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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Wednesday, January 25, 2006 - Vol. 38 N° 8

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la Loi électorale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin à tous et à toutes. Je déclare la séance de la Commission spéciale sur la Loi électorale ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale.

M. le secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Un premier remplacement, M. Gabias (Trois-Rivières) sera remplacé par M. Blackburn (Roberval); Mme Houda-Pepin (La Pinière) sera remplacée par M. Auclair (Vimont); et M. Simard (Richelieu) serait remplacé, pour une partie de séance, par M. Dion (Saint-Hyacinthe).

Le Président (M. Ouimet): Alors, pour M. Simard, ça me prend un consentement parce que c'est pour une demi-journée. Est-ce que j'ai le consentement?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue à M. le député de Saint-Hyacinthe. C'est toujours un plaisir de vous retrouver.

M. Dion: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Nous entendrons, ce matin, les organismes suivants: la Confédération des syndicats nationaux, M. Louis Massicotte, la Centrale des syndicats démocratiques et la Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec. Cet après-midi, à compter de 14 heures, nous entendrons dans l'ordre: la Fédération québécoise des municipalités, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec, le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, le Regroupement ethnoculturel pour l'action démocratique. Puis par la suite nous entendrons un certain nombre de citoyens. Nous suspendrons nos travaux à 17 h 30, pour les reprendre en soirée, à compter de 20 heures.

Je vais maintenant prendre quelques instants pour expliquer à tous comment sera effectué le partage du temps d'intervention. Vous constaterez tout d'abord que tous les organismes entendus aujourd'hui disposent d'une période d'audition différente les unes des autres. Pour les périodes d'audition de 60 minutes, il y aura 20 minutes de présentation de la part des témoins et puis, par la suite, la même répartition de temps qu'hier, c'est-à-dire 15 minutes pour les députés ministériels, 10 minutes pour l'opposition officielle, cinq minutes pour M. le député des Chutes-de-la-Chaudière et 10 minutes pour les citoyens.

Pour les groupes disposant de 30 minutes, il y aura 10 minutes de présentation de la part du témoin, 7 min 30 s pour les questions des députés ministériels, cinq minutes pour l'opposition officielle, 2 min 30 s pour M. le député des Chutes-de-la-Chaudière et cinq minutes pour les citoyens. J'expliquerai plus tard comment se fera le partage du temps lorsque viendra le temps d'entendre les citoyens, parce que le temps va être encore plus restreint. Je le ferai le moment venu.

n (9 h 40) n

Donc, j'invite maintenant les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à bien vouloir prendre place. Je souhaite la plus cordiale des bienvenues à Mme Claudette Carbonneau, qui est la présidente. Je lui laisse le temps de prendre place à la table des témoins.

Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les deux personnes qui vous accompagnent?

Auditions (suite)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, certainement. Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, les citoyennes et citoyens faisant partie de cette commission. Je souhaite vous dire, d'entrée de jeu, qu'on est très heureux d'être entendus sur un sujet qui nous tient à coeur, la démocratie. C'est une des valeurs fondatrices de la CSN.

Alors, quant aux personnes qui m'accompagnent, j'ai ici, à ma gauche, Suzanne Leduc, qui est salariée au Service des relations du travail de la CSN, et, de l'autre côté, Normand Brouillet, qui est adjoint au comité exécutif de la CSN.

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue à vous tous. Et maintenant 20 minutes pour votre présentation.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien. Alors, je dirais, d'entrée de jeu, que toute recherche de mesures pour revitaliser la vie démocratique est extrêmement bienvenue dans notre société. On vit dans une société où malheureusement s'exprime beaucoup de cynisme en regard du politique. On note une perte de crédibilité des élus, une baisse de la participation au processus électoral, qui sont tous des signes d'anémie inquiétants au chapitre de la démocratie.

Bien sûr, s'attarder lourdement sur réformer le mode de scrutin, c'est certainement une mesure importante. Ce n'est pas la seule qui puisse être prise pour revaloriser la démocratie, mais nous lui accordons une très grande importance. J'en veux pour preuve combien de citoyens se désintéressent du processus de participation à l'élection strictement parce qu'ils ont le sentiment que leur vote ne compte pas et que quelque part ce processus-là, tel qu'il est organisé, ne permet pas la représentation de courants politiques pourtant présents dans la société québécoise. Or, je pense que revoir le mode de scrutin de façon à encourager les citoyennes et les citoyens à faire leur devoir, c'est tout à fait judicieux.

Je veux souligner au passage qu'en 2002 on assistait pour la première fois à un consensus des partis politiques sur l'importance de réformer le mode de scrutin. Alors, bien sûr, on salue ce consensus-là. Et je salue, de la même façon, la volonté du gouvernement actuel de donner suite à ce questionnement. Je constate que, dans l'avant-projet de loi, le gouvernement propose un mode de scrutin proportionnel mixte de type compensatoire, et nous pensons, à la CSN, qu'il s'agit là d'une base acceptable en soi que d'avoir un mode proportionnel mixte compensatoire.

Par ailleurs, là où le bât blesse, c'est quant au type de compensatoire qui est proposé et quant à différentes conditions d'application qui nous apparaissent, je dois le dire, tout à fait inacceptables. Et je vous invite à regarder rapidement la page 8 de notre mémoire. On a consulté ce qu'a pu en dire la presse, ce qu'a pu en dire un certain nombre d'experts.

Or, je réfère d'abord à la citation du Devoir, de Tommy Chouinard, où au fond on constate qu'à partir de simulations faites par un certain nombre d'experts le projet de loi, avec les dispositions qu'il contient, introduit de nouveaux biais, de nouvelles distorsions et met à mal, entre autres, quelque chose qui est assez fondamental dans une société démocratique, à savoir la capacité pour les citoyennes et les citoyens de faire vivre l'alternance entre les partis politiques selon la volonté démocratique des citoyennes et des citoyens.

Or, il nous apparaît que, dans les modalités retenues, il y a une surévaluation du vote anglo-québécois et surtout des votes concentrés dans un certain nombre de régions. Et là je veux être claire. Qu'on ait un mode électoral qui donne un poids égal au vote de chacune et chacun des citoyens, c'est tout à fait correct. Mais il n'y a pas de vertu en démocratie à constater qu'il doit y avoir une prime parce que le vote est concentré dans certaines régions ou dans certaines circonscriptions, et il nous apparaît que les modalités mises de l'avant dans le projet de loi ont cet énorme travers là.

Or, je dirais que ça nous amène, sur le global de la réforme telle que proposée, à porter un jugement extrêmement sévère et à exiger des modifications qui ne sont pas des modifications cosmétiques et qui ne sont pas non plus des modifications techniques mais qui ont un effet réel sur, je dirais, les résultats.

Pour ce qui est de la CSN comme telle, je rappelle que la question du mode de scrutin proportionnel, c'est un vieux débat chez nous. On a abordé ça, la première fois, en 1970. On a été de toutes les consultations: le livre vert en 1980; la commission Bélanger-Campeau; les états généraux; la Commission des institutions, en 2002. Et bref, à plusieurs reprises, il y a eu des allers-retours dans toutes sortes de forums internes de consultation, dans nos congrès.

Je rappelle qu'on a toujours retenu l'idée d'aller vers un mode de scrutin de type proportionnel en visant quatre objectifs, le premier étant de corriger la distorsion qu'on observe entre le vote des citoyens et le nombre de sièges alloués à l'Assemblée nationale. D'autre part, on souhaite une meilleure expression du pluralisme politique à l'intérieur de la société québécoise. Nous prenons parti pour un mode de représentation proportionnel qui conserve une assise territoriale forte à la députation. Et bien sûr on souhaite aussi qu'à l'occasion de cette réforme-là une attention particulière soit apportée à lever un certain nombre d'obstacles pour assurer une meilleure représentation des femmes et des communautés ethnoculturelles. Alors, globalement, c'est de façon constante, depuis plus de 30 ans, les objectifs qu'on poursuit au sein de la CSN.

Le mode actuel, le mode uninominal à un tour, vous savez, devient de plus en plus l'exception à travers le monde, et il y a nombre de pays qui ont procédé, ces dernières années, à des réformes. On sent un intérêt d'ailleurs plus marqué, y compris au Canada, pour ce type de réforme là. Bien sûr, quand on repasse la littérature et les avantages liés au mode de scrutin uninominal à un tour, on parle très souvent de la stabilité des gouvernements, du lien riche entre le député et un territoire donné, et une mécanique qui est simple d'application, qui est claire, qui est bien comprise par la population.

Par ailleurs, on ne peut pas cacher que ce mode de scrutin a des travers importants: il introduit des distorsions quant à la volonté des citoyens; il nous prive, en termes de représentation politique, d'un certain pluralisme. On ne vit pas dans une société qui est comme un film de cow-boys où il n'y a que deux options. Je pense que la pensée politique au Québec, elle est plus riche que ça. Elle mérite de trouver écho à l'Assemblée nationale; et une sous-représentation aussi des femmes et des communautés ethnoculturelles.

Si je refais notre propre histoire, en 2002, quand on est allés devant la Commission des institutions, on proposait un mode de proportionnelle mixte à l'allemande. À ce moment-là, on souhaitait une correction qui était parfaite, ce qui nous amenait à suggérer 150 députés plutôt que 125. Je vous dirais qu'après réexamen de la chose on serait, comme CSN, tout à fait prêts à se ranger sur un nombre de députés approximativement le même que celui qu'on connaît actuellement. On pense que, dans la réforme qui est proposée dans l'avant-projet de loi, avec un ratio de 60 % de députation qui proviennent des circonscriptions, 40 % du scrutin de liste, ça nous apparaît être une proportion acceptable.

Quant à la suggestion qui est faite à l'effet de permettre une représentation pour les Îles-de-la-Madeleine pour des raisons géographiques, nous nous rangeons derrière cette idée-là. Nous pensons qu'il faut retenir ça. Sur la question du Nunavik, je reviendrai à la fin de la présentation. On a des points d'interrogation plutôt qu'une position ferme à cet égard-là.

n (9 h 50) n

Quand je parlais de la nécessité d'apporter des corrections qui ne soient pas cosmétiques, j'en ferais une liste de sept grands thèmes que je vais passer rapidement en revue. D'une part, il nous apparaît qu'il faut réviser le cadre territorial dans lequel s'exerce la compensation. D'autre part, on veut revoir aussi les techniques de calcul pour la distribution des sièges par district. Troisièmement, on souhaite voir introduit un seuil minimum de représentation. Quatrièmement, nous croyons qu'il faut revoir aussi les dispositions proposées quant au nombre de votes à exercer par un citoyen. Cinquième type de modification recherchée, on veut vous faire des recommandations sur les modalités conduisant au déclenchement des élections. Et bien sûr, en sixième et septième thématique, des mesures pour améliorer la représentation des femmes, des mesures pour améliorer la représentation des communautés culturelles.

Si je les passe maintenant une à une, sur le cadre territorial de compensation, je vous dirais que, de ce côté-là, il y a eu d'énormes débats à la CSN: pourquoi ne pas avoir une liste nationale? Et notre congrès a été extrêmement clair là-dessus, les gens croient encore pertinent d'avoir un lien entre la députation et le territoire. Alors, même si une liste nationale permet une compensation plus parfaite, il faut faire des compromis, il faut faire des choix, la CSN se range vers une proportionnelle avec des listes à caractère territorial.

Par ailleurs, là où nous avons des différences extrêmement importantes par rapport à l'avant-projet de loi, l'avant-projet de loi parle de 24 à 27 districts, il nous apparaît que c'est des territoires artificiels, trop petits, ne permettant pas un nombre suffisant de sièges compensatoires, avec comme effet pervers de ne permettre que des corrections en faveur des grands partis politiques. Donc, vous me voyez venir, on est en contravention directe par rapport à un des objectifs principaux qu'on poursuit, comme CSN, à savoir une représentation des petits partis, une diversité, faire voir le pluralisme politique au Québec.

Or, on va donc, nous, recommander, comme certains experts ? je pense entre autres à M. Milner ? avaient pu le faire... On pense qu'une division territoriale en 12, 14 régions, districts serait plus appropriée. Ça laisserait plus de sièges par district pour permettre une compensation, donc plus d'espace pour permettre de refléter la variété du pluralisme politique, plus de chances aux petits partis politiques. Et en même temps je pense qu'il y a là aussi, dans ce type d'approche, plus d'espace pour améliorer la représentation des femmes, la représentation des communautés ethnoculturelles.

Sur la question du seuil de représentation, je rappelle qu'on a regardé le cas de 29 pays qui ont des modes de scrutin proportionnel. 19 d'entre eux ont retenu un seuil minimum de représentation pour les fins de répartition des sièges compensatoires. Le projet gouvernemental n'en retient pas. En même temps, quand on examine les choses de plus proche, on comprend qu'il y a là des seuils officieux. Avec les modalités de distribution des sièges, on ne peut pas espérer avoir un représentant ou une représentante à l'Assemblée nationale à moins d'avoir recueilli 15 % à 20 % du vote populaire, c'est impossible. Donc, on ne met pas de seuil minimum de représentation, mais, dans la vraie vie, il y a un seuil officieux.

Compte tenu que nous suggérons un autre découpage territorial avec des districts beaucoup plus larges, nous pensons qu'il devient opportun de retenir un seuil officiel de représentation. On a examiné ce qui se faisait ailleurs. Généralement, c'est 5 %. On pense que c'est raisonnable et on pense qu'il y a là une mesure d'équilibre pour malgré tout garantir un minimum de stabilité gouvernementale. Et d'autre part, en termes de démocratie, s'assurer que, pour être représenté, un courant politique est capable de rallier 5 % du vote populaire, je pense que c'est un compromis, là, acceptable au plan de la démocratie.

Troisième volet où nous souhaitons des changements importants, c'est sur la technique de calcul. C'est probablement le bout le plus technique du mémoire. Ce qu'on constate, et on se fie beaucoup à l'opinion des experts, la recommandation qui est faite dans l'avant-projet de loi, c'est de retenir la technique D'Hondt. Les experts nous disent que malheureusement, quand c'est appliqué sur une base régionale, ça favorise les grands partis au détriment encore une fois du pluralisme politique. Alors, nous suggérons donc de rejeter cette méthode et, parmi les méthodes officiellement reconnues, d'en privilégier une qui permet une meilleure proportionnalité et qui prend davantage en compte la nécessité de mieux refléter le pluralisme politique.

Autre élément sur lequel nous souhaitons des changements, c'est... dans l'avant-projet de loi, on permet un seul vote au citoyen, et là on invoque des critères de culture politique, des critères de simplicité. Moi, je vais vous dire, là, entre un et deux votes, là... Les citoyens sont des adultes vaccinés, là, quand même et, en termes de culture politique, ils sont habitués à un certain nombre de choses, là. Le monde vote au municipal. On pourrait souhaiter qu'il vote plus, là, mais tu fais plus qu'un vote au municipal. Alors, en ce sens-là, nous insistons pour que chacun des citoyens, dans la perspective d'une proportionnelle, ait droit à deux votes: un vote pour la circonscription, un vote pour choisir la liste territoriale qu'il veut. Et ça permet de jouer sur un certain nombre de registres: tantôt, permettre l'expression d'un choix en vertu d'une candidature, avoir une approche peut-être plus stratégique dans le vote, et en même temps choisir, exprimer vraiment quel type de formation politique représente davantage nos aspirations, notre idéologie.

Les élections à date fixe. On sait que, dans le système parlementaire d'inspiration britannique, au fil des ans, c'est le premier ministre qui, à toutes fins utiles, a le pouvoir de choisir quand déclencher une élection. Pour une seule personne, je vais vous dire, c'est lourd de conséquences, et on a le sentiment, puis je pense que c'est très ancré dans la perception populaire, qu'il y a là un déficit démocratique, qu'il y a là un biais qui permet des choix plus partisans que des choix plus objectifs. Et, en ce sens-là, nous recommandons un passage vers des élections à date fixe avec bien sûr, là, une réflexion quant à un certain nombre de mesures d'exception pour des situations tout à fait exceptionnelles.

Nous pensons en outre que ce type de changement pourrait avoir une autre influence sur la qualité de la démocratie. Quand tu n'a pas le sentiment... qu'on est un député et qu'on n'a pas le sentiment que voter en fonction du choix des citoyens de la circonscription qu'on représente n'entraîne pas nécessairement la chute du gouvernement, il y a peut-être un peu moins de pression qui est mise sur la discipline de parti, et ça peut peut-être être vu comme étant un plus d'un point de vue démocratique.

L'adoption du mode de scrutin. Là-dessus, nous constatons que l'avant-projet de loi n'impose pas de règles rigoureuses en termes de consensus des partis politiques, et on sait qu'en système parlementaire normalement tout ce qui touche la Loi électorale, on est assez soucieux d'aller chercher un consensus des partis politiques. Mais, je dirais, pire encore, il n'y a pas de modalité de consultation populaire pour un changement qui est important dans la vie démocratique d'une société.

Or, de ce côté-là, la CSN va recommander bien sûr qu'on cherche à avoir le consensus des partis qui soit le plus large possible, mais que, par-delà ça, il y ait un référendum sur cette question-là, il y ait une consultation populaire. Je pense que changer un mode de scrutin, c'est faire un choix fondamental de société, et un référendum peut être une extraordinaire occasion d'éducation politique, d'éducation populaire, de sensibilisation aux enjeux de la démocratie. Or, on va souhaiter qu'un tel référendum puisse se tenir dans les deux ans suivant la prochaine élection générale.

Les femmes. Évidemment, depuis 20 ans, on a amélioré la représentation des femmes. Les progrès sont lents. Il y a encore place pour de l'amélioration. On souhaite que la réflexion sur le mode de scrutin soit une occasion d'aller plus loin. On est conscients que le mode de scrutin ne peut pas être la panacée pour régler la question de la représentation des femmes. Il y a d'autres variables extrêmement importantes qui jouent, notamment le niveau d'égalité des femmes dans une société, ça ne peut pas se régler strictement de façon mécanique. Mais en même temps nous pensons que la révision du mode de scrutin est une occasion d'aller plus loin et nous vous disons, là-dessus, qu'il y a un élément qui est central, c'est la question de l'alternance.

n (10 heures) n

Alors là, je vous réfère aux pages 24 et 25 de notre mémoire. Je n'aurai pas le temps de faire toute cette présentation-là, mais on amène des mesures incitatives. À la CSN, on reste au niveau des mesures incitatives. Alors, essayons de favoriser l'alternance, les femmes en tête de liste, les femmes en bonne position sur les listes. Une variante par rapport au document de consultation, il y a des incitatifs financiers qui sont donnés en proportion des candidatures féminines, on va vous dire: Regardez donc en proportion des femmes élues. C'est une chose, d'avoir des candidates, c'est autre chose, quand on est un parti politique, que d'être incité à déployer des moyens, une machine pour faire élire des femmes.

Alors, je vous invite, de façon plus fine, à regarder l'ensemble de ces recommandations-là. Je voudrais me réserver une ou deux minutes pour vous dire quelques mots sur les communautés ethnoculturelles. Pour nous, c'est absolument essentiel. C'est là un impératif démocratique extrêmement important.

Je veux partager avec vous une interrogation. Dans le document de consultation, on parle d'un seuil de 20 %. Il nous apparaît que le chiffre de 20 % inclurait, à ce moment-là, la minorité anglophone du Québec. Or, ça, ça nous apparaît un peu disproportionné, non pas que je ne crois pas que ces gens-là aient leur place à l'Assemblée nationale, mais ils ne sont certainement pas dans les mêmes difficultés de sous-représentation que, par exemple, la nouvelle immigration. Or, en ce sens-là, on vous invite à regarder ça. Puis je vous dirais que les modalités de représentation, les incitatifs financiers sont un peu du même ordre que ceux qu'on met de l'avant pour ce qui est des femmes.

Mon dernier mot sera pour la question des autochtones. En 2002, on souhaitait que les 11 communautés autochtones soient consultées, et on comprend que la recommandation qui est faite pour le Nunavik reflète l'opinion de la communauté et de la nation inuite. On n'a rien contre a priori, mais on vous suggère, si ça n'a pas déjà été fait, de reprendre cette consultation et d'arriver avec une recommandation qui prenne en compte la volonté des 11 nations autochtones du Québec.

Alors là, je termine vraiment en exprimant un souhait. Ça fait 30 ans qu'on se questionne sur le mode de scrutin, alors j'espère que l'heure est venue, que, cette fois-ci, ça va être la bonne. En même temps, on va être très sévères, comme CSN: si c'est pour garder le projet tel qu'il est là, il nous apparaît que ça ne sert personne, ça ne fait pas avancer la démocratie. Il faut des changements, il faut des changements substantiels, autrement on serait carrément disposés à vous demander le rejet du projet. Puis j'insiste aussi sur le mécanisme de consultation de la population à travers un référendum. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, Mme Carbonneau, pour la présentation de ce mémoire somme toute extrêmement solide. Je vous ai permis de déborder un peu l'enveloppe de quelques minutes, là, mais on va tenter de récupérer le temps.

Je me tourne maintenant du côté de M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. M. le ministre.

M. Pelletier: Merci. Bonjour, Mme Carbonneau. Merci d'être ici, aujourd'hui. M. Brouillet, Mme Leduc, merci. J'ai trouvé que c'était une présentation très, très solide et par ailleurs très enrichissante pour la commission. Je tiens à le souligner. Par ailleurs, c'est une présentation qui est très claire.

Je constate que, sur certains points, on s'entend très bien, sur d'autres points, non. Vous l'avez mentionné au début cependant, ce n'est pas cosmétique, les changements que vous proposez à l'avant-projet de loi, et donc mon but n'est pas de les banaliser. Mais on s'entend, à titre d'exemple, sur la pertinence de la réforme. Vous êtes favorables à une réforme. On s'entend également sur un système proportionnel mixte avec une compensation régionale. Donc, jusque-là, c'est quand même beaucoup. On s'entend sur le ratio 60-40. On s'entend sur le maintien à peu près tel quel du nombre de députés à l'Assemblée nationale. On s'entend sur les mesures incitatives. Bref, il y a quand même, là, plusieurs points où on est sur la même longueur d'onde.

Évidemment, il y a d'autres points où nous ne le sommes pas, et je peux vous dire qu'on va examiner cela. Notre but, c'est de bonifier l'avant-projet de loi. Vous recommandez qu'il y ait de plus grands districts. On va regarder cela, effectivement. Et vous renvoyez au témoignage de M. Milner. Effectivement, il est venu faire témoignage dans ce sens-là, ici. Vous proposez qu'il y ait deux votes. Ça aussi, ça va être examiné. Vous proposez que nous regardions également la question du nombre de sièges par district. Et, si je comprends bien, vous voulez que nous regardions également la question du seuil minimal. Et je pense que ça résume vos points en ce qui concerne la réforme du mode de scrutin. Par ailleurs, vous avez d'autres points que vous soulevez en ce qui concerne l'exercice du droit de vote, si j'ai bien compris.

Alors, d'abord, par rapport à la réforme du mode de scrutin, je voulais savoir: Dans l'hypothèse où nous devions créer des districts électoraux qui sont plus vastes, est-ce que vous êtes en faveur de districts à magnitudes différentes? Est-ce que vous avez examiné cette question-là? Tout à l'heure, vous nous avez dit: On aimerait que vous regardiez le nombre de sièges par district. Est-ce que c'est une ouverture à avoir des districts à magnitudes différentes?

Mme Carbonneau (Claudette): Oui, il y a une ouverture à avoir des districts à magnitudes différentes. En même temps, on est conscients, hein, de notre histoire, comme société québécoise, là. On ne vous propose pas un retour au temps de Duplessis, où au fond on manipulait la carte électorale, puis ça conduisait aux pires manipulations au chapitre de la démocratie. Mais c'est pourquoi on dit: Il faut... Le Québec demeure une petite société, hein, et on ne peut pas... et puis les concentrations de population sont très disparates, là, sur le territoire. Alors, on doit composer avec cette réalité-là.

On pense qu'en s'inspirant des régions administratives du Québec il y a là quelque chose qui n'est pas arbitraire, il y a là quelque chose qui a commencé à faire son chemin dans la société québécoise. Et, quant à garder un lien entre le député et une base territoriale donnée, autant référer à un territoire qui ait une signification, hein? Il y a toutes sortes de mécanismes pour le développement social, le développement économique qui se déploient sur les territoires des régions administratives, alors ça peut être une base signifiante, là. Évidemment, l'idéal serait, là, d'avoir des districts qui aient tous la même taille, la même magnitude, mais en même temps je pense qu'on sacrifierait peut-être en homogénéité socioéconomique, et il y aurait une perte de sens, là, au plan politique.

Par ailleurs, quand vous relatiez tantôt nos points de convergence et nos points de divergence, j'étais assez d'accord avec la liste que vous faisiez. Je me permets d'insister par ailleurs sur notre différence sur la question des territoires: c'est majeur. C'est vraiment, vraiment majeur dans le sens suivant: à la CSN, au départ, on souhaitait la correction des distorsions les plus parfaites pour s'assurer que chaque vote a le même poids. Par ailleurs, à cause du débat qu'on a eu sur les régions et du mérite aussi de cette formule-là, on a dû trouver un compromis, mais il ne s'agit pas qu'en raison des caractéristiques de la population et du territoire québécois ça vide complètement de son sens tout ce qui est compensation de type proportionnel. Et, de ce côté-là, il nous apparaît que faire ça sur des territoires aussi petits que ceux qui sont amenés dans le projet de loi, on fait une proportionnelle sans en faire une.

Alors, pour nous, là, c'est vraiment, vraiment majeur. Il y a là quelque chose de substantiel. Autrement, on aurait le sentiment de renier la volonté maintes fois exprimée par notre congrès puis de faire semblant qu'il y a une proportionnelle, mais que, dans la vraie vie, ça ne corrige à peu près rien.

Et j'insiste aussi, parce que ça m'apparaît important dans les sociétés modernes et quand on voit la désaffection des citoyennes et des citoyens par rapport au politique, c'est important d'avoir, à l'Assemblée nationale, une représentation qui reflète une diversité de points de vue propre aux sociétés modernes. Et, de ce côté-là, la place des petits partis politiques... Puis là je ne suis pas en train de vous dire: S'il y a 5 millions de votants, il doit y avoir 5 millions de courants politiques représentés, là, je ne prône pas l'anarchie totale au sein de l'Assemblée nationale. Je rappelle qu'on a une position sur le seuil minimum de représentation pour tenter de contrer ces effets-là.

M. Pelletier: L'avant-projet de loi évidemment discute de la réforme du mode de scrutin mais discute également de modalités d'exercice du droit de vote, bon. Vous avez fait une recommandation, tout à l'heure, concernant des élections à date fixe. Sur cette question-là, vous rejoignez l'ADQ. C'est peut-être l'une des premières fois, dans votre histoire, que vous rejoignez l'ADQ.

M. Carbonneau (Claudette): On va avoir peur de vos listes de consensus, si vous continuez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier: J'ai hâte de voir les titres dans les journaux, demain.

Une voix: C'est ça.

M. Pelletier: Mais je voulais savoir: Est-ce que vous avez examiné nos modalités d'exercice du droit de vote, ce qui est contenu à cet égard dans l'avant-projet de loi?

n (10 h 10) n

M. Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, on en a fait un examen, je vous dirais, un peu rapide. Disons que, comme gouvernement, vous nous avez beaucoup occupés au mois de décembre, et pas toujours de la façon la plus heureuse, je me permets de le dire d'ailleurs. Je dois vous dire que, là-dessus, on aurait souhaité des consultations beaucoup plus en profondeur. Il y a des débats qu'on a faits à la CSN, notamment à l'occasion des états généraux, de la Commission des institutions en 2002, mais on aurait souhaité rafraîchir nos consultations là-dessus.

D'autre part, on se disait, tu sais: On peut rêver, là, du projet parfait, mais, quand on regarde le mode de scrutin, là, hein, depuis 1970 qu'on s'interroge là-dessus, il me semble que 30 ans dans la salle de travail, là, on est dû pour un accouchement. Et on préfère se concentrer sur un certain nombre de mesures qui puissent être porteuses. Alors, voilà l'état de notre réflexion là-dessus.

Le Président (M. Ouimet): Excellent. Merci, M. le ministre. Alors, du côté de l'opposition officielle maintenant. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci beaucoup, M. le Président, Mme Carbonneau. Mon attention est attirée sur votre affirmation à l'effet que vous êtes favorables, vous trouvez nécessaire qu'il y ait un référendum. L'opposition officielle parle davantage ? c'est technique, mais ? de plébiscite parce qu'au Québec un référendum, c'est une loi sur la consultation populaire. Il y a un camp du Oui, il y a un camp du Non, etc., et que, en termes d'agenda, nous pensions que cela pouvait se faire lors des prochaines élections générales.

La CSN a réfléchi à ça, si je comprends bien, et vous dites: Nous proposons qu'il y ait ce type de consultation là pas plus tard que 24 mois après la prochaine élection. J'aimerais que vous puissiez nous rendre compte de vos réflexions pour arriver à cette proposition.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, parler des prochaines élections au Québec, là, c'est demain matin ou presque, là, dans le sens... j'ironise à peine, mais on est quand même assez rapprochés de cette date-là. Autant je peux dire que le débat autour du mode de scrutin est un débat qui est présent dans la société québécoise depuis longtemps, en même temps, honnêtement, je ne fais pas l'évaluation qu'on puisse le placer à la hauteur du premier enjeu politique qui se présenterait pour une élection à tenir dans 12, 14, 18 ou 20 mois, là, d'ici, O.K.? C'est ma lecture de la conjoncture politique ici, au Québec. Or, je ne pense pas que, dans cette perspective-là, ce soit intéressant d'en faire un enjeu, presque l'enjeu avec un grand E de la prochaine élection. Alors, c'est pourquoi je disais: Mettons ça... Donnons-nous un petit peu plus de temps et faisons une vraie consultation là-dessus.

Bon, quant aux modalités, là, où vous référez: référendum, plébiscite, moi, je vais vous dire, on n'est pas allés très, très loin sur cette réflexion-là. En même temps, spontanément, je suis plutôt partie prenante des modalités connues, hein, de la part des citoyens. Référendums, on connaît ça, au Québec. On en a vécu quelques-uns. Évidemment, c'était très concentré autour de la question nationale, mais on n'est pas complètement en pays inconnu, là-dessus.

Et, compte tenu que je souhaite la consultation la plus large, l'intérêt public le plus large autour de cette question-là, spontanément je n'aurais pas tendance à vouloir diversifier les choses. Bon, je comprends très bien que les référendums au Québec, c'est encadré par la loi sur les consultations populaires, ça implique des comités-parapluies, deux camps, etc., mais ça ne m'apparaît pas insurmontable. Il y a certainement des groupes de citoyens, même s'il devait y avoir consensus des partis, qui voudraient faire entendre un autre point de vue. Alors, je pense que ça peut s'exercer et, je vais vous dire, la loi québécoise sur les consultations populaires, elle a l'avantage de fixer la balise à 50 % plus un.

Puis déjà là, là, ne pas se retrouver dans la même situation que la Colombie-Britannique, là, qui a fait une consultation spécifique là-dessus puis qui n'a pas eu la majorité qualifiée nécessaire, je trouve que c'est un plus, ce n'est pas un moins.

M. Thériault: Alors, si je comprends bien, ce que vous nous dites, c'est que consulter la population lors de la prochaine élection générale, comme ça s'est fait en Colombie-Britannique, et non pas en fonction de la Loi sur la consultation populaire, qui implique donc la constitution d'un camp du Oui, d'un camp du Non...

Et là je pense que le danger de faire dériver les enjeux électoraux et de faire de la réforme le seul enjeu ou de créer une confusion des enjeux, me semble, serait plus grand. C'est pour ça que nous pensions, nous, qu'il était préférable de faire comme en Colombie-Britannique: de faire en sorte que la population puisse se prononcer, qu'il y ait un vote de plus pour entériner ou non le projet de loi en question lors de la prochaine élection générale.

Vous, vous nous dites: Compte tenu de la lecture de l'analyse politique que vous faites, même ça, même un plébiscite lors de la prochaine élection générale, c'est trop tôt. Et, si on passe cette étape de l'élection générale, vous dites: Bien, peut-être qu'à ce moment-là le fait de le faire en référendum 24 mois plus tard, bien ça va créer encore un impact beaucoup plus grand et ça va permettre de mettre les citoyens dans le coeur de l'action. Ils vont être partie prenante du processus. Et ça, vous êtes favorables à ça.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Bien, je vais demander à Suzanne, là, de compléter quelques secondes. Mais juste une donnée, vous savez, le faire pour la prochaine élection ou le faire dans les 24 mois de la prochaine élection, de toute façon, la réforme, elle ne peut pas s'appliquer pour la prochaine élection. Or, en ce sens-là, c'est un peu neutre, comprenez-vous? Donc, je suis plutôt prenante de nous donner les moyens qu'elle ait l'impact et le rayonnement nécessaire dans la société. Mais sur le 24 mois, Suzanne, peut-être?

Le Président (M. Ouimet): Mme Leduc.

Mme Leduc (Suzanne): Bien, en fait, le 24 mois, c'est pour donner... en fait s'assurer que ce sera fait dans un délai raisonnable pour faire en sorte que ça puisse être en application pour l'élection suivante. C'est ça, le 24 mois.

Par ailleurs, on sait que bon il pourrait y avoir peut-être un autre référendum, advenant le résultat de la prochaine élection. Évidemment, ça amène une complication, on est tous conscients de ça. On essaie de ménager la chèvre et le chou. Alors, c'est pourquoi que le 24 mois, c'est une balise qu'on a mise de manière à pouvoir s'assurer qu'advenant un résultat positif puis une réforme du mode de scrutin adoptée par la population ça puisse être mis en vigueur à l'autre élection.

Juste peut-être un dernier mot sur le processus qui a été entrepris en Colombie-Britannique. Il y avait des failles importantes aussi, hein, notamment parce que bon c'est la population, ça n'a pas été discuté en Chambre, la façon dont ça a été la... en fait, ils revenaient... il y a des partis qui n'étaient pas d'accord, donc ça a été finalement un processus, qui est louable en soi, là, de faire une consultation, de partir avec un groupe de la population, mais qui a donné un résultat... Ce n'est pas juste en fait les deux tiers. C'était compliqué pour les gens de comprendre tout ça, puis le processus qui a été adopté aussi, là, le projet qui a été adopté. Alors, nous, on est plus favorables, on serait davantage favorables à ce qu'il y ait un consensus des partis si possible puis que, suite à une consultation, là, quand même, là, qui est importante, là, la consultation qui est en cours... et par la suite, là, arriver à une proposition au moment d'un référendum.

M. Thériault: Donc, vous voulez donner le temps à ce qu'il y ait une possibilité d'un consensus entre les partis. Cela implique qu'on s'entende sur le modèle à proposer à la population.

Mme Leduc (Suzanne): Oui.

M. Thériault: Et il est possible... Moi, ce que je vous dis, c'est que, même si on ne s'entendait pas sur le modèle à proposer à la population, peut-être qu'à ce moment-là le référendum serait aussi important sur deux questions: le principe de changer et ensuite le modèle. En Nouvelle-Zélande, il y en a eu deux, plébiscites sur la question. Ce n'est pas simple, hein?

Mme Carbonneau (Claudette): Non, ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple, mais je vous dirais que ce qu'on cherche à éviter... Pour nous, là, un mode de scrutin, c'est d'abord un choix démocratique. Évidemment, les choix démocratiques sont dans l'univers du politique, je suis parfaitement consciente de ça. On peut-u juste éviter d'entretenir une perception à l'effet que c'est un choix politicien, O.K.? Et, de ce côté-là, le détacher de la prochaine élection, ça m'apparaît être aussi un plus.

M. Thériault: À cet égard, vous savez qu'il y a des groupes qui sont partisans du changement, qui nous disent en même temps que ce Parlement serait plus légitime s'il était pluriel et si l'Assemblée nationale était le fruit de la volonté populaire et d'une exactitude entre le suffrage et le nombre de sièges, etc., et en même temps ils nous disent de prendre cette responsabilité et de trancher le débat nous-mêmes. Est-ce que vous considérez que cette position n'est pas un peu contradictoire?

n (10 h 20) n

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, c'est-à-dire que oui, je pense qu'il y a là des contradictions. Vous savez, souvent c'est tentant, parce qu'on veut rapidement, le plus et le mieux... de se placer en position de tirer sur les fleurs pour faire en sorte qu'elles poussent plus vite, mais je ne suis pas sûre que c'est la bonne façon et je crois beaucoup, sur des enjeux fondamentaux, à la nécessité d'aller plus largement, ne pas hésiter à aller vers les citoyennes et les citoyens. Puis il y a derrière ce genre d'exercice là, quand c'est bien mené, une extraordinaire occasion de sensibilisation, là.

M. Thériault: J'ai moins d'une minute. Il y a un aspect que je voulais soulever, c'est la double candidature. Et il y a le Conseil du statut de la femme qui est venu nous dire qu'il y avait un effet pervers à la répartition par district quant à favoriser ou maximiser la présence des femmes, notamment eu égard à une phase de transition. C'est-à-dire, les députés sortants, dans un district donné, vont avoir préséance sur les listes, la double liste, et en quelque part on se retrouverait à reproduire finalement l'inégalité qui existe actuellement dans le Parlement.

Le Président (M. Ouimet): Il reste 10 secondes, M. le député.

Mme Carbonneau (Claudette): C'est vrai. Puis on a vu ça dans le mémoire du Conseil du statut de la femme. On n'est pas opposés à la modalité correctrice, là, qui est suggérée à cet égard-là. Normand, tu...

M. Brouillet (Normand): Bien, moi, je voulais revenir...

Le Président (M. Ouimet): Très brièvement, M. Brouillet.

M. Brouillet (Normand): Oui. Je voulais revenir sur le débat de tantôt concernant les modalités de consultation. On attache beaucoup d'importance effectivement, à la CSN, à ce que ce soit sous un mode référendaire, là, d'une façon ou d'une autre, parce qu'entre autres il y a deux choses qu'il faut rappeler: un, la complexité du processus. Prenez seulement les discussions à y avoir sur les modalités de compensation au niveau des régions. Alors, c'est un débat qui est difficile. Puis, deuxièmement, bien il y a le facteur temps. On fait des changements au régime d'élection à toutes les deux ou trois générations. Alors, il faut prendre le temps de faire les débats parce que ça ne repasse pas souvent.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député de Masson. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre mémoire ainsi que la clarté de vos propositions. Tout à l'heure, M. le ministre indiquait que nous partagions le même point de vue sur les élections à date fixe. J'aimerais aussi savoir si vous avez fait une réflexion... Parce que vous avez dit tantôt quelque chose de très important sur les élections à date fixe: ça éliminerait le principe de ligne de parti parce qu'il y a... en tout cas, il y aurait moins de chances que... bien, il y aurait moins de votes problématiques. Parce que, dans la population, qu'est-ce que les gens ont de la difficulté à accepter, c'est qu'un député, peu importe l'allégeance... il y a une ligne de parti, là, puis le député des fois le dit à sa population. Parce que, moi, j'en entends du côté... actuellement, du côté libéral, on en entend beaucoup, des citoyens, qui nous disent: Bien, mon député dit... il dit qu'il n'a pas le choix; il a une ligne de parti à respecter pour ne pas renverser le gouvernement. Donc ça, pour moi, c'est un avantage. Mais j'aimerais aussi savoir si vous avez fait une réflexion sur la journée que le scrutin devrait se tenir pour améliorer la participation des électeurs.

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, non, ça, on a... Bien, on a probablement, là, déjà fait des représentations, notamment dans le cadre des élections municipales, etc., mais on considère que c'est un champ important. Toutes les modalités qui peuvent faciliter, inciter les citoyennes et les citoyens à aller voter, à faire leur devoir de citoyen, ça mérite réflexion. Or, tu sais, je n'ai pas de proposition précise à vous faire, là, mais je vous dis que c'est un champ de réflexion qui mérite d'être exploré et, de ce côté-là, trouver la meilleure modalité, c'est parfait.

Sur la discipline de parti, je vais me permettre une remarque. Il n'y a pas d'absolu là-dedans, hein? Ce qui est important, de notre point de vue, c'est lever une discipline de parti qui est vue comme un corset absolu puis qui, à un moment donné, devient la parfaite couverture pour un député ou une députée de ne pas avoir à rendre des comptes aux citoyens de sa circonscription. C'est indécent d'un point de vue démocratique. Par ailleurs, il ne s'agit pas, là, non plus de faire une série d'électrons libres, là. Ce n'est pas plus démocratique de permettre à un député, par exemple, de voter à l'encontre d'un point fondamental de la plateforme politique de son parti, là, parce que supposément il se serait enfargé, la veille au soir, avec un groupe de citoyens de sa circonscription qui pensaient le contraire, là.

Alors, bon, il y a une question de dosage là-dedans, mais je pense qu'il y aurait là, avec l'élection à date fixe, un pas de plus pour desserrer une discipline abusive de parti qui donne lieu à des dérives démocratiques.

M. Picard: O.K. Merci. Deuxième sujet où nous sommes du même avis, c'est au niveau du nombre de districts parce que, nous, dans notre plateforme électorale, on proposait qu'on se base sur les régions administratives. Tout à l'heure, vous avez dit: O.K., les régions administratives qui pourraient peut-être être modifiées... Là, j'aurais une question très, très précise: Avez-vous évalué le nombre de sièges par district que ça prendrait pour avoir une bonne compensation pour vraiment atténuer les distorsions du vote?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, forcément, là, à cause de la distribution de la population au Québec qui est bien, bien différente sur le territoire, forcément il risque d'y avoir des régions où il y a plus de circonscriptions, hein? Autrement, tu n'as plus de proportionnalité entre le nombre de sièges et le nombre d'électeurs, ce qui n'a absolument pas de bon sens. Par ailleurs, moi, je vous dirais que ce qu'on suggère, nous, c'est de partir des régions administratives puis d'en regrouper un certain nombre, là. Ça, ça nous apparaît essentiel de le faire, compte tenu de différentes variables dont il faut tenir compte au Québec, là.

M. Picard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Du côté de notre comité citoyen maintenant, j'ai M. Acharid qui a demandé la parole. M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): M. le Président, merci à vous. Merci pour votre présentation. Vous avez parlé un peu des listes des candidats. J'aimerais savoir: La CSN s'est penchée sur quel type de liste, c'est-à-dire ouverte ou fermée, régionale ou nationale? Et son impact sur la représentation des femmes et des groupes ethnoculturels.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Alors, oui, on s'est penchés là-dessus et, je pense que c'est suffisamment clair dans le mémoire, nous pensons qu'il faut retenir des listes fermées. Des listes fermées, mais en favorisant, par exemple, des principes d'alternance ou pour ce qui est... La question de l'alternance est moins facilement applicable, là, dans le cas des communautés ethnoculturelles, mais certainement toutes sortes de modalités pour favoriser qu'ils soient en bonne position sur les listes, hein? Or, en ce sens-là, on va favoriser la liste fermée, sous réserve de d'autres modalités, puis en ayant des préférences pour que ces gens-là soient en bonne position sur les listes.

Pourquoi des listes fermées? C'est une question de simplicité du processus, et je pense que ça ne défavorise pas les groupes sous-représentés si on les place en bonne position sur les listes que d'avoir des listes... des listes fermées. Alors, votre question, c'était?

Une voix: ...régionales.

Mme Carbonneau (Claudette): Listes fermées et régionales? Oui. Oui, forcément régionales.

M. Acharid (Mustapha): Régionales, pas nationales.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui, pas nationales, pas nationales. Et j'ai expliqué... j'ai expliqué un peu pourquoi. Ça a été notre gros débat, hein? Les gens souhaitaient qu'on maintienne un lien entre la députation et une référence à un territoire donné en termes de responsabilité pour les députés. Et je ne cacherai pas la réalité, les disproportions, là, en termes de concentration de population sont telles au Québec que, quand tu viens d'une petite région, tu as le sentiment, là, qu'il va y avoir sur la liste juste des Montréalais, là, et ça, je vais vous dire, dans un congrès, ça fait des ravages.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Acharid. Et, M. Boivin, maintenant.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour. Je me demande, par rapport à l'intervention qui a précédé, juste avant mon collègue, en quoi des élections à date fixe, ça viendrait alléger la discipline de parti en dehors que si on avait un régime présidentiel ou à tout le moins un régime de séparation entre l'exécutif et le législatif au moins où est-ce que le PM serait élu au suffrage universel. Parce que, je veux dire, même avec des élections à date fixe, si le gouvernement perd un vote important, il tomberait avant la date fixe qu'on a fixée à quatre ans ou cinq ans, là, forcément, s'il perd la confiance de la Chambre. Première question.

Puis deuxième question: Comment est-ce que vous conciliez votre revendication d'un seuil à 5 % mais votre acceptation d'un modèle similaire à celui de M. Milner où, dans le meilleur des cas, il y aurait environ trois ou quatre de ces districts qui auraient un seuil inférieur à 10 % et aucun avec un seuil inférieur à 5 %?

Mme Carbonneau (Claudette): Bon. D'abord, pour le premier....

Une voix: L'élection à date fixe et la discipline de parti.

Mme Carbonneau (Claudette): Ah! l'élection à date fixe et la discipline de parti. Écoutez, à cet égard-là, là, moi, je pense que... Je m'excuse, je suis fatiguée. Vous voulez me répéter votre question? Comment on réconcilie l'importance...

M. Boivin (Guillaume): Oui. Ce que je veux savoir, c'est que... Il est souvent affirmé qu'un vote à date fixe allégerait la discipline de parti.

Mme Carbonneau (Claudette): De parti, oui. Oui. O.K.

M. Boivin (Guillaume): Mais c'est... Comme si le gouvernement n'allait pas tomber lors de la perte d'un vote important...

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez... Oui, mais je pense que...

M. Boivin (Guillaume): ...alors que ce serait toujours le cas. Alors, à ce moment...

Mme Carbonneau (Claudette): Je pense que ça appelle... Non. Non, non. C'est là-dessus qu'il faudrait faire des modifications. À partir du moment où on aurait un régime d'élection à date fixe, on prend pour acquis que la règle générale, dans la très grande majorité des cas, quelle que soit l'issue du vote, le gouvernement ne tombe pas.

Évidemment, il faut prévoir quelques cas d'exception, là. Je ne le sais pas, moi. Tu es en pleine guerre, tu es... c'est complètement anarchique, dysfonctionnel, il faut réfléchir...

M. Boivin (Guillaume): Démissions massives.

n (10 h 30) n

Mme Carbonneau (Claudette): Démissions massives. Il faut réfléchir à un certain nombre de soupapes de sécurité. Mais c'est vraiment sous le mode très, très, très exceptionnel.

Quant au reste, là, quand vous dites l'élection, par exemple, au suffrage du premier ministre ou du président, ça, il nous apparaît ? on a déjà fait des réflexions là-dessus à la CSN; il nous apparaît ? que c'est davantage lié à une réflexion beaucoup plus en profondeur sur une constitution, sur un régime politique, puis, oui, là on aura des choses à dire. Mais ça, je pense que c'était un peu, là, faire du «cherry picking» que d'essayer d'amener ça là-dedans.

Par ailleurs, l'élection à date fixe, je pense que ça allégerait. Ça ne réglerait pas tous les problèmes de discipline de parti; ça pourrait alléger dans un certain nombre de cas. Parce que constatons qu'actuellement, là, c'est à peu près sur tous les points où un gouvernement peut être défait, et il y a toutes sortes de gradations en termes d'importance qui amènent une application très rigide de la règle de discipline de parti. Alors ça, je pense que ça pourrait être révisé, là, sans procéder à des changements trop fondamentaux.

Le Président (M. Ouimet): Le temps file rapidement. J'ai trois autres citoyens... Avez-vous une réponse à la question sur le seuil minimal de 5 % posée par M. Boivin?

Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Bien, vas-y, Suzanne.

Mme Leduc (Suzanne): Bien, en fait, effectivement, là, M. Milner a effectivement dit que ça pouvait donner, dans certaines régions, peut-être un seuil de 7 %. Il a même dit, ici, en commission parlementaire, que, lui, à ce compte-là, il ne voyait pas nécessairement la nécessité d'un seuil au niveau national. On a réfléchi à cette question-là. Comme on l'a indiqué dans le mémoire, c'est une mesure préventive pour s'assurer que les personnes qui seraient élues, les partis qui auraient des représentants à l'Assemblée nationale aient recueilli un nombre de votes qui finalement, là, est un indicatif qu'il y a un pourcentage important de la population quand même... minimal de la population qui va être représenté par ce parti-là, là. Alors, c'est pour ça. On a bien vu, là, qu'est-ce que M. Milner avait dit, mais on a quand même opté pour un seuil de 5 %.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Mme Lafontaine, maintenant.

Mme Lafontaine (Martine): Dans votre mémoire, vous ne faites aucune mention sur le vote des jeunes. Comme on le sait, les jeunes s'intéressent peu ou pas du tout à la politique. Dans certains mémoires déjà entendus, on propose le vote à 16 ans. Alors, d'après vous, est-ce qu'accorder le droit de vote à 16 ans inciterait davantage les jeunes à participer au système électoral?

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, je ne vous dirai pas qu'on a des réponses qui ont la profondeur de notre réflexion sur le mode de scrutin ? ça fait 30 ans qu'on débat de ça ? mais la question du vote des jeunes, on l'a abordée, notamment à l'occasion de la commission parlementaire de 2002, et, à ce moment-là, oui, on s'était prononcés en faveur du vote à 16 ans, assorti d'un certain nombre de modalités d'éducation citoyenne, révision des programmes d'éducation, etc. On l'avait fait bien sûr après des consultations dans nos rangs. On n'avait pas eu l'occasion, par exemple, d'aller dans des assises aussi larges que le congrès de la CSN, on l'avait fait... On a un comité des jeunes à la CSN, et, je vous dirais, il y avait une petite tendance à favoriser le vote à 16 ans, mais avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de balises et de précautions. Bref, ce n'était pas si clair que ça.

Et, quand j'évoquais tantôt un petit peu à la blague en disant: On a été très occupés ? ce qui est réel, là ? au mois de décembre dernier, je pense que, pour avancer ça avec beaucoup de fermeté, on aurait souhaité donner un coup de roue de plus en termes de consultation, mûrir notre position. Mais c'est évident que je souhaite qu'on aille le plus loin possible en termes de débat de société sur la participation citoyenne, c'est majeur. Et les jeunes, c'est les citoyens de demain, c'est notre avenir. Alors, de ce côté-là, là, ce n'est pas un thème qui est négligeable, mais ça suppose un bon approfondissement de la question.

Le Président (M. Ouimet): Bien.

Mme Leduc (Suzanne): J'aimerais peut-être juste ajouter un point sur ça, c'est parce que...

Le Président (M. Ouimet): Écoutez, le temps file rapidement, j'aime mieux... J'ai deux autres questions des citoyens, et il reste deux minutes. Je suis désolé.

Mme Leduc (Suzanne): D'accord. D'accord.

Le Président (M. Ouimet): Mme Proulx.

Mme Proulx (Mélanie): Bonjour. Rapidement, Mme Carbonneau, j'aimerais revenir sur la question du Nunavik, là. On a rencontré leurs représentants hier, puis ils nous ont clairement demandé de les différencier du reste de la population autochtone pour des raisons comme leur langue, leur géographie, leur culture ou même le fait qu'ils payaient des impôts. Alors, malgré tout ça, là, vous recommandez quand même qu'on demande l'avis des autres populations autochtones quant à la situation du Nunavik? Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Carbonneau (Claudette): Je veux être claire, là: on ne veut pas donner voix aux autres nations autochtones pour faire des objections en soi au Nunavik, mais il nous apparaissait cosmétique de faire juste une correction pour le Nunavik sans compléter la nécessaire ronde de consultation auprès des autres nations. Peut-être moins sur... pour entendre ce que souhaitent les gens du Nunavik, là. Moi, je suis ouverte à ça. Je vous dis, il n'y a pas d'allergie. On n'a pas de... Mais ce qu'on souhaite, c'est une consultation de tout le monde. Puis, en même temps, on n'est pas en train d'installer un droit de veto des autres nations sur la volonté du Nunavik, là.

