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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, January 21, 2020 - Vol. 45 N° 6

Consultations particulières et auditions publiques sur l’exploitation sexuelle des mineurs


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Femmes autochtones du Québec inc. (FAQ) et Mme Ellen Filippelli

En Marge 12-17 et Maison Kekpart

Conseil québécois LGBT

Stella, l'amie de Maimie et Projet d'intervention auprès des mineur-e-s prostitué-e-s (PIAMP)

Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM), M. Martin Gallié et Mme Martine B. Côté

Grand Prix de formule 1 du Canada

Centre communautaire des femmes sud-asiatiques (CCFSA)

Fondation Marie-Vincent et Mme Élise St-André

Autres intervenants

M. Ian Lafrenière, président

Mme Christine St-Pierre, vice-présidente

M. Denis Lamothe

M. Alexandre Leduc

Mme Catherine Fournier

Mme Lucie Lecours

Mme Kathleen Weil

M. Christopher Skeete

M. Frantz Benjamin

Mme Méganne Perry Mélançon

Mme Émilie Foster

Mme Nancy Guillemette

Mme Isabelle Lecours

*          Mme Viviane Michel, FAQ

*          Mme Isabelle Paillé, idem

*          Mme Alexandra Lorange, idem

*          Mme Marie-Noëlle L'Espérance, En Marge 12-17

*          Mme Mélissandre Gagnon-Lemieux, idem

*          M. Richard Desjardins, Maison Kekpart

*          Mme Tanya Brunelle, idem

*          Mme Marie-Pier Boisvert, Conseil québécois LGBT

*          Mme Sandra Wesley, Stella, l'amie de Maimie

*          Mme Mathilde Bombardier, PIAMP

*          M. Karl Beaulieu, idem

*          Mme Eve Paré, AHGM

*          M. Jean-François Pouliot, idem

*          M. François Dumontier, Grand Prix de formule 1 du Canada

*          Mme Sandrine Garneau-Le Bel, idem

*          Mme Mela Sarkar, CCFSA

*          Mme Dolores Chew, idem

*          Mme Geneviève Boisvert-Pilon, Fondation Marie-Vincent

*          Mme Jennifer Pelletier, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Huit heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Centre Pierre-Charbonneau, à Montréal, pour notre deuxième journée ici. Je demande à toutes personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Lafrenière) : Parfait. Alors, ce matin, nous avons le plaisir d'entendre, en audition conjointe, Mme Ellen Filippelli et Femmes autochtones du Québec. Pour les membres de la commission, je ferai remarquer qu'il y aura une... vous avez des dispositifs sur vos tables pour entendre la présentation qui sera faite en anglais.

Alors, merci beaucoup d'être avec nous. C'est une audition conjointe, donc à tour de rôle vous allez avoir 15 minutes pour nous faire votre présentation, et par la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission pour une période de 30 minutes.

C'est un échange, on est là pour en savoir davantage. Alors, Femmes autochtones Québec, je vous laisse vous présenter. Vous avez 15 minutes à partir de maintenant pour vous présenter, nous faire un résumé de ce que vous avez à nous dire ce matin. Et surtout, merci d'être avec nous. Merci beaucoup.

Femmes autochtones du Québec inc. (FAQ) et Mme Ellen Filippelli

Mme Michel (Viviane) : «Kwe.» Est-ce qu'on m'entend? Oui?

Le Président (M. Lafrenière) : Oui, très bien.

Mme Michel (Viviane) : «Kwe.» (S'exprime dans une langue autochtone).

Bonjour, tout le monde. Je pense que vous n'avez pas la traduction simultanée encore. Non? J'ai hâte que vous ayez la traduction simultanée dans nos langues. Je tiens à remercier quand même puis je me permets, je me donne ce droit de remercier le Créateur de nous avoir réunis puis d'essayer d'apporter, d'éclaircir aussi certains points sur cette situation. C'est important pour nous, en tant que Premières Nations, de souligner le territoire où est-ce qu'on est en visite. Je remercie la nation mohawk et les autres nations qui ont su longer ce vaste territoire non cédé.

Merci, M. le Président. Je me présente. Mon nom est Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec. Femmes autochtones du Québec est une organisation représentative des femmes issues de 10 nations du Québec : les Abénaquis, les Algonquins, les Attikameks, les Innus, les Eeyous, les Malécites, les Micmacs, les Mohawks et les Naskapis. Nous avons également une représentante du milieu urbain, une représentante pour la jeunesse et une représentante pour les aînés. Il est également à propos de mentionner que certaines de nos membres proviennent aussi d'autres Premières Nations du reste du Canada vivant en milieu urbain, à Québec... au Québec, excusez.

Je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Je suis accompagnée de mon analyste juridique politique, Alexandra Lorange, qui est de la nation attikamek, et la coordonnatrice promotion à la non-violence, Isabelle Paillé, qui est de la nation abénaquise.

Dans un premier temps, j'aimerais prendre quelques instants pour remercier la Commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs de nous avoir invitées, mes collègues et moi, à participer aux consultations particulières. Nous avons lu certains mémoires déposés devant vous par différents intervenants et organismes qui ont déjà mis la table sur la problématique de l'exploitation sexuelle des mineurs au Québec. Donc, nous n'allons pas revenir sur certaines notions déjà soulevées par les autres témoins. Nous sommes ici pour vous parler des particularités de l'exploitation sexuelle qui touche les filles autochtones.

Bien que certains facteurs tendent à vulnérabiliser les jeunes femmes québécoises à l'exploitation sexuelle, la situation des femmes autochtones se différencie de la population générale, puisque celle-ci évolue dans un milieu qui a été grandement bouleversé par les effets de la colonisation. Dans le contexte autochtone, l'analyse des facteurs qui incitent les femmes à se retrouver dans une situation d'exploitation sexuelle ne peut être pas réalisée sans porter un regard sur la violence historique et sociale perpétrée contre les peuples autochtones.

Plusieurs conviendront que le processus de colonisation, la mise sur pied des réserves, l'effet patriarcal et infantilisant de la Loi sur les Indiens et ses impacts sur les Premières Nations sont à l'origine d'une multitude de maux sociaux qui se sont répercutés à la fois sur les dimensions socioéconomique, culturelle et politique ainsi que sur l'état de santé physique, mentale, émotive et spirituelle des nations, des communautés, des familles et des individus. Ainsi, nous aimerions vous exposer sommairement comment le colonialisme et l'institutionnalisation a grandement affecté nos communautés.

La période des pensionnats indiens a eu des impacts négatifs importants sur les communautés autochtones. L'objectif du gouvernement fédéral, en créant les pensionnats, était l'assimilation de l'enfant autochtone en le déracinant de sa culture et en l'éloignant de ses parents pour plus de 10 mois par année. Non seulement près de la moitié des ex-pensionnaires ont été victimes de ces vices physiques, psychiques et sexuels graves, durant leurs séjours au pensionnat, mais peu sont ceux qui ont pu recevoir des services psychosociaux lors de leur retour en communauté, ce qui a eu pour effet de contribuer négativement à la santé sexuelle intergénérationnelle des communautés. Conséquemment, le traumatisme des pensionnats est souvent lié à une augmentation de l'alcoolisme, de la toxicomanie, des agressions sexuelles, de la violence et du suicide dans les communautés.

Malgré la fermeture des pensionnats indiens, le processus de colonisation des peuples autochtones va s'effectuer par le biais des services de protection de l'enfance qui, selon la Commission de vérité-réconciliation, la CVR, ne font que poursuivre le processus d'assimilation entamé sous le régime des pensionnats.

Il est maintenant reconnu que des enfants autochtones au Québec sont surreprésentés dans le système de la DPJ. À titre d'exemple, en 2011, ils étaient 7,5 fois plus susceptibles d'être placés hors de leurs familles que les autres enfants québécois. Pendant longtemps, non seulement les enfants autochtones étaient plus susceptibles d'être retirés de leurs familles, mais ils avaient moins de chances que les autres enfants de retourner dans leurs familles ou d'être placés pour l'adoption, ce qui a eu pour effet de confiner ces enfants dans le système ou de les garder dans des foyers de groupes ou dans des institutions.

Nous tenons à préciser ces faits afin de démontrer que cet exode des enfants autochtones vers les pensionnats indiens et le système de la DPJ a eu un impact majeur sur la déstabilisation des structures familiales et psychosociales dans les communautés autochtones, qui contribue aux violences et... qui s'y trouvent.

• (8 h 40) •

Ainsi, un bref survol historique explique pourquoi nos filles sont plus à risque d'être recrutées pour l'exploitation sexuelle alors qu'un grand nombre viennent des familles instables et où elles auraient été placées par la DPJ. Celles-ci ont souvent un passé lourd, sans oublier que, lorsque certaines d'entre elles quittent leurs communautés pour fuir en ville, elles se retrouvent alors isolées et vulnérables. Nombreuses sont les filles qui se font recruter à l'arrêt d'autobus ou à l'aéroport. Elles sont pratiquement ciblées par les proxénètes, qui reconnaissent l'historique de ces vulnérabilités.

L'exploitation sexuelle des filles autochtones revêt plusieurs visages au Québec. D'une part, elle est présente dans les communautés autochtones, on la retrouve surtout dans un contexte de survie, où les services sexuels sont donnés en échange de valeurs pécuniaires, de la nourriture, par besoin d'un transport ou dans un contexte de consommation de drogue ou d'alcool. Mais elle se retrouve davantage dans les villes, où les filles autochtones y sont attirées afin d'y retrouver une vie meilleure. La traite des filles autochtones, selon nous, est un fléau qui prend une proportion grandissante en raison de la demande croissante.

Par ailleurs, nous estimons qu'il y a un lien prépondérant entre le phénomène des filles autochtones disparues et la traite des femmes. Il est maintenant bien connu, et plus particulièrement depuis la mise sur pied sur l'Enquête nationale des femmes autochtones et des filles autochtones disparues et assassinées, que l'ont reconnaît sous l'acronyme l'ENFFADA, qu'il y a eu une surreprésentation des filles autochtones dans l'exploitation sexuelle et la traite humaine au Canada parce qu'elles sont ciblées. Elles sont ciblées par ces types de crime parce que le système du colonialisme a fragilisé son milieu social, son noyau familial et sa santé sexuelle.

Les experts s'entendent pour dire qu'il y a de nombreux critères qui vulnérabilisent une jeune fille aux avances d'un proxénète. Or, généralement, ces critères sont souvent présents dans les vies d'une jeune fille autochtone. Par ailleurs, une jeune fille qui se fera hameçonner par un proxénète et qui se fera entraîner dans la traite est vulnérable car elle sera isolée du fait qu'elle ne fait pas confiance au système de justice et encore moins aux policiers, d'une part, en raison de la relation historique entre les peuples autochtones et les forces de l'ordre, d'autre part, du fait que les femmes et les filles autochtones vivent toujours de la discrimination, du racisme et des traitements différenciés à l'égard des forces policières. Nous n'avons qu'à nous référer au dernier rapport concernant le SPVM, où l'on conclut que les femmes autochtones sont 11 fois plus interpellées par les policiers que les femmes allochtones, ou nous n'avons qu'à penser à l'échec du système de justice pour les femmes autochtones de Val-d'Or qui ont dénoncé les abus policiers... et qui ne se sont pas soldés par aucune conclusion favorable envers les femmes autochtones.

Par ailleurs, de nombreux témoignages devant l'ENFFADA relatent des expériences sur les relations que celles-ci ou leurs familles entretiennent avec les policiers, lorsqu'ils veulent porter plainte pour une fille disparue. Nombreux sont ceux qui se sont fait répondre que leurs adolescentes étaient sûrement en train de consommer ou elles étaient en fugue, alors qu'elles avaient disparu. Ou d'autres, qui ne voulaient juste pas prendre la plainte. Ces témoignages exposent les stéréotypes qui se sont accolés aux femmes et aux filles dans les services publics.

Un autre facteur dans lequel les filles autochtones sont ciblées pour l'exploitation sexuelle est la traite. C'est la demande des clients en raison des stéréotypes hypersexualisés de la femme autochtone. À cet effet, nous voulons reprendre l'analyse historique et sociologique qui a été faite par l'ENFFADA sur le sujet. Il y a eu un catalogage de la sexualité féminine autochtone comme étant indécente et impudique par les responsables gouvernementaux, les forces de l'ordre et les autres autorités coloniales. Ce stéréotype servait et sert encore à excuser la violence que les colons blancs de sexe masculin ont infligée aux femmes et aux filles autochtones.

Le mythe de la femme autochtone dite facile est né pour mettre hors de cause les activités sexuelles hors mariage des hommes blancs. En accolant cette étiquette à cette dernière, on pouvait lui faire porter le blâme sur les déviances sexuelles des colons blancs. Cependant Janice Acoose, professeur de littérature anglaise et autochtone à l'Université des Premières Nations, soutient que peu importe la façon dont la femme autochtone est caractérisée, qu'on lui donne l'image de la princesse indienne Pocahontas et hypersexualisée, elle demeure réputée accessible aux Européens de race blanche à des fins de consommation.

Selon nous, ce sont des stéréotypes qui font en sorte que la demande est grandissante pour les femmes autochtones, notamment des touristes, de même que pour les clients qui veulent une sexualité accompagnée de violence. Cette violence haineuse, selon nous, est le résultat du racisme et de la théorie longtemps promulguée, au moment de la colonisation, qu'est le principe de la supériorité raciale. Ainsi, la femme autochtone est perçue comme un objet de consommation qui peut être rudoyé en toute impunité. Cela vient confirmer ce que de nombreuses femmes et filles savent déjà, c'est-à-dire que le simple fait d'être une femme et une autochtone fait d'elles les cibles.

La question des violences faites aux femmes et filles autochtones constitue, selon nous, une urgence nationale. Il est important, pour sécuriser les filles autochtones, de s'attaquer au racisme envers les femmes autochtones de même que les stéréotypes d'hypersexualisation des femmes autochtones. Si on ne veut pas que nos filles tombent dans l'exploitation, il est important qu'elles reçoivent des services pour la guérison des agressions sexuelles. Ainsi, toute la pertinence d'une création des centres de crise pour adresser les traumas intergénérationnels.

Il n'existe présentement aucune ressource pour, et par, et avec les autochtones en prévention et en intervention auprès des victimes mineures d'exploitation sexuelle. Ce qui serait souhaitable serait un centre comme Ma Mawi Wi Chi Itata de Winnipeg. Il s'agit d'une maison d'hébergement autochtone spécifique pour les femmes et les filles autochtones qui ont vécu de l'exploitation sexuelle. Selon nous, ce sont ces types de ressources qui peuvent aider les filles à se sortir de l'exploitation sexuelle, car elles feront confiance à ces intervenantes pour les aider à les protéger.

Ainsi, nous croyons que les interventions prometteuses pour sortir ces filles mineures de l'exploitation sexuelle résident davantage dans les interventions et le service d'aide des organismes autochtones de soutien, plutôt que des interventions de forces de l'ordre et du système de justice. Rappelons-le, la répression de la demande peut être dangereuse auprès des personnes dans l'exploitation sexuelle et la traite.

Il est également important que les services psychosociaux des premières lignes en communauté soient augmentés, qu'il y ait des subventions pour la création d'outils de prévention et d'intervention par et pour les filles autochtones, y incluant l'information sur les lois et les droits en lien de l'exploitation sexuelle, qu'il y ait un financement de projets de sensibilisation pour les communautés sur les agressions sexuelles et le risque d'exploitation sexuelle pour les jeunes filles.

Également, nous tenons à rappeler que la relation des filles et des femmes autochtones avec les forces policières est au centre de l'enjeu des filles et des femmes autochtones disparues ou exploitées sexuellement. Ainsi, si le gouvernement du Québec veut s'attaquer à la question de l'exploitation sexuelle des mineurs, il devra adresser cette faille gigantesque dans le système des forces policières, des forces de l'ordre.

Nous tenons toutefois à préciser que des efforts par certains corps policiers ont été effectués dans les dernières années pour s'ouvrir aux besoins des femmes autochtones. Force est de constater que certains partenariats qui ont été créés entre les forces policières et les organisations autochtones donnent des résultats prometteurs. Toutefois, il semble que ces avancées, parfois, ne sont tributaires que de la bonne volonté des agents en poste. Il manque, selon nous, la volonté institutionnelle des corps policiers et du ministère de la Sécurité publique à adresser le phénomène du besoin de sécurité des femmes et des filles autochtones au Québec.

À cet effet, nous vous avons fait certaines recommandations dans le mémoire, en ce qui concerne les forces de l'ordre, que nous vous invitons à lire. Nous avons également de nombreuses autres recommandations que nous vous invitons à lire au mémoire, puisque nous ne pouvons vous exposer toutes les problématiques et vous expliquer les recommandations dans les 15 minutes qui nous ont été allouées.

Je veux vous remercier de nous avoir invitées pour le temps que nous avons alloué et que... vous porter à lire notre mémoire. «Tshinashkumitin.» Merci. Thank you.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci, Mme Michel. «Meegwetch.» Merci beaucoup.

Alors, maintenant, j'invite Mme Ellen Filippelli à se présenter et à faire sa présentation. Vous avez 15 minutes, et il y aura une interprétation simultanée pour les membres de la commission. Mme Filippelli. «Kwe.»

• (8 h 50) •

Mme Filippelli (Ellen) : «Sekoh.» Bonjour. Hello. My name is Ellen Filippelli. I'm the coordinator for the Crime Prevention Unit in Kanesatake. We work on prevention measures.

I thank you very much for your beautiful presentation. Everything that you spoke about is what we are experiencing. But I'm going to talk to you about what we do through my department. And thank you very much for inviting me. It was an honor to be asked to be here. And I apologize that I don't have a political body here representing my community. So, I will do what I can.

«Shakotihenté:se» means «they are leaders» in Mohawk.

I'm going to give you a brief background on Kanesatake. During the spring of 2004, as I'm sure many of you know, a social upheaval involving our political body and criminal element of Kanesatake, as well as the Mohawk police force... The service ended in a forcible closure of the police station. There was a huge confrontation, and it closed, and to this date our police station never reopened. Kanesatake had to depend on the SQ as their outside police agency for public security.

Crime prevention works very well with the SQ, but there's very deep-rooted anger that still resonates amongst those that experienced the crisis of 1990. And, on top of that, with our closing of our police station, they resist the authority of the SQ or really any authority in Kanesatake. The hate and anger towards police has been passed down to our young, causing them to be rebellious over an event they didn't experience. They didn't experience it by being there, but they're experiencing it by the stories that the elders are telling them, their parents, their cousins, uncles, aunts, so it's almost like they have that anger and they're carrying it on.

Since then, the percentage of criminal activity in Kanesatake involving youth has risen. The city of Montréal has become an attraction of a better life for our youth, which, in most of the time, is just an illusion. It leaves them susceptible to becoming lured into the life of human trafficking.

Studies were done to determine the risk factors identified, affecting the youth in Kanesatake, and I'm sure it's... what I'm about to say, it's pretty much the same as any other territory. It was drugs, alcohol, school violence, sexual aggression, antisocial behavior, fear of retribution, a lot of bullying, and not just bullying from our youth, but bullying from families, that we have a family that is very strong in intimidation, and that's passed down to their kids, and school drop-out, teenage pregnancies, gang-related activities.

Once the risk factors were all identified, the need to bring a crime prevention program to Kanesatake was made a priority. The program would be aimed at boys and girls between the ages of 10 and 17, what we call «Latchkey Children», who would normally go home at the end of the day, after school, because their parents... and they'd be alone because their parents are at work. Or there's the single parents' multigenerational families, where grandparents are raising the children, so the children, many times, will just go out and do whatever they want. You know, they'll go out on the street, they don't listen very well to their grandparents. These are, we consider, high-risk homes involving drugs, alcohol and abuse. And, abuse, we say physical, mental and sexual abuse.

The intent was to target our youth engaging in high-risk behavior and preinvolvement in criminal activity, but, due to a lack of joint partnership with schools, community services on and off the territory, the project was literally put on a shelf. Because when I came into the scene, they reached up, and they took it off the shelf, and they said : This is where we ended, OK? So, I started from there.

After years of staying focused on the vision of a better life, which... there was a group of people that kept the focus, that kept the vision, all the right partners pulled together and supported the creation of our Youth Will Walk a Path of Good Mind, and that is our crime prevention project which we eventually renamed Shakotihenté:se.

Throughout this journey, Shakotihenté:se established many valuable partners and a large scope of professions such as schools, community services, public safety and security, Montréal human trafficking division, Montréal Native Friendship Centre and the health and social services of Kahnawake and Akwesasne. This crime prevention project was developed using a blueprint of a project that was created in Albuquerque, in New Mexico. We try to get our children through mentor leadership program, and this program was proven to be very effective on other aboriginal territories, and it's based on traditional aboriginal values : awareness, respect, responsibility for self, family, and community.

 Shakotihenté:se core programming consists... we're in the classrooms, we're in outdoor activities, we're in the communities, doing... we get the children to do service for the community, not just put their hand out and expect something back. And, when we do this, we're teaching our children to take ownership of where they are. And, when they do that, they become more proud of where they are and what they're doing and they think twice about being destructive and going out on the street and not giving a shit... excuse my language, but not caring about their neighbor.

Our guiding principles is culture and tradition, strength-based approach, experiential learning, engagement with nature, service, ethics, giving back to the community, connection building. Family, community and culture, those are always three that we instill with our children : family, community, culture.

Just as an example, we have instilled an initiative, it's called Guardians of the Playground. It's with the elementary school. It's an antibullying initiative and it develops and encourages the students to take notice of the actions of self, and others, and their fellow peers. Instead of having the adults tell them, you know : Don't do that, you're doing bad, they're monitoring each other.

A new addition to our school activities is the First Nations emergency social services youth team. On the territory, I am also the emergency management coordinator. So, I took that opportunity to go into the schools and bring in the youth emergency management component, which is sponsored by the Canadian Red Cross.

Anticipated outcome is to empower and strengthen their self worth. This will provide the means to take ownership of their community, provide the opportunity to step out of the victim role and take possession of the leadership role. We always tell the kids : When you walk, you walk proud, you walk with your head up, look where you're going and give yourself a vision, see what you want to do in life and go for it. And you're not going to do it by looking down. You're going to get it when you'll look straight.

Our full value commitment is : Be here, be safe, speak your truth, care for self and others, let go, and move on, and you set goals. Every youth agrees to uphold this full value commitment. Before they enroll into our program, all our children sign an agreement. They read it, they understand it and they write it... excuse me, they sign it because they know they're going to be held accountable for their actions, whether it's negative of positive. We'll address it. We don't let them... We just don't go after what they do wrong, we also reward them for all the good that they do. And you'll see a difference in our children when you do, do that.

• (9 heures) •

When you walk into our team activity room, the words of our full value commitment was literally painted on the walls so that, when the kids come in here, into that room, they see it, they read it, it's always there for them and it's always a reminder.

What we're about is prevention from the use of substance abuse among our Native youth, encouragement, know your options, stand up against peer pressure, development, build confidence, develop leadership abilities, improve social and decision making skills, opportunity to lead a healthy lifestyle and take charge of ones life, action, engage in positive projects that build strength from within. See, every youth that we have, every single one of them, they have it in them to be great. We need to give them the space for their strengths to grow and shine, and, in Shakotihenté:se, they do that. There's no judging, and they're free to speak their truth and they understand that. And it's a beautiful project, and we're able to do so much. We're behind the scenes, prevention before becomes intervention, and I believe strongly in what we're doing. It's not just... I mean, we've had seven years of this so far, and it's proven to work very well.

Our protective factors : Positive influences that focus on the betterment of self others and community, the bonding with family, health beliefs and clear standards, the right to spiritual preference, development of individual characteristics, safe environment to express a sexual preference, opportunities, skills, positive peer group interaction and grounded values. The anticipated outcome with these protective factors is to lessen the crime rate and instill stronger core values.

Crime prevention in Kanesatake. Like I've mentioned, we are in our seventh year programming. The Shakotihenté:se team is a familiar trusted service in the circle of youth, so much that they renamed us Shakotihenté:se. We asked them because, at that point, we were just crime prevention, and they sat down and they... the young ones discussed it and they came up with this name. And they were so proud of it. This place was theirs. It's a show of taking ownership of the program.

Parents' community and support from the Territories' governing body of the Mohawk Council of Kanesatake is expressed in a positive way through verbal praise and comments on our Facebook page. Working in high schools, providing after school activities that attract the older teenagers can be challenging, but the collaboration with teachers and principals made that challenge easier. Activities are designed to help youth develop their leadership skills, and, when ready, they will mentor the younger ones.

For the past three years, the Shakotihenté:se team has partnered with Montréal's human trafficking division, who's been providing guidance as we become more proactive in a campaign to expose the truth about sexual exploitation of Native women and children.

We created a partnership also with Correctional Service Canada for inmates to conduct their community service and to prepare them for early integration into society, a venue to reestablish connection to family, community and culture. The Broken Links project provides inmates the opportunity to make right the wrongs they did on society and mentor the young generations who are venturing down the criminal path.

Also, it is... we have started this project in 2016 and, there are so many broken families, we need to reintegrate our men. We need to show them their place in our family. And, when you do that, the wives will be there to support their men, and the children will follow through. We will not have as much issues if we build our families back up again.

Our forward movement. Most recent partnerships have been established with the SPVM Human Trafficking Division. The Kahnawake Mohawk territory and Shakotihenté:se to host a community presentation on human trafficking and prostitution for sexual exploitation focusing strongly on the links between human trafficking and First Nations, missing women and children. That is going to take place in February.

Future endeavors is to establish a commitment between the three Mohawk sister reserves to form a resolution to strongly work collaboratively to bring awareness to human trafficking and prostitution for sexual exploitation to First Nations people.

I'd like to thank you for allowing me to express what we have been doing on the territory, what we want to see happening, and I thank you for that. «Nyawen'kó:wa.» Merci beaucoup.

Le Président (M. Lafrenière) : Thank you so much, Mme Filippelli. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec les membres de la commission. Je dois vous aviser que j'ai déjà sept questions qui ont été enregistrées, alors je vais demander aux membres de la commission d'avoir des questions les plus brèves, et ça va être pour une période de 30 minutes. Alors, député d'Ungava.

M. Lamothe : Bon matin, bon matin. Mme Michel, vous avez très bien décrit les problématiques que les premières nations des Inuits ont vécues les derniers 70, 75 ans, peu importe, l'histoire est triste, mais, par contre, moi, je suis vraiment positif qu'à un moment donné il y a de quoi à faire. Il y a des rapports qui ont été soumis au niveau international, avec la déclaration des Nations unies, le rapport vérité et réconciliation. Récemment, au niveau fédéral, les femmes disparues, au niveau provincial, le rapport Viens. Je crois fortement que la table est mise pour créer un rapprochement puis faire en sorte d'améliorer la qualité de vie des autochtones dans leur milieu.

Il y a une façon de le faire, puis je le disais à Mme Paillé tantôt, la seule façon de le faire, puis je parle par expérience parce que j'ai travaillé huit ans en milieu autochtone dans des années différentes, de 1989 à 2008, puis je suis encore là aujourd'hui, c'est de créer une communication respectueuse, de confiance, et durable. À partir de là, oui, il y a beaucoup de travail à faire, mais il y a de quoi à faire, dans les deux sens. Communication, c'est deux sens. Quand on communique, c'est savoir écouter, c'est savoir comprendre, puis c'est savoir parler, puis c'est savoir écouter, mais c'est dans les deux sens. C'est la seule façon de le faire. Puis je peux vous dire que ça marche, puis je suis confiant que notre gouvernement... Moi, je vois des choses concrètes. Je représente le Nunavik puis le territoire cri, puis il y a des choses concrètes qui bougent. Puis je l'ai vue... puis je ne l'ai pas perçue, puis j'ai été policier à la Sûreté du Québec 30 ans, je n'ai jamais perçu cette volonté-là, tant au niveau policier qu'au niveau gouvernemental, au niveau du ministère de la Sécurité publique, la Santé, ça bouge. Ça fait que, si ça bouge dans le Nunavik, le signal, c'est que ça va bouger partout, puis il y a une volonté de le faire. Puis je le vois, puis je ne suis pas ici pour vous conter des peurs, je le perçois. Puis c'est pour ça que je fais de la politique. Ça fait qu'à partir de là, je suis confiant qu'il y a des choses qui vont changer, puis la façon de le faire, qu'on ait des documents de travail pour travailler ensemble, puis c'est de les appliquer, puis d'y aller un par un, parce qu'on a de l'histoire à remonter, puis il y a du travail à faire.

Moi, la question que je voudrais savoir, si on revient au niveau de l'exploitation sexuelle des mineurs... On a de l'ouvrage à faire là-dessus, c'est certain, vous avez parlé tantôt des possibilités avec les corps de police, puis tout ça, les services sociaux. En attendant que tout se mette en branle, en attendant le rapport qui va être fait, de la commission, puis tout, au niveau des femmes autochtones, au niveau des jeunes dans vos communautés, il y a-tu quelque chose, il y a-tu une prévention qui se fait face à l'exploitation sexuelle des mineurs? Il y a-tu quelque chose qui se fait, présentement?

Mme Paillé (Isabelle) : Donc, depuis quatre ans déjà, je donne un atelier en communauté puis partout à travers le Québec où on me demande cet atelier-là. Ça s'appelle Prostitution, exploitation sexuelle, traite, femmes autochtones disparues et assassinées, parce qu'il y a un lien entre les quatre. C'est important de faire la sensibilisation partout, mais je ne vous mentirai pas, là, aujourd'hui encore, on a de la difficulté à parler de violence en tant que telle. Ça fait que ce n'est pas un atelier que tout le monde se garroche puis... dire : Oui, oui, on veut que tu le donnes chez nous, O.K.? On a beaucoup de tabous à passer au travers.

Donc, tout ce qui est agressions sexuelles et violences, c'est les ateliers de base qu'on donne en communauté, présentement, parce qu'il faut briser les tabous pour être capable d'aller plus loin. Mais, oui, ça fait quatre ans que l'atelier, il roule, là, partout à travers le Québec. Puis je dis partout parce qu'en milieu urbain tous les intervenants qui travaillent auprès des autochtones ont accès aussi à nos ateliers.

• (9 h 10) •

Mme Michel (Viviane) : (Interruption) Oups! Excusez-moi. Vous savez, c'est rare que je rencontre, parce qu'on fait des présentations un peu partout, dans diverses commissions, c'est rare que je rencontre un feed-back de ce genre, vouloir travailler, avoir de l'espoir en un changement. Ça fait quand même longtemps qu'on travaille sur les enjeux des femmes autochtones, et on ne peut pas rater la chance, justement, d'exposer les enjeux des commissions, dans des concertations, etc.

Comment Femmes autochtones du Québec travaille, c'est vraiment l'inclusion. Je pense qu'il doit y avoir des ententes de partenariat, aussi, à quelque part. Les Premières Nations en général, je parle des 11 nations au Québec, sont vraiment comme saturées de se faire déposer un tout cuit, comme ça, que les gens décident pour nous. Si on veut vraiment travailler les problématiques dans quelque thématique qui soit, je pense qu'on doit s'asseoir ensemble, s'entendre. On parle de respect. Merci de revenir avec les valeurs que nous avons. C'est la coconstruction ensemble, la concertation ensemble, et de ne par décider pour nous. Ça, c'est une forme, justement, de bâtir ensemble quelque chose. Pourquoi? Pour, justement, contrer, peut-être, ces thématiques qui détruisent nos jeunes filles. Donc, ça, c'est la façon dont on travaille.

Et, c'est sûr que nous, à Femmes autochtones du Québec, on serait partout, mais je n'ai que 12 employés dans un espace restreint. Et les enjeux sont vraiment flagrants, là, ils sont vraiment énormes. Donc, ça, c'est vraiment, en général... je pense qu'on va travailler aussi un code de partenariat parce qu'il nous faut ça pour que, les gens qui nous abordent ou qui veulent travailler sur des problématiques, on s'entende, justement, sur une ligne directrice. On travaille de cette façon. Concertation. Ma collègue vous parle de communication. Ça va dans les deux sens. Donc, peut-être que j'ai une petite graine d'espoir avec ce que j'ai entendu ce matin, et je vous remercie.

M. Lamothe : Vous êtes bien gentille. On est d'accord.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci beaucoup. Ce matin, je pense qu'effectivement vous nous parlez à coeur ouvert, et nous aussi, il faut avoir le coeur ouvert. Et vous avez bien exposé les facteurs de risque, le contexte historique également. Vous avez parlé de différentes recommandations que vous faites. Il y a eu, quand même, le rapport de la commission fédérale qui a été déposé il y a déjà quelques mois avec un rapport spécifique pour le Québec, et certaines de ces recommandations-là se retrouvent dans vos recommandations. Donc, je pense qu'il y a des recommandations qui sont déjà sur la table et qui n'ont peut-être pas nécessairement besoin d'attendre la fin de nos travaux ou le dépôt de notre rapport. C'est un peu le commentaire que je ferais.

Dans les recommandations que vous faites que je trouve intéressantes, il y en a une... en fait, il y en a deux. Il y en a une qui touche la jeune fille qui devrait être comme exemptée d'avoir une accusation contre elle si elle est sur un mandat d'arrestation. Donc, c'est un peu le pattern du délateur qu'on amène devant le tribunal, qui va parler contre... bien, qui va expliquer ce qui s'est passé à l'intérieur de la communauté, donc c'est la protection d'un témoin. Ça, je trouve ça bien intéressant. L'autre aspect que je trouve intéressant, et j'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus, c'est la question de la maison dont vous avez parlé à Winnipeg, au Manitoba, est-ce que ça fonctionne, est-ce que c'est probant, là, les résultats qui sont constatés dans cette maison-là, et nous en parler un petit peu brièvement parce que je sais que j'ai plein de collègues qui ont des questions.

Tout d'abord, on va parler de la jeune femme qui pourrait être arrêtée... c'est-à-dire, qui ne devrait pas être arrêtée si elle parle de son abuseur, client abuseur.

Mme Lorange (Alexandra) : Oui. On va vous répondre en deux temps, en deux personnes, en fait, selon les expertises. Effectivement, il y a un problème, qui se trouve à la fois en milieu urbain et sur communauté, qui est le fait que, par exemple, une jeune femme peut se trouver avec soit un mandat d'arrestation contre elle, soit certaines accusations, soit pour des délits, méfaits, trafic de stupéfiants, etc., et elle se retrouve dans l'enfer de l'exploitation sexuelle, et donc la crainte qu'elle a, au moment où elle s'en sort... et elle se retrouve devant une intervenante. C'est comme ça que nous, on le sait, c'est que ce sont des témoignages des intervenants et intervenantes des organismes qui veulent accompagner, donc, cette jeune femme, cette victime d'exploitation sexuelle, en disant : Tu dois porter plainte, tu dois témoigner. C'est le moyen de te protéger également et de te sortir de cet enfer-là. Et la jeune victime déclare : Bien, non parce que je sais qu'il y a un mandat d'arrestation, je sais que j'ai des accusations contre moi, et elle a peur que ça se retourne contre elle.

Et pourquoi elle a cette crainte-là? D'une part, parce que c'est fondé, on a vu des gens se retrouver... donc, d'être détenus suite au dépôt d'une plainte pour exploitation sexuelle. Cette personne-là, dans le système, ça sort qu'il y a un mandat d'arrêt, et on lui dit : Bien, si vous voulez bien passer par ici, s'il vous plaît. Et, d'autre part, ce qu'on remarque essentiellement, c'est que la bonne volonté de bien faire les choses et donc de sécuriser cette jeune victime dépend, malheureusement, pour l'instant, de l'agent de police qui la reçoit, que ce soit au poste de quartier, quand on est en milieu urbain ou au poste régional, quand on est sur le territoire, et donc de l'espèce de pouvoir discrétionnaire, en fait, de ce policier-là, qui est un pouvoir réel, pouvoir discrétionnaire documenté, de dire : Bien, non, je n'effectuerai pas ce mandat d'arrestation, je vais vouloir travailler avec toi. Mais ne disparais pas, là, on va essayer de trouver des solutions intelligentes ou de simplement s'asseoir sur le règlement et dire : On va te mettre en détention.

Ce n'est pas une solution structurelle pour l'instant, qui est proposée, où est-ce... et c'est cela, la recommandation de Femmes autochtones du Québec, de dire que la solution, elle doit, à ce moment-là, venir aider les femmes autochtones, et que ce ne soit pas, donc, de la discrétion de l'agent de police qui reçoit la femme au poste de quartier ou au poste régional, mais bien une solution structurelle où est-ce que c'est dans les directives aux agents de police de dire : Bien, s'il y a une femme autochtone qui se présente devant vous, si elle dépose plainte pour une question d'exploitation sexuelle ou vous voyez que c'est ça, la problématique dont elle vient vous parler, et, s'il y a un mandat d'arrestation ou des accusations contre elle, s'il vous plaît, protégez-la, travaillez avec elle, à plus forte raison s'il y a une intervenante sociale, dans le dossier, qui l'accompagne, il y a moyen de créer toute une équipe et de travailler en partenariat social, légal ou policier pour sécuriser cette victime et faire en sorte qu'il y aura un cheminement de réhabilitation qui va inclure le fait de concrétiser le mandat d'arrestation éventuellement ou quelque chose comme ça.

Et donc il y a moyen, d'un point de vue structurel, d'imaginer une solution probante pour cette victime qui va permettre à la fois de lutter contre l'exploitation sexuelle et les problèmes systémiques qui touchent les femmes autochtones sans déboîter, pardonnez-moi l'expression, tout le système puis dire : On va faire fi des accusations. Donc, c'est un peu ce qu'on imaginerait, que cette solution-là soit systémique, parce qu'à problème systémique, solution systémique. Donc, que cette solution soit systémique quand arrive le cas d'une fille autochtone, et non pas simplement tributaire du pouvoir discrétionnaire de l'agent de police qui la reçoit. Est-ce que ça répond à votre question? Je parle toujours très longtemps.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci.

Des voix : ...

Mme Paillé (Isabelle) : Le Centre Ma Mawi Wi Chi Itata à Winnipeg existe depuis plusieurs années, et un des services lesquels ils offrent, c'est qu'ils ont créé une maison d'hébergement spécifique pour les jeunes filles qui sont sorties de l'exploitation sexuelle. Donc, certaines ont des enfants et vivent à même la maison d'hébergement. Donc, on n'a pas de spécificité d'âge, ça veut dire que, s'il y a une fille de 14 ans qui veut aller dans cette maison-là, peut aller dans cette maison-là. Il faut savoir que le Manitoba est une des provinces, à travers le Canada, qui travaille le plus au niveau de l'exploitation sexuelle, puis, eux autres, ils ont des millions comme budget associés à cette problématique-là depuis comme 15 ans, déjà. Donc, il faudrait...

Mme Lorange (Alexandra) : Je vais juste faire une précision, c'est que le Native Women Shelter, entre autres, de Montréal, comme plusieurs autres foyers pour femmes autochtones, n'accepte pas les mineurs seuls. Ils vont accepter les enfants s'ils sont avec leur mère, mais une jeune fille de 14 ans ne peut pas se présenter seule au «shelter». Excusez.

• (9 h 20) •

Mme Paillé (Isabelle) : Donc, c'est ça. Donc, un des services qu'ils offrent, c'est ça, et ça fonctionne, je veux dire, ils nous ont dit, puis vous pouvez voir sur leur site Web aussi, qu'il y a au-dessus de 80 % des filles qui sont passées par leur maison d'hébergement spécifique pour cette problématique-là ne sont pas retournées en exploitation sexuelle. Puis, en plus, elles ont eu un suivi à même la maison à très long terme pour guérir de tous les chocs post-traumatiques qu'elles ont.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci. Merci d'être là aujourd'hui, c'est très apprécié. Hier, on a reçu un groupe qui s'appelle la CLES, que vous connaissez peut-être, et c'était le premier groupe, à ma connaissance, qui utilisait le terme «racisme» dans le cadre de ces audiences. Vous l'avez repris aujourd'hui. J'aimerais ça vous entendre développer un peu. En quoi l'industrie du sexe est raciste selon vous?

Mme Lorange (Alexandra) : Je vais essayer d'être... faire une synthèse. Il est documenté, donc, il y a des études qui ont été sorties et des publications faites sur tout le mythe de la femme autochtone, qui est une espèce de fantasme, semble-t-il, un de plus. Mme Michel a cité le rapport final de l'ENFFADA, on le cite également, avec la citation précise dans notre mémoire, où, justement, l'exploitation, quand on dit qu'elle est raciste, c'est que sont prisées ces femmes autochtones qui sont dans l'enfer de l'exploitation sexuelle, et surtout les filles. Comme quoi les... Et donc le mythe, en fait, donc, ce fantasme, c'est que la file autochtone, premièrement, elle est assez facile, elle accepte un peu n'importe quoi et surtout dès un très jeune âge. Donc, ces filles-là sont prisées dans toute la question de l'exploitation sexuelle et de la traite. Et donc, voilà. C'est pour ça qu'on dit que l'exploitation sexuelle, elle peut être raciste parce que c'est une race très particulière qui va être en demande. Et le fondement de ce fantasme-là, tel qu'il est documenté, viendrait du fait qu'au moment de la colonisation les femmes... le fait que le catholicisme et tout le christianisme n'étant pas instaurés en Amérique du Nord, dans nos croyances de départ et le fait aussi que les mariages se fassent de manière officielle, certes, là, c'est documenté, notamment, je vous réfère aux recherches de Marie-Pier Bousquet là-dessus, mais que, dès le moment où une fille est nubile, elle peut être mariée, donc, les mariages se faisaient assez jeunes, et, en raison des problèmes de famine, etc., qu'il pouvait y avoir sur territoire, il pouvait arriver que deux femmes se retrouvent avec un homme, un chasseur, parce que, s'il était très doué pour la chasse, il devait les nourrir, et l'homme avait toujours une responsabilité de nourrir la femme qui était... avec qui il partageait sa vie. Et donc cette espèce de fantasme du colon catholique qui débarque et qui voit que les femmes sont plus libres qu'elles ne l'étaient eu Europe, ça serait le fondement de ce racisme de l'exploitation sexuelle. Voilà.

Mme Paillé (Isabelle) : J'ai aussi... on voit énormément, à Montréal puis dans les grands centres urbains, le complexe du syndrome de Pocahontas. Il y a des demandes spécifiques. Vous savez que, pour les jeunes filles en exploitation sexuelle, on peut les commander comme une pizza, O.K., et les filles autochtones, on les demande habillées en Pocahontas. Donc, oui, il y a du monde déviant qui ont besoin de vivre le syndrome de John Smith. Donc, c'est une des preuves flagrantes du racisme et des préjugés qui se perpétuent.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Tantôt, on parlait d'espoir, et moi aussi j'aime bien l'espoir, je suis une éternelle optimiste, mais je dois vous dire, quand je vous ai entendue, Mme Michel, que j'étais plutôt découragée parce qu'on sait à quel point ce phénomène d'exploitation des filles et des femmes autochtones a été mis au jour dans les dernières années. Mais, ce que vous nous avez dit dans votre présentation, c'est que le phénomène, en fait, serait en augmentation. Vous avez dit que la demande était croissante. Vous parliez, bon, des stéréotypes qui s'ancrent dans un mythe assez lointain dans notre histoire, mais est-ce qu'il y a d'autres facteurs qui peuvent expliquer cette demande croissante? Parce que ça me renverse, en fait, de voir que ça continue, puis de plus belle.

Mme Lorange (Alexandra) : Le phénomène qui explique la demande croissante, il y a cette... Le fait qu'on en parle de plus en plus vient aussi confirmer tous les problèmes systémiques qui touchent les peuples autochtones au Canada, et plus particulièrement au Québec, dans le cas qui nous occupe. Du côté des exploiteurs, c'est documenté — des exploitants — que plus la personne va être en situation de vulnérabilité, plus elle est facile à exploiter. Et donc, quand on dit que la demande est croissante, c'est que l'offre, elle est là, en ce sens que les filles, elles sont en grande situation de vulnérabilité. De la prostitution de survie, il y en a pour des raisons systémiques. Et je vous réfère au dernier rapport de la reporteuse spéciale de l'ONU sur le logement qui est sorti en 2019 et qui établit clairement que les problèmes de logement dans les communautés autochtones au Québec — et au Québec, je le souligne — viennent ajouter à la situation de vulnérabilité des femmes et des filles autochtones, ce sont ses mots, et donc fragilisent toute leur situation familiale et les rendent encore plus vulnérables aux problèmes de violence familiale, aux problèmes d'exploitation sexuelle, aux problèmes de prostitution de survie parce que, n'ayant pas de logement dans les communautés, elles essaient de se trouver une chambre pour la nuit au sein de la communauté ou elles vont descendre en ville, en milieu urbain, donc descendre dans le sud à partir du territoire pour essayer de survivre. Et donc tout ça crée une offre par pure survie, et le marketing étant ce qu'il est dans toutes les sphères de la vie, offre, demande vont de pair. Donc, la demande augmente en fonction également de l'offre, malheureusement.

Donc, c'est pourquoi aussi, vous remarquerez, dans nos recommandations, qu'on essaie de travailler des deux côtés à la fois, donc, dans la mise en oeuvre efficiente des articles du Code criminel tels qu'ils sont écrits, on ne propose pas de modification législative à cet effet-là, mais également dans toute la prévention. Donc, travailler à la fois en amont et en aval, donc à la fois sur la victime ou la potentielle victime et le potentiel délinquant.

Mme Paillé (Isabelle) : Donc, il y a 15 ans, l'exploitation sexuelle pouvait se résumer à ce qui se passait en milieu urbain qui était connu, O.K.? Il y a les médias sociaux qui ont déclenché une vague, maintenant, c'est facile de se trouver du monde. Facebook est un grand fléau parmi nos communautés. Tous nos jeunes, à la naissance, viennent au monde avec un Facebook, O.K., donc, c'est... puis on écrit tout sur nos Facebook, comme un million d'autres jeunes à travers le Québec, O.K.? Donc, on écrit si ça ne va pas bien, on écrit qu'on a besoin de sortir de la ville. Donc, c'est facile, tu sais, quand on dit qu'une fille autochtone, c'est une cible, c'est facile de savoir laquelle a le plus besoin de sortir de là ou de changer de ville, qui a besoin d'un... Tu sais, j'ai aimé la présentation de Mme Filippenni, qui disait qu'on a un «broken link», O.K., on a un lien qui est cassé.

Maintenant, ça, c'est une des raisons pour lesquelles on va aller plus facilement vers un ailleurs, donc une promesse. Donc, quand on parle, par exemple, dans le mémoire, du petit copain, là, O.K., c'est une des choses, parce qu'on va essayer de combler ce manque-là. Donc, présentement, le fléau est rendu que j'ai des femmes en communautés qui ont une vie tranquille et qui sont envahies par les gens de la ville, là. Il y a des gens de la ville, des prédateurs de la ville, des agresseurs qui vont dans les communautés, puis disent : O.K., moi, je cherche une fille, là. J'ai entendu dire qu'il y avait une telle Mélanie ici. Pouvez-vous me dire où est-ce qu'elle reste? Donc, j'ai les gens de la ville maintenant qui se déplacent puis qui vont chercher directement les filles à même la communauté. Ça fait que ce n'est pas juste : Je vais te payer ton billet d'autobus puis je t'attends à la gare, là. On est à une coche de plus encore. Donc, plus ça va et plus les risques sont énormes.

• (9 h 30) •

Mme Lorange (Alexandra) : Puis il y a une raison — je fais juste préciser — très pragmatique du fait que Facebook soit autant prisé. Il faut débarquer dans le Nord, puis pas besoin d'aller très loin, là, même dans les communautés attikameks, pour constater que, dès lors qu'on passe un certain kilomètre, là, sur l'autoroute, sur la route, même, on n'a plus de réseau. Et donc le seul moyen de communiquer avec le monde extérieur, c'est de se ramasser dans une maison privée ou au bureau du conseil de bande, quelque chose, puis dire : C'est quoi, ton code pour le wifi?

Et donc on ne peut pas texter, on ne peut pas appeler, mais, en revanche, les jeunes peuvent, passez-moi l'expression, se facebooker. Et donc, même pour avoir été intervenante en milieu universitaire, parfois pendant les vacances, que ce soit l'hiver ou l'été pour rejoindre les étudiants universitaires, il faut utiliser Facebook parce qu'ils n'ont pas le téléphone. Donc, on pourrait facilement dire : Oui, mais on pourrait faire de la prévention puis dire aux jeunes d'utiliser moins Facebook. Bien non, c'est ça, leur lien avec le monde extérieur. Ils ont besoin... Les réseaux sociaux ont ouvert cette possibilité du lien avec le monde extérieur, mais, en réalité, également a ouvert un paquet de problèmes. Viviane, tu voulais dire...

Mme Michel (Viviane) : Oui, je voulais rajouter quand même... Lorsqu'on parle, justement, d'augmentation d'exploitants... d'exploitation sexuelle des mineures est en augmentation, ça, ça prouve qu'on n'a pas encore travaillé la problématique. On n'a pas encore de plan d'action pour, justement, travailler cette problématique. Évidemment, elle est peut-être décourageante, mais il y a d'autres enjeux aussi, mais, en même temps, ma collègue ici, ma soeur ici, à côté, qui est Mohawk, nous arrive déjà avec quelque chose de concret.

Imaginez-vous qu'il y a 54 communautés au Québec. Si 54 programmes de ce genre seraient existants... et n'excluons pas la population urbaine, O.K., les grandes villes : Montréal, Val-d'Or, Québec, Trois-Rivières, Sept-Îles... et n'oublions pas aussi, à partir aussi d'où est-ce qu'il y a de l'exploitation minière, toutes ces genres d'exploiteurs de la planète — je les appelle les destructeurs de la planète — qui font une augmentation de ce genre. Si nous, en tant que Première Nation, on avait cette belle opportunité de retravailler nos valeurs, comme elle l'a si bien présenté, je pense que le taux d'exploitation sexuelle baisserait, ça, c'est sûr.

On a fait, Femmes autochtones du Québec, des ateliers avec des jeunes femmes sur, justement, l'exploitation sexuelle des mineures et la traite. Je porte fièrement le tee-shirt, je suis fière d'être femme autochtone et je ne suis pas à vendre. Ça a été une belle rencontre avec les jeunes, parce qu'on a parlé les faits, on a parlé de l'impact, on leur a donné l'information autant sur les lois d'immigration, etc., parce qu'on perd des jeunes filles.

Tout à l'heure, ma collègue vous a dit que ça peut être des éléments déclencheurs sur les femmes autochtones disparues, assassinées. Elles sont importées ailleurs aussi, je suppose. C'est important que je suppose, mais en lien encore avec la traite des femmes. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Il nous reste très peu de temps. C'est superintéressant, on va tenter d'aller rapidement. Alors, députée de Les Plaines.

Mme Lecours (Les Plaines) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Vous venez d'ailleurs de donner des volets de réponse à certaines de mes questions, mais il y en a une que je vais me permettre de poser à ce moment-ci. Dans votre présentation, vous avez... parce que moi aussi, je joins ma voix à celle de mon collègue d'Ungava, comme quoi qu'il y a de l'espoir. Il faut regarder en avant, hein? Et ça va être certainement aussi la création de liens solides, et d'ouverture, et de confiance qui va nous amener un step plus loin.

Vous avez dit, dans votre présentation, qu'il y a certains partenariats qui ont fonctionné. J'espère qu'ils fonctionnent encore. Quels sont-ils et est-ce qu'on peut faire, je m'excuse de l'expression, surfer sur des initiatives qui fonctionnent bien?

Mme Lorange (Alexandra) : Il y a un protocole qui a été signé entre le SPVM et le réseau à Montréal. Maintenant, à savoir qui qui est signataire, etc., on va mettre... tout ce qui va être administratif, on va le mettre de côté ce matin. Le protocole établissait une collaboration. Les points sur lesquels la collaboration a fonctionné ont montré des résultats intéressants. Notez ici que je ne dis pas «probants», je dis intéressants. Je pense qu'il y a encore tout un travail à faire.

Le meilleur exemple qu'on peut donner d'amende honorable, ça a été ce que la GRC a proposé suite au rapport de l'ENFFADA. La GRC a fait amende honorable en disant : On en a manqué une, on en a échappé une. Comment est-ce qu'on peut travailler avec les groupes autochtones en collaboration, etc.? Et je ne vous dirai qu'une chose fort simple, qui est, et votre collègue l'a dit plus tôt ce matin, la collaboration et la confiance mutuelle.

Ce n'est pas juste de nous dire, comme avec un autre corps policier provincial québécois, que je ne nommerai pas, qui établit clairement, chaque fois qu'on se rencontre : Si vous avez des problèmes, appelez-nous. Non, la GRC nous appelle. Quand on parle de collaboration mutuelle, c'est comme ça que ça se concrétise. Ce n'est pas juste de dire : Alors, nous, madame, vous avez des problèmes, vous pouvez m'appeler. Non. C'est de dire : Madame, j'ai un problème, je peux-tu vous appeler? Bien oui. De là à vous donner des exemples très précis, je vais laisser ma collègue Isabelle vous répondre.

Mme Paillé (Isabelle) : On a avec... Je forme aussi tous les intervenants à travers le Québec, donc les corps policiers aussi, tout ce qui a lien avec l'exploitation sexuelle, la réalité des autochtones et tous les sujets sur lesquels ils veulent bien aborder.

Avec la GRC, on a une entente avec un agent de la GRC. On a un bon partenariat. Ils m'appellent quand ils cherchent une fille. Moi, je l'appelle quand je cherche une fille. Donc, ça va dans les deux sens. Quand on parlait de communication, c'est ça. Les crimes majeurs avec l'équipe de Dominic Monchamp... J'ai travaillé, ces dernières années, avec Les Survivantes, Diane puis Josée, pendant longtemps, la clé...

Une voix : Le SPVM aussi.

Mme Paillé (Isabelle) : ...le SPVM, la liaison autochtone, que je vous suggère fortement de mettre comme recommandation, que ça nous prendrait 10 intervenants de liaison autochtone à la SPVM, au lieu de juste une seule qui fait du 24/7 par coeur et non pas par paie. C'est superimportant. Les partenariats, il y en a avec différentes organisations. Il y en a, ça fonctionne, c'est juste qu'on n'a pas le financement qui est récurrent par rapport à ça, et ça, c'est une énorme problématique.

On demande un financement, qui nous est admis une année. Ça ne paie pas les salaires, ce qui est superproblématique, parce que toutes les organisations autochtones concernant l'exploitation sexuelle des mineurs devraient avoir une ressource, un poste spécifique à temps plein pour la problématique de l'exploitation sexuelle des mineurs chez les autochtones. Ils ont besoin de formation. Tous les intervenants ont besoin de formation sur ces problématiques-là. Il y a des intervenants encore, que ce soit en communauté ou en milieu urbain, qui ont peur d'aborder ces problématiques-là.

