To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Monday, March 8, 2010 - Vol. 41 N° 30

Consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat sur la question du droit de mourir dans la dignité


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Treize heures trois minutes)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate quorum des membres de la Commission de la santé et des services sociaux, donc je déclare la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission: La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouimet (Marquette) remplace M. Lehouillier (Lévis); Mme Charbonneau (Mille-Îles) remplace Mme St-Amand (Trois-Rivières); Mme Hivon (Joliette) remplace Mme Beaudoin (Rosemont); Mme Richard (Marguerite-D'Youville) remplace M. Gauvreau (Groulx); Mme Lapointe (Crémazie) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M. Charette (Deux-Montagnes) remplace M. Turcotte (Saint-Jean); et Mme Roy (Lotbinière) remplace M. Deltell (Chauveau).

Le Président (M. Kelley): Alors, avant de procéder à nos travaux aujourd'hui, un mot de bienvenue particulière à nos députées féminines: cette Journée internationale de la femme. J'ai parlé à mon épouse ce matin, je lui ai dit, avant qu'elle parte pour le travail, dit: On travaille les 364 autres journées de l'année. Alors, ce n'est pas surprenant que mon épouse est toujours au travail aujourd'hui. Alors, merci beaucoup, mais c'est une journée importante pour constater à la fois le progrès fait et le progrès à faire pour les femmes dans notre société.

Et, pour les personnes qui nous écoutent, avant de commencer avec nos premiers témoins, juste un rappel sur qu'est-ce qu'on est en train de faire: on a une consultation à deux étapes. Alors, on est maintenant... aujourd'hui et demain, on va terminer la première étape, d'entendre les experts, les personnes qui peuvent nous conseiller comme députés comment bien consulter la population sur les questions autour de la fin de la vie. C'est vraiment ça qui est le désir des membres de la commission.

On a six témoins aujourd'hui. Alors, on a décidé de faire une pause entre 16 heures et 16 h 30, pour laisser nos cerveaux reposer un petit peu. Mais c'est une grande journée aujourd'hui, une autre grande journée demain pour mettre fin à ce premier stage.

Mais je pense qu'il y a les membres de la commission qui ont reçu les demandes des personnes qui aimeraient témoigner et vraiment la consultation générale, il faut rappeler, c'est à l'automne.

Alors, il y aura l'occasion pour les groupes, peut-être dans vos comtés ou d'autres personnes qui ont contacté les membres, qui aimeraient s'exprimer... C'est ça qu'on cherche, mais pas pour tout de suite. C'est vraiment quelque chose qu'on veut faire à l'automne. Mais on est dans le stade maintenant de bien cerner les enjeux, bien trouver les questions qu'il faut poser à la population. C'est vraiment dans cet esprit qu'on va commencer nos audiences cet après-midi.

Auditions (suite)

Et on va commencer avec le Dre Annie Tremblay, qui est psychiatre en oncologie au CHUQ, ici à Hôtel-Dieu de Québec, accompagnée de Dr Pierre Gagnon, psycho-oncologue et chercheur en oncologie psychosociale. Alors, sans plus tarder, Dre Tremblay, la parole est à vous.

Mme Annie Tremblay

Mme Tremblay (Annie): Merci beaucoup. Puis, tout d'abord, je tiens à vous remercier de l'accueil que vous nous faites, à Dr Gagnon et moi-même, et à l'opportunité que vous nous permettez, aujourd'hui, de venir un peu dialoguer avec vous de la compréhension actuelle, pour ce qui est à tout le moins des professionnels de l'oncologie psychosociale, des souhaits de mort avancée dont les demandes d'euthanasie font partie.

Alors, comme vous venez de le mentionner, moi, je suis psychiatre de formation. J'exerce à l'Hôtel-Dieu de Québec depuis 2001 suite à une... une surspécialisation, pardon, réalisée aux États-Unis, en oncologie. J'ai le plaisir de travailler exclusivement avec des personnes atteintes de cancer, à différents stades de leur maladie, et avec leurs proches, dans mon travail quotidien. Donc, un travail très clinique.

J'ai le plaisir par ailleurs, je vous dirais, d'être la directrice d'un énorme regroupement de professionnels, psychologues, travailleurs sociaux, animateurs de pastorale et médecins, consacré aux soins psychosociaux en oncologie. Nous sommes une vingtaine d'intervenants à l'Hôtel-Dieu de Québec. Et j'ai le plaisir d'avoir la direction de cette équipe-là, qui est une équipe suprarégionale, pour les gens qui connaissent un peu les nomenclatures de la direction de la lutte contre le cancer et du ministère de la Santé. Alors, il y a, à l'Hôtel-Dieu, une équipe surspécialisée en oncologie psychosociale.

Je vais laisser mon collègue Pierre se présenter.

M. Gagnon (Pierre): Bonjour. Je suis aussi psychiatre spécialisé en psycho-oncologie. Je travaille dans le domaine depuis 1992, où je suis allé me surspécialiser aussi dans un grand centre anticancéreux à New York. Et j'ai travaillé dans le domaine depuis, donc, mon retour à Québec, 1994. Je suis donc psychiatre auprès des patients atteints de cancer de toutes les phases, précoces et terminales. Et également je suis consultant en psychiatrie à la Maison Michel-Sarrazin, qui est une maison de soins terminaux pour le cancer, comme vous savez. Et je suis également directeur de l'équipe de recherche en soins palliatifs à Québec, de la Maison Michel-Sarrazin, à l'Université Laval. Et je suis professeur à l'Université Laval aussi. Alors, j'ai la chance de faire de la clinique et de la recherche dans le domaine exactement qui nous concerne ici.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

Mme Tremblay (Annie): Alors, ce que nous nous proposons de faire avec vous en première partie de la rencontre, c'est de, je vous dirais, réviser un peu avec vous l'état des connaissances actuelles sur la... en fait, comme je le disais, la compréhension, en fait, actuelle des souhaits de mort avancée, souhaits de mort avancée incluant idées suicidaires, demande de suicide assisté, demande d'euthanasie. Donc, la compréhension actuelle, à la lumière de la recherche qui a été effectuée, là, pour expliquer un petit peu cette phénoménologie-là.

Nous sommes bien conscients que, bien que ces études-là et que cette littérature-là est disponible depuis un certain temps, de façon générale, ce sont plus les aspects moraux, éthiques et légaux de cette phénoménologie-là qui sont le plus souvent présentés. Et nous venons vous voir aujourd'hui parce que, selon nous, peu importe l'évolution éthique et légale de notre réflexion sociale sur la fin de vie, nous devons, selon nous, concerner les... conserver, pardon, les éléments psychosociaux et spirituels au coeur de notre processus de réflexion puisqu'ils représentent en fait, à notre avis, les besoins réels qui amènent les personnes atteintes de maladie grave à exprimer des souhaits de mort avancée. Si l'on pense que l'auto-détermination et l'autonomie sont des valeurs au coeur de notre réflexion sociale actuellement sur la fin de vie et l'euthanasie, nous devons, en fait, nous assurer d'offrir un choix réel aux personnes malades. Et qui dit choix réel dit alternative.

Or, notre préoccupation actuelle et ce que nous allons discuter avec vous, c'est que le choix réel doit comprendre peut-être possiblement un accès à l'euthanasie, mais aussi des soins. Des soins pouvant permettre de répondre aux besoins qui amènent les gens à envisager ce type de solution. Et notre autre point sera de regarder avec vous que l'ensemble de ces besoins-là ne sont pas exclusivement présents à la fin de vie, mais en fait se préparent tout au long de l'évolution de l'expérience de la maladie chez les personnes, entre autres, atteintes de cancer ou d'autres maladies graves, donc la réflexion doit englober un spectre de temps beaucoup plus large que la fin de vie pour bien comprendre cette phénoménologie-là.

**(13 h 10)**

M. Gagnon (Pierre): Alors, puisque le rôle du médecin et des milieux de soins, c'est premièrement d'être des soignants de la souffrance humaine, il faut s'assurer que ces soins soient disponibles, accessibles aux personnes en fin de vie et d'obtenir le soulagement de leurs souffrances, et ça pas seulement via évidemment l'euthanasie. Différents types de psychothérapies, d'interventions familiales, spirituelles, psychopharmacologiques qui sont déjà disponibles et sur lesquelles on travaille, on est en développement présentement peuvent permettre aux patients de vivre moins d'anxiété, moins de désespoir, moins déprimés et à mieux s'adapter aux changements de vie entraînés par la maladie grave.

Ces interventions peuvent aussi aider au maintien du sens de la vie. C'est une dimension très difficile évidemment à aborder et à traiter, mais c'est un nouveau champ d'étude, entre autres, de notre équipe de recherche où non seulement on va s'attarder au soulagement des symptômes physiques -- c'est la base -- psychologiques -- maintenant, on a beaucoup d'interventions aussi: anxiété, dépression, insomnie, fatigue -- mais la détresse existentielle, la recherche de sens, et il y a tout un courant de recherche international, et notre équipe y contribue, avec plusieurs chercheurs aussi, à développer des nouvelles interventions dans ce domaine-là.

Alors, nous souhaitons donc, par notre réflexion, sensibiliser la commission à l'importance de bien comprendre les demandes d'euthanasie dans leur contexte social, psychosocial et spirituel avant toute autre réflexion, entre autres de nature éthique ou légale. Et nous souhaitons aussi souligner la nécessité d'offrir l'accès à des services psychosociaux et spirituels spécialisés plus tôt, tout au long de la trajectoire des maladies et de façon plus homogène dans notre réseau.

Alors, c'est un peu en fait comme quand on a un enfant, je pense qu'il faut commencer tôt. Et je crois qu'avec les gens, dans leur maladie, ça ne commence pas nécessairement en phase terminale, et on fait du hockey de rattrapage, comme on peut dire, souvent. C'est peut-être mieux de commencer plus tôt, beaucoup plus tôt, et, entre autres, on développe, nous, des interventions pour tenter d'agir précocement pour outiller les gens à faire face à ce qui peut les attendre.

Mme Tremblay (Annie): Nous allons détailler peut-être un peu avec vous les grands besoins qui nous permettent de comprendre un peu le développement des souhaits de mort avancée chez les grands malades, et en fait la majorité des éléments que nous allons vous mentionner découlent des expériences internationales déjà actualisées en ce qui concerne l'utilisation du suicide assisté et de l'euthanasie, parce que les différents endroits dans le monde où ces processus sont légalisés ont le plaisir d'avoir des professionnels cliniciens et chercheurs nous permettant de mieux comprendre, je vous dirais, de décortiquer cette expérience-là.

Alors, les principaux éléments mentionnés sont dérivés de la littérature en provenance des Pays-Bas, de l'Oregon aux États-Unis, de la Suisse et de la Belgique. Cette littérature relie en fait de plus en plus les facteurs psychosociaux et spirituels à la survenue des souhaits de suicide assisté et d'euthanasie, particulièrement dans un contexte où des soins pour répondre à ces besoins ne sont pas offerts. Au contraire, cette littérature-là nous permet aussi actuellement d'affirmer de façon assez sécure que, lorsque les soins sont offerts de façon appropriée, on peut documenter un délai dans le recours à l'euthanasie et au suicide assisté ainsi qu'une diminution globale des souhaits de mort avancée. Cette littérature-là nous dit aussi toutefois que la disparition complète des souhaits n'est pas l'expérience actuelle. Donc, dans les faits concrets, beaucoup moins de patients qu'attendu vont avoir recours et vont utiliser les procédures de fin de vie avancée, mais un certain nombre vont quand même demeurer, je vous dirais, proactifs par rapport à ces mesures.

Alors, les principaux éléments documentés à travers la littérature nous amènent à comprendre, premièrement, que le désir de vivre, le désir de mourir, les souhaits de mort avancée sont fluctuants dans le temps chez les personnes malades et se présentent de façon générale plus comme un processus de réflexion plutôt qu'une décision en soi. Les souhaits de mort avancée comme la demande de recours à l'euthanasie peuvent donc encore actuellement être compris comme un symptôme, qui nous parle d'une expérience de la maladie à un moment donné et dont certains aspects vont engendrer de la détresse, de la souffrance, à ce moment-là, au point de remettre en question la capacité qu'un individu peut avoir à poursuivre sa vie et à maintenir le sens de cette dernière.

On sait que, pour certaines personnes, la détresse sera suffisamment soutenue dans le temps pour faciliter ou, je vous dirais, justifier une procédure ou un processus de demande d'accès à l'euthanasie ou au suicide assisté. Les expériences actuelles, entre autres en Oregon, aux Pays-Bas et en Belgique, ont tenté de bien encadrer ces demandes-là, en demandant des demandes persistantes à travers le temps sur un délai de plusieurs semaines, pour effectivement, je vous dirais, être respectueux de cette grande fluctuation-là, qui a été constatée dans leur population. Et je vous dirais, cliniquement, dans le travail qu'on fait au quotidien, nous ici avec les patients, est aussi constatée... Certaines personnes peuvent réfléchir, songer à l'euthanasie et au suicide une semaine et, dépendamment de la maladie, de l'évolution des soins offerts, être dans une position tout autre quelques jours ou quelques semaines plus tard.

Encore une fois, les principaux éléments qui sont reliés au développement des souhaits sont, de façon générale: la dépression majeure, le désespoir, la perception d'être un fardeau pour ses proches, la perte de qualité de vie, mais, de façon générale, les conflits spirituels et l'expérience précédente du décès d'un proche.

De façon possiblement surprenante pour certains, plusieurs études ont souligné une association moins grande du mauvais contrôle des symptômes et de la douleur physique sur le processus de développement des souhaits de mort avancée.

Or, la réalité actuelle... je viens de vous énoncer plusieurs facteurs psychosociaux. La réalité actuelle est aussi que la littérature, entre autres en oncologie, nous dit toujours très clairement que les problèmes psychosociaux chez les grands malades demeurent sous-diagnostiqués, la dépression majeure en étant le plus fréquent.

De très bonnes études actuellement nous permettent d'estimer qu'environ 30 % des personnes atteintes d'un cancer peuvent développer des symptômes dépressifs. Or, nous en identifions environ 5 % à 10 % actuellement. Alors, lorsque nous vous parlons d'un trou de services ou d'une absence d'offre d'intervention, cette littérature-là, je vous dirais, appuie nos préoccupations à ce niveau.

Donc, la dépression fait partie des pathologies qui doit être systématiquement évaluée. C'est un autre des éléments du cadre clinique qui a été mis en place, entre autres en Oregon, en Suisse et aux Pays-Bas. Donc, dans le processus d'évaluation des demandes d'euthanasie et de suicide assisté, les patients doivent subir une évaluation médicale permettant d'éliminer la présence d'un syndrome dépressif. Or, je vous dirais qu'il y a eu en 2009 quelques publications inquiétantes, particulièrement en provenance de l'Oregon, nous laissant suspecter que la capacité du corps médical actuellement à bien identifier la dépression chez les grands malades, malgré la mise en place du processus, demeure questionnable. Donc, des variables psychosociales toujours présentes et pour lequel le processus d'évaluation demeure sous-optimal, selon nous.

D'autres raisons évoquées, particulièrement en provenance de l'Oregon, sont l'anticipation de la perte d'autonomie, la diminution de la capacité à profiter de la vie comme nous avons mentionné précédemment, mais aussi l'anticipation de l'incontinence.

M. Gagnon (Pierre): Alors, pour poursuivre sur la même lignée, moi, j'ai contribué... j'ai participé à une étude, ici, comme cochercheur où on est allé voir des patients en phase terminale de cancer. C'est une étude pancanadienne -- la référence va vous être donnée dans le document -- où vraiment des Canadiens et incluant des Québécois de... qui étaient la cohorte que je dirigeais. On est allé interviewer ces patients-là qui avaient un pronostic de moins de six mois, et le désir de mort avancée, soit par euthanasie ou aide au suicide, était associé à un diagnostic de dépression majeure, encore, quand même. Donc, il y avait une bonne... une excellente corrélation entre ces deux facteurs, à la détresse générale aussi, physique, émotionnelle. Souvent, le patient en fin de vie... c'est imbriqué, hein, le physique, l'émotionnel et l'existentiel, et à un faible niveau fonctionnel et un plus faible degré de religiosité aussi.

