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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, January 26, 2006 - Vol. 38 N° 9

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la Loi électorale


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures trente-six minutes)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin à tous et à toutes. Je déclare donc la séance de la Commission spéciale de la Loi électorale ouverte et je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale.

M. le secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, je n'ai aucun remplacement à annoncer aux membres de la commission.

Le Président (M. Ouimet): Donc, nous entendrons, ce matin, les organismes suivants: l'Amicale des anciens parlementaires du Québec, M. Philippe Nguene-Nguene, M. André Jacob et la Solidarité rurale du Québec.

Je vous rappelle que les groupes, les organismes et les individus qui se présenteront devant nous, aujourd'hui, auront des temps de parole différents. Donc, j'aurai l'occasion de vous l'indiquer au fur et à mesure de leur présence devant nous.

Auditions (suite)

Je vois que nous avons de la très grande visite ce matin: l'Amicale des anciens parlementaires du Québec. Ils ont déjà pris place. Alors, M. Antoine Drolet, vous êtes le président de ce groupe. Vous allez retrouver toute cette liberté d'expression. Alors, auriez-vous la gentillesse de bien vouloir nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Amicale des anciens
parlementaires du Québec

M. Drolet (Antoine): Oui, M. le Président. Merci beaucoup. Merci de nous accueillir ce matin. Je vais vous présenter les cinq membres de la commission ici, à la table. À ma droite, vous avez Jacques Brassard, le vice-président de l'amicale, membre du comité Parlementarisme et démocratie, ancien ministre, député du Lac-Saint-Jean de 1976 à 2002.

M. Brassard (Jacques): Chroniqueur.

Le Président (M. Ouimet): Chroniqueur.

M. Drolet (Antoine): L'après-carrière. Jean-Paul Champagne, à ma gauche, le président sortant de l'amicale, et le président du comité Parlementarisme et démocratie, et député de Mille-Îles de 1981 à 1985; a l'extrême-droite, Me Denis Hardy, membre du comité Parlementarisme et démocratie, ancien ministre et député de Terrebonne de 1965 à 1966 et de 1970 à 1976; à la gauche, le Dr Victor C. Goldbloom, membre du comité sur le parlementarisme et démocratie, ancien ministre et député de D'Arcy-McGee de 1966 à 1979; et votre humble serviteur, Antoine Drolet, président de l'Amicale des anciens parlementaires et député de Portneuf en 1970. Nous avons également quelques membres des anciens qui sont ici avec nous ce matin: André Gaulin, Gérald Harvey et Michel Côté, qui sont membres du conseil exécutif de l'amicale, et Gérard Gosselin, qui fait partie également du comité sur le parlementarisme.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, membres de la commission, quelques mots d'abord pour présenter l'Amicale des anciens parlementaires du Québec. L'amicale a pour mission de regrouper des femmes et des hommes qui ont été membres du Parlement dans le but de favoriser la promotion des institutions parlementaires du Québec et la diffusion d'informations sur le parlementarisme. En somme, des sages qui bénévolement veulent partager leur expertise et leur expérience accumulées durant leur séjour à l'Assemblée nationale avec les parlementaires actuels et futurs. Les objectifs de l'organisme, qui compte actuellement 250 membres, sont de mettre les connaissances et l'expérience des anciens parlementaires du Parlement du Québec au service de la démocratie parlementaire tant au Québec qu'à l'extérieur de la province, servir l'intérêt public, favoriser l'esprit de solidarité parmi les anciens parlementaires, promouvoir les relations entre ses membres et avec les députés de l'Assemblée nationale, représenter le Québec au sein d'organismes internationaux tels que l'Union mondiale des associations d'anciens parlementaires francophones, et défendre et promouvoir les intérêts des anciens parlementaires du Québec ici et à l'étranger.

Mes collègues vont continuer la lecture du mémoire, et, lorsque nous arriverons à la période des questions, je vous demanderais de poser vos questions au président du comité qui, lui, déléguera ses collègues pour répondre à vos questions. M. Champagne.

n (10 h 40) n

M. Champagne (Jean-Paul): Merci. Déclaration liminaire. Le 1er mars 2005, lors du dépôt de notre mémoire intitulé Quelques réflexions pour accroître la démocratie parlementaire devant la sous-commission permanente de la réforme parlementaire, nous mettions l'accent sur le dysfonctionnement de notre Parlement, faisant ainsi ressortir la domination du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, dysfonctionnement qui risque d'engendrer l'infantilisation du député dans ses fonctions de législateur et de représentant des citoyens de sa circonscription, bref un plaidoyer vibrant en faveur de la valorisation du rôle du député. Notre démarche s'inspirait des conclusions du Colloque international Le Parlementarisme au XXIe siècle, tenu à Québec, en octobre 2002. Lors de cet événement organisé par l'amicale, il a été convenu de créer un comité de suivi et de recherche sur le parlementarisme et la démocratie représentative. Une des grandes motivations de ce comité du suivi du colloque est de valoriser le rôle du député. Aujourd'hui, nous poursuivons nos recherches en attirant l'attention de l'Assemblée nationale sur un autre volet important de notre démocratie représentative: le mode de scrutin.

La carte électorale. C'est un principe de la démocratie que le vote de chaque citoyen, quelle que soit sa circonscription électorale, devrait avoir un poids égal. C'est par respect de ce principe que la carte électorale est ajustée de temps en temps par rapport aux résultats des recensements décennaux. Une anomalie majeure a été corrigée, au début des années soixante-dix, par l'élimination des comtés protégés. Le principe est toutefois appliqué d'une façon nuancée, les circonscriptions urbaines pouvant avoir jusqu'à 25 % de plus d'électeurs par comparaison à la moyenne, et les circonscriptions non urbaines, jusqu'à 25 % de moins. On tient compte ainsi des grands territoires que doivent représenter certains députés ruraux, car, comme l'écrivaient les signataires de L'Appel des cinq, Henri Brun, Claude Corbo, Christian Dufour, Joseph Facal et Jean-Pierre Rivest, et je cite, «quand le territoire d'un État est aussi vaste et inégalement peuplé que l'est le Québec, il est légitime, lorsqu'il s'agit de déterminer qui va gouverner, de relativiser le principe de l'égalité absolue du vote afin de prendre en compte le voeu des différentes régions». Fin de la citation. L'Amicale des anciens parlementaires du Québec reconnaît que la réduction à 0 % de l'écart présentement permis créerait une sorte de distorsion qui ne servirait pas la démocratie québécoise. Elle suggère cependant que le chiffre actuel de 25 % puisse être réexaminé à la lumière des résultats des récentes élections et en relation avec la présente réflexion sur le mode de scrutin.

Le mode de scrutin. Le mode de scrutin existant, uninominal à un tour, a des faiblesses qui ont été démontrées par divers observateurs. Le gouvernement est formé par le parti qui a remporté le plus grand nombre de sièges, indépendamment du pourcentage global de voix qu'il a obtenues sur l'ensemble du territoire. Voici des exemples qui illustrent les aberrations possibles de notre système, et je suppose que ça a été cité souvent, ici, autour de la table. Simplement, je vais dire, en 1966, l'Union nationale, avec 40 % du vote populaire, avait obtenu la majorité des sièges. En 1973, c'est le Parti libéral du Québec, avec 54 % des suffrages, qui avait obtenu 93 % des sièges. Le Parti québécois, qui avait récolté 30 %, à ce moment-là, des votes exprimés, n'avait pour sa part remporté que six sièges à l'Assemblée. Et plus près de nous, en 1998, le Parti québécois avait conservé le pouvoir avec 76 sièges et 42 % du vote populaire, alors que le Parti libéral demeurait dans l'opposition avec 43 % des suffrages. Le parti politique qui en est actuellement le plus victime est l'Action démocratique du Québec. Lors de l'élection du 14 avril 2003, ce parti n'a fait élire que quatre députés, alors qu'il avait remporté 19... 18 %, je m'excuse bien, 18 % des suffrages. Nous reconnaissons que, lorsqu'il y a une distorsion importante entre le nombre de sièges remportés par chaque parti et sa part du vote populaire, il y a, dans une certaine mesure, un certain affaiblissement de la démocratie. Il est souhaitable que le Québec façonne un mode de scrutin qui produise des résultats plus proches de l'éventail de la volonté populaire.

Au niveau des circonscriptions. Notre système actuel uninominal à un tour ajoute un cran de plus à son caractère démocratique imparfait lorsqu'il s'agit d'élire le député de chaque circonscription. Le candidat qui recueille le plus grand nombre de votes est déclaré élu. Dès qu'il y a plus de deux candidats en lice, le député élu peut fort bien ne pas avoir obtenu la majorité absolue. Ce résultat fait en sorte qu'il ne représenterait, strictement parlant, qu'une minorité de ses électeurs. Et là on donne un exemple extrême, à l'élection de 1944, dans la circonscription de Rouyn-Noranda, où un candidat du parti CCF a été élu avec 20 % des suffrages. À ce moment-là, il y avait huit candidats, et le gagnant a remporté le siège avec le vote de 2 100 électeurs, tandis que près de 8 000 l'ont rejeté. Alors, il avait été rejeté par 8 000 et il avait gagné parce qu'il avait eu la majorité. Voilà un résultat qui témoigne de manière éloquente que le mode de scrutin actuel laisse à désirer. Ce même mode de scrutin fait en sorte qu'à l'Assemblée nationale du Québec un gouvernement peut exercer le pouvoir sans l'appui de la majorité de la population, et la majorité des députés élus à la pluralité des voix peut ne représenter qu'une minorité de leurs électeurs. Il y a donc un certain déficit démocratique dans un système de représentation qui permet que la majorité des députés ne représentent pas la majorité de leurs électeurs et que le gouvernement puisse être issu d'un parti ayant été rejeté par la majorité de l'électorat.

L'Amicale des anciens parlementaires du Québec considère qu'il est justifié de chercher à améliorer un système qui peut transformer des victoires en défaites et des défaites en victoires.

Je demanderais maintenant au Dr Victor Goldbloom de poursuivre la lecture. Alors, c'est quoi faire.

M. Goldbloom (Victor C.): La proposition formulée par le gouvernement a le grand mérite de bien situer le débat. Le mode de scrutin qu'il met de l'avant témoigne d'une volonté de rendre le système plus démocratique, et notamment de rapprocher le nombre de sièges remportés et le pourcentage du vote populaire obtenu. Il paraîtrait que les chances des petits partis d'avoir des porte-parole au Parlement seraient améliorées.

L'amicale est obligée de reconnaître qu'elle n'a pas d'unanimité dans ses rangs. Certains de ses membres trouvent le mode de scrutin actuel imparfait mais ne voudraient pas pour autant le changer. D'autres sont favorables à un système proportionnel. Ils rejettent le proportionnel pur mais envisageraient un système mixte semblable à celui que propose le gouvernement. D'autres encore préfèrent un mode de scrutin qui réduirait les écarts mais, à leurs yeux, assurerait une plus grande stabilité à la gouvernance. Certains membres de l'amicale verraient d'un bon oeil un mode de scrutin qui permettrait, voire même favoriserait la prolifération de petites formations politiques. D'autres cependant, la majorité, estiment un tel système dangereux dans le mesure où il rend difficile l'obtention par un parti de la majorité des sièges, permettant ainsi aux petites formations de vendre cher leur adhésion à une coalition gouvernementale et de provoquer, à n'importe quel moment, la déstabilisation du Parlement et de la société même par le chantage d'une menace de retrait.

n (10 h 50) n

Existe-t-il une formule idéale? Notre étude de la question, y compris notre examen de la littérature pertinente, nous mènent à la conclusion qu'il n'y a pas de mode de scrutin parfait. S'il y en avait, la France l'aurait adopté pour la Cinquième République et le Québec l'aurait mis de l'avant dans l'un ou l'autre des mémoires ou projets qu'il a étudiés au cours des récentes décennies. Chaque système a donc ses avantages et ses inconvénients. En pesant ces avantages et ces inconvénients, il faut tenir compte de certains problèmes qui ne peuvent être ignorés. Dans un régime proportionnel compensatoire, la formule mise de l'avant dans le projet de loi, on peut se retrouver avec deux classes de députés, les uns élus pour représenter la population d'une circonscription et les autres choisis sur une autre base avec une relation différente à la population du Québec. Il y aurait donc, d'une part, les sans-grade qui devront durement besogner pour l'emporter dans leur circonscription et, d'autre part, les privilégiés des partis, ministrables sans le moindre doute, élus sans trop de souci sur la base d'un scrutin de liste.

Si des députés, outre ceux élus pour représenter des circonscriptions géographiques, sont choisis à même une liste établie par leur formation politique, ces personnes seraient principalement redevables à leur parti plutôt qu'aux électeurs. Dans le système proposé par le gouvernement, ou bien le nombre de sièges devrait être augmenté considérablement ou bien le député élu selon le mode traditionnel aurait à représenter un territoire beaucoup plus vaste qu'actuellement. Cela passe pour le Parlement fédéral, mais poserait de très grands problèmes pour les députés de l'Assemblée nationale.

Si aucune formation politique n'obtient la majorité absolue des sièges, celle qui en a le nombre le plus élevé est obligée de négocier avec un ou plusieurs autres partis, donnant à ceux-ci une influence disproportionnée dans le gouvernement, influence qui ne concorde pas avec la volonté populaire majoritaire ou prédominante. Un gouvernement minoritaire gouvernant en coalition ou par entente ponctuelle pourrait se trouver empêché de gérer la chose publique de façon stable et cohérente. Les équilibres recherchés par le premier ministre, le ministre des Finances ou autre pourraient être déjoués par la politique particulière d'un petit parti. Cela s'est déjà vu, y compris récemment au Parlement fédéral. La société pourrait se trouver prise avec une succession de gouvernements minoritaires fragiles.

Il faut donc choisir parmi des valeurs dont chacune a son importance, notamment entre une représentativité plus fidèle à l'éventail des votes exprimés et la stabilité de même que la cohérence de la gouvernance. Les systèmes proportionnels, surtout à l'état pur, n'ont que rarement fourni stabilité et cohérence. Le débat électoral est devenu quasi permanent, et les petites formations ont joui d'une influence disproportionnée. L'Amicale des anciens parlementaires du Québec n'a pas obtenu de consensus en faveur du mode de scrutin proportionnel compensatoire mis de l'avant dans le projet de loi. Elle juge la stabilité et la cohérence de la gouvernance plus importante que la représentation mathématiquement plus fidèle des divers partis en liste.

M. Hardy (Denis): M. le Président, l'amicale s'est penchée sur deux, parmi les nombreux qui existent, sur deux modes de scrutin: le vote uninominal à deux tours et le vote préférentiel.

C'est en nous référant au système uninominal à un tour, que les spécialistes appellent le système pluralitaire, que nous avons examiné le système à deux tours. Le système à deux tours qui comporte une première élection comme on connaît actuellement, c'est-à-dire un premier jour d'élection où seuls sont élus ceux qui obtiennent 50 % plus un, soit la majorité absolue. Et un deuxième tour quelques jours plus tard, où ? et là il y a des différences; où ? parfois, comme en Ukraine, seuls les deux premiers élus reviennent au deuxième tour, et en France, où tous ceux qui ont obtenu au moins 12,5 % sont de nouveau candidats au deuxième tour.

Évidemment, la faiblesse du système de l'Ukraine, c'est qu'on élimine au deuxième tour un grand nombre de petits partis politiques qui peuvent avoir obtenu un nombre de suffrages intéressant. D'autre part... Mais en Ukraine, on est sûr que celui qui est élu a la majorité absolue, tandis qu'en France, puisque tous ceux qui ont obtenu 12,5 % sont de nouveau candidats, eh bien, il peut arriver que l'élu ne représente pas la majorité absolue des électeurs, un peu comme dans le système actuel.

Toutefois, nous croyons que le système à deux tours permet l'émergence de petits partis, d'autres partis, puisqu'au premier tour ils sont là et ils peuvent se... surtout avec le système comme celui de la France, ils peuvent se retrouver même au deuxième tour. Alors, leur présence, c'est déjà une amélioration pour les petits partis par rapport au système actuel. Maurice Duverger, le grand politologue français, explique que les deux tours engendrent le multipartisme parce que le phénomène de sous-représentation des divers courants idéologiques ne joue qu'au second tour et qu'il est loisible aux partis ayant reçu moins de votes de se regrouper lors du scrutin de ballottage.

Nous estimons donc que le mode de scrutin à deux tours permet aux petits partis de survivre, s'ils réussissent à former des coalitions au deuxième tour, et en conséquence favorise le multipartisme. La preuve que le multipartisme peut exister avec ce système, c'est qu'en France vous avez le Parti communiste, qui est devenu un petit parti après avoir été un parti fort important, et vous avez des représentants du Parti vert et de différents partis, et ça permet au gouvernement de coalition, comme sous François Mitterrand, par exemple, où le Parti communiste était représenté au gouvernement, sauf que le système à deux tours représente des inconvénients. D'abord, il y a des dépenses additionnelles, l'organisation d'une deuxième journée d'élection représente des... ça représente du marchandage entre les partis politiques, entre le premier et le deuxième tour, et enfin on peut s'interroger sur la participation des électeurs au deuxième tour. C'est déjà difficile parfois de les faire voter au premier tour, et, s'il y a un deuxième tour une semaine plus tard, viendront-ils voter?

M. Brassard (Jacques): Alors, comme vous pouvez le constater ? je m'adresse particulièrement aux députés en exercice ? c'est aussi difficile parmi les anciens de dégager les consensus que parmi les députés en exercice; ça demande beaucoup de débats, beaucoup d'échanges. Mais finalement, on y est arrivés, et c'est ce qu'on vous soumet. On vous demande d'examiner, que l'Assemblée nationale examine, puisse envisager de mettre en oeuvre ce qu'on appelle le système de vote préférentiel, ce que les spécialistes aussi appellent le vote unique transférable. Comme je suis retraité, j'ai navigué sur le Net, comme on dit, et on appelle ça ici le vote préférentiel; on l'a utilisé au Parti québécois tout récemment pour choisir le chef du parti. Mais en Irlande et ailleurs et en Australie, on appelle ça le vote unique transférable.

n (11 heures) n

C'est un système qui, comme on l'a vu, a été utilisé pour choisir le chef du Parti québécois. C'est un peu plus compliqué évidemment pour l'électeur, c'est plus ardu pour les personnes qui sont appelées aussi à dépouiller le scrutin, forcément. Au lieu de cocher un seul nom sur son bulletin de vote, l'électeur est invité à numéroter les candidats dans l'ordre de ses préférences. Si, lorsque les votes sont comptés, aucun des candidats n'a obtenu une majorité absolue, celui qui est arrivé en bas de la liste est éliminé, et les bulletins sur lesquels il avait été le premier choix sont redistribués selon le deuxième choix indiqué. Le processus se répète, si nécessaire, jusqu'à ce qu'une personne obtienne la majorité absolue.

Ce ne sera pas très long. Il faut dire qu'évidemment on peut imaginer toutes sortes de mécanismes. J'ai vu qu'en Irlande l'électeur n'est pas obligé d'indiquer des préférences, il peut en indiquer juste une, ou deux, ou trois, c'est facultatif. Puisqu'il s'agit d'un seul tour, les trois problèmes liés au mode de scrutin à deux tours sont évidemment évités. Alors, comme je le disais, c'est un système qui est utilisé pour le Sénat australien, à Malte aussi et en Irlande depuis les débuts de la République irlandaise. Il conserve la base des circonscriptions uninominales.

Il nous semble qu'il permet à l'électeur de participer directement au processus de ballottage. Et on y voit, nous, l'avantage qu'il nous permet d'atteindre ou de corriger une des faiblesses qui est souvent soulignée du système actuel, c'est-à-dire le fait que des députés se retrouvent à l'Assemblée nationale avec une majorité simple et non pas une majorité absolue. Dans les 125 qui se retrouvent ici, là, à l'Assemblée nationale, il y en a un certain nombre ? je ne sais pas combien, là ? mais qui ont été élus avec 42 %, 45 %, 43 %, donc qui n'ont pas la majorité absolue. C'est une faiblesse, évidemment, du système actuel en vigueur. Avec le mode de scrutin préférentiel, on corrige cette imperfection du système actuel, mais en même temps ? ça nous apparaît important de le signaler ? on ne bouleverse pas la culture politique de la société.

À l'amicale ? je sais que M. Hardy insistait beaucoup là-dessus, et je pense qu'il a raison ? quand il s'agit de modifier les institutions politiques d'une société, il faut prendre bien soin de ne pas chambouler, hein, de fond en comble la culture politique de cette société, sinon ça comporte des risques. Ce qui est proposé par le gouvernement, on l'a dit, mais aussi le deux tours, ça nous apparaît comme étant des changements tellement profonds de nos traditions, de nos moeurs politiques au Québec, qui est quand même une vieille démocratie de plus de 200 ans, qu'on préfère et on vous suggère plutôt de regarder le système de vote préférentiel ou du vote unique transférable. Voilà.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci infiniment d'avoir partagé avec nous le fruit de cette longue réflexion. Il n'y avait pas unanimité parmi vos rangs, on me dit même qu'il y a eu un certain choc des idées, et c'est tout à fait sain en démocratie. Je vais maintenant ouvrir la période d'échange en cédant la parole à M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.

M. Pelletier: Merci. Merci beaucoup d'être ici, aujourd'hui. Merci de votre présentation, de votre mémoire, merci de l'intérêt que vous manifestez pour les travaux de la commission. Je vous salue, M. Drolet, et vous remercie d'être ici, M. Brassard, M. Hardy, M. Champagne, M. Goldbloom, et vous pouvez être certains que nous allons examiner évidemment ce que vous proposez.

Je note d'ailleurs dans votre mémoire, à la page 7, ceci: «Nous trouvons que le mode de scrutin actuel comporte des lacunes au plan démocratique. De plus, il rend difficile la représentation des petits partis, il génère de plus en plus d'effets pervers à mesure que l'on s'éloigne du bipartisme. L'Amicale des anciens parlementaires du Québec considère qu'il est justifié de chercher à améliorer un système qui peut transformer des victoires en défaites et des défaites en victoires.»

Je trouve que c'est très, très bien dit. Je comprends donc que vous prenez position en faveur d'une réforme du mode de scrutin. Les modalités sont importantes, cependant, et, à cet égard, vous faites une proposition qui diffère de la proposition gouvernementale, j'en suis conscient. Mais donc vous prenez position en faveur d'une réforme du mode de scrutin. Vous identifiez des lacunes du mode actuel de représentation. Notamment, vous l'avez mentionné, il y a eu des précédents qui font en sorte qu'il y a une distorsion entre le nombre de votes recueillis par les formations politiques et le nombre de sièges qu'elles obtiennent, il y a la question des petits partis que vous soulignez également. Et vous dites qu'on doit chercher à améliorer un système qui peut transformer des victoires en défaites et des défaites en victoires. C'est probablement ce que nous appelons, nous, au Québec, des victoires morales à ce moment-là, ces fameuses défaites qui se transforment soudainement en victoires morales.

M. Simard: C'est les plus douloureuses.

M. Pelletier: Je sais que vous êtes très préoccupés par la question de ce qu'on pourrait appeler la stabilité gouvernementale ou la stabilité politique au Québec. Vous n'êtes pas les seuls qui êtes préoccupés par cela, j'en entends beaucoup parler, je suis moi-même d'ailleurs préoccupé par cette question-là.

En même temps, il faut être conscient que le système uninominal à un tour n'est pas nécessairement synonyme non plus de stabilité gouvernementale. On en a l'exemple à Ottawa, là. Avec ce système-là, il y a deux gouvernements minoritaires de suite. On ne voit pas la fin de ce cycle de gouvernements minoritaires. En tout cas, tant que le Bloc québécois aura autant de sièges au Québec.

Des fois, je me plais à dire que ça pourrait être la même chose au Québec. Avec le même système uninominal à un tour, s'il s'avérait hypothétiquement, je dis bien hypothétiquement, que l'ADQ, à un moment donné, ait 30 % du vote, on risque de se retrouver continuellement avec des gouvernements...

Une voix: ...

M. Pelletier: Après avoir eu l'appui de la CSN hier, je vous dis qu'ils sont pas mal réconfortés.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier: Mais donc on pourrait aussi se retrouver avec continuellement des gouvernements minoritaires.

Alors, vous êtes très préoccupés, dis-je, par la stabilité gouvernementale, la stabilité politique. J'aimerais savoir: Comment pourrions-nous concilier une réforme du mode de scrutin qui nous permette de réduire les distorsions quand même entre le nombre de votes recueillis et le nombre de sièges obtenus, tout en préservant au maximum la stabilité politique au Québec.

Le Président (M. Ouimet): Alors, la question s'adresse à M. Champagne, et vous choisissez qui va répondre? M. Hardy.

M. Hardy (Denis): Justement, je pense, M. le ministre, que le mode que nous proposons, le préférentiel, assure d'une part... Ce n'est pas parfait, comme on l'a dit et on le répétera probablement; il n'y en a pas, de mode de scrutin parfait. Mais le mode préférentiel assure une meilleure représentativité, d'une part, et, d'autre part, comme finalement tout le monde est élu à la majorité absolue, vous aurez... vous risquez.

Éliminer complètement, comme vous le dites, éliminer complètement la possibilité de gouvernement minoritaire, on ne peut pas. Sauf que, quand vous dites... On voit actuellement qu'il y a deux gouvernements minoritaires qui se sont succédé à Ottawa, qu'éventuellement on pourrait avoir des gouvernements minoritaires à Québec, ce qui s'est déjà produit au XIXe siècle, à l'époque de Chapleau, Joly de Lotbinière où, à un moment donné, c'était presque à égalité. Ce n'étaient pas des gouvernements minoritaires, mais en tout cas c'étaient des gouvernements où la répartition en Chambre était presque égale; c'est le vote du président qui sauvait le gouvernement pour un certain temps.

Alors, on ne peut pas éliminer d'une façon complète la possibilité de gouvernement minoritaire, mais le mode de scrutin préférentiel assurerait, parce qu'en définitive le mode de scrutin préférentiel avec des étapes, avec une modalité différente qui assure une meilleure représentativité mais débouche normalement sur un gouvernement majoritaire. Alors, ce qui n'est pas nécessairement...

Évidemment, encore là, avec le mode de scrutin proportionnel, cela dépend du degré de proportionnalité. Si vous avez la proportionnelle absolue ou même celle qui existait en France sous la Quatrième République, bien vous avez des gouvernements qui durent quelques mois, parfois un an, même les grands gouvernements, je pense entre autres à Mendès France, qui a duré quelques mois seulement avec ce mode de scrutin. C'est pourquoi évidemment de Gaulle, dont une des principales préoccupations était la stabilité du gouvernement, avec la Cinquième République, a proposé le mode de scrutin à deux tours pour assurer une meilleure stabilité. Mais encore là, comme je l'ai dit tantôt, ce mode de scrutin à deux tours en France n'empêche pas l'existence du multipartisme. Vous avez beaucoup de partis, et surtout, ce qui m'a toujours étonné en France, c'est l'existence de nombre d'indépendants que l'on appelle en France des «non-inscrits». Mais il y a beaucoup plus de non-inscrits ou de députés indépendants à l'Assemblée nationale française qu'il y en a dans nos Parlements.

Alors, c'est pour ça que nous arrivons à la conclusion qu'après avoir examiné les avantages et les désavantages de chaque mode de scrutin, celui que nous proposons est celui qui a le plus d'avantages et le moins de désavantages.

n(11 h 10)n

M. Pelletier: ...admettons d'emblée que le vote préférentiel donne plus de légitimité à la personne qui est élue, ça, j'en conviens, offre aussi des garanties de stabilité gouvernementale, j'en conviens. Je vois quand même mal comment ça peut permettre l'élection de petits partis ou comment ça peut réduire les distorsions dans le système électoral actuel. Les petits partis sont peut-être présents au deuxième tour, mais je vous dis qu'ils ne passent pas. Ils ne passent pas par la suite, ils ne se retrouvent pas, à la fin, représentés au Parlement, pour l'instant. Peut-être que ça favorise le multipartisme. Comme disait M. Duverger ? vous citiez M. Duverger, en France? ? peut-être que ça favorise le multipartisme, mais de là à dire que ça favorise vraiment la représentation des petits partis à l'Assemblée législative, ça, c'est une autre question.

M. Brassard (Jacques): Ça dépend toujours, évidemment, quel est l'objectif qu'on poursuit. Est-ce qu'on poursuit, comme objectif, en mettant en place un mode de scrutin, d'en arriver à ce que l'Assemblée nationale ou le Parlement soit le reflet le plus fidèle possible de tous les divers courants d'opinions qui s'y trouvent, que ce soient des courants minoritaires, parfois éphémères, qui durent peu de temps, ou des courants radicaux qui se situent dans les extrêmes. Est-ce que c'est ça, l'objectif? Nous, ce qu'on pense, ça ne doit pas être l'objectif qu'on vise.

Le Parlement évidemment doit être le plus représentatif possible de la société, mais, s'il reflète trop la diversité d'une société, à ce moment-là, vous en arrivez à des gouvernements, là, qui vont vivre dans l'instabilité, et ce n'est pas souhaitable pour les sociétés complexes comme les nôtres. Les sociétés développées, complexes, qui ont des gros défis à relever, ont besoin de gouvernements jouissant d'une relative stabilité. Alors, il ne faut pas que le mode de scrutin mette en péril la stabilité nécessaire pour la gouvernance de sociétés complexes comme la nôtre.

Quand on évoque la possibilité que plusieurs petits partis soient représentés à l'Assemblée nationale, ça peut être un idéal souhaitable, mais encore une fois, si on pousse trop dans cette direction-là, là on en arrive à la mise en place de gouvernements dits de coalition, à la nécessité d'avoir des gouvernements de coalition. Et ce n'est pas en soi inacceptable, sauf que, quand je faisais référence, tout à l'heure, à la culture politique d'une société, chez nous, dans notre démocratie, on n'est pas habitués à ce genre de chose là, des gouvernements de coalition. En Israël, là, ils se sont habitués à ça. C'est presque uniquement des gouvernements de coalition, et ils ont le système, le mode de scrutin proportionnel absolu. Je les trouve très courageux d'ailleurs, quand on est une démocratie vivant dans un milieu aussi hostile que la démocratie, la petite démocratie israélienne, d'avoir choisi ça comme mode de scrutin, mais ils s'y sont adaptés. Leur culture politique s'est adaptée à ça, et c'est comme ça qu'ils sont maintenant capables de vivre avec des gouvernements de coalition presque en tout temps.

Mais je ne pense pas que ce soit le cas d'une société comme le Québec ou le Canada non plus. On n'est pas... notre culture politique n'est pas habituée à ça.

M. Pelletier: Je remarque que vous avez une proposition très conservatrice.

M. Brassard (Jacques): Il y a beaucoup de membres de notre amicale qui sont conservateurs, pas au sens partisan du terme, mais... et je suis le premier à l'être.