Mme Proulx (Mélanie): Ce n'est pas ce que je voulais dire non plus, mais vous ne pensez pas que c'est un peu de comparer la volonté des gens du Nunavik à être reconnus comme une circonscription, là, à part entière... Je crois que... Je veux dire, ça fait, quoi, 30 ans, là, qu'ils... pour ça, à comparer aux autres...

Mme Carbonneau (Claudette): Oui, mais ce qu'il faut voir, tu sais, on a quand même des positions assez strictes autour du nombre de députés. Il y a 11 autres nations. Il y a, dans les circonscriptions... tu sais, il doit y avoir un minimum de densité aussi de population. Il peut y avoir d'autres modalités pour les associer au processus parlementaire. Bref, il nous apparaît que la discussion n'est pas mûre. Puis on ne tient pas à la repousser très loin dans le temps, mais ce qu'on vous suggère, c'est: Faites donc un tour de roue de plus, allez plus loin, parlez aussi aux autres, refaites-vous une idée et remettez ça en débat.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. On a un peu de temps pour Mme Loucheur. On a récupéré d'autres enveloppes, là. Alors, Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Oui. Bonjour. J'ai cru comprendre que vous n'avez pas de position très claire ou très ferme sur les modalités du vote, sur ce qui était proposé dans l'avant-projet de loi, et tout ça, mais que vous n'étiez pas nécessairement contre des modalités pour faciliter l'exercice du vote. Il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit, a priori, qu'ils ne voyaient pas pourquoi ça devrait nécessairement être relié à la réforme du mode de scrutin et qui encourageaient une mise en oeuvre la plus rapide possible de certaines des mesures. Est-ce que la CSN, a priori, serait d'accord avec ça, de dissocier un peu et donc de mettre en oeuvre ce qui peut l'être le plus rapidement possible?

Mme Leduc (Suzanne): Je peux répondre.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui, vas-y, vas-y.

Mme Leduc (Suzanne): Écoutez, on l'a indiqué dès le départ, dans le mémoire, qu'on a privilégié la question du mode de scrutin. La question des modalités de vote, je ne voudrais pas vous référer, mais la CSN a déposé un mémoire au Conseil supérieur de l'éducation, à l'automne, qui faisait une réflexion sur les élections scolaires. À ce moment-là, il y avait aussi les modalités d'exercice du vote pour les élections scolaires, et on a exploré certaines avenues pour faciliter le droit de vote. On aurait pu les reproduire ici, là, il y a eu un problème de temps puis de validation de ces avancées-là avec tout le monde. Mais c'est sûr que la CSN est favorable à faire en sorte... Par exemple, le vote par correspondance, on a dit oui. Parce qu'il y a une étude qui a été faite par le président du Conseil supérieur de l'éducation, Jean-Pierre Proulx, sur les élections municipales, et il s'est avéré qu'il y a des modalités de vote qui sont favorables et... Bon, malheureusement, là, c'est une question de temps, parce qu'on n'a pas pu faire valider ça, toutes ces positions-là, avec nos élus, là, à la CSN, compte tenu de l'échéancier, là, de l'automne, mais il y a des ouvertures à ça.

Est-ce que ça pourrait être en dehors de la réforme? Possiblement, parce que ça pourrait peut-être s'appliquer pour l'ensemble des modalités d'exercice du droit de vote pour d'autres types d'élections comme le scolaire. Oui, ça pourrait être possible, mais on n'a pas de position ferme sur cette question-là.

Mme Carbonneau (Claudette): Mais à la CSN globalement le bien, ce n'est jamais l'ennemi du mieux.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Il reste quelques minutes encore. M. Brouillet, tantôt vous vouliez intervenir, et je vous avais coupé la parole.

M. Brouillet (Normand): Écoutez, je pense que ça concernait peut-être une question, là, soulevée par monsieur sur le fait de tenir des votes à intervalles fixes. Alors, je pense qu'en tout cas il faut... là-dessus, il y a plusieurs modalités à mettre en place, mais une des choses auxquelles il faut réfléchir, c'est toute la question des votes libres. Il y a, à l'occasion, dans les Parlements, au Canada, certains votes libres, assez peu souvent, ici, à l'Assemblée nationale. Et donc, s'il y a des élections à date fixe, il y aura certainement une possibilité, là, davantage d'avoir des votes qui soient plus ouverts, au-delà des lignes de parti.

Maintenant, en même temps, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est qu'il reste qu'il va être important de s'en tenir aussi aux programmes pour lesquels les partis sont élus. Sinon, on risque de se retrouver dans une situation beaucoup plus américanisée, en ce sens que les députés deviennent plus vulnérables au lobbying. Alors donc, il y a des équilibres à maintenir là-dedans, mais la situation actuelle nous apparaît nettement... très rigide, trop rigide par rapport à toute la richesse de la vie démocratique dans une institution parlementaire majeure comme un parlement.

Le Président (M. Ouimet): Alors, de façon exceptionnelle, M. le député de Masson, une très courte question.

n (10 h 40) n

M. Thériault: Ah, M. le Président, j'en suis fort aise. Écoutez, dans votre mémoire, tout à l'heure, vous suggériez, là, un seuil et vous avez aussi suggéré, pour la question de M. Boivin, suggéré une autre méthode de calcul. Or, M. Milner avait pris la même méthode de calcul. Alors, c'est pour ça que les seuils peuvent arriver à 8 %, à 10 % dans certains cas. Alors, si on change la méthode de calcul et qu'on est à 12 ou à 14 régions, il est fort possible qu'on puisse arriver à se rapprocher du 5 %, et néanmoins le 5 % en question peut effectivement être imposé pour favoriser le pluralisme qui à mon avis est la seule raison de changer le mode de scrutin.

Mme Carbonneau (Claudette): En fait, je suis en bonne partie d'accord avec ce que vous avancez. Je pense que, dans les raisons motivant le changement du mode de scrutin, le pluralisme, c'est une raison importante. Il y en a d'autres aussi, là. Tu sais, on a connu quelques situations aberrantes, à savoir qu'un parti se retrouvait au pouvoir... Et ça, ça s'est vécu avec toutes les formations politiques, qu'un parti se retrouve au pouvoir avec moins d'appui populaire. Bon, il y a quand même ces choses-là aussi à faire corriger. Mais, sur le reste de votre commentaire, je le partage et je le retiens tout à fait, sur la pertinence du seuil minimal.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, cela met un terme à nos échanges. Mme Carbonneau, M. Brouillet et Mme Leduc, merci infiniment de votre participation à nos travaux. Ça a été fort enrichissant. Je vais maintenant inviter M. Louis Massicotte à s'approcher vers la table des témoins pour sa présentation et je vais suspendre quelques instants les travaux. Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 42)

 

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Ouimet): Alors, la commission reprend ses travaux. Juste avant d'accueillir le prochain invité, vous avez vu que j'ai permis une enveloppe de temps flottante. C'est pour permettre dans le fond la même chose ce soir, compte tenu que nous aurons des citoyens, et la répartition du temps sera d'à peu près une minute. Alors, des fois, pour terminer des interventions, il va falloir se prêter le temps de cette façon-là. Alors, je pense que ça établit un bon climat pour la suite des choses. Nous étions sur l'enveloppe de temps des ministériels un peu plus tôt, là, pour permettre à tout le monde de déborder son enveloppe de temps. C'est la petite mise au point que je voulais faire.

Alors, M. Massicotte, bienvenue à nouveau à l'Assemblée nationale du Québec. Nous sommes ravis de vous accueillir, ce matin, comme témoin expert. Je vous cède la parole pour une période de 20 minutes, après quoi nous amorcerons une période d'échange avec vous.

M. Louis Massicotte

M. Massicotte (Louis): Je vous remercie. Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés, Mmes et MM. les membres du comité citoyen, très heureux d'avoir pu accepter votre invitation. Vous étudiez un dossier auquel je m'intéresse depuis plus de 30 ans et sur lequel j'ai eu le privilège de travailler pendant 18 mois à titre de conseiller technique du gouvernement.

Votre commission est inédite par sa composition, et c'est une bonne chose. Ultimement, ce sont les parlementaires de l'Assemblée nationale qui décideront, à moins qu'ils ne demandent à d'autres de décider à leur place, ce qui est leur droit. Je n'ai jamais pensé pour autant que la discussion devait se confiner aux parlementaires, et c'est avec plaisir que je constate parmi vous la présence de citoyens dans un débat qui a été jusqu'ici dominé, monopolisé presque par les partis politiques et par quelques groupes de pression actifs.

Mon mémoire comporte deux parties. Le nouveau mode de scrutin proposé est fondé largement sur un document de travail dont je suis l'auteur. Je vais donc d'abord vous décrire mon implication dans ce dossier. J'aimerais également aborder deux questions qui ont été discutées devant vous, soit la question du fonctionnement asymétrique du système actuel et celle des deux votes.

Alors, mon intérêt pour le dossier du mode de scrutin remonte à 1973, année lors de laquelle le Parti libéral avait remporté 102 sièges sur 110. J'estimais qu'un tel résultat était néfaste pour la démocratie et pour la vie parlementaire. Par la suite, j'ai rédigé un mémoire de maîtrise publié en 1985 sous le titre Le scrutin au Québec: Un miroir déformant. Ce livre contenait la première analyse en profondeur du fonctionnement asymétrique de notre système électoral. Mon analyse s'appuyait sur un corpus de recherche universitaire solide à l'échelle internationale qui est cité quelque part dans le document de travail.

J'ai entamé, au début des années quatre-vingt-dix, avec mon collègue André Blais, que vous avez entendu l'automne dernier, une collaboration qui a produit des articles sur les modes de scrutin publiés dans des revues scientifiques internationales.

En 2001, par intérêt personnel, j'ai commencé à réfléchir à la forme que pouvait prendre au Québec un mode de scrutin mixte compensatoire. Je n'ai pas travaillé dans le vide. Il me paraissait inutile en particulier de recycler l'hypothèse d'une proportionnelle régionale qui avait été abandonnée par la plupart de ses promoteurs. Je me suis plutôt tourné vers les systèmes mixtes, entre autres parce que les programmes des trois partis représentés à l'Assemblée nationale allaient dans cette direction. Les délégués aux états généraux ont par la suite opté, comme vous le savez, aux deux tiers pour un système mixte.

J'ai exploré en détail l'expérience allemande, parce qu'elle est la plus riche en ce domaine, et aussi les expériences plus jeunes de la Nouvelle-Zélande, de l'Écosse et du pays de Galles. À l'été de 2002, avec le bénéfice de cet éclairage, j'ai proposé, en collaboration avec mon collègue Blais, un projet de réforme qui explorait en détail les options possibles pour le Québec.

Pendant un an et demi, du mois d'août 2003 au mois de mars 2005, j'ai travaillé, pour le compte du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, à la rédaction d'un document de travail reprenant plus en détail notre projet initial. Les paramètres de cette collaboration ont été fort simples. J'étais libre de recommander ce que je voulais. Le gouvernement, lui, était libre de retenir de mes recommandations ce qu'il voulait. Chacun son rayon. Les préférences exprimées par le gouvernement dans le texte de l'avant-projet de loi ainsi que la décision de reporter l'entrée en vigueur de la réforme après les prochaines élections ont été le fruit de discussions politiques internes auxquelles je n'ai pas pris part.

n (10 h 50) n

En plus d'étoffer et d'actualiser notre proposition initiale, j'ai réalisé, à la demande du secrétariat, un programme de simulation fondé sur les résultats des deux dernières élections. J'ai identifié plusieurs hypothèses de découpage régional, de méthodes et de techniques de répartition des sièges dont la combinaison a produit un total de 42 scénarios. Et bien sûr j'ai fait des recommandations précises dont beaucoup ont eu la chance d'être retenues.

Mon implication dans ce dossier s'est terminée il y a près d'un an. Je remercie au passage le gouvernement du Québec de m'avoir permis de poursuivre mes recherches dans ce domaine, de le faire avec un maximum de liberté et de leur donner une plus grande pertinence sociale. Il appartient maintenant au gouvernement de défendre la formule qu'il a lui-même déposée.

Ceci dit, un des intervenants que vous avez entendus l'automne dernier, dont j'apprécie toujours par ailleurs les commentaires d'actualité, a soutenu que mes travaux étaient fondés uniquement sur des modèles découlant des deux dernières élections, 1998 et 2003. Il en découlerait selon lui un diagnostic inexact, et le Parti libéral ne pourra pas être considéré comme une victime du mode de scrutin actuel.

Je réponds que mon analyse ne se fonde pas uniquement sur les deux plus récents scrutins, mais sur les 19 élections et référendums tenus depuis 1944. Le fonctionnement asymétrique du système majoritaire dans le contexte québécois et la pénalité qui en résulte pour le Parti libéral sont des constantes historiques qui souffrent fort peu d'exceptions. Durant les années quarante, cinquante et soixante, les inégalités de la carte électorale avaient pour effet de dévaluer le vote libéral de façon systématique et d'avantager l'Union nationale. Le fonctionnement concret du mode de scrutin majoritaire au Québec à cette époque est illustré à merveille par les deux résultats suivants. En 1952, l'Union nationale, avec une avance de quatre points dans le suffrage populaire, obtenait 68 sièges, 68. Huit ans plus tard, 1960, c'est au tour, cette fois-ci, des libéraux de remporter l'élection avec une avance à peu près identique dans le suffrage populaire et d'ailleurs les mêmes pourcentage de vote mais bien sûr inversés, sauf que, cette fois-ci, ils n'obtiennent pas 68 sièges, mais ils en obtiennent 51. Donc, avec le même vote populaire, raz-de-marée dans un cas, victoire très serrée dans l'autre.

La carte électorale a été réformée depuis, et les inégalités de population ne procurent plus à un des deux grands partis un avantage systématique sur l'autre. Par contre, la concentration excessive des votes libéraux dans certaines circonscriptions a pris le relais de la carte électorale pour exercer le même type d'effet. Mon analyse m'a inspiré une prédiction que j'ai pris le risque de faire imprimer il y a 20 ans et qui se lisait ainsi: «Si le Parti libéral remporte la majorité du suffrage populaire mais que son avance est inférieure à cinq points de pourcentage, il perdra l'élection.» Depuis cette date, les conditions propices à la vérification de cette prédiction ont été réunies trois fois. Elles l'ont été lors du référendum de 1995, lors des élections fédérales de 2000 pour les sièges du Québec et bien sûr lors des élections provinciales de 1998. Dans chaque cas, la prédiction a été confirmée.

Donc, tout ce qu'il y a de nouveau lors des dernières élections, c'est que le phénomène est devenu visible à l'oeil nu. Les acteurs politiques d'ailleurs n'ont pas attendu 1998 pour prendre conscience de ce phénomène, Je vous invite à relire un passage significatif du quatrième tome de la biographie de M. René Lévesque que vient de publier M. Pierre Godin. C'était l'automne dernier. On est à la veille des élections de 1981. Le premier ministre a demandé à son expert de sonder le terrain avant de déclencher une élection. Écoutez bien: «L'expert du parti, Michel Lepage, ne s'intéresse qu'à l'électorat francophone. Si l'on tient compte du vote anglophone et de celui des communautés culturelles, le Parti libéral recueille 47 % des voix contre 43 % pour le PQ. Pour autant, ces chiffres n'assurent pas la victoire aux libéraux, parce que leur électorat et concentré dans les circonscriptions montréalaises où les francophones sont minoritaires.» C'est à la page 112 de la biographie. Fin de la citation. Donc, le phénomène n'a absolument rien de nouveau et il est enraciné dans notre histoire bien plus qu'on vous l'a dit.

J'ajoute que le Pr Siaroff, de Lethbridge, dans une étude qui m'a été transmise l'automne dernier, a examiné toutes les élections québécoises tenues depuis 1936. Sa contribution est intéressante parce qu'il a examiné la question avec une méthodologie différente de la mienne, et ses conclusions recoupent les miennes au millimètre près. Je considère donc qu'une analyse du mode de scrutin actuel qui ignore l'existence de ce phénomène est une analyse incomplète.

Maintenant, les conséquences de ce phénomène sont-elles graves? Bien, c'est une question de jugement politique. Je conviens que le malheur des uns fait le bonheur des autres. À mes yeux cependant, ce que le public retient d'une élection, vous l'avez vu avec les journaux d'hier, c'est d'abord le gouvernement qu'elle nous donne. Un système électoral qui, en 60 ans, a donné à trois élections sur 16 le pouvoir sans partage à un parti qui n'avait même pas la pluralité du vote populaire est un système, à mes yeux, pour le moins déficient.

On a parlé à cet égard d'un accident. Moi, je vous pose la question: Prendriez-vous l'avion avec une compagnie qui aurait un taux d'accidents de trois fois sur 16? En Nouvelle-Zélande, on a changé le système après que deux fois de suite le Parti travailliste ait perdu l'élection avec plus de voix que son concurrent. Le même phénomène a contribué à lancer le débat en Colombie-Britannique. Même un chaud partisan du statu quo est venu vous dire, l'automne dernier, que, si ce phénomène se produisait deux fois de suite, il serait le premier à vouloir une réforme. Alors là, pour reprendre ma métaphore de tout à l'heure, sans doute faut-il que l'avion s'écrase deux fois de suite pour que le client se décide à changer de compagnie.

Maintenant, est-ce qu'il est nécessaire d'être un ardent partisan libéral pour juger que ce phénomène est injuste? J'ai de bonnes raisons de penser que ce n'est pas le cas.

Selon un document émanant du Secrétariat à la réforme électorale, en 1982, sous le gouvernement de M. Lévesque, le fait pour un parti de gagner l'élection avec moins de voix que le parti adverse constitue, je cite, «la distorsion la plus intolérable de toutes».

Dans un texte récemment publié dans L'Action nationale, un politologue qualifie ce phénomène d'aberration et il écrit, je cite: «Il serait tout à fait légitime que la réforme proposée par les libéraux corrige ces aberrations.» C'est M. Pierre Serré qui vous le dit.

Dans Le Devoir du 25 avril 2005, un commentateur a écrit, en parlant des partisans du système actuel: «Le plus décevant, dit-il, est de voir comment ces messieurs s'accommodent de l'inégalité du vote inhérente au mode de scrutin actuel qui permet à un parti obtenant moins de suffrages que son adversaire de conquérir le pouvoir.» Et il ajoute: «C'est cette injustice qu'une réforme doit d'abord corriger.» C'est l'opinion de M. Michel Venne.

Et finalement permettez-moi de citer un des universitaires que vous avez entendu l'automne dernier. Évoquant l'élection de 1998, il écrivait en 2003: «Arrivé deuxième aux voix, le Parti québécois formait néanmoins le gouvernement. Le problème central ? problème central ? du mode de scrutin majoritaire était là, sous une lumière crue.» Fin de la citation. Je suis d'accord sur ce point avec M. Herman Guay.

La question des deux votes maintenant. Dans son mémoire à votre commission, un parti a écrit que le système mixte compensatoire proposé par le gouvernement dans l'avant-projet de loi était une version tronquée d'un véritable système mixte compensatoire. À l'appui de cette affirmation, deux arguments: premièrement, les districts projetés sont trop petits pour donner un résultat parfaitement proportionnel; deuxièmement, la répartition des sièges compensatoires effectuée sur la base des votes exprimés en faveur des candidats de circonscription plutôt que sur la base d'un deuxième vote exprimé distinctement en faveur d'un parti politique. Selon ce parti, l'existence d'un second vote constitue la ligne de démarcation entre ce qu'ils appellent un vrai scrutin proportionnel et ce qu'ils appellent une réforme purement cosmétique.

Qu'un découpage électoral, un découpage régional en une vingtaine d'unités ait pour effet de réduire les chances des très petits partis d'obtenir des sièges, ça, c'est vrai. Si on veut rendre le système proposé plus proportionnel, c'est sur cette variable-là qu'il faut agir. En revanche, l'idée selon laquelle l'absence du second vote aurait pour effet d'enlever tout caractère proportionnel à la formule proposée est une fausseté fondée sur une erreur d'analyse qui consiste à attribuer une importance exorbitante à une modalité qui est attrayante mais secondaire. Le second vote ne constitue nullement une composante intrinsèque d'un système mixte compensatoire. Un tel système est parfaitement opérable avec un seul vote. L'essence du système, vous savez, c'est de réduire les distorsions par l'attribution de sièges compensatoires aux partis défavorisés par le scrutin majoritaire au niveau des circonscriptions. Ce n'est pas de multiplier les votes à l'infini, multiplier les votes à émettre par l'électeur.

n (11 heures) n

C'est avec un seul vote, je vous le rappelle, que le système mixte compensatoire a été introduit dans plusieurs sociétés qui le pratiquent, et c'est toujours le cas aujourd'hui dans deux des plus importantes provinces de l'Allemagne. Et les résultats obtenus là où la loi accorde un seul vote ne sont pas moins proportionnels que là où les électeurs ont un deuxième vote. En fait, ils le sont même un peu plus. J'ai calculé l'ampleur moyenne des distorsions voix-sièges lors des quelque 130 élections tenues dans les provinces allemandes depuis l'introduction du système, bien les résultats sont probants. Dans les deux provinces où les électeurs ont toujours eu un seul vote, l'indice de Gallagher, qui mesure l'ampleur des distorsions, s'élève en moyenne à 3,0 depuis les années quarante. Maintenant, il y a sept autres provinces qui ont toujours pratiqué le système compensatoire avec deux votes. Alors, dans ces cas-là, l'indice de Gallagher s'élève respectivement ? je vous fais grâce des noms des provinces ? à 3,3, 4,7, 4,8, 5,0, 5,1, 5,3 et 6,2, et ça, ça signifie que les distorsions ont été plus élevées là où les électeurs disposent de deux votes.

Alors, comment soutenir raisonnablement que les deux votes sont indispensables pour assurer une véritable proportionnalité? C'est qu'apparemment certains se sont convaincus que, si les électeurs disposent d'un seul vote, ils vont voter comme si les sièges compensatoires n'existaient pas. Ils vont présumer que les candidats locaux des petits partis n'ont aucune chance et ils vont accorder stratégiquement leur vote aux candidats d'un grand parti. À mon avis, ces personnes surestiment l'importance réelle du vote stratégique et sous-estiment grandement l'intelligence des électeurs, parce que les électeurs sont bien capables de comprendre qu'avec un système compensatoire les votes exprimés dans une circonscription pour un petit parti ont de biens meilleures chances de porter fruit qu'avec le système actuel.

Et je ne me contenterai pas d'une affirmation ex cathedra. Je vais laisser les faits parler par eux-mêmes. Une seule des 16 élections allemandes depuis la guerre a été tenue sans qu'il y ait deux votes. Si la thèse du vote stratégique tenait debout, c'est lors de cette élection, qui a eu lieu en 1949, que les petits partis auraient été les plus faibles. Or, c'est tout le contraire qui s'est produit: jamais en un demi-siècle les petits partis n'ont réalisé un meilleur score qu'avec un seul vote. Le Parlement élu à cette occasion comptait 10 partis.

Bon, en 1953, maintenant, on introduit le second vote en Allemagne. Les petits partis auraient dû faire encore mieux, puisque la soit-disant contrainte du vote stratégique avait disparu. Eh bien, c'est tout le contraire qui s'est produit: le nombre des partis est tombé de 10 à six, après ça à quatre et enfin à trois.

Maintenant, comment la performance des petits partis a été affectée par l'introduction du second vote? On peut en avoir une idée en comparant, là où la chose est possible, les résultats de la dernière élection tenue avec un vote avec ceux de la première élection tenue avec deux votes. D'après la thèse du vote stratégique, les petits partis devraient bondir dans le suffrage populaire après l'introduction du second vote. Voyons ce qui est passé en réalité. Comme l'indiquent ? les détails sont dans le mémoire, je ne les répéterai pas; mais comme l'indiquent ? les données énumérées dans le texte, l'effet de l'introduction du second vote a été, dans presque tous les cas, absolument minime et surtout, dans la moitié des cas, il a été exactement dans le sens contraire à ce que postule la thèse du vote stratégique, y compris lors de l'unique fois où ça a été important. Je n'affirme pas bien sûr que le second vote est nuisible aux petits partis, je dis simplement que ce facteur n'a pas eu grand-chose à voir avec les résultats et que son importance a été surévaluée presque grossièrement. Je m'excuse d'avoir pris de votre temps pour cette démonstration.

Quant aux attaques personnelles du mémoire de ce parti ? il s'agit de l'UFP ? à mon égard, je vous invite à vous reporter à l'annexe 1 pour en juger la valeur. Je n'ai pas l'intention de perdre mon temps dans des polémiques.

Dernier point aussi, en une demi-minute, M. le Président, un autre intervenant a tenté de donner de la crédibilité à ses analyses en mentionnant ma présence au sein du jury qui a examiné son projet de thèse de doctorat. J'aimerais préciser que je n'ai rien à voir avec ses interprétations à lui et que je m'en dissocie totalement. Quant à la rigueur avec laquelle ont été menées ses propres simulations et aux conclusions qu'il en a tirées, je vous invite à lire l'annexe 2, qui les concerne.

Alors, mesdames messieurs, je vous remercie de votre attention et je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous, M. Massicotte, au nom de tous les membres de la commission, d'avoir partagé les fruits de votre longue expertise sur la question avec nous et avec la population. Vos mises au point sont bien retenues. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Réforme des institutions démocratiques, sentant que notre 40 minutes va être très bien rempli avec vous. Alors, M. le ministre.

M. Pelletier: Merci, M. le Président. M. Massicotte, merci de votre présentation aujourd'hui, merci d'être ici et merci de livrer comme ça le fruit de vos recherches aux membres de la commission. Je dois dire que je suis d'autant plus heureux de vous voir aujourd'hui que vous n'avez pas pu témoigner l'automne dernier, puisqu'au moment où nous tenions les auditions vous étiez en Europe, et, là où vous étiez, il était impossible d'utiliser le système de vidéoconférence. Et donc, aujourd'hui, heureusement vous êtes avec nous, et je tiens à remercier l'opposition officielle et également le député de l'ADQ pour avoir fait en sorte que vous puissiez rendre témoignage pendant une heure aujourd'hui. Bien entendu, tout le monde est conscient que vous le faites en qualité d'expert, d'autant plus que vos recherches ont effectivement grandement inspiré le gouvernement dans l'élaboration de l'avant-projet de loi.

Et cependant vous faites bien de dire que le gouvernement a fait ses choix et que l'avant-projet est le résultat des choix gouvernementaux. Et c'est le gouvernement qui l'a élaboré, et dans le fond c'est le gouvernement qui en a la paternité. Mais c'est vrai que vos recherches ont éclairé le gouvernement dans toute la démarche qui nous a amenés finalement au dépôt de l'avant-projet de loi, et pour ces recherches-là, pour ces réflexions-là, je tiens à vous en remercier publiquement.

Certaines personnes qui donc critiquent l'avant-projet de loi disent ceci, disent: Écoutez, d'abord, cet avant-projet de loi là donne un pouvoir beaucoup plus grand au vote anglophone, assure en quelque sorte la permanence du pouvoir libéral et met fin à l'alternance des partis. Aussi gros que ça, là, mais enfin c'est ça, le reproche qu'on entend le plus régulièrement. En d'autres termes, ils disent: Le gouvernement libéral s'est concocté un projet de loi... bon, un avant-projet de loi, mais se concocte enfin une proposition législative en vue d'être au pouvoir éternellement.

Alors, je voulais vous entendre sur cette question-là et savoir... Parce que personne n'a quand même appuyé, là, ces prétentions-là sur quelque argument sérieux que ce soit, mais évidemment ça frappe. Quand on entend ça au début, on se dit: Coudon, est-ce que le gouvernement n'est pas en train effectivement de manipuler l'opinion publique pour assurer son pouvoir éternel? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Massicotte (Louis): Bon. Il y a beaucoup de choses dans ce que vous dites, M. le ministre. Comment prendre tout ça? Disons que le fameux argument de l'alternance me renverse. Naturellement, quand un gouvernement fait préparer un texte, toujours le soupçon existe. Et je dois... Vous reconnaîtrez sans doute sans difficulté que votre gouvernement n'a pas que des amis et que par conséquent ça peut nourrir toutes sortes de soupçons. Mais, tout de même, je vais vous dire tout de suite franchement, là, que, si tout ça était vrai, si j'avais essayé de vendre au gouvernement le système en vous disant: Faites ça parce que vous allez gagner toutes les élections par la suite, faites ça parce que vous allez être éternellement au pouvoir par la suite, très franchement, celui qui aurait essayé de vous vendre le système avec des arguments pareils aurait été un charlatan pour une raison fort simple: personne ne peut connaître le résultat des élections qui vont survenir par la suite.

Moi, vous savez, j'ai le privilège de travailler à l'université avec les meilleurs sondeurs de la profession, et c'est des gens qui savent très bien... qui connaissent suffisamment bien la réalité politique pour savoir que la politique est tout à fait imprévisible. L'avantage pour le Parti libéral, le seul véritable que je vois, c'est que, quand il obtient la pluralité du vote populaire, il aurait vraisemblablement la pluralité des sièges en même temps. Mais ça me paraît la chose élémentaire. Il me semble que la question qu'on devrait poser plutôt: Y a-tu un système qui est assez croche pour empêcher que le parti qui a la pluralité du vote populaire ait la pluralité également des sièges? Il y a un système qui est assez croche comme ça, oui, c'est le système actuel.

n (11 h 10) n

Maintenant, est-ce que le Parti libéral serait toujours gagnant? Écoutez, vous avez eu cette élection lundi soir. Vous avez vu le résultat au Québec. Vous avez noté qu'il y a eu un renversement. Le Parti libéral a obtenu un plancher historique de 20 %, et, à ce stade-là, c'est devenu pour lui un avantage, c'est-à-dire la concentration est devenue un avantage. Il a obtenu plus de sièges que les conservateurs, qui ont obtenu plus de voix. Appliquez la formule que vous proposez, et le Parti libéral, propulsé au deuxième rang par le scrutin majoritaire, retombe au troisième, comme l'a placé la population.

Maintenant, quand quelqu'un vous dit, ça, c'est... Je trouve ça renversant, aller dire que le scrutin majoritaire garantit l'alternance. Un instant, il faut à mon avis connaître très mal l'histoire parlementaire, non seulement celle du Québec, mais des autres provinces. Allez donc dire que le scrutin majoritaire garantit l'alternance, allez dire ça aux Albertains, qui ont le même gouvernement depuis 1971. Allez dire ça aux Néo-Écossais, qui ont connu le même parti au pouvoir pendant 43 ans. Allez dire ça aux Ontariens, qui, de 1943 à 1985, 42 ans à peu près, ont eu le même gouvernement conservateur. Et vous allez me dire que le scrutin majoritaire garantit l'alternance, pour ne rien dire de la longue période du règne libéral de MM. Gouin et Taschereau ou celle de M. Duplessis?

Maintenant, allez me dire maintenant que la proportionnelle exclut l'alternance. Encore là, il faudrait regarder comme il faut. J'ai rassemblé quelques données ici. En Espagne, la droite a gagné en 1976, 1978, 1996 et 2000; la gauche a gagné en 1982, 1986, 1990 et elle était au pouvoir en 2005. Ça fait quatre gouvernements différents en 30 ans. Au Portugal, la droite a été au pouvoir en 1980, la gauche en 1983, la droite en 1985, la gauche en 1995, la droite en 2002, puis la gauche en 2005. Écoutez, on pourrait multiplier les exemples, M. le ministre. Mais retenez ceci, moi, une chose qui m'a frappé, c'est que ceux qui font ce genre d'affirmation là, la proportionnelle va tuer l'alternance, se font demander: Pouvez-vous nous donner des cas pratiques pour prouver votre affaire?, et leur réponse, c'est de dire: Bien, la proportionnelle va tuer l'alternance, et le scrutin majoritaire la garantit. Vous avez là un exemple parfait de raisonnement qui ignore la réalité et qui sert simplement à monter des arguments politiques, à mon avis.

M. Pelletier: Certaines personnes qui sont favorables au principe de la proportionnalité des résultats veulent réduire les distorsions, nous recommandent d'avoir des districts plus grands. D'autres parlent d'une compensation nationale plutôt qu'une compensation régionale. Qu'est-ce que vous pensez de tout cela?

M. Massicotte (Louis): Bon, écoutez, si je pensais qu'il y avait une seule délimitation de districts possible, celle que le gouvernement a choisie, je n'aurais pas pris la peine d'en examiner cinq dans mes travaux et de faire toute une batterie de simulations pour l'ensemble de ces cinq hypothèses. Je n'ai jamais pensé d'ailleurs que les cinq hypothèses que j'avais envisagées étaient les seules raisonnables.

J'ai mentionné aussi bien clairement dans mon document de travail qu'ultimement, en ces matières-là, c'est une question de choix politique, c'est-à-dire que ce qui est excellent pour un ne l'est pas pour l'autre. Vous avez deux extrêmes: vous avez la compensation provinciale et vous avez, à l'autre extrême, une division en 26 districts. Ça dépend des valeurs que vous privilégiez. Si vous privilégiez la question du lien territorial entre le député de liste puis un territoire concret, à ce moment-là je pense que les 26 districts sont probablement supérieurs à toute autre hypothèse parce qu'ils enracinent le député de liste dans un territoire concret. Mais vous savez aussi bien que moi le prix qu'on paie pour ça, la proportionnalité est moins parfaite, et on ne peut pas sortir de ce dilemme-là. Si vous allez à l'autre extrême puis vous choisissez la compensation provinciale, comme le réclament avec insistance les très petits partis, parce que pour eux c'est la formule indispensable pour entrer à l'Assemblée, je l'ai bien démontré à l'intérieur de mon travail, parce que j'ai accordé de la réflexion à ces conditions-là, eh bien, à ce moment-là, vous avez des députés qui risquent d'être privés d'un enracinement régional concret. Je n'insisterai pas là-dessus, je pense que c'est bien expliqué.

Alors, vous pouvez choisir sans aucun doute des solutions intermédiaires. Ça, c'est le rôle de votre commission. Je ne pense pas que vous réussissiez à satisfaire tout le monde à l'intérieur de ça. S'il y a une leçon qui ressort du débat depuis le début, c'est que la commande est un peu grosse de ce côté-là. Mais rien ne vous interdit de choisir des solutions intermédiaires, de réduire... Et notamment la voie la plus prometteuse à mon avis dans cette direction-là, c'est essayer d'agrandir les districts dans la région montréalaise et, de façon plus générale dans les régions, où vous avez une forte densité de population. N'essayez pas d'agrandir les circonscriptions à des districts, dis-je bien, en Gaspésie ou en Abitibi. Là, franchement, j'ai l'impression que la géographie nous dicte un arrangement dont il est difficile de sortir.

Mais, quand il s'agit, par exemple, de la région montréalaise, est-ce qu'on peut avoir des districts de sept ou de huit? C'est une hypothèse qui me paraît devoir être explorée. Je comprends que mon ami M. Milner a commencé à faire des travaux là-dessus, eh bien c'est le rôle de votre commission justement d'envisager ce genre d'hypothèse. Et, moi, personnellement, je ne m'y objecterais pas à condition... Soyez bien certain, M. le ministre, que ça entre en conflit avec d'autres valeurs que vous pouvez également privilégier, notamment la stabilité gouvernementale. C'est-à-dire que, si le système devient plus proportionnel, la stabilité gouvernementale peut en être réduite dans une certaine mesure. C'est à la politique d'arbitrer ce genre de choix, et pas aux experts.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le ministre. Je vais maintenant aller du côté de M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, M. Massicotte, non seulement vous faites partie du nombre d'experts qu'on a entendus ici, mais, en quelque part, on pourrait, sans exagérer, vous imputer d'une certaine manière la paternité de cet avant-projet de loi, quoique vous vous en dédouanez, ce matin, en nous disant qu'il y a des choix qui n'étaient pas les vôtres. C'est ce que je comprends de ce que vous avez dit ce matin.

Pour pouvoir faire votre analyse et déposer ce qui a inspiré le gouvernement, notamment les simulations, vous avez dû profiter des données de l'équipe de la Commission de représentation électorale, j'imagine?

M. Massicotte (Louis): Oui, on a procédé de la façon suivante...

M. Thériault: Est-ce que vous avez profité des données de la Commission de représentation électorale?

M. Massicotte (Louis): Ce qu'on a fait, c'est que d'abord le projet initial, celui que j'avais élaboré, parlait de 75 circonscriptions, circonscriptions de base. Et les circonscriptions électorales fédérales étaient le seul découpage de 75 comtés qui était acceptable... qui était disponible, je veux dire. Alors, à ce moment-là, on a tout simplement demandé à la Commission de la représentation: Avec les moyens que vous avez, avec les ordinateurs, avec l'identification des sections de vote, êtes-vous capables de nous transposer les résultats des élections provinciales de 1998 et de 2003 dans le cadre territorial des 75 circonscriptions électorales fédérales? Ils nous ont répondu: On peut faire ça, mais seulement pour les élections de 1998 et de 2003. Remonter plus loin que ça, on n'a pas les moyens, et ça semblait fort compliqué. Bien, j'ai dit: On va se contenter de ça, parce que le but du programme de simulation, ce n'était pas de réécrire l'histoire politique du Québec, hein? On est bien conscient là-dessus que ce n'est pas pareil. Alors, c'est eux qui ont fait les calculs, j'espère qu'ils n'ont pas fait d'erreur. Je pense qu'ils ont bonne réputation et je me suis fié à leurs calculs.

M. Thériault: Je m'excuse, je vais peut-être, des fois, vous interrompre, mais je n'ai que 10 minutes, questions-réponses, et j'ai une série de questions à vous poser pour le débat. Je pense que c'est important de pouvoir bénéficier de toutes vos réponses.

La Commission de représentation électorale... Parce que vous avez fait état, dans votre mémoire de janvier, que la carte électorale, quel que soit le mode de scrutin, pouvait induire des distorsions. Et vous dites: Au Québec, présentement, la carte électorale n'induit plus les distorsions qu'elle pouvait induire, en plus de la distorsion mathématique, là, dont on parle. Et vous dites dans votre mémoire: Par contre, ce qui a pris le relais de ça, c'est la concentration du vote libéral, entre autres. Et ce qui me questionne, c'est qu'aucun des critères de la Commission de représentation électorale n'est fondé sur la répartition du vote et de la clientèle des partis politiques.

n (11 h 20) n

Et, aujourd'hui, vous vous défendez beaucoup d'attaques par rapport à des biais, un biais partisan dans vos travaux, mais, dans votre mémoire, alors que tous les experts qui sont venus en commission nous ont dit que la raison de changer de mode de scrutin, c'est que le mode de scrutin britannique consacre le bipartisme, un mode de scrutin proportionnel permet à ce moment-là de traverser le bipartisme pour aller vers autre chose, une assemblée nationale plurielle, vous ne parlez jamais, dans votre mémoire, de l'ADQ ou du tiers parti qui est défavorisé dans un système britannique. Alors, je me dis en quelque part que des gens induisent un biais partisan, alors qu'au fond... Si j'avais, moi, à établir, là... ou un groupe de citoyens avaient à établir un mode de scrutin partant d'un britannique, sachant qu'il y a le parti A, B, C et qu'on est dans un mode de scrutin britannique, puis on dit: Allez vers une formule proportionnelle, est-ce qu'ils devraient, d'abord et avant tout, ces gens-là, se préoccuper de la répartition de la population sur le territoire ou de la répartition de la clientèle de chacun des partis A, B et C?

D'autre part, en réponse au ministre, vous avez répondu que le système qui est en place était tout à fait correct par rapport au principe de l'alternance, mais est-ce que vous êtes en train de nier que le modèle qui est sur la table consacre le tripartisme?

M. Massicotte (Louis): Bon. Alors, je ne sais pas si c'est une question ou une intervention.

M. Thériault: Il y a trois questions.

M. Massicotte (Louis): Oui. On va essayer de reprendre ça. D'abord, la question la plus fondamentale, c'est... Écoutez, si j'avais voulu faire un système sur mesure pour le Parti libéral, ça aurait été fort simple, j'aurais tout simplement dit: Gardez le système actuel parce que ça permet au Parti libéral de demeurer un des deux grands partis, mais organisez-vous pour que, si jamais... faites comme dans l'île de Malte, si jamais un renversement se produit comme en 1998, eh bien, à ce moment-là, créez le nombre de sièges de liste suffisant pour que le parti premier en voix se retrouve premier en sièges également. Et naturellement ce n'est pas ça que j'ai proposé parce que les gens de l'ADQ puis les gens des très petits partis auraient été tout à fait légitimes de dire: Qu'est-ce qu'il y a pour nous autres?

D'ailleurs, les deux raisons que j'ai mentionnées pour modifier le mode de scrutin, en passant, ce n'est pas uniquement le «gerrymander» linguistique, c'est également la question du fait que les distorsions sont plus élevées au Québec que partout ailleurs, y compris dans les sociétés qui pratiquent le scrutin majoritaire à un tour. Alors, si j'avais voulu faire un système pour le Parti libéral, j'aurais dit: Faites ça. Et ce n'est pas ce que j'ai proposé.

Si j'avais voulu faire un système sur mesure pour le Parti québécois, mon rapport aurait été beaucoup plus bref, je leur aurais dit: Écoutez, je comprends que vous êtes dans l'action politique, mais je pense que franchement il est difficile pour vous d'être mieux servis que par un système qui vous permet de gagner même quand vous avez perdu.

Et maintenant, sur une autre question, si vous me permettez de terminer les réponses à votre longue question, sur les inégalités de la carte électorale, moi, je n'ai jamais accusé qui que ce soit d'avoir tripoté la carte électorale, hein, je veux être bien clair là-dessus. Le phénomène que j'ai mentionné d'ailleurs se produit avec deux découpages électoraux: celui en 125 comtés et celui en 75. Donc, nous sommes en présence d'un «gerrymander» involontaire, naturel, qui tient à la concentration naturelle des gens qui parlent une même langue dans un territoire parce que c'est la meilleure façon pour eux de survivre. Les inégalités de population qui existaient auparavant, ça, c'est un phénomène différent, et qui a été éliminé, et qui ne joue plus maintenant, en ce sens que, même s'il y a des inégalités entre les populations des circonscriptions électorales, eh bien vous n'avez plus d'avantage distinct qui en est donné par un parti politique plutôt que l'autre.

M. Thériault: Bon. Alors, il me reste à peine trois minutes. Je vais aller à une autre question, malgré que ce que je comprends de ce que vous me dites, là, c'est que le système actuel consacre le bipartisme. Vous en êtes, il n'y a pas de problème. L'avant-projet de loi...

M. Massicotte (Louis): Je n'ai jamais dit ça. Il ne consacre pas le bipartisme, nécessairement.

M. Thériault: Alors, on ne peut pas dire qu'il consacre le bipartisme, le système majoritaire?

M. Massicotte (Louis): On a déjà eu quatre partis à l'Assemblée.

M. Thériault: D'accord. O.K. C'est beau, c'est beau. O.K. Alors, au niveau de la tenue d'un référendum, la majorité des experts qui sont venus nous voir ont affirmé qu'il était nécessaire d'avoir un plébiscite dans le débat pour trancher le débat. Vous ne semblez pas de cet avis et, dans la Revue parlementaire canadienne, vous dites... de novembre 2004, donc un mois avant le dépôt du projet de loi par le gouvernement, en décembre, vous dites: «Un des problèmes que suscite l'outil référendaire, à mon humble avis, en matière de réforme du mode de scrutin, c'est que le sujet ne passionne pas les foules. [Alors, pour] gagner un référendum sur ce sujet, il faut exciter les électeurs. On est obligé, dans le feu de l'action, de faire flèche de tout bois, de présenter la réforme comme une sorte de panacée, une baguette magique. On dit que la discipline de parti va disparaître, que les Parlements vont se féminiser massivement, que la participation électorale va grimper dans la stratosphère, que la politique va devenir du jour au lendemain un exercice consensuel fondé sur la seule règle de l'amour infini.» Pourtant, dans votre mémoire, vous dites faire confiance à l'intelligence des électeurs. Pourquoi ne faites-vous pas confiance à l'intelligence des électeurs pour pouvoir trancher ce débat?

M. Massicotte (Louis): Il y a une différence entre être intelligent puis être intéressé par un sujet. Le fait est, la réalité, regardez la couverture médiatique qui a entouré votre commission, on ne peut pas dire que c'est un intérêt. Je le regrette, personnellement. J'aimerais bien que davantage de gens soient intéressés par le sujet, mais ce n'est pas le cas.

M. Thériault: N'a-t-on pas le devoir de s'assurer d'intéresser les gens dans ce débat?

M. Massicotte (Louis): Intéressez autant que vous voulez. La question qui se pose, la question, c'est de savoir si le référendum est indispensable. C'est ça qui était mon point. Et là-dessus, sur cette question-là, on peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre de pays souverains qui croient que la règle à laquelle vous tenez avec tant d'insistance constitue quelque chose d'indispensable. En opposé, on peut énumérer des dizaines de pays qui ont modifié leur mode de scrutin sans recourir à ça.

M. Thériault: Il y a des pays qui ont changé leur statut constitutionnel au Parlement aussi.

M. Massicotte (Louis): Oui, exactement, et ce qui m'apparaît tout à fait remarquable. D'ailleurs, un de vos collègues a dit que l'indépendance du Québec ne nécessitait pas... ne nécessitait pas...

M. Thériault: Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

Le Président (M. Ouimet): M. le député. M. le député de Masson.

M. Massicotte (Louis): Un de vos collègues a été dire ? et je pense qu'il y en a d'autres qui pensent la même chose ? même pour faire l'indépendance du Québec, le référendum n'est pas indispensable. Et là on vient nous dire que la réforme du mode de scrutin qui est un enjeu qui passionne beaucoup de gens... Écoutez, il me semble que vous êtes un expert en logique, puisque vous étiez professeur de cette matière au cégep, il me semble qu'à un moment donné l'indispensabilité d'un référendum est loin d'être évidente à mes yeux.

Maintenant, si vous avez une idée que je vous le ferais... si vous tenez absolument à faire un référendum, peut-être qu'une des bonnes idées intéressantes serait de faire un référendum sur le système actuel, qu'on demande aux Québécois de dire si le système qu'ils ont actuellement, c'est celui qu'ils veulent. Parce qu'attention, hein, en passant, le système actuel, il est le fruit de décisions politiciennes, ces décisions qu'on dénonce, là. Alors, peut-être qu'on pourrait demander aux Québécois d'abord s'ils veulent conserver le statu quo. S'ils veulent le conserver, bien enterrez l'avant-projet, enterrez les documents, enterrez tout le reste. Mais, s'ils veulent un changement, bien, à ce moment-là, qu'on aille directement dans cette direction et que le statu quo ne triomphe pas par défaut.

Le Président (M. Ouimet): M. Massicotte, je dois maintenant aller du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. M. le député.

M. Picard: Merci, M. le Président. M. Massicotte, merci de votre présence et de vos commentaires ce matin. Je veux faire un bout de chemin sur les districts. Si j'ai bien compris, tantôt, suite à l'intervention du ministre, c'est certain que le système qui permettrait la meilleure correction par la proportionnelle, c'est un district, c'est le Québec. Et je comprends que, vos simulations, vous avez indiqué de 1 à 26. 26, c'est le meilleur lien avec les citoyens. Il semble que, par décision politique, on a décidé que c'était 26, tout simplement. Mais, moi, si je me base sur l'appartenance des citoyens dans leur milieu, au Québec, il y a des régions administratives qui ont été crées. Et, de plus en plus, on a les CRE pour les élus, on a les agences de santé qui sont dans les régions administratives, donc on veut créer... on a réussi à créer un sentiment d'appartenance aux gens, puis les gens disent: Moi, je suis de la Capitale-Nationale, moi, je suis de Chaudière-Appalaches. Donc, on entend ça de plus en plus.

Selon vous, est-ce que ce ne serait pas le chemin mitoyen, la meilleure solution? Parce que je comprends que le 1, c'est meilleure proportionnalité, le 26, le meilleur lien avec la population. Mais entre les deux, là, les régions administratives, selon vous, est-ce que ce serait acceptable et est-ce que ce serait souhaitable?

M. Massicotte (Louis): Oui. Alors, vous remarquerez, dans un premier temps, là, que bon nombre des 26 districts sont en fait des régions administratives, hein, que, quand vous avez, disons, l'Outaouais, quand vous avez la Mauricie, quand vous avez ville de Laval, vous avez des districts qui correspondent à peu près entièrement à des régions administratives. Moi, d'ailleurs, c'est ce qui m'a amené honnêtement, contrairement à mon idée initiale, à favoriser de petits districts. J'étais parti avec l'idée de faire quatre ou cinq grandes régions de compensation puis, quand j'ai regardé la carte du Québec, je me suis dit: Ça n'a aucun bon sens, on a toute une série de petites régions naturelles qui totaliseraient cinq sièges et on ne peut pas passer à côté de ça.

La grande difficulté que j'ai avec les régions administratives, c'est Montréal. Très franchement, là, faire de l'île de Montréal... Peut-être que l'île de Montréal est une région administrative, mais franchement, là, quand vous regardez la réalité sociologique, linguistique, économique de Montréal, prétendre que Montréal forme une entité indissociable, indivisible me paraît forcer la réalité. On a vu la question des fusions municipales, et vous avez vu ce que les électeurs ont fait du plan qui consistait... de l'idée qui consistait à considérer que... Montréal une île, une ville.

n (11 h 30) n

Alors, par conséquent, ne pas subdiviser Montréal pose toute une série de problèmes. Vous allez vous heurter, en passant, à la minorité anglophone, qui va dire: Tiens, c'est ça, on est minoritaires, à la grandeur de Montréal, donc vous voulez nous minoriser, à la grandeur de l'île, et nous enlever, au niveau des listes, les représentants auxquels on aurait droit. Ce n'est peut-être pas vrai, mais ça va se dire.

Donc, à mon point de vue, vous devriez... vous pouvez agrandir les districts mais certainement pas vous aligner systématiquement sur les régions administratives à cause de Montréal et des environs. Autrement, vous allez créer une sorte de proportionnelle à deux vitesses: scrupuleuse à Montréal et imparfaite partout ailleurs. Vous vous exposez à un recours peut-être, en vertu des chartes, avec ça.

M. Picard: O.K. Donc, si je comprends bien, le 26, c'est peut-être de diviser trop finement. Qu'est-ce que je comprends de vos propos, peut-être que la solution que vous proposeriez, ce serait 20 ou 21, là, tu sais, pour tenir compte de la particularité de la région de Montréal. C'est ça?

M. Massicotte (Louis): C'est ça. Voyez-vous, quand vous regardez tous les projets de délimitation régionale qui ont été sortis, sur cette question-là, depuis peut-être 20 ou 30 ans, ça tourne toujours dans la vingtaine. Vous avez remarqué sûrement. Je pense que M. Béland disait 21. Alors, 26, 21, chacun a son chiffre. Moi, je pense que c'est le genre de chose que des experts de la Commission de la représentation électorale pourront éventuellement déterminer davantage, mieux certainement que moi.

M. Picard: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci à vous, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Du côté de notre comité citoyen maintenant, M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, M. Massicotte. Dans votre mémoire, vous évoquez divers motifs expliquant votre préférence envers le vote unique versus les deux votes: d'abord, l'argument de la simplicité, celui du taux de rejet. Bien que ce ne soit pas à négliger, on peut s'entendre que ce seraient quand même des arguments plutôt faibles, surtout lorsqu'on accorde une certaine crédibilité, une certaine part à l'intelligence de l'électeur.

Celui des manoeuvres à l'italienne apparaît beaucoup plus sérieux. Ça a l'air d'être un important problème. Mais vous répondez à ceux qui répondent justement, qui rétorquent qu'on peut contrer le problème en obligeant des candidatures de comté, vous répondez à votre tour que ça, ça aurait comme contrepartie de défavoriser les très petits partis.