**(13 h 20)**

En fait, dans cette étude-là, il y avait 24 %, près de 25 % des patients qui étaient diagnostiqués formellement avec au moins un trouble psychiatrique, dépressif ou anxieux. Donc, des problèmes hautement traitables et qui pourraient facilement changer la perspective qu'ont les gens de leur situation. Alors, c'est vrai qu'on va vous dire que... puis ça va vous être dit souvent qu'il y a... bon, que les gens, souvent, ce n'est pas la dépression, ce n'est pas la douleur, ce n'est pas ci. Mais, quand on va tester sur le terrain, il en reste quand même, ce n'est pas à 100 %, mais un très haut pourcentage où il y a encore de la pathologie psychiatrique. Et on ne parle pas de 0,01 %, ici, je vous parle de près de 25 %, 1/4. Et effectivement... Et, dans ceux... le sous-groupe qui dit: Oui, oui, moi, je voudrais que ce soit légalisé, je voudrais l'utiliser, ces cas-là, puis ils sont particulièrement déprimés et ont particulièrement une charge de symptômes élevée.

Évidemment, quand les patients expriment des souhaits d'euthanasie ou de suicide assisté, c'est souvent une manifestation d'autres besoins, souvent non reconnus -- ça vous a été dit. Et, souvent, on est trop centrés sur la maladie biologique, d'où l'importance de l'oncologie psychosociale, et c'est pour ça que se développe beaucoup.

Donc, on nous met l'expérience globale dans toutes ses dimensions: biologiques, oui, c'est la première, mais psychologiques, sociales, existentielles et spirituelles... L'expérience de l'Oregon nous montre que deux tiers des personnes ayant utilisé la médication obtenue pour un suicide assisté n'ont pas attendu avant d'être... n'ont pas attendu d'être confinées au lit ou significativement détériorées. Donc, ils l'ont utilisée de façon précoce. Donc, les gens n'ont pas attendu la phase dite «terminale» pour l'utiliser, pour mettre fin à leurs jours.

Encore une fois l'importance, donc, de la crainte de perdre comme élément motivant... la crainte de perdre l'autonomie est souvent un problème important. Et cette crainte, en fait, est un phénomène anxieux qu'on peut utiliser... qu'on peut étudier et travailler... qui se travaille avec des formes de psychothérapies. Ça se travaille peut-être pas avec une pilule, mais avec des formes d'interventions spécialisées.

Et aussi l'expérience nous démontre que seulement un très petit nombre va, en fait, faire la demande dans les pays où l'euthanasie est permise. Par exemple, l'euthanasie et le suicide assisté sont en usage décroissant aux Pays-Bas depuis l'adoption de la loi en permettant l'utilisation officielle, passant, entre 2001 et 2005, de 2,6 à 1,7 % des décès totaux par euthanasie, et de 0,02 % à 0,01 % du nombre total de décès pour le suicide assisté. Le suicide assisté représente en Oregon 292 décès sur 85 000 depuis l'adoption de la loi en 1997. Il s'agit de moins de 0,08 % des décès. Et, chez ceux qui y ont eu recours, 81 % souffraient de cancer, 8 % de sclérose latérale amyotrophique, une maladie neurologique, 5 % de maladie pulmonaire chronique sévère, 2 % de VIH-sida... d'autres... et 5 % d'autres maladies en phase avancée.

Alors, cet usage limité et décroissant, malgré un accès légalisé, renforce notre conviction actuelle que certaines interventions multidimensionnelles, notamment de nature psychosociale et spirituelle, souvent intégrées à une prise en charge en soins palliatifs, ont été développées et semblent répondre, elles aussi, aux besoins des personnes atteintes de maladies incurables. Elles semblent donc rendre le recours au suicide assisté et euthanasie moins fréquent.

Comme je vous expliquais, on a aussi, nous-mêmes, contribué au développement de telles interventions, et, souvent, plus précocement dans la trajectoire de la maladie. Entre autres, présentement, on est à tester une étude subventionnée où on a une intervention existentielle pour aider les gens à trouver sens dans leur expérience de cancer non métastatique.

Ensuite, ce qu'on trouvait intéressant aussi, c'était de constater, dans le cadre de cette commission-ci, que, avant même de bien comprendre le phénomène de souhait de mort avancée et de tenter de trouver des moyens pour l'améliorer, nous envisagions des solutions visant simplement à éliminer la source du phénomène. Et ça, c'est sans compter que beaucoup d'autres facteurs sont aussi à l'étude dans notre... dans notre équipe présentement: entre autres le fardeau, fardeau familial imposé par la phase palliative; le fardeau financier même -- il y a eu des publications récentes là-dessus. Alors, on est en... au début de la... de l'approche, de la compréhension de ces phénomènes-là et, tout de suite, on parle à une solution où on élimine la source même du questionnement.

Mme Tremblay (Annie): Un des autres abcès... aspect, pardon, que nous souhaitions souligner un petit peu, c'est aussi les résultats, un peu, ou l'impact qu'a eu la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie, je vous dirais, sur l'organisation des services professionnels, et entre autres le développement de compétences pour mieux répondre aux besoins globaux des personnes gravement malades.

Et en fait le corps médical, particulièrement en Oregon, témoigne, je vous dirais, de l'impact et de la stimulation qu'a eu le Death with Dignity Act qui est passé en 1997 sur une augmentation de la formation et une stimulation à développer une meilleure compétence, entre autres sur les aspects de communication avec les patients, les capacités de dialogue sur la transition entre la maladie curative et palliative.

Beaucoup, entre autres, de médecins ont témoigné dans des articles scientifiques leur grand malaise à discuter de ces éléments-là précédant la légalisation, grand malaise s'étant transformé en sentiment d'obligation d'avoir à développer des compétences et des attitudes adéquates pour initier le dialogue avec leurs patients, puisque la légalisation les confrontait à cette obligation.

La grande question qu'on souhaite vous amener aujourd'hui est entre autres de dire: Est-il vraiment nécessaire de légaliser l'euthanasie et le suicide assisté pour permettre un tel dialogue? Comme on disait, la conséquence dans ces endroits-là a été quand même qu'il y a une diminution depuis leur adoption de l'utilisation de ces modalités-là. Alors, selon nous, il est probablement possible d'initier ou de faciliter le développement exactement du même processus, donc d'augmentation des compétences des professionnels et, je vous dirais, d'encadrement du dialogue sur les souhaits de mort avancée, mais sans nécessairement qu'il y ait processus de légalisation. Il y a toutefois eu cet impact positif là, et qui est bien documenté, entre autres en Oregon, mais aussi en Europe.

Nous tenions aussi à vous signaler qu'il y a, au niveau international, différents pays comme la Grande-Bretagne et l'Australie qui, malgré une absence de processus de légalisation, ont pris l'initiative de développer des guides de pratique pour leurs professionnels soignant des patients gravement malades, guides de pratique orientant et encadrant l'exercice professionnel à travers le dialogue, le dialogue et, je dirais, la réflexion entourant les souhaits de mort avancée.

Et, je vous dirais, la commune de l'ensemble de ces guides de pratique est, entre autres, de souligner l'importance d'une évaluation exhaustive des dimensions psychologiques, sociales et spirituelles de la personne faisant face à une maladie sévère. Et plusieurs de ces guides de pratique là se sont, entre autres, appuyés sur des résultats d'études qui démontraient que l'écoute, le respect et l'identification des besoins a un impact marqué, entre autres, sur l'expérience, la perception, la satisfaction des personnes malades face aux soins de santé donnés, mais aussi sur leur qualité de vie générale.

Plusieurs de ces modèles demeurent quand même actuellement à l'étude, et, comme on vous le disait, on croit qu'il est important de souligner leur existence à travers le monde et, entre autres, leur inexistence au Québec, et nous voulions souligner la possibilité ou en tout cas l'intérêt de développer un tel processus ici. Vas-y.

Le Président (M. Kelley): Peut-être en guise de conclusion, parce qu'on a déjà dépassé le 20 minutes, et je veux préserver le temps pour une période d'échange avec les membres de la commission.

M. Gagnon (Pierre): Oui, oui, je vais être bref...

Le Président (M. Kelley): Oui, oui, juste...

M. Gagnon (Pierre): ...deux minutes. En fait, justement en conclusion, nous... Envisager une solution finale et radicale telle que l'euthanasie pourrait court-circuiter une série d'étapes intermédiaires indispensables et dont on a le devoir. Et là je commence aussi précocement que l'accès à un médecin de famille avec qui se développe une relation suivie, des équipes médicales spécialisées, d'être capable d'être référé à temps à une équipe, exemple, d'oncologie, des experts en soins palliatifs, des professionnels psychosociaux compétents et empathiques pour faire face à ce type de problèmes, et tout cela dans des relations suivies, continues, prévisibles, dans une atmosphère de confiance et de respect.

Je crois que, pour être au quotidien, il serait illusoire de prétendre que le système de santé québécois offre présentement ce cadre pour une majorité de citoyens. Au contraire, il est plus probable de rencontrer un patient en phase avancée de sa maladie qui aurait pu l'éviter s'il y avait eu une détection précoce de sa maladie et s'il y avait eu des spécialistes pour le traiter à temps, adéquatement et promptement.

En fait, ça ne nous ferait rien, autrement dit, de se recycler dans d'autres secteurs s'il n'y avait plus de patients qui nous arrivaient en détresse existentielle.

En fait, donc, il semble complètement prématuré de poser un tel geste dans un système où même un médecin de famille, des services de première ligne et des soins spécialisés ne sont pas accessibles de façon homogène dans notre province et dans des délais raisonnables, et où l'on retrouve encore moins de services spécialisés en soins palliatifs et en approches psychosociales compétentes pour faire face aux demandes de mort avancée où s'enchevêtrent les dimensions biomédicale, psychosociale et existentielle et pour lesquelles, même pour des spécialistes comme nous, c'est compliqué et c'est difficile à aborder. Merci beaucoup.

**(13 h 30)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dre Tremblay, merci beaucoup, Dr Gagnon. Excusez-moi de me... mais je veux conserver le temps pour une période d'échange avec les membres de notre commission.

Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Marquette. Peut-être deux blocs de 18 minutes, si ça va autour de la table? Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue Dr Gagnon, Dre Tremblay. Vous arrivez après une pause, dans notre cas, de deux semaines. Alors, on est un petit peu en train de se recycler avec l'ensemble de la terminologie, les différents arguments.

On a essentiellement, je pense, au mois d'août, à mesurer l'attitude des Québécois et des Québécoises par rapport à savoir la question: Est-ce que, dans l'arsenal des services appropriés en fin de vie, pour reprendre la terminologie du Collège des médecins, on doit inclure l'euthanasie comme service, possiblement le suicide assisté?

Et, pendant les 10, 15 premières minutes de votre présentation, j'avais de la difficulté à cerner où vous vous situiez. Je ne savais pas si c'était d'un côté ou de l'autre. Mais je pense qu'en fin de parcours c'était un peu plus clair pour moi, parce qu'on commence à bien connaître les arguments, les pour et les contre, et, selon les arguments, ça nous permet un petit peu, là, de bien identifier les gens qui sont... le point de vue qui est exprimé devant nous.

Parmi les arguments que vous avez invoqués, vous faites un plaidoyer pour plus de services en soins palliatifs. Je pense qu'on comprend bien, on entend bien votre message. Vous dites également que, s'il y avait une légalisation, ça risquerait, en quelque sorte, de réduire les programmes de soins palliatifs et ça pourrait avoir un impact sur la recherche.

Est-ce que j'interprète mal vos propos? J'essaie de résumer un peu le plaidoyer que j'entends.

Mme Tremblay (Annie): En fait, merci d'avoir précisé parce qu'effectivement ça n'a pas été notre propos parce que l'expérience internationale actuellement, comme je vous le disais, entre autres en Oregon et en Belgique, démontrent l'inverse. Qu'un des effets positifs de la légalisation, ça a été en fait de stimuler et de, je vous dirais, d'accélérer le développement d'accès à des soins plus multidimensionnels.

Mais la question que nous vous posions et notre réflexion professionnelle est de dire: Est-ce que la légalisation est nécessaire pour obtenir cet effet? Et je vous dirais que notre position première, comme psychologue spécialisée en oncologie, c'est de militer pour la réponse aux besoins qui amènent les patients à développer des souhaits de mort avancée.

Et une de nos inquiétudes -- et je vais la répéter parce que peut-être elle n'a pas été assez claire -- est que la phénoménologie ne commence pas à la fin de vie. On trouve... ou l'expérience internationale a été de donner légalement accès à ces processus-là en fin de vie. Mais la documentation et la recherche nous dit que les patients y pensent bien avant la fin de vie et qu'entre autres en Oregon les patients l'utilisent avant la phase terminale.

Donc, il faut élargir nos horizons un peu et voir la maladie, encore une fois, dans son spectre global et dans un processus évolutif. La fin de vie n'est pas un silo, n'est pas une, je vous dirais, une boîte spécifique. Elle est rattachée à un processus qui a commencé bien avant.

M. Ouimet: À la page 5 de votre mémoire, au bas de la page -- j'avais peut-être mal interprété, je m'en excuse -- vous dites: «Envisager une solution finale et radicale telle que l'euthanasie pourrait court-circuiter une série d'étapes intermédiaires indispensables...»

Mme Tremblay (Annie): C'est une autre possibilité. Mais, comme je vous souligne, ce n'est pas l'expérience internationale, quand même, à date. Vous retrouverez, par contre, des professionnels, entre autres des collègues de la Suisse, qui vont vous dire que l'exercice des soins palliatifs est devenu peut-être plus difficile dans le contexte.

Je ne sais pas si, toi, tu veux... tu veux ajouter.

M. Gagnon (Pierre): Oui. Bien, effectivement, nous, on est collés au milieu, au modèle, au système québécois et, avec ce qu'on voit, on trouve que ça serait... il y a vraiment un grand risque.

On parle... Il y a d'autres modèles: l'Oregon, les États-Unis. On sait que le système de santé est différent. Les services, l'accessibilité aux services est différent. Ici, ce n'est pas le cas du tout. Quand on... les... nos patients n'ont pas accès à un médecin de famille, ça commence... la discussion, la relation de confiance, de respect, de dignité commence là. Et on n'a pas ça ici, on n'a pas accès à ça.

J'étais à des funérailles en fin de semaine, et évidemment les gens parlaient un peu des fins de vie différentes. Et quelqu'un que je connais bien disait que sa mère était entrée dans un grand hôpital de Québec en phase palliative. On lui a dit clairement: Elle ne sortira plus d'ici. Ça a été six mois. 86 ans, une maladie pulmonaire, pas un cancer. Et, pendant ces six mois-là, elle est restée dans l'hôpital général. C'était clair que c'était une phase palliative. Elle a changé 18 fois de chambre. Alors, c'est sûr que c'est très, très de base, mais ça module tout le reste.

Alors, quand on dit de court-circuiter, il y a... Ça commence aussi «basic» que ça et ça continue avec: Qui a des médecins spécialisés, qui a des équipes de douleur très spécialisées pour les... en neurochirurgie, traiter la douleur réfractaire? Qui a des équipes psychosociales spécialisées pour traiter la détresse existentielle parce qu'il se développe... Alors, on est très, très, très tellement loin de ça que ça nous semble court-circuiter le questionnement.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci. D'abord, merci pour votre mémoire, c'est extrêmement intéressant. Vous mentionnez qu'il y a un petit nombre de personnes qui en définitive, lors d'un processus de... lors de leur processus de fin de vie, vont quand même insister pour demander l'euthanasie ou encore le suicide assisté.

Comment on devrait réagir à cette demande-là, même s'il s'agit d'un petit nombre? Comment on doit se positionner, nous, comme société québécoise vis-à-vis cette personne-là, après que tout a été fait et qu'on a supporté ces personnes-là dans leur processus de fin de vie et qu'ils maintiennent leur souhait d'une mort avancée?

Le Président (M. Kelley): Dre Tremblay.

Mme Tremblay (Annie): Premièrement, ce que je vous dirais, c'est que, vous savez, même si le suicide assisté et l'euthanasie ne sont pas légalisés ici, nous avons des patients qui en feront la demande de façon persistante, hein, ça fait partie de la réalité clinique, et qui feront cette demande jusqu'au tout dernier jour et au tout dernier moment de leur vie, et nous avons à prendre soin de ces gens-là actuellement.

Je serais à la fois extrêmement mal à l'aise de vous dire que ces gens-là décèdent de façon non souffrante ou ont une excellente qualité de vie à leur décès. Mais je serais extrêmement mal à l'aise aussi de vous dire que nous ne réussissons pas, lorsque les soins justement spécialisés sont disponibles, quand même à procurer du réconfort et de l'apaisement à ces gens-là. Je vous dirais qu'il y a certaines alternatives, que ce soit au niveau des soins psychosociaux ou carrément au niveau des interventions pharmacologiques, qui peuvent nous permettre de procurer un soulagement, parfois même via la somnolence prolongée ou la sédation, pour assurer l'apaisement en toute fin de vie de ces personnes. Donc, on s'en occupe, peu importe.