M. Hardy (Denis): Et il semble, M. le ministre, que le conservatisme revient un peu à la mode.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je vais aller maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue. Je trouve ça intéressant et motivant de voir que des anciens parlementaires s'impliquent à ce point et en profitent pour venir nous livrer une réflexion qui cible des enjeux intéressants et importants.

D'abord, vous faites bien d'indiquer d'entrée de jeu, dans votre mémoire, qu'il ne faut pas voir la réforme du mode de scrutin strictement d'un point de vue mécanique, mais il y a la réforme des institutions démocratiques qu'il faut aussi avoir en perspective si on veut rapprocher le citoyen du pouvoir et faire en sorte que la légitimité ne soit pas seulement que liée à un exercice mathématique et mécanique.

Au-delà de ça, moi, je vous dirais ? vous connaissez un peu les dynamiques des commissions parlementaires ? le ministre, tout à l'heure, vous a embarqués dans un bateau, il vous a laissé entendre que le système québécois actuel...

M. Brassard (Jacques): ...

M. Thériault: ...le système québécois actuel, je dis bien «québécois» et non pas canadien, parce qu'il y a une différence. Si on veut prédire les résultats... alors, quand on veut prédire des résultats, il faut regarder la répartition sur un territoire des clientèles, etc., disant que l'ADQ aurait 30 %, que nécessairement on se retrouverait possiblement avec un gouvernement minoritaire. Ce qui est tout à fait faux, ce qui est tout à fait faux, vous le savez très bien, puisque, dans le système britannique, il y a une prime au vainqueur et plus il y a bataille à trois, à quatre ou à cinq et plus il y a fragmentation selon la répartition des clientèles sur le territoire, et cela fait en sorte que, très souvent, les partis les plus forts se faufilent entre les deux. Vous connaissez le phénomène. Alors, en sens-là, il n'y a pas d'adéquation entre le 30 % puis un gouvernement minoritaire au Québec et il n'y en a pas eu beaucoup.

Mais, ceci étant dit, chaque mode de scrutin a des avantages et des inconvénients, vous les avez identifiés. Votre modèle que vous nous proposez, quels seraient ses inconvénients? Parce que, comprenez-vous, tout le monde vient ici puis dit: On est pour un changement, voici ma solution, elle est la meilleure, mais personne ne critique l'avant-projet de loi sur lequel on va devoir tabler aussi. Alors, je voudrais donc voir quels sont vos désavantages.

M. Champagne (Jean-Paul): Bien, je pense que... C'est bien sûr que... Ça veut dire que nos avantages, de toute façon, ils sont évidents. Nous, on base ? n'oubliez pas qu'on est des anciens parlementaires, on est des députés, il y a des députés... puis avant d'être ministre, il faut être député ? et on base tout notre mémoire sur l'importance du député. Et lorsqu'il a été question de vote proportionnel entre autres, nous autres, là, ça nous a donné froid dans le dos de savoir qu'il y avait deux sortes de députés: des députés qui étaient élus par la population et puis qui d'arrache-pied arrivaient à se faire élire et les autres qui étaient un petit peu sur une tour d'ivoire, qui étaient là en attente, qui étaient protégés par un parti politique et qui étaient indirectement élus, pas par le citoyen, ils étaient élus parce qu'ils étaient protégés jusqu'à un certain point par le parti politique. Et puis là, c'est presque un, je ne sais pas, un ouvrage à vie, ça, à ce moment-là. Ça, là, nous autres, là, on n'embarque pas du tout, du tout là-dedans. Ça, il y a unanimité chez nos membres à ce sujet-là. Deux sortes de députés, ceux qui travaillent d'arrache-pied et les autres qui représentent... ils s'en vont dans les chambres de commerce visiter les maires des municipalités. Alors ça, ça ne fonctionne pas trop, trop.

Ça fait que, là, on s'est dit: Qu'est-ce que ce serait, le meilleur système? Ce serait peut-être justement le préférentiel, et, à ce moment-là, le député est obligé d'être majoritaire à ce moment-là. N'oubliez pas, au-dessus de 50 %. Il ne sera pas à l'Assemblée nationale s'il n'a pas 50 %. Et, à ce moment-là, il a plus de légitimité. Il a plus d'autorité morale. Et c'est ça, le gros, gros avantage, et l'autre avantage aussi, c'est que l'électeur lui-même va avoir un choix à un moment donné et puis, au lieu de penser seulement qu'à un parti unique, aura l'opportunité d'appuyer aussi certaines autres tendances. Et c'est là qu'on ressort, à un moment donné, l'influence que peuvent avoir certains tiers partis. Alors, par le vote préférentiel, on peut ressortir la valeur de certains partis, des tiers partis. Alors, ça ouvre des horizons des gens et puis ça leur donne aussi des chances selon aussi des résultats.

Maintenant, si on parle de désavantages, c'est entendu que, pour l'ensemble des Québécois, à ce moment-là, supposons qu'il y a toute une liste... mais là ça reste à bâtir. On n'est pas obligé de dire: S'il y a 11 candidats, on met 11 cases, là. Ça peut être aussi les quatre que vous préférez, avec des numéros. Maintenant, alors ça, il y a peut-être aussi une éducation à faire pour cet élément de réforme. Et la comptabilisation des résultats aussi peut être un petit peu plus longue, mais maintenant il y a des moyens électroniques s'ils sont bien, bien contrôlés à ce moment-là.

Le Président (M. Ouimet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui, rapidement, M. le Président, il me reste quelques minutes?

Le Président (M. Ouimet): Il vous reste trois minutes et quelques secondes.

M. Simard: Très rapidement, vous avez une expérience considérable à vous tous, là. Vous avez été les députés de circonscription... je pense à Jacques Brassard que je connais mieux et qui a été député de Lac-Saint-Jean pendant 25 ans. Le territoire...

M. Brassard (Jacques): Élu majoritairement, toujours.

n(11 h 20)n

M. Simard: Voilà, toujours majoritairement. Le territoire. Au gouvernement fédéral, là les circonscriptions, dans la proposition ministérielle, les circonscriptions seraient les mêmes qu'au fédéral. Au fédéral, à part la poste puis l'armée, là, le travail direct avec la population, tout le monde le sait, est extrêmement limité, alors que nous avons chaque semaine énormément de sujets; ça va du bien-être social aux bourses d'étudiants, à la santé, à l'éducation. Nous avons un travail de terrain remarquablement difficile, que les gens ignorent, mais qui est considérable.

Est-ce que vous ne craignez pas que, dans la formule ministérielle actuelle, non seulement il y a deux catégories de députés, il y en a qui vont nager, qui vont ramer dans le sable non seulement parce qu'ils vont devoir s'occuper de leurs électeurs, mais en plus vont devoir s'occuper de territoires immenses? Je pense à ma collègue sur la Côte-Nord, vous imaginez le territoire. Jacques parlait tout à l'heure d'Israël, son comté est quatre fois plus grand qu'Israël en entier. Donc, c'est des considérations dont on doit tenir compte dans notre contexte québécois.

M. Brassard (Jacques): Vous avez tout à fait raison, puis il y a plusieurs membres de l'amicale qui ont exprimé le même point de vue. C'est évident qu'avec la proposition gouvernementale actuelle on va se retrouver avec des circonscriptions au Québec qui vont être à peu près équivalentes à celles du fédéral, au niveau fédéral. Par exemple, moi, je pense à chez moi, ça veut dire Jonquière-Alma, là. Jonquière-Alma, c'est du monde, hein? C'est du monde. Quand vous êtes député fédéral ? j'ai beaucoup de respect pour le député fédéral, vous avez raison; mais quand vous êtes député fédéral ? je le sais très bien, là, il n'y a pas beaucoup de citoyens qui vont au bureau de comté. Soyons honnêtes, là, on le sait très bien. Mais il y en a une foule qui vont au député de l'Assemblée nationale, par exemple, parce que les préoccupations, les problèmes vécus par les citoyens, ça relève des juridictions de l'Assemblée nationale, ça relève des juridictions du Québec, que ce soient l'aide sociale, l'éducation, toutes les questions de municipalité, bon, main-d'oeuvre, etc. Alors, c'est évident que, là, la besogne va être accrue considérablement, et c'est un des inconvénients de ce que propose le gouvernement.

Le Président (M. Ouimet): M. Hardy, rapidement.

M. Hardy (Denis): Autre inconvénient, M. le Président, c'est que cette diminution du nombre de comtés va diminuer, par la force des choses, l'influence des régions. Et l'on sait qu'actuellement un des problèmes majeurs... Quant à moi, dans mon livre, là, le problème des régions est infiniment plus important que le problème de la souveraineté pour l'équilibre social au Québec. Et si vous diminuez le nombre de comtés, si vous vous retrouvez avec un seul comté en Gaspésie, l'influence des régions diminue.

L'autre chose, et c'est là une autre préoccupation, dans un mémoire antécédent, nous avons parlé de la revalorisation du député. Si vous avez des députés qui sont imputables d'abord à leur parti plutôt qu'aux électeurs d'une circonscription, quelle indépendance pouvez-vous espérer de ces députés-là? À l'Assemblée nationale, ils seront les représentants du parti, de l'organisation et non pas des citoyens.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Je dois vous interrompre, M. Hardy, parce qu'on s'en va sur l'enveloppe de temps de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Merci pour les amicales d'avoir présenté ce mémoire avec cette idée novatrice, quant à moi.

J'aurais une question: Est-ce que vous avez évalué... Parce qu'on dit beaucoup qu'au Québec et au Canada, là, le taux de participation diminue d'année en année aux élections, est-ce que vous croyez que... Vous ne croyez pas que le fait d'avoir un système plus compliqué... Parce que tantôt vous repreniez l'exemple de la chefferie au Parti québécois, dans la tête des citoyens, c'était très complexe, là. Ça a pris plusieurs articles, plusieurs entrevues pour les journalistes, décortiquer ça, en expliquant à la population comme ça allait fonctionner.

Ma crainte, moi, avec le système, c'est peut-être que ça va éloigner des gens encore plus de leur... donc les gens vont participer moins, puis ils vont se sentir encore moins bien représentés parce qu'ils ne se reconnaîtront pas dans le résultat.

Le Président (M. Ouimet): M. Goldbloom.

M. Goldbloom (Victor C.): Nous avons pu constater que, dans les pays où le système préférentiel a été introduit, il n'y a pas eu de baisse du taux de participation. L'expérience n'est pas énorme, le nombre de pays ayant choisi ce système n'est pas très élevé, mais c'est la constatation que nous avons pu faire.

J'aimerais ajouter un bref mot. Dans le débat, on entend le discours qui favorise la prolifération des partis politiques. J'aimerais suggérer que, si l'on examine les grandes formations politiques d'aujourd'hui, on doit constater qu'elles sont des coalitions et qu'au sein de ces coalitions il y a divers points de vue qui sont exprimés par les députés qui disent: les gens de mon comté pensent telle chose, préfèrent telle chose, et c'est ainsi qu'il y a un arbitrage qui se fait et qui finit par devenir la politique du gouvernement. Et les gens qui ne sont pas parfaitement d'accord se rallient et sont fidèles à la décision majoritaire au sein de leur coalition.

Le Président (M. Ouimet): M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: J'avais une autre question. J'aimerais savoir si vous avez... si l'amicale s'est penchée sur la question du nombre de députés féminins et de députés issus de minorités ethnoculturelles, parce qu'on entend... si c'est une préoccupation du ministre et aussi de beaucoup de gens qui viennent témoigner? Est-ce que vous avez fait une réflexion sur...

M. Champagne (Jean-Paul): Bien, enfin, nous, ce qu'on dit, ce n'est peut-être pas un mode de scrutin qui devrait peut-être donner des quotas, là, justement à des catégories de personnes ou de groupes. Nous, on s'est dit: Je pense qu'il y a une évolution sociale qui se fait d'année en année, et cette évolution sociale des mentalités reflète, à un moment donné, ce désir de vouloir s'impliquer davantage. Et on le voit, de plus en plus d'hommes, de femmes, de groupes ethniques ou bien donc des personnes du troisième âge, que ce soient des jeunes, prennent leur place dans la société et automatiquement, pour aller plus loin, se présentent comme candidats et puis, à ce moment-là, ils ont des chances plutôt que de dire: Le mode de scrutin va équilibrer des quotas dans différentes questions. Nous, on ne voit pas ça de cette façon-là.

M. Picard: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Alors, nous avons une valeur ajoutée au niveau de cette commission parlementaire spéciale, un comité citoyen. Donc, monsieur... je vais revenir à vous, Mme la députée ? nous avons M. Boivin qui a demandé la parole.

M. Boivin (Guillaume): Bonjour, messieurs. Je dois vous dire d'entrée de jeu: je suis abasourdi par l'élitisme et le conservatisme qui se dégagent de vos propos, première constatation. Deuxième constatation, une considération très importante par rapport au scrutin à deux tours: Avez-vous noté que c'était le scrutin qui introduisait les plus grandes distorsions? C'est dans la littérature: la plus grande distorsion se retrouve dans ce mode de scrutin.

Deuxième chose, si on accorde quelqu'importance que ce soit à la correction des distorsions induites par le système uninominal à un tour, il faut la faire comme en Irlande, ce que vous ne signalez pas. En Irlande, le vote unique transférable ne s'applique pas dans des circonscriptions uniques. C'est dans des pools de trois à cinq circonscriptions où, à la fin de ça, ils se retrouvent avec une certaine proportion, certaines représentations des petits partis à cause de la correction des distorsions qui est induite par le pool de comtés, de sièges à l'intérieur de districts. Pour l'Australie, je vais vérifier, mais, s'il s'avérait que c'était la même chose en Australie, il y aurait dans vos propos une erreur factuelle qui en enlève toute la valeur, à mon avis. Pour l'Irlande, c'est totalement erroné, j'ai la donnée ici. Et à ce moment-là un vote... je ne vois pas la continuité que vous recherchez d'avoir des circonscriptions uninomimales si c'est le système comme en Irlande s'appliquait, tel n'est pas le cas.

Le Président (M. Ouimet): Alors, ça vous rappelle de beaux souvenirs de vous faire questionner par des citoyens, n'est-ce pas?

M. Brassard (Jacques): Mais on n'a jamais dit de reproduire le système irlandais. On a simplement évoqué qu'en Irlande il y a ce système-là, ce mode de scrutin, le vote unique transférable. Mais on ne dit pas: copions l'Irlande. On vous dit qu'il y a là une voie intéressante où on pourrait atteindre une meilleure représentativité de l'Assemblée nationale, mais en même temps ne pas chambarder de fond en comble la culture et les traditions politiques du Québec.

Effectivement, oui, mais je ne m'en cache pas, je fais preuve d'un certain conservatisme en bien des manières, et particulièrement dans ce domaine-là, parce que tout simplement je pense qu'il faut respecter, dans toute la mesure du possible, les traditions qui se sont établies au fil des ans et, dans notre cas, au fil des siècles.

M. Boivin (Guillaume): Vous considérez que ça a conduit à la santé de notre démocratie jusqu'à maintenant?

n(11 h 30)n

M. Brassard (Jacques): Tout à fait, la santé... Oui, tout à fait. La démocratie québécoise n'est pas en mauvaise santé, pas plus que la démocratie canadienne, non plus. D'affirmer que la démocratie québécoise souffre d'une maladie mortelle m'apparaît être abusif et démesuré comme propos.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. Boivin. Mme Loucheur maintenant.

Mme Loucheur (Yohanna): Bien, en fait, je vais probablement à peu près abonder dans le sens de mon collègue M. Boivin. Mais, moi, je suis en fait surprise par certains passages de votre mémoire qui semblent contredire ce que vous venez de nous expliquer beaucoup plus clairement, dans la période de questions et réponses, avec, par exemple, à la page 5, la dernière phrase qui dit: «Il est souhaitable que le Québec façonne un mode de scrutin qui produise des résultats plus proches de l'éventail de la volonté populaire.» Alors qu'en fait, tout ce que vous nous proposez, c'est un système qui effectivement va permettre l'élection de députés avec des majorités plus claires en redistribuant les votes qui finalement n'auront servi à rien, et donc les électeurs auront toujours le sentiment... Les 15 % d'électeurs, par exemple, dans un comté, qui vont voter pour d'autres partis que les partis dominants savent très bien que leur vote, il servira à des statistiques mais à rien d'autre; il n'y aura toujours pas de sièges à l'Assemblée nationale pour ces partis-là qui n'ont pas une base régionale assez forte. Et donc l'éventail de la volonté populaire ne me paraît pas mieux reflété dans votre proposition.

Et par ailleurs votre position sur les coalitions aussi me semble... Et c'est peut-être simplement un reflet des dissensions internes dans votre groupe, mais votre mémoire se contredit sur les coalitions, sur la stabilité, qui, d'un côté, sont vues comme un problème énorme, mais, d'un autre côté, à la page 13, quand vous parlez de l'expérience française, conclut en disant que le gouvernement français ne fait plus face à de l'instabilité politique. Donc, moi, je ne sais plus trop quoi penser finalement de vos positions.

Le Président (M. Ouimet): Qui veut répondre à cette question?

M. Hardy (Denis): Il faut peut-être faire une distinction entre gouvernement de coalition et gouvernement minoritaire. Ce que nous avions à Ottawa et ce que nous aurons probablement, c'est un gouvernement minoritaire. Il n'y aura pas de députés du NPD ou du Bloc québécois, quoiqu'on ne sait jamais, on ne sait jamais, si on répète l'expérience de 1911, il y aurait peut-être quelques députés québécois qui pourraient entrer dans le cabinet Harper. Mais il semble qu'on s'achemine vers un véritable gouvernement minoritaire. Tandis qu'en France, ce sont des gouvernements de coalition. Pour une période x, les partis politiques... sous Mitterrand, le Parti communiste avait accepté. Il a dû y avoir évidemment un peu de brasse-camarade à l'intérieur du cabinet, mais ils étaient au gouvernement. Alors, ce n'est plus un gouvernement minoritaire à ce moment-là, c'est un gouvernement de coalition, donc plus stable qu'un gouvernement minoritaire.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci...

M. Hardy (Denis): Alors, il n'y a pas de contradiction, comme vous... En tout cas, à notre point de vue, il n'y a pas de contradiction.

Le Président (M. Ouimet): Voulez-vous revenir, Mme Loucheur, ou... Ça va?

Mme Loucheur (Yohanna): Non, ça va.

Le Président (M. Ouimet): Merci. Alors, Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine (Martine): Ma question s'adresserait à M. Brassard. Je ne sais pas si votre amicale s'est penchée sur la question du jour de scrutin.

Une voix: ...

Mme Lafontaine (Martine): Le jour de scrutin à date fixe, et que ce serait toujours à date fixe et un dimanche.

M. Brassard (Jacques): Bien, on n'a pas abordé cette question-là, mais mon point de vue personnel là-dessus, c'est que l'élection à date fixe n'est pas compatible avec notre régime parlementaire de type britannique. C'est ça, le problème.

Si on veut une élection à date fixe, à ce moment-là, il faut changer notre régime politique, il faut le remplacer par un régime présidentiel, soit de type américain ou autre. Mais un régime parlementaire de type britannique fondé sur la responsabilité ministérielle, un gouvernement responsable, c'est-à-dire la nécessité pour un gouvernement d'obtenir constamment l'appui de la majorité de l'Assemblée, du Parlement, évidemment vous ne pouvez pas introduire une élection à date fixe avec un régime comme celui-là.

Comment pensez-vous qu'il serait... Qu'est-ce qui serait arrivé à Ottawa, là? Le gouvernement a été renversé manifestement, c'est-à-dire il n'avait plus la confiance de la majorité de la Chambre, et donc ça veut dire, à ce moment-là, il faut faire des élections. Mais, si vous avez introduit l'élection à date fixe, là, vous attendez que la date arrive? Vous comprenez? Ce n'est pas compatible avec notre régime parlementaire de type britannique. à ce moment-là, si on veut une élection à date fixe, là, il faut vraiment, là, revoir tout notre système au complet.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors...

M. Champagne (Jean-Paul): Bien, madame...

Le Président (M. Ouimet): M. Champagne.

M. Champagne (Jean-Paul): ...peut-être pour répondre indirectement quand même à votre question, là, vous parlez aussi du jour du scrutin. Pour parler du jour du scrutin, nous, ce qu'on dit, dans la conclusion ? on n'a pas eu le temps d'en parler aussi ? c'est que le gouvernement devrait étudier l'opportunité de faire des consultations populaires lorsqu'il y a un jour d'élection. Ça, c'est une recommandation qu'on vous fait: de faire une étude sur la possibilité que, le jour du scrutin, nos électeurs soient peut-être soumis à certains questionnements sur certains domaines et certaines questions pour guider davantage le gouvernement et appuyer aussi par le fait même la démocratie et l'intérêt du public à aller voter.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Je reviens du côté ministériel, et il reste 1 min 35 s. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs de l'Amicale des anciens députés, je vous remercie pour le mémoire. Ça sent beaucoup l'expérience. Je pense que vous savez de quoi vous parlez, vous avez déjà été dans des positions qui vous permettent de voir et vérifier un petit peu les propositions qui sont devant vous.

Je retiens de votre mémoire... On n'a pas beaucoup de temps, mais il y a beaucoup de points très intéressants. Vous dites que l'Amicale des anciens parlementaires du Québec juge la stabilité et la cohérence de la gouvernance plus importante que la représentation mathématiquement plus fidèle des divers partis en lice. Je pense que ça, c'est une hypothèse de base dans votre mémoire qui va déterminer le reste de votre réflexion, et, bien que vous n'ayez pas été en mesure de dégager un consensus très large, je pense que vous nous amenez des éléments très pertinents, entre autres en ce qui concerne toute la question des statuts des députés de liste versus...

Le Président (M. Ouimet): Mme la députée, il reste une demi-minute, là. Si on veut laisser la chance à nos...

Mme Houda-Pepin: Une demi-minute? Alors, question très rapide: Ce mode proportionnel préférentiel que vous nous proposez, il y en a qui disent que: Comment est-ce qu'on peut être légitimé quand on choisit le deuxième ou le troisième sur la liste, alors qu'on a éliminé le premier tout simplement parce qu'il n'a pas eu la majorité absolue?

Le Président (M. Ouimet): M. Champagne, très rapidement.

M. Champagne (Jean-Paul): Voici, madame. Je pense que celui qui a la majorité, premièrement, il passe facilement, mais, s'il ne l'a pas, il y a un...

Mme Houda-Pepin: Du premier tour?

M. Champagne (Jean-Paul): Du premier tour, oui, c'est ça. S'il a la majorité, il passe. Maintenant, s'il ne l'a pas, on s'en va piger dans les autres, et, à ce moment-là, on regarde ce que ça donne, on les additionne, et je pense que c'est là qu'on respecte davantage la démocratie, et ces votes-là comptent quand même. Si, même, vous avez...

Le Président (M. Ouimet): Écoutez, malheureusement, je...

M. Brassard (Jacques): C'est une amélioration. Juste, juste... C'est une amélioration de la représentativité, mais c'est évident qu'un député qui se fait élire du premier coup avec 53 % des voix, c'est sûr qu'il a une légitimité très, très forte, peut-être un peu plus que celui qui s'est fait élire avec 44 % des voix plus, après, des voix qui se sont ajoutées qui étaient le deuxième choix d'un certain nombre d'électeurs. C'est sûr qu'elle est plus faible, un peu, mais meilleure qu'actuellement.

Le Président (M. Ouimet): Alors, on a débordé l'enveloppe. Malheureusement, je dois mettre un terme à cet échange fort intéressant. Au-delà du contenu de vos propos, on ressent très bien votre passion et votre enthousiasme qui vous animent. Alors, on vous en remercie. Merci infiniment.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

 

(Reprise à 11 h 41)

Le Président (M. Simard): Je sais que les anciens députés auraient envie de rester ici encore une année ou deux. Jacques, tu as été ici pendant 25 ans, tu peux laisser la place aux autres.

Des voix: ...

Le Président (M. Simard): S'il vous plaît! Il faudrait un marteau.

Des voix: ...

Le Président (M. Simard): Est-ce que M. Brassard peut quitter sa place, s'il vous plaît?

...la venue de nos ex-collègues parlementaires d'expérience suscitait beaucoup d'intérêt, mais il nous faut revenir à nos travaux.

Alors, notre prochain invité en commission ce matin est M. Philippe Nguene-Nguene, et je l'invite à prendre place. Voilà, je vous vois. Assoyez-vous, monsieur. Et vous connaissez nos règles, vous avez 20 minutes... pardon, 15 minutes pour nous présenter... Pardon?

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Au total 15 minutes. Alors, nous vous écoutons.

M. Philippe Nguene-Nguene

M. Nguene-Nguene (Philippe): Je m'appelle Philippe Nguene-Nguene. J'interviens à titre personnel comme un citoyen qui s'intéresse à l'évolution de son pays et qui veut participer à l'amélioration de tout ce qui est politique dans son pays. Je vous remercie de m'avoir permis de venir ici aujourd'hui pour présenter ma modeste contribution au débat sur l'avant-projet de loi qui est proposé. J'ai fait l'effort d'essayer de lire les 119 pages de cet important document. Et si j'ai demandé à être entendu, c'est que je voudrais donner une petite opinion sur les points suivants: le mode de scrutin évidemment qui est lié peut-être au deuxième aussi, le nombre de députés à l'Assemblée nationale et la carte, la représentation des femmes, des autochtones et des Québécoises et Québécois issus de l'immigration à l'Assemblée nationale, l'élection à date fixe, le jour d'élection et puis le vote électronique. Ce sont les points pour lesquels je donnerai ma petite vision.

En ce qui concerne le mode de scrutin, il y a lieu de constater que les mots, les trois mots de «majoritaire à un tour ou à deux tours», «mixte» et «proportionnel» sont des modes de scrutin qui sont pratiqués dans le monde et que tous les analystes ont là matière à réflexion parce que, du point de vue pratique, ce sont des modes de scrutin qui ne sont pas nouveaux, qui existent avec leurs avantages et leurs inconvénients. Et j'aimerais revenir un peu sur quelque chose de...

Le mode de scrutin majoritaire à un tour, il y a des gens qui ont pensé par exemple qu'en ajoutant un deuxième tour, on viendrait régler tous les problèmes du mode de scrutin majoritaire à un tour. Mais, hélas, une expérience encore récente, en 2002 par exemple, à l'élection présidentielle en France, on a vu, je suis persuadé que le président élu n'aurait jamais eu 82 % s'il avait eu un adversaire différent de celui qu'il a eu.

Alors, moi, quand je regarde ça, je me dis: Est-ce qu'il vaut vraiment la peine de changer, de façon fondamentale, le mode de scrutin ou alors est-ce qu'il ne faut pas améliorer tout simplement le mode que nous avons pour qu'il corresponde à plus de justice? Quand je réfléchissais là-dessus, la question qui m'est venue à l'idée, je me suis dit: Quelles que soient les distorsions de tous les modes de scrutin, si nous réussirons à assurer que le résultat du vote représente réellement la volonté de l'électeur, on aura résolu pas mal de problèmes: problème de légitimation du vote, etc.

Le scrutin actuel comme tous les autres scrutins, même celui qui est proposé dans l'avant-projet de loi, sont des scrutins pluralitaires comme on appelle, c'est-à-dire que, compte tenu de la pluralité des candidatures, l'électeur ne peut voter que pour un seul. Ce système a pour effet en premier lieu de polariser l'opinion en deux temps opposés constitués généralement par les deux partis politiques les plus populaires, forcer une grande partie des électeurs à voter utile au lieu de voter pour leurs préférences réelles, favoriser une campagne négative axée sur la critique de l'adversaire principal au lieu d'encourager une campagne constructive qui aurait vraiment pour but l'intérêt public, empêcher les candidats des partis émergents et les candidats indépendants d'arriver en première place, même s'ils représentent un choix préféré d'une majorité d'électeurs, forcer une unité de façade, car une multiplicité de candidats issus d'un même parti offrant un choix réel aux électeurs assurerait la victoire du camp opposé, etc.

Pour ma part, je pense qu'il serait intéressant de garder un mode de scrutin majoritaire à un tour mais avec une amélioration. Cette amélioration, c'est ce que j'appelle une variante du vote par assentiment. Pour chaque candidat, l'électeur aurait quatre choix qui lui permettraient d'exprimer ses coups de coeur ou ses coups de gueule au sujet de chacun des candidats: un, on peut voter pour si on supporte le candidat; on peut voter contre si on ne l'aime pas; on peut voter ni pour ni contre si le candidat laisse indifférent; et enfin on peut voter blanc si on ne sait pas pourquoi voter, pour quel candidat voter. Ainsi, pour un vote pour, il va compter plus un; pour un vote contre, moins un; et pour les deux autres, zéro. Avec la différence, on peut savoir si tel ou tel candidat est bien connu de l'ensemble des électeurs en comptant le nombre de votes blancs. Le vainqueur serait un candidat qui serait supporté par une grande majorité d'électeurs sans être détesté par trop d'électeurs.

Un tel système aurait l'avantage de permettre à l'électeur de s'exprimer pleinement au lieu de voter utile. Il pourrait voter pour deux candidats contre un troisième. Parce qu'il y a des gens parfois, on voit à l'élection... moi, j'ai une candidate que je veux voter, mais j'ai un candidat que je ne veux pas voter du tout. J'aimerais lui donner moins un, même si je donne plus un au candidat que je supporte, pour diminuer ses chances.

Ce système est simple à mettre en place, d'abord parce qu'il ne change pas beaucoup. Nous gardons le même système majoritaire à un tour, mais on y ajoute une procédure, et il est facile aussi à expliquer à l'électeur. Parce que ce qui embête quelquefois quand on veut changer un mode de scrutin, on complexifie tellement la chose que l'électeur va s'embrouiller. Ce système-là, il est assez simple. En outre, je pense qu'il peut s'avérer très efficace. Je ne suis pas entré dans les études des autres systèmes, etc., mais je voulais apporter cette proposition-là.

n(11 h 50)n

Bon. Maintenant, pour les autres points où j'avais un petit avis à donner, pour le nombre de députés à l'Assemblée nationale. Bien, avant de me prononcer sur l'augmentation ou pas du nombre de députés, j'aimerais examiner deux petites choses: la grandeur de la population qu'un député peut raisonnablement représenter et la différence arithmétique entre les circonscriptions.

Actuellement, un député représente en moyenne, ça peut être un peu plus ou un peu moins, 50 000 habitants, ce qui me semble encore énorme. Puis on devrait faire un effort pour diminuer ce nombre. On devrait également tendre vers une égalité de circonscriptions en nombre d'habitants, mais il me semble difficile de fusionner certaines circonscriptions, surtout pour des régions où les préoccupations sont parfois très différentes. Je pencherais donc pour une augmentation du nombre de députés. On pourrait, par exemple, proposition concrète, passer de 125 à 175 députés dans un premier temps, c'est-à-dire à peu près un député pour 40 000 habitants environ ? c'est encore un peu beaucoup pour une représentation ? ce nombre et la carte électorale devant être révisés périodiquement et au fur et à mesure que la population change de façon significative.