Mais cet argument-là... ce contre-argument-là de votre part m'apparaît encore une fois, là, plutôt faible lorsqu'on sait que de très petits partis ont souvent présenté des dizaines de candidats, ont réussi à le faire. Et, surtout, lorsque l'on appuie un modèle qui lui-même ne favorise non pas les très petits partis, mais même les petits partis, ça fait un petit peu bizarre d'entendre l'argument.

Quatrième argument, votre démonstration allemande. Mais je ne veux pas être impoli, en tant qu'étudiant, à l'égard d'un professeur, mais il me semble qu'à prime abord, en étant tenue dans un seul pays, on sait très bien qu'avec les différences de culture, avec les différences des forces politiques en place, on sait très bien qu'on pourrait aller jusqu'à dire que cette démonstration-là ne prouve rien ou, au mieux, si elle démontre quelque chose, elle pourrait démontrer au maximum que le deuxième vote ne garantit pas forcément une hausse de la proportionnalité, pas davantage, si c'est même jusque-là.

Donc, par rapport à des arguments comme celui de la capacité du deuxième vote de nuancer la préférence de l'électeur, qui retient la préférence de votre collègue M. Blais, tout d'abord, au niveau de faire un choix, disons, de tête, un genre de choix stratégique parmi les deux candidats qui ont des chances de rentrer dans mon comté, lequel que je vais favoriser, ou bien la capacité de faire un choix de coeur, si on veut, lequel, au niveau programmatique, je préférerais appuyer, donc il peut y avoir cette finesse-là de moduler le choix de l'électeur. Mais aussi ce qu'on entend, c'est quelquefois on pourrait choisir de dire: Je préfère voter pour l'homme dans le comté, l'homme ou la femme, disons l'individu, et, dans mon deuxième vote, bien, favoriser, encore là, au niveau... mon choix de programmatique, ainsi de suite.

Donc, considérant la faiblesse réelle ou apparente des arguments, telle que je l'ai démontrée, ce qui m'apparaît ce que vous... ce qui appuierait votre préférence, par rapport à ces arguments-là qui m'apparaissent plus forts, j'aimerais vous entendre commenter mes réflexions à cet égard-là.

M. Massicotte (Louis): Oui. Vos arguments ne m'ont pas convaincu. Pour moi, la question se pose de la façon suivante. C'est que, séduisante peut-être, la... Je sais que c'est plaisant, l'idée de deux votes. J'en suis bien conscient. C'est ce qui m'avait amené, d'ailleurs, dans un premier temps, à être d'accord avec André Blais sur cette question-là, à savoir: Tiens, c'est vrai, puis les gens aimeraient ça pouvoir distinguer leur vote de circonscription puis leur vote de parti. Quoiqu'en passant il n'y a jamais la majorité des gens qui font ça, hein? On n'a jamais dépassé 39 % de gens qui splittent leur vote pour une raison ou pour une autre. Donc, c'est peut-être le fait... c'est quand même le fait d'une minorité que de vouloir ça, mais j'admets que c'est séduisant.

La question, c'est que, quand une modalité crée la possibilité d'un détournement qui pervertit l'essence même du système... Je ne parle pas d'une hypothèse, ça avait été évoqué, auparavant, comme hypothèse, en Nouvelle-Zélande, ça s'est produit, en Italie, et ça s'est produit au Venezuela. Alors, j'ai demandé aux gens: Trouvez-moi une façon hermétique, qui exclut totalement... J'en ai discuté avec mes collègues, de la formule de l'UFP dont le problème... Ce n'est pas le seul problème, en passant, la question du nombre de candidats, c'est que le détournement demeure possible. J'en ai discuté avec plusieurs collègues, y compris avec des gens qui étaient favorables à ça. Je leur ai posé la question: Écoute, si tu me trouves une façon, si votre commission trouve une façon hermétique d'empêcher ce genre de détournement, je serai le premier à dire que deux votes, c'est une bonne idée.

Mais, autrement, très franchement, je pense que... puis c'est ça qui me frappe le plus, c'est que, si le système... le détournement qui s'est produit, en Italie, que M. Derriennic vous a expliqué probablement encore mieux que moi, ce détournement-là a eu pour effet de transformer un système compensatoire en un système parallèle ou de superposition, c'est-à-dire de pénaliser, d'abord et avant tout, les petits partis. Il m'arrive parfois de dire que, dans ce débat-là, il faut protéger les petits partis contre eux-mêmes.

Le Président (M. Ouimet): Ça répond à vos questions, M. Boivin? Donc, je vais aller du côté maintenant de M. Gaboury.

M. Gaboury (Charles): Bonjour, M. Massicotte. J'avais une question justement sur le deuxième vote. Je ne reprendrai pas cette question-là. J'en ai une autre, mais je vais juste quand même citer... dans votre texte, ici, vous mettez, et j'ai bien aimé la citation: «Même aujourd'hui, il y a encore des gens, en Allemagne, qui ne savent pas que c'est le second vote qui est le plus important.» J'ai bien aimé.

Mais, pour venir à ma question, dans un mode de scrutin unique proportionnel, quelle est l'importance, disons, du pourcentage d'équilibre des circonscriptions en termes de pourcentage d'électeurs? Est-ce que c'est important que ça se rapproche, qu'on le ramène à 15 % d'écart entre une circonscription et l'autre ou si on peut augmenter l'écart du fait que la proportionnelle peut corriger certains...

M. Massicotte (Louis): Non. Franchement, je pense qu'il n'y a pas de lien absolu entre les deux. En fait, puisque vous avez une compensation, cette compensation-là a pour effet d'éliminer pas mal les bobos qui pourraient résulter, là, du fait que, par exemple, il y a beaucoup de différences dans les populations moyennes des comtés remportés par chaque parti, puis comme dans les années cinquante, au Québec, puis par conséquent un parti en tire un avantage, dans la distribution des comtés, mais les sièges compensatoires ont pour effet d'opérer une péréquation très réelle.

Donc, les deux phénomènes sont indépendants l'un de l'autre, et jamais je ne voudrais dire que le système qui est proposé par le gouvernement exige à tout prix des écarts de seulement 15 %, même si, moi, personnellement, je trouve que c'est plutôt une bonne idée, mais c'est mon point de vue là-dessus, et il n'y a pas de lien obligatoire entre les deux.

Le Président (M. Ouimet): Bien. D'autres interventions de la part des membres du comité citoyen? M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Oui. Je vous dirais, vous m'avez répondu que le détournement italien, c'est un système à finalité proportionnelle, disons, en arrive à un système parallèle, mais est-ce que même un système parallèle, au niveau du pluralisme, n'est pas favorable par rapport au statu quo? Donc, est-ce que même le système voulu, amputé du détournement italien, ne serait pas, à cet égard-là, de toute manière favorable à l'expression du pluralisme?

M. Massicotte (Louis): Oui. Bien, c'était la théorie de M. Guay et de M. Pelletier, hein, qu'on aurait... Réjean Pelletier. Et ce qui m'a frappé, c'est que M. Guay a lancé cette idée, et je pense que, tout de suite après, lors de vos travaux, c'est M. Cliche, grand partisan du deuxième vote, qui passait, et il m'a semblé le voir foudroyer l'idée immédiatement, en disant: Nous, on n'est pas du tout intéressés à un système parallèle. Et je pense qu'il a raison, parce qu'un système compensatoire est infiniment plus favorable pour les petits partis que peut l'être un système parallèle. Un système parallèle donne aux grands partis non seulement leur plein quota de sièges, là, de sièges de comtés, mais en plus leur donne, s'ils ont eu 50 % du vote, il leur donne 50 % des sièges de liste. Alors, il en reste d'autant moins pour les très petits partis.

n (11 h 40) n

La beauté de la compensation, là, c'est que vous avez une attribution prioritaire des sièges aux partis qui sont pénalisés par le scrutin majoritaire. Et ça inclut bien sûr les partis, les très petits comme l'UFP ou les partis de taille moyenne comme l'ADQ.

Le Président (M. Ouimet): M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): O.K. Mais, indéniablement, par rapport à un système où il y aurait une réelle compensation, le système parallèle permet moins l'expression, disons, de la pluralité de la société. Mais, par contre, par rapport au modèle qui est le vôtre, on se rend très bien compte qu'un parti pourrait aller chercher facilement du 10 % ou du 12 %, et, si son vote n'était pas concentré dans une certaine région géographique, pourrait n'avoir aucune représentation au niveau de l'Assemblée nationale.

Tandis qu'un tel système parallèle auquel on arriverait dans le cas d'un système à finalité compensatoire détourné, le système à M. Guay, ça fait en sorte qu'un parti qui obtiendrait 6 %, si on met 50 sièges, 50 sièges dans un système parallèle à répartition nationale, c'est-à-dire que chaque 2 %, un parti s'en va chercher un siège, et finalement se retrouve représenté à l'Assemblée nationale, ce qui ne serait pas le cas de votre modèle à vous.

Donc, à ce moment-là, au niveau de la pluralité...

M. Massicotte (Louis): ...le modèle du gouvernement.

M. Boivin (Guillaume): ...il y a une gradation, certainement, là. Mais, entre la compensation réelle et le vôtre, il y aurait quand même un système parallèle qui aurait des performances supérieures à l'égard du pluralisme. Je limite mon propos à ce niveau-là.

M. Massicotte (Louis): Je ne pense pas du tout. Je regrette, mais je ne suis pas du tout de votre avis. Et, en passant, d'ailleurs, je ne sais pas quel... Vous avez lu probablement les simulations de M. Serré, l'analyse que j'en fais. Bien, un élément intéressant qui ressort des simulations de M. Serré, c'est qu'il est le premier à concéder que le RIN, en 1966, avec 5 % du vote, aurait obtenu un siège, que l'ADQ, en 1994, avec 6 % des voix, aurait obtenu un siège. Donc, vous ne pouvez pas dire que je les empêche d'avoir une représentation.

Le Président (M. Ouimet): Bien...

M. Massicotte (Louis): Oui. Mais, si le vote est concentré, justement, je pense que ce n'est pas très, très difficile, quand vous avez 6 %, 7 % du vote, de franchir le cap des 15 % ou 16 %, 15 % à peu près dans une région. Et, si, en plus, en passant, les districts sont élargis à 7, à 8 ou à 9, là vous augmentez encore de façon intéressante les chances des très petits partis.

Mais je termine là-dessus, sur un petit point. C'est que, vous savez, le problème des très petits partis, ce n'est pas le système électoral, hein, c'est le peuple. J'ai essayé toutes les modalités possibles pour essayer de leur trouver des sièges...

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Massicotte...

M. Massicotte (Louis): ...et ils avaient 1 % du vote.

Le Président (M. Ouimet): ...je dois vous interrompre parce qu'on était rendus sur le temps des ministériels. Donc, je reviens, et je donne la parole à M. le ministre.

M. Pelletier: Merci. M. Massicotte, certaines personnes disent qu'un système proportionnel mixte avec seulement qu'un vote n'est pas vraiment proportionnel. On a entendu ça. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Massicotte (Louis): Je pense que mon mémoire répond tout à fait à cette question-là. Écoutez, il va y avoir des élections législatives, dans le Bade-Würtemberg, en Allemagne, là, au mois de mars prochain. Vous ne trouverez pas un seul spécialiste pour vous dire que le Bade-Würtemberg, contrairement à tous les autres États allemands, n'a pas de système proportionnel. Tout le monde sait très bien que ça fait 40 ans, 50 ans que le système existe puis qu'il est aussi proportionnel que les autres.

Comme je vous dis, je pense que la question... Les gens s'imaginent là, que, parce qu'il y a un seul vote, les gens ne comprendront pas que, dans un district, les votes exprimés en faveur des candidats locaux qui n'ont aucune chance dans la circonscription vont quand même être regroupés à l'échelle du district et vont avoir un impact.

M. Nigel, en passant, là-dessus, vous a fait une remarque tout à fait appropriée que j'appuie à 100 %. C'est que, si un système est approuvé avec un seul vote, il faudra à tout prix que la commission électorale s'empresse de faire bien comprendre aux gens cette réalité-là. Et il faut espérer que les partis qui ont raconté fréquemment qu'un vote signifiait que ce ne serait pas proportionnel oublieront leurs discours, parce que, s'il faut que les électeurs ajoutent foi à ces discours-là, ils vont dire: Bien, coudon! Ah! l'UFP nous a dit qu'avec un seul vote notre vote n'a aucune chance; bon, bien, on ne votera pas pour l'UFP. Il faut au contraire que les gens comprennent que leur vote dans un district a une chance... dans un comté a une chance de peser au niveau du district.

M. Pelletier: En ce qui concerne la double candidature, certaines personnes soutiennent qu'elle favorise les députés sortants ou qu'elle favorise l'élection d'hommes. On a eu ces arguments-là qui ont été avancés, pas plus tard qu'hier, en ce qui concerne justement l'élection des hommes. Je voulais savoir ce que vous en pensez.

M. Massicotte (Louis): Écoutez, la réponse, je pense, se trouve dans les statistiques électorales. La double candidature est permise pratiquement partout. On la restreint, au Mexique, c'est à peu près le seul cas que je connais. La représentation féminine, à l'intérieur des Parlements élus au système mixte compensatoire, regardez les chiffres. Ils sont accumulés, je pense que c'est dans le chapitre XII du rapport. Et puis vous voyez que vous avez des taux très élevés de représentation féminine. Alors, je ne pense pas du tout... même que, je pense, les sièges compensatoires sont ceux qui procuraient le plus d'élues féminines traditionnellement. Donc, je pense que c'est une critique qui n'est pas fondée. À mon avis, c'est un épouvantail.

Je pense d'ailleurs que la double candidature est essentielle à l'économie du système parce qu'autrement... Ça, beaucoup trop de gens n'y réfléchissent pas. C'est que, supposez que vous interdisez la double candidature, à ce moment-là, un parti a deux équipes de candidats, une dans les circonscriptions et une sur la liste. Or, savez-vous que ça veut dire ceci? Ça veut dire que, pour qu'un candidat de liste ait une chance d'être élu, il faut que ses collègues, dans les circonscriptions, se cassent la figure. Les chances d'élection des deux groupes sont inversement proportionnelles l'une à l'autre. Vous vous imaginez le genre de candidatures que ça va faire, sans oublier le fait que...

Imaginez René Lévesque en 1970 et en 1973. Moi, je pense que l'Assemblée nationale a été appauvrie du fait que René Lévesque s'était présenté dans des circonscriptions qui n'étaient pas gagnables pour son parti. J'ai même entendu dire qu'en 1973 le recherchiste du parti avait mal calculé le pourcentage d'anglophones dans la circonscription. M. Lévesque présente sa candidature, puis il s'aperçoit, en milieu de campagne, que le recherchiste avait sous-évalué la proportion d'anglophones. Il a été battu par quelques centaines de voix.

Le Président (M. Blackburn): Alors, M. Massicotte...

M. Massicotte (Louis): Il me semble que c'est des aberrations.

n (11 h 50) n

Le Président (M. Blackburn): ...permettez moi d'abord de vous arrêter, le temps imparti à cette présentation est maintenant terminé. Je vous remercie, au nom de la commission, et j'inviterais maintenant les gens de la Centrale des syndicats démocratiques à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Blackburn): Alors, merci. J'inviterais maintenant la Centrale des syndicats démocratiques à prendre place.

Je vous rappelle... je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période de 20 minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors, à vous la parole.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Faucher (Claude): Alors, merci, M. le Président. Il me fait plaisir de présenter le point de vue de la Centrale des syndicats démocratiques sur l'avant-projet de loi concernant la Loi électorale. Mon nom est Claude Faucher. Je suis vice-président de la CSD. Et, pour ce faire, je suis accompagné de Normand Pepin, qui est responsable du service de la recherche à la CSD.

D'entrée de jeu, j'aimerais faire part de ma doléance à l'effet qu'on constate que le temps alloué aux organismes et personnes qui viennent parler ici, devant la commission parlementaire, diffère selon le groupe, ce qui est fort étonnant, quant à nous. C'est la première fois qu'on voit ça, et on pense que notre droit de parole devrait être au moins d'une durée égale à celle des autres, d'autant plus qu'on ampute un peu sur notre temps par des questions qui s'allongent. Enfin. Voilà.

Alors, bref, la CSD n'est pas une experte en ce qui concerne les modes d'élection, mais, comme organisme de pression et de changement social, on se croit interpellés par le grand débat démocratique qui se propose et qui est nécessaire, quant à nous, dans notre société, en ce qui regarde le processus électoral au Québec.

Déjà, en 2003, à l'occasion du discours inaugural, M. Charest annonçait qu'il allait modifier le mode de scrutin pour refléter le plus fidèlement possible le suffrage des personnes, que ça favoriserait l'exercice du droit de vote, faire en sorte que chaque citoyen se sente investi de la capacité de changer les choses et qu'on les encourage à exercer leur droit de vote. Ces grands principes là, énoncés dans le discours inaugural du premier ministre Jean Charest, en juin 2003, nous les partageons tout à fait, mais nous croyons que le projet de loi qui est sur la table ne reflète pas cette intention, soit-elle aussi louable que possible.

Pour nous, à la CSD, ce que nous pensons, c'est que le mode de scrutin doit d'abord faire l'objet d'une grande campagne d'éducation civique, préalablement à un référendum, pour que les citoyennes... la population du Québec puissent déterminer du mode de scrutin. Donc, pour ce faire, les gens doivent prendre connaissance de différentes avenues qui se posent, différentes propositions qu'on leur fait, des alternatives et du choix qu'ils ont de maintenir le processus actuel, bref un débat sur les avantages et les inconvénients.

Mais ce qui nous préoccupe, c'est que le taux de littératie, au Québec, il y a des études qui démontrent qu'il y a à peu près 50 % des gens ? puis le Canada ne diffère pas ? qui ont de la difficulté à lire et comprendre un texte suivi. Alors, il faut d'abord s'attarder à ça, et faire un vaste programme d'éducation populaire, d'éducation civique, et faire en sorte que les gens comprennent bien les enjeux qui sont devant nous actuellement.

Pour nous on pense que ? et ça a été décidé, à l'occasion d'une assemblée plénière de la CSD, en 2004; nous pensons que ? le premier ministre, qui est investi de pouvoirs énormes dans notre société, c'est lui qui, du seul fait d'avoir été élu dans son comté et qui est le chef d'un parti, si les membres de son parti sont majoritaires ou les plus nombreux à l'Assemblée nationale, c'est lui qui décide des ministres, dans le fond, de la désignation des ministres, donc du Conseil des ministres. C'est lui qui dirige le Conseil des ministres, c'est lui qui est investi de pouvoirs extraordinaires. Donc, ce que nous pensons, c'est que ça, ça mériterait une réflexion, à savoir si le premier ministre ne devrait pas être élu au scrutin universel. La population du Québec aurait ainsi le choix de choisir la personne qui agira comme premier ministre, de choisir ainsi les personnes qui vont les représenter dans leur circonscription de même que les partis pour lesquels ils voteraient dans le cadre de la proportion du suffrage proportionnel. Donc, nous, nous pensons, d'entrée de jeu, que le premier ministre, en raison des pouvoirs immenses qu'il détient, devrait être élu au scrutin universel par la population.

Deuxièmement, ce qu'on constate, c'est qu'il y a une volonté, dans le projet de loi, d'adopter un mode de scrutin dit mixte mais qui implique une certaine proportionnelle. Quant à nous, ça nous apparaît nettement insuffisant. Au Québec, actuellement, on dit qu'on s'en va en élections générales, mais en fait on s'en va en élections locales. C'est 125 élections locales, et le seul fait d'avoir fait élire plus de députés pour un parti lui consacre le droit de gouverner. Mais on pense que la proposition qui est faite, dans l'avant-projet de loi, concernant le mode de proportionnelle, ne rendra pas justice et ne changera pas beaucoup la donne, dans le sens où, même si 40 % des députés seraient élus via le mode proportionnel, ce qui est une proportion, selon la littérature, qui semble acceptable, les modalités de calcul font en sorte que les grands partis vont continuer d'être favorisés. Vu la petite taille des districts, les grands partis vont continuer d'être défavorisés, et le suffrage de la population va faire en sorte qu'il aura peu de députés des tiers partis, des partis en émergence. Donc, on pense que la proposition actuelle ne réglera pas véritablement le problème de la représentation proportionnelle au Québec, et c'est pourtant, quant à nous, une question fondamentale sur laquelle il faut intervenir sans délai.

Maintenant, ce que nous proposons, dans ce cadre-là, parce que, là, on dit un premier ministre élu au scrutin universel, on parle d'un vote de circonscription où les gens auraient tout le loisir de voter pour la personne qu'ils préfèrent afin de les représenter dans leur circonscription, indépendamment du parti, hein, parce qu'on peut très bien, dans une circonscription, aimer beaucoup une personne parce qu'elle est dynamique, parce qu'elle s'investit pour la communauté, parce que c'est une personne qui est reconnue, qui est réputée puis qui est efficace, sans nécessairement adhérer aux valeurs du parti auquel cette personne-là appartient.

Donc, nous proposons un bulletin en trois votes, et on pense qu'avec une campagne d'éducation civique, on pense qu'avec une bonne information à la population, que les gens sont suffisamment intelligents, capables de faire des choix et capables de décider: Moi, dans ma circonscription, là, je n'aime pas telle personne qui se présente pour le parti que je souhaiterais voir gouverner le Québec, mais j'aime une autre personne dans ma circonscription, je pourrais voter pour elle, en ayant le loisir de voter une deuxième fois, sur le même bulletin, pour le parti que je souhaiterais voir gouverner le Québec. Donc, un vote pour le premier ministre, un vote pour la circonscription et un vote pour le parti.

Et on pense que la formule de districts, proposée dans l'avant-projet de loi, qui ne répond pas, quant à nous, à nos attentes quant à la répartition proportionnelle... La répartition proportionnelle devrait, quant à nous, être nationale.

Donc, tous les partis politiques, quels qu'ils soient, qui atteignent un seuil à être déterminé de votes de la population ? je lance un chiffre mais ce n'est pas un chiffre réfléchi, c'est une idée, 5 % ? tous les partis auraient droit à une possibilité d'avoir un député à l'Assemblée nationale. Donc, si c'était à l'échelle nationale, on ferait en sorte de briser ce qui se passe déjà, au Québec, depuis de nombreuses années, où les partis de l'opposition ont soit plus de votes ? c'est arrivé à trois reprises, je crois ? que le parti qui est au pouvoir, et, depuis une douzaine d'années, je crois que le parti qui est au pouvoir a plus de sièges que le vote proportionnel qu'il représente. Alors, il faut s'attaquer à cette problématique-là. C'est une donne importante, quant à nous. Et on pense que, si la formule proportionnelle, pour les 40 % de sièges de l'Assemblée nationale, serait dans le fond désignée sur une base nationale, ça réglerait beaucoup, beaucoup, beaucoup de difficultés et ça permettrait aux tiers partis d'enrichir le débat, de faire valoir leur point de vue et de faire valoir leur idées, et éventuellement de permettre à la population du Québec de faire des choix plus éclairés après quelques élections.

Donc, aussi, ce que nous proposons, c'est que les élections devraient être tenues à date fixe. Vous savez, des élections qui sont déclenchées selon l'intérêt du moment, selon l'état des sondages, selon qu'on a une bonne annonce à faire qui ferait en sorte que les gens seraient tentés de voter pour nous, on pense que c'est un processus qui décourage un peu la population puis qui fait qu'on est moins intéressés à participer.

n (12 heures) n

Pour nous, là, des élections qui auraient lieu, à titre d'exemple, à l'automne, après les vacances, avant que les travaux de l'Assemblée nationale recommencent, feraient en sorte que les gens seraient davantage intéressés à voter et moins préoccupés par les vacances. L'Assemblée nationale serait moins perturbée. Et en plus ça permettrait à toutes les personnes qui veulent se présenter candidates ou candidats dans un parti de pouvoir venir voir les choses d'avance, de pouvoir s'investir d'avance, de pouvoir organiser leur vie, et on pense que ce serait un moyen de favoriser la participation des femmes, qui, plus souvent que les hommes, ont des difficultés à organiser tout ce qui entoure leur vie pour se permettre de se lancer dans la vie publique qu'est la politique.

Donc, quant à nous, des élections à date fixe devraient être un élément de solution qui ferait que le parti au pouvoir, lui, ne pourrait pas faire de cadeau, à la veille des élections, sans que ça paraisse de manière grossière, devra faire des efforts, tout au long de son mandat, pour être capable de satisfaire la population, puis permettre aux femmes et à tous les candidats, candidates de bien se préparer.

Oui, j'essaie d'être plus concis, M. le Président. Je vous remercie de me rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Ouimet): Parce qu'il vous reste 20 secondes à peu près.

M. Faucher (Claude): D'accord. Alors, maintenant, aussi, on pense que les allocations aux partis devraient être non pas seulement, comme c'est proposé, en fonction des candidates et candidats de minorités ethnoculturelles, mais devraient aussi être ajoutées... on devrait ajouter à ça des compensations pour les partis qui feront élire des députés, parce qu'on pourrait très bien avoir des députés dans plein de circonscriptions, dont on sait qu'ils n'ont pas de chance d'être élus, et, si on avait une prime additionnelle pour les minorités et les femmes élues, ça encouragerait la participation de ces personnes-là. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous, M. Faucher. Juste sur la question du temps, au début de votre présentation, vous vous interrogez. Moi, je veux vous rassurer sur une chose: l'enveloppe de temps qui a été accordée à tous nos invités a été le fruit de discussions et d'ententes entre les trois formations politiques autour de la table. Le temps, il est très précieux. Malheureusement, il fallait fonctionner avec certaines contraintes, mais sachez que tous les mémoires ont été fouillés, analysés. Et puis par la suite un certain nombre d'arbitrages ont dû être faits, mais ça a été fait d'un commun accord.

Alors, je vais débuter l'échange avec le côté ministériel. Donc, M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci d'être ici. D'abord, d'entrée de jeu, j'aimerais simplement vous mentionner que le ministre a dû sortir quelques instants pour un engagement qu'il avait pris, mais il va revenir, d'ici la fin de votre présentation, et il sera en mesure de pouvoir avoir des échanges un peu plus pointus sur ce que vous avez mentionné.

Mais j'aimerais à mon tour en apprendre davantage sur ce que vous pensez, vous, par rapport aux mesures qui sont déposées, dans l'avant-projet de loi, pour inciter, je dirais, la participation ou augmenter la participation au droit de vote. Bien sûr qu'on vient de sortir d'une élection il y a quelques jours. Dans l'avant-projet de loi, il y a différentes possibilités qui sont mises de l'avant. Qu'est-ce que vous pensez de ces mesures-là qui sont en place?

M. Faucher (Claude): On pense que dans le fond ce sont plus des voeux pieux que des moyens concrets de favoriser le droit de vote, de favoriser dans le fond l'élection de tierces parties, de favoriser la participation des femmes et des minorités ethnoculturelles. Il y a un train de mesures qui s'apparentent à une volonté, mais elles sont traduites trop faiblement dans l'avant-projet de loi. C'est pourquoi on pense que ça devrait être modifié substantiellement.

M. Blackburn: Vous avez, tantôt, parlé... puis ça, ça m'a fait un peu, je dirais, penser à quelque chose, par rapport à votre bon gars qui était le candidat dans une circonscription et que les gens trouvaient fort dynamique et trouvaient fort intéressant. Qu'est-ce que vous pensez de la double candidature, à ce moment-là, que ce bon gars là pourrait être le candidat dans une circonscription et pourrait aussi faire partie de la liste du parti?

M. Faucher (Claude): Bon, comme organisation syndicale, on n'a pas réfléchi jusqu'à ce point-là à la formule. On laisse ça aux experts, on laisse ça à la commission parlementaire, on laisse ça au gouvernement.

D'entrée de jeu, je pense que c'est une question qui a autant de pour et de contre. Naturellement, je ne peux pas être élu à deux places, je ne pourrais être élu qu'à une seule place. Il y a des formules intéressantes certainement à trouver, mais la CSD ne s'est pas penchée précisément sur cette question-là.

M. Blackburn: Est-ce que votre organisation s'est penchée... Parce que, tout à l'heure, avec M. Massicotte, l'intervenant précédent, on a parlé, je dirais, de districts, de quantité de districts. Ça peut faire partie d'un certain débat: c'est-u 21, c'est-u 26, c'est-u 25, c'est-u 14? Mais on a aussi parlé, je dirais, de géographie ou de dimensions variables par rapport à ces districts-là. Est-ce que la CSD s'est penchée un peu sur cette question-là?

M. Faucher (Claude): Sur la population d'une circonscription, à titre d'exemple, l'écart maximal de 15 % qui est proposé, nous, ça nous convient, on n'a pas de problème avec ça. Qu'il y ait une représentation populationnelle à peu près équivalente d'une circonscription à l'autre, ça nous satisfait tout à fait.

C'est la formule de districts qui ne nous convient pas parce que la formule de districts fait en sorte qu'on pense que ce sont les grands partis qui auront les députés proportionnels.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député de Roberval. M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, bonjour. D'entrée de jeu, quand vous avez parlé de la possibilité de faire élire le premier ministre, le chef du gouvernement par un suffrage universel direct, ça devient très intéressant. Ça devient un peu une forme de présidentielle, un peu comme on peut retrouver peut-être en France où il y a une élection distincte, parce que dans le fond ça peut amener à ça. Comment vous voyez ça, cette réalité-là? Parce que l'idée, elle est lancée. Mais, sur la réalité terrain, comment vous voyez le Québec gouverné d'une telle façon? Dans les études... Parce que vous avez fait référence à diverses années où on a eu par exemple plus de votes pour un parti, mais le parti n'était pas élu pour autant. Si on arrivait avec même une certaine réalité de la sorte, on pourrait arriver, dans le fond, demain matin, avec un chef de l'ADQ, avec une majorité libérale, ou, tiens, le Parti québécois ou même l'UFP devient le candidat le plus populaire, au Québec, donc le chef est un UFP, et ainsi de suite. Comment vous voyez le Québec gouverné de cette façon-là?

M. Faucher (Claude): Bien sûr que ça vient bouleverser un peu nos façons de faire puis nos cultures, mais, si on veut faire une réforme électorale, il faut aller aussi loin que de se poser des questions là-dessus. Et pourquoi pas à la limite un premier ministre qui est indépendant des partis politiques? Pourquoi pas? Alors, c'est bien certain qu'on pourrait baliser, dans le cadre d'une loi ? et la réflexion reste à être poursuivie; baliser, dans le cadre d'une loi ? les limites du pouvoir du premier ministre, sa capacité de désigner des ministres par exemple qui devraient venir du parti qui a fait élire le plus grand nombre de députés. Ça pourrait être une chose. Ça pourrait être proportionnel aux partis qui ont fait élire un certain nombre de candidats. Ça pourrait être n'importe quelle autre modalité qu'on pourrait réfléchir autour de la table et discuter plus longuement. Mais, quant à nous, ça assurerait... Savez-vous qu'est-ce qu'on pense? C'est que ça assurerait plus de cohésion, plus d'efforts pour essayer de représenter la diversité du Québec, la diversité des opinions de la population, la diversité des opinions des régions, et faire en sorte qu'on travaille plus sur une base consensuelle plutôt que de faire des guerres de drapeaux ou de partis.

M. Auclair: Merci. Je reviendrai, c'est parce que je veux garder du temps pour M. le ministre.

Le Président (M. Ouimet): Bien, merci, M. le député de Vimont. M. le député de Masson maintenant.

M. Thériault: Messieurs, bienvenue. Vous étiez dans la salle, tout à l'heure, l'intervenant précédent, le Pr Massicotte, à une question que j'ai posée, à deux reprises a affirmé qu'on ne pouvait pas présumer, on ne pouvait pas affirmer que le modèle actuel consacrait le bipartisme parce qu'on ne peut pas présumer de comment les gens votent. Alors, vous pensez quoi de ça?

M. Faucher (Claude): Bien, dans la vie, on ne peut présumer de rien, mais, quand les faits nous démontrent qu'en fait, au Québec, il y a comme deux partis et que ce sont toujours les deux mêmes partis qui se disputent la gouvernance, et, quand on voit qu'au Québec l'histoire nous montre que souvent ceux qui gouvernent ont plus de sièges que la proportionnelle qu'ils représentent, en termes de votes, et qu'il est arrivé à quelques occasions que ceux qui gouvernaient avaient eu en proportionnel moins de votes que ceux qui étaient dans l'opposition, bien, à partir de ces données-là, on pense qu'il y a des choses à faire, c'est sûr.

M. Thériault: Ce que vous nous dites au fond, c'est que, même si on ne peut pas présumer de comment les gens votent au Québec, il est clair qu'au niveau de la mécanique mathématique il y a une distorsion telle qu'elle défavorise un troisième, un quatrième, un cinquième et un sixième parti. C'est ça que vous nous dites?

M. Faucher (Claude): Tout à fait. Et on n'a pas à rédiger une loi en fonction de ce qu'on pense de la façon dont les gens vont voter. Les gens voteront comme ils voudront, et le gouvernement devra représenter la volonté des gens.

M. Thériault: Êtes-vous d'accord toutefois pour considérer important que la répartition de l'occupation du territoire et de la population sur le territoire devienne tout de même un paramètre à considérer davantage que la répartition de la clientèle des partis sur le territoire?

M. Faucher (Claude): Bien, au départ, si les circonscriptions sont divisées de façon à respecter une certaine uniformité populationnelle, c'est déjà ça. Et, si les sièges proportionnels sont attribués en fonction du vote national, les partis devront faire l'effort de nommer des gens qui viennent des régions, là.

M. Thériault: Vous êtes pour l'élection à date fixe. Avez-vous considéré ? bon, les avantages, ça va; mais avez-vous considéré ? des effets pervers à cette mesure et des ajustements qu'on devrait faire à Loi électorale, s'il y en a, des effets pervers que vous avez identifiés?

M. Faucher (Claude): Bien, nous, ce qu'on pense, c'est: l'élection à date fixe ne peut certainement pas être pire que ce qui se passe à l'heure actuelle.

n (12 h 10) n

M. Thériault: O.K. Avez-vous pensé ? j'en identifie un; avez-vous pensé ? qu'il faudrait peut-être modifier les dispositions du financement à la Loi électorale au niveau des partis? Parce qu'une élection à date fixe pourrait faire en sorte que toute l'économie de la Loi électorale, au niveau du financement des partis, est fonction du 33 jours? Or, sachant qu'il y a des élections à date fixe, les grands partis pourraient faire une précampagne à partir de laquelle les dépenses électorales ne seraient pas comptabilisées, et qu'à ce titre-là les petits partis seraient énormément désavantagés.

M. Faucher (Claude): Oui. D'ailleurs, d'ailleurs, une de nos propositions ? vous allez la retrouver en fouillant un petit peu ? c'est que, dans la loi, on est fort étonnés qu'à l'article 126, deuxième paragraphe, on prévoit que les dons anonymes faits à l'occasion d'activités de partis ne soient pas considérés comme des contributions. Alors ça, nous, on demande que ce soit complètement rayé de l'avant-projet de loi parce que ça va faire en sorte qu'un don anonyme, aussi important puisse-t-il être, dans des circonstances aussi douteuses que possibles, ne sera pas considéré dans les contributions, donc ne faire l'objet d'aucune déclaration. Nous, ce qu'on souhaite, c'est la transparence, la nécessité de rendre des comptes, et donner égalité de chance aux partis.

M. Thériault: Je vais me prévaloir, M. le Président, du temps aussi... je vais revenir.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 20, vous parlez, pour revaloriser le rôle du député, d'augmenter les budgets de recherche des commissions parlementaires. Je suis bien d'accord avec vous, sauf que vous ne ciblez pas le bon mécanisme, là. Parce que je vais vous expliquer, les commissions parlementaires, il y a des recherchistes qui travaillent pour le secrétariat, mais, pour les différents partis politiques, ça, c'est l'Assemblée nationale, c'est le Bureau de l'Assemblée nationale, et il y a des discussions entre les partis qui établissent les différents budgets.

Je suis bien d'accord avec vous que chaque député devrait avoir minimalement le même montant, qu'il soit du parti ministériel que de l'opposition officielle. Comme nous, à l'Action démocratique, on combat là-dessus, sur le fait qu'on devrait avoir des budgets de recherche pour nous permettre de bien représenter les 700 000 électeurs qui ont voté pour l'Action démocratique. Donc, je veux dire, moi, je fais partie aussi de la commission parlementaire sur la réforme parlementaire, donc je vais amener cette proposition-là aussi tout en la bonifiant ou en l'envoyant au bon endroit.

Quand vous dites qu'il y a deux partis, au Québec, je suis d'accord avec vous, mais il y a quand même un troisième parti en émergence, là. L'Action démocratique a quand même eu 700 000 électeurs, là. On a eu 18 % du vote, mais on a eu 5 % des députés. Donc, c'est tout simplement ce commentaire-là que je voulais faire.

Puis j'avais une question peut-être un petit peu plus précise. Lorsque vous parlez du trois votes, il y a plusieurs témoins qui nous ont amené l'idée de deux votes, puis les gens qui sont contre disent: Ça va être trop compliqué. Mais, s'il y a un vote pour le premier ministre, est-ce qu'il y a un système de colistier? C'est-à-dire, s'il y a trois personnes qui se présentent pour les trois partis actuellement en place, disant: Je veux être premier ministre, si la personne perd, est-ce qu'elle est, comme dans certaines villes... elle est colistière, elle peut revenir ou elle disparaît totalement de la carte? Avez-vous pensé à ça?

M. Faucher (Claude): Non. La formule reste à être réfléchie.

M. Picard: O.K.

M. Faucher (Claude): Mais, en ce qui concerne le troisième parti en émergence dont vous parlez, je dois vous rappeler qu'en 1998, pour un siège, il vous a fallu 480 000 votes, alors que, pour l'élection du Parti libéral, en avril 2003, il a fallu 23 000 votes pour un siège. Alors, vous voyez, c'est la formule actuelle, c'est ça qu'on pense qui devrait être défait.

M. Picard: Je suis d'accord avec vous.

M. Faucher (Claude): Et, en ce qui concerne les commissions parlementaires, bien on est moins familiers, nous, avec la Loi électorale. Ce n'est pas notre champ d'expertise...

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je dois être un peu plus sévère maintenant parce que le temps file tellement vite...

M. Faucher (Claude): D'accord.

Le Président (M. Ouimet): ...je vais aller du côté du comité citoyen, M. Morisset m'avait demandé la parole.

M. Morisset (Michel): Oui. Alors, bonjour. Dans le mémoire, vous parlez de campagne d'information pour les citoyens sur la réforme. J'aimerais savoir à quel moment vous désireriez... vous considéreriez le plus important, et quelle sorte d'action gouvernementale précise que vous voudriez avoir dans une campagne d'information.

M. Faucher (Claude): Bien, premièrement, dès lors qu'on a un projet de loi sur la table, je pense qu'il faut qu'on fasse de l'information, qu'on en parle beaucoup, au travers les médias, par des réunions dans les circonscriptions, par différentes activités, dans les écoles, informer les gens sur ce qu'est le mode électoral actuel, informer les gens sur les différentes alternatives qui peuvent être proposées et étaler cette information-là et cette formation-là sur un temps qu'on n'a pas encore déterminé mais qui soit suffisant pour permettre aux gens qui iront voter, à l'occasion du référendum pour décider du mode de scrutin qu'ils souhaitent, de bien comprendre les enjeux.

M. Morisset (Michel): Je vous remercie.

Le Président (M. Ouimet): D'autres questions? Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Oui. Bonjour. J'avais une question à propos de votre position sur la répartition des sièges proportionnels sur la liste nationale. On a entendu, plus tôt aujourd'hui, un autre regroupement de syndicats avoir une position très différente et notamment à cause du point de vue des régions, qui sont très attachées à la représentation régionale, et qui nous disait finalement: D'un point de vue de Montréal, disons, c'est très facile de parler d'une liste nationale, mais nos membres des régions ont une position très différente. Donc, je m'étonne un peu que vous ayez une position diamétralement opposée à la leur. Et donc, pour vous, vos membres en région sont tout à fait confortables avec cette idée-là?

M. Pepin (Normand): Bien, écoutez, si vous me permettez, l'idée d'une liste nationale, ce sera le travail des partis politiques de veiller à ce qu'il y ait des représentants de chacune des régions, qu'il y ait des candidatures féminines, des candidatures des minorités ethnoculturelles qui figurent en bonne position sur cette liste-là de façon à ce que, quand vient le temps de combler les différents sièges, l'ensemble des régions soient représentées aussi à l'Assemblée nationale.

Mme Loucheur (Yohanna): Proposez-vous des incitatifs, à ce niveau-là, ou même une certaine coercition d'avoir par exemple un minimum de représentants ou la position sur la liste pour des représentants des régions, ou pour les femmes, ou pour les minorités?

M. Pepin (Normand): Pour ce qui est des représentants des régions, on ne propose pas de mesures différentes. Bon, pour les candidatures féminines puis de minorités ethnoculturelles, nous autres, on pense que ce n'est pas juste les candidatures qui doivent être récompensées, mais les gens qui sont réellement élus pour que les partis travaillent réellement à l'élection de ces candidates et candidats là.

Pour ce qui est des régions, nous, on pense que les citoyens, ça va éventuellement influencer leur vote. S'ils voient que la liste des candidatures, c'est tous des gens de Montréal, bien les gens de régions, ils ne seront pas portés tout simplement à choisir ce parti-là parmi les trois votes qu'ils vont pouvoir exprimer. Donc, je pense que là-dessus on n'a pas besoin de légiférer. Les partis vont avoir intérêt à avoir une représentation régionale variée parce que justement quelqu'un du Lac-Saint-Jean qui voit juste des gens de provenance de Montréal ou de Québec, ou peu importe, qu'il n'y a pas de représentant de sa région, il ne sera pas incité tout simplement à voter pour ce parti-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Je retourne du côté ministériel. M. le ministre.

M. Pelletier: Oui, merci. D'abord, excusez-moi de m'être absenté pendant une partie de votre présentation, mais je n'avais pas le choix, et je vous remercie d'être ici par ailleurs aujourd'hui.

Mais j'ai noté que vous proposiez une technique de calcul différente que la technique D'Hondt. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle technique vous privilégiez, quelle technique vous favorisez?

Le Président (M. Ouimet): M. Faucher? M. Pepin?

M. Faucher (Claude): Oui. Bien, en fait, tout ce qu'on dit, c'est que, pour la proportionnelle, là, allons-y sur le vote national, et les partis auront une liste de candidats qui seront élus à la proportionnelle et qui devront provenir, par la force des choses et par l'intérêt de se faire élire comme parti, des régions, des différents intérêts ethnoculturels, de la représentativité équilibrée des femmes et des hommes. Parce que la formule actuelle par districts nous apparaît être une formule... Puis on a fait quelques calculs, puis il y a des tests qui ont été faits par d'autres et qui démontrent qu'à moins d'avoir atteint un seuil très élevé de vote populationnel et d'être concentré dans ce district-là, il n'y a pas de possibilité d'être élu. Ça favorise les grands partis, alors que, nous, on voudrait avoir la diversité, la diversité d'idées, la diversité de programmes.

M. Pelletier: O.K. Vous ne proposez pas de seuil, je crois, hein, pour la liste nationale? Est-ce que je me trompe? Non?

M. Faucher (Claude): On n'en a pas mis, mais c'est certain qu'on pense qu'il doit y en avoir un quand même. Et, tantôt, j'ai lancé une idée comme 5 %, mais ça devrait être réfléchi. Mais c'est sûr que ce n'est pas n'importe qui qui se présente en politique qui a droit d'être nécessairement à l'Assemblée nationale; ça, on le conçoit.

M. Pelletier: O.K.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le ministre. Il restait 1 min 25 s à M. le député de Masson.

n (12 h 20) n

M. Thériault: Merci. Êtes-vous d'accord pour dire que le modèle, tel que proposé par l'avant-projet de loi, corrige une représentation plus proportionnelle des trois partis en présence, mais, à cause de l'économie des districts, etc., ne favorise pas l'émergence d'un quatrième, cinquième, sixième parti, conséquemment donne des gouvernements minoritaires, plausibilité beaucoup plus grande, même maximale, gouvernements de coalition nécessaires, ce qui implique le fait que le principe de l'alternance ou le fait de l'alternance peut sauter tel que proposé à l'avant-projet de loi? Est-ce que vous trouvez ce phénomène plus grave que ce qui s'est passé en 1998?

Le Président (M. Ouimet): M. Faucher.

M. Pepin (Normand): Oui, je...

Le Président (M. Ouimet): On appelle ça une question loadée.

M. Pepin (Normand): Oui. Pour nous, ce n'est pas un problème, des gouvernements de coalition.

M. Thériault: Dans l'avant-projet de loi, tel que proposé, là, je ne dis pas en général, l'avant-projet de loi fait en sorte qu'on consacre le tripartisme. Tous les experts disent qu'il y a difficulté, là, d'introduire un quatrième, cinquième, sixième.

M. Faucher (Claude): Tout à fait.

M. Pepin (Normand): Tout à fait, oui.

M. Thériault: Et, consacrant le tripartisme, donnant des gouvernements plausiblement plus minoritaires ou davantage minoritaires sur peut-être une fois, là, selon...

Le Président (M. Ouimet): En cinq secondes.

M. Thériault: Alors...

Le Président (M. Ouimet): Désolé, M. le député, en cinq secondes.

M. Thériault: ...la règle de l'alternance saute.

M. Faucher (Claude): Je vais y aller. Que ce soit minoritaire ou majoritaire, nous, ce n'est pas là notre propos. Mais ce qu'on pense, c'est que la population a le droit de choisir. Puis, quand il y a un pourcentage important de la population qui choisissent un parti, il devrait avoir un siège à l'Assemblée nationale pour faire valoir son point de vue.

Le Président (M. Ouimet): Alors, là-dessus, moi, je dois mettre un terme à l'échange. M. Faucher, M. Pepin, merci infiniment de votre participation à nos travaux.

J'invite maintenant les représentants de la Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec à bien vouloir s'approcher et prendre place à la table des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors que les intervenants prennent place, on va avoir besoin d'un consentement pour dépasser l'heure. Normalement, on devrait terminer vers les 12 h 30. Moi, je vous suggère que nous puissions aller jusqu'à 12 h 45, et puis par la suite suspendre les travaux si ça vous convient. Alors, ça vous convient.

Donc, nous accueillons M. Jean-Sébastien Chamard, M. Jonathan Epoo et M. Pierre-Luc Gravel, tous représentants de la Table de concertation des forums jeunesse. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous avez 10 minutes pour nous livrer votre propos. Alors, je cède la parole à M. Jean-Sébastien Chamard qui est le président de la Table de concertation.

Table de concertation des forums
jeunesse régionaux du Québec (TCFJRQ)

M. Chamard (Jean-Sébastien): Merci, M. le Président. M. le ministre, M. Ouimet, MM. et Mmes les députés, membres de la commission, nos premiers mots seront des mots de remerciement de nous donner l'occasion de nous exprimer devant vous, aujourd'hui.

J'aimerais présenter rapidement les gens qui m'accompagnent pour cette présentation. Alors, à ma droite, j'ai M. Pierre-Luc Gravel, qui est le directeur général de la Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec; et, à ma gauche, j'ai M. Jonathan Epoo, qui est le président de la Saputiit Youth Association, qui est le forum jeunesse du Nunavik. M. Epoo va faire une courte présentation et il va s'exprimer en anglais. Il y aura, demain, un envoi qui vous sera envoyé de sa présentation en français.

Alors, qu'est-ce que c'est que la Table de concertation des forums régionaux du Québec? Alors, c'est composé des 19 forums jeunesse de la province. C'est un lieu de partage, d'expertise, d'information que les forums se sont donné. C'est également un lieu de concertation et de représentation des forums jeunesse pour ce qui est d'un point de vue national.

Alors, également, la table nous permet de répondre adéquatement aux mandats du gouvernement qui découlent principalement de la stratégie jeunesse. Alors, on peut noter à ce titre-là, bon, Espace J, qui est le portail gouvernemental touchant la jeunesse. Alors, on a l'occasion de sonder le terrain, dans chacune de nos régions, pour avoir les coordonnées des organismes jeunesse et on a aussi l'élaboration de fiches, là, pour les jeunes de la région. Également, on a la gestion du Fonds régional d'investissement jeunesse, qui est un fonds régionalisé, géré par et pour les jeunes.

Alors, maintenant, peut-être spécifiquement qu'est-ce que c'est, un forum jeunesse? Peut-être que certains d'entre vous se posent la question. Il y a 19 forums jeunesse dans la province. 17 proviennent des 17 régions administratives, et on a un forum jeunesse pour la nation inuite et un forum jeunesse pour la nation crie.

Alors, les forums jeunesse sont des lieux de concertation qui sont aviseurs principalement auprès des conférences régionales des élus. Alors, on a des mandats qui nous sont spécifiques, je l'ai dit tout à l'heure, et on a l'occasion de rédiger des avis auprès des élus régionaux.

Également, ce qui est très important pour les forums jeunesse, comme un petit peu des concepts qui sont transversaux à toutes nos actions, c'est d'assurer la participation citoyenne des jeunes auprès de nos régions. Alors, on a à travailler pour avoir plus de place dans les instances de décisions locales et régionales. Et on a la prétention de penser aussi qu'on est quand même des acteurs du développement régional. Nous, c'est très important pour nous, le dynamisme des régions, l'occupation du territoire.

La Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec prend très au sérieux la réforme du mode de scrutin actuel. À ce sujet, il y aura peut-être d'autres mémoires, d'autres avis qui vont vous être envoyés par le biais de forums jeunesse qui agiront plus à titre individuel. L'avis que l'on vous donne, aujourd'hui, il est concerté auprès des 19 forums. Alors... voilà.

Alors, pour ce qui est de la réforme du mode de scrutin, nous, on souhaiterait qu'il y ait une espèce aussi de concept transversal. Pour nous, ce qui est important, c'est d'améliorer la participation des jeunes auprès des élections, et également on souhaite garantir la représentation des régions et l'ensemble du territoire. Alors, pour nous, l'ensemble de nos recommandations sont dans ce but-là, d'améliorer la participation des jeunes et de maintenir et d'augmenter la participation des régions et leur représentation surtout.

Peut-être certains d'entre vous pensent que les jeunes s'intéressent moins aux élections ou qu'ils sont un petit peu moins impliqués. Pourtant, on a des études qui démontrent qu'à partir du moment où, lors d'élections, il y a des enjeux qui touchent les jeunes, les jeunes participent plus aux élections. La santé, ce n'est peut-être pas quelque chose qui touche actuellement les jeunes. C'est peut-être plus d'autres tranches de la population que ça intéresse. Quand on parle de développement durable des régions, d'environnement, d'éducation, les jeunes se manifestent.

Alors, pour ce qui est du mode de scrutin, nous, nous sommes en faveur d'un mode de scrutin proportionnel mixte. Les jeunes, encore en plus grande partie que le reste de la tranche de la population, auront peut-être tendance à appuyer des partis qui sont un petit peu plus marginaux ou émergents, notamment l'Union des forces progressistes, Option citoyenne, le Parti vert et peut-être même l'Action démocratique. Alors, certains ont l'impression qu'actuellement leur vote est gaspillé. Ils n'ont pas l'impression qu'on est écoutés, puisque c'est toujours, bon, deux grands partis et maintenant un troisième qui sont plus présents à l'Assemblée nationale. Même pour ce qui est de l'ADQ, ça ne représente pas actuellement le taux de pourcentage de votes qu'ils ont eu.

Alors, on pense que l'accession de nouveaux partis politiques à l'Assemblée nationale serait sain pour la démocratie et on pense que les jeunes seraient plus tentés d'aller voter parce qu'on sait que leur vote aurait plus de poids.

Alors, on est en faveur aussi qu'il y ait deux votes, alors qu'un mode de scrutin proportionnel comprenne deux votes: un pour le député de la circonscription et un pour le parti qui représente dans le fond le mieux les idées des citoyens. On pense que la représentativité régionale et la représentativité de chaque citoyen, c'est important. Ce mode avec deux votes là permettrait de sanctionner positivement ou négativement l'attachement régional de son député.

