qu'on rencontre dans les organismes qui ont des intérêts, des compétences ou des compétences à développer pour intégrer ces emplois-là dans les secteurs d'activité en demande et c'est l'accompagnement. Pour le bonifier, il faut permettre une souplesse, c'est très important, et un certain temps dans l'entreprise.

L'accompagnement, même une fois que la personne est intégrée en stage, il faut permettre aux intervenants pivots, les conseillers en emploi, de continuer à intervenir pendant toute la durée du stage. Puis ici, quand on parle de personnes immigrantes, là, l'expérience en sol québécois, il y a tout un code culturel à apprendre. Cette fameuse première expérience là sur le marché du travail québécois, ça prend du temps.

Donc, pour le bonifier, c'est vraiment ce parcours-là. Il faut respecter l'accompagnement, la flexibilité puis la pluralité des ressources qui... Des fois, la personne en stage a besoin d'autres ressources.

Mme Weil : Je voudrais comprendre, parce que, pour que ça devienne une stratégie nationale, évidemment, ça prend plusieurs ministères impliqués, beaucoup de différents acteurs sur le terrain.

Vos constats, au fil des années, est-ce qu'il y a plus d'ouverture? Plus de possibilités? Est-ce qu'il y a des programmes ou est-ce qu'il y a une multitude de programmes et beaucoup de confusion? C'est quoi, votre lecture de l'environnement? Parce que c'est sûr que... je pense que tout le monde pense les stages en entreprise, c'est essentiel, un peu le modèle peut-être allemand. Mais est-ce qu'il y a des obstacles à ça actuellement? Est-ce que ça évolue bien? Quels seraient les obstacles à éliminer?

Mme Roy (Valérie) : Bien, je pense que je peux commencer, puis, Jean-Luc, tu pourras continuer à appuyer. C'est sûr qu'il faut une stratégie concertée, là. Il y a plusieurs ministères d'impliqués. Ça, c'est clair qu'il faut un... peu importe qui va prendre le leadership, il faut... Ça, c'est un obstacle, souvent. On travaille en silo, donc, ça, il faut une stratégie intégrée.

J'aime bien quand vous dites «stratégie nationale». Il faut un leadership politique gouvernemental pour que ça fonctionne. Oui, le modèle allemand, je sais, on est allés voir, c'est intéressant aussi. Mais, au-delà de ça, je pense qu'il faut que plusieurs ministères aillent dans le même sens. Ça, c'est un obstacle complètement administratif, là, que je vous parle.

• (14 h 20) •

Mme Weil : Je vais vous amener sur la reconnaissance des compétences et des acquis. Les chiffres qu'on me donne, c'est les experts... qu'à peu près 10 % de nos immigrants s'orientent vers une carrière professionnelle, donc un ordre professionnel. Donc, on travaille sur ce dossier-là, évidemment, mais c'est 10 %, hein, ce n'est pas 90 %, comme les gens pensent. Ensuite, il y a 10 % à peu près, métiers réglementés. Mais, le reste, c'est les employeurs qui ne peuvent pas reconnaître ni le diplôme ni la compétence. Il y a beaucoup de travail qui a été fait pour reconnaître le diplôme, mais là le bout qui manque, selon tout le monde, c'est la formation, c'est les stages et un accompagnement pour l'employeur pour reconnaître justement l'expérience acquise dans un autre pays. J'ai l'impression que vous, vous en savez quelque chose.

M. Gélinas (Jean-Luc) : Moi, ce que je vous dirais, c'est qu'il faut travailler sur ce que j'appelle l'effet porte de verre. Vous savez, on connaissait le plancher de verre, qui a été nettement documenté chez les immigrants, ce qu'ils font face, c'est à une porte de verre. La majorité ont de la difficulté à trouver un emploi dans leurs compétences parce qu'on dit : Vous n'avez pas d'expérience québécoise, vous manquez de connaissances sur le marché du travail. Il y a beaucoup d'arguments qui, je vous dirais, viennent travailler pour la fermeture de la porte de verre, et, quand on parle d'une intégration réussie, de faire un stage va permettre d'éliminer les peurs et donner la chance réellement à l'immigrant de démontrer ses compétences et diminuer ces peurs-là et ces craintes-là qu'il va y avoir.

Mme Weil : La question d'accompagnement des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers, vous évoquez ça. Évidemment, c'est à l'extérieur du cadre qu'on a en vertu de l'entente Canada-Québec. Ce n'est pas encore des résidents permanents. Donc, tous les services, que ce soit ici ou ailleurs sont vraiment axés sur la personne qui a des droits en vertu de son statut, hein, un résident permanent. Là, c'est des personnes qui n'ont pas ce statut. Nous, on veut les encourager à devenir des résidents permanents, évidemment, et passer par un CSQ, et on souhaite, et on est en train de planifier ça, leur donner accès à la francisation en ligne, bon, déjà, ça, parce que c'est quand même assez accessible. Après ça, je vous dirais qu'il n'y a pas de services publics qui sont désignés pour ça. Disons, on ne serait pas la seule société à ne pas avoir d'accompagnement. Vous comprendrez pourquoi, parce que ce n'est pas des résidents permanents. Donc, c'est comment faire en sorte de combler ce vide qui amènerait les gens. On a beaucoup de succès quand même avec le PEQ. On veut les encourager. L'employeur aussi joue un rôle à quelque part, parce que l'employeur veut les garder.

Mme Hébert (Mélanie) : Bien, c'est sûr que c'est un enjeu qui est important parce que ce qu'on se rend compte, c'est au niveau du maintien dans les régions. Donc, les gens, souvent, ils vont avoir un emploi puis ils risquent de quitter après parce que, si le conjoint, la conjointe n'arrivent pas à trouver de l'emploi... parce qu'il n'a pas ce soutien-là, lui, il a été recruté, par exemple, à l'international, mais, si le conjoint, donc, n'a pas le soutien qu'il veut, ce qu'il risque de faire, c'est qu'il risque de repartir. Donc, c'est là qu'on pense que c'est un enjeu qui est important pour arriver à garder nos gens dans les régions, et souvent c'est qu'avec Emploi-Québec on a des difficultés justement à reconnaître ces services-là, donc, d'où l'importance pour prévenir ça.

Mme Weil : J'ai un collègue qui voudrait poser des questions. Donc, avant que je vous quitte, parce que c'est important pour moi que vous le sachiez, vous connaissez notre document Stratégie d'action, vous allez retrouver beaucoup de vos recommandations là-dedans. Cette campagne sociétale, on est tellement d'accord avec vous, comment créer des milieux accueillants, ça prend des partenaires. Donc, il y a un budget qui est attaché à ces stratégies d'action. Je vous demanderais de le regarder attentivement et, peut-être, à une autre occasion, peut-être nous faire part de vos commentaires sur cette stratégie d'action, parce que c'est sur cinq ans, hein? C'est quand même intéressant, on est très, très d'accord avec vous qu'on ne peut pas juste agir en amont puis choisir la personne qui a le profil idéal pour un emploi, puis, même si la personne intègre l'emploi, cette personne est libre de quitter la région. Donc, la rétention passe beaucoup par une mobilisation de la communauté. Alors, je vous remercie. Merci.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes Roy et Hébert, M. Gélinas, et merci pour votre témoignage. Il me semble que ce n'est pas la première fois qu'on ait pu bénéficier de votre expertise et votre expérience devant cette commission-là. C'est impressionnant et important de constater que vous parlez au nom de 87 organismes membres qui sont sur le terrain. Et je crois que Mme la ministre vient de le dire, nos orientations ont l'air d'être complémentaires en grande partie à vos préoccupations. Mais, en même temps, vous êtes sur le terrain, et il y a des choses importantes à faire améliorer.

Vous avez noté, et à juste titre, évidemment ce n'est pas la présidence qu'on l'entend, que, l'immigration en région, ça passe par l'emploi. Y a-t-il un constat plus incontournable que ça? En même temps, comme vous pouvez voir dans nos neuf orientations, la francisation est une grande préoccupation qu'on partage tous. En même temps, elle est... et donc on parle, à titre d'exemple, de notre recommandation que 85 % des travailleurs qualifiés soient... aient une connaissance du français déjà. Mais, si on constate que l'immigration passe par l'emploi, on parle de cet autre 15 % et d'autres qui ont à perfectionner leur français qui sont intéressants et très importants.

De votre expérience, je serais très curieux, si vous étiez pour parler de vos orientations là-dedans, et de faire dans votre tête un sondage de vos membres, vos 87 membres, et les employeurs avec qui vous avez affaire, si vous étiez pour poser la question... nous pouvons mettre les mains sur les gens qualifiés qui ont les expertises pertinentes pour le travail que vous avez à offrir, deux questions : Est-ce que vous êtes bien ouverts à les accueillir malgré le fait qu'ils sont en mode d'apprentissage et de perfectionnement du français? Est-ce que vous êtes à l'aise et ouverts à ça? Deuxième question : Est-ce que vous avez la capacité de les accompagner pendant ce temps qu'ils perfectionnent leur français?

M. Gélinas (Jean-Luc) : Je suis content de votre question, ça fait longtemps que nos organismes... quand on parlait de tenter de chevaucher les différents programmes et non pas les séparer. Et j'ai beaucoup de gens qui suivent la francisation, qu'ils ont hâte de commencer un processus de recherche d'emploi et qui doivent attendre la fin de la francisation. Vous savez, des gens qui ont de la difficulté à donner un sens à leurs compétences, et on leur dit : Attendez la fin de la francisation, et là on va commencer les démarches. Ils doivent commencer les démarches le plus rapidement possible.

L'autre phénomène que vous avez qui est crucial, tous les immigrants qui arrivent ici arrivent ici en disant : Vous devez avoir pour trois mois de subsistance. Je vous dirais que le trois mois est quelque chose de terrible à vivre parce qu'eux, dans leurs têtes, ils vont commencer à travailler dans les trois premiers mois, et ils s'aperçoivent que la réalité n'est pas là, ce qui amène une pression énorme familiale sur la façon de vivre, et également pour leurs très profondes enracinées de travail. Ils sont venus ici pour travailler pour un monde meilleur. Donc, cette francisation-là, elle doit se faire en même temps que d'autres programmes pour les amener à réfléchir et non pas travailler que dans l'urgence du moment, et qu'ils puissent avoir un accomplissement relié sur leur développement et non pas sur la peur de manquer d'argent et la peur d'avoir une suite. Et on a la capacité de les avoir, on est capables de les prendre, et la simple différence qu'on aura, on les prendra plus tôt que plus tard. Donc, il y aura, dans l'extension des services, quelque chose qui va revenir à la même chose.

Mme Hébert (Mélanie) : Oui. Puis, juste pour compléter, nous, je regarde au sein de notre organisme puis je sais que c'est la même chose dans d'autres organismes où on dessert des clients qui sont en processus de francisation, donc où il y a des rencontres pour certains qui se font même en anglais, d'autres, c'est des rencontres qui se font français et anglais pour les accompagner parce que, comme mon collègue dit, le besoin est là. Donc, oui, ils font de la francisation, mais ils ne peuvent pas se permettre d'attendre trop longtemps avant de travailler parce qu'il y a la famille qui est là et qu'ils ont besoin d'eux.

Le Président (M. Picard) : Il reste une minute.

M. Birnbaum : M. le Président. Et, en ce qui a trait à la capacité, il faut faire des généralisations évidemment, la capacité des entreprises d'accompagner ces gens qui ont besoin de perfectionner le français. On a plus de programmes qui sont en aide à ces employeurs-là. Est-ce que les gens sont au rendez-vous et ils comprennent que c'est un chemin à parcourir en accompagnant les immigrants qu'ils accueillent?

Mme Roy (Valérie) : Vous parlez des employeurs?

M. Birnbaum : Oui.

• (14 h 30) •

Mme Hébert (Mélanie) : Mais, en fait, nous, on a des entreprises où on voit qu'ils ont le souci, ils veulent l'offrir, donc il y a... mais c'est le bassin aussi, mais où ils vont offrir soit des cours, par exemple, le soir ou au sein de leurs employés. Donc, oui, il y a cette ouverture-là. Mais ils ne sont pas toujours outillés, à savoir de quelle façon le faire. Là, ils ont besoin de l'expertise qui est offerte dans les organismes, parce que nous, on est là pour les référer vers les bonnes ressources et faciliter l'intégration en emploi de ces employés-là qui parlent français, mais qui auraient besoin effectivement, là, de l'améliorer, là.

Mme Roy (Valérie) : D'où l'importance que nos organismes puissent aussi desservir l'employeur, et non pas juste la personne immigrante, parce que le Québec est constitué avant tout de PME. Ils n'ont pas le temps d'accompagner à l'intérieur, de faire de la gestion sur la diversité culturelle, par exemple. Donc, c'est important d'avoir un organisme comme ça qui puisse accompagner à la fois, comme on le disait d'entrée de jeu, l'employé et l'employeur.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget, 9 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Alors, Mme Roy, M. Gélinas, Mme Hébert, soyez les bienvenus et merci de contribuer à cet exercice de réflexion que j'espère nourricier pour le ministère de l'Immigration et pour le gouvernement surtout, parce que le ministère a beau avoir à sa tête une ministre compétente, mais, quand les choix budgétaires à chaque année se font, il y a des ministères qui font les frais de politiques que je ne qualifierai pas, mais on s'entend sur ce dont je parle, et ce n'est pas exclusif au gouvernement actuel, c'est de tout temps. Le ministère de l'Immigration, le ministère de la Culture, pour ne nommer que ces deux-là, sont souvent des enfants pauvres dans les priorités budgétaires de l'État.

Je voudrais déjà vous féliciter pour les lumières que vous nous apportez relativement à ce qui se passe sur le terrain. Et j'ai bien aimé le concept du syndrome de la porte de verre — c'est la première fois que je l'entends, celle-là — et je voudrais creuser un peu plus là-dessus. Les personnes qui vivent cette expérience, elles doivent être nombreuses. Quand elles sont face à cette réalité, qu'est-ce qui se passe dans leur tête au plan du sentiment d'appartenance, au plan du sentiment d'acceptation par rapport à la société d'accueil?

M. Gélinas (Jean-Luc) : Je vous dirais que j'ai rencontré beaucoup d'associations ethniques et d'immigrants depuis les dernières années. Ce sentiment-là, je vous dirais, quand je vais sur le terrain, il y a un sentiment, chez eux, mitigé. Vous savez, c'est des êtres humains qui, certains, pour eux, ont défrayé des coûts pour venir ici. Ils avaient une carrière dans leur pays, ils souhaitaient améliorer le sort de leurs enfants et leur sort quand ils se sont en venus ici. Ce qu'ils voient dans la difficulté de reconnaissance des compétences... Vous savez, je regarde, avec ma clientèle, j'ai fait un sondage auprès de mes clients depuis mes cinq dernières années, et il y en a à peu près la moitié qui travaille dans les compétences qu'ils ont. Le reste vont travailler dans d'autres travails par urgence et nécessité, ce qui crée des déceptions. L'arrimage est difficile. Quand je vous parlais de l'effet porte de verre, ça, c'est quand on parle d'employabilité.

Tantôt, quand on vous a parlé d'intégration sociale, moi, j'appelle ça l'effet aquarium, c'est-à-dire que les immigrants, dans une région, sont vus comme dans un aquarium et où il est difficile de communiquer parce qu'il y a une vitre qui sépare les natifs des nouveaux arrivants. D'ailleurs, j'ai des immigrants qui m'ont dit : À quel moment on va arrêter de me dire que je suis un immigrant? On pourrait le définir de façon légale très facilement, c'est de façon sociale que ça devient plus difficile.

Ce qu'on regarde dans cette dualité-là de porte de verre, elle est souvent reliée au mode de gestion d'une entreprise qui a sa propre culture et pour laquelle l'immigrant veut bien adhérer à cette culture-là, mais, quand il est sur le terrain, il est confronté à la sous-culture, qui est parfois très différente de la culture de la direction. Il a de la difficulté à pouvoir gérer ces enjeux-là. Ça fait que l'effet de porte de verre, je vous dirais, c'est que c'est un poids d'un rêve inaccessible. J'ai beaucoup d'immigrants qui me disent : Vous savez, je suis fatigué de passer mes journées à aller dans des offres d'emploi qu'on me dit qui seraient ouverts pour moi et que je reviens avec un échec. Ça fait 17 fois que je fais ce processus. Je travaille à petit salaire, et, chaque fois que je prends une journée de congé pour me présenter, c'est une déception. Qu'est-ce que je dis à ma famille quand je reviens?

Et c'est là la difficulté que je vous disais. L'effet de porte de verre, ce n'est pas mesurable, mais on en ressent les effets, hein? Pour ça que je conçois, quand on parlait d'intégration sociale, de cette force qu'on doit avoir pour au moins donner une solidité familiale et permettre à la personne qui vit ces moments difficiles là d'avoir cet appui local, pour être capable d'aller vers ce qu'il avait comme rêve. Et non pas dire, comme j'entends souvent : Moi, ma vie, je la mets de côté, mais c'est mes enfants qui en bénéficieront.

Quand on parle de terre d'accueil, c'est là que la dualité de l'immigration... qui est pour une raison économique, mais il y avait l'immigration qui est pour un enrichissement collectif et social. Et, ce côté-là, on ne l'a jamais fait en symbiose, les deux pensés ensemble, et c'est ce qui est la difficulté d'être transposé au niveau du travail.

M. Kotto : Bien, merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci. Mme la députée de Montarville, 6 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames monsieur, merci. Merci pour votre mémoire, pour votre témoignage. Et je tiens à m'excuser pour les quelques minutes de retard. Je tiens vraiment à m'excuser, je dois faire tout en même temps.

Votre mémoire porte principalement sur l'immigration en région, on le comprend. J'aime vous entendre témoigner parce que, ce que vous venez de dire, entre autres, là, sur l'immigrant qui va faire des entrevues et qui revient jusqu'à 17 fois, vous apportez un visage, un témoignage humain et concret, alors, de ce qu'est la réalité de certains immigrants.

Revenons sur l'immigration en région. J'en suis. Je pense que c'est extrêmement important, justement, pour valoriser l'intégration, l'intégration à la communauté d'accueil. Et l'intégration se fait par le travail, comme vous dites. Donc, vous écrivez à la page 6... Et là pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vais lire un tout petit peu. Vous nous dites ici : «Si le financement du programme de régionalisation — anciennement le Programme régional d'intégration — n'a pas changé pour certaines régions, en dépit des modifications apportées à l'administration du programme, quelques organismes membres du RQUODE déplorent de fortes coupures budgétaires, de l'ordre de 30 % à 84 %, et ce, malgré un excellent taux de rétention en région.»

Alors, j'aimerais savoir concrètement quels ont été les impacts pour vous, pour le travail que vous faites et pour les gens que vous représentez, sur le terrain, quels ont été les impacts de ces compressions, qui varient entre 30 % et 84 % du budget pour certains organismes?

M. Gélinas (Jean-Luc) : Bien, je vous dirais, ici, à la région de la Capitale-Nationale, le SOIT avait auparavant 250 000 $ pour procéder à la régionalisation, et ça a fondu à 27 000 $, puis pour terminer avec plus rien. Je vous dirais que la régionalisation, quand on dit qu'on a un besoin... Mais c'est pour ça également, dans le mémoire, qu'on parlait de travailler en amont. Parce que de prendre quelqu'un de Montréal pour le ramener ici... C'est que, pendant qu'il vit son immigration à Montréal, après ça, je dois le prendre pour l'amener en région, je l'amène dans une étape d'émigration, alors qu'il n'a même pas complété son processus d'immigration. C'est beaucoup de déchirements et un autre sentiment de perte pour revenir en région. C'est pour ça que c'est fragile, et l'accompagnement demeure absolument crucial durant l'emploi.

Parce qu'une personne qui arrive dans une région et qui n'a pas ses repères, s'il n'a pas d'appui, il va sentir son environnement de travail menaçant par l'inconfort de sa vie de tous les jours en région. Ça fait que c'est là qu'il est important de travailler avec lui avant d'arriver dans l'entreprise, pour bien le préparer à comprendre son milieu de travail qu'il va vivre et, par la suite, à le suivre et à l'aider dans son accomplissement. Quand je vous disais tantôt : Au travail, l'écart qu'il y a entre la sous-culture et la culture, qu'il a de la difficulté à vivre... On peut l'aider et le faciliter là-dedans.

Ça fait que, dans le fond, ce qu'on vous dit, c'est que, oui, effectivement, il y a eu des coupures, oui, il y a eu des problématiques. Est-ce qu'on a lieu de travailler différemment pour améliorer... et une meilleure efficacité de répartition en région? J'ai des gens qui m'ont dit : Ça fait trois ans que je suis à Montréal, je n'ai rien et je ne savais pas que j'avais une possibilité, à Québec, de venir travailler.

Ça fait que, voyez-vous, c'est là, quand on parlait de cet enjeu majeur en amont pour bien répartir les ressources selon les besoins. Ils ne les connaissent pas, ils ne le savent pas. Et ça demande un accompagnement pour pouvoir le réaliser, et le plus rapidement possible.

• (14 h 40) •

Mme Hébert (Mélanie) : Je peux peut-être compléter aussi. Au niveau des entreprises, pour aider les travailleurs immigrants à venir en région, l'employeur, de savoir qu'il y a une ressource qui va l'aider à intégrer la personne... parce que ça peut faire peur, à dire : Bon, la personne, exemple, habite Montréal, est-ce qu'elle est vraiment prête à venir en région ou elle applique sur un poste parmi tant d'autres? Donc, de savoir qu'il y a des organismes qui vont les aider à trouver rapidement le logement dès qu'ils ont la nouvelle qu'ils ont l'emploi, qui vont aider à installer conjoint ou conjointe, qui vont trouver des écoles pour les enfants, des garderies pour les enfants, c'est beaucoup plus convaincant aussi pour l'employeur de savoir qu'il a tout ce soutien-là et de choisir cette personne-là à venir travailler dans son équipe, d'où le financement qui est important.

Le Président (M. Picard) : Il reste deux minutes, Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : D'où aussi le réconfort que ça va apporter à la personne qui vient, de savoir qu'elle est épaulée.

Vous avez été très diplomate parce que je vous demandais si concrètement il y avait des répercussions. Votre mémoire, donc, porte sur l'immigration en région, vous ne vous prononcez pas sur le taux d'immigration qui est suggéré par le gouvernement.

Est-ce qu'actuellement, avec le taux d'immigration que nous avons, là, cette année, on a suffisamment de moyens et de ressources pour bien intégrer tout ce monde-là, bien les accueillir et bien faire en sorte qu'ils s'intègrent à la société?

Mme Roy (Valérie) : Je pense qu'il y a beaucoup de ressources qui font un travail formidable au Québec — pas juste dans le secteur des services publics d'emploi, là, nos organismes sont en ententes de service avec Emploi-Québec dans d'autres secteurs, de la santé et tout — mais il y a encore beaucoup... quand on regarde les statistiques, là, le taux de chômage des personnes immigrantes est beaucoup plus élevé comparativement à celui des Québécois. Donc, oui, il y a beaucoup de ressources. Est-ce qu'elles travaillent de façon concertée, optimale? J'en doute.

Non, on ne s'est pas prononcés sur le taux d'immigration. Il va falloir qu'il augmente, particulièrement en région, on n'aura pas le choix, pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre. Mais je pense qu'il faut faire, comme on disait tout à l'heure, d'entrée de jeu, un leadership concerté. Parce que les ressources sont là, mais l'arrimage n'y est pas. Il faut une volonté gouvernementale, il faut un cadre de référence... tout le monde y adhère.