Le troisième point sur lequel je veux donner un petit avis, c'est la représentation des femmes, des autochtones et des Québécoises et Québécois issus de l'immigration. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition des mesures financières tendant à inciter les partis politiques à les encourager à présenter plus de femmes, d'autochtones et de néo-Québécois, mais je pense que ces mesures devraient s'appliquer pour le nombre d'élus dans ce groupe et non pour le nombre de candidats présentés. Ceci conduirait peut-être les partis à présenter des membres de ces groupes dans des comtés généralement reconnus comme gagnants.

Quatrièmement, en ce qui concerne l'élection à date fixe, à mon avis, la loi devrait tout simplement obliger le parti au pouvoir à déclencher des élections au plus tard trois mois après la fin de son mandat de quatre ans. La date d'élection, il me semble que le dimanche est une journée convenable pour la majorité des citoyens.

Et, six, le vote électronique. Je pense que le vote électronique peut être efficace, mais je constate qu'une bonne partie de la population le juge encore moins transparent et en a de moins en moins confiance. Comme il est très important que l'électeur ait confiance en tout le processus électoral pour qu'il soit légitime, je préconise la prudence.

Voilà, mesdames et messieurs, quelques idées que je voulais soumettre à la prestation de votre auguste et importante commission. Je vous remercie de m'avoir reçu.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. Nguene-Nguene. Comme il ne reste que cinq minutes au temps que nous avons à consacrer à cette présentation, j'invite donc en premier lieu la partie ministérielle à poser peut-être une première question ou faire un commentaire. Je n'ai pas d'avis, d'intention d'intervention. M. le député de Masson.

M. Thériault: Bonjour, monsieur. Une question que je pose systématiquement à tout le monde, question d'établir une courbe statistique: Un changement aussi fondamental que celui de changer les règles démocratiques de notre société, notamment par le fait de voter autrement, est-ce que vous seriez en faveur ou est-ce que vous trouvez nécessaire que cela se fasse par plébiscite, que, par exemple, lors de la prochaine élection générale, on puise faire en sorte que les gens se prononcent sur l'issu de cette consultation que nous entreprenons par un vote oui ou non? On veut un changement de mode de scrutin, et, si c'était votre modèle qui était retenu, est-ce que vous êtes pour ou contre ce modèle, est-ce que vous pensez que cela est nécessaire?

M. Nguene-Nguene (Philippe): Tout à fait.

M. Thériault: Merci.

Le Président (M. Simard): D'autres interventions? Oui, monsieur...

M. Acharid (Mustapha): Merci beaucoup pour votre intervention, c'était vraiment très éducatif. Vous demandez d'augmenter le nombre de députés et vous savez bien que les finances d'un gouvernement... et les citoyens disent que déjà il y a trop de gaspillage. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Nguene-Nguene (Philippe): Je pense effectivement qu'il faut... moi, j'ai dit 175, mais je pense effectivement que, si cette mesure peut être prise, elle doit être faite de façon progressive. C'est pour ça que j'ai été très prudent dans la mise en oeuvre parce que je sais que ça coûte quelque chose, et c'est pour ça que je dis qu'elle doit être progressive; mais nécessairement ça demande une étude pour voir. Je veux attirer tout simplement l'intention qu'un député, quand il représente... il y a une différence totale entre un député qui représente 10 personnes, il est facilement à leur écoute, et un député qui représente 1 000 000 de personnes, s'il veut attirer l'attention. Mais maintenant pour la mise en pratique, je pense qu'il faudrait regarder les finances publiques, il faudrait regarder comment ça coûte, mais je pense qu'il faut attirer l'attention des gens là-dessus. Il faudrait aller vers une représentation plus efficace à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Simard): Merci, M. Acharid. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre effort de réflexion que vous partagez avec nous. Dans l'avant-projet de loi, il est proposé un certain nombre de mesures incitatives pour favoriser le recrutement et l'élection des groupes qui sont sous-représentés à l'Assemblée nationale, notamment les femmes et les Québécois issus des minorités. Est-ce que vous êtes favorable à cette démarche? Est-ce que vous êtes favorable à des mesures incitatives, notamment à des mesures fiscales qui sont octroyées aux partis politiques pour favoriser cette représentation?

M. Nguene-Nguene (Philippe): Oui, et j'ai dit que j'étais très favorable à cela. Je suis favorable à cela, sauf que, bon, dans la mise en oeuvre, maintenant dans la pratique, je dirais, que j'ai lu quelque chose quelque part, je pense, qu'on donnait... ces mesures s'appliquaient... bien, compte tenu du nombre de candidats proposés par... je dis non, les candidats élus parce que ça forcerait les partis à travailler beaucoup plus davantage pour intégrer plus de femmes, pour intégrer... Mais je suis d'accord avec la mesure, ça c'est clair.

Le Président (M. Simard): D'autres questions? Sinon, M. Nguene-Nguene, je vais vous remercier pour votre participation. Ça a été très apprécié de la commission. Et j'invite maintenant, pour vous succéder tout de suite, M. André Jacob.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard): Alors, M. Jacob, vous le savez, nous disposons de 15 minutes avec vous. Alors, nous vous écoutons.

M. André Jacob

M. Jacob (André): D'accord. Je veux remercier d'abord les membres de la commission d'accueillir mon rapport. Et si je n'avais que quelques minutes pour formuler ma position principale, je dirais d'abord qu'il est absolument fondamental de créer les conditions nécessaires pour qu'ait lieu un véritable débat de société élargi sur la réforme électorale. Un tel processus devrait déboucher sur un plébiscite qui permettrait à tous les électeurs et les électrices de se prononcer en votant sur une question aussi lourde de conséquences pour la participation démocratique. La réforme électorale n'est pas l'affaire d'un parti, d'un seul parti, fût-il majoritaire à l'Assemblée nationale, mais de tous les citoyens et de toutes les citoyennes. Deuxièmement, j'aimerais soulever des questions quant à la position présentée comme une ouverture au vote des gens que l'on identifie comme les minorités ethno-culturelles. Troisièmement, j'aimerais soulever quelques questions relatives au mode de scrutin proposé.

Premièrement, je pose la question de la pertinence et de la nécessité d'un débat public élargi sur le projet de réforme: Pourquoi est-il si essentiel de permettre un véritable débat de société et l'expression démocratique de tous les citoyens et de toutes les citoyennes? Tout simplement pour appliquer rigoureusement le principe que, dans un société démocratique, chaque vote compte vraiment. Dans la conjoncture actuelle, beaucoup de citoyens et de citoyennes ont perdu confiance dans les institutions démocratiques, dans les partis politiques et dans les politiciens et les politiciennes.

À ce chapitre, on pourrait tirer plusieurs exemples et des leçons pratiques de la récente élection fédérale. Par exemple, on peut soulever la question du sens du vote à partir d'une question comme celle-ci: Quel est le message cynique et, j'ose dire, sinistre que les électeurs et les électrices du comté de Portneuf ont voulu transmettre en élisant un animateur de radio parce qu'il est bien connu pour ses opinions à caractère démagogique et ses préjugés contre les politiciens et les politiciennes? Il y a l'expression là d'une désillusion profonde, voire du mépris des élus et des élues.

Une opinion populaire fort répandue fait état de nombreux préjugés négatifs à l'égard des représentants et des représentantes du peuple. La liste est longue, et ce malaise profond se traduit par une désintéressement de plus en plus marqué du processus électoral. Le diagnostic de la sagesse populaire n'est pas nécessairement toujours juste, mais il reflète quand même le déficit démocratique et le sentiment d'impuissance d'un grand nombre d'électeurs et d'électrices qui ne croient plus que leur vote a une valeur ou, en d'autres mots, qu'il compte vraiment.

n(12 heures)n

Ceci dit, je ne crois pas que le système compensatoire mixte offre une solution conforme au desiderata de la population du Québec. Je ne crois pas que les petits partis et toutes les options politiques seront reconnus à leur juste valeur par ce mode électoral. Le pluralisme ne sera pas vraiment respecté, et le remède imposé risque de créer un malaise plus grave encore que le mal qu'il prétend guérir.

Pourquoi? Tout simplement parce que réduire à 77 le nombre de circonscriptions avec des députés élus pour laisser plus d'espace aux députés nommés selon des listes déterminées par les partis à partir de la formule mathématique proposée me semble une illusion. Les électeurs et les électrices auront l'impression, avec raison, que leur vote ne comptera pas pour la nomination ou la désignation du tiers des élus. Le problème est d'autant plus sérieux qu'il permettra à un candidat ou une candidate qui a été défait ou défaite de se faire nommer par son parti. Advenant un tel cas, les électeurs et les électrices croiront avoir été floués, puisque la personne rejetée par les urnes pourra quand même se retrouver députée, voire ministre, sans avoir été élue. Que devrais-je penser par exemple si un ministre défait par la voie des urnes entre à l'Assemblée nationale par nomination de liste? Je verrais le sens de mon vote trahi.

Il est important que les petits partis soient représentés, mais de quelle façon? Est-ce que le système mixte compensatoire offre la meilleure garantie de cette représentation adéquate et juste? Il faut peut-être envisager un débat qui explore à fond toutes les hypothèses: le scrutin majoritaire à un tour, la représentation proportionnelle, et pourquoi ne pas mettre sur la table l'hypothèse d'élection à deux tours? Un tel processus électoral permettrait aux candidats et aux candidates qui obtiennent plus de 50 % des votes d'être élus au premier tour. Les petits partis qui reçoivent 5 % des votes pourraient avoir une représentation proportionnelle. Ceux et celles qui ne peuvent franchir le premier tour devraient négocier le report de votes des autres partis vers le candidat ou la candidate susceptible de faire consensus pour réussir à avoir le plus de chances d'être élu. Dans une telle situation, les petits partis ont justement le pouvoir de négocier entre eux qui peut les représenter à l'Assemblée nationale, ce qui est extrêmement important pour qu'ils puissent exprimer leur point de vue.

Un débat public permettrait d'aborder aussi la question du financement des petits partis qui recueillent un pourcentage de votes significatif, par exemple 5 % des votes. Il faut questionner aussi la mécanique du vote proposé. Est-ce que le vote par correspondance, par exemple, en garantit le caractère confidentiel et, je dirais, sacré? Quelles seront les mesures prises pour limiter les fraudes? Comment assurer le contrôle de l'identité des électeurs et des électrices d'une façon sécuritaire? Et, pour votre information, il y a un article très intéressant dans Le Devoir de ce matin sur cette question-là des électeurs qui se sont fait avoir par le vote par correspondance aux dernières élections fédérales.

De quelle façon aussi va-t-on garantir que le rituel, entre guillemets, du vote exercé en public soit protégé? Il s'agit là d'un acquis historique conquis de haute lutte qu'il faut absolument sauvegarder pour redonner confiance à l'électorat. En résumé, le projet de réforme doit faire l'objet d'un débat public ouvert.

Dans un deuxième temps, je questionne l'enjeu du vote des citoyens et citoyennes que l'on dit appartenir aux minorités ethnoculturelles. Et là je parle plutôt comme spécialiste de la question de l'immigration, j'ai travaillé 25 ans en immigration. D'entrée de jeu, je souligne que je suis tout à fait d'accord pour qu'un plus grand nombre de citoyens et citoyennes de diverses ascendances ethniques ou nationales participent à la vie démocratique des partis politiques.

Je soulève cependant quelques questions d'ordre pratique et politique: tout d'abord, mettre à peu près sur un même pied les femmes et les citoyens et citoyennes de diverses origines me paraît une association pour le moins étrange. Il s'agit de deux situations fort différentes. Je note aussi que le vocabulaire semble sortir directement du catéchisme du multiculturalisme du gouvernement fédéral, lequel ne tient pas du tout compte de l'évolution du Québec sur cet enjeu majeur au plan de la construction de la démocratie.

Depuis la fin des années soixante-dix, le Québec a évolué d'une façon remarquable sur la question de la participation à la vie sociale, politique, économique et culturelle des Québécois et Québécoises de diverses origines. Depuis le document fondateur sur cette question, Autant de façons d'être Québécois et Québécoise, en 1981, le discours, les politiques et les programmes ont évolué d'une façon très différente au Québec, si on compare au reste du Canada. Juste à titre de rappel, au Québec, on parle depuis longtemps d'intégration et de participation civique dans une perspective de convergence et non de réduction ? si on me permet cette anicroche au langage ? des citoyens et citoyennes de diverses ascendances au statut de minoritaires.

La notion de «minorité» est un concept réducteur basé sur la conception que le fait d'avoir une couleur, un nom de famille, un pays de naissance et une religion et d'autres caractéristiques différentes de celle de la majorité englobe les gens dans une sorte de bloc monolithique. Une telle approche ne repose sur aucun fondement théorique et pratique qui tient la route. Construire une société démocratique implique la reconnaissance de chaque personne comme un citoyen ou une citoyenne à part entière, peu importent son origine ethnique ou nationale, la couleur de sa peau, sa religion, sa langue maternelle. Cette perspective s'inscrit dans l'esprit et la lettre de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et dans la tradition démocratique du Québec contemporain, et maintenir des citoyens et des citoyennes dans un statut de minoritaires me semble une orientation périlleuse pour la démocratie. Les événements récents survenus en France au cours des derniers mois ont de quoi faire réfléchir à ce sujet. J'ajoute que la mécanique d'attribution d'une sorte de bonus au recrutement de candidats ou de candidates de diverses origines ne va pas corriger la sous-représentation de ces citoyens et de ces citoyennes dans les instances politiques. Pourquoi? Parce que le problème n'est pas là où on pense.

Il faudrait aussi une réforme en profondeur du mode de scrutin à d'autres niveaux, par exemple au niveau municipal, le premier espace démocratique accessible aux citoyens et aux citoyennes. C'est à ce niveau que l'on retrouve le plus de femmes et de citoyens et de citoyennes de diverses origines qui participent à la vie politique. Actuellement, le cadre des élections municipales...

Le Président (M. Simard): C'est la dernière minute, M. Jacob.

M. Jacob (André): Dernière minute? Bon. Alors, je laisse plusieurs questions en suspens.

Il faut aussi questionner de quelle façon ce principe-là va être appliqué, c'est-à-dire la façon d'identifier les individus appartenant à un groupe minoritaire. Est-ce le nom de famille? Est-ce sa carte d'identité? Est-ce la date de son entrée au pays ou d'autres caractéristiques? Comment va-t-on solutionner le problème de la connaissance du français comme langue dominante, étant donné que plusieurs citoyens et citoyennes de diverses origines ne maîtrisent pas la langue de la majorité? Comment va-t-on résoudre le problème de la représentation et de la concentration des citoyens et citoyennes issus de l'immigration qui vivent à Montréal ? environ 88 % ? et dans la région par rapport aux autres régions? En outre, est-ce qu'on va considérer les citoyens et les citoyennes du Québec qui ont la citoyenneté canadienne depuis 50 ans, mais qui ont un nom différent de Tremblay ou de Thibault, comme des gens appartenant à une minorité? Comme le disent bon nombre de citoyens et de citoyennes de diverses origines, pendant combien d'années va-t-on toujours nous considérer comme des immigrants? Et, finalement, il y a aussi le discours des partis politiques là-dessus qu'il faudrait réviser, et je passe là-dessus.

Le Président (M. Simard): ...de mettre fin à votre intervention là-dessus...

M. Jacob (André): Alors, bien, je conclus en vous remerciant et en réitérant mon désir d'avoir un débat de société ouvert et un plébiscite qui permettrait à tous les citoyens et à toutes les citoyennes d'exprimer leur vote de façon concrète.

Le Président (M. Simard): Alors, j'invite... D'abord, du comité des citoyens, M. Morisset m'a fait signe en premier; ensuite, ce sera Mme la députée de La Pinière, M. le député de Masson et M. Boivin, si on a le temps.

M. Morisset (Michel): Alors, je vous remercie. Bonjour. Je suis très heureux de votre mémoire, et je dirais en cela que mes confrères, là, ici, consoeurs se souviennent de mes propos justement, hier soir, qui abondent dans votre sens pour éviter un éclatement de société. Il faudrait plutôt parler et s'assurer que, dans le nouveau projet de loi, justement, on ne sectarise pas les personnes et on parle plutôt de s'assurer qu'il y ait une communauté de droit et non des droits aux communautés comme telles. Alors, c'était simplement cette observation. Je vous remercie beaucoup et je vous souhaite une bonne journée.

Le Président (M. Simard): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Jacob, merci pour la présentation de votre mémoire. Je vois que vous appuyez beaucoup sur les questions de la sémantique, les concepts. C'est votre déformation, je pense, d'académicien qui vous amène là, mais c'est toujours utile pour nous d'avoir un éclairage de cette nature. Je ne pense pas que l'esprit de la loi va dans le sens que vous avez exprimé à l'effet qu'on retourne à des concepts anciens du multiculturalisme. Je pense que le Québec a évolué, vous avez raison, vers des concepts d'interculturalisme et d'intégration, parce que nous sommes une société d'intégration.

n(12 h 10)n

J'ai quand même retenu... Bon, je ne rentrerai pas avec vous sur le débat sémantique sur les minorités, parce qu'il y a un autre côté à la médaille. Il y en a qui disent qu'en utilisant le terme «minorité», on s'assure qu'on a accès à des droits, puisque les minorités, juridiquement, sont reconnues. Mais je ferme la parenthèse là-dessus.

Vous avez fait allusion à la France pour dire, bon: Il ne faut pas aller dans cette direction. Vous avez raison, sauf que je précise que le Québec, tout comme le Canada, ce n'est pas la France. La France n'a jamais eu de politique d'immigration comme telle, elle a eu une politique de main-d'oeuvre. Ses agents recruteurs sont allés en Afrique chercher des hommes ? des hommes ? de 18 à 30 ans en bonne santé pour tourner les boulons dans les usines françaises. Ils se sont ramassés avec des problèmes par après, avec la deuxième génération et ce qu'on connaît. Le Québec a une politique d'immigration, le Canada aussi, qui sélection les gens parce qu'on les souhaite, parce qu'on veut qu'ils s'intègrent, parce qu'on veut qu'ils participent. C'est deux mondes complètement différents.

Vous avez quand même posé des questions. Par exemple: Comment est-ce qu'on va recruter des candidats issus des minorités? La question de la langue, quoique, là-dessus, je ne suis pas d'accord avec vous. Il y a un bassin de francophones au Québec qui est assez significatif. Je suis devant vous, hein, je suis devant vous. Donc, il y a un bassin de francophones qui est très important. Ce n'est pas nécessairement là la question.

On cherche à refléter le pluralisme, ce qui ne veut pas dire le pluralisme ethnique et confessionnel, etc., pas parce qu'on veut que des communautés représentent leur communauté à l'Assemblée nationale, il n'y a personne qui pense ça. Les gens vont se faire élire. Leur légitimité, ça va être celle que les électeurs vont leur donner, et ils vont représenter l'ensemble des citoyens. Je vous rappelle que cette Assemblée a élu, en 1830, le premier député juif dans le monde du Commonwealth, le monde britannique, c'est-à-dire on est vraiment à l'avant-garde, là. On n'a pas attendu le mode proportionnel. Ça démontre l'ouverture.

Donc, je pense que, sur cette question-là, vous posez des questions importantes, mais il faudrait apporter des nuances. Et ce que nous essayons de faire, c'est de refléter les groupes qui sont sous-représentés dans la société, notamment les femmes qui, bien qu'elles constituent 52 %...

Le Président (M. Simard): Je suis obligé de vous interrompre parce que c'est la fin.

Mme Houda-Pepin: ...de m'interrompre... qui sont encore sous-représentées, de la même... même chose que pour les communautés culturelles. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je sais qu'il faut faire en très, très peu de temps et il va falloir peut-être améliorer notre discipline là-dessus, mais c'est tout à fait normal.

M. Jacob, au nom de la commission, je vous remercie de votre intervention extrêmement intéressante et qui, même si nous avons peu de temps, vous avez vu, a suscité beaucoup d'intérêt.

Alors, je demande maintenant à notre prochain invité, qui est monsieur... pardon, les représentants de Solidarité rurale du Québec, M. Cherkaoui Ferdous et M. Jean-Pierre Fournier, à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard): Alors, je rappelle que les représentants de Solidarité rurale ont une demi-heure. Nous avons donc une demi-heure. Alors, leur présentation sera d'une dizaine de minutes, enfin c'est ce que nous souhaitons, et ensuite, les représentants des différentes composantes de la commission pourront les interroger.

Solidarité rurale du Québec

M. Fournier (Jean-Pierre): Je me présente. Jean-Pierre Fournier, vice-président de Solidarité rurale du Québec. Alors, je suis accompagné du secrétaire général, M. Cherkaoui Ferdous. Alors, vous remarquerez aussi l'absence de M. Proulx, qui est le président de l'organisme. Alors, il est dans un autre pays que le nôtre présentement.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés de l'Assemblée nationale, chers citoyennes et citoyens, Solidarité rurale du Québec se réjouit de la démarche du gouvernement pour une réforme de la Loi électorale, démarche qui propose une réflexion collective sur le sens à donner à la notion de représentation dans une société démocratique. Celle-ci, dont l'assise fondamentale est la souveraineté du peuple, doit s'assurer que les représentants qu'elle désigne soient investis d'une plus grande légitimité et que les institutions représentatives soient en mesure de transposer plus fidèlement la volonté du peuple.

Notre coalition a pour mission la revitalisation et le développement du monde rural, de ses villages et de ses communautés, de manière à renverser le mouvement de déclin et de déstructuration des campagnes québécoises. Nous sommes donc heureux de participer aux auditions de la Commission spéciale sur la Loi électorale, afin de présenter nos propositions à l'égard de la réforme du mode de scrutin contenu dans l'avant-projet de loi. Nous saluons la constitution du comité citoyen ainsi que la mise en place d'une tournée régionale que la commission entreprendra prochainement, afin de faciliter la participation de tous les milieux et de toutes les régions.

Solidarité rurale du Québec présente sa position qui se veut une contribution au débat en s'appuyant sur les valeurs démocratiques qui l'animent et sur une approche du développement qui vise une meilleure occupation des territoires. Notre coalition intervient aussi en raison de son action militante pour une reconnaissance du Québec des régions composées d'un territoire rural pour la sauvegarde duquel nous devons tous agir, et ce, pour le développement et la vitalité de l'ensemble du Québec.

Le monde rural est une composante importante de la société québécoise. Il doit être appréhendé en fonction de ce qu'il représente mais aussi en fonction de la dynamique rurale urbaine, qui marque l'évolution de l'ensemble de la société globale. L'espace rural possède des particularités qui le définissent et qui en font un milieu de vie différent mais complémentaire du milieu urbain en raison de ce rapport qu'ils entretiennent.

Malgré cette influence urbaine, la ruralité québécoise a su conserver ses traits distinctifs qui en font un milieu de vie où, comme l'a déjà exprimé notre président, M. Jacques Proulx, le temps et l'espace passent autrement. Le monde rural est composé de vastes territoires où la densité de la population est relativement faible, ce qui donne lieu à une formation de petites collectivités solidement ancrées dans l'espace qu'elles occupent et bien identifiées aux territoires. Ces territoires ruraux présentent des visages variés et différenciés en regard de la culture qui s'y exprime, de l'économie qui s'y développe et des rapports que la population entretient avec l'espace.

Le monde rural d'aujourd'hui fait face à des défis vitaux pour son avenir, défi que le Québec tout entier doit relever afin de contribuer à un développement plus harmonieux. Ces défis touchent notamment au phénomène de la concentration urbaine, à la mondialisation des échanges et à la décroissance démographique. Le Québec rural, qui s'étend sur 78 % du territoire habité où vit 22 % de la population québécoise, voit la question démographique se poser avec une grande acuité. En effet, entre 1991 et 2001, la population des communautés rurales a crû dans l'ensemble du Québec deux fois moins rapidement que la population des agglomérations urbaines. De plus, pour la même période, la population rurale a diminué dans six des 17 régions du Québec. Mais au-delà de ces statistiques, à Solidarité rurale, nous savons combien la ruralité est complexe et en transformation pour la réduire à des chiffres. En particulier, des recherches récentes lèvent le mythe de l'exode des jeunes et d'autres démontrent combien les phénomènes de la migration et de la néoruralité transforment les dynamiques dans les territoires ruraux qualitativement et quantitativement.

Les régions rurales sont donc confrontées à des réalités et à des problématiques particulières qui doivent trouver des échos dans les grandes politiques nationales décidées par le gouvernement du Québec. On n'a qu'à penser aux politiques de développement économique, à la stratégie énergétique, à l'exploitation des ressources naturelles, au développement durable, aux politiques relatives à la démographie et à l'immigration. Conséquemment, il apparaît fort important que les réalités territoriales soient adéquatement et justement représentées au sein des institutions parlementaires nationales afin de s'assurer que ces réalités soient bien comprises.

Solidarité rurale du Québec adhère à la nécessité d'une réforme du mode de scrutin. Bien qu'il y ait actuellement 125 circonscriptions territoriales susceptibles de bien servir la représentation régionale, des distorsions sont trop importantes pour ne pas procéder à une réforme. En 2002, Solidarité rurale du Québec soutenait qu'un mode de scrutin mixte constituait un compromis acceptable.

L'un des avantages de notre mode de scrutin actuel au Québec réside dans le lien qu'il introduit entre l'électeur et son représentant à l'Assemblée nationale, celui-ci étant identifié à un territoire bien circonscrit. Le projet du gouvernement du Québec propose de nouvelles circonscriptions basées sur des territoires beaucoup plus étendus, puisque l'on passerait de 125 à 77 circonscriptions.

Si la réduction du nombre de circonscriptions amènera une certaine dilution de la représentation territoriale, le découpage électoral quant à lui sera déterminant pour l'équilibre de la représentation entre les territoires, particulièrement entre ceux qui sont densément peuplés et ceux qui le sont moins.

C'est pourquoi Solidarité rurale du Québec considère que le découpage à venir des 77 circonscriptions est un enjeu majeur dans cette réforme. Au-delà des critères démographiques, critère qui sera renforcé par la compensation, ce futur découpage doit viser le maintien de l'équilibre territorial préservant le poids respectif des territoires. Pour ce faire, le découpage doit tenir compte des territoires d'appartenance qui ont un sens pour les gens qui y vivent. À cet égard, la limitation de la marge de variation d'une circonscription à l'autre à 15 % s'avérerait contraignante pour la préservation de l'équilibre de représentation entre les territoires. S'il est fait uniquement sur une base de critère démographique, le découpage donnerait lieu à des aberrations avec des circonscriptions qui n'ont aucune réalité dans l'esprit des citoyens et qui n'encouragerait pas la participation.

n(12 h 20)n

À cet égard, Solidarité rurale du Québec croit que le découpage territorial devrait le plus possible s'aligner en fonction des MRC, une, deux ou trois, parce que ces dernières correspondent à un territoire d'appartenance et d'identification et constituent un élément de la gouvernance locale. Ce faisant, un tel découpage prendrait en considération le contexte des rapports repensés entre l'État et les collectivités locales et s'inscrirait de façon cohérente dans la démarche actuelle de décentralisation entreprise par le gouvernement du Québec. Tout cela est sujet à amener une meilleure identification aux territoires et à encourager une plus grande participation des citoyens. De cette façon on peut se permettre d'avoir moins de circonscriptions tout en assurant une représentation adéquate et juste des territoires.

Par ailleurs, l'avant-projet de loi propose deux niveaux de représentation territoriale: celui des circonscriptions et celui des districts où les députés seraient élus selon une formule de compensation. Malgré les apparences, le découpage électoral en districts n'est pas de nature à répondre à une représentation territoriale efficiente. En effet, l'étendue de tels districts, chacun incluant trois circonscriptions en général, n'aurait que peu d'encrage territorial et instaurera un double niveau de représentation à l'échelle des territoires en ajoutant une deuxième catégorie de députés. Solidarité rurale du Québec n'est pas favorable à ce double découpage et privilégie une seule et même représentation territoriale au niveau des circonscriptions.

La compensation proposée dans l'avant-projet de loi, appliquée à l'échelle des districts, diminue de l'avis de plusieurs très faiblement la distorsion causée par le scrutin majoritaire. Elle risque même de produire des effets pervers qui pourraient contrecarrer les objectifs de compensation recherchés. En définitive, cela réduit considérablement l'effet de compensation, alors qu'un des buts de l'exercice est la recherche d'une compensation adéquate des distorsions causées par le scrutin majoritaire. De plus, la compensation à l'échelle des districts dilue la représentation territoriale parce que les districts s'étendent sur de plus grands territoires. Alors, l'avant-projet de loi propose la création de 24 à 27 districts. Ces districts comportent le double défaut d'être trop grands pour susciter une véritable identification territoriale et trop petits pour avoir un véritable effet compensatoire afin de réduire de façon significative les distorsions causées par le modèle majoritaire.

Si le but recherché avec le modèle mixte compensatoire est bien de compenser les distorsions causées par le mode de scrutin majoritaire, il semble que la compensation à l'échelle nationale serait plus à même de produire les effets attendus. Celle-ci assurerait une plus grande proportionnalité et contribuerait à rendre plus effective la représentation...

Le Président (M. Simard): Je dois vous demander de conclure maintenant, je m'excuse.

M. Fournier (Jean-Pierre): Bon, écoutez, en conclusion. Convaincus que le mode de scrutin doit être réformé, en ce sens la démarche entreprise par le gouvernement du Québec est louable, car il y a nécessité de corriger les distorsions du modèle actuel.

Solidarité rurale s'est donné comme objectif d'intervenir dans le débat sur la réforme de mode de scrutin en se basant sur les principes qui sont les siens, à savoir la revitalisation de la démocratie et le développement du Québec. Ces principes se reflètent à travers des mécanismes qui tentent à parvenir à une meilleure représentation populaire ou démographique, car une institution législative qui s'appuie sur la souveraineté du peuple doit être le plus possible le miroir de la nation. Ces principes se matérialisent...

Le Président (M. Simard): Je suis obligé maintenant d'arrêter aux principes, vous comprendrez bien, et j'invite immédiatement le ministre à nous faire part ses commentaires ou vous poser des questions.

M. Pelletier: Merci d'être ici, aujourd'hui. Merci de votre présentation. J'ai noté que vous étiez favorable à une compensation nationale. J'imagine que c'est pour permettre, je dirais, une plus grande représentation des idées à l'Assemblée nationale, mais en même temps vous défendez beaucoup les régions. Comment concilier donc la place des régions avec la compensation nationale?