Aussi, les jeunes, c'est plus mobile que le reste de la tranche de la population. Que ce soit pour les études, que ce soit pour un premier emploi, les jeunes se promènent, alors l'attachement à une région, à un territoire est beaucoup plus difficile. C'est difficile de rejoindre aussi les jeunes lorsque c'est le temps des élections. Alors, en ce sens, même s'il y a eu des ratés pour ce qui est du vote électronique, on pense qu'il faudrait quand même affiner, améliorer les modes de scrutin alternatifs. Il pourrait y avoir, dans quelques années, là, des scrutins sécurisés par Internet.

Aussi, on pense que les listes électorales, c'est bien, mais il faudrait, bon, pour que ce soit conforme à la mobilité des jeunes, qu'il y ait une liste nationale, que les jeunes pourraient voter, par le biais de leur carte d'identité, sur l'ensemble du territoire.

Pour ce qui est spécifiquement de la représentation des régions, la partie qui serait proportionnelle, qui viendrait des listes provinciales, il faut absolument qu'il y ait une partie régionale aussi alors pour vraiment assurer la représentation de chacune des régions, et ça pourrait être à l'image un peu, là, du système électoral hongrois.

Et maintenant je vous parlerais peut-être... je laisserais la place à mon collègue M. Epoo, là, qui vous entretiendrait d'une réalité qui les touche particulièrement au Nunavik.

Le Président (M. Blackburn): Merci. M. Epoo, trois minutes qu'il vous reste à votre présentation.

M. Epoo (Jonathan): O.K. Thank you. My name is Jonathan Epoo. I'm the president of the Saputiit Youth Association of Nunavik. I'm also the secretary of the Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec. I practiced my French a little bit with them.

Thank you, Mr. François Ouimet, Members of the Committee, Mr. Benoît Pelletier, Minister of Electoral Reform, and our MNA ? I saw him in the hallway, I'd like to thank him too as well.

n (12 h 30) n

Over 30 years ago, people from the community of Ivujivik came down by skidoo, which is the most northern community in the Province of Québec, to request that an electorial division be made for the region of Nunavik. It is an honor to follow their footsteps, to be here today to request that as well. Our region has a distinct social, economical and political, cultural and demographical situation. We are an isolated region, no road access. Like the South, we have a young population, 75 % of which is under 35. Our mother tongue is Inuktitut, with French and English as a second language.

We have many social issues: high dropout rate, housing, suicide, poverty and a high cost of living, which requires a great understanding.

With the JBNQA, we formerly worked into agreements allowing us to cooperatively work with Québec and Canada. Today, as youth, we work with the table. This shows that we, as people from Nunavik, are willing to work with those that are... to better our society as a whole. We have a distinct and rich culture that is proud to be a part of Québec and its democratic processes.

I will not go into any further details since it was presented yesterday by our representatives from Makivik and Kativik Regional Government.

In conclusion, I'd just like to say that we, as youth of Nunavik, would have a better opportunity to help shape the Québec of tomorrow should a Nunavik specific riding be created, which gives us more opportunities, something to look forward to as well. Perhaps, our youth could say: I could be a part of that one day if a seat was available to us. Therefore, I ask, on behalf of the Nunavik youth, that we be granted a riding within the National Assembly, just as the case where the riding of the Îles-de-la-Madeleine was... in the past, been granted. Thank you. (S'exprime dans sa langue).

Le Président (M. Blackburn): O.K. Merci beaucoup pour votre présentation. Maintenant est maintenant venu le temps des échanges, et je vais permettre au ministre de débuter l'échange du côté ministériel.

M. Pelletier: Merci beaucoup d'être ici, aujourd'hui, M. Chamard, M. Gravel. Thank you very much, Mr. Epoo, and welcome to Québec City. J'aime beaucoup la présentation que vous avez faite et je suis très heureux que vous vous intéressiez à ce sujet-là.

Effectivement, vous avez compris que l'un des buts que l'on poursuivait, c'était de revigorer notre système politique, de revitaliser nos institutions démocratiques. Et je peux vous dire d'emblée que l'idée que nous assurions une meilleure représentation à des tiers partis ou des petits partis, moi, c'est une idée qui m'est chère, et je crois effectivement que l'Assemblée nationale doit davantage refléter le pluralisme politique au Québec.

Cela étant dit, sur des questions un petit peu plus précises, certaines personnes aimeraient que nous options pour ce que l'on appelle une liste ouverte, c'est-à-dire que les électeurs pourraient choisir à quel candidat de liste finalement ils donnent leur préférence, et certains disent qu'à ce moment-là ça assure une plus grande légitimité démocratique parce que même les candidats de liste font l'objet finalement d'un vote des électeurs ou d'un choix de la part des électeurs. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez de cela.

M. Gravel (Pierre-Luc): M. le ministre...

Le Président (M. Blackburn): M. Gravel.

M. Gravel (Pierre-Luc): Oui, merci. On ne s'est pas penchés sur la question vraiment de la liste ouverte. Nous, le principe qu'on voulait, c'était vraiment d'amener une représentativité territoriale puis aussi, avec la question des listes, d'amener une diversité des idées, donc voter pour des idées, voter pour une appartenance territoriale. Donc, la question des listes ouvertes, c'est une idée, je pense, intéressante mais qui va dans le sens du principe qu'on voulait présenter à la commission, c'est-à-dire d'avoir une liste qui permet un vote pour des idées, pour des valeurs puis un vote également pour le territoire. Donc, je ne sais pas si ça répond à la question, mais...

M. Chamard (Jean-Sébastien): Si je peux compléter, pour ce qui est des listes, c'est une occasion aussi qui est offerte, les listes, d'assurer la plus grande représentativité, ce qui n'est pas comblé nécessairement par la première partie de l'élection. Alors, évidemment, la parité hommes-femmes doit être respectée, et l'ensemble des communautés culturelles et les groupes d'âge doivent être présents sur la liste. Alors ça, c'est quelque chose qu'on tient beaucoup aussi.

Le Président (M. Blackburn): Merci. M. le ministre.

M. Pelletier: Dans l'avant-projet de loi, il y a des mesures qui concernent la réforme du mode de scrutin, il y a des mesures qui concernent l'exercice du droit de vote et évidemment il y a également des mesures incitatives pour qu'il y ait plus de femmes élues à l'Assemblée nationale et des gens qui viennent des communautés culturelles.

J'aimerais savoir, avez-vous une idée de ce que nous devrions faire pour intéresser davantage les jeunes à la politique et assurer une plus grande présence des jeunes à l'Assemblée nationale du Québec?

M. Chamard (Jean-Sébastien): Bien, c'est un peu... C'est sûr que, bon, je l'ai dit tout à l'heure, les jeunes commencent par étudier, ils sont sur le marché du travail. Il y a beaucoup de choses qui se font au début d'une vie qu'il est comme un petit peu plus difficile de s'impliquer bénévolement dans un parti politique. On ne se le cachera pas aussi, quand on veut s'impliquer dans un parti politique puis qu'il faut avancer rapidement, bien il faut avoir des contacts. Souvent, c'est les gens qui sont là, souvent. C'est difficile pour les jeunes de faire des places dans les partis politiques. Alors, je pense, la première étape, ce serait aux partis politiques d'être plus à l'écoute des jeunes, d'essayer d'avoir des mesures pour les intéresser et d'essayer que... Bon, quand on arrive dans un territoire, des fois il faut faire notre place, il faut vendre des cartes de membre. Bien, c'est difficile, quand tu es dans un nouveau quartier, de vendre des cartes de membre pour ensuite être bien perçu dans le parti.

Moi, je vous dirais: Intéressez-vous aux jeunes. Les jeunes, ils ne sont peut-être pas nécessairement dans les partis politiques actuellement, mais ils sont dans des groupes d'associations étudiantes, dans des groupes communautaires, ils sont présents, ils sont là. Je pense que ça doit se faire dans les deux sens aussi, là. Les jeunes, des fois, essaient de s'exprimer, mais essayez aussi d'aller voir les jeunes directement sur le terrain.

Nous, pour notre part, on a des programmes qui, on l'espère, vont inciter les jeunes à aller plus voter. Alors, un programme comme Électeurs en herbe, alors on organise des élections fictives dans les écoles secondaires, ça, à la grandeur de la province. Ça, c'est nouveau, et on espère que ça va être poursuivi dans la nouvelle stratégie action jeunesse qui va être déposée bientôt. Alors, on fait notre part dans ce sens-là avec des programmes, mais aussi, je pense, les partis politiques doivent s'intéresser aux jeunes. Même s'ils ne parlent pas, s'ils ne crient pas, c'est parce qu'ils n'ont pas nécessairement le temps. Mais ils sont là et ils ont des idées quand même.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Chamard. J'avais le député de Vimont qui était intéressé. Et juste pour votre information il nous reste 2 min 30 s.

M. Auclair: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que M. Gravel, avant, vous vouliez... Vous aviez l'air à vouloir ajouter quelque chose. Donc, avant...

M. Gravel (Pierre-Luc): Rapidement, c'est juste pour reparler aussi de la mobilité des jeunes. Donc, comme Jean-Sébastien l'a mentionné tout à l'heure, les jeunes sont mobiles, souvent quittent leur région pour aller étudier dans les grands centres. Donc, la question de la liste électorale nationale, c'est quelque chose qui va favoriser la participation des jeunes parce que c'est un effort additionnel de s'inscrire sur la liste électorale quand on n'est pas inscrit que de seulement aller voter. Donc, pour les jeunes, c'est quelque chose qui va les toucher directement.

M. Auclair: Je vais vous saluer, premièrement, M. Gravel, M. Chamard. M. Epoo, welcome. Vous allez me dire... J'ai lu avec intérêt votre... Bon, vous avez parlé un peu, M. Gravel, de la liste des électeurs, mais vous parlez aussi de la carte d'électeur. Et la carte d'électeur m'intéresse dans le sens que... Est-ce que vous limiteriez, premièrement, dans un premier jet, la carte d'électeur à un groupe d'âge, les jeunes, parce que vous voulez répondre à un certain problème que vous considérez que les jeunes vivent? Et, d'un autre côté, est-ce que la carte d'électeur leur permettrait d'aller voter, peu importe où ils sont, et de là pourrait créer une certaine distorsion? C'est là que mon inquiétude... Et, si vous avez pensé à la carte, est-ce que vous avez pensé un petit peu à l'impact que ça pourrait avoir, une telle carte d'électeur?

M. Chamard (Jean-Sébastien): Pour nous, la carte pourrait être disponible pour l'ensemble de la population. Je ne pense pas que la population s'opposerait à ce qu'on augmente la facilité et l'accessibilité au vote. Nous, on pense que les principaux bénéficiaires de cette carte-là actuellement, ce seraient les jeunes par ce qui est de la mobilité, et tout.

Pour ce qui est du reste de votre question, nous, en tout cas, on s'est pas mal limités à ça pour essayer de trouver des moyens pour améliorer la facilité du vote. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on faisait cette recommandation-là en premier lieu. Je ne sais pas si M. Gravel voudrait compléter, là.

Le Président (M. Blackburn): En 20 secondes.

n (12 h 40) n

M. Gravel (Pierre-Luc): Oui. Bien, dans le fond, c'est ça. La carte, c'est un moyen qu'on a avancé pour répondre au principe de favoriser la participation des jeunes. Donc, les impacts, c'est sûr qu'on ne l'a pas creusé. Donc, c'est vraiment est-ce que la carte ? c'est une question que vous pouvez peut-être vous poser; est-ce que la carte ? d'électeur est un moyen pour favoriser, là, justement le problème de la mobilité des jeunes?

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Gravel. Maintenant, j'irai du côté de l'opposition officielle et j'inviterais le député de Masson à débuter le bloc d'échange.

M. Thériault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Chamard, M. Epoo, M. Gravel, bienvenue. À moins que je me trompe, dans votre mémoire, vous voulez favoriser, là, la participation des jeunes à la vie politique, et notamment par rapport à l'exercice du droit de vote. Je ne crois pas avoir vu de mesure concernant ce que d'autres groupes de jeunes apportent, à savoir le vote à 16 ans. Avez-vous une position là-dessus?

M. Chamard (Jean-Sébastien): Honnêtement, c'est une question qui est difficile à répondre. Pour nous, on y a réfléchi, il y a des avantages, on en voit plusieurs, mais on n'a pas pris la décision formelle parce que on n'avait pas un consensus assez fort pour l'écrire comme tel dans le mémoire. Alors, je ne peux pas vous dire qu'on a une position qui est forte là-dessus, mais on est quand même très à l'écoute de ceux qui défendent cette idée-là, là.

M. Thériault: Mais quels seraient, dans vos débats internes, les avantages et les désavantages, peut-être? Parce qu'on a vu les avantages, on les entend souvent, mais les désavantages, il doit y en avoir, puisque vous n'avez pas de consensus.

M. Chamard (Jean-Sébastien): M. Gravel.

M. Gravel (Pierre-Luc): Oui. Ce qui est important pour les forums jeunesse, c'est que le programme pour l'éducation à la citoyenneté accompagne un vote à 16 ans si jamais c'est présent. Donc, un programme comme Électeurs en herbe, avec le vote à 16 ans, permettrait de favoriser donc... disons, d'encadrer les jeunes dans leur vote, d'accompagner les jeunes dans leur vote. C'est sûr qu'on a aussi étudié... le comité a étudié la question, là, du vote à 16 ans au Brésil. Je ne sais pas si vous êtes au courant, peut-être que vous êtes au courant, au Brésil, le vote à 16 ans existe. Le vote est obligatoire là-bas, mais il est volontaire pour les gens de 16 à 18 ans. Donc, c'est une mesure qui est intéressante donc pour nous et peut-être qui permettrait, là, à certains jeunes qui jugent qu'ils sont matures pour aller voter d'y aller. Donc, laisser le choix aux jeunes citoyens. Mais ça ne faisait pas consensus autour de la table. On est quand même 19 forums, donc ce n'est pas évident.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Gravel. M. le député de Masson.

M. Thériault: Parmi les arguments contre, j'aimerais ça en entendre, là, pour être éclairé comme législateur. Est-ce que vous vous souvenez de certains arguments contre?

M. Chamard (Jean-Sébastien): Bien, c'était essentiellement la rapidité. Bon, nous, on est quand même des jeunes qui se sont impliqués, qui prennent une place active, mais il y a toujours un petit peu le laisser-faire qui peut être de certains, et puis on était inquiets du fait que, si justement il n'y a pas le cours de participation citoyenne qui accompagne ce premier encadrement là du vote, l'idée de s'intéresser, bien, qu'on crée justement l'effet inverse, qu'il y ait une mauvaise habitude qui fait: Bon, bien, regarde, moi, j'ai eu mon droit de vote, je n'ai pas voté la première fois. Fait qu'on n'était pas comme rendus là. Il faut faire un petit peu le contenant puis ensuite on ira avec la mesure comme telle, là.

Le Président (M. Blackburn): M. Gravel.

M. Gravel (Pierre-Luc): Il y a aussi certaines études qui démontrent que, si on met le vote à 16 ans... Certains endroits ont mis le vote à 16 ans sans l'accompagner de programme de participation citoyenne pour les jeunes, puis ils ont observé que le vote des jeunes, donc de 18 à 35 ans, diminuait. Donc, ça faisait diminuer le vote des jeunes de 18 à 35 ans si on le mettait plus tôt. Donc, ce que ce professeur américain disait, c'est que de favoriser, de donner... si on mettait le vote des jeunes un peu plus tard, ils vont participer davantage. Donc, c'est un peu un des points contre, là, qui avaient été amenés.

M. Thériault: Il reste une minute à l'opposition officielle. Mon collègue de Saint-Hyacinthe veut poser une question, alors je vais lui laisser la parole.

Le Président (M. Blackburn): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole pour encore une minute, incluant question et réponse.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, la question évidemment sera courte parce qu'il y a peu de temps. À la page 7, vous parlez des deux votes, hein? Vous êtes favorables aux deux votes, le premier étant pour le député, et le deuxième pour le parti. Avez-vous réfléchi à l'idée suivante, c'est que le vote pour le parti est un vote donc en fonction d'une liste de candidats potentiels? Avez-vous réfléchi à l'idée d'en faire un vote prioritaire, c'est-à-dire que le vote soit pour un des candidats en particulier de tel parti, de façon à ce que ce soit l'électeur qui détermine la priorité et ceux qui ont des chances d'être élus?

M. Gravel (Pierre-Luc): C'est un peu comme la réponse que j'ai répondue tout à l'heure à M. Pelletier, c'est le principe... On n'a pas été dans le détail, mais c'est vraiment... Pour nous, c'est le principe d'avoir un vote pour les idées. Donc, ça pourrait être différents scénarios à présenter, mais vraiment d'avoir un vote pour les idées, un vote pour le territoire qu'on représente.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Gravel. Maintenant, du côté du député indépendant des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Dans votre mémoire, vous parlez que la partie proportionnelle d'une élection selon les régions administratives... mais vous parlez aussi selon le modèle hongrois. Pouvez-vous nous donner les avantages que vous avez identifiés par rapport à qu'est-ce que nous avons dans l'avant-projet de loi?

Le Président (M. Blackburn): M. Gravel.

M. Gravel (Pierre-Luc): Oui. Peut-être que vous pourrez avoir davantage de détails lors de la présentation du Forum jeunesse de la Montérégie. C'était une présentation qui avait été... ils avaient une meilleure connaissance que nous du modèle hongrois. Donc, peut-être que vous le verrez dans la tournée des régions. Et je pourrai vous amener davantage d'information aussi en communiquant avec M. Brault. Il pourrait vous envoyer plus d'information.

M. Picard: Je vous remercie.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Maintenant, on va passer du côté des citoyens. Et, compte tenu de l'intérêt que le sujet porte, j'ai cinq interventions qui sont demandées. Et vous savez que le temps est quand même assez limité, donc je débuterais tout de suite avec Mme Proulx.

Mme Proulx (Mélanie): Je vais essayer d'être rapide. D'abord, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire et je vais même aller voir votre site Internet qui est référé. Je suis d'accord avec beaucoup de vos positions: la trousse d'information, quoique je la mettrais peut-être un an avant d'aller voter, là; le système à deux votes, vu le manque d'attachement à la circonscription; bon, les incitatifs financiers pour les moins de 35 ans.

J'aimerais savoir, est-ce que vous... Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais peut-être l'éducation devrait commencer plus tôt, comme à l'école. Je discutais avec les enfants que j'ai à la maison, ils ne savent pas c'est qui, Jean Charest ni Paul Martin, puis ils ne savent pas c'est quoi, la démocratie, puis ils rentrent au secondaire. Alors, est-ce que vous ne pensez pas qu'à ce moment-là il devrait y avoir peut-être quelque chose de plus officiel pour que les jeunes apprennent ce que c'est, le devoir de citoyen et d'aller voter, et pourquoi est-ce qu'on doit être bien représentés?

M. Chamard (Jean-Sébastien): Bien, ce n'est pas nouveau, nous, dans nos positions dans les rassemblements jeunesse qu'on participe, il y a toujours une position qui est souvent récurrente, c'est d'intégrer aux cours du secondaire un cours d'intégration à la participation citoyenne justement qui impliquerait, bon, quels sont les devoirs du citoyen, quels sont ses droits, et justement, là, dans le processus électoral de vote, évidemment ce serait quelque chose qui serait particulièrement appliqué. Et ça pourrait être fait justement en partenariat avec certains projets qu'on fait lorsqu'il y a des élections qui s'en viennent comme Électeurs en herbe, justement, bon, bien, c'est qui, les candidats dans ma région, c'est qui, les candidats qui sont dits nationaux, quelles sont les idées et évidemment de faire participer les jeunes dans le but de les intégrer, pour leur donner leur première possibilité, là, de prendre connaissance avec ça.

Le Président (M. Blackburn): Merci. M. Chamard. J'ai maintenant M. Boivin qui est prêt à poser une question.

M. Boivin (Guillaume): Oui. Alors, j'ai trouvé le document très intéressant aussi. Si je comprends bien, il y a des choses qui ont été exclues parce qu'elles ne faisaient pas consensus, donc ce qui se retrouve là-dedans a un poids assez fort par rapport au consensus qui a été atteint. Je trouve ça fort intéressant.

Ma question, c'était pour mettre en... Souvent, dans les modèles qu'on voudrait élaborer, on est contraint par le nombre de sièges, d'abord par l'espace à l'Assemblée nationale mais aussi par l'idée que plusieurs personnes seraient réfractaires à l'augmentation du nombre de députés avec les coûts que ça augmente, ainsi de suite. Vous, quel serait votre sentiment à cet égard-là si ça permettait d'en arriver avec un modèle plus fonctionnel qui atteindrait plusieurs des objectifs par ailleurs mais qui nécessiterait l'augmentation du nombre de députés? Est-ce que les jeunes seraient réfractaires à ça?

M. Chamard (Jean-Sébastien): Nous, l'augmentation du nombre de députés à l'Assemblée nationale, si c'est pour assurer une meilleure représentativité de la population en général, il n'y a aucun problème à ça.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Chamard. Mme Hadd.

Mme Hadd (Carole): On a répondu déjà à ma question.

Le Président (M. Blackburn): Merci, Mme Hadd. Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine (Martine): Bonjour. Selon vous, si le vote serait instauré le dimanche et à date fixe, pensez-vous que ça pourrait favoriser la participation, une plus grande participation des jeunes?

M. Chamard (Jean-Sébastien): Bien, actuellement, moi, je... C'est quand même une certaine aberration, c'est que souvent le vote par anticipation est la même journée que le vote décisif. Alors, si le vote par anticipation est le dimanche et le scrutin est le dimanche, ça ne fonctionne pas. Je pense qu'avec les horaires atypiques que les jeunes ont il faut vraiment assurer d'avoir plusieurs plages horaires, et ça inclut évidemment le soir aussi. Les gens qui travaillent le soir... Il y a des jeunes qui travaillent le jour et le soir, alors il faut vraiment, là, assurer, là, les deux en ce sens-là. Alors, peut-être le dimanche après-midi. Bon, probablement que oui. D'habitude, les jeunes sont plus aux études, ils ont... Mais il y a quand même la problématique des horaires atypiques, là, qu'il faudrait regarder.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Chamard. J'ai Mme Loucheur.

n (12 h 50) n

Mme Loucheur (Yohanna): Oui. Bonjour. J'avais, moi aussi, une question par rapport à la répartition des sièges de liste, des sièges proportionnels. Sans revenir au modèle hongrois, est-ce que pouvez quand même juste clarifier un peu ce que vous voulez dire en disant que la partie proportionnelle doit être répartie à la fois au niveau régional et au niveau national? Est-ce que vous proposez, par exemple, une division, disons, des 50 sièges? Comment ça marche?

M. Gravel (Pierre-Luc): Oui. Bien, ce qu'on proposait, c'est que la proportionnelle soit à l'échelle des régions, donc c'est-à-dire qu'il y ait une liste dans la région. Donc, c'est-à-dire que chaque région administrative, par exemple, aurait des députés mais également des circonscriptions, mais également donc la proportionnelle serait évaluée sur le pourcentage qu'une région donne aux partis politiques.

Mme Loucheur (Yohanna): ...à ce moment-là?

M. Gravel (Pierre-Luc): Donc, c'est sûr que c'est des enjeux nationaux. Bien, c'est-à-dire que, nous, le principe, ce n'est pas tellement de dire national versus régional, c'est vraiment de distinguer le territoire avec les idées. Donc, ce que les jeunes disaient, c'est qu'ils privilégiaient une proportionnelle à l'échelle des régions plutôt qu'une proportionnelle à l'échelle nationale. Donc, évidemment, c'est un débat. On est 19 membres, dont certains croyaient que c'était mieux d'avoir une proportionnelle nationale. Donc, c'est le résultat d'un consensus qu'on présente ici.

Le Président (M. Blackburn): Alors, merci beaucoup. Il me reste à remercier M. Gravel, M. Chamard, M. Epoo, pour votre présentation, de la Table de concertation des forums jeunesse régionaux. Et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, alors que la commission poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé la Loi électorale. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

 

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. À nouveau, je demanderais aux personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale.

J'inviterais donc nos prochains invités, soit la Fédération québécoise des municipalités, à bien vouloir s'approcher et à prendre place à la table des témoins. Et nous reconnaissons tous bien sûr M. Michel Belzil, qui est le président de la FQM. Bonjour, rebienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter les deux personnes qui vous accompagnent? Et puis, par la suite, je vous céderai 20 minutes pour votre présentation.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Belzil (Michel): Alors, je suis accompagné par, à ma gauche, M. Jean Maurice Latulippe, qui est directeur général de la Fédération québécoise des municipalités, et par M. Patrick Lahaie, qui est conseiller en recherche et politique à la Fédération québécoise des municipalités.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, à vous la parole.

M. Belzil (Michel): Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes, MM. membres de l'Assemblée nationale, Mmes, MM. représentants des citoyens, alors je vous remercie de l'opportunité que vous nous donnez de faire état de nos commentaires suite à l'analyse de l'avant-projet de loi que vous avez déposé. Et bien sûr que vous voyez que nous allons aborder toute cette réforme sous l'angle des régions du Québec. Alors, nous sommes heureux de nous associer à cet important projet pour la mise en oeuvre d'une réforme telle que proposée.

La FQM est une association qui regroupe plus de 915 municipalités et la presque totalité des MRC. Elle représente plus de 7 000 maires, préfets, conseillers municipaux qui ont été élus par plus de 3 millions de nos concitoyens. C'est près de la moitié de la population québécoise vivant sur la plus grande partie du territoire habitable, environ 85 % du territoire du Québec. De ce fait, la FQM est beaucoup plus qu'un lobby d'intérêts particuliers, elle est le porte-parole de la majorité des élus locaux et régionaux du Québec.

Appelés à soutenir le monde municipal rural et le développement régional, nous avons participé activement à l'élaboration et à la réalisation de plusieurs grands projets structurants en région. C'est donc dans cette perspective, celle de la dynamisation des régions, que nous avons analysé l'avant-projet de loi. Les régions éloignées et périurbaines apportent une contribution essentielle à l'organisation territoriale, à la production économique, culturelle et à la qualité de vie de la société en général. L'occupation du territoire permet l'exploitation de ressources naturelles qui contribuent à l'essor économique de toute la société tout en élargissant l'éventail des choix de mode de vie, de lieux de travail, de production et de décision et en favorisant, par l'activité agricole, d'autres formes d'occupation des sols et l'accès à l'environnement naturel.

Les différentes particularités que l'on retrouve dans les régions ont contribué à l'édification de l'identité québécoise. Pour continuer à se développer, le Québec doit conserver ses liens avec ce qui fait son identité. Or, cela ne peut se faire que dans la mesure où les régions jouissent d'une excellente vitalité et où leur rôle est reconnu au sein des institutions démocratiques.

Seul un engagement de toute la société québécoise en faveur de l'occupation dynamique du territoire pourra assurer la pérennité de toutes les régions et en particulier la survie de 200 municipalités menacées de dévitalisation de leur tissu social et économique. Or, à notre avis, le projet de réforme du mode de scrutin, tel que proposé, met en péril ce principe en retirant aux régions québécoises leur poids politique et en modifiant singulièrement l'équilibre entre les zones fortement urbanisées et les régions en termes de représentation politique.

En effet, l'avant-projet de loi propose de diminuer le nombre de circonscriptions de 125 à 77 et d'ajouter 50 députés élus à la proportionnelle, et ce, en fonction des votes obtenus par les candidats d'un même parti issus de plus ou moins 25 nouveaux districts. En outre, ces derniers seraient élus à partir de listes déposées par les différents partis politiques. Nous sommes très inquiets de la perte de sièges pour les régions que cette réforme engendrera. Je préciserai donc, dans ma présentation, les conséquences négatives que fait planer l'actuel avant-projet de loi au regard de la représentativité des régions en abordant la question des dispositions régionales dans le découpage de la carte électorale, le respect de l'équilibre actuel du poids des régions ainsi que la nécessité de reconnaître la particularité de circonscriptions géographiquement étendues au nom de l'important principe de l'occupation dynamique du territoire, qui à notre avis devrait inspirer le découpage de la carte électorale.

J'aborderai aussi la question de l'appartenance territoriale des élus dans un contexte de décentralisation, car nous estimons que la représentativité des régions au sein de nos institutions démocratiques ne peut en être dissociée.

Par ce mémoire, la FQM ajoute sa voix aux réserves exprimées par d'autres organismes et spécialistes universitaires déjà entendus par la commission. La FQM souhaite donc que ses commentaires puissent enrichir les travaux en cours et que le gouvernement sache saisir l'impact de cette réforme sur les citoyens des régions du Québec.

D'entrée de jeu, permettez-moi de souligner que la société québécoise est à la croisée des chemins, tant sur la question de la décentralisation que sur celle de la réforme de nos institutions démocratiques. Le gouvernement doit partager cette vision, puisque, parallèlement à la réforme du mode de scrutin, il a initié une vaste réflexion devant mener le Québec dans un processus de décentralisation.

L'une des justifications de la décentralisation est que, les administrations territoriales étant plus proches des citoyens, elles sont plus aptes que les administrations nationales à gérer efficacement leurs ressources et sont plus sensibles à leurs attentes. L'une de ses conséquences est de renforcer la démocratie locale pour rapprocher le pouvoir de décision de la population des régions. À notre avis, décentralisation et réforme du mode de scrutin vont de pair, puisqu'elles visent ultimement le même objectif: le renforcement de l'organisation sociale et démocratique québécoise par la modernisation de l'organisation et du fonctionnement de l'État. Toutefois, avec l'avant-projet de loi, nous croyons que la finalité des deux projets est incompatible, puisque, comme notre mémoire le démontre, l'avant-projet de loi, tel qu'articulé, conduira à une perte de circonscriptions pour les régions.

Comment peut-on à la fois prétendre rapprocher le pouvoir des citoyens et occuper dynamiquement le territoire tout en diminuant le nombre de représentants des régions? Comment le gouvernement peut-il amorcer un processus de décentralisation en faveur des régions tout en diminuant leur poids politique au sein du gouvernement central?

Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur la qualité de la représentation associée aux députés de liste élus à la proportionnelle qui viendraient compenser la perte quantitative de députation en région. L'appartenance territoriale est au coeur du mandat d'un élu, et à cet égard la FQM émet de sérieuses réserves sur le statut qu'auraient ces députés de liste, qui seraient davantage redevables des partis politiques que de leurs régions et de leurs citoyens. Nous croyons que cette notion de représentativité territoriale, celle de la circonscription au plan national, demeure le meilleur moyen de permettre aux élus provinciaux d'agir au plan du développement de leurs communautés. C'est une des forces du système actuel qui permet aux 125 députés de travailler en parfaite légitimité et en complicité avec les acteurs locaux que sont notamment les élus municipaux.

n (14 h 20) n

Le projet de découpage électoral prévu dans l'avant-projet de loi pourrait amener un autre débat, celui d'un électeur, un vote. Mais cette question, largement débattue au cours des siècles derniers, est dépassée. La démocratie, au XXIe siècle, ne peut plus se définir sur la base de cette seule considération. La Cour suprême s'est d'ailleurs prononcée sur cette question dans un arrêt récent impliquant le gouvernement provincial de la Saskatchewan. Le gouvernement doit donc tenir compte d'autres facteurs beaucoup plus importants pour une société comme la nôtre dont les valeurs démocratiques font l'envie du monde entier, telle l'occupation dynamique du territoire québécois.

Le nouveau mode de scrutin proposé par l'avant-projet de loi s'appuie notamment sur un vote proportionnel basé sur une nouvelle délimitation de la carte électorale. Il propose la conservation de 77 circonscriptions sur les 125 actuelles selon la majorité simple et la création de 24 à 27 districts électoraux selon la proportionnelle. La FQM émet de sérieuses réserves sur cette mesure quant à l'amélioration de la représentativité du milieu qui en découlerait. À ce sujet, je vous invite à consulter l'illustration des impacts anticipés du nouveau découpage de la carte électorale, à la page 14 de notre mémoire.

Il est important de spécifier que le découpage territorial actuel est effectué à partir d'une donnée importante qu'est la moyenne nationale des électeurs pour chacune des circonscriptions. Cette moyenne est simplement établie selon la formule suivante: le nombre total d'électeurs divisé par le nombre de circonscriptions. La population électorale d'une circonscription ne doit être ni supérieure ni inférieure à plus de 25 % de la moyenne ainsi fixée. Au 30 juin 2000, à la veille du dernier découpage électoral, il y avait 5,3 millions d'électeurs au Québec. La moyenne pour 125 circonscriptions était de 42 713 électeurs. En appliquant la règle du 25 % de marge, le total des électeurs de chacune des circonscriptions pouvait varier entre 32 035 et 53 391 électeurs. Ce système prévoit que les candidats représentant les partis politiques autorisés qui obtiennent la majorité des voix dans ces 125 circonscriptions sont élus députés et siègent à l'Assemblée nationale pour un mandat de cinq ans maximum.

Selon la FQM, ce découpage respecte bien les réalités régionales et reconnaît ainsi le principe d'une occupation dynamique du territoire. Toutes les régions sont bien représentées, et cela constitue selon nous un acquis fondamental pour les citoyens des régions du Québec, et ce, compte tenu de la réalité et des particularités spécifiques du territoire québécois. A contrario, avec la proposition de réforme du scrutin, nous estimons que les régions du Québec, leurs citoyens et les localités situées en dehors des grands centres seraient les grandes perdants. En effet, la majorité des circonscriptions de plus 45 000 électeurs se situent principalement dans les grandes zones urbaines, alors qu'inversement les cas de 45 000 électeurs et moins se retrouvent majoritairement en région: Bas-Saint-Laurent, Abitibi-Témiscamingue, Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine, Côte-Nord, etc.

La question de la représentation des régions au sein du Parlement a été, au fil des années, sans cesse appuyée par de nombreux consensus et appliquée avec succès grâce à un nombre incalculable de représentations de citoyens et de divers partis politiques auprès de la Commission de la représentation électorale. Le nouveau découpage électoral proposé comporte à notre avis trois éléments qui viendraient menacer cette représentation des régions.

Premièrement, la diminution du nombre de circonscriptions électorales de 125 à 77 constitue une réduction directe du nombre de députés imputables auprès des citoyens du territoire d'une circonscription. Ainsi, avec cette diminution du nombre de circonscriptions, il est indéniable que le poids des petites collectivités et des régions éloignées serait affecté au sein des instances décisionnelles gouvernementales.

Deuxièmement, la diminution de la marge des taux de variation entre les circonscriptions rurales et urbaines, avec un taux de variation qui passerait de 25 % à 15 %, aurait un impact important sur la représentativité des régions. En appliquant la règle du 15 % proposée à l'article 168 de l'avant-projet de loi et sur la base des données du dernier découpage du 30 juin 2000, le total des électeurs de chacune des nouvelles circonscriptions, dont la moyenne d'électeurs actuelle est de 42 713, passerait à 70 116. Ces nouvelles grandes circonscriptions ne permettraient désormais qu'une marge, pour le découpage de la carte électorale, variant de 59 599 à 80 633 électeurs, par opposition à la marge actuelle qui se situe, comme ce fut mentionné tantôt, entre 32 035 électeurs et 53 391 électeurs. Nous pouvons donc facilement conclure que les nombreuses circonscriptions de 35 000 électeurs se verraient fusionnées pour se rapprocher de la nouvelle moyenne à près de 70 000 électeurs, un effort qui serait évidemment moindre dans les zones d'agglomérations urbaines. Ce sont donc les régions qui assumeraient un impact négatif de la mise à niveau proposée, puisque le poids politique des députés représentant les régions serait diminué de manière importante au sein du Parlement.

Troisièmement, l'avant-projet de loi ne reconnaît pas les circonscriptions qui bénéficient d'une dérogation à la règle d'exception sur le nombre maximal et minimal d'électeurs. Rappelons qu'actuellement six circonscriptions font exception à la règle. Ainsi, outre le cas des Îles-de-la-Madeleine, que la loi reconnaît comme circonscription d'exception, la commission peut déroger aux critères de base si elle juge que ceux-ci ne conviennent pas à un territoire donné. C'est ainsi que la commission a établi, en 2001, cinq autres circonscriptions d'exception, soit celles de Bonaventure, de Gaspé, Matane, Matapédia et Ungava. Seuls les Îles-de-la-Madeleine et le Nunavik sont mentionnés dans la version actuelle de l'avant-projet de loi. Il est impensable que des acquis aussi importants pour les citoyens de ces régions ne soient pas reconnus.

J'aimerais maintenant revenir sur la proposition de diminution du nombre de circonscriptions électorales, lesquelles devraient passer de 125 à 77. Comme je l'ai déjà mentionné, il est à prévoir qu'un faible nombre de circonscriptions issues des grands centres urbains disparaissent. C'est tout le contraire pour les circonscriptions situées dans les régions. Le tableau de la page 18 de notre mémoire l'illustre bien.

Par exemple, la région de la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, qui compte actuellement trois circonscriptions et demie, verrait probablement ce nombre ramené à 1,96, tout près de deux. En Mauricie, on verrait le nombre de circonscriptions passer de cinq à 2,85, tandis qu'au Bas-Saint-Laurent il passerait de quatre et demie à 2,22. Le même cas se répète pour les régions du Centre-du-Québec, qui passerait de quatre et demie à 2,34, et du Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui verrait ses députés de circonscriptions passer de cinq à trois. Enfin, ce nouveau découpage serait probablement encore pire pour les régions de la Côte-Nord, qui pourrait n'en conserver qu'une seule, ou pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue, qui pourrait perdre de un à deux députés, 1,56, par rapport aux trois députés de circonscriptions actuels.

Ainsi, selon la réforme proposée, ces huit régions actuellement représentées par 35 députés pourraient perdre plus de 45 % de leurs comtés afin d'atteindre un objectif d'une vingtaine de circonscriptions. Par ailleurs, il est à noter que, pour l'ensemble de ces régions, ces huit régions, sauf pour le Saguenay?Lac-Saint-Jean, le nombre moyen d'électeurs se situe en dessous de la moyenne nationale actuelle de 42 713. D'ailleurs, pour les 35 circonscriptions de ces huit régions, seulement sept dépassent 45 000 électeurs, soit Roberval, Chicoutimi, Drummond, Arthabaska, Maskinongé, et Chutes-de-la-Chaudière, et Lévis. L'avant-projet de loi prévoit partiellement compenser ces pertes avec une répartition des sièges à la proportionnelle. Toutefois, compte tenu des faibles densités de population de ces huit régions étudiées, il est peu probable que cet ajout rétablisse les acquis actuels, comme le démontre très bien le tableau à la page 19 de notre mémoire.

n (14 h 30) n

Même avec l'ajout de sièges à la proportionnelle, il n'est possible de garantir qu'une trentaine de sièges aux huit régions étudiées qui, en excluant le territoire du Nord-du-Québec, représentent pourtant 52 % du territoire québécois. Ces régions auraient donc à assumer une perte potentielle de près de cinq sièges par rapport aux 35 circonscriptions actuellement reconnues et une diminution de près de 10 % de leur nombre de députés. Il devient aussi évident que des pertes importantes, au plan du nombre de circonscriptions, seraient à considérer pour d'autres régions telles que l'Outaouais, l'Estrie, Lanaudière, les Laurentides, etc. Pour la FQM...

Le Président (M. Ouimet): M. Belzil, je vous invite à conclure. Il reste moins d'une minute.

M. Belzil (Michel): Pour la FQM, cette inéquité potentielle envers les citoyens des régions du Québec et des représentants de leur circonscription est tout simplement inacceptable. Les prévisions démographiques présentées dans la première section de ce mémoire rendent d'autant plus la présente proposition inacceptable. Avec une perspective démographique prévoyant une baisse de 18 % de sa population en 2026, la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine sera représentée par un tiers de députés. Et, si on fait l'analyse des grandes régions au Québec, on prévoit une diminution de population de plus de 11 % pour l'ensemble des régions ressources au Québec.

En ce qui a trait à la création d'une deuxième catégorie de députés, ceux élus à la proportionnelle, la FQM émet également de sérieuses réserves. En effet, nous nous interrogeons sur le fait que 50 nouveaux députés élus à la proportionnelle se feraient élire à partir de listes dont les détails demeurent encore inconnus.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, là-dessus, je dois vous interrompre, M. Belzil, à moins que vous me dites que vous avez une conclusion en moins de 15 secondes.

M. Belzil (Michel): Alors, j'ai une conclusion rapide. Les principales recommandations que nous faisons, alors: Que la réforme du mode de scrutin se fasse de façon graduelle; que le gouvernement augmente à 143 le nombre de sièges à l'Assemblée nationale pour permettre l'intégration d'un système de proportionnelle mixte. Pour ce faire, au nom du respect du poids politique actuel des régions, la FQM recommande que soient ajoutés aux 125 circonscriptions actuellement en vigueur 17 nouveaux sièges élus à la proportionnelle à partir d'une liste spécifiant un représentant pour chacune des régions administratives existantes en 2006; que le gouvernement confirme, dans la Loi électorale, le statut particulier actuellement reconnu pour les circonscriptions, les six circonscriptions que je viens de vous énumérer; que, tel que c'est déjà reconnu dans la Loi électorale, le gouvernement maintienne à 25 % l'écart minimal et maximal par rapport à la médiane du nombre moyen d'électeurs; que le gouvernement rejette le projet de découpage électoral en districts, une structure inutile qui s'ajouterait aux circonscriptions, et ce, sans appartenance territoriale; et que le gouvernement, parallèlement aux démarches en cours sur la réforme du mode de scrutin, intègre la démarche de décentralisation des pouvoirs actuellement entreprise par la ministre des Affaires municipales et des Régions.

Alors, conclusion, nous sommes inquiets des conséquences de la réforme électorale de l'avant-projet de loi, tel que déposé bien sûr, l'impact de cette réforme pour les régions, pour la représentation des régions. Un des objectifs, c'est bien sûr une participation citoyenne accrue, et je ne pense pas que c'est en agrandissant les territoires qu'on va faire en sorte que les citoyens vont participer de façon plus intense à la vie démocratique au Québec.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Belzil, pour cette présentation. J'ouvre immédiatement en cédant la parole à M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.

M. Pelletier: Merci. M. Belzil, merci beaucoup pour votre témoignage. M. Latulippe, par ailleurs, M. Lahaie, merci d'être ici, aujourd'hui. C'est une proposition intéressante, mais que j'ai quand même du mal à comprendre, donc je vais vous demander de l'expliquer davantage.

Mais je dois dire, d'entrée de jeu, que, nous, ce que nous avons choisi pour l'instant, c'est un modèle donc mixte, proportionnel mixte, avec une compensation régionale, donc il y a quand même là une préoccupation régionale qui est au coeur de la proposition du gouvernement.

Il faut tenir compte également du désir qui est exprimé par certains d'avoir une meilleure présence des tiers partis ou des petits partis à l'Assemblée nationale, le désir que certains expriment d'avoir une meilleure représentation des idées, d'être finalement davantage représentatifs du pluralisme politique au Québec, et évidemment le désir que certains expriment aussi de réduire encore davantage les écarts ou les distorsions entre finalement le nombre de votes obtenus par un parti puis le nombre de sièges qu'il a.

Alors, tout ça fait en sorte que nous avons pensé une réforme beaucoup plus importante que ce que vous nous proposez. Nous, on est vraiment entrés dans le coeur même de la réforme du mode de scrutin, et nous avons donc proposé une proportionnelle mixte avec une compensation régionale, comme vous le savez.

Dans votre cas, vous proposez d'ajouter 17 sièges, si je comprends bien, aux 125 sièges actuels de l'Assemblée nationale. Or, ça m'amène à deux questions. Et, soit dit en passant, vous faites bien, là, de défendre les régions, puis les régions se font entendre dans notre processus. Si ça peut vous rassurer, je peux vous dire que les régions se font entendre et que le message que je reçois, c'est qu'elles ne veulent pas sortir affaiblies de la réforme du mode de scrutin, ça, c'est très clair.

Donc, si je reviens à votre proposition, premièrement, vous avez dit tout à l'heure: Nous aurions un total de 143 députés. Or, 125 plus 17, c'est 142. Je ne sais pas s'il y a quelque chose qui m'échappe, là. Est-ce qu'il y a un député flottant dans votre proposition? Je ne le sais pas. D'autre part, j'aimerais savoir comment ces députés-là vont être choisis parce que, je m'en confesse, en lisant le mémoire, je n'ai pas vraiment compris comment se ferait le choix de ces députés-là et la distribution des députés en fonction du concept de proportionnalité.

M. Belzil (Michel): D'accord. Bien, nous, écoutez, nous nous sommes penchés très sérieusement sur l'avant-projet de loi, hein, avec une analyse des impacts sur les régions du Québec. Et ce qu'on veut dire ici, à la commission, c'est que je pense que c'est louable, hein, bien sûr de donner une voix aux tiers partis, c'est louable d'améliorer la participation citoyenne, bien sûr, mais ça ne doit pas en aucun moment se faire en diminuant la représentativité des régions du Québec.

Nous avons pris soin de faire une analyse très exhaustive, que vous pouvez parcourir dans nos documents, et c'est l'évidence même que, par ce qui est proposé indéniablement aujourd'hui, dans 25 ans, dans 50 ans, avec les perspectives démographiques, c'est certain que ceux qui paient le prix ou une partie du prix pour cette réforme, ce sont les régions du Québec à cause des perspectives démographiques. Alors, pour nous, c'est inacceptable. Surtout qu'on a établi des consensus importants, dans les dernières années, au Québec. On a donné des statuts particuliers à des régions. Ça remonte juste à l'an 2000. Il y a cinq ans. Alors, c'est tout à fait récent. Alors, moi, je ne vois pas comment on va modifier, hein... une modification aussi importante, je dirais, sur le dos des régions, sur le dos de la représentation des régions. Alors, pour moi, c'est inacceptable.

Alors, notre proposition se veut finalement une tentative, O.K., une tentative d'aller donner une voix ou une meilleure répartition. C'est aussi simple que ça. Mais, nous, ce que nous disons, c'est que le député, à la base même, un député, il représente des électeurs et il est en lien, en appartenance à un territoire. Et, nous, on pense que 77-50, on pense qu'on doit conserver les 125 en lien avec les citoyens, représentant des vrais citoyens, pas sur des listes et, qui sait, des listes de 50 noms dont la moitié ou la presque totalité pourraient provenir d'une région bien particulière au Québec, pour ne pas la nommer.

Alors, je pense que, si on veut que nos institutions ? comment je dirais? ? que les citoyens les acceptent, participent, puis qu'il y ait une bonne représentation, il faut que les gens proviennent des régions. Alors, pour nous, la proposition, c'est que les parties identifient ? il y a 17 régions administratives; identifient ? des représentants issus, demeurant dans chacune des 17 régions déjà existantes. Et on se dit: Allons-y prudemment, allons-y avec une tentative, un essai. On garde nos 125 circonscriptions, votation simple, en lien avec le territoire, rajoutons-en donc 17, O.K., ce qui est quand même peu, mais issues de listes, je veux dire, des personnes qui demeurent dans ces régions, sur la base des régions.

n (14 h 40) n

Alors, ça n'affaiblit pas les régions. C'est des gens qui sont quand même en lien beaucoup plus que les districts. Imaginez, il y a des districts, là... à 200 000 de population, les districts tels que proposés, là, il n'y a plus de Côte-Nord peut-être représentée par ces députés-là. Gaspésie, il va falloir faire trois régions pour faire un district. En tout cas, c'est une proposition, c'est une tentative que, nous, on vous soumet pour réflexion. Maintenant, comment va se faire, je dirais, l'attribution des... bien là, écoutez, on n'a pas voulu aller dans tous ces détails-là. Ça peut être de différentes façons, mais on pense que la prudence est de mise. Et, par cette proposition, on pense qu'on peut aller de l'avant avec quelque chose qui est moderne, qui est avant-gardiste, tout en conservant les acquis, la représentation des régions et le lien du député avec son territoire.

M. Pelletier: Ce n'est pas fou, ce que vous proposez, puis je vous remercie de cette réflexion-là finalement que vous enrichissez avec votre proposition, puis on va l'examiner, on va l'examiner.

J'essaie encore de voir par quelle mécanique on pourrait s'assurer, si nous retenions votre proposition, qu'à titre d'exemple tous les députés de liste représentent vraiment toutes les régions du Québec, là. J'ai peine encore à voir comment ça pourrait fonctionner. Cette mécanique-là est quand même importante, là, parce que c'est ça qui peut nous garantir que nous sommes en présence de quelque chose qui tient la route, que c'est une proposition qui est faisable en termes concrets.

M. Belzil (Michel): Oui. Bien, je vous l'ai mentionné tantôt, nous, on ne prétend pas, là, être allés très loin là-dedans, mais je pense qu'il peut y avoir toutes sortes de réflexions sur cette proposition-là.

M. Pelletier: Oui.

M. Belzil (Michel): Même, ça peut aller même au-delà de ce que vous pouvez imaginer. Il y a des partis au pouvoir qui parfois n'ont même pas de représentant dans certaines régions. Pourquoi ne pas en profiter ? je dis ça comme ça, là; pourquoi ne pas en profiter ? pour donner une voix à une région, dans un parti politique, qui n'en aurait pas? Alors, ça peut être plus que proportionnel selon le pourcentage de votes; ça peut aller jusque-là. Je ne sais pas si vous me saisissez bien.

M. Pelletier: Oui, oui, oui.

M. Belzil (Michel): Ça peut être utilisé à beaucoup d'objectifs.

M. Pelletier: J'ai terminé.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Masson.

M. Thériault: Alors, MM. Belzil, Latulippe et Lahaie, messieurs, bienvenue. Écoutez, j'ai lu votre mémoire attentivement. Je l'ai trouvé très pertinent et très dérangeant. J'ai tellement souligné de choses que j'ai brûlé un marqueur à lire votre mémoire. Votre mémoire est dérangeant, mais ce n'est pas parce qu'il est dérangeant qu'il est nécessairement contournable.

Vous représentez 85 % du territoire, 915 municipalités, 50 % des électeurs. L'opposition officielle est préoccupée par ce que vous avancez aujourd'hui. Toute cette question de la décentralisation liée à la représentativité des régions doit nécessairement être examinée pour ne pas que, comme le modèle qui est sur la table... Moi, je pense, M. le Président, que le ministre... que la proposition que le gouvernement a faite ne tient pas la route, eu égard à votre mémoire et aux aspirations que vous défendez dans votre mémoire.

Ceci étant dit, il n'y a rien de simple, il n'y a rien de simple quand on veut changer les règles démocratiques au Québec, mais il me semble que vous avancez un certain nombre d'arguments qui sont incontournables, notamment un principe: l'occupation dynamique du territoire implique qu'il faut absolument, de manière simultanée, procéder à une décentralisation des pouvoirs et du réaménagement d'un mode de scrutin. Et là vous allez jusqu'à dire: Il pourrait y avoir, entre autres choses, augmentation des 125 députés par une chambre des régions. C'est effectivement très particulier. Je pense qu'il faut que ce soit examiné, même si ça n'entre pas dans le cadre de ce qu'on entend depuis le début.

Ce que j'entends de ce que vous dites sur votre volonté qu'il y ait 125 députés, c'est que vous dites: Indépendamment du mode de scrutin, là, notre mode de scrutin actuel fonctionnerait très mal, en bas de 125 députés, par rapport aux aspirations des régions. Et, si on veut continuer à faire en sorte qu'il y ait une occupation dynamique du territoire, il faut que ces régions-là... il faut que cette occupation dynamique du territoire ait une répercussion en termes de représentation démocratique à l'Assemblée nationale. C'est ça, la base de votre mémoire. Et vous dites: L'avant-projet de loi passe à côté de ça. Bon. Ceci étant dit, qu'est-ce qu'on fait par après?

Alors, première question plus technique. Vous représentez 50 % de l'électorat. Vous dites: On augmente à 143 sièges. Pensez-vous que les gens que vous représentez vont vous suivre? Est-ce que vous pensez effectivement que les Québécoises et les Québécois, les électeurs, seraient pour aller dans le sens du respect du principe de l'occupation dynamique du territoire, enclins à dire: On augmente le nombre de représentants du peuple à l'Assemblée nationale?