Moi, j'ai besoin des Survivantes qui travaillent sur cette problématique-là parce que c'est les expertes sur le terrain. Il ne faut pas se cacher qu'elles s'en sont sorties, elles savent comment ça marche. C'est les expertes, donc pas quelqu'un qui sort de l'université, obligeamment, là, pour dire : O.K., bon, c'est une fille avec un bac qu'on veut qui travaille sur cette problématique-là. Ce n'est pas ça. Ce n'est pas comme ça, parce que c'est du monde de terrain dont on a besoin pour travailler cette problématique-là. Désolée, je m'emporte quand on aborde ces...

Le Président (M. Lafrenière) : C'est parfait. C'est superintéressant. Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce, de façon très brève, s'il vous plaît.

Mme Weil : Oui, merci. C'est extraordinaire. Et je ferais peut-être un commentaire, je peux me permettre, quand on va préparer le rapport, on va faire de la cocréation, parce qu'évidemment ce que vous dites, votre message, c'est : Vous connaissez le domaine, c'est à vous d'avoir voix au chapitre. Alors, c'est sûr qu'il y aura une rétroaction avec beaucoup d'experts qu'on a connus, mais ça va être très important parce que c'est vrai, c'est un milieu complexe avec des particularités que vous connaissez tellement mieux que tout autre.

My question will be, actually, for Mrs. Filippelli, and I'll speak in English with you. First, I just want to say how extraordinary your project is, how inspiring it is, how you are so inspiring. And I hope that you bring... that, by working in the community for the community and bringing these young people changing their mentality and making them feel that they are part of the community... And you say that you're going to be... and you have good relations with the police forces. That's good to hear.

As you approach the next phase, because you talked about... Now, you're going to be looking into the whole issue of sensitizing young people to sexual exploitation. My thought was that some of those... It's clear that I think that the success you've had with your program is because there's a sense of community at the base, that these young people, even though they're hurt and they've been angry, they have a sense of community. We don't get that sense, of course, in the broader community, because there's many communities and, you know, well, there's a large metropolitan area, etc.

Do you think that, as you embark on this phase with the experts all around you and that you want to work with other First Nations, that that will be an element of strength in terms of reaching out? Because the predators are not part of the community, as we've just heard, right? They come from everywhere. So it's harder to work on that part of it. So I guess a lot of the focus will be on prevention, and how to get them out of it, and, with examples from Winnipeg, etc., having special places.

But I just wanted to see your thoughts about that, that it is that sense of community that has made you have this kind of incredible success after, what, five years of six years of the program.

• (9 h 40) •

Mme Filippelli (Ellen) : Yes. After seven years, it's not easy. It was a struggle. I mean, if it wasn't political, it was other community members who might have considered crime prevention as... Oh! as they said, we were making our future police officers, you know, through crime prevention, and it's like... And that's a bad thing? What's wrong with that? But, you know, there was that resistance, but we... I have an incredible team of three, you have a big team. You have 11, I have three. And, yes, there's a huge sense of community ownership of what... We own that place, we do. If there's garbage on the side of the road, we'll grab up the kids, and round them up, and: Let's go, let's go pick it up. We're not going to say : Well, who did it? No, later. It's not going to pick up the garbage, right? Not to say that we're going to use our kids like that, but we're going to tell them : You know, just take ownership of where you are. They'll follow. You know, the other ones will come up, they're just lagging behind. The kids that are here now... We got a group of 40 kids who come into our... We have 55 kids in the elementary schools, we have another 30... I know it's not a lot, but it's in the high schools. Then we have... Our facility isn't large enough.

We need the support, we need the dollars. It's just not there. We're always asked to put in a proposal, and I said : You know, I'm so tired of these proposals. You know we need core funding. That's all there is to it. Just give us our dollars. We gave you the stats already, we gave you the results, we're making the results, we're showing it too that it's working. Just give us the money, stop making us jump through hoops, it's just maddening. And it does work. And, yes, it starts with ownership of your community.

Thanks to — I'm being sarcastic — the Government for decriminalizing marijuana, my territory now has over 30 marijuana pot shacks. You know how many people come in our territory every day now? Before that happened, we knew every car on the territory pretty much, we knew who was driving what car. Now, no idea who's on the territory, and that's scary because, just like what you said, there's people coming in to get our kids now. Now, they just humped our job a lot, I mean, a lot more.

We're dedicated with their... you know, for the long run. We're not going to stop, but we need the backing of the Government. I have the backing of the other communities. Our sister communities are just awesome. I have backing of the police force, «centre jeunesse», we have that, it's the Government. The Government needs to... Enough with the surveys and enough with the... This is wonderful, this... you know, but, like, let's move into action now. That's what we need, and I think you all agree, especially the ones that are on the ground. I hope... Did that answer...

Le Président (M. Lafrenière) : Merci.

Mme Weil : Yes. And congratulations one more time, because it was beautiful.

Le Président (M. Lafrenière) : Très brièvement, parce qu'il nous restait une dernière question. Très brièvement.

Mme Weil : Non, non, c'est de les remercier. Merci, tout le monde.

Mme Michel (Viviane) : Je veux juste rajouter un commentaire. J'adore l'énergie que j'ai à côté, vraiment, là, avec mon équipe, évidemment. Ça, c'est une des particularités aussi, chez les Premières Nations. Vos besoins et nos besoins sont vraiment différents. Nos solutions sont vraiment différentes, elles sont adaptées à nos réalités et elles sont adaptées à nos nations. Et, si on veut un réel changement, si on veut un réel plan d'action... Puis arrêtez de soumettre des projets. Les projets, c'est trop à court terme. On entend, ma collègue ici, à côté, ma soeur à côté. Est-ce qu'on peut parler des programmes à long terme, je pense, et avec financement adéquat? Parce qu'il y a une réalité chez les Premières Nations, O.K.? Vous avez le provincial et le fédéral quand on parle de financement.

Le financement fédéral est toujours sous-financé. Ça fait qu'il y a toujours un gros écart. Je veux juste donner un exemple concret. Pour avoir ouvert une maison d'hébergement régionale dans ma communauté — je suis de la nation innue, neuf communautés, on parle de régionales — on avait un financement de 143 000 $, quatre intervenantes, une directrice, et il faut faire marcher. La maison de la ville d'hébergement pour femmes victimes de violence, 450 000 $. Juste pour vous montrer l'écart financement fédéral et financement provincial. En même temps, si on veut vraiment travailler ensemble sur l'exploitation sexuelle des mineurs parce que c'est vraiment un enjeu majeur, puis qui progresse encore en haute, ça prend une volonté politique aussi, la volonté politique et vraiment la volonté décisionnelle à vouloir travailler à vouloir améliorer la condition des vies de nos jeunes filles autochtones. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. De façon très, très, très brève, député de Sainte-Rose, pour terminer.

M. Skeete : Oui. Je m'en occupe. Merci beaucoup, M. le Président, je vais être très bref.

My question is for you, proud representative of Kahnawake. I had the privilege of meeting the Grand Chief and the Band council last year. Some of the greatest initiatives are going on, so I just want to say, you know, I'm not surprised that you guys are doing very well here. A quick question. Specifically in terms, you know, exploitation of minors, does language play a role? The fact that you, guys, are an Anglophone community, you speak English, does that increase your vulnerability? Does that increase the likelihood of exploitation? Is it a disadvantage in any way? Do you have access to documentation and information in English? Can you just give me a quick overview of that, please?

Mme Filippelli (Ellen) : Yes, it's always a challenge to get documents in Québec in English. It is, but it's changing a lot. There are a lot of departments that accommodate, that translate. I wish that there would be more availability funding for translation. That would ease up a lot. But the majority of people on the territory are trilingual. They speak English, French and Mohawk, and there is a lot of Mohawk courses going on now, and our language is coming back to life. But, yes, it is a challenge, in Québec, to get English documents.

The speakers, thought, like Josée and Diane, they were fabulous, they... Their whole team, when it came from Montreal, they... like this, English to French, you know? It was fabulous to see. So I'm... Because we do have French people on the territory, and my staff is all bilingual, so they... But our children, the ones that use to come to us, are English. The adults, the older women who are French, we accommodate them.

M. Skeete : My question, specifically, is : Does language increase your vulnerability or is it... Are you just as vulnerable in any way?

Mme Filippelli (Ellen) : Well, I see that as...

M. Skeete : It's not an issue?

Mme Filippelli (Ellen) : No, no.

M. Skeete : OK. Thank you.

Mme Filippelli (Ellen) : Because a pretty girl, whether they speak... I don't think they're going after them because they speak a language, you know. I don't think a pretty young... woman, she could have her tongue cut out, but I don't think that is what they are after. I think it's, you know, the body, the sex that they're after. So, they're just... no difference.

• (9 h 50) •

Mme Lorange (Alexandra) : On me dit que j'ai droit à une minute. Je vais essayer... Merci. On constate que la... Les études constatent que la langue ne vient pas ajouter à la question de l'exploitation raciale, comme on en parlait tout à l'heure avec votre collègue M. Leduc, mais la langue cause un problème quand vient le temps de la prévention et de la guérison parce que la plupart des programmes provinciaux sont unilingues francophones, et les documents à remplir, que ce soit le formulaire de l'IVAC, par exemple, tout est en français, et c'est un des problèmes qui a été documenté. Notamment, je vous réfère à la commission Viens par rapport à ça, où un des appels à l'action qui doit être mis en place très rapidement est la possibilité d'accès aux formulaires, aux programmes et, en fait, toute la documentation qui émane du gouvernement québécois dans les deux langues officielles du Canada, et ce, avec égard à toute visée politique d'indépendantisme ou quoi que ce soit, les deux langues ne sont... les documents ne sont pas disponibles dans les deux langues. Et donc, quand on se retrouve avec une victime...

Au même titre que, par exemple, la communication avec les agents de police sur le terrain, que ce soit les agents du SPVM... En ville, en milieu urbain, Montréal, on aurait tendance à penser qu'ils sont tous bilingues. Ce n'est pas le cas, ou encore, sur le territoire québécois, les agents de police de la Sûreté du Québec, c'est très difficile de trouver quelqu'un qui parle anglais. Et donc le lien avec les victimes est très difficile à établir, entre les programmes de prévention, les programmes de guérison, les forces policières et la victime, que ce soit pour toutes les communautés anglophones sur le territoire. C'est ce qu'on se fait dire de la part des intervenants. Voilà, donc, c'est à ce niveau-là que ça vient fragiliser le lien.

Le Président (M. Lafrenière) : 15 secondes...

Mme Paillé (Isabelle) : 15 secondes?

Le Président (M. Lafrenière) : ...qui vont durer deux minutes. Allez-y.

Mme Paillé (Isabelle) : O.K. 15 secondes, donc...

Mme Filippelli (Ellen) : ...for that, yes, if you consider that vulnerable, that becomes an issue. But we're fortunate for... Some of our police officers are bilingual, but, yes, a lot of times, they're not.

Mme Paillé (Isabelle) : C'est important de mentionner qu'à travers le Canada nos filles se font balancer d'un bord à l'autre, O.K., pour la traite, là, donc l'exploitation des mineures, sont voyagées d'un endroit à l'autre. Quand les filles parlent juste en français dans l'Ouest, elles n'ont pas de contact, donc c'est beaucoup plus difficile de dire : Écoutez, j'ai besoin d'aide.

Mme Lorange (Alexandra) : Puis l'inverse est aussi vrai.

Mme Paillé (Isabelle) : Puis l'inverse est aussi vrai.

Mme Lorange (Alexandra) : Quand une fille de l'Ouest débarque puis que les gars... les forces policières ne parlent pas anglais, c'est beaucoup plus difficile de la reshipper. Voilà.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre contribution. Je vous avais fait une promesse que c'était une rencontre et pas la seule rencontre. On s'est revus. Alors, merci pour votre contribution.

On suspend quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 9 h 53)

(Reprise à 10 h 1)

Le Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants d'En Marge 12‑17 et aux représentants de la Maison Kekpart.

Je vais débuter en m'excusant, en vous disant qu'on a un petit retard, mais, vous savez, c'est ça, on est une commission à l'écoute, alors on s'ajuste. Alors, je m'excuse pour le petit délai, on a un retard de 30 minutes pour le moment. Je vous rappelle que vous allez disposer de 15 minutes par groupe pour faire votre exposé. Et, par la suite, de façon combinée, il y aura une période d'échange, pas de question, une période d'échange avec les membres de la commission pour une période de 30 minutes.

Alors, j'inviterais les gens d'En Marge 12-17 à faire leur présentation, à se présenter, à nous faire leur bref exposé pendant une période de 15 minutes et, par la suite, ce sera des gens de la Maison Kekpart. Merci d'être avec nous, merci beaucoup.

En Marge 12-17 et Maison Kekpart

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Alors, bonjour à tous. Merci de nous avoir invités, ce matin, à vous partager sur la question de l'exploitation sexuelle. Je m'appelle Marie-Noëlle L'Espérance. Je suis à la direction de l'organisme En Marge 12-17, et je suis accompagnée de Mélissandre Gagnon-Lemieux, notre intervenante spécialisée en exploitation sexuelle, attitrée au projet Sphères, qui m'accompagne.

Donc, pour débuter, je voulais vous mentionner que nous avons remis un document, un document qui s'attarde aux questions de la prévention, de l'intervention pendant l'intervention, je viens de me répéter, mais pendant l'exploitation et enfin à la sortie. Pour répondre aux questions que nous avons reçues avant de venir, nous allons vous présenter sous l'angle jeunesse et l'angle parent. Donc, ultérieurement, vous pourrez peut-être regarder notre document qui va reprendre, dans un autre format, les mêmes interrogations qu'on vous présente ce matin.

Donc, en débutant, je voulais vous prendre quelques minutes juste pour vous mettre la table, parler d'En Marge 12-17, donc notre organisme, situé au centre-ville de Montréal, tout près de Radio-Canada, intervient depuis 1992 auprès des jeunes qui se retrouvent en situation de rue dans le dessein d'offrir l'accueil et l'hébergement et un soutien à leur entourage. Donc, au niveau de la question de l'exploitation sexuelle, nous avons une approche globale sur la question, dont le travail de rue, qui nous permet de rejoindre les jeunes directement dans les milieux, également faire de la liaison avec d'autres endroits comme les centres jeunesse situés sur l'île de Montréal. Également, nous avons une maison d'hébergement qui fonctionne en 24/7, 365 jours par année, parce que nous voulons être présents lorsqu'il y a une situation d'urgence. Donc, les jeunes peuvent débarquer, venir à notre ressource, se mettre en sécurité et, à ce moment-là, bien, évidemment, on peut payer le taxi ou le transport. Et également nous avons un soutien aux parents, donc une ligne d'intervention dédiée aux parents et également différents ateliers et groupes de soutien, parce que la question de l'exploitation sexuelle touche évidemment les jeunes victimes, mais surtout les parents qui vivent, au travers de leurs jeunes, les grandes difficultés auxquelles ils font face. Enfin, nous pouvons, depuis quelques années, travailler dans une deuxième ligne, c'est-à-dire une intervention continue, grâce au soutien de Mélissandre et au projet Sphères; on pourra y revenir un petit peu plus tard dans la présentation.

Alors, pour répondre aux questions sur l'intervention auprès des jeunes et des parents, nous vous apportons notre expérience. C'est une opinion clinique à partir des constats que nous avons dans notre travail. Et je voulais débuter en mettant une petite mise en garde. Nous vous apportons un angle d'intervention, par contre, qu'on parle d'exploitation sexuelle chez les mineurs, et nous allons nous attarder aux mineurs. Il faut regarder peut-être dans un autre temps, et je sais que d'autres experts vous ont déjà un peu parlé de la question, la question des proxénètes. Et les proxénètes ne sont pas tous à l'image des criminels, c'est parfois des jeunes qui ont aussi des difficultés qui les amènent à adopter ce mode de vie, mais également, oui, des agresseurs et, oui, des personnes qui sont récidivistes. Également, l'exploitation sexuelle implique des clients. Nous ne parlerons pas des clients, mais il faut impérativement aborder la question des clients parce qu'il y a une demande pour les mineurs. Et quand on parle d'exploitation sexuelle, on amène des notions de consentement éclairé, de violence, l'âge des personnes, mais c'est qu'il y a une demande et c'est la raison pour laquelle c'est lucratif. Malheureusement, on n'aura pas le temps d'en parler aujourd'hui.

Donc, sans plus tarder, je vais déjà passer la parole à Mélissandre qui va aborder la question du soutien aux jeunes.

Mme Gagnon-Lemieux (Mélissandre) : Merci. Donc, je vais vous faire un portrait de la situation au niveau des jeunes. Donc, les jeunes en contexte d'exploitation sexuelle, on peut voir plusieurs traits communs, dont, par exemple, les carences affectives, une recherche d'attention, d'amour puis de reconnaissance. On constate aussi qu'ils ont souvent un grand vide à combler puis qu'ils vivent leurs émotions de façon intense, ça fait qu'ils ont une difficulté à gérer ces émotions-là, puis on constate une grande méconnaissance au niveau de la sexualité aussi. Ça fait qu'au cours des années, avec En Marge, on a pu avoir toutes sortes de jeunes qui viennent fréquenter la ressource, puis au niveau des jeunes qui sont victimes d'exploitation sexuelle, on a pu dresser quatre profils.

Le premier, c'est l'histoire familiale où certains jeunes ont vu leur mère exercer le travail du sexe comme une activité économique ou dans un contexte de narcoprostitution. Ça fait que pour ces jeunes-là, ça devient un peu un contexte normalisé et banalisé. Donc, ils peuvent... ça représente un moyen accessible pour eux de subvenir à leurs besoins.

On a aussi le profil mode de survie où, là, il s'agit plus d'un contexte d'itinérance épisodique, comme, par exemple, la fugue, où les échanges sexuels deviennent une activité pour subvenir à leurs besoins.

Il y a l'aventure où on rencontre des jeunes qui peuvent avoir eux-mêmes abordé un proxénète pour leur demander de travailler, où, là, le mode de vie est vraiment attrayant, puis qu'ils voient une façon facile de faire de l'argent puis qui ne voient pas nécessairement les conséquences à long terme.

Et je termine avec l'aventure où, là... avec les leurres amoureux et dépendances où, là, c'est des jeunes qui auraient développé une relation amoureuse avec leur proxénète puis qui se croient dans une situation privilégiée.

Pour chacun de ces profils-là, même s'il y a des points communs, ce qui est important, c'est qu'il faut des interventions adaptées pour chacun des jeunes, puis c'est vraiment du cas par cas. En fait, ce qu'on propose, c'est vraiment une écoute, un non-jugement, puis c'est en créant le lien et en écoutant le jeune qu'on va pouvoir savoir c'est quoi, la réelle intervention qu'on peut lui apporter.

Au niveau de la prévention, la prévention, c'est vraiment quelque chose d'important, c'est le début de tout, en fait. C'est vraiment important d'agir en amont. Ça fait que, pour ça, on recommande de développer des ateliers d'éducation offerts aux enfants dès la petite enfance pour apprendre des notions de consentement, d'accomplissement personnel et d'utilisation des réseaux sociaux, comme, par exemple, miser sur un développement de l'estime de soi puis des satisfactions personnelles autres que matérielles, d'aider son jeune à découvrir des loisirs, des choses qui l'intéresse pour pouvoir être capable d'aller chercher une gratification autre que dans l'apparence et le matériel.

Les réseaux sociaux, comme on l'a déjà dit sûrement auparavant, c'est vraiment une méthode de recrutement. Les jeunes mettent leur vie là-dessus, c'est un livre ouvert. Donc, si les parents, les intervenants peuvent accompagner les jeunes à savoir comment utiliser ces réseaux sociaux là puis qu'ils comprennent que, dans le fond, il y a des conséquences à ça puis que ça peut être attrayant pour les recruteurs...

Le pendant l'exploitation sexuelle, bien, développer des maisons d'hébergement qui offrent des répits puis des séjours à moyen terme, augmenter le travail de proximité puis les ressources spécialisées dans les organismes communautaires pour rejoindre et soutenir les jeunes à risque ou impliqués dans une dynamique d'exploitation sexuelle, prévoir des ressources nécessaires pour assurer la concertation des acteurs et des formations des équipes. En gros, une bonne collaboration, là, ça nous permet non seulement d'éviter un dédoublement des services puis des interventions, mais aussi d'éviter des jeunes de se répéter puis de se répéter pour faire ressurgir un trauma qui pourrait être évité.

Une bonne concertation, ça peut permettre une entrée programmée de plusieurs acteurs selon leurs besoins exprimés puis selon le rythme des jeunes. Par exemple, quand j'accompagne un jeune dans le projet Sphères avec la création de liens puis l'écoute, il peut ressortir qu'il va avoir besoin d'avoir un dépistage, d'aller rencontrer un médecin, une infirmière. J'ai la clinique des Jeunes de la rue, qui est un collaborateur vraiment important. Je peux les appeler, on va prendre un rendez-vous, le jeune va pouvoir être accompagné et avoir un suivi là.

Un autre exemple aussi, il y a des questions au niveau de la cour, la peur des représailles, vouloir porter plainte. On a le projet Les Survivantes, on a aussi l'équipe intégrée puis les CAVAC qui sont là pour pouvoir accompagner le jeune puis nous soutenir. Puis au niveau du suivi thérapeutique, depuis peu, on a Marie-Vincent qui sont nos partenaires dans le projet. Donc, un coup de fil, on fait une demande puis le jeune va pouvoir être suivi au niveau d'une thérapie.

On a aussi : offrir un lieu sécuritaire et sécurisant, qui est superimportant, comme En Marge. Les jeunes, quand ils sont victimes d'exploitation sexuelle, ils peuvent vivre toutes sortes de choses. Ils peuvent se mettre en danger. Donc, ils ont besoin d'un lieu où aller se réfugier. On a même la possibilité de faire un code d'urgence avec eux pour qu'ils puissent l'utiliser puis avoir un sentiment de sécurité.

Ça fait que ce qui est important, c'est vraiment que le jeune, il sente qu'il y ait... qu'il se sente en sécurité, puis confiant, puis avoir une référence personnalisée, ça fait vraiment toute la différence. Que moi, je dise au jeune : Viens, j'ai une personne à te présenter, tu vas voir, ça va bien aller, elle va pouvoir être là, c'est un atout vraiment majeur.

Puis, pour la sortie d'une dynamique d'exploitation sexuelle, je tiens à vous dire que, pour moi, le terme «sortie», c'est relatif, dans le sens où ça peut prendre vraiment un certain temps avant qu'il y ait une sortie réelle. Ça dépend vraiment du jeune, du rythme puis de son parcours. Donc, le temps nécessaire à cette transition-là peut prendre vraiment du temps, puis il peut avoir une remise en question, dû à... qu'il faut qu'il aille valider certaines choses, des questions au niveau de l'argent, la peur. Ça fait que c'est l'accompagnement de ces jeunes-là à travers ce passage-là que l'intervenant, avec de l'écoute, de pouvoir susciter l'ambivalence, qui va faire toute une différence puis qui peut aider le jeune.

Donc, ce qui est important aussi, c'est qu'un changement, il est significatif quand il est volontaire par le jeune, puis quand c'est ancré dans une perspective de vie. Donc, c'est vraiment au niveau du rythme, puis il peut avoir plusieurs allers-retours, mais le fait de pouvoir l'accompagner est très important.

Ça fait que je vais laisser la parole à ma collègue pour le volet parents.

• (10 h 10) •

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Alors, comme vous venez de le voir quand même brièvement, il y a plusieurs raisons, donc plusieurs profils pour les jeunes qui se ramassent dans une situation d'exploitation sexuelle. C'est idem pour les parents.

Les parents, c'est vous puis c'est moi. Donc, c'est des personnes bien nanties, des personnes avec différentes difficultés. Les parents, c'est tous les parents qui peuvent être un jour ou l'autre impliqués dans une situation d'exploitation.

Ce que nous voyons chez les parents, c'est quand même une situation d'isolement, isolement parce qu'il y a de la stigmatisation. C'est plus facile mettre une photo de notre voyage à Cuba sur Facebook que de dire : Oh! je viens d'apprendre que ma fille fait des sites pornos.

Donc, le parent a besoin d'être soutenu et être écouté, particulièrement dans une situation où il y a le dévoilement ou la découverte d'une dynamique. Ça viendra toucher toutes les valeurs, tous les fondements qu'on croyait avoir établis.

Donc, à cet effet, nous vous présentons deux recommandations. D'une part, toujours au niveau de la prévention, il est important de construire une relation parent-enfant, et, à cet effet, on peut développer des ateliers qui s'adressent directement aux parents, mais très tôt dans l'enfance, pour que les parents puissent avoir des habiletés de communication, travailler sur peut-être des gestions de crise, mettre des limites, etc. Il est important de voir que, lorsqu'il y a une crise à l'adolescence reliée à l'exploitation sexuelle, ça ne sera pas à ce moment-ci qu'on va apprendre à mettre des règles, et, s'il y avait un environnement un peu plus laxiste à la maison, ça va être très difficile de ramener la situation.

Nous parlons d'habiletés parentales et non de compétences parentales, et c'est un terme auquel nous tenons parce que nous croyons qu'à la base, probablement, la plupart des parents sont déjà avec une certaine compétence, et tous ceux ici qui sont parents, vous savez qu'on n'a pas de livre, à la naissance, qui nous aide réellement à comprendre notre enfant, qui sera unique, et nous sommes uniques. Donc, de développer à partir des défis du parent et de l'emmener à travailler à partir de ses propres besoins va être probablement un gage de succès pour le parent.

Également, durant une situation d'exploitation sexuelle, bien, le parent aura certainement besoin d'échanger, de ventiler, de trouver une écoute et un accueil non jugeant. À cet effet, ce que nous travaillons à En Marge, et particulièrement grâce au projet Ensemble... Nous avons une intervenante dédiée, que j'aurais aimé que vous rencontrez — elle est dans la salle, mais on ne pouvait pas être plus que deux — pour travailler auprès des parents et apporter cette écoute.

Nous avons également des ateliers, dans le cadre des groupes de soutien, qui peuvent être dédiés à des questions qui touchent l'exploitation sexuelle parce que les parents ont beaucoup de questions, et nous croyons que les groupes de soutien entre parents doivent quand même avoir une approche professionnelle parce qu'on veut éviter que les parents vont, entre eux, augmenter le sentiment de détresse ou se faire peur. Une situation qui touche un jeune ne va pas nécessairement toucher l'autre jeune. Donc, c'est à cet effet qu'il y a une animation dans le cadre des groupes de parents.

Également, travailler auprès des parents. Nous croyons que, très largement, nous devons offrir des soutiens aux parents, et que ça doit être accessible. Accessible, ça veut dire être partout, dans différents milieux, parce qu'on le voit que, des parents, avec les rythmes de la vie active, professionnelle, c'est parfois difficile de se déplacer le soir et encore plus s'il y a une grande distance pour aller chercher un soutien ou un accueil, etc. Donc, à ce moment-là, l'intervention auprès des parents se doit d'être répandue à différents milieux, différentes régions. Alors, voilà.

Et également je pourrais ramener la notion de partenaire parce que la relation avec différents partenaires va nous permettre d'intervenir auprès des parents, par exemple, par la référence. Un peu comme disait Mélissandre tantôt pour l'intervention auprès des jeunes, quand on lui présente une ressource, bien, ça va aider à ce que cette personne-là aille chercher de l'aide. Bien, c'est la même chose au niveau des parents. Donc, à ce moment-là, de travailler avec des partenaires qui peuvent nous envoyer directement des parents — ou on peut se déplacer — va créer un élément important pour rendre accessibles les services.

Donc, je vais regarder le temps qui nous reste. Oh là! que ça passe vite, le 15 minutes! Donc, bien, je vais déjà aller au niveau de notre petite conclusion. On aura le temps de parler dans les questions, si vous voulez.

Alors, à ce moment-là, ce que je voulais ramener, en terminant, c'est sûr que ce qu'on vous présente brièvement... l'intervention auprès des jeunes prend du temps, prend du temps, comme elle le mentionnait. La notion de sortie, ce n'est pas des résultats à court terme qu'on doit viser si nous voulons mettre fin à une dynamique d'exploitation. C'est tout un programme, et nos collègues précédents l'ont mentionné, il faut prendre le temps et, pour ça, il faut investir, investir pour permettre un changement significatif chez les jeunes, investir pour travailler en collaboration et en concertation. Il faut mieux se connaître, mais il faut également connaître le mandat respectif de chacun, et c'est important de reconnaître l'expertise de nos collègues pour arriver à une action concertée qui porte ses fruits.

À ce moment-là, c'est sûr qu'il y a différents programmes de financement qui permettent des campagnes de sensibilisation, qui permettent des actions très précises. Et, oui, c'est tout à fait génial, ça permet de développer un angle, mais, si on veut des résultats à long terme pour travailler sur l'exploitation sexuelle, il faudra mettre les ressources nécessaires pour y arriver. Alors, voilà. Je passe ma parole déjà à nos collègues.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. J'invite maintenant les représentants de la Maison Kekpart à se présenter et à faire leur exposé. Merci d'être là.

• (10 h 20) •

M. Desjardins (Richard) : Bonjour à tous. Richard Desjardins, directeur général de la Maison Kekpart depuis 29 ans. Je suis intervenant social de formation.

Moi, j'ai commencé à travailler en prévention de l'exploitation sexuelle en République dominicaine, pas au Québec, mais en République dominicaine. On sait ce qui se passe en République dominicaine avec le crime organisé, mais ça n'a pas tellement changé, en 1987‑1988, c'était la même chose. Le crime organisé n'était pas en République dominicaine, mais tous ceux qui profitaient de ces jeunes femmes là, c'étaient des Québécois. Puis on était une équipe multisectorielle, dont un médecin, une infirmière, une nutritionniste et moi-même, qui se promenait dans les différents ghettos de Boca Chica, Santo Domingo, pour faire de la prévention avec un pénis en bois puis avec des condoms, puis un petit Blanc, là, tu sais, dans la place, ça fait que c'est assez particulier.

Quand je suis arrivé au Québec, je me suis retrouvé dans le quartier Saint-Michel, avec les gangs de rue, et puis, par la suite, à la Maison Kekpart, à partir de 1991, nous, on a développé en 1999 un projet qui s'appelle Sans proxénète ni escorte. Puis là, bien, avec le taux de fréquentation de jeunes filles qui se dévoilaient devant nous, ça nous a permis de travailler avec eux puis de mettre en place un programme qui a été financé tant par le fédéral que le provincial, et jamais par le municipal.

Bon. À ma droite, j'ai Tanya Brunelle, qui est la coordonnatrice de Sans P ni E, mais aussi intervenante dans les écoles en prévention de la prostitution juvénile, mais aussi en intervention. Et puis, moi, j'ai comme trois, quatre chapeaux aujourd'hui. Je suis D.G. de la Maison de jeunes, mais je suis fiduciaire aussi d'un programme de prévention jeunesse financé par Québec, qui était financé par Québec. C'était un plan de cinq ans et il a été réduit à trois ans. Il a terminé le 1er septembre dernier, et puis les permanents qui travaillaient sur ce programme-là ne travaillent plus pour ce programme-là. Et puis aussi, comme père de famille de quatre jeunes femmes, maintenant trois, et du fondateur aussi du projet Sans P ni E.

Tout d'abord, nous remercions nos nombreux partenaires. J'aimerais remercier la police de Longueuil pour l'aide et le support financier. Pas juste le support moral, mais support financier. Et ils font des activités pour nous, pour le financement dans la cause pour la lutte à l'exploitation sexuelle des mineurs. J'aimerais aussi remercier personnellement tous les organismes qui viennent en aide aux victimes et à leurs familles.

N'oublions pas les familles, les parents, les jeunes, qui vivent souvent de la solitude, la peur, les préjugés et la honte. Je suis moi-même père de quatre filles, et maintenant trois. Kim est décédée, donc, ma plus jeune, qui est décédée le 6 décembre 2018 des conséquences de l'exploitation sexuelle et d'une surdose. Je suis bien placé pour vous sensibiliser sur la réalité terrain de l'exploitation sexuelle, comme père.

J'aimerais remercier aussi Martin Valiquette, antigang de Longueuil, qui nous a supportés au niveau familial et au niveau professionnel. Puis j'aimerais remercier Diane Veillette, qui a fait un travail exceptionnel avec Kim, puis ça... Sans sa présence, elle serait décédée plus tôt, avec tout ce qu'elle a vécu. Puis je n'entrerai pas dans les détails. Une victime, tout ce qu'elle vit dans une année, et dont les parents, les amis... Souvent, on dit : Cordonnier mal chaussé, mais en voici un. Et puis, à travers cette étape-là, ma femme et moi, on a toujours gardé espoir en Kim.

La Maison Kekpart existe depuis 1981. Depuis le 7 mars 2017, nous sommes mandataires et fiduciaires du programme Prévention jeunesse. Kekpart est interpelé... est sensibilisé à la cause de l'exploitation sexuelle des mineurs. Depuis 19 ans, Kekpart tient des ateliers de sensibilisation préventifs et éducatifs afin d'éviter à des jeunes filles, garçons fragilisés par différents événements de leur vie de tomber dans une spirale qui peut les entraîner très loin. De plus, à travers nos nombreux programmes, c'est plus de 5 000 jeunes qui y participent annuellement et qui sont sensibilisés et dépistés par nos projets. Plus de 250 jeunes participent quotidiennement à l'ensemble de nos programmes préventifs et éducatifs.

À cet effet, nous souhaitons que les organismes communautaires puissent offrir aux adolescents plus de services de façon soutenue et continue, que ces organismes communautaires continuent d'être supportés et considérés par les différents partenaires du réseau. Il faut plus de sensibilisation et de prévention dans les écoles primaires et secondaires. Les intervenants en prévention doivent être plus présents sur le terrain, surtout plus nombreux afin de pouvoir appuyer les écoles, les municipalités aux prises avec le phénomène de l'exploitation sexuelle et des gangs de rue, que les organismes et leurs partenaires soient reconduits et appuyés par le gouvernement dans l'exécution de nos mandats, le tout à moyen et long terme.

En 2016, le ministre de la Sécurité publique de l'époque et la ministre déléguée à Réadaptation et à la Protection de la jeunesse, de la Santé publique et aux Saines habitudes de vie annonçaient l'octroi d'une aide financière pouvant atteindre jusqu'à 625 000 $. Cette subvention a été réduite à 375 000 $ et est terminée, comme je vous ai dit tantôt, plus tôt, le 1er septembre 2019.

Afin de lutter contre l'exploitation sexuelle des jeunes filles sur le territoire de l'agglomération de Longueuil, le programme Prévention jeunesse visait à appuyer et soutenir les milieux afin qu'ils puissent renforcer leur capacité à se mobiliser pour contrer un phénomène qui met en danger la sécurité de nos jeunes. En septembre 2019, le programme triennal 2016‑2019 de financement en prévention de l'exploitation sexuelle des mineurs a pris fin. Pour Kekpart et ses intervenants, la prévention et les services aux jeunes demeurent notre priorité. Il est donc impérieux de renouveler ce programme le plus rapidement possible. Je vais passer le...

Mme Brunelle (Tanya) : Merci. Je vais essayer de ne pas me dédoubler parce que je crois que Mélissandre et chez En Marge, on se rejoint beaucoup dans nos approches, dans nos façons d'accueillir, aussi, nos jeunes victimes. Donc, je suis Tanya Brunelle, intervenante à la jeunesse à la Maison Kekpart, et je suis coordonnatrice du projet Sans proxénète ni escorte qui est présenté, là, dans les écoles secondaires.

Donc, comme Richard l'a dit, depuis 1999, ce projet-là tourne dans les écoles. On le sait, que la prévention, l'éducation, c'est vraiment, vraiment essentiel pour nos jeunes. On l'a mentionné, mes collègues ici l'ont fait, les jeunes et les familles doivent être accompagnées, sensibilisées, éduquées afin d'augmenter les facteurs de protection et réduire les risques d'exploitation. Le recrutement s'effectue souvent de façon amicale et subtile. Les jeunes qui sont plus à risque, qui sont plus vulnérables, ils ne se rendront pas toujours compte dans quelle spirale ils sont en train de tomber, hein? Donc, en éduquant, en les sensibilisant, en offrant des programmes de prévention adéquats, bien, on peut faire en sorte que ces jeunes victimes-là pourront reconnaître les signes, puis, bien, espérer qu'elles puissent agir, là, de façon, là, adéquate devant des situations potentiellement dangereuses.

On doit investir dans l'avenir de nos garçons. Il faut les valoriser, il faut avoir des programmes personnalisés pour eux. On l'a dit chez En Marge, là, nos garçons, là, ce sont des victimes, eux aussi, malheureusement, souvent. Ils sont manipulés aussi dans ce monde-là. Il y a un appât, il y a un attrait du gain au niveau des gangs de rue, au niveau de l'exploitation sexuelle, qui est puissant. Il faut défaire ça, il faut semer des petites graines d'incertitude, il faut amener l'ambivalence, il faut leur jouer dans la tête, O.K., autant à nos jeunes hommes qu'à nos jeunes filles.

Un des principaux enjeux, on l'a nommé, je vais le nommer encore, c'est le financement qui diminue puis la demande qui est grandissante, la demande de service. Les intervenants des divers milieux sont débordés par les demandes de soutien et d'accompagnement, puis le manque de problèmes... de financement, pardon, récurrent a des répercussions et des impacts tant au niveau de la disponibilité des intervenants terrain ainsi que les ressources. La situation est encore plus dramatique quand on cherche un hébergement vers qui référer nos jeunes. On est chanceux, on a En Marge qui est là 365 jours par année, qui accepte nos jeunes en fugue. On est chanceux, à Longueuil, on a le 2159, mais ils n'ont pas beaucoup de places financées. On a besoin d'hébergement adapté pour ces filles-là, pour ces garçons-là.

On doit travailler avec eux, à leur rythme, dans le respect et la considération, en leur laissant le temps de se déposer. Il faut favoriser une approche bienveillante, centrée sur les victimes. Elles ont des besoins de protection et de sécurité, et c'est seulement lorsque ces besoins seront apaisés et pansés qu'elles pourront commencer à peut-être essayer de sortir du milieu et de se reconstruire.

Avec l'aide des partenaires du réseau, la prise en charge rapide et concertée nous permet d'établir des liens solides et de favoriser des interventions efficaces et profitables aux jeunes et aux intervenants du milieu. Nous, on offre nos ateliers dans neuf écoles de la commission scolaire Marie-Victorin, deux des Patriotes. On est chanceux, on est sollicités par les écoles, mais je vous avoue qu'on est un peu essoufflés aussi par la demande. On a besoin de support. Notre organisme propose de l'accompagnement personnalisé, on fait des références personnalisées nous aussi. Je n'envoie pas quelqu'un au 2159, j'envoie quelqu'un rencontrer Élisabeth du 2159. Je fais des références. Les partenaires, on se connaît, on se concerte, on essaie d'avoir la même ligne de pensée, le même corridor de services.

L'éducation, la prévention essentielle doivent être faites de façon précoce, concertée et systématique dès la petite enfance. Nous devons éduquer nos jeunes dans le respect de soi et de l'autre, leur intimité, des relations amoureuses saines et sécuritaires. Ils doivent être sensibilisés et informés sur des sujets qui les interpellent et auxquels ils s'identifient. Puis, des fois, dans mes ateliers, je vais loin dans mon langage, je suis crue avec mes jeunes parce que c'est ça qu'ils ont envie de se faire dire. Ils ont envie qu'on les comprenne, ils ont envie qu'on les écoute, puis de... Ce n'est pas une conférence, que je donne, c'est un échange que je fais avec les étudiants. On discute ensemble. On doit les écouter sans les juger, les soutenir dans leurs... démarches, pardon, mettre en place des scénarios de protection afin de créer un réseau social et communautaire autour des jeunes victimes et vulnérables. Accueil, considération, respect, c'est essentiel pour que les jeunes se sentent en confiance et en sécurité. Ça va vite, ça va vite. Richard.

• (10 h 30) •

M. Desjardins (Richard) : Comment favoriser un consortium de service et des ressources appropriées et adaptées centrées sur les besoins de la victime dans le but de créer et entretenir un climat de confiance entre la victime et les partenaires? Pas toujours facile. Ça prend du temps, ça prend de l'écoute, ça prend de l'accompagnement, le bon moment, et puis ces jeunes-là ont besoin d'un lieu aussi, puis le lieu est important, puis on doit se choisir... nous, on est chanceux, on est quand même ouverts cinq jours-semaine, 12 heures par jour, de neuf à neuf, du lundi au vendredi. Ça fait qu'on a une... C'est assez large, là, comme ouverture, où les jeunes, non scolarisés et scolarisés, peuvent utiliser nos services.

Il est nécessaire pour les intervenants du milieu de connaître les différentes ressources, parce que souvent les intervenants des ressources à Longueuil ne connaissent même pas ce qui se passe dans leur ville, dans les autres organisations communautaires, les projets ou les difficultés qu'ils peuvent vivre, l'ensemble des partenaires, afin de créer des références personnalisées selon les besoins de jeunes qu'ils accompagnent. Les gestionnaires doivent disposer des moyens financiers afin de libérer leurs intervenants et de leur offrir les formations et les outils nécessaires pour mieux intervenir auprès des victimes. Les victimes devraient avoir accès à du soutien et de l'accompagnement à toutes les étapes de leur cheminement, et ce, peu importe s'ils sont prêtes ou prêts à sortir du milieu ou pas ou bien s'ils souhaitent dénoncer leur proxénète ou non. Ils doivent être respectés, accompagnés, soutenus dans leur cheminement et décision.

Mme Brunelle (Tanya) : Je vais faire rapidement. Dans le fond, quel suivi est possible lorsqu'ils atteignent 18 ans? Bien, notre organisme est ouvert aux 12-18 ans et leur famille. On offre des services gratuitement sur une base volontaire. Lorsqu'ils deviennent adultes, ils ont le choix de poursuivre et de garder un lien avec nous, justement par les références personnalisées. Par contre, il faut assurer la continuité des services, et on doit les diriger, justement, vers nos partenaires, vers les autres ressources qui sont mandatées puis qui ont justement les outils puis les compétences nécessaires, là, pour apaiser puis poursuivre le cheminement, là, avec ces jeunes victimes là. Ce filet de sécurité là est supporté par un réseau de partenaires à qui nous pouvons référer les jeunes qui dépassent, justement, les limites de notre mandat. On a-tu encore du temps?

Le Président (M. Lafrenière) : 35 secondes.

Mme Brunelle (Tanya) : Eh, Seigneur! Bien, je pense que vous comprenez que la prévention, l'éducation, la sensibilisation, ça nous tient à coeur. On est quatre ici, mais on est des centaines, justement, juste sur notre territoire. J'inclus Longueuil dans Montréal, parce que nous, nos jeunes traversent d'un métro à l'autre et tout ça. On a besoin de vous. Merci de nous avoir entendus, merci d'être sensibles et puis, bien, c'est ça. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup de vos présentations. Ça va être à mon tour de vous remercier aussi. J'ai eu la chance de vous voir sur le terrain dans deux périodes de ma vie. Comme policier, j'ai vu En Marge; comme député sur la Rive-Sud, j'ai rencontré les gens de Kekpart, alors je peux témoigner de ce que vous faites sur le terrain. Bravo! Merci. Et, Richard, je veux te dire que lorsqu'on a commencé cette commission-là, on s'est fait une promesse de ne jamais oublier les victimes et les proches. C'est pour ça qu'on est ici, on n'oublie pas. Merci. Première question, la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. C'est un témoignage, M. Desjardins, qui nous a vraiment brisé le coeur, et je pense que vous savez qu'on est vraiment de tout coeur avec vous. Je pense que vous le comprenez et j'espère qu'on pourra, à la mémoire de Kim, apporter des solutions qui seront pérennes et qu'on finisse un jour par voir la lumière au bout du tunnel. Je suis très impressionnée par tout ce qui est fait sur le terrain, par tous les organismes que vous venez de nous exposer pour aider les victimes d'exploitation sexuelle à sortir de cet enfer, mais, malheureusement, il faut faire plus.

Je sais que mon président de commission est un homme qui a du coeur et que cette histoire d'abandon de financement ne peut pas être liée à une conjoncture budgétaire, d'équilibre budgétaire. C'est impossible. Alors, j'espère qu'on vous a donné des raisons, et, si on ne vous a pas donné de raison, moi, je compte... puis je n'ai pas le goût de la partisanerie, absolument pas, mais je compte vraiment sur la volonté du gouvernement pour vraiment corriger le plus rapidement possible cette situation.

Vous nous avez parlé des victimes, on a entendu beaucoup parler des victimes, et ce n'est pas un reproche que je veux vous faire, mais je veux juste vous dire que moi, il faut que je comprenne aussi ce client abuseur qui est un pédophile qui cherche la jeune... la chair fraîche, qui brise des vies et qui semble être complètement en dessous de notre radar. Je veux dire, on dirait qu'on n'est pas capables... excusez-moi, de le pogner.

Est-ce que vous avez des... Dans les rencontres que vous faites, ces jeunes filles et ces jeunes garçons là vous parlent de ces clients-là, ces... Est-ce qu'elles savent... Est-ce qu'elles sont capables de nous dire comment on pourrait mettre la main dessus, puis le mettre sur le banc des accusés, puis l'humilier? On nous parlait hier de ce qu'on a fait dans l'alcool au volant. Moi, je verrais un grand panneau, là, puis mettre des grands noms, là, au pont Jacques-Cartier, puis ceux qui se sont fait pogner cette semaine, là, tu sais. Je veux dire, il faut qu'on aille là.

Qu'est-ce que vous nous suggéreriez? Vous avez dit que vous ne vouliez pas en parler, du client abuseur, mais nous, on a besoin de vous entendre là-dessus, parce que les victimes en parlent de ce client-là. Alors, vous avez la parole, tout le monde, là.

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : En fait, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas nécessairement en parler, c'est que ce n'est pas notre expertise. Nous travaillons directement en concertation avec d'autres intervenants auprès des jeunes et auprès des familles. Nous ne recevons pas des clients. Par contre, c'est un angle important, là, dans l'intervention, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Ce que parfois, on reçoit comme commentaire, c'est : On ne le savait pas ou on va voir... Bien, on ne dit pas qu'on est mineur ou on peut cacher certaines informations. C'est des choses auxquelles on y croit plus ou moins, là, parce que, tu sais, tu as beau être très maquillée ou très bien habillée, une jeune fille a l'air d'une jeune fille, là. Donc, il y a peut-être cette question-là qui pourrait être regardée : Comment est-ce qu'on recherche cette chair fraîche, là? C'est assez cru à dire. Et nos collègues juste avant nous vous parlaient aussi de la recherche de certaines communautés, donc il y a cet attrait-là. Donc, c'est peut-être des goûts déviants au niveau sexuel qu'on pourrait regarder.

Les jeunes filles, il y a un beau travail à Montréal, «un beau» entre guillemets, là. C'est possible de travailler dans la grande région de Montréal, mais il y a aussi des jeunes qui sont délocalisés. Un, c'est plus facile d'isoler une personne, exemple, francophone quand on l'envoie travailler dans un environnement anglophone, mais aussi il y a une demande pour ce côté un peu exotique. Donc, c'est un angle... Moi, je me questionnerais, oui, d'un point de vue criminel, mais aussi d'un point de vue sexologique. Je pense qu'on fait face à des personnes qui ont des déviances, et c'est un angle important à regarder pour considérer la notion des clients.

Je ne sais pas si tu as quelque chose à ajouter, certaines confidences de jeunes.

Mme Gagnon-Lemieux (Mélissandre) : Bien, j'ai le goût de dire que les jeunes, lorsqu'ils m'en parlent, c'est M. Tout-le-monde. Il n'y a pas de particularité. Il y en a des très gentils, il y en a de moins gentils. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de voir le documentaire Picbois où ils nomment que c'est difficile d'aller chercher des clients puis que ce n'est pas facile de savoir pourquoi ils sont là.

C'est ça, le fléau, c'est qu'on a de la misère à savoir c'est quoi. Puis les jeunes, ils sont là pour répondre à la demande. Donc, ils ne prennent pas nécessairement les informations nécessaires puis ils n'ont pas nécessairement envie de nous en parler après, parce que ça fait partie de leur trauma aussi, ça fait partie de plein de choses. Donc, je n'ai pas la chance de pouvoir les questionner à ce niveau-là, mais clairement qu'il faut s'y attarder.

Mme St-Pierre : Dernière question pour l'organisme Kekpart. Je remarque qu'avec tout ce que vous nous avez donné comme documentation, il y a une importance de garder le jeune occupé, de lui faire faire des choses qui vont l'intéresser, jouer à des cliniques de cinéma, de vidéos. Ça fait partie du bagage aussi qu'il faut leur donner lorsqu'on intervient auprès de ces jeunes-là.

M. Desjardins (Richard) : Bien, c'est pour ça que les cinq programmes que vous avez entre les mains, c'est 250 jeunes par semaine qui participent. On a parti aussi une maison pour les enfants 6-11 pour prévenir encore davantage puis augmenter leur estime de soi. Plus que la jeune fille a une estime grande, moins qu'elle va devenir victime. Ça fait qu'il faut continuer à travailler sur des réalisations, sur une perception de soi qui va l'amener à se développer naturellement.

Mais c'est beaucoup de travail, hein? 250 jeunes par semaine, là, c'est énorme. Nous, on n'a pas de maison d'hébergement, là. C'est des programmes puis c'est de jour et de soir, parce qu'on a deux programmes, là, en persévérance scolaire puis en raccrochage scolaire, le mercredi, jeudi, vendredi, avec des protocoles d'entente signés par la commission scolaire Marie-Victorin, qui nous envoie des jeunes de différentes écoles secondaires de la ville de Longueuil.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup.

• (10 h 40) •

Mme Brunelle (Tanya) : J'aimerais peut-être juste ajouter que, dans le fond, c'est pour meubler les heures où les jeunes sont seuls. Ils finissent le secondaire à 15 heures. Souvent, les parents vont travailler jusqu'à 20, 21 heures, donc le 15-21 heures où les ressources sont ouvertes puis qui offrent des ressources destinées à la jeunesse fait en sorte qu'il y a un petit peu moins de jeunes, là, qui vont traîner dans les rues puis peut-être, là, justement, là, tomber sur des situations, là, plus ou moins intéressantes, là.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Vous avez fait référence tout à l'heure au... bien, Picbois, Trafic. On l'a non seulement écouté, on a reçu les gens qui ont produit ça. Alors, merci beaucoup d'y faire référence, ça a été très intéressant.

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : ...

Le Président (M. Lafrenière) : Oui.

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : J'ai envie, en fait, de reprendre leur exemple au niveau des différentes occupations. Également, dans une pensée vers une sortie d'exploitation sexuelle, on s'inscrit... on parle toujours des mineurs, hein, ici, et on s'inscrit également dans des changements à l'adolescence et dans une transition à la vie adulte. Donc, tous les jeunes ont besoin de passer par ces étapes-là, tous les jeunes confondus. Et, à ce moment-là, il faut apprendre qui on est, il faut apprendre qu'est-ce qu'on veut faire dans la vie. C'est quoi nos projets futurs? Dans quoi on est bon? Qu'est-ce qui nous apporte cette adrénaline? Donc, la découverte de soi est essentielle. Il faut panser ses plaies, mais il faut se découvrir. Et une des actions du projet Sphères, que Mélissandre va porter beaucoup, c'est de permettre aux jeunes de vivre des expériences positives en dehors du mode de vie du travail du sexe.

Et ce qu'on n'a pas beaucoup abordé tantôt, mais on faisait référence, entre autres, au Facebook, à toute la matérialisation, nos satisfactions personnelles viennent du regard de l'autre, du nombre de «j'aime», de «like», et ça, dès la très, très petite enfance. On s'inquiète beaucoup de l'image perçue, mais cette image perçue doit se construire à partir de quelqu'un, et ce quelqu'un-là doit être bien dans sa peau également. C'est un outil de prévention, mais également de réhabilitation.

Dans la transition à la vie adulte, il y aura aussi d'autres éléments difficiles parce que nos amis vont être probablement issus de ce milieu-là. Nos activités de loisirs seront probablement la consommation de drogues, parce qu'on s'entend que, dans une dynamique d'exploitation, ce n'est pas facile, donc la drogue aide à passer au travers, et apprendre à faire d'autre chose, c'est tout un apprentissage.

Également, rendu à la vie adulte, se loger... Bien, dans une dynamique d'exploitation, l'argent vient, entre guillemets, facile, parce que ce n'est pas facile, ce que font les jeunes, mais il y a beaucoup d'argent. Donc, quand on retourne vers un travail de commis dans une institution ou une banque... même pas une banque, mais au salaire minimum, au dépanneur, c'est très difficile d'arriver. Également, le logement, quand on sort d'une dynamique d'exploitation... le logement, c'était des Airbnb ou c'était le logement d'un proxénète, surtout dans une dynamique de relation amoureuse, donc il faut retrouver un logement, et, à ce moment-là, il faut le payer, ce logement, il faut de l'argent. Donc, vous voyez le cercle que ça peut amener?

Alors, tous les ateliers comme font la Maison Kekpart ou les découvertes que, dans le projet Sphères, on vise à permettre aux jeunes, sont essentiels pour entamer un changement significatif.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. On va continuer notre défi. Il nous reste encore sept questions en peu de temps. Alors, député d'Ungava.

M. Lamothe : Je vais être court, je ne prendrai pas beaucoup de temps. M. Desjardins, je n'ai pas trouvé le mot exact, là, pour votre témoignage. C'est touchant.

Il y a deux organismes qui sont venus ici hier, puis ils ont parlé de campagnes de sensibilisation. Puis moi, je crois beaucoup à ça. Il y en a une... je ne me souviens plus quel organisme qui a fait un parallèle avec l'alcool au volant puis tout ça. Tu sais, c'est du long terme, puis eux autres disaient que ça prendrait un porte-parole masculin, puis je suis convaincu que vous seriez un très bon porte-parole. Ça fait que je ne sais pas la façon de le faire, je ne sais pas, les organismes, c'était qui puis la façon de tout ça, mais vous êtes une personne très crédible, sûrement un très bon père de famille. Je ne vous connais pas, mais vous avez l'air, puis je pense que ça serait à prendre en considération, vu que... le dévouement que vous faites, local, au niveau provincial.

Je crois à ça aussi, que le porte-parole masculin, là, aurait une crédibilité. Je n'ai rien contre les femmes, loin de là, croyez-moi certain, mais, par contre, ça a été apporté par des femmes qui étaient ici, de différents organismes, puis vous seriez très crédible pour une campagne de sensibilisation provinciale. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Donc, merci, M. Desjardins. Donc, merci pour les jeunes de Saint-Michel, merci pour les jeunes de Longueuil, merci pour les jeunes de partout que vous avez aidé à sauver.

Moi aussi, je trouve, comme ma collègue de l'Acadie, je trouve ça préoccupant, c'est-à-dire, dans un contexte actuel, d'entendre un projet qui n'a pas été renouvelé. J'aimerais vous entendre sur ce projet-là. Quel est ce projet? Parlez-nous de ce projet.