M. Gélinas (Jean-Luc) : Je pourrais vous dire : Est-ce qu'on doit augmenter? La réponse, ce n'est pas non ou oui, ça va être quand. La différence et la difficulté que nous allons vivre, que je vous dirais, c'est d'augmenter le nombre quand je sais que j'en ai un très fort pourcentage qui ne sont pas capables de travailler, qui ont des difficultés de travailler dans les compétences qu'ils ont. Est-ce que je vais intensifier la problématique? Commençons déjà par stabiliser et d'augmenter, au niveau des compétences, l'entrée au travail des gens en reconnaissant les compétences et, à partir de ce geste-là, on pourra dire : De s'adapter. Mais actuellement il y a un risque, que je vous dirais, de créer encore plus de déception. Mais j'en ai aussi qui ont des succès.

Le Président (M. Picard) : Merci. Merci, Mme Hébert, Mme Roy, M. Gélinas, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 43)

(Reprise à 14 h 45)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux. Donc, nous recevons deux personnes. Je vais vous laisser vous présenter, pour éviter des impairs, parce que j'ai de la difficulté à prononcer vos noms de famille, et, je vais vous expliquer, vous allez avoir 10 minutes pour faire votre présentation, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Donc, présentez-vous, et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.

MM. Abdelaadim El Hanchi, Abdelghani Dades
et Badreddine Filali Baba

M. Dades (Abdelghani) : Abdelghani Dades, je suis journaliste de profession, j'anime un organe de communication communautaire qui cible particulièrement la communauté maghrébine et je m'intéresse aux questions migratoires depuis une vingtaine d'années, notamment en matière de recherche sur les grands flux migratoires, en particulier en ce qui concerne mon pays, le Québec, et mon pays d'origine, le Maroc. Donc, je voudrais tout d'abord vous remercier, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, d'avoir bien voulu nous écouter, la voix de citoyens issus de l'immigration et qui ont le souhait d'exprimer leur citoyenneté en contribuant à améliorer l'efficience des politiques publiques québécoises en la matière.

Donc, je vais lire, comme ça je ne commettrai pas d'impairs non plus, pour la première partie du mémoire. La seconde partie sera présentée par mon collègue, M. El Hanchi.

Donc, répondant à l'invitation lancée le 14 juin 2016 par Mme Kathleen Weil, ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, invitation adressée à la population québécoise en vue de participer à la consultation générale sur la planification de l'immigration au Québec pour la période 2017-2019, nous avons l'honneur de soumettre le présent mémoire à l'attention de votre honorable commission. À travers cette démarche, nous souhaitons, en qualité de citoyens issus de l'immigration, contribuer à «un exercice démocratique unique au monde», dixit le communiqué du ministère, ainsi que l'a souligné Mme Weil, et, par ce biais, apporter une contribution à une «réflexion importante sur l'avenir du Québec» — je cite toujours — avec pour principal souci d'explorer des voies nouvelles et innovantes menant vers une optimisation «des apports de l'immigration au dynamisme de notre société et à sa prospérité».

Alors, je voudrais tout d'abord que nous reconnaissions les efforts constants des autorités québécoises compétentes en matière de mise en adéquation, notamment par l'adaptation et l'actualisation continue des critères de sélection des candidats à l'installation au Québec, donc de la mise en adéquation des compétences et des savoir-faire des nouveaux arrivants et des besoins effectifs de l'économie de la province. Ce mémoire soumet aux honorables membres de la commission un projet de nature à améliorer les dispositions de la réforme actuellement menée en matière d'immigration, de participation et d'inclusion dans le but de mieux sélectionner, mieux intégrer et mieux vivre ensemble.

Ce mémoire est également le fruit d'une concertation entamée en début mars puis accélérée en juin 2016 avec plusieurs personnes issues elles-mêmes de l'immigration et qui avaient pour caractéristique commune d'agir au sein d'associations qui interviennent à divers titres dans le soutien à l'inclusion des immigrants originaires du Maroc. Nous avons également consulté des journalistes et des médias communautaires à référentiel marocain.

En conclusion, nous avons élaboré ce mémoire en conformité avec l'esprit et la lettre de la nouvelle politique en matière d'immigration, de participation et d'inclusion, Ensemble, nous sommes le Québec, qui a été dévoilée le 7 mars 2016. Elle se conforme également à la Loi sur l'immigration au Québec, sanctionnée par l'Assemblée nationale le 6 avril 2016. Le document se conforme à sept des neuf orientations formulées dans le cahier de consultation déposé par Mme Kathleen Weil, ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, à l'Assemblée nationale, le 2 juin 2016.

• (14 h 50) •

Alors, pourquoi ce mémoire? Il y a un contexte qui l'a dicté. Dans le courant de l'année 2004, la publication de chiffres afférents à la prévalence du chômage et du sous-emploi dans les communautés issues de l'immigration a eu l'effet d'un électrochoc. Les taux de qualification dans les groupes démographiques non natifs du pays, largement supérieurs à la moyenne nationale, n'empêcheraient en effet pas le taux de chômage de rester tout aussi supérieur et aux moyennes nationales, et ceci même sans tenir compte de l'emploi en surqualification, qui est une forme de chômage non quantifiée et encore assez méconnue.

C'est dans les segments de la population issus de l'immigration... si le taux de qualification — des personnes en âge actifs, le bac+3 à bac+15 et expérience professionnelle significative — s'établit autour de 50 % pour le taux de qualification, mais le taux de chômage atteignait 24,6 % en moyenne, avec des pointes proches de 29 % pour certains groupes particuliers.

Ces moyennes cachent en outre de grandes disparités selon les bassins géographiques de départ de l'immigration. Une analyse, même sommaire, des données statistiques disponibles laissait ainsi apparaître des situations beaucoup plus critiques que les chiffres que je viens de citer. Ainsi, pour ce qui concerne le segment des originaires du Maghreb, le taux de chômage avoisinait les 29 %, 28,6 %, c'est les chiffres de 2004, contre 7 % en moyenne au Québec à ce moment-là, alors que le taux de qualification s'établissait aux alentours de 65 % dans une population qui, au surcroît, était francophone à 85 %. Donc, ces écarts résultaient incontestablement de l'application de critères de sélection qui, au motif de choisir les meilleurs pour le Québec, permettaient l'arrivée de détenteurs de compétences et habiletés supérieurs aux besoins réels en compétences de l'économie.

Les autorités ont, en conséquence, entamé un travail de réajustement des critères de sélection qui, semble-t-il, ont commencé à donner des premiers résultats. On apprenait ainsi, fin 2013, que le taux de chômage dans le segment de population issue de l'immigration était tombé de 26,4 % en 2004 aux alentours de 16,8 %.

Nous n'avons cependant pas été en mesure d'obtenir de chiffres ventilés selon les régions de départ des communautés culturelles considérées, ce qui peut laisser croire, mais sous toute réserve, que la communauté des originaires du Maghreb est encore défavorisée et continue à se heurter à de gros obstacles en matière d'accès à l'emploi, étape incontournable à l'inclusion et à l'optimisation des apports à la société de vie. On en voudra pour preuve que la présence en grand nombre d'origines du Maroc ou d'Algérie dans des activités de services subalternes, travaux d'utilité générale — préposé aux bénéficiaires, chauffeur de taxi, responsable de service de garde en milieu familial — qui sont certes des métiers générateurs de revenus, mais également des métiers d'instabilité professionnelle et sociale, générateurs, en conséquence, de coûts sociaux pour les concernés et de coûts financiers, via entre autres les prestations de dernier recours, pour la collectivité. Les difficultés actuelles du secteur de taxi et de la garde d'enfants en milieu familial laissent même placer le spectre d'une aggravation de cette situation, ce qui ne manquera pas de réduire, peut-être grandement, la portée et les effets des mesures et initiatives gouvernementales visant à l'inclusion des originaires de l'immigration comme des nouveaux arrivants. Parce qu'on parle souvent des nouveaux arrivants, on oublie que le délai de latence pour l'accès à l'emploi peut atteindre, par moment, huit à 10 ans chez des gens qui sont déjà citoyens et qui continuent de souffrir des mêmes problèmes que ceux que vont rencontrer de nouveaux arrivants.

Donc, au vu de cette situation, nos réflexions se sont portées vers les voies et moyens pouvant permettre à la communauté de se porter au soutien des démarches publiques, telles que définies dans le cadre de la réforme actuellement menée en matière d'immigration, de participation et d'inclusion, dans le but de mieux sélectionner, mieux intégrer et mieux vivre ensemble.

Cette réflexion aboutit sur l'ébauche d'un projet que M. El Hanchi va vous présenter.

Le Président (M. Picard) : Mais il vous reste une minute. Non, mais vous pourrez poursuivre lors des discussions.

M. El Hanchi (Abdelaadim) : Alors, je me présente, El Hanchi Abdelaadim. Je suis membre de l'ordre des ressources humaines. Je dirige deux entités en ressources humaines, une ici et l'autre au Maroc. Je suis aussi président du Forum des Compétences Canado-Marocaines, mais, ici, aujourd'hui, je parle en mon nom propre, pas au nom du forum.

Alors, par rapport au projet, je veux l'expliquer rapidement, c'est un projet qui a été fait... Donc, nous allons aller chercher ailleurs qu'est-ce qui se passait. Nous avons trouvé, entre l'Italie et le Maroc, un projet qui a répondu à des exigences. L'Italie avait besoin de personnes dans le domaine de l'agriculture, et ils ont entamé une réflexion, et ils ont décidé de prendre, entre le Maroc et la Moldavie aussi, des personnes qui ont suivi des formations par rapport à l'agriculture en Italie. Puis ces personnes, elles étaient recrutées, elles travaillent maintenant en Italie. Puis aussi ce projet a été élargi au niveau d'autres pays comme la Tunisie et l'Égypte. Pourquoi nous avons pensé à ça? Parce que nous constatons qu'ici, au Québec, il y a un manque de main-d'oeuvre, de ressources humaines par rapport à cette thématique, par rapport à l'agriculture, puis aussi, au Maroc, nous avons des compétences préparées qui ont suivi des études, qui font de l'agriculture, et qu'on peut les adapter au régime, tout ce que nous avons ici pour l'agriculture. Donc, c'est un projet qui a donné ses fruits au niveau de l'Italie. On aimerait bien, si ça entre dans les projets pilotes... qu'on peut mettre pour voir sa pertinence et puis le rendre viable par rapport au Québec.

Alors, je vais directement vers les attentes. L'élaboration de ce projet et son opérationnalisation nécessitent cependant sa validation par les autorités, les institutions et les associations professionnelles québécoises concernées ou intéressées. De même, un accord sur le principe d'un partenariat public-privé pourrait-il s'avérer nécessaire. Enfin, l'aménagement d'un cadre légal ou normatif pour ce type d'initiative, qui pourrait, au vu des résultats du projet pilote, être étendu à d'autres qualifications, compétences et habiletés professionnelles, sachant qu'il peut entrer aussi bien dans le cadre du plan de l'immigration au Québec pour la période 2017‑2019, le programme régulier des travailleurs qualifiés ou le Programme de l'expérience québécoise...

La deuxième des choses, des recommandations que nous voyons, ce n'est pas dans le mémoire, mais traiter ce problème d'équivalence de diplômes et de reconnaissance des acquis. La troisième des choses, c'est l'accompagnement, mais, à travers l'accompagnement, nous parlons de l'accompagnement à distance. Ça veut dire, après que les gens aient leur certificat de sélection, par exemple, au Maroc ou n'importe où, ils ont un délai d'un an, d'un an et demi pour avoir les papiers pour venir. Si on peut accompagner ces gens-là à distance, peut-être qu'ils vont arriver avec des outils bien nécessaires pour intégrer le monde du travail.

Donc, c'est à cette fin que nous déposons ce mémoire. Nous vous remercions de l'intérêt que vous voudrez bien porter à ce mémoire, à son contenu, et nous... à votre disposition pour répondre à d'autres demandes d'informations complémentaires. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci beaucoup. Avant de céder la parole à Mme la ministre, d'ici deux minutes, il devrait y avoir une détonation parce qu'il y a des travaux de dynamitage. Donc, allez-y, Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Bonjour. Bienvenue, M. El Hanchi, M. Dades. Merci beaucoup de votre participation. J'ai beaucoup aimé votre mot d'introduction, l'importance de participer à cet exercice démocratique, mais aussi d'avoir la voix de ceux qui ont vécu l'expérience de l'intégration, mais aussi parce que tellement de membres de votre communauté... Mais, vous, je vous connais bien, sur le terrain, vous... Il y a de la mixité, hein, en immigration au Québec, et on est très contents de ça. Vous connaissez autant la voix des Haïtiens, des Africains, des Français, et tout, parce que c'est la réalité sur le terrain. Ça, c'est la bonne chose. Je pense que les gens parlent d'une seule voix. Il y a peut-être des problématiques particulières par rapport à la reconnaissance des diplômes d'un pays ou de l'autre, mais ça, c'est plus des questions techniques qu'autre chose.

Peut-être, avant d'arriver sur le projet pilote, vous avez évoqué... Bien, premièrement, vous avez des chiffres...

(Interruption)

Mme Weil : ...sur le chômage — je pense, c'est un avertissement — sur le taux de chômage. On était curieux, à savoir d'où venaient vos chiffres de 2004. Nous, on a des chiffres de 2006. Quoi qu'il en soit, vos chiffres montrent des progrès importants. Ça, c'est quand même intéressant. Mais est-ce que vous êtes capables de me dire d'où viennent vos chiffres? Je cherche, là, dans votre mémoire. Vous dites : «On apprenait, fin 2013, que le taux de chômage dans les segments de population issus de l'immigration était tombé des 24,6 % de l'année 2004 à 16,8 %.»

M. Dades (Abdelghani) : Le 16 %, je crois que c'est de votre...

(Interruption)

Mme Weil : Ça, ça va pour 2013, mais de 2004?

• (15 heures) •

M. Dades (Abdelghani) : 2004, très franchement, je crois que c'était...

Mme Weil : D'accord. Mais ça reflète quand même la tendance qu'on a vue aussi.

(Interruption)

Mme Weil : J'ai peur, là!

M. Dades (Abdelghani) : Non, c'est fini.

Mme Weil : J'ai peur d'avoir peur. On pense qu'on va sursauter.

Donc, j'aimerais qu'on revienne là-dessus, parce que c'est quand même une tendance importante, intéressante, et vous, vous êtes très connaissant en la matière, vous le vivez, je le sais, parce qu'a souvent l'occasion d'échanger, de se voir, de parler. Vous avez vu tous les programmes, les efforts qui ont été mis en place au fil des dernières années, que ce soit le programme PRIIME, vous le soulevez ou, en tout cas, d'autres l'ont soulevé, les programmes Interconnexion, les programmes de stages, qui semblent donner des résultats. Et là on est à l'étape de vouloir aller encore plus loin, parce qu'il reste encore... On sait que, sur une plus longue période de temps, les gens, parce qu'ils sont assidus, réussissent à intégrer le marché, mais d'autres intègrent plus rapidement, soit par la voie du PEQ, le Programme de l'expérience québécoise ou, tout simplement, ils avaient une offre d'emploi. Bon, ce n'est pas vrai que tout le monde est exactement dans la même situation, il y en a qui bougent plus vite que d'autres. Est-ce que vous constatez, en vos mots, une évolution depuis que vous êtes ici? Vous êtes ici depuis... Est-ce que je peux vous demander? Très longtemps?

M. Dades (Abdelghani) : 20 ans.

Mme Weil : 20 ans. Est-ce que vous avez des constats par rapport à cette évolution?

M. Dades (Abdelghani) : C'est certain. Je ne l'ai peut-être pas suffisamment souligné, mais il y a un intérêt constant pour améliorer l'arrimage entre les profils sélectionnés et les besoins réels de l'économie, ce qui est la clé pour résoudre le problème du chômage. Il y a effectivement un progrès, sauf que, je vous l'ai dit, les statistiques, des fois, il y a un chiffre qui passe, qui est crédible, qui n'est pas démenti et donc que nous retenons comme outil d'analyse d'une situation. Alors, je n'ai pas tous les outils statistiques, je l'ai dit, pour faire cette analyse, mais je regarde sur le terrain, vous savez, je suis un peu partout à la fois. Je profite de ma retraite pour faire les choses que j'ai envie de faire, notamment réfléchir, aider à trouver des solutions à ces problèmes qui pénalisent le Québec, qui ne pénalisent pas seulement des groupes communautaires, quels qu'ils soient, quelle qu'en soit l'origine.

Et donc il y a une amélioration, c'est certain. Dans quelle mesure, dans quelle mesure aussi le chômage caché, le travail en surqualification, n'est-il pas en train d'améliorer artificiellement les statistiques? Le souci, c'est d'améliorer, que l'immigration donne son plein apport à la société dans laquelle elle a choisi de vivre et qui a choisi de les accueillir. Ce n'est pas une vision critique. C'est vraiment constructif.

Mme Weil : Là où je vous amène, c'est les solutions qui sont proposées, parce qu'évidemment nous, on vise, le gouvernement vise à stabiliser les volumes, pour que, justement, ces nouvelles stratégies, les stratégies qu'on a déjà d'améliorer les choses, reconnaissance des acquis et des compétences... Il y a beaucoup de travaux en marche, il y a la stratégie d'action, la stratégie d'action, qui s'étale sur cinq ans, avec un budget important, où on travaille les milieux autant en amont qu'en aval.

Et donc c'est une panoplie de mesures, mais je vous dirais trois piliers à cette réforme, donc : la politique, avec sa stratégie d'action; le projet de loi qui propose, donc, ce nouveau système d'immigration avec des stratégies qui accompagnent cette nouvelle façon de faire qui fera en sorte d'arrimer plus directement les besoins du marché du travail avec le candidat... Ça ne prendrait pas 4, 5 ans avant que la personne arrive. Cette lenteur, inefficacité du système ralentit le système, qui devrait améliorer... C'est l'expérience d'autres pays qui ont mis en place ce système, mais nous, on l'accompagne d'autres éléments et on l'accompagne d'une cible pour les travailleurs temporaires et les étudiants à l'étranger, qui sont déjà intégrés ici, 40 % qui s'intégreraient... et aussi d'autres mesures, mais, très, très important, c'est les milieux accueillants. Donc, certains intervenants qui ont beaucoup d'expérience surtout en immigration en région... C'est que, si on ne s'attarde pas aussi aux attitudes... nous encourage à faire une campagne de sensibilisation, ouvrir les esprits, faire comprendre, sensibiliser les acteurs et la société civile à l'apport de l'immigration... Je voulais voir si cette approche, qui va sur différents fronts... comment vous percevez... avant qu'on arrive sur votre projet pilote...

M. Dades (Abdelghani) : Je crois que c'est parce qu'il y a eu cette approche qu'on a senti la volonté politique d'aller de l'avant dans cette voie, que nous avons été encouragés à élaborer le mémoire, à le proposer. Ça a nécessité quelques mois de recherche. Et puis nous avons pris comme projet pilote quelque chose qui est relatif à l'agriculture parce que c'est là qu'il y a un problème criant en qualifications. Je ne parle pas de travailleurs saisonniers qui viennent, qui sortent avant la fin de saison, je parle de gens qui vont répondre au problème de l'absence de relève et de l'absence de main-d'oeuvre qualifiée capable de continuer à faire fonctionner l'agriculture, éventuellement de l'améliorer. Et donc la question de l'accompagnement, c'est un des éléments essentiels du projet, parce que, quelle que soit la partie intervenante dans la réalisation du projet pilote ou éventuellement de son rehaussement au niveau d'une politique permanente ou pérenne, l'accompagnement aussi des deux côtés, des membres de la communauté plus anciennement installés comme des structures associatives ou institutionnelles qui travaillent sur le sujet, l'accompagnement est incontournable. Là, aucun projet ne peut réussir s'il n'y a pas cet accompagnement.

Donc, le sens pris par la politique est le bon. Maintenant, qui va animer cette politique? Est-ce qu'on va l'élargir ou est-ce qu'on va la laisser entre les mains de structures particulières? Est-ce que la société civile, elle doit faire sa part dans ce processus? En fait, c'est ce que nous proposons.

Mme Weil : L'exercice que vous avez mené pour concevoir ce projet... Comment est-ce que vous avez travaillé pour déterminer le secteur, les besoins? Avec qui vous avez travaillé? Et quelles sont, plus particulièrement, les professions ciblées ou les métiers ciblés où vous constatez des pénuries à venir? Et, quand vous parlez de relève, est-ce que c'est vraiment des propriétaires de fermes, est-ce que de ça que vous parlez? Parce que — vous connaissez bien le milieu — c'est des travailleurs agricoles qui viennent... saisonniers, puis c'est très bien comme ça, puis ils font un excellent travail, mais ils veulent retourner chez eux. Mais vous, vous parlez d'autre chose. C'est peut-être d'expliquer peut-être plus profondément le projet et qu'est-ce que vous ciblez exactement.

M. El Hanchi (Abdelaadim) : Bon. Moi, je retourne sur l'action d'avant maintenant pour dire : Les avancées, on les constate par rapport à la politique, par rapport aux stratégies comme on les voit. Mais ce qu'on ne voit pas, c'est sur le terrain. C'est lorsqu'on arrive chez les entreprises qu'il n'y a pas assez de réceptivité, donc qu'il n'y a pas assez de sélections des gens qui émanent, même avec des compétences à égalité avec les compétences locales. C'est des gens, là, qui sont, moi, je dirais, discriminés systématiquement, mais on ne peut pas le prouver.

Ce que je demande par rapport à ça, par rapport à l'avancée des stratégies, et tout, c'est d'accompagner ces entreprises à comprendre l'enjeu de la diversité et des gens qui viennent d'ailleurs et de prendre en considération leur apport par rapport à leur entreprise. Moi, je dirais qu'il faut... le travail doit être mené par rapport aux entreprises pour qu'il puisse... parce que le travail a été fait, je pense, au niveau étatique, au niveau des municipalités, il y avait du recrutement des gens de la diversité. Mais, au niveau des entreprises, on peut trouver une entreprise de 2 000 personnes, il n'y a personne de la diversité, alors... ou on peut trouver autres où il y a quelques personnes. Donc, moi, je dirais qu'il y a aussi un effort à faire au niveau des entreprises pour les sensibiliser par rapport à la... parce qu'il n'y a pas de loi contraignante par rapport à la diversité, comme c'est le cas pour les municipalités et pour l'État, pour la province, donc il faut que les entreprises soient sensibles par rapport à ça. Si elles ne le sont pas, peut-être qu'il faut prévoir des choses... un contrat ou quelque chose comme ça.

Moi, je parle du côté ressources humaines, je suis là-dedans. On en parle. Le congrès des ressources humaines de l'année... pas de cette année, de l'année d'avant, toute la thématique, ça a été sur la diversité. Mais, sur le terrain, c'est surtout la gestion de la diversité, comment ils vont gérer des gens. Mais le recrutement, à un moment, ça se bloque, parce qu'ils ont eu une mauvaise expérience où il y a eu 10 personnes qui ont créé un problème, alors que les autres vont être bannis. Donc, ça, c'est par rapport à l'avancée par rapport à la première. Donc, la deuxième question.

• (15 h 10) •

M. Dades (Abdelghani) : Pour répondre plus précisément à la question de Mme Weil, pourquoi le secteur de l'agriculture, en fait, c'est parce qu'au moment où on était en train de travailler on a identifié un certain nombre de métiers où il y a déficit de main-d'oeuvre, y compris, paradoxalement, des métiers émergents, des métiers émergents qui sont déjà menacés par un déficit de main-d'oeuvre. Mais, au moment où on était en train de réfléchir au projet, j'ai vu plusieurs articles dans les médias qui faisaient état de situations dramatiques en matière de relève et de main-d'oeuvre agricole. Et donc, naturellement, ça s'est... Mais il y en a d'autres, il y a d'autres métiers sur lesquels on pourrait réfléchir et pour lesquels les projets... si on arrive à réussir un projet en matière d'agriculture, je crois qu'on a déjà placé les standards et qu'on pourra réfléchir à l'extension à d'autres secteurs d'activités, à d'autres profils.