M. Belzil (Michel): Écoutez, là-dessus, là, je préside une coalition des régions formée de 35 organisations nationales au Québec. Et ils seront saisis sous peu, hein, bien sûr de toute cette question-là. Alors, pour nous, on poursuit la réflexion avec nos partenaires naturels, bien sûr.

Moi, je vous dirai que ce qu'on entend ici et là, c'est que, oui, ça prend un équilibre, un ajustement, au niveau de la représentation, en termes de votes exprimés, en termes de tiers partis. C'est ça qui est l'objectif. Alors, je me dis: C'est un objectif souhaitable.

Nous, notre proposition, c'est que, on vous le dit bien franchement, la façon que ça fonctionne aujourd'hui, c'est satisfaisant pour nous. Et je ne vois pas comment on pourrait modifier les choses sans pénaliser les régions. Je dois vous dire bien franchement, là, c'est toujours possible.

Et ce qu'on vous propose, c'est que... dans la mesure où c'est toujours le voeu, dans la grande majorité, d'apporter des modifications aux instances démocratiques puis d'apporter une voix à un tiers parti ? je me répète un peu ? allons-y prudemment.

Nous, on s'est penchés là-dessus, on a fait des analyses très, très concrètes des régions du Québec, là. Et les pertes de députés, je vais vous dire, ça va être des grands combats, là, je peux vous dire ça d'avance, là.

M. Thériault: Vous faites bien effectivement de dire que vous avez examiné la chose d'une façon très, très, très concrète, et c'est ce qui m'a frappé. Et on ne peut pas ne pas entendre ce que vous voulez nous dire et ce qu'il y a dans ce mémoire. Je vais laisser bientôt la parole à la députée, ma collègue de Duplessis. Mais au fond votre message, à la page 5, c'est de dire: Vous voulez rapprocher le pouvoir des citoyens, mais le modèle qui est sur la table fait le contraire. On éloigne le pouvoir des citoyens, notamment lorsqu'on regarde la réalité des régions. Ça, c'est le grand message que vous amenez sur la table aujourd'hui.

Moi, je peux vous dire que l'opposition officielle va en faire un incontournable et va essayer d'arrimer toutes les préoccupations. Il faut les arrimer, mais il faut trouver une solution à ça. La discarter sous prétexte que ça ne va pas dans le sens des réflexions théoriques qu'on a, je pense que c'est passer à côté d'une réalité et de la concrétude de l'obligation de changer les règles démocratiques de la société québécoise. La députée de Duplessis...

Le Président (M. Ouimet): Bien...

M. Belzil (Michel): Bien, écoutez, c'est bien sûr que... Oui. C'est vrai que, quant à nous, là, ce n'est pas nécessairement acceptable. Mais en même temps je reconnais l'effort du gouvernement, là, puis les objectifs sont louables. Je l'ai répété tantôt ici.

Mais, je répète, les modifications ne pourront pas se faire au prix d'une diminution de la représentation des régions, que ce soit de quelconque manière que ce soit. Alors, je pense que ce serait incohérent avec toute la vision qu'on s'est donnée au Québec, avec toutes les décisions qu'on a prises dans ces récentes dernières années.

Alors, je pense qu'il faut trouver une idée, une solution, quelque chose qui peut être intéressant mais qui doit être aussi très prudent pour voir comment ça évolue.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Belzil. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Belzil, M. Latulippe et M. Lahaie. Je dois vous dire que je suis extrêmement contente de vous entendre aujourd'hui. Ça fait longtemps que je suis sur la commission, et entendre parler des régions, entendre vraiment l'état des régions comme vous l'avez décrit dans votre mémoire, ça faisait longtemps que j'attendais ça.

Parce que je vous avoue que, dans l'avant-projet de loi, je ne me retrouve pas. Je ne me retrouve pas dans l'avant-projet de loi, comme députée provenant d'une région, et je sais quels dommages ce projet de loi va causer aux régions. Et je comprends, bon, que c'est pour faire plus de place aux tiers partis. Moi, j'ai eu l'impression que, pour amener le pluralisme, pour amener les tiers partis, l'avant-projet de loi le faisait au détriment des régions.

n (14 h 50) n

Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais vous demander: Quand vous parlez des 17 nouveaux sièges... Vous avez même dit: On pourrait le faire au niveau d'une liste régionale. Le parti au pouvoir pourrait même nommer des députés dans ces régions. Vous savez, on a fait beaucoup aussi... On a entendu beaucoup les femmes. Elles se sont prononcées pour que les femmes, bon, soient sur les listes. Il y en a qui veulent que les femmes soient priorisées sur les listes. Je voudrais vous entendre là-dessus. Au niveau des listes, bon, vous voulez vraiment que ces personnes-là sur les listes soient élues, mais, au-delà de ça, quels représentants ou quelles représentantes, par ordre?

M. Belzil (Michel): Bien, écoutez, nous, en tout cas, à la FQM, ça fait de nombreuses années, si je parle au niveau municipal, qu'on favorise la présence de femmes et de jeunes d'une façon plus importante que c'est le cas aujourd'hui. Alors, pour nous, là, c'est quelque chose... c'est un concept auquel on est très, très habitués.

Écoutez, ces listes-là vont provenir des partis politiques, hein? Ce sera à eux à prendre leurs décisions. Mais, moi, écoutez, je vois très facilement sur une liste... Qu'il y ait 50 % de femmes, 50 % d'hommes sur les listes, là, écoutez, je pense que c'est la représentation de la société québécoise, et aussi quelques jeunes, etc. Alors, moi, je... Mais je n'ai pas de directive à donner aux partis politiques. Ce sera à eux à faire leur examen de conscience et...

Mme Richard: Tout en maintenant que cette liste-là soit une liste au niveau régional et non qu'elle soit faite au niveau national?

M. Belzil (Michel): La liste peut être faite au niveau de chaque parti au niveau national, mais les gens qui vont être sur cette liste-là, il va falloir qu'ils se rapportent à une région donnée ? hein, comprenez-vous? ? et ils seront, à ce moment-là, représentants de cette région-là.

Mme Richard: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Belzil. J'inviterais maintenant le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Je vais continuer sur la même ligne que ma prédécesseure. Je comprends, M. Belzil, que vous identifiez une problématique très préoccupante, très préoccupante. Mais on a entendu aussi beaucoup de témoins qui nous ont parlé d'une liste nationale, puis il y en a quelques-uns qui ont avancé l'idée d'une liste structurée ou balisée, appelons-la comme nous voulons, là, mais une liste qui... Est-ce que vous avez analysé la possibilité d'avoir une liste nationale balisée qui vous assurerait que les régions ne perdent pas de poids? En prévoyant qu'il va y avoir la région de la Gaspésie, oui, dans la liste. Obligatoirement, il va y en avoir.. Puis on peut la structurer dans la loi comme on peut se fier aux partis politiques qui devront établir une liste nationale pour essayer de vendre le meilleur produit pour les régions.

M. Belzil (Michel): Écoutez, moi, aujourd'hui, je suis devant vous, là, c'est complexe, hein, quand on tombe dans tous les détails, là, etc., mais, en autant que nous sommes concernés, la FQM, là, toute mécanique ou procédé, là, qui fait en sorte que les régions sont respectées, que le poids politique des régions, la représentation des régions est là, c'est acceptable, quant à nous. Alors, c'est ça que je veux vous dire. Par contre, de dire: On va conserver des listes nationales de 50 députés puis on va se fier sur les partis politiques sans aucune balise, bien, ça, là, c'est contraire à ce que je vous dis aujourd'hui, là.

Alors, je pense qu'il faut que les choses soient claires: il n'y aura pas quant à moi de perte pour les régions du Québec pour une amélioration des instances démocratiques. En tout cas, je vous le dis, là, bien franchement, et ça peut être fort difficile de faire passer ça en région, ce genre de chose là. Il y a déjà eu certaines rumeurs pour la perte d'un député, par exemple, dans une région au Québec. Je vais vous dire que ça fait de hauts cris. Alors, imaginez une réforme, là, avec les perspectives démographiques des régions en plus, je pense que ça peut être vraiment difficile et même suicidaire.

M. Picard: Merci. C'est correct, merci.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. le député. J'irai maintenant du côté du comité des citoyens, et je demanderais à Mme Proulx de bien poser sa question.

Mme Proulx (Mélanie): Oui. Bonjour. Ma question porte aussi sur les listes, donc ça va dans la même perspective. Vous me corrigerez si... Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris. Qu'est-ce qui vous fait peur quant à... Tu sais, vous me semblez avoir... Je pense que c'est clair, là, que les listes nationales, qu'on laisserait à la discrétion des partis... Je pense que vous avez même mentionné que probablement tout le monde viendrait d'une même région, sur la liste, pour ne pas la nommer, là.

Qu'est-ce qui fait croire... Parce que vous n'êtes pas les premiers à avancer l'idée, là. Qu'est-ce qui vous fait croire qu'on ne peut pas laisser ça à la bonne volonté des partis, puis il faut que ce soit... Est-ce qu'il n'y aurait pas justement... Les partis n'auraient pas l'idée d'amener naturellement des représentants des différentes régions?

M. Belzil (Michel): Écoutez, je pense que notre réflexion, une bonne partie de notre réflexion, là, c'est le lien, le lien d'appartenance du député avec son territoire. Et pour nous, on vous l'a dit clairement, le député élu directement dans sa circonscription versus un député de liste, pour nous, ce n'est pas la même chose du tout, hein, et surtout dans ce qui est proposé, des grands districts de 200 000 de population, là. Le représentant de la Gaspésie puis de la Côte-Nord peut demeurer à Québec, là, hein, facilement quand on étire tout ça, là. Alors, pour nous, ça n'a pas de sens.

Alors, écoutez, nous, ce qu'on dit, là, c'est que, le lien avec le territoire, on peut aussi le conserver dans cette tentative d'améliorer l'instance démocratique puis de lui donner un élément de proportionnel, là, léger et prudent, avec quelques députés de plus. Alors, il faut nécessairement qu'il y ait un lien avec le territoire puis il faut que toutes les régions soient représentées. Alors, moi, je me dis, là, le député, peu importe la... comment je dirais, est-ce qu'il est au parti au pouvoir ou pas, le député de telle région, il faudrait qu'il y ait des députés, issus de la proportionnelle, qui viennent de toutes les régions du Québec, qui sont résidents dans ces régions-là, et cette liste-là est faite à partir du lieu de résidence. Alors, c'est ça que je veux spécifier, et non pas prendre la chance que ces listes-là énumèrent des personnes qui demeurent, mettons, toutes à Québec, toutes à Montréal ou quelque chose du genre. Ce serait un non-sens.

Le Président (M. Blackburn): Merci, M. Belzil. Mme Proulx, ça va?

Mme Proulx (Mélanie): Oui. Merci.

Le Président (M. Blackburn): Merci. J'ai M. Morisset qui avait manifesté son intention de prendre la parole.

M. Morisset (Michel): Alors, merci, M. le Président. M. Belzil, bonjour. J'ai lu avec attention, et je suis très réceptif à vos commentaires, étant moi-même de Bas-Saint-Laurent, Gaspésie?Les Îles.

Pour rendre, disons, l'avant-projet de loi, ou le projet de loi, ou la réforme plus acceptable, vous avez abordé... Je vous proposerais, disons... Vous avez parlé de démographie, vous avez parlé de décentralisation et vous avez parlé de représentation. Alors, croyez-vous, par exemple, que, si... Je vais vous donner un exemple. Mon village, moi, où j'habite maintenant, il a 400 habitants, et, à même pas 1 km de mon village, il y a un autre village qui a 3 000 habitants. Alors, croyez-vous, par exemple, que ça aiderait à cette nouvelle réforme si par contre les petits villages, disons, de moins de 500 habitants seraient regroupés à un village d'une part plus nombreux? Parce que, dans une décentralisation de pouvoir, le danger, c'est que, dans un petit village, les gens sont installés des fois depuis très longtemps, et, s'ils se ramassent, disons, avec plus, des fois, de pouvoirs, je ne suis pas sûr, là, que la démocratie va être bien servie.

Et puis, pour la question de la représentation, bien évidemment, si ces villages minuscules là étaient regroupés, avaient une voix plus forte, ça pourrait donner une voix plus forte aux municipalités finalement et aux régions face justement au gouvernement. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là?

n (15 heures) n

M. Belzil (Michel): Écoutez, vous me questionnez sur un dossier qui a fait l'histoire du Québec, il y a quelques années. Et tous ceux qui me connaissent le savent que je ne pense pas que la vitalité des citoyens même de petites communautés ? j'en ai été un maire longtemps ? est en fonction du nombre de population. Pas du tout. Au Québec, sur 1 100 municipalités ? il y en a combien? ? 87 % des municipalités ont moins de 5 000 de population. Des municipalités qui ont moins de 1 000 de population, il doit y en avoir 700, 800. Alors, je vais vous dire que la proposition que vous faites, ce serait, je pense, un contrat pour la commission ou pour une autre commission pour les 10 prochaines années, sûrement. Alors, non, moi, je pense qu'il ne faut pas revenir à ce questionnement-là sur les fusions municipales. Il y a des instances qui ont été créées, de nature supralocale, qu'on appelle les MRC. Alors, quand, nous, on parle de décentralisation, oui, ça peut être décentralisé dans la municipalité, dans la ville, dépendant de sa grosseur, mais, si, par le principe de la subsidiarité, c'est impossible pour chacune des composantes d'assumer une responsabilité, bien là on élève ça tout simplement au niveau de la MRC. Alors, ce sont les grands principes. Alors, je ne pense pas que ça fait un irritant, là, dans nos propositions, en termes de décentralisation, etc.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Morisset. M. Boivin, maintenant.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, messieurs.

M. Belzil (Michel): Bonjour.

M. Boivin (Guillaume): La représentation des régions est importante. Les arbitrages entre régions constituent un axe important de la dynamique politique au Québec. Cependant, plusieurs soulignent le fait qu'important ne signifie pas avoir préséance sur tout le reste. Considérez-vous vraiment que la conservation d'une... que la perte de la moitié, disons, du privilège de représentation accordé aux régions ne vaut pas l'amélioration du pluralisme au Québec? Ce n'est pas Montréal contre l'Estrie qui s'affrontent au Parlement, ce sont les idées, les programmes. Croyez-vous que de passer de 34, alors que, s'il y avait une division territoriale intégrale exacte, ce serait peut-être 30... Là, les régions mentionnées passeraient à 32, mais pour ça vous privilégiez cet aspect-là sur la représentation féminine, la représentation des minorités.

Le modèle proposé, ça facilite des mesures favorisant la représentation féminine, la représentation des communautés culturelles, le pluralisme politique. Donc, lorsque vous mettez tous les éléments dans la balance, d'un bord et de l'autre, pour vous, la réponse tout de même, c'est celle que vous nous apportez aujourd'hui. C'est ce qu'on doit comprendre?

M. Belzil (Michel): Définitivement, je pense que oui. Il y a bien des choses intéressantes dans ce que vous avez nommé, mais le Québec s'est formé, s'est développé à partir historiquement de ses régions, et il y a un consensus, j'en suis convaincu, chez les parlementaires et chez l'ensemble des partenaires, peu importe leur origine, pour le maintien de régions fortes, hein, et de toutes les régions du Québec.

Je sais bien que parfois on entend des phrases malheureuses en disant: Bah! les régions, les perspectives démographiques font en sorte qu'elles vont diminuer. Non, je pense que des gens comme moi, comme l'ensemble des maires que je représente, ont à coeur le développement de leurs collectivités puis ont à coeur aussi le pouvoir politique qu'ils ont à Québec. Et trop souvent, trop souvent, c'est le contraire qui est souvent dans leur esprit, hein? C'est-à-dire qu'il faut que les régions continuent à avoir une représentation importante, même si on fait des statuts particuliers pour certaines régions, parce que, sans ça, ce ne sera pas long que ça va être vite oublié. Alors, non, je pense que le coeur même et l'essence de ce qui se discute, c'est que les régions ne doivent pas et ne peuvent pas se permettre de payer le prix d'une réforme comme celle-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Il me reste deux autres citoyens. Mme Loucheur, il reste un peu moins de deux minutes cependant.

Mme Loucheur (Yohanna): Puis il y a quelqu'un d'autre?

Le Président (M. Ouimet): Et il y aurait M. Gaboury, là, mais allez-y.

Mme Loucheur (Yohanna): Oui, bonjour. Pour poursuivre, je pense, à peu près dans la même veine que mes collègues, j'avoue ne pas tout à fait comprendre le raisonnement qui vous amène à conclure que les régions perdraient énormément avec la réforme qui est proposée, dans la mesure où... ou en tout cas qu'il y a des aménagements possibles. Je pense que le scénario des 26 districts est de moins en moins susceptible d'être retenu. D'après ce qu'on a entendu jusqu'à présent, beaucoup recommandent l'utilisation, par exemple, des 17 régions administratives pour la répartition.

D'autre part, il est très clair, je pense, dans l'esprit de tout le monde, que les sièges proportionnels dans chacune des régions seraient vraiment ancrés dans les régions. Ça pourrait peut-être même faire l'objet d'une précision au niveau du projet de loi. La double candidature aussi fait en sorte que les gens vont être issus des régions. Et donc, moi, je ne comprends pas comment on arrive à la conclusion que les régions perdent nécessairement du pouvoir politique avec cette réforme-là.

Et d'autre part il me semble que les régions pourraient peut-être bénéficier d'une plus grande pluralité politique. Il y a peut-être des petits partis qui peuvent avoir des assises dans les régions, et qui peuvent amener une voix différente, et qui peuvent donc être... En soi, ça, ça peut être intéressant aussi pour les régions. Je me demande si vous seriez prêts à examiner peut-être des aménagements possibles dans la réforme, à ce niveau-là.

M. Belzil (Michel): Bien, moi, je vous répondrai que, nous, là, ce que l'on a analysé, c'est l'avant-projet de loi qu'on nous a soumis et ce n'est pas ce que vous me dites maintenant, que les districts, ça va être éliminé, etc. Alors, moi, à l'analyse même de l'avant-projet de loi, l'évidence, selon les calculs qu'on a faits... Quand on est en région, au Québec, les territoires de circonscriptions sont plus petits, représentent beaucoup moins d'électeurs. Donc, ça veut dire, avec une perspective démographique déficitaire dans 25, dans 50 ans, qu'à un moment donné l'effet peut être encore multiplié. Alors, je vous dis, moi, que ce qui est sur la table, ce n'est pas intéressant et ce ne sera pas acceptable pour les régions. Alors, c'est certain que, s'il y a d'autres éléments qui font en sorte que les régions retrouvent leur représentation par l'introduction d'une proportionnelle, ce sera à réévaluer, à analyser de nouveau.

Maintenant, moi, la pluralité des partis puis la meilleure représentation à l'Assemblée nationale, j'en suis, bien sûr. Mais le seul message et le principal message que je veux vous donner ici, c'est qu'il va falloir que ça se fasse dans le respect des régions. Et en aucun moment pensez, en prévision même des années futures, que la représentation, si chère pour les régions du Québec, ne devrait être affectée, en aucun temps. Alors, c'est le message que je lance. Vous pouvez faire tous les calculs...

Le Président (M. Ouimet): Le message, il est bien compris, vous l'avez lancé à quelques reprises.

M. Belzil (Michel): D'accord.

Le Président (M. Ouimet): Je vais permettre une dernière question à M. Gaboury. Je pige dans le temps des enveloppes de tout le monde, là, avec le consentement. Alors, allez-y.

M. Gaboury (Charles): Mais je pense que mes deux collègues ont déjà posé la question, et ça va dans le même sens de réponse, alors ce serait redondant. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je vous remercie, M. Gaboury. Donc, je reviens au ministre. M. le ministre, à vous la parole.

M. Pelletier: Merci. M. Belzil, pour faire enfin le choix ou l'élection de vos députés de compensation, est-ce que vous nous proposez de retenir les divisions administratives actuelles au Québec, là, et les régions administratives? Est-ce que votre proposition, c'est que nous retenions la délimitation de ces régions administratives là comme base pour faire par la suite la répartition des députés de compensation?

M. Belzil (Michel): Tout à fait. Alors, c'est notre proposition.

M. Pelletier: C'est ça. Est-ce que vous avez pensé à la cohabitation entre les députés de liste et les députés élus par leurs citoyens directement dans les circonscriptions? Parce que plusieurs personnes sont inquiètes de cette cohabitation-là. On aurait plusieurs personnes qui parleraient au nom des régions, forcément, là. On aurait un nouveau député de liste qui prétendrait parler au nom de la région. On aurait les députés élus directement par leur population, qui prétendraient aussi parler au nom de leurs régions. Est-ce que vous avez pensé à la cohabitation entre ce que j'appellerais, disons, pour les fins de la cause, ces deux types de députés?

M. Belzil (Michel): Ça fait beaucoup de députés qui parleraient pour les régions, alors c'est très, très intéressant.

M. Pelletier: Je sais que vous ne demandez pas mieux.

M. Belzil (Michel): Non, écoutez, on vous le dit très, très clairement et en tout respect, le député par le mode habituel au vote direct, pour nous, c'est ce qu'on connaît, puis c'est ce qui est le plus en lien, puis on favorise le député de circonscription. Mais, dans l'objectif, si on veut essayer de trouver une avenue pour la pluralité des partis puis donner une voix aux tiers partis et d'autres aménagements, là, on se dit: Allons-y prudemment. Puis c'est pour ça qu'on vous soumet sept propositions qui méritent d'être analysées, qui peuvent être transformées. Vous comprenez, hein, le sens? Mais, nous, ce qu'on dit, c'est... Quand on dit «prudemment», ça veut dire 125 députés de circonscription, 17 autres députés, regardons ce que ça dit, regardons comment ça va évoluer, regardons comment va évoluer justement cette cohabitation-là. Alors, c'est un peu ça, là, qu'est notre message. Il faut voir, là, à l'usage qu'est-ce que ça va faire.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le ministre. Il reste à peine 2 min 15 s, je sais que le député de Masson demande un consentement pour reprendre le reste du temps. Alors, M. le député de Masson, consentement.

n (15 h 10) n

M. Thériault: Alors, merci, M. le Président. Est-ce que je me trompe si je dis qu'à la lecture de votre mémoire ? et je ne dis pas que c'est facile à intégrer ? mais il y a l'affirmation suivante: le processus de décentralisation, au Québec, son aboutissement, vous essayez de le faire émerger, là, à travers les 17 représentants régionaux que vous voudriez voir ajoutés au 125 députés. Au fond, c'est comme si vous nous disiez dans la moitié de votre mémoire: Écoutez, là, s'il y a une volonté sérieuse de décentralisation des pouvoirs au Québec, cela doit se traduire par une représentation effective au niveau de l'Assemblée nationale. Et j'en veux pour preuve, si j'ai bien compris, la citation à la page 3, quand vous dites qu'il y a déjà eu en quelque part même une proposition de création d'une chambre des régions. Est-ce que je vous comprends bien? Je ne vous dis pas que je trouve ça facile à intégrer, mais est-ce que, votre intention, je la comprends bien? Parce que c'est comme si vous dites: Là, vous voulez réformer le mode de scrutin au Québec, mais qu'est-ce que vous faites de la décentralisation, puis de la trace de cette décentralisation dans la réforme des institutions démocratiques, puis du pouvoir au Québec, si on veut? Est-ce que je vous comprends bien?

M. Belzil (Michel): Écoutez, je pense qu'on ne peut pas faire le lien direct comme vous le faites.

M. Thériault: Ah! O.K. Donc, j'ai mal compris.

M. Belzil (Michel): On ne peut pas faire le lien sur tous les 17 députés supplémentaires qui seraient porteurs de la décentralisation, pas du tout, pas du tout. Pour nous, la décentralisation, c'est un mouvement, hein, qui est réclamé depuis 30, 40 ans. Et la décentralisation... Comme instance représentant des municipalités, nous, on dit souvent: La décentralisation doit aller vers des élus, des élus municipaux aussi, hein? Comprenez-vous? Et élus municipaux, élus provinciaux, ce sont des gens qui travaillent tous ensemble.

Mais l'objectif de la décentralisation, il ne faut pas oublier que, oui, on le dit dans le mémoire, c'est un... On pense, par le principe de la décentralisation, qu'on est capables de faire mieux, plus près des citoyens, mais la décentralisation, c'est aussi une très grande mobilisation des citoyens. Alors, l'objectif que vous poursuivez, là, en favorisant l'implication des citoyens, la participation par la décentralisation, c'est atteint. Donc, les instances démocratiques, les députés, etc., c'est un tout, ça, tout ça, là, mais c'est une vision globale du Québec.

Le Président (M. Ouimet): Je dois vous remercier parce que j'ai vraiment épuisé toute l'enveloppe du temps qui vous avait été consacré. Alors, au nom des membres de la commission, merci infiniment de votre participation et de cet échange fort enrichissant. Je vous remercie.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, je demande à tous les parlementaires et les membres du comité citoyen de bien vouloir reprendre leurs sièges. M. le député de Masson, si on ne veut pas accuser trop de retard, il faudrait reprendre votre place.

Chers membres de la commission, j'aimerais reprendre les travaux. Alors, M. le député de Masson, ça fait trois fois que je vous rappelle. Si on ne veut pas accuser trop de retard... J'invite le représentant de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec à bien vouloir regagner... à s'approcher à la table des témoins pour que nous puissions poursuivre nos travaux avec la bonne et gentille collaboration de notre collègue porte-parole de l'opposition officielle.

Alors, M. Carl Chateauvert, vous êtes le directeur général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec. Soyez le bienvenu à l'Assemblée nationale du Québec. Et auriez-vous la gentillesse de nous présenter la personne qui vous accompagne?

Société Saint-Jean-Baptiste
de Québec (SSJBQ)

M. Chateauvert (Carl): Il s'agit de M. François Roy, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec.

Le Président (M. Ouimet): Ah, le président est avec nous. Félicitations et bienvenue. Donc, je vous cède un droit de parole de 10 minutes, et puis par la suite nous amorcerons une période d'échange avec vous.

M. Chateauvert (Carl): Très bien. Alors, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec tient tout d'abord à remercier le ministre Jacques Dupuis pour son projet de loi sur la réforme du mode de scrutin. Depuis plus de 30 ans, tous les partis politiques ont inscrit cette réforme dans leur programme sans jamais avoir mis un projet concret sur la table. Nous nous en voudrions cependant de ne pas souligner tout le travail accompli par le député de Borduas, M. Jean-Pierre Charbonneau, dont les états généraux de 2003 sur la réforme de nos institutions démocratiques ont certainement agi comme catalyseur de la présente réforme.

Ce n'est pas d'hier non plus que la société s'intéresse à cette question. Lors de son congrès général annuel d'octobre 2001, M. André Larocque, anciennement sous-ministre à la Réforme des institutions démocratiques mais alors et toujours professeur à l'École nationale d'administration publique, a prononcé une conférence sur les différentes réformes nécessaires à l'amélioration de notre démocratie. La société y a aussi adopté sept résolutions dont une sur la réforme du mode de scrutin, mais aussi sur l'élection au suffrage universel du premier ministre, les élections à date fixe, l'abolition de la monarchie, la réforme ou la dissolution du Sénat, la création d'une carte d'électeur et la correction de la liste électorale permanente.

En 2003, la société a déposé un mémoire aux états généraux sur la réforme de nos institutions démocratiques ainsi qu'à la Commission des institutions, qui a dû ajourner ses travaux à la suite du déclenchement des élections. En février 2004, nous avons aussi pris part au Forum Démocratie et Citoyenneté qui a eu lieu à Drummondville. Enfin, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec a aussi appuyé le Mouvement pour une démocratie nouvelle, le Mouvement pour une représentation équitable au Canada et le Mouvement Démocratie et Citoyenneté du Québec.

Les membres de cette commission devineront aisément que nous appuyons l'introduction d'une composante proportionnelle dans l'élection de nos représentants. Il est en effet inacceptable qu'un gouvernement puisse être élu sans pour autant avoir obtenu la pluralité des voix lors de l'élection et qu'un parti s'étant attiré les suffrages d'une bonne partie de la population n'obtienne pas un nombre de sièges correspondant à ce suffrage. Il est aussi malsain pour le débat démocratique que certaines positions politiques ne puissent se faire entendre à l'Assemblée nationale. Nous croyons que cette réforme est essentielle et qu'un maintien du statu quo est inadmissible. Néanmoins, ce projet de loi mérite quelques modifications afin de répondre plus adéquatement à ces critères.

La carte électorale et la composition de la Chambre. Le projet de loi propose de diviser la carte électorale en 24 ou 27 districts électoraux comprenant chacun trois circonscriptions électorales. À l'échelle du district, trois députés seront donc élus au scrutin majoritaire dont les résultats seront compensés par deux députés élus par scrutin de liste. L'Assemblée nationale compterait ainsi 127 députés, soit 77 députés de circonscription et 50 députés de liste, pour un rapport de 60 pour 40.

Premièrement, nous préférons un rapport de 50 pour 50, comme dans le système allemand. La principale qualité du système proportionnel est de favoriser la diversité des opinions en Chambre. Ce rapport de 50 % de députés de circonscription et 50 % de députés de liste nous semble plus avantageux et permet une meilleure compensation de résultats.

Deuxièmement, nous croyons que le nombre de districts est beaucoup trop élevé. Idéalement, la carte électorale devrait selon nous être divisée en districts correspondant à peu près aux régions du Québec. Nous comprenons toutefois que la répartition géographique de la population du Québec rend cet exercice difficile. Elle le rend cependant pour nous essentiel, car nous croyons que les régions doivent être convenablement représentées et qu'un district national risquerait d'augmenter indûment le poids de Montréal. Malgré cela, la société estime que le nombre de districts devrait être abaissé de façon à ce que chaque district compte au moins 10 députés, soit cinq circonscriptions électorales. Certaines régions devraient être regroupées et d'autres divisées, comme la région de Montréal peut-être, par exemple. De plus, il est beaucoup plus facile de compenser les résultats du scrutin majoritaire avec cinq députés de liste qu'avec deux. La réforme proposée favorisera encore les grands partis. Au mieux, sera-t-il possible de compenser les résultats pour les trois partis actuels. L'exercice sera encore plus compliqué s'il s'avère qu'un député indépendant a été élu au scrutin majoritaire. Il devrait d'ailleurs être envisageable d'établir un seuil de 5 % pour le district, quitte à ajouter un certain nombre de sièges flottants à l'Assemblée nationale.

n (15 h 20) n

Ce qui nous amène enfin au nombre de députés à l'Assemblée nationale. La société est d'avis qu'il est légitime d'en augmenter le nombre. Plusieurs pays aussi populeux que le Québec ont un nombre de représentants beaucoup plus élevé. Par exemple, les quelque 8 millions de Suédois sont représentés par 349 députés. Quant au Vermont, moins populeux que le Québec, 150 représentants siègent en Chambre pour 600 000 habitants. La société ne désire pas diminuer le nombre de sièges élus par scrutin majoritaire en dessous des 77 proposés par le gouvernement. Le citoyen doit pouvoir accéder facilement à son député, et des circonscriptions trop vastes ou trop populeuses nuiraient à cette qualité essentielle du député. C'est pourquoi nous proposons une Chambre de 154 députés dont 77 seraient élus par scrutin majoritaire, comme le gouvernement prévoit, et 77 par scrutin de liste. Nous comprenons que le Nunavik et les Îles-de-la-Madeleine, en raison de leur éloignement et de leur population, soient des cas particuliers qui justifient deux circonscriptions particulières.

Pour ce qui est des élections, le gouvernement propose que l'élection des députés de liste se fasse par le seul vote du député de circonscription. Autrement dit, le résultat du vote au scrutin majoritaire à l'échelle du district servira à désigner les candidats élus par scrutin de liste. Il est aussi entendu qu'un candidat pourra se présenter à la fois comme candidat de circonscription et comme candidat de liste, permettant ainsi à un candidat défait dans sa circonscription d'être malgré tout élu lors de la compensation des résultats.

La SSJBQ est d'opinion qu'il est plus conforme à la démocratie de permettre à l'électeur de voter pour le député de sa circonscription et ensuite pour le parti de son choix. En effet, un électeur pourrait très bien apprécier un candidat sans pour autant en apprécier le parti. À l'inverse, il pourrait tout aussi bien ne pas estimer le candidat proposé par le parti pour lequel il avait l'intention de voter. En permettant à l'électeur de voter deux fois, on lui permet à la fois d'élire le représentant de son choix et le programme de son choix, ce qui pourra permettre l'émergence de nouveaux partis de toutes orientations, qui enrichiront le débat politique au Québec.

Nous n'approuvons pas non plus la double candidature. La société trouve immoral qu'un candidat désavoué par les électeurs de sa circonscription soit réélu par la porte arrière grâce au scrutin de liste. Cela revient pour nous à détourner la démocratie.

L'un des grands avantages du système proportionnel à deux votes est de diminuer l'effet château fort. En effet, certaines circonscriptions votent en si grand nombre pour un parti que celui-ci est pratiquement assuré que n'importe lequel de ses candidats soit élu, peu importe sa qualité ou la qualité de son travail en tant que député ou même en tant que ministre. La réforme proposée préserve et même renforce cet effet château fort.

Illustrons notre opinion par un exemple. Le ministre Untel est candidat pour le parti A dans Quelque part. Les électeurs de Quelque part trouvent que le ministre Untel a fait un travail épouvantable au ministère de l'Éducation, mais, puisque cette circonscription est un château fort du parti A, ceux-ci auront tendance à voter tout de même pour ce parti et à reporter le ministre au pouvoir.

Supposons que, pour une fois, les électeurs décident de se défaire du ministre en question et élisent un candidat d'un autre parti. Le ministre Untel a quand même de grandes chances d'être réélu, car celui-ci est évidemment placé en tête de liste de son parti, et la compensation des votes lui a alloué un siège. Les électeurs de Quelque part se retrouvent malgré eux représentés par un député qu'ils avaient rejeté. La réélection de M. Untel ne satisfera pas nécessairement les électeurs des autres circonscriptions, car ils auront voté pour leur candidat ou leur parti, mais pas pour M. Untel. Autrement dit, la réforme proposée pourrait en principe permettre l'élection à vie d'un député et d'un parti dans cette circonscription.

Toutefois, nous acceptons que la liste de candidats soit bloquée. Il importe que l'exercice du vote demeure simple. D'ailleurs, comment les électeurs pourraient-ils choisir leurs députés dans une liste de candidats qu'ils pourraient ne pas tous connaître? Nous appuyons donc le gouvernement sur ce point. Nous espérons toutefois que ces listes ne seront pas constituées de candidats choisis par la tête des partis politiques, mais bel et bien lors d'une assemblée d'investiture des membres des partis demeurant dans les districts concernés.

Bref, nous recommandons l'élection du député de circonscription et des députés de liste par deux votes séparés et l'interdiction de la double candidature afin que le vote représente le plus fidèlement possible la volonté de l'électeur.

Afin d'augmenter le nombre de femmes siégeant à l'Assemblée nationale, le gouvernement propose que le financement public des partis soit bonifié selon le nombre de femmes présentées. La même mesure est envisagée pour les...

Le Président (M. Ouimet): M. Chateauvert...

M. Chateauvert (Carl): Oui.

Le Président (M. Ouimet): ...je vous invite à conclure, il vous reste moins de 1 min 30 s.

M. Chateauvert (Carl): Ah, mon Dieu! Ça passe vite.

Le Président (M. Ouimet): Ça passe très vite.

M. Chateauvert (Carl): O.K. Bon, alors, tout simplement, pour ce qui est de la représentation des femmes et des minorités ethniques, nous estimons en gros que la réforme proposée, de financer les partis, passe à côté du véritable problème. Selon nous, ça ne réglera pas tant que ça le problème.

Nous appuyons les dates fixes, l'élection tenue à date fixe.

Une voix: Peut-être lire simplement la conclusion.

M. Chateauvert (Carl): Oui, c'est ça que je vais faire, je pense. Je vais tout simplement lire les recommandations finales.

Le Président (M. Ouimet): Bien.

M. Chateauvert (Carl): Alors, que soit instauré un système de proportionnalité mixte compensatoire à l'allemande, dans lequel 50 % des sièges seraient élus au scrutin majoritaire à un tour et 50 % au scrutin de liste; que la carte électorale soit divisée en districts électoraux regroupant chacun au moins cinq circonscriptions électorales; que l'Assemblée nationale compte 154 députés, soit 77 élus au scrutin majoritaire, 77 par scrutin de liste; qu'un seuil de 5 % soit fixé afin de permettre l'élection d'un candidat d'un parti, quitte à ajouter des sièges flottants à l'Assemblée nationale; que l'électeur puisse voter deux fois: une fois pour le député de sa circonscription et l'autre pour la liste du parti de son choix; que la double candidature à une circonscription et dans une liste ne soit pas permise; que la liste servant au scrutin proportionnel soit bloquée; que le gouvernement s'attaque aux problèmes causant la faible représentation des femmes et minorités ethniques avant de financer les partis politiques ? les représentants du peuple doivent être choisis pour leurs qualités indépendamment de leur sexe et de leur origine ethnique; que le gouvernement consulte les différentes communautés autochtones sur leur possible représentation à l'Assemblée nationale; que la date des élections soit fixe, par exemple le deuxième dimanche de novembre, quatre ans suivant la dernière élection; que le seul motif valable pour le déclenchement d'élections prématurées soit le vote de non-confiance de la Chambre; que le vote électronique soit davantage étudié et qu'il s'accompagne toujours d'une preuve matérielle du vote; qu'une carte d'électeur soit créée afin de réduire les fraudes électorales; et que le gouvernement fasse valider la présente réforme par un référendum.

Nous remercions la commission d'avoir bien voulu nous entendre.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous, M. Chateauvert. Nous débutons immédiatement l'échange en commençant par M. le ministre. 7 min 30 s.

M. Pelletier: Oui, merci, toute une course contre la montre. Merci, M. Chateauvert, M. Roy, merci d'être ici aujourd'hui. Merci de l'intérêt que vous manifestez pour les travaux de la commission. Merci de votre contribution.

On a entendu certaines personnes nous dire que l'adoption d'un système proportionnel mixte risquerait d'affaiblir le Québec au plan politique. Ces gens-là soutiennent la thèse suivante, c'est qu'ils disent: Écoutez, au Québec, les francophones sont majoritaires, mais évidemment c'est le seul endroit en Amérique du Nord où ils sont majoritaires. Les francophones sont très menacés dans les Amériques, souffriraient de l'élection d'un gouvernement minoritaire, d'un gouvernement de coalition qui se formerait, il y aurait une fragilisation finalement du Québec au point de vue politique. Bref, cette thèse-là veut qu'un système proportionnel mixte risque d'affaiblir le Québec, notamment en ce qui concerne son identité.

Vous allez encore plus loin que l'avant-projet de loi en ce qui concerne la proportionnelle, d'après ce que j'ai compris. Alors, qu'est-ce que vous répondez à ces gens qui croient qu'un système proportionnel mixte affaiblirait le Québec?

M. Chateauvert (Carl): Bien, nous croyons que, si le Québec croit réellement à une démocratie, il faudrait que cette démocratie-là soit la meilleure possible et qu'elle représente réellement tous les intérêts du peuple du Québec. On voit même là, entre les différents partis... Il n'y a pas beaucoup de partis. On marche présentement sur un système uninominal à un tour. On voit déjà des consensus sur de nombreuses questions. Notamment, bon, on parle du déséquilibre fiscal, entre autres questions. Donc, je ne sais si vraiment ça va nous affaiblir à ce point-là.

Personnellement, je verrais même plutôt que la proportionnalité permettrait à certains francophones... dans certains comtés qui sont plus anglophones et qui auraient tendance à voter pour un parti en particulier, ils pourraient avoir cette fois-là la possibilité de faire entendre leur voix plus directement. Donc, personnellement, je ne crois pas que ça va affaiblir à ce point-là le Québec. Ça risque même plutôt d'être un incitatif, peut-être même dans les autres provinces, d'en faire autant, je croirais. Donc, on serait un exemple à ce point de vue là.

M. Pelletier: Sans entrer dans les détails de savoir quel modèle retenir, finalement, le vôtre, le nôtre, peu importe, quelles seraient les raisons selon vous qui nous justifieraient d'abandonner le système actuel pour adopter un mode de scrutin proportionnel mixte?

M. Chateauvert (Carl): Bien, c'est comme on indiquait, c'est au point de vue de la diversité des opinions à ce niveau-là. Et en plus, en même temps, on trouve ça tout à fait inacceptable de voir que, par exemple, un parti puisse être élu en ayant reçu 43 % des suffrages, mais réussir quand même à contrôler 80 % des sièges, supposons, ça peut arriver, des très grosses majorités malgré tout. Donc, c'est le principal avantage pour nous.

Le Président (M. Ouimet): Bien, merci, M. le ministre. Je vais aller du côté maintenant de l'opposition officielle. M. le député de Masson.

n (15 h 30) n

M. Thériault: Merci, M. le Président. Si le ministre, comme il l'a fait avec d'autres groupes, vous avait posé la question: Entre le statu quo et le modèle qui est sur la table, est-ce que... vous auriez préféré quel modèle?

M. Chateauvert (Carl): C'est une grosse question. Nous croyons vraiment qu'il faut qu'il y ait une réforme, mais le statu quo est inacceptable. Mais en même temps le projet qui nous est proposé là est inacceptable; il n'atteint pas les buts qu'ils sont supposés atteindre, qu'ils sont supposés atteindre.

M. Thériault: Je vais vous poser une question encore plus précise. Il y a eu un renversement par point six, en 1998, de la volonté populaire au Québec. Est-ce que cela est plus ou moins grave qu'un modèle qui est sur la table, qui consacre le tripartisme, qui implique des gouvernements minoritaires et donc une coalition qui se ferait selon la surdétermination souverainiste versus fédéraliste ? ça, c'est très plausible ? et qu'à ce compte l'alternance sauterait, puisqu'impossibilité, avec le modèle actuel, de faire entrer d'autres voix plurielles et donc qu'il y ait une coalition autre à l'Assemblée nationale? Est-ce que ce que je viens de décrire est plus ou moins grave, en termes d'entrave à la démocratie, dans la réalité québécoise?

M. Chateauvert (Carl): Est-ce que vous pourriez répéter? Parce que, là, là, je me suis mélangé, là, dans ce que vous avez dit, là, personnellement, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thériault: J'avoue que ce n'est pas facile.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouimet): Il faudrait relire les galées...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thériault: On tombe souvent dans une logique du dépit. Des gens viennent nous dire, parce que le ministre aime entendre cela: Bien, c'est un pas dans la bonne direction, puis, si on a un choix à faire entre le statu quo puis ce qui est sur la table, on préfère ce qui est sur la table.

Or, ce qui est sur la table, vous avez dit que vous n'êtes pas d'accord avec. Ce qui est sur la table consacre le tripartisme. Vous êtes d'accord avec moi?

M. Chateauvert (Carl): Tout à fait.

M. Thériault: Ce qui est sur la table implique, à cause de la surdétermination de la question nationale au Québec, une coalition ? parce que ça implique des gouvernements minoritaires, ce qui est sur la table; une coalition ? fédéralistes-souverainistes, donc ADQ-PLQ, et cela, tant que cela existe. Alors, comme distorsion, est-ce que c'est plus ou moins grave que le renversement de la volonté populaire en 1998?

M. Chateauvert (Carl): O.K. Bien franchement, je...

M. Thériault: Si vous aviez à choisir entre le statu quo et ce que je viens de vous décrire.

M. Chateauvert (Carl): Oui, entre ce qu'il y a présentement, le statu quo, ou encore...

M. Thériault: Ce que je viens de vous décrire.

M. Chateauvert (Carl): ...ce qui a été décrit, je vais vous dire...

M. Thériault: C'est correct.

M. Chateauvert (Carl): ...je crois qu'il faut vraiment changer le système...

M. Thériault: O.K.

M. Chateauvert (Carl): ...mais les deux sont inacceptables. Je ne peux pas choisir entre les deux.

M. Thériault: D'accord. D'accord. Ça va. Vous faites bien de noter que l'obligation des deux votes, c'est fondamental, parce que, s'il n'y a pas deux votes, oublie ça, le député indépendant, parce que ça vient complètement changer l'économie de ce qui est sur la table, hein? Parce que le député indépendant ne peut pas, à ce moment-là, impliquer des députés d'un parti ou de district. Mais plus encore un seul vote fait en sorte, selon l'avant-projet de loi, vous l'avez sûrement vu aussi, qu'une élection partielle, bien, la proportionnelle n'existe plus dans une élection partielle. Si le député de circonscription saute, on ne rétablit pas finalement l'effet que ça peut avoir sur les députés de district, d'où l'obligation des deux votes, n'est-ce pas?

M. Chateauvert (Carl): C'est ça.

M. Thériault: Merci beaucoup. Le collègue de Saint-Hyacinthe veut vous poser une question.

Le Président (M. Ouimet): Une minute.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, la question va directement dans le sens de ce qui vient de se poser, c'est en continuité. Ce que plusieurs ont accusé, c'est le fait que d'élire déjà sur des listes renforce énormément le pouvoir de celui qui fait la liste, hein? Et, comme dans le système actuel, on a un pouvoir excessif peut-être du chef, imaginez-vous, si on le renforce encore, on n'a pas augmenté la démocratie.

La question que je pose est la suivante: Est-ce que le deuxième vote, s'il devenait un vote prépondérant, permettrait à l'électeur de choisir qui, sur les députés de liste, deviendrait élu? Qu'est-ce que vous pensez de cette alternative-là pour éviter ce renforcement indu d'une liste?

M. Chateauvert (Carl): Autrement dit, c'est que ce serait une liste ouverte et l'électeur pourrait choisir le candidat qu'il voudrait dans la liste d'un parti?

M. Dion: Le parti et la... devrait choisir le candidat et le parti.

M. Chateauvert (Carl): D'accord. Bien, nous, ce que nous proposons surtout, c'est effectivement une liste bloquée, effectivement; donc le premier qui est en tête de liste est automatiquement élu. Sauf que ce que nous voudrions, nous, c'est que ce soient vraiment les électeurs... bien les électeurs, les membres du parti d'un district qui décident qui vont être les candidats et dans quel ordre ils seront placés.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Je vais aller maintenant du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Le député de Masson présume qu'il y aurait coalition entre l'ADQ et le PLQ, mais je pense qu'il devrait se rappeler qu'en 1995 l'ADQ a appuyé le camp du Oui. Donc... Puis des coalitions, ça peut se faire, oui, sur la base de la constitution, mais il peut y avoir des notions de programme aussi. Ce n'est pas nécessairement... Puis, selon moi...

M. Pelletier: ...maintenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thériault: Je me fiais au programme.

M. Picard: Ce matin... Oui, il y a même deux syndicats qui ont la même vision que nous.

M. Thériault: Je me fiais au programme, Marc.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Picard: Et, dans un autre ordre d'idées, vous parlez d'une carte d'électeur. Hier, il y a quelqu'un qui nous a proposé une carte d'électeur mais aussi un registre national pour permettre aux étudiants de pouvoir... entre autres aux étudiants, mais à tout le monde d'aller voter à différents points au Québec.

Ma question sur la carte d'électeur, là: Est-ce que vous voyez obligatoirement une carte d'électeur ou ? je vais donner, à titre d'exemple ? est-ce qu'on ne pourrait pas utiliser la carte d'assurance maladie, qui a une photo, puis tous les électeurs ont une photo sur leur carte d'assurance maladie, à quelques exceptions? Donc, c'est juste... J'essaie de voir, là, est-ce que ça prend absolument une carte d'électeur? Et, deux, est-ce qu'on devrait la jumeler avec un registre national pour permettre aux gens qui sont en mouvement, là, de pouvoir voter?

M. Chateauvert (Carl): Bien, personnellement, si la carte d'assurance maladie joue exactement le même rôle qu'une carte d'électeur... évidemment... ça ne devrait pas être un problème. L'important, évidemment, c'est que cette carte-là indique que la personne a la capacité d'être un électeur, de voter, a la possibilité de voter.

M. Roy (François): Qu'elle réside à l'endroit où elle a le droit de voter évidemment, que ce soit clair.

M. Chateauvert (Carl): C'est ça.

M. Picard: O.K. Mais, c'est ça, lorsqu'on a abordé le sujet d'un registre national, c'est que, moi, qui demeure sur la rive sud de Québec, la journée de l'élection, je suis dans la région de Montréal, je pourrais aller voter, là. Il y aurait un registre national qui indiquerait: Oui, Marc Picard peut voter aujourd'hui. Donc, ça élargit, je dirais, l'aspect pour pouvoir aller voter, là; tu n'es pas obligé d'être dans ta circonscription, même si le vote par anticipation existe, là. Ça, je comprends tout ça, là.

M. Roy (François): Oui, je comprends ce que vous voulez dire.

M. Picard: O.K.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député. Mme Proulx, maintenant, du côté du comité citoyen.

Mme Proulx (Mélanie): Oui. J'ai perdu ma question dans tout ce qui a été posé, là. J'avais plusieurs questions, j'en avais ciblé une puis je pense qu'on doit y avoir répondu parce qu'elle m'échappe. Ça fait que je vais laisser la place à mes collègues qui ont sûrement...

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, Mme Proulx. M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Merci à vous. Vous parlez de... la faible représentation des femmes et des groupes ethnoculturels est due à certains problèmes. Est-ce que vous vous êtes penchés sur l'identification de ces problèmes? Et, si oui, lesquels?

M. Chateauvert (Carl): Bien, sérieusement, on n'a pas eu la possibilité, le temps de se pencher sur les problèmes en tant que tels, mais on en a déjà qui sont souvent donnés. Bon, par exemple, pour les femmes, bon on parle des conditions de travail, de la difficulté de concilier la famille et puis bon le travail, etc. Pour les communautés ethniques, bien c'est souvent aussi une question d'accessibilité de l'emploi, ce genre de choses là. Alors, évidemment, quand on a de la misère à se placer socialement dans une nouvelle société, c'est difficile de s'y associer ou de s'y sentir vraiment concerné. Alors, peut-être que ça pourrait être une façon.

Mais, effectivement, il y a des problèmes de base à cette représentation-là, cette sous-représentation-là des femmes et des communautés ethniques, et puis il faudrait s'attaquer d'abord à celle-là plutôt que de donner de l'argent à des partis politiques qui dans le fond... Le problème n'est pas tellement, je crois, une question de financement des partis politiques, à ce niveau-là, autrement dit. Donc, commencer d'abord par... C'est un problème social d'abord plutôt qu'un problème financier de parti politique, autrement dit, pour nous.

M. Acharid (Mustapha): C'est quelle sorte de moyens pour régler ces problèmes-là, entre guillemets?

M. Chateauvert (Carl): Bien ça, ce n'est peut-être pas vraiment le... je ne crois pas que c'est l'objet de cette commission-là, donc on n'a pas proposé de solution à ce niveau-là. Mais, pour assurer une plus grande représentativité, nous croyons, des femmes et des communautés ethniques, il faudrait qu'elles se sentent d'abord plus concernées, surtout au niveau des communautés ethniques, et puis tout ça. Donc, il faudrait s'attaquer d'abord à ces problèmes de base là plutôt que de penser à financer des partis davantage. En tout cas, c'est ce que l'on croit. Mais évidemment ce n'était pas la question... par exemple, je ne sais pas, moi, de... l'accessibilité à l'emploi des communautés ethniques n'était pas vraiment le sujet de cette commission-là, alors on n'a pas trop élaboré là-dessus.

n (15 h 40) n

M. Acharid (Mustapha): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. M. Boivin, maintenant.

M. Boivin (Guillaume): Alors, la question que je voulais poser est essentiellement la même, mais j'aimerais quand même aller plus loin, parce qu'il y a des propositions sur la table qui dépassent celles de l'avant-projet de loi.