M. Desjardins (Richard) : Prévention jeunesse a été mis en place après Mobilis au Québec, puis lui, Prévention jeunesse, c'est un consortium d'organismes communautaires et d'institutionnels qui... il y a deux buts. Un, c'est l'intervention, l'autre, c'est la direction. Puis Tanya fait partie du comité d'intervention, moi, je fais partie du comité de direction. Puis on est des décideurs, puis ce programme-là, Prévention jeunesse, nous recevons annuellement une subvention de 125 000 $ annuelle et nous, Maison Kekpart, on est fiduciaire. On reçoit les argents et on les redistribue, et le comité, avec les différents partenaires, décide comment l'argent va être redistribué aux organismes communautaires. Ça, c'est la première chose.

La deuxième, ce qu'il faut savoir, c'est que, sur le 125 000 $, il y a seulement deux organismes communautaires financés par Prévention jeunesse, par le ministère de la Sécurité publique. Puis dans ce programme-là, le ministère ou le gouvernement, à l'époque, ont imposé une coordination, temps partiel ou temps plein — dans notre cas, ils ont décidé temps plein — qui prend une bonne partie du financement. Ça fait que nous, quelque part, on espère, pour 2020‑2021, on va recevoir 30 000 $. Et puis Le 2159, maison d'hébergement pour quatre places, va recevoir 30 000 $. Mais pensez-y, là, 30 000 $, c'est impossible de faire les interventions, la prévention, la sensibilisation dans nos écoles comme une ville comme Longueuil, là. Ça ne paie même pas un salaire. Ça fait qu'il faut être créatif, puis il y a des députés qui nous aident beaucoup à ouvrir des portes et à faire du financement aussi pour nos organisations, pour redistribuer ces argents-là par la suite, avoir plus d'organismes qui viennent en aide et d'intervenants qui feraient des actions sur le terrain.

M. Benjamin : Je salue le travail de ces députés-là et je suis prêt à me joindre à ces députés-là pour encourager, en fait, le gouvernement à être cohérent. Je pense que le débat qu'on a actuellement, qu'on a depuis plusieurs mois au Québec, nécessite qu'il y ait de la cohérence, et, pour moi, c'est un enjeu de cohérence. Merci encore pour le travail que vous faites.

Ma deuxième question pour En Marge 12-17, donc j'ai beaucoup aimé vos recommandations, et il y a une recommandation qui me touche en particulier, c'est la recommandation 2. La recommandation 2, c'est la première fois que, dans le cadre de ces travaux-là, on en parle. Souvent, on dit qu'il faut aborder cette question-là en très bas âge, mais vous, vous dites : Il faut accorder un soutien professionnel dès la naissance de l'enfant et se basant sur le développement de leurs habiletés et en éducation. J'aimerais peut-être vous entendre sur cette recommandation-là en particulier.

• (10 h 50) •

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Oui. En fait, au niveau de la prévention, le plus tôt sera le mieux. Il faut savoir que les valeurs adoptées, valeurs familiales, le seront dans la petite enfance. Donc, c'est avant cinq ans qu'on dit souvent tout se joue. Ce n'est pas une peine perdue, hein, on travaille auprès des jeunes, mais il faut savoir qu'il y a beaucoup de bases familiales qui vont se mettre dans ces moments-là.

Également, nous voulons rompre avec le cycle de la pauvreté qui se perpétue sur une génération à une autre génération. Donc là, on n'est pas ici pour parler de la protection de la jeunesse, mais vous l'avez vu probablement comme quoi que des enfants issus de la protection de la jeunesse, ensuite, quand ils deviennent eux-mêmes parents, ils ont encore des lacunes affectives qui ressortent. Et, à ce moment-là, c'est la même chose au niveau de la pauvreté systémique dans certains quartiers et environnements de Montréal. Et c'est pour ça que nous voulons briser ces difficultés-là qu'à la base des personnes vont commencer à porter et qui vont venir teinter.

Également, quand je parlais tantôt de la crise à l'adolescence, autant la crise avec un ado qu'une situation d'exploitation sexuelle, il y a beaucoup de choses qui peuvent être mises de l'avant. Et nous ne voulons pas aborder les parents sous l'angle de la culpabilité. C'est pour ça qu'on ne parle pas nécessairement de développer les compétences, en disant qu'avant on n'était pas compétents, maintenant, on va l'être, mais il y a de ces habiletés de communication et de rôle d'éducateur à mettre de l'avant.

Également, on a souvent des dichotomies d'intervention. On se dit, comme parent, on est dans la pensée positive, on veut tout accorder à notre enfant, ou on est dans le contrôle, non, on va mettre nos limites. Parfois, c'est une question d'éducation, une question d'identité culturelle, mais il y a... entre les deux, il y a des façons d'être... Et ce n'est pas facile, être parent, hein, mais il y a... entre les deux, de trouver un juste milieu qui va être utile, que le parent pourra mettre de l'avant et qui mettra des bonnes bases au niveau de la communication et des limites pour leur enfant. Parce que, rendu à l'adolescence, dans une situation d'exploitation, et je me répète un peu, mais ce n'est pas à ce moment-là qu'on va mettre des limites, parce que l'enfant ne va pas reconnaître et ça va venir exacerber les tensions de la crise à ce moment-là.

Également, dans un contexte, exemple, de surveillance, quand on parle des réseaux sociaux entre autres, ils sont présents. Donc, si on met un grand contrôle à la maison, bien, les jeunes vont aller en cachette chez l'ami, chez le voisin, chez le cousin, et, à ce moment-là, on n'aura pas de contenu sur lequel qu'on va pouvoir travailler et éduquer notre enfant. Donc, c'est préférable, par exemple, d'opter pour la supervision. Qu'est-ce que tu fais? Qu'est-ce que tu cherches derrière ça? Qu'est-ce que ça t'apporte? Et lorsque le premier message, on pourrait dire suspect, arrivera d'une personne, donc, exemple, une demande d'ami de quelqu'un qu'on ne connaît pas, d'envoyer des photos sexy ou tout autre type de racolage qu'on peut voir sur les réseaux sociaux, bien, le parent deviendra aussi l'allié de l'enfant.

Et enfin, on a parlé de moyens de protection, des facteurs de protection, par mes collègues de la Maison Kekpart. Le parent est un pilier pour passer au travers d'une situation d'exploitation sexuelle. Également, le parent va garder ses yeux de parent face à son enfant, et cet enfant auquel... qu'on va voir une étiquette de jeune victime, comme on parlait de transition à la vie adulte, va passer au travers, avoir des passages, avoir des allers-retours, et ils ont besoin de sentir qu'il y a un environnement, qu'il y a une personne à qui ils peuvent se confier, qu'il y a une personne qui sera avec eux. Quand il n'y a personne, c'est sûr que les intervenants vont faire ce travail, mais on recommande fortement un lien avec l'entourage, idéalement les parents. Quand les parents ne sont pas dans un environnement, ça pourrait être, des fois, un oncle, une tante ou un grand-parent très significatif qui pourra garder ce lien-là. Également, on n'a pas beaucoup abordé les situations qui peuvent être très dangereuses. Donc, oui, on peut, comme on disait, mettre des cotes d'urgence au niveau de l'intervention, mais également c'est de donner des nouvelles... de sentir qu'il y a quelqu'un qui nous attend, qui cherche notre bien-être, va être également un outil pour passer au travers. Donc, on parle quand même de passage, donc, pour affronter ces situations-là.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Tout d'abord, toutes mes sympathies, M. Desjardins. Merci pour votre témoignage.

Deux rapides questions, une première en lien avec la recommandation n° 7 d'En Marge 12-17, où vous recommandez d'investir dans un programme visant la transition dans une perspective de changement de mode de vie, en offrant le temps et les ressources nécessaires pour permettre un cheminement significatif. J'aurais aimé ça vous entendre plus. Est-ce qu'on parle ici de logement, de programme de retour aux études? Et surtout, quand on parle de ressources, il y a toute la thématique de la pauvreté qui, souvent, ramène des jeunes dans la prostitution. Qu'est-ce qu'on pourrait faire, par rapport à ça? Est-ce qu'il pourrait y avoir des prestations spéciales d'aide sociale? Je ne sais pas, je lance l'idée?

Et finalement l'autre question rapide, qui s'adresse finalement aux deux groupes, on a peu évoqué la question des parents. Ça commence à être traité un peu, hier, puis avec vous aujourd'hui. Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre? Parce que, là, on comprend qu'il y a déjà des groupes d'animation, de soutien. Qu'est-ce qu'il est possible d'imaginer comme déploiement de ressources pour les parents qui vivent avec un enfant dans une situation d'exploitation sexuelle?

Mme Gagnon-Lemieux (Mélissandre) : Bien, en fait, le projet Sphères, en ce moment, c'est un peu ça qu'on fait, on essaie de permettre aux jeunes de trouver autre chose, de voir qu'il existe autre chose dans la vie, en leur faisant découvrir des ressources, des activités et des loisirs. Pour ça, ça demande énormément de temps, parce que, souvent, on arrive avec des jeunes qui ne se connaissent pas du tout, qui ont beaucoup de traumas puis qui doivent essayer plein de choses pour savoir ce qu'ils aiment, ce qu'ils n'aiment pas. Puis ça peut vraiment être autant se trouver un emploi, que d'aller faire du «go-kart», parce qu'elle aime l'adrénaline, que d'aller faire un atelier de cuisine. Ça peut vraiment être varié, ça demande du temps.

On est quatre intervenants dans le projet Sphères, on a au-dessus d'une trentaine de jeunes. Donc, faites le calcul, ça ne laisse pas... on a cinq jours dans une semaine où est-ce qu'on travaille. Donc, on a besoin de temps. Puis au niveau aussi... bien, de l'argent, parce que pour faire des activités, pour pouvoir amener ces jeunes-là à se découvrir puis tout ça, bien, ça demande de l'argent. Puis il faut un endroit aussi pour ces jeunes-là, vers l'âge de 18 ans, où est-ce qu'ils peuvent être stables, où est-ce qu'ils peuvent se nourrir, parce que ça aussi, ça fait partie des besoins de base d'un jeune. Puis, pour pouvoir l'amener à se découvrir, bien, il faut que ces besoins de base là soient remplis. Donc, nécessairement, ça demande ça.

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Et je vais renchérir sur l'exemple des ressources. Par exemple, quand on arrive au niveau du logement, En Marge, nous avons cinq logements sociaux, cinq. Vous pouvez deviner qu'il y a un petit peu plus de demande que ça. Apprendre à être en logement, donc faire de la cuisine, faire un budget, trouver un emploi, retourner à l'école... parce qu'on ne l'a pas abordée, mais il y a toute la question des difficultés scolaires qui viennent, donc, par exemple, c'est de payer l'inscription au cégep. Pour un jeune, ça peut être un élément... Si on le regarde dans un angle collectif de société, l'inscription au cégep d'une personne, c'est minime comme ressources financières. Quand on regarde sur l'angle de la personne à qui qu'on a donné ce coup de pouce là, ça va être majeur, l'impact que ça va avoir. Donc, oui, ça peut être des bourses pour le retour à l'école, ou des prestations spécifiques, ou des per diem pour aider à faire autre chose. On parle vraiment de mode de vie, parce qu'il y a toute la question, peut-être, derrière le glamour, l'argent facile, et on veut que la personne se définisse autrement pour faire un changement. Alors, il va falloir prendre le temps.

Également, au niveau des questions de traumas vécus, de tous les sévices que la personne va avoir vécus, bien, à ce moment-là, il faut lui donner le temps de se panser ses plaies, de prendre... de se reconstruire comme personne. Et, à ce moment-là, le programme devra offrir un soutien continu. L'investissement qui est fait dans le cadre du projet Sphères, dont disait Mélissandre, est majeur. Quand on a cette jeune fille, par exemple, qui peut voir un éducateur au centre jeunesse, mais avoir un soutien continu avec Mélissandre, qui devient cette personne-là avec qui qu'elle va faire des codes d'urgence, avec qui qu'elle va avoir cette réflexion et travailler ses ambivalences face à sa situation, bien, c'est un investissement à long terme. Mais elle va avoir besoin probablement d'une thérapie, comme avec la Fondation Marie-Vincent. Elle devra avoir un soutien des... nos deux survivantes, je pense au projet porté par Josée et Diane, dont on a déjà largement parlé, qui font un travail exceptionnel, mais c'est des ressources investies qui sont majeures, mais qui sont essentielles si on veut accompagner chaque personne.

Donc, on ne peut pas faire une analyse basée sur des résultats traditionnels parce que c'est sûr que ça coûte cher comme programme. Et, à ce moment-là, j'appuie tout à fait mes collègues ici, parce que, souvent, c'est soit... il faut faire un choix, soit de l'intervention, ou soit de la coordination, ou soit de la concertation, parce qu'on n'a pas l'investissement pour se mettre ensemble, alors que c'est en travaillant tous ensemble qu'on a des résultats significatifs.

Je laisse, pour la deuxième partie de la...

M. Desjardins (Richard) : C'est évident, pour le support parental... Nous, on n'a pas trouvé grand-chose comme support parental, là. Ça n'a pas été facile, puis en étant dans le milieu, avec les contacts que j'avais, avec les ressources environnantes... C'est très, très, très difficile à intégrer des intervenants parentaux. Puis nous autres, on en fait beaucoup, à quelque part, là, au niveau... pour plus 12-17, on...

Moi, Kim est décédée à 24 ans, ça fait qu'on a été sept ans avant dans le tourbillon, là. Je ne sais pas si vous savez, là... tourbillon du proxénète, mais le tourbillon aussi de son dealer qui cognait à la maison, de déménager, d'être victimes d'intimidation, puis etc. Puis, en même temps, je disais toujours : Tu sais, avec la consommation, Kim est devenue menteuse, voleuse puis très manipulatrice. Ça fait que ça, c'était difficile dans le quotidien, en plus de nos jobs, à mon épouse et à moi, de gérer tout ça dans le quotidien. Puis on se disait : Il faut se tenir, il faut se tenir, tu sais.

Puis le support de parents, c'est encadrer un parent et d'être capable que le parent dise non à son enfant. Tu sais, c'est un besoin essentiel, si vous voulez garder... pas le contrôle, là, mais une relation plus facile, plus harmonieuse, parce qu'en sept ans c'est particulier. Ça ne s'explique pas, ça se vit, puis les gens...

• (11 heures) •

Mme Brunelle (Tanya) : Bien, je pense que c'est bien résumé puis je pense qu'En Marge l'a bien dit, ça prend beaucoup de support, ça prend un réseau, justement, pour supporter ces familles-là. Il y a des beaux ateliers qui sont faits chez En Marge. J'ai vu des photos, j'ai vu des projets réalisés, ça fait longtemps qu'ils tiennent ces projets-là. Mais je pense qu'il y a d'autres organismes qui bénéficieraient d'offrir ces services-là aux parents. Mais, encore là, on a besoin d'outils, on a besoin de formation, on a besoin de temps, puis les gestionnaires doivent pouvoir dégager leurs intervenants pour qu'ils puissent, justement, être formés par des intervenants de chez En Marge, par exemple, justement, en lien avec l'accueil des parents, puis le support, et tout ça.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Question très, très courte, députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Oui. Bien, d'abord, permettez-moi de vous remercier pour vos présentations, particulièrement la Maison Kekpart. On voit tout ce que vous faites pour les jeunes de Longueuil. Alors, un immense merci. Puis à vous, M. Desjardins, merci de ne surtout pas lâcher malgré tout. Puis je pense qu'on va mener nos travaux à la mémoire de Kim et de toutes les autres qui, malheureusement, n'ont pas réussi à se sortir de ce fléau.

Je veux revenir justement sur ce que vous disiez dans votre présentation. Vous disiez que l'une des problématiques était de constater que, trop souvent, les différents acteurs du terrain ne savaient pas nécessairement ce qui se passait. Alors, ça témoigne en fait du besoin criant de concertation. Puis, lorsque vient le temps, justement, d'analyser un programme comme Prévention jeunesse Longueuil, j'aurais aimé que vous nous parliez, justement, des effets bénéfiques que vous avez pu voir sur la communauté durant les trois années où le programme a eu cours.

M. Desjardins (Richard) : Ça commence toujours par le lien de confiance qu'on doit créer avec nos partenaires. Entre le communautaire puis l'institutionnel... C'est deux mondes, hein? Puis aujourd'hui je peux dire que le travail qui est fait, qui a été fait, ça a porté fruit pas juste aux gens alentour de la table, mais ça a fait des enfants, ça a fait des petits à l'extérieur des tables de concertation aussi.

Puis on s'est limités, par année, au niveau de l'intervention, le comité d'intervention puis le comité de direction multi, à Longueuil, on s'est limités à peu près à huit rencontres chaque pour que ce soit efficace puis qu'on soit dans notre milieu pour intervenir dans notre milieu. Ça fait que... Puis, avec nos différents partenaires... C'est sûr que, moi, ça fait 29 ans que je suis à Longueuil, hein? 29 ans, tu en crées, des liens avec les policiers. Puis la mentalité a changé aussi beaucoup. Moi, j'ai eu un père policier, je sais c'est quoi, là. On a eu beaucoup de plaisir.

Puis, d'un autre côté, on voit les résultats de travailler ensemble, de diffuser l'information. Parce que les jeunes vont pas mal tous à la même place, hein? Tous, la gang, là, ça se promène. Longueuil, c'est une grande ville, mais en même temps on sait pas mal où ils sont, les jeunes, qui ils fréquentent, qui qu'ils ne devraient pas fréquenter, puis on est capables de s'échanger de l'information et à garder cette information-là confidentielle. Au moment où on décide de la divulguer, c'est parce qu'on a fait nos... on a travaillé, avant de la divulguer, avec nos différents partenaires qui siègent sur les deux tables.

Il y a des organismes qui ne veulent pas diffuser, qui ne veulent pas partager leurs informations, hein? Et puis c'est correct, là, on respecte ça, là. Ils sont à la table puis ils parlent de leur réalité quotidienne avec leurs jeunes. Nous autres, la démarche, elle est plus loin que ça, à quelque part.

Mme Gagnon-Lemieux (Mélissandre) : Pour ajouter quelque chose pour aller dans la même direction, nous autres, dans le projet Sphères, il y a quelques années, quand ça a commencé, autour de la table... On est les centres jeunesse de Montréal, le centre jeunesse anglophone, L'Anonyme, qui est un autre organisme communautaire, et nous. La première année n'a été que de — et le SPVM, bien entendu — se parler puis de s'entendre, institutionnel, communautaire, qu'on... on porte chacun nos chapeaux, mais qu'on puisse travailler ensemble. Puis maintenant il y a encore des défis, il y en aura toujours, mais le travail qui est fait... C'est beau de pouvoir dire à un jeune : Attends, laisse-moi appeler ta TS, parce que mon collègue du centre jeunesse m'a donné le numéro, on va s'asseoir ensemble, on va trouver une solution, tu pourras venir faire un tour à En Marge, attends, on va appeler. Ça fait vraiment une différence, cette concertation-là. Puis le fait que tout le monde est plus ouvert puis s'assoit pour pouvoir collaborer ensemble, c'est un atout majeur.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. En 2 min 10 s, collègue de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Merci, M. le Président. Puis naturellement je joins ma voix, là, à mes collègues pour dire que ça prend énormément de dévouement puis de courage pour continuer à vous impliquer dans cette cause-là.

On parlait justement de coordination puis de concertation, donc c'était vraiment ça, mon point aussi que je voulais apporter. Vous travaillez énormément tous les organismes ensemble, vous vous référez entre vous, donc je pense que vous êtes bien placés pour nous dire de quelle manière... Est-ce que ça pourrait être appliqué de manière plus uniforme peut-être, même, à l'échelle du Québec? Il y a beaucoup de belles initiatives qui sont développées dans certains endroits mais qu'on ne connaît pas ailleurs puis qui ne sont pas reprises. Puis comment est-ce qu'on pourrait mieux coordonner toutes ces initiatives-là, finalement, qui sont prises en charge par, souvent, des organismes comme vous?

Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Oui, certainement. Je crois que, comme l'exemple du projet Prévention jeunesse, on parle du projet Sphères, il y a pareil dans le coin de Québec, avec nos collègues du PIPQ, ce genre de projet là marche et peut être fait à la couleur des partenaires locaux. Donc, à ce moment-là, on devra toujours prendre un temps pour mettre sur pied des ententes de fonctionnement. Et des ententes, c'est au-delà d'un document officiel, là. C'est de se comprendre : Qu'est-ce que vous faites? C'est quoi, votre mandat? Qu'est-ce que je fais? C'est quoi, mon mandat? Comment est-ce qu'on est capables de se rallier? Et qui sont les acteurs que nous avons en place pour travailler ensemble?

Et, oui, ça peut s'exporter. Par exemple, au niveau de nos groupes parents, au printemps, on était à Laval avec les centres jeunesse de Laval, il y a un organisme communautaire de Laval, le TRIL, pour qu'ils puissent eux-mêmes coanimer les groupes par la suite. Parce qu'En Marge on ne peut pas être partout. Donc, ça nous fait plaisir de les soutenir et que, par la suite, ils peuvent eux-mêmes réaliser ces projets-là. Et ça va très bien fonctionner parce que ça va être des partenaires locaux de la région de Laval qui vont y travailler. Alors, c'est juste de prendre le temps de le faire.

Et je reviens aussi sur, toujours, l'analyse des programmes. Les activités de concertation, de développement de projets ne sont pas des activités qui paient, en termes de stats et en termes de résultats, et c'est malheureusement souvent cet angle-là qu'on veut couper dans le financement. Mais, pendant que les gens sont sur place à discuter, oui, ça va prendre des salaires. Ces personnes-là... On a beau être très impliqués et faire beaucoup plus d'heures de manière bénévole, bien, c'est quand même des salaires d'intervenant. Mais, quand l'intervenant, il est là, il n'est pas en intervention. Donc, comme disait ma collègue, en effet, il faut avoir du temps d'intervention qui est dégagé, où est-ce que l'intervenant pourra jouer pleinement son rôle et en parallèle du temps de concertation et de développement.

Il y a quand même des belles initiatives qui existent, des rencontres avec un colloque organisé qui ramènent les personnes de différentes régions. Mais, par la suite, je suis convaincue qu'on est capables de développer des actions concertées avec les partenaires locaux dans plusieurs coins de la province du Québec.

Le Président (M. Lafrenière) : Encore une fois, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends quelques instants pour laisser le prochain groupe prendre place. Merci infiniment.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 14)

Le Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Conseil québécois LGBT. Et je vais faire la même chose que j'ai faite au dernier groupe, je vais m'excuser pour notre retard. Mais vous voyez qu'on est une commission à l'écoute, alors, s'il faut déborder, on déborde, ça ne coupe en rien le temps qu'on a pour vous entendre aujourd'hui. Votre présence est très importante pour nous. Merci d'être là.

Alors, vous disposez de 20 minutes pour faire votre présentation. C'est une présentation seule. Par la suite il y a une période d'échange avec les membres de la commission. Merci, merci de votre patience, et je vais vous inviter à vous présenter et à commencer votre exposé. Merci beaucoup d'être là.

Conseil québécois LGBT

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Merci beaucoup. Est-ce que c'est correct, le son? Donc, mon nom est Marie-Pier Boisvert, je suis la directrice générale du Conseil québécois LGBT. Je devais être ici avec mes collègues de Fierté Montréal, mais qui n'ont pas pu être là, finalement. Donc, j'ai une présentation assez courte.

Donc, en fait, à titre de regroupement qui unit presque 40 organismes et associations LGBT partout au Québec, le Conseil québécois LGBT est fier d'avoir été invité par la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs pour se prononcer sur certains enjeux particuliers touchant sa communauté.

La mission de notre organisme est de défendre les droits collectifs des personnes LGBTQ+ au Québec, et nous avons, donc, participé à faire évoluer les lois, les règlements et les politiques de notre belle province depuis maintenant 25 ans. Nous avons collaboré et collaborons toujours avec le Secrétariat à la condition féminine du Québec et le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, à Ottawa, pour faire de la recherche sur les violences particulières qui touchent les communautés LGBTQ+, en plus de former et informer la population québécoise sur ces enjeux.

Nos recherches se sont toutefois toujours portées sur des personnes adultes, et c'est seulement en collaboration avec des organismes spécialisés sur les enjeux jeunesse, particulièrement la Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+, que nous arrivons à être informés sur les particularités de cette population.

Cela dit, même la coalition n'a que très peu d'information sur le sujet qui intéresse la commission aujourd'hui. Donc, ma présentation fait état de connaissances fort limitées en la matière, non pas parce qu'il n'y a pas de mineurs LGBTQ+ qui sont victimes d'exploitation sexuelle ou qui font du travail du sexe, mais parce qu'il n'existe que très peu de recherches sur le sujet, et, si elles existent, nous n'avons pas eu accès à ces recherches dans le temps limité qui nous était imparti. Nous vous remercions toutefois de votre confiance et espérons vous aiguiller dans une direction qui permettra une prise en compte adéquate et respectueuse des personnes LGBTQ+ dans votre rapport.

En amont de la consultation, nous avons reçu plusieurs questions de la commission auxquelles nous espérions tenter de répondre. Donc, il y en avait quatre : Quel portrait faites-vous de l'exploitation sexuelle des personnes mineures dans la communauté LGBT? Comment faire en sorte que les mesures de sensibilisation et de prévention rejoignent les garçons victimes d'exploitation sexuelle? Comment lutter contre la demande de services sexuels dans la communauté LGBT? Et comment les services destinés aux victimes pourraient-ils mieux rejoindre les garçons et les jeunes de la communauté LGBT?

Quelques éléments devraient être notés quant à l'ensemble des questions avant que je réponde à chacune des questions une par une. Je voulais aussi un peu parler du document de consultation qu'on a reçu par courriel.

En effet, nous avons été déçus de constater que la formulation même des questions présuppose certaines choses sur les personnes LGBTQ+, leurs préférences et leurs comportements sexuels. On ne peut mettre toute la communauté LGBTQ+ dans un seul bateau. Si les statistiques sur les violences sexuelles subies par les adultes peuvent nous démontrer quelque chose, c'est bien que les réalités varient énormément entre les femmes cisgenres lesbiennes, les hommes cisgenres gais, les personnes bisexuelles, les personnes trans, qu'elles soient LGB ou non, et les personnes queer. Vos questions mettent de l'avant... mettent l'accent sur la situation des garçons, ce qui est très important, on s'entend. Mais ça sonne comme si les hommes qui abusent... non, pardon, ça sonne comme s'il s'agissait nécessairement de garçons gais, bisexuels, trans ou queer, lorsqu'ils vivent une exploitation de ce type, ou comme si les hommes qui abusent des garçons sont nécessairement gais ou bisexuels. Or, il s'agit d'un amalgame dangereux entre homosexualité et pédophilie.

Qui plus est, dans votre document, vous mentionniez que, et là, c'est à la page 8, si vous voulez regarder, et là je cite :«Des minorités sexuelles — transgenres, non binaires, etc. — peuvent aussi devenir victimes d'exploitation sexuelle. Pour certaines personnes, la vulnérabilité découle des coûts associés aux chirurgies de réassignation sexuelle.» Fin de la citation. En dehors du fait qu'il n'y a pas de référence qui est associée à cette affirmation, donc je trouve ça assez problématique, je veux également rectifier les faits.

C'est vrai que certains jeunes vont chercher à avoir du soutien social ou financier pour faire leur transition, qu'elle soit légale ou médicale, parce que les deux sont associés à des coûts. Mais ce n'est pas la transition elle-même qui cause la vulnérabilité. C'est plutôt que les jeunes font la recherche d'un bien-être dont ils ont été tant privés, et ça, ça peut passer par le désir de transition. Mais, si on le nomme comme une cause, c'est comme si on généralisait sur des parcours qui sont beaucoup plus complexes.

• (11 h 20) •

Donc, pour focusser maintenant sur la question 1, quel portrait on fait de l'exploitation sexuelle?, d'emblée, lorsqu'on parle vraiment de la seule idée de l'exploitation sexuelle des mineurs, on doit considérer en premier lieu que l'augmentation des facteurs de vulnérabilité pour les jeunes LGBTQ+ survient lorsque ceux-ci sont en questionnement sur leur orientation sexuelle — donc on parle vraiment début de l'adolescence — ou leur identité de genre — ça, généralement, c'est beaucoup plus tôt, donc vraiment dans l'enfance — et que ces enfants-là sont aux prises avec un entourage qui est fermé, voire violent, vis-à-vis de qui ils sont lorsqu'ils en parlent ou lorsqu'ils sont forcés d'en parler. Parfois même, ils n'en parleront pas du tout. Mais, comme disait ma collègue qui était ici tantôt, les valeurs familiales, ça s'implante très rapidement, puis, si on entend très rapidement dans notre enfance : Maudite tapette, n'agis pas comme une fille, machin, ça s'implante, et on sait que, donc, il y a des jeunes qui ne parleront pas nécessairement de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, mais qui vont tenter de fuir quand même leur situation familiale.

Donc, de manière générale, comme j'ai dit un peu tantôt, nous ne savons pratiquement rien sur l'exploitation sexuelle des mineurs LGBTQ+, notamment parce que personne ne s'y est vraiment intéressé jusqu'à maintenant, ce qui alimente les préjugés, les présupposés sur ces jeunes et ces enfants. Nous savons par contre que certains de ces jeunes fréquentent les organismes LGBTQ+ jeunesse, mais on voit qu'ils parlent de leur situation seulement si la confidentialité est garantie et qu'ils savent que leurs confidences vont être reçues sans jugement aussi.

On sait aussi que les jeunes LGBTQ+, lorsqu'ils sont victimes d'exploitation sexuelle, font partie de réseaux qui sont différents de ceux dont on entend parler généralement et dans des espaces qui sont spécifiques aussi aux communautés LGBTQ+, en dehors, donc, de ce que vous pouvez imaginer qui se fait avec les jeunes filles pendant la formule 1, par exemple. Ça ne veut pas dire par contre qu'il n'y a pas de fille LGBTQ+ parmi les filles qui sont exploitées pendant la formule 1, je ne veux pas que vous pensiez ça, mais on se questionne en fait, comme vous, à savoir pourquoi des jeunes se retrouvent dans ces situations-là, au-delà du rejet de leur entourage vis-à-vis de leur identité ou de leur orientation.

On croit qu'une meilleure compréhension de ce «pourquoi» aiderait à la prévention en amont, là où on peut avoir le plus grand impact. Mais, à notre connaissance, il n'y a jamais eu de recherche québécoise publiée sur les jeunes LGBTQ+ en situation d'exploitation sexuelle. Mais, si vous souhaitez qu'une telle recherche voie le jour, nous vous recommandons qu'un partenariat de recherche soit créé entre la Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+ et, idéalement, la Chaire de recherche sur l'homophobie de l'UQAM. Bon, évidemment, ça ne se crée pas en criant ciseau, là, ce genre de partenariat là, ça prend de l'argent, mais c'est une proposition que je vous fais.

Pour focusser... il y a deux questions qui touchent les garçons, donc je voulais les adresser ensemble. C'est clair pour le conseil puis pour ses partenaires que l'exploitation sexuelle des jeunes garçons est organisée différemment que celle visant les jeunes filles. À ce sujet, nous vous recommandons de consulter l'organisme REZO ici, à Montréal — REZO, ça s'écrit R-E-Z-O. Et ils ont un programme, en fait, qui s'appelle le programme Travail du sexe, qui existe depuis 1998 et qui permet parfois... ce n'est pas la clientèle visée, mais ça permet parfois d'atteindre des personnes mineures, des garçons. Nous croyons que l'expertise de REZO permettrait mieux de comprendre de quoi les garçons ont besoin pour être mieux rejoints, en parlant directement avec des jeunes qui ont commencé le travail du sexe avant d'avoir 18 ans.

Nous souhaitons également vous prévenir que nous croyons que des programmes de prévention et de services élaborés sans la collaboration de survivants ou de jeunes adultes qui font le travail du sexe seront assurément inefficaces.

Ensuite, la dernière question, c'était : Comment lutter contre la demande de services sexuels dans la communauté LGBT? Je voudrais rajouter la demande de services sexuels à l'égard des mineurs dans la question parce que nous, en ce qui concerne les demandes entre adultes, nous n'allons probablement jamais lutter contre la demande de services sexuels entre adultes parce que nous ne faisons pas l'amalgame entre le travail du sexe et l'exploitation sexuelle des mineurs et nous sommes un organisme qui défend les droits de toute la communauté LGBT, y compris les travailleuses et travailleurs du sexe.

Mais, si on discute de la lutte contre la demande de services sexuels prodigués par des mineurs, nous croyons qu'il est grand temps que le discours public autour des personnes LGBTQ change drastiquement et que ça fait partie du problème. Nous sommes encore victimes de préjugés qui justifient la violence à notre égard, que ce soit l'idée que les garçons sont capables de se défendre ou que, s'ils ne sont pas capables, qu'ils méritent ce qu'ils reçoivent, ou alors que la violence entre hommes est nécessaire, puisque c'est comme ça que les hommes sont et c'est comme ça que les hommes fonctionnent.

De même, les personnes trans, hommes, femmes, ou non binaires, sont encore vues comme des bêtes de cirque, voire des objets desquels on peut se servir pour ensuite en disposer et dont personne ne se souciera. Si on les considérait comme des humains, on ne les traiterait pas de cette manière.

Les filles lesbiennes subissent aussi des préjugés violents. Il n'y a qu'un pas à faire entre : Ah! si seulement elle avait trouvé le bon gars, elle ne serait pas de même, et : Je vais lui montrer, moi, c'est quoi, une bonne graine.

Quant aux personnes bisexuelles, dont je suis, nous ne sommes pas hypersexualisées, comme on voudrait bien me le faire croire, mais nous subissons l'hypersexualisation qu'on nous impose comme si nous n'attendions que ça, le sexe, et surtout le sexe où on est objectifiés dans une sexualité infinie où notre soif est peut-être enfin étanchée. Mais, j'insiste, ce sont les autres qui nous sexualisent, parfois au point où on finit par les croire et que ça finit par faire partie de notre identité. Et je pense que ça, c'est un facteur de risque qui est généralisé pour toute la communauté LGBTQ+. À force de subir un discours, on finit par le croire.

Pour finir, je veux dire que je n'ai pas vraiment parlé des personnes LGBTQ+ qui sont aussi autochtones ou les personnes LGBTQ+ qui sont aussi racisées ou ethnicisées. Je sais qu'il y a d'autres personnes qui vous en ont parlé, mais peut-être qu'elles n'ont pas eu l'occasion non plus de parler de l'entrecroisement entre ces identités-là. Mais, s'il y a des facteurs de risque élevés pour les personnes, les jeunes LGBTQ+, ces facteurs-là augmentent, évidemment, lorsqu'il y a une intersection de ces identités-là avec d'autres communautés qui sont marginalisées.

Je veux vous recommander... Bien, je sais que vous allez entendre le PIAMP plus tard. C'est une ressource qui nous est très précieuse dans la communauté LGBTQ, même si ce n'est pas inscrit dans leur... je ne pense pas que c'est inscrit dans leur mission qu'ils touchent les personnes LGBT, mais ils le font et ils touchent les jeunes d'une manière très importante. Aussi, REZO, je vous en ai parlé. Et je veux recommander aussi la lecture d'un guide qui s'appelle Pratiques d'ouverture envers les jeunes LGBTQIA2S en situation d'itinérance. C'est un guide qui est destiné aux organismes d'aide en itinérance ou qui oeuvrent auprès des personnes à risque d'itinérance. Et c'est un guide qui est fait par la Coalition jeunesse LGBTQ+.

Je vais aussi, évidemment, finalement mettre mon discours mais... mon mémoire, on va l'envoyer, là, avant le 1er mars, et il sera sans doute bonifié, là, par REZO, par la coalition. On avait manqué de temps un petit peu. Ça fait que, voilà, c'était ce que je voulais vous dire.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. On va maintenant débuter une période d'échange avec les membres de cette commission. Mais, avant tout, je vais avoir besoin d'un consentement pour poursuivre nos travaux jusqu'à midi. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement, merci beaucoup. Alors, on va y aller avec une première question. Députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Foster : Mme... (Interruption) Excusez-moi. Moi aussi, j'ai de la misère avec ma voix. Mme Boisvert, merci, merci beaucoup. Votre témoignage apporte beaucoup de points très intéressants à la réalité de la communauté LGBTQ+.

La première chose qui m'a accrochée, vous avez beaucoup parlé, vous dites : On ne sait rien de l'exploitation sexuelle des mineurs versus la communauté LGBTQ+. Vous m'avez un peu devancée, là, j'avais déjà demandé mon droit de question... Mais vous avez parlé d'une possible alliance avec, entre autres, la Chaire de recherche sur l'homophobie de l'UQAM. Parce que je pense qu'il va falloir recueillir des données probantes, hein? Tout part de là. On a toujours de la difficulté à avoir des données probantes en général, dans le domaine de l'exploitation sexuelle, ce n'est pas facile. Mais je comprends que, pour votre communauté, c'est quelque chose, là. Ce n'est vraiment pas facile. Tout part toutefois de l'obtention, au moins, d'une partie des données probantes. Est-ce que vous avez déjà eu des discussions à cet effet-là avec la chaire? Est-ce qu'ils montrent de l'intérêt? Parce que vous les avez mentionnés.

• (11 h 30) •

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Je vous dirais que la chaire... Bien, j'en ai surtout parlé avec la coalition parce que je sais que la coalition est vraiment débordée, là, puis qu'ils ont plusieurs projets en ce moment. Mais, non, la directrice m'a bien dit que, tu sais, c'est sûr que, s'il y avait un mandat particulier, ils le prendraient parce que c'est quelque chose qui touche leurs jeunes. Eux, ils ne font pas de l'intervention, mais ils sont un regroupement comme nous, là, dans le fond. Ça fait qu'il y a quatre groupes jeunesse montréalais qui font partie de la coalition, puis, dans le fond, c'est vraiment leur espace de concertation, ça fait qu'ils le savent, tu sais, c'est quoi, les besoins des jeunes LGBTQ+, à Montréal, du moins.

Pour la chaire en général, pour l'avoir vécu moi-même avec la chaire, tu sais, c'est déjà arrivé qu'un ministère demande un mandat particulier à la chaire. Il s'allie... d'un partenaire communautaire, puis la recherche se fait. Mais, tu sais, c'est tout fait en collaboration, là. Puis, tu sais, je n'en ai pas parlé, mais je suis certaine qu'en fait, probablement, ils me diraient : Non, il n'y a pas de recherche là-dessus. Puis ils me diraient : On va engager quelqu'un... Bien, s'ils ont de l'argent, là, ils vont engager quelqu'un pour, tu sais, faire une revue de littérature puis, après ça, bien, peut-être essayer de recueillir des données, là. Mais c'est sûr que ce serait quand même un travail de longue haleine.

Mme Foster : Autre question. On est toujours dans la concertation entre organismes. Il y a beaucoup d'intervenants qui sont venus, qui nous ont parlé de cette importance de la concertation. Vous, dans le cadre de vos activités quotidiennes, là, quand vous avez vent ou que vous êtes confrontés à des cas d'exploitation sexuelle, est-ce que vous avez des liens avec d'autres organisations, des liens privilégiés de concertation, en ce qui concerne cette problématique-là?

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Nous, au conseil, ça n'arrive pas, là. On n'a pas de témoignages de jeunes qui arrivent chez nous. Par contre, quand j'ai reçu l'invitation, j'ai tout de suite appelé la coalition pour avoir, tu sais, de l'information supplémentaire sur comment eux, ils vivaient ça. Puis c'est là qu'on m'a informée que, oui, des fois, il y a des jeunes en situation d'exploitation qui viennent dans les groupes jeunesse, mais ils ne pourraient pas en parler ou dénoncer parce qu'il y a vraiment une relation de confidentialité, tu sais, entre l'intervenant puis le jeune. Puis je ne pense pas que ce ne soit jamais arrivé que ce soit des jeunes en bas de 16 ans, là, comme... Je pense qu'il y a une espèce de flou dans la tête des intervenants sur s'ils doivent appeler la protection de la jeunesse ou non, là, parfois. Mais c'est eux aussi qui m'ont parlé qu'il y avait des liens, là, avec PIAMP. Ça fait que, tu sais, au moins, là-dessus, je sais qu'ils ont certains liens.

Mais ils ont toujours peur aussi de... Puis ça, c'est quelque chose qu'on voit chez les adultes aussi, là, les groupes jeunesse LGBTQ+, et tous les groupes LGBT, là, en fait, ont souvent peur de référer vers d'autres organismes s'ils ne les connaissent pas vraiment bien parce qu'ils ont peur que le jeune ou l'adulte subisse des préjugés de la part d'intervenants qui ne sont pas nécessairement formés sur les réalités LGBT. Puis, surtout, c'est encore pire si c'est une personne trans non binaire. Ça fait que, tu sais, ça veut dire que peut-être que la personne va être entendue sur sa situation d'exploitation sexuelle, mais va subir des préjugés par rapport à son identité, le même genre de préjugé dont je vous ai parlé, puis être revictimisée finalement, mais par un intervenant plutôt que par la personne qui lui a fait subir de la violence, tu sais.

Ça fait que ça veut dire que, quand il y a des liens qui sont créés, ils sont très précieux, là, ces liens de concertation là. Et c'est pour ça que je vous nommais, tu sais, PIAMP en particulier parce qu'eux, je sais qu'ils ont, tu sais, des intervenants qui sont bien formés, qui sont vraiment au fait, là, en fait, des besoins de la communauté LGBT, même si ce n'est pas dans leur mission comme telle. Ça fait qu'après ça, bien, il y en a sans doute d'autres, là, c'est juste qu'on ne les connaît pas tant que ça. Puis en fait sans doute que ce serait à creuser, là, pour voir vraiment quelles ressources sont bien formées puis outillées, là.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour partager avec nous vos réflexions. Comme ma collègue, je note la carence en termes d'études, de recherches. Et je pense que peut-être qu'on pourrait essayer de stimuler cette curiosité-là parce que ça m'apparaît important, pour la situation actuelle, de la connaître, et aussi peut-être faire de la prévention pour plus tard.

Et les gens de la fierté ne sont pas ici ce matin, mais ce que j'aurais aimé entendre d'eux, c'est le fait que, quand l'événement se tient à Montréal... Ça se tient à Montréal tous les ans. Il y a encore... Il y a beaucoup, beaucoup de gens qui viennent de partout, et c'est vraiment une grande fête et ça devrait être une grande fête. Ça ne devrait peut-être pas être l'occasion, comme ce l'est pour d'autres événements aussi, que des touristes sexuels viennent à Montréal pour venir chercher ce qu'ils recherchent. On a dit tout à l'heure de la chair fraîche, puis il y a des gens qui vont venir juste pour ça, là, on le sait.

Et nous, ce qu'on veut, c'est essayer de trouver le moyen de mettre au banc des accusés le client et non pas la personne qui est exploitée sexuellement. On veut comprendre sa réalité, on veut l'aider. Mais la personne qui... Le client, depuis le début de nos travaux, puis ça fait plusieurs fois que je le dis, les gens vont trouver ici que je me répète, mais on dirait qu'il est vraiment en dessous du radar, et on n'arrive pas à le saisir.

Vous avez parlé du vocabulaire aussi qu'il faut maîtriser et vous avez mis aussi le doigt sur notre vocabulaire à nous. Donc, merci de nous rappeler à l'ordre là-dessus. Je pense que c'est important.

Dans le cas... Je vais essayer de traduire ce qu'on nous a dit à un certain moment pendant la commission. On nous a dit qu'il y a des jeunes, de plus en plus de jeunes garçons, qui s'adonnent à la... qui sont exploités sexuellement, et ils sont encore plus esseulés s'ils veulent se sortir de cet enfer-là. Et des jeunes qui ont aussi passé à travers la transition peuvent être encore plus marginalisés, plus seuls, parce qu'ils ne trouvent pas les ressources nécessaires pour se sortir de cet enfer-là. Vous allez me dire que vous n'êtes pas une spécialiste. Moi non plus, je ne suis pas une spécialiste. Mais mon commentaire ce matin, c'est que vous nous dites vraiment qu'il y a, je pense, un besoin de trouver un partenariat avec une chaire de recherche ou qu'on ait des études plus approfondies sur la situation. Il en existe certainement ailleurs dans le monde, mais ici, au Québec ou à Montréal, on n'a pas cette réalité-là. On n'a pas la connaissance suffisante pour arriver avec des recommandations qui seront structurantes ou qui vont aider ces personnes qui sont victimes, ces jeunes hommes ou jeunes femmes qui sont victimes d'exploitation sexuelle.

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Oui, exact, vous avez pas mal mis le doigt dessus. Mais je pense que... Moi, ce que je sais, du moins, de manière anecdotique, là, c'est qu'aussi il y a... Quand l'exploitation commence dans l'adolescence puis que... se poursuit à l'âge adulte, souvent, elle va être détectée seulement à l'âge adulte, là, puis que, si les personnes sont marginalisées à l'âge adulte, tu sais, comme à 18, 19 ans, ça va être là que ça va être particulièrement difficile de les sortir parce que, là, ils se sentent criminalisés, en fait, comme... Quand ils étaient mineurs, ils étaient comme protégés par la loi, mais après ça ils se sentent criminalisés, puis ça va mener parfois à des conséquences vraiment terribles.

Je donne un exemple d'une intersection, justement, d'être peut-être une personne trans et une personne qui est immigrante. Si cette personne-là fait du travail du sexe pour survivre, disons, à l'âge adulte, mais cette personne-là ne pourra plus... Si elle est criminalisée, si elle se retrouve avec un dossier criminel pas nécessairement à cause du travail du sexe, mais parce qu'elle a des tickets qu'elle n'est pas capable de payer, puis, tu sais, comme, en tout cas, pour toutes sortes de raisons, ou pour entrave au travail des policiers si jamais il y a une altercation, ce genre de chose là, si cette personne-là est criminalisée, elle ne recevra jamais sa citoyenneté. Et ça, ça veut dire qu'elle ne pourra jamais changer ses papiers d'identité. Du moins, à moins que la loi change, là, on le souhaite, là, mais les personnes trans, actuellement, s'ils ne sont pas citoyens ou citoyennes, ne peuvent pas changer leurs papiers d'identité s'ils font leur transition ici, là, au Québec. S'ils l'ont fait déjà, bien, ça, ça ne change rien. Mais, s'ils arrivent puis ils transitionnent ici, bien, ils ne peuvent pas changer leurs papiers d'identité.

Ça fait que tout ça crée des situations de marginalisation. Puis je sais que, là, on focusse sur les mineurs, mais, souvent, tu sais, ce mouvement-là vers le travail du sexe peut se faire à l'adolescence. Et, quand ça se fait, bien, je pense que c'est d'autant plus difficile de les sortir s'ils sont LGBTQ+ parce que le niveau de marginalisation est très élevé, là. Tu sais, comme, ils sont rejetés par leur famille. Ils sont rejetés par la société. Ils sont criminalisés. Tout ça fait en sorte que, finalement, on a un peu abandonné ces personnes-là.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Merci, Mme Boisvert. Je pense que c'est important de prendre en considération, dans notre travail, cet aspect particulier, là, de votre réalité. Vous avez parlé, d'entrée de jeu, que les jeunes de votre milieu étaient dans différents réseaux, ils n'étaient pas dans le même réseau que les autres, et qu'ils étaient dans des espaces spécifiques. Pouvez-vous m'en dire plus? Dans quels réseaux? Comment ça s'articule?

• (11 h 40) •

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Oui. Je ne peux pas vraiment vous répondre parce que c'est quelque chose qu'on m'a dit, tu sais, qu'il existait des espaces spécifiques, finalement, surtout pour les garçons, en fait, là, pour les jeunes adolescents, qu'ils soient... donc, qui sont... tu sais, offrent des services sexuels ou, en tout cas, qui ont un réseau pour le faire à leur place. Mais je pense que, quand on parle d'espace physique, on veut dire que les méthodes de sollicitation ne sont pas les mêmes puis qu'aussi on parle évidemment d'autres lieux que... Tu sais, je disais tantôt la F1, là, mais, tu sais, on parle de d'autres lieux aussi que... les bars de danseuses ou... tu sais, on parle de saunas, on parle, tu sais, de bars gais, quoiqu'en tout cas je ne veux pas trop généraliser non plus, là, sur les saunas.

Puis l'affaire aussi, c'est que nos organismes, comme REZO, ils font de la prévention puis de l'intervention dans les saunas puis dans les bars. Sans doute qu'ils n'ont pas assez de moyens, là, pour le faire de manière plus soutenue, mais c'est quelque chose qui se fait déjà puis il y a déjà de la prévention qui se fait à ce niveau-là. Mais, tu sais, on n'a pas beaucoup d'information. Moi, je n'ai pas beaucoup d'information sur exactement quels canaux de communication sont utilisés, de quelle manière cette exploitation-là est alimentée. Mais sûrement que REZO aurait plus d'informations. Mais aussi, si on avait, bien, des données, là, comme... on pourrait, là, peut-être vous répondre un petit peu mieux, oui.

Mme Guillemette : Merci beaucoup.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci. Député d'Ungava.

M. Lamothe : Bonjour. Vous avez mentionné tantôt, pour les jeunes autochtones, votre programme comme tel. Dans votre mission, est-ce qu'il y a quelque chose de prévu? Y a-tu quelque chose de prévu dans le sens... Bien, je reviens au Nunavik parce que je travaille là, là. Ce n'est pas facile là-bas, ce n'est pas évident, là, pour les personnes qui sont gaies, mais vraiment pas. Ça fait que ma question, c'est de savoir y a-tu quelque chose, y a-tu une avenue ou bien y a-tu... Avez-vous quelque chose en prévision?

Mme Boisvert (Marie-Pier) : En fait, tu sais, j'ai mentionné qu'il y avait des enjeux particuliers, parce que, dans les recherches qu'on fait sur les adultes, on essaie... En fait, il y a un projet qu'on est en train de mettre en place actuellement qui concerne aussi les communautés autochtones, mais c'est vraiment pour les adultes. Puis donc on a des partenariats avec certains groupes autochtones. Mais, pour les jeunes, on ne sait vraiment pas grand-chose. Puis je dirais aussi que la communauté LGBT, en général, on est un peu au point zéro, là, dans les relations avec les communautés autochtones parce qu'enfin il y a toutes sortes de préjugés d'un bord et de l'autre, là, mais surtout de notre bord, envers les communautés autochtones. On a longtemps été plein de préjugés, tu sais, la communauté, pas moi, heureusement. Mais tout ça pour dire que, comme, on est au point zéro, tu sais, on est surtout dans la création de relations, de partenariats, puis on n'est pas encore dans la prévention, tu sais, les campagnes de sensibilisation, ce genre de chose là. On est vraiment juste comme dans un point de créer des liens, là, oui.

M. Lamothe : ...quand j'ai mentionné jeunes, c'est jeunes, jeunes adultes puis adultes aussi, là. Ce n'est pas...

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Bien, ça, c'est quelque chose qu'on est en train de bâtir actuellement. Puis je sais aussi qu'il y a une recherche qui est en train de se faire, par un professeur qui s'appelle Gilbert Émond, sur les communautés autochtones au Québec qui sont aussi LGBTQ+, mais on les appelle souvent «two-spirit» ou bispirituelles. C'est comme être à la fois autochtone et LGBT. C'est comme un mot pour désigner les deux. Donc, je sais que cette recherche-là va sortir éventuellement, là. Ça fait déjà deux ans qu'elle est en cours. Ça fait que ça, on aura plus d'informations là-dessus. Ça, c'est une recherche plus générale, je dirais, sur les besoins des communautés autochtones.

Nous, le projet qu'on est en train de mettre actuellement est implanté ici, à Montréal, en Montérégie, en Abitibi puis sur la Côte-Nord. Et, dans les quatre régions, on a des partenariats avec des communautés autochtones locales. Puis le but... En fait, le projet est sur les violences sexuelles en général, là, envers les adultes. Donc, on va essayer d'avoir des survivants, survivantes, voyons, autochtones, mais aussi de d'autres cultures, de d'autres... voilà, pour en savoir plus sur comment, en fait, elles ont été soutenues par leur milieu.

M. Lamothe : Vous avez nommé différentes régions. Ungava, c'est près de 50 % de la population autochtone au Québec.

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Oui. On a un financement spécifique pour ces quatre régions, mais sauf qu'on a décidé de choisir des régions où est-ce qu'il y a aussi des organismes LGBT, puis je pense que, dans votre région, il n'y en a pas. Éventuellement, ça s'en vient.

M. Lamothe : Un petit peu d'initiative d'en créer une, peut-être?

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Oui, bien oui.

M. Lamothe : C'est bon. Merci.

Mme Boisvert (Marie-Pier) : Merci beaucoup, en tout cas. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. Merci pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 13 heures. Merci infiniment. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 13 h 2)

Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs reprend ses travaux au Centre Pierre-Charbonneau, à Montréal. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien fermer la sonnerie de leurs appareils cellulaires, s'il vous plaît.

Cet après-midi, nous entendrons en audition conjointe les représentants du Projet d'intervention auprès des mineur-e-s prostitué-e-s, le PIAMP, et les représentants de l'organisme chez Stella. Alors, la façon de fonctionner, il va y avoir deux présentations de 15 minutes pour chacun des organismes qui sont ici, et par la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission pour une période de 30 minutes.

Alors, j'inviterais les gens de chez Stella à se présenter, à nous faire leur présentation pendant une période de 15 minutes. Merci d'être avec nous.

Stella, l'amie de Maimie et Projet d'intervention
auprès des mineur-e-s prostitué-e-s (PIAMP)

Mme Wesley (Sandra) : Bien, en fait, c'est les gens du PIAMP qui allaient commencer, oui.

Le Président (M. Lafrenière) : Ah! c'est le PIAMP en premier? Pardon. Parfait. Alors, je recommence mon laïus. Alors, pour les gens du PIAMP, merci d'être avec nous, je vous laisse vous présenter, nous faire votre présentation pour une période de 15 minutes. Merci beaucoup d'être là.

Mme Bombardier (Mathilde) : Merci. Bonjour. Je suis Mathilde Bombardier, présidente du PIAMP. J'utilise le pronom «elle». Et je suis accompagnée de Karl Beaulieu, intervenant au PIAMP, et de Stéphanie Gingras Dubé, nouvellement coordonnatrice de l'organisme.

Tout d'abord, nous souhaitons reconnaître que la commission parlementaire où nous nous exprimons aujourd'hui prend part en territoire autochtone non cédé. Nous reconnaissons la nation Kanienkehaka comme gardienne des terres et des eaux sur lesquelles nous nous réunissons aujourd'hui. Montréal est historiquement reconnue comme un lieu de rassemblement pour de nombreuses premières nations, et aujourd'hui des populations autochtones diversifiées ainsi que d'autres peuples y résident. C'est dans le respect des liens avec le passé, le présent et l'avenir que nous reconnaissons les relations continues entre les peuples autochtones et autres personnes de la communauté montréalaise.