Et, pour l'agriculture, nous avons examiné 10 projets interméditerrannéens, c'est-à-dire rive sud de la Méditerranée, rive européenne, rive nord et rive sud, réservoir de main-d'oeuvre qualifiée, manque de main-d'oeuvre. Et on s'est intéressés sur cette dizaine de projets, particulièrement aux projets agricoles. La main-d'oeuvre saisonnière, moi, par principe, je n'embarquerai jamais dans un projet de cette nature, vu les résultats désastreux au plan humain et économique auxquels ça a donné lieu en Espagne et en France. C'est dramatique.

En revanche, ce qui est vraiment productif pour le Québec, ce ne sont pas des gens qui viennent trois mois par an, quatre mois par an pour cueillir des fraises et qui s'en vont, ce sont des gens qui viennent gérer une entreprise agricole parce que, sinon, elle va être laissée à l'abandon. Et on sent déjà le poids de cette désertification de nos campagnes à travers la baisse de la part de l'agriculture dans le PIB, de l'agro-industrie également.

Donc, on est en train de tuer un secteur qui relevait, il y a quelque temps, de la sécurité, qui n'est plus classé sécurité parce qu'il y a eu la mondialisation, mais je pense qu'au Québec on ne devrait pas aller dans ce sens-là, qu'on devrait, au contraire, aller plus dans cette réflexion. Plus, ça répond au problème démographique, et au problème de désertification, et à la question de la régionalisation. L'agriculture urbaine, c'est quelques terrasses à Montréal. La véritable agriculture, elle est en région. Et donc, là, on touche plusieurs objectifs à la fois et on maintient un des piliers de l'économie de la province, qui est l'agriculture et l'agro-industrie.

Le Président (M. Picard) : Merci.

M. Dades (Abdelghani) : Donc, c'était la raison du choix.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 9 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus et merci pour la contribution à cette réflexion. Je rebondis sur le projet. Tout à l'heure, vous avez manqué d'un peu de temps pour élaborer sur la seconde partie, mais il y avait quelque chose, disons, d'original dans ce que vous disiez, la conclusion de votre présentation contractée. Vous parliez de cette phase, où la personne sélectionnée recevrait son CSQ, mais attendrait... serait préparée pendant un laps de temps avant de faire le voyage, un peu à l'image de ce que font les astronautes avant de... Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?

M. El Hanchi (Abdelaadim) : Moi, je vais parler d'un vécu personnel, d'accord? Personnellement, lorsque j'avais reçu le CSQ — moi, je suis dans les ressources humaines — alors, en arrivant ici, qu'est-ce que je dois faire? Je dois travailler dans les ressources humaines. Comment travailler dans les ressources humaines, O.K.? Il y a un ordre. Même ce n'est pas contraignant qu'on soit dans l'ordre, mais il faut se préparer. Donc, j'ai contacté l'ordre, j'ai déposé mes papiers, puis ça a été reçu dans les 15, 20 jours. Donc, on m'a reçu. Puis, après, j'ai préparé mon examen.

Avant d'atterrir à Québec, j'avais mon titre de CRHA. Donc, ça a été un apport pour moi, pour que... si j'arrive, donc, en principe, je dois trouver du travail facilement. Ce n'était pas le cas, mais, en principe, j'ai pu changer la donne. Mais, si on donnait cette possibilité à ces gens-là avant qu'ils arrivent... Je prendrai le cas d'un médecin avant qu'il arrive. La plupart des gens ne se donnent pas cette possibilité d'aller chercher, parce qu'ils sont dans la vie quotidienne et puis ils s'attendent qu'ils arrivent ici. Si on va dire au médecin : O.K., avant d'arriver, avant que tu sois reconnu par l'ordre, il faut que tu passes des examens. Donc, de chez lui, il peut préparer des examens, il peut venir ici, passer son examen et retourner, d'accord? Parce que ce qui arrive, nous avons un cas actuellement, une femme médecin, ça fait cinq ans qu'elle est là, elle va retourner au Maroc, parce qu'elle a eu son équivalence, mais on lui a demandé une expérience d'au moins de deux ans, qu'elle n'a pas parce que ça fait cinq ans qu'elle n'exerçait pas. Donc, maintenant, avec son diplôme, avec son acquis qu'elle a... battu puis son mari qui a travaillé pour financer toutes les formations et les examens, puis elle n'a pas...

Donc, si on donne à ces gens-là la possibilité de préparer tout ça à l'avance, les coacher, les accompagner à distance, leur dire exactement avec des grilles... je sais que ça existe, mais il faut que ça soit concentré et puis peut-être la société civile peut jouer un rôle. Ça veut dire, il y a des organismes qui peuvent ce rôle-là, puis ça serait plus facile à expliquer aux gens. Je prendrais le pharmacien, je prendrais le technicien, toute personne qui peut... Maintenant, il y a aussi des cégeps qui se sont installés au Maroc. Donc, on peut aussi suivre la formation aussi à distance pour préparer le D.E.A. ou le D.E.P., quelque chose comme ça à distance, avant d'arriver.

Donc, il y a des solutions. Il faut les mettre sur la table et communiquer sur ça. Il faut que les gens sachent sur ça. Parce que qu'est-ce qu'on reçoit lorsqu'on part à l'ambassade? On reçoit, je pense, Comprendre le Québec ou Comment vivre au Québec...

Une voix : ...

M. El Hanchi (Abdelaadim) : Non, Québec, Québec. Donc, lorsqu'on a la CSQ, on a un document qui nous parle de la culture, et tout, mais, tout ça, ce que j'ai dit, ça n'existe pas. Donc, il faut qu'on explique aux gens, puis ils doivent savoir à quoi ils s'attendent. S'il doit attendre deux ans, il doit le savoir; s'il doit attendre trois ans, il doit le savoir, et c'est à lui de choisir. Parce que le pire des cas, comme vous l'avez dit tout à l'heure, les personnes qui étaient avant nous, les gens dépensent de l'argent. Ils arrivent ici puis ils dépensent de l'argent pendant deux ans, trois ans, cinq ans, pour ne pas arriver à ce qu'ils veulent. Donc, moi, je dirais, un accompagnement à distance, ça fera la chose, et nous sommes prêts à participer dans cette dynamique-là.

Le Président (M. Picard) : M. le député.

M. Kotto : O.K. Donc, c'est ça, l'accompagnement en amont. Je pense que l'idée est originale. Hier, je pense que c'était hier, je ne sais plus à qui je le disais, je parlais de la nécessité de changer de paradigme, de s'adapter pour un cheminement réussi entre le nouvel arrivant et la société d'accueil et vice versa. C'est une histoire de rencontre. Et des déceptions, si on peut les éviter avec des solutions comme celle-ci, pourquoi ne pas plonger? On a une nouvelle approche en termes de politique qui met à la disposition des moyens puisqu'avec la nouvelle loi la ministre a la possibilité de mettre en branle un projet pilote de cette envergure. Mais, bon, je ne veux pas parler à sa place, mais il y a un écho positif à mes oreilles.

Vous avez parlé de l'impératif de faire comprendre les enjeux de la diversité aux entreprises. En quoi cela est-il important à vos yeux aujourd'hui?

M. El Hanchi (Abdelaadim) : Moi, je pense qu'il y a des exemples qui ont été faits, mais peut-être au niveau institutionnel. Je prendrai la mairie de Montréal. Ils ont préparé une formation pour les élus, pour les gens qui travaillent à la mairie, pour les sensibiliser par rapport à ça. Et je pense que ça a donné des résultats, parce que, lorsqu'on rentre à la mairie de Montréal, on voit Montréal parce que c'est divers. Donc, on voit des Maghrébins, on voit des Haïtiens, on voit des Africains, on voit des... tous genres, donc, là-dedans, donc... Et puis c'est ce genre de formation que les entreprises doivent avoir. Les entreprises, ils sont tranquilles dans leurs coins, ils ne veulent pas faire l'effort. Tout à l'heure, ils parlaient, les gens, de l'expérience canadienne ou québécoise. Comment on peut donner une expérience québécoise ou canadienne à quelqu'un qui n'a jamais travaillé ici? Donc, comment il va la faire? Il y a quelqu'un qui va le faire. Donc, ce quelqu'un, il doit être sensibilisé sur les enjeux. Puis, des fois, lorsque des gens s'intéressent à des gens de la diversité, à la fin, ils ne veulent pas les lâcher. Ils seront heureux parce qu'ils trouvent les qualifications et ils trouvent le rendement, ils trouvent les possibilités. C'est des gens qui veulent donner.

Donc, moi, je dirais, par rapport à ça, c'est une sensibilisation, c'est des formations qui peuvent se faire entre le ministère et les ordres professionnels par rapport à ça, avec les entités, les associations professionnelles aussi, pour lancer des formations de sensibilisation par rapport au recrutement de la diversité. Parce qu'il n'y a pas... rien qui va le contraindre, mais il faut...

Et aussi, la deuxième des choses, parce que, lorsqu'on voit ça, il y a certaines entreprises qui y adhèrent, mais qui adhèrent à un niveau bas. Ça veut dire : on va trouver les chauffeurs, les mécaniciens, et tout, mais, au niveau décisionnel, on ne va pas les trouver. On ne va pas trouver un directeur de ressources humaines, ou un chef de division de ressources humaines, ou quelqu'un au financier, on va trouver toujours un niveau un peu plus bas. Donc, il faut les sensibiliser par rapport à ces deux choses-là. Parce que les gens qui arrivent, la plupart, moi, je parlerai de ma communauté, la plupart, ils ont des diplômes qui sont des baccalauréats plus, maîtrises plus, même des doctorats. Donc, c'est des gens qui ont des outils, qui ont des choses à apporter à l'entreprise et puis à la société d'accueil.

M. Dades (Abdelghani) : Ceci dit, il y a eu des...

Le Président (M. Picard) : M. Dades.

M. Dades (Abdelghani) : Pardon. Ceci dit, il y a eu des expériences en matière de sensibilisation des entreprises à la diversité qui ont été pilotées d'ailleurs par le ministère, qui ne s'appelait pas encore le MIDI à l'époque, sauf que c'étaient des expériences qui sont restées à une échelle relativement réduite, qui ont ciblé de très grosses entreprises, alors que l'essentiel de l'emploi se trouve au niveau des PME. Les PME n'ont jamais été touchées. Et le programme, à ma connaissance, n'a jamais été reconduit, de sensibilisation à la diversité en milieu professionnel. Donc, peut-être qu'il faudrait retrouver ces informations, en tirer les leçons, et tenter de reconduire le modèle et de l'améliorer ou de l'étendre

• (15 h 20) •

Le Président (M. Picard) : Merci. M. le député, il reste 1 min 30 s.

M. Kotto : Une minute, oui. Hier, je pense que c'est le Conseil du patronat avec qui on a eu cet échange-là et qui déplorait le fait que plein de programmes allant dans le sens de la, comment dire... de solutions structurantes relativement à l'intégration de la diversité au sein des entreprises et tout ça ne soient pas connus du public, qu'ils ne soient pas publicisés, parlant même d'une information qui, même apportée, n'était accessible parce qu'il n'y avait pas un véritable intérêt... Est-ce que vous pensez que la diversité québécoise devrait prendre en charge elle-même cet impératif travail d'information auprès de ces entreprises en leur faisant, disons, découvrir ce qu'ils ne veulent pas découvrir éventuellement?

M. Dades (Abdelghani) : Comme beaucoup de vos idées, l'idée me plaît, mais je crains que confier ça exclusivement aux groupes ethniques, ça ne soit pas très efficace.

M. Kotto : O.K. Les amener à contribuer.

M. Dades (Abdelghani) : Dans des équipes multiethniques, dans des équipes multiethniques capables de donner le spectre le plus large possible sur la réalité de la diversité à des décideurs...

Il y a aussi d'autres éléments. Je ne voulais pas évoquer le pire, mais il y a aussi un certain cynisme chez les employeurs qui, plutôt que de prendre le risque de recruter un immigrant qui pourrait provoquer un problème, peu importe de quelle nature, ils préfèrent s'abstenir plutôt que de courir un risque, si minime soit-il. Par exemple, j'ai entendu des employeurs dire : Oui, ce monsieur est très compétent, moi, je n'ai rien contre les musulmans, mais, s'il lui prenait la fantaisie de demander un temps mort pour aller faire ses prières alors que j'ai une chaîne à conduire... donc, je préfère ne pas le recruter, comme ça, je ne prends pas ce risque, sans même savoir si ce monsieur va effectivement demander un temps de prière en temps ouvrable.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville, 6 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, merci. J'ai pris soin de lire votre mémoire. D'entrée de jeu, je vous dirais que je considère que c'est d'une grande tristesse, même d'un manque de respect, j'irais jusque-là dans mes paroles, que de laisser miroiter des possibilités d'emploi dans des domaines très précis, hautement qualifiés à des gens, à des personnes qui arrivent ici et qui n'y ont pas accès ou qui n'y auront pas accès. Je trouve ça extrêmement triste. Le gouvernement est conscient qu'il y a effectivement du travail à faire en ce qui a trait à l'équivalence des diplômes, à la reconnaissance des acquis, et ça, c'est une problématique, et on n'a qu'à penser à certains reportages. Vous parliez de médecins tout à l'heure. On sait qu'il y a ces ingénieurs, entre autres, qui sont surqualifiés. Vous nous reparlez de cette problématique, de cette forme de chômage méconnue et non quantifiée qui est ce chômage par surqualification. C'est d'une grande tristesse. On a besoin de tout le monde puis on a besoin de tous les cerveaux, et il faut remédier à ça.

Alors, vous nous arrivez ici avec une proposition d'un projet pilote qui est calquée sur ce qui s'est fait en Italie, un projet pilote dans le domaine de l'agriculture. Et j'ai quelques questions à l'égard de ce projet pilote là. Vous avez fait des recherches, vous avez contacté des groupes, vous avez parlé aux gens qui sont intéressés. Et ce projet pilote là pourrait-il justement intéresser et aider à faire en sorte de remplir des emplois en fonction des compétences des immigrants, de cette surqualification justement du fait qu'il y a peut-être des agronomes, qu'il y a peut-être des gens qui aimeraient contribuer à la société, y participer parmi le taux de chômage très élevé de la communauté?

M. Dades (Abdelghani) : Oui. Alors, je crois, je l'ai dit, mais j'aurais dû être plus précis. J'ai dit qu'on parlait un peu trop souvent des problèmes rencontrés par les nouveaux arrivants. Alors, il y a arrivants plus anciens pour lesquels les délais de ce qu'on a appelé un temps le délai de latence, c'est-à-dire le délai entre l'arrivée, une requalification éventuelle et l'accès à un emploi garantissant un revenu honorable, pouvait atteindre huit à 10 ans. La moyenne est aux alentours de cinq ans. Et donc on ne les oublie pas, s'il y a des agronomes, si ce projet venait à voir le jour. En plus, ce sera peut-être moins coûteux économiquement de prendre des gens ici qui connaissent les conditions climatiques. Parce que la qualification donnée à ceux qui pourraient être recrutés parmi les nouveaux arrivants consiste à adapter leur savoir de climat semi-aride, voire semi-désertique, à un climat froid. Ceux qui sont ici ont gagné au moins deux, trois hivers d'expérience du froid, et donc pourraient être moins difficiles à former, c'est-à-dire que l'adaptation de leurs compétences et savoir à des conditions géoclimatiques différentes serait peut-être plus facile. Mais ça, l'aspect contenu est encore à l'étude. Nous sommes assurés de l'opportunité, de la faisabilité, de l'identification des partenaires potentiels à un tel projet, une estimation financière, mais le contenu, nous attendons d'avoir un feu vert avant d'aller vers un travail aussi précis.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : Alors, c'était la question suivante. Je crois donc comprendre que tout a été fait, on est prêts, on attend. Mais est-ce qu'il y aurait des gens qui seraient prêts justement à le piloter, ce projet pilote, advenant qu'il pourrait y avoir... justement, remplir les conditions puis avoir l'aval nécessaire? Parce que, dans le nouveau projet de loi n° 77, comme vous le savez, on ouvre la porte à plusieurs projets pilotes, en région, entre autres. Donc, est-ce qu'il y a des gens qui seraient prêts à le prendre en charge pour qu'il démarre?

M. Dades (Abdelghani) : Oui.

Mme Roy (Montarville) : Oui?

M. Dades (Abdelghani) : Oui.

M. El Hanchi (Abdelaadim) : D'abord, par rapport à un autre projet... il s'inscrit dans la planification future, ça veut dire pour minimiser l'échec des nouveaux arrivants. Maintenant, nous avons le même projet ou d'autres projets qu'on peut adapter par rapport à la situation actuelle des gens, d'accord? Donc, par rapport à la qualification, par rapport... On fait des choses par rapport à ça. Donc, il y a des choses qu'on fait pour l'employabilité des gens. Dans l'organisation que je préside, en principe, on travaille sur l'employabilité des gens à travers d'autres mécanismes, d'autres méthodes, c'est à travers des 5 à 7, des rencontres avec les chefs d'entreprises, des moyens pour leur montrer le cheminement, comment faire pour arriver à... Donc, c'est des choses qu'on fait, mais qu'on peut aussi les mettre... donc, la méthode avec laquelle on fait, on prépare les choses puis, une fois que ça réussit, on va les présenter au ministère pour avoir le soutien pour y aller. Nous avons un événement qui s'appelle le poste du mois, qui fait ramener des chefs d'entreprises, des personnalités dans leur domaine, qui expliquent aux immigrants ici, nouveaux arrivants ou des gens qui cherchent un autre emploi, pour voir, dans le domaine des TI, dans le domaine des finances, dans le domaine des ressources humaines, et tout... Et là la plupart des gens, ils sortent avec des réseaux, ils sortent avec des emplois, et donc des choses comme ça. Donc, c'est des modèles comme ça qu'on peut faire pour les gens d'ici, mais, celui-là, il est pour les gens qui vont venir après.

Une voix : La réponse est oui.

Une voix : C'est bon.

Une voix : Mais oui.

Mme Roy (Montarville) : Donc, c'est ça, on crée des solutions puis on avance. Maintenant, je sais que votre mémoire porte sur ce projet principalement...

Le Président (M. Picard) : Il reste une minute, Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Qu'est-ce que vous pensez... votre mémoire n'en traite pas, mais j'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez du seuil d'immigration qui est proposé par la partie gouvernementale pour les années à venir, les chiffres de l'immigration. Vous en pensez quoi?

M. Dades (Abdelghani) : Nous l'avons soigneusement évitée, cette question, parce que c'est la première des orientations de la réflexion. En fait, on est dans le micro, les microsolutions.

Si on arrive à réaliser le projet en matière agricole et agro-industrielle, qu'on peut développer vers d'autres secteurs, etc., là, on pourra commencer à penser plus haut. Mais, pour l'instant, cette réflexion, je vous avoue — je ne suis pas en train de faire de la diplomatie — je reste dans la petite échelle, et peut-être que, avec la maturation du projet ou son extension peut-être qu'on sera amenés à réfléchir plus globalement.

Je vous en prie, madame.

Le Président (M. Picard) : Je vous remercie pour votre apport aux travaux de la commission.

Et je suspends quelques instants afin que le prochain témoin puisse prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 29)

(Reprise à 15 h 32)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant M. Stéphane Tajick. Donc, M. Tajick, vous avez une période de 10 minutes pour faire votre exposé, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Stéphane Tajick Consulting

M. Tajick (Stéphane) : Merci. Bonjour, Mme la ministre, M. et Mmes les députés. Mon expertise est dans l'immigration d'affaires. Ce que je fais, c'est que je fais beaucoup de recherche sur à peu près tous les programmes à travers le monde, et plusieurs rapports à chaque année, et, en plus, j'indexe beaucoup de villes à travers le monde par rapport à leur fiscalité, marché immobilier, le pouvoir économique, etc. Je suis ici pour parler de la rétention des immigrants investisseurs qui... je sais que le ministère cherche à un peu élucider dans sa planification de 2017 à 2019.

Quand le Québec pose la question sur la rétention des immigrants investisseurs, il s'adresse au rapport annuellement publié, Présence des immigrants au Québec. Dans ce document, une personne, là, qui est considérée présente est présente si elle possède une carte d'assurance maladie non expirée. Alors, quand vous posez la question, la réponse en général qu'on a, c'est : 20,7 % des immigrants investisseurs admis de 2004 à 2013; en 2015, ils possèdent une carte d'assurance maladie valide.

Que veut dire «présent» dans ce contexte? Ça veut dire que, pour être considéré présent au Québec, il faut avoir une carte d'assurance maladie valide, donc on est resté au moins six mois durant l'année au Québec et techniquement on deviendrait aussi résident fiscal au Québec. C'est quelque part inconsistant avec ce qui est exigé de l'immigrant investisseur. L'immigrant investisseur s'engage à rester deux ans sur cinq ans au Canada pour continuer de permettre d'avoir la résidence permanente et pour la renouveler, ce qui veut dire qu'il peut passer quatre à cinq mois par année au Québec, au Canada, et remplir les conditions de son entente. Alors, quelqu'un peut très bien travailler à l'étranger, rester quatre mois à cinq mois ici, remplir les attentes qu'on avait placées sur lui, mais être considéré absent dans le rapport de présence.

Ce genre de jumelage peut avoir un pourcentage d'erreur assez bas quand on considère les autres catégories d'immigrants qui viennent soit pour travailler ici ou pour entreprendre, mais, pour ce qui est des investisseurs qui n'ont pas réellement quelque chose à faire après leur arrivée, le pourcentage d'erreur est assez élevé, en fait.

D'ailleurs, si on regarde les tableaux 1 et 2 de l'annexe du mémoire, vous allez voir le taux de rétention, qui, à partir de 2010, chute. Le rapport de présence des immigrants au Québec souligne certains points. Pour une cohorte annuelle donnée, le pourcentage de personnes immigrantes présentes au Québec ira généralement en diminuant avec le temps. Ça veut dire : la baisse qu'on voit à partir de 2010 n'est pas naturelle. La tendance devrait être inverse. Rappelons que la période de validité de la carte d'assurance maladie est généralement d'un maximum d'un an pour une carte délivrée de... et de quatre ans dans les cas de renouvellement. Les raisons d'un non-repérage peuvent être multiples : changement de nom, inscription d'un dépendant à partir du formulaire du requérant principal de l'unité familiale, erreur dans la saisie du numéro du formulaire ou encore départ du Québec avant même de s'être inscrit à la Régie de l'assurance maladie. C'est ce dernier cas qui se produit le plus fréquemment lors du non-repérage des immigrants récents. Les autres situations demeurent exceptionnelles.

Alors, le non-repérage a vu aussi son nombre croître significativement depuis 2010. Malheureusement, le rapport ne peut pas nous dire s'il s'agit des immigrants investisseurs parce qu'ils ne montrent pas les statistiques par catégorie, mais on soupçonne que c'est possiblement le cas. Alors, que se passe... depuis 2010 avec le programme Immigrants investisseurs? Eh bien, le programme fédéral a mis fin à son programme en 2014, avait fait un moratoire en 2012, et déjà, à partir de 2010, commencé à réduire la compétitivité du programme et le nombre de places. Si vous portez votre attention aux tableaux 3, 4 et 5 du mémoire, vous verrez que déjà les délais pour procéder, de traitement de demandes étaient trois fois plus élevés au fédéral qu'au Québec, et que les places diminuaient énormément, et, qu'à partir de même 2015, même 2012, il n'y avait quasiment plus de places au fédéral, signifiant que, pour les gens, les investisseurs, les gens qui se catégorisent investisseurs ou tout simplement les gens fortunés qui veulent venir immigrer au Canada, la seule porte d'entrée qui se présentait était celle du Québec.