Je vous dirais que le point de vue social, pour moi, c'est sûr que c'est la deuxième importance puisque, comme clinicienne, peu importe ce qui sera décidé -- puis ça, je pense que c'est plus votre travail -- moi, j'aurai à m'occuper du confort et de la qualité de vie de ces patients-là, peu importe ce que la société décidera.

M. Chevarie: Vous êtes de grands spécialistes en psychiatrie, en oncologie, mais concrètement on sait que les spécialistes se situent dans les... particulièrement dans le réseau de la santé, se situent dans les grands centres urbains, dans les centres universitaires.

Comment vous pouvez imaginer un service très proche de ces clients-là, spécialisé pour ces clients-là qui vivent beaucoup de souffrance, dans les grandes régions du Québec, Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, l'Abitibi, la Côte-Nord? Comment est-ce qu'on peut imaginer un système qui peut également supporter cette clientèle-là?

M. Gagnon (Pierre): C'est sûr que.. ce qu'on essaie de développer justement, c'est des interventions qui sont facilement exportables, utilisables par le plus grand nombre. La recherche... C'est sûr qu'on fait les recherches, mais c'est pour développer des interventions qui vont être utiles et utilisables sur le terrain par beaucoup de gens.

Et même à ces endroits-là, comme je vous expliquais, ça commence souvent de façon beaucoup plus précoce. Et ces gens-là peuvent avoir quand même accès aux différentes compétences, aux différents moyens, aux différents outils, et c'est un très petit nombre qui en arrive à dire: Vraiment, c'est la seule solution, on n'a rien fait d'autre.

Alors, c'est comme pour le reste de la médecine, il peut y avoir un système de référence aussi. Toute la médecine spécialisée n'est pas disponible partout. Et, pour ça aussi, il peut y avoir... il y a une pyramide, mais c'est... On parle d'un tout petit nombre vraiment, d'une tête d'épingle. Alors, tout le reste est quand même... peut quand même être traité par l'ensemble des interventions qu'on développe et qu'on est en train de développer.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Hull.

**(13 h 40)**

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue Dre Tremblay, Dr Gagnon. C'est très intéressant de vous entendre puisque c'est une perspective nouvelle sur la fin de vie, puisque vous nous parlez de psychiatrie psychosociale en oncologie. Pour avoir oeuvré bénévolement dans une maison de soins palliatifs, je n'ai jamais entendu parlé de ce type de professionnels. Alors, c'est probablement une nouvelle expertise.

Vous parlez beaucoup dans votre mémoire de l'urgence de parler de la fin de vie, des soins de fin de vie le plus tôt que possible. Alors, moi, je peux comprendre quand c'est des personnes qui sont atteintes de cancer. Pour eux, l'espace-temps est délimité: six mois, un an, tout ça. Mais, pour une personne qui reçoit un diagnostic d'une maladie dégénérative, ça peut prendre cinq ans, 10 ans, 15 ans.

Pour vous, comment est-ce qu'on peut mieux intervenir par rapport à l'euthanasie et tout cet aspect de suicide assisté auprès de cette clientèle?

M. Gagnon (Pierre): Bien, c'est qu'on... Effectivement, juste pour bien interpréter, on ne veut pas dire qu'il faut parler de ça constamment, tout le temps, mais... dès que l'enfant est sorti de la pouponnière, quoique ça fait partie de la vie, c'est sûr, mais en même temps... Non, c'est simplement... Ce n'est pas nécessairement même dans l'explicitation des termes «fin de vie», «mort», mais, encore une fois, c'est dans la relation, l'espèce de relation qu'on appelle, hein, on dit «holding» en anglais, qui tient, qui supporte et qui n'est pas nécessairement explicitement nommée comme ça, mais une relation de confiance, de respect, de suivi, et à ce moment-là ces éléments-là peuvent être intégrés facilement par la suite. Alors, même les maladies dégénératives. Et aussi... Ça, c'est un point.

L'autre point, par contre, penser que les gens n'ont pas ça à l'esprit est faux; on peut aussi l'aborder. C'est une nouvelle culture, en fait. Il faut que les gens l'abordent aussi précocement s'ils le veulent et s'ils le peuvent, et ça va aider pour plus tard.

Alors, d'un côté, effectivement, on ne dit pas qu'il faut juste parler de ça, mais c'est vrai aussi que les patients y pensent, puis c'est souvent les professionnels qui ont peur d'en parler. Alors, c'est pour ça que, nous, on fait beaucoup d'enseignement à ce niveau-là.

Mme Tremblay (Annie): J'ajouterai peut-être aussi une nuance. C'est que, vous savez, l'évolution du cancer à travers le temps s'est beaucoup modifiée avec le développement des technologies de traitement, et nous sommes confrontés en oncologie actuellement à une réalité qui ressemble de plus en plus à celle des maladies dégénératives, c'est-à-dire d'avoir des cancers incurables, mais dont l'évolution peut être prolongée, temporisée par des chimiothérapies palliatives, par des traitements adjuvants, et ce, maintenant sur de nombreuses années.

Je vous dirais que je discute maintenant très régulièrement, entre autres, avec des patientes atteintes de cancer du sein. Quand j'étais étudiante en médecine, voir quelqu'une avec des métastases osseuses survivre cinq ans, c'était exceptionnel. Aujourd'hui, j'ai des survivantes avec cancer métastatique de 10 et 15 années qui sont exposées à des traitements chroniques. Donc, la réalité des maladies dégénératives et de l'oncologie se ressemble maintenant beaucoup plus qu'on le croit.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée des Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Mille, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): Mille.

Mme Charbonneau: ...mille, hein.

Une voix: Il y en a mille.

Mme Charbonneau: Merci. J'ai trouvé votre exposé fort intéressant. J'ai apprécié le fait que vous avez touché qu'effectivement 83 % des gens qui demandent sont des gens qui sont en oncologie. Ma collègue a un peu volé mon idée, ou l'idée que j'avais, de vous poser cette question-ci, à savoir: il y a eu le cas Latimer, qui a été un cas triste qui a été dans les médias de gens qui se retrouvent devant une maladie dégénérative où, là, il n'y a plus rien à faire. C'est un père qui a pris une décision d'une adolescente qui ne voyait pas d'avenir. Malheureusement, la décision du père, on ne saura jamais si la jeune fille y était complètement attachée. C'est tout un autre aspect.

Mais, dans ce principe même là d'une maladie qui t'arrache à tous les jours une partie de ta vie et à laquelle tu veux mettre fin... Je n'ai pas de chimio; il y a des médicaments qui se présentent à moi; la société s'est ajustée, hein: les trottoirs, les portes, tout s'ajuste pour pouvoir permettre à des gens qui ont des choses pour les aider à survivre dans un quotidien. Mais, malgré tout ça, mon médecin me dit qu'il me reste cinq ans à vivre, et je devrais profiter de la vie. Le seul profit que j'aie le goût d'avoir, puisque dans ma théorie je suis athée, c'est de passer à autre chose et de laisser ce monde-ci pour arrêter toutes mes souffrances.

Comment je fais pour faire un document de consultation qui explique à la communauté que c'est sur ça que je les consulte, sur le droit ou la volonté que j'ai de vouloir mourir? Parce qu'en ce moment c'est ce qu'on cherche comme piste de solution, c'est un document de consultation pour aller demander aux gens quelle est leur volonté, qu'est-ce qu'ils veulent que le gouvernement prenne comme décision.

Donc, si je me mets dans un autre contexte que celui de l'oncologie, puisque c'est majoritairement, que je passe par le sida, que je passe par autre... je finis toujours par avoir un cancer qui va arriver à ses fins, mais, si j'ai autre chose qui fait que je tombe dans le 10 % d'une maladie incurable, dégénérative, le Parkinson, le «locked-in syndrome», je peux en nommer quelques-unes... Mais comment je fais pour convaincre cette personne que, malgré son manque de qualité de vie, malgré tout le diagnostic que je lui remets, elle se... elle devrait avoir le goût de vivre plutôt que mourir ou comment je fais pour lui annoncer qu'il y a des étapes à faire pour aller vers un choix de fin de vie?

M. Gagnon (Pierre): Bien, c'est ça, c'est que, pour reprendre quelques éléments à ça, c'est que, nous, on a l'expérience, puis je vous dirais que nos étudiants... on a beaucoup d'étudiants évidemment dans les centres universitaires, et ce qu'ils remarquent en premier -- évidemment, ils arrivent dans le stage, ils ont peur, la mort, etc., -- et ce qu'ils remarquent: Ah, tiens, les gens ne sont pas si déprimés, les gens sont résilients, les gens sont... En général, l'être humain est plus résilient qu'on pense, premièrement donc il y en a peu, et un coup qu'on va avoir vu ces gens-là...

Et, deuxièmement, c'est fluctuant, ça aussi les études le démontrent bien. Cette personne dont vous parlez, si c'est ce qu'elle dit là, je ne sais pas ce qu'elle dit après. Donc, c'est fluctuant, les gens sont plus résilients. Nous, quand on est appelés comme spécialistes à évaluer ça, c'est très, très rare qu'on arrive, qu'on n'a pas de problèmes, de points sur lesquels on peut travailler, physiques, psychosociaux, existentiels, c'est très, très rare. Familial, évidemment la famille est dans ça aussi beaucoup. Alors, c'est très rare qu'on arrive sur un dossier où on dit: Ça y est, tout a été fait, tout est parfaitement ficelé, il s'agit juste de voir si ça se maintient dans le temps. Il n'y en a pratiquement pas, de notre expérience à nous, de ces cas-là où c'est vraiment ficelé, ça n'évolue pas dans le temps, alors...

Et même... et ça arrive, ça, je vous dirais que... Je discutais avec Dre Tremblay et que je me rappelle mes stages en pédopsychiatrie, ça arrive même, ça, en psychiatrie où il n'y a aucune maladie physique, où les gens disent: Moi, mon projet de vie... un adolescent, nous arrive, de 17 ans: Mon projet de vie, c'est de mourir. Mais ça arrive même en dehors de la maladie. Alors, que ça arrive en maladie une fois de temps en temps, ça ne nous surprend pas non plus. Est-ce qu'à cause de ça il faut généraliser puis tronquer les interventions? C'est le risque de tronquer les interventions, de court-circuiter, nous. Et, comme je vous dis, ces cas-là, nous, on en voit très, très peu, on les cherche et... parce qu'il y a toujours des interventions à faire.

Mme Tremblay (Annie): Ce que je trouve, pour aller dans le même sens, ce que je trouve très difficile du choix de l'exemple de la situation de M. Latimer, sans être une experte médicolégale, mais comme médecin sensible à ces enjeux-là, là, et ayant suivi, je vous dirais, autant les publications qui ont suivi cet événement-là que les procédures légales, écoutez, nous sommes dans une situation où nous avons une jeune qui était incapable de nous préciser sa vision de la fin de vie, donc... ou sa vision de sa qualité de vie. Donc, il s'agissait de la projection totale d'un père et non pas de la vision d'une personne, raison pour laquelle discuter à la fois de l'autodétermination d'adulte apte versus de décisions substituées dans des contextes d'inaptitude, ce n'est pas du tout, du tout, mais pas du tout la même... Et la seule chose additionnelle que je signalerai, c'est que le contexte psychosocial de cette famille-là en était un d'isolement, d'isolement et de services sous-optimaux.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

**(13 h 50)**

Mme Hivon: Alors, à mon tour, je veux vous remercier sincèrement de votre excellente présentation, qui effectivement couvre des aspects pas couverts à ce jour. Et c'est toujours heureux pour nous d'avoir toute la panoplie d'expertise, puis vous en amenez une nouvelle aujourd'hui.

Je dois vous dire que... je pense que je parle sûrement pour tous mes collègues pour dire qu'on entend bien votre message qui, je pense, est celui de dire: L'accompagnement n'arrive pas qu'à la toute fin et ce n'est pas une lumière qui s'allume à trois semaines de la mort, de dire: Tiens, il faudrait penser au bien-être émotif, psychologique, existentiel de cette personne-là. Je pense qu'on entend bien ce message-là.

L'autre, je dirais, message qui est peut-être un peu original ou qui est vraiment peut-être bien dit, c'est celui sur les effets positifs collatéraux dans les endroits où on aurait légalisé l'euthanasie. Et je comprends encore bien votre message de dire: Écoutez, on ne légalisera pas l'euthanasie pour les effets positifs collatéraux, il y a d'autres choses à mettre en place si on veut atteindre une meilleure connaissance des intervenants. Mais c'est quand même intéressant, parce que je vous dirais que ça va à l'inverse de l'argument de la pente glissante qui est plutôt la pente ascendante ou, je ne sais pas, la pente bienfaisante. Donc ça, c'est un point de vue intéressant.

Nous, malheureusement, on manque beaucoup de temps pour lire toutes ces études que vous, les experts, lisez, donc il faut se fier à vous. Donc ça, je vous remercie.

Et je pense que ce qui est aussi très intéressant, c'est toute la dimension du choix réel, vous plaidez pour que la personne ait un choix réel, et ce choix, il ne peut être réel que s'ils ont accès à tous les soins. Donc, on sait qu'on est loin évidemment de l'utopie en ce moment en matière de santé, mais ce message-là est clair.

Nous, de notre côté, évidemment on est animés par le même souci de se dire: Tout ça, toute cette réflexion-là qu'on entame, c'est pour assurer le plus grand bien-être à la personne jusqu'à la toute fin de sa vie, y compris dans ses choix face à sa mort. Et ce que je veux bien comprendre avec vous, je comprends que c'est ça qui vous anime aussi, c'est de suivre ça et de dire que, dans certains cas, nous, c'est pour ça que la question de l'euthanasie est discutée, c'est de se dire: Pour le petit nombre de personnes qui feraient des demandes répétées et pour qui le bien-être passerait par une aide médicale balisée à mourir, qu'est-ce qu'on doit faire?

Alors, juste pour nous documenter, je comprends les études que vous avez... dont vous avez fait part, mais en même temps vous êtes des cliniciens, et j'aimerais savoir si, en dehors, là, des soins ou qui commencent à être apportés, peut-être combien de gens dans votre pratique peuvent vous demander... vous exprimer des souhaits à mourir? J'imagine qu'il y en a un certain nombre. Et de ce nombre-là, une fois que, par exemple, il y a un suivi serré en psychiatrie ou des soins avec une équipe traitante, de combien, dans votre pratique à vous, ça peut diminuer les cas?

M. Gagnon (Pierre): Bien, moi, je pense je vous l'ai déjà dit, c'est très rare, on les compte sur les doigts... et pourtant avec les années de pratique qu'on a, moi, depuis 1994 et même avant ça à New York. Les gens en parlent, mais effectivement que les interventions, ça diminue énormément.

Je me rappelle d'une personne où on semblait avoir tout fait, mais en fait qui n'investissait même pas, c'était encore une fois un symptôme d'autre chose, de garder le contrôle, mais qui n'insistait pas plus que ça.

Alors, c'est quand même les gens en parlent, mais quand on aide, etc., ça ne devient pas vraiment un problème très important, très pressant. Au niveau clinique, je ne peux pas dire, moi, que c'est quelque chose qui... j'en compte très peu.

Mme Tremblay (Annie): Vous savez, la clinique, quand on parle de notre expérience au quotidien, le biais amnésique émotionnel peut prendre une place plus importante pour nous aussi. Puis c'est sûr que je vais vous dire aussi que mon expérience ou ma mémoire de clinicienne me parle d'un beaucoup plus grand nombre de patients que nous... que j'ai réussi à accompagner adéquatement et à soulager que de patients, je vous dirais, qui sont décédés de façon abjecte ou dans une immense détresse, puis je vous dirais que la sédation a été un recours dans certains cas.

Puis je vous dirai aussi que j'ai eu des expériences très marquantes, dans les 10 dernières années, de patients militants pour l'euthanasie et le suicide assisté, et activement militants, qui, dans leurs derniers jours de vie, m'ont dit: Savez-vous, Dre Tremblay, je ne pensais pas que ça pouvait avoir du sens comme ça, et merci de m'avoir offert ce que vous avez fait.

Puis ce serait mentir que de vous dire que ces patients-là n'ont pas d'influence sur mon point de vue clinique, et c'est pour ça que je vous dit que mon devoir, comme clinicien avant tout, c'est de toujours être là pour le patient, et de respecter les choix que notre société de façon générale fera, et que, oui, c'est extrêmement rare. Je dois admettre cliniquement que c'est extrêmement rare. Les chiffres de l'Oregon et des Pays-Bas ne nous surprennent pas, loin de là.