Il est important de nommer que les personnes concernées, les jeunes, ne se reconnaissent pas toujours dans les termes utilisés dans cette commission, et c'est pourquoi le PIAMP préfère utiliser des termes neutres et sans jugement, tels qu'«échange de services sexuels contre toute forme de rémunération». Les mots «victime» et «exploitation sexuelle» évoquent des réalités existantes, mais toutes les expériences en lien avec l'échange de services sexuels ne peuvent et ne doivent en aucun cas être résumées dans ces termes qui sont idéologiquement marqués.

Afin d'avoir une approche respectueuse des jeunes, il est essentiel et important de les considérer comme des personnes à part entière et utiliser un vocabulaire adéquat. Vous l'aurez compris, lors de cette présentation, nous ne parlerons pas de victimes d'exploitation sexuelle, mais de jeunes qui échangent des services sexuels, afin de dresser un portrait au plus près des réalités vécues par ces jeunes dans une approche respectueuse.

Les deux questions suivantes nous ont été posées : Quels sont les leviers pour contribuer à la sortie? Y a-t-il des profils de victimes plus difficiles à rejoindre? Et comment les services destinés aux victimes pourraient-ils être adaptés pour mieux les rejoindre? Lors de notre présentation, nous n'allons pas aborder les leviers de sortie pour les jeunes, puisque notre approche ne s'inscrit pas dans ce sens. En ce qui concerne les profils de victimes difficiles à rejoindre et les approches à privilégier, nous allons aborder les pratiques d'intervention que nous considérons comme étant adaptées et efficaces dans l'optique de répondre aux besoins de ces jeunes, peu importe quels sont cesdits besoins.

Organisme par et pour, le PIAMP a été créé en 1982 par des jeunes de 12 à 25 ans qui échangent des services sexuels, afin de répondre à leurs besoins réels. L'organisme se démarque des discours réduisant les jeunes au statut de délinquants ou de victimes. Fort de sa connaissance du terrain, il adopte une démarche d'intervention permettant de mettre en avant le libre arbitre des jeunes.

Soucieux de rester au plus proche des réalités vécues, le PIAMP s'est adapté. Il sonde régulièrement les évolutions des échanges de services sexuels par les jeunes. Par exemple, en 2004, l'organisme fait le constat qu'il est de plus en plus difficile d'entrer en contact avec de jeunes mineurs qui échangent des services sexuels dans un contexte de travail de rue. Le PIAMP décide alors de réinvestir des milieux tels que les maisons de jeunes, les écoles, les organismes pour saisir les nouvelles réalités des jeunes. À partir de 2008, le PIAMP s'engage sur Internet et les médias sociaux pour compléter ses stratégies d'intervention. En 2015, deux assemblées internes d'orientation font ressortir quelques constats : la gentrification des quartiers urbains provoque la dispersion de la marginalité; les pratiques sur Internet sont largement utilisées; en général, sur le terrain, des services ponctuels et répétitifs sont offerts aux jeunes, mais il n'y a pas d'accompagnement régulier; utiliser les termes «exploitation sexuelle» et «victimes» occulte certaines réalités relatives à la prostitution.

Ces constats nous amènent à multiplier les démarches pour créer et consolider des liens avec les partenaires et les jeunes en privilégiant une approche de proximité de façon à être au plus près des réalités des jeunes. Malgré les changements de contexte du phénomène, notre objectif demeure de travailler avec l'humain dans un échange horizontal, réflexif et dynamique, hors de tout contexte autoritaire. Nous voulons faire en sorte que le ou la jeune participe à la définition de sa propre situation. L'important et ce qui guide nos actions, c'est de sortir de la dimension morale, de ne pas se demander s'il est moralement correct ou non d'échanger des services sexuels. Il est essentiel de centrer notre approche et nos interventions sous l'angle des jeunes et de leurs besoins exprimés.

Le terme «exploitation sexuelle» est utilisé de diverses manières, tantôt pour la coercition sexuelle, tantôt pour des échanges consentis. Oui, la coercition sexuelle existe mais ne correspond pas au vécu de l'ensemble des jeunes. Tous ne se considèrent pas comme victimes. La société leur enlève leur pouvoir d'action et reproduit sur elles l'oppression patriarcale, qui, sous prétexte de protection des personnes, en vient à les opprimer. Les jeunes qui échangent des services sexuels ont des besoins qui ne sont pas assez adressés et pris en compte : besoin de plus de ressources, besoin d'accès à ces ressources, besoin d'être reçus sans être jugés, de pouvoir parler de leur vécu sans que des personnes les poussent dans une direction qu'ils/elles ne veulent pas prendre, d'être compris/comprises dans leurs choix sans être rejetés.

Nous reconnaissons, en fonction de ce que les jeunes nous partagent, que les échanges de services sexuels peuvent engendrer de l'aliénation et avoir des impacts négatifs dans certaines situations. Mais l'aliénation peut aussi exister hors de tout contexte d'échange de services sexuels. De plus, l'échange de services sexuels peut également être une source d'émancipation, qu'elle soit matérielle ou affective, et peut procurer aux jeunes une validation et une reconnaissance de soi en leur donnant un pouvoir d'action sur leur propre vie.

Ainsi, il existe autant de réalités que de jeunes qui échangent des services sexuels. Les aborder de manière unique, c'est nier tous ces chemins de vie. Sommes-nous capables, en tant que société, de dépaternaliser notre vision et de concevoir la sexualité des jeunes hors de tout contexte d'exploitation?

Le PIAMP reconnaît les jeunes en tant que personnes ayant un pouvoir d'agir qui peuvent avoir accès à une sexualité épanouie, libre et consentie, et ce, même en contexte d'échange de services sexuels. Nous souhaitons que les besoins des jeunes soient pris en compte dans leur diversité, sans jugement, dans une approche humaniste. L'important, dans un contexte d'échange de services sexuels, c'est que les jeunes soient outillés, quelle que soit leur situation. Notre rôle est de faire connaître des ressources adaptées à leurs besoins actuels afin qu'ils/elles fassent des choix éclairés. Nous intervenons dans une approche nuancée en tenant compte de l'ensemble des réalités de ces jeunes. Nous ne pensons pas à leur place et nous ne leur imposons pas notre vision de leur situation. Les jeunes sont experts de leur vécu.

Vous nous avez questionnés sur les manières de faire sortir les jeunes des échanges de services sexuels. Pour le PIAMP, ce n'est pas un objectif d'intervention premier. La porte de sortie est un processus que les jeunes peuvent choisir d'entreprendre et dans lequel notre rôle est de les accompagner s'ils font ce choix-là.

• (13 h 10) •

Considérant que les jeunes sont les experts de leur propre situation et qu'ils/elles sont capables de faire des choix sensés et responsables; considérant que n'importe quel jeune a le droit au respect et à la bienveillance, peu importent ses activités; considérant qu'une approche visant directement une porte de sortie pour les jeunes peut briser le lien de confiance avec ceux-ci et ne pas prendre la globalité de leurs besoins en compte; considérant que la coercition et les agressions sexuelles sont une réalité sur laquelle nous nous devons d'agir, tout en acceptant que toute situation impliquant de l'échange de services sexuels n'en est pas automatiquement; considérant que la stigmatisation de n'importe quel groupe social n'amène qu'à le marginaliser davantage et le mettre en danger; considérant l'importance de répondre aux besoins des jeunes, quels qu'ils soient; considérant que l'idée de prendre des décisions en parlant d'un monde utopique est contre-productive et non représentative de la réalité, stigmatise, exclut et marginalise les jeunes; nous recommandons que les ressources qui répondent aux besoins des jeunes en leur accordant un pouvoir d'action soient mieux financées; que les personnes concernées par les échanges de services sexuels ainsi que les organismes qui travaillent avec ces personnes soient davantage consultés et que ces personnes soient mises au coeur de tout processus décisionnel; que les jeunes soient représentés dans des institutions et dans les instances décisionnelles et qu'ils/elles y soient écoutés et non infantilisés; de considérer les jeunes non pas comme des êtres soumis à leurs pulsions ou incapables de prendre des décisions, mais comme des personnes avec un pouvoir décisionnel; que la généralisation d'une seule réalité et le sensationnalisme associé aux échanges de services sexuels chez les jeunes ne prennent pas le dessus sur les besoins réels d'intervention de ces jeunes; la protection des jeunes ne soit pas un prétexte à la répression et l'enfermement des jeunes; que des cours d'éducation à la sexualité traitant des thèmes comme le consentement et les relations interpersonnelles saines soient créés et donnés aux jeunes afin de les outiller et de leur donner le pouvoir d'agir nécessaire pour prendre des décisions éclairées; que toute personne intervenant avec des jeunes prenne le temps de s'informer sur toutes les réalités entourant les échanges de services sexuels afin d'intervenir de la meilleure des manières pour le jeune; que toute personne intervenant avec des jeunes accompagne ceux-ci dans l'identification de leurs besoins, plutôt que d'être dans l'imposition d'une vision paternaliste.

Afin de conclure notre prise de parole, nous aimerions vous questionner à notre tour. Le PIAMP félicitait a priori la tenue d'une telle commission, l'exploitation et la coercition sexuelles étant un enjeu de société grave contre lequel nous nous devons collectivement d'agir. Or, les propos stigmatisants qui ont été tenus à l'encontre des jeunes qui échangent des services sexuels sont problématiques. Comment pensez-vous que se sentent les jeunes qui échangent des services sexuels hors de toute forme de contrainte, alors que vous parlez d'elles et eux comme de pauvres victimes à sauver?

En tant qu'organisme inclusif de première ligne nous déplorons également le fait que les personnes concernées soient sous-représentées lors des auditions. Ce choix regrettable biaise le processus même et transforme une opportunité de consultation réelle en un théâtre mal rodé dans l'entre-soi des personnes non concernées. Alors, donnons la parole aux personnes concernées qui vivent les échanges de services sexuels au quotidien. Considérons ces jeunes comme des êtres humains qui ont des droits, et cela commence par mettre de côté les visions paternalistes et moralisatrices que prônent les discours abolitionnistes.

Maintenant, nous souhaitons nous adresser aux jeunes qui échangent des services sexuels, qui écoutent ou non cette prise de parole : Vos besoins sont réels, vous méritez d'avoir accès à des ressources qui sont sans jugement et à être respectés quelle que soit votre situation. Pour cela, le PIAMP peut vous accompagner. Vous pouvez nous appeler, nous sommes là pour vous. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. J'invite ensuite la représentante de chez Stella à se présenter et à nous faire son exposé. Merci.

Mme Wesley (Sandra) : Alors, bonjour. Mon nom est Sandra Wesley, je suis directrice générale de Stella, l'amie de Maimie. Donc, le nom de l'organisme, c'est bien Stella, l'amie de Maimie, et non pas chez Stella. Ça fait référence à Maimie Pinzer, une travailleuse du sexe qui, en 1915, est arrivée à Montréal, dans le Red Light, et a ouvert le premier organisme par et pour les travailleuses du sexe, qui est reconnu comme un moment important dans l'histoire de la lutte pour les droits des travailleuses du sexe partout dans le monde. Donc, notre nom fait référence à ça.

Nous, notre mission, c'est d'améliorer les conditions de vie et les conditions de travail des travailleuses du sexe. Donc, ce qu'on entend par «travailleuses du sexe»... Parfois, il y a des idées préconçues de qui on est en tant que communauté. Donc, nous, notre communauté a toujours inclus, dans nos 25 ans, les femmes trans, les femmes qui consomment des drogues, incluant les drogues par injection, les femmes en situation d'itinérance, les femmes migrantes, qui sont à risque de déportation si elles se retrouvent dans l'industrie du sexe, les femmes autochtones, qui sont souvent utilisées comme pions dans des arguments publics mais dont les besoins ne sont pas tenus compte.

On est beaucoup des femmes qui ont vécu des expériences très difficiles et très négatives dans l'industrie du sexe, c'est pour ça qu'on s'organise et qu'on se bat pour nos droits. Ce n'est pas parce qu'on pense que l'industrie du sexe est parfaite, c'est, au contraire, parce qu'on voit que nos droits humains ne sont pas respectés et qu'on est, nous, les personnes premières concernées, capables d'identifier les solutions pour améliorer nos conditions de vie, améliorer notre sécurité et faire valoir nos droits.

Notre organisme fait en moyenne 8 000 contacts par année avec des travailleuses du sexe à Montréal. Donc, la défense de droits est un élément de notre mission, mais l'élément principal, c'est vraiment les services directs. Donc, tous les jours, on accompagne des femmes qui vivent toutes sortes de situations et qui rencontrent des barrières à tous les niveaux. Au niveau des travailleuses du sexe, le travail du sexe est criminalisé, donc ça, déjà, ça nous bloque dans beaucoup de démarches dans nos vies. On n'a pas normalement accès à la protection au niveau des services policiers. La plupart des ressources, au niveau des agressions sexuelles, sont ouvertement hostiles envers les travailleuses du sexe, et ils refusent de nous donner des services adéquats. Les refuges, au niveau des violences conjugales, sont généralement également très hostiles envers les travailleuses du sexe, et on n'a pas accès à ces ressources. Et on peut continuer comme ça par rapport à la santé, par rapport à toutes les ressources dans la société. On peut même être évincées de nos logements simplement parce qu'on reçoit des clients à la maison. Donc, la criminalisation est vraiment un élément central sur lequel on travaille chez Stella.

Donc, on est un organisme par et pour. Ce que ça veut dire, c'est que nos employés, nos membres, notre conseil d'administration, nous sommes à très, très grande majorité des travailleuses du sexe nous-mêmes avec des vécus différents, des vécus variés dans l'industrie. Donc, nous sommes les personnes qui sont directement concernées par cette commission. Nous sommes la seule communauté qui est directement concernée par cette commission. Donc, pour nous, le fait d'avoir seulement 15 minutes pour venir vous parler pendant que des personnes qui ne sont pas de notre communauté, mais qui se sont fait des carrières et beaucoup d'argent sur notre dos en parlant de nous sans nous, c'est vraiment quelque chose qui est problématique. Si vous voulez faire une commission sur les jeunes qui échangent des services sexuels, eh bien, ces jeunes-là font partie de notre communauté aussi.

Donc, moi, je suis la directrice générale de l'organisme, et c'est important de vous mentionner que j'ai moi-même vécu, en tant que mineure, dans l'industrie du sexe, puis également des longues périodes d'incarcération en centre jeunesse à cause de mon implication dans l'industrie du sexe. Donc, je pense que c'est important de vous mentionner que je suis, en théorie, une des personnes que vous cherchez à sauver ou à aider dans cette commission.

Donc, si on écoute la commission depuis le début, ses membres puis les médias aussi qui rapportent des informations là-dessus, on croirait que la moitié des travailleuses du sexe sont mineures, que l'âge moyen où on commence à faire le travail du sexe, c'est 14 ans, que 80 % ont commencé quand ils étaient mineurs. Donc, c'est des choses qu'on entend répéter partout et qui sont évidemment très problématiques. On entend aussi qu'on est probablement des femmes pas très, très intelligentes, on est facilement manipulées, on n'a pas beaucoup d'estime de soi ou de capacité d'action. Et, si ce n'était pas d'un homme qui nous manipule, généralement un homme noir, parce qu'il y a beaucoup de racisme également dans ce discours-là, eh bien, on ne ferait jamais ça parce qu'on est des bonnes petites filles autrement.

Donc, c'est quelque chose qui, évidemment, est très violent à entendre pour les personnes directement concernées. Et, pour nous, c'est clair que, si la commission entend réellement adresser des enjeux qui sont liés aux personnes de moins de 18 ans qui vendent ou échangent des services sexuels, il faut commencer par avoir une certaine rigueur intellectuelle, une certaine honnêteté et vraiment être critique des choses qui sont répétées constamment et qu'on entend.

Donc, nous, comme je disais tout à l'heure, on fait environ 8 000 contacts avec les travailleuses de sexe dans tous les milieux de l'industrie du sexe, partout. Il n'y a pas une deuxième industrie du sexe juste pour les mineurs qui existe, on voit tout le monde dans toute l'industrie. Et, à chaque année, le pourcentage de femmes de 19 ans et moins que l'on rencontre, c'est environ 0,5 % de nos contacts. Et je parle de 19 ans et moins, donc ça inclut celles de 18 et 19 ans également. La réalité, c'est que des mineurs dans l'industrie, c'est très rare, et ça, on peut le démontrer simplement avec l'ampleur de la répression policière contre l'industrie, l'ampleur des visites policières dans le milieu de travail. C'est extrêmement rare qu'on trouve réellement des mineurs dans ces milieux-là.

La réalité, c'est que la majorité des travailleuses du sexe qu'on rencontre sont dans la trentaine, dans la quarantaine. On a des femmes aussi dans la soixantaine, 70 ans et plus, puis, évidemment, des femmes dans la vingtaine également en assez grand nombre. On est par contre toujours infantilisées. On peut être dans la fin de la trentaine, on va encore parler de nous comme des filles et puis chercher toujours à nous percevoir comme plus jeunes qu'on est vraiment. On va même parfois entendre des personnes parler de nous, si on a commencé quand on était mineur, qu'on ne devient jamais des adultes parce que notre développement est sûrement compromis et qu'on ne peut pas être pris au sérieux comme si on était des adultes.

Donc, il n'y a pas de chiffre, en fait, sur la proportion réelle des femmes qui ont commencé quand elles étaient mineures parce que c'est impossible d'avoir ces chiffres-là. Et, si quelqu'un vous donne des chiffres, c'est basé sur n'importe quoi, et les seules personnes qui auraient même de l'argent pour faire ce genre de recherche là, c'est des personnes qui n'ont aucun contact réel dans la communauté. Donc, ça, il faut laisser tomber cette idée-là qu'on va avoir des chiffres. Il n'y en a pas.

Par contre, ce qui est clair, c'est que les cas réels n'ont pas grand-chose à voir, généralement, avec la mythologie qui est répétée constamment dans les médias puis dans les endroits comme cette commission-ci. Les personnes qui échangent des services sexuels, on le fait parce qu'on a besoin d'argent généralement. Donc, ça implique des jeunes qui doivent quitter leurs milieux parce qu'ils sont trans, ils habitent dans des régions, ils se font mettre dehors par leurs familles, qui arrivent en ville et qui ont besoin de trouver de l'argent pour survivre, pour dormir quelque part ce soir, pour avoir quelque chose à manger.

• (13 h 20) •

On parle de jeunes autochtones, de jeunes racisés qui sont retirés de leur famille par le système de DPJ extrêmement raciste et colonial qui empêche les parents autochtones d'élever leurs enfants, et qui se retrouvent dans des situations extrêmes de vulnérabilité, de pauvreté extrême dès un très jeune âge, et qui vont échanger des services sexuels, encore une fois, pour survivre, pour avoir une place où dormir, pour pouvoir manger, pour avoir une place où dormir, pour pouvoir manger, pour avoir un petit espoir quelque part de se sortir de cette pauvreté-là.

On parle aussi de jeunes qui consomment des drogues puis dont la consommation de drogues précède longuement toute implication dans l'industrie du sexe. Et puis ces jeunes-là n'ont pas de soutien réel. On est dans une crise de surdoses où plus de gens au Canada meurent de surdose qu'au haut de la crise des morts, au niveau du sida, dans les années 90. Et il n'y a pas de soutien réel pour les jeunes. Donc, les jeunes sont dans des situations de plus en plus précaires s'ils consomment des drogues. Et tout ce qu'on leur offre, c'est l'abstinence seulement ou de les enfermer quelque part pour éviter qu'ils consomment. Donc, ces jeunes-là ne sont pas rejoints, ne se reconnaissent aucunement dans les discours dominants et ne se sentent pas non plus être les personnes qui sont concernées par une commission comme celle-ci.

Donc, par contre, l'ensemble de la communauté des travailleuses du sexe, généralement adultes, nous vivons les impacts quotidiens de cette obsession, de cette fascination-là avec la possibilité qu'il y aurait beaucoup de mineurs dans l'industrie du sexe. Toutes les opérations de répression policière dans les dernières années sont axées sur cette idée qu'on cherche des mineurs dans nos milieux de travail. On parle de choses horribles comme cet été, quand des policiers ont envahi tous les bars de danseuses et plusieurs salons de massage à Montréal pour aller faire un inventaire des «tattoos» et des piercings des travailleurs du sexe en nous disant que : Bien, quand on va te trouver morte, on pourra identifier ton corps. Et l'excuse qu'on donne pour ce genre de comportement complètement inacceptable, c'est : Bien, on cherchait des mineurs dans ces clubs-là.

L'opération RADAR, qui encourage tous les hôtels et tous les gens de l'industrie du tourisme et du transport de dénoncer les travailleuses du sexe à la police, depuis cet été, est encore une fois avec l'excuse de : Bien, on cherche des mineurs dans l'industrie du sexe. Par contre, c'est les travailleuses du sexe adultes qui vivent les conséquences de ça. Et, dans un pays où on a un tueur en série, à Vancouver, qui a tué près d'une centaine de travailleuses du sexe, c'est inacceptable qu'on n'a pas encore compris que la répression policière contre l'industrie du sexe nous tue, la répression policière nous met en danger, ça brime nos droits humains. Et cette excuse-là de chercher des mineurs n'est pas suffisante pour brimer nos droits.

Donc, pour revenir aux statistiques, je vous ai fourni une petite bibliographie. On vous fournira les documents plus détaillés plus tard. Mais je vous invite à lire ces documents, notamment le brief de John Lowman, qu'il avait déposé au Sénat lors des auditions sur la loi C-36. Donc, ça vous détaille assez clairement pourquoi cette idée-là que l'âge moyen d'entrée serait 14 ans est absurde. Donc, s'il y en a d'entre vous qui ont un minimum de connaissances statistiques, vous pouvez très facilement voir que, pour avoir un âge moyen de 14 ans, il faudrait vraiment, là, une armée de très jeunes enfants travailleuses de sexe pour chaque femme de 60 ans qui commence à vendre des services sexuels parce que sa pension n'est pas suffisante pour survivre. Donc, c'est absurde. On le sait que c'est absurde. John Lowman vous explique un peu d'où viennent ces chiffres-là qui sont répétés sans cesse comme s'ils étaient des faits.

Et donc vous avez besoin d'être plus responsables et d'arrêter de répéter des choses comme ça qui ne sont basées dans rien de concret. Donc, également, donc, il y a d'autres chiffres qui sont répétés. Si vous n'avez pas une source vraiment claire et réelle pour citer des chiffres, il faut arrêter de le faire. Ça cause du tort quotidien à toutes les personnes dans l'industrie du sexe, particulièrement aux jeunes.

Une autre chose qui est vraiment importante, c'est : Il faut être critique des prises de parole que vous entendez. La majorité des personnes que vous avez entendues jusqu'à maintenant ont ouvertement comme objectif d'éliminer toute l'industrie du sexe, donc d'éliminer les adultes qui échangent des services sexuels, de nous éliminer, les travailleuses du sexe. Donc, ces personnes-là, évidemment, il faut être très critique de toute prise de parole sur les jeunes. Parce que c'est une stratégie qui est très claire dans les dernières années. Ces groupes-là, qui sont très idéologiques, se sont rendus à l'évidence que le public au Québec, au Canada, n'est pas intéressé à la répression contre les adultes dans l'industrie du sexe et que la seule façon de convaincre la population de soutenir des opérations qui briment nos droits, c'est en justifiant qu'on serait toutes mineures ou qu'on serait toutes des victimes de traite humaine. Donc, s'il y a cette idéologie-là qui est la force derrière des paroles que vous entendez, il faut en être critique.

Donc, maintenant, pour parler des besoins réels des jeunes, donc, notre impression, quand on est des jeunes qui sont dans ces situations-là, c'est que le système ne s'intéresse pas à nos besoins, à nos conditions de vie, à notre bonheur, à notre bien-être, qu'on peut être pauvres, on peut être dans la rue, on peut être éduqués dans la province en Amérique du Nord qui a le plus bas taux de graduation secondaire, on peut vivre de la violence à la maison où ailleurs, on peut n'avoir aucune idée claire de qu'est-ce qu'on va avoir comme futur, tout ça, c'est correct, en autant qu'on n'est pas en train d'avoir des relations sexuelles contre de l'argent. Et le focus n'est pas d'améliorer nos vies, c'est de s'assurer qu'on n'ait plus aucune relation sexuelle contre de l'argent. Et ça, c'est quelque chose qui est très difficile à vivre, qui est très déshumanisant et qui vient recentrer tous nos problèmes non pas sur la complexité de nos vies, mais sur un élément qui, souvent, est quelque chose qu'on fait par survie. On le fait parce qu'on a un problème et on a besoin de le régler. Pourtant, il n'y a personne qui veut vraiment s'adresser au vrai problème.

Ensuite, un autre élément. Donc, il y a une commission actuellement qui regarde la DPJ, et puis, donc, dans cette commission-là, il y a de nombreux témoins qui témoignent comme quoi la DPJ peut nuire beaucoup plus qu'elle aide. Et c'est vrai également dans le cas de jeunes qui échangent des services sexuels contre de l'argent ou toute autre chose. Donc, dès qu'une jeune expérimente avec le travail du sexe ou même elle y pense, elle montre un petit intérêt, elle part en fugue, on assume que c'est ça qu'elle veut faire, donc on l'enferme dans un centre jeunesse, souvent jusqu'à ses 18 ans, souvent sans aucune façon de sortir sans embarquer dans tout un discours qui ne la rejoint pas du tout. Donc, on veut que nos jeunes soient fortes, soient indépendantes, soient autonomes, par contre, on les traite comme si elles n'ont aucune capacité d'agir et aucune capacité de prendre des bonnes décisions pour elles, puis on les enferme à la place. Le message qu'une jeune qui était tentée par l'industrie du sexe reçoit quand elle se fait enfermer en centre jeunesse, c'est que, oui, la coercition et la forcer à faire des choses, c'est quelque chose qui est normal et acceptable dans notre société.

Ensuite, un autre élément vraiment central qui n'est pas adressé suffisamment, c'est la criminalisation du travail du sexe. C'est le facteur central, primordial qui facilite l'exploitation dans l'industrie du sexe, l'exploitation à tous les niveaux mais incluant auprès des mineurs.

Donc, nous, les travailleuses du sexe, nos clients, nos collègues de travail, on n'a aucun droit, aucune protection au niveau des normes du travail, aucun recours réel lorsque nous vivons de la violence. Puis on vit dans une société qui a choisi comme objectif de nous éliminer plutôt que de nous donner des droits. Et donc c'est sûr que ça créé un climat qui est très favorable à l'exploitation, lorsqu'en tant que travailleuse du sexe on n'a aucun recours. Eh bien, une personne qui cherche à exploiter quelqu'un d'autre va cibler ces endroits-là où des personnes se retrouvent sans protection au niveau des lois. Si un client risque de se faire arrêter s'il rapporte une situation problématique à la police, eh bien, ça devient très difficile d'agir.

Puis, dans les faits, il n'y a personne dans l'industrie du sexe, à aucun niveau, qui veut des mineurs dans l'industrie. Au contraire, les mineurs qui arrivent à travailler dans l'industrie, généralement, elles sont très créatives, elles ont toutes sortes de façons d'avoir des fausses cartes et de toutes sortes de choses pour convaincre les employeurs dans l'industrie qu'elles ont vraiment plus que 18 ans. Et, dès que quelqu'un est découvert comme mineur, eh bien, elle ne peut pas continuer à travailler. Ce n'est pas quelque chose qui existe dans la vraie vie, dans l'industrie du sexe.

Donc, évidemment, dans les faits concrets, ce qui arrive, c'est que, quand nous, dans l'industrie, si on est adulte dans l'industrie et qu'on voit une personne en détresse, on voit une personne qui a des besoins, eh bien, c'est nous qui allons l'aider, c'est nous qui allons trouver des façons de lui venir en aide. Puis quand on sait que, si on utilise l'État, que si on appelle la police, que si on implique la DPJ, que si même on accompagne cette jeune-là pour faire ces démarches-là elle-même, ce qui va arriver, c'est que nous, nos collègues de travail, nos clients vont se faire arrêter, qu'on va perdre notre source de revenus, ça devient très difficile d'offrir de l'aide concrète à ces personnes-là.

Une fois que le travail du sexe sera décriminalisé, nous serons les meilleures alliées pour lutter contre toutes les formes d'exploitation dans l'industrie.

Finalement, le stigma dans l'industrie est quelque chose qui est aussi un facteur important, et ce stigma-là, il peut nous positionner des fois en tant que victimes totales ou comme des délinquantes, des personnes sans bonne moralité, des personnes sales. Il y a toutes sortes de façons que le stigma anti-travailleuses du sexe s'exprime. Et puis, donc, c'est l'autre pilier qui fait que ça facilite la situation si quelqu'un veut nous exploiter. Si quelqu'un peut nous dire : Je vais dire à ta famille qu'est-ce que tu as fait, ou : Je vais le dire à tout le monde, je vais te «outer» publiquement, la conséquence sur cette jeune-là, c'est que probablement que, toute sa vie, ça va la suivre. Elle ne pourra pas avoir un emploi sans se faire mettre dehors, elle sera barrée de toutes sortes de situations, elle va perdre sa famille, elle va perdre toutes sortes de choses que, plus tard dans sa vie... Quand on est «outée» comme travailleuses du sexe, bien, on attire des fois des conjoints qui veulent être violents envers nous parce que c'est normal d'être violent envers des travailleuses du sexe. Donc, le stigma va faciliter l'exploitation. Donc, ce qu'on a besoin, c'est de trouver des façons de réduire ce stigma.

• (13 h 30) •

Un des moyens de survie que beaucoup de jeunes dans l'industrie utilisent, c'est d'embarquer dans ce discours-là, de : Oui, je suis victime, oui, je n'aurais jamais fait ça si je n'avais pas été forcée, oui, oui, oui, je suis une victime. C'est une des petites façons qu'on a de laver un peu ce stigma-là qui nous suit partout, où on ne nous voit plus comme une criminelle, comme une délinquante, comme une mauvaise personne, mais peut-être comme une victime qui a besoin d'être sauvée. Puis, à ce moment-là, si on répète adéquatement des histoires d'horreur au fil du temps, bien, les gens nous respectent un petit peu. Mais on a besoin de mieux que ça. On a besoin de créer une situation, dans notre société, où on valorise les travailleuses du sexe, où on interdit la discrimination contre nous, où on lance un message clair à toutes les institutions, publiques, privées, à tout l'ensemble de la société, qu'on ne tolérera plus la discrimination contre nous et que ce sera sécuritaire pour nous d'être out comme travailleuses du sexe ou comme anciennes travailleuses du sexe. Et c'est comme ça qu'on va enlever l'emprise que certaines personnes peuvent avoir sur nous et que la menace de «je vais dire à tout le monde qu'est-ce que tu as fait» n'aura plus le même pouvoir.

Un dernier point important que je veux mentionner, c'est que la commission envoie des messages, puis les médias également, très forts, à beaucoup de jeunes, aux parents, à tous les agresseurs potentiels également. Et ces messages-là, ils ne viennent pas de la communauté des travailleuses du sexe, ils ne viennent pas de nous, ils viennent de personnes qui ont des idées, des idéologies anti-travail du sexe ou même juste de médias qui pensent que c'est un bon divertissement de parler de travail du sexe.

Donc, apparemment, si on croit les médias, si on croit le discours au Québec, tout le monde sait que c'est facile de travailler dans l'industrie du sexe quand on est mineur, que presque tout le monde est mineur dans l'industrie, que c'est normal que les clients aiment ça puis cherchent des mineurs puis qu'apparemment un proxénète pourrait se faire jusqu'à 200 000 $ par année avec chaque jeune qui travaille dans l'industrie. Donc, on peut se poser la question de : Quel est l'impact de ces messages-là? Qui sont faux, d'ailleurs, absolument faux. Bien, c'est qu'on a toute une génération, maintenant, de jeunes qui grandissent avec l'idée complètement erronée que ça va être facile d'aller travailler dans l'industrie, qu'elles peuvent faire plein d'argent, que c'est quelque chose qui est attirant. Puis du point de vue des jeunes, qui entendent aussi le discours qu'on est manipulé et qu'il y a de la violence, bien, toute jeune qui pense qu'elle pourrait faire 200 000 $ par année, ce qui est vraiment absurde, là... je vous garantis, que, dans notre communauté, il y a très peu de personnes qui se font autant d'argent dans l'industrie du sexe, on a tendance, plutôt, à être beaucoup plus pauvres que ça. Donc, évidemment, ça va attirer des jeunes vers l'industrie puis les attirer vers des situations extrêmement problématiques.

Donc, il faut se questionner sur ce discours-là. Ça fait aussi que les parents n'ont pas les outils nécessaires pour interagir avec leurs jeunes, parce qu'on part de bases qui ne sont pas conformes à la réalité. Ça lance aussi un message à tous les hommes qui peut-être aimeraient avoir des relations sexuelles avec des jeunes qu'en fait c'est normal, que l'industrie du sexe, c'est ça. Et puis donc ça va les encourager, peut-être, à aller chercher ces services-là qu'ils n'auraient pas normalement pensé que c'était quelque chose qui était disponible. Et puis tous les agresseurs aussi entendent ces messages-là et entendent la vulnérabilité des travailleuses du sexe et peuvent nous cibler davantage à cause de ce genre de discours. Donc, c'est vraiment la responsabilité de la commission de penser à l'impact de ces messages-là et de penser à pourquoi c'est si facile de répéter des faits qui sont complètement faux et si difficile d'adresser les besoins réels des jeunes.

Donc, en conclusion, je pense que je vais vous dire que, de notre côté, du point de vue de... nous, chez Stella, notre communauté de travailleuses du sexe, puis particulièrement ayant parlé avec beaucoup de personnes dans notre communauté qui ont commencé quand elles étaient mineures ou qui ont eu des vécus quand elles étaient mineures, qui ne se sont pas continuées après, quand elles étaient adultes, c'est une commission qui est perçue comme entièrement politique et pas fondée dans le bien-être des jeunes. Les élus de tous les paliers de gouvernements nous disent fréquemment que c'est politiquement gagnant de s'attaquer aux travailleuses du sexe, qu'être toffe sur les travailleuses du sexe, ça gagne des élections. Et c'est quelque chose que tous les paliers de gouvernement nous ont dit puis c'est ce qu'on voit dans cette commission-là. On ne se sent pas centrées, on ne sent pas nos besoins écoutés. On sent que c'est, comme ma collègue disait, un théâtre, plutôt.

Et donc il y a toutes sortes de groupes qui n'ont pas demandé à participer à cette commission-là, qui n'ont pas identifié, dans leur communauté, que l'exploitation sexuelle des mineurs est un concept qui était pertinent, par contre qui ont été mis à l'horaire, même sans leur consentement. Je vois que l'horaire a changé, et ces personnes-là ont été enlevées, d'autres vont venir vous parler tout à l'heure. Et pendant ce temps-là, nous, on a seulement ce 15 minutes là pour vous parler et pas d'autre opportunité de parler de nos réalités, quand c'est de nous qu'on parle.

Donc, si vous voulez sérieusement... Il me reste deux phrases à dire. Si vous voulez sérieusement adresser les besoins, donc, il faut revenir à la réalité, il faut cesser de répéter des informations qui sont fausses, il faut utiliser un discernement intellectuel, rejeter les témoignages de personnes qui ont une idéologie contre toute l'industrie du sexe et trouver des façons de consulter les jeunes, ce qui n'est pas fait dans cette commission-là. Moi, je sais que, dans ma communauté, il n'y a personne qui est venu vers nous pour essayer de voir comment est-ce qu'ensemble on pourrait créer un espace sécuritaire pour que des jeunes, autres que moi, viennent vous parler dans un contexte peut-être privé.

Puis finalement moi aussi, je veux prendre un moment pour m'adresser à tous les jeunes qui échangent des services sexuels ou qui ont déjà pensé le faire. Donc, nous, on sait à quel point cette commission-là, elle est... C'est violent de la regarder. Moi, je sais que, personnellement, c'est quelque chose qui est très traumatisant, de voir tout ça, c'est déshumanisant. Même le logo est extrêmement déshumanisant. Et je me dis : Est-ce que c'est comme ça qu'on me perçoit, comme une personne défaite en morceaux, qui n'est plus un être humain réel?

Donc, nous, on sait que vous, les jeunes qui avez fait ça, qui pensez faire ça, vous êtes fortes, vous êtes des rebelles, vous êtes courageuses et puis que vous faites de votre mieux tous les jours pour essayer d'améliorer vos vies. Et nous, c'est là-dessus qu'on veut se centrer, puis notre communauté, elle est ouverte à tout le monde, pas seulement les personnes qui travaillent actuellement dans l'industrie du sexe, pas seulement les personnes qui ont une expérience positive, mais tout le monde qui a été impliqué de près ou de loin dans l'industrie. Donc, on vous invite à nous contacter.

Puis je veux envoyer un message d'amour, de solidarité à tous les jeunes qui aujourd'hui sont enfermés dans un centre jeunesse au Québec et puis à tous les jeunes aussi qui viennent d'avoir 18 ans, qui ont été mis dehors après une incarcération à la DPJ puis qui cherchent des façons de survivre, et que cette commission-là puis toute la couverture médiatique n'est qu'une autre barrière qui leur empêche un épanouissement dans leur vie. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour vos présentations. On va maintenant passer à la période d'échange avec les membres de la commission, et je vais commencer avec une première question et rectification de faits un petit peu. Si je comprends bien, Mme Wesley, vous avez dit dans votre discours que vous étiez le premier, sinon le seul groupe qu'on aurait dû entendre ici avec votre proximité avec le milieu. Et je vous dirais que nous, la commission, on croit dans la pluralité des opinions et des visions. Alors, on est heureux de vous recevoir aujourd'hui.

Ceci étant dit, vous avez fait deux recommandations intéressantes, à savoir... en disant : Il ne faut pas généraliser et il faut aussi être critique. Je vais me permettre d'être critique. Vous avez terminé en mentionnant qu'il y a des groupes qui avaient été mis à l'horaire sans leur consentement. J'aimerais beaucoup vous entendre à la fin parce que c'est une notion qui m'échappe complètement. Les gens qui sont venus ici ont décidé d'être présents. On n'a pas forcé personne à être présent ici. Alors, je vous demanderais d'être prudente dans les généralisations, parce que les gens qui sont ici... S'il y en a qui ont cancellé leur présence, c'est pour une question d'horaire ou tout ça. On n'a pas mis personne de force à l'horaire. Alors, je tenais à faire la précision.

Première question, député de Viau.

M. Benjamin : Merci. Merci, M. le Président.

Bien, merci pour votre présentation. Écoutez, il va sans dire que le discours que je viens d'entendre casse avec tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent. Et c'est une commission qui réunit des parlementaires, mais c'est une commission qui réunit des êtres humains motivés par le bien-être de l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Ça, je refuse catégoriquement ce genre de jugement. Je le refuse catégoriquement, ce genre de jugement porté sur l'ensemble des parlementaires autour de cette table, sur leur bonne foi.

Ceci étant dit, j'aimerais peut-être vous entendre sur comment on peut... comment la société, comment les institutions peuvent mieux accompagner, mieux soutenir au niveau de la santé et des services sociaux, puisque la commission, c'est la... le titre de la commission, c'est la commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs. On ne s'entend pas sur les données, sur les chiffres. Vous dites qu'il n'y en a pas, mais vous dites quand même... vous avez donné un certain pourcentage. Mais, comme c'est les mineurs qui nous intéressent, moi, j'aimerais savoir, de votre point de vue, comment est-ce qu'on peut mieux soutenir, accompagner les mineurs au niveau de la santé et des services sociaux.

Mme Wesley (Sandra) : Bien, d'abord, je veux souligner que je ne doute pas de la bonne foi de personne. Ce n'est pas ma place ici de gérer vos émotions par rapport à ça.

Le fait est réellement que la haine envers les travailleuses du sexe, c'est quelque chose de très réel dans notre société. Ça fait plusieurs années que nous sommes ciblées constamment et que, si une commission va répéter des chiffres comme l'âge moyen d'entrée est 14 ans, on s'entend que c'est absurde comme chiffre. Et, si vous allez défendre ce chiffre-là, j'aimerais vraiment voir vos sources, parce que c'est de la pure fiction, et on sait que c'est de la pure fiction.

Donc, par rapport à accompagner les jeunes au niveau de la santé et des services sociaux, donc, une chose vraiment importante que vous allez noter de la part des organismes et des personnes qui ont une posture antitravail du sexe, c'est que la santé, ce n'est pas une préoccupation pour ces groupes-là. Donc, nous, la vaste majorité de nos financements, ça vient au niveau de la prévention des ITSS et au niveau de la santé. C'est là notre expertise, parce que c'est un besoin, c'est un droit humain, la santé, en fait.

Et, pour avoir accès à la santé, ce qu'on a besoin, c'est accès à de l'éducation et accès à aller voir un médecin, aller voir une infirmière sans risquer de se retrouver enfermé dans un centre jeunesse le lendemain, sans risquer un signalement à la DPJ, de pouvoir parler ouvertement avec un professionnel de la santé des risques qu'on a pris, des besoins qu'on a, obtenir toutes ces choses-là sans avoir des conséquences. Et puis la réalité actuelle, c'est que...

• (13 h 40) •

Donc, nous, dans notre organisme, on offre une clinique de dépistage anonyme, et puis donc ça permet à des personnes de venir sans montrer la carte de RAMQ, sans se dévoiler. Mais c'est un petit service, on reçoit quatre... Le maximum, c'est quatre personnes par semaine. On va aussi faire du travail sur le terrain, dans les milieux où les personnes sont, avec Médecins du Monde. Donc, on va faire du travail dans certains quartiers, mais ça aussi, ça rejoint juste quelques personnes. Donc, ce qu'on a besoin, c'est des services vraiment à grande échelle, d'accès à du dépistage, d'accès à des médecins, d'accès à des infirmières, sans crainte de conséquences négatives.

Et un des enjeux que nous, on voit, qui éloigne beaucoup les jeunes des services de santé, c'est depuis la fusion de tous les CIUSSS et la... On voit, par exemple, nous, on est sur le territoire du CIUSSS—Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal et puis on voit le même CIUSSS qui offre nos services chez Stella, qui sont anonymes, qui sont superintéressants pour la communauté, qui supportent ouvertement la décriminalisation du travail du sexe... et toutes les instances de santé publique au Canada supportent clairement la décriminalisation totale du travail du sexe, mais on a le même CIUSS qui gère la DPJ puis qui a une tout autre façon de faire. Donc, on a besoin de séparer ces choses-là puis de trouver des accès, et ça, ça passe par reconnaître que les jeunes qui échangent des services sexuels existent, et la sortie n'est pas l'objectif premier.

Puis évidemment, lorsqu'on parle de santé, il y a la santé sexuelle, mais il y a aussi au niveau des drogues, les surdoses. Donc, on a besoin de trouver des façons de pouvoir prescrire des traitements de substitution à des jeunes, incluant des jeunes dans la rue sans qu'ils se retrouvent, en fait, retournés en centres jeunesse ou envoyés en familles d'accueil ou dans d'autres mesures coercitives. Et puis il faut vraiment arrêter cette haine-là contre les travailleuses du sexe qui... parfois, vous ne pensez peut-être pas que c'est de la haine contre les travailleuses du sexe que vous êtes en train de véhiculer, mais tout ce discours-là autour des jeunes comme vraiment des personnes complètement victimes, des personnes manipulées... Nous, on le sait que ce n'est pas ça notre réalité. Quand on entend ce discours-là, on ne peut pas s'identifier, on ne peut pas s'y rattacher.

Et puis un autre gros enjeu aussi au niveau de la santé, il y a des inéquités très, très importantes au niveau racial dans la santé. Donc, on voit que la mythologie autour de la jeune exploitée sexuellement, on parle d'une jeune fille blanche de banlieue, généralement. Le terme «exploitation sexuelle», c'est un terme qui date d'il y a 10 ou 15 ans à peu près. Avant ça, c'était le terme «traite des blanches», et c'est toujours la même idéologie qui est derrière ça. On n'a qu'à regarder les financements qui, maintenant, s'appellent «exploitation sexuelle des mineurs», qui avant s'appelaient «gangs de rue».

Donc, il y a beaucoup de financements qui sont axés sur cibler les jeunes communautés noires au niveau de la répression policière et puis protéger les filles blanches de certaines communautés qu'on considère indésirables. C'est pour ça qu'on a criminalisé les drogues au Canada, c'est pour ça qu'on a criminalisé le travail du sexe, et ça continue vraiment d'être évident dans la documentation et la littérature autour de l'exploitation sexuelle. Donc, il faut aussi adresser le racisme vraiment flagrant dans tout ça, parce que l'accès à la santé... moi, les jeunes à qui je pense qui ont besoin d'un accès à la santé, c'est des jeunes Inuits, c'est des jeunes autochtones, c'est des jeunes qui consomment des drogues, et puis ces personnes-là ne sont pas rejointes, aucunement, par les services actuels.

M. Benjamin : Un peu plus tôt ce matin, on a eu l'occasion de recevoir plusieurs représentants, justement, des Premières Nations qui sont venus nous parler de leur réalité, donc en fonction des expertises qu'eux, ils ont développées dans leurs communautés. Un aspect qui m'intéresse beaucoup, et c'est revenu assez souvent dans cette commission, c'est les enjeux socioéconomiques. Comment est-ce que vous... et la question s'adresse... que ce soit aux intervenants de PIAMP ou de Stella. Donc, une jeune ou un jeune qui décide volontairement de sortir de cette industrie-là, quel est... ça arrive, j'imagine, qu'une personne décide de sortir de...

Mme Wesley (Sandra) : Bien, en fait, le concept de sortir, ce n'est pas un concept qui fait du sens dans la réalité de quelqu'un. On a besoin d'argent, on a des factures à payer, on a des choses à faire. Il n'y a pas un moment où on sort de l'industrie ou on rentre dans l'industrie. Généralement, le besoin qui est exprimé, c'est un besoin d'améliorer ses conditions de vie et puis... Donc, le marqueur pour cette personne-là, ce ne sera pas : Est-ce que je continue ou est-ce que j'arrête de faire ça? Les personnes vont arrêter de chercher de l'argent d'une certaine façon quand ils vont avoir de l'argent d'une autre façon, généralement. Donc, ce n'est pas un concept qui fait du sens dans la réalité de quand on interagit avec quelqu'un. Mais oui, évidemment, il y a des personnes qui ne veulent pas continuer à vendre des services sexuels, et puis ces personnes-là, elles sont le mieux accompagnées par des organismes comme le nôtre, comme le PIAMP, qui n'ont aucun objectif de sortie de la prostitution, mais qui ont plutôt un objectif d'amélioration.

M. Benjamin : Et cet accompagnement-là vers ailleurs se fait comment? Cet accompagnement-là vers autre chose, ça se fait comment?

M. Beaulieu (Karl) : Je vais me permettre de répondre. Bien, ça se fait dans... Nous, on intervient dans une approche globale. Donc, on ne pense pas que l'échange de services sexuels est le problème en soi, mais ça peut être lié à divers autres facteurs de vie, que ce soit le logement, la scolarisation. Donc, nous, on y va vraiment sur une approche globale, puis si la personne qui échange des services sexuels ne mentionne pas que l'échange de services sexuels est problématique, bien, nous, on va travailler sur l'ensemble des sphères de vie des individus, sans considérer que ça, c'est problématique.

Donc, c'est ça, on se fie vraiment aux besoins que les jeunes expriment au lieu de fixer uniquement sur l'échange de services sexuels, comme s'il était, en soi, problématique.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Prochaine question, on va tenter, dans les réponses, d'essayer de garder ça très court, parce que j'ai encore sept questions. C'est fort intéressant. Députée de Lotbinière-Frontenac.

Mme Bombardier (Mathilde) : Excusez-moi...

Le Président (M. Lafrenière) : Oui?

Mme Bombardier (Mathilde) : Oui, j'aurais aimé ajouter quelque chose sur votre première question. J'inviterais les professionnels de santé, mais les professionnels en général de nuancer leur approche, et, pour ça, on pourrait leur offrir des formations et aller chercher ces formations vers les personnes concernées. Donc, par exemple, au PIAMP, on donne des formations.

Donc, ça permettrait d'avoir une vision plus réaliste de ce qui se passe exactement et c'est ce qu'on aimerait, suite à cette commission, c'est être vraiment inclus dans ces formations de personnel pour, justement, éviter cette haine ou cette méconnaissance des enjeux.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci. Députée de Lotbinière.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bien, moi, je dois dire que votre discours est quand même assez surprenant puis... Donc, d'après ce que j'ai... Bien, premièrement, je voudrais savoir : Est-ce que vous avez soumis un mémoire? Parce que moi, j'aimerais ça... Vous avez dit beaucoup de choses en très peu de temps. C'est comme un petit peu difficile d'assimiler tout ça. Est-ce que vous avez soumis un mémoire?

Mme Wesley (Sandra) : De notre côté, on prépare un mémoire. On va le soumettre dans quelques semaines, par contre, parce que notre processus, il est redevable à la communauté. Donc, ça demande beaucoup temps, en fait, d'aller consulter les personnes, de le faire valider par une pluralité de personnes dans toute la communauté, mais on travaille sur un mémoire. Oui, on va remettre les choses que j'ai dites aujourd'hui puis on veut ajouter aussi certains détails, peut-être des cas plus concrets, là, vous parler un peu des parcours plus réels des jeunes.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Donc, moi, d'après ce que je comprends de votre discours, c'est que, bien, il n'y a pas beaucoup de mineurs dans l'industrie puis tout le monde est consentant, là. C'est ça que vous me dites?

Mme Wesley (Sandra) : Cette notion de «tout le monde est consentant», je ne sais pas qu'est-ce que ça veut dire, parce que ce n'est pas des termes que nous, on utilise du tout...

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Vous l'avez dit tout à l'heure, je l'ai noté.

Mme Wesley (Sandra) : Je n'ai pas dit le terme «consentant», absolument pas. On pourra regarder le vidéo, là, mais, bon, de toute façon, la question de consentir ou de ne pas consentir, c'est quelque chose qui ne rejoint pas non plus la réalité. C'est que dans l'industrie du sexe, oui, il y a beaucoup de personnes qui vivent toutes sortes de situations de violence. On peut vivre simplement le fait d'avoir besoin d'argent et de devoir travailler pour de l'argent comme une violence et puis comme une coercition, puis ça, ça peut s'appliquer à toutes sortes de personnes en toutes sortes d'emplois, dans toutes sortes d'industrie.

Donc, le standard auquel on tient... l'industrie du sexe est beaucoup plus élevé que toute autre industrie. On ne va pas demander à toutes les personnes qui sont au travail dans leur quotidien : Est-ce que tu ferais autre chose si tu voulais faire autre chose? Est-ce que tu consens vraiment à ce que tu fais aujourd'hui? Donc, la notion de consentement, elle n'est pas nécessairement la plus utile. Nous, on parle vraiment d'améliorer les conditions de vie, les conditions de travail de chaque personne.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : J'ai une dernière question, là. Donc, vous pensez que tout le monde qui échange du sexe ont le pouvoir sur leur vie.

Mme Wesley (Sandra) : Bien, tout être humain a de l'agentivité. C'est une caractéristique propre à l'être humain que, même dans des situations extrêmes de violence, de coercition, on a une capacité d'agir. C'est ce qui fait qu'on est humains, là. Donc, c'est un concept qui s'applique à tout le monde, en tout temps. Donc, il ne faut pas non plus essayer de détourner ce qu'on essaie de dire pour nous faire dire des choses absurdes, comme toutes les travailleuses du sexe sont épanouies et adorent leur travail.

Non, ce n'est pas ça du tout. Au contraire, on est là parce qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de personnes dans l'industrie qui vivent des choses très difficiles. Ça peut être des choses qui prédatent leur travail du sexe, ou qui sont reliées, ou qui ne sont pas reliées, mais la réalité, c'est qu'on vit beaucoup de violence. On est ciblées par des agresseurs, on est ciblées par la police, on vit beaucoup de stigmas. C'est quelque chose qui nous affecte profondément à toutes sortes de niveaux, et tout ce qu'on demande... puis on n'a pas eu le temps, évidemment, aujourd'hui, de rentrer dans les détails de qu'est-ce que... si on n'était pas en réaction à une commission qui est déjà partie avec une idéologie sur nous, qu'est-ce qu'on vous dirait?

Que si on arrivait à créer ces espaces-là sécuritaires pour se parler honnêtement de nos besoins, on n'est pas rentrés dans les détails de qu'est-ce qui en ressortirait, parce qu'on n'a pas l'espace aujourd'hui pour faire ça. Mais la réalité, c'est que c'est très complexe, c'est très nuancé puis qu'on ne peut pas rapetisser ces questions-là à des «statements» comme : Toutes les travailleuses du sexe, quelque chose, tout le monde consent, tout le monde... Ce n'est pas ça, la réalité.

La réalité, c'est que les violences qu'on vit, la solution n'est pas plus de répression policière et n'est certainement pas plus de discours antitravail du sexe, que ces choses-là nous nuisent plus qu'elles nous aident. Mais je ne prétends aucunement que l'expérience dans l'industrie du sexe, surtout l'expérience des mineurs qui se retrouvent dans l'industrie du sexe, est une expérience positive. Elle peut l'être pour certaines personnes, mais ce n'est pas ça du tout... et même, ce concept-là n'est pas pertinent dans le travail qu'on fait quotidiennement quand on aide quelqu'un. On ne pose jamais la question à quelqu'un : Est-ce que tu aimes ce que tu fais dans l'industrie du sexe? La question qu'on pose, c'est : Qu'est-ce que tu as besoin? C'est quoi, la prochaine étape dans ta vie? Qu'est-ce que tu as besoin aujourd'hui pour améliorer tes conditions de vie? Et généralement, la réalité individuelle, elle est très diversifiée, très complexe et ne peut pas se limiter à l'implication ou non dans l'industrie du sexe.

• (13 h 50) •

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci. Merci, M. le Président. Je pourrais vous suivre jusqu'à un certain point que, oui, c'est un travail que certaines personnes, certaines femmes ou certains hommes peuvent choisir. Moi, je n'ai pas de problème avec ça lorsque c'est un choix personnel.

Là où j'ai de la difficulté à vous suivre, c'est que tout d'abord, vous utilisez les mots «paternaliste», «moralisateur», et c'est comme si vous nous disiez qu'on était partis avec l'idée d'être des oppresseurs puis de ne pas vouloir aider, alors que c'est tout le contraire. Et vous nous suggérez même, enfin, c'est comme ça que je le reçois, tout ce qu'on a entendu au sein de cette commission-là, les dizaines de pages de mémoires qui nous ont été remis, tous les commentaires qu'on a entendus, incluant des commentaires, des témoignages de victimes, puis il y en a, des victimes, c'est comme si on devait faire tabula rasa pour dire : Bon, bien, c'est de la mythologie, puis la société est très, très, très bien servie, puis ça va très bien.