Alors, comme l'a souligné mon collègue, là, vous affirmez qu'il faudrait que le gouvernement s'attaque aux problèmes causant la faible représentation des femmes et des minorités ethniques avant de financer les partis politiques. Mais, moi, je souhaitais de tout coeur qu'une autre aile gouvernementale puisse rapidement, en s'attaquant à ces problèmes-là, les régler. Cependant, je doute fort qu'il soit possible aussi aisément d'effacer des siècles de mentalités forgées par des inégalités et des préjugés comme ça.

Alors, en attendant, vous ne croyez pas préférable d'essayer de combler un fossé par des mesures telles que celles contenues dans l'avant-projet de loi mais aussi accompagnées... comme il a été proposé par plusieurs groupes, que les argents qui seraient octroyés aux partis, par ces mesures-là, serviraient justement à s'attaquer aux problèmes? Il devrait y avoir des rapports... que cet argent-là n'aille pas au financement général des partis en question mais irait justement, au sein des partis, à trouver des moyens et différentes façons, mais que ce serait encadré par un plan d'action, qui, lui-même, justement, servirait à essayer de combler le fossé et s'attaquer aux problématiques que vous avez énoncées. Commencer par là, ça pourrait être bien, non?

M. Chateauvert (Carl): Bien, voyez-vous, ce serait effectivement une façon, effectivement, mais, encore là, vous êtes un peu d'accord avec moi, ce n'est pas une question du financement des partis politiques, autrement dit. C'est que cet argent-là ne servirait pas à la publicité électorale ou des choses comme ça, ça servirait à trouver les moyens pour régler ces problèmes-là. Donc, effectivement, là-dessus, on serait plutôt d'accord, à ce niveau-là, avec ce que vous dites.

Le Président (M. Ouimet): Il reste une minute. M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Merci.

Le Président (M. Ouimet): C'est bien? Alors, merci. Je retourne maintenant du côté ministériel. M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Je vais tenter d'être bref pour permettre à mon collègue de Vimont de pouvoir intervenir à son tour. Mais j'aimerais revenir sur un élément de votre mémoire que vous avez présenté, tout à l'heure, qui est revenu aussi, ce matin, et qui a fait le sujet d'une question concernant bien sûr les communautés autochtones.

Je crois que c'est la CSN ou c'est la CSD, ce matin, qui préconisait une consultation préalable à une application...

Une voix: La CSN.

M. Blackburn: ... ? la CSN? ? une consultation préalable avec les communautés autochtones pour voir de quelle façon ils se verraient intégrés dans le processus.

Est-ce que vous vous êtes penchés, vous, sur la façon dont pourrait se tenir cette consultation-là, d'une part? Et, d'autre part, quel pourrait être l'échéancier de cette consultation si c'était le cas?

M. Chateauvert (Carl): Non. En fait, non, on n'a pas regardé les échéanciers ou les façons. Mais une chose est sûre, c'est qu'avant de les impliquer dans le processus démocratique on sait que ces communautés-là se considèrent elles-mêmes comme étant des nations en tant que telles, donc, avec les nations, il faut d'abord négocier.

Non, pour ce qui est de dire, là, la façon de le faire, ça pourrait être lors d'une commission qui serait là-dessus, mais on ne s'est pas penchés sur une solution là-dessus.

M. Roy (François): C'est clair qu'il faut leur demander, à eux.

M. Chateauvert (Carl): C'est ça.

M. Roy (François): Bien, comme, par exemple, lors des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques, ils n'ont pas voulu participer. Alors, c'est difficile, à ce moment-là, on ne peut pas répondre à leur place. On est très ouverts à ce que les autochtones participent à la démocratie québécoise, mais il faut qu'ils nous disent est-ce qu'ils sont, eux, intéressés à y participer, et sous quelle forme, et...

Le Président (M. Ouimet): Bien.

M. Roy (François): La question reste en suspens à ce niveau-là, ça, c'est sûr.

Le Président (M. Ouimet): Merci. D'autres questions, M. le député de Roberval?

M. Blackburn: Ça va.

Le Président (M. Ouimet): Alors, ça semble faire le tour. Moi, je me permets, au nom des membres de la commission, de vous remercier, M. Chateauvert et M. Roy, d'avoir participé à nos travaux. Alors, je vous remercie de votre contribution.

Et j'invite par la suite les représentantes du Groupe Femmes, Politique et Démocratie à bien vouloir s'approcher à la table des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, Mme Claire Prévost-Fournier, vous êtes la présidente du Groupe Femmes, Politique et Démocratie.

Mme Prévost-Fournier (Claire): Oui.

Le Président (M. Ouimet): Et bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Pourriez-vous nous présenter la personne qui vous accompagne?

Mme Prévost-Fournier (Claire): C'est Mme Élaine Hémond, qui est la directrice générale du groupe.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, vous avez 10 minutes pour nous exposer votre point de vue.

Groupe Femmes, Politique
et Démocratie (GFPD)

Mme Prévost-Fournier (Claire): Bon, M. le Président, je remercie la commission d'avoir accepté de nous écouter. Mme Hémond, la directrice générale, vous présentera les recommandations contenues dans le mémoire. Mais, avant de lui laisser la parole, je veux faire une demande à la commission.

Comme vous le savez, notre groupe est dédié à l'avancement de la démocratie au Québec. Il travaille à améliorer la représentation de la population chez les élus, à tous les niveaux, que ce soit au fédéral, au provincial ou au municipal. On le sait, la population québécoise est composée moitié-moitié d'hommes et de femmes, alors que ce n'est pas le cas chez les élus. Malgré des progrès certains, il est clair que les conditions ne sont pas réunies pour que les Parlements et les conseils municipaux reflètent la population dans ce qu'elle est fondamentalement.

Pour le groupe, améliorer le système électoral, c'est, d'abord et avant tout, améliorer la représentation des Québécoises de façon à ce qu'il y ait autant d'hommes et de femmes à l'Assemblée nationale. C'est d'ailleurs un objectif clairement exprimé dans l'avant-projet qui nous est soumis. Vous nous en voyez ravies. C'est la première fois, je pense, que c'est écrit, dans un document officiel, en termes de cibles à atteindre.

Nous pensons que c'est une avancée importante. En même temps, nous sommes déçues. L'avant-projet propose des mesures bien timides par rapport aux défis posés. Ce qui est au coeur de l'avant-projet, le mode de scrutin a peu ou pas d'effet sur la représentation de la population à l'Assemblée nationale. Il a tout à faire avec la représentation des partis politiques qui, eux, sont des appareils qui filtrent la représentation de la population.

Alors, la représentation de la population et la représentation des partis sont deux niveaux de représentation. Peut-on traiter les deux questions dans un seul chantier? Notre mémoire porte principalement sur la représentation équitable de la population hommes-femmes comme s'il s'agissait d'un chantier distinct. Vous n'y avez pas trouvé une critique item par item du mode de scrutin proposé. Nous pensons que le scrutin mixte proposé est très proche de la situation actuelle, tout en permettant de diminuer la distorsion entre les voix exprimées et les sièges occupés par un parti.

Ce n'est certainement pas un mode de scrutin qui permettra de refléter davantage la population et le pluralisme de la société québécoise. Malgré ces limites, l'avant-projet présente des avantages. Vu dans une perspective historique, il propose de faire un pas qui respecte la tradition, ne bouscule pas les électeurs et les électrices habitués de voter en mettant un x dans une case et de choisir ainsi le député, son parti et par ricochet le premier ministre.

Avec le mode de scrutin proposé, avec le même x, ils choisiront en plus une liste de candidats établie par le parti, donc un mode de scrutin simple, un changement peu perceptible au premier abord, mais quand même un changement qu'il faut bien comprendre et qu'il faudra analyser après quelques élections pour en connaître les effets sur les comportements et sur le système des partis.

L'approche pédagogique apparaît essentielle pour mener à bien le chantier actuel sur le mode de scrutin. Pour le groupe ? et là j'arrive à ma demande ? l'étude de cet avant-projet est une occasion à saisir pour ouvrir le débat. Nous demandons aujourd'hui, à la commission, de poser les gestes nécessaires pour mettre en marche dès maintenant un chantier spécifique sur la représentation paritaire des hommes et des femmes dans nos institutions politiques. Le projet propose des mesures à ce sujet. Mme Hémond vous entretient de la position du groupe sur ces mesures.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, Mme Hémond.

Mme Hémond (Élaine): Je pense que j'ai à peu près cinq minutes, là, si j'ai bien compris.

Le Président (M. Ouimet): Un petit peu plus.

Mme Hémond (Élaine): O.K. Alors, bonjour, M. le ministre. Bonjour, messieurs, mesdames de la commission parlementaire. Je vais vous résumer un peu les recommandations qu'on a formulées dans notre mémoire.

n (15 h 50) n

C'est sûr que ce mémoire-là a été fait à la lumière de notre mission, qui est de travailler à l'amélioration de la démocratie, notamment par une présence équitable des femmes et des hommes aux postes élus.

Alors, notre première recommandation cible la pertinence de profiter de ce changement de mode de scrutin pour accroître la formation et l'information citoyennes. Récemment, ça a été ciblé par le professeur Henri Milner comme un des piliers de la santé démocratique d'un pays. Alors, on pense que c'est une occasion favorable de travailler là-dessus, sur la formation et l'information citoyennes. Donc, on recommande au gouvernement d'accompagner la réforme de la Loi électorale par une campagne d'éducation populaire.

Notre seconde proposition est aussi directement liée au mandat de notre groupe de contribuer à accroître la présence des femmes aux postes élus. Même si nous nous réjouissons que l'atteinte d'une représentation équitable entre les femmes et les hommes à l'Assemblée nationale soit présentée comme l'un des objectifs de la loi, nous aimerions que le texte de loi aille un peu plus loin à cet égard.

Aussi, nous recommandons le maintien de la formulation claire de la volonté de favoriser l'atteinte d'une représentation équitable. Nous recommandons que ce soit maintenu, mais on aimerait que la formulation fasse ressortir le caractère fondamental de cet aspect de la représentation d'une population, c'est-à-dire la représentation paritaire entre les femmes et les hommes. À cet égard, comme disait Mme Fournier, les partis ont un rôle à jouer, un rôle important.

Alors aussi, on va faire quelques remarques sur les mesures qui sont proposées. Alors, plus que d'être incités à présenter davantage de femmes, les partis devraient être incités à placer ces femmes dans des positions gagnantes. Donc, notre recommandation serait que la majoration des allocations aux partis soit accordée à ceux qui font élire 35 % de femmes ou plus. Actuellement, on est proches du 30 %. Alors, si on veut que ça avance, il faut monter un petit peu la barre.

Que les montants reçus, dans le cadre de cette majoration de leur allocation, soient versés dans un fonds dédié à la parité. Alors, on pense à un fonds dédié à la parité, mais le même genre de fonds pourrait être mis en place pour les communautés ethnoculturelles aussi. Que les partis politiques rendent compte de l'utilisation de ce fonds au Directeur général des élections du Québec.

Notre quatrième recommandation va dans le même sens. On recommande que la majoration du remboursement des dépenses des élus et des candidates ayant obtenu plus de 15 % des votes ne s'applique qu'aux partis ayant présenté plus de 35 % de candidates. Nous recommandons donc de maintenir une majoration bonifiée de 5 % pour les élues ? pour les élues, pas juste pour les candidates.

Par ailleurs, nous nous inquiétons que, dans l'avant-projet, les dispositions relatives à l'accroissement du nombre de femmes soient présentées comme temporaires. À cet effet, on recommande que ces mesures soient maintenues, même en cas de parité atteinte après une ou plusieurs élections, pour qu'elles puissent ultérieurement servir aux hommes, si la balance s'inversait, parce que, vu la façon dont les choses évoluent notamment dans les universités, on peut très bien imaginer que, dans quelques années ou quelques décennies, on se retrouve devant une situation inverse.

Enfin, il nous semble qu'une mesure absolument essentielle manque à l'appel si le Québec désire vraiment atteindre des résultats en matière de parité, c'est des listes de candidats et de candidates qui alternent hommes et femmes. Alors là, selon la façon dont les listes seront faites par district ou par région, bon évidemment ça s'applique différemment, mais ça nous paraît important qu'on ait des listes qui alternent hommes-femmes, ce qu'on appelle, en France, les listes «chabada», là: un homme, une femme.

Enfin, la question du choix des candidats et candidates dans les partis pose souvent problème aux femmes. Les nominations sur la base de règles non écrites, parfois injustes ou basées sur des stratégies basées sur le donnant-donnant, conduisent même certaines candidates à se retirer d'elles-mêmes tant elles sont mal à l'aise avec ce genre de pratique.

Donc, notre septième recommandation, c'est que la loi prévoie de choisir tous les candidats et candidates au scrutin secret lors d'assemblées des membres ou des instances des partis. Donc, on demande plus de clarté, au niveau des partis, pour le choix des candidats et candidates.

Le Président (M. Ouimet): Je vous demanderais, à ce moment-ci, de conclure également.

Mme Hémond (Élaine): Oui? Alors, notre dernière recommandation, ça s'inspire de ce qui se fait en Belgique: que les Parlements unisexes soient déclarés illégitimes. Alors, on a vu, aux récentes élections municipales, il y a encore plus de 11 % de conseils municipaux qui sont totalement masculins. On trouve que ça ne devrait pas être en 2006.

Finalement, je conclus avec le chantier que nous demandons. Alors, je vais sauter les «étant donné que» pour vous dire que le...

Le Président (M. Ouimet): Ah oui! il reste 15 secondes, là.

Mme Hémond (Élaine): ...que le groupe recommande à la commission spéciale de mettre en marche dès maintenant un chantier spécifique sur la représentation équitable des hommes et des femmes dans les institutions démocratiques.

Ce chantier devrait notamment aborder les questions suivantes: Quelles sont les conditions à réunir pour assurer une représentation paritaire des hommes et des femmes à l'Assemblée nationale? Qui doit porter la responsabilité de créer ces conditions? Où en est le Québec dans la mise en oeuvre de ces conditions? Quel chemin reste-t-il à parcourir? Enfin, comment se partage la responsabilité des mesures à mettre en place, dont on parle, entre les partis, le gouvernement et aussi les groupes citoyens comme les nôtres qui font de la formation?

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je vais maintenant ouvrir la période de discussion en cédant la parole à M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.

Voulez-vous aussi conclure?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Non...

Le Président (M. Ouimet): Non?

Mme Prévost-Fournier (Claire): ...moi, je veux tout simplement dire qu'étant donné qu'on amène une demande et qu'on pensait déposer ici cette dernière recommandation-là, qui n'était pas dans le mémoire, pour que les gens puissent avoir...

Document déposé

Le Président (M. Ouimet): Alors, on va aller recueillir votre document. Je vais le déposer officiellement, et puis par la suite ce sera pris en considération. M. le ministre.

M. Pelletier: Merci d'être ici, aujourd'hui, Mme Prévost-Fournier, Mme Hémond. Merci de votre témoignage devant cette commission.

J'ai noté dans votre mémoire que vous affirmez ceci. En parlant de l'avant-projet de loi que le gouvernement a rendu public, vous dites ceci: «Il rompt avec le bipartisme traditionnel inhérent avec le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour tout en préservant la stabilité nécessaire à l'action gouvernementale.» Donc, vous semblez, en fin de compte, croire que l'avant-projet de loi ne menace pas la stabilité gouvernementale au Québec. Or, certaines personnes prétendent le contraire. Certaines personnes prétendent que l'avant-projet de loi, s'il était donc mis en vigueur, affecterait la stabilité politique ou la stabilité gouvernementale au Québec.

J'aimerais savoir quelle importance vous accordez à ce concept de la stabilité gouvernementale et qu'est-ce qui vous amène à dire que l'avant-projet de loi ne l'affecte pas?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Bon, dans ce qu'on a compris de l'avant-projet il y a de façon inhérente un seuil pour qu'un parti soit reconnu, un seuil de 16 %?...

Mme Hémond (Élaine): Si on...

Mme Prévost-Fournier (Claire): ...à peu près de voix. Donc, ça prend quand même des... Ce n'est pas une profusion de tiers partis qui pourraient devenir membres du Parlement. Donc, il y a un seuil inhérent au projet, et ce seuil-là est tellement élevé qu'il assure une stabilité, une stabilité du gouvernement, ce qui n'empêcherait pas d'avoir des gouvernements minoritaires. Il y en a actuellement, des gouvernements minoritaires. On le sait très bien, hein, que ça existe. Bon, mais en même temps, c'est que qu'est-ce qui est le mieux: la stabilité gouvernementale ou la représentation des citoyens?

Alors, tout mode de scrutin est un exercice d'équilibre entre les deux. Et je pense que, dans une société comme la nôtre, l'idée d'amener les gens à choisir davantage qu'ils ne le font maintenant, c'est intéressant parce qu'on a une population de plus en plus scolarisée et une population de plus en plus apte à choisir. Donc, ce qu'on voit, nous, ce qu'on a compris du projet, il n'y aura pas de drame comme on a vu dans certains pays antérieurement, je ne sais pas, moi, la République de Weimar et la IVe République en France ou ce genre de truc là. Ça n'a rien à voir.

Le Président (M. Blackburn): Merci, madame. M. le ministre.

M. Pelletier: J'ai compris également que vous proposiez que le gouvernement... enfin, le Parlement légifère en ce qui concerne la sélection des candidates et des candidats, lors des conventions des partis politiques, de façon à ce que cela soit fait au scrutin secret, au vote secret lors des assemblées des membres. Est-ce que je vous ai bien compris? Et, si oui, est-ce que ce n'est pas aller trop loin, de la part du législateur, que de vouloir intervenir comme ça ou interférer dans les activités des différentes formations politiques?

n (16 heures) n

Mme Hémond (Élaine): M. le ministre, on a beaucoup pensé à ça, et, nous, on travaille beaucoup avec des candidates. On a notamment une École d'été Femmes et Démocratie. On accueille des femmes de différents partis, autant partis municipaux, provinciaux que fédéraux. Et on voit à quel point les partis sont des filtres pour l'élection non seulement des hommes, mais des femmes, et surtout des femmes, je vous dirais.

Alors, nous, on n'a pas de mesure miraculeuse à proposer, mais on pense que, tant qu'on n'interviendra pas auprès des partis pour faire en sorte que la culture de sélection des candidats et candidates soit modifiée, on va avoir du mal à changer les choses, et je pense que le rôle de filtre que jouent les partis, on doit intervenir dessus. Et les mesures incitatives que vous proposez sont très intéressantes à cet égard, mais, nous autres, on aimerait que ça aille un petit peu plus loin dans le sens qu'elles deviennent un peu plus stimulantes même, voire incontournables.

Alors, nous, on pense que c'est impensable de changer les choses, si on ne travaille pas avec les partis, si on ne se fait pas des alliés des partis. Et, moi, je pense que c'est tout à fait possible. Et notre groupe travaille avec les différents partis, et on pense que les mentalités sont en train de changer, et il y a une ouverture pour ça.

Le Président (M. Blackburn): Merci, madame. Mme Fournier, vous voulez rajouter quelque chose?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Oui, j'aimerais ajouter quelque chose. Je comprends que la question du ministre, c'est une question d'un changement de culture dans les partis: Est-ce qu'on doit s'en aller légiférer et changer des choses dans les partis?

Et ce n'est pas pour rien qu'on a déposé une demande de faire un chantier, parce qu'on est très conscientes que, je veux dire, cette question-là, elle est très complexe, et que, dans l'avant-projet, quand vous dites: Oui, là, il y a une question aussi de culture politique, il y a une question de mode de sélection dans les partis, vous le nommez, mais vous ne traitez pas la question. Toute cette question-là est comme périphérique dans le projet, d'accord? Et la question que vous posez, elle est extrêmement importante et elle ne peut être vraiment traitée à fond que si on met vraiment sur pied un chantier particulier sur cette question de la parité des hommes et des femmes à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Blackburn): Merci, madame. M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Merci, M. le Président. Est-ce que vous considérez qu'un nouveau mode de scrutin mixte proportionnel maximise la présence des femmes en politique?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Nous, ce qu'on a dit, c'est que la présence des femmes en politique a peu à faire avec le mode de scrutin. Et ce qu'on trouve problématique dans l'exercice qu'on fait actuellement, c'est qu'on mélange les deux dossiers.

Alors, il y a le dossier du mode de scrutin bon qui cherche la représentation et il y a le dossier de la présence des hommes et des femmes, qui est un autre niveau de représentation, et c'est comme si on n'arrivait pas à traiter comme il faut les deux en traitant ça tout d'un paquet.

M. Thériault: O.K. Le Conseil du statut de la femme disait qu'en ce qui a trait au fait de maximiser la présence des femmes en politique et d'arriver à un rapport d'équité et d'égalité on pouvait peut-être tout de suite commencer, pour la prochaine élection, à aller de l'avant avec des recommandations et ne pas attendre qu'il y ait l'adoption du projet de loi et ne pas attendre qu'il y ait une détermination d'un nouveau mode de scrutin. Le groupe Féminisme et Démocratie ne semblait pas non plus être contre le fait d'aller de l'avant avec les mesures qu'on a été capables d'appliquer maintenant. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Hémond (Élaine): On est d'accord avec ça, parce que les mesures dont on parle peuvent très bien être appliquées dans les prochaines années. On est d'accord avec donc l'application la plus rapide possible de ces mesures. On pense toutefois que la réflexion qui se fait sur le mode de scrutin est intéressante, et ça ouvre la porte à du changement, changement dont les femmes doivent profiter pour s'intégrer à la façon de faire la politique, de vivre la politique et d'exercer la démocratie. Donc, on est assez d'accord avec ce que disait le Mouvement pour une démocratie nouvelle à ce sujet.

M. Thériault: Est-ce que ça veut dire que vous êtes pour la double candidature, le fait qu'il y ait deux votes? Parce que, là, vous avez parlé, tout à l'heure, du fait que la mécanique présentement était assez simple. Est-ce que vous faisiez référence à un seul vote?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Bon. Nous, comme on vous le disait, la façon dont on a abordé les choses, on n'a pas fait une critique systématique des...

Une voix: ...

Mme Prévost-Fournier (Claire): Oui. On n'a pas fait une critique systématique item par item du projet parce qu'on ne voulait pas mélanger les cartes.

M. Thériault: C'est parce qu'il y a un impact sur la maximisation de la présence des femmes en politique avec l'avant-projet de loi qui est sur la table. Au moment où vous dites qu'il a une certaine sagesse, une certaine prudence parce qu'il ne permet pas de tout chambouler, au niveau de la maximisation de la présence des femmes, il y a un certain nombre de problématiques qui sont identifiées à partir du moment où il y a un seul vote, à partir du moment où il y a un seul vote, à partir du moment où il y a une double candidature. Le Parlement actuel est représenté majoritairement par des hommes. À partir du moment où il n'y a qu'un seul vote, que les députés sortants masculins peuvent être sur la double candidature et que le modèle actuel permet que cinq députés par district... S'il y a trois députés sortants masculins dans un district, d'un seul parti, que le premier... un de ceux-là est élu et qu'il y a une chaude lutte ? parce que souvent les députés sortants, là, il y a une chaude lutte ? les deux autres sont sur la liste, où sont les femmes? Et donc, en quelque part, il y a des liens, là, pour atteindre votre objectif. Vous ne les avez pas nécessairement examinés, je dois comprendre.

Mme Hémond (Élaine): C'est-à-dire que c'est sûr que, sur les listes à la compensatoire, il devrait y avoir des femmes, c'est bien évident, et certains ont proposé qu'il y ait des femmes qui soient en haut de liste. On serait tout à fait favorables à ça.

M. Thériault: Que faites-vous des femmes qui veulent faire de la politique au sein de partis, je ne sais pas, moi, verts, tiers partis, petits partis? Quand vous dites que le modèle qui est sur la table consacre la présence de trois partis, consolide la représentation proportionnelle des trois grands partis qui sont à l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne réduisez pas la possibilité pour des femmes, en disant que c'est bien de le faire comme ça, qui voudraient, elles, militer et se présenter dans les partis qui représentent davantage leurs valeurs?

Le Président (M. Blackburn): En 10 secondes. En 10 secondes, Mme Fournier.

Mme Prévost-Fournier (Claire): Bon. En 10 secondes, nous, on dit: C'est un pas. On ne dit pas que c'est l'arrivée, on dit que c'est un point de départ vers un changement. Parce que ce n'est pas le premier exercice qu'on fait. Je me souviens de l'exercice avec Robert Burns, où il présentait aussi différentes choses, et ça n'aboutissait jamais. Donc, si on veut que ça aboutisse, donc on dit: Regarde, là, on fait un petit pas, là on se familiarise avec un nouvel élément, et là ensuite il faut analyser pour essayer de voir est-ce qu'on veut aller plus loin. Je veux dire...

Le Président (M. Blackburn): Merci...

Mme Prévost-Fournier (Claire): ...donc, c'est vraiment progressif.

Le Président (M. Blackburn): Merci, Mme Fournier. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Mesdames, j'ai lu avec attention votre mémoire, et je trouve très intéressant que vous parlez que la réforme doit être accompagnée d'une campagne d'éducation populaire.

Vous indiquez aussi un peu plus loin que... Puis là j'aimerais que vous m'expliquiez un peu... détailliez un peu plus qu'est-ce que vous voulez dire par ça. Vous indiquez: «...de prendre une approche progressive pour que la mise en oeuvre de ce nouveau mode de scrutin revête, elle aussi, un caractère pédagogique.» Votre approche progressive, l'avez-vous détaillée?

Mme Hémond (Élaine): Ça ressemble un peu au point que Mme Prévost-Fournier vient d'aborder, dans le sens que là on a l'impression qu'avec cette réforme-là on fait un pas, mais on pense qu'effectivement il faudra aller plus loin. Et puis réduire le seuil de représentation, c'est quelque chose qu'il faudra envisager si de nouveaux partis se créent. Alors, progressive dans ce sens-là.

Mme Prévost-Fournier (Claire): Et on pense que vraiment, là, il faut que ce soit le pas le plus... il faut que les électeurs et les électrices se reconnaissent, soient à l'aise. J'ai entendu sur les régions, tantôt: Il faut que les gens des régions soient à l'aise. Il faut que le monde soit à l'aise. Donc, on fait un petit pas. Quand les gens sont à l'aise, on regarde qu'est-ce que ça donne. Parce que changer le mode de scrutin, hein, c'est qu'on change de bobo en quelque part. On trouve, dans le mode de scrutin actuel, qu'il y a des bobos, on veut y remédier, donc on veut qu'il y en ait moins dans le prochain. Mais en nulle part il n'y a de mode de scrutin parfait. Donc, il faut voir ça dans une perspective évolutive: là, on fait un pas, on regarde qu'est-ce que ça donne, on analyse ça, et là on dit: Bon, le nouveau pas à faire, c'est telle autre chose, et on poursuit. C'est dans ce sens-là. On travaille avec la population, qui est de plus en plus éduquée.

M. Picard: O.K.

Le Président (M. Blackburn): Merci, Mme Fournier. Ça va, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière?

M. Picard: Est-ce qu'il me reste du temps ou...

Le Président (M. Blackburn): 30 secondes.

M. Picard: 30 secondes?

Le Président (M. Blackburn): Question et réponse.

M. Picard: Est-ce que vous avez fait une réflexion sur le nombre de districts nécessaires pour avoir une approche progressive?

n (16 h 10) n

Mme Prévost-Fournier (Claire): Non, on n'a pas fait de réflexion sur le nombre de districts. On est très conscientes que toute cette... au niveau des régions, là, les districts, puis avec tous les autres élus, etc., donc on ajoute de la complexité en quelque part et que les gens qui... les électeurs, ils vont devoir se poser la question: Bon, les gens qui représentent les districts, je veux dire, quel est leur rôle exactement, là? Est-ce qu'ils nous représentent? Est-ce qu'ils représentent le parti? Bon. Entre les élections, ils font quoi exactement, au-delà de la mathématique, là?

Le Président (M. Blackburn): Merci, Mme Fournier. Je vais céder la parole maintenant au comité des citoyens. J'avais M. Boivin qui avait manifesté son intérêt.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour. Donc, si je comprends bien, ce que vous proposez, c'est d'y aller par étapes. Mais, considérant qu'il n'y a pas eu de modification au mode de scrutin, en tant que tel, depuis, quoi, depuis la Confédération, est-ce qu'en intégrant cet élément-là vous considérez vraiment qu'il sera possible d'aller de manière progressive avec le modèle présentement proposé, un seuil d'entrée effectif, au Parlement, d'autour de 15 %? C'est-à-dire qu'un groupement politique, qui irait chercher 10 %, 12 %, 500 000, 600 000 voix d'électeurs, s'ils ne sont pas concentrés dans un secteur géographique particulier, pourrait très bien n'avoir aucun écho à l'Assemblée nationale. Alors, considérant que c'est possible qu'il n'y ait pas de suite, après un premier pas, vous êtes tout à fait à l'aise avec cette vision progressive telle que vous la donnez?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Bien, je pense que votre argument est aussi une réponse à votre question. C'est-à-dire, si, pendant si longtemps, on n'a pas changé, c'est que tous les projets qui sont venus sur la table proposaient des pas trop grands. Donc, les gens étaient effrayés par la nouveauté, n'étaient pas prêts à faire le saut. Donc, là, si on essaie de faire le petit pas, bien c'est un début.

Le Président (M. Blackburn): Merci, Mme Fournier. M. Boivin, ça va? M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Il y a certains groupes de femmes qui disent qu'ils ne veulent pas être favorisés pour être élus parce qu'ils pensent que ça ne met pas en valeur leurs capacités vraiment d'être une élue. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Prévost-Fournier (Claire): Bon. On pourra se compléter, là, comme réponse. Regardez, si on propose un chantier large, un chantier du même type que celle qui se vit... le chantier comme celui qui se vit actuellement sur le mode de scrutin, c'est parce que ce qu'on observe, c'est qu'on arrive toujours avec des mesures: on va faire des places, là, on va faire des choses comme ça, mais on ne connaît pas les conditions à réunir pour que 50 % des femmes se retrouvent. On ne les connaît pas, ces conditions-là. On fait diverses mesures, donc on dit: Bon... Et je trouve que c'est des mesures plaquées. Donc, si on faisait une vraie démarche complète, on trouverait des conditions et les mesures appropriées.

Mme Hémond (Élaine): Si vous me permettez, je vais ajouter quelque chose, M. Acharid. Je sais qu'il y a des femmes qui disent ça, qu'elles ne veulent pas devenir des alibis, mais alors il faut franchir ce pas-là et il faut le franchir avec volonté parce que ça ne se fera pas tout seul.

Ici, là, le comité citoyen, vous avez été choisis de façon paritaire. Est-ce que, vous, mesdames, vous vous sentez illégitimes parce que vous êtes là comme femmes? Le gouvernement a décidé qu'il y aurait quatre femmes, quatre hommes. Je veux dire, si on accepte que la parité est un principe de base au niveau consultatif, pourquoi ne l'accepterions-nous pas là où vraiment se joue le pouvoir?

Le Comité directeur, avec le comité de M. Béland, il y a quelques années, on avait décidé que c'était un comité paritaire, je veux dire, il était tout à fait légitime. Moi, je pense qu'il va falloir arriver à des lieux de gouvernement où sont assis parallèles le même nombre d'hommes et de femmes. Et, si ça ne se fait pas tout seul culturellement, il faut prendre des mesures pour que ça se fasse. Je veux dire, pensez-vous que la loi du patrimoine familial, elle serait passée toute seule si on avait compté sur l'évolution de la mentalité? Bien non. Des fois, il faut comme brusquer l'histoire, et là on est rendus là, et je pense que les Québécois et les Québécoises souhaiteraient qu'on soit assis... qu'il y ait autant d'hommes que de femmes, par exemple, ici, autour de cette table de la commission parlementaire. Moi, je ne vois pas pourquoi on se sentirait humiliée sous prétexte qu'on est une femme et en nombre égal avec le nombre d'hommes. Je ne suis pas du tout d'accord avec ça.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, au nom de tous les membres de la commission, je n'ai plus d'autre intervenant, donc je vous remercie infiniment, Mme Fournier et Mme Hémond, d'avoir participé et contribué à l'avancement de nos travaux.

Je vais suspendre les travaux de la commission pour une période de 10 minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

 

(Reprise à 16 h 30)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. Je demande à tous les membres de la commission de bien vouloir regagner leur place.

Nous accueillons maintenant le Regroupement ethnoculturel pour l'action démocratique, et je demanderais à ses représentants et représentantes de bien vouloir s'approcher à la table des témoins.

Alors, bonjour, M. Léonard Ayoub. C'est ça?

Regroupement ethnoculturel
pour l'action politique (REAP)

M. Ayoub (Léonard): Bonjour.

Le Président (M. Ouimet): Vous êtes le président du regroupement?

M. Ayoub (Léonard): Oui.

Le Président (M. Ouimet): Bienvenue à l'Assemblée nationale.

M. Ayoub (Léonard): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Auriez-vous la gentillesse de nous présenter la personne qui vous accompagne?

M. Ayoub (Léonard): Oui. La personne, c'est Mme Magda Popeanu. Elle est membre du Regroupement ethnoculturel. Et je vais commencer, moi. Le regroupement est né dans la mouvance des états généraux des réformes démocratiques de 2003. L'objectif du REAP est d'agir en vue de la participation active à la vie politique québécoise des communautés ethnoculturelles et de leur représentation aux divers niveaux décisionnels: assemblées législatives, conseils municipaux, commissions scolaires, conseils d'administration des organismes publics et parapublics. Pour ce, le REAP revendique les candidatures des communautés culturelles auprès de ces instances et tente d'identifier parmi elles les meilleures ressources humaines ayant des potentialités de leaders politiques et de les inciter à poser leur candidature dans les élections provinciales, fédérales, municipales et scolaires.

Le REAP vise également à défendre les droits fondamentaux des communautés ethnoculturelles dans la société québécoise et de promouvoir leur intégration harmonieuse à tous les niveaux politiques dans le plus grand respect des droits humains.

Non partisan, le REAP est autonome vis-à-vis de toutes les formations politiques. Nous avons, dans les dernières années... même il y a une semaine, eu comme notre conférencière Lise Thériault. On a eu Pauline Marois et déjà on a eu Amir Kadhir, Françoise David, Pierre Bergeron, du Projet Montréal. Et là je voudrais passer la parole à Mme Popeanu.

Mme Popeanu (Magda): Bonsoir, M. le ministre, M. le Président, mesdames messieurs. Le REAP considère que le processus de réforme du mode de scrutin québécois arrive actuellement à une étape importante, puisqu'il se transporte enfin sur la sphère publique afin d'y être débattu. Nous voulons saisir cette occasion rare pour exprimer nos attentes face au fonctionnement de la démocratie et contribuer ainsi à sa modernisation.

Le REAP soutient les propositions du Mouvement pour une démocratie nouvelle et propose à la Commission sur la Loi électorale un choix porteur d'un avenir égalitaire, inclusif et pluraliste.

Actuellement, environ 20 % de la population québécoise déclare être d'une autre origine que québécoise, que française. Bien que la représentation politique des minorités s'améliore légèrement, on ne compte, à ce jour, à l'Assemblée nationale, que neuf députés venant des minorités, soit 7 % de l'ensemble de la députation. Il y a donc une sous-représentation qu'il convient de corriger.

La réforme du mode de scrutin est une démarche importante de citoyenneté, surtout dans ce contexte où les questions d'intégration des communautés culturelles sont nombreuses et ardentes. Un vrai pluralisme social et politique sera instauré et la société ne vivra des tensions ethniques seulement si les communautés culturelles participeront pleinement aux décisions concernant la collectivité. La proposition du gouvernement, modèle mixte compensatoire, n'est pas satisfaisante, et par conséquent nous réclamons des bonifications significatives.

Nous sommes maintenant devant un projet de loi qui enfin reconnaît que le système actuel doit être remplacé par une formule proportionnelle, que le mode de scrutin est en partie responsable de la sous-représentation des communautés ethnoculturelles et qu'il ne permettra ni l'expression optimale de la volonté populaire et ni son respect global. Conséquemment, l'Assemblée nationale ne refléterait pas vraiment plus qu'aujourd'hui la réalité plurielle de la société québécoise. Pour cela, nous signifions à la commission que le statu quo n'est pas une option et que la réforme doit mener à des changements en profondeur, ce que l'avant-projet de loi ne laisse pas entrevoir actuellement.

C'est pour cela... je veux vous faire la synthèse de nos propositions. Donc, procéder à une répartition proportionnelle des sièges par un deuxième vote distinct d'après la volonté populaire exprimée nationalement. Utiliser des listes nationales de candidatures pour amener les partis politiques ainsi que l'électorat à porter collectivement la responsabilité de la diversification de la composition de l'Assemblée nationale tant en termes de répartition sur le territoire que de la diversité ethnoculturelle. Distribuer des bonifications financières pour récompenser les résultats plutôt que les efforts.

Dans ce sens-ci, on amène une dizaine de propositions. Je vais essayer de vous faire la synthèse. Donc, la proposition significative pour nous, c'est d'attribuer 50 % des sièges de l'Assemblée nationale en tant que sièges proportionnels. C'est une de nos propositions.

D'utiliser les résultats électoraux globaux de l'ensemble du Québec comme base de calcul pour attribuer à chaque parti les sièges compensatoires proportionnellement au pourcentage de votes obtenus et non pas au niveau d'éventuels districts.

Attribuer les sièges proportionnels à partir des listes nationales pour permettre ainsi aux partis politiques de présenter leur équipe globale de candidates et de candidats, et que ces listes devront être constituées en contenant obligatoirement des candidates et candidats issus de toutes les régions du Québec dans la première moitié de la liste et contenant des candidatures de personnes de diverses origines ethnoculturelles en bonne place sur les listes des candidatures. Le mot «en bonne place», on le considère que c'est un mot clé, comme vous le savez. Il y en a encore beaucoup, de candidats poteaux, qui se présentent pour les partis politiques, qui proviennent des communautés ethnoculturelles.

On considère que les bonifications financières, en première étape, peuvent stimuler... elles peuvent encourager les partis à approcher des candidats qui proviennent des communautés ethnoculturelles. C'est pour ça que, dans le mémoire qu'on vous a déposé, on a fait une grille assez compétitive pour encourager la participation... et puis plus que la participation, mais l'élection des candidats qui proviennent des communautés culturelles.

On demande d'instaurer une bonification financière pour le remboursement des dépenses électorales aux personnes élues ou ayant obtenu au moins 15 % de votes. Et puis, si le pourcentage des élus d'origine ethnoculturelle, je vous donne un exemple, est au-dessus de 20 %, que le pourcentage de majoration de la contribution annuelle soit bonifié de 50 %. Donc, ça monte à 0,75 $ au lieu de 0,50 $. C'est la même chose, une façon très agressive financièrement d'encourager les partis à faire élire des candidats qui proviennent des communautés ethnoculturelles.

En plus, on vous propose de maintenir les bonifications financières pendant trois élections si l'objectif d'avoir élu 20 % des élus d'origine ethnoculturelle soit atteint, 20 % représentant la proportion dans la population de ceux qui... d'origine ethnoculturelle.

Exiger des partis politiques en plus qu'ils fassent un rapport annuel au Directeur général des élections sur l'atteinte de l'objectif de 20 % des élus d'origine ethnoculturelle.

Faciliter la participation du public au débat en organisant et finançant une vaste campagne d'information et d'éducation populaire réalisée en partenariat avec la Direction générale des élections du Québec, le Conseil interculturel de la ville de Montréal, les groupes ethnoculturels concernés, et ce, au moins jusqu'à la première élection sous le nouveau mode de scrutin.

n (16 h 40) n

Et bien sûr on n'est pas des spécialistes du sujet, consulter tous les groupes et les personnes possédant l'expertise nécessaire afin d'évaluer si d'autres mesures pourraient compléter celles proposées dans l'avant-projet de loi afin de concrétiser la vraie représentation des communautés ethnoculturelles.

M. Ayoub (Léonard): Nous favorisons que les listes des partis sur l'île de Montréal soient des districts de huit personnes divisés nord, centre et sud pour que les listes soient représentatives des communautés culturelles. Sinon, on risque d'avoir les mêmes élus. C'est-à-dire, si on le fait est, ouest et centre, on risque d'avoir les mêmes élus que nous avons, surtout si les districts, si c'est divisé par est, ouest et centre. Et en plus ils seront femme, homme, homme, femme, femme, homme.

La représentation régionale des communautés ethnoculturelles est compromise ? moi, je suis un propriétaire foncier, alors je comprends la situation; la représentation régionale des communautés ethnoculturelles est compromise ? quand les préfets des municipalités régionales de comté ne sont pas élus. Et il y a un manque de démocratie représentative quand le préfet est nommé par les maires de la MRC. Ça nous éloigne, ça éloigne les citoyens de ce groupement-là. On est exclus.

La question est posée. Parce que, moi, j'assiste souvent à des conseils municipaux, j'ai posé la question à un maire de la MRC avant les élections municipales de 2005; Pourquoi il n'y avait pas d'élection pour élire le préfet en novembre 2005? À l'époque, le maire répond que, pour la MRC, ça coûterait 75 000 $ pour l'élire. C'est possible aussi que le gouvernement rembourse. Ça ne fait rien, c'est un coût quand même.

Alors, la volonté... Vous avez 103 MRC, puis il y a juste huit, là, qui font des élections ? puis même pas, quand personne ne veut se présenter, il est élu par acclamation ? et puis les autres 95, il est élu par les maires de la MRC. 10, 11, 12 maires, ils vont l'élire. C'est des chums, ils l'élisent, et puis où sommes-nous dans ça, dans cette affaire-là? C'est ça. Où est la démocratie? Et pourquoi que le citoyen n'a pas son mot à dire? Et il y a un manque de démocratie flagrant dans les municipalités. Ils ont leurs pouvoirs, mais, pour le citoyen... juste un citoyen. Et c'est fait au détriment du citoyen, qu'il soit... non d'une communauté culturelle, et au détriment de nous comme communautés culturelles. Alors, je termine.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci infiniment pour cette présentation. Nous allons ouvrir maintenant la période des échanges, et je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Pelletier: Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Merci d'être ici, aujourd'hui. Et merci également d'avoir soumis des idées comme celle de diviser la région de Montréal en trois districts. C'est une idée qui mérite, je dirais, une analyse. Et par ailleurs c'est une idée originale, en ce sens où il n'y a pas d'autre groupe, que je sache, qui a fait une telle proposition jusqu'à présent. Et c'est justement des contributions comme celle-là qui viennent enrichir le débat puis qui viennent alimenter notre réflexion. Merci beaucoup.

Lorsque vous dites que vous voulez offrir aux gens qui proviennent des communautés culturelles une bonne place sur les listes, qu'est-ce que vous entendez au juste par «une bonne place sur les listes»? C'est quoi, une bonne place, pour vous?

Mme Popeanu (Magda): Lui assigner des districts où il y a des chances de gagner, parce que, si... D'habitude, un candidat qui provient des communautés ethnoculturelles va confronter un candidat d'un autre parti qui est presque élu. C'est-à-dire, de lui offrir la possibilité d'être candidat dans un district, dans un arrondissement, pour les élections municipales, où il a des chances d'être élu.

M. Pelletier: Oui, mais là je parle d'une bonne place sur les listes.

Mme Popeanu (Magda): Ah, sur les listes du compensatoire?

M. Pelletier: Oui. Oui.

Mme Popeanu (Magda): Je ne pourrais pas vous donner la réponse.

M. Pelletier: Non?

Mme Popeanu (Magda): Non. Ça, c'est à analyser. Je vous ai dit, je ne suis pas un spécialiste.

M. Pelletier: La question se pose parfois de savoir sur quels critères on devrait se fonder pour désigner une personne issue d'une minorité ethnoculturelle. Bon, vous avez dû y réfléchir, en quelque sorte. Qu'est-ce qu'une personne provenant d'une minorité ethnoculturelle? C'est quoi, les critères qu'on devrait utiliser pour donc, je dirais, considérer qu'une personne fait partie d'une minorité ethnoculturelle?

Mme Popeanu (Magda): C'est bien sûr... Bon, j'ai été candidate aux dernières élections municipales pour un parti à Montréal et puis j'ai fait un exercice. Vous savez, j'ai pris la liste de tous les voteurs du district où j'étais candidate ? c'est ce qui m'a poussé en réalité dans cette démarche ? et puis j'ai identifié les noms qui n'étaient pas des noms français, des noms québécois. Je vous donne comme exemple. Puis à la fin de l'élection j'ai constaté qu'il y a 5 % de ceux que j'ai identifiés d'après le nom qui n'étaient pas d'origine française qui sont allés voter, ce qui est complètement décourageant sur une moyenne de 37 % qui a été le taux de représentation au vote. 5 %, 6 %, c'est très peu.

Bon, je suis d'accord que le nom, ce n'est pas un critère. La personne, elle se déclare, quand vous faites le recensement, elle se déclare ou non si elle est d'origine multiculturelle ou si elle appartient à une minorité. D'habitude, c'est selon la déclaration de la personne. Bien sûr que le nom, ça dit long. Il n'y a personne, j'espère, qui peut croire ici, si je m'appelle Popeanu, que je suis d'origine québécoise.

M. Pelletier: Et je comprends que vous êtes favorable à une compensation nationale. Certaines personnes sont venues devant cette commission plaider pour qu'il y ait une représentation régionale. Vous êtes-vous interrogés quant à savoir comment concilier la compensation nationale avec la représentation régionale?

Mme Popeanu (Magda): On a fait une réflexion. D'ailleurs, Mme la ministre, qui nous a visités il y a une semaine, nous disait que les régions commencent à se remplir des gens qui proviennent des communautés culturelles, en tout cas qu'au moins il y a une volonté politique que ça ne reste plus concentré sur les grandes villes, Montréal surtout, et puis qu'on essaie d'équilibrer, de disperser les gens provenant... ou les immigrants, hein ? qu'on le dise comme il faut ? dans les régions. Alors, on se dit: Si en plus on va être dispersés sur le territoire québécois et puis disons... Je vous donne mon exemple. Moi, je suis d'origine roumaine. Disons qu'il y a 20 000 Roumains sur le territoire québécois. Je ne pourrai jamais chercher le vote communautaire, le vote de la communauté à laquelle j'appartiens si on ne fait pas... on ne cherche pas le vote national. C'est dans cette idée-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le ministre. Du côté maintenant de l'opposition officielle, M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, M. Ayoub, Mme Popeanu, la question que le ministre vient de poser à l'effet de quels sont les critères qui permettraient de définir si les candidats en question sont d'origine X, Y ou Z, c'est la question que le Directeur général des élections a posée. Parce que c'est lui qui va avoir à appliquer la bonification, et là il dit: Je vais recevoir des listes, et puis, bon, comment je fais pour déterminer cela? Quelque chose de très simple, c'est chaque parti politique envoie la liste, puis il prend la liste, puis ça va. Ça, c'est un premier niveau d'application, mais dans votre réflexion, dans votre réflexion sociale, politique sur... Parce que, sur le principe, là, on s'entend; on est sur le comment faire. Et en même temps, dans votre réflexion sur l'intégration politique des communautés, à quel moment ça s'arrête? Ce que je veux dire, c'est que vous disiez tout à l'heure: Le nom, c'est un bon indice. Mais, après trois générations, est-ce que le nom est un bon indice, après deux générations ou même après une?

Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir des gens... Parce qu'on s'entend que c'est de refléter la diversité, ce n'est pas question de représenter ma communauté seulement. Et il y a des gens par contre, dans le système actuel, qui le font. Dans certaines circonscriptions, ils se vendent de cette manière-là puis ils disent: Je vais mieux représenter la majorité de la composition des gens. Moi, je n'ai rien contre, mais votre réflexion là-dessus, votre réflexion sociale là-dessus, sur l'intégration puis notre volonté que cela respecte la diversité aussi?

n (16 h 50) n

Mme Popeanu (Magda): Je comprends très bien, j'ai toujours... Même dans la campagne électorale, on m'a demandé: Vous êtes quoi, Roumaine ou... Bien, j'ai dit: Je suis Québécoise d'origine roumaine. O.K.? Donc, je suis très bien intégrée au Québec et je ne m'identifie pas exclusivement à la communauté roumaine. Mais par contre il faut reconnaître qu'il y a un malaise. Si vous discutez dans les communautés culturelles et puis... il y a un malaise d'intégration et un malaise d'emploi, il y a un malaise de reconnaissance de diplômes, et puis je peux vous en passer long.

Et de l'autre côté ces gens ne votent pas. Je l'ai vécu. Il n'y a aucune statistique, pour aucune élection municipale, ou fédérale, ou provinciale, qui détermine combien de gens provenant des communautés ethnoculturelles sont allés voter. Vous ne le trouvez nulle part, qu'on les identifie ou non. Bon. Maintenant, c'est sûr qu'il y a un malaise. Il y a très peu de gens qui sortent voter. Ça fait qu'on crée une partie de la population qui vit en parallèle avec l'autre partie de la population. Et, si j'ai bien compris, c'est ce qui est à éviter.

Le fait que, je ne sais pas, quelqu'un qui provient de la communauté roumaine ou de la communauté maghrébine va voir à l'Assemblée nationale, au conseil municipal ou au conseil d'arrondissement des gens qui le représentent qui proviennent de sa communauté, ça va l'encourager, ça va dire: Bon, on existe, on peut s'impliquer politiquement, ou on existe comme... De l'autre côté, je suis tout à fait d'accord avec vous: on est tous des Québécois avec différentes origines, et je suppose qu'à la troisième, quatrième génération ça s'estompe.

M. Thériault: Voyez-vous vraiment... Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Ayoub (Léonard): Oui. Moi, je veux parler pour les régions parce que je suis très sympathique aux régions. C'est pour ça que j'ai demandé que c'est important que le préfet soit élu. Le préfet, il connaît les membres des communautés ethnoculturelles, il les connaît dans sa région, dans sa MRC, il les connaît. Et il y a un rapprochement, là, et c'est important. Il pouvait approuver les listes de son endroit. Il pourrait les approuver.

M. Thériault: Est-ce que vous trouvez qu'il y a un lien nécessaire ou direct entre maximiser la diversité et la représentation des communautés ethnoculturelles au Parlement et un nouveau mode de scrutin? Est-ce qu'il y a un lien direct? Parce que les listes nationales, sûrement... Je pense que, par rapport à des districts, là...

Mme Popeanu (Magda): ...ça justifie notre présence.

M. Thériault: Mais est-ce que vous avez fait des simulations pour voir réellement ce que cela pourrait donner? Je vous donne un exemple. On commence par une femme. Et, si on ne commence pas à conjuguer les différents vecteurs, on commence par une femme, alternance, un homme. Les régions nous ont dit: Quelqu'un des régions. Mettons qu'on dit: Quelqu'un des communautés ethnoculturelles et ensuite on dit: Quelqu'un des régions, ça fait quatre personnes potentielles sur une liste nationale. Quatre fois ça seulement, donc quatre personnes potentielles par parti... Parce que, quand vous faites la distribution sur les trois partis, là, c'est de un à 12, tes chances d'être élu. Passé un certain cap sur la liste de un à 50, oublie ça, tu ne seras pas là. Donc, si on maximise sur les résultats, si on dit: Les bonifications sont sur les résultats, même avec une liste nationale et si on fait cette distribution-là, qui semble en principe équitable, là, pour un modèle, on se retrouve dans le fond avec rien qui incite davantage les gens. Peut-être qu'il faut aussi voir à récompenser les efforts. Comprenez-vous ce que je vous dis?

Mme Popeanu (Magda): Je comprends, mais...

M. Thériault: Parce que, dans la répartition des sièges compensatoires, là, ce n'est pas de un à 50, là, qui vont se faire élire, là, c'est à peu près de un à 12.

Mme Popeanu (Magda): Je ne vois pas le danger, on va avoir des femmes qui proviennent des communautés ethnoculturelles, qui viennent des régions, et c'est parfait. Le gagnant de tout ça, je ne sais pas si vous avez compris, ça va être les femmes qui sont d'origine ethnoculturelle et qui viennent des régions.

M. Thériault: Non, mais mathématiquement la liste nationale viendrait en quelque part, plutôt que de maximiser la représentation, viendrait simplement la limiter davantage par un effet mathématique de la compensation. Est-ce que vous avez vu cela?