M. Ferdous (Charkaoui): Bon, si vous permettez. Oui, effectivement, d'apparence, comme on le pourrait le percevoir, militer... Solidarité rurale pour une compensation plus nationale ne signifie pas forcément que l'intérêt des régions ne se retrouvait pas dans cette option-là. Ce qui est important dans la démarche de Solidarité rurale, c'est une démarche d'ensemble. D'abord, la représentation à l'échelle territoire doit se faire à un seul et même niveau, celui de la circonscription, qu'il soit découpé selon des réalités qui sont propres à la dynamique qui est la réalité culturelle et politique sur le terrain et qu'on adhère en fait à la réforme, dans le sens où le modèle qui sert maintenant de façon adéquate les territoires ne sert pas tout à fait la démocratie, puisqu'il y a définitivement des distorsions.

Pour corriger ces distorsions-là, et des experts qui se sont présentés devant vous l'ont démontré bien et le comment, c'est: la compensation avec une liste nationale permet une pleine et entière compensation lorsqu'on l'applique à l'échelle plus de districts, qui sont des ensembles territoriaux superficiels déterminés par, je veux dire... qui n'ont pas d'ancrage territorial, ne permettent pas d'atteindre l'objectif finalement de compensation.

Alors, nous, la position, c'est une position double: renforcer les circonscriptions qui reflètent une réalité territoriale et une pleine compensation nationale dans un souci démocratique.

Le Président (M. Simard): Alors, Mme la députée de La Pinière, du côté ministériel.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Fournier, M. Cherkaoui, merci pour votre mémoire. On dénote là la préoccupation de Solidarité rurale, puisqu'évidemment vous faites écho aux préoccupations des régions, mais aussi vous nous soulevez une question qui est celle de l'occupation du territoire en fin de compte, qui ne sera pas réglée par la Loi électorale mais par la réalité. Parce que, bon, vous l'avez dit ici, dans votre mémoire, à la page 9 ou à la page 5, où vous avez dénoté le déclin, enfin la perte de population en milieu rural entre 1991 et 2001.

Et vous nous invitez à maintenir un équilibre entre territorialité et population, parce qu'en fin de compte la Loi électorale repose sur le facteur démographique, un citoyen-un vote, mais en même temps on essaie justement de tenir compte de la réalité géographique du Québec, de cette disparité. On a même des exceptions justement pour répondre à cette réalité-là. Mais, vous, vous allez plus loin: vous voulez qu'on maintienne un équilibre entre la population et le territoire.

Connaissant la réalité de l'occupation du territoire du Québec, c'est-à-dire des villages qui se vident, comment est-ce qu'on peut façonner une loi qui va durer dans le temps, avec une réalité que vous nous soulevez aujourd'hui, qui est changeante?

M. Ferdous (Cherkaoui): Je pense que votre question aussi, on devrait la mettre dans un contexte où la ruralité n'est pas une réalité monolithique. Vous savez, dans les dernières élections municipales, si on voit un petit peu le taux de participation, il y a moins de variation d'une ville à l'autre, mais il y a une très grande variation d'un village à l'autre et d'une MRC à l'autre. Tout ça pour vous démontrer que la réalité rurale est beaucoup plus complexe et qu'on ne peut pas interpréter de façon simple et uniforme.

Dans la position de Solidarité rurale, c'est sûr que la diminution du nombre de circonscriptions, première lecture, on peut dire que les régions y perdent. Ils y perdraient de façon relative si le nombre de territoires ruraux faiblement peuplés se retrouvent... donc leur poids relatif se trouve affaibli.

Si, par contre, on maintient un équilibre territorial entre les régions densément peuplées, avec des réalités qui sont très complexes mais qui se ressemblent quand même, avec les territoires ruraux qui, eux, connaissent une grande diversité de réalités socioéconomiques et culturelles, alors c'est extrêmement important de maintenir, de viser un maintien de l'équilibre entre ces territoires-là, et non pas... ce n'est pas un calcul absolu, c'est un calcul relatif.

Cela étant, je me permettrai d'ajouter un élément. Dans la compensation, de notre point de vue, c'est assez clair que les gens qui vont être élus de la liste compensatoire doivent être issus d'abord des circonscriptions. Alors, il y avait une présentation d'ailleurs devant vous hier d'un expert, et on adhère parfaitement à cela: on voit mal deux catégories de députés; on voit très bien plutôt une compensation qui s'effectue sur la base des gens qui se présentent déjà dans les circonscriptions et qui ont déjà donc une base territoriale. Ça encourage de ce fait même la diversité politique à l'échelle du territoire québécois et non pas un pluralisme politique qui se limite aux confins des villes, mais plutôt une pluralité qui s'exprime sur l'ensemble du territoire.

M. Fournier (Jean-Pierre): Je rajouterais là-dessus, si vous permettez, de là toute l'importance du découpage des nouvelles circonscriptions, lorsqu'on va passer de 125 à 77. Alors, pour nous, c'est un élément central dans notre mémoire, le découpage des circonscriptions.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

n(12 h 30)n

Le Président (M. Simard): Bien, le temps est écoulé pour la partie ministérielle. J'invite le député de Masson à poser la prochaine question.

M. Thériault: Je ne suis pas certain si j'ai bien saisi ? bonjour, messieurs ? la dernière explication. Vous avez parlé du... Est-ce que vous privilégiez... Parce que vous faites une distribution nationale. J'ai cru comprendre, à ce moment-là, que vous privilégiiez la répartition des sièges compensatoires à l'échelle nationale parce que vous vouliez davantage de pluralisme politique à l'Assemblée, alors que votre dernière réponse me semble dire le contraire. Alors, j'ai un peu, j'ai un peu de problème, là.

M. Ferdous (Cherkaoui): La compensation se fait sur une base de liste nationale et non pas à l'échelle de district. Les députés qui vont être élus doivent être ceux qui se présentent dans les circonscriptions. Autrement dit, il n'y a pas une liste, le parti ne gère pas une liste de députés de compensation et une liste de députés de circonscription.

M. Thériault: Vous êtes pour un seul vote?

M. Ferdous (Cherkaoui): Un seul vote.

M. Thériault: Et la double candidature?

M. Ferdous (Cherkaoui): Tout à fait.

M. Thériault: Mais comment cela peut-il favoriser l'expression du pluralisme politique?

M. Ferdous (Cherkaoui): Le pluralisme politique dans le sens où une liste nationale permet une compensation pleine et entière, alors que, si on l'applique à l'échelle de district, l'effet de correction est moindre, et pluralisme politique dans le sens où il va s'étendre au-delà des villes pour concerner aussi les milieux moins densément peuplés.

M. Thériault: Mais ne considérez-vous pas qu'à partir du moment où il y a double candidature, ce sont les députés sortants qui vont avoir en quelque part une option un peu plus sérieuse sur les autres candidats, les grands partis? D'ailleurs, quand on voit un député sortant se faire battre, c'est toujours davantage une chaude lutte qu'un balayage dans sa circonscription, la plupart du temps, de sorte que ce que ça va créer, c'est que les députés sortants vont avoir préséance, et je pense que les grands partis vont avoir préséance.

M. Ferdous (Cherkaoui): Bien, écoutez, je pense que, de notre point de vue, le principe qui nous guide en la matière, c'est l'importance d'avoir une correction, une correction du mode actuel, et que, si on fait un mode mixte, un mode de scrutin mixte, il faut absolument que cette correction joue pleinement, à long terme. Deuxième élément, l'ancrage territorial, de notre point de vue, est fondamental comme critère, et, pour ce faire, il n'y a pas qu'une question de démographie.

M. Thériault: La Fédération québécoise des municipalités est venue nous dire, hier, que, quant à elle, la diminution des circonscriptions porterait atteinte à l'occupation dynamique du territoire, et en quelque part, à mots couverts, c'était comme s'ils nous disaient qu'ils préféraient le statu quo au modèle qui est sur la table, et qu'à ce titre-là même, eux, ils suggéraient, pour être bien... une augmentation du nombre de députés à l'Assemblée nationale. Je vois que vous n'avez pas été dans ce sens-là, alors que votre proposition aurait pu fortement aller dans ce sens-là, puisque, si vous privilégiez une représentation à partir d'un ancrage dans les MRC, il y en a 88 au Québec, vous auriez pu tout simplement dire: Bien, alors, il y a au moins 50 % des députés donc qui sont des attaches territoriales de circonscription, et les autres viennent s'ajouter autour des MRC, et vous auriez pu augmenter le nombre. Vous n'avez pas fait ce choix-là. Pourquoi?

M. Ferdous (Cherkaoui): Bien, écoutez, on a la même préoccupation. La FQM représente... On a la même préoccupation pour le monde rural, je pense, qu'on partage avec la FQM. Maintenant, dans notre mémoire, ce qu'on fait ressortir, c'est davantage l'enjeu du découpage électoral. Effectivement, les risques qui sont soulevés par la FQM sont tout à fait légitimes si le découpage électoral arrive à se baser avec préséance du critère démographique.

Vous savez, en passant de 125 à 77, on va probablement tomber dans des circonscriptions, dans un nombre qui s'approche au fédéral. Juste comme exemple, là, je donnais l'exemple de la circonscription Montmorency qui va jusqu'à la Haute-Côte-Nord. Ça commence dans les confins de Beauport pour se terminer à la limite de Baie-Comeau, avec une très forte concentration de la population évidemment dans le coin de Beauport. La même chose Maskinongé-Berthier, il y a un quartier de Trois-Rivières qui fait partie de ça, c'est tout Trois-Rivières-Ouest. Ça donne 80 % de la population qui sont dans un quartier, et définitivement, de notre point de vue, si on se base sur un critère démographique, le monde rural va se retrouver perdant dans cette dynamique-là. Il y a d'autres critères de réalité d'appartenance territoriale qui doivent jouer, et de notre point de vue finalement, c'est le poids relatif qu'il faut surveiller et non pas le poids absolu.

M. Fournier (Jean-Pierre): Juste pour rajouter, c'est que nous ne sommes pas en faveur du statu quo, mais comment modifier et améliorer les distorsions qu'il peut y avoir? Dans le fond, ce qu'on choisit, ce qu'on propose, c'est le moindre des deux. Il n'y a pas de système parfait, que ce soit dans les districts, ce n'est pas parfait, que ce soit au national, ça ne l'est pas. Mais ce qu'on considère, nous, c'est que, si c'est national, les listes, là, à ce moment-là, on considère que les distorsions sont moins grandes que si c'était par district.

Le Président (M. Simard): Voilà. J'invite maintenant M. Boivin à poser la prochaine question. Ah! Excusez-moi, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Vraiment, vous êtes d'une telle discrétion que je ne vous avais pas vu.

M. Picard: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être plus visible pour l'avenir.

Le Président (M. Simard): Mais je vous écoute toujours avec beaucoup d'attention.

M. Picard: Merci. Merci, messieurs, pour votre mémoire. Si je comprends bien, dans vos réflexions, vous proposez qu'il y ait un vote avec double candidature pour assurer une meilleure représentation des députés de liste. Mais est-ce que vous êtes conscients aussi que des perdants vont devenir des gagnants? Donc, vous allez aller à l'encontre de la volonté des gens d'une circonscription, en tout cas, là, d'un comté.

Est-ce qu'on ne pourrait pas atteindre le même but avec des listes nationales structurées, qui pourraient être structurées en fonction des régions pour s'assurer que tous les partis politiques indiquent un certain nombre de candidats sur listes qui proviennent de la Gaspésie, qui proviennent de la Côte-Nord? J'essaie de voir, parce que dans la population, un candidat qui n'a pas gagné, qui se retrouve gagnant par un système de compensation, dans la population, les gens vont dire: Il est là, mais on n'avait pas voté pour lui, même si, dans l'ensemble du district, il y a un pourcentage qui lui permet de gagner.

M. Fournier (Jean-Pierre): Ce que vous dites, c'est vrai aussi pour les tiers partis qu'on tente de faire émerger, et d'une façon eux aussi ils vont perdre, et, par la compensation nationale, il se pourrait qu'il y en ait deux ou trois qui soient nommés. Alors, à ce moment-là, c'est des perdants qui vont être nommés aussi.

M. Picard: Oui, mais le but de mon propos, ce ne sera pas des gens qui se sont affichés dans un comté puis qui n'ont pas été choisis. Ils vont apparaître sur des listes, ils vont faire campagne aussi, mais ce n'est pas le même lien quant à moi, là. Mais en tout cas je comprends votre explication.

Tantôt aussi vous avez parlé dans votre présentation des MRC. Pourriez-vous élaborer un peu plus là-dessus sur... Comment vous voyez... Est-ce que vous faites un découpage à partir des MRC? O.K.

M. Fournier (Jean-Pierre): Tout à fait. Dans le fond, nous, les territoires d'appartenance pour les citoyens, c'est les MRC.

M. Picard: Merci.

M. Ferdous (Cherkaoui): Puisque les régions, c'est des réalités davantage administratives que d'appartenance territoriale, de notre point de vue.

M. Picard: O.K. Mais selon vous, les citoyens se reconnaissent dans les MRC?

M. Ferdous (Cherkaoui): Davantage que dans les régions.

M. Picard: O.K. Mais moins que dans les comtés?

M. Ferdous (Cherkaoui): Bien, écoutez, on ne pas répondre de façon uniforme pour l'ensemble du Québec. Ce qui est important, c'est que la MRC représente, je pense, un découpage qui s'est basé sur des réalités à la fois géographiques, culturelles, de population, etc. Les régions, c'est plus un découpage qui est venu se superposer pour des raisons davantage administratives. Alors, de notre point de vue, c'est extrêmement important de se baser sur la MRC...

M. Fournier (Jean-Pierre): Et on le signifie dans notre mémoire en disant que, les citoyens, ils ne vivent pas dans une circonscription: ils vivent dans un village, dans une ville et dans une MRC. Alors, c'est très clair.

Le Président (M. Simard): Passons maintenant aux questions du comité citoyen, et cette fois-ci, à moins que je me sois trompé, c'est bien M. Boivin qui avait demandé la parole, là? C'est bien ça?

M. Boivin (Guillaume): Oui, c'est bien ça. Je croyais que M. le député Picard allait arriver sur la question de laquelle je voulais vous entretenir. Si je comprends bien, à l'heure actuelle les régions rurales ont une proportion x des députés sur 125. Ce que vous vouliez voir reproduit, c'est la même proportion x qui serait reproduite sur 77. Mais, si on ne prend pas des mesures comme il a été proposé par plusieurs intervenants visant à s'assurer l'insertion équitable de représentants des régions sur la liste nationale, à ce moment-là... O.K., mais c'est la raison même pour laquelle vous voulez que ce soient les députés. Alors, à ce moment-là, en posant la question...

M. Fournier (Jean-Pierre): ...

M. Boivin (Guillaume): Je suis désolé... j'en suis arrivé à la réponse. Je ne comprenais pas l'avantage de la mesure, mais... O.K. Je comprends mieux maintenant, oui.

Le Président (M. Simard): Mme Loucheur.

n(12 h 40)n

Mme Loucheur (Yohanna): En fait, je pense que je comprends la question de M. Boivin mieux que M. Boivin lui-même, parce que dans le fond, ce qu'il voulait savoir, c'est: Où, sur la liste, devraient être situés les candidats issus des circonscriptions rurales, parce qu'effectivement c'est ceux qui ne sont pas élus dans leur circonscription qui ont une chance sur la liste nationale. Encore faut-il, comme le faisait remarquer quelqu'un hier, qu'ils ne se retrouvent pas en position n° 29 sur la liste, parce qu'ils ont assez peu de chances d'obtenir un siège de liste à ce moment-là.

Donc, j'imagine que vous seriez d'accord avec les propositions qui ont été faites par d'autres que les candidats des régions se retrouvent en bonne place sur les listes nationales aussi pour avoir une chance d'être au Parlement et non pas d'être seulement sur la liste.

M. Fournier (Jean-Pierre): Tout à fait.

M. Ferdous (Cherkaoui): Mais nous, de notre point de vue, je pense que la compensation, c'est une façon de permettre à la fois aux minorités, aux femmes, mais aussi peut-être aux régions aussi de corriger des distorsions qui peuvent être introduites.

Mme Loucheur (Yohanna): Donc, vous êtes d'accord avec l'idée de listes structurées et d'imposer certaines contraintes quant à la constitution des listes?

M. Fournier (Jean-Pierre): Il reste que ça demeure une mécanique, ça raffine le processus. Nous, on n'a pas été aussi loin que ça, mais il demeure que ce serait dans le domaine du possible et acceptable aussi.

Mme Loucheur (Yohanna): Et... Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Simard): Très, très rapidement, une petite dernière seconde.

Mme Loucheur (Yohanna): Je me demandais simplement... On a beaucoup parlé des incitatifs financiers pour encourager les candidatures de femmes, les candidatures de gens issus des minorités. Je me demandais simplement si, d'un point de vue de régions, de monde rural, il y avait peut-être des dynamiques spécifiques ou il y avait peut-être une vision différente des choses, en positif ou négatif, pour ou contre, ou peut-être des aménagements à amener pour que ce genre d'incitatifs là puissent fonctionner peut-être mieux.

Le Président (M. Simard): La réponse en 10 secondes, s'il vous plaît.

M. Fournier (Jean-Pierre): ...simplement qu'on n'a pas poussé notre réflexion jusque-là.

Le Président (M. Simard): Alors, je vous remercie, MM. les représentants de Solidarité rurale. Et maintenant nous allons suspendre nos travaux puisque nous avons rencontre de travail. C'est bien ça?

(Suspension de la séance à 12 h 42)

 

(Reprise à 14 h 22)

Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Nous aurons le plaisir maintenant d'entendre M. André Larocque que je reconnais dans l'auditoire, et je lui demanderais de bien vouloir s'approcher à la table des témoins.

Alors, bonjour, M. Larocque, rebienvenue à l'Assemblée nationale du Québec.

M. Larocque (André): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Vous disposez d'un temps de parole de 10 minutes, et puis par la suite s'ouvrira une période d'échange avec vous, d'environ une vingtaine de minutes.

M. André Larocque

M. Larocque (André): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les honorables députés et Mmes, MM. les honorables citoyennes et citoyens, et, comme je vois des figures du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques bien connues, j'aimerais bien les saluer eux aussi. Il me fait grand plaisir de revenir dans ces murs que j'ai fréquentés pendant quelque 20 ans. En effet, après avoir étudié puis enseigné en sciences politiques, je suis venu ici, en avril 1970, pour monter le service de recherche du premier groupe parlementaire du Parti québécois. Ça devait être une affaire de quelques mois, je suis encore à Québec, je suis encore actif dans le dossier de la réforme des institutions démocratiques.

J'ai eu l'immense privilège d'être le sous-ministre responsable de ce dossier durant les deux mandats du gouvernement de René Lévesque, donc de 1976 à 1985. Ces 10 années ont constitué la période la plus intensive de démocratisation de nos institutions dans toute l'histoire du Québec. René Lévesque avait un agenda de réforme démocratique en 10 points: cinq ont déjà trouvé réponse dans des lois, les cinq autres sont restés sur le carreau. Parmi ces cinq était la réforme du mode de scrutin dont cette commission s'occupe aujourd'hui.

Le premier ministre René Lévesque avait solennellement annoncé cette réforme dans le discours inaugural de novembre 1981. Cette intention a pris d'abord la forme d'un livre vert puis d'un début de tournée du ministre responsable Robert Burns. La suite s'est faite par une large consultation, comme vous le savez, de la Commission de représentation. Enfin, le dossier a été descendu en flammes au caucus du Parti québécois à Drummondville, en 1984. En dépit de cette rebuffade à l'égard du fondateur du PQ, M. Lévesque a maintenu sa demande auprès du Secrétariat à la réforme électorale et parlementaire ? ça s'appelait comme ça dans le temps; a maintenu sa demande ? de lui préparer un projet de loi en bonne et due forme sur le mode de scrutin, ce qui fut fait.

Ce document-là existe toujours et il s'appelle: le projet de loi sur la représentation parlementaire. Et, avec votre permission, M. le Président, j'aimerais en déposer une copie auprès du secrétariat à la commission.

Document déposé

Le Président (M. Ouimet): Bien sûr. Alors, un page va venir chercher le document en question. Encore mieux, le secrétaire de la commission parlementaire. Merci. Un nouveau page.

M. Larocque (André): Au cours des discussions sur ce projet, j'ai eu le privilège douteux d'assister à une colère épique du premier ministre du temps. Il était apparu un matin, dans mon bureau, ce qui était plutôt rare, on allait plutôt au sien, là. Il m'était apparu dans mon bureau, un matin, porteur d'un texte qu'il venait de recevoir de l'organisation du PQ et au milieu duquel il avait souligné en énorme trait rouge ce passage, je cite: «Commençons par faire l'indépendance, on aura le temps de s'occuper de la démocratie après.» Rien ne pouvait être plus étranger aux convictions, aux intentions de René Lévesque. Pour lui, comme il se doit, la souveraineté de l'État procède nécessairement de la souveraineté populaire, que ce soit la souveraineté complète du Québec ou la souveraineté que le Québec exerce dans la fédération canadienne.

René Lévesque était avant tout un réformateur démocratique. Toute sa démarche politique a été constituée de gestes dans le sens de la réappropriation du pays par ses citoyens: nationalisation de l'électricité, droit du financement des partis politiques, refonte de la Loi électorale, Loi de la consultation populaire, Loi de la représentation, Loi d'accès aux documents publics. Tout était étape vers davantage de pouvoir citoyen. Vous me permettrez donc aujourd'hui de m'adresser à vous comme citoyen, non pas comme ex-ci ou ex-ça, mais comme citoyen. Et en ce sens je trouve que cette salle n'est pas adéquate, il devrait se trouver de ce côté-ci de la table 5 000 000 de chaises. Je conviens que ce ne sera pas facile à aménager, mais le sens de l'affaire est là, néanmoins.

Les citoyens, comme vous le savez ? je ne vous apprends rien ? sont les propriétaires de nos institutions politiques. À l'exception des huit d'entre vous que je salue très, très respectueusement, vous avez le privilège d'être les serviteurs des citoyens. C'est d'ailleurs ce que le mot ministre signifie; en latin, ça signifie serviteur. Donc, que dire des députés? Je vois la démocratie québécoise comme un immense condominium avec 5 000 000 de propriétaires et une équipe de gestionnaires présidée par le premier ministre, plus 124 adjoints, lesquels ne s'entendent pas toujours entre eux, mais qui sont tous au service des propriétaires. C'est avec cette image à l'esprit que je vous ai soumis mon mémoire.

J'ai passé bien des années dans cette enceinte à entendre des députés de tous les partis se substituer à mon sens à la volonté des citoyens: Le mode de scrutin, ça n'intéresse pas le monde; Les gens sont contents d'avoir...; Deux partis, c'est en masse; Ce que les gens veulent, c'est des gouvernements forts, peu importe leur appui populaire aux élections. Aujourd'hui, il me semble que les députés ont fait bien du chemin en direction d'une réforme attendue depuis longtemps, et maintenant on entend des nouvelles voix qui se substituent à la voix du peuple: Ce que le monde veut, c'est plus de partis à l'Assemblée nationale, une parité de représentation hommes-femmes, une Assemblée miroir de la nation, etc.

Comme j'ai tenté de le dire dans mon mémoire, il est possible que toutes ces prises de position soient bonnes, je n'en sais rien, mais vous non plus et personne. La seule façon d'avoir la bonne réponse, c'est de permettre à l'ensemble des citoyens de l'exprimer. Bien sûr, j'ai mes opinions à moi, et il est tout à fait légitime que chaque personne comme chaque groupe vienne ici vous exprimer leurs objectifs souvent très généreux. Mais l'objectif fondamental d'un mode de scrutin est d'enregistrer la volonté populaire. On ne tient pas des élections pour avoir un gouvernement fort, pour favoriser un groupe ethnique ou un autre, pour permettre à un parti de se faire élire plus facilement parce qu'il veut tenir un référendum ou encore pour batailler avec Ottawa. Le système électoral, ce n'est pas une affaire de stratégie; le système électoral, c'est une question démocratique centrale de nos institutions, c'est la mécanique par laquelle on enregistre la volonté populaire.

En ce sens, selon moi, il eût été préférable que votre consultation publique constitue en tout premier lieu un exercice d'entendre les citoyens sur leurs objectifs, leurs aspirations, leurs attentes. Le fait de se présenter avec un projet spécifique, quelle que soit l'ouverture du ministre, et je l'en félicite, fait que la voix des experts, des spécialistes, des groupes de pression tend à obscurcir celle des citoyens sur le terrain. Dans le cadre de la démarche du gouvernement de René Lévesque, on a dû commencer par un livre vert parce qu'à l'époque le grand public n'avait grande familiarité même avec les mots «mode de scrutin», mais l'effet là aussi avait été de paraître favoriser un débat hautement technique plutôt que d'abord entendre ce que les citoyens veulent quand ils votent.

n(14 h 30)n

Je souhaite donc ardemment que cette commission parte sur le terrain en se disant qu'il ne s'agit pas d'abord d'en arriver à faire consensus sur une formule technique quelconque; il s'agit, pour les gestionnaires du condominium, de se renseigner sur les attentes de leurs patrons, les propriétaires.

C'est dans cet esprit qu'a été effectuée la large consultation de Claude Béland par le Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Et un des effets d'une telle démarche a été de faire ressortir le problème qu'il y a quelque chose d'artificiel dans la tentative de réformer le système électoral en faisant abstraction de l'ensemble de nos institutions. Selon moi, un très grand pourcentage des intervenants du terrain veut une Assemblée plus représentative, mais ils sont aussi conscients que le pouvoir politique ne se trouve pas à l'Assemblée mais dans le bureau du premier ministre.

Un grand nombre d'entre eux encore voudraient libérer leur député de la discipline de parti. Je pense que c'est la dimension de la politique la plus abhorrée par l'ensemble des citoyens sur le terrain, la discipline de parti, mais on sait que notre système de parti fonctionne différemment. On peut donner bien d'autres exemples, mais il suffit de dire que ce n'est pas une institution, dans le mode de scrutin, qui appartient aux citoyens, propriétaires de l'État, mais c'est l'ensemble des institutions. Faire intelligemment des réparations majeures au condominium, c'est d'abord commencer par ne pas perdre de vue sa structure d'ensemble. Il est fort intéressant de constater que c'est précisément à cette conclusion qu'est venu le comité citoyen de la Colombie-Britannique.

Je ne serais pas un bon prof si je ne vous assignais pas des lectures, probablement des lectures que vous avez déjà faites, mais je propose aux députés et aux citoyens, je vous en recommande deux: celui du rapport Jenkins, cette commission britannique, commission royale britannique d'enquête sur le mode de scrutin, qui, plus que tout autre organisme ailleurs...

Le Président (M. Ouimet): Pour votre indication, il vous reste à peu près une minute trente.

M. Larocque (André): Une minute trente?

Le Président (M. Ouimet): Une minute trente, oui. Si vous pouviez bientôt conclure.

M. Larocque (André): Alors, je vous suggère de lire celui-là, il a l'air bien intéressant. Puis il y en a un autre que je vous suggère fortement, probablement que vous le connaissez mais il n'est pas très répandu, Randomocracy; c'est un livre qui a été écrit par un membre du comité des citoyens de la Colombie-Britannique, puis c'est absolument passionnant. C'est l'itinéraire suivi par les citoyens qui se sont dit au début: Qu'est-ce que c'est ça, un mode de scrutin? Qu'est-ce que je fais là, moi, là? Puis comment ça se fait qu'ils m'ont demandé de me mêler d'une affaire aussi compliquée que ça?, et progressivement en sont arrivés à se dire: On s'en va nulle part sinon avant de définir nos objectifs fondamentaux, qu'est-ce qu'on veut. Une fois qu'on saura ce qu'on veut, on fera venir tous les spécialistes du monde puis on regardera qui répond le mieux à nos demandes, et non pas, nous, courir après les spécialistes, ce qui fut fait.

Vous le savez peut-être, vous savez probablement qu'ils avaient deux choix à la fin. Ils les ont tous passés, puis ils ont mis de l'argent là-dedans, hein, ils ont tous passés ça puis ils ont fini avec le système allemand puis la proportionnelle irlandaise. Ils ont écarté l'allemande en disant qu'elle était très représentative, mais que l'autre donnait plus de contrôle des citoyens sur les partis.

Le Président (M. Ouimet): En conclusion.

M. Larocque (André): En conclusion, oui, c'est ça que j'essayais de voir. Je vais prendre un dernier paragraphe ou deux. Je vais essayer de tricher, je vais en prendre deux.

Pour l'avoir constaté toute ma vie durant, je connais le dynamisme des citoyens, celles et ceux qui forment votre comité citoyen et qui ont été tirés au sort, comme on le faisait dans la ville d'Athènes où la notion même de démocratie a été fondée. Pour moi, votre comité citoyen, ce sont les représentants directs des propriétaires. La démocratie, pour moi, ce n'est pas entendre les citoyens ni même les faire participer. La démocratie, c'est la décision prise par les citoyens. Ce n'est pas parce que nous avons des institutions représentatives que les citoyens abandonnent leur droit de propriété sur la décision. C'est dans ce sens et dans cet esprit que je félicite le gouvernement d'avoir enclenché cette consultation. Je vous souhaite de l'entreprendre comme des gestionnaires qui vont écouter leurs patrons. Vous avez déjà huit de vos patrons qui travaillent à vos côtés. Profitez-en pour commencer par les entendre, eux. Ils font partie des objectifs, les élus font partie des moyens. Grâce au comité citoyen notamment et certainement grâce à l'effort de tout le monde, j'ai confiance que les citoyens sur le terrain vous diront ce qu'ils attendent en profondeur du mode de scrutin. J'ai bonne confiance que, le 9 mars prochain, ça va me faire plaisir de venir vous entendre tirer votre conclusion. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Larocque, d'avoir partagé le fruit de votre longue réflexion et expertise sur le dossier, ponctué de quelques notes d'histoire, là. Ça a été fort apprécié. Nous allons donc amorcer cette période d'échange avec vous. Je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Pelletier: Merci, M. Larocque, pour votre présentation. Merci de l'intérêt que vous manifestez pour les travaux de la commission. Vous venez aujourd'hui à titre de citoyen, vous l'avez mentionné. Il n'en demeure pas moins que vous êtes un citoyen dont l'expérience et les connaissances dans le domaine du mode de scrutin et de la réforme des institutions démocratiques sont bien reconnues.

J'aimerais savoir dans un premier temps: Si vous aviez le choix entre le statu quo et l'avant-projet de loi, qu'est-ce que vous choisiriez? Et dans un deuxième temps: Est-il vrai qu'avec l'avant-projet de loi il n'y aurait plus d'alternance du pouvoir, ce serait le pouvoir éternel pour le Parti libéral du Québec?