Moi, là, ce n'est pas comme ça que je vois ça. Un garçon ou une fille de 12 ou 14 ans, et je suis sûre qu'il y en a, parce qu'on a eu des témoignages qu'il y en a, qui est obligé, parce qu'il y a un proxénète dans le back-store, qui est obligé de se taper 12, 15 clients par jour, je suis désolée, mais je... c'est peut-être une question générationnelle, mais je ne pense pas que cette personne, ce jeune-là a le jugement pour choisir ça. Peut-être une personne adulte, une personne qui est tout à fait consentante et qui sait ce qu'elle fait, je suis d'accord avec ça. Mais on ne viendra pas me dire qu'un adolescent, une adolescente qui est obligé de se taper autant de clients... Et ce client-là, vous ne nous en parlez pas. Ce client-là, qui cherche et qui demande sur les médias sociaux une jeune femme ou un jeune garçon de 12, 13, 14 ans, c'est quelqu'un qui est bien dans sa tête? En France, là, il y a un scandale avec un livre qui s'appelle Consentement. L'auteure a 47 ans puis, à 14, ans elle était en amour avec le monsieur de 50 ans qui l'a abusée pendant des années. Elle était en amour avec lui, mais elle n'avait pas le jugement, puis il a brisé sa vie.

Alors, il y a des jeunes qui ont la vie brisée aujourd'hui, puis nous, on est là, là pour essayer de les aider. Il y a plein d'organismes qui sont venus nous demander... nous faire toutes sortes de propositions. Puis je suis d'accord pour l'aide, mais me faire dire qu'on est des paternalistes puis qu'on est des moralisateurs, je suis désolée, je ne l'accepte pas, parce que je suis quelqu'un de moderne puis je suis quelqu'un qui est capable de comprendre que des personnes peuvent faire des choix dans la vie. Mais des enfants de 12, 13, 14, 15 ans qui sont sous le joug de proxénètes puis qui sont dans les griffes de personnes qui sont malades mentales, vous ne viendrez pas me dire que c'est normal. Merci d'être venus ici aujourd'hui nous faire la leçon, mais moi, je me sens le devoir aujourd'hui de vous dire que ce n'est pas vrai que tout ce qu'on a fait depuis le début, on l'a fait pour rien, puis on va continuer notre travail.

Maintenant, vous mettez des points. Vous dites l'accompagnement, l'aide, le support de personnes qui ont besoin de se trouver un logement, de ne pas être jugées, de ne pas se retrouver dans le centre jeunesse. Ça, je suis d'accord avec ça. Même, on l'a entendu que ce n'est peut-être pas la meilleure place, le centre jeunesse, pour retourner une jeune fille lorsque les intervenants disent que c'est là qu'il faut qu'elle s'en aille. On a tout compris ça, mais, en tout respect... puis j'ai beaucoup de respect pour ce que vous êtes venus nous dire aujourd'hui, mais je pense que ça doit aller dans les deux sens. On entend votre propos, mais entendez notre propos aussi. Merci.

Mme Wesley (Sandra) : Tout d'abord, je pense que le niveau d'émotion puis de sensationnalisme de répéter des histoires d'horreur, c'est quelque chose qui n'est pas du tout acceptable dans un contexte parlementaire, dans un contexte où on essaie de prendre des décisions rationnelles, basées dans la charte des droits humains. Si moi, en tant que personne qui vous a dit, au début de mon témoignage, que c'est mon vécu personnel, je suis capable de venir vous parler sans pleurer puis sans être émotionnelle, sans commencer à raconter des histoires d'horreur, bien, je pense que je m'attends de la même chose de vous également en tant que personne qui m'écoute.

Puis je pense que votre attitude envers moi démontre exactement ce que je dis, que nous, les personnes qui ont réellement un vécu là-dedans, on sent qu'il y a une hostilité profonde envers nous puis envers ce qu'on a à dire et que ce n'est pas sécuritaire de venir parler de nos histoires, que je sais très bien que, si je vous racontais des histoires réelles de jeunes, que vous les prendriez après et que vous seriez en train de répéter, d'utiliser nos histoires, d'utiliser la violence que nous, on a vécue, pour justifier de la répression contre nous, pour justifier de continuer de nous mettre au silence puis de ne pas nous écouter.

Puis j'aimerais aussi mentionner qu'on n'a jamais parlé de notion de choix. On ne parle pas de choisir le travail du sexe. Et tout l'argumentaire que vous avez fait, j'avais l'impression de vous entendre argumenter contre les personnes qui sont contre nous mais pas contre ce que je vous ai dit réellement. La notion de choix, ce n'est pas une notion qui peut s'appliquer d'abord dans un système capitaliste pour tout travail. On ne choisit pas de travailler, on est obligés de travailler dans un système capitaliste. Et nous, on parle de... On prend des décisions. On prend les décisions avec ce qui est le mieux pour nous, dans les options qui sont disponibles. Et puis il n'y a pas de notion de choix libre dans un contexte de pauvreté et dans un contexte de vivre dans la rue, dans un contexte de vivre dans des situations de violence. Chaque personne prend les décisions qu'elle pense... sont les plus appropriées pour elle. Et c'est ça qu'il faut reconnaître, que toutes ces personnes-là, particulièrement les jeunes, font de leur mieux pour prendre, à tous les jours, les meilleures décisions avec les options qu'on leur donne, puis souvent ces options-là sont extrêmement limitées.

Donc, je suis vraiment désolée d'entendre le mépris que j'entends pour nous, pour notre expérience, dans votre prise de parole.

Le Président (M. Lafrenière) : On a entendu votre propos. Merci beaucoup. Députée de Charlevoix. Oui. On va essayer de limiter... Il nous reste encore quelques questions. On a dépassé de beaucoup le temps, mais on trouve ça important de vous entendre, mais là on va essayer de limiter les réponses.

Mme Bombardier (Mathilde) : Mais je trouverais aussi important que le PIAMP puisse s'exprimer, notamment sur cette question. J'aimerais remettre les choses à leur place.

On ne diminue pas le vécu des personnes. Je pense l'avoir dit dans ma présentation, oui, ça existe, la coercition sexuelle. Oui, il existe des victimes d'agression sexuelle. Et ce dont vous parlez, de l'exemple en France, c'est une agression sexuelle répétée. Mais, dans notre propos, on cherche à être nuancé et à élargir l'horizon pour que cette commission réponde aux réalités de tous les jeunes impliqués, voilà, et non pas... Je trouve ça vraiment problématique de nous dire qu'on diminue ou qu'on n'écoute pas les victimes de ces agressions sexuelles.

M. Beaulieu (Karl) : Ce qu'on critique, c'est qu'en fait on mélange les termes «prostitution» puis «exploitation sexuelle». On les utilise comme l'un, l'autre, on les galvaude sans faire la distinction. Mais, nous, ce qu'on amène ici, c'est que c'est important de faire la distinction entre ces termes-là. Les vécus de ces personnes-là sont réels, ils existent, puis c'est peut-être vrai... Ce qu'on dit, c'est que c'est important pour nous, au PIAMP, de faire la distinction entre exploitation sexuelle puis lorsqu'il y a un niveau qui est consentant. Donc, en faisant la distinction, d'une part, on peut arrêter de stigmatiser une frange des personnes puis, de l'autre, on peut apporter de l'aide à celles qui ont vraiment besoin de cette aide-là.

Le Président (M. Lafrenière) : On comprend très bien la notion que vous apportez, puis ça, c'est tellement important pour nous de vous entendre aujourd'hui, mais vous comprenez que nous, dans la position où on est ici, on a reçu plusieurs groupes qui nous ont dit des choses et aujourd'hui on ne peut pas accepter de dire que tout ce qui a été dit avant, ça ne compte pas, en se disant : Vous auriez dû nous entendre, nous, et pas les autres. C'est pour ça qu'on réagit comme ça. Je pense que vous comprenez notre réaction.

Mme Wesley (Sandra) : ...on n'a pas dit : Il faudrait juste nous entendre, nous, et pas les autres. Ce qu'on dit, c'est que c'est nous...

Le Président (M. Lafrenière) : Mais là on ne jouera pas sur les mots...

Mme Wesley (Sandra) : ...la communauté qui est touchée par ça, que des personnes qui reçoivent des millions de dollars d'argent...

Le Président (M. Lafrenière) : On a compris.

Mme Wesley (Sandra) : ...pour parler de nous sans jamais être en contact avec des vraies personnes, évidemment, ont un biais idéologique. Et on sait que la conclusion de cette commission-là, ça va être deux choses. On va donner de l'argent à la police et on va donner de l'argent à des groupes antitravail du sexe pour mener leur mission d'éliminer toute l'industrie du sexe. On sait déjà d'avance, le jour où cette commission-là a été annoncée, que ce serait ça, la conclusion et on voit que la commission a été faite avec ça en tête.

Un des documents que je vous ai fourni dans la bibliographie, c'est un document sur les témoignages au niveau fédéral dans la loi C-36, qui s'appelle Shouting Into Wind, et puis justement ça relate comment on le sait que des commissions comme ça, il n'y a aucun effort qui est fait pour nous entendre réellement, qu'on écoute les personnes qui déjà vont justifier la position que vous aviez déjà. Et vous, personnellement, avez annoncé cette commission-là en disant notamment des absurdités comme 80 % des travailleuses du sexe ont commencé quand elles étaient mineures et que la moitié de nous sont mineures. Si vous croyez vraiment à ces chiffres-là, eh bien, il aurait fallu vous éduquer avant même d'annoncer une commission comme ça.

• (14 heures) •

Le Président (M. Lafrenière) : Je comprends votre volonté de provoquer, mais notre but, c'est d'entendre tous les gens. Et vous avez servi tout à l'heure une très belle mise en garde en disant de ne pas généraliser. Il faut entendre les autres aussi dans une conversation. Si on se dit ouvert à présenter tout le monde, il faut entendre tout le monde. Ça ne vous sert à rien de mépriser ce que les gens ont dit avant vous.

Alors, on a encore deux petites questions rapides. J'ai la députée de Charlevoix.

Mme Foster : Merci. Merci beaucoup. Je trouve le débat extrêmement intéressant. Moi personnellement, j'ai fait un doctorat en sciences sociales. Donc, ça me ramène à mes cours épistémologiques parce que j'ai l'impression qu'on a un débat aujourd'hui qui porte beaucoup, d'un côté, sur le constructivisme, et, de l'autre côté, sur l'objectivisme. Sincèrement, on peut être d'accord sur certains points. Moi, je parle pour moi personnellement, là, dans ce que j'ai entendu de vous, je suis d'accord, bon, sur l'aide supplémentaire qu'on doit apporter. Je suis d'accord sur le fait que les jeunes doivent être accueillis sans jugement. Ça, je suis entièrement d'accord, et ça fait partie des lacunes qu'on a décelées dans les intervenants passés. Ils sont venus nous dire : Il faut vraiment avoir une approche sans jugement pour les jeunes.

Également, je suis assez d'accord sur l'«empowerment» de chaque individu, que chaque individu a pour sa vie. Ça, je suis assez d'accord avec ça. Là où moi, je vous suis moins... Je voudrais qu'on revienne aux racines idéologiques de vos propos. Là, je parle à la personne de PIAMP parce que ça réfère à vos propos. Vous avez parlé, dans votre discours, d'abolir le patriarcat. Mais, tu sais, le patriarcat, quand on le définit, là, c'est une forme d'organisation sociale dans laquelle l'homme exerce le pouvoir par rapport à la femme. Ça fait que, si on enlève toute notion de moralité, donc qu'on dit que ça devient neutre moralement, le fait d'avoir des jeunes qui échangent des services du sexe avec des majeurs, je parle des mineurs avec les majeurs parce que la commission porte là-dessus, donc on contribue, à mon avis, à perpétuer un système, l'industrie du sexe, qui est dominé par les hommes.

Là, moi, là-dessus, là, je ne vous suis plus pantoute parce que, si on enlève la moralité complètement, bien, on contribue puis on donne un «free pass» à un système, l'industrie du sexe, qui est dominé par les hommes. Là, c'est là où je ne vous suis pas parce qu'on est loin de l'enlever, le patriarcat, on le perpétue. Moi, vous ne viendrez pas me dire que l'industrie du sexe est dominée par les femmes, là, non, je n'y crois pas. Pas une minute. Autant au niveau économique, les bases idéologiques, économiques, la clientèle, c'est des hommes, ça part des besoins et des pulsions des hommes, beaucoup. Je comprends qu'il y a des adultes qui soient là en libre choix. Je le comprends aussi. Mais là, nous, notre commission, elle porte sur les mineurs. J'ai beaucoup de difficultés à me faire dire que, bon, le patriarcat, il faut éliminer ça, alors qu'à mon avis l'industrie du sexe est clairement un des meilleurs exemples de la perpétuation de la domination masculine. Je veux juste comprendre votre idéologie. Je ne la comprends pas. C'est ça, ma question.

M. Beaulieu (Karl) : Bien, si je peux me permettre de répondre, ça va être assez court. Mais en fait, nous, ce qu'on critique, c'est... On n'a jamais parlé d'abolir le patriarcat. On a mentionné que le patriarcat influençait comment la société intervenait sur la question des échanges de services sexuels. Puis nous, ce qu'on critique, en fait, c'est qu'on est passés d'une vision qu'on les traitait comme des délinquants, des délinquantes vers une vision qu'on les traite de victimes, peu importe le cas. Donc, dans les deux cas, c'est de prendre en charge complètement la situation sans laisser... justement les mots que vous avez mentionnés, comme «empowerment» puis agentivité. Donc, on pense que...

Mme Foster : Là-dessus, on est d'accord.

M. Beaulieu (Karl) : Oui, là-dessus, on est d'accord, en effet. Donc, tu sais, notre discours est nuancé. Nous, on dit qu'ils ont une agentivité, certains ont une agentivité, puis que ce n'est pas en les traitant tous comme des victimes d'exploitation sexuelle qu'on va arriver à aider l'ensemble des personnes. Il y a des vécus qui sont différents. Puis nous, on pense qu'en sortant de cette vision-là juste de victimes ou délinquants... Dans les deux cas, on s'en va dans le mauvais chemin en tant que société.

Mme Foster : Oui, je suis d'accord. Mais c'est juste que, moralement... On ne peut pas enlever la dimension morale de ça. L'industrie du sexe est dominée par la masculinité sous toutes ses formes. Donc, on ne peut pas évacuer cette notion-là. Moi, c'est juste là où j'ai un peu plus de difficultés. L'«empowerment», le libre choix, pour les adultes, ça va. Mais, pour ce qui est des mineurs, là, j'ai un petit peu plus de difficultés avec ça. C'était ma question.

Mme Bombardier (Mathilde) : J'aimerais ajouter aussi que le PIAMP intervient auprès de jeunes qui échangent des services sexuels entre jeunes aussi. Ce n'est pas seulement... L'idée d'une clientèle essentiellement masculine et adulte, ça, ça s'appelle de la pédophilie et il y a déjà des lois qui existent contre.

Mme Foster : Oui. Bien, l'objet de notre commission, c'est les mineurs. Voilà. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Gaspé.

Mme Wesley (Sandra) : ...brièvement.

Le Président (M. Lafrenière) : Oui, rapidement.

Mme Wesley (Sandra) : Donc, première chose, c'est... D'abord, en tant que féministe, je trouve ça vraiment étrange qu'on est en train de débattre de : Est-ce qu'on veut abolir le patriarcat ou non? J'espère qu'on est tous d'accord que, oui, on a l'intention d'abolir le patriarcat le plus rapidement possible. J'espère qu'on peut tous se mettre d'accord là-dessus. Et les travailleuses du sexe, on n'est pas des pions dans des débats théoriques sur : Est-ce que le patriarcat est aidé ou pas aidé par l'existence de l'industrie du sexe? La réalité, c'est qu'il y a des réalités complètement diverses et que, oui, l'industrie du sexe a souvent été, dans toute l'histoire de l'humanité, un moyen que les femmes, on avait de reprendre du pouvoir sur notre sexualité, de reprendre du pouvoir sur notre argent et puis d'exister en résistance au patriarcat. Et je pense qu'il ne faut pas effacer ces réalités-là de toutes les femmes qui se sont battues, et qu'on est au-devant des mouvements féministes. C'étaient des travailleuses du sexe qui étaient à Stonewall, qui ont parti les émeutes, qui ont commencé officiellement le mouvement LGBT.

Les plus grandes féministes au fil du temps, je peux nommer... Olympe de Gouges, qui a écrit la première déclaration des droits de la femme, était une travailleuse du sexe. Donc, ça me fera plaisir d'avoir un débat sur l'épistémologie relative au travail du sexe. Une fois qu'on aura des droits, une fois qu'il n'y aura plus des lois criminelles qui m'interdisent d'exister, une fois qu'il n'y aura plus un projet de société de m'éliminer, on pourra avoir des débats infinis, théoriques. Mais, pour l'instant, on a des personnes réelles qui ont des besoins réels. Il n'y a pas de place, selon moi, pour ce genre de débat là.

Mme Foster : Mais je pense que c'est assez clair que notre commission, elle est très terre à terre puis elle veut aider les gens, là. Tu sais, je ne pense pas, encore là, qu'il faut se prêter des intentions de part et d'autre. Je ne pense pas.

Mme Wesley (Sandra) : Puis, si on veut parler de dominance masculine également...

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Je dois couper. On doit passer à une prochaine question. S'il vous plaît, madame.

Mme Wesley (Sandra) : ...il faut penser aussi que la police, qui est l'outil généralement utilisé, est un système très patriarcal et de dominance masculine et qu'il est vécu comme une relation de pouvoir très violente par la plupart des femmes.

Le Président (M. Lafrenière) : Parfait. Merci beaucoup. Députée de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Merci. Merci d'être là. Mais d'abord désolée si vous vous sentez brimées, quand même d'une certaine façon, dans vos droits, là. Je peux comprendre quand même le message que vous lancez. Mais je pense qu'il y a quand même des propos qu'on peut avoir plus constructifs dans... Le pourquoi on vous a invitées, c'est parce que vous avez une réalité terrain qui peut apporter... Parce que je pense qu'on s'entend qu'il y a effectivement des victimes dans l'industrie, même si on ne veut pas généraliser. Vous avez chacun, à un moment de vos témoignages, avoué que vous pouviez chacun avoir une portée ou une aide à amener à ces personnes-là. Donc, vous, bien, c'est une fois dans l'industrie du sexe que vous pouvez aider celles qui veulent s'échapper à cette vie-là, qui ne convient pas à leur... finalement, à ce qu'elles veulent, ou à leurs valeurs, ou à... Finalement, elles se sont ramassées là et elles n'auraient pas dû l'être.

En amont, qu'est-ce qu'on fait pour les aider pour qu'elles ne se ramassent pas dans l'industrie du sexe? Parce que vous avez dit que vous étiez les mieux placées pour venir en aide, mais, si on veut diminuer ou si on ne veut pas qu'il se ramasse là des victimes, parce qu'on a parlé de victimes chacun dans nos discours, qu'est-ce qu'on fait en amont? Parce que moi, je veux vous entendre sur ce qu'on peut faire pour justement ne pas généraliser, mais qu'en amont il y ait un travail qui se fasse pour que ces profils-là de filles extrêmement vulnérables qui ont des vies brisées après... Bien, comment on fait en sorte... C'est-u dans l'éducation à la sexualité? Qu'est-ce que vous pensez de tout ça, finalement? Parce que la commission, peut-être que vous n'êtes pas en accord avec le titre, le sujet, mais il y a quand même des choses qu'on peut faire ensemble. Jamais je ne croirai...

• (14 h 10) •

Mme Wesley (Sandra) : Donc, tout d'abord, j'ai mentionné assez brièvement les messages que les jeunes reçoivent. Donc, il faut arrêter de propager ces histoires-là et de vendre aux jeunes une idée que l'industrie du sexe, elle est facilement accessible pour eux, qu'on fait beaucoup d'argent quand on est mineur, que les clients cherchent des mineurs. Donc, il faut vraiment travailler à réduire ces messages-là qui ne sont pas conformes à la réalité, puis c'est souvent ce qu'on observe.

Puis nous, chez Stella, parfois, on se fait appeler par des centres jeunesse quand ils sont à bout de ressources puis ils ne savent pas comment aider quelqu'un. Et souvent on voit des situations où c'est des jeunes qui ont regardé les émissions de télé, qui ont regardé les nouvelles et qui se disent : Ah! mais moi, je n'aurai pas besoin évidemment d'un proxénète parce que pourquoi, là... Tu peux mettre une annonce en ligne et t'afficher. Il n'y a pas besoin toujours d'une tierce partie. Et elle, elle pensait qu'elle allait faire beaucoup d'argent. Puis finalement, en essayant de rentrer dans l'industrie du sexe, elle se retrouve dans toutes sortes de situations difficiles. Donc, tout ça, ça part de cette fausse information là qui est donnée aux jeunes, comme quoi c'est facile de travailler dans l'industrie du sexe. Donc, il faut arrêter ça.

L'autre chose, il faut rendre les médias et toute la télévision redevables aux choses qu'ils perpétuent. Il faut arrêter de voir des histoires d'horreur dans l'industrie du sexe comme du divertissement ou comme du sensationnalisme. Ça, ça peut vraiment faire quelque chose. Moi aussi, je suis mère d'une adolescente, et c'est ce que je vois, surtout étant donné mon travail. Eh bien, c'est sûr que ses amies, c'est vers moi qu'elles viennent quand elles ont des questions là-dessus. Et les idées qu'elles ont, je leur demande toujours d'où elles tiennent ces idées-là. Puis même l'éducation, parfois, qu'elles reçoivent dans les écoles leur donne des idées complètement fausses et leur rend attrayante l'industrie du sexe pour des jeunes. Donc, ça, c'est vraiment un gros enjeu.

Et toutes les autres choses, c'est au niveau des conditions de vie. Si on a une jeune ou un jeune qui ne peut pas ou ne veut pas habiter avec ses parents, qu'est-ce qu'on a à lui offrir si cette personne-là a 15 ans, 14 ans, 16 ans? Est-ce que c'est possible de vivre indépendamment? Est-ce que c'est possible de vivre dans d'autres milieux où on ne se sent pas enfermé, où on ne se sent pas traité comme un délinquant ou comme quelqu'un qui a besoin d'être contrôlé? Qu'est-ce qu'on offre à ces jeunes-là? Comment est-ce qu'on peut avoir de l'argent si on n'a point 18 ans et qu'on n'habite pas avec nos parents? Donc, il faut qu'on trouve des solutions à ça. Il faut qu'on trouve des solutions autres que la DPJ, qui est perçue vraiment comme une source de danger puis de problèmes dans la vie des personnes.

Il faut qu'on outille aussi les personnes dans les écoles, les intervenants. Nous, on reçoit souvent des appels en panique totale d'intervenants dans les écoles qui ne se sentent pas outillés du tout parce que tout ce qu'on leur a dit, c'est : Bien, c'est des filles qui sont manipulées par un proxénète noir, et qui sont forcées, et qui ne feraient jamais ça autrement. Puis finalement elles sont confrontées à des jeunes qui ont un discours complètement différent de ça puis qui ne s'identifient pas à ça. Donc, il faut outiller des intervenants dans ces milieux-là pour qu'ils aient des choses plus rationnelles à offrir aux jeunes.

Puis évidemment, pour tout ce qui est des communautés plus marginalisées, bien, il faut travailler sur la marginalisation. Il faut qu'on se pose la question, là : Pourquoi est-ce que nos jeunes trans se retrouvent dans la rue? Pourquoi est-ce que des jeunes qui consomment des drogues ont de la difficulté à avoir des services? Pourquoi est-ce qu'on enlève encore autant d'enfants à des familles autochtones et ces enfants-là se retrouvent aussi dans la rue à des très jeunes âges ou dans des situations très, très difficiles? Donc, il faut qu'on répare ces communautés-là puis l'ensemble de la communauté.

Et donc la même chose par rapport au racisme que plusieurs communautés vivent au Québec. Donc, c'est sûr que, quand on est en train de dire à toute une génération de jeunes femmes musulmanes qu'elles ne sont pas bienvenues au Québec puis qu'elles n'ont pas de futur au Québec, comment est-ce qu'on peut s'attendre après à ce qu'elles prennent des décisions qui vont dans le sens de leur bien-être et puis qu'elles aient un espoir pour le futur?

Puis, à la fin, c'est ce qu'il faut donner, je pense, à tous les jeunes au Québec, puis ça s'applique autant... On ne parle pas, dans cette commission-là, des personnes que vous appelez, des fois, des proxénètes ou d'autres termes, des exploiteurs, qui sont aussi souvent des jeunes, des jeunes garçons de 16, 17 ans, qui, aussi, sont dans la même situation. Ils ne voient pas un avenir meilleur pour eux et puis ils sont aussi dans un mode de survie. Ils ont besoin d'argent rapidement. Donc, il faut qu'on donne un espoir à toutes ces communautés-là d'avoir un futur qui fait du sens au Québec.

Puis je pense qu'un des gros éléments... L'éducation au secondaire, où le taux de graduation est aussi bas, où on voit des générations s'enfoncer de plus en plus dans la pauvreté, c'est sûr que c'est un enjeu. Et, si on voulait vraiment s'adresser à ça, bien, on n'aurait pas une commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs. On aurait une commission sur les conditions de vie de nos jeunes au Québec. Puis, moi, c'est ce que j'attends.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Ungava, on va y aller... Déjà, on dépasse de beaucoup. On va essayer de garder des réponses courtes et sur le sujet, s'il vous plaît. Allez-y rapidement.

Mme Bombardier (Mathilde) : Juste pour vous mentionner que le PIAMP intervient dans des écoles. Le PIAMP intervient aussi auprès de jeunes qui sont susceptibles d'échanger des services sexuels. Et notre rôle, donc, je l'ai dit dans ma présentation, c'est de les outiller même avant et de comprendre leurs besoins réels, comme l'a dit Sandra. Donc, ce n'est pas de les orienter, bien sûr, vers l'échange de services sexuels, c'est juste les outiller et leur donner toutes les ressources possibles pour qu'ils fassent leur propre choix.

Et ensuite vous demandiez comment faire pour qu'ils ne s'y retrouvent pas. Bien que je ne suis pas vraiment d'accord avec la question parce que, là, on tombe encore dans le moral, mais... Oui?

Mme Perry Mélançon : ...très vulnérable, je l'ai dit. Il ne faut pas... Parce que vous parlez qu'on catégorise ou on généralise, mais il y a des profils, quand même, là, je veux dire. Puis là je parle de jeunes filles dont les vies sont... je veux dire, parce que nous, on parle avec des cas réels de gens qui ont accompagné... certains profils que je dis... qui, eux... elles-mêmes se sentent victimes. Donc, on ne peut pas dire que... Pour moi, ils n'auraient pas dû s'y retrouver. Donc, la question se pose.

Mme Bombardier (Mathilde) : Mais je pense qu'on peut aussi améliorer l'éducation des jeunes, et notamment sur les questions de consentement et d'échange de services sexuels.

Le Président (M. Lafrenière) : On va passer aux deux dernières questions. Je suis sûr qu'on va avoir la chance de répondre. Alors, député d'Ungava, très brièvement.

M. Lamothe : Très brièvement. Bon, Mme Wesley, on n'est pas sur la même longueur d'onde. On n'est pas sur le même fuseau horaire, puis c'est bien correct. Vous avez le droit à vos opinions, à vos réflexions, j'ai le droit aux miennes, puis c'est correct comme ça. Moi, c'est de même que je le vois.

Par contre, ce qui est important quand vous êtes dans un organisme semblable... Vous avez vous-même mentionné tantôt le mot «respect». On ne vous respecte pas. Bien, ça, c'est mutuel, le respect. J'en faisais part ce matin lors d'une communication. Vous savez, quand que vous dites qu'on devrait avoir une meilleure rigueur intellectuelle ou quand vous dites à mon confrère, mon collègue, qu'il aurait dû s'éduquer avant de venir ici, on ne va pas nulle part avec des communications semblables. Ce que je dis là-dedans, c'est que vous avez une réflexion, vous avez vos positions. Mais, si vous voulez les faire évoluer, c'est en étant respectueux. Vous voulez avoir le respect? Bien, c'est mutuel, c'est un respect mutuel. Puis c'est de même qu'on évolue dans une communication, avec des idées puis des réflexions.

Vous avez mentionné tantôt que les femmes autochtones sont utilisées comme des pions. C'est quoi que vous voulez dire?

Mme Wesley (Sandra) : Ce que je veux dire, c'est que des personnes qui ont une idéologie contre l'industrie du sexe, qui est basée dans une idéologie d'un certain féminisme très, très essentialiste, une idéologie très conservatrice, ou aussi des idéologies très, très racistes, vont souvent, lorsqu'elles sont confrontées au fait qu'on leur rappelle que la traite des blanches est le mot qu'ils utilisaient jusqu'à récemment et que leur discours n'inclut pas la diversité... vont s'accrocher aux femmes autochtones et les utiliser comme des exemples sans jamais faire un vrai travail d'interaction profonde avec les communautés autochtones, sans jamais vraiment prendre en considération les réalités des femmes autochtones.

Évidemment, on est dans un contexte, au Canada, où on vient de terminer l'enquête sur les femmes autochtones assassinées et disparues, et une grande proportion de ces femmes-là étaient aussi des travailleuses du sexe. On a des commissions aussi dans l'Ouest du Canada suite à un tueur en série qui a ciblé des femmes autochtones. La commission sur la DPJ aussi, j'espère, adresse en détail les besoins des familles autochtones. Et puis le discours dominant sur l'exploitation sexuelle, sur l'échange de services sexuels des mineures ne tient pas compte de cette réalité-là. On parle toujours des histoires de femmes blanches de bonne famille qui sont manipulées par un proxénète. On ne parle pas des jeunes qui sont enlevés de leur famille à des très jeunes âges et que, génération après génération, on continue l'équivalent des écoles résidentielles avec les centres jeunesse. On ne parle pas des cultures dans lesquelles ces concepts-là de prostitution ne font même pas de sens culturellement. Et puis donc on finit par nommer les femmes autochtones sans jamais vraiment faire le travail réel d'aller vers les besoins des femmes autochtones.

Nous, chez Stella, environ 25 % des femmes avec qui on travaille, des femmes dans notre communauté, sont des femmes autochtones. Pas que 25 % des travailleuses du sexe sont autochtones, mais c'est là qu'on met beaucoup de ressources et d'énergie parce que les besoins sont les plus grands. Puis ce qu'on observe principalement, si on veut parler au niveau des femmes autochtones qui échangent des services sexuels, et ça, ça s'applique adultes ou mineures, c'est que celles qui sont le plus à risque d'arrestation pour des charges criminelles sont celles qui sont le plus à risque de violence, de disparition, d'assassinat. Et puis donc l'impression que ces femmes-là ont, l'impression qu'on a, collectivement, c'est que nos besoins ne sont pas importants, que l'objectif d'une commission comme celle-ci ne tient pas compte des femmes autochtones qui sont assassinées, qui sont disparues puis de leurs besoins, qu'on parle d'autres choses puis qu'on nous ajoute juste en supplément et non pas comme objet central.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.

Je dois suspendre les travaux pour quelques instants afin de permettre à notre prochain groupe de prendre place.

Merci beaucoup de votre contribution. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 18)

(Reprise à 14 h 22)

Le Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à l'Association des hôtels du Grand Montréal, et à Mme Martine B. Côté, et Me Martin Gallié. Je vous rappelle que vous disposez chacun de 15 minutes de présentation. Et par la suite il y aura une période d'échange de 30 minutes avec les membres de la commission. Encore une fois, je m'excuse pour le retard qu'on a pris. Ce sont des débats qui sont passionnants, pour ne pas dire enflammants. On l'a même vécu hier avec une alarme incendie lors de nos débats. Alors, des débats qui sont très intéressants. On s'excuse donc pour ce délai.

J'invite l'Association des hôteliers de Montréal à nous faire leur présentation, à se présenter. On a 15 minutes avec vous. Merci d'être là.

Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM),
M. Martin Gallié et Mme Martine B. Côté

Mme Paré (Eve) : Merci, M. le Président. Chers membres de la commission, je me présente. Mon nom est Eve Paré. Je suis présidente-directrice générale de l'Association des hôtels du Grand Montréal. Aujourd'hui, je suis accompagnée du président de mon conseil d'administration, M. Jean-François Pouliot. M. Pouliot est aussi directeur général de l'Hôtel Omni Mont-Royal, qui est un établissement de 300 chambres situé au centre-ville de Montréal. D'entrée de jeu, on souhaite remercier la commission pour cette opportunité de présenter la perspective hôtelière et de contribuer à l'effort commun pour mettre un terme à l'exploitation sexuelle des mineurs.

Tout d'abord, un mot brièvement sur notre organisation qu'on représente aujourd'hui. Fondée en 1949, l'AHGM regroupe plus d'une centaine d'établissements hôteliers situés principalement dans la grande région de Montréal. Ce sont tous des établissements dotés d'une classification de trois étoiles et plus. L'organisation joue un rôle essentiel de catalyseur et de représentation des intérêts de ses membres, qui sont indispensables à la croissance et au développement économique et touristique. Nous mobilisons, informons et appuyons nos membres en faisant la promotion des pratiques répondant aux critères d'excellence parmi les plus élevés au monde.

Dans l'exercice de nos fonctions, nous sommes appelés à intervenir sur un bon nombre d'enjeux qui touchent nos membres. La question de l'exploitation sexuelle en est un qui préoccupe évidemment les hôteliers de la région de Montréal. À chaque année, au moment de la tenue du Grand Prix de formule 1 du Canada, l'enjeu de l'exploitation revient inévitablement à l'avant-scène médiatique.

Nous ne croyons toutefois pas que l'événement ni les organisateurs ne soient en cause. Tout événement sportif d'envergure, parce qu'il attire un grand nombre d'hommes, de participants, d'hommes principalement, a malheureusement aussi un côté plus sombre. À titre d'exemple, la semaine dernière, les médias relataient la problématique anticipée avec la tenue du Super Bowl à Miami dans quelques semaines. De l'aveu même de certains porte-parole d'organismes, le moment est particulièrement propice à dénoncer la situation en raison de l'attention médiatique de ces événements d'envergure, mais aussi du financement public qui leur est octroyé.

Comme vous le savez sans doute, l'enjeu ne se limite pas à cette seule période de l'année, mais bien tout au long de l'année. C'est bien connu, Montréal est une ville festive et attrayante où il est bon de vivre. L'an dernier, c'est quelque 11 millions de touristes qui ont séjourné dans la métropole, certains d'entre eux, malheureusement, pour les mauvaises raisons. Montréal ne fait pas figure d'exception. Toutes les grandes métropoles d'Amérique du Nord sont aux prises avec cet enjeu. Bien qu'il soit difficile, voire impossible de quantifier le phénomène, encore moins de le comparer avec d'autres villes, il n'y a rien qui nous permet de croire que Montréal fait pire figure que d'autres métropoles. Ce n'est pas une destination qui est plus prisée que les autres en matière de tourisme sexuel.

En préparation de la présentation d'aujourd'hui, trois questions nous ont été soumises par la commission. Je vais essayer de tenter d'y répondre le plus clairement possible.

Première question. L'exploitation sexuelle à l'intérieur des établissements hôteliers est-elle un sujet de préoccupation pour vos membres? La réponse courte est très simple, c'est oui, absolument.

D'entrée de jeu, du point de vue hôtelier, nous convenons sans réserve qu'une situation impliquant une personne sous l'emprise d'un proxénète doit absolument faire l'objet d'une dénonciation. Il serait faux de croire que les hôteliers se ferment les yeux et profitent de l'achalandage lié à l'achat de services sexuels. Au contraire, il n'est pas à l'avantage d'un établissement hôtelier d'accueillir ces individus qui, d'une part, utilisent l'image des hôtels à leurs propres fins et, d'autre part, génèrent un va-et-vient anormalement élevé dans le lobby et les étages.

Certains proxénètes vont même jusqu'à mettre en ligne des sites Internet qui présentent les filles en résidence dans tel ou tel établissement. Des annonces accompagnées de photos de l'hôtel sont même propulsées par l'achat de mots-clés leur assurant une bonne visibilité dans les moteurs de recherche. La mise en marché peut laisser croire que l'hôtel est de connivence. Tenter de faire fermer ces sites Web relève de l'impossible. Ils sont souvent hébergés à l'extérieur du pays.

Il faut aussi garder à l'esprit que les hôteliers se doivent de respecter la vie privée de leurs clients, de leurs invités. C'est pourquoi ils vont faire preuve de la plus grande prudence avant de dénoncer une situation. Avant de procéder, ils voudront en effet s'assurer de ne pas porter de fausses accusations à l'endroit d'un invité de l'hôtel. Ce devoir de diligence peut parfois être perçu comme une forme de complaisance. Or, il n'en est rien. Je peux vous assurer qu'il en est tout autrement. Il n'existe malheureusement pas un signe unique qui permet de déterminer avec certitude s'il s'agit ou non d'une situation relevant de l'exploitation sexuelle. C'est l'addition de plusieurs signes qui permet généralement d'en arriver à une telle conclusion.

Ce qui m'amène à la deuxième question. Comment les hôtels peuvent-ils contribuer à la lutte contre l'exploitation sexuelle?

Afin de limiter les allées et venues et améliorer la sécurité des clients dans l'hôtel, plusieurs établissements ont opté pour l'installation de systèmes de sécurité dans les ascenseurs, qui requièrent l'utilisation d'une clé de chambre pour accéder aux étages. Cette mesure, en somme, assez simple, a pour effet de rendre la vie beaucoup plus difficile aux individus qui souhaitent se rendre sur les étages sans pour autant être clients de l'hôtel.

Une des stratégies employées par les proxénètes consiste à louer une chambre pour plusieurs jours et d'y installer une victime afin qu'elle reçoive des clients. La chambre est généralement payée en argent comptant afin de laisser le moins de traces possible et d'éviter d'identifier la personne. La vigilance des employés peut permettre de déceler certains signes. Entre autres signes, nommons l'utilisation de service aux chambres, d'entretien, davantage de serviettes propres, de nouveaux draps, sans laisser pour autant le personnel accéder à la chambre. L'utilisation de la pancarte «ne pas déranger» pendant une période prolongée peut aussi constituer un indice. Les politiques peuvent varier d'un établissement à l'autre. Mais, de manière générale, une prise de contact avec l'occupant de la chambre par téléphone ou en personne permet de s'assurer de la sécurité à l'intérieur de la chambre. D'autre part, la présence d'objets ou de vêtements pour enfants, la présence importante de sommes d'argent comptant, des accessoires sexuels peuvent tous aussi constituer des indices.

Pour aider le personnel à détecter et à agir lorsque ces situations se présentent, des modules de formation à l'attention des nouveaux employés sont offerts par la plupart des chaînes hôtelières. La formation est obligatoire au moment de l'embauche et doit être refaite périodiquement, dans la plupart des cas, annuellement. L'employé apprend à détecter les signes en fonction des postes qu'il occupe dans l'hôtel, que ce soit comme portier, comme préposé aux chambres ou à la réception. Lorsqu'un employé a des doutes quant à une situation, il est invité à partager ses observations avec son supérieur immédiat. Il en revient généralement au directeur général de déterminer si les autorités doivent être interpelées ou non. Par contre, si la situation présente un caractère urgent ou si la sécurité d'une personne est menacée, il va de soi que les secours seront appelés sans délai.

• (14 h 30) •

Les mesures de sécurité et de surveillance mises en place par les hôteliers ont eu pour effet de rendre la vie un peu plus difficile aux proxénètes et semblent porter fruit. Toutefois, la location d'appartements à court terme sur des plateformes d'hébergement offre désormais une alternative intéressante à la location d'une chambre d'hôtel.

En effet, ce qui m'amène à la troisième question. Comment les hôteliers comptent agir contre l'exploitation sexuelle dans leurs établissements. Parce que tous les membres de notre organisation ne bénéficient pas de la même structure organisationnelle comme celle offerte par les grands groupes hôteliers, il nous apparaissait important de trouver des moyens aussi de les appuyer.

Depuis plusieurs années, nous travaillons en partenariat avec le SPVM afin d'offrir gratuitement des sessions de sensibilisation et de formation aux employés des établissements hôteliers. Ces formations permettent de mieux comprendre la problématique tout en réduisant les préjugés face aux victimes.

C'est dans le même esprit qu'en 2018 nous avons tenu une grande conférence au cours de laquelle une survivante est venue offrir un témoignage poignant. Cette conférence a certainement permis aux participants d'être plus à l'affût des signes et de mieux comprendre la réalité du point de vue de la victime.

Dans la continuité de notre collaboration avec les services policiers, nous nous sommes associés aux trois principaux corps policiers de la métropole dans le cadre du projet RADAR. Lancé l'an dernier, ce projet vise à mobiliser les acteurs susceptibles d'être en contact avec les victimes de traite de personnes. L'objectif est de sensibiliser le personnel et de l'outiller afin d'être en mesure de signaler les victimes potentielles. Dans le cadre de ce projet, des fiches de renseignements indiquant les signes à reconnaître ont été développées pour les différentes fonctions occupées dans l'hôtel, que ce soit en entretien ménager, à la réception, comme portier, comme chasseur, comme agent de sécurité ou même dans la restauration ou dans les bars mais aussi à l'attention des collègues oeuvrant dans les services de transport, que ce soient les autocars ou les taxis.

Finalement, comme organisation, nous avons activement pris part à la démarche entreprise par Le Phare des affranchies. Le programme Lueur, qui sera lancé en février sous forme de projet pilote, vise lui aussi à contrer la traite de personnes aux fins d'exploitation sexuelle. Le programme a été développé en partenariat avec plusieurs représentants des milieux concernés, que ce soit le transport ou l'hébergement. Le programme donne accès à des formations, un guide de bonnes pratiques, des modèles de politiques internes et des outils d'affichage à l'attention des clients et des employés. Force est de constater que plusieurs éléments recoupent aussi ceux du projet RADAR.

En guise de conclusion, j'aimerais souligner que la lutte à l'exploitation sexuelle est l'affaire de tous. Au cours des dernières années, nous avons participé à plusieurs initiatives qui nous ont permis de prendre nos responsabilités, celles qui nous reviennent comme industrie, mais aussi d'explorer des pistes de solution. Tous s'entendent sur la nécessité de prendre action, mais il n'existe pas pour le moment de stratégie concertée. Nous sommes d'avis que le moment est venu d'asseoir tous les intervenants, de se donner une stratégie et un plan d'action communs. Finalement, il faudra s'assurer que les ressources financières et humaines nécessaires à la mise en oeuvre soient aussi en place.

La commission peut continuer de compter sur notre entière collaboration pour agir contre l'exploitation sexuelle des mineurs. Chers membres de la commission, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Maintenant, j'invite Mme Martine B. Côté et Me Martin Gallié à se présenter puis à commencer leur exposé pour une période de 15 minutes, s'il vous plaît.

M. Gallié (Martin) : Bonjour. M. le Président, Mme la Vice-Présidente, Mmes et MM. les commissaires. Alors, je me présente, je suis Martin Gallié, je suis professeur de droit à l'UQAM et vice-doyen aux études.

Et je tiens, en mon nom et en celui de Martine, à vous remercier de nous donner aujourd'hui l'occasion de présenter les premiers résultats d'une étude qui est toujours en cours puisque Martine la poursuit actuellement dans le cadre de son mémoire de maîtrise en droit à l'UQAM aussi.

Alors, on va procéder en deux temps. Je vais présenter les conclusions de notre étude sur la prostitution et le droit à l'aide sociale. Et puis Martine traitera quant à elle des parcours de sortie mis en place en France à titre d'exemple.

Alors, notre étude s'est appuyée sur la littérature essentiellement disponible sur le sujet au Québec mais aussi beaucoup à l'étranger, et on a pris aussi une analyse de la jurisprudence, c'est-à-dire des jugements qui ont été rendus par le Tribunal administratif du Québec pour un motif en particulier : les versements versés en trop... enfin, non, pardon, excusez-moi, c'est-à-dire, quand le... on a analysé les jugements, quand le ministère de la Solidarité sociale réclame des prestations versées en trop à des prestataires qui n'ont pas déclaré leurs revenus de la prostitution.

Alors, je vais insister sur quatre points en lien avec, je crois, le mandat de la commission. Le premier, c'est le nombre considérable de personnes exploitées sexuellement qui dépendent ou qui pourraient dépendre de l'aide sociale si elles en faisaient la demande ou si elles n'étaient pas sans statut. Alors, oui, il faut bien préciser qu'à notre connaissance également il n'existe aujourd'hui aucune donnée officielle sur la catégorie sociale à laquelle appartiennent les personnes prostituées, qu'elles soient mineures ou qu'elles soient majeures. Cela constitue déjà un obstacle important pour élaborer une stratégie cohérente de lutte contre l'exploitation sexuelle.

Ceci dit, de nombreux témoignages devant cette commission, de groupes communautaires, de documentaristes, comme des services de police, sont toutefois venus nous préciser et nous informer qu'en ce qui concerne les mineures, elles ne se recrutaient pas n'importe où, mais très souvent dans les quartiers pauvres de Montréal, on nous parlait de la couronne nord, des centres de jeunesse, des communautés racisées et autochtones ou encore parmi les personnes étrangères sans statut.

D'après les différentes recherches, maintenant, réalisées au Québec, c'est au minimum un tiers, et le plus souvent presque la moitié des personnes prostituées interrogées et actives dans l'industrie du sexe qui dépendraient de l'aide sociale. Pour celles qui ont quitté l'industrie du sexe, ce sont entre 45 % et 70 % des personnes qui dépendraient de l'aide sociale. Bref, les données disponibles sont vagues, ça, c'est sûr, mais elles tendent toutes à confirmer que, dans des proportions considérables, les personnes exploitées sexuellement sont pauvres — et qu'elles soient majeures ou mineures — sont pauvres avant, pendant, quand elles tentent de quitter la prostitution et à leur sortie de la prostitution. Pas conséquent, les études disponibles s'entendent également pour affirmer que lutter contre l'exploitation sexuelle et développer une stratégie cohérente, bien, pour faire ça, il faut bien évidemment combattre la pauvreté, mais également les inégalités de revenus, dont on sait qu'elles sont fonction du sexe, de la classe, de la race et de l'âge. Et cette lutte nous oblige également à questionner les politiques publiques actuelles et l'une des premières sources de revenus des personnes prostituées, l'aide sociale. Et pour dire dès maintenant ce que nous souhaitons dire à la fin de notre présentation, nous défendons ici l'idée que non seulement les politiques actuelles du ministère responsable de l'aide sociale ne permettent pas de lutter efficacement contre l'exploitation sexuelle, mais, au contraire, elles permettent d'encourager l'exploitation sexuelle, en violation de la loi fédérale de 2014 et de la dignité humaine.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons attirer votre attention, c'est sur l'incapacité des personnes victimes d'exploitation sexuelle et dépendantes de l'aide sociale à porter plainte au criminel. Il est relativement bien documenté, à l'étranger surtout, que les personnes victimes d'exploitation sexuelle ne déclarent pas leurs revenus de la prostitution ni au ministère de l'Aide sociale ni au ministère du Revenu ou des Impôts. Ceci se comprend relativement aisément, puisque toutes les sommes déclarées seront déduites de la prestation sociale, qui aujourd'hui s'établit à environ 670 $ par mois pour une personne seule. Elles font donc de fausses déclarations et peuvent être poursuivies pour les sommes versées en trop après une enquête du ministère de la Solidarité sociale. Et ici, il faut vraiment garder à l'esprit que le ministère réalise des milliers et, certaines années, des dizaines de milliers d'enquêtes, parfois à l'aide de rapports de police, pour débusquer de potentiels fraudeurs, la plupart du temps suite à des dénonciations anonymes.

Les enquêtes du ministère et les auditions des prestataires au tribunal révèlent à quel point les victimes d'exploitation sexuelle dépendent financièrement de l'aide sociale pour payer leur loyer, le plus souvent, ou leur nourriture. On pourrait multiplier les exemples, mais je cite ici des extraits de jugements, comme cette ancienne prostituée de 25 ans qui déclare à l'audience, c'est-à-dire quatre ans après la coupure de l'aide sociale, qu'elle était prête — je cite — à faire n'importe quoi et à dire n'importe quoi à l'enquêteur pour obtenir son chèque de l'aide sociale et ne pas perdre la garde de ses enfants. Cette dépendance à l'aide sociale a des effets directs sur la lutte contre l'exploitation sexuelle. Les prestataires renonceront la plupart du temps à porter plainte, de peur que cette plainte criminelle soit transmise aux inspecteurs de l'aide sociale et que cela se traduise très concrètement par la coupure de l'aide sociale, et pour certaines, le retrait de la garde des enfants. Il a pourtant été maintes fois répété devant cette commission, par les services de police en particulier, que ces plaintes étaient des conditions sine qua non pour lutter efficacement contre l'exploitation sexuelle, des mineurs comme des majeurs. C'est pourquoi nous nous permettons de vous demander, Mmes et MM. les commissaires, d'analyser l'impact des politiques actuelles du ministère en charge de l'aide sociale sur l'accroissement constaté et dénoncé de l'exploitation sexuelle. Ce sont, dans tous les cas, ces liens étroits entre les politiques de l'aide sociale et l'exploitation sexuelle qui ont motivé la création d'une commission d'enquête de la Chambre des communes, au Royaume-Uni, sur le sujet.

Le troisième point sur lequel nous souhaitons revenir ici, c'est l'arbitraire du ministère de l'aide sociale et les conséquences de cet arbitraire en matière de lutte contre l'exploitation sexuelle. Les enquêteurs du ministère de l'aide sociale font face exactement au même problème que celui dénoncé par les services de police en matière criminelle devant la commission. Ils sont, de facto, devant l'impossibilité d'évaluer le montant des sommes réellement perçues par les victimes d'exploitation sexuelle. Mais, de manière pour le moins fâcheuse, cette incapacité à évaluer ces revenus et cette absence de preuve ne soulève absolument aucun problème juridique, ni pour le ministère ni pour le Tribunal administratif du Québec.

• (14 h 40) •

Simplement pour illustrer la démarche du ministère, je prends l'exemple de cette personne qui, selon le tribunal, est analphabète, prestataire depuis des années, qui a connu divers problèmes de santé et de polytoxicomanie et qui bénéficie du barème pour personnes souffrant de contraintes sévères à l'emploi. Elle déclare à l'enquêteur avoir commencé des activités de prostitution — je cite — vers juin 1997, pendant plusieurs années, de façon régulière, à raison d'un à trois clients par jour et, je cite encore, qu'elle pouvait gagner environ 150 $ par jour, qui servaient à payer l'héroïne de sa fille. C'est à partir de cette déclaration, pour le moins vague, que le ministère établit une moyenne et le chiffre, le montant de la réclamation à exactement 48 440 $. Pour le ministère, comme pour le tribunal, le fait que ce soit un ou peut-être trois clients par jour pendant 200 ou 365 jours, pour 100 $ ou 150 $ n'a absolument aucune importance. Les sommes réclamées sont presque toujours confirmées par le tribunal au centime près.

Ceci est d'autant plus arbitraire qu'il est bien établi qu'il y a une différence gigantesque entre les sommes versées par les clients et celles finalement perçues par les personnes exploitées sexuellement. Elles ne tiennent pas compte des sommes versées au proxénète, des coûts du logement, de la dépendance à l'alcool, aux drogues, aux médicaments. Enfin, le dernier point sur lequel nous souhaitons attirer l'attention des commissaires, c'est que cette politique publique pourrait engager la responsabilité de l'État québécois en matière d'exploitation sexuelle. Dans les 14 jugements analysés, le ministère réclame, en moyenne, 23 821,70 $. C'est un montant qui est, grosso modo, équivalent à deux années de prestations sociales qui doivent être remboursées.

Ici, il faut garder en tête que non seulement les personnes prestataires ont dû faire la preuve au ministère qu'elles étaient admissibles à l'aide sociale, c'est-à-dire qu'elles n'avaient donc pas ou très peu de ressources, mais il faut surtout insister sur le fait que d'après le ministère lui-même, plus de 60 % des prestataires ont des contraintes sévères ou temporaires à l'emploi. Elles ne peuvent donc pas travailler. Et il est bien documenté que c'est aussi le cas de la quasi-totalité des personnes exploitées sexuellement qui souffrent de nombreux chocs post-traumatiques.

Par conséquent, dans ces dossiers spécifiquement, le ministère réclame des dizaines de milliers de dollars, parfois 80 000 $, à des personnes qui ont été qualifiées, par un médecin et par le ministère lui-même, comme inaptes au travail ou avec des chocs post-traumatiques. Le ministère réclame des sommes colossales à des personnes, donc, qui n'auront légalement, et j'insiste sur ce point, pas d'autre choix que de recourir à des moyens illégaux, comme la prostitution, pour rembourser les sommes dues.

Ce sont précisément ces réclamations des ministères de l'Aide sociale et des Impôts qui ont obligé les magistrats français et une juge de la Cour européenne des droits de l'homme à condamner et à déclarer que l'État français se comportait comme un proxénète, en tirant profit de la prostitution et en empêchant toute possibilité de réinsertion et de lutte contre l'exploitation sexuelle. Compte tenu de ces éléments, nous nous permettons donc d'inviter les commissaires à recommander aux ministères compétents de revoir les critères d'admissibilité à l'aide sociale, de réduire les délais d'attribution à l'aide sociale, de revoir les procédures d'enquête, de réduire les délais judiciaires, d'annuler les réclamations du ministère pour les victimes d'exploitation sexuelle et, enfin, d'accroître les montants de l'aide sociale. Ce sont des pistes de solutions et des solutions mises en place, qui ont été proposées, en tout cas, et qui sont mises en place dans d'autres pays, comme va maintenant l'exposer Martine Côté. Merci.

Mme Côté (Martine B.) : Bonjour. Merci, Martin. Je m'appelle Martine B. Côté. Jusqu'à récemment, je travaillais à la concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle, que vous avez entendue hier, la CLES.

J'ai beaucoup appris auprès des intervenantes là-bas et surtout aux côtés des femmes qui fréquentent l'organisme. Voir ces femmes se buter à autant d'obstacles pour quitter l'industrie, et voir des femmes sorties même depuis des années, vivre avec autant de conséquences physiques, psychologiques et sociales m'a donné envie de retourner aux études, et c'est à cet humble titre de candidate à la maîtrise en droit et auxiliaire de recherche que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt la commission. Il a été maintes fois question du modèle suédois. Nous voulons attirer votre attention aujourd'hui sur le cadre législatif français, un peu plus récent, imparfait, mais qui offre des réflexions très intéressantes et surtout, qui se révèle beaucoup plus cohérent. Le 13 avril 2016, la France a adopté un nouveau cadre législatif en matière de prostitution, dont le titre est sans équivoque, la Loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

Le cadre français est, tout comme la Suède et le modèle canadien, un modèle où le client... l'achat est pénalisé, où, comme le dit le Mouvement du Nid, un organisme important dans la lutte à l'exploitation sexuelle en France, le modèle français dépénalise les victimes et responsabilise les clients. Les comparaisons avec le Canada, par contre, s'arrêtent là, premièrement parce que, contrairement au Canada, la loi française, elle est appliquée. En France, moins de trois ans après son application, plus de 4 000 acheteurs ont été arrêtés. Au Québec, le journal La Presse nous apprenait, en juillet dernier, que 233 clients ont été arrêtés près de cinq ans après la nouvelle loi.