Mme Hivon: Mais est-ce que vous diriez que... Ces chiffres-là varient entre 0,4 % ou à 1,7 % peut-être des décès. Est-ce que vous diriez qu'en fait il y a pratiquement une erreur médicale, parce qu'en fait il y a des processus très, très balisés, il y a des médecins qui doivent s'assurer qu'il n'y a pas de dépression, qu'il y a une demande répétée sur une période donnée. Donc, en fait on peut le voir de l'autre côté puis dire: Il en demeure... Et, même si vous dites: C'est fantastique parce que ça a amélioré une... ça a apporté une amélioration des soins palliatifs et, par exemple, de la sédation, bon, d'autres choses, nous, il faut se poser la question: Avec cette minorité de cas-là qui refusent ou... pas qui refusent, mais pour qui les soins ne sont pas suffisants ou qu'ils continuent en demandes répétées, qu'est-ce qu'on fait?

Puis là je comprends qu'il y a la sédation palliative, alors ça aussi j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, pendant ma pause, j'ai... Moi, la sédation palliative, on ne connaît... En tout cas, je ne sais pas pour mes collègues, je ne connaissais pas beaucoup ça. Et les gens de soins palliatifs nous parlent énormément de ça comme le dernier recours. Mais, moi, je me suis dit: Éthiquement, c'est quoi, la base de ça aussi, parce que c'est en fait de mettre quelqu'un en état d'inconscience pour une période indéterminée? Donc, j'ai lu un peu, puis il y a beaucoup d'avis, hein, là-dessus.

C'est quoi, l'effet? Est-ce que c'est ça, la solution, c'est la sédation palliative, quand quelqu'un demande de manière répétée à mourir? Et quel effet ça a sur cette personne-là de lui dire: Tu ne peux pas mourir, mais on va pouvoir t'endormir pour une période indéterminée?

Mme Tremblay (Annie): Vous savez, c'est intéressant, là, votre réflexion parce qu'en fait c'est qu'on entend beaucoup aussi des patients, hein? Quand on dit à quelqu'un: Il n'y a pas moyen de mourir de façon accélérée, ça ne veut pas dire qu'ils ne vont pas mourir. Ce sont des patients en processus terminaux rendus à la fin de leur vie. Alors, c'est fort simplement une façon de modifier le moment du décès.

Puis, à travers votre propos, la réflexion qui me venait, c'est de dire: Si quelqu'un avec une maladie de pronostic de trois ans tient exactement le même propos, quelle différence y a-t-il dans notre réflexion ou notre façon de comprendre cette demande-là sur un pronostic de trois mois versus sur un pronostic d'un an, six mois ou deux semaines?

Notre message, c'est de vous dire que, peu importe le temps, il y a une compréhension à placer là-dessus et que le moment justement n'est pas la première chose à déterminer pour dire: Oui, on y a accès ou on n'y pas accès. Il y a une compréhension des besoins qui vient avec ça autant dans les dernières semaines de vie que lorsque quelqu'un a un pronostic plus avancé.

Puis, notre expérience clinique, c'est aussi que, les gens qui pensent que c'est seulement les gens en fin de vie qui parlent de ça, là, écoutez, cliniquement, la majorité des gens qui me parlent de ça, c'est suite à un diagnostic de cancer, c'est suite à l'annonce d'une phase palliative pour laquelle ils vont avoir bien plus que le un an, six mois, deux mois réglementaires, entre guillemets, utilisé à travers... à travers le monde ou même pour l'accès aux soins palliatifs, là.

Alors, la réalité du terrain, c'est ça. Ça fait que c'est pour ça que, nous autres, on vous dit: Il n'est pas question juste de la fin de vie et, rendus en toute fin de vie, les patients sont en processus de mort. Il leur reste quelques semaines à vivre, il leur reste quelques jours, et, dans ces contextes-là, le soulagement à tout prix, hein, dans l'intention du confort, peu importe l'impact sur la survie, est notre priorité.

Mme Hivon: Et justement vous m'amenez à d'autres... en fait, je me pose beaucoup de questions, je pense qu'on est tous là-dedans depuis le début. Quand quelqu'un... C'est parce qu'il y a beaucoup de questions aussi quant au sens qu'on veut donner à ça, aux soins en fin de vie, aux messages qu'on veut envoyer, tout ça. Quand quelqu'un reçoit un diagnostic, par exemple, de cancer, mettons relativement avancé, et qu'on lui dit: Bon, bien là, voici les options, et tout ça, il discute... on espère qu'il y a une bonne relation, qu'il discute avec son médecin et qu'on lui dit, par exemple: Regarde, la chimio pourrait t'aider. Si tu fais de la chimio, on estime peut-être à un pronostic qui va être amélioré à 30 %, 40 % de chances. Ça se peut, par exemple, que ça ne fonctionne pas. Et il y a des patients qui décident que, non, parce que la chimio aurait des effets trop dévastateurs, et tout ça. Vous, comme... puis ça, c'est tout à fait admis, hein, dans notre droit parce que quelqu'un peut refuser tous les traitements. Ce qui n'est pas admis, c'est de demander l'aide active à mourir.

Vous, comme psycho-oncologue, est-ce que vous cherchez, quand des gens... C'est parce qu'on semble mettre beaucoup, beaucoup l'accent sur les demandes d'aide à mourir et d'essayer de chercher en disant que c'est un symptôme d'autre chose. Quand quelqu'un refuse des traitements, quand quelqu'un dit: Non, je ne veux pas m'embarquer dans une chimio qui risque de me gâcher la fin de ma vie, et tout ça, est-ce que c'est la même approche en psycho-oncologie? Est-ce que vous cherchez autant les raisons? Est-ce que vous voyez ça autant comme un symptôme?

Mme Tremblay (Annie): Lorsque les patients nous sont dirigés, oui, et c'est clair que nous travaillons beaucoup, entre autres, nous autres, à l'Hôtel-Dieu avec nos équipes médicales à aussi améliorer le processus d'évaluation dans le bureau même de l'oncologue. Et on sait que certains de ces patients-là vont parfois... En fait, je vous dirais que c'est très fréquent dans notre exercice quotidien que nous avons des patients déprimés ou tellement inconfortables qu'ils envisagent d'abandonner les traitements parce qu'ils perdent trop de qualité de vie et autant ce choix-là peut faire sens, quand il y a des éléments modifiables comme Dr Gagnon le disait, bien on va les modifier, et parfois les gens vont garder le même choix, mais parfois les gens vont réintégrer des processus de traitement parce qu'une fois soulagés, une fois avec une meilleure qualité de vie, leur souhait, c'est prolonger leur survie.

Alors, l'ensemble des services, et je vous dirais de la réponse aux besoins, est mis au service de leur vision de leur vie à ce niveau-là. Mais, oui, c'est le même processus d'évaluation exactement.

Mme Hivon: Puis, pour revenir un peu... c'est parce que je pense que, nous, on est confrontés à... on entend des experts, puis on va entendre la population, puis on entend déjà la population, hein, parce qu'il y a des gens qui nous interpellent, qui nous écrivent. On a des entourages aussi, et il y a comme... Moi, je vous dis, je suis surprise, mais je trouve ça rassurant d'entendre des experts qui disent: Avec des bons soins puis un, je dirais, un accompagnement de première qualité, les demandes réduisent énormément. Parce que je ne sais pas, mais, moi, j'entends beaucoup de cas de gens qui me disent: Ah! elle voulait tellement abréger sa vie, ça a été tellement difficile les dernières semaines. Elle ne trouvait plus de sens, tout ça.

Comment vous expliquez ce décalage-là entre ce qu'on entend, nous, comme parlementaires de la perception publique des histoires des gens qui nous disent avoir accompagné des proches, et tout ça, et ce que les experts nous disent?

**(14 heures)**

M. Gagnon (Pierre): Je pense que c'est encore ce qu'on disait, la non-accessibilité de soins, je pense, adéquats, adaptés, avec tout ce qui doit venir en amont jusque rendu en phase terminale. Je crois qu'il y a vraiment ça. Parce qu'un coup évalué, un coup traité... c'est que, comme je vous dis, même pour nous des fois c'est compliqué. Alors, ces gens-là n'ont pas accès nécessairement à ce qu'on a dit, là, l'ensemble... la trajectoire de soins, confiance, respect, bonne alliance et compétence aussi.

Parce que c'est compliqué des fois bien traiter, bien soulager, autant au plan physique que psychosocial, psychiatrique. Je dirais que ça vient de là. Je vous donnais un exemple de quelqu'un, de la mère d'une personne qui me parlait qui a changé 18... C'est très de base, mais finalement peut-être cette personne-là ne trouvait pas ça très intéressant, dans les six derniers mois de sa vie, de changer de chambre dans un hôpital général 18 fois.

Alors, on a beaucoup de ces choses-là, alors c'est sûr que ça suscite des demandes d'abréger.

Mme Tremblay (Annie): L'élément que j'ajouterais aussi, vous savez, c'est que tout à l'heure on vous a parlé de l'anticipation comme étant un symptôme psychologique ressortant de la littérature sur le suicide assisté et l'euthanasie. Or, je vous dirais que c'est extrêmement fréquent, dans mon exercice clinique, de voir des gens anticiper l'évolution de leur maladie, mais, dans la réalité, lorsque les soins sont donnés, de trouver l'expérience beaucoup plus facile.

Mme Hivon: Et d'ailleurs à ce point de... il y a des tenants pour l'euthanasie -- comme disait mon collègue, on commence à bien connaître les arguments -- qui disent qu'en soi, comme effet collatéral, de légaliser, par exemple, l'euthanasie, ça peut avoir un bon effet justement sur l'anticipation. C'est-à-dire qu'effectivement beaucoup de gens, quand ils sont relativement bien portants, penseraient qu'ils n'accepteraient pas certaines choses, peut-être qu'au bout du compte ils vont les accepter, il vont vouloir aller jusqu'au bout. Mais le fait de savoir que ça existe comme possibilité diminuerait de beaucoup leur anxiété ou leur appréhension face à leur propre mort. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Tremblay (Annie): C'est sûr que je vous partagerai mon point de vue de psychiatre et que l'anticipation, c'est un symptôme qu'on voit dans beaucoup d'autres circonstances que la fin de vie, et que le traitement de l'anxiété, je vous dirais, c'est peut-être plus des interventions psychologiques, de l'accompagnement, de la médication. L'anticipation, c'est une forme d'anxiété, puis il y a des traitements bien validés pour traiter l'anxiété de façon générale dans différentes circonstances de vie.

Le Président (M. Kelley): Dernière courte question, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Merci à vous deux de cet apport à notre réflexion.

Je me réfère à une certaine partie de votre document, vous référez beaucoup à l'importance de l'accompagnement pris assez tôt pour bien clarifier que ça ne doit pas arriver qu'en toute fin de vie. Mais en même temps cet accompagnement-là, si on essaie de le prévoir dans le temps, on le veut continu avec un médecin de famille, avec les soins, avec les ressources, ce qui n'est pas la situation actuelle, mais cet accompagnement-là permet aussi suffisamment de connaître le patient pour savoir ses désirs.

Et une personne qui, tout au long de sa démarche personnelle en lien avec son état de santé, qui répète et qui répète qu'elle veut mourir dans tel ou tel type de conditions, jusqu'où vous allez tenir sur les soins? Parce que vous dites, à un autre... à un autre moment dans votre document, que «l'autonomie du patient demeure une variable incontournable». Jusqu'où vous la considérez, cette variable-là, dans l'approche que vous avez que les soins... le type de soins, qu'il soit psychosocial, qu'il soit spirituel, peut pallier et donner une réponse à bon nombre de situations difficiles?

M. Gagnon (Pierre): C'est une... Bien, ça, c'est parce que c'est la véritable autonomie dans le sens où la personne est bien éclairée. Et on a trop vu de cas où ça va du cocktail party où on discute, c'est facile, jusqu'au moment où on est diagnostiqué puis on progresse.

Moi, je me rappelle très bien une personne qui fonctionne à 100... 200 %, etc., qui dit: Moi, si jamais on me dit que je suis métastatique, je me suicide. Mais que c'était à chaque étape, il disait: Prochaine étape, si je ne peux plus marcher, je me suicide. Or, je le voyais avec son fauteuil... À chaque étape, il ne voulait jamais se suicider.

C'est justement, on le connaît, mais ce qu'on dit dans un cocktail party ou à son médecin famille quand on est en parfaite santé, ce n'est pas du tout ce qu'il va se produire rendu à la phase terminale. Alors, ça change énormément. C'est ce que je vous dirais: Effectivement, il le connaît, mais il sait aussi que ça peut changer. Alors, c'est...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Mais, si, tout au long... Je vais insister, parce que, si, tout au long de l'accompagnement, vous lui donnez l'éclairage nécessaire pour prendre la meilleure décision et que sa décision demeure, on en arrive à quoi comme décision au bout de la ligne? Elle est où son autonomie et le droit de décider pour sa vie?

Mme Tremblay (Annie): Les patients ont déjà des droits, et leur droit d'autonomie peut s'exprimer beaucoup par rapport à la modulation du niveau de soins et de ce que le Collège des médecins est venu vous parler qu'il appelle les soins proportionnés. Et je suis obligée de vous dire -- nous, on n'en a pas parlé, aujourd'hui, là, dans notre présentation -- mais c'est un des éléments, un des outils que les patients ont beaucoup plus tôt à travers leur processus de la maladie aussi de moduler et d'exprimer leur autonomie par rapport à l'intensité et leur vision de l'évolution de leur maladie. Or, je dois vous dire que ce dialogue-là ne se fait pas dans la majorité des cas encore ou se fait de façon beaucoup trop tardive, beaucoup trop tardive.

Vous seriez surpris de la quantité de patients dans des centres de soins de longue durée réclamant des fins de vie abrégées pour lesquels, quand on va voir dans le dossier médical, s'il fallait que ce patient-là perde conscience et fasse un arrêt cardiaque, il y a un avis de réanimation complet. C'est ça, la réalité de notre réseau actuellement.

Alors, je pense qu'il faut faire attention de ne pas penser que l'autonomie, c'est exclusivement à travers un souhait de mort avancée que ça peut s'exprimer. Il y a beaucoup d'autres étapes à travers l'expression de la... à travers l'expérience de la maladie qui actuellement sont sous-exploitées pour permettre aux patients d'exprimer leur autonomie.

Puis je vous dirais que, dans la réalité légale actuelle du Québec, on ne manque pas de respect à l'autonomie de nos patients en en prenant soin de la façon qu'on le fait, mais on va travailler fort, puis il faudrait que ce soit élargi puis homogénéisé à travers le réseau. On va travailler fort à les aider à exploiter toutes les autres opportunités qui sont présentes pour pouvoir exprimer leur autonomie.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, il me reste, Dre Tremblay, Dr Gagnon, de... merci beaucoup pour votre contribution, votre expérience terrain quotidienne dans ces questions, c'est vraiment enrichissant pour les membres de la commission.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants et je vais demander à Mme Danielle Blondeau de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 14 h 7)

 

(Reprise à 14 h 9)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux. Notre prochain témoin, c'est Mme Danielle Blondeau qui est professeure dans la Faculté des sciences infirmières ici, à l'Université Laval. Alors, sans plus tarder, Mme Blondeau, la parole est à vous.

Mme Danielle Blondeau

Mme Blondeau (Danielle): Merci, M. le Président. Mme et MM. membres de la commission, je voudrais vous remercier pour l'invitation que vous m'avez faite de venir partager avec vous quelques réflexions sur un sujet comme la fin de la vie. Tantôt, en vous écoutant, j'avais l'impression d'entendre des experts par vos commentaires, alors peut-être que je vais apporter des éléments qui ont déjà été discutés. Et je vais essayer de proposer un projet de société comme contribution à cette commission.

**(14 h 10)**

Alors, c'est certain que de débattre de la légalisation de l'euthanasie, c'est un exercice grave puisqu'il est question de vie et de mort de personnes humaines, et pour cette raison notamment le sujet devient rapidement émotif: ou des récits de vie pathétiques viennent nous bouleverser et capter l'imagination, ou des discours enflammés pour polariser l'opinion publique. On en vient presque à banaliser le geste d'euthanasie, soit en le qualifiant de soin approprié de fin de vie, soit en le réclamant au nom du respect de l'autonomie, soit en évoquant des sondages favorables à son recours. Et, parmi les arguments favorables à l'euthanasie, c'est la crainte de souffrir, c'est la crainte de perdre sa dignité ou d'être un fardeau pour autrui qui sont généralement évoqués.