M. Larocque (André): Bien, à la première question, la réponse: Évidemment, oui, le projet de loi qui est là est un progrès sur le statu quo. Comme je l'ai souligné un petit peu en passant dans mon mémoire, M. Lévesque disait du système actuel qu'il est démocratiquement infect. Vous l'avez conservé à 60 %, mais au moins vous l'expurgez à 40 %; c'est un pas, certainement. Il est 40 % moins infect qu'il l'était. Non. Sérieusement, c'est un pas en avant, certainement, par rapport à la situation actuelle.

Sur la deuxième question...

M. Pelletier: L'alternance du pouvoir.

M. Larocque (André): ...bien, là, je veux dire, ça, tu sais, je ne peux pas croire qu'il y a des gens qui disent ça, là. Il faut être très, très, très présomptueux ou très, très, très connaisseur pour savoir comment les Québécois vont se comporter à toutes les élections à venir, là. Ça dépend, je présume, des électeurs, hein. Je veux dire, si, oui, les électeurs québécois, pour des raisons à eux, là, votent pour les 40 prochaines années en majorité pour les libéraux, bien, il va y avoir des gouvernements libéraux. Mais je ne peux pas envisager ça facilement, là, ça ne s'est pas beaucoup fait dans notre histoire. Même dans le système qui est proposé, qui est une proportionnelle relativement limitée, mais une proportionnelle néanmoins, il me semble que les sièges sont distribués possiblement à insuffisamment de partis, mais ça, ce n'est même pas sûr. Mais c'est une proportionnelle ? une lecture vite, là ? à trois pour l'instant, mais c'en est une. Les gouvernements reçoivent essentiellement le pourcentage de sièges correspondant au pourcentage de votes reçus. Ça, c'est l'âme d'une proportionnelle, puis, dans ce sens-là, c'est dans la bonne direction.

M. Pelletier: O.K.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le ministre. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. M. Larocque, je vous félicite pour le mémoire et l'éclairage que vous nous apportez. Vous parlez que vous recommandez que le vote de liste soit de type panaché, parce que les circonscriptions uninominales ne sont que des unités administratives pour fins d'application de la loi. Je suis à la page 8 de votre mémoire. Moi, si je me réfère aux réactions des citoyens, lorsqu'il est question par exemple de modifier la carte électorale, les citoyens nous indiquent que la circonscription, ce n'est pas juste une unité administrative, ils y sont attachés, que ça représente quelque chose, qu'ils ont besoin de leur député par rapport à leur circonscription. Est-ce que cela vous frappe? Est-ce que vous pensez que ça repose sur quelque chose ou est-ce que c'est juste un mouvement, je dirais, affectif, que c'est quelque chose qui relève plutôt du symbolique?

M. Larocque (André): Je dirais: Initialement, c'est peut-être un mouvement affectif de gens qui ont le privilège ou l'occasion de fréquenter leur député. Ce n'est pas la majorité des citoyens qui voient, qui fréquentent leur député. Moi, je continue à croire... Je ne dis pas que c'est inutile, les comtés. Évidemment, les députés s'installent dans les comtés puis ils rendent un certain nombre de services, mais il reste que prendre un territoire donné, pour n'importe quel pays, puis le diviser en 125 divisions à peu près égales, il faudrait être génial en maudit pour que chacun de ces 125 là corresponde à quelque chose de... là, autrement que l'application de la Loi électorale. Écoutez, je soutiens et je caricature un petit peu. Il n'y a aucune institution sociale, économique, politique, collège, université, dépanneur qui s'installe sur la base d'une circonscription, sauf chez moi, dans La Peltrie, où il y a un stand de hot-dogs qui s'appelle Chez Mme La Peltrie. Je n'ai jamais compris pourquoi, là. En tous les cas, je ne suis pas sûr qu'il a voulu s'identifier à la circonscription.

Mais les citoyens en général... En milieu rural, c'est plus vrai, ça, mais la vaste majorité des citoyens en milieu urbain savent à peine dans quelle circonscription ils sont, ne savent certainement pas où ça commence puis où ça finit. Si on ne recevait pas le petit carton du Directeur des élections, là, il y a bien du monde qui serait bien en peine de se retrouver le jour du vote.

Mme Houda-Pepin: Mais vous référez au milieu rural. Il y a quand même plusieurs circonscriptions...

M. Larocque (André): Oui.

n(14 h 40)n

Mme Houda-Pepin: ...rurales qui sont attachées aux délimitations de leur territoire, au lien privilégié de proximité avec leur député. Donc, c'est un fait, ça.

Mais j'ai une autre question à vous poser, considérant que le temps presse, et vous pouvez y revenir si vous voulez. À la page 9, vous dites qu'il est recommandé que les élections se tiennent à date fixe. Ce matin, l'Association des anciens parlementaires nous ont dit que c'était un non-sens que de demander des élections à date fixe dans notre système britannique. Ils nous ont donné l'exemple de l'élection fédérale qui vient de s'écouler. Ils nous ont dit: s'il y avait une date fixe pour les élections et qu'entre-temps le gouvernement Martin est tombé parce qu'il y a eu une volonté exprimée par l'opposition dans ce sens, il aurait fallu qu'on maintienne le gouvernement de Paul Martin au pouvoir jusqu'à la prochaine date qui est la date limite pour l'élection. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Larocque (André): Bien, rapidement, en principe en partant, sur le principe fondamental, je suis en faveur des élections à date fixe parce que c'est une question de responsabilité aux électeurs. Ce n'est pas une question de y va-tu y avoir des problèmes ou pas? Je comprends que le système américain est différent, là. Les Américains tiennent des élections à date fixe depuis 1787 à travers des guerres mondiales, et tout le reste, puis ça ne les a jamais fatigués bien, bien. Tu sais. Il y en a eu, des problèmes, en masse, là. Mais, dans le système parlementaire, c'est sûr qu'il faut avoir une provision de la loi qui dit que, si le gouvernement tombe, il y a des dispositions particulières. Je pense que c'est déjà inclus dans le projet de loi de M. Dumont qui est devant vous présentement.

Moi, sur le fond, je suis d'accord avec le jugement de M. Lévesque. M. Lévesque disait: La prérogative qu'a le premier ministre de faire des élections à date fixe est un procédé médiéval. Ça fait partie des vieilles affaires. On a corrigé progressivement la loi. Il n'y avait pas de bulletin de vote, les votes se faisaient grand ouverts. On a creusé ça étape par étape, par étape. Dans les corrections qui restent, il y a aussi la prérogative absolument arbitraire du premier ministre de décider que son parti est prêt à se tirer en élection ou pas.

Le Président (M. Ouimet): M. le député de Trois-Rivières, il reste 30 secondes.

M. Gabias: Merci, M. le Président. Merci, M. Larocque, pour votre excellente présentation. Je voulais avoir vos commentaires sur un élément qui a été soumis ce matin, par l'Amicale des anciens parlementaires, à l'effet que peu importe la modification qui sera apportée, il y avait une préoccupation qu'ils nous ont exprimée à savoir que ça ne devait pas chambarder de façon très importante nos institutions pour ne pas que la population soit, je dirais, mêlée ou du moins ait de la difficulté à comprendre le processus. Je voulais avoir votre préoccupation là-dessus, sur cette préoccupation-là qui a été exprimée.

Le Président (M. Ouimet): Très, très courte parce que le temps est épuisé, très courte réaction.

M. Larocque (André): Les Québécois sont parfaitement capables comme les Danois, les Suédois, comme la moitié de la planète démocratique, là, à s'adapter à un système qui en apparence est un peu plus technique mais qui les dessert mieux. Mais ils vont comprendre ça.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député de Trois-Rivières. Du côté de l'opposition officielle, M. le député de Masson.

M. Thériault: Bienvenue, M. Larocque. J'ai beaucoup de respect pour les citoyens et les gens qui se préoccupent de la démocratie et qui en font en quelque part même, je dirais, une des causes principales de leur vie. Je pourrais dire qu'avec M. Cliche, M. Larocque, à un autre ordre, M. Massicotte, d'une certaine manière comme expert, mais vous êtes des gens qui en avez fait en quelque part la cause de votre vie, et j'ai beaucoup de respect pour ça.

À mon avis, vous venez de tomber dans le piège du ministre qui vous fait choisir entre le statu quo et l'avant-projet de loi qui est sur la table, qui vous fait dire... il va vous faire participer à une courbe statistique, à l'effet que, comme c'est un pas dans la bonne direction, bien, allons-y maintenant comme ça plutôt que de chercher finalement ce qui est le modèle le plus approprié pour l'ensemble de la population du Québec. Donc, c'est comme... on ramène vers le bas.

Puisque vous avez dit en tout début que ce n'était pas ce que vous privilégiez comme modèle, il y a des avantages et des inconvénients pour tous les modèles. Moi, j'aimerais que vous puissiez, avec l'expérience que vous avez, me dire quels sont les désavantages que vous voyez au modèle qui est sur la table?

M. Larocque (André): Les désavantages.

M. Thériault: De l'avant-projet de loi.

Le Président (M. Ouimet): Juste un petit rappel amical à notre collègue, quand vous dites «le ministre», «vous êtes tombé dans le piège du ministre», c'est comme prêter l'intention au ministre qu'il avait tendu un piège.

M. Thériault: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a soulevé une question de règlement, M. le Président?

Le Président (M. Ouimet): Non, non. Comme président, M. le député de Masson, quand même...

M. Thériault: Vous soulevez une question de règlement? On pourra s'en reparler. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Je veux juste vous rappeler à la prudence là-dessus. Ça allait super bien jusqu'à maintenant.

M. Thériault: Vous me redonnez mon temps? Merci.

Le Président (M. Ouimet): Je vais vous le redonner, M. le député de Masson.

M. Thériault: Allez-y, M. Larocque.

M. Larocque (André): Moi, j'ai répondu à la question du ministre franchement. Il m'a demandé lequel des deux je préférais; entre les deux, c'est celui-là bien sûr. Est-ce que... Si j'avais à en décider, je préférais que vous fassiez votre consultation, vous demandiez à bien du monde, là, mais, si j'avais à en décider, moi, il y aurait des améliorations que, moi, j'y porterais. Il y en a que je ne propose pas ? je vous le soulève comme ça, là; je ne propose pas ? parce qu'il faut aussi être réaliste puis dire: Ça fait 30 ans qu'on joue à ça, là, il faudrait aboutir avec un résultat. Je ne retournerais à une proportionnelle pure et simple. Dans ma tête à moi, ce serait mieux, mais, si on fait ça, si je propose ça, on recule trop loin.

Mais dans la formule qu'il y a là, il y aura des désavantages à mon sens, notamment les districts. Je pense que je l'ai plaidé, ça, puis je pense que ça vient devant nous plus souvent, l'idée qu'il faudrait que le système de représentation aussi s'attelle aux territoires où le monde vit pour de vrai là: les territoires de développement économique, social, culturel des Québécois. Ce qui n'est pas le cas des circonscriptions actuelles.

Alors, plus on s'approche, je n'ai pas fait l'exercice technique ? je ne ferai pas non plus ? de mathématique, mais plus on s'approche d'utiliser les régions qui existent pour le vrai, là, où il y a un certain nombre d'institutions, mieux c'est. Ça, c'est à mon sens, ce serait une amélioration.

M. Thériault: Mais, M. Larocque, vous avez répondu au ministre qu'on ne pouvait pas présumer de comment les gens vont voter. Vous savez que les tenants du statu quo servent le même argument pour dire: Bien, on ne peut pas savoir dans le fond si les petits partis ne peuvent pas avoir plus de chances que d'autres, indépendamment du financement, puis tout ça. Il y a effectivement, dans l'avant-projet de loi, une correction proportionnelle des trois grands partis qui sont représentés présentement. Mais est-ce qu'on fait un changement de mode de scrutin pour que la volonté populaire s'exprime davantage et que l'Assemblée nationale soit plus plurielle, oui ou non? Si oui, à ce moment-là, l'avant-projet de loi est très déficient.

M. Larocque (André): Moi, c'est ce que j'ai essayé de dire dans ma présentation, M. le député. Moi, personnellement je souhaite que l'Assemblée soit plus plurielle, comme vous dites. Mais je ne le sais pas, moi, si c'est ça que les électeurs veulent.

M. Thériault: O.K.

M. Larocque (André): Moi, ce que je veux, c'est que les électeurs puissent dire ce qu'ils ont à dire. C'est pour ça que je propose des trucs comme le vote panaché; c'est plus ouvert, c'est plus libre. Deux votes, c'est mieux qu'un vote. Des circonscriptions qui répondent à l'avis du monde, c'est mieux que des trucs artificiels. Mais je propose des choses qui vont dans le sens de... enregistrer la meilleure volonté pour plaire possible.

Est-ce que les Québécois veulent deux partis, trois, quatre ou cinq? Je ne le sais pas. Puis ce n'est pas le but d'une loi électorale d'ailleurs d'augmenter le nombre des partis. Ce n'est pas son sens.

M. Thériault: Pourquoi est-ce mieux deux votes, selon vous?

M. Larocque (André): Ah bien! c'est évident: deux votes, ça donne au moins deux choix, hein? Ça, ça a été... je vous ramène à la commission Jenkins notamment, qui est un des trucs qui fatiguaient le plus les électeurs britanniques ? vous allez me dire, ce n'est peut-être pas les mêmes, là ? mais c'est ce fait qu'être pris avec un x à décider de tout ce qu'il a à décider sur le coup, c'est limitatif, forcément. Deux votes, ça permettrait à des gens de dire: Voici les députés que je préfère avoir dans ma circonscription, ces gens-là ou un autre au parti. Tu sais, il y a un parti que je veux voir compensé ou mieux représenté. La distinction... On est obligés ? je ne vous n'apprends rien, hein ? dans notre système actuel, là, avec un vote, on doit disposer de tout, là, du gouvernement et du député aussi.

Tous les sondages démontrent, je m'excuse pour votre humilité, que depuis toujours, hein, depuis des années, que la majorité des électeurs, quand ils prennent un bulletin de vote, ils regardent en haut: ils regardent le premier ministre, ils regardent le parti, ils regardent le programme, ils ne regardent pas... Il y a des circonscriptions où il y a des députés, je présume que vous en êtes, qui sont particulièrement populaires chez eux puis qui traînent un vote personnel. Ça, tu sais, je veux dire: Bravo! c'est tant mieux. Ce n'est pas la règle.

M. Thériault: Merci. Il y a des gens qui pensent qu'avec des députés de liste la ligne de parti sera encore plus difficile à dépasser, compte tenu du fait que ces gens-là ne peuvent pas s'asseoir sur la légitimité de leur électorat. Vous en pensez quoi, puisque vous avez soulevé... Comment est-ce qu'on pourrait contourner cette question de la ligne de parti sinon?

M. Larocque (André): Facile ou relativement facile. C'est pour ça que je propose le panaché. Tu sais, c'est ce qu'il ne faut pas faire. N'importe quelle proportionnelle, qu'elle soit complètement proportionnelle ou partiellement, à mon sens, une erreur très grave, c'est la liste bloquée. La liste bloquée confirme le contrôle des partis sur le candidat puis sur l'ordre où ils apparaissent. Puis un panaché, que les gens disent: Bien, c'est bien compliqué. Bien, ce n'est pas compliqué. Si vous avez envie de voter bloqué, votez bloqué. Mais il y a des gens qui ont envie de discerner ou d'aller chercher votre troisième candidat plutôt que votre premier, tu as la liberté de manoeuvrer en autant que...

M. Thériault: Vous êtes conscient que c'est ça, le projet de loi.

Le Président (M. Ouimet): M. le député de Masson, je dois vous interrompre à ce moment-ci.

M. Larocque (André): Oui, oui, je sais qu'il est bloqué...

Le Président (M. Ouimet): M. Larocque, on est sur le temps des autres, je vous ai déjà accordé une minute supplémentaire.

M. Thériault: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous. Alors, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

n(14 h 50)n

M. Picard: Merci, M. le Président. M. Larocque, bienvenue. Tout à l'heure, la députée de La Pinière parlait du scrutin à date fixe, et sauf qu'hier il y a eu aussi la CSN et la CSD, et la CSN surtout étaient en sa faveur. Puis j'ai trouvé, un des arguments majeurs qu'ils ont apportés auquel j'adhère, c'est qu'on pourrait, avec une élection à date fixe, éliminer la ligne de parti sur un certain nombre de sujets pour permettre aux députés, lorsqu'ils sont en désaccord avec un projet de loi qui n'est pas majeur, de pouvoir quand même... de pouvoir exprimer le sentiment ressenti dans la population et non...

Le rôle d'un député avant tout, c'est de représenter les citoyens au Parlement et non le contraire. Et avec la ligne de parti surtout, il y a beaucoup de citoyens qui ne croient plus au système démocratique parce qu'ils se disent: À partir du moment que tu es élu, là, tu nous envoies les messages dans le comté, tandis que ça devrait être le contraire. Donc, pour moi, c'est un des avantages.

J'aimerais vous entendre là-dessus, mais aussi sur... vous parlez des districts, de se coller sur les régions administratives pour une réelle décentralisation. J'aimerais que vous élaboriez aussi là-dessus, sur la décentralisation possible, surtout en collant les districts sur les régions administratives, là, qu'on doit faire vivre.

M. Larocque (André): Dans la première, M. le député, j'étais tout à fait d'accord avec vos conclusions, vos espoirs que la discipline de parti joue moins. En tout respect, je ne suis pas sûr que je vois un lien entre des élections à date fixe et l'élimination de la discipline de parti. On peut avoir des élections à date fixe puis garder... Ça dépend des partis, s'ils imposent une discipline de parti quand même.

C'est à un autre niveau que se jouent des élections à date. C'est la responsabilité prévisible devant la population. Ça prendrait autre chose. Je sais que ce gouvernement-là, dans son projet qui s'en vient de réforme parlementaire, parle de diminuer le nombre de votes obligatoires, puis tout ça, là; ça, c'est des pas dans la bonne direction. Mais le vrai système consisterait... là, si vous me permettez encore une fois, je vais référer à M. Lévesque, c'est de sortir le gouvernement de ce Parlement, puis de faire administrer le gouvernement, puis les députés mènent le Parlement, ce qui n'est pas le cas, comme vous le savez très bien. Mais c'est la vraie solution, c'est une séparation beaucoup plus marquée des pouvoirs. Puis, ça, sur le terrain, il y a des échos très forts.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Larocque. Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Il nous reste cinq minutes pour quatre citoyens. Donc, M. Boivin, dans un premier temps.

M. Boivin (Guillaume): Vous avez évoqué tantôt la période où le premier ministre Lévesque voulait aller de l'avant avec une telle réforme. J'aimerais vous entendre sur les problèmes qui s'étaient posés à l'époque pour aller de l'avant, les motifs pour lesquels ça n'a pas été plus loin, le contexte.

M. Larocque (André): ...caucus l'a bloqué.

M. Boivin (Guillaume): Et quels étaient les motifs invoqués à l'époque? Est-ce que vous avez des informations à cet égard-là?

M. Larocque (André): C'est des choses prévisibles, là: Ça va bien, on est pouvoir, non? Puis, on s'est faire élire. Puis, le monde, de toute façon, il ne s'intéresse pas à ces trucs-là. Rapidement, là.

Le Président (M. Ouimet): Bien, Merci, M. Boivin. M. Gaboury.

M. Gaboury (Charles): Bonjour. Votre proposition, vous parlez de la carte électorale qui serait basée sur les régions administratives comme lieu de rassemblement. C'était la question un peu. Et par contre, Solidarité rurale précédemment, eux basaient ça... des circonscriptions basées sur les MRC. Et d'autres ont dit: Circonscriptions de MRC avec une compensation au niveau des régions administratives. J'aimerais ça vous entendre sur ces trois façons de jouer avec...

M. Larocque (André): Oui, pas simple, là. Je suis farouchement en faveur de la décentralisation pour de vrai, là, pas la déconcentration des services gouvernementaux en région. Le transfert de pouvoirs en région pour qu'il y ait des pouvoirs en région. Des pouvoirs, ça n'existe pas sur la planète s'il n'y a pas un territoire pour les recevoir. Présentement, il n'y en a pas. Et le seul pouvoir de les contenir... c'est celui du député, mais la population n'a pas de pouvoir avec ça. Les régions pourraient recevoir des pouvoirs pour le vrai et les gérer pour le vrai si on les utilisait.

Dans le fond, ce que je veux dire, c'est que les régions administratives... Je n'ai pas fait l'exercice technique, mais les régions administratives devraient devenir des régions politiques. Ça a été dit par les citoyens depuis toujours, hein, Bélanger-Campeau, puis toutes les maudites commissions, là, il y a toujours des gens qui défilent puis qui disent: La décentralisation, c'est confier aux citoyens en région l'élection des députés au scrutin direct, au suffrage universel direct, et c'est nous en région de prendre des décisions. C'est ça que ça veut dire.

Ce projet de loi, il est modeste, timide en ce sens, mais il se dirige dans ce sens. Moi, je serais content de voir 40 députés qui se lèvent en Chambre... 40 %, 50 députés qui se lèvent en Chambre puis qui disent: Je parle au nom du Saguenay?Lac-Saint-Jean. C'est intéressant, ça, au lieu de... Tu sais, le plus beau comté au Québec, le beau comté de Roberval ou de je ne sais pas quoi, ou l'autre, c'est tout très bien, là, mais les politiques régionales ne sont pas défendues et, si elles défendues, c'est par des caucus de députés qui n'ont pas de responsabilités régionales.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Gaboury. Mme Loucheur.

Mme Loucheur (Yohanna): Non, ça va.

Le Président (M. Ouimet): Ça va? Merci, madame. M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Oui. Merci, monsieur. Juste... vous recommandez, pour votre liste, qu'elle soit de type panaché. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu sur votre type panaché?

M. Larocque (André): Panaché, ça veut dire... La commission a choisi de dire: Fermé ou ouvert, mais il y a deux formes d'ouvert. Je ne veux pas rentrer dans trop de détails, là. Il y a ouvert qui permet que, s'il y a cinq candidats dans une même liste, un électeur puisse changer l'ordre à l'intérieur de la liste. Panaché permet à l'électeur de rentrer puis, si, disons, il y a trois partis, cinq candidats chaque, là, puis il y a cinq choix à faire, vous allez faire n'importe où, prendre les deux premiers de la liste, le dernier, le troisième, ça lui donne la liberté maximale de choisir là-dedans au-dessus des partis.

On peut choisir, par exemple, à titre d'exemple, ça peut en influencer quelques-uns, cinq femmes, si vous voulez. Tu sais, s'il y a des gens qui veulent avoir absolument, tu sais... Ça permet aux femmes qui sont 51 % de rentrer dans le bureau de vote puis de dire: moi, je vote pour les femmes. Ça permet aux jeunes de dire: Je vote pour les jeunes, ou n'importe quoi, là. Vous faites un choix, mais vous n'êtes pas pris par l'ordre. Le bloqué, c'est le parti qui vous dit: Voici mes candidats, vous n'avez pas le choix.

M. Acharid (Mustapha): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien, alors, là-dessus, M. Larocque, moi, je vous remercie infiniment au nom de tous les parlementaires d'avoir partagé avec nous. Dans le fond, vous avez été non seulement un témoin, mais un acteur important, au cours des 40 dernières années, de toute la question de la réforme des institutions démocratiques. Alors, merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous. Merci à vous.

J'inviterais maintenant M. Réjean Dumais à bien vouloir s'approcher à la table des témoins et d'y prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): M. Dumais, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Nous avons un temps avec vous de 10 minutes, six minutes de présentation et puis quatre minutes d'échange avec les parlementaires. Donc, je vous cède dès maintenant la parole.

M. Réjean Dumais

M. Dumais (Réjean): Bien, merci. D'abord, j'aimerais dire merci au personnel de la commission; j'ai trouvé que ces gens-là m'avaient très bien accueilli quand j'ai eu des questions à leur poser. Et aussi merci aux gens qui ont travaillé sur les documents d'information. Je pense que ça vulgarisait bien les aspects reliés à l'avant-projet de loi. Et je vous remercie de me donner l'opportunité effectivement de donner mon opinion comme citoyen, en espérant que ça va contribuer à la révision de notre système électoral, notre mode de scrutin.

Ma première proposition: éliminer les 125 circonscriptions électorales et utiliser les 17 régions administratives comme territoires de base pour y élire trois députés que j'appelle régionaux pour le moment, vous pourrez changer le mot si ça vous tente. Mais ces gens-là, ils seraient donc 51 représentants des 17 régions à l'Assemblée nationale. Ça veut dire que les gens en région choisiraient, par ordre de préférence, les candidats ou les candidates sur la liste des gens qui seraient intéressés à se présenter pour être candidats ou candidates dans la région donnée. Sans trop entrer dans les détails, je vous dis tout de suite qu'il y a au moins un seuil de 5 % qui serait fixé justement pour que la personne soit élue comme député régional.

n(15 heures)n

Les avantages que je vois reliés à ça, c'est que ça donne plus de chance d'avoir en région une personne élue pour laquelle on peut voter. Actuellement, on vote pour un député dans une circonscription. L'autre avantage que j'y vois, c'est qu'actuellement le poids des régions aurait beaucoup plus d'importance par rapport au poids des villes qui y sont généralement représentées ou qui sont présentes dans les régions. Il ne faut pas se le cacher, un comté, ça n'a pas un gros poids par rapport à plusieurs villes, d'autant plus que la mode est de fusionner, peut-être qu'il y en a qui ont défusionné mais en tout cas, ça, ça fait partie d'une autre problématique.

Et pour ceux qui auraient un questionnement par rapport à la représentation, moi, je considère que je suis déjà représenté par un conseiller. Je suis déjà représenté par un président d'arrondissement. Je suis déjà représenté par un maire et, ce qui s'est instauré depuis quelques années, c'est qu'on a un ministre responsable d'une région. Déjà, on utilise un certain système pour dire: Il y a un ministre dans le gouvernement qui est responsable d'une région en particulier. Moi, il n'y aurait pas trois ministres qui seraient responsables d'une région, il y aurait trois députés qui travailleraient pour une région.

Avant de passer à la deuxième proposition, et c'est d'ailleurs l'objet du débat: Pourquoi la proportionnelle? Moi, je considère que, la proportionnelle, elle va permettre que les votes s'additionnent au lieu de s'annuler. Actuellement, s'il y a cinq partis, s'il y en avait 10 éventuellement, bien, s'il y a un parti qui a un vote de plus que les autres, bien, tous les autres votes en dessous, ils ne comptent pas. Avec une proportionnelle, ça permet d'avoir une partie des gens qui ont voté pour un parti ou pour un indépendant d'être représentés.

Je pense qu'on est rendu, comme société, à un moment où il va falloir faire des choix sur des enjeux majeurs, et les consensus d'après moi vont être beaucoup plus importants que le pouvoir d'un parti de gérer à la façon qu'il pense qu'il doit gérer. C'est relié à l'exercice de la démocratie, évidemment.

Je pense que, ça, ça va obliger les gens à faire une trêve de quatre ans à toutes les fois qu'ils vont être élus, quatre ans pour régler ensemble des problèmes qu'ils devraient régler et non pas les régler seuls dans leur parti.

J'aime bien l'idée que les minorités soient représentées dans un gouvernement, même si le gouvernement est minoritaire. Donc, ma deuxième proposition, c'est: élire 74 députés dits... encore là je ne voudrais pas ni flatter ni insulter personne, mais je les ai appelés provinciaux...

Le Président (M. Ouimet): Le temps passe rapidement, il vous reste une minute.

M. Dumais (Réjean): ...et ça, c'est relié à la proportionnelle, ça veut dire que vous auriez 41 % des députés à l'Assemblée nationale qui seraient des députés régionaux, 59 % qui seraient des députés provinciaux.

Troisième proposition: offrir la possibilité à deux personnes, un homme et une femme, d'assumer conjointement et solidairement le poste de député sans pour autant changer la définition du poste qui existe déjà. C'est déjà mentionné.

Et la quatrième proposition que j'ai faite dans mon document, c'est de porter l'âge du vote à 16 ans pour permettre d'équilibrer, d'une certain façon, le poids démographique par rapport aux gens qui vieillissent dans notre société.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, nous allons donc... je vous remercie de votre présentation. Nous allons ouvrir une période d'échange. J'avais la députée de Chauveau qui m'avait demandé la parole. Elle s'est absentée momentanément. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. Dumais, pour vos commentaires, votre réflexion. Lorsque vous parlez de 74 sièges proportionnels, je n'ai pas... le mode de calcul, est-ce que c'est avec des districts comme ce qui a été proposé par l'avant-projet de loi ou c'est les régions administratives ou c'est intégral? Avez-vous fait une réflexion là-dessus?

M. Dumais (Réjean): Je m'excuse, je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais, dans le document, c'est bien clair: c'est sur la base du Québec au complet.

M. Picard: C'est l'intégral?

M. Dumais (Réjean): C'est l'intégral.

M. Picard: O.K.

M. Dumais (Réjean): 10 % des voix pour un parti, c'est 10 % du 74 députés à l'Assemblée nationale, donc sept députés à l'Assemblée nationale.

M. Picard: J'aurais une deuxième petite question. Vous indiquez qu'on devrait donner le droit de vote aux gens de 16 ans, mais vous mettez un bémol pour qu'ils ne puissent pas se présenter avant 18 ans. C'est quoi qui motive cette idée de... On donne un droit de vote, mais il ne peut pas se présenter, là. Il me semble que c'est en contradiction, un petit peu.

M. Dumais (Réjean): Bien, c'est relié à la majorité, c'est-à-dire que ça mettrait à changer d'autres lois. Évidemment, si vous dites que là il faut qu'il soit majeur versus 16 ans, ça ne marcherait pas.

M. Picard: O.K. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous. Je veux vous entendre un petit peu plus sur votre proposition n° 3. Je vais faire rapidement, parce que je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je veux que vous me disiez, d'après vous, quel est l'avantage. J'imagine que c'est d'avoir plus de représentantes féminines, mais j'imagine mal comment on peut partager un même poste de député, là, quand on pense aux débats que ça peut susciter parfois sur des prises de position ou encore sur des interventions dans les circonscriptions électorales, etc.

Puis la quatrième, vous voulez abaisser l'âge des jeunes à 16 ans. Ma collègue me faisait remarquer qu'on a déjà beaucoup de difficulté à sensibiliser les jeunes de 18 ans et plus à la chose politique. Si c'est à 16 ans, est-ce qu'on n'aura pas plus de difficulté?