L'État français a mis en place une mesure très intéressante et surtout cohérente avec ses objectifs législatifs, c'est-à-dire la création d'un parcours de sortie de la prostitution. Permettez que, pour le temps dont je dispose, je l'appelle le PSP. Comment ça fonctionne? Je vais tenter de vous l'expliquer, c'est assez bureaucratique — c'est français, désolé, Martin. Alors, l'État français a mis en place des commissions qui sont chargées de répondre aux objectifs de la loi. Chaque département doit mettre sur pied une telle commission. Ces commissions sont représentées d'institutions telles que les services de police, de justice, de santé, d'éducation, des représentants des collectivités locales et des représentants d'association, l'équivalent de nos organismes communautaires au Québec. Ce sont ces grandes structures qui administrent les PSP.

Pour faire le lien entre cette structure et les personnes qui souhaitent quitter l'industrie, des organismes qui travaillent déjà avec ces personnes font une demande d'accréditation. Une fois que cette demande-là est acceptée, les organismes deviennent le lien et aident les personnes à faire leur demande d'accès pour un PSP et les accompagnent dans toutes les démarches, une fois admises à ce fameux PSP.

Qui peut être admissible? La personne, et ça, il y a des critiques qui l'ont souligné, on pourra en rediscuter si ça vous intéresse, la personne doit avoir cessé toute activité prostitutionnelle et être âgée d'au moins 18 ans. Une fois acceptée, la personne s'engage, auprès d'une association qui a son accréditation, dans un parcours d'une durée minimale de six mois, renouvelable jusqu'à un maximum de deux ans. Cette personne reçoit une allocation de 330 € par mois, qui est bonifiée si elle a des enfants à sa charge. La personne engagée dans un PSP devient prioritaire pour obtenir une place d'hébergement ainsi qu'un logement social.

Par ailleurs, vous le savez peut-être, une large proportion des personnes prostituées en France sont de nationalité étrangère, 86 %, très souvent sans papier. La nouvelle loi prévoit pour elles une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale de six mois, chose dont elles ne disposaient pas, aide financière incluse, avant cette loi de 2016.

La personne engagée dans un PSP bénéficie également d'une annulation de ses dettes fiscales. Cela nous apparaît très important à la lumière des demandes de recouvrement astronomiques dont nous vous avons fait part, ainsi que, comme il a été documenté, le fait que la personne exploitée sexuellement conserve, au final, une très petite partie de ses gains. Nous insistons donc sur l'importance de l'annulation des dettes fiscales pour les victimes d'exploitation sexuelle et souhaiterions voir le ministère rouvrir les dossiers des personnes qui ont actuellement une dette, soit à l'aide sociale, soit à Revenu Québec.

Avec la loi du 13 avril 2016, en France, est venue la mise sur pied d'un stage de sensibilisation, le très mal nommé, si on me demande mon avis, «john school», alors je vous propose d'utiliser la formule «journée de sensibilisation». Alors, en France, c'est utilisé en guise de peine complémentaire ou alternative, donc une journée de sensibilisation à la réalité de l'exploitation sexuelle, et ça va vous intéresser à titre de gestionnaires de nos portefeuilles, aux frais de la personne poursuivie. Donc, le client doit débourser 180 € pour participer à cette journée de sensibilisation, ce qui donne aussi un petit montant d'argent à des survivantes qui en ont bien besoin.

Enfin, notez qu'avec l'adoption de la loi française est venue la possibilité pour les victimes d'exploitation sexuelle de faire une demande d'indemnisation à l'équivalent français de l'IVAC. Nous joignons donc notre voix à celles et ceux qui réclament l'ajout du proxénétisme et de la traite à la liste des crimes indemnisés, et nous ajoutons l'abrogation du délai de prescription. Vous l'avez entendu, nous fouillons dans la jurisprudence et nous avons recensé des décisions dans lesquelles des femmes ne sont pas indemnisées parce que, par crainte de représailles, elles ont attendu que leur proxénète soit arrêté pour faire une demande d'indemnisation, par exemple, pour une agression sexuelle. Ce délai dépasse les deux ans prévus par la loi, donc on refuse.

Très rapidement, je conclus. Il y a des premiers résultats de l'application de la loi française. Je vous parlais des clients pénalisés, mais sachez que 65 commissions ont été installées, 78 associations agréées, 250 personnes sont actuellement en parcours de sortie de la prostitution et plus de 270 hommes ont suivi cette journée de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels.

Nous nous permettons donc de recommander à la commission la création d'un parcours de sortie de la prostitution au Québec adaptée à la réalité québécoise et pour lequel les groupes communautaires pourraient mieux que nous définir les paramètres en termes de logement, d'allocations et d'aide financière de toutes sortes, et, pourquoi pas, un projet pilote destiné aux mineurs qui souhaitent sortir de l'exploitation sexuelle? Merci.

• (14 h 50) •

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation, pour vos présentations. Nous allons passer maintenant à la période de questions. Alors, je vais demander aux députés de m'indiquer à qui s'adresse la question, mais, avant tout, je veux juste vous rassurer, cette commission a bien entendu ce qui a été dit au sujet de l'IVAC, et notre ministre est déjà dans l'action. On va attendre ce qui est concret, mais on vous a bien entendu. Alors, première question, j'ai la députée de Les Plaines.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais tenter d'être brève pour que tout le monde puisse poser leurs questions. Les recommandations que vous faites sont vraiment intéressantes. Je vais juste diriger ma question vers l'Association des hôtels du Grand Montréal. J'avais hâte de vous rencontrer parce que j'ai des contacts très privilégiés qui m'ont parlé de ce qui a été mis en place, surtout dans les grands hôtels, on s'entend, et ça m'a suscité la question suivante parce que ce qu'on me disait, c'est que parmi les employés... ils avaient peur à la délation, ils avaient peur d'être vus comme des délateurs, alors qu'il y a quand même un certain nombre de programmes qui ont été mis en place. Et c'est là-dessus que je voudrais peut-être que vous me précisiez qui donne les programmes, comment ils sont basés et comment l'approche se fait auprès des employés pour que justement ça puisse être vu non pas comme de la délation, mais... Et je vous rappelle, le nom de la commission, c'est l'exploitation sexuelle des mineurs, pour ne pas susciter trop de débats, là, on parle vraiment des mineurs. Donc, comment cette approche-là est-elle faite pour avoir l'engagement des employés, des consultants?

Mme Paré (Eve) : Je laisserais M. Pouliot répondre à cette question, si vous permettez. Merci.

M. Pouliot (Jean-François) : Écoutez, je pense que nous, notre rôle, c'est un rôle de prévention et d'éducation. On se doit de s'assurer qu'on équipe tous les départements avec les bonnes pratiques. Puis la délation, c'est drôle, on n'en parle pas beaucoup, c'est vraiment... À travers les formations, que ce soit avec le SPVM ou que ce soit à travers nos bannières, c'est de reconnaître les signes indicateurs d'une problématique, puis comment intervenir. Donc, que ce soit la préposée aux chambres qui se pointe et qui s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui cloche, c'est de se retourner le plus rapidement possible vers le superviseur ou le directeur en devoir et dire : Il y a quelque chose qui se passe. Et à partir de ce moment-là, nous, on intervient, que ce soit à travers le département de la sécurité ou quoi que ce soit, ou, s'il y a de la violence apparente ou des choses comme ça, bien, le 911 est fait. Alors, c'est vraiment plus une question d'être constamment vigilant puis de le rappeler de façon mensuelle, de le rappeler à travers des réunions pré-quart de travail ou quoi que ce soit, mais de bien s'assurer qu'ils sont à l'aise de ce côté-là. Donc, le côté délation, pour moi, c'est drôle, vous en parlez, mais je pense que ce n'est pas une préoccupation qui nous a été tablée.

Mme Lecours (Les Plaines) : Parce qu'on m'a textuellement dit que, dans les grands événements, et vous, vous nous l'avez quand même dit, il y a une hausse, là, quand même, de...

M. Pouliot (Jean-François) : C'est une réalité de tous les jours. Ça fait longtemps qu'on... Puis on n'en veut pas, etc., donc ce qu'on fait, vraiment, c'est... qu'est-ce qu'on a comme mécanisme en place pour rendre la vie difficile à ces criminels-là ou ces proxénètes-là. À un moment donné, il y en a qui sont plus intelligents que d'autres, et ils trouvent toutes sortes d'entourloupettes, mais il reste néanmoins qu'on est de plus en plus vigilants et on réagit. Transaction comptant, des gros montants, que ce soit... Une des petites choses qu'on fait qui est d'une importance capitale, c'est de vérifier l'identité, que ce soit la carte de crédit qui est associée à la bonne carte d'identité, etc. Évidemment, il y a toutes sortes de trucs, puis la personne qui va se présenter en avant de vous n'est pas nécessairement mal habillée ou suspecte, là, mais il y a quand même ces mécanismes-là qui rendent la vie plus difficile à tout le monde. Mais, je veux dire, ce n'est pas... De voir que, durant le Grand Prix, par exemple, il y a une recrudescence, il y en a plus, oui et non. On voit qu'il y a beaucoup plus d'activité, et c'est clair qu'on le sait, qu'il se passe des choses, mais est-ce que c'est clair, est-ce que c'est mineur, est-ce que c'est... C'est très difficile de faire la distinction, et donc...

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Ma question aussi va être plus spécifiquement pour les gens de l'Association des hôtels du Grand Montréal. Moi, j'ai été dans le domaine de l'hôtellerie un peu, et puis c'est vrai que c'est très difficile quand même, là, pour un employé de déceler ça, parce que tout se... bon, ça se passe... c'est compartimenté quand même, là, les tâches de chacun. Donc, j'étais heureuse de voir, là, la collaboration avec le SPVM, qui est assez récente. Je ne sais pas si ça fait plus longtemps, les collaborations, mais il me semble qu'on avait eu une sortie, il y a peut-être un an et quelques de ça, qu'il y avait quelque chose de plus spécifique, là, comme projet pilote ou...

Mme Paré (Eve) : Ça fait plusieurs années qu'on collabore avec le SPVM. Je vous dirais, les premières années, c'était peut-être de façon plus informelle. Maintenant, il y a le projet RADAR qui...

Mme Perry Mélançon : La formation est plus...

Mme Paré (Eve) : Mais la formation se donnait déjà depuis plusieurs années. Je vous dirais, le projet RADAR est venu englober aussi le SPAL puis la police de Laval dans une collaboration, là, qui est plus métropolitaine.

Mme Perry Mélançon : Puis est-ce qu'on sait, de un, si c'est aussi de la formation qui est... bon, c'est une petite industrie, quand même, donc ça ne s'adresse pas nécessairement à vous, mais est-ce qu'on sait si, dans les plus petits établissements hôteliers, bon, avec trois étoiles et moins, parce qu'on sait que c'est quand même utilisé aussi, des fois, motels, etc., est-ce que c'est quelque chose qui est aussi... est-ce qu'ils ont des outils également?

Et puis ma deuxième question, je pourrais tout de suite vous la présenter, ce serait de savoir si, selon vous, on devrait avoir plus d'incitatifs du côté du gouvernement pour que tous les établissements de l'industrie du tourisme mettent la main à la pâte, finalement, parce que vous avez dit que c'était l'affaire de tous, finalement, là, de lutter contre ce phénomène, donc d'avoir un peu votre opinion là-dessus, comment on peut faire plus collaborer tout le monde à cette lutte.

Mme Paré (Eve) : Sur la question de la formation, je vous dirais que j'ai eu l'occasion de comparer un peu le contenu des diverses formations, que ce soit avec Le Phare des affranchies, avec RADAR ou avec les chaînes hôtelières. Ça se recoupe passablement. Ça fait qu'il y a une certaine uniformité, je veux dire, les signes qu'on doit détecter sont sensiblement les mêmes qui sont présentés dans l'une ou l'autre des formations.

Pour ce qui est des petits hôtels, c'est beaucoup plus difficile pour moi de commenter puisqu'ils ne sont pas partie prenante de notre organisation. C'est certain que des projets comme RADAR sont offerts à travers le réseau hôtelier, mais ils ont aussi travaillé avec les sociétés de développement commercial de certains arrondissements. Donc, il y a possibilité de rejoindre d'autres types de commerçants, que ce soient des bars, des restos, des cafés ou des plus petits établissements, donc ils ont quand même accès à cette formation-là. Il y a peut-être un défi de communication pour faire connaître cette possibilité-là, effectivement.

Je vous dirais, le constat, puis je le nommais dans ma conclusion, c'est que nous, on lève la main puis on est prêts à travailler avec tous ceux qui veulent travailler dans ce sens-là. Maintenant, on réalise qu'il y a beaucoup d'intervenants, il y a beaucoup de philosophies. Je pense que d'avoir une approche unifiée, avec les ressources financières et humaines qui les accompagnent, ça faciliterait certainement la vie de tout le monde, et on est entièrement disponibles pour collaborer en ce sens-là.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. La prochaine question sera pour le député d'Ungava. Mais, avant tout, je vais demander le consentement pour poursuivre nos travaux jusqu'à 15 h 20, étant donné qu'on a un petit peu de retard. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Merci beaucoup. Alors, député d'Ungava.

M. Lamothe : Bonjour, Mme Paré. Bon, vous avez en plus un bon système de prévention, là, pour le proxénétisme et, si on veut, la prostitution dans vos hôtels à Montréal. Il y a des signes, là, que vous donnez aux employés, dans le sens : Regardez, soyez vigilants, là, l'extra cash sur les bureaux, le paquet de serviettes, les vibrateurs, tout le kit. Vous travaillez conjointement avec la police de Montréal, Les Survivantes, pour faire en sorte d'éliminer ce fléau-là. Parce qu'il y a un fléau?

Mme Paré (Eve) : Oui.

M. Lamothe : Disons dans les trois dernières années, là, combien de dossiers la police de Montréal a faits dans vos hôtels face au proxénétisme ou à la prostitution dans vos hôtels?

Mme Paré (Eve) : C'est une excellente question à laquelle je n'ai pas réponse. Il y a certains établissements qui m'ont contactée pour avoir des coordonnées de personnes à contacter parce que, des fois, c'est avec le poste de quartier directement qu'on a eu des collaborations. Mais je n'ai aucune idée du nombre de dossiers qui ont été traités.

M. Lamothe : Parce que, vous savez, quand vous venez ici puis vous me dites... bien, vous dites : Écoutez, on a en place un beau système de prévention parce qu'on a un problème, puis que vous n'avez pas de chiffres à me donner suite à la prévention que vous mettez en place, sachant très bien que c'est un problème, je ne sais pas, là...

Mme Paré (Eve) : Je n'ai pas la connaissance de tout ce qui se passe dans tous les hôtels. Peut-être que Jean-François, pour...

M. Pouliot (Jean-François) : Écoutez, le fléau, on sait que c'est une préoccupation, puis il faut réagir, puis il faut minimiser les risques, puis, en tant qu'hôteliers, c'est ce qu'on doit de mettre en place. Maintenant, est-ce qu'on a une idée exactement des cas qui sont signalés et que c'est... Je vous dirais que non, puis, de mon expérience, je n'en ai pas vu beaucoup, et, quand on l'a su, on l'a su à retardement. Il est arrivé un incident, et la police a enquêté, etc., ils sont venus chercher des informations, et pouf! ça s'est passé dans nos lieux, là. C'est difficile, c'est passé entre les maillons.

• (15 heures) •

M. Lamothe : Oui. O.K. Oui. Moi, ce que je dis, c'est que je n'ai pas d'exemple à vous donner. Mais par contre j'ai été policier moi-même. Ça fait que, quand on met en place un système préventif pour faire en sorte d'enrayer une problématique, c'est bon de faire un suivi aussi après l'événement pour savoir on se situe où dans tout ça, là.

Mme Paré (Eve) : Tout à fait.

M. Pouliot (Jean-François) : À noter.

M. Lamothe : C'est bon. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.

M. Benjamin : Merci. Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation.

Donc, dans votre mémoire — donc je m'adresse à l'association des hôteliers du Grand Montréal dans un premier temps — vous faites mention de votre devoir de diligence, donc, mais en même temps vous nous avez parlé aussi... Vous avez observé une migration de cette problématique-là vers les Airbnb. Donc, ça, c'est... Et ça, ça a sonné une cloche puisqu'on vient d'adopter il n'y a pas si longtemps un règlement sur les Airbnb, et voilà un enjeu, je crois, autour duquel je crois qu'il nous faudra être vigilant, l'enjeu de l'exploitation sexuelle. Et vous n'êtes pas le premier groupe qui nous a parlé des enjeux par rapport à Airbnb.

Donc, ma question pour vous. Quand on parle — je n'ai pas les chiffres — de permis d'établissement hôtelier dans le Grand Montréal, il y a combien de permis d'établissement hôteliers? Je sais que, chez vous, vous avez une centaine de membres. Je parle de permis d'établissement hôteliers. Est-ce que vous avez une idée de combien il y a de permis d'établissement hôtelier sur le territoire de l'association?

Mme Paré (Eve) : Les chiffres peuvent varier selon comment on définit le territoire, si c'est Montréal, si c'est la région métropolitaine. Je vous dirais, sur Montréal, de mémoire, on parle de 200 permis hôteliers, toutes tailles d'établissement.

M. Benjamin : 200 permis hôteliers.

Mme Paré (Eve) : Un hôtel, ça commence à cinq chambres et plus. Ça peut être un, deux, trois, quatre, cinq étoiles. De mémoire, sur Montréal, c'est 200 permis. Maintenant, les résidences de tourisme, là, il y a une multiplication du nombre de permis qui ont été émis ou qui seront émis avec la nouvelle réglementation.

M. Benjamin : Donc, je comprends que les efforts qui ont été déployés, évidemment, auprès des membres de l'association... Donc, il resterait au moins... Il y a au moins, donc, tout ce qui n'est pas membre, évidemment, soit en moyenne, quoi, une centaine, à peu près, d'autres établissements pour lesquels on ne sait pas actuellement qu'est-ce qui est déployé comme efforts, donc, en termes de formation. C'est bien ça?

Mme Paré (Eve) : L'association représente 20 000 chambres d'hôtel sur peut-être 24 000.

M. Benjamin : 20 000 sur 24 000.

Mme Paré (Eve) : Donc, on couvre quand même... On ratisse quand même assez large.

M. Benjamin : Parfait. Ma prochaine question, pour M. Gallié et — c'est Mme Côté? — Mme Côté. Merci pour votre présentation.

Je sais que vous nous avez parlé, en début de présentation, de la difficulté à avoir des données. Je vais vous poser une question sur les données. Avez-vous une idée quand on vous... Cette situation-là sur laquelle vous attirez notre attention concernerait... Est-ce que vous avez un estimé, une estimation, à peu près, de combien de personnes à peu près cette situation-là pourrait concerner au Québec?

Mme Côté (Martine B.) : En termes de nombre de personnes, non. Par contre, nous, ce qu'on a fait, c'est recenser toutes les études qui font mention de personnes qui ont ou ont eu des revenus de prostitution et qui mentionnent aussi des prestations d'aide sociale. Donc, je ne pense pas qu'on puisse tirer un nombre de personnes avec ça. Mais assurément qu'à travers les six études qui constituent notre corpus on peut affirmer... Et je crois que Martin vous a donné les chiffres précis, en termes de pourcentage, de personnes qui ont ou ont eu des revenus de prostitution et qui sont prestataires d'aide sociale. Donc, peut-être qu'on peut redire ces chiffres-là si ça vous intéresse. Mais, en termes de nombre de personnes, c'est assez difficile.

M. Gallié (Martin) : Bien, c'est d'autant plus difficile que même les services de police sont dans l'incapacité de connaître le nombre de personnes qui vendent... enfin, qui se prostituent, par exemple. On n'en a absolument aucune idée. Je crois que le seul chiffre que j'ai réussi à trouver, c'était le nombre de transactions, l'évaluation, à plusieurs millions, de transactions réalisées rien qu'à Montréal.

Mme Côté (Martine B.) : Mais peut-être juste un petit ajout. L'étude la plus récente qui a été faite ici, c'est une étude privée, je tiens à le dire. Vous avez reçu son auteure principale, Maria Mourani. L'échantillon, il est très, très important, surtout quand on parle de personnes prostituées, 548 personnes. Alors, dans l'étude de Mme Mourani, 250 personnes, sur son échantillon, ça représente 49 % qui étaient actives au moment de répondre au questionnaire, étaient aussi prestataires d'aide sociale. Du côté des personnes qui avaient quitté l'industrie, 208 de son échantillon, soit 45 %, étaient prestataires d'aide sociale. Et, quand on parle d'études concernant les personnes prostituées, un tel échantillon, 548, au Québec, c'est vraiment très important.

M. Benjamin : Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. Merci de participer à cette commission spéciale.

J'aurais besoin de chiffres. Vous avez dit qu'il y avait 200 permis d'hôtel à Montréal, grosso modo. Vous couvrez 20 000 chambres. En termes de marché, en termes d'entrées d'argent, ça veut dire combien, ça? C'est une industrie qui représente combien de millions ou de milliards de dollars, l'industrie de l'hôtellerie à Montréal?

Mme Paré (Eve) : Excellente question. Je n'ai pas les chiffres en tête.

Mme St-Pierre : Vous n'avez pas ces chiffres-là?

M. Pouliot (Jean-François) : Au risque de me fourvoyer, je vais vous dire... Je peux vous revenir avec les montants, mais ça représente... C'est un moteur d'emploi très important puis qui génère beaucoup de revenus. Et, pour vous donner une idée, avec le nombre de chambres qu'on gère, mettons, 70 % d'occupation dans l'année, puis un tarif moyen de 200 $ ou, mettons, 175 $, ça peut nous donner une idée.

Mme St-Pierre : Qui serait à peu près... Vous êtes obligé de sortir la calculette?

M. Pouliot (Jean-François) : Je vais être obligé de sortir la calculette, mais je peux vous revenir rapidement avec des statistiques plus précises si nécessaire.

Mme St-Pierre : O.K. Et est-ce qu'on peut savoir... Cet argent-là, les clients, en grande majorité... En fait, c'est ce que... J'ai l'impression qu'en grande majorité ce sont des clients qui sont de l'extérieur du Québec ou de l'extérieur de Montréal, qui viennent de d'autres pays ou qui viennent d'ailleurs au Canada. Il doit certainement y avoir un pourcentage.

Mme Paré (Eve) : 80 % des clients proviennent de l'extérieur de la province.

Mme St-Pierre : Bon, 80 % des clients proviennent de l'extérieur de la province. Donc, on a parlé de pauvreté. On parle d'aider ces personnes à sortir de l'exploitation sexuelle. L'argent qui entre vient à 80 % de l'extérieur du Québec, donc, et je sais que les gouvernements, les ministres des Finances n'aiment pas beaucoup les taxes dédiées, mais peut-être que ça serait une solution, c'est-à-dire de créer un fonds particulier, un fonds spécial pour venir en aide à ces personnes victimes d'exploitation sexuelle et de peut-être avoir un pourcentage, genre, peut-être 1 % ou 0,5 %, sur le tarif de l'hôtel pour créer un fonds pour venir en aide à ces personnes qui sont victimes d'exploitation sexuelle. Je ne vous demande pas de répondre à ça parce que je pense que je vais... Peut-être que c'est trop une surprise pour vous que j'arrive avec cette idée-là, mais ça fait un bout de temps que ça me mijote dans la tête et je me dis : Bien, il va falloir à un moment donné qu'on trouve des solutions, qu'on trouve des moyens. Puis on vient d'avoir une belle démonstration que l'aide sociale, ce n'est vraiment pas la solution. Puis les victimes d'actes criminels ne seront peut-être pas... L'aide aux victimes d'actes criminels ne serait peut-être pas la solution non plus.

Dans votre plan ici, je trouve ça vraiment intéressant d'amener des employés à détecter certains signaux. Ça, je pense que ça doit se poursuivre. En termes de cas, est-ce que vous avez une idée combien de cas ont été rapportés dans la dernière année ou dans les dernières années? Est-ce que c'est quelque chose qui est très fréquent, pas fréquent ou moyennement fréquent?

Mme Paré (Eve) : À l'échelle de nos membres, je suis incapable de vous répondre. Je m'en excuse. Mais je pourrais peut-être passer la parole à mon collègue, qui, dans son établissement, peut commenter, là.

M. Pouliot (Jean-François) : Bien, ça revient un petit peu aux commentaires qu'on a faits ou aux commentaires du député d'Ungava plus tôt, c'est difficile. Le suivi à faire suite à certains incidents ou certaines enquêtes serait intéressant. Je ne peux pas vous dire que ça a été notre réflexe. L'idée, c'est de le prévenir puis d'empêcher que ça se passe chez nous. Donc, notre réflexe, c'est vraiment la prévention. Puis, lorsque...

Mme St-Pierre : ...vous a motivés à... C'est parce que vous avez... vous voyez qu'il y a quelque chose qui se passe. C'est pour ça que vous avez été motivés à le faire.

M. Pouliot (Jean-François) : Bien, c'est quelque chose... On ne peut pas approuver cette façon de faire. Si ça se passe dans nos établissements, il n'y a rien... Il y a un risque économique associé à ça. Je veux dire, on ne veut pas être associés à un acte criminel. Alors donc, de ce côté-là, c'est la motivation, évidemment, l'association avec la bannière et tout ce qu'on veut. Mais, une fois passée cette partie-là, il y a vraiment un devoir de citoyen corporatif à un moment donné. Quand ça se passe, ces histoires-là, chez nous, qu'est-ce que je peux faire? Puis, comme hôtelier, quel est mon rôle? Mon rôle, c'est de la prévention, c'est de l'éducation, c'est de travailler avec les autorités locales pour minimiser les risques associés à tout ça, là, puis, je veux dire, dans notre rôle d'hôtelier, si on veut. C'est comme ça que je réponds.

• (15 h 10) •

Mme St-Pierre : Bravo! Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Merci, M. le Président. Premièrement, vous adressez... C'est vraiment intéressant de vous voir en action dans ce domaine. Et je sais que c'est évolutif. Il y a un partenariat qui se développe avec des corps policiers, trois. Puis, juste en regardant le nombre de personnes, les fonctions des gens qui travaillent à l'hôtel, ça, c'est des agents multiplicateurs, dans leur vie personnelle, dans leur vie sociale, parce qu'on parle de sensibiliser. Puis beaucoup d'entre eux, c'est des hommes, en plus, et on parlait d'avoir un porte-parole homme parce que c'est important de parler des hommes entre les hommes, qu'eux aussi rejettent cette notion d'exploitation sexuelle des mineurs, de ne pas banaliser. Donc, vous êtes en train de faire en sorte que le milieu hôtelier est en train de prendre conscience. C'est sûr que, depuis lustres, ça se passe dans les hôtels, mais on n'était pas axés sur les mineurs. Et on parlait de fléau, pas fléau. On sait qu'il y a quelque chose qui se passe avec l'Internet et on sait... Vous le décrivez bien, les photos des hôtels qu'on met, puis vous n'êtes pas capables de contrôler ça... qu'ils mettent sur le site.

Alors, c'était vraiment pour vous féliciter et aussi pour vous dire... Au fur et à mesure, vous allez avoir d'autres idées. Vous allez avoir de l'innovation qui va se faire pour essayer... Même si ce milieu-là est en train de, comment dire, se transporter vers les Airbnb, ils vont trouver d'autres solutions. J'allais vous demander si aussi il y a des modèles, ailleurs en Amérique du Nord, disons, ou au Canada, de pratiques qui ont été développés, qui seraient précurseurs, qui pourraient être inspirants? Est-ce que vous avez regardé de ce côté-là?

Mme Paré (Eve) : Bien, il avait été porté à notre attention le Blue Campaign aux États-Unis, duquel le programme RADAR est largement inspiré. Il y a du matériel, que ce soit de l'affichage à l'attention des employés et des clients d'être vigilants, d'être à l'écoute, de savoir que, s'ils souhaitent obtenir de l'aide, ils peuvent contacter les employés de l'hôtel, qui vont leur tendre la main. En ce qui concerne les résultats de ces campagnes-là, c'est difficile à mesurer, mais, chose certaine, ça a servi d'inspiration à ce qu'on fait présentement.

Mme Weil : Bravo! Merci beaucoup.

M. Pouliot (Jean-François) : Si je peux rajouter, il y a vraiment un partage aussi des meilleures pratiques. Puis on parle de nos voisins du Sud. Si, à travers... Je fais partie d'une bannière essentiellement qui opère aux États-Unis, et c'est beaucoup de partage de cette information-là, que ce soit de la campagne d'ICE ou... Je veux dire, on parle de la campagne dont a déjà, peut-être, entendu parler, mais See Something, Say Something, c'est un petit peu la même chose.

Mme Weil : Oui. Ah! c'est bon, ça. C'est ça.

M. Pouliot (Jean-François) : Alors, comment on s'organise, à travers les hôtels, pour, encore une fois, réduire les risques de toutes sortes et puis... donc, oui, on s'inspire ailleurs.

Mme Weil : Merci. Alors, mes questions sont pour Mme Côté et M. Gallié. On a évoqué la France. Alors, on est très curieux d'aller voir tout ce que la France a fait parce qu'il semble qu'ils sont vraiment résolus à s'attaquer, avec force, vigueur et par tous les moyens... Là, vous êtes... Votre étude est focussée vraiment sur les revenus, l'imposition d'impôt, d'une part, mais le fait que ces personnes vivent de l'aide sociale aussi. Donc, comment faire pour que ces femmes puissent continuer à survivre... puis un soutien pour ces femmes? Est-ce que vous en savez plus sur ce que les Français ont fait à cet égard ou, plus largement, dans vos recherches... Et est-ce que vous voyez que ça peut s'appliquer, qu'on pourrait s'inspirer de la France dans ce qu'on fait? Évidemment, il y a deux paliers de gouvernement. Quelles sont vos réflexions par rapport à l'étude que vous avez faite?

M. Gallié (Martin) : Bien, la première chose... En fait, il y a deux choses qui ont été des changements majeurs, c'est celles qui concernent les sans-statut, puisque ça concernait 86 %. Donc, du jour au lendemain, ces personnes se retrouvent avec la possibilité de travailler légalement, et d'avoir un statut, et de percevoir des aides sociales. Donc là, on parle de 86 % de personnes victimes, a priori, qui ont pu bénéficier des services sociaux de l'État, ce qui est évidemment un changement majeur.

Après, il y a eu la mesure d'annuler les dettes à l'aide sociale ou les dettes d'impôt, qui est une mesure forte, mais qui est portée par tous les paliers abolitionnistes. C'est-à-dire qu'on ne peut pas promouvoir la lutte contre l'exploitation sexuelle en maintenant des dettes qui sont évidemment colossales et que personne ne peut rembourser. Et on parle de dizaines de milliers... enfin, de milliers, ça, c'est sûr, chaque année, qui sont concernés. Donc, ça, c'est des mesures très fortes.

Après, il ne faut pas idéaliser. C'est que c'est des obstacles administratifs considérables pour des personnes qui ne sont effectivement pas toutes en détresse, mais, quand même, pour beaucoup, en détresse, surtout que beaucoup d'entre elles ne parlent pas le français, en tout cas, en France. Et donc il y a tous ces obstacles qui sont insurmontables pour le Français lambda, même des ministres. Il y a eu des dossiers là-dessus. Donc, vous imaginez pour des personnes qui ont des chocs post-traumatiques.

Et puis ensuite le dernier problème, c'est qu'il faut évidemment... C'est un message politique très dur à faire passer. C'est-à-dire, allouer de l'aide sociale à des personnes qui se prostituent dans un contexte où les gouvernements successifs ont coupé l'aide sociale ou ont restreint l'aide sociale, ce n'est pas facile.

Puis il y a un dernier point. Je profite que vous me donniez la parole, mais il y a un dernier point qui me pose question. C'est que ça soit dans des pays où ça a été légalisé, la prostitution a été légalisée, ou dans des pays où ça a été interdit, il se trouve — par exemple l'Angleterre — des services d'aide sociale, bien, dans une période où on promeut le retour au travail des personnes assistées sociales, où les annonces de travail vont être pour des salons de massage. Ce n'est pas des histoires. Et donc, là, j'en profite parce que je ne sais pas du tout quelle est la politique. Ils n'en ont pas puisqu'on leur a demandé. A priori, ils n'ont pas de politique au ministère de l'Aide sociale. Mais je pense que ça serait bien de clarifier le type d'emploi qui pourrait être susceptible d'être proposé à des personnes très vulnérables.

Mme Weil : Mais, juste sur cette question, quelle leçon devons-nous, au Québec, retirer de cette recherche? En anglais, on dirait «the take home» de cette recherche.

M. Gallié (Martin) : Alors, «take home», encore une fois, si vous ne voulez pas engager l'État, enfin, la responsabilité de l'État québécois, je le dis très sérieusement et d'un point de vue strictement juridique, c'est-à-dire, je crois qu'on peut défendre juridiquement que l'État québécois viole la dignité humaine, le droit à la liberté des personnes, et je pense que ça se plaide, je crois qu'il faut commencer déjà par annuler les dettes des personnes qui sont victimes d'exploitation sexuelle. Ça me semble le b.a.-ba et ça me semble très facile à faire puisque le ministre a un pouvoir discrétionnaire. Ça, c'est la première chose.

Mais après on ne peut pas lutter aujourd'hui efficacement contre la prostitution et l'exploitation sexuelle sans lutter contre les inégalités, vraiment, que j'ai mentionnées, de sexe, de classe, et de race, et d'âge. Donc, ça veut dire... Aujourd'hui, je pense qu'on ne peut pas être efficaces sans bonifier de manière importante l'aide sociale. Une personne victime d'exploitation sexuelle y retourne. On n'a pas des statistiques précises, mais on le sait que, bien, elle n'a pas le choix que d'y retourner tellement les montants sont faibles pour payer un loyer.

Mme Weil : Très bien. Merci.

M. Gallié (Martin) : Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Pour l'Association des hôtels du Grand Montréal, je n'irai pas avec une question, mais une recommandation, peut-être. On a eu la chance de travailler ensemble dans le passé. Et je sais qu'il existe une table où les gens de la sécurité travaillent ensemble, échangent ensemble sur les meilleures pratiques. Et tantôt mes deux collègues ont parlé de créativité, de vous inspirer. Vous avez parlé de la Blue Campaign. Je connais la campagne américaine aussi, avec le NCMEC, que j'ai rencontré tout récemment. Et les hôtels se sont bien investis, que ce soit dans l'affichage... Derrière les portes des hôtels, on mettait le «link» du «human trafficking». Donc, les jeunes qui étaient dans cette situation-là pouvaient contacter... Il y a même des hôtels que, sur la savonnette, ils ont passé des messages. Ils ont laissé un message imprimé que c'était illégal, c'était non accepté.

Bref, je vous invite, parce qu'il nous reste encore quelques semaines pour recevoir des mémoires, à regarder de votre côté ce que vous êtes capables de faire, parce qu'il y a une chose qui est claire dans cette commission, c'est qu'il n'y aura pas une solution qui va tout régler. Ça va être un ensemble de solutions. Et on vous voit comme des partenaires importants... voir de quelle façon vous pouvez nous aider dans tout ça. Alors, je pense, vous avez un beau réseau pour aller les interroger et nous arriver avec une créativité qui va nous surprendre. Merci à vous. Merci de votre collaboration pour les deux groupes.

Alors, je suspends les travaux. Nous serons de retour à 15 h 35 pour le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 19)

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs reprend ses travaux.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Grand Prix de Montréal. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre exposé. Et par la suite il y aura une période de 25 minutes d'échange avec les membres de la commission. Je vous remercie encore une fois de votre présence. Je vous invite à vous présenter et par la suite faire votre exposé pour une période de 20 minutes. Merci.

Grand Prix de formule 1 du Canada

M. Dumontier (François) : Merci. Et ça nous plaisir d'être ici avec vous. Alors, M. le président de la commission, Mme la vice-présidente, membres de la commission, je me nomme François Dumontier et je suis l'unique actionnaire, président et chef de la direction de Groupe de course Octane. Depuis novembre 2009, mon entreprise, établie à Montréal, est la détentrice des droits exclusifs de présentation au Canada d'une manche du championnat du monde de formule 1, qui n'en compte que 22 dans le monde. Je suis accompagné aujourd'hui de Sandrine Garneau-Le Bel, directrice des communications et du marketing au sein de l'entreprise, et ce, depuis 2013.

Permettez-moi d'abord de vous remercier de votre invitation à témoigner aujourd'hui dans le cadre de vos consultations publiques de la commission particulière sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Il s'agit d'un sujet auquel je suis sensible, une réalité qui me perturbe. Et je vous prie de croire à ma volonté de soutenir votre commission. À titre personnel, comme chef d'entreprise, époux et père de famille, je salue sincèrement l'initiative que sont ces consultations et je suis tout disposé à vous faire part de mes réflexions sur ce sujet et à répondre à vos questions. Mais, tout d'abord, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous présenter quelques faits qui vont aideront, je l'espère, à mieux comprendre notre événement, nos spectateurs et le monde dans lequel ils évoluent.

Qualifié du plus important événement sportif et touristique au Canada, le Grand Prix de formule 1 est présenté au pays depuis 1967 et à Montréal depuis 1978. Il s'adresse autant à une clientèle d'amateurs de course automobile qu'aux néophytes de tous âges. Pour plusieurs, le Grand Prix du Canada est une question de tradition, la passion se transmettant de génération en génération. Pour d'autres, le Grand Prix signifie le lancement de la saison estivale à Montréal.

Notre groupe, composé de 17 personnes travaillant à l'année, a pour mandat de livrer, au Circuit Gilles-Villeneuve du parc Jean-Drapeau, un programme de course automobile professionnel. La responsabilité du promoteur local est de fournir, aux équipes concurrentes, aux officiels, aux représentants des médias, des locaux, de l'équipement, un circuit de course conforme aux normes internationales et des services médicaux professionnels, sans oublier, pour une clientèle quotidienne de près de 100 000 spectateurs, un ensemble de services tels que la restauration, des aires de repos, un accueil et une sécurité adéquate. Ces services sont offerts sur le site de l'événement, et ce, pendant la période où le public est admis.

• (15 h 40) •

Pour les trois jours du programme de course, les amateurs se procurent des billets de tribune ou d'admission générale. Nous offrons aussi à une clientèle dite d'affaires la possibilité de se procurer des forfaits comprenant une admission au site et à une loge, de même que des services de restauration. Enfin, nous offrons aussi une expérience d'immersion, appelée la Journée portes ouvertes, donnant gratuitement accès aux amateurs à la ligne des puits entre neuf heures et midi le jeudi précédant les trois jours de course. Nos activités incluent également la vente de commandites, de publicité et de concessions sur le site.

De plus, afin de servir la clientèle, et plus spécialement les groupes, nous proposons de recourir aux services d'une agence spécialisée et professionnelle qui, à titre exclusif, dispose d'un inventaire de chambres et de nuitées dans des établissements montréalais. Nous approuvons et promouvons la sélection des établissements, tout comme l'ensemble des éléments des forfaits, qui incluent tous le prix d'une admission au site pour la durée de l'événement.

Voilà, en résumé, ce que sont les activités de notre organisation. Je tiens à préciser qu'à l'exception d'une activité à caractère caritatif tenue le jeudi soir du Grand Prix nous n'organisons aucune autre activité présentée pendant le week-end de notre événement, que ce soient les rues Crescent, Peel ou dans les établissements commerciaux ou privés de Montréal. Nous savons qu'il existe plusieurs autres événements qui ont lieu durant le week-end du Grand Prix et, généralement, nous apprenons leur tenue par des publications sur différentes plateformes ou médias traditionnels. Je tiens à préciser que, dans plusieurs cas, ces événements ont un effet négatif sur l'image de notre organisation et notre événement et vont souvent à l'encontre des valeurs que nous prônons.

À titre de promoteurs, nous disposons d'une connaissance poussée de notre clientèle, ayant été en mesure, au fil des années, d'établir des profils grâce aux données recueillies par notre service de billetterie et des enquêtes ponctuelles. Quelques constats méritent d'être mentionnés, soit un taux de renouvellement élevé, une provenance géographique à 57 % de l'extérieur du Québec, une passion indiscutable pour le sport, et plus particulièrement la formule 1, souvent transmise de génération en génération, une présence accrue d'enfants accompagnant leurs parents, fruit d'un effort notable de notre organisation d'attirer une clientèle plus jeune et familiale. Bien qu'on ne puisse nier qu'un certain nombre d'amateurs disposent de revenus leur permettant d'investir plus que d'autres, le mythe du Grand Prix intéressant seulement une clientèle fortunée ne tient pas.

À ce stade-ci de ma présentation, je crois aussi utile de m'employer à déconstruire un autre mythe : le Grand Prix du Canada et la formule 1 ne sont qu'affaire d'hommes. Il serait inutile de chercher à réécrire l'histoire. De fait, la course automobile a été créée par des hommes, pratiquée par des hommes et ses grandes légendes, et sa gestion à l'échelle globale est encore largement dominée par les hommes. En 2020, on ne trouve encore que des pilotes masculins dans les habitacles des monoplaces de formule 1, bien que de talentueuses femmes se rapprochent à chaque saison d'obtenir une place sur la grille de départ, ce qui adviendra, certes, comme on l'a vu dans d'autres sphères d'activité humaine. Mais, dans d'autres secteurs, les choses évoluent plus rapidement, et en voici quelques exemples.

Au sein même de l'entreprise qui gère et promeut le championnat du monde, le Formula One Group, basé à Londres, des femmes occupent d'importants postes de direction. Parmi le personnel des 10 équipes inscrites au championnat du monde, on y trouve un nombre croissant de femmes, ingénieures, aérodynamiciennes, chimistes, techniciennes et mécaniciennes. Désormais, les femmes ne sont plus limitées aux fonctions traditionnelles en relations publiques et commerciales. Elles ont investi un secteur hautement névralgique qui contribue directement au succès des écuries et de leurs pilotes.

La traditionnelle parade des «grid girls» s'est éclipsée il y a quatre ans, une initiative des nouveaux dirigeants de la formule 1, qui ont plutôt choisi de faire une place à des enfants. Ces filles et ces garçons, âgés de sept à 10 ans, issus d'écoles de karting, revêtent des combinaisons de course et accompagnent désormais les 20 pilotes qu'ils viendront peut-être un jour remplacer sur la grille de départ.

Plus près de nous, au sein même de l'entreprise que je dirige, donc, vraiment, l'organisation du Grand Prix, les femmes sont en majorité. Elles occupent 13 des 17 postes permanents de l'organisation, et cinq des huit membres du comité de direction sont de sexe féminin. Leur compétence et leur engagement sont indiscutables et expliquent en grande partie nos succès.

En conclusion, j'invite quiconque serait tenté de porter un jugement rapide et facile à revoir sa position. Ici, encore, le sport automobile a évolué et mérite qu'on le reconnaisse.

À ce stade-ci, j'aimerais maintenant fournir des réponses éclairées, au meilleur de notre connaissance, aux trois questions que nous a soumises la commission et portant sur le sujet qu'elle a pour mandat d'investiguer.

Quelles sont les bonnes pratiques mises en oeuvre par les grands événements pour contribuer à la lutte contre l'exploitation sexuelle? Ma première réflexion est qu'il est particulièrement difficile, voire impossible, pour le promoteur d'un grand événement public, de lutter et contribuer à circonscrire un tel phénomène, à plus forte raison lorsque les activités illicites sont hors de sa juridiction et assurément hors de son contrôle. Les seuls véritables outils dont dispose le promoteur qui souhaite contribuer à contrer le phénomène sont sa prise de position publique, affirmée et largement connue, sa capacité de communiquer celle-ci et son souci de collaborer avec les organismes qui luttent contre le phénomène. Il m'est également difficile de parler au nom des organisateurs des autres événements, n'ayant pas toutes les connaissances de leurs organisations et très peu de synergie avec eux. De plus, la majorité des événements montréalais propose à leurs festivaliers de grands rassemblements gratuits, ce qui suppose une gestion, une logistique et un contrôle différents des nôtres.

Le Grand Prix du Canada n'est pas un membre du REMI, le Regroupement des événements majeurs internationaux. Toutefois, pour avoir participé à des rencontres portant sur le sujet en compagnie d'autres acteurs des grands événements, je suis assez familier avec le programme les Hirondelles du Festival international de jazz de Montréal. Et je comprends aussi que, durant ces événements se déroulant au centre-ville de Montréal et accessibles à tous, la proximité physique des participants et leur caractère délibérément festif imposent une problématique différente que celle du circuit fermé du Grand Prix du Canada.

Ainsi, en ce qui nous concerne, sachez que nous sommes justement proactifs. Et c'est précisément ce sur quoi porte votre seconde question, qui se lit comme suit : Comment comptez-vous lutter contre l'exploitation sexuelle des personnes mineures pendant votre événement? Nous luttons, mais nous luttons avec les moyens dont nous disposons car, évidemment, nous sommes des organisateurs et promoteurs d'événements, en l'occurrence des courses de voitures, et nous ne sommes évidemment pas des spécialistes.

Toutefois, reconnaissant que le Grand Prix du Canada a trop longtemps été perçu comme étant un témoin non engagé d'une situation déplorable, voire un prétexte ou même un soutien, par association, à l'exploitation sexuelle de personnes adultes et mineures, nous avons choisi d'agir. Bien avant ma prise en charge de l'événement, en 2009, j'ai toujours été heurté par ce statut de proxénète en chef qu'on en venait presque à accoler au promoteur du Grand Prix du Canada. C'est pourquoi j'ai pris position et pourquoi, depuis 2017, notamment, nous nous sommes activement impliqués. Comme je l'ai dit précédemment, nous sommes proactifs en communication, n'hésitant pas à condamner et à dissuader, effectuant ainsi de la sensibilisation et de la prévention.

En 2017, nous avons publiquement fait part de notre engagement, d'abord par un soutien à une déclaration publique de la part du maire Denis Coderre, et par une communication et une collaboration avec le Conseil des Montréalaises et sa présidente d'alors, Mme Cathy Wong. Je vous invite d'ailleurs à prendre connaissance de la lettre que j'ai alors expédiée à Mme Wong, qui est jointe à mon document. Par la suite, nous avons souscrit publiquement aux conclusions du document du conseil, Montréal, une ville festive pour toutes — Avis sur la sécurité des femmes et des jeunes femmes cisgenres et trans lors des événements extérieurs à Montréal.

En 2018, après avoir publiquement soutenu la mairesse Valérie Plante et le conseil municipal de Montréal lors de l'adoption de la résolution portant sur les violences à caractère sexuel, nous avons communiqué à tous nos partenaires la nécessité de contrer l'hypersexualisation en recourant aux services, sur notre site, de personnel mixte vêtu décemment. Et je vous invite également à prendre connaissance de la lettre qu'on a envoyée à nos partenaires.

De plus, le Grand Prix du Canada a constamment offert sa collaboration et participé à de nombreuses discussions et tables rondes portant sur le sujet qui nous préoccupe, dont une où le député et ministre fédéral David Lametti agissait comme modérateur. Parmi ces organismes, dont quelques-uns sont représentés dans cette commission, on compte le Conseil des Montréalaises, le Y des femmes de Montréal, Prévention jeunesse Longueuil, Prévention jeunesse Laval, la CLES, Chez Stella, le CATHII, Le Phare des affranchies et, depuis récemment, de Toronto, The Canadian Centre to End Human Trafficking.

• (15 h 50) •

De plus, en compagnie de notre directrice des communications, j'ai participé à une rencontre avec l'Honorable Navdeep Bains, ministre fédéral de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, où nous avons partagé notre position et affirmé notre engagement en matière d'égalité et de respect de la personne.

Enfin, malgré le fait que certains médias locaux accordent une importance démesurée à la question de l'exploitation sexuelle lors du week-end du Grand Prix du Canada, nous répondons volontiers aux demandes d'entrevues où il est possible de faire part de notre position et de nos actions en cette matière. À cet effet, j'ai cru utile de joindre en annexe à ce document quelques exemples d'articles parus dans différents médias locaux et citant le promoteur ou la porte-parole de l'événement. Prenez note que nous comptons poursuivre nos actions au fil des prochaines éditions de notre événement et, à chaque occasion qui nous sera offerte, dont cette consultation particulière, nous réitérerons notre position. Nous demeurons aussi toujours ouverts aux suggestions qui pourraient nous être faites et aux initiatives auxquelles nous serions en mesure de collaborer.

Il reste une troisième question. Considérant les subventions reçues de l'État, quelle partie de votre budget est consacrée à lutter contre l'exploitation sexuelle, que ce soit en termes de prévention ou de mécanismes mis en place? À cette question, la réponse la plus simple serait que, présentement, à l'exception du temps dévolu aux actions décrites précédemment, aucune partie de notre budget actuel d'opération n'est consacrée à la lutte contre l'exploitation sexuelle.

En citant votre question, je me dois de corriger une autre perception fausse que l'on entretient au sujet de l'organisation du Granx Prix du Canada. Il me faut préciser que notre groupe ne reçoit aucune subvention de l'État, quel que soit le niveau de gouvernement. L'entreprise que je dirige en est une à actionnariat entièrement privé, et elle établit ses budgets de dépenses exclusivement en fonction de ses revenus. Je crois utile de rappeler que les investissements publics effectués par les différents niveaux de gouvernement en vertu des ententes qui assurent la présentation du Grand Prix du Canada sont dirigés vers le Formula One Group, qui gère les droits commerciaux de la F1. Cette entreprise est basée en Angleterre, et les versements qui lui sont faits permettent de défrayer une partie des droits de présentation de l'épreuve canadienne. Et en aucun cas cet argent public ne transige par notre organisation, l'objectif des gouvernements engagés étant de maintenir des retombées économiques et médiatiques de l'événement à Montréal.

Ainsi, nous ne pouvons évidemment pas investir une part de subvention que nous ne recevons pas. Chaque dollar que nous dépensons sert à la promotion et à l'organisation de l'événement. Nous laissons ainsi à la discrétion du gouvernement le choix de consacrer des sommes supplémentaires aux actions des services policiers et des services sociaux, plus à même de contrer directement les actions de criminels qui, en plus d'exploiter des mineurs, n'hésitent pas à relier malicieusement leur offre de services à la tenue d'événements comme le nôtre.

Encore une fois, veuillez croire à notre sincère volonté de véhiculer les valeurs de respect qui nous animent dans notre travail de tous les jours, et plus spécifiquement lors de la présentation du Grand Prix du Canada. Veuillez aussi croire que nous allons poursuivre nos efforts pour contrer l'exploitation sexuelle, dans la mesure où nos actions pourront contribuer à le faire, tout en oeuvrant très honnêtement et très légitimement à changer les perceptions négatives de notre sport et de notre événement.

Alors, je vous remercie de votre attention et je suis disposé évidemment à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation, M. Dumontier. Avant de passer à la période de questions, je me permets de vous faire la même suggestion que j'ai faite aux grands hôteliers qui étaient assis juste avant vous. Vous avez dit que vous êtes un des événements sportifs les plus importants au Canada. Vous pouvez certainement avoir un grand leadership au sein des grands événements qu'il y a ici, dans la région de Montréal, au sein de la communauté. Vous avez une attention médiatique qui est certaine, une attention des gens qui sont là. Alors, je vous lance la même invitation. Vous savez que notre commission peut recevoir encore des mémoires pendant les prochaines semaines. Si vous avez des initiatives... Et j'ai bien compris votre message concernant le budget, mais, des fois, il y a des initiatives qui ne coûtent absolument rien, mais vous envoyez un message qui est très fort aux gens qui voudraient consommer ces services-là. Alors, il y a des belles possibilités. Il y a de la créativité qui peut être faite avec votre équipe merveilleuse. Alors, je vous lance cette invitation-là. Pendant les prochaines semaines, nous sommes disposés à recevoir vos bonnes idées qui sont créatives.

Et je vais passer à une première question avec le député d'Ungava.

M. Lamothe : M. Dumontier. Vous avez mentionné deux choses, M. Dumontier, tantôt : sécurité adéquate sur le site, services policiers. Je ne vous conterai pas ma vie, là, mais sauf que j'ai eu la chance de prendre ma retraite jeune en 2008. J'ai fait toutes sortes de choses, puis une, entre autres... Un de mes amis, en 2012, était directeur de la sécurité au Grand Prix de formule 1. Ça fait qu'étant donné que c'est un ami personnel puis étant donné que j'avais mes permis d'agent de sécurité, bien, il m'a offert une job. Ça fait que je suis allé travailler sur le site une semaine. Ils ont divisé le secteur en quatre. J'avais le secteur de la bretelle puis... Peu importe, en allant plus vers le sud, en tout cas, j'avais un des quatre secteurs. Il y a une chose que j'ai trouvée particulière, c'est, de ce que je comprends, les services... La collaboration que vous avez avec le Service de police de la ville de Montréal est bon. Est-ce que je me trompe?

M. Dumontier (François) : Bien, il est excellent, oui.

M. Lamothe : Il est excellent, sauf qu'à un moment donné pendant le briefing... Puis ça, je dis ça positivement. C'est juste une question que je me pose puis que je me suis toujours posée. Ça fait qu'étant donné que vous êtes ici puis vous me parlez de sécurité adéquate puis de services policiers, à un moment donné, pendant le briefing, au début de la semaine, on a mentionné que, lorsqu'un policier de la ville de Montréal entrerait sur le site, il fallait le rapporter au centre des opérations. Ça fait que je n'ai pas besoin de vous dire que je n'ai jamais respecté cette consigne-là, dans un premier temps. Puis, dans un deuxième temps, je n'ai jamais compris pourquoi. Est-ce que cette pratique-là est toujours existante?

M. Dumontier (François) : Oui. Elle existe toujours et elle date quand même d'un certain temps. Il y a deux raisons à ça. La première, c'est qu'il y a quelques années, je vous dirais, probablement sous la responsabilité du chef Delorme, à l'époque, il avait été question que le service de police commence à facturer les grands événements montréalais. Et nous, on avait une approche... Pour nous, on amène l'événement à Montréal. On prend des risques financiers pour le produire. Et on pense qu'il y a une responsabilité, disons, sociale du corps de police montréalais et qu'on n'avait pas, un, à payer pour ces services-là. Donc, ce qui était des services qui étaient, disons, exercés en ville étaient la responsabilité du service de police. Et l'île Notre-Dame ou le parc Jean-Drapeau, on le loue. Évidemment, on loue ce site-là à la ville. Il est considéré comme un site, disons, privé pendant, mettons, 10 jours, pour prendre un exemple, et on a notre propre sécurité sur le site. Donc, si j'ai besoin d'un policier qui est littéralement de l'autre côté du pont du Cosmos, près de la Biosphère, on va appeler pour avoir un service de police. On pense qu'avoir trop de policiers sur le site, c'est un peu trop répressif pour la clientèle qui est sur le site. Donc, on les appelle quand on en a besoin.