Mais la proposition que je vous fais, c'est: Est-ce qu'on peut réfléchir à l'euthanasie autrement? Est-ce qu'on peut considérer l'acte d'euthanasie hors de la sphère privée, mais d'un point de vue macroscopique, c'est-à-dire d'un point de vue sociétal? En d'autres mots, la question que je vais poser, c'est: Quelle société voulons-nous être, et quelles valeurs choisit-on de privilégier?

C'est donc le projet de cette présentation qui se divise, dans un premier temps, sur une mise en contexte à partir de divers constats, une distinction des pratiques qui sont parfois confondues avec l'euthanasie, pour finir à la fin sur les limites de l'autonomie et sur la proposition d'un projet de société.

Alors, comme vous le savez, il y a... il y a très peu de pays qui ont légalisé l'euthanasie: on a les Pays-Bas et la Belgique. L'assistance au suicide est légalisée dans des États américains d'Oregon et de Washington, tolérée en Suisse. Mais ces faits permettent quand même de constater que la légalisation de l'euthanasie et de l'assistance au suicide demeure un phénomène qui est relativement marginal. Et, dans ces pays, même quand la pratique est balisée, on note différents écarts, que je vais signaler rapidement parce que vous en avez certainement entendu parler, où on va parler d'effet d'entraînement.

À l'origine, aux Pays-Bas, l'euthanasie s'adressait à des personnes majeures et aptes, mais, aujourd'hui, on voit, avec des auteurs à l'appui, qu'elle a tendance à s'étendre à d'autres catégories, et notamment les nouveau-nés en néonatalogie avec le protocole de Groningen aux Pays-Bas, les patients de psychogériatrie, de psychiatrie et les patients comateux.

Donc, l'euthanasie est pratiquée dans certaines occasions sans le consentement des personnes. Selon Keown, il s'agirait du tiers de l'euthanasie, des demandes sans consentement, sauf que les chiffres varient selon les études. Et il y a un auteur en 2009... qui ont conduit une étude dans les pays européens, qui disent -- et je traduis librement: Notre étude a démontré que l'euthanasie et l'assistance au suicide sans consentement explicite sont une partie de la pratique médicale dans chacun des pays étudiés.

On sait aussi que la notification des décès occasionnés par euthanasie n'est pas toujours déclarée. Puis, encore une fois, les chiffres varient: certains vont parler de 20 %, j'ai vu 45 % avec Callahan. Et enfin le critère original, qui était de souffrir d'une maladie en phase terminale, s'est, lui, élargi comme on le mentionnait tantôt pour considérer des personnes atteintes de maladies dégénératives évolutives.

Alors, en résumé, on peut voir que les critères originaux qui devaient encadrer toute requête en vue d'une euthanasie semblent s'assouplir avec le temps.

Il y a différentes confusions avec certaines pratiques cliniques. L'euthanasie est assez consensuelle de la définir comme l'Association médicale du Canada le fait, euthanasie veut dire: Poser un geste, un acte sciemment et intentionnellement dans le but explicite de mettre fin à la vie d'une autre personne. Donc, cette définition fait relativement consensus et met l'accent sur l'intention de mettre un terme à la vie.

Cette pratique est différente de la cessation de traitement -- puis là j'ai l'impression que je vais simplement rafraîchir vos mémoires -- la cessation de traitement, qui consiste à exercer son droit de refuser un soin ou un traitement. En quelque sorte, il s'agit de limiter l'interférence d'autrui dans un processus de vie ou de mort. Une personne peut, par exemple, cesser l'hémodialyse, le rein artificiel, peut décider de retirer un respirateur, cesser l'insuline, et, comme vous l'avez mentionné, c'est consigné au Code civil à l'article 11, où «nul ne peut être soumis sans son consentement à toute intervention thérapeutique».

Il y a également l'abstention thérapeutique, qui repose sur le même article, l'abstention, c'est le choix de ne pas initier un... un éventuel traitement. C'est comme par exemple dire: Non, je n'initierai pas la chimiothérapie dans ce cas-ci.

Et l'euthanasie se distingue également des soins palliatifs dont la philosophie est vraiment centrée sur l'accompagnement des personnes dans leur dernière étape, et les soins visent à améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles par la prévention et le soulagement de la souffrance et des autres problèmes psychologiques qui accompagnent la fin de la vie.

Dans un contexte comme ça, la mort est acceptée comme un phénomène normal, elle n'est pas devancée, comme ce serait le cas avec l'euthanasie ou l'assistance au suicide, elle n'est pas repoussée... Dans cette situation, on serait en présence d'acharnement thérapeutique.

Quant au soulagement de la souffrance, qui est l'objectif des soins palliatifs, il est intéressant de mentionner que des auteurs... -- encore une traduction libre, là -- mais c'est un médecin, MacPherson, 2009. C'est un médecin américain qui dit que les spécialistes des soins palliatifs et de la douleur sont capables de soulager la presque totalité des douleurs et des symptômes, bien que des ajustements répétés en médication et de doses puissent être requis. Et, dans le même article, il déplore le fait que la douleur est souvent non traitée ou sous traitée.

La sédation palliative. Un mot sur la sédation palliative, qui a fait l'objet d'une recherche qui a été subventionnée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. J'étais avec une équipe de chercheurs, dont un clinicien qui est le Dr Louis Roy. On avait conclu que la meilleure façon de décrire la sédation, c'était d'utiliser l'expression sédation palliative de Broeckaert, qui consiste en l'administration intentionnelle de sédatifs en dosage et combinaison requis pour réduire la conscience d'un patient en phase terminale autant que nécessaire pour soulager adéquatement un ou des symptômes réfractaires. Et la sédation se distingue de l'euthanasie puisque la sédation vise la réduction d'état de conscience, mais en vue de soulager, en vue de réduire la souffrance. Il n'est pas question ici, quand le seuil de confort est atteint, de procéder à une escalade de la médication. Il est toujours possible aussi d'interrompre une sédation et de réévaluer avec le patient son niveau de douleur ou d'inconfort.

Et, à ce jour, la sédation palliative est offerte dans un contexte de soins palliatifs, mais, comme vous le savez, elle demeure une pratique d'exception. Il y a des auteurs qui s'appellent Billings et Block, qui sont souvent cités... ont désavoué la pratique de la sédation en disant que c'était une forme de «slow euthanasia», c'était une forme d'euthanasie lente. Mais il n'en demeure pas moins que la sédation vise le soulagement de la douleur, non pas la mort, et, selon plusieurs études, elle ne précipiterait pas le décès. Il y a des cliniciens qui vont me dire: On a l'impression quand on les met sous sédation qu'on prolonge même le mourir, parce que le patient ne combat plus la souffrance, qui parfois peut accélérer son décès.

Et enfin j'aimerais attirer votre attention sur l'assistance au suicide qui, techniquement, je dirais, se distingue de l'euthanasie, puisque le patient s'autoadministre la médication qui est généralement prescrite par un médecin. Mais, d'un point de vue éthique cependant, il est difficile de distinguer les deux pratiques, et, dans un ouvrage écrit avec Jean-Louis Beaudoin, qui était récemment juge à la Cour d'appel et que j'ai cosigné avec lui, on en arrivait à dire que c'était difficile de distinguer d'un point de vue éthique l'euthanasie de l'assistance au suicide, parce que, dans les deux cas, la finalité poursuivie, c'est la recherche de la mort et, dans les deux situations, on a besoin d'un intervenant externe à nous pour arriver à la fin. Et c'est très étonnant de noter dans le rapport du Collège des médecins du Québec que, dans leur rapport, ils ont écarté l'assistance au suicide, mais sans aucune justification. D'un point de vue éthique, c'est assez proche.

Il y a différentes expressions que vous connaissez bien: «mourir dans la dignité», qui est une expression qui avait été popularisée dans les années 1970-1980 pour dénoncer les situations d'acharnement thérapeutique. Et l'évocation du mourir dans la dignité signifiait, pour reprendre les propos de David Roy, qui est un bioéthicien, il disait: c'est de mourir les yeux ouverts, sans tube ni fil, qu'on soit un peu soulagé de la surcharge technologique.

Aujourd'hui, paradoxalement, la même expression est à l'origine des revendications en faveur de l'euthanasie. En Oregon, la loi, vous le savez, s'appelle «Death with Dignity Act». Ici, le projet de loi n° C-384 contient dans son titre l'appellation Droit de mourir dignement. Alors, finalement, l'expression «mourir dans la dignité», c'est une expression qui, à force de tout dire, ne veut plus rien dire. On ne sait jamais qu'est-ce qu'on évoque ou revendique grâce à l'expression du mourir dans la dignité.

**(14 h 20)**

Dans un autre registre, qui contribue quand même à alimenter la confusion, il y a des qualificatifs qui sont utilisés pour préciser le type d'euthanasie. On pense à euthanasie directe, indirecte, passive, active, etc. Cette appellation qui a été introduite dans les année 1950 par Pie XII ne correspond plus du tout à la réalité clinique d'aujourd'hui, qui est marquée par des prodigieux progrès tant sur les plans pharmacologiques que thérapeutiques.

Vous avez peut-être entendu dire que, dans La Maison Michel-Sarrazin, on pratiquait l'euthanasie passive, quand on sait très bien qu'une telle maison réfute l'idée d'une euthanasie passive. Mais il y a confusion, dans la population du moins, entre des expressions qui souvent entraînent des affirmations trompeuses.

Alors, c'est pourquoi bannir ces qualificatifs qui sont en quelque sorte le relent d'une époque judéo-chrétienne aurait le mérite de clarifier les différentes pratiques de fin de vie et permettrait d'associer strictement l'euthanasie au geste de provoquer la mort. Cette suggestion avait d'ailleurs été faite à la Commission sénatoriale spéciale sur l'euthanasie et l'aide au suicide en 1994, où j'avais été appelée à témoigner.

Alors, suite à ce bref survol, j'aimerais vous amener sur un chemin qui nous permettrait de penser l'euthanasie autrement et de voir quelle société nous choisissons d'être. Et cette approche a l'avantage de sortir des sillons habituels qui enferment le discours sur l'euthanasie dans un discours qui fait l'apologie de l'autonomie et qui déborde rarement de la sphère privée. Elle permet de mettre en évidence des valeurs qui peuvent porter un projet de société.

Ceci dit, on sait que l'autonomie occupe une place importante au sein de la population québécoise. On croit, je pense, d'une façon assez égalée en cette valeur d'autonomie. C'est un acquis incontestable aussi qui a considérablement modifié la pratique médicale, où un courant de paternalisme éclipsait rapidement la personne malade: c'est le médecin... la médecine qui décidait pour autrui. Donc, il y a eu des avancées et des bons coups, si on peut dire.

Mais aujourd'hui c'est au nom de l'autonomie que s'élèvent les revendications pour l'assistance au suicide et pour l'euthanasie. Si l'autonomie représente une valeur importante, rarement on s'interroge sur ses limites. Est-ce que l'autonomie est une valeur absolue? Et à ce sujet c'est la réflexion de Charles Taylor, vous connaissez, qui est philosophe et politicologue pour la célèbre commission Taylor et Tremblay, mais il avait écrit ça avant la commission puis il avait dit des belles choses dans son livre. Il dit: «Dans certaines de ses formes, ce discours sur l'autonomie tourne à l'apologie du choix pour lui-même: toutes les options se valent parce qu'elles se font librement et que le choix leur confère à lui seul une valeur. [...]Mais du coup se trouve niée l'existence d'un horizon préexistant de signification, grâce auquel certaines choses valent plus que d'autres ou certaines, rien du tout, préalablement à tout choix.» J'avoue que c'est un peu hermétique, c'est très philosophique. Mais il veut mettre en lumière que le choix s'exerce au sein d'une collectivité et que sa validité s'inscrit dans un univers de signification.

On comprend très bien qu'un choix qui viendrait léser l'intégrité d'autrui ne serait pas acceptable socialement. C'est dire que tous les choix n'ont pas la même valeur, et que le choix doit tenir compte de l'état social dans lequel il s'inscrit. Taylor va même dire que l'idée même du choix personnel peut sombrer dans la futilité et l'incohérence si elle se détache de l'horizon de signification qui l'a vue naître. Ainsi, le choix ou plutôt l'expression de l'autonomie pourrait parfois cohabiter difficilement avec des valeurs comme la solidarité. Et je vous cite une dernière citation de Taylor, il dit: «L'agent qui cherche le sens de la vie, qui essaie de se définir de façon significative, doit se situer par rapport à un horizon de questions essentielles. C'est ce qu'il y a d'autodestructeur dans les formes de la culture contemporaine qui se referment sur l'épanouissement de soi en s'opposant aux exigences de la société ou de la nature et qui tournent le dos à l'histoire et aux exigences de la solidarité.» Et le mot «exigences de la solidarité», je pense que c'est une piste qui nous amène à penser aussi que l'être humain est un être de relations, l'être humain est un être social, c'est un citoyen à droits mais aussi un citoyen à devoirs envers autrui.

Je me suis amusée à regarder ce que signifie le mot «solidarité» dans Le petit Larousse, qui dit essentiellement qu'il s'agit d'une dépendance mutuelle entre les hommes, d'un sentiment qui pousse les hommes à s'accorder une aide mutuelle. Donc, on a la notion de mutualité entre les humains et on peut situer... on pourrait évoquer Levinas, qui dit que l'idée de mutualité entre les humains renvoie à la responsabilité éthique envers autrui du seul fait de sa présence. Le visage d'autrui conditionne ma responsabilité éthique. Et c'est sans doute l'un des motifs à la base de nos systèmes de santé dévoués au «prendre soin» d'autrui, à la base des regroupements communautaires qui viennent en aide à des personnes malades handicapées. C'est aussi autour de la solidarité envers autrui que se sont développés les soins palliatifs. Même à la fin de votre vie, vous êtes une personne humaine à nos yeux.

Alors, d'où la notion d'accompagnement qui signifie «être avec», la notion de compassion qui signifie «souffrir avec». Et il est intéressant de rappeler que le système de santé et de services sociaux du Québec prend d'ailleurs appui sur les valeurs, et je cite, «de solidarité, d'équité et de compassion». Il vise, et je recite, «une synergie étroite entre les acteurs du réseau et la responsabilisation de tous, de l'usager jusqu'à l'autorité ministérielle».

Et la recherche de cohérence envers les valeurs de notre système de santé interpelle tous les acteurs, à tous les niveaux. La solidarité est appelée à s'incarner au sein même des équipes de soins, entre les professionnels de la santé, entre les établissements du réseau, entre les organismes communautaires, entre les services, par exemple, entre l'hôpital et les soins à domicile. Si on parle de solidarité et de cohérence de valeurs, il devrait y avoir vraiment une mutualité entre les différents services qui sont offerts.

La question «quelle société choisissons-nous d'être?» renvoie aux valeurs qu'une société choisit de promouvoir. Dans un contexte démographique -- et c'est le danger que je vois présentement -- où la société québécoise affiche un taux élevé de personnes âgées et où la surpopulation se manifeste actuellement même dans nos CHSLD, quel est le message que notre société choisit de transmettre à ses aînés? «Des personnes improductives et coûteuses», entre guillemets. Est-ce qu'il serait héroïque de recourir à l'euthanasie pour libérer la société du fardeau qu'elles représentent, ces personnes âgées?

Les propos de la philosophe Pelluchon sont éclairants. Elle écrit: «Si l'euthanasie devient la réponse au problème de la souffrance, cela signifie symboliquement que la personne malade et handicapée n'a pas sa place dans la société. Il devient délicat alors d'évoquer la solidarité envers les personnes malades, âgées, handicapées ou mourantes quand elles sont symboliquement absentes de notre société.»

Avant de terminer et sans développer à fond, il faut mentionner quelques paradoxes qui surgissent dans le paysage quand il est question de légaliser l'euthanasie et l'assistance au suicide. Il y a d'abord le mandat de la médecine, qui repose sur le célèbre primum non nocere, d'abord ne pas nuire. Et à ce sujet la philosophe Pelluchon écrit: «L'acte de tuer s'oppose au premier devoir médical formulé dans le serment d'Hippocrate. L'acte de tuer ne relève pas du soin.» Fin de la citation.

Enfin, il est prévisible que le soupçon puisse s'élever à l'endroit de l'institution que représente la profession médicale si elle en venait à pratiquer l'euthanasie.