Quand on regarde les intentions de résidence, qui est le tableau 6 de l'annexe, jusqu'en 2010, les données d'intention de résidence étaient plus ou moins stables. On parlait de 50 % pour la Colombie-Britannique, un peu moins de 30 % pour l'Ontario, un peu moins de 20 % pour le Québec. Vous ne verrez pas les autres provinces parce que, pour les immigrants investisseurs, le reste pour les autres provinces est dérisoire. On parle surtout de trois provinces, et principalement de trois villes, en fait. En 2011, soit un an après, les intentions pour la résidence au Québec ont bondi, ont plus que doublé, et le Québec est devenu la première province d'intention de résidence pour les immigrants investisseurs. En 2015, elle a quasiment atteint 100 %. Bien que, sur papier, on peut croire que tout le monde a vraiment voulu venir résider au Québec, il faut rester assez sceptique face aux données.

En conclusion, ce que moi, j'arrive à conclure de tout ça, c'est qu'on n'a pas de moyen efficace de bien définir, un, ce qui est la présence au Québec, on a une erreur dans la définition de présence au Québec, du moins pour les immigrants investisseurs, et que, depuis la fermeture du programme fédéral, les données qu'on a sur la rétention des immigrants investisseurs au Québec est quelque peu corrompue par les données et... du moins, pas objectives.

Est-ce qu'on peut les comparer? Maintenant, est-ce que ces chiffres qu'on a, de toute façon, est-ce qu'on peut les comparer aux autres provinces ou même à d'autres pays? En 2010‑2011, le gouvernement fédéral publiait un rapport qui s'intitulait Le mouvement interprovincial des immigrants au Canada. Les données étaient assez anciennes pour ce qui est des immigrants investisseurs. Ce qu'on avait de plus récent, c'était... en 2010, ils avaient trouvé des immigrants qui étaient venus... en fait, de 2006 à 2011, juste pour le Québec, les immigrants investisseurs, 78 % étaient encore présents au Québec, ce qui signifie à peu près le double de ce que nous, au Québec, on estime, avec des pertes, le reste des pertes, on parle de 22 % qui sont partis vers l'Ontario et la Colombie-Britannique.

• (15 h 40) •

La raison pourquoi il y a une si grosse différence est dans la technique, dans la méthodologie de calcul. Nous, on utilise la RAMQ pour jumeler nos informations, eux, ils utilisent le rapport d'impôt. Par contre, ce qu'il est important de savoir, c'est que, si quelqu'un n'a pas fait un rapport d'impôt au préalable, il ne sera pas dans la liste. Alors, si quelqu'un n'a jamais fait de rapport d'impôt, il n'est tout simplement pas dans la liste, il n'est pas calculé dans les calculs. Apparemment, un nouveau rapport devrait arriver d'ici la fin du mois. Peut-être, ça intéresserait le ministère d'avoir l'information. Il pourrait voir avec le gouvernement fédéral là-dessus.

Pour ce qui est des autres pays, chaque année, je fais l'abattage annuel, environ, des statistiques sur le sujet d'une centaine de pays, et je n'ai jamais trouvé la moindre information sur ce sujet. Une grande raison, c'est que la plupart des programmes offrent des programmes conditionnels ou la résidence temporaire avant de donner la résidence permanente, ce qui fait que, même si on veut faire un jumelage ou un croisement des calculs, combien de personnes ont appliqué après pour la résidence permanente, le pourcentage d'erreur est trop élevé pour qu'on puisse vraiment faire ce genre de calculs. Et même, pour mon expérience, si on prend le programme américain de EB-5, EB-5 américain, je vous dirais, pour mon humble opinion, que je pense même que moins de 25 % des gens qui appliquent pour le programme finissent avec la «green card».

Mais, de toute façon, est-ce que ce n'est pas normal d'avoir un taux de rétention bas pour cette catégorie d'immigrants? Parce que, quand on se plaint de la rétention des immigrants investisseurs, c'est surtout quand on compare les chiffres avec les autres catégories d'immigrants.

Il y a certaines informations qui sont nécessaires pour bien comprendre ce qu'est un immigrant investisseur. Le demandeur doit être ou avoir été actionnaire important d'une entreprise. Le demandeur doit avoir de l'expérience dans la gestion d'une entreprise. Le demandeur doit démontrer un actif net de 1,6 million de dollars. Le demandeur doit effectuer un investissement passif, sans risque, auprès du gouvernement, de 800 000 $ pour cinq ans, et sans intérêt.

Donc, si on veut dessiner le profil moyen de l'immigrant investisseur, ce serait une personne multimillionnaire. Selon nos statistiques, il aurait une femme, un enfant. Il posséderait une entreprise en Chine, parce que la grande majorité sont Chinois. Alors, qu'est-ce qu'il fait? Il fait sa demande, il place son argent auprès du gouvernement et reçoit la résidence permanente. Maintenant, qu'est-ce qu'il fait après ça? Il n'y a rien de défini pour lui.

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Tajick (Stéphane) : Pardon?

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Tajick (Stéphane) : En terminant? D'accord. Dans la nature même du programme, c'est tout à fait normal, pour ce type de programme, qui... d'investisseurs où il n'y a pas d'activité active, disons, d'investissement actif après leur arrivée, que les gens ne soient pas nécessairement présents plus de six mois par année, surtout si, fiscalement, ça ne leur est pas avantageux. La nature du programme fait en sorte que, si on est ici deux ans sur cinq ans... c'est ça, ce que les gens s'engagent généralement de respecter, et que...

Le Président (M. Picard) : Merci. Vous allez pouvoir poursuivre dans les échanges avec les parlementaires.

M. Tajick (Stéphane) : D'accord.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, pour une période maximale de 16 minutes.

Mme Weil : Bonjour, bienvenue, M. Tajick. Donc, je pense que vous êtes le seul intervenant à évoquer, parler de ce programme, Immigrants investisseurs. Vous avez beaucoup d'expérience. Ce n'est pas un programme que les gens connaissent bien. Et je profite du fait que vous faites des rapports, vous faites des recherches, vous regardez, comme vous avez dit, tous les programmes qui existent ailleurs pour vous amener sur cette question de rétention. Est-ce que vous avez vu peut-être des meilleures pratiques ou des programmes dans d'autres pays? Parce que j'imagine que cette problématique de rétention existe ailleurs aussi. Est-ce qu'il y a des données qui vous permettent de comparer ces programmes de rétention?

Nous, on a signé une entente avec Investissement Québec, justement, il y a quelques années, pour améliorer le taux de rétention. Comme vous le dites, c'est un débat, un débat à l'échelle du Canada, et, de temps en temps, des articles qui sont écrits là-dessus... Maintenant, est-ce que vous avez des connaissances par rapport à des programmes dans d'autres pays, justement, pour accompagner ces immigrants investisseurs pour qu'ils puissent vraiment contribuer à l'économie locale?

M. Tajick (Stéphane) : Réellement, une partie des choses que je disais, c'est qu'il n'y a pas de comparatif avec d'autres pays. Personne ne se pose réellement la question, beaucoup de pays sont satisfaits de ce qu'ils reçoivent au début, l'investissement de départ, et après, bon, on a fait nos coûts, on a fait un profit, le reste n'est pas nécessairement ce qu'ils recherchent, à moins qu'on parle de programme actif où les gens doivent activement — comme l'entrepreneur — où les gens doivent activement intégrer l'économie. Mais, pour ce qui est des investisseurs où ils ont juste une résidence, personne n'a les statistiques, personne ne se pose la question réellement, et, en réalité, dans notre cas aussi, il n'y aurait pas raison, vu la nature du programme, à même se poser la question. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème, que les gens ne quittent pas nécessairement pour d'autres provinces; les gens qui veulent rester activement après, qui veulent intégrer activement l'économie, ne vont pas ailleurs, ne décident pas de quitter... Ça, on n'a pas les statistiques pour affirmer ou dire l'inverse sur ce genre d'information. Voilà.

Mme Weil : Et vous dites que la langue joue un rôle important au chapitre de la rétention. Donc, vous, vous avez une expérience personnelle avec des immigrants investisseurs, donc vous avez remarqué ça. Donc, si ces personnes parlent français, ils ont plus tendance à rester ici. Et est-ce que vous prônez justement l'accompagnement parce que vous prônez la rétention parce que vous prônez l'investissement en continu dans la société d'accueil? C'est bien ça?

Peut-être nous parler un peu de cette expérience que vous avez. J'imagine que vous avez des clients, sans nominaliser, mais peut-être plus parler de cette question de langue et de port d'attache, qui fait en sorte qu'on... et quel est le potentiel aussi parmi les immigrants investisseurs francophones où la question de rétention serait moins problématique.

M. Tajick (Stéphane) : Oui. Comme on a vu, le profil moyen de l'immigrant investisseur, c'est en général quelqu'un qui ne parle pas français et qui peut parler un petit peu d'anglais. Maintenant, on sait tous, si, demain, on part en Autriche, on ne parle pas allemand, les difficultés qu'on va rencontrer à s'intégrer, à s'installer, à faire nos papiers, etc., commencer à trouver un logement, repartir sa vie... On sait que ça prend du temps, ça prend de l'effort. Maintenant, ce qu'on a pu remarquer, c'est qu'à cause de la facilité de la langue, qui est plus proche, par exemple, l'Ontario, Vancouver, ces gens-là mettent moins d'efforts et de temps à s'installer qu'ils ne le font au Québec, à Montréal, ce qui fait qu'il y a un débalancement et que Montréal est, à ce niveau-là, moins compétitive. Je dis : Montréal, Toronto, Vancouver, parce que tout le monde va quasiment uniquement dans les villes, quand on parle d'immigrants investisseurs, on parle de ces trois villes au Canada. Le reste, c'est quasiment des miettes.

Alors, oui, il y a des choses qu'on peut faire. Il faut réaliser que, pour le Québec, toujours, il a fallu, pour le Québec, compenser un petit peu à cause du français, au niveau économique, toujours. C'est une réalité. On peut faire en sorte que l'équilibre soit réajusté et même devenir plus compétitifs par rapport aux autres villes si on venait à réduire le temps et l'effort que les gens mettent à l'installation. Et ça, ça passerait, selon moi, par un programme d'accompagnement qui serait beaucoup plus... disons, un vrai programme d'accompagnement où, les gens, on irait vers l'immigrant, qui serait quasiment obligatoire, jusqu'à un certain point, et qui serait financé par l'immigrant investisseur lui-même durant son application. Et, si l'on souhaite, à ce niveau-là, après, mettre certains incitatifs pour le voir intégrer activement l'économie, faire des investissements... Parce que le potentiel est énorme, on le sait, des gens comme Li Ka-shing, qui est l'homme le plus riche d'Asie... est passé par le programme canadien il y a très longtemps. Il y a beaucoup... c'est des grosses fortunes, des gens qui peuvent faire énormément de choses pour l'économie québécoise s'ils venaient à travailler l'économie québécoise. On peut venir, au niveau de l'exportation, favoriser les entrées de marchés dans leurs pays d'origine. Il y a beaucoup de choses qu'ils sont capables de faire. Voilà.

Mme Weil : ...les incitatifs pour garder cette personne, retenir cette personne et l'encourager justement dans cet accompagnement... ça va prendre des incitatifs pour l'intéresser à rester ici et investir, c'est l'objectif. Quels seraient les incitatifs à mettre en place?

• (15 h 50) •

M. Tajick (Stéphane) : La première chose, c'est un bon accueil, quand on parle... c'est vraiment faciliter les choses. On a aisément la capacité de faire en sorte que leurs premières semaines ou premiers mois soient comme un rêve, qu'on vienne les chercher, qu'on les porte, qu'on arrange tout pour eux, etc., ça, c'est très facile. C'est très facile. Après, dès que l'expérience est bonne dès le début, il y a une plus grosse marge. Après, c'est voir qu'est-ce qui peut être fait — et ça, il faut les partenariats avec le secteur privé — qu'est-ce qui peut être fait à leur avantage économiquement. Il ne faut pas aller chercher nécessairement d'abord qu'est-ce qui avantage le Québec, c'est voir qu'est-ce qui avantage l'immigrant investisseur : Est-ce que c'est commencer à acheter une petite entreprise ici? Des fois, c'est, très simplement, acheter des parts dans une entreprise qui fait à peu près la même chose qu'eux, disons, par exemple, en Chine, une usine, manufacture de sacs en plastique, ils prennent des parts dans une manufacture de sacs en plastique ici, ils voient comment ils travaillent au Québec, des fois ça peut être intéressant pour eux, ils vont exporter la technologie, amener une certaine expertise qu'on a au Québec et l'appliquer là-bas, et ça, ça leur fait grossir leurs intérêts là-bas. Ça, ça peut être un exemple intéressant pour eux, ça va donner de la valeur au Québec, pour eux, à Montréal, pour eux, et, à partir de ça, tu peux grossir. À long terme, le but ultime d'un programme d'accompagnement, ce serait vraiment ça, ce serait, par exemple, l'immigrant investisseur chinois, on puisse le mettre en contact avec un investisseur brésilien, ouvrir les marchés pour eux, et cette plaque tournante qui permettrait tout ça serait Montréal et le Québec.

Mme Weil : Donc, votre prémisse, c'est que finalement ces personnes, ils pourraient être très motivés si on est capables de les accompagner dans ce qui est leur force essentiellement... c'est de savoir comment bien investir, mais à moyen et long terme.

M. Tajick (Stéphane) : Présentement, le programme Immigrants Investisseurs, il a trois profils de relocalisation pour les immigrants d'affaires : tu as ceux qui vont se relocaliser complètement, qui vont vivre la plupart de leurs jours au Québec et qui vont chercher à avoir une source de revenus au Québec qui va devenir leur source de revenus principale. Eux, ça, c'est une relocation complète, on a ce qu'on appelle les résidents touristes, qui ne vont jamais rester ici très longtemps, ils vont être pratiquement des touristes qui vont venir annuellement ici et qui vont juste essayer de respecter les conditions de la résidence permanente. Et, entre les deux, vous avez la relocalisation partielle ou transition où quelqu'un peut transiger entre... d'abord, on était juste en résidents touristes et on veut, au fur et à mesure du temps, devenir quelqu'un qui va être à part entière au Québec.

En général, ces gens-là, souvent, ils vont avoir peut-être de la famille, ils vont avoir des enfants ou les enfants vont étudier ici et eux vont garder leurs activités d'affaires à l'étranger. Mais ce que j'ai remarqué dans beaucoup des cas, c'est que, bien qu'ils ont des activités à l'étranger, et qui est très profitable, et venir au Québec, et vendre ce qu'ils ont là-bas pour venir se casser la tête au Québec pour rebâtir une vie en revenus, etc., qui n'est pas nécessairement intéressant à première vue, l'idée d'être proches de leurs familles, de leurs enfants fait en sorte qu'ils sont ouverts, ils sont ouverts à la possibilité de transiger.

Alors, ce que moi, je conseille en général, c'est de faire en sorte qu'ils aient au moins un investissement, commencer un petit investissement et leur permettre de le grossir avec le temps, qu'ils commencent à mieux connaître l'économie du Québec, s'intégrer. On cherche juste l'intégration économique, on ne cherche pas à faire que des millionnaires deviennent des milliardaires, on cherche qu'on fasse en sorte qu'ils aient quelque chose ici qui les tienne un petit peu, et qui les attire, et qu'au fur et à mesure pourraient venir faire la balance pour faire en sorte qu'ils soient plus intéressés à rester ici à long terme ou du moins qu'ils soient gagnants et que le Québec soit gagnant.

Mme Weil : Très bien. Merci beaucoup, M. Tajick.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 9 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Tajick, soyez le bienvenu et, au nom de tous, je m'excuse pour le bruit ambiant qui n'est pas très... peut-être que les gens, à la maison, ne l'entendent pas, mais nous, on est en plein dedans. C'est intéressant, les lumières que vous nous apportez relativement à ce profil d'immigrant. Le cas de la France, est-ce que vous l'avez également étudié?

M. Tajick (Stéphane) : Le cas de la France au niveau des... quand on parle des immigrants investisseurs on ne parle pas vraiment du cas de la France, on pourrait en parler... peut-être des entrepreneurs ou travailleurs autonomes, mais... Si vous voulez continuer votre question...

M. Kotto : Oui. Bien, je veux dire, est-ce que le profil d'immigrant et investisseur ne s'applique pas, là, au cas de la France, par exemple?

M. Tajick (Stéphane) : Non. Non, non. On parle surtout des pays en voie de développement, on parle des pays qui, en général, ne vont pas parler français et qui n'ont pas nécessairement d'autres moyens de venir au Canada ou au Québec autres que les programmes, Immigrants investisseurs, par exemple.

M. Kotto : O.K. A priori, comme ça — en fait, a priori, je dis «a priori», mais vous êtes bien documenté pour nous répondre — quand ils choisissent de venir au Québec, le premier instinct, il est bâti sur quoi, il est basé sur quoi? Qu'est-ce qui les attire ici?

M. Tajick (Stéphane) : Quand ils choisissent le programme investisseur du Québec, je vous dirais que ce qui saute aux yeux en général... bien, premièrement, c'est le seul choix qu'ils ont, et il n'y a plus vraiment de programme fédéral. Il y a le nouveau programme pilote fédéral qui, à ce que je sache, n'a peut-être pas encore donné sa première résidence permanente. Peut-être que je me trompe, peut-être qu'ils en ont fait un ou deux jusqu'à maintenant. Mais surtout c'est un peu ce qu'il s'est passé vers la fin du mandat conservateur dans... c'est la façon qu'ils ont agi envers le programme Immigrants investisseurs. En fait, le programme déjà québécois était beaucoup plus compétitif que celui du fédéral, et maintenant il est fermé. Alors, les gens étaient toujours plus intéressés à passer par le programme du Québec. Maintenant, est-ce qu'ils voulaient tous vraiment rester au Québec? Ça reste spéculatif de dire l'inverse.

M. Kotto : Donc, si j'entends bien, ce sont les programmes qui les... attirent, dis-je.

M. Tajick (Stéphane) : Oui.

M. Kotto : En l'occurrence, celui du Québec, qui est généreux. Mais, derrière cela, venir immobiliser une partie de sa fortune au Québec, ça leur rapporte quoi en échange? Au-delà de la famille ou des enfants qui étudient, au-delà du système de santé éventuellement, qu'est-ce que ça leur apporte?

M. Tajick (Stéphane) : Vous savez, dans le milieu de l'immigration et la citoyenneté, ce qu'on appelle le «residence citizenship» qui touche vraiment principalement les gens fortunés, je vous dirais, si j'évalue un peu la valeur des résidents permanents et la citoyenneté de chaque pays... Parce qu'il y a un marché, en fait, là-dessus. Il y en a qui le vendent directement. Il y en a qui, par le biais d'investissements... nous offrons la résidence, etc. Ça vaut, quand même, la résidence permanente du Canada... sa valeur marchande est entre 400 000 $ et 500 000 $ cash. Alors, pourquoi? Parce qu'il y a beaucoup de bienfaits à être ici : ça peut être la sécurité, ça peut être la qualité du passeport, au bout du compte, la qualité de l'éducation.

Écoutez, moi, je fais un rapport annuel sur les attraits des villes à travers le monde pour ce genre de personnes, et Montréal finit deuxième de toutes les villes, derrière Londres. Pour ce qui est des familles qui veulent se relocaliser avec un budget de 1 million de dollars, Montréal est la meilleure solution au monde pour eux. Alors, il y a quand même beaucoup d'attraits. La région de Montréal serait plus intéressante que Toronto et Vancouver à ce niveau-là, à cause du pouvoir d'achat, en fait.

M. Kotto : O.K. Mais il s'avère néanmoins que notre capacité de rétention de ces profils soit, disons, faible à la lumière de ce que vous nous exposez.

M. Tajick (Stéphane) : Non. Ce que j'ai exposé, en fait, c'est qu'on a des chiffres, mais on ne peut pas se baser sur ces chiffres parce qu'on définit mal «présence» pour les immigrants investisseurs. Parce que quelqu'un techniquement un immigrant investisseur ici qui est quatre à cinq mois par an est présent au Québec, mais nos chiffres nous disent qu'ils ne le sont pas. Vous comprenez?

Pour ce qui est de est-ce qu'ils vont dans les autres provinces, on ne le sait pas, ça reste spéculatif. Alors, tout le débat sur la rétention est presque fictif parce qu'il ne se base sur aucune donnée concrète, on a juste des dires, on a juste des soupçons. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas le cas, mais ça veut tout simplement dire que, d'après moi, ce que j'ai vu, on ne peut pas affirmer qu'on a un problème de rétention des immigrants investisseurs au Québec. Dépendamment de ce qu'on considère présent ou pas présent, c'est ça qui va définir, en fait, si on a un problème ou on n'a pas un problème.

M. Kotto : O.K. Alors, prétendre que le Québec sert de tremplin pour ces profils d'immigrants investisseurs pour, par la suite, se retrouver en Ontario, ou en Colombie-Britannique, ou aux États-Unis, c'est une vue de l'esprit.

• (16 heures) •

M. Tajick (Stéphane) : Vous savez, il faut soit voir la façon qu'ils ont promis de venir ici et après ils vont ailleurs, ou tu prends le bassin : dans ce bassin, il y aura des gens qui seraient mieux à Vancouver, et il y a des gens qui seraient mieux à Toronto, et il y a des gens qui seraient mieux à Montréal, il y en a qui vont repartir, il y en a qui vont aller aux États-Unis, etc.

Nous, on a fini avec tout le bassin. Alors, sûrement, il y a des gens qui viennent ici, qui vont, après quelque temps, réaliser : Bien, peut-être, moi, je serais mieux à Vancouver, ou ils vont à Vancouver, ils voyagent un peu partout au Canada et trouvent : Ah! bien moi, je pense que Vancouver, ça irait mieux pour moi. Ah! moi, je pense que Toronto serait mieux pour moi. Si on a tout le bassin de population, c'est assez normal que ça arrive. Après, si c'est les gens qui auraient voulu aller au Québec que, dès le début, vraiment, de tout le bassin, on avait une proportion, et, si, de cette proportion, les gens quittent, c'est un différent... et plus que les autres provinces, là, oui, on aura un problème de rétention. Mais on ne le sait pas, ça, malheureusement.

M. Kotto : O.K. Combien de temps?

Le Président (M. Picard) : Deux minutes.

M. Kotto : Deux minutes. En fait, ce que je retiens de fondamental dans votre exposé cet après-midi, c'est que les données, des données qui nous permettent de suivre leurs mouvements, leurs déplacements sont intangibles, oui.

M. Tajick (Stéphane) : C'est exact. On est la seule province qui essaie d'avoir ce genre d'information. On est les seuls que moi, j'ai conclu, pour les immigrants investisseurs du moins, qu'on a ces intentions d'essayer de voir qu'est-ce qu'il se passe avec eux. Malheureusement, c'est très difficile à trouver. Comme je vous ai dit, pour le fédéral, ils ont essayé de faire la même chose. Leur méthodologie est encore plus erronée, selon moi. On a vu les chiffres, on parle du double de ce que... 78 % de rétention pour le Québec, alors que nous, on a des chiffres qui donnent 30 %. On n'a pas vraiment des bases vraiment sur quoi se baser.