M. Dumais (Réjean): Bon. Pour la première, je pense que l'avantage que ça a, c'est de rendre dans le fond... pas hommage, parce que ce serait un peu péjoratif. Il y a des gens qui travaillent dans l'ombre des députés, il y a des gens qui restent dans une circonscription qui sont la porte d'entrée du bureau du député, et ces gens-là ne sont pas connus, et dans le fond ils jouent un rôle conjointement avec le député. Et ce n'est pas une obligation; moi, c'est de donner la possibilité que ça puisse se faire, que deux personnes ensemble puissent dire: On se présente. La difficulté ou la nécessité que ces gens-là se parlent et s'arriment ensemble, pour ne pas avoir deux sièges un à côté de l'autre ou un en arrière de l'autre à l'Assemblée nationale... Ça ne donnera pas deux votes, ça va donner un vote, là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, là-dessus, je mets un terme à l'échange. Merci infiniment, M. Dumais, d'avoir participé aux travaux de cette commission, je vous en remercie.

J'invite maintenant M. Yvan Dutil à bien vouloir s'approcher et à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): M. Dutil, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous avez six minutes de présentation puis par la suite quelques minutes d'échange avec les parlementaires et les citoyens.

M. Yvan Dutil

M. Dutil (Yvan): M. le ministre, Mme et MM. les députés, membres du comité citoyen, merci de m'accorder ce temps de parole. Je vais commencer brièvement.

Simplement, la proposition qui est devant nous est dès le départ mal conçue. Il y a plusieurs erreurs techniques de niveau élémentaire dans cette proposition-là qui font qu'on risque d'avoir de sérieux problèmes quand on va la mettre en application.

Un autre point que je veux rappeler aussi, c'est que la pluralité n'est pas un mode de scrutin adéquat quand il y a plus que deux options. C'est connu depuis Pline le Jeune, en 105 de notre ère, redécouvert à trois reprises dans l'histoire, oublié trois fois, et c'est connu depuis des années. Je suggère que l'on fasse une modification mineure à la Loi électorale qui nous permettrait d'utiliser le vote par assentiment. Ça peut être fait d'ici une semaine si nécessaire, ça demande de changer un article de la Loi électorale du Québec et des petites modifications à la Loi sur le financement populaire des partis politiques. Ça aurait le mérite d'au moins tenir compte d'une réalité mathématique qui est connue depuis très longtemps.

Deuxième point: bon, la discussion sur le biais que le Parti libéral souffre à cause que son vote est concentré à Montréal. C'est un biais de 3,5 %, plus ou moins 0,9 % au cours des 25 dernières années, et une partie de ce biais, environ 0,7 %, semble provenir de la carte électorale elle-même. Je crois qu'on dépense des millions de dollars, ça prend deux ans, faire une carte électorale. En théorie, on devrait arriver à un biais trois, quatre fois plus petit que ça. Donc, il y a quelque chose, dans la mécanique, qui ne fonctionne pas.

La progression de la participation féminine à l'Assemblée nationale est la deuxième plus rapide au monde, après l'Espagne. Donc, je ne vois pas du tout l'utilité de mettre des mesures incitatives qui vont avoir un effet limité. Au plus, deux femmes vont être... à l'Assemblée nationale de plus vers 2015 si jamais on atteint le rythme de croissance de l'Espagne, et on risque de faire perdre de la crédibilité à nos candidates féminines. Je pense que ça n'a pas beaucoup de sens.

n(15 h 10)n

Bon. D'autre part, il n'y a pas d'indication non plus que la région de Montréal contrôle le Parlement, en tout cas pas au niveau de la représentation des députés.

Il apparaît aussi que, si on veut maintenir une représentation régionale et avoir un système proportionnel, il va falloir augmenter le nombre de députés à l'Assemblée nationale. Moi, j'ai travaillé avec 145 députés, parce que j'ai réduit un peu la taille de vos bureaux, puis je me suis aperçu qu'on pouvait loger ça. Avec une règle, on pourrait peut-être faire un peu mieux qu'avec un schéma. Je vous rappellerais que la moyenne des assemblées qui gouvernent une population semblable à la nôtre ont 196 députés, et ils ont des territoires généralement beaucoup plus petits. D'ailleurs, c'est un des problèmes pourquoi la réforme ne marche pas très bien. C'est qu'on a extrapolé le résultat de l'Allemagne, qui compte 598 députés sur un territoire pratiquement quatre fois plus petit que nous, ce qui fait une différence de densité de députés au kilomètre carré d'un facteur 20. Donc, c'est normal que ça plante. O.K.

Donc, O.K., j'ai regardé beaucoup de modes de scrutin. J'ai fait des simulations. Il y en a plein dans le chose. Je n'ai pas pris de résultats électoraux parce que la façon de voter des gens change en fonction du mode de scrutin. C'est basé sur les statistiques de ce qui a été observé dans le cas du système mixte, en Allemagne et en Nouvelle-Zélande; la proportionnelle, c'est les pays scandinaves et la France, sauf la dernière présidentielle; et pour le système uninominal à un tour, c'est le Québec des années quatre-vingt, quatre-vingt-dix.

Donc, ce qui marche le mieux, c'est un système national avec deux votes: le premier vote évidemment, vote par assentiment. Ce qu'on remarque, avec la pluralité, c'est qu'il reste encore du vote stratégique, même avec un deuxième vote. Et là le problème qui se passe, c'est qu'on a deux grands partis puis des petits partis. Alors, comme il manque un petit peu de pourcentage de sièges pour avoir le pouvoir, ces petits partis là sont embarqués dans une coalition. Ils ont beaucoup plus de pouvoir que leur proportion de vote dans la population. C'est un des problèmes de ce système-là. Par contre, dans un système proportionnel pur, ça n'arrive pas parce que la distribution de taille des partis est beaucoup plus uniforme. Donc, c'est des coalitions des partis de taille moyenne, petits partis. Donc, c'est beaucoup plus uniforme. Bon. O.K. Dans ces cas-là aussi, quand c'est le système proportionnel pur, il y a peu de probabilité que, comme le poids politique est proportionnel au poids démographique ou au poids du nombre de sièges, il y a peu de possibilité qu'un groupe prenne le contrôle de l'Assemblée, à moins évidemment d'être très majoritaire. Bon.

Il y a un autre problème qui est apparu quand j'ai préparé ce document-là. Il a l'air d'y avoir un problème important ? et ça, j'ai parlé à quelques députés, des gens qui travaillent à l'Assemblée nationale ? de collaboration entre les députés de l'Assemblée nationale à travers les partis. Ça a l'air d'être un problème assez... c'est reconnu aussi, là, et il va falloir créer une culture de collaboration parce que, quelle que soit la réforme de mode de scrutin qu'on va faire, on va se ramasser avec des gouvernements minoritaires ou de coalition à des taux plus ou moins grands, dépendant de la méthode qu'on choisit, et si vous n'êtes pas capables de travailler ensemble, ça va être comme à Ottawa, là, on va se ramasser avec une élection aux deux ans. On se dirige vers ça parce que la complexité de l'électorat augmente. On va se ramasser avec des gouvernements minoritaires, c'est certain, puis ça va devenir de plus en plus instable si vous n'apprenez pas à travailler ensemble puis à collaborer. Et je sais que c'est un problème parce que la moitié du discours pour se faire élire, c'est: Ils ne seront pas au pouvoir et... ou vous allez travailler avec eux autres. Écoutez, dans les élections fédérales, c'est ça. Et ça, si on ne change pas ça, ça ne sert à rien de faire une réforme du mode de scrutin.

Un autre point, dans le même ordre d'idées, étant donné que c'est des gouvernements de coalition et minoritaires, le lieutenant-gouverneur devient l'arbitre ultime, ce qui nous sert jamais, sauf dans ces cas-là, et ça risque d'arriver quasiment tout le temps. Et il faut, dans ce cas-là, comme il est nommé par Ottawa, une partie de la population considère que c'est quasiment un gouvernement d'occupation, il va peut-être falloir penser à élire le lieutenant-gouverneur.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci infiniment, M. Dutil. Nous allons maintenant amorcer la période d'échange avec vous. J'ai Mme Proulx, de notre comité citoyen.

Mme Proulx (Mélanie): Oui. Bonjour. J'ai accroché un peu sur quelque chose, là. Vous nous avez dit que, si j'ai bien compris, qu'on n'avait pas besoin de mesures financières incitatives pour augmenter la représentativité des femmes. Et pour vous appuyer, vous nous avez dit qu'au Québec le pourcentage de femmes à l'Assemblée nationale augmentait considérablement, à comparer à plusieurs autres pays. Est-ce que ça veut nécessairement dire que ça augmente assez vite puis qu'on a assez de femmes à l'Assemblée? Est-ce qu'on ne pourrait pas, je ne sais pas, aller de l'avant ou juste s'appuyer sur le fait qu'il y en a déjà puis que ça augmente naturellement? J'aimerais que vous m'expliquiez un peu votre position.

M. Dutil (Yvan): S'il y a des incitatifs financiers, j'ai été généreux, supposons qu'on atteint le pays qui va le plus vite au monde qui est l'Espagne, ça nous donne deux femmes de plus en 2015, sur un total, à ce moment-là, de 50 à peu près. Est-ce qu'on va prendre le risque de réduire, de mettre un poids à la crédibilité des élues féminines pour en avoir une ou deux de plus, qui ne change rien à leur pouvoir à toutes fins pratiques à l'Assemblée nationale parce que, là, on parle là, ça prend, c'est 62, 63 femmes pour être la majorité, être vraiment équilibré. Donc, c'est presque la parité. En se rapprochant un tout petit peu de la parité qui n'a pas d'effet sur l'information qu'on peut véhiculer, on va faire perdre de la crédibilité aux candidates féminines en disant: Bien oui, on sait bien, vous autres, vous avez été rentrées parce que ça vous donnait à peu près 20 000 $ de plus au parti cette année-là. Je ne suis pas sûr que c'est un bon choix.

Si on était comme en France, à 12 % de femmes, là je dirais: On peut faire quelque chose. Mais là on est 10 ou 12e au monde, tout dépendant des années, des élections, on est les deuxième plus rapides, je pense qu'on devrait faire quelque chose, on devrait le dire, ça. On devrait dire: Il y a de la place. L'Assemblée nationale accepte les femmes. Puis, ça, c'est une erreur des mouvements féministes de toujours pointer sur les problèmes. J'ai vu ça dans la science, la même chose, j'ai des collègues, moi, qui ont dit, ils ont donné des entrevues à des organismes comme ça, ils disaient: Allez, venez les filles, c'est le fun. Puis ce que ça a sorti dans les journaux, c'est épouvantable, les femmes sont martyrisées. Il faut vraiment dire que ça va bien.

Mme Proulx (Mélanie): Je pense que...

Le Président (M. Ouimet): Mme Proulx, je vais aller du côté du ministre. Maintenant, M. le ministre.

M. Pelletier: M. Dutil, bravo! Bravo pour le mémoire que vous avez remis à la commission, je veux dire, on regarde ça, je suis très, très impressionné par l'effort que vous avez déployé et l'intérêt que vous manifestez pour les travaux de la commission. Je vous félicite.

J'ai remarqué, à la page 5 de votre mémoire, que vous dites ceci, vous dites: «Il apparaît donc peu probable que le Parti libéral, et indirectement les anglophones et les allophones, puissent accaparer le pouvoir indéfiniment.» Je suis un petit peu déçu. Mais j'aimerais que vous nous expliquiez comment vous en êtes venu à cette conclusion.

M. Dutil (Yvan): Le problème que je vois, d'où ça vient, ça, c'est que l'erreur que les gens font, ils prennent les votes actuels dans notre système électoral et ils prennent ça, ils convertissent ça dans un système proportionnel, directement. Les gens ne votent pas de la même façon dans un système proportionnel. La loi Duverger qui fait qu'il y a deux grands partis disparaît dans un système proportionnel. Ce qui fait que le 2 %, 3 % de pénalité que vous avez, ça vous donne à peu près 10, 12 députés de moins, là. Si vous arrivez égal en pourcentage avec le Parti québécois parce que votre vote est concentré dans Montréal, bien ce 2 %, 3 % là va vous donner 2 %, 3 % plus de sièges dans un système proportionnel. Et par contre, c'est un peu plus risqué avec un système mixte parce que, là, il reste encore des résidus de cette loi Duverger là. Donc, si on tombait dans...

Moi, si on a vraiment peur de ce problème-là, pourquoi pas aller direct à une proportionnelle régionale? Ce n'est pas... C'est moins compliqué pour les gens, parce que, moi, ce que j'ai regardé, ce qui est facile, là, c'est de faire, où est-ce qu'il y a beaucoup de députés, où c'est concentré, proportionnelle régionale, en ville les gens s'en foutent un peu de... Tu sais, le comté, ce n'est pas comme à la campagne. À la campagne, dans les régions, les gens tiennent à ça, le comté. Mais en ville, les gens n'y tiennent pas beaucoup. Vous avez assez de députés parce que ça prend au moins six, sept. Moi, j'ai mis six comme seuil de députés pour commencer à parler de proportionnelle, là. On ne fait pas de proportionnelle avec trois personnes. Donc, on prend ce petit groupe là, on fait la proportionnelle régionale directe, les gens votent une fois pour le député, fini. Dans les autres régions, on les fait voter par le vote par assentiment parce que c'est l'équivalent quand il y a juste un candidat, puis on se ramasse avec quelque chose qui n'est pas 100 % proportionnel mais qui est déjà beaucoup plus proportionnel. Il faut en faire... C'est à peu près le modèle auquel j'arrivais, là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, là-dessus, M. Dutil, je vous remercie au nom de tous les membres de la commission pour votre participation et votre contribution à nos travaux.

Et j'invite maintenant M. Patrice Fortin à bien vouloir s'avancer et prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Ça va? Alors, M. Fortin, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous disposez de six minutes, puis par la suite quatre minutes d'échange avec vous.

M. Patrice Fortin

M. Fortin (Patrice): O.K. Bonjour, M. le Président, les membres de la commission parlementaire et les citoyens ici présents.

M. le Président, on m'avait dit 10 minutes que j'avais droit, parce que je me suis chronométré pour arriver dans mon temps.

Le Président (M. Ouimet): 10 minutes d'échange... six minutes de présentation puis les parlementaires et les membres du comité citoyen souhaitent vous poser des questions.

n(15 h 20)n

M. Fortin (Patrice): En tout cas, je vais vous lire la partie. De toute façon, la dernière partie, c'étaient mes recommandations que je fais, que je rajoutais puis que je voulais vous lire, ça, vous les avez. Alors, bon, bonjour, mesdames, messieurs, les membres de cette commission parlementaire ainsi que les citoyens ici présents. Et merci de me permettre d'émettre mon opinion devant cette Commission spéciale sur la Loi électorale en présentant ce mémoire intitulé Les voleurs de démocratie. D'autant plus que je fus candidat à l'élection du 6 novembre 2005 dans la ville de Québec. «Élection» est un mot inoubliable dans le sens qu'en plus du flop du système de votation électronique, j'ai dû subir un traitement vraiment injuste à l'endroit de ma personne mais surtout à l'endroit des citoyens que je représente et qui me supportaient. En effet, j'en étais à ma troisième occasion de présenter ma candidature dans une élection à la mairie à la ville de Québec et à la 10e fois à me présenter à une élection tant provinciale que municipale en plus d'avoir été chef de deux partis politiques provinciaux au Québec.

Je vous avoue que je fus ébranlé de constater que jamais au grand jamais je n'aurais pensé que le système électoral municipal pourrait être aussi pourri que le système électoral provincial, plus spécifiquement de l'aspect qu'un candidat indépendant reçoit au niveau de la couverture médiatique dans une même élection municipale comparativement à un autre candidat indépendant, et ceci fait que ce que j'ai subi à cette élection du 6 novembre 2005... le sentiment d'être mis de côté. Pourtant, combien de fois ai-je entendu dire que le municipal était le gouvernement le plus près du citoyen et qu'il était important de s'y impliquer?

Ce n'est pas mêlant, ça prend justement une tête comme celle de l'honorable Louis-Joseph Papineau pour se souvenir, dans cette salle justement dédiée à sa mémoire, que je fus ébranlé du fait que, si ma candidature fut totalement écartée d'une participation réelle de cette élection du 6 novembre 2005 à la mairie de la ville de Québec, cela est à mon avis attribuable au fait que d'entrée de jeu je fus au départ de cette campagne électorale dans la ville de Québec exclu, exclu de participer aux différents débats qui ont été organisés par les différentes chambres de commerce. Ceci à mon avis a contribué à créer un effet domino, de telle sorte que la suite en fut une où les savants médias, surtout les grands médias, choisirent de m'ignorer totalement et de banaliser ma candidature et, par ricochet, évacuer un véritable débat sur des enjeux que j'aurais aimé défendre, qui concernent les citoyens ordinaires.

Pour quelqu'un qui connaît un peu l'histoire du Québec, je me serais cru à l'époque des patriotes de l'honorable Louis-Joseph Papineau. Ce dernier avait à se défendre tout le temps contre un certain establishment qu'au Bas-Canada on appelait la «clique du château» et McKenzie, dans le Haut-Canada, le «Family Compact». Pourtant, à l'occasion de la Commission sur la réforme des institutions démocratiques, je me souviens avoir entendu un citoyen qui était venu témoigner devant cette commission et de dire que l'information était la première courroie de la démocratie, et je me souviens aussi d'avoir sensiblement repris les propos de ce citoyen qu'effectivement l'information était hors de tout doute la première courroie de la démocratie. Je me souviens aussi que les citoyens présents nous avaient applaudis à tout rompre.

C'est pour cette raison que je voulais vous livrer mes impressions relativement au fait que, lorsque les débats qui sont organisés par les chambres de commerce deviennent un monopole de contrôle de la démocratie, cela est, tel qu'indiqué à la page 9 de mon mémoire, contraire à ce qu'en penseront certains de l'élite québécoise, à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, c'est-à-dire l'article 21, alinéas 1, 2 et 3, et qui stipule que: Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis; 2° Toute personne a le droit d'accéder dans des conditions d'égalité aux fonctions publiques de son pays; 3° La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics. Cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté de votation, ce que la Chambre de commerce de Québec a totalement ignoré.

Question: Lorsque le gouvernement provincial précédent a légiféré en matière de lobbyisme, comment se fait-il qu'il n'existe pas une loi-cadre ou une réglementation relativement au fait que les chambres de commerce seraient tenues d'inviter tous les candidats se présentant à une élection sur un même pied d'égalité? Comment aussi se fait-il que l'on se questionne présentement sur l'idée de bonifier la Loi électorale, alors que la solution se trouve plutôt du côté du fait qu'il faut surtout trouver un moyen d'intéresser de nouveau les citoyens à une plus grande participation citoyenne aux élections?

Eh bien, le tout selon moi réside dans le fait que l'on ne voit pas poindre à l'horizon de nouveaux leaders politiques, surtout des jeunes, et je pense que cela aurait pu être intéressant, dans le cadre d'élections municipales dans la ville de Québec, de m'inviter sur toutes les tribunes, compte tenu que j'étais le seul à être candidat à la mairie provenant de la génération x. Ça me fait penser un peu à un parti qui veut faire la souveraineté pour l'avenir de nous, on dit ça pour les jeunes, mais on ne nous fait pas grand place. Malheureusement, j'ai été exclu par les chambres de commerce, ensuite s'ensuivit, comme je le disais, l'effet domino des stations de télé, radio, journaux, etc. C'est pourquoi, au risque de me répéter, je me demande: Pourquoi bonifier la Loi électorale quand, au premier lieu, il y a une série d'irritants érigés et façonnés de manière à exclure une participation pleine et entière de citoyens engagés?

Autre question: Est-ce que le présent gouvernement est sérieux en pensant que réformer la présente Loi électorale, cela contribuera à redorer le fleuron de la démocratie et apportera une meilleure participation citoyenne? J'en doute. Maintenant, pour continuer à vous expliquer ce qu'il faudrait faire pour améliorer la démocratie du Québec, je veux vous dire que je pense réellement que la vraie façon d'obtenir de véritables résultats sur toute la ligne, il faudrait dans un premier temps que le gouvernement ait le courage de dire les vraies choses, et pour cela je souhaiterais voir le gouvernement légiférer relativement aux chambres de commerce...

Le Président (M. Ouimet): M. Fortin...

M. Fortin (Patrice): Je termine, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Vous avez 30 secondes pour conclure.

M. Fortin (Patrice): O.K.... qui bafouent carrément la démocratie en invitant seulement quelques candidats privilégiés dans une élection, comme le traitement que j'ai dû subir aux dernières élections municipales à Québec. Ensuite, les médias devraient être encadrés de façon à inclure tous les candidats qui devraient pouvoir participer à un débat télévisé lorsqu'il y a quatre ou cinq candidats, car avec un petit nombre, cela ne change pas grand-chose. Au-delà de cinq candidats, on devrait changer de formule, mettre des blocs de temps. Puis je me suis fait répondre par TQS qu'il n'y avait pas assez place dans le studio.

Je termine, M. le Président. De plus, j'ai été étonné de constater que, parmi les médias qui n'ont pas couvert ma candidature tout au long de la campagne électorale municipale, qui plus est, n'ont même pas voulu que je participe aux deux débats télévisés, eh bien, je me suis même fait dire par le directeur en chef de l'information à TQS, M. Pierre Martineau, que je n'avais pas de crédibilité, ce à quoi je réponds que c'est paradoxal que TQS a couvert ma candidature, en 1993, dans Portneuf, au lendemain d'élections municipales en plus d'avoir été félicité par plusieurs personnes ? là je l'ai mis dans mon mémoire ? le gouverneur général, ce n'est pas rien, alors...

Le Président (M. Ouimet): Je dois vous interrompre, si vous voulez un peu de temps à la discussion...

M. Fortin (Patrice): O.K. Bien, je voulais terminer, en terminant, M. le Président...

Le Président (M. Ouimet): Non, non, vous m'avez dit ça trois fois, là, je vais aller maintenant du côté des échanges. Il y a M. le député de Trois-Rivières qui aimerait vous adresser quelques questions. M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Merci, M. le Président. Merci, M. Fortin. Vous aurez probablement l'occasion de compléter votre pensée en réponse à ma question. D'abord, bienvenue, et vous êtes sans doute la preuve qu'à l'Assemblée nationale nous sommes très ouverts à entendre les opinions de tout le monde. Ce n'est pas le cas partout, à ce que j'ai compris de votre prestation.

J'ai bien compris également qu'un élément que vous trouvez important, c'est d'élever l'intérêt des citoyens à participer à la démocratie. Et vous avez sans doute pris connaissance de l'avant-projet de loi que nous discutons, et ma question est de savoir: Est-ce que pour vous il est préférable de conserver le statu quo ou peut-être d'aller dans le sens de l'avant-projet de loi bonifié autant que possible pour certaines personnes que nous entendons, là, mais de façon à augmenter cet intérêt-là de la population à participer aux débats démocratiques?

M. Fortin (Patrice): Bien, c'est toujours important, M. le Président, oui, en effet de bonifier peut-être... Moi, en tout cas, moi, je souhaite toujours qu'on se rédige un jour une constitution, que ce soit une constitution interne. D'ailleurs, je pense qu'en France... fait partie de la constitution de la Loi électorale... Et ce que je trouve un peu malheureux, c'est que, quand j'ai reçu les documents, là, toute la réforme qu'on s'apprête à faire, on parlait même d'une réforme parlementaire, les premiers documents que j'ai reçus, là, à quelque part là-dedans je lisais qu'on parlait de séparation des pouvoirs. Je trouve ça bizarre parce qu'on est dans la Chambre de Louis-Joseph Papineau et, quand Papineau parlait de séparation des pouvoirs, il avait écrit les 92 résolutions, hein, c'était d'écrire un projet de constitution. Alors, on y va toujours à la pièce. Moi, je ne sais pas, je pense qu'on a de la misère à s'en sortir et je me dis: un jour, il faudrait la faire, la job. Puis d'ailleurs il y a la Colombie-Britannique qui a une constitution interne, il y a la Nouvelle-Écosse et le Nunavut. Même Bush, hein, il demande ça à l'Irak, les pays, l'Afghanistan, ces affaires-là. On est-u, je pense, moins capables de le faire? Je ne sais pas.

Mais pour vous réponde en même temps, M. le député, à ce que vous me disiez tout à l'heure, je reviens toujours, quand c'est un monopole des chambres de commerce qui monopolisent tout, ça arrive même au provincial, avec les médias, les sondages. Les citoyens, on ne croit plus à ça, la démocratie, je veux dire. Moi, j'ai l'impression, je vous garde aller, là: Allez-vous vraiment faire quelque chose contre les chambres de commerce? Êtes-vous, comme Papineau vous aurait dit, seulement qu'un instrument entre les mains de la Providence? Je veux dire, il faut qu'on ait des députés qui disent: Écoute, là, si on veut que les citoyens s'intéressent, on aura beau faire la plus belle Loi électorale qu'il n'y a pas, O.K.

Et quand je vois aussi qu'on... on parle, le DGE qui faisait enquête sur ce qui s'est passé à Québec, le vote électronique; je vous ai sorti un article où on avait un DGE qui était impuissant en 2000. On a vu l'histoire d'Option Canada, dernièrement, là. C'est ça qui ont amené des documents avec le journaliste Lester. Est-ce qu'il va se passer quelque chose? Il a été impuissant en 2000, il ne fera pas plus rien de temps-ci, là, voyons donc. On rit carrément des citoyens, M. le Président.

Et, moi, je me dis: Si on veut que les citoyens participent, bien, c'est ça, il faut vraiment les intéresser. Et une manière de le faire, moi, je suis venu à plusieurs reprises témoigner en commission, je veux dire, écrivons-nous une constitution, ça appartient aux citoyens, la constitution, O.K. Alors, je ne sais pas, ça va être M. Pelletier de peut-être de devenir notre Louis-Joseph Papineau des temps modernes, je ne sais pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortin (Patrice): Puis une autre chose, M. le Président, il faudra revoir... j'avais des documents que je voulais vous déposer.

Le Président (M. Ouimet): 15 secondes.

M. Fortin (Patrice): Bien, M. Ouimet, j'avais un document que je voulais vous déposer, mais ça m'amène une réflexion. Et quand j'ai subi ce que j'ai subi aux élections municipales...

Le Président (M. Ouimet): ...chercher le document que vous souhaitez déposer, mais...

M. Fortin (Patrice): C'est un document qui avait paru le 22 juin 2000 où on parlait d'une règle l'«Indirect Rule», O.K. où que c'était vraiment difficile pour un Canadien-français d'accéder à des pouvoirs. Quand on voit la façon que vous banalisez...

Le Président (M. Ouimet): Malheureusement, M. Fortin, tout le temps... On a dépassé l'enveloppe de temps. Moi, je vous remercie d'avoir participé aux travaux de cette commission. Je dois maintenant passer à un autre témoin.

Donc, j'invite M. Clément Gagnon à bien vouloir s'approcher à la table des témoins et d'y prendre place.

Document déposé

...document déposé par M. Fortin, qui est un article de journal.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): M. Gagnon, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous disposez de six minutes de présentation, puis par la suite une période d'échange avec vous qui durera quatre minutes. À vous la parole.

M. Clément Gagnon

M. Gagnon (Clément): Je tiens à remercier... l'invitation de la commission. Donc, j'ai déposé un mémoire qui concerne le vote électronique. Donc, ça concernait une section des travaux de la commission qui était à la section Autres questions relatives à la Loi électorale. Donc, mon mémoire évidemment porte sur la question du vote électronique. Donc, je vais vous faire un bref résumé du mémoire en question donc.

n(15 h 30)n

L'utilisation à grande échelle des technologies de l'information comme moyen de voter lors des dernières élections municipales a suscité énormément de questions sur la fiabilité et la confiance du processus de votation électronique. Donc, l'objet de mon mémoire est de tirer un enseignement de ces événements et de proposer des recommandations pour encadrer et assurer la confiance dans l'emploi des TI, des technologies de l'information, dans un système de vote électronique, selon le loisir du Parlement.

Donc, un système de vote électronique permet de se prémunir de l'imprécision du marquage, il permet de faire rapidement le décompte des votes, il permet également de réduire les impacts de la dispersion géographique des points de votation. Dans le cadre de mon mémoire, je décris un système de vote électronique; ça désigne un ensemble de processus ? et j'insiste sur le terme «processus» ? et de technologies pour le vote des citoyens, la cueillette de ces votes, le traitement et la production du résultat du vote.

Quelles sont les nécessités d'utiliser les technologies de l'information pour le vote électronique? Bon, on peut toujours s'interroger sur la question. Quels sont les avantages? Sont-ils plus nombreux que les désavantages? Y a-t-il vraiment une opportunité à exploiter?

Donc, l'utilisation des technologies dans la vie démocratique est déjà une réalité comme moyen de communication. Cependant, le processus de votation conventionnel est simple et généralement connu de tous. Cependant, la tenue du vote, du vote conventionnel, demande des ressources humaines importantes et malgré que les moyens matériels soient relativement peu coûteux.

Le plus connu des problèmes du vote normal, conventionnel, c'est l'imprécision du marquage, du choix de l'électeur sur le bulletin de vote. Ce marquage peut être parfois sujet à diverses interprétations. Il y a certains problèmes aussi liés au comptage des votes. Un système de vote électronique permet de répondre aux problèmes que je viens d'identifier. Donc, un système de vote électronique permet, selon la technologie employée, de se prémunir de l'imprécision du marquage, il permet de faire rapidement le décompte des votes avec précision, il permet également de réduire les impacts de la dispersion géographique des points de votation. Cependant, un système de vote électronique demande une mise en oeuvre en temps et en efforts qui sont assez importants. Il est possible, grâce au vote électronique, de rendre le processus de vote facilement réalisable en réduisant la logistique nécessaire à cet acte démocratique, mais le système de vote électronique doit être mis en oeuvre avec rigueur et avec méthode, et selon les règles de l'art.

Donc, je tire quatre constats suite aux technologies et surtout aux derniers événements qu'il y a eu lors du vote municipal. C'est que la technologie évidemment ne garantit rien, constat n° 1. Constat n° 2: la robustesse du système de vote électronique, et ça, ça inclut processus et technologie, est égal à celle du maillon le plus faible du système. Constat n° 3: à court et à moyen terme, lorsqu'on parle d'Internet, Internet n'est qu'un médium de transport pour le vote électronique. Constat n° 4: les moyens technologiques existent pour assurer une sécurité adéquate aux besoins de base d'un système de vote électronique; mentionnons plus précisément l'identification et l'authentification des électeurs.

Donc, afin de garantir le respect du cadre légal et assurer la disponibilité, l'intégrité et la confidentialité d'un système de vote électronique, voici trois recommandations:

Recommandation n° 1: produire un cadre administratif de référence qui tient compte de la technologie pour un système de vote électronique;

Recommandation n° 2: créer un modèle technologique de référence d'un système de votation électronique; et

Recommandation n° 3: constituer un comité d'experts pour réaliser des audits de sécurité sur les systèmes de votation électronique.