Il y a un deuxième paradoxe qui concerne la légalisation. C'est... Une loi vise habituellement à légiférer pour l'ensemble de la société, et non pas pour une minorité. On ne légiférera pas, par exemple, pour un citoyen qui brûle un feu rouge quand, à son bord, il y a une personne qui est en train de faire une crise cardiaque puis qui veut se diriger à l'urgence.

Troisième paradoxe, c'est comment concilier la légalisation de l'assistance au suicide, d'une part, avec les efforts consentis pour la prévention du suicide, d'autre part.

En terminant -- et les auditions de cette commission en témoignent -- il est impératif d'éduquer non seulement la population, mais tous les professionnels de la santé parce qu'il y a comme une mise à niveau à faire pour utiliser le même langage. Éduquer notamment sur les possibilités méconnues des soins palliatifs, dont le but est de soulager la souffrance et d'améliorer la qualité de vie. Éduquer sur les avancées thérapeutiques et pharmacologiques. Éduquer sur les réelles distinctions éthiques et cliniques des pratiques en fin de vie. Éduquer pour briser des mythes tenaces comme: la morphine tue, les soins palliatifs font mourir plus rapidement, la dernière piqûre. On pourra y revenir si ça vous intéresse. Et il est également nécessaire d'informer et de rappeler aux citoyens les valeurs qui fondent notre système de santé et de services sociaux. Il est également impératif de développer les soins palliatifs, pour lesquels tous n'ont pas encore accès, comme l'ont mentionné les collègues précédemment. Mais ceci exige une véritable volonté politique de la part de nos décideurs.

En conclusion, la question de la légalisation de l'euthanasie n'est ni une question médicale ni une question juridique, c'est une question de société qui concerne l'ensemble de la population québécoise et qui s'inscrit dans un projet de société. Quelle place souhaitons-nous accorder à des valeurs comme l'altérité, la solidarité, l'autonomie? Quel message voulons-nous adresser aux personnes malades, âgées, mourantes ou diminuées? Quelle société souhaitons-nous être demain? Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Blondeau, pour votre mémoire, vos commentaires, vos précisions sur le vocabulaire. C'est quelque chose qu'on est en train de jongler avec, de... surtout pour la préparation de documents de consultation, d'essayer de trouver un langage le plus neutre possible. Mais comme on dit en anglais: «Easier said than done». Alors, c'est de faire... trouver ces formulations pour bien poser les questions explicitement, mais être conscients qu'on veut avoir un document le plus neutre possible. Alors, merci beaucoup pour vos commentaires.

Je suis prêt maintenant à céder la parole au député de Marquette.

**(14 h 30)**

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Blondeau. Merci infiniment pour votre mémoire, la richesse des références également que vous nous faites, la logique qui est développée pour soutenir le point de vue que vous évoquez ici, en commission.

Il y a un élément qui a retenu mon attention parmi tant d'autres là. Mais, à la page 5, vous faites une comparaison entre l'assistance au suicide et l'euthanasie. Et vous dites que «d'un point de vue éthique, il est difficile de distinguer les deux pratiques. En effet, dans les deux cas, l'intention est de provoquer la mort et, dans les deux cas, le patient doit recourir à une tierce personne.»

En lisant cela, j'ai pensé au parallèle entre l'euthanasie et l'arrêt de traitement. Et des auteurs ont fait le parallèle sur la littérature en disant que et dans le cas de l'arrêt de traitement et dans le cas de l'euthanasie, dans les deux cas, le résultat final est la mort du patient et, dans les deux cas, le patient consent à mourir.

Notre société québécoise permet l'arrêt de traitement pour des personnes qui en feraient la demande, et ça conduit directement à la mort. Si l'arrêt de traitement est légal, pourquoi l'euthanasie ne devrait-elle pas l'être?

Mme Blondeau (Danielle): Bonne question.

M. Ouimet: Bien, tu sais, écoutez, ça ne vient pas de moi, là, j'ai repéré ça dans la littérature. Mais je trouvais qu'à la page 5 vous avez développé un parallèle... et je ne parle pas du point de vue juridique, les nuances juridiques, on les connaît bien, mais, d'un point de vue éthique et d'un point de vue moral, pourquoi est-ce que notre société québécoise ferait cette distinction-là?

Mme Blondeau (Danielle): Bien, la cessation de traitement, la façon de la considérer, la cessation de traitement, c'est de limiter l'interférence d'autrui dans un processus de vie, de santé ou de mourir. C'est plutôt exercer son refus, c'est s'opposer à ce qu'on intervienne sur soi puis c'est de permettre à un processus de mort, généralement qui est en présence, de se déployer.

Puis ça, c'est le cas célèbre de Nancy B., là, qui souffrait du syndrome de Guillain-Barré qui a demandé de retirer son respirateur. C'est le respirateur qui la maintenait en vie. Il y a 50 ans, cette personne-là serait décédée plus rapidement sans avoir recours à la technologie. Donc, c'était comme une façon artificielle de prolonger son agonie.

Et la cessation de traitement, c'est une limitation de l'interférence d'autrui, ce qui est très différent de l'euthanasie qui est une intervention directe dans un processus de vie dans le but de donner la mort. Et...

M. Ouimet: ..les deux sont à la demande du patient?

Mme Blondeau (Danielle): Il reste que, dans les deux cas, il y a quand même une différence: dans un cas, avec l'euthanasie, c'est qu'on devance le moment du mourir, tandis que, dans la cessation de traitement, bien on permet à un processus qui est présent de se déployer.

Puis, sur le plan éthique, bien c'est... il y a une grosse différence parce que, dans un cas, c'est qu'on intervient directement pour mettre fin aux jours d'une personne, préalablement à son décès qui surviendrait probablement un peu plus tard. Puis c'est davantage basé, la cessation de traitement, sur l'exercice d'autonomie. C'est sans doute... En droit, on dirait par la négative, là, un droit négatif où je dis: Vous n'interférez pas dans ma sphère de vie privée. Tandis que l'autonomie, c'est une action, ce n'est pas du tout une omission, là. C'est une intervention directe dont l'objectif est de donner la mort. Tandis que, dans la cessation de traitement, c'est la mort d'elle-même qui va se déployer, là, encadrée sûrement par une médication appropriée. Mais la différence sur le plan éthique est assez importante.

M. Ouimet: Je comprends qu'il y a des différences. Vous indiquez les distinctions à faire, mais, d'un point de vue sociétal, si on permet l'un, pourquoi est-ce qu'on ne permettrait pas l'autre? C'est là-dessus que je voudrais vous entendre. Comme législateur là qui me questionne...

Mme Blondeau (Danielle): Bien, il y a l'omission puis...

M. Ouimet: ...beaucoup là-dessus, comme l'ensemble de mes collègues.

Mme Blondeau (Danielle): Il y a l'omission puis l'intervention. Dans un cas, c'est qu'on intervient directement. C'est se donner un pouvoir sur la vie d'autrui. C'est de décider avec lui, d'accepter avec lui qu'on met un terme à sa vie. Donc, c'est une action qui n'est quand même pas banale. C'est quand même... on parle de vie humaine. Tandis que...

M. Ouimet: Lorsque le médecin, je ne sais pas trop comment ça se passe, là, mais, lorsque le médecin débranche ou arrête le traitement, on sait que la mort va suivre.

Mme Blondeau (Danielle): ...parce que le moyen...

M. Ouimet: Au niveau du geste posé, quelqu'un doit prendre la décision de débrancher. Et la mort va suivre. Dans l'autre cas, c'est une injection. Je sais qu'on pose un... Dans les deux cas, on peut dire: On pose un geste. On donne une injection ou on débranche un appareil: on pose un geste.

Mme Blondeau (Danielle): Dans un cas, c'est un geste positif puis dans l'autre, je dirais, un geste négatif, dans le fond. Parce que, reportez-vous à il y a peut-être 50 ans ou 100 ans, la même personne avec la même maladie, elle n'aurait pas bénéficié d'un support technologique ou pharmacologique. Et d'ailleurs c'est un peu dans cet esprit là que, quand je parle de bannir les qualificatifs de passif, actif, bien ça a tellement... on a tellement eu de progrès cliniques, pharmacologiques, thérapeutiques, que ces appellations-là ne correspondent plus à nos réalités cliniques.

Alors, aujourd'hui, c'est qu'il ne faut pas voir... il faut voir que le support technologique est quand même un moyen qui va permettre d'alléger les souffrances ou de prolonger dans certains cas. Mais, sans technologie, la personne serait sûrement décédée. C'est qu'on fait... La personne qui veut qu'on arrête un traitement, dans le fond, elle manifeste son autonomie pour dire: Là, j'accepte que ma mort s'accomplisse. À une autre époque, bien, le scénario serait différent parce qu'on n'avait pas la technologie.

Donc, il faut voir la médecine toujours comme un moyen en soi et non pas comme une fin. Et elle devient une fin quand on met le focus uniquement sur la technologie, mais la médecine, c'est un moyen au service de l'être humain. Et là ce n'est pas en faveur de l'euthanasie quand je parle comme ça, c'est que la médecine va essayer d'aider, de soigner et d'alléger les douleurs en fin de vie.

M. Ouimet: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Je vais avoir deux questions pour vous.

Une première question. Vous avez mentionné dans votre exposé que le seuil... quand le seuil de confort est atteint, on ne devrait pas poursuivre dans l'augmentation de la médication pour une personne qui est en phase terminale. Par ailleurs, il y a une personne qui a témoigné ici, devant cette commission, qui nous dit: Quand la douleur est apaisée, survient la souffrance, et souvent, dans le cas de la souffrance, c'est très difficile à traiter. J'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là.

Mme Blondeau (Danielle): Puis, quand vous dites «souffrance»...

M. Chevarie: ...psychologique.

Mme Blondeau (Danielle): ...vous faites... vous parlez...

M. Chevarie: Oui, c'est ça.

Mme Blondeau (Danielle): O.K. Oui, par opposition à douleur physique.

M. Chevarie: Oui, tout à fait.

Mme Blondeau (Danielle): Oui, effectivement, je crois savoir qui a dit ça. C'est parce que c'est un membre du comité d'éthique... le comité d'éthique où je suis. On réalise effectivement que l'apaisement de la douleur physique va... va faire surgir d'autres préoccupations parce que la personne n'est pas en train de se battre, là, avec la douleur physique.

La souffrance que, moi, j'appelle existentielle, je pense que ça demeure le tendon d'Achille, à ce moment-ci, sur le plan éthique, là, concernant les pratiques en fin de vie, c'est: Est-ce qu'on doit traiter ou pas la souffrance existentielle? Puis c'est certain que des psychiatres s'attardent à la soigner et à en prendre soin, de cette souffrance.

Sur le plan éthique, je pense que... pour poursuivre dans cette lignée, la sédation continue est probablement plus problématique que la sédation intermittente. Et on a vu en clinique qu'en présence de souffrance existentielle, si on calmait par la sédation palliative cette souffrance-là, on peut réveiller la personne et réévaluer avec elle si.. comment elle va, puis... Je pense que, d'un point de vue éthique, la sédation intermittente peut représenter une alternative intéressante pour le soulagement de la souffrance existentielle.

Puis vous parlez de ça, puis, présentement, je fais une recherche sur la souffrance existentielle en fin de vie. Et on va voir l'expérience de personnes qui sont aux prises avec des maladies graves et on va aussi auprès des professionnels pour essayer de définir qu'est-ce que c'est ça, ça. Tout le monde en parle, tout le monde veut la traiter, mais c'est comme si la réflexion qui vient un peu préalablement était faite rapidement.

Puis on réalise que la souffrance existentielle, c'est très lié au fait d'être humain. Ce n'est pas juste parce qu'on va mourir qu'on souffre de façon existentielle. Il y a des personnes qui peuvent être en situation de rupture, de deuil, de crise dans une vie qui va susciter des questionnements. C'est dire: C'est quoi, le sens de ma vie, où je m'en vais? C'est sûrement exacerbé en fin de vie, mais c'est sûr que, d'un point de vue éthique, je suis assez d'accord de dire que c'est... c'est peut-être le tendon d'Achille, comme je vous disais, la souffrance existentielle, il y a sûrement des choses à faire. Puis les collègues précédents peuvent en témoigner: eux en font, des choses.

Puis, par rapport à la sédation, bien je me dis: Si, dans un cas vraiment ultime, parce que c'est vraiment en minorité de... ça fait... il y a très peu de pratique de sédation dans les milieux de soins spécialisés en soins palliatifs. C'est vraiment de dernier recours, mais probablement que la sédation intermittente pourrait représenter une avenue. Mais j'avoue que c'est une question que j'ai en arrière tête de ce temps-là.

**(14 h 40)**

M. Chevarie: Vous avez mentionné qu'on devrait voir le mandat de la commission comme une occasion, une opportunité de prendre des décisions dans le sens d'un choix, un projet de société. Et vous avez parlé effectivement, vous reconnaissez l'autonomie de l'individu, de la personne dans beaucoup de décisions tout le long du processus de sa vie, mais, quand il arrive dans la dernière étape de sa vie, ce caractère d'autonomie se confronte avec des valeurs de la société en termes de solidarité.

J'aimerais vous entendre puis j'aimerais encore mieux comprendre quelles sont, selon vous, les valeurs sociétales qui pourraient être menacées si le Québec allait dans le sens d'une ouverture vers l'euthanasie ou le suicide assisté? Et j'aimerais ça que vous me disiez comment... est-ce qu'une société pourrait faire preuve de compassion en permettant justement à une personne qui a utilisé tous les moyens avec les équipes de soins et qui souhaite abréger sa vie?

Parce que vous avez mentionné, puis je vous cite, vous dites: «La compassion est une notion de souffrir avec.» Est-ce que la société pourrait souffrir avec une personne pour lui permettre d'aller jusqu'à la mort?

Le Président (M. Kelley): Mme Blondeau.

Mme Blondeau (Danielle): Il faut bien comprendre le mot «compassion», quand on dit «souffrir avec», c'est à la base de la philosophie des soins palliatifs où on dit à quelqu'un: Ta souffrance nous touche, ton malheur ou ton bout de vie, on est présents à ce que tu vis. Et je suis contente d'avoir entendu les collègues précédemment parce que, par compassion, il y a quand même des limites que la profession médicale s'est données jusqu'à maintenant. Je pense que ça pourrait affaiblir la confiance dans une institution comme la profession médicale si on allait dans ce sens-là.

C'est peut-être anecdotique, mais je lisais que, dans les Pays-Bas, les personnes vont quitter vers l'Allemagne, les personnes âgées, parce qu'ils craignent d'être soumis à l'euthanasie contre leur volonté. Il y aurait un affaiblissement, je pense, de la confiance envers la profession médicale.

Souffrir avec, c'est très exigeant parce que ça exige d'être en relation avec, d'être présent. Et puis les personnes en soins palliatifs font preuve d'une qualité de personne et d'âme, là, pour accompagner les personnes dans des situations vraiment difficiles.

Mais, comme disaient les collègues précédemment, pour des personnes qui sont dans le feu de l'action, parfois les choses vont prendre une autre couleur, il y a des événements qui peuvent se vivre. Puis quand... si je me dis de consacrer l'autonomie comme valeur de société, c'est donner beaucoup d'importance à l'individu, le privé, puis je trouve que ça affaiblirait l'importance qu'on veut donner à des valeurs d'équité, de solidarité, là, comme on retrouve à la base de la réforme de santé et services sociaux.

Je parle de cohérence aussi en fonction de valeurs qui sont mises de l'avant par notre société. Puis d'assurer je pense davantage les personnes qu'il y aura quelqu'un avec eux jusqu'à la fin, je trouve que c'est un message social qui est rassurant. Puis on a tous des personnes âgées qu'on connaît puis qu'on visite, et on a tous probablement connu des situations très malheureuses de voir des personnes qu'on aime dans des institutions. Bien justement, si on était capables d'investir davantage auprès de ces personnes-là pour ne pas leur donner l'impression que c'est des citoyens de deuxième classe.

Puis, pour terminer, mais on pourrait en discuter longtemps, votre question est très large, accéder aux désirs d'une personne qui souffrirait, admettons, d'une maladie dégénérative évolutive, bien c'est de lui dire: Effectivement, ta vie a plus ou moins de prix, de sens. Puis c'est de lui dire aussi, comme disait Pelluchon, que socialement et symboliquement les personnes qui sont aux prises avec une maladie évolutive, bien leur vie n'est pas si importante que ça. J'aimerais mieux, comme société, donner le message, un message plus positif.