M. Lamothe : O.K. Merci de votre honnêteté et de votre franchise. La seule chose, c'est que, quand... Il y a-tu une présence policière quand il y a 85 000 personnes sur le site? Bon, à ce moment-là, la compagnie de sécurité qui était là... non, mais ce n'était pas Garda, là, c'est BEST qui était là.

M. Dumontier (François) : Oui, oui, l'ancêtre de Garda.

M. Lamothe : Oui, mais ce que je veux dire, c'est que, quand tu as 80 000 personnes sur un site puis qu'en cas de doute il faut aviser la présence policière et tout, tu sais, le niveau répressif, je pense, c'est plutôt préventif. Ça, c'est mon opinion à moi. Mais par contre c'est juste l'idée d'aviser le centre des opérations qu'il y a un policier sur le site, je ne sais pas...

M. Dumontier (François) : Bien, écoute, ça fait partie de notre politique à nous. Et vous avez été policier quelques années. Vous l'avez dit tantôt, il faut que la police soit raccord avec l'entreprise de sécurité privée. Et, même si on a une très, très bonne collaboration, parfois, il y a certaines décisions qui se prennent par les policiers à l'extérieur de notre site qui ont un effet très néfaste sur nos opérations. Alors, c'est pour ça qu'on aime pouvoir contrôler notre site et compter sur la présence policière, mais quand on en a besoin.

M. Lamothe : O.K. Ça fait que la relation entre le service de police de Montréal puis votre organisation, malgré... je ne dirais pas que c'est une problématique, là, malgré ce... voyons, le mot m'échappe, là, malgré cette situation-là — je m'en excuse — c'est bon.

M. Dumontier (François) : Bien, écoute, tous les commandants, lieutenants, là, peu importe le garde avec qui on a travaillé, l'ont compris, je pense. Et c'est un peu la même chose avec les... parce qu'on travaille aussi avec la Sûreté du Québec, qui pourrait aussi pouvoir prétendre rentrer. Évidemment, on ne fera pas l'autruche puis on ne fera pas exprès non plus. Quand on a eu de l'information sur des situations potentiellement dangereuses sur le site, ce sont des policiers en civil qui sont venus dans nos estrades, dans nos gradins pour essayer de détecter cette menace-là. Donc, on travaille vraiment étroitement avec eux.

M. Lamothe : O.K. Juste en terminant, une opinion personnelle, la meilleure répression, c'est la prévention. Merci.

M. Dumontier (François) : J'en prends bonne note.

M. Lamothe : Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.

• (16 heures) •

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est très important, votre témoignage, parce que, comme on... Je vais le répéter moi aussi, vous êtes quand même un événement qui est majeur. Et, quand vous dites que vous n'avez pas... votre entreprise n'a pas de subventions du gouvernement, il y a quand même de l'argent qui vient de l'État pour l'ensemble de l'oeuvre, disons. Il faut quand même faire cette distinction-là.

Dans les mesures qui pourraient être prises, en termes de sensibilisation, moi, je vois chez vous un sincère désir de travailler à faire en sorte qu'on limite ou qu'on fasse... qu'on n'associe pas le Grand Prix de Montréal à l'exploitation sexuelle, et vous avez travaillé là-dessus depuis quelques années déjà, vous continuez de le faire.

Dans la sensibilisation qui pourrait être faite, je me demande à quel point il n'y aurait pas peut-être une façon de communiquer aux acheteurs de billets un message qui serait de leur dire qu'ici, bien, on ne tolère pas ce genre d'entreprise et qu'on pourrait, à ce moment-là, faire une certaine sensibilisation. C'était peut-être quelque chose que je vous suggère.

Aussi, quand vous dites que vous n'êtes pas responsables non plus des événements qui se tiennent en dehors du site, les grands bals à Montréal, et tout ça, il y a quand même le «branding» formule 1 qui est très présent. Alors, je voulais juste vous dire par là que le terme «formule 1» est tellement porteur, c'est tellement gros, ça veut dire tellement de choses qu'il faut qu'on travaille sur l'ensemble de l'événement formule 1.

Et c'était mon commentaire. Puis, encore une fois, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. C'est très, très important, ce que vous faites. Puis, comme l'a dit le président, bien, ça serait vraiment apprécié si vous avez des recommandations à nous faire, vous avez des idées puis qui pourraient contribuer. Parce qu'on cherche des partenaires, aussi, on veut que la société en général puis on veut que les partenaires s'impliquent dans cette mission-là que nous nous sommes donnée.

M. Dumontier (François) : Bien, je vous remercie. Puis, même si ce n'était pas une question directe, là, bien, je vais quand même juste faire une petite réponse.

Je l'ai dit tantôt, mais il a été pendant plusieurs années où on s'est tenus un peu à l'extérieur de ça. Et ce phénomène-là existe depuis longtemps, hein, il revient constamment. Pas plus tard que ce matin, je lisais le «clipping» de votre journée d'hier, et la dame qui est venue témoigner, je pense, c'est une Mme Matte, pour la CLES, bien, ils font déjà référence au Grand Prix dans l'article. Donc, ça, ce n'est pas nouveau.

Mais, à un moment donné, on s'est tannés d'être un petit peu en retrait, et c'est là que j'ai décidé de prendre position puis de jouer ce rôle de leader là. On est le plus gros événement, puis on aime le dire qu'on est le plus gros événement, le plus important à Montréal, même au Canada, et, si on peut jouer ce rôle de leader là, on va le jouer, vous pouvez compter sur nous. Et, s'il y a des exemples comme cela qui... Effectivement, nous, on a un contact direct avec les acheteurs de billets, eh bien, on peut... on va l'analyser. Ça va nous faire plaisir également de contribuer à rédiger un mémoire qui pourrait aider dans le futur.

Maintenant, pour les... Vous savez, la ligne est très, très, très mince entre les événements qui ont lieu au centre-ville et ceux au circuit. Et vous avez parlé de «branding»; c'est probablement, à Sandrine et moi, notre... une des affaires qui nous tient à coeur. C'est-à-dire qu'on surveille constamment ce qu'on sait qui va arriver ou qui va avoir lieu et on vérifie toujours cette ligne-là qui est une petite ligne, là, où est-ce que... Et ces gens-là sont brillants. Ces gens-là, ils vont utiliser un mot seulement de l'événement ou «Grand Prix», mais n'utiliseront pas «Le Grand Prix de formule 1». Alors donc, ils jouent vraiment sur cette ligne-là.

Mais, quand on peut, on essaie évidemment, dans certains cas, peut-être de même faire fermer cette activité-là qui porte ombrage à l'organisation. Parce que, quand on parle du Grand Prix dans les médias, comme ce matin, on ne dit pas... oui : le Grand Prix, entre autres, mais pas : l'organisateur du Grand Prix. Alors, c'est sûr que, souvent, il y a comme un lien qui est directement dirigé vers nous, là.

Mme Garneau-Le Bel (Sandrine) : Juste, François, si vous me permettez d'ajouter, depuis quelques années, justement, depuis qu'on a pris position, on fait des méthodes de communication, de plus en plus, de l'événement pour aviser les fans, nos fans à qui ont peut communiquer, quels sont nos événements officiels et quels sont les vrais événements du Grand Prix du Canada justement pour essayer d'éliminer la ligne qui peut ne pas toujours être claire par rapport à certains événements en ville. Tout le monde dit «Grand Prix weekend», «Grand Prix weekend», mais ce n'est pas nécessairement des événements qui sont cautionnés par nous. Puis, comme M. Dumontier a dit tantôt, dans son allocution, ils ne respectent pas nécessairement nos valeurs. Donc, c'est très, très, très important pour nous que nos clients sachent quels sont nos vrais événements et quels sont les événements qui respectent nos valeurs.

Donc, je prends note de votre recommandation. C'est peut-être quelque chose qu'il faut qu'on fasse plus souvent pendant l'année pour conscientiser les gens. Mais c'est quelque chose dont on est au courant et qu'on cherche à sensibiliser.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Donc, j'irai dans la même veine. Merci, M. Dumontier, pour votre présentation. Donc, dans une autre vie, j'ai été à la ville de Montréal, lorsque justement il y avait eu cette belle collaboration avec l'ex-maire de Montréal, M. Coderre, et votre prise de position avait été saluée.

Maintenant, à la lumière de votre présentation, vous nous rappelez que 57 % de votre clientèle vient de l'extérieur du Québec. Or, tout au fil des audiences, des rencontres qu'on a eues dans cette commission, et à chaque fois qu'on nous parlait du Grand Prix de Montréal, on nous rappelait que Montréal est une destination étroitement associée à l'industrie du sexe, et le Grand Prix en est un aussi.

Et je vois là donc une opportunité, donc, comme ma collègue la députée de l'Acadie l'a souligné, de faire connaître les valeurs, justement, de la formule 1 en amont, donc, par rapport à justement ce 57 % qui vient de l'extérieur, donc. Et je pense que ce sont des valeurs qui seraient même partagées par Tourisme Montréal, par les hôteliers de Montréal, donc, pour faire vraiment... pour inscrire une véritable campagne en amont par rapport à la clientèle de l'extérieur. Donc, je vous encourage vraiment à aller en ce sens et à poursuivre vos actions. Donc, c'était plutôt un commentaire et un mot d'encouragement. Donc, continuez. Merci.

M. Dumontier (François) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci. Députée de Roberval...

Mme Garneau-Le Bel (Sandrine) : Je voulais juste ajouter rapidement...

Le Président (M. Lafrenière) : Oui, pardon, allez-y.

Mme Garneau-Le Bel (Sandrine) : ...parce qu'on parle de nos valeurs. J'en ai parlé, et vous parlez de nos valeurs aussi. Depuis novembre, en fait, nous avons mis sur pied un plan de développement durable qui est disponible sur notre site Web. Donc, là-dedans, on parle d'écoresponsabilité, mais on a aussi nos valeurs qui vont être publiées très, très, très bientôt. On est en train de les faire traduire en fait. Donc, nos valeurs, c'est quelque chose dont on est fiers et, justement, qui fait partie de notre site Web depuis tout récemment. Donc, depuis novembre, on est vraiment plus proactifs par rapport à nos communications. Donc, c'est disponible sur le site de gpcanada.ca.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Merci de votre présence ici aujourd'hui. C'était important pour nous de vous entendre. Pendant votre présentation, M. Dumontier, vous avez fait part d'un programme, au festival du jazz, les Hirondelles. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet, de ce programme-là, s'il vous plaît, de ce que vous savez du moins?

M. Dumontier (François) : Bien, je vais vous dire ce que je sais ou ce que je comprends. Mais pour avoir eu des rencontres avec les organisateurs du festival de jazz et des groupes de femmes, ils ont mis en place un système qui s'appelle les Hirondelles, qui sont des gens qui travaillent sur le site, qui sont formés à détecter... Parce qu'eux, évidemment, ils sont au centre-ville de Montréal, et ça, je l'ai dit un peu plus tôt, c'est évident que c'est moins facile, disons, de contrôler, quand on est au centre-ville et qu'on est proche d'hôtels, de restaurants, de bouches de métro, etc. Alors, ils ont mis en place cette équipe-là, une équipe volante qui détecte et peut venir en aide, et prendre à l'écart quelqu'un qui serait dans un secteur non sécuritaire, et de le mettre à l'écart. Oui, c'est ce que j'ai compris de ce...

Mme Guillemette : Et savez-vous qui porte ce programme-là? Est-ce que c'est un groupe de femmes en particulier ou est-ce que c'est une initiative du REMI comme tel?

M. Dumontier (François) : Je pense que c'est une initiative du festival de jazz et de Paul-André Dumont ou...

Une voix : ...

M. Dumontier (François) : ...de Spectra, oui. Donc, peut-être qu'ils vont l'étendre. Je sais qu'Osheaga aussi, qui fait partie du Groupe CH et de Spectra aussi, veut le mettre en place également.

Mme Guillemette : Parfait. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Encore une fois, merci beaucoup de votre présence. Je vais terminer pour... Est-ce que vous aviez un autre point? Je vous ai oubliée! Je suis tellement désolé. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Il y a quelque chose à gauche qui vous dérange, M. le Président.

Le Président (M. Lafrenière) : Je ne le sais pas. Non, non, non, j'ai regardé trois fois à gauche avant de traverser.

Mme Weil : Pourtant, je suis du centre gauche. Moi aussi — merci, M. le Président — je voulais vraiment vous remercier de votre présence. Mais aussi, en lisant tous les documents que vous avez attachés, les mots que vous choisissez dans vos interventions sont très convaincants. Vous parlez de valeurs, de contrer les violences contre les femmes, il y a une sensibilité qui est là, et je pense qu'il faut en profiter.

Je vais exactement dans le sens de mes deux collègues, je pense image de marque, campagne de sensibilisation. Puis on voit, dans la lettre de Montréal en 2018, que vous annonciez à ce moment des mesures d'écoresponsabilité, une mesure portant sur la sécurité des femmes, c'est comme ça que vous l'avez dit, à l'époque, et la prévention des violences à caractère sexuel. Donc, ça, ça serait pour maintenant, ou c'est déjà entamé, ou...

M. Dumontier (François) : ...

Mme Weil : Pardon?

M. Dumontier (François) : C'est déjà entamé.

Mme Weil : Donc, violence...

M. Dumontier (François) : On est dans ce processus-là.

• (16 h 10) •

Mme Weil : Et comment vous faites ça, donc, dans le cadre de l'événement, pour vous assurer de la sécurité des femmes et la prévention des violences à caractère sexuel? Quelles sont les actions que vous prenez?

M. Dumontier (François) : Évidemment, ici, on va parler du Circuit Gilles-Villeneuve, comme on ne contrôle pas nécessairement tout ce qui se déroule au centre-ville, mais notre site est relativement facile à contrôler. Et, sans avoir une équipe comme les Hirondelles en place, on a débuté des formations auprès de notre service à la clientèle et de nos agents de sécurité, qui sont très nombreux sur le site, pour détecter ce genre de situation là.

En même temps, il faut réaliser une chose, c'est qu'on... puis là je vais toucher du bois, mais, sur notre site, on n'a pas eu dans le passé à vivre ce genre d'expérience là. Vous savez, on a un prix d'admission moyen d'environ 400 $, alors ce n'est pas donné, je dirais, à un groupe d'adolescents, par exemple, ou de jeunes adultes de venir passer trois jours au circuit. On l'a moins vu là. Mais ce qu'on veut faire, là, c'est vraiment de l'étendre, puis d'essayer de l'étendre à ce qu'on ne contrôle pas actuellement, et de passer ces messages-là, bien, à ceux qui, je vais dire, profitent de la présence du Grand Prix à Montréal.

Je lisais encore ce matin l'article... là, je déborde juste un peu, mais dans un des articles que je lisais ce matin... Ce n'est pas rare de lire que des commerçants vont faire 40 %, 50 % de leur chiffre d'affaires dans la seule semaine du Grand Prix. Et là on parle de toutes catégories de commerce confondues. Alors, on veut pouvoir l'étendre. On a offert déjà à la rue Crescent, par exemple, d'être partenaire, et on a eu un refus catégorique. Et la raison n'était pas financière, comme telle, elle était sur la prise de contrôle de l'événement. Et on se l'est fait dire très, très, très directement. Mais on a cette volonté-là, donc, on veut l'étendre au centre-ville, disons.

Mme Weil : Donc, je réitère un peu ce que le président a dit, etc., si vous avez des idées comment renforcer l'image de marque que vous voulez diffuser, qui est pour contrer l'image qui, malheureusement, est toujours là, et exercer le leadership que vous avez mentionné, ce serait vraiment apprécié. On vous voit dans ce sens-là. Il y a peut-être d'autres meilleures pratiques, juste... Je ne penserais pas que la plupart de ces événements sont très à la recherche, mais on ne sait pas, peut-être qu'il y a des sociétés plus progressistes qui cherchent exactement à faire la même chose. Alors, je vous encourage aussi. Et merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui.

M. Dumontier (François) : Merci à vous.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, nous serons à l'écoute, en attente de vos recommandations. Encore là, vous êtes en lien avec des gens de l'international, vous avez mentionné tout à l'heure plusieurs milliers de personnes. Alors, merci beaucoup.

Je suspends quelques instants, le temps de laisser le temps au prochain groupe de s'asseoir. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Centre communautaire des femmes sud-asiatiques. Et, pour votre information, chers membres de cette commission, Mme Tina Pisuktie, qui devait être avec nous, n'a pas pu se présenter.

Alors, ça va être une présentation du Centre communautaire des femmes sud-asiatiques. Donc, vous allez avoir 20 minutes pour faire votre présentation. Et par la suite il y aura une période de 25 minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous laisse vous présenter. Et encore une fois merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci.

Centre communautaire des femmes sud-asiatiques (CCFSA)

Mme Sarkar (Mela) : Je m'appelle Mela Sarkar. Je suis une ancienne membre de notre centre communautaire, depuis longtemps. Et Mme Dolores Chew, qui est membre fondatrice, je parle en son nom et en notre nom. C'est moi qui vais lire, en fait, le document, le brief que Mme Chew a préparé avec des membres de notre centre, qui vient tout juste d'être traduit et que Mme Chew a apporté en vitesse pendant une panne de métro. Donc, ça vient tout juste d'arriver. Vous permettez que je vous le lise tout simplement? Mais je ne l'ai pas encore vu en français. Je l'ai travaillé avec Mme Chew en anglais, Mme Chew et les membres de notre aile jeunesse du centre.

Le Président (M. Lafrenière) : Juste un instant, madame. Sentez-vous bien à l'aise de le faire dans la langue de votre choix. On s'est assurés d'avoir la traduction simultanée.

Mme Sarkar (Mela) : Mais, comme je l'ai devant moi en français, c'est peut-être mieux que je le lise en français.

Le Président (M. Lafrenière) : Votre choix. Merci.

Mme Sarkar (Mela) : Et je veux juste vous rappeler avant de commencer que les pays de l'Asie du Sud ne sont pas les pays de l'Asie du Sud-Est, parce que la plupart des gens les mélangent beaucoup. Et puis l'Asie du Sud, c'est l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Sri Lanka, le Népal, les pays dans le triangle qui pointe vers le sud, que vous connaissez de vos cartes géographiques, tandis que les pays de l'Asie du Sud-Est, c'est comme la Thaïlande, le Laos, le Cambodge, etc. Donc, juste pour bien faire ça clair parce que les gens font souvent cette erreur.

Donc, mémoire pour la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Le centre communautaire des femmes de l'Asie du Sud de Montréal est une organisation féministe québécoise de femmes issues de divers horizons ethniques, culturels, linguistiques, spirituels et religieux.

Je vais insérer des petits commentaires parce que je sais que, souvent, il y a des affaires que les... des choses que les gens ne savent pas. Si on regarde l'Asie du Sud comme région géographique, c'est plus divers que l'Europe. Donc, quand on va à l'Inde, c'est comme dire : Je suis allé en Europe. Il faut poser la question : Vous êtes allé en Suisse, ou bien en Sicile, ou bien en Suède? Les parties de l'Inde sont aussi différentes que les pays de l'Europe, sinon plus différentes, avec des langues souvent pas du tout reliées. Donc, notre centre est formé de femmes d'origines très, très diverses.

Notre centre a été fondé en 1981. Nous sommes une organisation de services de soutien et de plaidoyer pour les jeunes, les femmes et leurs familles d'Asie du Sud. Cependant, nos services et notre adhésion sont également ouverts aux non-Asiatiques du Sud. Nous accueillons toutes les femmes. Nous promouvons la justice sociale et économique pour les femmes immigrantes et réfugiées au sein de la société québécoise et nous soutenons l'équité et l'autodétermination. Nous sommes guidées par la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, CEDAW, et les chartes canadienne et québécoise des droits de la personne. Nous sommes informées par une philosophie et une solidarité féministes et nous sommes guidées dans notre travail par des principes d'intersectionnalité — tout le monde sait ce que ça veut dire — d'égalité, d'équité et de transparence. Au Québec, nous appartenons à des regroupements de centres et de groupes de femmes travaillant avec les immigrantes et les réfugiés et nous sommes membres de la Fédération des femmes du Québec.

Notre position sur le thème en question se fonde sur notre travail et notre expérience des 40 dernières années. Nous voulons expliquer clairement que nous sommes totalement opposées à l'exploitation sexuelle ou à toute autre forme de l'exploitation des mineurs. Dans le même temps, nous nous opposons aux lois qui, à la fois, définissent incorrectement l'exploitation des mineurs et visent également à limiter la mobilité et la circulation des mineurs. Nous ne pensons pas que la commission devrait envisager la mise en oeuvre de nouvelles lois, mais plutôt qu'elle devrait s'efforcer de définir et de comprendre comment les lois actuelles fonctionnent, et ont un impact sur les jeunes, et si elles sont adéquates pour lutter contre l'exploitation. Nous ne pensons pas que des lois supplémentaires résoudraient le problème.

En fait, toute la littérature démontre que, dans les sociétés comme la nôtre, qui ont des systèmes juridiques solides, l'ajout de nouvelles lois ne réduit pas les dommages. En fait, ce qui a été observé, c'est que l'ajout des lois peut créer un faux sentiment de sécurité et de réduction des méfaits. Les personnes qui cherchent à exploiter les jeunes ne sont pas dissuadées par les lois et peuvent même être encouragées par des lois qui mettent l'action sur la répression au lieu de garantir l'accès aux protections des droits de la personne.

• (16 h 40) •

Ainsi, pour lutter contre l'exploitation des mineurs, nous devons nous attaquer aux causes pourquoi les mineurs sont-ils ou elles dans des situations vulnérables qui les rendent victimes d'exploitation. Et nous devons étendre notre compréhension de l'exploitation des mineurs au-delà d'une focalisation étroite sur l'exploitation sexuelle, qui est souvent confondue avec l'industrie du sexe et inclut des adultes dans les réponses. Nous devons regarder une mineure de manière globale et holistique et examiner pourquoi les mineurs se trouvent dans des situations où ils ou elles sont vulnérables et précaires. Les facteurs socioéconomiques, politiques, psychologiques et émotionnels doivent tous être pris en compte, y compris, en premier lieu, les raisons pour lesquelles les mineurs quittent leur foyer familial.

Ensuite, des ressources doivent être fournies pour aider ceux et celles qui travaillent déjà avec des mineurs afin qu'ils et elles puissent s'acquitter de leur travail et de leur mandat sans être surchargés et surmenés. Nous savons que les animateurs de jeunesse, les travailleurs sociaux, les auxiliaires familiaux, les éducateurs, etc., jouent un rôle beaucoup plus positif dans le travail préventif et dans la réduction des méfaits. Mais, comme nous le savons, ces systèmes sont en crise à cause du sous-financement et du manque de ressources. Au Québec, le ministère de la Protection de la jeunesse fait l'objet d'une enquête auprès d'une commission.

Une voix : ...

Mme Sarkar (Mela) : Excusez? Il y avait une question? Je suis professeure d'université. C'est comme ça que je gagne ma vie, ça fait que, quand je vois une main levée, j'essaie...

Le Président (M. Lafrenière) : Il y a déjà des questions, ce que ça veut dire. Les gens vont lever la main parce qu'il y a déjà des questions pour vous. Merci.

Mme Sarkar (Mela) : O.K., c'est bien. Je poursuis. Au Québec, le ministère de la Protection de la jeunesse fait l'objet d'une enquête auprès d'une commission. Mais c'est vous, j'imagine. Les problèmes des refuges pour jeunes sont également examinés. Nous espérons qu'il y aura des résultats positifs pour les jeunes grâce à ce travail.

Au sein des familles, les problèmes émotionnels, psychologiques et financiers peuvent faire de la maison un environnement difficile pour les jeunes. Les parents et les tuteurs doivent bénéficier d'un soutien. Les salaires doivent augmenter pour que les enfants puissent voir leurs parents s'occuper d'eux. Il faut plus de logements sociaux avec des loyers abordables, tout cela pour que les parents ne soient pas souvent absents de la maison parce qu'ils doivent occuper deux emplois pour joindre les deux bouts — et des individus désormais connus comme des travailleurs pauvres, «working poor» — tout cela avant qu'ils ne soient pas stressés et impatients à la maison avec leurs enfants. Les familles en détresse ont besoin de soutien et d'assistance pour que les jeunes ne se sentent pas obligés de fuir; ou, si les jeunes doivent partir, il devrait y avoir des endroits, je dirais, sûrs, sécuritaires pour trouver un abri. Et les informations sur ces abris sûrs doivent être disponibles dans des endroits fréquentés par les jeunes ou accessibles à eux et elles : écoles, centres commerciaux, médias sociaux, etc.

Les mineurs ont besoin d'une éducation sur les réalités de la vie et les situations et relations potentiellement nuisibles. Les programmes qui renforcent l'estime de soi et qui réduisent la vulnérabilité contribuent grandement à réduire les méfaits et à empêcher les jeunes de se retrouver dans des situations vulnérables et potentiellement dangereuses et d'exploitation. Cela dit, l'institutionnalisation des jeunes aggrave généralement les problèmes personnels ou familiaux. C'est vrai, ça. Si les jeunes ont des foyers sûrs et sécurisés, ils ne voudront pas fuguer. Les jeunes femmes éprouvent des problèmes d'estime de soi. Et, en général, pour les jeunes avec lesquels nous travaillons, la racialisation et la condition des jeunes racialisés contribuent à la vulnérabilité et à l'insécurité.

C'est là que des organisations comme la nôtre, le Centre communautaire des femmes sud-asiatiques, ont besoin de soutien dans le travail que nous faisons avec les familles et les communautés et pour le travail de sensibilisation que nous faisons avec les jeunes dans les écoles, où nous créons des environnements sûrs pour que les jeunes s'expriment, où, grâce à des ateliers d'écriture et de poésie, ils et elles trouvent des débouchés pour travailler sur des questions qui les concernent, où notre intervenante du programme jeunesse, qui, elle, a travaillé aussi sur le document évidemment, établit des relations de confiance avec des jeunes qui peuvent la contacter s'ils ou elles souhaitent de l'aide en matière d'information, de ressources et de soutien.

Le gouvernement doit fournir des fonds pour beaucoup plus de tel travail de terrain. Les jeunes ont besoin d'espaces sécuritaires pour explorer les problèmes d'identité et parler des défis auxquels ils sont confrontés, s'instruire entre eux et elles et obtenir le soutien de leurs pairs. Ils et elles doivent avoir plus de conseillers dans les écoles qui peuvent les aider à surmonter le stress et les tensions de la vie contemporaine, où les jeunes manifestent une plus grande anxiété, où le suicide des jeunes ou les tentatives de suicide sont en hausse, où les problèmes de santé mentale deviennent plus évidents. Les conseillers des écoles et des collèges sont débordés. Nous en avons besoin davantage, et le gouvernement doit augmenter le financement pour y arriver.

Tout autour de nous, nous constatons que les personnes travaillant dans ces domaines sont surchargées de travail et souvent d'épuisement professionnel. Il s'agit d'une crise à laquelle nous devons remédier si nous voulons protéger nos mineurs de l'exploitation. Les mineurs doivent avoir des personnes en qui ils et elles peuvent avoir confiance et en qui ils et elles peuvent parler, avec qui ils et elles peuvent partager leurs soupçons à l'égard d'individus qu'ils et elles considèrent comme nuisibles. Ils et elles doivent être avec des adultes qui écoutent et entendent ce qu'ils et elles disent et qui les acceptent comme des personnes crédibles. Ils et elles ne devraient pas avoir honte ou le sentiment d'être jugés en partageant des expériences dans lesquelles ils et elles se sont sentis humiliés ou exploités. Et nous savons que les sentiments de honte provoqués par le sens que l'on a rapporté quelque chose de désagréable sur soi, c'est-à-dire, on sent que c'est de notre faute si on a été abusé, exploité, etc., c'est souvent le cas avec des victimes de divers types d'exploitation, et elles n'en parleront donc pas à cause de, justement, cette honte.

Nous ne pouvons pas oublier que le climat politique contribue à l'expérience de l'insécurité et de la précarité des jeunes. Par exemple, les politiques gouvernementales d'exclusion, telles que le projet de loi n° 21, augmentent l'anxiété et font que les jeunes racialisés se sentent comme des étrangers et des étrangères dans leur propre société. Ils et elles doivent se voir reflétés de manière positive dans des personnes d'autorité en qui ils et elles peuvent avoir confiance, qui comprennent d'où ils et elles viennent et ce dont ils et elles peuvent avoir besoin.

Pour résumer ce que nous avons dit, d'après notre expérience, mais en tant que centre de femmes et travailleuses dans ce centre de femmes, les jeunes ont besoin d'éducation et de soutien. Les familles avec des jeunes ont besoin de soutien. Les vulnérabilités des jeunes sont causées par de nombreux facteurs. Les facteurs socioéconomiques peuvent rendre des situations de vie en famille difficiles pour les jeunes. Les problèmes d'identité et de racisme, se réconcilier avec l'orientation sexuelle et de genre ne sont que quelques-uns des facteurs auxquels les jeunes sont confrontés, contribuant aux vulnérabilités et à l'insécurité personnelle.

Nous devons élargir notre compréhension au-delà de l'exploitation sexuelle, entre guillemets, et regarder plutôt les besoins et les expériences des jeunes. D'après notre expérience et nos observations, nous avons besoin de mesures préventives qui réduisent la vulnérabilité et la précarité. Les mineurs doivent se sentir en sécurité et protégés. Ils et elles doivent être équipés d'outils pour détecter et éviter une exploitation potentielle. Nous pensons que, pour protéger les mineurs de l'exploitation, nous devons renforcer et améliorer le soutien aux familles et les programmes qui favorisent la confiance en soi.

Pour conclure, nous avons besoin d'une approche à plusieurs volets pour protéger les mineurs de l'exploitation. Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

• (16 h 50) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Merci beaucoup pour votre mémoire, votre présentation. J'ai deux questions pour vous.

Des groupes qui vous ont précédé aujourd'hui et hier, notamment ce matin, la fédération des femmes autochtones, les Femmes autochtones du Québec, donc, faisaient référence au fait qu'il y avait du racisme dans l'industrie du sexe, notamment en lien avec les mineurs. Ils allaient jusqu'à dire que l'industrie du sexe était raciste. Je voulais savoir si vous étiez en accord avec cette affirmation-là ou, du moins, qu'est-ce que vous en pensez.

Et l'autre volet, ma deuxième question, je trouve ça vraiment intéressant que vous passiez beaucoup de temps dans votre présentation par rapport à la pauvreté. Et c'est un thème que j'essaie de creuser, particulièrement pour la question des mineurs, de l'exploitation sexuelle. Vous avez parlé de ça, les «working poor», entre autres, là, qui est une originalité de votre mémoire qu'on n'a pas entendue beaucoup dans d'autres. Ils vous ont précédé tantôt, des gens qui parlaient de proposer de rehausser l'aide sociale. Il y a des gens qui proposaient, donc, plus de logement social, un programme d'aide à la sortie qui aurait des prestations spéciales pour les jeunes femmes, notamment, qui voudraient y participer. Est-ce que c'est le genre de chose qui pourrait aider? Et, si oui, avez-vous d'autres idées par rapport à la pauvreté?

Mme Sarkar (Mela) : Votre première question, sur le racisme dans l'industrie du sexe, nous, on n'a pas vraiment de connaissance, à notre centre, vraiment, nous-mêmes, de ça. On a entendu dire des choses par d'autres dans d'autres centres. Mais, nous-mêmes, ce n'est pas quelque chose que nous, on vit. Donc, on ne peut pas vraiment répondre.

Votre deuxième commentaire, sur les façons d'allévier la pauvreté, bien, c'est sûr que, là, ce qu'on vient de dire, c'est qu'il faut s'attaquer aux causes, et une des causes principales, c'est la pauvreté. C'est la pauvreté qui met des familles entières en difficulté et qui a pour conséquence de menacer de mettre «l'outcome», l'éducation des jeunes, en péril parce que ça ne peut pas être des foyers sains pour les jeunes, ça. C'est pour ça que les jeunes filles fuient. C'est quoi, le pluriel de «fuir»?

M. Leduc : Oui, c'est ça, fuguent.

Mme Sarkar (Mela) : O.K. Mais, comme député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous devez être en connaissance de beaucoup de...

M. Leduc : Le phénomène de la pauvreté, oui, je le connais bien.

Mme Sarkar (Mela) : J'ai déjà habité... Quand j'étais jeune mariée, en 1983, j'habitais Hochelaga-Maisonneuve et j'en ai vu pas mal.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Merci de votre présence. Je pourrais parler en anglais si elle préfère.

Mme Sarkar (Mela) : Go ahead.

Mme Weil : En anglais?

So, when we talk about poverty, there's root causes to poverty. I don't think poverty, on its own, can explain, you know, certain situations. So, you talk about discrimination. We talk about immigrants being excluded from jobs, can't find a stable revenue for that reason. And you do... that's your experience, right? You're in that world. You understand the challenges that immigrants live.

So it can be chronic poverty, generational poverty, which Québec sees a lot of. We have new poor, but this cultural phenomenon as well, because you meet immigrant families, the reason they don't have a job and they don't have income is because their credentials are not recognized. But they get over it, and they work hard, and they're educated. So, you know, often, their children won't be in vulnerable situations, but you can have others who live discrimination. Who knows? There's all kinds of factors.

So I wanted to ask you maybe to go deeper on that issue of poverty and different kinds of situations you see. But also you do... Because we heard today, from the organization chez Stella, there's very little incidence, in their experience, of children or young people, you know, involved in... that are exploited sexually, that they don't see much of that phenomenon. But other groups and community organizations working with it say that, no, on the contrary, with Internet, it's gotten... you know, it's increasing and it's increasing not just here in Canada, but everywhere. What is your experience with those two issues, so the poverty issue, but as linked to sexual exploitation of minors and as to the phenomenon in your experience here?

Mme Chew (Dolores) : OK. As my colleague Mela just said, we have not, in our centre, had any direct experience that we're aware of. Nobody has come to us, as a parent or as a minor, to convey that there's sexual exploitation. But, in our preventative work that we do in our outreach program in high schools, which is very, very popular, in fact, there's such a demand, but we don't have enough resources to put more in, we do encounter young people, racialized people, male, female, gender questioning, who have questions of identity, racism. And what we have realized is that the work we do, whether it's workshops, poetry sessions, blogs, gives them a way and an outlet of expressing, finding support. And we feel that, if theses avenues are not there, than they're isolated and can fall prey to various kinds of exploiters and predators. At the same time, with these outreach programs, we do things like how to use apps, dating apps, what the dangers are. So we engage in a lot of preventative work that we feel puts young people in vulnerable situations.

In terms of poverty, you're absolutely right, things like credentials, etc., not being recognized can cause issues. At our centre, it is a women's centre. We work with men as well, but most of the people we work with in crisis situations are women who might have come as wives, but sometimes, now, are on their own. And so, they are in desperate social and economic circumstances and they have children who go to school and who see what's going on in the home. And there are issues where young people feel vulnerable. They feel maybe they're to blame, they should be doing something.

Apart from my involvement with The South Asian Women's Community Centre, my day job is as a cégep teacher. And, definitely, I have been teaching for close to three decades and I have seen heightened incidences of anxiety. So these might be racialized students or non racialized students.

There are huge problems. Sometimes they're caused by familial problems, exacerbated. At other times, there's various other kinds of reasons for anxiety : mental health, suicide, attempted suicide. So there's just, across the board, as we've indicated in our brief, heightened anxiety and stress, which could be caused by economic issues for many families that we directly work with at the «centre communautaire», but otherwise as well. So we feel this is where the attention needs to be put, in prevention.

Mme Weil : And you mentioned that you don't think that we should be looking for legislative solutions, but I gather you mean criminal legislation or penal. But, if it's to do with labor laws or if it's to do with social conditions, promotion, housing, that's not what you're talking about, it's really just the penal and criminal.

Mme Chew (Dolores) : Yes.

Mme Weil : OK. Thank you.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Viau.

M. Benjamin : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, j'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Et je vais m'attarder en particulier à une phrase que je trouve intéressante, très intéressante, dans votre mémoire, quand vous dites : Nous devons regarder un mineur de manière globale et holistique — ça, c'est une phrase qui me parle beaucoup — et examiner pourquoi les mineurs se trouvent dans la situation où ils et elles sont vulnérables et précaires. Et vous évoquez des facteurs dans la prochaine phrase. Vous avez les facteurs socioéconomiques. On en a pas mal évoqué tout au long de cette commission. Et vous parlez aussi des facteurs politiques. J'aimerais peut-être vous entendre sur les facteurs politiques.

Mme Sarkar (Mela) : Rappelez-moi sur quelle page...

M. Benjamin : Alors, on est à la page 2, donc, troisième paragraphe.

• (17 heures) •

Mme Chew (Dolores) : OK. So, I will speak a bit to your question and my colleague Mela also.

So, global, holistic, again, it comes from a practice where, if we look at a symptom and relate a single cause to it, it usually misses the point. We have to look at the whole person and the context. And so, that's our approach in all our work. And so, with young people, the symptom might be anxiety. What is causing that anxiety? Is it a mental health issue? Is it a family issue? Is it a social issue? And so, we need to look at the situation globally.

But, you're right, we focused mostly, in our brief, on the community that we work with, but, again, if we look at youth generally, the insecurity... The idea of a job for life when you graduate is no longer there. The climate crisis. I mean, young people are saying they're not going to have children, OK?

So, there are so many things they are being bombarded with all the time, right? And we mentioned, specifically in Québec, with relation to the communities we work with, Bill 21, the proposed legislation of ERC, which might lead to a lack of understanding for racialized youth, etc. So we feel that things... policies need to be looked at in terms of their global impact, actions, in this case, related to young people, and vulnerability need to be looked at in their global context. Just taking one thing and saying : OK, this is the issue and, if we do x, it's going to resolve it, our practice has shown this is not successful.

M. Benjamin : Ce mois, donc, le mois de janvier, c'est le mois du patrimoine tamoul. Et, la semaine dernière, j'étais avec plusieurs centaines de jeunes Québécois, Québécoises d'origine tamoule pour souligner, donc, ce mois avec eux, et j'ai compris comment... l'importance des organismes, de ces communautés-là... sont importants, la construction aussi de l'identité.

J'aimerais peut-être que vous nous... aborder quel est l'apport, la contribution des organismes des communautés sud-asiatiques dans la construction de l'identité des jeunes, justement, des jeunes de cette communauté-là face à cette grande... à ces vulnérabilités que vous évoquez, quand on parle de vulnérabilités économiques, psychologiques, émotionnelles et autres.

Mme Sarkar (Mela) : C'est une très grande question. On ne peut pas vraiment répondre dans quelques minutes. Mais je dirais que nous, on est un centre de femmes quand même beaucoup plus vieux que d'autres, à cause du fait qu'on est là depuis presque 40 ans. Donc, les premières... Dolores est membre fondatrice, donc, dans la génération qui est venue au Québec dans les années 70 et 80, et même avant. Mais, depuis la fondation du centre, il y a une génération de jeunes qui a grandi dans le centre. Donc, on a eu déjà une présidente qui était la fille d'une ancienne membre présidente, des jeunes qui ne sont plus jeunes, là, qui sont dans la quarantaine, qui, elles, ont commencé à fonder des familles. Donc, nos travailleuses dans le secteur jeunes sont souvent des filles d'anciennes... bien, de membres qui sont plus vieilles, comme nous, là, on est assez vieilles. Et puis ça veut dire qu'on a pu rejoindre la deuxième, troisième génération de jeunes, souvent des filles, de jeunes femmes, mais des garçons aussi d'origine sud-asiatique.

Et je vous rappelle que c'est une origine complexe, ce n'est pas juste un pays. C'est un pays avec au moins une quinzaine, vingtaine d'origines, d'ethnies, là, d'origines ethniques, autant de... beaucoup plus de langues, beaucoup de religions, etc. Donc, les jeunes de notre communauté des... sud-asiatique, quand elles voient qu'il y a ce centre qui les comprend, en fin de compte, qui comprend qui sont leurs parents, leurs parents sont issus de quelles situations politiques, historiques, etc... Je me souviens très bien de comment est-ce que mon père, qui est venu du... qui était né au Bangladesh, avant que ce soit le Bangladesh, mais quand c'était l'Inde sous la domination des Britanniques... C'est-à-dire, les parents et les grands-parents des jeunes sud-asiatiques ont vécu par des changements sociaux et politiques inimaginables ici, sérieusement, parce qu'il y a eu beaucoup d'événements historiques, politiques dans le sous-continent indien depuis, je dirais, à peu près 100 ans, 120 ans.

Donc, nous, on est placés pour pouvoir comprendre d'où ces jeunes-là viennent, l'historique de leurs parents et puis leur propre historique. Parce qu'eux sont nés ici, ils ont grandi ici, ils sont allés à l'école québécoise francophone avec les enfants de tout le monde. Donc, c'est des jeunes avec des personnalités, des historiques très compliqués à cause de tout ça. Comme pourrait être le cas pour des jeunes de d'autres origines, je dirais, immigrantes, qui ont vécu... ou c'est une région du globe où il y a eu tant de changements à travers le XXe siècle, si complexes.

Donc, on est bien placés pour pouvoir les écouter. Quand ces filles-là nous parlent, on les écoute avec une compréhension qu'en général leurs professeurs à l'école secondaire ne peuvent pas avoir. Bien, c'est un peu résumer en quelques mots un peu simplistes ce qu'on croit qu'on peut offrir à ces filles-là.

Et, dans le temps que j'ai passé au centre — et j'ai évidemment un emploi à temps plein qui m'empêche de passer beaucoup de temps là — bien, il y a eu des jeunes filles, au secondaire, qui avaient des problèmes, mettons, par exemple, parce que moi, ça me parle directement, d'orientation sexuelle, où elles savaient qu'elles ne pouvaient pas en parler à leurs parents, aucunement. Mais l'idée qu'elles ne soient pas prêtes à se marier avec un gars que la famille choisirait, mettons, là, O.K., impensable pour elles. Mais elles pouvaient me parler, elles pouvaient parler à d'autres femmes de notre centre, et puis ça leur donnait comme un «outlet», une porte de... une façon de s'exprimer juste pour se défrustrer, pour pouvoir mieux composer avec leurs situations.

Donc, souvent, c'est ça que ça prend, c'est quelqu'un qui nous écoute et qui nous comprend, qui nous appuie et qui dit : Oui, oui, «I'm with you», ça fait que vas-y donc, des pistes de solution, il y en a, tu n'as pas à partir de la maison en fugue, là, il y a des portes de sortie, on va t'aider. Mais c'est ça, en fait, là, ça se fait beaucoup.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci. Merci beaucoup pour votre témoignage.

Donc, maintenant, nous allons appeler la Fondation Marie-Vincent et Dre Élise André, qui vont venir témoigner à la suite de vous. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 11)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Ça va? Oui? Alors, je souhaite la bienvenue aux représentantes de la Fondation Marie-Vincent et la Dre Élise St-André. Je vous rappelle que vous disposez de 15 minutes chacune pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange de 30 minutes avec les membres de la commission.

J'invite donc les représentantes de la Fondation Marie-Vincent à se présenter puis à commencer leur exposé.

Fondation Marie-Vincent et Mme Élise St-André

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Bonjour. Je m'appelle Geneviève Boisvert-Pilon. Je suis sexologue clinicienne et psychothérapeute à la Fondation Marie-Vincent.

Mme Pelletier (Jennifer) : Bonjour à tous, à toutes. Je m'appelle Jennifer Pelletier. Je suis sexologue et psychothérapeute à la Fondation Marie-Vincent. Alors, nous tenons à vous remercier d'avoir invité la Fondation Marie-Vincent à cette importante commission parlementaire. Nous sommes très heureuses de pouvoir contribuer à la réflexion entourant les services offerts aux jeunes victimes d'exploitation sexuelle, mais également aux moyens pour la prévenir.

Je vous présente rapidement la Fondation Marie-Vincent. La fondation contribue à prévenir la violence sexuelle. Au niveau de la prévention, nous travaillons principalement auprès de deux groupes d'âge, les tout-petits de zéro à cinq ans et les adolescents. Nous privilégions une approche écosystémique qui implique et mobilise les adultes qui gravitent autour des enfants. Nous en reparlerons plus tard. Nous offrons aussi des services psychosociaux et psychothérapeutiques aux enfants et aux adolescents victimes de toutes formes de violence sexuelle, incluant l'exploitation sexuelle. Les services sont spécialisés, adaptés à leurs besoins et reconnus pour leur grande efficacité. Nous soutenons une chaire interuniversitaire de recherche. La chaire Marie-Vincent nous permet de toujours miser sur les meilleures pratiques dans le domaine de la violence sexuelle, d'évaluer nos actions, mais aussi de demeurer à l'affût des nouvelles réalités sociales.

La commission nous a posé trois questions auxquelles nous allons répondre aujourd'hui. Premièrement, comment améliorer la prévention et l'éducation à la sexualité dans un objectif de lutte à l'exploitation sexuelle des personnes mineures? Ensuite, quels sont les contenus à privilégier, quels publics doivent être joints de façon prioritaire et comment?. Et finalement quelles ressources spécialisées sont disponibles pour aider les victimes et les survivantes d'exploitation sexuelle et comment devraient-elles être bonifiées?

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Nous allons d'abord...

Une voix : Ça va s'ouvrir.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Nous allons d'abord répondre à vos questions concernant la prévention de l'exploitation sexuelle. Nous savons que la prévention de toutes les formes de violence sexuelle envers les jeunes passe par une éducation à la sexualité saine et la promotion des rapports égalitaires. Les études le démontrent, la prévention et l'éducation à la sexualité auprès des enfants et des adolescents améliorent de façon significative leurs connaissances, leurs habiletés de reconnaissance de situations à risque et de protection de soi. La prévention et l'éducation à la sexualité favorisent aussi le dévoilement chez les jeunes qui sont victimes. Il s'agit d'un point important, puisqu'une très faible proportion des jeunes victimes de violence sexuelle dévoilent leur situation. En dévoilant, ils pourront recevoir l'aide dont ils ont besoin.

L'implantation du programme d'éducation à la sexualité dans les écoles primaires et secondaires du Québec est donc un premier pas dans la bonne direction pour prévenir la violence et l'exploitation sexuelle. Cependant, la prévention peut débuter encore plus tôt. Il est fortement recommandé d'implanter des activités préventives destinées aux enfants et adaptées à leur niveau de développement psychosexuel dès le plus jeune âge pour leur permettre de développer rapidement des compétences visant à assurer leur sécurité.

C'est ce que nous faisons, à la Fondation Marie-Vincent, avec notre programme de prévention Lanterne. Ce programme mise sur une éducation à la sexualité saine et la promotion des relations égalitaires auprès des tout-petits de 0-5 ans. Les outils offerts dans le cadre du programme permettent d'intégrer des notions simples, concrètes et adaptées au niveau développemental des tout-petits. De plus, le programme Lanterne privilégie une approche écosystémique qui cible aussi les adultes de confiance qui gravitent autour des enfants.

Parmi les meilleures pratiques en matière de prévention, nous savons qu'il est recommandé d'impliquer tous les systèmes qui ont une influence sur l'enfant. Plus concrètement, les pratiques préventives qui utilisent une approche écosystémique et qui visent non seulement les enfants eux-mêmes, mais également les adultes de confiance qui les entourent, sont privilégiées pour prévenir la violence sexuelle et sont reconnues comme étant les plus efficaces que les approches centrées exclusivement sur l'enfant.

Les adultes qui côtoient et protègent les jeunes au quotidien sont les meilleures personnes pour développer un filet de sécurité des plus efficaces. Pour les adultes qui contribuent à protéger les jeunes et prévenir la violence sexuelle, il faut pouvoir les outiller et les informer, par exemple, sur les problématiques liées à la violence et à l'exploitation sexuelle, aux nouvelles réalités d'aujourd'hui, au développement psychosexuel de l'enfant et de l'adolescent, comment faire de l'éducation à la sexualité adaptée au stade développemental des enfants et la détection des comportements à risque ou des signes de victimisation sexuelle et des actions à prendre en cas d'inquiétudes.

Dans le cas des parents, il serait pertinent de réfléchir aux meilleurs moyens de les rejoindre. On sait que, dans le cadre du programme d'éducation à la sexualité, les parents reçoivent des fiches les informant des sujets abordés en classe avec leurs enfants. Les outils créés par différents organismes sont également disponibles sur le Web. Mais les parents connaissent-ils ces ressources et ces outils qui peuvent les aider à poursuivre l'éducation à la sexualité et la prévention à la maison? Il serait aussi intéressant de les sonder sur leurs besoins et le format des outils qu'ils aimeraient recevoir. C'est ce que fait la Fondation Marie-Vincent dans le cadre de son projet de prévention de la cyberviolence sexuelle. Ainsi, nous nous assurons que les outils développés répondent réellement à un besoin et qu'ils seront consultés et utilisés.

Pour ce qui est des professionnels des milieux scolaires, nous savons qu'aborder des notions en lien avec la sexualité peut aussi favoriser les dévoilements de violence sexuelle. Les enseignants qui dispensent la matière en éducation à la sexualité doivent être outillés pour agir de manière à recevoir adéquatement les dévoilements et à assurer la sécurité des enfants. C'est pour cette raison que la Fondation Marie-Vincent offre de la formation au personnel d'établissements scolaires primaires afin de mieux les soutenir dans la dispensation du programme d'éducation à la sexualité en leur donnant des notions sur le dévoilement de la violence sexuelle, le signalement et les comportements sexuels problématiques chez les enfants. La Fondation Marie-Vincent offre aussi un service de soutien téléphonique aux divers intervenants oeuvrant auprès des jeunes.

Quant aux jeunes, même s'ils sont de plus en plus informés quant à la sexualité, grâce aux cours d'éducation à la sexualité et à divers projets de prévention dans les écoles, ils sont quotidiennement confrontés à différentes formes de violence sexuelle de manière directe ou indirecte. Il est important de les sensibiliser aux risques et dangers liés à l'utilisation des médias sociaux, aux relations amoureuses malsaines ainsi qu'aux idées nuisibles concernant la sexualité qui peuvent être véhiculées par les pairs ou par Internet. Cette sensibilisation peut prévenir des situations de victimisation et d'exploitation sexuelle, mais également la criminalité chez les jeunes, notamment le partage de fichiers intimes ou la possession et la distribution de pornographie juvénile. Nous savons aussi que la prévention fonctionne auprès des adolescents. Il faut qu'ils soient impliqués dans une approche par et pour les jeunes.

Depuis 2017, la Fondation Marie-Vincent travaille sur un projet-pilote : Non à la cyberviolence pour nos jeunes. Dans le cadre de ce projet, des comités de prévention constitués d'adolescents ont été amenés à développer plusieurs stratégies de prévention de la cyberviolence sexuelle pour et par les jeunes et adaptées à leurs milieux. Un guide d'animation a été développé pour permettre à tous les milieux scolaires de démarrer le projet et d'impliquer les élèves de leurs écoles dans la prévention de la cyberviolence sexuelle.

En plus du projet des comités de jeunes, la Fondation Marie-Vincent développe présentement une approche de prévention par les pairs. Les jeunes sélectionnés pour devenir des pairs ambassadeurs sont formés afin de développer les compétences et les habiletés nécessaires pour animer des ateliers de prévention de la cyberviolence auprès d'élèves plus jeunes. La prévention par les pairs est une approche novatrice mise de l'avant afin d'avoir une incidence sur les taux de prévalence de la cyberviolence sexuelle.

Donc, au sujet de la prévention de l'exploitation sexuelle, nous recommandons d'investir dans des stratégies de prévention de l'exploitation sexuelle qui misent sur une approche écosystémique, et ce, dès le plus jeune âge. Nous recommandons également que les adolescents soient impliqués dans des approches de prévention par et pour les jeunes.

• (17 h 20) •

Mme Pelletier (Jennifer) : Maintenant, nous allons aborder l'aide aux jeunes victimes d'exploitation sexuelle. D'abord, il semble y avoir un manque de ressources spécialisées pour aider les jeunes victimes d'exploitation sexuelle au Québec. L'expertise pour répondre à ce phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur est en train de se développer grâce à différents projets prometteurs, comme Sphères, à Montréal, ou Mobilis, en Montérégie, pour ne nommer que ceux-ci. À la Fondation Marie-Vincent, nous offrons des services psychosociaux et psychothérapeutiques aux jeunes victimes ou survivantes d'exploitation sexuelle, que ce soit dans une optique de traitement ou de prévention de la revictimisation.

Un des enjeux importants liés à l'intervention auprès des victimes et survivantes d'exploitation sexuelle est la méfiance de ces dernières face aux intervenants. Elles ont peur, honte, se sentent coupables et hésitent à se tourner vers l'aide qui pourrait leur être offerte. Un peu comme les victimes de violence conjugale, elles peuvent être ambivalentes face à leur situation et à l'agresseur et surtout ne pas se considérer comme des victimes. Nous avons un défi de taille pour les mobiliser et leur offrir les services dont elles auraient besoin.

Il faut créer un lien avec ces jeunes et miser sur une concertation entre les partenaires. C'est la grande force du projet Sphères qui mise sur la collaboration entre des milieux institutionnels et communautaires pour aider ces jeunes. Parmi les partenaires, il y a le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, le CIUSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal, En Marge 12-17, L'Anonyme, le programme Les Survivantes du SPVM, et, nouvellement, nous, la Fondation Marie-Vincent.

L'objectif général du projet Sphère est d'encourager le partenariat et l'élaboration d'actions concertées afin d'aider les jeunes à combler leurs besoins autrement que par une implication dans une trajectoire d'exploitation sexuelle. Les efforts de tous les partenaires visent à soutenir ces jeunes dans une démarche d'intégration sociale et dans l'adoption de saines habitudes.

L'exploitation sexuelle est une problématique complexe qui peut entraîner divers problèmes de santé mentale ou physique, de consommation, de criminalité, etc. Ainsi, chacun des partenaires a un rôle bien important à jouer pour aider le jeune à se sortir de sa situation.

Le projet répond aussi à une rupture de service existante, lors du passage de l'adolescence à la vie adulte, puisque Sphères offre des services aux jeunes de 12 à 24 ans. Cette rupture dans l'offre de services, au moment même où ces jeunes sont à leur plus vulnérable, constitue une des plus grandes lacunes des services offerts aux jeunes en difficultés. Cette transition de l'adolescence à l'âge adulte constitue un moment crucial où les jeunes éprouvant certaines difficultés ou vulnérabilités, tant sur le plan personnel, familial ou social, peuvent percevoir la prostitution comme un choix possible ou parfois même comme une obligation. De plus, comme nous l'avons mentionné plus tôt, les jeunes victimes d'exploitation sexuelle ne bâtissent pas facilement des liens de confiance avec les adultes qui veulent les aider. Donc, une fois que ces liens sont créés avec des intervenants, il est important qu'ils puissent se poursuivre à l'âge adulte si nous souhaitons favoriser une réadaptation qui sera durable.