Mme Popeanu (Magda): Non, on ne l'a pas vu comme vous le décrivez.

M. Thériault: D'accord.

Mme Popeanu (Magda): Au contraire, on a vu que... Vous avez vu, dans le mémoire, on... Parce que je sais que le sujet des femmes, c'est un sujet à part, j'ai assisté... Les régions, c'est un autre sujet. Nous, on a essayé de simplifier notre point de vue.

M. Thériault: Il n'y a pas de système parfait, là.

Mme Popeanu (Magda): Non, c'est ça.

M. Thériault: On cherche tous le même objectif.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Je dois aller maintenant du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Vous avez indiqué tout à l'heure que vous avez déterminé, à l'élection municipale, un très faible taux de participation des communautés ethnoculturelles. Avez-vous poussé votre réflexion pour savoir pourquoi, pourquoi ils ne participent pas... ils participent si peu à la vie démocratique?

Mme Popeanu (Magda): C'est une bonne question. C'est ce qui m'a amené ici, c'est qu'ils ne se sentent pas présents, ils n'existent pas dans la vie politique. Et j'ai posé la question à plusieurs... Ou tout simplement il n'y a rien de nouveau, ils ne font pas confiance aux politiciens, aux élections, ils ne croient plus dans le système. N'oubliez pas que, souvent, ces gens, surtout ceux qui viennent à la première génération, sont immigrants, là, viennent des systèmes politiques qui ne sont pas démocratiques. Donc, en partant, il y a un handicap à surmonter, le fait qu'ils ne croient plus dans la démocratie en partant.

M. Picard: Dans votre réflexion, est-ce que vous avez identifié des incitatifs que le gouvernement du Québec pourrait amener pour faire participer?

Mme Popeanu (Magda): C'est ce qu'on vous a proposé, qu'ils s'identifient aux personnes qui sont élues. C'est une très bonne façon de se valoriser.

M. Ayoub (Léonard): Dans ma communauté à moi, les jeunes commencent à s'impliquer, là, et c'est intéressant parce qu'avant ils n'étaient pas là. Mais sur la question, sur la question internationale, dans ma communauté, les jeunes commencent à s'impliquer, à voir qu'est-ce qui se passe sur le plan international, et ça, c'est important. Mais je crois que ça va venir quand il y aura plus de jeunes, et le mouvement des jeunes va avancer dans notre communauté, que les autres vont embarquer. Mais ça va par étapes. Ça va aller par étapes.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Alors, je vais aller du côté maintenant de notre comité citoyen. Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Bonjour. Une des questions que je me pose, vous proposez d'avoir 50 % des sièges qui soient alloués à la proportionnelle, est-ce que ça veut dire que vous recommandez... est-ce que vous voulez garder le nombre total de députés pareil, donc recommander une diminution du nombre de sièges de circonscription?

Mme Popeanu (Magda): Tout à fait.

Mme Loucheur (Yohanna): O.K. Et donc, à ce moment-là, les inquiétudes sur le rôle et le poids des régions, et tout ça, comment vous... Je ne sais pas si vous avez entendu tout à l'heure les présentations, mais il y a visiblement une tension, là. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Popeanu (Magda): Bien, on considère que ça n'empêche pas... Au contraire, c'est plus tu laisses sur les listes du parti, mieux c'est. Personne n'empêche que, sur les listes de parti, la représentation soit correctement faite. C'est une question de gestion interne d'un parti qui se veut représentatif.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, Mme Loucheur. M. Morisset.

M. Morisset (Michel): Ayant moi-même grandi dans une famille multiethnique, je me pose la question: Quand vous parlez d'orienter des candidats ou des candidates vers des groupements, disons, de nationalités, que ce serait... ils s'identifieraient mieux au point de vue parlementaire et municipal, je vous dirais que vous ne penseriez pas qu'il y a un danger plutôt de créer des ghettos? Parce que je vous dirais que... Malheureusement, j'ai oublié le nom de la ville, mais en Abitibi, par exemple, qui est un endroit très québécois et très francophone, on a un maire haïtien. Alors, moi, je penserais plutôt que... pourquoi ne pas plutôt tabler sur une communauté de droit, c'est-à-dire au lieu de fonctionner vers une idéologie d'ethnies, qu'on favoriserait plutôt une communauté de droit, c'est-à-dire qu'on soit Roumain ou autre, on est d'abord dans une communauté de droit, et la loi est la même pour tous, et qu'on pourrait mieux fonctionner en se basant plutôt dans un esprit justement d'État laïque et de droit plutôt que dans un État d'ethnies et...

n (17 heures) n

Mme Popeanu (Magda): Bien, écoutez, je ne crois pas que c'est la place pour faire un débat comme ça. Je peux vous donner mon opinion personnelle. Je vous ai dit, je suis très bien intégrée au Québec. Je me sens Québécoise à part entière, mais tu ne peux pas contourner une réalité qui existe, c'est... Il y a deux attitudes que tu peux prendre, d'accepter la réalité telle qu'elle est, et la réalité telle qu'elle est, c'est que les communautés culturelles, ils vivent dans leurs communautés. Je peux vous donner l'exemple de la communauté italienne qui vit au Québec depuis... Je n'étais pas née, hein? Et puis elle vit à Saint-Léonard, à Ahuntsic et puis elle vit... Bon.

Si vous voulez, bon, traiter le sujet en mode idéal, je vous dis: Bon, écoutez, l'idéal, ce serait que tous, dès qu'on met le pied à l'aéroport de Dorval, on soit Québécois, ce qui est impossible. L'autre façon de traiter le problème, c'est de le reconnaître comme il est, et de vouloir les intégrer, et de ne pas... Je ne dis pas se rendre à des tensions comme celles qui sont apparues en France parce que c'est... Les Français aussi, ils ont voulu intégrer et ils ont fait beaucoup d'efforts. J'ai lu, hein, en parallèle... Ce n'est pas qu'ils n'ont pas voulu les intégrer, parce qu'ils le sont comme ça. Alors, le fait de se reconnaître dans le monde politique, le fait de voir qu'ils peuvent réussir dans une terre d'accueil, définitivement c'est positif pour notre société. Sinon, on peut faire de l'intégration à l'américaine, mais je ne crois pas que c'est le cas du Québec.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Je vais aller maintenant du côté de M. Gaboury.

M. Gaboury (Charles): Bonjour. Il existe, au Québec, une loi sur le programme d'accès à l'égalité pour les organismes publics qui détermine certains groupes. On retrouve là-dessus les femmes, les autochtones, les membres des minorités visibles, les membres des minorités ethniques. Puis on sait que le Québec a une certaine tradition d'intégration des communautés. Je pense que, pour les femmes, les autochtones et les communautés visibles, il n'y a pas de problème de trouver ou de l'encadrer, mais il y avait un questionnement au niveau des autres communautés ethniques. Est-ce qu'un critère plutôt que juste une déclaration, un critère qui établirait ? je soulève ça de même ? soit une option en disant que, lorsqu'un des deux parents est né à l'étranger, ce serait reconnu et, dès que les deux parents sont nés au Québec, oup, ça arrêterait, est-ce qu'un critère du genre serait acceptable ou...

Mme Popeanu (Magda): Définitivement. Mais ça, c'est de la technicalité, vous savez. Je vous ai dit, je ne suis pas un spécialiste de la technicalité de la loi. C'est... Bien sûr qu'on peut se donner des moyens et puis que ce soit très... Je ne crois pas que ce serait un problème d'identifier une personne de provenance multiculturelle. Bien sûr que tous ceux qui sont à la première génération d'immigrants, ça va de soi. À la deuxième, bien on peut se donner des critères. Mais, je vous ai dit, je ne suis pas un spécialiste.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. Gaboury. Il reste une minute. Mme Proulx.

Mme Proulx (Mélanie): Oui. Ma question va un peu dans le sens, je crois, de M. Thériault. D'après vous, là, vu le faible taux de participation des minorités que vous parliez tout à l'heure, croyez-vous que le fait d'être mieux représenté au niveau des candidats, des candidats de liste notamment, soit suffisant pour augmenter le taux de participation aux élections? Parce que je ne suis pas sûre d'avoir bien compris, mais je crois que c'est un peu les seules solutions que j'ai entendues, les mesures financières incitatives.

Mme Popeanu (Magda): Non, c'est de faire élire des candidats qui proviennent, qu'ils existent, qu'ils siègent au Parlement, qu'ils soient élus.

Mme Proulx (Mélanie): Bien, des élus, dans ce cas-là, vous croyez que c'est suffisant pour... Bon, on élit un peu plus et puis on va se mettre à voter plus?

Mme Popeanu (Magda): Au moins, qu'ils soient représentés 20 % de... Oui, c'est une solution.

Mme Proulx (Mélanie): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je n'ai pas d'autre demande d'intervention de la part des formations politiques autour de la table. Je vous remercie infiniment, M. Ayoub et Mme Popeanu, de votre participation et de votre contribution aux travaux de cette commission. Merci infiniment. J'invite maintenant le citoyen M. Eric Alvarez à vouloir s'approcher à la table des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Morisset, je vous demanderais de regagner votre place, nous devons poursuivre. M. Acharid aussi. Merci.

Alors, avant d'accueillir notre prochain invité, j'aimerais rappeler que nous amorçons maintenant un bloc avec les citoyens individuellement. Il va y avoir une période d'entre 10 minutes et 15 minutes selon si le citoyen a produit un mémoire ou n'a pas produit un mémoire. Je veux juste aviser les citoyens de ne pas s'étonner si les différents représentants autour de la table ne vous adressent pas de question. Le temps, il est vraiment limité. Chaque groupe aurait une période de une minute. Il y a tellement une belle harmonie qui règne au sein de cette commission qu'il arrive souvent qu'on se prête nos enveloppes de temps, et ça risque d'arriver en soirée pour que soit les différentes formations politiques ou les groupes citoyens aient un peu plus de temps que la minute impartie. Alors, ne soyez pas étonnés, ça fait partie de la bonne entente qui règne autour de la table.

Alors, M. Alvarez, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez environ six minutes pour nous exposer votre point de vue.

M. Eric Alvarez

M. Alvarez (Eric): Bonjour, messieurs dames. Et merci de m'avoir invité. Donc, moi, ma réflexion, c'était beaucoup plus de faire en sorte d'éviter que la fragmentation du vote, ça vienne fausser un petit peu, des fois, les résultats d'un scrutin. Comment est-ce que ça peut arriver? Je donnais un exemple qu'il y avait dans mon mémoire, c'est, aux dernières élections présidentielles françaises, si on peut dire, au deuxième tour, qui était comme la finale, il y avait Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, le candidat de l'extrême-droite. Jacques Chirac a gagné avec 82 % contre 18 %. C'est comme s'il n'y avait pas eu d'élection.

Donc, on peut se demander qu'est-ce que faisait Jean-Marie Le Pen au deuxième tour? Si on remonte deux semaines avant, le premier, au premier tour, c'était Jacques Chirac, et il y avait, en deuxième, Jean-Marie Le Pen qui avait gagné avec à peu près 195 000 voix d'avance sur Lionel Jospin qui était le favori de la gauche. Or, il y avait plus de 13 millions de personnes qui ont voté pour un des 13 autres candidats. Il y avait 16 candidats au premier tour. Le vote s'est tellement fragmenté que justement Lionel Jospin... pas Lionel Jospin, Jean-Marie Le Pen est passé au premier tour. Entre le premier tour et le deuxième tour, il a progressé de 1 %. C'est-à-dire qu'il avait un noyau assez solide de candidats, mais le fait qu'il y avait beaucoup d'autres candidats, ça a fragmenté le vote, ça a permis à ce candidat-là de passer, de se faufiler, si on peut dire, en finale. Et ce phénomène-là, à chaque élection, j'en entends parler, de dire que, ah, peut-être ce candidat-là va pouvoir profiter de la fragmentation du vote entre deux candidats plus forts pour pouvoir être élu. On considère normal que quelqu'un qui est peut-être moins bon, potentiellement plus faible puisse être élu grâce à la fragmentation du vote entre des candidats plus forts, et, moi, je pense que ce n'est pas normal.

Donc, il y a quelques techniques pour essayer de régler ce problème-là. Celle que je trouve qui est certainement la plus simple mais qui est aussi reconnue comme efficace, ça s'appelle le vote par assentiment. Le principe est assez simple, c'est: on prend les mêmes bulletins de vote qu'on a utilisés cette semaine pour les élections fédérales, mais on a la liberté, plutôt que de voter juste pour une personne, la liberté ? pas l'obligation, la liberté seulement ? de voter pour d'autres candidats si on le désire, et la personne qui gagne, c'est simplement la personne qui a le plus de voix, tout simplement. Donc, quand on fait notre choix, il faut être sûr d'accepter que la personne qui va être élue... le fait qu'elle puisse être élue.

Et il y a une expérience qui a été faite justement au cours du premier tour de scrutin présidentiel en France où c'est que, dans deux localités, ils ont fait une expérience en parallèle entre le vote régulier et le vote par assentiment. Et il y a à peu près plus de 1 000 personnes qui y ont participé, et vous pouvez vous apercevoir, quand on regarde les résultats, que vraiment Jean-Marie Le Pen a peu progressé dans son vote, et l'écart entre lui et les deux candidats favoris, Lionel Jospin et Jacques Chirac, s'était vraiment accru. Et d'ailleurs même Lionel Jospin était devant Jacques Chirac à ce moment-là, les numéros un et deux s'étaient inversés avec le vote par assentiment. Et les gens qui ont participé à cette expérience ont beaucoup apprécié. À la fois, ils ont trouvé ça simple et puis ils ont apprécié voter de cette façon-là.

C'est pour ça que la base de la réforme qui est proposée, ça reste d'avoir des députés élus par circonscriptions avant de penser à la proportionnelle. Et, moi, je pense qu'il faut d'abord s'assurer que ce soient vraiment les bons candidats, si on peut dire, les candidats voulus qui soient élus.

n (17 h 10) n

Et un deuxième point ? et ça, c'est plus une réflexion que je m'étais faite ? c'est que, bon, le vote par assentiment, à la base, n'a pas été prévu pour de la proportionnelle. Par contre, ça offre un potentiel d'avoir la force réelle des partis non biaisée par des éléments de stratégie. Ou ça peut être biaisé un petit peu mais beaucoup moins peut-être que dans d'autres situations, même la situation actuelle où c'est que, par exemple, on voit des fois... bien même régulièrement, dans les élections, juste quelques jours avant le scrutin, en fonction des sondages, des déplacements de votes de certains partis vers d'autres justement par stratégie de bloquer un autre parti, alors que, là, par le vote par assentiment, bien vous pouvez, je dirais, voter à la fois pour votre coeur et votre raison parce que vous n'êtes pas obligé d'enlever un vote à quelqu'un pour en donner à un autre.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, M. Alvarez, pour cette présentation. Les règles sont un peu différentes maintenant. Les membres autour de la table qui souhaitent vous adresser une question, signalez-moi-le, et puis je vais vous donner, je vais vous céder la parole sans qu'il y ait nécessairement un ordre. Alors, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. M. Alvarez, vous parlez qu'en France il y a eu un projet, on a essayé le système de vote par assentiment. À votre connaissance, est-ce qu'il y a des pays qui utilisent ce...

M. Alvarez (Eric): ...c'est ça. Ça, c'est relativement nouveau. C'est depuis les années soixante-dix que ça a été un peu popularisé par... Ça vient des États-Unis. Il y a des organismes professionnels qui l'utilisent, qui ont plusieurs milliers de membres, qui utilisent ce système de vote pour voter pour nommer leur président, mais ce n'est pas utilisé actuellement au niveau public. Ce qui se rapproche le plus, c'est en Australie, dans une région de l'Australie, parce que l'Australie utilise depuis 100 ans le mode préférentiel. Mais un mode préférentiel, c'est qu'on choisit le premier choix, deuxième choix... Là, c'est qu'il y a une certaine région, ils disaient: Bien, on ne veut pas avoir à être obligés de choisir pour... même voter pour des candidats quand on est vraiment contre, donc on veut avoir l'option de choisir si on vote pour d'autres candidats ou pas. Ce qui fait qu'au fond, ça, c'est vraiment très proche, ça, du vote par assentiment, la différence étant la façon de calculer le gagnant. Mais le vote par assentiment m'apparaît beaucoup plus simple, puisque c'est la personne qui a le plus de voix qui gagne, tout simplement. Il n'y a pas de mécanique où c'est qu'on met les données dans un ordinateur, puis ça nous sort le gagnant.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député. M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Quel que soit le mode de scrutin qui serait en vigueur à la suite de nos consultations suite à l'adoption du processus, etc., est-ce que vous ne considérez pas qu'un tel débat doit être tranché par la population et qu'il serait intéressant d'avoir un plébiscite sur la question? Notamment, lors de la prochaine élection générale, est-ce que vous considérez qu'un changement aussi important ne devrait pas passer par l'assentiment de la population?

M. Alvarez (Eric): J'ai réfléchi un petit peu sur le sujet, je ne suis pas arrivé... comment dire? je n'ai pas assez poussé ma réflexion pour dire: Est-ce qu'on devrait faire un référendum sur la question du changement de mode de scrutin, si je comprends bien? Est-ce que c'est sur ça?

M. Thériault: Oui. Ou un plébiscite lors de la prochaine élection.

M. Alvarez (Eric): Ça pourrait être, je dirais... Bien, vous pourrez faire comme la Colombie-Britannique ont fait, effectivement. Je pense, ce serait effectivement une bonne... Pour éviter qu'il y ait toute notion partisane qui puisse jouer effectivement, pour donner une transparence, ça pourrait être une bonne chose.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. D'autres membres de la commission qui souhaitent intervenir à ce moment-ci? Alors, ça fait le tour. M. Alvarez, je vous remercie infiniment de votre participation à nos travaux, et sachez que les membres de la commission tiendront compte du point de vue que vous nous avez exprimé. Merci à vous. J'invite maintenant M. Guy Boivin à se présenter à la table des témoins.

Une voix: ...

Le Président (M. Ouimet): ...table des témoins, ils nous rendent un témoignage, et on les interroge.

Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec, M. Boivin. Donc, vous avez six minutes également pour nous exposer votre point de vue.

M. Guy Boivin

M. Boivin (Guy): Avant de commencer, j'aurais un commentaire. On m'a dit que vous aviez le document, le deuxième document que j'avais déposé qui était l'avant-projet de loi, Loi électorale. Donc, c'est tout simplement parce qu'il y a une coquille à l'article 166. C'est que le chiffre ne devrait pas être «127» mais «114».

Le Président (M. Ouimet): Nous apporterons la correction, merci.

M. Boivin (Guy): Merci. Donc, je vous lis mon texte, il est de 12 minutes.

Le Président (M. Ouimet): 12 minutes?

M. Boivin (Guy): 12 minutes.

Le Président (M. Ouimet): Moi, je vous invite à plutôt nous résumer votre texte pour que nous ayons un échange avec vous. 12 minutes, vous allez déborder l'enveloppe de temps.

M. Boivin (Guy): Ah, c'est un résumé, mais je vais être bref.

Le Président (M. Ouimet): Allez-y.

M. Boivin (Guy): Merci. Je vous remercie sincèrement de me recevoir. Vous avez de ma part deux documents: un mémoire affectant l'ensemble de l'organisation politique et le projet de loi annoté, si vous refusez de toucher aux institutions établies mais tout en appliquant les principes de base ici soulevés.

Mon mémoire a été commencé dès l'annonce de notre participation possible. Pour ne pas me laisser biaiser par des idées préconçues, j'ai préféré exclure de mon esprit tout ce qui existait déjà et partir ma réflexion à zéro en consultant surtout les gens de mon entourage. Mon mémoire est le résultat de ces consultations.

J'ai vraiment essayé de cerner ce que les gens désiraient profondément. À titre d'exemple, je vous ramène à ce que vient de vivre le gouvernement minoritaire fédéral. Pour les citoyens, il est alors évident que les politiciens ne sont pas là pour l'intérêt du peuple mais pour celui de leur parti et parfois pour le leur propre. Sinon, les députés fédéraux ne se seraient pas affrontés pendant tout ce temps, mettant l'accent sur la chute du parti en place plutôt que de s'asseoir ensemble pour cinq ans et chercher à faire des lois et diriger correctement le pays, mettant de côté leur partisanerie pour ce temps dans l'intérêt collectif. Il y a tant à faire, tant d'injustices à régler, de lois à corriger, de marchés à développer.

Par contre, les citoyens sont tellement réticents aux changements majeurs, on dirait qu'ils forment un vieux couple où l'on se tolère par peur du changement, où l'un n'aime plus l'autre, et vice versa, mais ne se décide pas à agir. C'est peut-être là le rôle de la commission: donner le coup de barre pour que les choses bougent et qu'un nouveau couple se reforme pour le plus grand bonheur de chacun.

Passons donc au mémoire, où je vous soulignerai tout simplement les points forts de mes constatations, vous laissant lire le reste par vous-mêmes, restant disponible pour toute question ultérieure.

Le mode de scrutin proposé par l'avant-projet de loi n'amenuiserait pas le sentiment de désintéressement et de cynisme qui habite une grande partie de la population. Le problème est plus profond. Une simple révision du mode de scrutin à la proportionnelle satisferait davantage les partis politiques et leurs partisans que la population en général. Telle qu'envisagée, votre réforme ne serait qu'un pansement sur une plaie beaucoup plus grande. Pourquoi ne pas essayer d'enrayer l'hémorragie au maximum en donnant quelque chose de vraiment correspondant aux besoins du peuple québécois? Avec le scrutin proportionnel mixte, vous ne cherchez pas à réinventer la roue. Vous pouvez vous permettre d'être original. Tous reconnaissent que le système actuel défavorise largement certains partis et, de ce fait même, leur propre voix. Une assemblée nationale dont les membres seraient élus selon le nouveau système suggéré ne représenterait pas mieux les électeurs. Je vous propose de perfectionner notre système actuel en récupérant ses éléments traditionnels pour ne pas perdre les électeurs.

Ma réforme 1. J'hésite maintenant à vous donner chacun des points parce que c'est ce qui fait que ça dure 12 minutes. Je pourrais passer tout simplement tout de suite à la conclusion, vu que vous êtes capable de lire le reste.

Le Président (M. Ouimet): Je vous invite à le faire.

M. Boivin (Guy): D'accord. Je vais juste trouver l'endroit. Si votre commission se contente d'une simple réforme de la Loi électorale plutôt que d'une transformation majeure du processus politique actuel telle qu'ici suggérée, je vous dépose mes annotations à l'avant-projet de loi et commente rapidement. Donc, actuellement, je suis au deuxième document, celui où j'ai tout simplement annoté. J'ai surtout cherché à alléger au maximum le processus et faire en sorte que la politique devienne accessible pour tous dans des règles simples.

n (17 h 20) n

Les mises en candidature deviennent permanentes pour que les indépendants puissent avoir le temps, entre les élections, de s'organiser, de se faire connaître avec le minimum de contraintes. J'ai été scandalisé que l'avant-projet de loi prévoie ? articles 114 et suivants ? accorder annuellement une allocation aux partis politiques en place et un montant toujours plus élevé pour le plus important parti, article 115. Le plus gros en a toujours plus. Aussi, que la liste électorale soit distribuée aux partis, alors qu'on crie continuellement au scandale pour la confidentialité. Une personne ne pourrait refuser d'être inscrite sur la liste électorale. Elle votera si elle veut. Comment gérer le jour où elle le désire et la prochaine fois où elle ne voudra pas?

Le but de l'immigration est de s'intégrer à la population avec laquelle ils ont choisi de vivre. Accorder des sièges aux minorités ethnoculturelles ouvre une boîte de Pandore. Il y a plus de 150 pays dans le monde, où s'arrêtera la représentation, retardant d'autant l'intégration?

Il y a une différence importante à faire entre les dépenses privées à un parti durant l'année courante et les dépenses équitables entre tous les candidats pendant une période électorale pour donner la chance à tous. Ce n'est pas en donnant de l'argent aux partis qui présentent des femmes que vous augmenterez le taux féminin à l'Assemblée nationale.

Faute de temps, je conclus en vous confirmant mes...

Le Président (M. Ouimet): Écoutez, on a un peu plus de temps, allez-y, parce qu'on est en avance sur l'horaire, là, je regardais ça.

M. Boivin (Guy): D'accord.

Le Président (M. Ouimet): Et je sais que vous avez présenté un mémoire fort étoffé, que vous avez annoté chacune des dispositions du projet de loi, alors prenez un peu plus de temps.

M. Boivin (Guy): Tout ce que je pourrais vous donner, c'est dans le projet où on touche les institutions. Donc, ma réforme 1 proposée était de... Le lieutenant-gouverneur devient le président de l'Assemblée nationale et le Protecteur du citoyen. Les points que je vous soulève là de ma réforme sont des points que j'ai discutés avec des gens autour de moi, et les gens étaient d'accord avec les idées de base. Récupérer le poste du lieutenant-gouverneur qui occupe actuellement des tâches obscures pour la population. Donner à l'Assemblée nationale un coordonnateur assez neutre, impliqué et intéressé à ce que les dossiers avancent. Toute personne peut maintenant proposer un projet de loi en écrivant au Protecteur du citoyen. Le lieutenant-gouverneur rédige le projet de loi nécessaire pour corriger toute injustice, incongruité, erreur, etc., d'une loi existante et dénoncée à lui comme Protecteur du citoyen.

Réforme 2. Le premier ministre, élu par la population pour cinq ans, selon les candidats proposés par les partis, reste le gestionnaire de l'État. Les élections à date fixe évitent la politicaillerie voulant qu'une élection se tienne quand elle s'avère la plus favorable à celui qui est déjà au pouvoir. À l'annonce de la tenue de l'élection au suffrage universel, les partis politiques intéressés soumettent au Directeur des élections chacun trois candidats potentiels. Une personne sans parti peut présenter sa candidature. Le bulletin de vote est divisé en deux sections. Chaque citoyen coche un seul parti ou un candidat indépendant. Ensuite, il coche, pour chacun des partis, son candidat favori. Les trois candidats suggérés par les partis permettent à la population de choisir le programme d'un parti sans se voir imposer un chef qui ne les intéresse pas.

Le premier ministre prépare l'ordre du jour. Il faut lui garder un certain droit de regard sur les lois et les règlements qu'il devra administrer. Le budget du premier ministre, donc celui global pour la province, est réparti à la convenance de celui-ci, même hebdomadairement s'il le désire. Le rôle du premier ministre est d'administrer du mieux possible les finances de la province. Il est donc important qu'il puisse opérer rapidement et librement dans le cadre juridique établi. Donc, plus de budget annuel.

Réforme 3. Toutes les dépenses gouvernementales sont instamment rendues publiques et accessibles à tous. Leur comptabilité suit les règles approuvées internationalement. Le gouvernement oublie trop souvent que l'argent qu'il détient entre ses mains est celui du peuple, qui a le droit de savoir quotidiennement jusqu'au nom des fournisseurs de crayons. La comptabilité internationale sera instaurée pour que les gouvernements cessent de trafiquer les chiffres afin de les faire parler en leur faveur. Les chiffres seront les mêmes pour tous.

Réforme 4. Le gouverneur général du Canada devient aussi notre Directeur des élections. Il s'assure de la bonne tenue de toutes les élections, de l'équité entre les partis et de la tenue à jour de la liste électorale permanente. Le gouverneur général tient maintenant un autre rôle que diplomatique et représentatif. Neutre dans la province et pour la province, il sera le garant du bon déroulement des élections. Il établit des élections à date fixe, cinq ans après les nominations ou dès que le poste en question est disponible. Pour qu'une élection soit équitable, il faut que chaque parti ou candidat jouisse des mêmes moyens. Lors d'élections, l'argent destiné aux partis politiques est plutôt dirigé vers le Directeur des élections, qui paie pour les programmes de tous. Tous peuvent maintenant accéder à la politique et ont autant de chances, les uns que les autres, grâce à un système électoral des plus égalitaires possible. Fini les courses aux fonds pour que finalement le plus riche parti existe ou gagne. Le candidat plus riche ne pourra pas, en accaparant les médias, museler les autres moins fortunés.

Réforme 5. La province est divisée en comtés correspondant aux régions. Chaque comté est représenté à la fois par une femme et par un homme. Deux circonscriptions naîtront, une innue et une amérindienne, constituées de toutes les réserves concernées. De cette façon, les autochtones pourront se sentir entièrement impliqués dans leur province. Il y aurait un nombre suffisant de députés selon les régions, selon les districts judiciaires. Ils garantiraient une bonne représentativité et n'alourdiraient pas la Chambre par des membres inutiles: environ 68, 32 pour les régions actuelles et les quatre représentants des réserves, 34 femmes, 34 hommes.

À la proportionnelle, la plus forte concentration des députés se retrouvent dans les grandes villes au détriment des régions. Il est important de noter qu'à l'Assemblée nationale chaque région doit avoir son mot à dire. Ce processus permettrait la présence d'un député dans lequel les gens se reconnaissent et qui est au fait des besoins locaux. Il me reste quatre phrases. Les Québécois veulent voter pour l'homme ou la femme, selon l'expression consacrée, afin d'être représentés par le meilleur candidat local. Le nombre de députés est réduit à un chiffre passablement fixe, éliminant du coup les dépenses pour tout surplus de députés, et excrète ceux d'arrière-ban. Le candidat ayant le plus de vote est élu et devient député de la région.

Réforme 6. 18 ans pour voter constitue l'âge de raison.

Réforme 7. Un directeur de l'information journaliste est élu pour cinq ans par ses confrères et il garantit la libre expression au Québec. Il s'assure de l'application de leur code d'éthique et de l'accessibilité pour tout un chacun à une information complète et non manipulée. Lors d'une élection, les réseaux de l'information sont tenus d'accorder la même visibilité à tous les candidats.

Et, pour conclure, réforme 10, quotidiennement, les jours parlementaires, les députés, le président de l'Assemblée nationale, le premier ministre ou un de ses ministres sont appelés à répondre aux questions de représentants des partis politiques enregistrés lors de la dernière élection et de journalistes à heure fixe et dans un ordre établi pour assurer que tous puissent interroger de façon civilisée les responsables de l'État.

J'ai fait le tour rapidement. Vous avez devant vous les documents. Comme je vous expliquais rapidement, c'est que vous avez un projet qui touche le fond des institutions, ce que les gens consultés désirent, et vous avez l'autre version qui ne touche que la Loi électorale sans toucher aux institutions.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ce qu'on peut vraiment dire, c'est que vous avez longuement réfléchi à la question, et je vous en félicite, d'avoir saisi les membres de cette commission parlementaire de votre longue réflexion. J'avais trois demandes d'intervention: M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, M. le député de Masson et Mme Proulx. Alors, dans l'ordre... Non, monsieur? Alors, M. le député de Masson et puis, par la suite, Mme Proulx.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, M. Boivin, d'entrée de jeu, je voudrais saluer votre contribution à ce débat. L'opposition officielle, dans ses remarques préliminaires, au tout début même des auditions générales, invitait les gens à dépasser le cadre conceptuel du modèle qui est sur la table. Je crois qu'à ce titre-là votre mémoire révèle cette intention, bien que j'aie un certain nombre de réserves sur le contenu.

n (17 h 30) n

La réserve principale que j'ai ? et c'est peut-être une omission de votre part; mais ? dans la fiche résumée que le secrétariat nous a transmise... D'abord, je voudrais vous informer, un récent sondage SOM fait à la demande de l'Assemblée nationale dévoile qu'un Québécois sur deux seulement considère que le débat est pertinent, le débat qu'on tient sur la démocratie québécoise. À propos de cette consultation-là qu'on fait ici, là, 54 % n'y sont pas intéressés et, dans les 46 % qui y sont intéressés, 27 % ne sont pas au courant.

Vous avez écrit au secrétaire de la commission que «l'échéance pour la réforme [devait] être plus rapide. Les Québécoises [...] n'ont plus besoin d'un long exercice pédagogique pour accepter un changement [de] système électoral qu'ils espèrent depuis longtemps. Tous reconnaissent que le système actuel défavorise largement [les] partis et, de ce fait même, leur propre voix. Cette réforme ne saurait trop tarder...»

Alors, ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas pour que ce débat que nous faisons soit tranché par la population lors, par exemple, d'un plébiscite à la prochaine élection.

M. Boivin (Guy): Je vous donnerais deux commentaires. Le premier commentaire que j'aurais aimé vous faire, c'est que, et de un, quand on étudie, exemple, à l'université ? j'ai étudié à l'université en gestion de bureau ? on dit souvent que le train va passer, et 20 % vont le prendre, 80 % des gens vont rester sur le quai à regarder. Donc, ça s'applique aussi, dans ce cas-ci, pour la réforme. Même si vous étirez la réforme des années de temps, tout ce que ça va faire, c'est que les gens vont désespérer d'avoir un résultat et vont être convaincus que ça n'aboutira à rien.

Le problème qu'on a actuellement avec toutes les études du gouvernement, c'est de finalement considérer qu'il n'y a rien qui aboutit à rien dans les efforts qui sont faits parce que c'est très long comme processus et que les gens décrochent facilement. Et c'était le deuxième commentaire que je pouvais vous apporter: c'est que la crainte des gens, c'est que finalement le rapport que vous allez faire soit un nouveau rapport tabletté.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Je vais aller du côté de Mme Proulx maintenant.

Mme Proulx (Mélanie): Oui, merci. Pouvez-vous me dire de combien de temps... Quelques secondes ou...

Le Président (M. Ouimet): Mettons une minute.

Mme Proulx (Mélanie): Ça va. O.K. Merci. J'aimerais que vous me clarifiez... Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris. Je crois que vous arrivez à une soixantaine de sièges à l'Assemblée. Vous dites être... Vous parlez de circonscriptions représentées et par un homme et par une femme. Pouvez-vous m'aider à me retrouver là-dedans, là? Vous parlez de régions, de circonscriptions. Je ne suis plus sûre de comprendre.

M. Boivin (Guy): D'accord. Première chose. Ce que je vous proposais, c'est que, si... je le propose aussi dans l'autre version, celle qui est annotée, la loi annotée, c'est que, dans la province, on paie pour les députés, les salaires des députés. La majorité des gens avec qui j'en ai discuté considère qu'effectivement nous avons déjà beaucoup de députés à payer. Il y a des régimes de retraite, etc. Il y a beaucoup de dépenses reliées à la députation. Donc, les gens sont favorables à ce qu'il y ait une forme de députation mais ne sont pas favorables à ce qu'il y ait un cumul tranquillement pas vite de députation, qu'il y ait de plus en plus de députés finalement à l'Assemblée nationale. C'est que, que vous soyez 300 à l'Assemblée nationale ou que vous soyez 120, l'effet pour la population est le même.

Mme Proulx (Mélanie): Je m'excuse de vous couper, c'est parce que j'ai très peu de temps. Mais j'aimerais vraiment que vous me précisiez votre calcul. Comment vous calculez ça, là? Combien de régions? Combien de circonscriptions?

M. Boivin (Guy): Oui. Ce que j'ai pris... D'accord. J'ai regardé... Vous savez que je suis technicien en droit, parce que je l'ai signé comme technicien en droit. Donc, avant de venir ici, j'ai regardé dans les lois quelles lois vous donnaient le meilleur territoire qui correspondait vraiment au désir des gens, où les gens se reconnaissent. Les gens habituellement se reconnaissent dans leurs régions. Donc, la meilleure représentation de régions est la Loi sur la division territoriale pour les cours de justice, les districts judiciaires.

Donc, si vous calculez le nombre de districts judiciaires, vous arrivez à 32 ? 32, il me semble, en tout cas je vous l'ai écrit, excusez ? et vous ajoutez à ça des comtés innus et amérindiens.

Mme Proulx (Mélanie): Je comprends.

M. Boivin (Guy): Donc, si vous mettez deux hommes, un homme et une femme, vous vous retrouvez à avoir 68 représentants.

Mme Proulx (Mélanie): Ça fait que vous réfutez complètement la carte électorale qu'on a en ce moment, là?

M. Boivin (Guy): Je ne vous cacherai pas que, dans les discussions que j'ai eues avec les gens, c'est que les gens... Et de un, moi, je viens en plus d'une région, Saint-Hyacinthe, et souvent la frustration qu'on a, c'est qu'il y a de plus en plus de députés dans les villes comme Montréal, Québec, qui sont les grands centres, et qui vont se présenter à l'Assemblée et défendre des idées qui sont beaucoup plus reliées à la ville qu'à la région. Donc, les gens se reconnaissent beaucoup plus dans une région que dans une division par population. Plus la population va augmenter, plus vous allez avoir des députés pour Montréal.

Le Président (M. Ouimet): J'ai fait preuve d'une grande largesse, Mme Proulx, mais je dois maintenant mettre un terme à cet échange.

Mme Proulx (Mélanie): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): M. Boivin, je vous remercie, au nom de tous les membres de cette commission, pour votre contribution à nos travaux. Et j'invite maintenant M. Alexandre Morin Chassé à s'approcher à la table des témoins.

M. Boivin (Guy): ...travaux.

Le Président (M. Ouimet): Merci infiniment.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, bonjour, M. Morin Chassé. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Donc, six minutes pour exposer votre point de vue, et puis par la suite quelques minutes d'échange.

M. Alexandre Morin Chassé

M. Morin Chassé (Alexandre): Six minutes. Bon, d'accord. D'accord. D'abord, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité. C'est quelque chose qui m'intéresse. Je suis étudiant en sciences politiques à l'Université Laval.

À la session dernière, on a eu l'occasion, dans le cadre d'un cours, d'aborder ? bon, c'était une partie du cours ? les différents modes de scrutin possibles dans le cadre du cours sur les différents régimes politiques dans le monde.

J'ai appris la nouvelle au fait qu'il y avait des discussions sur un nouveau mode de scrutin, dans le temps des fêtes, et un peu rapidement je me suis garroché là-dessus. J'ai jeté un coup d'oeil à l'avant-projet de loi. J'ai jeté un coup d'oeil plus particulièrement à la partie sur le mode de scrutin parce que c'est la partie avec laquelle j'étais le plus à l'aise, et le reste touche peut-être un peu plus à l'éthique, éthique qui me concerne, qui m'implique, mais à laquelle je ne suis pas nécessairement formé pour porter une opinion.

Tout d'abord, dans l'actualité, les dernières choses qu'on a entendues sur cet avant-projet de loi là, c'est que le mode de scrutin est trop compliqué pour le voteur, trop compliqué pour le Québec. Je dois tout d'abord dire que je ne suis pas vraiment d'accord avec cette opinion-là.

Simplement dans le cahier d'information, on regarde à la page 21 et on voit qu'il y a quelques autres pays qui ont un mode de scrutin mixte compensatoire, proportionnel mixte compensatoire. Je pense que c'est simplement de faire comprendre aux gens que ce n'est pas parce que c'est plus simple, c'est-à-dire, le mode majoritaire pur, que c'est plus efficace et aussi que l'inverse est peut-être vrai, c'est-à-dire: peut-être que, parce que c'est plus compliqué, ça pourrait être aussi plus efficace. Et il y aura peut-être une partie médiatique à toucher là-dessus, évidemment. Surtout si on veut soumettre la question à un plébiscite, je suis un peu sceptique, à savoir si ça va être efficace ou non d'essayer de toucher l'information avec ça, d'essayer de toucher la population avec cette information-là.

L'autre truc qui est sorti aussi: est-ce que ça avantage plus les Anglais de Montréal? Je ne crois pas. Je crois en fait que les Anglais présentement sont handicapés, défavorisés par le système majoritaire qu'on a présentement. Est-ce que ça les avantagerait? Oui. Est-ce que ça les avantagerait plus que n'importe qui d'autre? Je ne crois pas. Je crois que ce serait de remettre les pendules à l'heure, en quelque sorte.

Je suis d'accord avec le fait qu'on amène un mode de scrutin mixte pour les deux principales raisons qui sont assez simples, c'est-à-dire que ça permet de pallier les bons côtés et les inconvénients, quitte à ce que ça réduise les bons côtés des deux, mais au moins que ça réduise aussi des inconvénients, c'est-à-dire un scrutin majoritaire qui donnerait une mauvaise représentation et un gouvernement qui serait susceptible d'être trop fort ainsi qu'une proportionnelle où la représentation serait meilleure, mais les gouvernements seraient faibles. Si on est capable de pallier ça, je crois que la proportion de la répartition des sièges aussi, c'est-à-dire 77 sièges de circonscription qui seraient élus de façon majoritaire et 50 sièges de district qui seraient élus de façon proportionnelle compensatoire, on est dans la bonne voie.

Par contre, je suis un peu contre l'idée ? pas tant l'idée, les fondements sont bons ? de compensatoire. Si on retourne à la formule qui est proposée dans l'avant-projet de loi, il y a un grand panel de scénarios possibles au niveau des proportions, au niveau de qui... Un parti A pourrait gagner tant de circonscriptions. Qu'est-ce qui est susceptible d'arriver avec les proportions?

n(17 h 40)n

Sauf qu'en général c'est un peu... ça pourrait être trompeur de dire à la population qu'on peut avoir une proportionnalité répartie sur deux sièges, c'est-à-dire les deux sièges de district. Je suis un peu critique par rapport à ça. Je suis un peu critique aussi par rapport au fait qu'un parti qui aurait, dans l'ensemble de trois circonscriptions qui forment un district, 12 % des voix n'a pas nécessairement beaucoup de chances de se faire représenter sur un des deux sièges non plus. Ça veut aussi dire entre 12 % et moins de la population de ces trois circonscriptions-là qui serait susceptible de ne pas se faire représenter à l'Assemblée nationale.

Bon. Là-dessus, je suis critique. Personnellement, je verrais plutôt un 50 ou, peut-être même un peu moins, 40 sièges qui seraient distribués de façon proportionnelle pure, c'est-à-dire simplement à un territoire, le territoire du Québec, qui permettrait donc, dans ce cas-ci, à un parti qui aurait 10 % de la population, un Parti vert, un UFP, peu importe, là, dans le cas ici, du Québec, qui aurait 5 % ou 10 % de la population... aurait peut-être seulement un ou deux représentants, mais aurait au moins une représentation à l'Assemblée nationale. Je crois que c'est cette partie-ci, c'est une partie de la correction qu'on veut faire au système démocratique du Québec présentement. C'est pourquoi je proposerais une partie proportionnelle qui serait pure et sans formule d'ajustement.

Si on revient plus directement au projet de loi qui a été présenté sur le site Internet de l'Assemblée nationale, concrètement, par rapport à ça, je suis d'accord avec l'idée d'une liste fermée au niveau du district, en ce sens que c'est quand même souhaitable en quelque sorte qu'un gouvernement ou qu'un parti puisse choisir lesquels de ses membres qu'il veut voir élire. Vous voulez que je concise? Parfait.

Le Président (M. Ouimet): Conclure.

M. Morin Chassé (Alexandre): Et conclure, d'accord. Je crois donc... Je suis d'accord avec une telle sorte de liste. Ce de quoi j'ai peur, c'est qu'un député qui serait élu là, règne et reste à ce poste, élection après élection, puisqu'il ne serait pas choisi par la population mais simplement élu. C'est en gros ce que j'avais à dire, en six minutes, sur l'avant-projet de loi.

Un petit dernier point, je suis... Bon, c'est sûr que ça permettrait d'éliminer ou d'éviter un peu plus de votes stratégiques. Peut-être que ce serait bon aussi de regarder... de réduire... d'augmenter peut-être la période où ce serait interdit de faire des sondages avant la date de l'élection.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci infiniment pour ce point de vue. M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Morin Chassé. Rapidement, trois petites questions. Suite à vos propos, est-ce qu'on peut considérer que vous êtes quand même favorable au projet de loi, au dépôt de projet de loi, et donc l'approche présentée? Est-ce que ? vous n'avez pas eu le temps peut-être d'en parler ? est-ce que vous êtes favorable à la majoration de l'allocation pour inciter les partis à avoir plus de femmes et plus de communautés culturelles comme candidats? Et objectivement ce qu'on espère tous, c'est avoir plus de candidats élus, bien sûr. Et troisième point, étant donné, bon, quand même votre jeune âge, est-ce que vous êtes favorable avec certaines options qui présentent le fait d'amener le vote à 16 ans, de ramener l'âge de votation à 16 ans?

M. Morin Chassé (Alexandre): Bon, je vais commencer avec votre dernière question: l'âge de vote à 16 ans. On a déjà un gros problème avec la proportion des jeunes qui votent, et je pense que ça permettrait d'augmenter le problème si on ramenait le vote à 16 ans. Parce que les gens qui vont voter à 16 ans, c'est des gens qui sont déjà membres d'organisations politiques. Donc, la proportion de ceux qui ne voteraient pas augmenterait, parce que la proportion soumise à cette statistique-là augmenterait elle aussi.

À savoir si je suis d'accord avec l'avant-projet de loi, oui. Les fondements sont très bons. Oui, je crois qu'on est dû pour une révision du mode de scrutin, révision plus large aussi. Comme je vous ai dit, je n'ai pas eu le temps pour la question sur les femmes, la répartition, sur cette partie-là. C'est peut-être la partie éthique, dont je parlais au départ, dont je n'ai pas osé trop me mêler. Je ne suis pas très connaisseur, comme je l'ai précisé au départ. J'ai des compétences limitées dans le domaine. Mais le projet de loi, de ce que j'en ai lu, de ce que j'en ai compris, c'est quelque chose de très intéressant.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député de Vimont. Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Oui. Vous avez très brièvement mentionné, à la toute fin de votre exposé, le vote stratégique. Je voulais savoir... Ce que vous proposez en fait, c'est un système parallèle, donc sans compensation, avec une liste nationale. Il y a des gens qui pensent qu'avoir deux votes permet de réduire le vote stratégique dans des situations comme ça. Est-ce que vous avez étudié cette question-là? Est-ce que vous êtes favorable à garder un seul vote ou avoir deux votes, dans votre proposition?

M. Morin Chassé (Alexandre): Par rapport à ça, je suis favorable à avoir un seul vote malgré tout, parce que je crois que d'avoir deux votes, ça ferait un vote encore plus stratégique. C'est-à-dire, je vote stratégiquement mais ? on changerait un peu la balance de bord ? non plus pour le parti, mais pour le candidat qui se dirige dans ma circonscription. Donc, je crois que ce qui est important avec un mode de scrutin, c'est de demander à la population de se prononcer sur un parti politique, sur ses idéologies. Ce que je mentionnais enfin, c'était simplement de s'assurer qu'il n'y ait pas un règne, c'est-à-dire une personne qui soit élue dans un district et qui, élection après élection, parce qu'elle n'est pas choisie, décide de... soit reste à ce poste... Oui, le parti serait élu, mais lui ne serait pas élu. Donc, je crois que ça, ce serait intéressant de peut-être rajouter un petit alinéa b à quelque part pour mentionner que, je ne sais pas, genre, on ne peut pas faire plus que trois mandats à ce poste-là pour un même député.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, cela met un terme à nos échanges. Merci infiniment, M. Morin Chassé, de votre contribution à l'avancement de nos travaux. Et je vais donc suspendre les travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 46)

 

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. Nous accueillons donc, maintenant, M. Jean-Paul Agnard. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous aurez un droit de parole d'environ 10 minutes, et puis par la suite nous amorcerons une période d'échange qui devrait durer 15 minutes en tout. Ne vous étonnez pas si ce ne sont pas tous les parlementaires ou les membres du comité citoyen qui vous adressent des questions. Compte tenu que le temps imparti est tellement court, il y a des échanges d'enveloppes de temps au niveau de cette commission. Alors, je vous cède la parole.

M. Jean-Paul Agnard

M. Agnard (Jean-Paul): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames, messieurs. Je tiens tout d'abord à remercier la commission pour avoir accepté de m'entendre sur la loi spéciale qui devrait être amendée ou tout au moins ce qui est proposé. J'ai intitulé les feuilles que je viens de vous distribuer «un mémoire», même s'il n'y a que deux feuilles. Ça paraît peut-être un peu prétentieux, mais c'est ce que je pense profondément. Et je vais donc le lire devant vous et, s'il y a des questions, eh bien, j'essaierai d'y répondre.

Quelqu'un a déjà dit avant moi: «La politique est tellement importante qu'il ne faut pas la laisser aux politiciens.» Sans aller jusque-là, je dirais plutôt: La politique est tellement importante qu'il ne faut pas toujours la laisser aux politiciens, surtout quand elle touche aux fondements même de notre démocratie: la Loi électorale.

C'est d'ailleurs ce qui se passe à peu près tous les quatre ans ? j'ai mis quatre ans, c'est normalement cinq, mais on sait très bien que normalement la moyenne, c'est à peu près quatre ans ? lorsque l'Assemblée nationale est dissoute et que la décision de la suite des événements revient au peuple, seule garantie d'une démocratie véritable et en santé.

Beaucoup de pays au monde ont des constitutions dites démocratiques, alors qu'elles n'en ont que la façade. Et il ne faut pas gratter bien loin pour s'apercevoir que, sous ce vernis démocratique, se cachent en fait des lois apparemment anodines qui font que la démocratie est bafouée. Le résultat qui en découle empêche alors toute alternance indispensable dans toute vraie démocratie, et on voit s'installer, dans ces pays, des monarchies sans roi, ce qu'on appelle vulgairement des républiques de bananes, quand ce ne sont pas des dictatures. La liste en serait trop longue. Et tout changement à la Loi électorale doit bien faire attention que le résultat des changements apportés ne nous emmène pas dans une dérive néfaste de ce genre.

Pour empêcher que cela ne se produise, il faut deux choses essentielles: le consensus des partis représentés à l'Assemblée nationale et l'assentiment du peuple. Le consensus des partis représentés à l'Assemblée nationale est primordial. Toute loi passée à la vapeur et/ou enfoncée dans la gorge des partis d'opposition laisse un goût amer et n'est pas garante de la bonne marche de la suite des événements à venir dans le pays. Les gouvernements au pouvoir ne devraient jamais oublier que toutes les lois adoptées sans consensus sont autant de bombes à retardement qui risquent de leur sauter au visage à plus ou moins longue échéance. L'assentiment du peuple devrait toujours intervenir, même après le consensus des partis représentés à l'Assemblée nationale. Le peuple est souverain et doit toujours avoir le dernier mot. Ce qui est vrai quand un pays change sa constitution l'est également quand on veut changer radicalement le mode de scrutin, puisque c'est la porte d'entrée de toute nouvelle réforme. La Loi électorale est l'oxygène de la vie démocratique. En diminuer le débit et/ou en polluer ses fondements peut faire craindre à la bonne continuation de sa santé.

Il existe à notre disposition deux moyens fort simples pour assurer l'assentiment du peuple: le référendum et le plébiscite. Nous sommes bien placés, au Québec, pour savoir qu'un référendum coûte cher en argent, en temps et en énergie. Si le référendum peut se justifier pour des cas de changement de constitution ou de régime, il peut facilement être remplacé par un autre mode de consultation populaire dans le cas de questions n'ayant pas la même ampleur: le plébiscite.

Bien que souvent appelé référendum, lors de consultations électorales, chez nos voisins du Sud, le plébiscite a l'avantage de ne coûter que très peu ou pas du tout cher en argent, en temps et en énergie. Une simple question imprimée au bas du bulletin de vote utilisé lors d'élections générales suffit, à très peu de frais, pour connaître l'avis de l'ensemble de la population sur une question précise. Cette méthode de consultation très peu ou pas utilisée au Québec a, comme on vient de le voir, de gros avantages. Par contre, elle ne devrait être utilisée qu'avec parcimonie, dans des cas d'exception et pour des questions dont les réponses peuvent être lourdes de conséquences pour la vie démocratique d'un pays. Je verrais très mal un plébiscite, lors de la prochaine consultation, porter, par exemple, sur le changement de couleur de la margarine.

En résumé, je pense qu'un changement de mode de scrutin au Québec devrait s'accompagner, pour être crédible, de deux conditions indispensables: le consensus des partis représentés à l'Assemblée nationale; l'assentiment du peuple par plébiscite lors des prochaines élections générales.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Agnard, pour cette présentation succincte mais qui va droit au but. Alors, je vais ouvrir une période d'échange avec vous. M. le ministre m'a demandé de prendre la parole. M. le ministre.