Puis notamment ma réflexion depuis 20, 25 ans a commencé avec les personnes mourantes, maintenant elle s'étend aux personnes âgées, et maintenant je m'intéresse aux personnes atteintes de maladie dégénérative évolutive. Il y a des catégories, je trouve, de personnes qui sont vulnérables, puis ça pourrait presque être héroïque de dire: Bien là, je vais m'en aller, là, je coûte cher puis je ne fais rien. Comme société, j'aimerais mieux porter ce message-là.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui, merci, M. le Président. J'aurai une petite question pour vous. Vous avez mentionné à plusieurs reprises que c'était un choix de société que d'autoriser l'euthanasie, le suicide assisté, et pourtant tous les sondages nous démontrent que les Québécois seraient en faveur d'une législation qui encadrerait de façon adéquate l'accès à l'euthanasie, au suicide assisté. Je comprends qu'il y a tout le débat des personnes aptes, inaptes, des personnes vulnérables, le potentiel de dérapage, et tout ça, mais pourquoi, comme vous avez mentionné Mme Nancy B., ne croyez-vous pas que Mme Nancy B. aurait dû avoir le droit de mettre fin à sa vie?

Mme Blondeau (Danielle): Nancy B. a... dans le fond, en demandant le retrait du respirateur, elle savait qu'elle allait décéder. Elle voulait se réapproprier sa mort qui lui était comme interdite à cause de l'appareillage technologique.

Puis, la question des sondages, je vous remercie de pointer cette question-là. Je ne suis pas certaine que, dans la population, les personnes sont au clair sur qu'est-ce que l'euthanasie. Quand on pense... On dit que les gens sont favorables à l'euthanasie, mais à quoi ont-ils pensé quand ils ont dit oui? Est-ce qu'ils ont beaucoup... Souvent, on entend que les gens sont terrifiés, les gens ont peur de souffrir, ils ont peur de mal mourir. Alors, il y a souvent la crainte de souffrir qui est derrière.

On fait mal la différence encore avec la mission, je vous dirais, des soins palliatifs. Quand on dit: Si on va en soins palliatifs, on va mourir plus vite. On entend ça, ces choses-là, ce qui est faux.

La dernière piqûre, il y a toujours une dernière piqûre. Puis ce n'est pas parce qu'à ce moment-ci la personne va décéder, elle était déjà entreprise dans un système de défaillances.

Dans le fond, ce que je cherche à dire, c'est que je pense que de s'en tenir à un sondage comme ça, je ne suis pas certaine qu'est-ce que les gens... à quoi les gens pensaient puis si les distinctions que j'ai essayé d'apporter sont claires pour l'ensemble de la société. Parce que le soulagement de la souffrance parfois est confondu avec une forme d'euthanasie passive, la cessation de traitement, comme l'évoquait votre collègue, bien ça peut être vu comme une forme d'euthanasie, c'est quand même...

On jongle avec des réalités qui sont complexes. Alors, moi, je prétends que la population voudrait davantage être assurée qu'ils vont être capables de mourir puis de savoir qu'on peut les soulager. Il y a une espèce de vent de panique qui fait en sorte qu'on dit: On va souffrir. Mais la majorité des douleurs sont traitables, comme le disait, là, le médecin McPherson.

Puis, c'est aussi, quand je parlais de l'éducation des professionnels de la santé, on n'a pas beaucoup de spécialistes de la douleur, pas beaucoup de spécialistes en soins palliatifs. Donc, il y a un effort de formation à l'endroit des professionnels de la santé.

Mme Gaudreault: Juste en terminant. Nancy B. a pu vraiment arrêter les traitements, et la mort s'en est suivie. Mais il y a des maladies, il y a des patients qui malheureusement, eux, ils n'ont pas un respirateur à enlever et, s'il n'y a pas accès à l'euthanasie, ça a l'air un peu bizarre de dire qu'ils n'ont pas la chance de Nancy B. de mettre un terme à leur vie. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?

Mme Blondeau (Danielle): Bien, c'est une triste réalité qu'on souhaiterait ne pas mourir, dans le fond, on souhaiterait ne pas être malade, c'est... À quelque part, puis ce n'est pas défaitiste de parler comme ça, mais, l'être humain, on est exposé à des maladies, on est exposé à des accidents, on est exposé, on est comme en survie, dans le fond, comme être humain. C'est malheureux que des choses comme ça arrivent, mais, si la société était capable d'accueillir ces gens-là puis peut-être d'apporter des ressources, bien ce serait peut-être moins épeurant, là, que de se voir décliner.

Nancy B. était au terme de sa vie. Elle, là, c'est sa mort qui était prolongée. Puis, dans le cas d'une maladie évolutive, bien c'est ça, c'est une évolution lente qui est malheureuse, c'est certain, mais la majorité des personnes atteintes de maladies dégénératives ne souhaitent pas tous non plus mourir.

Alors, comme société, je reviens avec ça, mais quel message on veut laisser? Puis il n'y a pas tant que ça de pays qui l'ont légalisée, l'euthanasie. Quand on pense à ça, ça demeure... On en parle beaucoup, mais je me disais, dans le fond, on oublie tout le temps de mentionner que c'est deux pays pour l'euthanasie, là, les Pays-Bas et Belgique. L'assistance au suicide, c'est peut-être trois, puis il y en a peut-être des pratiques illégales, là, mais quand même ça demeure un phénomène qui est important, puis c'est pour ça probablement qu'on occupe autant d'espace au sujet. Mais je pense que les conséquences de l'adoption de la légalisation sont plus lourdes pour la société d'un point de vue, je dirais, même éthique et social.

**(14 h 50)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, à mon tour, je vous remercie de votre présentation. Juste sur le fameux cas des Pays-Bas parce qu'on entend tellement de choses sur les Pays-Bas, alors... en tout cas, moi, j'ai... l'exemple que vous donnez, là, des personnes qui s'en iraient vivre en Allemagne, en fait, moi, je me suis référée pendant la relâche au rapport Leonetti en France, qui vient d'être publié, et qui, lui, est plutôt pour le statu quo, donc, il n'a pas, je pense, de biais pro-euthanasie dans le rapport, puis il y a... ils sont allés aux Pays-Bas. Et, en fait, il semble que ça, cette idée-là, c'est vraiment l'ordre des médecins allemands qui disent qu'il semble y avoir plus de personnes âgées hollandaises qui s'en vont vivre en Allemagne et ils émettent l'hypothèse que ce pourrait être parce que ces personnes-là se sentent plus vulnérables. Mais je n'ai pas trouvé de références, et j'en cherche encore. On dit que ça aurait été dit dans les articles de journaux, ou tout ça. Si jamais vous avez des références, ça va nous éclairer parce qu'effectivement ça a l'air très anecdotique, puis il y a des gens qui nous parlent de ça.

Mais ce que j'ai trouvé intéressant, c'est qu'en lisant ça, parce que ça aussi, on entend ça beaucoup, qu'en fait... c'est sûr qu'aux Pays-Bas, je pense, c'est une situation vraiment particulière parce qu'il n'y avait pas de poursuites depuis les années quatre-vingt, en fait. Ce n'était pas légalisé, mais on ne poursuivait pas. Alors, il y avait tout un contexte qui fait qu'en fait, oui, il y en avait peut-être plus clandestinement parce qu'il n'y avait pas... Bon. Et, en fait, les auteurs ont l'air de dire que la légalisation a vraiment amené une... je dirais, un resserrement des pratiques et que c'est quand même assez bien suivi.

Et ce qui m'a surpris, c'est que deux tiers des demandes d'euthanasie sont refusées, c'est-à-dire que les critères... les gens en demandent beaucoup, mais, dans les deux tiers des cas, vu que tous les critères comme celui, par exemple, de la dépression, ou tout ça, on ne... les médecins n'acceptent pas. Ça fait que ça, je pense que c'est un élément qui est peut-être rassurant, mais, en tout cas, tout ça pour dire qu'il nous reste du travail à faire sur les Pays-Bas parce qu'on entend beaucoup de choses, puis, nous, on n'est pas les experts, on essaie de faire le tour. Mais M. Leonetti disait qu'il n'y avait pas eu, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, d'évolution. Il y a eu beaucoup de demandes pour revoir peut-être la loi, mais que la loi est restée quand même assez fidèle à ce qu'elle était, bon, au début. Donc, si vous avez de quoi à rajouter, vous ajouterez.

Moi, je voulais vous amener sur deux choses. La sédation, donc j'en ai parlé tout à l'heure. C'est parce que beaucoup de gens de soins palliatifs sont venus nous dire qu'ultimement, quand on est face un peu à un cul-de-sac, que la personne demande... qu'elle a une souffrance existentielle qu'on a de la difficulté à contrôler ou à amener un soulagement, c'est en fait la sédation terminale qui peut être la voie et donc d'induire un état d'inconscience chez la personne. Je suis bien votre nuance à savoir qu'elle peut être... on peut en revenir, c'est-à-dire qu'elle pourrait être seulement pour un épisode, on reteste, tout ça. Mais plusieurs médecins nous ont dit qu'il y avait aussi la sédation terminale, donc on endort en quelque sorte quelqu'un sur une période continue.

Moi, je veux savoir: Éthiquement, cette... Ça, ça se fait en ce moment. Est-ce que c'est disponible, cette sédation-là palliative, partout, dans tous les milieux hospitaliers? À la maison, est-ce que les gens peuvent avoir accès à ça? J'ai une idée de la réponse, mais j'aimerais ça vous entendre parce que je pense que vous vous êtes beaucoup penchée là-dessus. Et, éthiquement, est-ce qu'on n'a pas justement une perte de contrôle par rapport à ça? C'est quand même quelque chose d'induire un état d'inconscience chez quelqu'un plutôt que de dire, par exemple: On va... on va donner droit à ta demande d'être aidé dans la mort. Éthiquement, quel message on envoie à dire: On aime mieux endormir quelqu'un pour une période prolongée que de répondre à sa demande?

Mme Blondeau (Danielle): Il y a plusieurs choses dans votre question, puis vous soulevez des enjeux qui sont majeurs. Tout simplement, l'appellation de sédation terminale qui laisse entendre qu'on veut mettre un terme à la vie, nous, dans notre équipe de recherche, on a préféré le terme de «sédation palliative», et d'induire l'état d'inconscience, c'est vraiment une... je n'ai pas de chiffres présentement, là, mais c'est minime, là, hein? Je pense... à Sarrazin, je suis présidente du comité d'éthique, je pense que j'avais entendu dire qu'il y avait eu trois ou quatre par année, là. C'est très minime.

On a fait une recherche auprès de 124 médecins et pharmaciens au sujet de leur attitude par rapport à la sédation palliative, et ce qu'on a trouvé, c'est que, parmi les variables qui influençaient le plus leur attitude, c'était le type de douleur. Le type de douleur. Si la douleur était d'ordre physique, on était très favorable à induire une sédation palliative et, dans le cas d'une douleur existentielle, on était défavorables, et c'était statistiquement significatif.

On avait aussi la durée, le pronostic: Est-ce que c'était un court pronostic de quelques jours ou de longue durée? Mais ça n'a pas... ce n'est pas sorti comme étant significatif. Mais on voit qu'il y a quand même une prudence ou un flottement, là, par rapport... par rapport au traitement de la souffrance existentielle avec la sédation palliative.

Mme Hivon: Parce que certains médecins justement de soins palliatifs, eux, nous ont dit qu'eux, ils la considéraient vraiment davantage pour la souffrance psychologique ou existentielle que physique qu'on réussissait quand même assez bien à traiter. Et, dans ce cas-là, c'est pour ça que je vous pose la question, puis c'est parce que j'ai lu... C'est ça, moi, ça a été un peu une révélation, là, la pratique de la sédation, donc j'ai lu un peu. Puis il y a beaucoup d'écoles, hein? Puis il n'y a pas... il y en a qui disent qu'éthiquement c'est... on devrait se questionner.

Mme Blondeau (Danielle): ...

Mme Hivon: Oui, tout à fait. Et il y en a même qui disent qu'il y a beaucoup moins de balises, parce que ce n'est pas criminalisé et qu'il y a beaucoup de personnes inaptes ou de proches en fait... vont faire que la sédation va être introduite sans même un consentement.

Est-ce que vous voyez ça un peu, comme dans la pratique actuelle, que ce n'est pas nécessairement une demande de la personne ou avec le consentement de la personne pour la sédation palliative? Parce qu'on présuppose que, chez des personnes inaptes aussi, il puisse y avoir de la douleur et que...

Mme Blondeau (Danielle): Ça devrait l'être. Puis, dans notre étude, le premier critère éthique qui ressortait, c'était le consentement des patients à l'origine, puis le médecin était très allié avec son patient et, quand le patient était sédationné, il se tournait vers la famille. Mais on voit que son alliance est vraiment envers le patient.

Il faut dire, pour peut-être clarifier, c'est que c'est vraiment en présence de symptômes réfractaires, et, «réfractaires», c'est quand tous les autres traitements habituels, usuels, tous les traitements ont échoué. Ça fait que ça demeure des situations d'exception. Mais, moi, je vois la sédation palliative comme une possibilité, quand on a épuisé tous les moyens, toutes les ressources pour soulager la faible minorité, là, qui sont dans cette situation-là. Et je ne crois pas que c'est une...

Sur le plan éthique, je crois que c'est acceptable, parce que ce qu'on cherche à faire, c'est de soulager une souffrance. On essaie de soulager quand on a tout essayé. Puis, le décès, généralement... Puis il y a des études que j'ai mentionnées, là, ici, les taux de survie ne seraient pas altérés. Ça ne devancerait pas l'état de décès, la sédation palliative, parce qu'une personne qui est rendue au terme de sa vie est vraiment dans un état, là, cachectique: c'est généralement une personne qui ne s'alimente plus puis qui ne boit plus, qui ne s'hydrate plus.

Mme Hivon: Je vais céder la parole à mes collègues, puis, si j'ai du temps, je reviendrai.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

**(15 heures)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Je vais essayer de t'en laisser.

Merci, Mme Blondeau, de cette intervention. Vous nous soulevez énormément de questionnements. Il y en a déjà beaucoup. Alors, moi, je vais revenir à... pour vous dire que je suis d'accord avec vous sur le fait que le débat qu'on mène actuellement, c'est un enjeu déterminant au niveau de la société, et c'est important que ce débat-là se fasse avec les citoyens et les citoyennes du Québec. Bien sûr, c'est un débat qui est présent depuis un certain temps mais qui prend de plus en plus d'acuité, donc on doit, bien sûr, s'y accorder et y donner toute l'importance que ça prend.

Je suis d'accord avec vous aussi sur l'importance et l'insuffisance des soins palliatifs actuellement. Mais je me réfère à votre... à la page 9 de votre document et je lisais la définition de la solidarité en faisant les liens avec des interventions qu'on a eues ici qui étaient des personnes assez... qui manifestaient une ouverture certaine à l'égard de l'euthanasie et qui auraient pu très franchement utiliser la même définition.

Alors, je pense, oui, que c'est un débat de société qui doit s'appuyer sur des valeurs de solidarité, mais, qu'on soit tenant d'une hypothèse ou de l'autre, la définition qui est là pourrait s'appliquer, parce que, bien sûr, on est conscients que les gens en fin de vie ont besoin de cet accompagnement de solidarité et d'avoir l'espace de décision nécessaire en même temps que le soutien des... que ce soit de la famille, du corps médical qui a vécu toute cette dimension de l'accompagnement. Alors, c'est un commentaire que je voulais poser.

Mais je veux revenir aussi sur un paragraphe qui m'a assez interrogé, en page 10, sur les propos de la philosophe Corrine Pelluchon quand elle dit: «Si l'euthanasie devient la réponse au problème de la souffrance, cela signifie symboliquement que la personne malade et handicapée n'a pas sa place dans la société.»

Je vous dirai très honnêtement que je trouve qu'il y a un raccourci, là, assez abrupt à prendre, parce que, moi, je considère que, quand on parle d'euthanasie dans le débat actuel, on parle pour les personnes en fin de vie et, quand on parle des personnes handicapées, on parle des personnes aptes à vivre en société, aptes à être intégrées sur le marché du travail, à être des citoyens et des citoyennes à part entière.

Alors, de fait, de faire cette association, moi, personnellement, ça me heurte. Je lui reconnais le droit d'avoir son opinion, mais en même temps je trouve que...

J'aimerais ça vous entendre là-dessus, du fait que vous la citez dans votre point de vue, dans le point de vue que vous nous apportez.