M. Kotto : O.K. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Tajick, merci pour le mémoire. C'est très compliqué, je ne suis pas bonne en chiffres, mais j'ai des questions à vous poser, parce qu'on s'était posé la question sur les immigrants investisseurs, parce que c'est une source de revenus qui est quand même importante pour le gouvernement du Québec. C'est un contrat échange-échange : ils y trouvent quelque chose, on y trouve quelque chose, c'est particulier.

Vous nous dites que l'immigrant investisseur moyen ne parle pas le français et très peu l'anglais, mais que le problème de rétention n'est pas dû au français, mais plutôt au temps et à l'effort nécessaires pour un nouvel arrivant afin de s'installer, de s'adapter puis de s'intégrer dans un nouvel environnement — c'est des gens d'affaires, tout le temps entre deux voyages — et que, tout le temps que ça prend pour s'adapter, il faudrait faciliter cette adaptation-là, si je vous comprends bien. Les traiter aux petits oignons, ça faciliterait probablement leur rétention.

Maintenant, je vais vous faire la proposition suivant : puisque l'argent, c'est le nerf de la guerre et c'est la raison pour laquelle ils viennent ici — ce sont des investisseurs — nous avions proposé à la ministre, durant l'étude du projet de loi n° 77, quelques mesures. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que peut-être que ce n'est pas bon, mais peut-être que c'est bon aussi. Alors, je voudrais avoir votre avis d'expert.

Alors, on avait proposé trois mesures pour améliorer la rétention de ces immigrants investisseurs. Un, obliger les immigrants investisseurs qui souhaitent financer une partie ou la totalité du placement à obtenir leur financement auprès du gouvernement du Québec, pas nécessairement des banques; deux, rembourser la moitié du placement dans cinq ans, sous condition de posséder des immobilisations corporelles — le terme n'est peut-être pas exact, mais des immeubles ici, là, au Québec — ou des actifs financiers sur le territoire québécois équivalant à plus de 10 % de leurs avoirs nets, et rembourser l'autre moitié — donc, on donne plus de temps pour le remboursement — du placement dans cinq ans, les cinq années suivantes, en fonction des engagements financiers de l'immigrant investisseur sur le territoire québécois durant cette période.

On veut les garder plus longtemps en faisant en sorte qu'ils remboursent sur une plus longue période, mais, en contrepartie, qu'ils aient des immobilisations, des investissements ici, au Québec, et également qu'ils se financent auprès du gouvernement. Qu'est-ce que vous pensez de ces pistes de solution?

M. Tajick (Stéphane) : La première poserait un gros problème au niveau des partenariats qu'on a dans le secteur privé, qui fait le marketing du programme. Il faut comprendre que, pour chaque personne dans le marché, en fait, mondial, pour chaque personne qu'on ramène comme client, ça a un coût, ça a une valeur marchande, en fait.

La raison qui fait aussi que les gens vont au Québec et pas ailleurs, c'est en raison du coût. Si demain, le Québec n'offrait rien pour ses références, ce serait comme un programme entrepreneurs où on parlerait peut-être de 50 demandes à la place de 5 000 demandes. Alors, il faut faire attention comment on joue avec ces variables, parce que c'est ça qui rend un peu le programme compétitif.

Pour le deuxième, pour ce qui est... peut-être un peu les forcer à rester sous obligation de contrainte, etc., moi, je vous dirais, vous savez, chaque personne, chaque individu coûte environ 20 000 $ par an. Ça, ça part du budget fédéral, provincial et municipal, c'est à peu près 20 000 $ par an ou 20 000 $, 25 000 $ par an. Quand il fait une contribution, sa contribution de l'immigrant investisseur, le coût va à peu près pendant cinq, six ans, lui et sa famille. S'il n'est plus au Québec, il n'y a plus de coûts au Québec. S'il n'est plus au Canada, il n'y a plus de coûts au Canada. Alors, sa contribution est positive. Il a donné de l'argent, il n'a pas pris. Il n'a pas pris le produit. Il a payé, mais il n'a pas pris le produit. Dans ce cas-là, ça irait un peu à l'inverse... est-ce qu'on peut... ce qui ferait du sens au niveau de son rapport, de ce qu'il donne et combien il coûte.

Après, moi, personnellement, je n'ai jamais été pour... ma philosophie, ce n'est pas de mettre des contraintes, d'obliger des gens. Parce qu'en fin de compte, après ça, tu réduis un peu les bénéfices de ton programme. Je suis beaucoup plus pour l'incitation, trouver des incitatifs, trouver des moyens intelligents de les faire investir. Parce que, des fois, ce n'est peut-être pas bon pour eux, peut-être ils ne sont pas dans une situation où ils devraient, etc. Peut-être qu'ils ont eu des problèmes financiers. Il y a beaucoup de raisons qui font que...

Je pense qu'au Québec, surtout, on est assez riches, on a assez de ressources pour être plus généreux dans notre approche, et trouver des moyens de les aider, et trouver un moyen d'aligner un peu nos objectifs. Si l'immigrant investisseur prospère, nous allons prospérer. Il y a beaucoup de moyens.

Écoutez, si on optimise le programme Immigrants investisseurs, on peut retrouver avec un fonds qui fait 30, 48 milliards à plein régime. C'est un peu moins que la moitié du budget provincial. L'immigration d'affaires, en général... Écoutez, moi, je ne serais pas surpris si on fait les changements qu'on peut faire. Dans cinq ans, tu peux retrouver le Québec avec le meilleur taux de croissance au Canada. Il y a beaucoup de choses qui sont possibles de faire. Il faut juste avoir la vision de ce qui est possible et de ce qui n'est pas possible avec ces programmes.

Mme Roy (Montarville) : Si je vous comprends, c'est plus d'incitatifs... être davantage facilitateurs sur les irritants qu'ils ont et, entre autres, c'est la perte de temps, c'est le temps qu'il faut investir justement pour...

M. Tajick (Stéphane) : Exactement. L'information.

Mme Roy (Montarville) : ...pour s'intégrer, si je peux parler ainsi, là.

M. Tajick (Stéphane) : Si on prend, par exemple, un homme d'affaires, par exemple, qui vient de Chine, quand il arrive ici, bon, bien sûr, il ne connaît pas la langue nécessairement, mais il ne connaît les pratiques d'affaires, il ne connaît pas les produits, les compagnies. Il n'a pas de réseau d'affaires, etc. S'il avait tout ça, il serait capable sûrement d'avoir une productivité élevée au Québec. Ce qu'il faut être capable de faire, c'est de l'intégrer le plus rapidement, lui compresser cette information sans le léser non plus pour qu'il puisse lui-même changer de costume et avoir un costume d'homme d'affaires québécois après quelques années.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie beaucoup pour votre expertise.

M. Tajick (Stéphane) : Je vous en prie. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Je reconnais M. Lortie. Donc, vous êtes un habitué. Je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent. Vous disposez de 10 minutes, après ça vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous, M. Lortie.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Lortie (Jean) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mme les députés, alors, je suis accompagné, à ma gauche, d'Anne Pineau, Me Anne Pineau, adjointe au comité exécutif de la CSN, et, à ma droite, de Me Marjorie Houle, conseillère syndicale au Service de recherche de la CSN.

Alors, M. le Président, la CSN est très contente d'être reçue cet après-midi à la Commission des relations avec les citoyens sur la planification des niveaux d'immigration. Je vous dirais que ce qui préoccupe beaucoup la CSN à travers son mémoire, qu'elle a présenté... Évidemment, on est dans la foulée des différentes consultations publiques qui ont été menées depuis quelques années sur les questions d'immigration.

Pensons au projet de loi n° 77 ou, avant, les différentes consultations publiques qui ont été faites. Dans cette présente consultation sur la stabilisation des niveaux d'immigration, le premier élément pour nous, évidemment, qui traverse d'ailleurs l'ensemble de nos six préoccupations sur cette consultation, c'est évidemment la question de l'intégration et des mesures concrètes pour bien s'assurer que cette intégration des immigrantes et immigrants non seulement à la première génération, mais également aux générations subséquentes, soit faite.

Alors, la Confédération des syndicats nationaux est préoccupée davantage sur cette question d'intégration que sur les niveaux d'immigration qui sont proposés par le gouvernement, qui, effectivement, doivent répondre à des besoins démographiques au Québec dans un contexte de vieillissement de la population. Mais cette question de l'intégration doit traverser cet ensemble de cette planification-là pour permettre évidemment d'accueillir, d'intégrer et de retenir des personnes immigrantes dans la société québécoise.

On se réjouit de la volonté du gouvernement du Québec de faire en sorte que les travailleurs qualifiés et les étudiants qui ont un statut temporaire puissent demeurer au Québec. Mais on se pose encore une fois la question sur les travailleurs étrangers temporaires, notamment dans la foulée du projet de loi n° 8, qui a été adopté il y a déjà deux ans de ça, qui leur retire le droit de syndicalisation et qui... Maintenant, ces travailleurs-là sont vulnérables. On les retrouve sur les terres agricoles québécoises, mais également dans les usines de l'agroalimentaire dans beaucoup de cas. Et pourquoi on n'applique pas à ces travailleurs-là migrants temporaires la capacité ou la possibilité de demeurer au Québec et qui sont déjà depuis plusieurs années travailleurs payant des impôts? Et on lèverait l'hypothèque de l'immense vulnérabilité dans laquelle ils sont, documentée d'ailleurs par beaucoup, dont la Commission des droits de la personne.

Pour nous, la question de la connaissance du français à l'admission, on salue qu'au moins 85 % des travailleurs qualifiés maîtrisent le français. Mais qu'en est-il des investisseurs? On pourrait, si le temps nous le permet, vous raconter une anecdote sur la Côte-Nord, où on a vécu des situations de non-capacité de communication entre le propriétaire d'une entreprise et ses employés. Ça a donné lieu à un dur conflit de travail.

La question des régions. Effectivement, la CSN martèle depuis des années qu'un des succès d'attirer et de retenir les personnes immigrantes dans les régions du Québec, c'est évidemment des mesures de parrainage, de jumelage qui font qu'on va les ancrer dans les régions. Ils vont être bien accueillis et vont faire en sorte qu'ils vont demeurer dans les régions et enrichir celles-ci. La question, évidemment, des structures régionales, qui ont été un peu malmenées dans les dernières années, va se poser sur la capacité réelle des régions québécoises d'accueillir les migrants.

Sur la question de l'emploi, on est très préoccupés sur la notion d'une adéquation immigration et travailleurs, d'autant plus que, sur les centaines de milliers d'emplois disponibles au Québec qu'on est incapables de combler... Et je vous dirais que je suis membre de la Commission des partenaires du marché du travail. On a eu des données au printemps. Ce qui est troublant, c'est les emplois les moins bien qualifiés, cuisiniers, coiffeuses, commis d'épicerie, dans la restauration, serveuses et serveurs, ces métiers-là, c'est là où on a des pénuries de main-d'oeuvre au Québec. Alors, on parle beaucoup du soudeur québécois qui n'existe pas, mais le véritable problème... Et c'est des emplois peu qualifiés. Et je vous dirais qu'on doit mettre l'emphase sur la protection des travailleurs. Et il n'y aura jamais d'adéquation parfaite entre les besoins des entreprises, et on ne doit pas bâtir notre planification seulement sur une adéquation purement, compte tenu que la plupart des emplois à combler au Québec ne sont pas des emplois qualifiés, ils sont plutôt des emplois dits au salaire minimum, avec des conditions de travail qui font qu'on a beaucoup de difficultés à les retenir. Alors, c'est assez troublant, comme données que la commission a déposées ce printemps, et je pense que ça mérite qu'on y travaille, sur la question de la croissance du marché du travail et de combler les besoins dans un contexte de vieillissement et de pénurie dans certains secteurs, mais les principales pénuries se retrouvent dans les emplois les moins bien qualifiés au Québec.

Et je dirais que la question de la réaffirmation de l'engagement humanitaire au Québec est un impératif important. Le Québec doit demeurer une terre d'accueil des réfugiés, on le voit depuis quelques mois, l'accueil des personnes réfugiées de Syrie, et faire en sorte que le Québec demeure une terre d'accueil, et la planification doit le prévoir.

Mais, à travers toute la proposition que le gouvernement a mise sur la table, la consultation, notre préoccupation première évidemment, c'est la question de l'intégration, des mesures en amont pour s'assurer qu'on mette en place de bonnes mesures pour que ces gens s'intègrent bien à la société québécoise et ne la quittent pas, qu'ils apprennent la langue française, c'est un impératif important, apprendre le français, et on salue l'initiative du gouvernement au cours des dernières semaines sur la promotion du français auprès des personnes immigrantes, mais on doit faire un effort colossal, comme société, si on veut véritablement régler la question démographique par accueil d'une population immigrante qui va venir travailler et vivre en société québécoise en français.

Alors, je dirais que ça représente les grands éléments du mémoire que la CSN dépose cet après-midi, et, bien sûr, au cours des échanges, nous pourrons compléter sur certaines pistes de solution que nous avons mises de l'avant.

Le Président (M. Picard) : Merci. Nous allons débuter notre période d'échange. Mme la ministre, pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Bienvenue, M. Lortie, Mme Pineau et Mme Houle. Merci de participer à chaque étape de cette grande réforme. Vraiment, on apprécie. On apprécie votre point de vue parce que c'est un exercice démocratique, on hésite à dire «unique au monde», mais le ministère, on a regardé un peu partout et il semblerait qu'on est peut-être la seule société qui fait cet exercice. C'est important d'entendre les points de vue. Ça nous permet aussi d'enrichir.

Peut-être commencer un peu avec la vision d'ensemble de cette réforme. Évidemment, l'immigration, c'est des vases communicants, hein? Donc, quand on parle de volume, on a cet engagement humanitaire et on a été interpelé de façon importante en 2015. Nous, on le voyait venir, par rapport aux réfugiés syriens, depuis plusieurs années. On a fermé notre bureau à Damas et on a commencé à avoir des inquiétudes déjà en 2013. On savait qu'il fallait qu'on se prépare. L'équipe humanitaire, on a fait beaucoup de travail pour préparer le terrain, et ensuite, comme vous le savez, on a annoncé notre plan, et ensuite le gouvernement fédéral aussi, le nouveau gouvernement fédéral. Les nombres, les admissions ont beaucoup augmenté, comparé aux années précédentes. Donc, tout le monde est sollicité dans ce projet humanitaire important.

Je pense que ce qui est très encourageant, c'est de voir à quel point nous, on a constaté l'adhésion à ce projet, la mobilisation de tous les acteurs de la société civile, les organismes autour de nous. Donc, ça, ça prend plus, comment dire... Dans notre 50 000, vous avez vu, dans les proportions, que le nombre de travailleurs qualifiés chute un peu, travailleurs économiques. Donc, il faut trouver, donc, dans tout ça, un équilibre pour répondre à nos besoins, remplir nos obligations humanitaires, sachant que chacune de ces personnes a une contribution aussi.

On le répète souvent, hein? On regarde l'expérience des «boat people», hein, on regarde aussi les gens qui sont venus, bon, du Vietnam, du Cambodge et d'autres pays au fil des années, c'est des gens qui... J'aime bien votre message sur l'être humain et sa contribution, parce que c'est vrai. Et donc, dans la vraie vie, on ne fait pas la distinction, bon, est-ce que vous êtes un travailleur qualifié, est-ce que vous êtes de la catégorie regroupement familial, est-ce que vous êtes un réfugié. C'est un être humain, c'est un immigrant, puis on souhaite l'accompagner, puis il faut accompagner toutes ces personnes.

• (16 h 20) •

Et merci pour vos félicitations sur le programme, la campagne de promotion de la francisation, parce que les gens qu'on vise, là, parce que les réfugiés sont en francisation, les travailleurs qualifiés, la majorité, la grande majorité parlent français à l'arrivée, puis les enfants sont scolarisés en français. On cherche justement d'atteindre ces personnes-là, et, la dernière fois qu'on avait fait une campagne, on avait eu un taux de réussite important. On a augmenté notre budget en francisation de 4 millions. Donc ça, ça va être une initiative bien importante, parce que qu'est-ce que ça cible, qu'est-ce que ça vise? La participation à la société québécoise. Je pense qu'on vous rejoint tout à fait sur cet enjeu.

Pour les travailleurs qualifiés, l'arrimage, oui, vous avez raison, l'arrimage parfait... Mais les constats qu'on a, les études que le ministère a faites par rapport à d'autres sociétés, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, évidemment le Canada, qui ont adopté ce système de déclaration d'intérêt... accompagné d'autres mesures, là, ce n'est pas juste ça. Ça, c'est juste un mécanisme. Mais le fait que les gens arrivent beaucoup plus rapidement, ont des offres d'emploi et qu'on mette en contact l'entreprise, l'employeur — et c'est tout ça qu'on est en train de regarder — ça améliore de façon importante son intégration en emploi. Donc, c'est beaucoup plus efficace, c'est plus rapide. Et évidemment, au fil des dernières années, on choisissait des gens avec des profils intéressants, mais plus de difficulté à faire cet arrimage... et désolant de voir les obstacles auxquels faisaient ces personnes. Donc, c'était dans cette optique-là, on est d'accord, l'arrimage parfait, mais parfois c'est juste une formation d'appoint, et il y a beaucoup de travail qui peut être fait en amont avec les ordres professionnels. Déjà, moi, j'ai rencontré des ordres professionnels, les comptables agréés. Ils sont capables — c'est 100 %, d'ailleurs, des candidats, maintenant — ils sont capables de leur dire : Bon, vous, vous avez besoin de ça et ça, puis ils leur donnent exactement, comment dire, la voie, et pas de problème ensuite à reconnaître... parce que, pour les comptables, apparemment, les normes sont internationales.

Donc, je voulais peut-être vous entendre là-dessus, si vous comprenez un peu les nuances dans cet arrimage. C'est beaucoup ce qu'on va faire avec la Commission des partenaires du marché du travail, des portraits régionalisés des besoins, et ensuite on viendra sur les autres... je pense que vous parlez des autres travailleurs, peut-être moins qualifiés. J'aimerais qu'on en parle dans une deuxième question.

M. Lortie (Jean) : Je vous dirais que, sur la question des travailleurs qualifiés, bon, évidemment, il faut faire un arrimage serré. Il faut d'abord dépoussiérer les mythes et les légendes sur les pénuries au Québec parce qu'évidemment, dès qu'on est dans un secteur d'activité économique peu attrayant, évidemment, on vit des pénuries. Et souvent on ne va pas en amont mesurer quelles sont les difficultés de recrutement des travailleuses et travailleurs dans ce secteur-là. Et ça, c'est un des risques, et d'ailleurs c'est pour ça qu'on vous le souligne cet après-midi, c'est une mise en garde de faire attention sur ces données-là. Parce que ce qu'on a découvert, puis ça fait plusieurs années, c'est qu'on entend parler de beaucoup de pénuries de main-d'oeuvre, qu'il faut faire une adéquation formation-emploi, et souvent on constate que la masse des emplois qu'on qualifiait, qu'ils étaient en pénurie parce que les postes n'étaient pas comblés, parce que c'est des emplois de fort taux de roulement. Donc, c'est des emplois de fort taux de roulement — que ce soit à Montréal, à Québec ou dans les centres, dans les régions — et, si on souhaite attirer une clientèle immigrante peu qualifiée, il faut le savoir que c'est ce qu'on vise, pour faire cette adéquation-là avec ces emplois-là. Mais on sait très bien que ces gens-là ne pourront pas demeurer dans ces emplois-là, compte tenu des conditions de vie et de travail, travail de soir, de nuit, vous avez des jeunes enfants, donc il y a des difficultés de conciliation famille-travail.

Donc, il faut faire bien attention quand on veut attirer des travailleurs immigrants qualifiés, savoir qu'est-ce qu'on vise comme objectif, pour éviter qu'on les retrouve chauffeurs de taxi à Montréal. Et ça ne sera pas du tout — puis tout le monde le souligne — cette inadéquation-là entre la reconnaissance des diplômes, la reconnaissance des expériences et, concrètement, bien, qu'est-ce qu'on peut trouver comme emploi. Et ça, c'est le rêve brisé de venir au Québec sous des fausses prémisses et de ne pas réussir finalement à travailler. Ça, vraiment, on a une très grande préoccupation de ça.

Et l'autre élément aussi, c'est les travailleurs peu qualifiés. Bien, évidemment, quand on parle des travailleurs immigrants temporaires qui sont sur des programmes, moi, je pense qu'il y a un bassin incroyable, là, de gens qui voudraient demeurer au Québec, qui ont du potentiel de demeurer au Québec. Et, dans votre énoncé de politique, on voit davantage les étudiants et les travailleurs qualifiés... on favoriserait leur statut au Québec. Par contre, pas pour ce groupe-là, et c'est le groupe le plus vulnérable, et c'est des gens qui sont capables d'occuper des emplois peu qualifiés actuellement, puisqu'ils sont déjà dans les usines, ils comblent déjà des pénuries importantes d'emplois qui sont dans des grandes pénibilités. Donc, ayons en tête que, si on veut véritablement accueillir encore plus de gens au Québec, il y a des bassins, là, de population, qu'on peut recruter et maintenir au Québec. Alors, je vous dirais que c'est une des préoccupations qu'on a.

Évidemment, la question de l'intégration de la langue française, ce que je vous disais un peu plus tôt, c'est un facteur important d'intégration à la communauté, à l'emploi. Obtenir des notions de sécurité et de santé au travail, d'avoir accès à un logement, etc. Donc, ça, c'est un facteur important. Vous avez dit un peu plus tôt que vous aviez investi davantage d'argent, on salue évidemment, mais il y a encore des efforts importants à faire pour récupérer... des dernières années. Et nous, on y travaille quotidiennement, dans plusieurs de nos milieux de travail, à des cours de français pour les travailleuses et travailleurs immigrants, et c'est un succès total, on refuse des gens tellement que c'est populaire. Dans mon propre syndicat d'origine, encore une fois, cette année, il y avait des groupes, les gens en veulent. Donc, je pense qu'on a un bon filon, si on veut, et les gens sortent de là enthousiastes : apprendre le français, ils s'intègrent, on les voit après dans des activités... et une très grande fierté. Et ça, je dirais qu'on score beaucoup quand on fait cet effort d'intégration de ces gens-là en amont.

Par rapport aux niveaux, nous, notre préoccupation, c'est moins les niveaux que ce qu'on accueillera au Québec. C'est 50 000, 60 000, 80 000 ou 100 000 personnes, nous les accueillons bien et nous les intégrons bien à la société québécoise... et qu'ils ne s'en aillent pas du Québec, ils restent au Québec, ils peuplent les régions, comblent les emplois qualifiés ou peu qualifiés et qui deviennent des citoyens de demain.

Mme Weil : ...que ça rejoint notre vision. C'est pour ça qu'on stabilise, parce qu'on est très confiants, avec l'argent qu'on investit, surtout que l'argent, évidemment, c'est calculé selon notamment le nombre de personnes qui ne parlent pas français... donc, pour tenir compte de l'argent qu'il faut investir en francisation. Mais l'expérience nous le dit, puis, quand on fait ces calculs-là, c'est que justement on est capables de les accueillir, bien les accueillir, avec le réseau d'organismes communautaires qui travaillent avec nous, qui font un travail extraordinaire, les accompagner.

Mais le bout qui manquait, c'est vraiment les accompagner en emploi, parce que c'est des gens qui sont très qualifiés, très scolarisés, et donc qui cherchent et qui viennent ici justement pour combler un emploi, ils veulent immigrer au Québec.