M. Pelletier: Bonsoir, M. Agnard. Merci d'être ici. J'aimerais savoir... Vous vous prononcez sur le processus d'adoption et vous le faites très bien. C'est éloquent. Est-ce que vous pouvez nous faire une évaluation cependant du projet de réforme de mode de scrutin qui est dans l'avant-projet de loi? Avez-vous examiné cela? Et, si oui, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Agnard (Jean-Paul): Je n'ai aucune objection à une proportionnelle. On sait très bien qu'il y a différentes sortes de proportionnelles qui peuvent nous être présentées, mais je n'ai pas voulu rentrer dans les détails, comme je vous l'ai dit en introduction. De toute façon, quel que soit le mode que les partis à l'Assemblée nationale vont adopter en consensus, ce sera de toute façon au peuple de se décider. Et c'est pour ça qu'a priori, une fois qu'on est à peu près d'accord sur le fait qu'il faut une représentation proportionnelle, eh bien, on aura le verdict final lorsqu'on saura le résultat du plébiscite.

n(20 h 10)n

Je ne veux pas m'embarquer dans des histoires d'équation, parce que j'ai lu effectivement ce qui était proposé. Il y a toujours le problème que, lorsque quelqu'un change une loi sans consensus, c'est pour son avantage. C'est pour ça que le consensus doit être... doit exister, sinon on s'en va dans des problèmes que j'ai essayé de soulever, c'est-à-dire qu'une loi acceptée sans consensus, surtout de cette importance-là, risque de revenir en boomerang assez rapidement dans la face de celui qui l'a fait adopter à la vapeur. Alors, en mettant le consensus des partis et l'approbation du peuple, j'ai tendance à dire qu'on a toujours les gouvernements qu'on mérite, et bien on aura les lois qu'on aura acceptées.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le ministre. M. Morisset.

M. Morisset (Michel): Alors, M. Agnard, je vous félicite pour la justesse de vos propos, la qualité de vos propos. Ceci étant dit, je voudrais savoir, vous préconisez un plébiscite. Mais, comme la démocratie, disons-le, a un prix, ne croyez-vous pas qu'il y aurait, à tout le moins, une campagne d'éducation et d'information populaire à faire avant d'inscrire une telle question sur un bulletin de vote?

M. Agnard (Jean-Paul): C'est évident que c'est inclus dans la solution proposée. C'est évident qu'il faut aller en plébiscite après avoir fait l'éducation et après avoir fait un genre de campagne plébiscitaire. Sans aller à un camp du Non, à un camp du Oui, comme pour les référendums, il faut, bien entendu, présenter, ce qui n'est pas actuellement fait, dans aucun média. On n'entend pas parler de cette commission-là à la radio, à la télévision, dans les journaux, ou très peu. Je ne les lis pas tous. Je ne suis pas collé à ma télévision 24 heures sur 24. Mais, en tant que citoyen, je ne peux pas dire que j'en ai entendu beaucoup parler. C'est évident que, si on allait dans ce sens-là, il faudrait qu'il y ait un remue-méninges dans la population et qu'on leur présente justement le projet. Ça, je suis entièrement d'accord.

Le Président (M. Ouimet): Merci, monsieur... Avez-vous autre chose à ajouter, M. Morisset? Oui.

M. Morisset (Michel): Juste pour terminer. Qu'est-ce qui vous agace dans l'idée du référendum?

M. Agnard (Jean-Paul): Parce que c'est tellement simple de faire un plébiscite lors d'une élection que pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Je veux dire, c'est... Les pays qui ont adopté le plébiscite... Et c'est pour ça que je ne voudrais pas qu'on en arrive comme dans certains pays où on va demander n'importe quelle question et qu'il va y avoir une dizaine de questions en bas du bulletin de vote, lors des élections. Mais, pour un cas comme ça qui est de cette importance-là, même si c'est la première fois qu'on en fait un au Québec, je pense que ça vaut le coup d'essayer. Et ça ne donne pas de frais supplémentaires ou très peu, puisque la consultation est faite en même temps d'une consultation qui doit de toute façon arriver.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Je vais maintenant passer à M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): M. Agnard, vous affirmez qu'une mesure qui serait mise de l'avant en dehors d'un consensus, une mesure, disons, de cet ordre-là, là, semblerait être une mesure partisane de la part du parti, disons, de la partie qui en donnerait l'impulsion. Mais, advenant, de manière théorique, le blocage du consensus pour de mêmes types de causes ou d'intérêts, si, par exemple, ce que vous craignez était totalement le cas et que le parti en question déciderait d'aller de l'avant avec une consultation populaire, il en paierait sans doute le prix si le manque de consensus était le reflet d'un rejet de la mesure au niveau populaire. Mais, selon ce que je lis, selon ce que je déduis de vos propos, c'est qu'en aucun temps un gouvernement ou un parti ne serait légitime d'aller de l'avant tant qu'il n'y aurait pas consensus, même s'il y aurait un large appui au niveau de la population, tant avant la consultation qu'un résultat probant lors de la consultation. C'est a plus b. C'est ce que je semble devoir déduire de votre propos.

M. Agnard (Jean-Paul): ...bien compris votre question. Sauf que, là, je me suis mis dans des conditions idéales. C'est sûr que, s'il y a blocage, comme vous dites, et que le consensus ne peut pas être adopté, s'il y a l'assentiment, à la fin, de la population, par un plébiscite, ce n'est pas tellement grave. Ce qu'il ne faut pas, c'est qu'il n'y ait pas de consensus ni de consultation de la population, parce qu'alors là on peut se faire passer n'importe quel sapin.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Boivin. M. le député de Masson.

M. Thériault: Écoutez, M. le Président, j'avais laissé la parole au citoyen Boivin. Vous connaissez mon intérêt pour la question, que j'ai posée de manière systématique depuis le début de ces audiences. Alors, je ne peux que, si vous voulez, me réjouir de la logique et de la rigueur de l'argumentation de M. Agnard et le féliciter.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Alors, c'était plutôt de l'ordre d'un commentaire. Je vais aller du côté de Mme Proulx.

Mme Proulx (Mélanie): Bonjour. J'ai stoppé un peu... Vous dites: Le plébiscite serait beaucoup plus simple. C'est le mot «simple» que j'ai accroché. Je comprends que c'est très simple pour les initiés, mais là où on... Au niveau des électeurs, pour qui c'est déjà compliqué de voter pour un simple député de sa circonscription ? je pense aux gens qui votent sans trop connaître ? est-ce qu'on ne vient pas en plus alourdir la procédure? Est-ce qu'on ne va pas compliquer les choses pour eux? Ou ils vont séparer leur concentration... pas leur... J'ai de la misère à mettre des mots. Mais est-ce que vous comprenez ce que je veux dire?

M. Agnard (Jean-Paul): Oui, bien sûr. J'ai très bien compris aussi la question.

Mme Proulx (Mélanie): Oui. Je m'excuse.

M. Agnard (Jean-Paul): Je pense que la réponse est dans la question de monsieur. C'est-à-dire que, si, avant le plébiscite, il y a une explication, il y a des... on explique très bien aux gens... Il ne faut quand même pas prendre les électeurs, tous, pour des imbéciles.

Mme Proulx (Mélanie): Ce n'est pas ce que je veux faire non plus. Je comprends.

M. Agnard (Jean-Paul): Non. Je n'essaie pas... Les gens ont quand même un certain degré d'apprentissage, qu'ils peuvent quand même comprendre quand on leur pose une question simple, même si en même temps ils doivent voter pour un parti. À partir du moment où c'est très bien expliqué dans les journaux, à la télévision, à la radio, par les parlementaires, je pense que les gens sont quand même capables de mettre et une croix sur un nom et une croix sur une question simple.

Mme Proulx (Mélanie): Je suis d'accord dans le cas où c'est juste de mettre... mais c'est beaucoup plus lourd de sens que juste mettre une croix. Je reprends ce que vous dites...

M. Agnard (Jean-Paul): ...parce qu'on ne leur propose pas plusieurs solutions. La solution est là. Elle a été adoptée par consensus, et on leur propose.

Mme Proulx (Mélanie): Je suis d'accord. Mais vous dites: «À la télé...» Et la campagne... On s'entend... Je prends l'exemple des dernières élections fédérales. On en a entendu parler à la télévision, à la radio, aux journaux. Et, même le jour du vote, il y avait encore beaucoup de monde qui ne savait pas qui se présentait, ne connaissait pas le nom...

M. Agnard (Jean-Paul): Ah ça! Il y aura toujours des gens qui ne comprendront pas.

Mme Proulx (Mélanie): Et c'était, je ne dirais pas une majorité, mais c'était beaucoup de monde. Alors, même si on fait une campagne, vous croyez quand même que les gens vont avoir tout ce qu'il faut pour aller voter en connaissance de cause sur une question qui a autant de... aussi lourde de sens, là, puis porte autant de conséquences.

M. Agnard (Jean-Paul): Pensez-vous que les gens qui ont voté pour le Parti conservateur ont compris que, si la TPS montait, la TVQ allait remonter? Je pense qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont compris ça. Parce que, s'il y avait beaucoup de gens qui avaient compris que, si la TPS baissait, la TVQ remontait, et bien l'argument du Parti conservateur qui disait: L'argent, vous allez l'avoir dans vos poches, effectivement ils ne l'auront pas. Alors, vous savez, c'est une question d'information. Et ça, les journalistes sont aussi pas mal impliqués dans l'histoire.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, Mme Proulx. J'ai maintenant Mme Loucheur. Il reste un peu moins de deux minutes.

Mme Loucheur (Yohanna): Oui. Non, c'est, je pense, une question assez simple. Il y a des gens qui ont suggéré qu'un plébiscite devrait avoir deux questions: d'une part, demander aux gens, si, oui ou non, ils pensent qu'il faut réformer, qu'il faut changer le mode de scrutin; et, à ce moment-là, une question subsidiaire: Si oui, voici le modèle qui est proposé, êtes-vous d'accord ou pas? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Agnard (Jean-Paul): Oui, oui, je n'y ai pas pensé, mais effectivement les gens veulent peut-être en majorité garder le scrutin qu'on a. Non, non, ça, je suis tout à fait d'accord. Oui, oui. Ça ne me dérange pas du tout. Mais, si madame dit que déjà une question, c'est trop, deux, ce serait peut-être encore deux fois trop.

Mme Loucheur (Yohanna): Il faudra débattre après.

M. Agnard (Jean-Paul): La publicité à la télévision: Un, c'est bien, mais deux, c'est mieux, hein?

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ça semble faire le tour des interventions. Je salue également la présence de notre collègue le député de Charlevoix, je pense, qui est le député du lieu que vous habitez, n'est-ce pas? Alors, il tenait à entendre votre propos. Et je le salue.

Bien. Alors, ça met un terme à notre échange avec vous, M. Agnard. Je vous remercie...

M. Agnard (Jean-Paul): Merci de votre attention.

n(20 h 20)n

Le Président (M. Ouimet): ...d'avoir participé à nos travaux. Je signale, pour nos collègues autour de la table, qu'à 20 h 15 nous aurions dû entendre M. Guy Bergeron, mais qu'il sera entendu demain.

Donc, j'invite, à ce moment-ci, Mme Anne-Marie Labrèque à bien vouloir s'avancer.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale, au nom de tous les membres de la commission. Vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre point de vue, et après coup on aura une période d'échange avec vous.

Mme Anne-Marie Labrèque

Mme Labrèque (Anne-Marie): D'abord, mon commentaire général est le suivant, ça introduit ma proposition: l'action d'aller voter est une façon pour les citoyens de se faire entendre, les publicités électorales des dernières semaines nous le rappellent d'ailleurs. Par l'action d'aller voter, nous avons la chance de... pardon, excusez ? je recommence: Nous avons la chance de vivre dans un pays démocratique qui nous octroie ce droit fondamental, le vote. Toutefois, certains électeurs, estimant qu'aucun des candidats qui se présentent ne mérite leur vote, préfèrent annuler leur choix.

Ces citoyens, contrairement à ceux qui ne prennent pas la peine d'aller voter, posent un geste politique en annulant leur vote sur le bulletin. Ces gens ont pris la peine de se déplacer, d'aller au bureau de scrutin, de se rendre à l'isoloir et d'annuler leur vote. Leur geste est aussi valable que ceux qui voteront pour l'un ou l'autre des candidats qui se présentent. Les citoyens qui annulent leur vote devraient pouvoir se faire entendre et être considérés au même titre que ceux dont le choix s'arrête sur un candidat.

Ma proposition est donc la suivante: lors de la compilation des résultats du vote, on devrait aussi considérer, en plus des résultats pour chacun des candidats et du taux de participation de la population, on devrait donc considérer le taux correspondant aux bulletins de vote annulés volontairement par les citoyens. Dans un pays démocratique où des citoyens prennent la peine de se déplacer pour annuler leur vote, il me semble qu'il est dans l'ordre des choses que les résultats liés à ces bulletins soient officiellement compilés, considérés et annoncés.

Ma proposition s'appuie sur des considérations démocratiques, donc de représentation démocratique des citoyens qui prennent la peine de se faire entendre par le geste d'annulation de leur vote, et aussi sur des considérations générales et statistiques, comme quoi le taux de participation aux élections est en chute. D'ailleurs, aux élections de 2003, il y avait un taux de participation de 70,42 %. C'était le plus bas depuis 1927. J'ai pris les statistiques sur le site du Directeur général des élections du Québec.

Et aussi bon, pour appuyer mes dires, j'ai consulté un document, toujours disponible sur le site Internet du Directeur général des élections, c'est un document par Dominic Duval. En fait, c'est une recension des écrits sur la participation électorale. Et, dans ce document, M. Duval, en fait, là, fait le tour de la question, entre autres sur la participation électorale. Entre autres, il cite Pammett et LeDuc, qui notent que le sentiment d'inutilité est très fort chez les gens qui s'abstiennent d'aller voter, et c'est une des principales raisons justement pour laquelle les gens ne vont pas voter, ceux qui s'abstiennent.

Selon ces mêmes recherches, le sentiment d'inutilité s'accompagne souvent d'une opinion négative, c'est-à-dire l'impression que le vote ne changera rien au résultat final, que l'issue est scellée d'avance. Et, au Québec, il y a une enquête de la maison SOM qui révèle que le sentiment d'inutilité est la raison la plus fréquemment évoquée pour expliquer la faible importance du vote. Et ce sentiment-là est encore plus fort dans la catégorie des 25-34 ans, donc les gens qui devraient être spécialement touchés et soucieux du choix qu'ils vont faire pour les gens qui vont diriger la province dans le futur.

Donc, pour ces différentes raisons, ma proposition de considérer, de compiler et d'annoncer les bulletins annulés, voilà, elle s'appuie sur ces raisons-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci pour ce propos fort novateur. J'ai M. le député de Richelieu dans un premier temps; par la suite, Mme Loucheur, pour l'instant. Alors, M. le député de Richelieu.

M. Simard: M. le Président, vous avez raison. C'est un propos novateur, en ce sens que c'est dans les débats entourant toute la procédure du mode de scrutin au Québec. On aborde rarement cette question-là. Bon. Il faut quand même distinguer deux types d'abstention, hein, ce qu'on pourrait appeler l'abstention affirmée... par là puis l'abstention réelle. Il y a des gens qui votent avec leurs pieds, hein? Ils n'y vont pas, voter. En n'allant pas voter... Bon, eux, on ne peut pas les compter. Enfin, on les compte nécessairement, puisqu'on dit que le taux de participation a été, lundi, de 65 %, donc il y a 35 % de gens qui n'ont pas voté.

Mais le fait de ne pas voter, dans ce cas-là, n'est pas l'expression d'une volonté politique. Ce n'est pas un rejet de ceux qui sont là. Ce n'est pas l'expression d'un antagonisme à l'égard des partis ou des systèmes. C'est simplement le fait de ne pas aller voter. Ça va des gens qui n'ont jamais voté de leur vie à un désintérêt absolu, à toutes sortes de motivations. Mais le fait est qu'eux on ne peut pas les qualifier.

Ce que je trouve intéressant dans vos propos, c'est que vous voudriez les... c'est-à-dire que vous voudriez faire en sorte que les gens puissent aller au bureau de scrutin pour exprimer un sentiment qui est très difficile à définir ici, là. Par exemple, dans le cas d'un référendum, c'est les gens qui ne seraient ni d'accord avec une position ni avec l'autre. Ça pourrait être ça. Donc, ils vont nommément signifier leur abstention.

Ça existe dans plusieurs pays, hein? Ce dont on parle là, ce n'est pas aberrant. D'ailleurs, plus rares, les démocraties où on ne peut pas s'abstenir formellement. Bien, je voudrais voir les statistiques. Mais il me semble qu'en Europe, la plupart des pays, on peut s'abstenir. C'est-à-dire, on va voter le dimanche ou le lundi, et on vote pour un candidat, un autre ou on s'abstient et on marque son abstention.

Ici, l'abstention, il y en a dans le bureau de vote, mais elle n'est pas tenue en compte parce qu'on prétend qu'il s'agit souvent d'erreur quant à la façon de remplir son bulletin de vote, que ce n'est pas un signe clair qui manifeste une intention de s'abstenir. Le fait, par exemple, de voter pour tous les candidats ? alors, ça arrive très souvent, ceux qui ont fait de la politique le savent ? ou voter pour plus d'un candidat, est-ce que c'est ça, s'abstenir?

Alors, il faudrait d'abord définir un petit peu ce que l'on qualifie d'abstention et, à ce moment-là, peut-être effectivement envisager de les compter pour qu'on montre bien qu'il y a eu effectivement 65 % du vote lundi, mais là-dessus il y en a peut-être 8 % qui se sont en réalité abstenus. Actuellement, on dit que leurs bulletins ont été rejetés, hein? C'est tout ce qu'on dit. Et ce n'est pas, là, une manifestation d'une opinion politique.

Mme Labrèque (Anne-Marie): Oui. Effectivement, je me suis peut-être un peu mal exprimée parce que j'ai parlé d'annulation de vote et ensuite j'ai parlé d'abstention. Et justement ce que je voulais faire ressortir, c'est que certaines personnes annulent délibérément leur vote. Alors, en faisant cela, ils posent un geste politique qui d'après moi est digne de se faire entendre autant qu'un choix pour l'un ou l'autre des candidats.

Et ce que je voulais dire, je voulais appuyer mes propos en disant que les gens... il y a un fort taux d'absentéisme du vote et que, si des gens... Si le fait d'annuler son vote était reconnu, qu'il y aurait probablement plus de gens qui seraient portés à aller à l'isoloir et poser ce geste-là. Donc, moi, je crois qu'il pourrait y avoir justement une conséquence de diminution d'absentéisme général, donc une augmentation de participation au scrutin si le fait d'annuler son vote était reconnu. À ce moment-là, les gens auraient l'impression qu'ils sont entendus et que leur choix, entre guillemets, parce qu'ils annulent ? soit qu'ils font des croix partout ou qu'ils ne cochent pas du tout, en tout cas ? est effectivement un choix et un geste politique qu'ils expriment, et que ça devrait être compilé, et que ça ne devrait pas entrer dans les statistiques de bulletins rejetés et/ou d'absentéisme. C'est quelque chose de complètement différent.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. le député de Richelieu, on avait convenu de se faire de nombreuses passes.

M. Simard: Bien.

Le Président (M. Ouimet): Vous avez fait une belle montée, en termes de hockey, à l'emporte-pièce, mais je vais faire quelques passes, ici, à Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Oui. Bonsoir. Bien, je trouve ça intéressant, comme idée, d'autant plus que, par exemple, dans les organisations internationales, les abstentions sont comptabilisées aussi bien avec les pour et les contre. Par contre, j'avais des questions, peut-être un peu similaires à M. Simard, par rapport à distinguer un bulletin annulé d'un bulletin, par exemple, de quelqu'un qui a fait une erreur ou... Et je me demande: Est-ce que vous suggéreriez, par exemple, carrément d'inclure une case à cocher si on désire annuler son vote, d'avoir un signal clair pour que les gens qui désirent annuler ne soient pas justement comptabilisés avec les erreurs ou avec les «Bien, on n'est pas sûrs de ce qu'ils ont voulu dire»?

Et je sais que l'annulation du vote est souvent utilisée pour justifier ou en tout cas comme porte de sortie, dans les endroits où le vote est obligatoire, en disant: Les gens doivent aller voter; s'ils ne veulent voter pour personne, ils peuvent annuler leur vote. Est-ce que vous allez jusque-là ou est-ce qu'à terme c'est là qu'on devrait aller?

Mme Labrèque (Anne-Marie): Non. Justement, j'ai participé aux élections fédérales. Bon, ça ne touche pas ici, mais... Et je me posais justement cette question, parce que j'ai vécu quelque temps dans un pays où le droit de vote était obligatoire et je me posais la question: Est-ce que c'est démocratique, à partir du moment où le droit de vote est obligatoire? Mais, bon, ça, c'est une question qui pourrait être débattue. Mais personnellement, non, je n'irais pas sur ce terrain-là.

n(20 h 30)n

Mais effectivement, pour ce qui est d'avoir une case de choix qu'on préfère annuler le vote ou encore ce que je pensais, c'est... avant d'aller à l'isoloir, on nous dit qu'on doit faire un x, que ça ne doit pas dépasser le cercle, quelque chose comme ça, puis il pourrait y avoir une petite mention: Si vous désirez annuler votre vote, faites le même symbole dans chacune des cases, ou quelque chose comme ça.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, Mme Loucheur. M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Moi, justement, je pense qu'il est important de distinguer entre ce qui est l'abstentionnisme, ne pas se présenter à l'urne, et, lorsqu'on se présente à l'urne, il y a des bulletins qui sont rejetés soit de manière technique rejetés, soit que la personne a fait un geste politique d'aller le faire. Mais là, si je comprends bien, c'est dans la mouvance «Annule, ton vote, anar!» C'est très, très... C'est quand même une philosophie qui est bien connue.

Mme Labrèque (Anne-Marie): En fait, moi-même, je ne la connais pas, cette philosophie-là, mais...

M. Boivin (Guillaume): Alors, c'est porté par de nombreux groupes. C'est une signification antirégime que je n'ai pas envie de commenter autrement mais qui est une mouvance qui est déjà existante et qui est une revendication qui est bien...

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, M. Boivin. M. Morisset, maintenant.

M. Morisset (Michel): Alors, merci, Mme Labrèque, de votre présence, et vous avez apporté de quoi de superintéressant, je vous félicite, notamment quand vous dites que des gens, si je vous suis, là, qui apportent une obligation de voter, ça pourrait être encore pire parce que là les gens, ou les jeunes entre autres, pourraient dire: Ah! bien on est obligés de voter, là, on va voter pour n'importe quoi; on va tout barrer partout, ça ne nous tente pas.

Mais, vous, Mme Labrèque, comment vous vous positionnez là-dedans? Dans le sens de qu'est-ce qu'il faudrait faire pour intéresser, par exemple, plus attirer, rendre plus attrayant les jeunes à la politique et au vote, sur leur vie future finalement?

Mme Labrèque (Anne-Marie): Bien, déjà, le fait d'être entendus, s'ils ne sont pas d'accord avec aucune des options qui leur sont proposées, déjà, le fait d'être reconnus et de compiler, de considérer, de diffuser les résultats de gens qui effectivement diraient: Bien, nous, on n'est pas d'accord avec aucun des candidats ou aucune des options qui nous est proposée, déjà ça, il me semble que ça motiverait les jeunes déjà à remplir leur rôle de citoyens et de voter.

Moi, j'essaie souvent de convaincre les jeunes d'aller voter, au pire de choisir le moins pire, mais le faire, parce que, sinon on laisse les gens le faire à notre place. Et le fait d'annuler son vote, d'après moi, c'est... on veut se faire entendre justement en disant qu'il y a des choses avec lesquelles on n'est pas d'accord et peut-être qu'il faudrait justement être écoutés. Et on sait que justement l'absentéisme d'aller voter, c'est spécialement fort chez les jeunes, et peut-être que de voir qu'ils sont considérés en annulant leur vote, bien, à un moment donné, tranquillement pas vite, ils vont se sentir écoutés puis ils vont être plus intéressés à aller voir qu'est-ce qu'on leur propose. Et peut-être qu'éventuellement ils vont arrêter d'annuler leur vote, puis ils vont choisir qu'est-ce qui leur semble intéressant, puis ils vont pousser leur intérêt dans ce domaine-là.

M. Morisset (Michel): Vous venez justement, Mme Labrèque, de répondre à mon complément de question, et c'est une très bonne idée. Je vous félicite. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Morisset. Il reste quelques minutes, je ne sais pas si M. le député de Richelieu... Il reste environ deux, trois minutes.

M. Simard: Mme Loucheur a posé ma question, alors pas de problème.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Voilà. M. le député de Masson.

M. Thériault: Un petit commentaire, M. le Président. Sans vouloir être impertinent, il reste que, depuis 8 heures, c'est la parole aux citoyens, etc., et je regarde l'audience, et, quand on dit que les gens ne s'intéressent pas à la politique, il me semble qu'on a une audience très jeune et qu'on va entendre des gens très jeunes, et ça me fait plaisir de voir ça, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, c'est partagé par les membres de la commission.

Alors, Mme Labrèque, merci infiniment de nous avoir sensibilisés à votre point de vue, et sachez que les membres de la commission en tiendront compte lors de la rédaction de notre rapport éventuel. Alors, merci à vous.

Mme Labrèque (Anne-Marie): ...

Le Président (M. Ouimet): Et j'invite cette fois-ci M. Blanchette-Émond à bien vouloir s'approcher et à prendre place.

Bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Alors, vous disposez de 10 minutes pour nous exposer votre point de vue.

M. Brann Blanchette-Émond

M. Blanchette-Émond (Brann): Merci beaucoup, M. le Président. Je vais tout d'abord vous remercier de me donner le droit de parole pour m'exprimer sur la réforme du mode de scrutin. Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer étant donné qu'on a su... la semaine passée? c'est ça, qu'on allait passer. Parce que j'ai fait ça avec plusieurs étudiants à l'Université Laval, là. Moi, je viens de finir mon bac en sciences politiques. Donc, on s'est préparés petit à petit, et j'ai su la semaine passée que j'allais passer. On a reçu un dépliant, à peu près début janvier, pour nous dire qu'on pouvait s'inscrire le 20 décembre, donc c'est un petit peu en retard. Moi, j'avais su à l'avance. Au moins, étant donné que, nous autres, on était déjà politisés, il y avait une plus grande facilité.

Donc, je vais essayer de bien structurer mes idées puis ne pas trop lancer les idées un peu partout. Tout d'abord, je suis très favorable à une proportionnelle pour modifier la structure, pour modifier le mode électoral au Québec. Je pense que ça permet enfin que la population aille... puisse... comment je pourrais dire, puisse... qu'il y ait une meilleure représentativité ? excusez-moi ? des courants idéologiques et politiques de la société au sein de l'Assemblée nationale. Dans ce temps-là, un vote a vraiment une importance, puis je pense que ça peut aider. Mais, avec la réforme qui est présentée, je pense qu'il y a certaines affaires à changer, il y a certains amendements en commission qui vont devoir être amenés.

Donc, c'est ça, je n'ai pas nécessairement beaucoup de choses à proposer, mais je vais juste vous présenter un peu ce que, moi, je vois, ce qui pourrait être revu.

Donc, d'abord, la réforme, elle essaie de répondre à certaines questions. Si vous voulez justement que la population ait plus de poids au sein des structures politiques, mais cesser aussi de répondre à des questions comme le cynisme... Moi, j'ai fait partie du Parlement jeunesse, depuis trois ans, puis les jeunes, ça parlait beaucoup du cynisme de la population envers les politiciens, puis je pense qu'on essaie un peu de répondre à ça pas toujours de la bonne manière.

Si on prend la proportionnelle, ce qu'elle amène, c'est, comme je l'ai dit plus tôt, c'est... pas la proportionnalité mais la représentativité. Mais, moi, je pense que c'est quelque chose qui a été construit un peu par les médias. Parce que, quand on voit, exemple, dans les sondages, là, qu'un parti A a eu 50 % du suffrage... bien, pas du suffrage mais de l'appui de la population, c'est un peu... excusez-moi, là, ça déforme ce que le parlementarisme de Westminster est. Parce que c'est 125 circonscriptions, donc c'est 125 sondages qu'il faudrait qui soient menés. Tandis que, là, c'est les médias qui décident que toute la population porte un regard, tandis que d'habitude c'est 125 petits... petits comtés. Donc, je pense que par la proportionnelle qu'on veut imposer, c'est un peu comme si on se faisait un peu mener par les médias ou par le courant global, là, de cynisme envers la politique.

Donc, c'est ça, les chiffres de la grandeur de la province, ce n'est pas représentatif de ce qu'on peut vraiment voir au sein, toujours... Parce que le Québec est fait de différentes régions. C'est sûr, c'est un bloc monolithique, le Québec, là, c'est très, très... sauf... prenons Montréal, qui est environ 30 % de la population du Québec, mais le reste, c'est très, très monolithique. Donc, les régions, c'est vraiment elles qui peuvent avoir un pouvoir, je pense, pour différencier les courants politiques.

L'autre réponse aussi, je pense, côté partis, que la réforme essaie d'amener, c'est de faire entrer des tiers partis au sein de l'Assemblée nationale. Mais le problème avec la réforme qu'on veut amener, c'est que ça ne répond pas à ce problème-là parce que les tiers partis auront énormément de difficultés à rentrer dans l'Assemblée nationale. Parce que la proportionnelle n'est pas à l'échelle du Québec, elle est à l'échelle de 26 petites régions qui vont faire élire, je crois, environ deux élus par petite région. Donc, c'est comme si on créait des plus grandes circonscriptions à l'intérieur des trois, quatre. Parce que ce qu'on va faire, c'est qu'on va prendre trois, quatre circonscriptions, puis on va les mettre ensemble pour faire une proportionnelle au sein... Mais dans le fond c'est comme si on créait des plus grandes circonscriptions avec les plus petites, là, c'est comme si on créait 26 circonscriptions dans le fond plus grandes que les 77, je pense, autres circonscriptions. Donc, c'est ça.

n(20 h 40)n

Du fait même, on essaie de faire entrer des tiers partis, puis, je pense, avec... Une proportionnelle, d'habitude, c'est pour faire entrer plusieurs partis pour vraiment montrer les différents courants, comme j'ai dit tout à l'heure, dans la société, dans la population, dans le peuple ? le mot que vous voulez.

Mais le parlementarisme britannique ne permet pas vraiment qu'il y ait 10 partis différents, je crois, parce que ça créerait une instabilité gouvernementale incroyable. Parce que, premièrement, les gouvernements de coalition ont été rares. Au Québec, je pense qu'il n'y en a eu aucun. Au Canada, il y en a eu certains entre, je suppose, entre les libéraux et le NPD surtout, et avec d'autres partis au XIXe siècle. Mais la structure même ne peut pas accommoder 10 partis différents, exemple... ou, même, je crois qu'il n'y a jamais eu plus que cinq partis, donc ne peut même pas accommoder six ou sept partis pour créer des gouvernements de coalition.

Donc, moi, je pense que le Québec serait obligé, à ce moment-là, de même changer sa structure politique, donc sa structure de pouvoir même. Puis je ne vois pas ça dans la réforme qui est amenée, puis je ne vois même pas ça dans le... Je pense qu'en commençant par le mode de scrutin on commence du mauvais endroit parce qu'on pourrait peut-être améliorer les structures de pouvoir au Québec même, parce que c'est peut-être ça qui fait que la population est cynique envers les politiciens, c'est peut-être le lien ou le message qui passe mal. Donc, c'est ça.

Donc, c'est ça, moi, j'ai l'impression que la structure... la réforme pour le mode de scrutin, elle ne comprend pas que, le message, il faut qu'il passe entre les élus puis la population et donc que ça passe... Moi, je ne pense pas que la population va plus se sentir proche des élus en choisissant la proportionnelle. C'est certain, je vous l'ai dit, un vote à la proportionnelle, ça aide aux citoyens à être plus proches de ses élus... bien, pas plus proches, mais à sentir que son vote, il compte. Mais le mode de scrutin, comme je vous l'ai dit plus tôt, c'est trop petit pour permettre aux citoyens d'avoir vraiment un poids. Étant donné que les structures sont tellement petites, les districts sont tellement petits, comme je vous l'ai dit, 26 districts, c'est beaucoup trop petit, il faudrait que...

Moi, je pense... en tout cas je vous propose ça, que ce soit au moins régional, là. Je pense qu'il y a 15 ou 16 régions, au Québec. Au moins que ça marche par régions avec un nombre proportionnel d'élus par rapport à la population de la région, là, mais qu'au moins les régions aient un poids, parce qu'ici on n'a pas de Sénat ? parfait ? il n'y a pas de Sénat, au Québec, et puis le Sénat, c'est ça qui aurait permis, je crois, à la population de... aux régions de se faire entendre. Mais, là, avec... je pense que ce serait la proportionnelle qui pourrait permettre aux régions de se faire entendre.

Donc, mes petites propositions, c'est ça, comme je vous ai dit, la grosseur des districts dans la proportionnelle, moi, je crois que ce serait beaucoup mieux si c'était plus gros, puis, à partir de ce moment-là, les tiers partis pourraient au moins entrer dans l'Assemblée nationale.

Je vous propose aussi le mode de financement des partis comme un peu au fédéral. L'argent, c'est le nerf de la guerre, et puis, au fédéral, au moins, chaque vote au moins te rapporte un montant. Je pense que c'est 7 $ ou un petit peu plus. Mais au moins les tiers partis seraient un peu financés puis ils pourraient au moins faire de la recherche puis grandir là-dedans.

Puis finalement, comme la première personne qui a parlé, là, M. Agnard, je crois, un référendum serait fortement proposé, parce que, comme on dit, là, ce qu'on veut, c'est rapprocher la population de la politique, bien c'est la population qui va décider si elle veut modifier sa structure électorale. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Blanchette-Émond, pour votre présentation. Vous me permettrez de faire une mise au point sur votre affirmation, tantôt, à l'effet que vous auriez reçu le dépliant après la date du 20 décembre, qui aurait été la date limite, là, pour s'inscrire. Le dépliant ne fait aucune référence ? que vous avez reçu ? à la date du 20 décembre, et je peux vous assurer que les trois formations politiques autour de la table ont été très, très, très soucieuses de s'assurer la plus large participation des citoyens. On a fait une campagne de publicité pour inviter les gens à participer dès le 1er novembre. Ça a été affiché sur notre site Internet. Et d'ailleurs les citoyens peuvent s'inscrire même aujourd'hui, même la semaine prochaine, en tout temps, pour suivre nos travaux. Donc, il y a peut-être eu confusion en quelque part, là, mais ça ne vient pas ni de la commission parlementaire et ni de son personnel du secrétariat.

M. Blanchette-Émond (Brann): Ça vient du site Internet qui était marqué le 20. Moi, j'ai réussi à m'inscrire effectivement le 21 décembre, là. Je m'étais inscrit le 20, puis finalement ça a reculé au 21 décembre.

Le Président (M. Ouimet): On peut s'inscrire, là... Pour la population qui nous écoute, on peut s'inscrire en tout temps, sans mémoire, et la commission entendra les citoyens.

M. Blanchette-Émond (Brann): Ah! c'est beau.

Le Président (M. Ouimet): Et ça, c'était la volonté des trois formations politiques autour de la table.

Bien. Alors, j'ai M. le député de Roberval qui a demandé à prendre la parole.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Alors, M. Blanchette-Émond, bienvenue à l'Assemblée nationale. D'abord, ma question va être brève. Juste pour faire une mise en situation, parce qu'on a eu l'occasion d'en parler à quelques occasions aujourd'hui, puis je suis convaincu que vous avez eu l'occasion d'en parler à plusieurs autres occasions, au cours de cette commission parlementaire ci, lorsqu'on parle du système actuel, s'il est démocratique par rapport à la volonté de la population... Et l'exemple qu'on reprend souvent, c'est l'exemple de 1998 où le Parti libéral du Québec avait reçu plus de votes au total, mais c'est le Parti québécois qui avait formé le gouvernement. Alors, est-ce que vous trouvez que la façon dont fonctionne le système actuel est un système qui est démocratique?

M. Blanchette-Émond (Brann): Il est perfectible, c'est certain. Mais, c'est ça, le parlementarisme de Westminster s'est bâti sur... Bien, comme nous autres, c'est 125 circonscriptions; ailleurs au Canada, c'est 308, là, mais ça marche vraiment par territoires. C'est vraiment pour que la personne soit proche de sa localité. Donc, je crois que... Ça, c'est une autre affaire des médias: le soir des élections, quand on voit les pourcentages en bas, je pense que c'est juste pour se donner une idée ou pour faire beau parce que ça ne représente pas ce qu'est la politique. Si on veut que le pourcentage soit vraiment à l'image de ce que la politique... ce que les acteurs politiques... dans le fond, qu'il y ait une représentativité, il faut vraiment, je crois, qu'il y ait une réforme du mode de scrutin mais aussi des structures de pouvoir. Parce que, là, les structures de pouvoir, un gouvernement s'appuie sur le nombre de députés que tu as. Donc, le pourcentage, moi, je crois qu'il est complètement artificiel, ou superficiel, ou virtuel, ou ce que vous voulez, mais, moi, je pense que c'est juste quelque chose pour se donner une idée de combien les électeurs nous ont appuyés.

À savoir si, en 1998, c'était légitime, je crois que oui parce que ça représente justement ce que je vous disais, là. Les régions, il y a certains coins qui votaient plus pour un parti puis certains autres, pour un autre. Donc, moi, je crois présentement que c'était légitime, oui, mais que c'est très perfectible, la structure présentement, là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. D'abord, vous féliciter d'avoir pris l'initiative de venir nous exprimer votre point de vue. J'étais intéressé par une chose que vous avez répétée à plusieurs reprises et qui est exacte. Notre système est fondé sur presque 125 élections partielles. Bon, c'est vrai que la publicité nationale, la présence des chefs, maintenant, dans les médias, fait qu'il y a une réalité de campagne électorale nationale, mais la réalité, là, lundi matin, au niveau fédéral, c'est dans 75 comtés. Personne n'a voté, sauf dans un ou deux comtés, là, pour le premier ministre, les gens ont voté pour un député.

C'est une des caractéristiques majeures de notre système politique, et là on essaie de corriger certains aspects du mode électoral, mais c'est très partiel dans l'ensemble de la réalité politique. Par exemple, notre premier ministre, il est premier ministre parce que son parti a décidé que c'était le premier ministre, pas plus que ça. Et la population ne l'a... Soyons honnêtes, pas plus le premier ministre d'avant, ni d'avant, ni d'avant, là, la population n'a jamais exprimé son point de vue là-dessus. Donc là c'est toute la question d'un système républicain par rapport à un système de nature britannique. Et on cite souvent ici, en cette commission, des statistiques sur les régimes à l'extérieur. Nous sommes l'un des derniers pays à avoir ce type de régime qui additionne des élections partielles pour en faire une élection générale et qui fait élire un gouvernement sans jamais que le nom du chef de ce gouvernement n'apparaisse sur le bulletin de vote, c'est-à-dire, c'est quand même un peu particulier. En tout cas, je voulais vous entendre là-dessus.

Mais, en terminant, vous dire aussi que... et c'est un petit peu une réponse, en tout cas un commentaire à la question que posait mon collègue de Roberval tout à l'heure: l'obligation pour un parti n'est pas uniquement d'aller chercher plus de votes que l'autre, c'est d'être présent sur tout le territoire. Et ça pose un certain problème. On pourrait imaginer... On n'a pas besoin d'imaginer. Par exemple, au Canada, il y a un parti politique, le Bloc, qui ne présente des candidats qu'au Québec. Alors, ça représente un certain nombre de réalités. On pourrait imaginer qu'il y a des partis qui ne présentent...

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. le...

M. Simard: ...des candidats que dans quelques comtés.

Le Président (M. Ouimet): ...l'enveloppe de temps est vraiment épuisée, là, mais on va permettre une courte réaction à notre invité.

n(20 h 50)n

M. Blanchette-Émond (Brann): Bien, c'est ça. Présentement, les tiers partis, le conseil que je peux leur donner, c'est de vraiment cibler certains comtés vraiment favorables à eux, là, vraiment...

M. Simard: Au Québec aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blanchette-Émond (Brann): Mais vraiment de cibler certaines régions. Il y avait M. Lévy Beaulieu, à un moment donné, qui voulait partir un parti pour des régions. Mais je crois qu'il faudrait vraiment changer les structures du pouvoir. Si on voulait vraiment une proportionnelle vraiment à l'image du Québec, il faudrait pratiquement que le chef d'État soit élu, soit élu de son côté. Parce que présentement le parlementarisme, ça s'appuie vraiment sur le nombre de députés que tu as. Donc, si ça marche par la proportionnelle, on enlève tout l'aspect local de l'élection et tout l'aspect du politicien qui est proche de sa population. Parce que, si tu es élu à la proportionnelle, bien tu ne vois plus... tu es élu dans un grand groupe.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je dois vous arrêter là-dessus, et puis vous remercier, au nom de tous les membres de cette commission, pour votre belle contribution à nos travaux. Merci.

J'invite maintenant M. François Larouche à s'approcher à la table des témoins.

Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous disposez de 10 minutes.

M. François Larouche

M. Larouche (François): Alors, bonsoir, mesdames et messieurs. Bonsoir, M. le Président. Je vous remercie pour ce droit de parole que vous m'offrez ce soir.

Donc, la réforme du mode de scrutin est essentielle pour accéder à une démocratie plus juste et plus redevable aux citoyens. L'intégration d'un système de représentation proportionnelle mixte permettrait de rééquilibrer les forces politiques des différents partis. Ainsi, d'une part, les députés de liste seraient distribués selon le suffrage proportionnel, et, d'autre part, les députés de circonscription seraient élus par les électeurs du territoire qu'ils représentent.

Je propose donc l'instauration d'un scrutin mixte à deux votes. Ce système électoral serait similaire à celui de certaines municipalités dans lesquelles l'électeur serait appelé à faire deux choix: premièrement, pour le député qui le représentera à l'Assemblée nationale, et, deuxièmement, pour le parti qui exercera le pouvoir. Par conséquent, le bulletin de vote présentera, d'un côté, les candidats pour leur comté et, de l'autre, les noms des candidats pour l'obtention du poste de premier ministre avec celui du parti dont ils sont le chef.

Par ailleurs, je propose également que les chefs de partis et les ministres siègent en tant que députés de liste. Ceci permettrait de diminuer les injustices engendrées lorsqu'un ministre ou un premier ministre représente une circonscription.

D'autre part, les députés de liste auraient comme fonction principale de défendre et de représenter les idées, les actions et les propositions du parti auquel ils font allégeance. Conséquemment, ils seraient tenus de respecter la ligne de parti.

Pour leur part, les députés de circonscription seraient tenus de représenter la population de leur comté, et par conséquent ils n'auraient pas l'obligation de respecter la ligne du parti auquel ils sont associés. Ainsi, ils seraient en mesure de participer au processus législatif, de contrôler l'action gouvernementale, et de représenter les membres de leur comté au-delà de toute partisanerie.

Finalement, afin de stabiliser les gouvernements au pouvoir, les élections pourraient être à date fixe. Néanmoins, cette stabilité dépend de plusieurs facteurs qui restent encore à déterminer. Combien de députés doit-il y avoir? Quel ratio de sièges de circonscription versus sièges de liste serait idéal pour donner le juste pouvoir aux régions et aux centres urbains? Un député peut-il être indépendant des partis politiques et peut-il occuper un siège de liste? Alors, en espérant recevoir des réponses à mes questions, merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous de partager cette réflexion avec les membres de notre commission parlementaire. Nous allons amorcer l'échange immédiatement avec M. le député de Masson.

M. Thériault: Alors, M. Larouche, bienvenue. Je trouve ça intéressant, ce que vous venez d'émettre, parce qu'on peut être pour un changement de mode de scrutin, etc., puis pour une proportionnalité, on peut être pour ça, sauf que, dans l'argumentaire de ceux qui veulent un changement, très souvent, j'ai entendu un peu partout à travers le Québec: Bien, ça faciliterait... ça ferait en sorte qu'il pourrait y avoir un assouplissement de la ligne de parti. Or, si on regarde strictement ce qui est sur la table, la ligne de parti, à partir du moment où tu as 50 députés de liste et que ces 50 députés de liste sont nommés par l'establishment d'un parti ? certains ont dit: C'est de la partitocratie ? quelle marge de manoeuvre l'individu qui a été nommé par l'establishment de son parti peut-il avoir pour s'élever et voter contre son parti, alors qu'il n'a même pas la possibilité de s'asseoir sur la légitimité qu'il aurait de représenter ses électeurs qui, eux, pourraient être contre le projet de loi?

Or, ce que vous soulevez est intéressant parce que vous dites au fond, à la question que les gens ont posée souvent: Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une définition de tâches différente ou est-ce qu'il ne devrait pas y avoir deux statuts de députés?, vous dites: Bien, regardez, là, dans le fond, si tu votes pour un parti, l'individu qui est député de liste puis qui représente le parti devrait, lui, s'en tenir à la ligne de parti, puis celui qui est choisi par la population pour représenter la population devrait, lui, avoir une marge de manoeuvre. Je trouve ça intéressant. Ça a ses limites, mais je pense en quelque part que ça vient un petit peu, comment dire, donner un éclairage particulier sur certains effets pervers et certaines prétentions des gens qui veulent un changement.

Le Président (M. Ouimet): Des réactions, M. Larouche? Sentez-vous bien libre de réagir.

M. Larouche (François): Bien, je crois qu'au niveau international on n'a jamais réussi à avoir de système politique puis de système de scrutin parfaits, puis je ne pense pas qu'avec la réforme actuelle on va atteindre cette perfection, mais ça va être déjà un grand pas de l'avant. Puis je pense qu'avec plusieurs réformes on va pouvoir, au fil des ans, au fil des siècles, avoir un scrutin qui va approcher la perfection.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. M. Morisset, du côté de notre comité citoyen.

M. Morisset (Michel): Alors, M. Larouche, je vous félicite. Je vous félicite, et, pour le moins qu'on puisse dire, la jeunesse nous met du levain dans la pâte, et puis c'est très intéressant.

Moi, ce que je voulais vous demander: Est-ce que vous pensez que ce serait possible d'installer le vote à 16 ans?

M. Larouche (François): Je crois que... En fait, je ne crois pas qu'à 16 ans ce soit une bonne idée d'instaurer le vote, sauf que ce serait une bonne idée d'initier le vote, donc avoir des cours de politique et de philosophie dès la cinquième année du secondaire. Donc, ça, ce serait vraiment intéressant, là, mais je ne crois pas qu'à 16 ans on a encore la maturité pour exprimer son choix.

M. Morisset (Michel): Bien.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Morisset. D'autres interventions à ce moment-ci? Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Merci, M. le Président. Bonsoir. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je voudrais savoir si vous avez fait une réflexion... Bon, on parle de changer le mode de scrutin que prévoit la Loi électorale. C'est quand même des enjeux importants, c'est tout notre système démocratique. Est-ce que vous avez fait la réflexion, à savoir bon est-ce qu'on pourrait aller vers un plébiscite ou un référendum sur la question posée à la population?

M. Larouche (François): Non, je n'ai pas réfléchi à ça. Ça dépasse peut-être mes connaissances techniques sur le domaine de la politique.

Mme Richard: J'y vais pour une autre question?

Le Président (M. Ouimet): Oui, Mme la députée.

Mme Richard: Vous savez, bon, dans le projet de loi, on parle de diminuer le nombre de circonscriptions, de passer de 125 à 77 circonscriptions. Moi, je suis une députée qui vient des régions, donc je trouve que ça va être difficile. L'apport des régions, moi, je pense... La vie démocratique est importante aussi. Avez-vous fait une réflexion là-dessus, sur la diminution du nombre de circonscriptions, donc c'est une diminution des régions aussi?

M. Larouche (François): Oui, en fait, je crois qu'en ce moment le pouvoir des régions est peut-être un peu trop élevé. Personnellement, moi, je viens d'une région. Je viens du Saguenay?Lac-Saint-Jean, et ça, je crois, quand même, tout de même, que le pouvoir régional est peut-être trop élevé au niveau du Parlement.

Mme Richard: Voulez-vous vous expliquer davantage? Vous voulez dire qu'il est trop élevé par rapport à quoi? J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

M. Larouche (François): Bien, par exemple, on peut remarquer que, par exemple, l'ADQ a un pourcentage de votes d'environ... je crois que c'est 20 %, puis ils n'ont pas le pourcentage de députés qui représente ce pourcentage-là.

n(21 heures)n

Mme Richard: Oui, mais quand vous parlez de l'ADQ, c'est comme mon collègue tantôt faisait référence, un parti peut se retrouver au pouvoir avec moins de votes au niveau de l'électorat, mais là je vous parle juste... précisément des régions. Au niveau des régions, on... Moi, je représente la région de la Côte-Nord. J'ai une circonscription. Je suis un député. On est 125, comme ça, à travers le Québec. Il y en a que c'est des comtés urbains. Il y a des comtés aussi qui viennent des régions. C'est un total de 125. Dans la réforme, on va passer de 125 à 75 ou peut-être 77, et c'est là que je vous demandais: Est-ce que vous avez été au-delà de ça, au-delà de juste la députation, si on veut, de nos rôles de députés qui représentent une région à l'Assemblée nationale?

Bon, on parlait, cet après-midi, avec la FQM, de l'habitation du territoire, donner du pouvoir aux régions, la décentralisation des régions. Est-ce que vous avez fait cet exercice-là? Si vous ne l'avez pas fait, ce n'est pas plus grave que ça, là. Je voulais juste savoir si vous avez fait cette réflexion-là.

M. Larouche (François): Bien, en fait, je crois qu'idéalement c'est sûr qu'on devrait garder le même nombre de circonscriptions qu'il y a en ce moment. Par contre, je verrais peut-être que la population verrait peut-être ça d'un mauvais oeil d'augmenter le nombre de députés qui siègent à l'Assemblée nationale.

Mme Richard: C'est beau.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, Mme la députée de Duplessis. Vous avez, tantôt, évoqué l'exemple de l'ADQ, mais il y a également l'exemple du Parti québécois, qui, je pense, en 1973, avait augmenté son pourcentage d'appui populaire, mais avait vu son nombre de sièges, à l'Assemblée nationale du Québec, baisser également, ce qui avait été...

M. Simard: Mais, en 1976, on a gagné, par contre, hein?

Le Président (M. Ouimet): Oui, en 1976, voilà. Alors...

Des voix: ...

Le Président (M. Ouimet): Mais donc, il y a eu plusieurs exemples, je pense, dans l'histoire québécoise récente.

Alors, merci infiniment pour ce point de vue, cet éclairage offerts à la commission. Je vous en remercie.

Et j'invite maintenant Mme Brigitte Lefebvre à bien vouloir s'avancer.

Est-ce à dire, Sylvain, que l'ADQ va gagner la prochaine? Ce n'est pas ça que tu voulais dire?

M. Simard: ...je voulais dire qu'il a la chance...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouimet): Alors, je constate que Mme Lefebvre n'est pas parmi nous. C'est bien ça? On fait une petite vérification.

Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de vérifier où est rendue Mme Lefebvre.

(Suspension de la séance à 21 h 2)

 

(Reprise à 21 h 3)

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, la commission reprend ses travaux. Nous constatons que Mme Lefebvre n'est pas présente parmi nous. Moi, pour ma part, comme président, et je pense que c'est probablement partagé, je pense que cette première avec les citoyens fonctionne extrêmement bien et je salue la grande participation des citoyens qui se présentent à notre commission parlementaire. Et, sur ce, on se donne rendez-vous demain, à 10 h 30, où nous entamerons notre journée avec l'Amicale des anciens parlementaires.

Donc, j'ajourne les travaux au jeudi 26 janvier, à 10 h 30... 10 h 30, demain, alors que la commission poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale. Merci. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 21 h 4)


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