Donc, en guise de conclusion, c'est que je tiens à signaler que le vote électronique n'est pas une obligation en soi, ce n'est pas une obligation de l'intégrer. Cependant, ça peut être un moyen complémentaire au système de vote conventionnel. Il faut analyser soigneusement les coûts et les efforts versus les gains qu'on peut en tirer, et on peut constater, lors des dernières élections fédérales, qu'il y a comme un changement au niveau que les gens votent. Le vote par anticipation a connu une popularité sans précédent, donc on peut imaginer que l'emploi des nouvelles technologies risque probablement d'intéresser certaines catégories d'individus pour son devoir de citoyen, c'est-à-dire voter. Je termine là-dessus.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Gagnon, merci infiniment pour nous avoir exposé ce point de vue somme toute spécialisé sur un aspect très important de notre Loi électorale. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous, M. Gagnon. Je comprends de vos propos finalement que vous n'êtes pas contre le vote électronique, mais vous faites certaines recommandations pour qu'il y ait un encadrement assez important quant à l'utilisation. Moi, je veux vous poser une question. Vous élaborez beaucoup sur le niveau technique, mais, quant à l'impact sur les citoyens, est-ce que vous croyez, par exemple, que les jeunes, qui ne votent pas beaucoup ou en tout cas moins qu'on le voudrait, est-ce que ça les inciterait selon vous à voter davantage si on leur facilitait, par exemple avec l'utilisation d'un vote électronique? Est-ce que ça...

M. Gagnon (Clément): Mon opinion est: Oui, je crois que ça les inciterait, parce qu'eux ont intégré la technologie. Pour eux, c'est une manière de faire les choses qui est totalement naturelle. Mais évidemment, ça implique beaucoup de considérations, là, autant légales que technologiques, les manières de faire. Donc, il y a beaucoup de problèmes de sécurité liés à l'utilisation des technologies.

Évidemment, quand on parle de vote électronique, ce n'est pas uniquement l'Internet, ça peut être des moyens technologiques qui sont locaux. Donc, on l'a vu lors des systèmes de vote. Donc, évidemment, ça, ça ne les attire pas vraiment, là. Il s'agit que ce soit intégré dans les nouveaux moyens de communication. Mais, d'après moi, ça va prendre encore de nombreuses années avant que ce soit quelque chose qui soit réalisable, là, qui soit totalement sécuritaire.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci. Je vais aller du côté de M. le député de Masson.

M. Thériault: Bienvenue à la commission. J'avais envie de dire: Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? Est-ce que vous pensez que, vraiment, le vote électronique pourrait augmenter la participation à la votation? Ensuite, est-ce que vous ne pensez pas que, compte tenu de l'économie de la Loi électorale, notamment en ce qui a trait au caractère solennel et secret du vote, il y a toute une économie de la Loi électorale qui fait en sorte même que, dans un bureau de votation, s'il y a une pancarte devant la porte, etc., s'il y a quelqu'un qui est dans la ligne puis qui commence à jaser, essayer d'influencer, il y a plein d'articles qui essaient de minimiser, la journée du scrutin, l'influence du vote? Jusqu'où vous seriez prêt à aller dans l'établissement d'un vote électronique? C'est une chose de prendre un genre de poubelle qui gobe le bulletin de vote, c'en est une autre de voter par Internet à la maison. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Gagnon (Clément): Premièrement, est-ce que ça augmenterait la participation au vote? Probablement pour une catégorie de citoyens. Donc, on parlait tout à l'heure des plus jeunes, ça aurait un intérêt pour eux. Mais encore là il faudrait voir quel type de système de vote électronique. Donc, si on parle d'un système de vote par Internet, l'impact est totalement différent des systèmes de vote qu'on a vus récemment, aux élections municipales.

En ce qui concerne l'aspect décorum, si j'ai bien compris le sens de votre question, l'aspect solennel du vote, se déplacer, qu'il y ait une certaine manière de faire, évidemment, le système de vote électronique, s'il est employé localement dans un point de vote, je ne crois pas que ça impacte cet aspect-là solennel, mais, s'il est employé dans le cadre d'Internet, supposons, ça change énormément de choses quant à l'aspect, là, solennel du vote, là, pour reprendre vos termes.

M. Thériault: ...le vote est secret.

M. Gagnon (Clément): Oui, mais, par Internet, il peut être secret aussi. C'est que, si on emploie les technologies adéquates, avec les bonnes façons de faire, le vote va rester secret. Déjà, les technologies existent, les moyens de faire existent. C'est déjà connu, c'est déjà documenté, tout ça.

M. Thériault: Mais je vois déjà Infoman faire un party de vote électronique.

M. Gagnon (Clément): Donc, il faudrait se poser la question: Si jamais il y a des failles dans ce système-là, ça veut dire que le système a été mal conçu. C'est uniquement ce que ça veut dire.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député de Masson. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Mais justement, suite à l'expérience de Québec... Moi, je représente des citoyens de la Rive-Sud, et les gens en ont parlé beaucoup, puis les gens, selon moi, sont prêts ? quelqu'un disait tantôt, le député de Masson ? à avoir une gobeuse de bulletins de vote, parce qu'il y a un document qui demeure, parce que, dans la tête des citoyens, là, ce n'est pas évident, là, qu'on vote, et après ça, là, il savent plus ou moins... Je ne dis pas qu'il y a... Il peut y avoir fraude, mais je pense qu'il y a des techniques pour valider tout ça. Mais, avant de le faire, ça prendrait une campagne, on va dire, d'éducation populaire pour expliquer tout le processus qui permet de sécuriser le système, parce que, lorsqu'on voit qu'il y a des...

C'est certain que ce n'est pas Internet, mais, lorsqu'on voit qu'il y a des hackers qui rentrent dans des systèmes de l'armée américaine, un système de votation au Québec, là, il y a des gens qui pourraient être malfaisants ou qui pourraient tenter de faire la vedette en disant: Moi, j'ai réussi, là. Mais qu'est-ce que vous nous dites, c'est qu'avec un protocole sécurisé, avec des méthodes sûres, on pourrait sécuriser entièrement le vote. C'est ça que vous nous dites?

n(15 h 40)n

M. Gagnon (Clément): Je dis que la technologie existe, mais, comme je mentionnais tout à l'heure, un système de vote électronique, ce n'est pas uniquement de la technologie. Il y a tout un aspect processus, normes et manières de faire qu'il y a autour. Et, dans mes recommandations, je parle d'un cadre de référence, je parle de références technologiques, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait des gens qui se penchent sur la question et qui disent: Quand on fait un système de vote, on le fait de cette manière-là. Il faut penser notamment aux questions de disponibilité, c'est-à-dire qu'il ne faut pas que le système... si le système flanche, qu'il y ait des processus de relève, qu'il y ait des gens qui fassent les choses de la bonne manière, prendre les bonnes technologies, que ce soit vérifié et qu'il y ait, à intervalles réguliers, des gens qui se penchent là-dessus pour vérifier si tout s'est fait selon les règles de l'art. Donc, ce n'est pas uniquement une question de technologie.

Le Président (M. Ouimet): Alors, je dois mettre un terme à cet échange, le temps est écoulé. Au nom des membres de la commission, merci infiniment d'avoir partagé avec nous ce point de vue. Merci infiniment.

J'invite M. Guy Bergeron à bien vouloir s'approcher et à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec, M. Bergeron. Donc, vous disposez de 10 minutes en tout: six minutes de présentation, quatre minutes d'échange.

M. Guy Bergeron

M. Bergeron (Guy): Alors, bonjour, mesdames, messieurs. Ça me fait un grand honneur d'être ici, devant vous, aujourd'hui, parce qu'on parle de choses sérieuses évidemment. On est là pour essayer de trouver des solutions et donner plus de crédibilité au fondement inhérent de la démocratie, c'est-à-dire le processus électoral. Dans cette perspective-là évidemment j'ai essayé de me préparer du mieux que j'ai pu mais, bon, je préfère y aller «free style», comme on dit, et vous faire part de mes états d'âme les plus profonds. Par la suite, j'espère que vous allez pouvoir me poser des questions auxquelles je vais répondre du mieux mes connaissances également.

Ici, évidemment, on parle vraiment de changer un système qui est très traditionnel pour l'amener vers une perspective plus progressiste. J'aimerais, premièrement, je sais que ça va être à vous de me poser des questions, mais, moi, je vais vouloir qu'on me donne des précisions sur ce que c'est précisément le système, le système mixte, le système mixte compensatoire. Le système mixte, je le comprends très bien, mais je ne comprends pas l'aspect compensatoire là-dedans, et, en tant que citoyen, j'aimerais bien avoir des précisions par rapport à cela.

Pour ma part, je suis plutôt un défenseur de la représentation proportionnelle, précisément à l'exemple qui nous a été donné dans le document ici présent, qui démontrait le bulletin de l'Assemblée allemande, c'est-à-dire finalement l'élection d'un candidat à la façon uninominale avec le parti, et ensuite le deuxième vote où on peut voter pour le parti. Ce qui est intéressant, par après, c'est la proportionnalité qu'on va faire du vote pour les partis, c'est-à-dire qu'on le fasse de façon à ce qu'il y ait vraiment une répartition équitable qui se donne par rapport aux partis qui vont avoir eu un pourcentage électoral. Ainsi, évidemment, les partis traditionnels vont pouvoir avoir leur représentation quasi habituelle, également il va y avoir une émergence de nouveaux partis, disons tiers partis, qui vont pouvoir inciter un débat idéologique dont on a grandement besoin ici, au Québec.

Maintenant, concernant finalement cette fameuse répartition là proportionnelle, on a parlé, un peu plus loin, vers la fin du document, des avantages qu'on voudrait donner pour augmenter la représentation féminine en Chambre, également la représentation ethnique. Je suis entièrement d'accord avec ces mesures-là en autant que l'équité soit intergénérationnelle, par le fait justement qu'on doit faciliter et aussi inciter davantage à baisser le cynisme de la jeunesse québécoise par rapport au processus démocratique. Dans tout le document, il n'y a aucune référence qui est incitée, qui est faite par rapport au problème qu'on a de vote chez les jeunes. Si on s'arrange justement de demander aux partis, leur imposer finalement, en quelque sorte, une représentation de jeunes, un certain pourcentage dans la liste électorale qu'ils vont avoir à soumettre, dans ce cas-là, on va peut-être pouvoir susciter un peu plus d'intérêt, comme les États-Unis l'ont fait dans le cadre de leur révolution. Il y avait le principe «no taxation without representation». Il y a beaucoup de jeunes présentement qui se sentent complètement détachés par rapport à la représentation. Il faudrait réellement que ce soit inclus dans tout projet de loi, tout comme justement la question de la représentation des femmes doit être maintenue, doit être encouragée davantage, tout comme le principe de la représentation des minorités, des minorités ethniques.

Maintenant, la dernière partie du document se termine par les mesures proposées dans l'avant-projet de loi, les modalités d'exercice du droit de vote. Les deux derniers points, j'ai un petit peu... quelques difficultés avec ça, c'est-à-dire le vote par correspondance accessible à tous les électeurs domiciliés au Québec ainsi que la prolongation des heures du vote par anticipation et l'élargissement du vote par anticipation itinérant aux résidences des personnes âgées du réseau privé.

Dernièrement, j'ai eu l'occasion de faire un expérience qualitative dans le cadre des élections fédérales: j'étais scrutateur dans le cadre du bureau de vote anticipé. Le vote était tenu dans une résidence de personnes âgées dont je ne peux pas parler sur la valeur privée ou publique du propriétaire. Cependant, je considère qu'une résidence de personnes âgées, particulièrement appartenant au réseau privé, n'est en aucun cas un lieu citoyen, en ce sens qu'il est... on peut difficilement s'assurer que l'objectivité de tout le processus électoral, de tout... que les gens qui vont résider dans ces résidences-là, qui, après un certain âge, peuvent être quand même relativement vulnérables et dont une certaine notion de chantage peut se faire de certains groupes organisés, plus ou moins. Sans tomber dans la paranoïa, c'est quelque chose qui est possible. Également, si on veut favoriser l'accession au vote des personnes âgées, pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas également pour les jeunes du Québec, pour les étudiants qui sont dans les cégeps et qui ne sont pas dans leur région ou encore pour les universitaires, trouver le moyen justement de développer les bureaux de scrutin davantage dans les lieux étudiants, les lieux citoyens jeunes, tout autant que les résidences de personnes âgées, et tout ça?

Quant à justement l'accessibilité à tous les électeurs domiciliés au Québec, oui, on a parlé tout à l'heure de l'élément technologie, mais également n'est-ce pas que la démocratie, le simple fait d'aller voter est quelque chose d'assez important pour pouvoir inciter les gens à se déplacer ou trouver le moyen de se déplacer, sortir de leur individualité, sortir de leur anonymat et faire un geste citoyen, un geste collectif de communauté? Nous devons faire en sorte que nous nous rassemblons par les gestes élémentaires de la démocratie. Quand on décide justement de faire place à la technologie davantage, on éloigne l'humain du lien qui le rattache à son processus décisionnel. C'est une façon de voir les choses.

Maintenant, j'ai plutôt terminé ce que j'avais à dire... Ah! oui. Concernant...

Le Président (M. Ouimet): Ça tombe bien parce que le temps est épuisé également au niveau de votre présentation.

M. Bergeron (Guy): Parfait.

Le Président (M. Ouimet): Alors, nous allons amorcer une période d'échange avec vous. Donc, j'ai Mme la députée de Chauveau, M. Boivin. J'avais Mme Proulx et M. Boivin, M. le député de Masson, s'il reste du temps. Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Merci, M. le Président. M. Bergeron, merci beaucoup à vous d'être ici puis de nous faire partager vos réflexions sur cette réforme-là. J'ai des petites questions que j'ai à vous poser en rafale.

D'abord, la première des choses, vous avez parlé des mesures incitatives pour les femmes. Tout à l'heure, il y a un citoyen qui est venu, M. Dutil, puis il nous a dit, lui, que, d'après la recherche qu'il avait faite ? c'est une constatation que je fais aussi ? au Québec, quand même, on a 32 % de femmes, ce qui est un pourcentage de la présence des femmes qui est assez important et...

M. Bergeron (Guy): C'est beau. Ça peut être mieux.

Mme Perreault: Non, mais je veux dire, ça peut être mieux, c'est sûr. Mais on a une certaine crainte, moi, que je partage aussi quant aux mesures incitatives qui pourraient discréditer la valeur des femmes, qui pourraient avoir l'effet contraire. Je veux vous entendre là-dessus.

Je veux aussi vous entendre sur le vote pour les jeunes. Tout à l'heure, vous avez dit: On devrait favoriser le vote pour les jeunes et peut-être déplacer des bureaux de scrutin là où sont les jeunes. Et vous avez parlé de la nécessité que c'est d'aller voter. Moi, je pense qu'il faut avoir aussi une préoccupation pour les personnes âgées qui souvent, là, on a eu des élections le 23 janvier, l'hiver, elles sont souvent handicapées physiquement, pour certaines d'entre elles. Alors, je trouve qu'on doit avoir une préoccupation pour leur permettre d'aller voter, alors que le vote par correspondance, pour moi, c'est une mesure qui faciliterait le vote chez les jeunes qui, pour la plupart d'entre eux, sont capables de se déplacer, surtout si on ouvre plus largement la période où ils peuvent aller voter, soit chez le Directeur général des élections ou par correspondance ou encore... Voilà, c'est ma réflexion. Je veux vous entendre là-dessus.

M. Bergeron (Guy): Ce n'est pas au vote à aller vers le citoyen mais au citoyen à se prévaloir de son vote. C'est quelque chose de sérieux. C'est un privilège quand même. Puis également quand on parle de l'avènement des technologies, c'est déjà... il y a déjà des possibilités de fraude par rapport au système électoral actuel. Quand on accentue finalement les capacités, quand on affaiblit le système, on le rend encore plus vulnérable. Et par rapport aux personnes âgées qui peuvent avoir des difficultés à se transporter ou à aller à des endroits pour aller voter, les partis ne sont pas censés déjà de faire sortir le vote? Est-ce qu'il n'y a pas déjà des structures, des machines électorales qui sont en place pour faire ça? Ça existe déjà. Ça a déjà été fait. Je veux dire, c'est une partie de la tradition que, moi, je suis prêt à accentuer, à garder.

Pour le reste par exemple... Je veux dire, la société vieillissante, oui, c'est bien beau, la société vieillissante, mais la démocratie ne doit pas se transformer pour autant en «gériacratie».

Mme Perreault: Vous êtes d'accord pour dire que...

Le Président (M. Ouimet): ...je vais aller du côté de Mme Proulx. J'ai trois autres intervenants, désolé.

Mme Perreault: Non, pas de problème.

Le Président (M. Ouimet): Mme Proulx.

Mme Proulx (Mélanie): Oui, je vais essayer de faire vite. Vous croyez qu'on doit augmenter la représentation des jeunes en réglementant les candidats qui sont présentés par les partis par un certain pourcentage, je crois, si j'ai bine compris là? Est-ce que c'est ça?

M. Bergeron (Guy): Moi, j'aimerais bien voir dans le principe de liste électorale, voir justement une certaine... Étant donné qu'on peut prendre la liste électorale, on peut mettre n'importe qui dans la liste électorale dans n'importe lequel ordre dans le but justement de favoriser la participation jeune, la participation féminine, la participation ethnique dans le gouvernement, dans le processus de représentation, s'assurer que les différents partis doivent mettre tant de candidats, un tel pourcentage, et les mettre dans des endroits appropriés pour suivre ensuite, advenant l'élection de ces gens-là, advenant l'élection du parti, de pouvoir avoir la représentation réellement proportionnelle et équitable.

Mme Proulx (Mélanie): Excellent...

Le Président (M. Ouimet): ...Mme Proulx, je vais aller du côté de M. Boivin. Il faut que ça tourne rapidement. Je suis désolé. M. Boivin.

n(15 h 50)n

M. Boivin (Guillaume): Oui, vous semblez craindre les influences indues qui pourraient s'exercer sur les gens âgés dans des établissements semblables, puis a contrario vous semblez être tout à fait favorable à la pratique qu'ont les partis politiques d'amener ces électeurs de ces catégories-là vers les polls. Vous ne seriez pas davantage enclin, pour égaliser le jeu politique, à, disons, mettre des mesures pour les gens à mobilité réduite, la gratuité d'un taxi, pour la politique en général, la gratuité des transports en commun. Ce ne seraient pas des choses préférables à cet égard-là?

M. Bergeron (Guy): Ce sont des très bonne avenues que je n'avais pas pensé, puis je considère qu'ils peuvent être applicables, en autant justement que la personne qui puisse être habilitée à voter puisse faire son choix libre de toute entrave et de façon justement à ce qu'elle ne soit influencée d'aucune autre manière que par sa propre conscience. C'est ça, le processus démocratique, non?

Le Président (M. Ouimet): Il reste une demi-minute. Complétez votre pensée, Mme Proulx, je reviendrai à M. le député de Masson pour un autre...

Mme Proulx (Mélanie): Bien, en fait, je voulais juste savoir ce que vous pensez du fait qu'on va peut-être rencontrer des problèmes à un moment donné: il faut représenter les personnes âgées, il faut représenter les groupes. À un moment donné, il va falloir... tu sais, on va réglementer incroyablement les candidats. Et puis à quel âge on n'est plus jeune aussi, là, à quel âge on devient vieux, est-ce que vous ne croyez pas que...

M. Bergeron (Guy): Bien, c'est clairement un débat de société auquel on va avoir à s'attarder et essayer de se démerder pendant les 15, 20, 25 prochaines années. C'est clair, net et précis. Mais évidemment il ne faut pas rentrer dans une «gériacratie».

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Bergeron, moi, je vous remercie de votre participation à nos travaux.

J'invite M. Yves Leclerc maintenant à bien vouloir s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Juste pour la gouverne des membres de la commission, Mme Jalbert, qui devait suivre M. Bergeron, malheureusement s'est désistée. Donc, nous passons au prochain intervenant.

M. Yves Leclerc, bienvenue à l'Assemblée nationale. Donc, six minutes de présentation, quatre minutes d'échange. À vous la parole.

M. Leclerc (Yves): Bon, je vais peut-être avoir deux minutes de présentation, ça va...

Le Président (M. Ouimet): Bien, ça fera huit minutes d'échange.

M. Yves Leclerc

M. Leclerc (Yves): Vous excuserez ma nervosité, c'est la première fois que je me retrouve dans une telle enceinte.

D'abord, bonjour à tous. Merci de m'avoir invité. J'espère que vous avez le sens de l'humour, car il faut que je vous avoue que ce travail fut pour moi, à son tout début, un simple exercice de curiosité qui s'est vite transformé. Avant de l'entreprendre, il y a de cela plus de six ans, je ne m'étais jamais rendu compte, et ne le prenez pas mal, comment notre mode de scrutin pouvait avoir été aussi injuste pendant si longtemps envers ses électeurs, spécialement en région.

Ce qui devrait caractériser notre démocratie moderne, celle des années 2000, est un échange plus étendu entre le Parlement souverain et chacun des membres de sa population. Environ 60 % des gens vont voter. Pourtant, et cela a été démontré à maintes reprises, seulement 4 % disent avoir confiance en leurs dirigeants, et ce, quant à moi doit représenter toute la fonction publique provinciale. C'est donc dire que le mode de scrutin actuel, identique depuis plus de 130 ans, est devenu, par sa banalisation, une loterie institutionnalisée et non un exercice réel de démocratie moderne, novateur, dynamique et accueillant. Le Québec a changé. Est-ce le fruit de la mondialisation? Il ne doit plus être considéré comme un territoire homogène, mais comme une toile comptant plus d'une dizaine de couleurs distinctes ayant leurs propres priorités et leur appartenance. Alors, comment unir tout ça?

Si minimes soient les changements apportés au mode de scrutin, ils devront un jour ou l'autre se faire. Il ne faut pas avoir peur parce que dans le fond c'est tout simple et les outils sont là. Il faut à tout prix oublier les considérations d'ordre politique, les joutes de corridor, les tours d'ivoire, les comparaisons avec d'autres sociétés, même si académiquement fort instructives, pour focaliser sur nos préoccupations, des préoccupations de Nord-Américains vivant en bordure d'un grand fleuve sur la côte est de l'Atlantique où seul le citoyen devrait y être apte à décider des orientations de ses élus.

Je crois au vote proportionnel pas tant pour savoir qui aura tel ou tel siège au Parlement ou quel groupe exercera plus de pression qu'un autre, mais pour que le peuple croit que son exercice démocratique amène l'image réelle de ce qu'est une population représentée proportionnellement et dont les institutions permettront de faire face aux changements rapides tout en conservant la cohésion parlementaire. Cet exercice finalement devra être fondé sur la démocratisation du vote, l'implication des électeurs aux grandes questions sociales, soit un référendum consultatif ayant une force de loi et non un sondage, et la reconnaissance des régions selon la géographie du territoire et leur population respective. Là, croyez-moi, il y aura plus que 60 % du monde qui viendront s'exprimer. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Leclerc. Je vais donc amorcer avec vous une période d'échange. M. le député de Masson, est-ce que ça allait?

M. Thériault: Pardon?

Le Président (M. Ouimet): Je sais que vous ne m'avez pas demandé la parole, là, mais...

M. Thériault: Si vous voulez me donner la parole tout de suite, M. le Président, je vais la prendre.

Le Président (M. Ouimet): Voilà.

M. Thériault: Merci.

Le Président (M. Ouimet): J'essaie d'équilibrer d'un côté comme de l'autre.

M. Thériault: M. Leclerc, vous proposez quand même une série de mesures qui... un exemple: passer de 125 députés à 150. Je me demande, devant l'ensemble des propositions que vous faites, si vous pensez que la population vous suivrait rapidement là-dessus et auquel cas, pour s'en assurer, ne pensez-vous pas que des transformations si fondamentales impliqueraient que nos travaux soient conclus par un plébiscite et que la population puisse trancher sur cette réforme?

M. Leclerc (Yves): La population n'a absolument aucune confiance dans l'édifice qui nous supporte en ce moment. Elle a totalement perdu confiance, et il faudrait, à un moment donné, se sortir de la tour dans laquelle notre système se retrouve pour aller vers le citoyen. Et ça, vous ne le faites pas.

Le moyen de le faire est un peu... avant de jouer, on brasse les cartes, on dit: On mélange les cartes. Et il s'agirait un peu de faire ça. Et la réforme drastique que je vous propose n'est pas si drastique que ça. En fin de compte, c'est un bulletin qui est en forme de cinq... qui est en cinq divisions, dont la première division fixe le vote, fixe le pourcentage. La deuxième, le député, donc c'est le vote actuel. Le troisième, on choisit le président ou le premier ministre, dépendamment dans quelle forme d'État on sera. Ensuite de ça, on a des questions, qui est le mode de scrutin, et, bon, en dessous, là, c'est le bulletin des scrutateurs. Mais ce n'est pas...

Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Il ne faut pas les prendre pour des idiots, là. Les gens comprennent très bien c'est quoi, et il s'agirait de publier ce bulletin-là dans les journaux, et les gens pourraient l'amener avec eux à l'intérieur de l'isoloir et puis faire leur... Et ce ne serait pas un gros changement.

M. Thériault: Vous croyez que ce n'est pas nécessaire, quelles que soient les modifications qu'on fera des règles démocratiques de notre société, compte tenu du fait que ces gens-là n'ont aucune confiance, comme vous dites, au travail qu'on fait de représentation, il n'est aucunement nécessaire de leur demander leur consentement libre et éclairé?

M. Leclerc (Yves): Ils auront confiance si vous leur posez des questions, si eux sentent qu'ils vont avoir une responsabilité face aux grandes orientations démocratiques. En ce moment, vous ne faites que dire: Un vote, un homme, alors que ça ne devrait pas être ça. Ça devrait être plus des idées, plus... on devrait aller plus vers la... On appelle ça la proportionnelle pas pour rien, parce que vous pourriez vous retrouver avec 10 verts dans le parti, un communiste...

M. Thériault: Avez-vous compris ma question? Parce que j'ai demandé si vous seriez d'accord pour qu'on fasse un plébiscite ou un référendum pour que la population puisse trancher le débat? Un plébiscite, pourquoi pas un référendum? Tout simplement parce qu'on peut poser une question supplémentaire. On a une belle occasion, l'élection générale prochaine. On leur pose une question. On pourrait avaliser votre modèle: Est-ce que, oui ou non, vous êtes en faveur d'un changement des institutions démocratiques? Il me semble que c'est quelque chose d'intéressant de les mettre dans le coup.

M. Leclerc (Yves): Définitivement.

M. Thériault: Vous êtes en faveur de ça?

M. Leclerc (Yves): Oui.

M. Thériault: Merci.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député de Masson. Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: Bien, honnêtement, j'avais la même question que le député de Masson sur les 150. Moi, je pense qu'au niveau de la perception, ce serait assez difficile de... Je ne sais pas comment la population du Québec verrait... s'ils verraient d'un bon oeil le fait qu'on augmente le nombre de députés. Moi, ça me pose un problème, je ne sais pas de quelle façon? À moins que vous... puis que votre vision, c'est: Est-ce qu'on serait mieux représentés si on avait 150 personnes au fond? Parce que ça prend une justification.

M. Leclerc (Yves): Oui, bien, je ne veux pas jouer sur le chiffre, mais, disons, il y a plus de têtes dans 150 que dans 125. Mais c'est d'essayer d'avoir une plus grande variété d'individus. Bien, si c'est 125, ce sera 125, mais je proposais 150 parce que je voyais que le 75-75 basé sur les territoires fédéraux était quelque chose qui avait un peu de sens, puis c'était une arithmétique facile, plus facile à faire.

Mme Perreault: Donc, ce n'est pas par souci d'une meilleure représentation régionale ou territoriale. C'est vraiment parce que vous voulez augmenter le nombre d'opinions d'individus.

M. Leclerc (Yves): Forcément, la représentation va se faire à ce moment-là. Je ne sais pas si vous avez vu le petit tableau, mais elle va se faire dans tous les comtés, quitte... même les comtés du Nord qui auront un, deux députés.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je vais aller maintenant du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Si je prends votre exemple de bulletin de vote pour bien comprendre qu'est-ce que vous voulez nous expliquer, là, la partie a avec les résultats, on vote pour les partis politiques, et il y a 150 sièges en jeu. C'est ça?

n(16 heures)n

M. Leclerc (Yves): Il y a 150 en jeu, et ça fixe le vote. C'est-à-dire que, si vous avez 60 % qui prennent pour le Parti libéral, bon...

M. Picard: Il y a 60 %, O.K.

M. Leclerc (Yves): Il y a 60 % du 150, bon.

M. Picard: O.K. Et la partie B, lorsque vous dites vote pour la circonscription de 75 élus.

M. Leclerc (Yves): C'est ça. Ça, c'est le député.

M. Picard: Donc, là, on aurait 225?

M. Leclerc (Yves): Non, non. Si vous avez, si vous fixez le vote au début sur une base de 150 et qu'ensuite de ça vous allez selon les 75 qui devraient être élus dans les comtés...

M. Picard: Oui.

M. Leclerc (Yves): ...il va en rester 75 de libres, et vous faites une soustraction. Vous allez avoir, admettons, 60 libéraux, et imaginons qu'ils ont droit à 90.

M. Picard: O.K.

M. Leclerc (Yves): Donc, il va y avoir.

M. Picard: Donc, votre premier, là, la partie A, sert à donner les 75 additionnels par rapport aux députés de circonscription.

M. Leclerc (Yves): Les 75 additionnels...

M. Picard: C'est beau.

M. Leclerc (Yves): ...vont venir à la partie C. Le 60... Au début, la première colonne fixe le vote. La première colonne vous donne un pourcentage. Mettez n'importe quel chiffre, puis mettez ça en pourcent selon le 150.

M. Picard: O.K.

M. Leclerc (Yves): Ensuite de ça, allez-y avec le vote normal, comme on fait en ce moment, là. Bon. Et avoir un tableau ce serait... c'est bien simple, là. Et une fois que ça c'est fait, vous savez qu'un parti a droit à...

M. Picard: Disons qu'un parti a droit à 90, là...

M. Leclerc (Yves): À 90...

M. Picard: ...sur 150.

M. Leclerc (Yves): ...sur 150. Il y a 30 ou 40 libéraux qui sont nommés. Mettons, c'est 60 Libéral que... on vote... on veut avoir les 60 % de libéraux en chambre. Bon, bien, 60 % de 150, bon, ça donne je ne sais pas trop quoi...

M. Picard: 90.

M. Leclerc (Yves): 90, merci, et on élit 50 libéraux...

Le Président (M. Ouimet): On doit mettre un terme à l'échange, malheureusement, à ce moment-ci.

M. Picard: ...compensation de 40.

M. Leclerc (Yves): Exactement.

Le Président (M. Ouimet): Le temps est écoulé. Alors, merci infiniment, M. Leclerc, de votre participation...