Mais on veut donner ces deux années de transition pour implanter cette réforme qui comprend cette dimension régionale importante avec les acteurs régionaux, donc déterminer les besoins et aussi la stratégie d'action qui vient accompagner cette réforme. Vous êtes venus pour la politique, je crois bien, la consultation aussi sur la politique. Donc, la stratégie d'action qui s'échelonne sur cinq ans, avec un budget intéressant, vous allez retrouver beaucoup de vos idées dans cette stratégie d'action qui met l'accent sur des milieux accueillants, l'accompagnement, maintenir tous les programmes qui ont quand même donné beaucoup de succès, les stages en milieu de travail, le réseautage, bon, etc.

J'aimerais vous amener sur la francisation en milieu de travail. La Commission des partenaires du marché du travail a un mot à dire sur cette question. Peut-être m'expliquer un peu comment ça se passe autour de cette table, la Commission des partenaires du marché du travail, par rapport à la francisation. Ça, je vous dirais, c'est un consensus, c'est qu'il faut avoir la francisation en milieu de travail, plus de francisation en milieu de travail, parce que beaucoup de gens sont prêts à travailler, ils veulent travailler, on veut aller vers l'accompagnement par des stages et autres, mais ils auraient besoin de cette capacité. Moi, j'ai visité des entreprises qui offrent la francisation en milieu de travail, mais vous, vous avez plus d'expertise terrain là-dessus. Pouvez-vous me dire comment ça se passe au niveau de la commission des partenaires et les recommandations que la commission peut faire à cet égard?

M. Lortie (Jean) : Bien, évidemment, sur la commission des partenaires, évidemment, le président va s'adresser à la commission parlementaire la semaine prochaine. Je fais attention, mais je vous dirais que la question de la francisation, elle fait l'objet de beaucoup de débats, mais c'est une question évidemment de moyens, de fournir aux entreprises qui font des demandes dans le cadre de la loi du 1 % des programmes de formation...

On a dû réduire, compte tenu que, depuis plusieurs années, la masse des entreprises couvertes par cette loi du 1 % là a beaucoup diminué. Ça a affecté les sommes que la commission disposait. Alors, ça, il y a un enjeu, malgré que le gouvernement a compensé de plusieurs millions de dollars dans le budget 2015, si ma mémoire est bonne — oui, au printemps 2015 — et là les mesures devraient entrer en vigueur. Il y a plusieurs millions de dollars qui sont annoncés pour plusieurs années. Ça ne compensera pas, évidemment. Et ça, c'est un chantier important à la commission, la question de la francisation, ça fait partie d'une des façons d'accueillir et d'intégrer les travailleuses et travailleurs. Mon expérience terrain...

Et d'ailleurs, quand les programmes, les premiers programmes de francisation en milieu de travail ont été mis sur pied, c'est sous M. Claude Ryan, en 1990, dans les grands hôtels de Montréal, et ça a été un succès boeuf dès le départ parce qu'évidemment...

Mais les conditions d'exécution de ces programmes-là demandent énormément d'énergie de la part des entreprises, et, comme vous le savez, au Québec, c'est beaucoup de PME qui sont peu pourvues en ressources humaines, en responsables ou en gestionnaires de ressources humaines, et ça, c'est un défi de taille parce qu'ils n'ont pas les ressources pour accueillir, intégrer, mener ces formations-là. Alors, ça demande énormément d'énergie bénévole pour réussir à le faire.

Et ça, prenez-le en compte dans les programmes. Compte tenu que c'est 90 % de PME au Québec, ils ont peu de moyens de pouvoir... même s'ils avaient la volonté de le faire, peu de salles pour le faire, peu de gens disponibles pour donner la francisation ou libérer des postes de travail pour permettre d'aller suivre des cours, difficultés d'organiser compte tenu la fin des horaires de travail, tout ça.

Ça allait bien dans les grands hôtels, on a des salles de réunion partout. Il y a des quarts de travail sur 24 heures. On était capables d'organiser, entre 14 heures et 17 heures, des cours et on leur donnait un billet d'autobus, on leur donnait une collation, et souvent on payait les frais de garde. Donc, ça permettait aux travailleuses, notamment les préposées aux chambres, de retourner chez elles avec un frais de garde payé, donc elles pouvaient arriver un peu plus tard à la maison sans trop de difficultés. Mais, ça, c'est un milieu idéal, l'hôtellerie, compte tenu que vous avez un environnement qui le permet. Mais, dans une usine d'abattage, de découpe de viande, où trouver une salle appropriée pour donner des cours? Alors, ça, il faut avoir en tête les difficultés.

Et, à la commission, on reconnaît actuellement qu'une des difficultés importantes d'investissement en formation de la main-d'oeuvre, c'est la capacité d'accueillir notamment des stagiaires en milieu de travail. C'est la capacité de l'entreprise de les accueillir et de bien le faire comme entreprise. Elles n'ont pas ces ressources de gestion pour le faire, elles sont trop petites. Alors, comment peut-on penser à trouver les meilleures façons de le faire? Bien, on est ouverts à des idées là-dessus absolument, absolument, et à la commission et dans mon organisation.

• (16 h 30) •

Mme Weil : Nous, on avait fait, au MIDI, quand... on avait un programme qui s'appelait Défi Montréal, pour tester des innovations. On avait fait un projet. Justement, on parle de la gestion de la diversité. Ce n'est peut-être pas la meilleure expression, ça fait un peu froid. Mais, bon, l'idée, c'est d'accompagner autant l'employeur que l'entreprise et les employés dans l'entreprise que la personne immigrante. Mais, parce que les PME nous disaient justement : Mais, moi, je n'ai pas les ressources pour avoir et donc pas capable d'intégrer... Et ça leur faisait un peu peur. Alors, au lieu d'engager quelqu'un, non... Alors, on a créé un programme pour partager une ressource entre trois ou quatre petites entreprises qui a donné des très bons résultats.

Peut-être des idées de ce genre parce qu'on constate que... Vous le voyez dans les chiffres. Je ne sais pas si vous avez suivi les débats ici, mais, à chaque fois qu'on fait des consultations, il y a certains blocages par rapport à des personnes qui ne réussissent pas à cause de leur nom, hein? La Commission des droits de la personne qui a fait cette étude, Mieux vaut s'appeler Bélanger que Traoré... Donc, est-ce que c'est la méconnaissance, l'inquiétude? Est-ce que c'est la discrimination? Quoi qu'il en soit, les entreprises nous disent : Non, c'est juste que je ne sais pas comment gérer ça, puis j'aurais besoin d'aide.

Mais est-ce que des initiatives de ce genre, vous les connaissez, comment vous voyez ça pour intégrer ces personnes? Et peut-être, en francisation, ça pourrait être ça aussi, des partages de ressources dans les plus petites entreprises, se mettre ensemble pour des programmes comme ça.

M. Lortie (Jean) : Ça serait une excellente initiative si on est capables de fédérer les entreprises qui n'ont pas les ressources pour le faire elles-mêmes et mesurer, là, les difficultés qui pourraient arriver, mais certainement la combinaison de ces ressources-là permet d'avoir un plus grand bassin de personnes à former, soit en intégration au milieu de travail, donc connaître les questions de normes de santé et sécurité au travail, la question de l'apprentissage du français au milieu de travail, l'apprentissage de devenir citoyen québécois, donc la gestion, comme vous dites, de la diversité, effectivement.

Fédérer à travers des secteurs, hein, je vous dirais qu'il y a différentes initiatives qui sont faites par les associations sectorielles, dans les comités sectoriels de main-d'oeuvre, dans les conseils régionaux des partenaires du marché du travail, et l'obstacle, la difficulté qui est à peu près insurmontable, c'est la capacité réelle des entreprises de s'investir. Et souvent il y a des difficultés d'intérêt, disons-le de même, mais en général c'est l'incapacité de pouvoir le faire parce qu'ils n'ont pas, comme je vous le disais un peu plus tôt, les ressources. Et, d'expérience, moi, je l'ai vécu quand j'étais dans ma fédération professionnelle à la CSN, l'employeur nous disait : J'aimerais bien, mais comment faire ça? Et c'est là qu'il faut trouver des arrimages nécessaires avec d'autres types d'entreprises et des associations qui accompagnent ces travailleuses et travailleurs-là, associations de différentes communautés ethniques qui peuvent faire en sorte... En fédérant ça, moi, je pense qu'on est capables de trouver un filon pour mieux offrir des programmes et qui ne soient pas trop coûteux dans le sens qu'on ne disperse pas nos énergies inutilement.

Mme Weil : J'ai une question, je vais la poser, mais... Peut-être que vous allez trouver une façon de répondre. Est-ce que votre position par rapport aux travailleurs, on va dire, peu qualifiés, parce que c'est très important cette recommandation que vous faites, est-ce que ça rejoint la position de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes?

M. Lortie (Jean) : Disons qu'on prêche dans deux chapelles différentes à cet égard-là, nos intérêts ne sont pas les mêmes. La question de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, c'est d'avoir un bassin de main-d'oeuvre bon marché, hein, parce que c'est souvent ces emplois à bon marché au salaire minimum, parce qu'en arrière de ce débat-là c'est l'enjeu du salaire minimum, hein? Le débat annoncé sur l'augmentation du salaire minimum au Québec, alors, ça colore idéologiquement la position de la fédération.

Je vous dirais qu'on ne s'y retrouve pas sur les mêmes raisons, pourquoi il faut accompagner. Parce que, ce qu'on constate depuis plusieurs années, c'est : on nous martèle le message qu'il y a énormément de pénurie de main-d'oeuvre au Québec, mais, quand on regarde les données qu'Emploi-Québec publie, alors là on découvre avec effarement que c'est des emplois peu qualifiés de vente dans les magasins, dans les épiceries, dans les entrepôts, cuisines, coiffeurs. C'est des emplois qui ont toujours été difficiles à recruter et c'est des emplois qui, à cause du peu de rémunérations, de peu de qualité à ces emplois-là, on va vivre un roulement de main-d'oeuvre. Alors, pour nous, l'enjeu n'est pas le même que la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, non.

Le Président (M. Picard) : Je vais donner maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Alors, M. Lortie, Me Pineau, Mme Houle, soyez les bienvenus une nouvelle fois. Je reprends sur la question de la ministre parce que je faisais ce même rapprochement relativement au désir exprimé d'avoir, disons, des profils moins qualifiés, qui ne sont pas toujours, disons, ciblés, considérant, même, ce matin, le titre du Devoir qui disait Les PME dénoncent l'élitisme en immigration. Il y a un volume relatif à une main-d'oeuvre moins qualifiée qui est demandée par elles, mais vous demandez la même chose, et, comme eux, le fait d'avoir — j'exagère peut-être un peu, là — demain matin, 60 000 immigrants qui rentrent, ça ne pose pas de problème a priori.

M. Lortie (Jean) : Bien, comme je le disais en début de présentation, pour nous, la question, c'est moins les niveaux d'immigration parce que le Québec doit accueillir un volume important d'immigrants et d'immigrantes par année. Un volume important, 50 000, 60 000, 75 000, c'est peu là notre souci que l'intégration de ces gens-là, parce que c'est un échec. On pourrait accueillir 10 000 seulement, et, si on les accueille extraordinairement bien, c'est un succès. Si on accueille 60 000 et mal, bien, on va mettre 10 fois plus d'efforts dans les prochaines années pour recommencer le travail, surtout la deuxième et troisième génération si on a mal besogné dès le départ.

Alors, moi, je vous dirais, notre préoccupation... La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante veut disposer d'un bassin de main-d'oeuvre peu qualifiée à des conditions de travail qui sont évidemment peu intéressantes; pour nous, c'est préoccupant. Nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y a déjà des travailleurs qui sont au Québec qui sont des travailleurs immigrants temporaires, qui sont sur le programme fédéral et qui sont déjà dans les usines, qui sont déjà dans les hôtels, qui sont déjà sur les terres agricoles, qui souhaiteraient rester au Québec. Donc, ils sont déjà là. Ils ont rempli des papiers, on les connaît, on sait, ils viennent du Honduras, du Salvador, du Guatemala. Ils sont ici depuis des années. Ils souhaiteraient devenir Québécoises et Québécois, mais les règles actuelles ne le permettent pas, et c'est un facteur de leur vulnérabilité que la Commission des droits de la personne a souligné en 2012, leur grande vulnérabilité face à leur employeur. Alors, si on pouvait lever cette hypothèque-là sur eux, et leur permettre de rester au Québec, et d'obtenir éventuellement de ces emplois-là, et en étant citoyens, moi, je pense qu'on aurait un bassin important et ça permettrait de rejoindre nos préoccupations.

M. Kotto : O.K. Je reviens sur le volume pour aller un peu plus loin. Des 50 000, 60 000 en termes de volume qu'on recevrait chaque année, combien d'entre eux, des nouveaux arrivants, peut-on raisonnablement espérer intégrer avec succès au Québec chaque année?

M. Lortie (Jean) : Tous, il le faut, tous. Il faut réussir à...

M. Kotto : ...

M. Lortie (Jean) : Mais on n'est pas là actuellement, mais c'est ça, le défi qu'on a à faire. Si on accueille 50 000 nouvelles personnes par année, il faut collectivement, en amont, prendre les moyens que ces gens-là soient bien intégrés, et ça, ça inclut des fonds publics, ça inclut des organisations, les travailleuses et travailleurs dans leur milieu de travail, les entreprises. C'est un effort collectif. On le fait actuellement pour les réfugiés syriens au Québec et au Canada. On est fiers de ce qu'on a fait depuis l'hiver dernier. Il y a des défauts, il y a des ratés, etc., mais on l'a fait comme effort. On est capable, comme société québécoise, dans un contexte de vieillissement, de faire beaucoup plus, et ça, il faut le faire, à ce niveau-là.

Puis, Anne, tu veux rajouter?

• (16 h 40) •

Mme Pineau (Anne) : Et, pour rajouter, il y a toute la question de la reconnaissance des diplômes, il y a toute la question de la francisation, il y a toute la question des ressources aux organismes de soutien, il y a aussi toute la question de la discrimination, qui est une chose à laquelle il faut s'attaquer. Je pense que la Commission des droits a bien documenté les nombreuses problématiques qui entourent la question, pas seulement d'ailleurs des immigrants, mais des communautés culturelles, les minorités visibles, les taux de chômage plus élevés chez les populations immigrantes. Même après 10 ans, on ne rattrape même pas les taux des natifs. On a une surqualification, c'est des gens dont on n'utilise pas les compétences, c'est un gaspillage navrant de compétences auquel on assiste. On a eu le testing de la Commission des droits, et d'ailleurs il n'y a pas qu'ici, hein? D'ailleurs, il y a eu des testings comme ça à Toronto, à Vancouver. Il y a un phénomène de discrimination auquel il faut s'attaquer, et de façon sérieuse, le profilage, l'accès à un logement. Donc, il y a une

M. Kotto : Mais reconnaissons ensemble que c'est un vaste chantier, considérant que, en haussant les volumes, ce n'est pas inconditionnel, c'est conditionnel à des préalables, notamment des moyens financiers, des ressources, des structures, la lutte ou des stratégies de lutte contre la discrimination, et autres.

Mais les enjeux liés à la discrimination à l'embauche, à l'emploi, on en parle souvent. En tant que député, je reçois des commettantes et des commettants qui souvent sont découragés, qui pleurent dans mon bureau, parce que, nonobstant le fait qu'ils et elles aient obtenu leurs diplômes ici, il y a des portes qui se ferment. Des personnes qui vous ont précédés tantôt utilisaient l'expression «des portes de verre», et c'est des gens qui ont des enfants, qui ont des épouses et des époux et qui se retrouvent dans, je dirais, des dislocations familiales parce que l'échec est là en permanence, c'est des gens qui ont quitté des situations parce qu'on leur a vendu le Québec, mais, face à une réalité qu'ils n'ont pas anticipée, sont totalement désemparés, pas de réseau, rien.

Donc, le chantier, cette fois je parle d'un chantier vaste, énorme auquel il faut s'atteler. On ne peut pas se limiter à exprimer des idées ou des intentions, il faut des actions tangibles et mesurées et des rapports qui seraient, disons, exposés publiquement, en toute transparence, parce que ce ne sont pas des biens meubles, ce sont des êtres humains, et c'est des drames potentiels si on ne s'en occupe pas rigoureusement.

M. Lortie (Jean) : Donc, tout à fait. Je partage absolument vos préoccupations, M. le député, et parce qu'effectivement l'erreur qu'on va faire sur une population qu'on accueille maintenant, on va le payer sur 10, 15, 20, 25 ans par une ghettoïsation de ces gens-là, ils vont devenir marginaux dans l'emploi, le travail au noir, on en voit dans beaucoup de secteurs dans la région métropolitaine de Montréal, des secteurs complets où les gens sont parallèles à la société : pas de carte d'assurance maladie, pas de carte d'assurance sociale, ils travaillent au noir, vulnérables à tous égards, et ça, c'est un échec, pour nous, parce qu'on va payer le prix à moyen terme. Et non seulement on va payer le prix à moyen terme, c'est qu'en plus ça va créer des facteurs de tension entre les populations locales et ces gens-là puisqu'ils seront marginalisés dans la société. Alors, ça, évidemment il faut éviter...

C'est ça, l'investissement qu'on s'appelle collectivement à faire sur la planification et sur la portée moyenne des cinq prochaines années. Le Québec est en choc démographique d'ici cinq ans, on va le voir. Là, on commence à peine à voir... ou on revoit plutôt les bannières «nous embauchons». Depuis la récession de 2008, on les voyait moins, mais on les revoit réapparaître partout, et là les tensions sur le marché du travail sont importantes, on en a partout dans les secteurs, incapables de recruter quelque main-d'oeuvre que ce soit, il n'y en a pas et il va y en avoir de moins en moins. Alors, c'est là qu'on a à investir maintenant et envoyer un signal fort à ces gens-là que le Québec va accueillir ces gens-là et va mettre les moyens pour le faire.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Montarville, pour une période de sept minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, merci. Merci pour votre mémoire. J'ai pris des notes pendant que vous parliez, il y a beaucoup de choses sur lesquelles on est tout à fait d'accord : d'entrée de jeu, la stabilisation des niveaux d'immigration. Vous nous dites : «Le gouvernement, en amont de la planification de l'immigration, doit évaluer les indicateurs reliés à l'intégration des personnes déjà admises ainsi que la capacité de la société d'accueil à accueillir et à intégrer d'autres personnes issues de l'immigration.» Alors, c'est l'exercice que nous faisons actuellement, c'est pour ça qu'on est là, pour déterminer quel est justement ce seuil. Je suis d'accord avec vous dans la mesure où quelle est cette capacité... Je sais que le Québec est grand, le Québec, on peut si on veut. Mais quelle est-elle vraiment? A-t-on actuellement tous les services, tous les moyens pour réussir l'intégration, la francisation? Je vais y revenir tout à l'heure. Mais ça, je suis d'accord avec vous, là, il faut déterminer les besoins puis les moyens. Puis est-ce qu'on les a? C'est ça, la grande question, avant de mettre un chiffre, pour ne pas mettre un chiffre de façon arbitraire non plus.

Maintenant, vous nous dites : «La recherche d'un arrimage "parfait" entre la sélection des personnes immigrantes et les besoins du marché du travail est utopique et n'est pas la solution à l'intégration réussie.» Quand vous nous dites, c'est utopique tenter de faire cet arrimage-là, pourriez-vous élaborer? Utopique, c'est un gros mot, là, c'est un très gros mot, parce que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut effectivement mieux arrimer les besoins du milieu, des milieux et puis la demande d'immigration.

M. Lortie (Jean) : Alors, rapidement, puis mes collègues pourront rajouter, mais rapidement je pourrais vous dire que la question de l'arrimage parfait ne peut pas exister, parce que souvent l'attrait ou non d'un emploi dans une industrie donnée, c'est souvent lié aux conditions d'exercice du travail, qui fait qu'on peut avoir des pénuries dans un secteur parce que l'emploi est tellement pénible, hein, la dureté d'exercice : d'abord, ça peut être l'isolement, vous travaillez dans une mine; ça peut être dans une usine de sidérurgie, ce qui fait que, pour des gens, ce n'est pas très attrayant; les horaires, la fin de semaine, le soir, la nuit; de voyagement, etc. Des conditions d'exercice font en sorte que souvent il y a un secteur, il va connaître une pénurie tant que l'industrie ne se donnera pas les moyens de soit d'améliorer les conditions d'exercice ou les conditions de travail. Et les gens vont dire : Bien, nous, on veut une immigration liée à nos pénuries de main-d'oeuvre. Et, quand on pose la question : Oui, mais pourquoi y a-t-il pénurie?, souvent, on n'a pas la réponse. Et je donne l'exemple : coiffeuses, serveuses, cuisiniers dans les restaurants, la réponse est claire, c'est les horaires atypiques, c'est le soir, la fin de semaine, pendant que la moyenne des gens s'amusent, bien, les gens doivent travailler. C'est les conditions de travail : pas d'assurance, pas de régime de retraite, pas de vacances ou à peu près et des salaires, salaires minimums souvent. Donc, ces gens-là, ils ne veulent pas travailler ou ils le font, mais ça roule tout le temps, tout le temps. Donc, on recommence, on recommence, on recommence à recruter de la main-d'oeuvre. On n'est qu'à faire ça à plein temps. Des endroits, c'est 100 % par année.

Donc nous, on dit : C'est utopique, parce qu'il y aura toujours des entreprises ou des secteurs où les conditions d'exercice, la fonction vont être tellement difficiles qu'on n'attirera pas la main-d'oeuvre. Et on aura beau donner tous les programmes, c'est trop pénible. Il faut trouver des façons de corriger à la source le problème de ces emplois-là. Et ça, c'est un des enjeux pour nous. Alors, il faut faire attention quand on parle d'avoir une immigration uniquement pour baser sur les besoins des entreprises.

Je donne l'exemple des soudeurs. La Commission des partenaires se fait taper les oreilles depuis des années sur la pénurie de soudeurs au Québec. Bien, quand on a fait une enquête pour la question des soudeurs, il n'y a pas de pénurie. Il peut y avoir des difficultés, des tensions, mais de quoi parle-t-on quand on parle des soudeurs? Bien, on veut une entreprise qui veut avoir le meilleur soudeur qui est le plus performant, qui a pu faire n'importe quel chantier. On veut l'avoir immédiatement. Ça n'existe pas, ça. Il est déjà dans un emploi puis il a souvent un bon emploi, des bonnes conditions. Donc, c'est souvent à l'entrée, la difficulté de l'apprentissage, hein, dans l'usine pour devenir des meilleurs soudeurs, avoir des qualifications, tout ça. Et là on a découvert que c'est un problème d'organisation du travail, souvent, qui fait qu'on va toujours avoir une pénurie là, parce que les gens veulent améliorer leur sort et les emplois les plus pénibles, parce que c'est quand même assez dur comme travail, soudeur, on... découvert qu'il n'y avait pas de pénurie au Québec de soudeurs, mais, au contraire, c'est juste une mauvaise allocation peut-être, une tension régionale peut-être puis l'exercice des conditions de travail, ce qui fait que ça donne de mauvais indicateurs du marché du travail.

Alors, c'est ça qu'on vous met en garde, de faire attention quand on vous envoie ces indicateurs-là du marché du travail. Des fois, ce n'est pas la réalité, ou la réalité, c'est que les emplois sont tellement pénibles qu'on n'ose pas le dire, parce qu'on ne veut pas améliorer les conditions de travail, pour toutes sortes de raisons, capacité ou pas, ou idéologiques. Et il fait en sorte qu'on va souvent appeler une population à travailler. Le plus bel exemple, c'est les travailleurs agricoles. Il y a 40 ans, moi, je récoltais des fraises à Chambly, à Carignan, sur la Rive-Sud de Montréal, parce qu'au contraire c'était très glorieux. On passait l'été à avoir du fun dans le champ à ramasser des fraises. De nos jours, vous ne verrez pratiquement plus de Québécoises ou de Québécois d'origine qui ramassent des fraises dans les champs. C'est parce que... la pénibilité du travail. Mais c'étaient les seuls emplois d'été qu'on avait il y a 30, 40 ans, quand j'avais 14, 15 ans. Maintenant, il y en a tellement, d'emplois d'été que les gens ne veulent plus. Donc, on a mis sur pied le Programme des travailleurs étrangers temporaires et les distorsions que ça apporte maintenant. Alors, ça, c'est un exemple que je voulais vous donner sur les signaux que le marché du travail vous envoie : être prudent là-dessus.