Au-delà de la concertation régionale, il serait aussi important de miser sur la concertation entre les différentes régions du Québec et provinces du Canada. Les jeunes victimes d'exploitation sexuelle sont souvent amenées à se déplacer ailleurs dans la province ou dans le pays. Elles se retrouvent à nouveau isolées et sans ressources. Elles n'iront pas chercher de l'aide auprès d'autres intervenants dans cette nouvelle région ou province. D'où l'importance d'assurer une concertation entre les organismes de chacune de ces régions, qui pourra assurer une continuité de service aux jeunes.

Au sujet de l'intervention psychothérapeutique offerte à la Fondation Marie-Vincent, grâce à un financement obtenu dans le cadre de la Stratégie d'action jeunesse, nous avons développé, en collaboration avec les partenaires de Sphères, une trousse pour intervenir auprès des jeunes victimes d'exploitation sexuelle ou à risque. Cette trousse contient deux volets : premier volet, des outils permettant d'évaluer si un jeune se trouve à risque ou en situation d'exploitation sexuelle et d'évaluer l'étendue de son implication dans une trajectoire d'exploitation sexuelle; le deuxième volet, ce sont des outils permettant d'intervenir de manière adaptée à l'étendue de son implication dans une trajectoire d'exploitation sexuelle. Elle est composée d'outils qui abordent de manière directe et indirecte la problématique de l'exploitation sexuelle et la prévention de la victimisation sexuelle. Ces outils ont été conçus pour que le jeune soit impliqué de manière active dans le processus d'intervention et pour susciter chez lui une réflexion quant à sa trajectoire. Cette trousse a été partagée avec des partenaires qui interviennent au quotidien auprès des jeunes victimes d'exploitation sexuelle. Les outils sont présentement en évaluation pour voir s'ils répondent bien aux besoins des jeunes et de nos partenaires. Nous avons prévu les bonifier selon les besoins qui auront été identifiés.

Donc, au sujet de l'aide aux jeunes victimes d'exploitation sexuelle, nous recommandons de mettre en place, dans toutes les régions du Québec, des services spécialisés qui misent sur la concertation entre les partenaires et que ces services puissent se poursuivre au début de l'âge adulte dans une réelle continuité de services. Nous recommandons également qu'un mécanisme de concertation entre les partenaires des différentes régions et provinces soit mis en place.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Finalement, nous aimerions juste dire quelques mots sur l'indemnisation offerte par IVAC. Nous savons que le gouvernement réfléchit déjà à l'adoption... à l'adaptation, pardon, de cette loi. Mais, à ce jour, la loi sur l'IVAC ne reconnaît toujours pas officiellement l'exploitation sexuelle comme un acte criminel. Donc, les jeunes qui en sont victimes ne peuvent pas automatiquement recevoir l'indemnisation, donc, dans certains cas, de services psychothérapeutiques. L'exploitation sexuelle fait maintenant partie des motifs de compromission prévus dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Il serait donc pertinent que la loi de l'IVAC soit modifiée rapidement pour être cohérente et qu'elle prévoie l'indemnisation des jeunes victimes d'exploitation sexuelle. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup de votre présentation. J'invite maintenant la Dre Élise St-André à se présenter puis à commencer son exposé pour une période de 15 minutes. Merci d'être avec nous.

Mme St-André (Élise) : Merci beaucoup. Donc, je vais passer sur... Vous avez tous reçu la première page, qui décrit en fait un peu mon parcours, qui explique mon intérêt dans le sujet d'aujourd'hui? Bon.

Alors, j'ai été éduquée à l'Université de Montréal et à l'Université McGill, j'ai commencé mon travail dans le milieu médico-légal, à faire des expertises pour la justice criminelle, et à ce moment-là j'ai été en rencontre avec un homme qui avait justement un état de stress post-traumatique, et j'ai découvert à ce moment-là que ces personnes qui souffrent, souvent, le diagnostic est fait de façon très tardive, et il n'y a pas beaucoup de ressources, justement. Alors, je me suis formée à diverses thérapies pour aider ces gens-là, et j'ai continué à me renseigner davantage sur les états de stress post-traumatique, et j'ai enseigné à cet égard au cours des années.

Donc, ma présentation, grosso modo, c'est le résultat de toutes ces années où j'ai présenté sur le sujet, et j'essaie d'en faire une synthèse, synthèse qui comporte bien sûr l'inconvénient d'en être une, c'est-à-dire de couper court à certains détails et de ne pas tout mettre ce que je voudrais dans un petit 15 minutes.

Alors, je vais répondre en premier à la deuxième question que la commission me demande, c'est-à-dire : Quels sont les impacts de l'exploitation sexuelle des victimes?, pour revenir ensuite sur le traitement. Donc, je répondrai... Oui, c'est ça. Donc... d'escamoter les chiffres, ça, je l'ai déjà dit.

Donc, les impacts d'un trauma, sexuel ou autre chez l'enfant sont bien réels et globaux, donc biopsychosociaux, comme l'on vient de l'exposer ici. Ça va affecter de façon durable la trajectoire de vie de l'enfant en l'absence de soutien. Les conséquences de traumas survenus dans l'enfance sont encore bien présentes, d'ailleurs, chez plusieurs adultes — parce que je travaille en psychiatrie adulte — présentant des symptômes divers et d'intensité variable. Il faut noter que les recherches actuelles montrent une transmission aussi intergénérationnelle des effets du traumatisme. Il ne faut pas l'oublier dans notre effort de prévention, ça touche vraiment beaucoup de monde, les traumas, qu'ils soient ceux dont nous discutons ici ou d'autres. Ici, c'est plus... c'est pire, en fait. L'exploitation sexuelle des mineurs, je pense que ça marque davantage les gens.

• (17 h 30) •

Donc, au niveau biologique, selon l'âge, et l'importance de la réponse traumatique, et le niveau de développement de l'enfant, il peut y avoir réaménagement génétique, donc épigénétique, biologique — je le dis parce que la psychiatrie, c'est comme à côté, mais c'est vraiment biologique — qui va moduler le nombre de récepteurs hormonaux au niveau du cerveau et modifiera ainsi la réponse de l'individu aux stresseurs. De même, au niveau neurobiologique, l'expérience traumatique aura un impact sur le système nerveux dit autonome, système qui régulera différemment les réponses biologiques des systèmes du corps aux éventuels stresseurs ensuite. La peur, l'anxiété chronique ont des effets cumulatifs délétères sur le sommeil, favorisant entre autres prise de poids et problèmes de concentration, et sur plusieurs systèmes corporels, par exemple cardiovasculaire, gastro-intestinal, métabolique, immunitaire. Donc, le trauma et ses effets, dans le long terme, ce sont des effets qui peuvent être psychiatriques, mais aussi profondément biologiques.

N'ayant pas les capacités de verbaliser ou de comprendre ce qui se passe, l'enfant agressé peut présenter divers troubles de comportement, des troubles d'apprentissage et psychologiques, des problèmes de socialisation et une perturbation de ses liens affectifs significatifs.

Divers facteurs influencent l'effet d'un événement sur une personne. Nous venons de voir que l'âge, même, et surtout précoce en est un. Il est faux de prétendre, selon certaines croyances populaires, qu'il ne s'en souviendra pas le jour de ses noces. C'est faux. Un enfant risquera d'être marqué de façon durable plus facilement qu'un adulte. D'autre part, la forte intensité de l'événement, la répétition chronique de celui-ci ou une blessure physique seront des facteurs aggravants. Également important, la présence ou non de soutien, être cru ou non lors de la divulgation, et n'être pas cru représente en soi un autre traumatisme chez la plupart des personnes qui ont vécu une agression sexuelle.

L'intensité émotionnelle module la rétention amnésique de façon particulière. J'en ferai ici encore une fois un résumé grossier. La mémoire est plus vive et détaillée concernant un moment d'intensité émotionnelle élevée, ceci au niveau des événements individuels, mais sociaux également. Tout le monde se rappelle du 11 septembre. Que faisiez-vous le matin? Ou encore, pour les plus vieux d'entre nous, le 22 novembre 1963, je pense, Kennedy. Bon, lors d'événements mettant l'intégrité physique, voire la vie, en danger, une cascade hormonale spécifique, biologique, automatique se met en branle, selon l'intensité de la menace, pour protéger l'individu dans l'immédiat, ce pour quoi la personne peut figer et peut ne pas être capable de se défendre. C'est quelque chose d'automatique. Ça arrive indépendamment de la volonté de la personne. On ne peut pas dire à quelqu'un... et l'accuser et le mettre... le rendre plus coupable de ne pas avoir agi. C'est quelque chose de biologique. O.K.?

Tout le monde ne réagit pas de la même façon, pour toutes sortes de raisons, mais c'est quelque chose qui peut arriver, d'être figé, et c'est quelque chose de biologique, qui module, dans le même temps, la mise en mémoire. C'est-à-dire que les souvenirs ne seront pas, après, immédiatement accessibles à la personne, mais le corps peut quand même, lui, se souvenir, s'il y a une amorce, par exemple, un déclencheur dans l'environnement. Je vous donne tout de suite un exemple pour illustrer puis, s'il y a des questions, bien sûr, je répondrai.

Par exemple, une personne ayant subi des violences sexuelles par plusieurs individus pourrait ne pas se souvenir de tout ou de certaines parties des événements. D'ailleurs, c'est dans les critères diagnostiques de l'état de stress post-traumatique. Et on vient de voir que c'est biologiquement possible aussi de ne pas se rappeler, O.K. Mais son corps réagira, de façon automatique, fortement à une odeur qui était présente lorsque les faits se sont produits. Éventuellement, en présence d'un ensemble précis de souvenirs sensoriels ou factuels, cette mémoire enfouie peut ressurgir, parfois des années plus tard, et ce n'est pas toujours dans le cadre d'une thérapie. Ça peut être un événement qui s'approche de l'événement traumatique initial, et là, pouf, ça réapparaît. Donc, la personne pourrait très bien ne jamais avoir eu d'état de stress post-traumatique, mais en présenter un plus tard. Je l'ai vu en clinique plusieurs fois. Donc, c'est dans la littérature, mais c'est dans la vraie vie. Moi, je vous parle de clinique, bien entendu.

L'impact de l'exploitation est donc variable selon la personne, le contexte génétique, social, familial, l'âge de la personne, plus grave chez l'enfant plus jeune, la gravité et la chronicité des gestes subis. Pour certains, les conséquences seront immédiates, par exemple, des difficultés scolaires. Pour d'autres, la présentation sera tardive, comme je viens de l'évoquer. Enfin, dans bien des cas, il y aura des problèmes chroniques et des demandes légitimes de soins et de support à long terme.

Des symptômes dépressifs ou anxieux variés peuvent se manifester. En effet, les conséquences d'un trauma ne sont pas uniques, hormis les états de stress post-traumatique, plus fréquents, en général, de toute façon, pour tous les problèmes dépressifs et anxieux chez les femmes. La personne victime peut présenter les symptômes d'un trouble anxieux généralisé, d'un trouble de panique avec ou sans agoraphobie, d'un trouble anxieux non spécifié, voire d'un trouble obsessionnel compulsif. Il y a plusieurs possibilités de codiagnostic dans les troubles anxieux. J'ai vu souvent des états de stress post-traumatique avec un trouble anxieux généralisé ou encore une dépression avec un état de stress post-traumatique. Il faut évidemment soigner les deux dans ces cas-là.

Donc, je vous ai mis des petits rappels concernant les maladies psychiatriques. Donc, la plupart des maladies communes sont reliées au système de peur dans le cerveau, avec une référence, là, du laboratoire de Joseph LeDoux, à New York, et un rappel concernant la dissociation, qui est un phénomène de mémoire spécial. Donc, dans l'enfance, il y a des effets biopsychosociaux à long terme, comme je l'ai dit, au niveau de la mémoire, un sens de l'identité qui est différent, de conscience de soi, une difficulté de régulation émotionnelle. Donc, c'est un enfant qui va devenir comme plus sensible, hypersensible, qui va réagir beaucoup, qui va avoir de la difficulté à, par exemple, se débarrasser d'une colère. Il va avoir des problèmes de concentration, d'apprentissage et il va avoir un sentiment de compétence sociale moins grand, moins bon et une difficulté dans les relations d'intimité.

Pour ceux qui ont été agressés plus jeunes de façon chronique, les symptômes peuvent épouser les critères de divers diagnostics aussi de troubles de personnalité, donc des façons d'être durables qui provoquent quand même des inconvénients dans la vie de tous les jours, que ce soit au travail ou à l'école. Et, dans les cas sévères, il peut même y avoir des symptômes psychotiques qui peuvent survenir.

Enfin, la fréquence, je parle bien de la fréquence des symptômes dissociatifs, donc les sensations d'irréalité, de ne pas être soi-même, de mémoire fragmentée, de ne pas se souvenir, n'est pas claire. Ce n'est pas clair parce que cet aspect est méconnu, peu investigué, et les patients eux-mêmes cachent ces symptômes par peur ou par honte. Donc, il y a vraiment une difficulté à documenter les symptômes dissociatifs par un clinicien qui n'est pas au courant de ça ou qui ne pense pas l'investiguer, finalement. L'impact sera donc majeur et durable sur la victime, et, puisqu'il s'agit d'un enfant, son entourage, aidant ou non, en subira aussi les conséquences, entre autres dans la gestion des symptômes déjà décrits, bios, psychos et sociaux.

Je voudrais donner quelques exemples pour illustrer mes propos, et les détails évidemment sont changés pour préserver l'anonymat. Je ne sais pas combien... J'ai oublié de me mettre un chrono.

Le Président (M. Lafrenière) : Il vous reste encore six minutes.

Mme St-André (Élise) : Six? Oh! ce n'est pas beaucoup. O.K. Bon, je vais commencer par un premier exemple... ou bien, tiens, je vous le laisse lire. Je vais faire monsieur B, oui, qui est un homme d'âge mûr, qui a été évalué dans le cadre de symptômes dépressifs récidivants sous médication.

Son parcours antérieur est semé d'embûches. Il a dû se défendre souvent dans sa vie et, au départ, dans sa propre famille contre un frère aîné et un cousin hostile et batailleur. Monsieur B sait se servir de ses poings et ne s'en cache pas. Il est fier de savoir se battre. Sa carrure athlétique est avantageuse. La fréquentation de l'école, lorsqu'il était au primaire, a toujours été ardue. On lui donnait des comprimés pour se concentrer sans que ça ait fait des effets positifs, et donc ses résultats scolaires n'étaient pas améliorés par la médication, mais celle-ci, comme les médications qui aident, en fait, les gens à qui on attribue le diagnostic de trouble de déficit de l'attention... En général, ces médications augmentent l'anxiété, ce qui n'est pas très bon chez quelqu'un qui souffre d'un état de stress post-traumatique, et c'est difficile pour l'enfant d'identifier que c'est à cause des pilules.

Bon, alors, ce monsieur-là, c'est ça qui s'est passé quand il était jeune, et son parcours scolaire, donc, a été assez difficile. Ses rapports sociaux étaient compliqués par sa méfiance et sa promptitude à réagir devant ce qu'il estimait être une offense. Il a fréquenté ce qu'il décrivait être une ou deux écoles de réforme.

Son parcours d'emploi est marqué par l'inconstance et la variété. Il s'est en quelque peu assagi avec l'âge. Il a depuis quelques années le même emploi. Il s'entend bien avec la plupart des travailleurs, sauf un. Il voudrait bien se débarrasser de ses symptômes récidivants et retourner au travail mais nomme spontanément qu'il préférerait ne plus travailler avec X, qui est un ami et protégé du grand boss. En effet, tous les épisodes dépressifs ont été secondaires à des événements survenus avec cet individu au travail. Monsieur B précisera que X, pour faire une blague, l'a touché de façon inappropriée.

Tous les symptômes réapparaissent lorsque MB divulgue ce qui est arrivé et n'est pas cru. Or, en cours de traitement, à un moment donné, je vais comprendre que, lorsqu'il avait six ans, un individu l'a violé. On ne l'a pas cru. Il est arrivé plus tard à la maison, il faisait noir. On l'a puni violemment pour avoir été en retard à la maison et d'avoir sali ses habits.

Alors, vous voyez, le parcours de cet homme — ce n'est pas un cas d'exploitation sexuelle, mais c'est quand même un viol — aurait été tout à fait différent s'il avait été accueilli, premièrement, dans sa famille et ensuite s'il avait reçu des soins. Donc, il a été traité comme quelqu'un qui avait un TDAH et monsieur avait clairement un état de stress post-traumatique, selon son histoire.

Donc, si les gens étaient sensibles à ce genre d'histoire et de possibilité, peut-être que nous pourrions socialement réagir et différemment.

Bon, je vais passer à la deuxième question puisqu'il faut que je fasse vite. Quelles sont les meilleures pratiques, en termes d'intervention thérapeutique, pour les victimes d'exploitation sexuelle et sont-elles disponibles pour les victimes d'exploitation sexuelle au Québec? Ça pourrait être rapide, mais je vais prendre un peu ce que j'ai déjà écrit.

• (17 h 40) •

La meilleure pratique serait la prévention. J'appuie tout à fait ce que ces dames ont dit précédemment et je sais que plusieurs interventions auparavant en ont fait état. Comme l'invention des systèmes d'égout — je sais, je vais loin — la lutte contre l'alcool au volant ou l'obligation légale du port de la ceinture de sécurité, des interventions et/ou organisations sociales font énormément pour la santé publique, puisque le problème de l'exploitation sexuelle, à mon sens à moi, en est un en raison des retentissements biopsychosociaux sur une personne, ses descendants, son entourage et le milieu social en entier. Il y a des coûts énormes. Plusieurs auteurs américains parlent d'ailleurs d'épidémie cachée en parlant des états de stress post-traumatique chez les enfants.

J'appuie donc la suggestion faite par d'autres intervenants, soit l'éducation dès le primaire, un cours adapté sur les relations humaines saines et la sexualité et d'autres moyens éducatifs possibles, entre autres une offre élargie destinée à toutes les générations, entre autres par l'utilisation d'Internet, pourraient, devraient être retenus. Par ailleurs, c'est ça, pour les jeunes femmes mobiles, comme on disait, en fait, il pourrait peut-être y avoir une application mobile ou un site Internet par lequel la personne en détresse pourrait... parce que d'avoir un endroit géographique, ça devient très compliqué pour ces gens. Donc, il faut penser à ce genre de solutions là.

O.K., c'est ça, le cadre légal pourrait être plus sévère envers les exploitants et les agresseurs, les témoignages par vidéo encouragés. Parce que chaque fois, chaque fois, je vous le dis, chaque fois, j'en ai eu, des gens qui avaient des ESPT quand ça passait dans le journal ou quand ils repassaient à la cour. C'est incroyable comment les gens régressent, comment ils font beaucoup plus d'anxiété, comment les symptômes réapparaissent, comment ils ne dorment plus, comment plusieurs symptômes reviennent, et il faut recommencer à zéro, toujours. C'est vraiment très important, la cour et la médiatisation augmentent les symptômes. C'est quelque chose d'important à savoir.

Pour les personnes, finalement, qui présentent des symptômes, donc, on a échappé à la prévention, disons, il convient de mettre d'abord la personne en confiance, assurer la sécurité et la stabilité, valider son expérience et sa détresse. Je comprends que tu es en colère que ce soit arrivé. Ne pas lui dire : Bien non, ça va passer. On valide. C'est vrai, ce que tu vis.

Encore ici, l'éducation du milieu de soins sur les traumas et ses conséquences pour améliorer l'accueil de cette clientèle et éviter les retraumatisations — et je parle entre autres de l'urgence, parce que les gens ne sont pas toujours accueillis comme ils le mériteraient, je dirais, simplement — suivant l'évaluation et le diagnostic précis. Donc, meilleur diagnostic, meilleur traitement. Le plan de traitement biopsychosocial doit être construit et adapté dans le temps, à chaque personne. Selon divers guides de pratiques, donc, canadien, australien, Angleterre, on pourrait donc traiter les comorbidités, par exemple les troubles de consommation, avant de traiter le trauma. Mais, bon, chacun a sa vision différente, et ce qui ressort de ça, c'est de traiter selon le gros bon sens et ce qui est le plus grand inconvénient actuel du patient. Par exemple, s'il est suicidaire, c'est de ça qu'on va s'occuper en premier.

Les traitements pharmacologiques peuvent être requis à moyen et long terme. En première intention, on recommande des antidépresseurs de dernière génération à dose progressive, tant dans le traitement de la dépression ou des troubles anxieux. Dans l'état de stress post-traumatique, un des objectifs premiers, c'est de rétablir le sommeil, parce que c'est pendant le sommeil que la mémoire se reconsolide et donc va permettre d'avoir un effet positif dans la psychothérapie. C'est extrêmement important que la personne dorme, donc c'est mon premier objectif, quand je traite quelqu'un.

Ensuite de ça, comme il y a...

Le Président (M. Lafrenière) : ...conclusion, s'il vous plaît.

Mme St-André (Élise) : Pardon?

Le Président (M. Lafrenière) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme St-André (Élise) : En conclusion. En conclusion...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme St-André (Élise) : Pourtant, j'avais fait ça court.

Le Président (M. Lafrenière) : Désolé. Ah! c'est difficile, c'est difficile.

Mme St-André (Élise) : Je dirais que la psychothérapie est aussi, sinon plus importante que la médication. Ça coûte cher, la psychothérapie, mais les pilules à vie, ça coûte plus cher aussi, tu sais. Et il faut y avoir, je pense que c'est extrêmement important...

(Interruption) Excusez, je n'ai pas l'habitude. Il faut absolument qu'il y ait plusieurs modalités psychothérapeutiques disponibles. Dans les écrits récents, c'est la TCC, donc thérapie cognitivocomportementale focusée sur le trauma, et EMDR, Eye Movement Desensitization and Reprocessing. C'est quelque chose qui est valide, qui est reconnu partout dans le monde, par l'Organisation mondiale de la santé. Ça fonctionne, on commence à comprendre pourquoi. Ça calme le patient pendant qu'on fait le traitement. On est avec le patient, il n'est pas tout seul.

C'est extrêmement important, la psychothérapie, pour ces gens-là, et donc les exemples que j'ai donnés auparavant ont donné d'excellents résultats, et les gens vont bien. Je ne dis pas que c'est toujours efficace à 100 %, mais il y a des bons taux de réussite. Il y a d'autres avenues qui sont en exploration, comme la psychothérapie sensorimotrice, parce qu'évidemment les patients ont beaucoup de symptômes physiques, avec les SPT, donc il faut penser à ce genre de trucs là. Et, en fait, j'ai donné quelques idées concernant les symptômes dissociatifs, quand ils sont reconnus, donc vous avez ça d'écrit dans la petite présentation que j'ai faite, donc assurer la stabilité, la sécurité, un travail thérapeutique, etc. Donc, voilà.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup.

Mme St-André (Élise) : Je vous en prie.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup de votre présentation. On est maintenant rendus à la période d'échange avec les membres de la commission. On va débuter avec la députée de Lotbinière-Frontenac.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Je voulais vous remercier pour la présentation, là, sur les chocs post-traumatiques. Je trouve ça particulièrement... très, très intéressant. Par contre, ma question, c'est juste une petite question technique pour la Fondation Marie-Vincent. L'IVAC indemnise les victimes d'actes criminels, puis, en ce moment, on ne reconnaît pas l'exploitation sexuelle comme un acte criminel.

Dans votre brochure, c'est marqué... bien, c'est cette brochure-là? C'est marqué : Les services offerts aux adolescents... puis vous faites mention de la demande à l'IVAC. Pour quelle raison?

Mme Pelletier (Jennifer) : Bien, les adolescents qui viennent nous voir ont été victimes d'agressions sexuelles. Souvent, pour faire la demande à IVAC, on va faire la demande sous forme d'agression sexuelle, en sachant qu'il y a eu de l'exploitation sexuelle, mais on va mettre l'emphase sur l'agression sexuelle que la jeune ou le jeune a vécue à travers son expérience de victimisation sexuelle.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Donc, vous faites quand même la demande.

Mme Pelletier (Jennifer) : Oui. La demande va être acceptée parce qu'on passe sous le...

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : C'est que, dans l'exploitation sexuelle, souvent, les conséquences vont être beaucoup plus grandes que... excusez les termes, mais qu'une agression sexuelle sans le contexte d'exploitation. On en a parlé un peu, il peut y avoir des similitudes avec, par exemple, les victimes de violence conjugale pour certaines, il peut y avoir des similitudes avec des victimes du syndrome de Stockholm. Donc, il y a plus de conséquences, souvent, dans une victime d'exploitation sexuelle. Si ça pouvait être nommé, on pourrait probablement reconnaître davantage différentes conséquences à court terme et à long terme auprès des victimes, ce qui ne nous empêche pas de leur offrir un service, bien évidemment.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Alors, merci. Merci à vous trois. Peut-être, dans un premier temps, pour la Fondation Marie-Vincent. J'ai eu l'occasion de visiter, il y a plusieurs années, votre centre. C'est extraordinaire, le travail que vous faites auprès des tout-petits, les jeunes. On était plusieurs et on a visité le centre et tout. De votre expérience... je suis à la page 12 de votre mémoire. Vous parlez du phénomène d'exploitation sexuelle... parce qu'on a eu des discussions... bien, discussions, des affirmations ce matin d'un organisme qui a dit — donc c'est chez Stella — que, bon, son expérience faisait en sorte que... leur commentaire, c'est que, non, il y avait très peu de ça, puis, bon, ce n'était pas... Mais vous, vous affirmez donc que ça prend de plus en plus d'ampleur, donc, le phénomène d'exploitation sexuelle.

En quoi vous êtes capables d'affirmer ça? Et dans votre pratique, dans votre expérience de travail que vous faites, est-ce que vous êtes face à face à ce phénomène des victimes? Et donc décrire peut-être cette croissance que vous avez vécue, constatée dans votre organisme.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : À la base, la Fondation Marie-Vincent offre des services pour les enfants et les adolescents. Donc, notre clientèle, c'est les 18 ans et moins. On peut confirmer qu'on en voit. Donc, il y a effectivement...

Mme Weil : Et qu'il y a une croissance.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : ...des jeunes victimes d'exploitation sexuelle qui sont mineures, et, oui, on le voit de plus en plus. C'est de plus en plus nommé. Et maintenant nous sommes un partenaire du comité Sphères qui traite, de manière très explicite, l'exploitation sexuelle. Et avant, les jeunes rentraient sur notre liste d'attente, rentraient dans nos services en étant victimes d'agression sexuelle. En cours de thérapie, on se rendait compte que ce n'était pas que de l'agression sexuelle, mais c'était fait dans un contexte d'exploitation sexuelle.

Donc, c'est dur de le chiffrer de manière explicite, l'exploitation sexuelle comme telle, dans le cadre de toutes les violences sexuelles qui sont traitées à Marie-Vincent, parce qu'on le découvre souvent à travers la thérapie. Tandis que maintenant les jeunes peuvent nous arriver, et la première demande de services se fait en disant : Il y a une victime d'exploitation sexuelle, nommé de manière beaucoup plus explicite. Donc, on le voit...

Mme Weil : Ils viennent des deux voies. Parfois, on ne le sait pas, puis vous le découvrez en cours de route. Mais vous êtes capables...

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : ...parfois, on le sait.

Mme Weil : ...d'affirmer, de par votre expertise et votre expérience, que c'est en croissance.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Tout à fait, oui.

Mme Weil : Donc, déjà, ça, ça vient contrer l'impression que l'organisme avait ou l'affirmation qu'ils ont faite. Comment ces jeunes vous arrivent, donc... que vous dites référés par d'autres organismes, donc le système public, les organismes communautaires? Est-ce qu'il y en a qui arrivent autrement?

• (17 h 50) •

Mme Pelletier (Jennifer) : Bien, récemment, avec le projet Sphères, qui nous sont référés directement. Sinon, ça peut être tout organisme qui travaille en lien avec les jeunes. Ça peut être autant le milieu scolaire, le milieu des hôpitaux...

Mme Weil : Donc, j'allais dire, le réseau de la santé aussi.

Mme Pelletier (Jennifer) : Le réseau de la santé...

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : ...beaucoup par les centres jeunesse, la DPJ. Les policiers aussi nous réfèrent des jeunes, le milieu hospitalier aussi. Et certains jeunes, quand ils viennent nous voir en thérapie... si vous avez visité le centre, vous avez vu les différentes salles qu'on a. Donc, il y a des jeunes qui sont venus à l'investigation policière, qui sont venus pour un examen médicolégal et là qui sont toujours à Marie-Vincent. Donc, les jeunes peuvent arriver de différents endroits, mais par un partenaire. Nous, on demande que ce soit une référence par un partenaire. Un parent ne peut pas nous appeler pour référer son enfant directement.

Mme Weil : Donc, quand vous les recevez, ils sont déjà rendus à un stade, comment dire, d'accepter qu'ils ont besoin d'un traitement. Parce que vous ne pourriez pas... on ne pourrait pas les forcer à venir...

Mme Pelletier (Jennifer) : Non, c'est volontaire.

Mme Weil : ...parce qu'on a beaucoup entendu cette résistance. Et vous, j'imagine, vous n'êtes pas capable de dire quel pourcentage de ces jeunes... J'essaie juste de comprendre, parce que, là, c'est bien, c'est encourageant quand on entend que, vous, vous avez des programmes de traitement pour ces jeunes-là. Donc, ils arrivent finalement à quelque part, quelqu'un a pu les sauver, si on veut, puis ils vont éventuellement se rétablir.

Et donc la compréhension du phénomène... Est-ce que vous êtes capable de le comprendre, les antécédents, les conditions de cause qui... est-ce que c'est des situations familiales? Est-ce que c'était vraiment un peu le cas type de manque d'estime de soi puis se fait prendre dans son milieu scolaire? Est-ce que vous êtes capable de décrire un peu le cas type ou est-ce que c'est plusieurs types de cas?

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Je pense qu'il y a probablement certains de nos collègues, de nos partenaires d'autres organismes qui en ont peut-être parlé. Dire un cas type... il y a autant de cas types que d'enfants et d'adolescents qu'on voit.

Mme Pelletier (Jennifer) : Il y a des caractéristiques personnelles, des caractéristiques familiales, des caractéristiques plus sociales, de toutes sortes, là, qui peuvent influencer le parcours des jeunes qu'on rencontre. On ne pourrait pas vous faire un portrait-type de la jeune ou du jeune qui est pris dans les griffes de l'exploitation sexuelle. Il y en a beaucoup, justement, qui ne se considèrent pas du tout comme des victimes dans cette histoire-là. Puis jusqu'à un certain moment, ils trouvent aussi leur compte, donc il faut entendre ça aussi. Donc, ça serait vraiment difficile de répondre à votre question.

Mme Weil : Bien, je pose la question parce que ça ressemble beaucoup à ce que beaucoup ont dit. Donc, dans les stratégies qu'on va développer, évidemment tout ce qui est éducation, sensibilisation, dans les écoles, interventions rapides, précoces, tout ça fait en sorte que... c'est presque le nerf de la guerre, là, d'équiper la personne même avec une défense.

Pour le traumatisme, Dre St-André, ce traumatisme, est-ce que, vous, vous touchez aussi à cette question d'exploitation sexuelle, des victimes d'exploitation sexuelle, ou c'est l'abus sexuel, ou...

Mme St-André (Élise) : C'est plus des situations de viol ou encore d'abus intrafamilial que j'ai eu connaissance, mais j'ai quand même eu quelques personnes qui étaient dans des cas d'exploitation sexuelle, mais disons que je n'ai pas de clinique dédiée. Pour répondre et pour ajouter peut-être à ce qu'elles disent, effectivement le transfert dans le milieu adulte est très ardu.

Moi, j'étais au CHUM auparavant; maintenant, je suis à l'IUSMM, bon, malgré qu'en ce moment en congé de maladie à cause d'un traumatisme, mais physique. Oui, mais qui est... Bon, enfin, bref, passons mon histoire. Mais toujours est-il que j'ai été dans les deux milieux, et il y a des gens qui m'appellent encore de Notre-Dame pour me référer des gens, parce que moi, je travaille avec les traumatismes. Ce n'est vraiment pas tout le monde.

Il n'y a pas de clinique dédiée, à ma connaissance — je serais heureuse de me tromper — concernant les traumatismes. Je sais qu'il y a Dr Brunet, un psychologue, qui travaille sur les traumatismes à Douglas, à McGill, mais lui, il travaille sur la recherche d'une médication, entre autres le propranolol, mais qui fonctionne, en fin de compte, sur les traumas simples. Ça ne fonctionne pas dans des cas complexes comme ça.

Donc, ce serait vraiment le fun d'avoir, comme il y a à McGill, maintenant, MUSIC, donc qui est le McGill University... C'est une clinique concernant les différences de genres sexuels, O.K? Donc, ça, ça existe à McGill. Il y a eu auparavant, et ça n'existe plus, mais une clinique dédiée aux gens qui faisaient du ramassage compulsif. Malheureusement, on constate que nos traitements sont absolument inefficaces dans ces maladies-là. Donc, eux ont fermé leur service tout simplement.

Mais je crois qu'un service dédié, où pourrait se faire le tricotage des différentes alliances qui pourraient se créer serait extrêmement important, et on n'est pas dans ce sens-là actuellement dans le système de santé. On est plus dans le sens d'aller vers la première ligne, de faire des soins généraux, de ne pas se spécialiser. Je trouve ça dommage, en ce qui me concerne, parce qu'effectivement il y a beaucoup, en psychiatrie, de portes ouvertes sur la dépression, sur la schizophrénie parce qu'il y a beaucoup de pharmacologie. Mais, dans le cas du post-traumatique, c'est moins intéressant.

Mme Weil : Efficace, oui. Donc, c'est la psychothérapie qui, de votre expérience, fonctionne bien.

Mme St-André (Élise) : Bien, moi, je crois que la pharmacologie aide, mais, dans le long terme, quand on comprend le fonctionnement du cerveau et de la mémoire... Dans les dernières recherches, moi, je trouve que c'est ça qui est intéressant parce que j'ai vu... c'est ça que je vous dis, là, je n'ai pas 100 % de réussite, c'est bien sûr que non, mais il y a des gens pour qui ça marche très bien, et ça vaut la peine de continuer d'aller dans ce sens-là parce que je pense qu'on économiserait beaucoup en termes de société. C'est sûr que je préfère encore la prévention, mais, si on doit traiter, oui.

Mme Weil : Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Les Plaines.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. C'est vraiment intéressant, vraiment intéressant, ce que vous nous apportez comme proposition. Ma question va aller à Dre St-André, parce que vous avez parlé justement, là, des campagnes de prévention, des campagnes qu'il y a eu sur l'alcool au volant, etc. Dans les moyens qui nous ont été proposés, on parle d'une grande campagne de sensibilisation parce qu'on cherche à identifier qui est le client abuseur, qui est-il, et il porte de multiples visages. Donc, de votre point de vue clinique, de votre point de vue spécialiste, est-ce qu'une campagne de prévention qui dirait : Ce pourrait être la fille de votre voisin, ce pourrait être votre propre fille, ce pourrait être votre propre garçon...

Mme St-André (Élise) : Mais ça pourrait être vraiment le cas.

Mme Lecours (Les Plaines) : Tu sais, oui, exactement. Est-ce que ça aurait des effets peut-être à long terme? Mais on essaie de voir aussi à moyen... je vais vous dire à court terme aussi, là. Est-ce que c'est...

Mme St-André (Élise) : Oui. Bien, je pense qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont en fait, hein, et ça, c'est une question que j'avais pour elles à un certain moment donné, là, bon. Mais, tu sais, quand un enfant... parce que ce qui arrive souvent, hein, le prédateur... je ne parle pas toujours des cas d'exploitation sexuelle, mais la prédation dans la famille même, c'est souvent... on le dit, dans le viol, la plupart du temps, les gens connaissent l'agresseur, et souvent ça va être quelqu'un dans la famille.

Ça fait qu'imaginez le trouble de l'enfant. Ce n'est pas juste l'agression comme telle, c'est le «breach of trust», tu sais. Il n'a plus confiance, puis c'est pour ça d'ailleurs qu'il se méfie de tous les cliniciens. Je veux dire, on a une difficulté énorme à leur apprendre que ce n'est pas le monde entier et tous les gens du monde qui sont des comme ça, qui sont... Tu sais, il y a des gens fiables dans la vie. C'est difficile de réapprendre ça à quelqu'un quand il a appris tout jeune qu'il ne pouvait pas faire confiance, par exemple, à son père ou à son oncle, tu sais.

Alors, c'est ça, tu sais, quand on voit... vous intervenez auprès des gens, comment on fait pour rétablir cette confiance-là, comment on fait pour travailler avec les gens bons dans la famille, alors qu'il y en a d'autres qui sont des prédateurs. C'est très, très, très complexe, de fait, et je pense qu'il va falloir avoir des lumières de tout le monde et, je pense, des gens qui ont cette expertise, parce que moi, évidemment je suis en adulte, pas dans l'enfance. Comment on fait pour les approcher sans les effrayer et sans leur faire imaginer le pire aussi? Tu sais, il ne faut pas susciter des traumatismes en faisant peur non plus. C'est très délicat.

Mme Lecours (Les Plaines) : On cherche une solution à enlever la banalisation. On se l'est fait dire souvent que c'est banalisé, l'exploitation sexuelle, notamment chez les mineurs. Donc, ce pourrait être une recommandation à tout le moins.

Mme St-André (Élise) : De...

Mme Lecours (Les Plaines) : Une campagne, O.K.

Mme St-André (Élise) : Oui. Bien, oui, il faut un site Internet, il faut que tous les gens puissent aller voir. Il faudrait inciter les gens à aller voir, susciter leur curiosité pour se renseigner, oui, absolument.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci. Peut-être une petite question additionnelle pour... voyons, la maison...

Une voix : Fondation Marie-Vincent.

Mme Lecours (Les Plaines) : Voyons, Marie... Merci. Vos parlez du pour et par les jeunes, donc les adolescents. On se l'est fait dire aussi par des groupes autochtones, c'est vraiment important qu'ils se sentent impliqués dans leur façon de travailler. Vous avez parlé d'un projet pilote, je pense, en tout cas, un programme pilote. Pouvez-vous m'en dire un petit peu davantage sur comment il se déroule et ce qui serait exportable à ce moment-ci? Peut-être que vous n'êtes pas rendue là.

• (18 heures) •

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : C'est le volet de la prévention de la cyberviolence. Il y en a un, premier projet, qui a été complété, qui était vraiment des comités de jeunes qui ont été formés pour trouver une manière de sensibiliser à la violence dans leur école. Et puis il y a un guide, je ne sais pas si «guide» est le bon mot, là, mais un document, à tout le moins, qui a été fait, qui peut être apporté dans d'autres écoles, en expliquant un peu comment ça a été fait, comment ça peut être reproduit.

Mme Pelletier (Jennifer) : Il est disponible gratuitement sur le site Internet de la Fondation Marie-Vincent. Donc, toute école qui a envie de partir, comme ça, par des jeunes, des programmes de prévention de la cyberviolence sexuelle peut prendre le guide et l'adapter un peu à sa manière. Ils ont fait plein de choses intéressantes. Ils ont fait des projets de murales, des petites vidéos, des petits aimants qu'ils peuvent coller sur un frigo, plein de choses, là, qui ont été pensées par les jeunes puis qu'ils ont faites, réalisées du début à la fin. Donc, c'était très, très motivant pour eux.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : En ce moment, on est dans la deuxième phase — si je peux appeler ça — du projet où là il y a des vidéos qui ont été faites, des vidéos professionnelles de situations. Et, suite à ça, il y a des jeunes ambassadeurs qui sont formés pour aller animer, suite à ces vidéos-là, des questions sur la prévention de la violence sexuelle auprès des plus jeunes.

Mme Pelletier (Jennifer) : ...secondaire I, II qui vont aller voir les cinquième, sixième année pour faire de la prévention aussi de la cyberviolence sexuelle.

Mme Lecours (Les Plaines) : C'est ce que j'avais compris, mais je n'étais pas sûre. C'est bien. Bien, merci beaucoup.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Puis celui-là, il est en cours en ce moment. Donc, à suivre, mais c'est super le fun. Nous, on est bien excitées.

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Oui, docteure?

Mme St-André (Élise) : Moi, j'en ai une, de question pour vous tous. Bien, c'est ça, donc, moi, c'est ma première expérience de présenter dans une commission comme celle-ci et j'ai fait mon document très rapidement. Donc, si jamais vous avez des questions qui surviennent, peut-être pas maintenant, c'est la fin de la journée, etc., Mme la secrétaire a mon adresse Internet. Vous pourrez peut-être me poser des questions. Je vais y répondre avec plaisir.

Le Président (M. Lafrenière) : Absolument. Et n'oubliez pas que, pour votre document, vous pouvez le peaufiner, le modifier. Vous avez encore plusieurs semaines pour le faire. C'est bon?

Mme St-André (Élise) : Merci. C'est bon. Excellent.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, M. le Président. D'abord, question pour Mme St-André. Dans les chocs post-traumatiques ou les syndromes post-traumatiques que vous décrivez, est-ce que j'ai raison de penser que c'est quelque chose qui est assez fréquent, voire systématique, pour des jeunes filles ou garçons qui seraient... qui auraient traversé un épisode d'exploitation sexuelle juvénile?

Mme St-André (Élise) : L'exploitation sexuelle, c'est quand même... Comme je l'ai exprimé, quand c'est quelque chose de répétitif et qui affecte le corps, c'est toujours pire, O.K.? C'est quelque chose de chronique. Donc, ça va s'installer différemment au niveau de l'organisation de la personne. Néanmoins, dans la littérature, on parle de choc post-traumatique quand quelqu'un a été, donc, évidemment, en face d'un événement qui fait très peur. Et, dans les mois suivants, on voit que, tranquillement, ça diminue, la fréquence des états de stress post-traumatique. On dit qu'environ 15 % à 25 % des gens exposés vont en vivre un, que ce soit exploitation sexuelle ou autre. Mais je soumets quand même que, quand c'est de l'exploitation sexuelle chronique qui peut être par une personne ou par plusieurs personnes, ça se peut qu'il y ait des états dissociatifs qui sont moins apparents maintenant qui vont ressurgir plus tard et qu'il va falloir traiter.

M. Leduc : Donc, ce n'est pas un automatisme, mais on constate que c'est quand même très fréquent.

Mme St-André (Élise) : Oui, 15 % à 25 % pour un événement unique. Mais, comme je vous dis, dans le cas où il y a plusieurs événements, c'est plus fréquent, oui. Je ne peux pas vous donner de chiffres, mais quand même...

M. Leduc : Je comprends. Merci. Question rapide pour la Fondation Marie-Vincent. Il y a beaucoup d'organismes, qui sont passés hier et aujourd'hui, qui faisaient référence aux problèmes de financement, avec des redditions de comptes qui étaient trop rapides, des programmes trop courts, un an, deux ans, trois ans. On réfléchissait à peut-être élargir ça à des programmes de cinq ans, minimalement. Mais, comme vous êtes une fondation, est-ce que vous vivez ce même phénomène-là? Êtes-vous autofinancés ou est-ce que vous avez quand même des programmes financés par des initiatives gouvernementales avec le même processus de reddition de comptes?

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Oui, le financement vient de différentes sources, des sources gouvernementales, des sources en projet. Il y a beaucoup d'autofinancement également. Mais, par exemple, le programme Cyber dont je parlais, c'est un financement qui a permis de faire le premier projet. On a pu en avoir un deuxième qui permet de faire celui qui est en cours en ce moment. Le projet Sphères, c'est un projet de cinq ans. Donc, c'est toujours ça qui est difficile. Puis, je dirais, en exploitation sexuelle, vu que le lien est difficile à créer, des fois, les jeunes, quand ils sont référés à nous, ça peut faire déjà un an qu'ils travaillent avec un autre intervenant, et là le lien de confiance est fait avec cet autre intervenant-là, qui fait que, maintenant, nous, on peut se joindre. Si le programme dure juste deux ans, ça se peut qu'on ne puisse pas offrir tous les services à ce jeune-là au moment où il en est prêt.

Donc, c'est toujours, je crois, un défi dans tout programme d'assurer une certaine pérennité. Quand ça fonctionne comme ça, quelqu'un qui en entend parler, le programme est à la dernière année, on n'aurait pas le temps ou ça pourrait être limité, ce qu'on peut offrir. Bien, ça ne serait plus un problème. On pourrait offrir ces services-là à plus long terme puis à plus de personnes.

M. Leduc : Parfait. Puis je ne peux m'empêcher de réagir à votre recommandation sur l'IVAC, que je partage entièrement. Ça, on en a déjà discuté. On sait que la ministre planche sur une réforme. On espère qu'elle écoutera ce qu'on dit ici. Puis il y a quelque chose qu'on oublie souvent, c'est la faute lourde qu'on peut reprocher à une personne pour soi-disant s'être mise elle-même dans une situation dangereuse. Alors, même quand on prend le chemin de l'agression sexuelle, on peut quand même... il peut y avoir un fonctionnaire qui dit : Non, non, faute lourde, puis tu n'as pas le droit d'avoir une indemnisation. Ce qui est un problème qu'il faut régler également. Puis là on ne parle même pas aussi des délais de prescription. Donc, on peut réaliser beaucoup plus tard qu'on a été une victime. Mais, si on a dépassé de deux ans, si je ne me trompe pas, bien, c'est terminé, on est hors délai. Donc, merci d'avoir soulevé ce problème-là de l'IVAC.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Sainte-Rose.

M. Skeete : M. le Président, bonjour. Merci de vous présenter devant nous aujourd'hui. Et on est très contents de vous entendre. Ma question est pour Dre St-André. Vous avez utilisé un mot tantôt, et j'aimerais juste vous entendre... Vous avez dit : Il faut éviter d'être cru. J'aimerais ça vous entendre davantage sur...

Mme St-André (Élise) : Non, il ne faut pas éviter d'être cru. En fait, c'est que, quand on parle de divulgation, donc la personne, par exemple, qui dit qu'elle a été violée, qui n'est pas crue, qu'on ne la croit pas. D'accord?

M. Skeete : Ah! c'est beau, là, je comprends. Je pensais à ce que... On penche beaucoup sur la sensibilisation, et je me demandais si ce n'était pas un axe pour favoriser... Avez-vous une opinion sur la méthode d'éduquer la population à ce sujet, d'abord? Est-ce que vous avez... On parle beaucoup de faire le lien entre la transformation sociétale qu'on a vue avec l'alcool au volant... Est-ce que vous voyez une approche de sensibilisation qui serait plus gagnante? Est-ce que vous avez... ou peut-être même vous aussi, est-ce que vous avez une opinion par rapport à comment on peut s'y prendre pour mieux sensibiliser les jeunes, les adultes, comment identifier, etc.?

Mme St-André (Élise) : Oui. Si on parle justement de l'alcool au volant, il y a quand même eu beaucoup de spots télévisés. À tous les ans, il y en a encore. Et, quand même, on voit un changement qui est appréciable, donc la diminution des accidents mortels ou qui endommagent beaucoup. Je vois la même chose, c'est-à-dire une campagne qui pourrait justement... peut-être plus par Internet maintenant, parce qu'il y a moins de gens qui écoutent la télé, surtout les jeunes. Alors, il faudrait probablement utiliser quelque chose là pour dire, en fin de compte : Bon, bien, on voit que, si on boit, on peut avoir un accident, il y a des conséquences physiques. Je pense que, oui, ça se réfléchirait, en fin de compte, de dire quelles sont les conséquences d'avoir une agression. Ce sont des... C'est vraiment... C'est énorme. Je pense que, de toute façon, peut-être que je vous ai dit quelques petites choses aujourd'hui que vous ne saviez pas à propos de l'étendue des dommages physiques, et psychologiques, et intergénérationnels, et génétiques. Je pense que c'est tout ça qu'il faut dire.

M. Skeete : O.K., et vous?

Mme Pelletier (Jennifer) : De notre côté, bien, c'est sûr que toute campagne de sensibilisation a sa place. D'ailleurs, depuis le mouvement #moiaussi, en octobre 2017, nos demandes, à Marie-Vincent, auprès des enfants et adolescents, ont doublé. Puis ça ne s'essouffle pas, ça reste comme ça. Donc, vraiment, ce mouvement-là a touché aussi... on n'y a peut-être pas pensé, mais a touché aussi les enfants au niveau du dévoilement. Donc, pour revenir sur la question de Mme Weil tantôt aussi, de dire : Bien, est-ce que vous en voyez?, bien, non seulement on en voit, mais on en voit de plus en plus, pas seulement au niveau de l'exploitation sexuelle : l'agression, la violence sexuelle en général. Mais gardez en tête que les demandes ont doublé.

Mais c'est sûr que nous, on mise vraiment plus en termes de prévention dès le plus jeune âge. Oui, des campagnes de sensibilisation auprès des adultes. Mais, si ces adultes-là étaient sensibilisés, dès leur plus jeune âge, au respect, le respect des frontières interpersonnelles, le respect dans les relations égalitaires, l'éducation au respect de son corps, être capable de nommer les parties de son corps, être capable, c'est ça, de respecter les frontières des autres et de faire respecter notre propre bulle d'intimité, ça, c'est la base. Donc, c'est là que nous, on met la majorité de nos énergies.

M. Skeete : Donc, une campagne qui vise les jeunes, les adolescents, les adultes. Ça serait quelque chose de sociétal, où est-ce qu'on frappe tout le monde, puis c'est suffisant?

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Est-ce qu'une seule mesure serait suffisante pour enrayer une problématique sociale comme l'exploitation sexuelle? Je pense que plusieurs choses vont permettre de toucher différentes personnes à différents niveaux. C'est ce qui fait que c'est une problématique aussi complexe aussi. Malheureusement, une solution unique... ça va prendre plusieurs solutions uniques qui s'allient ensemble pour qu'on puisse avoir le résultat escompté.

M. Skeete : C'est ce que je cherchais. Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Si c'était si facile, on l'aurait fait depuis bien longtemps, j'espère. Dernière question, députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci beaucoup. Merci pour le travail que vous faites. J'ai deux questions, une pour la Fondation Marie-Vincent d'abord. Dans la recommandation n° 2, vous parlez de l'importance de la concertation. Selon vous, quelle forme cette concertation devrait-elle prendre?

Et, Dre St-André, vous avez parlé, en ce qui concerne le syndrome post-traumatique, d'une possible transmission générationnelle, puis ça m'a beaucoup interpelée. Je me demandais : Est-ce que c'est le cas seulement si ce n'est pas traité? Et, le cas échéant, comment est-ce que ça peut se manifester?

Mme St-André (Élise) : Vous répondez en premier? Allez-y.

Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : La forme de concertation? La concertation peut prendre différentes formes. Et je pense que c'est important que la concertation se fasse selon la réalité du milieu dans lequel elle se fait. À Montréal, ça ne peut pas se faire de la même manière qu'en Gaspésie, par exemple. Ne serait-ce que pour des questions de distance, chaque région a sa particularité. Mais ce qu'on croit, c'est qu'il est important que les régions se parlent également, donc que la concertation se fasse à différents niveaux. Les jeunes victimes d'exploitation sexuelle sont mobiles. Une jeune fille en fugue, on la cherche dans son quartier, on la cherche dans sa région. Si elle est plus loin, on la cherche moins ou ça prend plus de temps pour qu'on la cherche plus loin. Les proxénètes, les exploiteurs ont compris ça. Et, pour plein d'autres facteurs aussi, les jeunes bougent.

Je crois que la concertation doit se faire à différents niveaux. Et, je crois, en tout cas, pour notre expérience, le comité Sphères en est un très bon exemple où il y a à la fois des gens qui travaillent dans des milieux institutionnels, des gens qui travaillent dans le communautaire, qui travaillent ensemble dans un objectif commun avec des bases claires. Ce n'est pas toujours évident d'y aller avec les obligations de tous. En même temps, ce qu'on peut voir, c'est que ça fait des bons résultats auprès des jeunes et ça fait du sens pour le jeune. Il sent qu'on le prend en considération dans l'ensemble de qui il est et non qu'on le lance un peu partout. Les jeunes doivent sentir qu'on est là pour eux. Ça fait que c'est dans ce sens-là, je pense, que la concertation serait plus efficace. Il reste à voir comment chaque région peut s'inspirer de ce que les autres font pour faire quelque chose vraiment qui va répondre à la demande puis au besoin régional.

Mme Fournier : Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup de votre contribution à... Oui, allez-y, docteure.

Mme Fournier : Je pense qu'il reste madame, oui.

Le Président (M. Lafrenière) : Excusez-moi.

Mme St-André (Élise) : D'accord. Je vais faire ça vite, O.K.?

Le Président (M. Lafrenière) : Non, allez-y, c'est moi.

Mme St-André (Élise) : Donc, la transmission intergénérationnelle, bon, évidemment, quand quelqu'un a... J'ai déjà parlé de modulation périgénétique. Donc, le périgénétique, c'est vraiment ce qui arrive alentour qui influence le corps. L'épigénétique, pardon. Donc, l'épigénétique, par exemple, la reine des abeilles va recevoir une bouffe spéciale qui fait qu'elle va devenir reine des abeilles. C'est aussi bête que ça. Alors, dans notre système génétique, on peut avoir des modulations comme ça qui surviennent après avoir été exposés à certaines choses, bon, la cigarette, le cancer. Bon, et le traumatisme, bien, ça va faire qu'il va y avoir un nombre de récepteurs différents au niveau du cerveau qui fait que les gens vont réagir différemment aux traumas. C'est ça. Donc, ça, c'est une première chose. C'est-à-dire qu'il peut y avoir le parent qui est tellement anxieux qu'il va transmettre l'anxiété par modèle. Ça va être un modèle anxieux, puis l'enfant va apprendre ça.

Mais il y a aussi des choses purement génétiques, comme telles, biologiques. Je me rappelle d'une étude qui a été faite par Rachel Yehuda, à New York, qui regardait, en fin de compte, les gens qui étaient issus... les enfants de ceux qui avaient été dans les camps de concentration, O.K.? Et, dans les camps de concentration, donc, évidemment, il y avait eu un événement qui était clair pour tout le monde. Et ce qu'ils avaient trouvé, en fin de compte, c'est qu'il y avait eu un changement métabolique. C'est-à-dire que les enfants de ces gens-là étaient métaboliquement plus efficaces, c'est-à-dire qu'ils n'avaient pas besoin de manger beaucoup pour grossir. Or, dans les camps, ils ne mangeaient pas. Donc, il y avait eu vraiment un changement génétique pour se coller à l'environnement, qui était celui des camps de concentration.

Donc, il peut y avoir vraiment toutes sortes de modèles, autant dans, justement, l'apprentissage, par voir les parents, comment ils font, et/ou des transmissions purement biologiques, génétiques. Ce n'est jamais terminé. C'est-à-dire que, dans l'épigénétique, on peut changer par la thérapie, oui. Il y a plusieurs modèles qui indiquent ça dans les années récentes. Voilà.

Mme Fournier : Merci.

Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci pour votre contribution à nos travaux. Ceci met fin à nos audiences ici, à Montréal.

La commission suspend ses travaux quelques instants. Et, pour les gens qui nous écoutent, nous serons en direct de Val-d'Or jeudi. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 15)

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