M. Leclerc (Yves): Merci.

Le Président (M. Ouimet): ...à nos travaux. Nous allons prendre une pause de 10 minutes et nous serons de retour à exactement 16 h 10.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

 

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Ouimet): Alors, la Commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. Je demande à tous les membres de la commission de bien vouloir regagner leur place.

Nous accueillons maintenant le Mouvement Démocratie et Citoyenneté du conseil de la Capitale-Nationale. Je leur demanderais de bien vouloir s'approcher s'ils sont présents. Donc, Mme Lorraine Therrien, elle en est la présidente. Mme Therrien ne semble pas être parmi nous. Elle est ici?

Une voix: Elle s'en vient.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, on va patienter quelques instants.

Alors donc, nous accueillons le Mouvement Démocratie et Citoyenneté du conseil de la Capitale-Nationale. Nous avons devant nous la présidente, Mme Lorraine Therrien, accompagnée de M. Jacques Bec, trésorier, de M. Marc Foisy, qui en est membre. Et pourriez-vous, Mme Therrien, nous présenter l'autre personne qui vous accompagne?

Mme Therrien (Lorraine): Mme Janine Beaubien... Beaudoin, excusez.

Le Président (M. Ouimet): Mme Beaudoin. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous disposez donc six minutes pour nous exposer votre point de vue. Par la suite, on aura une période d'échange de quatre minutes avec vous. À vous la parole.

Mouvement Démocratie
et Citoyenneté du Québec, conseil
de la Capitale-Nationale (MDCQ-CN)

Mme Therrien (Lorraine): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, les citoyens et citoyennes de la commission, il y aura trois aspects à cette brève intervention. D'abord, les remerciements; ensuite, je parlerai de notre rapport avec les états généraux et le contenu de notre mémoire; et enfin je parlerai de qui nous sommes, nous, comme mouvement, afin de d'expliciter davantage le contexte de notre mémoire.

Alors, au nom de notre équipe et du Mouvement Démocratie et Citoyenneté du Québec, conseil de la Capitale-Nationale, je veux vous remercier de nous l'occasion de nous donner l'occasion de nous exprimer devant vous. Nous sommes ici pour vous dire que nous apprécions cette commission, cette commission toute spéciale autant que son sujet. Enfin, spéciale dans ce sens que, pour la première fois, la population est appelée à dire publiquement à la société québécoise et au gouvernement qui la dirige ce qu'elle pense et veut en matière de Loi électorale.

Si j'en juge par la fréquence des initiatives de ce genre, j'imagine que ça prend beaucoup de courage pour entreprendre une telle consultation. Alors, je vous dis: Bravo et continuez jusqu'au bout. Je veux tout spécialement vous féliciter d'avoir inclus un groupe de citoyens dans votre commission. Cette initiative aide grandement sur le plan de la confiance et de la crédibilité. Elle accentue le souci que cette commission semble avoir pour l'expression de la vie démocratique. Je veux vous dire que nous espérons fortement que cette consultation réussisse et qu'on y voie des résultats tangibles afin qu'on ne dise pas encore une fois: Qu'est-ce que ça donne, hein? et qu'on ne se démobilise pas et qu'on n'aboutisse pas à davantage de cynisme encore à l'endroit du politique.

Alors, je vous exhorte à ne pas hésiter à commencer d'autres démarches semblables, étant donné qu'il y a plusieurs autres pans de nos institutions démocratiques qui ont besoin d'être revus. Et je dis ceci, mesdames et messieurs, parce que vous le savez, puisque vous connaissez les résultats des états généraux sur les institutions démocratiques, vous savez à quel point M. Claude Béland, le président de ces états généraux, et nous qui gravitons autour de lui sommes convaincus que les recommandations qui ont été adoptées doivent être concrétisées.

n(16 h 20)n

Vous, M. Pelletier, vous savez à quel point ces états généraux ont été un moment fort de notre démocratie puisque vous y étiez, à cet événement. D'ailleurs, quand je parle de moment fort, de moment éminemment fort, si vous voulez, de notre démocratie, ce sont vos mots que je reprends. Ce sont les mots que j'ai entendus de vous lors d'une rencontre de l'exécutif du MDCQ national avec vous, le printemps dernier. Alors, mesdames et messieurs, notre mouvement est issu de ces états généraux, et nous avons comme mission de ne pas laisser mourir les recommandations qui en ont été dégagées. Nous croyons qu'une véritable vie démocratique est possible, et les états généraux sur les institutions démocratiques en sont un exemple extraordinaire, de même que cette consultation dans laquelle, je vous redis, nous voulons placer espoir et confiance.

Nous ne sommes pas ici pour revenir sur le contenu détaillé de notre mémoire puisque vous l'avez lu. Nous ne sommes pas ici non plus pour entrer dans la mécanique de ce que devrait être un vote qui compte à son juste poids. Nous voulons cependant vous redire avec insistance que, en 2003, 1 000 personnes se sont prononcées à 90 % en faveur d'un système de scrutin qui soit proportionnel et que nous sommes les messagers de ces personnes, les porte-voix en somme de ces résultats.

En ce qui concerne les autres éléments de l'avant-projet de loi, vous avez certainement vu que nous sommes d'accord avec la plupart des éléments qui y sont présents, sauf en ce qui a trait aux mesures qui touchent la représentation des femmes, des autochtones, des minorités, puisque nous croyons que, dans un système à caractère proportionnel, il y aurait un effet d'entraînement, si vous voulez, sur les partis, lesquels y verraient leur intérêt à choisir une gamme de candidats plus représentatifs de la population qui les élit.

Pour ce qui est aussi de la représentation des régions, du découpage des circonscriptions, nous croyons que nous devons aller vers un découpage qui soit représentatif des territoires actuels, des régions administratives actuelles, de manière à ce que les citoyens et citoyennes des régions puissent voir, dans le système électoral, une occasion de faire valoir les priorités et les besoins collectifs de leur milieu tels qu'ils les conçoivent.

Bon. Mesdames et messieurs, je vous ai parlé de notre rapport avec les états généraux et de nos convictions. Je vous parlerai maintenant de notre mouvement, ce qui va expliquer davantage le sens de notre mémoire. Notre mouvement, le MDCQ?Capitale-Nationale, est jeune, mais il est sérieux. Il compte des jeunes et des vieux qui regardent dans la même direction. Il compte, par exemple, un membre illustre qui a vu neiger et qui a témoigné devant vous, M. Vincent Lemieux, politicologue, et il compte également un jeune homme qui est à côté de moi et qui s'appelle Marc Foisy, et qui a présentement comme responsabilité d'organiser des mini-états généraux qui s'appelleront Rendez-vous 2006 pour cette année. Donc, vous voyez qu'on a de la suite dans les idées. Alors, pourquoi est-ce que je vous parle de ça...

Le Président (M. Ouimet): Il vous reste 30 secondes.

Mme Therrien (Lorraine): ...parce que notre mouvement est engagé vers un ultime moment démocratique, c'est-à-dire que nous voulons prévoir une réunion de 125 personnes jeunes qui parleront, qui s'exprimeront sur un éventuel projet de constitution pour le Québec.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci infiniment pour cette présentation. Je vais ouvrir maintenant avec vous la période d'échange. Qui aimerait casser la glace? M. le député Masson.

M. Thériault: Mesdames, messieurs, bienvenue à notre commission. Pour que la population du Québec ne puisse pas se dire: Qu'est-ce que ça donne?, est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait aller de l'avant? Parce que vous nous donnez une grosse responsabilité, là. La responsabilité que vous nous donnez, c'est qu'on soit tous d'accord avec la conclusion. Des gens viennent exprimer des modèles qui sont tout à fait plein... il y a plein de différences. Ils critiquent le modèle qui est sur la table. Si on n'arrivait pas nécessairement à un consensus sur le modèle, au moins que ça donne quelque chose quand même, nous pensons, à l'opposition officielle, que ça pourrait vouloir dire la chose suivante: Pour la prochaine élection, au moins demander à la population, lors d'un plébiscite, à l'élection générale: Voulez-vous changer? Et si on s'entendait sur un modèle qui ferait un plus large consensus mais pas nécessairement tous autour de la table, bien, que les gens aient la possibilité de se prononcer là-dessus. Et ça, ça ferait en sorte que le débat serait tranché une fois pour toutes par la population. Êtes-vous d'accord avec ça?

Mme Therrien (Lorraine): C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre parce qu'elle comporte énormément de facteurs. Maintenant, c'est bien sûr que c'est la population qui est l'ultime recours pour ce qui est de prendre des décisions en faveur d'un fonctionnement ou d'un autre.

M. Thériault: Mais est-ce que ce ne serait pas la seule façon de ne pas laisser mourir les choses ou d'avoir une police d'assurance pour que cela ne meure pas au feuilleton, comme on dit par chez nous.

Mme Therrien (Lorraine): Nous le souhaiterions.

M. Thériault: Vous...

Le Président (M. Ouimet): Bien, écoutez, j'ai six personnes d'inscrites.

M. Thériault: Ah!

Le Président (M. Ouimet): Je vais aller du côté de M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Bonjour. Vous avez parlé que vous avez des jeunes et des moins jeunes avec vous. Est-ce que vous pensez que l'avant-projet de loi qui est là, est-ce qu'il va attirer davantage les jeunes et d'autres personnes qui sont un peu cyniques face aux politiciens?

Mme Therrien (Lorraine): Nous, comme mouvement, nous nous donnons comme mission d'encourager les jeunes à s'intéresser à cet avant-projet de loi, et nous allons continuer à faire des activités qui devraient amener les jeunes à s'y intéresser.

Bon, est-ce que je crois qu'ils vont d'emblée s'y intéresser? Je pense que, vous, vous avez une responsabilité là-dedans aussi; il n'y a pas que les mouvements qui défendent ces prises de position, si vous voulez, qui ont une responsabilité. Je crois que vous avez la responsabilité d'informer le mieux possible, de vulgariser, d'utiliser les médias et de faire connaître les effets d'une éventuelle modification à notre système électoral.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Mme Loucheur, un peu moins d'une minute.

Mme Loucheur (Yohanna): Une question très rapide: Pourquoi le vote le lundi et non, par exemple, le dimanche, comme beaucoup de gens semblent le préférer?

Mme Therrien (Lorraine): Disons que cette journée a fait l'unanimité parmi les gens consultés, mais je ne pourrais pas vous dire pourquoi. Enfin, je présume qu'on pense que les gens iraient davantage voter si, la fin de semaine, on ne les requérait pas la fin de semaine, puisqu'ils sont souvent pris par beaucoup d'autres activités la fin de semaine. Un jour de travail qui devient férié pour aller voter a probablement plus de sens pour les gens.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, Mme Therrien, merci aux gens qui vous accompagnent. Ça met un terme à notre échange. Alors, merci de votre contribution à nos travaux.

J'invite maintenant le représentant du Mouvement pour une vraie démocratie à bien vouloir s'approcher. Je ne sais pas si M. Yves Marineau est avec nous.

Alors, si M. Yves Marineau n'est pas avec nous, nous allons passer donc à M. Yves Hébert. Il semble être à l'extérieur, M. Yves Hébert. On va patienter quelques instants. Alors, M. Hébert, voulez-vous prendre place juste devant moi, à la table des témoins?

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, bienvenue, M. Hébert, à l'Assemblée nationale du Québec. Vous avez six minutes pour nous exposer votre point de vue.

M. Yves Hébert

M. Hébert (Yves): Merci. M. le Président, M. le vice-président, Mmes, MM. les membres de cette commission, merci de me donner l'occasion d'exprimer mon opinion sur l'avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale.

Je partage l'avis de plusieurs qu'un mode de scrutin proportionnel est un moyen plus démocratique de représenter le choix des électeurs, mais les modalités d'application soulèvent, chez moi, plusieurs appréhensions.

Cependant, je serai très bref, car je ne veux aborder qu'un seul aspect: c'est celui de la pertinence, dans le contexte politique actuel, de remplacer le mode de scrutin en vigueur par un mode de scrutin proportionnel.

Dans le cahier d'information, il est écrit que «les systèmes à finalité proportionnelle rendent plus difficile la formation de gouvernements majoritaires; ils sont généralement associés à la formation de gouvernements minoritaires ou de coalition».

n(16 h 30)n

Le Québec n'est pas un pays souverain mais une province faisant partie d'un régime fédéral. L'histoire nous montre que le poids démographique du Québec dans le Canada diminue graduellement et se traduira sans doute dans l'avenir par un moins grand nombre de députés québécois à Ottawa. Dans le régime fédéral actuel, où le gouvernement du Québec tente de résister aux constantes tendances centralisatrices du gouvernement du Canada, à l'envahissement par le gouvernement canadien des champs de compétence provinciale, favorisés par d'énormes surplus budgétaires, je crois qu'il n'est pas actuellement approprié d'affaiblir le gouvernement du Québec pour des motifs pourtant hautement valables. Lorsque le gouvernement du Canada se dotera d'un régime électoral proportionnel, le Québec pourra alors songer à faire de même.

Un dernier point pour terminer. Dans le cahier d'information, il est écrit qu'un nouveau mode de scrutin pourrait entrer en vigueur par l'adoption d'une loi à cet effet par les députés de l'Assemblée nationale. Cela pourrait également se faire à la suite d'une consultation de la population à l'occasion d'un référendum sur la question. Alors, si, pour plus de démocratie, vous voulez modifier le mode de scrutin actuel, vous devez selon moi soumettre ce changement majeur à un référendum, qui évidemment est le meilleur outil de démocratie qui soit. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. Hébert, pour votre point de vue. Donc, je vais commencer avec M. Boivin, par la suite Mme la députée de La Pinière et M. Acharid. Donc, M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Oui. Bonjour, monsieur. Mais vous ne croyez pas qu'un gouvernement, possiblement de coalition, mais qui obtiendrait la faveur d'un parti... qui additionnerait un parti, disons, qui aurait 35 % des voix à un autre qui aurait, disons, 25 % des voix, donc qui pourrait se réclamer la légitimité de représentation de 60 % des électeurs, ne serait pas un gouvernement plus fort, plus légitime pour parler au nom de sa population, la population qu'il représente, plutôt qu'un gouvernement, disons, majoritaire dans le système actuel, mais qui serait basé avec 40 % des électeurs? Ce n'est pas un argument? Avez-vous considéré ça dans votre réflexion?

M. Hébert (Yves): Oui. À ce moment-là, un gouvernement de coalition devrait tenir compte, à ce moment-là, de l'opinion ou des programmes d'autres partis. Donc, autrement dit, s'il a son propre programme, il devra le diluer et tenir compte, si on veut, des programmes des autres partis. Donc, à ce moment-là, je pense que, même s'il est plus représentatif de l'ensemble de la population, eh bien, ses actions ou, si on veut, le désir d'appliquer son propre programme, ce pour quoi il a été élu, bien, serait freiné par, évidemment, les autres points de vue des autres partis politiques.

Le Président (M. Ouimet): Brièvement, M. Boivin.

M. Boivin (Guillaume): Oui, mais en quoi l'application unique du programme d'un parti garantit le fait qu'il serait plus favorable à la population ou meilleur que la rencontre des idées de deux formations qui se rejoignent, et qui trouvent les consensus, et qui représentent, je vous le répète, possiblement, probablement même davantage la population du Québec?

M. Hébert (Yves): Oui. Mais, comme je vous dis, un gouvernement, lorsqu'il veut se faire élire, il adopte un programme, hein, et, disons, s'il y a une majorité d'électeurs qui appuient ce programme et qu'à cause que c'est devenu un gouvernement quand même minoritaire qui doit tenir compte d'autres partis politiques, d'autres coalitions, à ce moment-là, il doit nécessairement diluer son programme politique pour tenir compte des opinions d'autres partis. Donc, autrement dit, il peut se dire à l'élection qu'il veut former un gouvernement très fort et qu'il a, disons, un programme, disons, qui affirme, disons, la politique du gouvernement du Québec, mais, lorsqu'il va exercer le pouvoir, il devra le diluer en tenant compte du programme des autres partis. Donc, c'est à mon sens... ça affaiblit quand même la position, si on veut, d'un gouvernement. Ça affaiblit du moins le programme politique d'un gouvernement.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Hébert. Je vais du côté de Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. Hébert, je vais essayer d'être brève. Premièrement, vous avez dit que le Québec ne peut pas aller de l'avant avec une réforme électorale, il faut attendre après Ottawa pour qu'on puisse, nous aussi, aller dans cette direction. Je me pose la question: Pourquoi? Parce que, si j'écoute actuellement le nouveau premier ministre du Canada, il veut s'inspirer de l'exemple québécois justement pour réformer les institutions fédérales.

Et deuxième question: Sur quoi est-ce que vous vous basez pour dire que la réforme du mode de scrutin va affaiblir le Québec?

M. Hébert (Yves): C'est exactement le texte que j'ai repris dans le cahier d'information, en ce sens que le texte dit que ça forme des gouvernements minoritaires et de coalition. Donc, si ce sont des gouvernements minoritaires, est-ce qu'ils sont plus fermes que des gouvernements majoritaires? Je pose la question.

Mme Houda-Pepin: Mais pourquoi attendre après Ottawa avant de toucher à la réforme électorale, au mode de scrutin?

M. Hébert (Yves): C'est que, selon mon point de vue, si on élit une série de gouvernements minoritaires, alors évidemment, face à Ottawa, qui est probablement maintenant un gouvernement minoritaire, mais on ne sait pas, dans l'avenir il pourra devenir un gouvernement majoritaire, alors quel sera le poids du Québec s'il décide d'avoir constamment des gouvernements minoritaires ou de coalition face, à un moment donné, à un gouvernement fédéral qui aura un mandat très net, et très clair, et très fort?

Le Président (M. Ouimet): Bien. Il reste 1 min 15 s pour M. Acharid.

M. Acharid (Mustapha): Merci. Ma question vient d'être posée, alors...

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Acharid. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Simplement pour reprendre un commentaire que vous avez fait et pour m'étonner du fait qu'il y a deux niveaux de gouvernement, vous l'avez souligné vous-même, et je n'ai jamais entendu ? et peut-être que là je n'ai pas tout vu ? mais je n'ai jamais entendu au plan canadien, en tout cas, pas au Québec, de regroupement, de militants, d'analystes, de mouvement en faveur d'une proportionnelle au niveau fédéral. Ça m'étonne toujours de voir qu'on se scandalise d'une faiblesse attribuée à la démocratie québécoise, mais, quand ça s'applique au niveau fédéral, je n'ai jamais entendu un commentaire... je n'ai jamais vu de mouvement réclamant un changement du mode de scrutin au niveau fédéral. Ça m'intéresse...

Mme Houda-Pepin: Le NPD.

M. Simard: Intéressant. NPD, mais on sait pourquoi.

Le Président (M. Ouimet): Bien.

M. Simard: Puis il demande moins maintenant, il a eu plus que sa proportion.

Le Président (M. Ouimet): Une courte réaction, M. Hébert.

M. Hébert (Yves): Oui, c'est également mon point de vue. Mon point de vue est le suivant: si jamais le fédéral décide que, lui, il veut avoir un mode de scrutin proportionnel, ce qui, à mon sens, affaiblirait probablement son gouvernement, eh bien, nous, on pourrait faire de même, mais pas maintenant.

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Hébert, je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission, et cela, au nom de tous les membres de cette commission. Je vais maintenant inviter M. Philippe Hamel à bien vouloir s'approcher à la table des témoins, et ce sera notre dernier intervenant pour la journée puisque M. Marineau, du Mouvement pour une vraie démocratie, ne s'est pas présenté.

Alors, M. Hamel, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec, et je vous cède la parole pour une période de six minutes.

M. Philippe Hamel

M. Hamel (Philippe): M. le Président, acteurs politiques, membres du comité citoyen, bonjour.

Je tiens d'abord à remercier les membres de la commission de m'accorder la parole aujourd'hui. Je ne suis ni spécialiste de la politique, ni moi-même politicien. Je suis un jeune, étudiant, électeur et citoyen qui s'intéresse particulièrement à la politique. Je ne possède certainement pas la même crédibilité qu'un expert, mais je considère l'opinion populaire importante et nécessaire dans un tel processus qui affectera le futur des gens comme vous et moi.

Il ne fait aucun doute que la réforme du mode de scrutin est une mesure nécessaire pour le système politique québécois. Depuis plus de 30 ans, des débats se font à l'échelle provinciale et nationale quant au mode de scrutin le plus favorable à adopter dans notre système parlementaire britannique. L'actuelle commission favorise considérablement la participation citoyenne aux débats politiques souvent malmenée au cours des dernières années. Je suis ici aujourd'hui pour participer à ce débat d'une importance capitale.

n(16 h 40)n

Oui, le débat est important, la réforme est nécessaire. Je ne considère toutefois pas l'actuel avant-projet de loi comme idéal à la restructuration du système électoral québécois. Il comporte des lacunes comme le système uninominal à un tour bien sûr, mais ce dernier a depuis longtemps fait ses preuves.

La réforme de MM. Dupuis et Pelletier est trop complexe et importante, je crois, pour n'être que soumise à une commission spéciale et par la suite à un vote de l'Assemblée nationale. Le terme le dit, «réforme» du mode de scrutin. Comme n'importe quel changement d'importance majeure semblable à une modification constitutionnelle, la réforme ne doit pas être selon moi qu'un simple projet de loi. Le mode de scrutin est une institution, le vote est un devoir de citoyen. N'est-il pas du devoir de citoyen de décider du futur changement du mode de scrutin? Je pense que la nécessité d'un tel changement politique doit se faire à l'aide d'un référendum. Rodrigue Tremblay, professeur d'économie à l'Université de Montréal, en dénonçait la pertinence au mois de juillet 2004 dans la revue Les Affaires. Il est nécessaire que la population entière soit mise au courant de la réforme et ait le droit de choisir. Le Québec se vante d'être un royaume de la démocratie. Mettons à l'oeuvre notre fierté et demandons au peuple de décider de l'utilité du changement qui modifiera à jamais le politique paysage québécois. Donc, le référendum est nécessaire avant que tout changement soit décidé par l'Assemblée nationale.

Comme le mentionne le cahier d'information sur la réforme en page 7, la réforme serait un moyen de remettre le citoyen au coeur de notre processus démocratique. Voilà un argument solide en faveur du principe référendaire. Le même cahier évoque aussi la possible tenue d'une consultation populaire. Je réitère qu'une modification aussi importante du cadre électoral mérite la connaissance de l'opinion populaire. L'actuelle commission m'a permis de constater que trop peu de gens sont au courant du processus entrepris par le gouvernement libéral. Il est donc important de les mettre au courant et de les consulter sur le sujet, et ce, le mémoire des cinq en faisait aussi mention.

Autre facteur qui m'amène à me questionner... sont les possibles résultats d'un scrutin mixte compensatoire. Bien que l'on énonce que le système uninominal à un tour favorise le Parti québécois, je ne suis pas sûr que le scrutin proposé par la réforme favorise autant l'alternance, concept égal pour tous les partis susceptibles de prendre le pouvoir, autant libéraux que péquistes. La défaillance annoncée par certains citoyens ne s'est produite que trois fois au cours des 16 dernières élections provinciales. Des études comparatives, principalement celle de M. Pierre Serré, démontrent que la réforme proposée ne favoriserait plus l'alternance politique et idéologique mais bien la stagnation d'un parti, majoritaire ou non.

Effectivement, le système mixte compensatoire en est un favorable aux gouvernements minoritaires et de coalition. Je m'imagine toutefois mal une coalition entre la gauche et la droite. Donc, le gouvernement québécois se verrait plongé dans une éternelle coalition. La population veut-elle d'une telle démocratie? Voilà encore une fois l'importance référendaire. Laissons le peuple décider de son propre avenir.

Une réforme stipule aussi un changement considérable dans le modèle démocratique provincial et national. Le projet qui est mis sur la table par les libéraux ne vise qu'à changer un modèle évidemment perfectible par un système selon moi encore plus déficient. Tant qu'à présenter aux Québécoises et Québécois une réforme, le gouvernement ne devrait-il pas y aller d'une restructuration complète du mode de scrutin, comme un scrutin proportionnel intégral, admettons?

Autre facteur. La valorisation des tiers partis est un facteur important pour bon nombre d'électeurs québécois. Dans notre actuel mode de scrutin que je considère valable et démocratique, ne serait-il pas pensable d'incorporer un concept d'élection préférentielle qui permettrait aux électeurs d'établir leur choix sur un candidat, des idées, un parti qu'il favorise et que souvent il n'appuie pas au profit d'un parti assuré d'une possibilité du pouvoir? La préférentielle conserve l'idée de majorité absolue en permettant aux gens d'établir une préférence dans leur choix, tout en étant assurés d'avoir un poids réel dans la balance du pouvoir.

En conclusion, les points que je considère modifiables dans la réforme proposée sont les suivants: il est nécessaire selon moi de tenir un référendum sur cette seule question ou lors d'un prochain scrutin provincial sur l'actuel avant-projet de loi. L'opinion populaire est nécessaire et importante sur un tel sujet, voire même obligatoire. Je persiste aussi à croire que l'incorporation d'éléments préférentiels dans le débat et la réforme favoriserait davantage les tiers partis et éviterait, comme le suggère le mode mixte compensatoire, d'abolir l'alternance politique au profit d'une seule formation.

Voilà les deux points majeurs que je crois important que vous considériez, en espérant avoir été clair et pertinent sur le débat auquel la société québécoise prend présentement part. Merci.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. Hamel, pour votre point de vue sur toute cette question. Je vais ouvrir maintenant la période d'échange avec vous en cédant la parole à M. le ministre.

M. Pelletier: Merci, M. Hamel, pour votre témoignage. J'ai cru comprendre que vous étiez favorable au scrutin proportionnel intégral. Si ce n'est pas exact, corrigez-moi. Mais j'ai cru également comprendre que vous vous inquiétiez de la possibilité qu'il y ait des gouvernements de coalition au Québec. Vous avez dit: Je ne vois pas une coalition gauche-droite durer très longtemps. Mais pourtant, si nous avions la proportionnelle intégrale, il y aurait constamment des gouvernements de coalition ? constamment. Certaines personnes craignent d'ailleurs que ça fragiliserait trop le Québec et que ça menacerait la stabilité politique au Québec.

Alors, comment vous conciliez les deux: cette crainte que vous semblez avoir par rapport aux gouvernements de coalition, d'un côté; de l'autre côté, ce souhait que vous semblez formuler d'aller dans le sens d'une proportionnelle intégrale?

M. Hamel (Philippe): L'idée de la proportionnelle intégrale dans le fond que je proposais, c'était simplement une mesure, un exemple comme réforme majeure du système. J'ai vraiment plus peur présentement d'un gouvernement de coalition. Si on se fie au paysage politique actuel, nous avons trois partis à l'Assemblée nationale: deux de droite, un de gauche. Si on y va par la logique, la coalition se ferait éternellement entre ces deux partis, puisque je considère que ce qu'on propose à la population présentement ne favorise pas particulièrement l'intégration de partis, de tiers partis, comme un parti comme l'UFP ou Option citoyenne.

Donc, c'est une idée que je proposais comme... sensiblement comme le modèle français. Je ne l'ai pas étudié particulièrement. Moi, j'ai vraiment plus peur des coalitions. Ce que je suggère, c'est que tant qu'à faire une réforme qu'on cherche à obtenir depuis plusieurs décennies même, faisons-en une qui est vraie, réelle, solide et vraiment profonde pour le Québec, et non simplement quelque chose qui paraît bien en surface mais qui, à la longue, devra encore être modifiée.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui, merci, M. le Président. D'abord, bravo et merci d'être venu nous présenter votre vision. C'est extrêmement intéressant de vous entendre.

Vous avez mentionné, et c'est la deuxième fois aujourd'hui, ? et je ne pense pas que vous ayez de lien avec eux, vous ne me semblez pas être un ancien parlementaire, à première vue ? vous avez mentionné la question du vote préférentiel, et on a eu un groupe, ce matin, d'anciens parlementaires qui en ont fait la promotion. Pouvez-vous un peu nous dire un peu ce que vous entendez par le vote préférentiel pour que je sois bien sûr qu'on parle de la même chose?

M. Hamel (Philippe): Le vote préférentiel dont j'ai parlé avec des collègues étudiants était un peu sensiblement celui comme la course à la chefferie du Parti québécois nous a démontré, qui favoriserait... Même dans un Québec, présentement, c'est impossible ou quasi impensable pour un parti d'obtenir 50 % et plus dès un premier tour de scrutin. Donc, c'est sûr que le modèle est à voir, mais ça permettrait aux gens, comme premier choix, mettons qu'on le met à deux ou trois choix, et non à quatre, cinq, six, comme premier choix, de favoriser un tiers parti ? qu'il soit de gauche, de droite, d'extrême gauche ou d'extrême droite, là, aux gens de décider, aux partis de se présenter ? mais, par la suite, les gens auraient vraiment le choix de s'exprimer sur un parti réel, ce que trop peu de gens font présentement au profit de se dire: Je veux avoir un député, je veux avoir un ministre. Donc, les partis un peu moins reconnus présentement sont négligés par le système actuel. Donc, c'est l'idée de la préférentielle, un peu comme le Parti québécois l'a fait. Puis il y a aussi l'idée justement qu'on pourrait, en même temps que l'idée préférentielle, ce qui donne la chance à plusieurs partis, de mettre un vote, un dollar, ce qui permettrait encore plus aux partis de faible autorité présentement d'acquérir des fonds et de revenir plus forts lors de la prochaine élection.

M. Simard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député de Richelieu. Donc, merci, M. Hamel, de votre participation à nos travaux. Donc, ceci met un terme à nos échanges. M. le député de Trois-Rivières?

M. Gabias: Est-ce que ce serait possible de demander à M. Hamel, parce que nous n'avons pas eu son mémoire, je comprends qu'il avait un texte, il serait intéressant en tout cas que nous puissions avoir son texte, s'il voulait bien nous le produire.

M. Hamel (Philippe): Oui, par une adresse courriel...

Une voix: Oui, au secrétariat.

Une voix: Bien, à la commission.

Le Président (M. Ouimet): Oui, écoutez, sur le site de la commission parlementaire...

M. Hamel (Philippe): Parfait.

Le Président (M. Ouimet): ...vous allez voir l'adresse du secrétariat de la commission, et ce sera distribué à tous les membres de la commission.

M. Hamel (Philippe): Merci.

Le Président (M. Ouimet): Donc, je signale à tous les membres et aux gens qui nous écoutent que nous irons consulter les citoyens et les organismes en région à partir de la semaine prochaine. Mercredi, le 1er février, nous serons à Val-d'Or et nous amorcerons donc notre consultation en région.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux donc au mercredi 1er février, à 13 h 30, alors que la commission se réunira à la salle Argent de l'hôtel Forestel à Val-d'Or. Merci et bonne fin de journée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 16 h 50)


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