• (16 h 50) •

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Et c'est dommage, ce que vous dites, parce que je considère que le travail agricole est extrêmement important, devrait être valorisé et que c'est un milieu justement dans lequel il faudrait peut-être retourner, mais, chose certaine, valoriser. Je comprends que ça puisse être difficile cependant.

Maintenant, la francisation, connaissance du français. «La langue est le premier vecteur d'intégration tant social que professionnel.» Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je vous amène tout de suite à la page 13 : «Nous croyons que, pour assurer la vitalité du français, le budget alloué aux programmes d'accueil et de francisation doit être établi obligatoirement en fonction du volume prévu d'immigrants à franciser et du coût unitaire moyen de francisation. Il est inacceptable que les budgets soient établis arbitrairement ou qu'ils puissent faire l'objet [des] coupes en cours de route.»

Vous avez le même discours à cet égard que le Mouvement Québec français, qui nous disait ça ce matin, pour ce qui est d'établir le coût de la francisation.

Pouvez-vous élaborer sur l'impact des coupes qui ont été faites au cours des derniers mois, des dernières années? On a peu de temps, hein?

Mme Pineau (Anne) : Bien, en fait, côté français, on estime que, dans la mesure où on peut accueillir des gens qui ne possèdent pas la connaissance — parce qu'il y a un certain volume de personnes qui n'ont pas la connaissance — il faut que ces personnes-là apprennent le français. C'est un incontournable pour s'intégrer, pas seulement en emploi, mais pour s'intégrer socialement. Donc, on ne peut pas tabler sur : Ah bien! on verra si on a l'argent. Il faut qu'à chaque personne qu'on accueille ici il y ait un montant prévu, et ça, il faut fixer quel est ce montant-là pour franciser quelqu'un en fonction de son niveau et il faut assurer, taguer ces montants-là pour être sûr qu'en cours de route il n'y aura pas de fluctuation et qu'on laissera tomber finalement cet élément-là, essentiel à l'intégration. Et, pour nous, on ne peut pas parler d'immigration sans parler d'intégration, donc sans parler de francisation. Donc, on ne peut pas, tout à coup, en cours d'année, pour les fins du déficit zéro, dire : Bien là, désolé, il n'y a plus d'argent, et on va attendre. On ne peut pas attendre que ces gens-là... pour nous, c'est majeur que ça se fasse de façon le plus rapide possible dans le processus d'intégration.

Le Président (M. Picard) : Merci. Donc, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Bienvenue. Dans un premier temps, vous allez faire un exposé de 10 minutes. Je vous demanderais de vous présenter, et par la suite il va y avoir des échanges avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous pour les 10 prochaines minutes.

Table de concertation des organismes au service des
personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

M. Reichhold (Stephan) : Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. Merci beaucoup de nous entendre. Je présente mon collègue Yann Hairaud, qui est membre du conseil d'administration de la TCRI et aussi directeur de CITIM, un organisme d'employabilité. On va, comme on n'a pas beaucoup de temps, décider de faire comme deux préoccupations qu'on va vous exposer, puis après on peut élargir, si vous voulez, un, sur la question des réfugiés, bien sûr, qui nous touche particulièrement, et aussi, bon, sur l'emploi, parce qu'on sait que c'est le défi. On ne sait jamais si c'est bon d'être les derniers à comparaître parce que les gens sont plus détendus puis ils savent que ça va bientôt finir ou bien sont plutôt... souhaitent que ça finisse vite et puis il faut... Enfin, on verra bien.

Alors, tout d'abord, je voudrais profiter, là, pour féliciter publiquement la ministre pour son initiative du forum qu'on a tenu lundi, mardi sur le bilan des Syriens, qui, à mon avis, aussi, au nom de mes collègues, a été très utile, cet exercice, justement pour faire le point un peu, mettre un terme à des mois et des mois... enfin, quelques mois d'intenses travaux sur l'accueil des Syriens, sur l'opération syrienne, et qui a déjà donné des résultats, je trouve. D'ailleurs, Mme la ministre, je trouve que votre discours a changé depuis mardi. Je vous ai écoutée hier et aujourd'hui, c'est beaucoup plus nuancé. Vous nous avez écoutés. Vous ramenez des choses maintenant que vous avez entendues lundi, mardi, j'ai remarqué. Je ne sais pas si c'est conscient ou si c'est inconscient, mais, en tous les cas, ça a servi à quelque chose.

Alors, très rapidement, là, en deux, trois minutes, je voulais quand même revenir sur la question des niveaux, parce qu'on reste un peu sur notre faim quand on voit les chiffres et les cibles. C'est sûr qu'on est plutôt contents que le Québec prévoie maintenir un niveau élevé d'accueil des réfugiés, qui, bon, on le sait, ces dernières années, avait beaucoup décliné. Donc, le Québec revient un peu à son accueil de réfugiés d'il y a quelques années, et ça, on est très, très contents.

Bon, la position habituelle de la table, c'est : oui, nous, on est plutôt pour une hausse raisonnable, mais toujours conditionnelle, bien sûr. Il faut que les ressources pour l'accueil, l'intégration, la francisation suivent s'il y a des hausses. Donc, si je regarde pour 2016, en fait, les chiffres qu'on nous présente pour cette année, c'est, bon, 6 600 réfugiés toutes catégories confondues, et on sait qu'il y en a déjà 5 500 qui sont arrivés, et on en attend quand même encore 2 000, 3 000. Enfin, ça dépend, moi, j'inclus aussi les réfugiés reconnus sur place là-dedans, donc globalement. Donc, c'est quasiment sûr qu'on va dépasser les cibles des réfugiés en 2016. Tant mieux. Mais moi, je pense que c'est important qu'on s'en parle aussi.

Par contre, le contexte a beaucoup changé du fait que le Canada a augmenté, va augmenter, annonce qu'il va augmenter de manière drastique ses cibles. On parle, 2016, 300 000 personnes au Canada, incluant les cibles du Québec. Pour les années suivantes, on ne sait pas parce qu'il y a les consultations, mais on sait qu'on vise 300 000, dont 55 000 réfugiés par année au Canada pour 2017, 2018, 2019. Si on regarde les chiffres du Québec, je veux dire, on est loin de ça. On maintient à 50 000 et on retourne dans la proportion des années 80. Je veux dire, le Québec va être un peu... et moi, j'ai peur qu'on se retrouve un peu comme l'Île-du-Prince-Édouard, je veux dire, en termes de taux, de proportion d'immigrants qui viennent s'installer au Québec. Donc, je pense que c'est... je ne dis pas ça, que c'est... je me questionne, je pense que c'est un débat qu'il faut faire. Il faut regarder qu'est-ce qu'il se passe dans le reste du Canada, sinon ça va être des... on dirait qu'on fonctionne un peu en vase clos, là. Il faut s'ajuster.

Et aussi l'autre enjeu — après, je termine — c'est que, bon, une des rares obligations du Québec dans l'accord Canada-Québec, c'est de prendre l'immigration humanitaire proportionnelle à la population québécoise. Avec ces chiffres-là, on n'y arrive plus, là, je veux dire, c'est clair, et là on va avoir un sacré problème parce que ça va un peu être une raison de réouvrir l'accord, et je pense que, dans cette salle, personne n'est intéressé à réouvrir l'accord si on ne le respecte pas.

Alors là, je lance le débat et je passe la parole à Yann.

• (17 heures) •

M. Hairaud (Yann) : D'accord. Donc, bonjour. Donc, on va aborder maintenant la question de la situation socioéconomique des nouveaux arrivants et, plus particulièrement, l'intégration au marché du travail, parce que, on le sait, c'est vraiment au coeur, hein, des discussions, et, malheureusement, ça ne date pas d'aujourd'hui. Et malheureusement les indicateurs sont toujours à des niveaux critiques, hein? Donc, écoutez, on ne reviendra pas sur les causes et les origines. Je pense que tout ça a été longuement documenté, décortiqué, analysé. Je pense qu'il faut maintenant envisager, surtout, les solutions, et les solutions qui vont donner des résultats. Donc, il faut passer, en quelque sorte, à la vitesse supérieure.

Nous, la façon dont on le conçoit, à partir de notre expérience terrain... Et là je parle au nom du ROSINI, qui est le réseau des organismes spécialisés en intégration d'emploi des nouveaux arrivants, qui relève, donc, de la TCRI. Écoutez, nous, on découpe ça en quatre phases... cinq, plus exactement : le bilan de compétences; la RAC, la reconnaissance des acquis et des compétences, c'est un incontournable; la formation manquante; les stages, je pense que ça a été beaucoup évoqué, hein, lors de cette commission; et puis, bien évidemment, in fine, l'objectif, c'est l'emploi.

Le bilan de compétences est essentiel, car c'est une occasion, dès l'arrivée, d'établir un portrait juste et exhaustif des compétences transférables. Or, actuellement, aucune démarche systématique et structurée n'existe véritablement, de telle sorte que tout ça a pour conséquence parfois de laisser bon nombre de personnes immigrantes dans une situation de flou, et, parfois, de les maintenir dans de fausses réalités, et d'entretenir en vain de faux espoirs quant à leur avenir professionnel au Québec. Donc, par rapport à ça — et on cible particulièrement Emploi-Québec puisque c'est son mandat — Emploi-Québec devrait pouvoir proposer des bilans de compétences le plus tôt possible dès l'arrivée à toutes les personnes réfugiées immigrantes qui le nécessitent, afin de les aider à transférer leurs compétences sur le marché du travail.

La reconnaissance des acquis et des compétences. Ça aussi, c'est un incontournable. C'est un outil intéressant, et on constate que, de plus en plus, c'est un outil auquel recourent les personnes immigrantes puisqu'au fil des années, hein, l'offre de service s'est enrichie. Par contre, la lacune, au niveau de la RAC, c'est qu'elle est offerte principalement au niveau postsecondaire, alors que beaucoup de personnes immigrantes sont des diplômés universitaires. Donc, il y a lieu d'encourager et de soutenir le milieu universitaire pour développer et proposer une offre, en RAC, adaptée à la réalité des personnes immigrantes afin de pouvoir identifier la formation manquante et de pouvoir proposer un parcours de formation adapté aux nouveaux arrivants qui possèdent déjà une formation universitaire.

La formation manquante. Là encore, il y a des choses qui se font, mais malheureusement on est encore trop souvent dans des schémas où les personnes immigrantes doivent reprendre des études à temps plein pour suivre un programme en entier. Les parcours proposés reposent surtout sur une logique de diplomation et pas suffisamment sur une logique d'acquisition et d'actualisation de compétences axées sur les besoins du marché du travail. En matière de formation, la priorité devrait être donnée à des parcours courts qui visent l'insertion professionnelle.

Aussi, dans un autre niveau, considérant que, pour Emploi-Québec, l'anglais — puisque c'est aussi un obstacle, notamment pour les immigrants francophones — représente le dernier obstacle à l'intégration en emploi, bon nombre de professionnels immigrants francophones rencontrent beaucoup de difficultés à intégrer un emploi à la hauteur de leurs compétences, car ils n'ont pas une maîtrise suffisante de l'anglais. Donc, il faudrait que la mise à niveau en anglais soit facilitée par Emploi-Québec, selon les besoins des différentes industries.

J'en profite également pour... Par rapport à toute la question de la formation manquante, hein, on sait qu'il y a aussi le projet de loi n° 98 qui s'en vient, qui va élargir le mandat du commissaire aux plaintes pour tout ce qui concerne justement la cohérence et l'adéquation entre les formations et les exigences notamment des ordres professionnels. Et je pense que ça, effectivement, c'est quelque chose de bon augure parce que ça va permettre probablement d'aller plus en avant et de responsabiliser les différents acteurs. Parce que, là encore, on constate qu'il y a beaucoup, parfois, malheureusement, d'incohérence, du fait, principalement, des fonctionnements en silo.

Les stages. Je pense que bon nombre de personnes avant nous en ont fait part : c'est fondamental. Donc, instaurer des stages rémunérés pour aider les personnes immigrantes à intégrer leur milieu professionnel à l'issue de la formation est une formule souvent gagnante qui, en plus de mettre en pratique les compétences acquises, leur permet d'acquérir la fameuse expérience professionnelle québécoise si souvent exigée par les employeurs.

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Hairaud (Yann) : Alors, bien, écoutez, en conclusion, c'est l'emploi, bien évidemment, hein, c'est l'objectif final. Et donc ça, ce n'est pas évident en soi, hein, il y a un travail d'arrimage à faire entre les personnes immigrantes, et donc l'intervention auprès des employeurs est une composante essentielle de l'intégration en emploi des personnes immigrantes. Et je pense que Québec aurait intérêt à s'appuyer aussi sur une expertise qui, au fil des années, a été développée par les organismes spécialisés en emploi, qui peuvent tenir compte à la fois des besoins des personnes immigrantes, mais également faire le lien et l'arrimage avec le besoin des entreprises.

Un dernier mot, M. le Président. Je pense qu'également — et il en est beaucoup question lors de cette consultation — qu'il y a tout un enjeu par rapport à toute la question des travailleurs temporaires. J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir à travers la période d'échange.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Merci, M. le Président. M. Reichhold, M. Hairaud, bienvenue. Alors, très contents... et bon, malheureusement, hier, le bruit avait cessé, il me semble, vers 16 heures. Malheureusement, il va falloir passer à travers.

J'aimerais revenir... bon, il y a plusieurs questions que j'ai, alors je vais faire attention. J'aimerais qu'on discute justement de la proportionnalité. C'est une question importante que vous avez évoquée, M. Reichhold, je pense que c'est important qu'on y revienne. M. Hairaud, vous avez vraiment une connaissance fine de tout le problème de la reconnaissance des acquis des compétences. J'aimerais revenir là-dessus — et vous parlez des différentes catégories, finalement, de professionnels, métiers réglementés et tous les autres — j'aimerais revenir aussi sur les travailleurs temporaires et vous permettre de vous prononcer là-dessus.

Oui, cette question, évidemment, pour le Canada, ce n'est pas encore confirmé, vous parlez de ça généralement, je pense, ils ont évoqué... je ne sais pas qu'est-ce qui est public ou pas public, on entend des volumes importants, hein, pour le reste du Canada, et cette préoccupation toujours, en vertu de l'accord Canada-Québec, du poids relatif.

Vous comprendrez que, pour le Québec... on a suivi le débat ici, au Québec, c'est cette capacité d'accueil. Et de bien intégrer les personnes est le grand souci pour l'instant, et on a tous eu ce souci par rapport aux réfugiés syriens, on voulait... C'est une expérience quand même sans précédent. On savait qu'on pouvait bien le réussir, mais on veut le réussir pour les prochaines années aussi, c'est pour ça qu'on a fait ce colloque, pour faire un bilan, pour voir comment on peut ajuster le tir. Donc, évidemment, ce plan, il y a une part qui est la réforme.

Il y a prudence, il y a prudence dans le plan parce que la dernière chose à faire, quand on est dans une période de réforme, c'est de rajouter de la pression, sinon on risque de rater la réforme. Ça, c'est ce qui touche vraiment les travailleurs qualifiés. En même temps, il y a cet engagement humanitaire, et ça aussi, c'est une expérience sans précédent. Et on a un réseau fort, on a remarqué lundi, mardi, avec cet exercice, c'est impressionnant quand on regarde le réseau. Je pense à vous, là, qui êtes nos premiers partenaires pour réussir l'immigration, on peut compter sur votre réseau et ensuite on a un réseau public qui est très fort, mais on ne veut pas déséquilibrer, on ne veut pas affaiblir, alors il y a prudence, je pense, dans ce plan.

Le souci, pour l'instant, je comprends puis j'aimerais vous entendre sur votre préoccupation par rapport au poids relatif face... parce qu'il n'y a personne qui en a parlé et qui l'ont vu nécessairement. Ici, la préoccupation, c'est toujours les volumes. Peut-être... je vous laisse exprimer votre point de vue sur cette question.

M. Reichhold (Stephan) : Donc, oui, je vais essayer, en quelques minutes. C'est beaucoup, c'est toujours compliqué avec des chiffres, et tout ça, là. Bon, premièrement, et vous avez tout à fait raison, je pense que ce qui a été démontré, là, cet hiver, ce printemps, avec l'opération syrienne, c'est que — comme d'ailleurs dans le reste du Canada — le dispositif existant au Québec pour accueillir et rétablir des réfugiés est très performant. Je veux dire, on a, en quelques jours, quasiment, mis en place... et on sait que ça s'est relativement bien passé, on a reçu presque 6 000 plus les 2 000 autres réfugiés, dont on ne parle pas beaucoup, là, des Centrafricains, les Burundais, les Népalais, tout ça, qui venaient en même temps. On ne les voyait pas beaucoup dans les médias, mais nous, on les voyait chez nous, dans nos organismes. Donc, ça s'est relativement bien passé.

• (17 h 10) •

Une des raisons pour lesquelles ça s'est bien passé, c'est que le gouvernement a débloqué des ressources très rapidement et a donné de l'oxygène aux organismes justement pour déployer des choses qu'habituellement ils ne peuvent pas déployer, parce qu'ils n'ont pas ces ressources-là. Notre grande inquiétude : si on maintient — et c'est ce qui est annoncé — le même niveau de réfugiés, c'est-à-dire 6 000, 7 000, 8 000, avec les réfugiés acceptés sur place, il faut absolument maintenir ces ressources temporaires qui ont été débloquées. Aussi en éducation, en santé, pour les organismes, en francisation, il y a eu plusieurs millions de dollars, hein, qui ont été mis à la disposition. Il faut dire, ce n'était pas de l'argent neuf — bon, ça, c'est un autre débat — mais au moins l'argent était là. Et donc la grosse question pour nous, c'est : À partir du 1er avril l'année prochaine, est-ce que ces ressources seront encore là pour continuer... Ça, je peux vous donner quelques exemples, là, des choses qu'on a pu faire qu'on ne pouvait pas faire avant, si vous le souhaitez.

Notre préoccupation, c'est, je pense, surtout au niveau du parrainage privé. Bon. On sait qu'il y a eu un engouement sans précédent des citoyens québécois, de la population québécoise au niveau du parrainage, de parrainage de familles de réfugiés plus privés. Et cet engouement, en fait — et ça, je pense, on peut en être fiers — continue, c'est-à-dire, les personnes continuent à déposer des engagements, des demandes de parrainage, notamment pour faire venir des membres de leur famille, syrienne ou autre, et on a en inventaire, au Québec, actuellement, 7 000... en fait, ce n'est pas des demandes, de personnes qui attendent de pouvoir venir. Donc, c'est des dossiers qui ont déjà été traités, qui sont déjà dans la machine, 7 000. Selon les cibles qui sont présentées.

Je veux dire, si vous déposez une demande de parrainage aujourd'hui, la personne arrivera en 2020. Est-ce que c'est ça qu'on veut ou est-ce qu'il faut trouver une solution pour prioriser les demandes de... Surtout quand c'est des groupes de deux à cinq, des citoyens qui ont mis de l'argent en banque, 20 000 $, 30 000 $, 40 000 $ pour parrainer une famille, est-ce qu'on peut les faire attendre trois ans avant que leur famille va arriver? Alors, c'est ça, la question du jour. Moi, je n'ai pas la réponse. Si on dit oui, bon, ça va, c'est sûr, décourager beaucoup de monde; si on dit non, ça va faire bondir nos niveaux d'immigration. Où est-ce qu'on met la balance, là? C'est ça.

Nous, ce qu'on proposerait — bon, mais je ne sais pas si c'est techniquement, juridiquement possible — c'est, le parrainage privé, et surtout les groupes de deux à cinq, de les sortir des cibles de l'immigration et de les traiter... comment, je ne sais pas comment, là, mais à l'extérieur des cibles, parce que c'est une intervention humanitaire d'urgence, et il y a des familles ici, et le monsieur — je ne sais plus son nom — du Yémen, hier, je pense, a bien illustré dans quelle situation se trouvent ces personnes. Quand il y a des soeurs, des frères, tout ça qui... le seul moyen de les faire venir, c'est de les parrainer et de mettre de l'argent sur la table... Et le Québec est fort là-dedans. On l'a démontré, on est capables, on réussit. S'il y a les ressources, on peut aller de l'avant. J'arrête là, parce que, sinon, je vais continuer.

Mme Weil : Et vous avez évoqué donc aussi... En vertu de l'accord Canada-Québec, normalement, on prendrait le 23 %, hein, c'est ça, qui ferait qu'on doublerait aussi, normalement, le... parce que, là, ça représenterait à peu près le double de ce qui est inscrit pour le nombre de réfugiés. Ça, c'est un chiffre, évidemment, qui est là, un engagement qu'on a pris parce qu'on voulait maintenir le poids. Et ça, ça s'applique généralement. La règle générale, c'est d'avoir notre poids relatif. Mais, bon, c'est des décisions à prendre.

Vous avez parlé des travailleurs... Bien, peut-être sur la reconnaissance des acquis, donc, vous avez une grande expérience, vous savez donc qu'il y a un premier rapport qui est attendu. Par rapport au professionnel, ceux qui sont destinés au professionnel, ceux qui sont destinés à des métiers réglementés, et le reste, qui est la grande majorité, c'est des gens qui ont des compétences qu'on ne reconnaît pas, un diplôme qu'on ne reconnaît pas, mais, depuis les dernières années, il y a eu des avancées, parce que... Bien, c'est ce qu'on me dit. Aux ordres professionnels, il y a eu des avancées dans certains ordres professionnels, on me dit beaucoup, en fait : les comptables, les ingénieurs. Est-ce que vous, vous avez une vision d'ensemble des progrès, des choses qui fonctionnent à ce niveau-là, tant pour les métiers réglementés, que les professionnels, que les autres travailleurs ou...

M. Hairaud (Yann) : Écoutez, en ce qui concerne les professionnels et les professions et métiers réglementés, oui, effectivement, les organismes de réglementation, et je pense particulièrement aux ordres professionnels, en tout cas, certains d'entre eux, ont fait des avancées en matière de règlements liés à la reconnaissance des acquis... des diplômes, pardon, étrangers. Il y a encore probablement place à amélioration, mais je dirais que l'enjeu, à mon avis, se situe plus au niveau de... à partir de l'évaluation qui est faite, et, en général, le résultat est une reconnaissance partielle, jamais totale du premier coup, souvent, ça implique de reprendre une partie de la formation, d'effectuer des stages pour pouvoir valider certaines compétences, etc., et c'est là où le lien n'est pas encore bien, bien, bien établi.

Mme Weil : ...ont pu développer des formations par Internet, des comptables, et, ce qu'ils m'ont dit, ils ont réussi à faire en sorte qu'avant l'admission tout était réglé dans beaucoup de cas. Mais ça, je pense que c'est unique. Ce n'est pas tous les ordres professionnels.

Nous, c'est sûr que, dans le nouveau système, l'intention, c'est d'avoir, comme certains pays, une reconnaissance totale ou presque totale, et, à tout le moins, pour la partie qui manque, une tracée bien claire par rapport à ce que la personne devra faire, au lieu d'avoir des gens qui arrivent déçus, incapables d'exercer dans le domaine qu'ils veulent exercer, puis ils pourraient aller ailleurs au lieu de s'investir et venir ici. Est-ce que vous voyez ça comme possible?

C'est sûr qu'il reste encore du travail à faire. Alors, il y a ce premier rapport et ensuite, à partir de là, il va falloir décider, bon, ce qu'il reste à faire. Les gens nous disent : La formation, c'est le nerf de la guerre beaucoup, et, comme vous le dites, peut-être de ne pas exiger de refaire le tout. Vous soulignez ça. Vous êtes le premier à vraiment mettre le poing là-dessus, qu'on est beaucoup trop exigeants.

M. Hairaud (Yann) : Oui, comme je le mentionnais, on est souvent dans une logique de diplomation, hein? Pourquoi? Parce que la RAC est opérée par des gens du milieu de l'éducation. Donc, instinctivement ou par déformation, ils ont tendance à vouloir effectivement se baser sur des contenus et sur des diplômes, alors que là on est plus dans un objectif d'intégration professionnelle. Donc, c'est vraiment d'aller chercher ce qui manque pour pouvoir faciliter l'intégration professionnelle. Vous avez raison, Mme la ministre, il y a probablement des ordres qui sont rendus assez loin. Moi, je pourrais vous citer d'autres exemples où, malheureusement, il y a des... Alors, je pense qu'on est loin encore d'avoir quelque chose d'assez uniforme. Donc, il faut effectivement inciter fortement les ordres professionnels à continuer.

Et, si vous me permettez, pour terminer, je pense aussi, pour l'avoir vécu en tant qu'expérience au sein de notre organisme, que l'étape bilan de compétences est importante aussi, nonobstant le fait qu'il y ait des validations par des ordres de réglementation, des organismes de réglementation. Je pense, c'est important aussi pour une personne dans un parcours migratoire qui change d'environnement de pouvoir prendre le temps aussi de prendre du recul et de mettre ça dans une perspective de transfert de compétences, qu'est-ce qui est transférable et qu'est-ce qui n'est pas transférable, parce que beaucoup arrivent avec idée en tête de pouvoir exercer leur profession telle quelle parce que, de manière légitime, ils sont diplômés pour ça dans leur pays et ils ont travaillé pour ça... leur pays, mais parfois il peut y avoir des décalages. Et c'est là où, je pense, qu'une analyse un peu plus fine au départ permettra à la personne d'avoir l'heure juste, en quelque sorte, et de pouvoir mesurer les écarts. Parce que souvent il faut gérer une intégration à deux rythmes, enfin, en deux temps, hein? Il y a l'urgence d'intégrer le marché du travail pour pouvoir subvenir à ses besoins et puis il peut y avoir un objectif à moyen terme, qui est effectivement d'essayer de réintégrer un emploi de qualité correspondant aux compétences. Donc, vous voyez, il y a comme plusieurs dimensions sur lesquelles intervenir en même temps.

Mme Weil : Ou de réorienter sa carrière. Ça, ça arrive assez souvent. On valide souvent la volonté de la personne de se réorienter, mais vous comprendrez à quel point c'est important, cet enjeu-là, dans le contexte d'un nouveau système de déclaration d'intérêts où on veut intégrer la personne rapidement. Donc, tout ce travail devra se faire en amont, hein, c'est ce système qu'on veut mettre en place.

Vous vouliez aussi nous parler des... je pense, notre objectif de 40 % des travailleurs temporaires, qualifiés temporaires et les étudiants étrangers qu'on veut mettre sur la voie de l'immigration permanente, peut-être vous entendre sur votre point de vue là-dessus, comment bien réussir cet objectif.

• (17 h 20) •

M. Hairaud (Yann) : Oui. Alors, c'est ça, hein? Quand on regarde les chiffres depuis 2011, l'immigration temporaire — et là on parle principalement des travailleurs temporaires — est un incontournable puisque, dans l'absolu, en volume, le Québec accueille plus d'immigrants temporaires que d'immigrants permanents. Donc, je veux dire, ça devient un incontournable de la politique d'immigration du Québec. Et, nous, le constat qu'on fait par rapport à ça, et effectivement Québec a une volonté de permettre aux résidents temporaires de passer au statut de résident permanent, et c'est une bonne chose. Bon, en l'occurrence, il y a l'exemple du Programme de l'expérience québécoise, hein, qui donne des beaux résultats, mais cette nouvelle réalité vient modifier en quelque sorte la logique d'accompagnement de ces personnes parce que, je vous écoutais un peu plus tôt, étant donné que ce sont des résidents temporaires, ils ne peuvent pas accéder aux services d'intégration qui sont offerts aux résidents permanents. Je comprends la contrainte légale, mais sauf que, d'un point de vue des besoins de la personne, les services, lorsqu'il devient résident permanent, bien, c'est trop tard, les services, il en avait besoin avant. Donc, je pense qu'il faut vraiment travailler cette dimension-là parce que, sans ça, je pense que ça risque de demeurer un objectif vain.

Et je pense que le PEQ, qui cible les étudiants étrangers et les travailleurs qualifiés, donc catégories 0, A, B de la CNP, c'est une bonne chose, mais je pense qu'il ne faudrait pas oublier probablement aussi les travailleurs temporaires moins qualifiés qui malheureusement, compte tenu du fait que leur emploi n'est pas admissible, ne peuvent pas se qualifier au niveau de la résidence permanente. Donc, je pense qu'il faudrait élargir le PEQ. Nous, ce qu'on recommande, c'est d'élargir le PEQ à d'autres catégories.

Et je mentionnerais, ça, c'est une expérience qu'on a également, qu'on vit dans notre organisme particulièrement, il y a toute la question des permis vacances-travail, les PVT, c'est à peu près 6 000 par année. Et là aussi je pense que, si l'objectif est de doubler le recrutement via le PEQ, il va falloir probablement se pencher sur cette question-là parce que, je veux dire, ils n'ont accès à aucun service, et souvent ils n'arrivent pas à trouver, dans le temps imparti de leur séjour, un emploi qui leur permette de se qualifier pour le PEQ, et donc, malheureusement, Québec perd probablement une partie importante d'un potentiel de résidents permanents.

J'en profite, j'ouvre une parenthèse, je la referme aussitôt : en tant qu'on organisme, je vais faire parvenir à la commission un document — malheureusement, on était hors délai, donc on n'a pas pu le déposer en tant que mémoire — qui illustre un petit peu cette réalité.

Mme Weil : Pour les gens qui nous écoutent, le PVT, pourriez-vous l'expliquer? Moi, je sais bien qui on cible. C'est très stratégique, mais c'est important que les gens qui nous écoutent... C'est une entente avec la France?

M. Hairaud (Yann) : Oui. Bien, avec la France et d'autres pays, hein, puisqu'en fait c'est un programme fédéral qui est... c'est le programme d'emploi réciproque, donc dans Expérience internationale Canada, qui permet en fait... donc, c'est des ententes bilatérales qui permettent des échanges de jeunes de 18 à 35 ans en leur permettant de venir effectuer des séjours de découvertes et d'expériences professionnelles au Canada. Alors donc, c'est des gens qui viennent avec des permis de travail ouverts pour des durées qui peuvent aller jusqu'à deux ans, et effectivement un certain nombre d'entre eux... et nous, on les voit passer chez nous en particulier, mais ils vont aussi dans d'autres organismes, malheureusement ils ne sont pas admissibles aux services, c'est que ces gens-là viennent souvent aussi dans une optique d'immigration. Donc, on est dans une immigration en deux temps.

Mme Weil : Il me reste 30 secondes?

M. Hairaud (Yann) : On me souffle que c'est un tiers des travailleurs...

Une voix : Des travailleurs temporaires au Québec, c'est majeur.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget, 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Reichhold, M. Hairaud, soyez les bienvenus et merci de tout ce que vous apportez à ce débat par l'action et par la pensée, la réflexion.

Je veux revenir très rapidement sur le programme syrien, par exemple, au niveau du Canada, qui, selon un rapport sénatorial, n'est pas si fluide que ça. Ce qui ressortait de ce rapport, c'est qu'il y avait des carences au plan notamment de la francisation ou de l'anglicisation, au plan du logement, etc., probablement parce qu'on est montés trop haut trop vite, mais, considérant le fait que le grand voisin américain ou même les voisins immédiats, notamment l'Arabie saoudite, n'ont pas bougé le petit doigt pour en prendre davantage, le Canada fût obligé de marquer le coup. Le Québec doit assurer derrière avec son poids démographique. On suit.

On a été, la dernière fois, mis devant le fait accompli parce que le chiffre initié dans le débat de la dernière campagne par le premier ministre Trudeau dépassait... enfin, doublait celui que proposaient l'ex-premier ministre Harper, M. Mulcair et M. Duceppe. Donc, je me mets à la place des fonctionnaires, hein, parce qu'ils sont tous à l'écoute de ces moments-là pour anticiper, et je pense que tout le monde a été pris de court. Et, nous, ici, à Québec, inévitablement, on en prend un coup également.

L'idée, c'est d'être à la hauteur de nos ambitions d'accueil. Quand les moyens ne sont pas là, quand les structures ne sont pas là, quand on n'est pas, disons, prêts, et, je dirais — trois points de suspension — car nous sommes dans un système politique laïc. Vous étiez là. Vos organismes étaient là. L'arrimage s'est bien fait avec le ministère. Le ministère de la Sécurité publique a également fait ce que doit pour que tout cela se goupille de façon positive. Et j'ai bon espoir que nos récents réfugiés syriens ici vivront une expérience, disons, plus lumineuse que dans le reste du Canada si on se fie au rapport sénatorial.

Je voulais, par ce biais, vous amener sur un volet dont on parle peu, c'est tous ceux qui sont nés, disons... je ne vais pas utiliser un terme fort, mais qui passe sous silence ceux qui se trouvent dans l'est du Congo au moment où on se parle. Ce sont également des gens mal pris, et je me demande pourquoi on n'en parle pas davantage, je me demande pourquoi on ne s'y intéresse pas, pour quelle raison on n'y met pas autant d'énergie que pour d'autres réfugiés. Est-ce que vous en savez quelque chose?

• (17 h 30) •

M. Reichhold (Stephan) : Oui, effectivement. Je pense qu'on nous a approchés, que ce soit d'abord le fédéral puis le Québec, pour nous consulter, nous annoncer l'opération syrienne, que ce soit nous au Québec ou partout au Canada, la première chose que tout le monde a dit : Oui, pas de problème, mais à une condition : vous ne touchez pas aux niveaux des autres réfugiés. Ce n'est pas l'un vient à la place de l'autre, vous maintenez les niveaux des autres pays, notamment, bon, les Bhoutanais, les Congolais, les Centrafricains, les Burundais, en fait ceux qui arrivent, les Colombiens, aussi, qui continuent à arriver, et ça, ça a été, autant par le Canada que par le Québec, a été maintenu. Donc, ils ne sont pas encore tous arrivés, ceux de 2016, mais le plan initial, même avant la Syrie, est toujours là, et c'est vrai que ça a donné l'impression, à cause des médias qui viraient fous autour des Syriens... c'est complètement passé à côté. Mais, ne vous inquiétez pas, les organismes et nous... et même on a un petit peu triché aussi, là, on peut le dire maintenant publiquement qu'il y a certaines ressources dédiées aux Syriens... on les a prises, on les a données aux autres aussi, donc. Mais, bon, c'est un peu normal. Mais il n'en reste pas moins que toute l'opération syrienne a permis à de nombreux, nombreux Québécois de s'impliquer au niveau des réfugiés. Ils ont découvert que le Québec rétablissait des réfugiés depuis 30 ans, que peu de gens savaient qu'il y a un programme de rétablissement qui est d'ailleurs souvent souligné par le Haut Commissariat des Nations unies comme un modèle. Et, comme je disais tout à l'heure, on a quand même démontré que le dispositif en place a fonctionné.

Il y a eu effectivement ce que vous mentionniez tout à l'heure, quelques petites difficultés au niveau du parrainage privé parce que, là aussi, on est passés de 400 par année à 5 000 par année du jour au lendemain. C'est sûr que le programme, la structure du programme n'était pas adaptée, là, il n'y a pas eu le temps vraiment... bon, le comité sénatorial, effectivement, quelques personnes sont venues un peu dire que, oui, il y avait telle et telle difficulté, mais, là encore, on s'est assis ensemble, on a regardé, il y a des ressources qui ont été déployées, et là les choses commencent à s'arranger, on a des réponses, il y a une ligne téléphonique qui s'est mise en place, il y a toutes sortes de ressources.

Et, pour finir sur la question de la francisation, oui, on a des histoires de Syriens, qui, finalement, au lieu d'apprendre le français, vont travailler en anglais, tout ça, mais moi, j'aimerais bien — si c'est possible, je ne sais pas — sortir des données sur le nombre de Syriens qui sont arrivés et qui ont suivi la francisation. On ne les connaît pas encore, mais je suis convaincu que la très grande majorité, du moins dans nos organismes, ils sont tous en francisation. Et on les voit, on les entend à la radio, on les voit à la télé, il y en a qui se débrouillent plutôt bien. Tous les enfants, qui est presque la moitié des réfugiés syriens qui sont arrivés, c'est des jeunes, c'est des enfants. Ils sont tous à l'école française. Je ne veux pas avancer de pourcentage, mais la grande majorité des Syriens est en train de se franciser. C'est sûr, pas tout le monde, là, mais, je pense, il y a une masse critique, là, qui va faire en sorte, au niveau de la communauté... maintenir, comment dire, un tronc francophone, j'en suis convaincu. Mais je n'ai pas la preuve scientifique, c'est pour ça que j'aimerais ça que le ministère nous sorte des chiffres, voir un peu... Bon, après, dans deux ans, il faudrait qu'on se reparle puis voir un peu qu'est-ce que ça a donné comme résultat, mais je dirais que c'est plutôt...

Et aussi, contrairement au reste du Canada, ce qu'on oublie aussi, c'est que les réfugiés parrainés dans le reste du Canada n'ont pas droit d'allocations, hein, quand ils suivent des cours de français, alors qu'ici ils ont droit à des allocations, même les réfugiés parrainés, ce qui est quand même un incitatif intéressant pour certains, pas pour tout le monde. Donc, ça, c'est l'avantage du programme québécois, là, de parrainage, c'est un des gros avantages. Et, pour ça, beaucoup de réfugiés parrainés préfèrent venir au Québec que dans le reste du Canada. Alors, je finis là.

M. Kotto : Toujours sur la question de la langue, M. Hairaud disait... évoquait tantôt le fait que, dans l'embauche, l'anglais devenait un obstacle. Et je ne sais pas si c'est moi qui interprète mal, mais j'avais perçu un encouragement au bilinguisme en emploi ou en milieu de travail. Non, ce n'est pas ça. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?

M. Hairaud (Yann) : Bien, écoutez, en fait, l'observation terrain au niveau de l'intégration en emploi des immigrants... qui, pour la plupart, sont quand même extrêmement qualifiés et donc se destinent à des emplois où l'anglais devient un facteur d'employabilité important... Donc, c'est là où des immigrants francophones... Et je pense en particulier, par exemple, aux immigrants francophones ou d'expression de langue française qui viennent d'Afrique du Nord, ou de pays subsahariens de langue française, ou de la francophonie. Bien, c'est sûr que, s'ils n'ont pas une maîtrise suffisante de l'anglais, professionnellement, ça peut malheureusement... et peut-être encore plus dans certaines régions que d'autres au Québec — je pense, en particulier, à Montréal — ça peut devenir, effectivement, un obstacle.

M. Kotto : Mais ça, ce n'est pas dans tous les domaines. Dans l'hôtellerie, la restauration, on peut comprendre.

Le Président (M. Picard) : Il reste 30 secondes.

M. Kotto : 30 secondes? En 30 secondes... On poursuivra le débat. Mais c'est une préoccupation, vous le savez, pour nous. L'idée d'appliquer la loi 101 dans les entreprises de 29 employés en montant, est-ce une approche qui pourrait éventuellement sauvegarder le visage français de Montréal?

M. Hairaud (Yann) : Bien, en fait, peut-être aussi, au-delà du niveau de qualification, c'est, effectivement, dans certains secteurs d'activité et plus particulièrement dans des domaines d'industrie. Je pense à l'aéronautique, à l'informatique, ou des choses comme ça, où l'anglais, je veux dire, est quelque chose d'incontournable.

Donc, je ne sais pas. Je ne peux pas vous répondre. Peut-être que ça pourrait régler, mais ça, c'est plus, à mon avis, du moyen, long terme, et, nous, c'est sûr qu'on travaille dans du très court terme. C'est-à-dire qu'on a des gens qui sont des francophones, je veux dire, de langue maternelle. Et je pense que le fait, pour eux, d'améliorer l'anglais ne devrait pas comporter un risque d'un point de vue de la langue d'usage. A priori, c'est plus vraiment un aspect relié à l'activité professionnelle, selon moi.

Le Président (M. Picard) : Merci. Mme la députée de Montarville, pour les sept prochaines minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Messieurs, merci. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire, et effectivement je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue le député de Bourget, parce que ma lecture a sursauté et là je veux que vous m'expliquiez des choses. Lorsqu'on parle de l'orientation 4, on parle naturellement de fixer «un minimum de 85 % la proportion des adultes de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés qui déclarent connaître le français à l'admission». Alors, on parle aussi du fameux niveau de français qui est réclamé.    

Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vais lire quelques extraits, et vous nous citez des auteurs, hein, ce n'est pas nécessairement votre plume, vous citez des auteurs. Alors, je vais prendre quelques extraits. À la page 17, vous nous dites : «Or, plusieurs données tendent à démontrer que le français n'est pas la clé pour la réussite de la participation économique et sociale des nouveaux arrivants. [...]"même si le français joue un rôle prépondérant, l'anglais est aussi utilisé, et les immigrants doivent composer avec cette situation".» Page 18, dans le milieu, vous nous dites : «...le niveau de maîtrise du français ou de l'anglais exigé est parfois excessif par rapport au type d'emploi et les différences entre le français international et le français utilisé au Québec peuvent être source de difficultés dans certains domaines professionnels ou milieux de travail.» Puis là ça me fait sourire : «...les exigences linguistiques servent...» Non, ce n'est pas ça qui me fait sourire. «Les exigences linguistiques servent parfois de prétexte pour refuser des candidatures.» Ça, ce n'est pas drôle. Et vous nous dites, recommandation 4, tout de suite après : «...le français ne constitue pas la clé pour l'intégration, espérée.» Et, page 19, nous y venons, dans le deuxième paragraphe : «Il faut donc relativiser l'effet de la maîtrise de la langue française sur la réussite professionnelle des immigrants au Québec et offrir par exemple, via Emploi-Québec, des cours d'anglais aux immigrants francophones leur permettant de répondre aux exigences linguistiques de base du métier qu'ils veulent exercer ou du secteur dans lequel ils veulent travailler.»

J'aimerais que vous élaboriez sur cette recommandation que vous faites. Et ma question, c'est : Pour ce qui est du seuil, du niveau que l'on demande actuellement, est-ce que ça, il vous convient pour l'immigration? Et là, là, je comprends qu'il y a l'emploi et...

M. Hairaud (Yann) : Écoutez, sur le seuil, je ne sais pas si ça convient ou si ça ne convient pas, en tout cas c'est une... mais je vais y revenir parce que, sur l'emploi, je pense que ce qui est important... parce que souvent on considère à juste titre qu'au Québec le français et l'apprentissage du français est essentiel à l'intégration. Ça, je pense que tout le monde s'entend là-dessus, il n'y a pas... Mais, nous, la nuance qu'on apporte, c'est que — et on le constate là encore, hein, ce sont des observations terrain — auprès des immigrants francophones, donc pour lesquels la connaissance de la langue d'usage est réglée, ils rencontrent des difficultés au niveau de l'intégration au marché du travail, et on constate que certains butent parce qu'ils ont un niveau d'anglais professionnel insuffisant. Donc, c'est ça, la nuance qu'on veut apporter.

Donc, franciser les immigrants qui ne connaissent pas le français, oui c'est indispensable, mais pour les francophones et peut-être même pour les autres s'ils ne parlent pas l'anglais, à un moment donné... et dans certains domaines, bien évidemment, hein, on... la proposition n'est pas de donner des cours d'anglais à tous les immigrants francophones, c'est en fonction des besoins du marché du travail. C'est pour ça que c'est Emploi-Québec qui doit gérer ces volets-là, c'est en fonction des besoins des industries, en fonction de ce qu'on constate en termes des exigences reliées à l'industrie. Il faut, à ce moment-là, effectivement proposer ce type de formation, ça fait partie du développement de l'employabilité. Ça, on en est convaincus.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Maintenant, passons... Oui, vous voulez ajouter... Oui?

• (17 h 40) •

M. Reichhold (Stephan) : Bon. Sur les seuils, je peux vous dire... En fait, ce que j'ai dit tout à l'heure, je veux bien le répéter, c'est que, oui, 50 000, mais le contexte actuel de doubler le niveau des réfugiés, où on n'a pas vraiment le choix à cause du contexte, les Syriens, la réunification familiale, les demandes de parrainage des citoyens québécois... Et aussi, dans le contexte où le Canada va monter son seuil d'immigration à 300 000 personnes à partir de cette année, il faut, à mon avis, faire une réflexion qui va plus loin que ce qui est proposé là, parce que ça change la donne, ça change carrément la donne.

Donc, à mon avis, les niveaux qui sont proposés ici, il faudrait les revoir, éventuellement augmenter la catégorie de l'immigration économique pour rebalancer avec l'humanitaire, sinon l'humanitaire va être plus important que l'économique. Ce n'est pas non plus la solution, hein?

Le Président (M. Picard) : Deux minutes.

Mme Roy (Montarville) : Deux minutes? Je comprends ce que vous dites au niveau de balancer avec l'économique, parce qu'il est très important. Mais, quand vous parlez du niveau d'immigration totale à la grandeur du Canada, il y a une donne que nous croyons qu'il ne faut pas oublier : c'est cependant le fait que, sur les 10 provinces du Canada, c'est le Québec qui est la province la plus pauvre, alors il faut avoir aussi le moyen de nos ambitions. Parce que c'est très important de bien recevoir les gens, et force est de constater qu'à certains égards on a de la difficulté à bien intégrer ou à bien offrir tous les services. Alors, il faut s'assurer d'avoir l'arrimage entre les ressources que le gouvernement du Québec peut allouer et cette obligation que nous avons de bien accueillir, je pense.

M. Reichhold (Stephan) : Là, moi, je rajouterais que, contrairement aux autres provinces, le Canada est le seul à avoir une entente, un accord, et 345 millions de dollars qui lui tombent du ciel chaque année pour intégrer et franciser les immigrants, qui va... à mon avis, mes évaluations, là, dans le contexte, un peu, qu'on connaît, qui va probablement monter à 400 millions, là, d'ici un an ou deux, parce qu'il y a une formule d'indexation, là, assez géniale qui fait que ça augmente à coups de 10 millions par année, donc... et qui est dédié à l'intégration et la francisation des immigrants.

Et le Québec est la province qui dépense le plus d'argent, quasiment quatre fois plus d'argent, au niveau de l'intégration, et de la francisation, et les cours de langues, que dans le reste du Canada. Donc, on n'a pas besoin d'avoir peur qu'on n'aura pas assez d'argent. Et, en plus, l'immigration génère des revenus autonomes de 50 millions, 60 millions par année, qui viennent se rajouter aussi. Donc, ça ne coûte rien au trésor public, là, l'accueil des immigrants.

Le Président (M. Picard) : Merci. Donc, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et la commission ajourne ses travaux au mardi 23 août 2016, à 9 h 30, où elle poursuivra son mandat. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 43)

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