Mme Blondeau (Danielle): Je préférais la citer que de me citer moi-même. Parce que je vais vous dire: Dans le débat actuellement, il y a des termes qui sont assez dures à entendre, «tuer» on l'entend, là, tuer... on va tuer le patient. On fait des fois des associations avec l'euthanasie sous le régime nazi où, dans le fond, dans une entrevue j'ai eu... Je suis contente que je puisse m'expliquer là-dessus... que l'interviewer, l'animateur me dit: Est-ce que vous voulez dire qu'«euthanasie», c'est comme ce qui s'est passé sous le régime nazi? J'ai été tellement prise de cours. J'ai dit oui, mais je ne pense pas vraiment ça, là.

Je comprends qu'on va évoquer que c'est par compassion, là, le geste d'euthanasie actuellement. Alors, j'ai cité Corinne Pelluchon parce que, dans le fond, elle mettait... c'est une phrase d'un livre, mais, elle, elle voulait démontrer que, si le sort qu'on réservait aux personnes handicapées ou mourantes, si c'était l'euthanasie, c'est comme de dire à la face du monde que leur vie, pour nous, elles sont symboliquement absentes de la société.

Je pense qu'avec plus de nuances on pourrait... bien, enfin, comme message de société, je souhaiterais que les personnes handicapées, les personnes malades, les personnes atteintes de quelconque maladie dégénérative, que ces personnes-là sachent qu'elles ont une place dans notre société en dépit de leur handicap, puis qu'il n'y a peut-être pas un standard, là, à respecter, puis il n'y a pas de sous-standard non plus pour dire: Vous êtes des sous-personnes. C'est un peu dans ce sens-là.

Et elle disait que de tuer, je pense... Elle dit: «L'acte de tuer ne relève pas du soin.» Pourquoi je l'ai mis là? C'est parce que... à cause du Collège des médecins qui disent que c'est un soin approprié de fin de vie. Bien, soigner, ce n'est pas mettre fin à la vie, ou, enfin, ce n'est pas comme ça que je comprends le monde de la santé.

Alors, oui, c'est sûr que sa phrase est assez choc, là, mais c'est parce qu'elle me permettait de ramasser une idée rapidement, là. Mais c'est mettre un terme. Pour moi, l'euthanasie, c'est mettre un terme à une vie humaine.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Merci pour votre présence. Merci pour votre éclairage. On est encore au début de notre réflexion, on ne peut pas présumer des décisions ou des recommandations qui seront faites à l'issu de ce processus-là, mais déjà je pense qu'on pourra convenir d'un manque d'accessibilité au niveau des soins palliatifs, notamment. C'est déjà une observation qui est largement partagée, là, par les différentes personnes que nous avons eu le plaisir d'entendre.

De votre côté, comme professeur au niveau des soins infirmiers, constatez-vous une différence, ces dernières années, au niveau du programme d'études? Est-ce que vous sentez que les étudiants et étudiantes que vous accompagnez tout au long de leur parcours sont mieux préparés déjà à faire face à cette réalité-là?

Mme Blondeau (Danielle): Je penserais que oui. Du moins dans nos programmes, là, à la Faculté des sciences infirmières, les étudiants du baccalauréat ont un 45 heures de cours qui porte sur l'éthique, où on aborde ces questions-là de société. Et, au deuxième cycle également, il y a un cours de 45 heures obligatoire, là, pour les superinfirmières, et on voit que ce sont des questions qui questionnent beaucoup nos infirmiers et nos infirmières. Je vous dirais qu'il y a une préoccupation grandissante parce qu'il y a une pression médiatique, je dirais, présentement, puis les étudiants sont... entendent le débat, là, autour de l'euthanasie.

Il y a énormément de questions. Mais je vous dirais que la profession infirmière du moins est là pour accompagner, soigner puis aider une personne à traverser les épreuves de sa vie dans la maladie. Je ne sais pas si je réponds bien, mais on essaie du moins de sensibiliser nos étudiants aux questions éthiques, là, de leur pratique professionnelle.

M. Charette: Vous insistez sur le terme «éthique». Est-ce que ce sont davantage des cours portés sur l'éthique ou sur les soins palliatifs eux-mêmes?

Mme Blondeau (Danielle): Non. Sur l'éthique en général, dans son rapport à autrui. Comment l'infirmière doit se comporter d'un point de vue déontologique et de façon éthique face aux pressions des fois de la famille, justement? On aborde la question des soins palliatifs, la question de l'euthanasie. Mais, dans ce cours-là, je vais aborder la question de l'éthique de la recherche ou le recours au placebo en clinique ou en recherche. Donc, il y a vraiment en tout cas une tentative de sensibiliser nos étudiants, là, à ces grandes questions là qui vont graviter autour de leur pratique.

M. Charette: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Merci. Ma question, c'est en lien avec ce que vous dites au deuxième paragraphe de la page 10. En fait, à la fin du paragraphe, vous dites qu'on ne légifère pas pour des exceptions. Et ça, j'avoue que ça m'habite, c'est-à-dire que, nous, comme législateurs, on doit se demander justement si on doit légiférer pour l'ensemble ou pour les diverses réalités. Puis il y a quelqu'un qui est venu, une médecin, Jana Havrankova, qui, elle, disait justement que le législateur doit être là pour protéger les minorités, puis on sait que tout le mouvement des chartes est beaucoup pour ça. Elle donnait l'exemple, par exemple, du mariage entre conjoints de même sexe, qui touche très peu de personnes. Récemment, on a travaillé, avec mon collègue de Marquette encore, sur un avant-projet de loi sur l'adoption où c'est justement la réalité d'exceptions qui ferait en sorte qu'on voudrait étendre les possibilités de types d'adoption possibles.

Et ce qui me surprend un peu dans l'affirmation, c'est qu'il me semblait que l'approche des soins palliatifs, c'est justement très, très individualisé: c'est d'accompagner la personne avec ses valeurs, ses souffrances à elle, sa réalité à elle. Et, nous, comme législateurs, on doit se demander si justement, comme législateurs, notre législation ne doit pas accompagner toutes les demandes ou les possibilités de fin de vie possibles pour répondre aux différentes réalités des personnes. Comment vous conciliez ça?

Mme Blondeau (Danielle): Je vous remercie de votre question, ça me permet d'apporter une précision. Ce matin, j'ai changé l'exemple que je trouvais qui ne tenait plus la route, là, celui que... je disais: le citoyen distrait qui traverse la rue. Je l'ai changé pour la personne qui brûle un feu rouge pour se rendre à l'urgence, là, pour une personne qui est en arrêt cardiaque. C'est simplement... Puis je ne suis pas juriste, alors je ne voudrais pas m'étendre longuement là-dessus.

Mais c'est que, comme citoyenne, quand je regarde un peu le fonctionnement en société, bien je vois qu'il y a des lois, des règles pour la vie en collectivité. Alors, de ma connaissance, les lois, à ma connaissance, ne portent pas sur des exceptions.

Puis vous parlez des soins individualisés. C'est le message qu'on essaie de faire, d'individualiser nos soins. Mais, quand même, individualiser les soins ne veut pas dire tomber dans le relativisme, là. Il y aura toujours, par exemple, le principe du respect de la personne, mais qui va s'individualiser distinctement selon les personnes, selon leurs désirs, selon leurs besoins.

Et, quand on évoque la question de protection des vulnérables, je pense que la société québécoise met ce principe de l'avant -- pas simplement nous, là. Mais c'est qu'on voit que, quand une personne est vulnérable, elle a besoin d'un surcroît de protection, et c'est la raison aussi pour laquelle le mandat, par exemple, en cas d'inaptitude, c'est pour prévenir si une personne devient incompétente, on veut s'assurer de pouvoir les protéger.

Mais le message, c'est qu'on ne veut pas abuser de leur situation de vulnérabilité. Je pense que c'est comme ça qu'on doit le comprendre.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire: Merci beaucoup, Mme Blondin, pour votre contribution. On a beaucoup de précisions, et vous avez amené à ajouter à notre réflexion sur l'utilisation de certains termes, et tout le reste.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants et je vais demander à Me Danielle Chalifoux de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 15 h 9)

 

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer notre réflexion. Notre prochain témoin, c'est Me Danielle Chalifoux, avocate retraitée en droit des aînés, ancienne présidente de la section du droit des aînés, Association du Barreau canadien, division Québec, accompagnée par Me Denise Boulet, avocate en droit de la santé et des aînés, chargée de cours, Faculté de droit, Université de Sherbrooke.

Alors, sans plus tarder, Me Chalifoux, la parole est à vous.

Mme Danielle Chalifoux

Mme Chalifoux (Danielle): Merci, M. le Président. Mesdames messieurs les commissaires, nous sommes heureuses de témoigner devant vous aujourd'hui, et on espère pouvoir vous être utiles. Notre mémoire a été rédigé en collaboration avec le Pr Pierre-Gabriel Jobin de la Faculté de droit de l'Université McGill et ma collègue et moi-même. C'est un survol des questions complexes et délicates, n'est-ce pas, que nous avons devant vous aujourd'hui. Et nous avons tenté d'éviter autant que possible le jargon juridique et de proposer des solutions concrètes, en phase avec l'opinion publique et avec le questionnaire du... le questionnement du Collège des médecins, pardon. Mais les opinions de notre groupe n'engagent pas les institutions auxquelles nous sommes reliées.

Alors, le présent exposé n'aborde pas la question du suicide assisté, sauf lorsque des principes similaires peuvent s'appliquer, comme par exemple dans la décision de Sue Rodriguez, de la Cour suprême, que nous allons voir.

Notre exposé va porter sur trois points particuliers: la reconnaissance du droit à l'euthanasie volontaire active, la nécessité d'adopter une politique globale portant sur les soins palliatifs en général et la déclaration anticipée concernant l'euthanasie et/ou la sédation terminale et la protection des inaptes, dont ma collègue vous entretiendra.

Alors, dans l'affaire Sue Rodriguez... Vous vous souvenez de Mme Sue Rodriguez, qui souffrait d'une maladie chronique et qui avait demandé à la cour la permission d'être aidée pour mourir lorsqu'elle ne pourrait plus le faire elle-même. Alors, la Cour suprême avait souligné dans cet arrêt que le respect de la dignité humaine en droit se concrétise dans le respect des droits exprimés dans la charte canadienne, notamment l'article 7 concernant la vie, la liberté et la sécurité. L'article 7 de la charte canadienne comprend le droit de faire des choix concernant sa propre personne, le droit de contrôler son intégrité physique et mentale. Il s'applique au respect des volontés de fin de vie, disait la Cour suprême, soit à la demande d'aide au suicide ou à l'euthanasie.

Alors, l'atteinte à ces droits est aussi une atteinte à la dignité humaine. Ces considérations avaient reçu l'aval de la majorité ainsi que de la dissidence lors de l'affaire Sue Rodriguez. Sur la question du droit, il y avait une reconnaissance du droit, mais la cour a été divisée sur l'appréciation de l'intérêt public, c'est-à-dire l'article premier de la Charte canadienne des droits. Cet article permet que les droits soient restreints par une règle de droit qui se justifie dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Alors, pour donner ouverture à cette restriction des droits, il y a un arrêt célèbre qui s'appelle l'arrêt Oakes, qui a déterminé des critères très stricts. La première, c'est que la question doit être importante et urgente, que la restriction ne soit pas contraire aux principes acceptables dans une société juste et démocratique, que les moyens choisis soient nécessaires et qu'ils ne doivent porter atteinte aux droits en question que dans la moins grande mesure possible, enfin qu'il doit y avoir une proportionnalité entre la restriction et le droit invoqué.

Alors, dans l'affaire Rodriguez, vous vous souviendrez, à cinq contre quatre, la cour avait décidé que l'intérêt public ne serait pas bien servi en accordant la demande de Mme Rodriguez et elle s'était basée surtout sur d'éventuels abus ou dérives possibles.

Alors, pour une cour de justice, se prononcer sur l'intérêt public demande des normes très strictes et qui portent sur l'opinion publique, la position des intervenants devant la cour et l'évaluation des dangers ou abus et dérives.

Alors, on posait la question: En 2010, si Mme Rodriguez se représentait devant la cour aujourd'hui, quels seraient les critères et comment est-ce qu'ils seraient interprétés? D'abord, dans la population québécoise, vous êtes au courant que les derniers sondages, celui d'Angus Reid et de CROP, donnent une majorité favorable à l'euthanasie dans une grande mesure, et je ne trouve pas que c'est tellement surprenant parce que, dans une étude antérieure que j'avais déjà faite, où il y avait des études qui avaient été faites concernant des questions sur l'euthanasie qui étaient formulées, les mêmes questions d'année après année sur une période de 10 ans, dans différentes juridictions de common law, la faveur de l'euthanasie était constamment en progression de 60 % à 75 % dans la plupart des juridiction. Ce qui veut dire qu'il y a une progression constante vers une plus grande acceptation de l'euthanasie, un peu partout dans le monde.

Maintenant, sur l'évolution des intervenants. Bien, on peut dire que, par rapport au Québec, les médecins, en tout cas, il y a une évolution certaine. Le Groupe de travail en éthique clinique du Collège des médecins, en octobre 2008, a fait mention des nouvelles sensibilités et déclare que certains médecins sont favorables à l'euthanasie volontaire active et même certains se disent prêts à la pratiquer. Deuxièmement, le sondage auprès des médecins spécialistes révèle que 75 % des répondants sont en faveur, et celui pour les médecins généralistes révèle que 80 % des médecins sont en faveur.

Alors, j'ouvre une parenthèse pour dire un mot sur les objections usuelles concernant les sondages. C'est vrai qu'il faut s'en méfier, que ce n'est pas vraiment le reflet de la réalité, de la vrai vie, souvent les modalités, les taux de réponse sont bas. J'admets que l'outil n'est pas parfait, mais, lorsqu'ils sont faits par des firmes reconnues, que les résultats sont constants d'année en année, on peut au moins conclure qu'ils représentent une tendance et, en l'occurrence, ici, c'est la tendance vers l'acceptation d'une aide médicale à mourir, du moins dans certaines conditions.

D'ailleurs, j'aimerais souligner que les détracteurs des sondages sont souvent les mêmes personnes qui, si on veut questionner des gens qui sont en phase terminale, vont nous dire que ces gens-là ne sont pas en état de répondre parce qu'ils sont trop vulnérables. Alors, c'est quand, le bon moment pour poser ces questions-là? Vous savez, c'est des questions délicates, c'est jamais le bon moment, finalement.

**(15 h 20)**

Alors, le dernier critère qu'une cour reconnaîtrait, c'est pour une validité de la restriction: c'est le danger des dérives sur la pente glissante. Bien, comme vous le savez, il y a des statistiques fiables qui émanent d'États où l'euthanasie est légale, qui permettent de dire que les craintes appréhendées ne se sont pas concrétisées. En Belgique, le dernier rapport de la commission de 2006 à 2007 révèle que 0,44 % de l'ensemble des décès l'ont été par euthanasie. Ce n'est même pas 0,5 %, c'est vraiment minime.

Et entre parenthèses aussi, parce que j'ai entendu quelqu'un qui posait une question en ce sens-là, en 2006 et 2007, il y a eu 26 euthanasies de patients inconscients qui ont été pratiquées sur la base d'une déclaration anticipée. Alors, la preuve que la déclaration anticipée, elle est importante aussi, alors...

Et le dernier rapport de la Commission fédérale de contrôle belge rapporte qu'il n'y a eu aucune déclaration qui comportait d'éléments faisant douter du respect des conditions de fond de la loi, et aucun dossier n'a été transmis à la justice. Alors, si on se fie à des documents officiels que vous avez tous en annexe, qui donnent les chiffres exacts, bien on ne peut pas dire que les craintes se sont concrétisées. Et j'aurais voulu vous parler des Pays-Bas, mais on va accélérer pour laisser le temps à ma collègue de parler un petit peu aussi.

La conclusion est la même. Et la commission belge disait que les craintes ne se sont pas matérialisées grâce premièrement au développement des soins palliatifs en Belgique, ensuite de ça, à la relation personnalisée qui existe entre le médecin et le patient, à l'encadrement légal qui est très strict et à des procédures de signalement obligatoires.

Alors, en conclusion, si Mme Rodriguez se présentait aujourd'hui devant une cour de justice, l'interprétation de ce qui est acceptable dans une société libre et démocratique, selon les normes de l'arrêt Oakes, serait à l'effet de permettre l'euthanasie volontaire active dans des conditions strictes qui visent à prévenir les abus et dérives, mais non à prohiber totalement l'euthanasie volontaire active, à la restreindre mais pas à la prohiber. C'est mon opinion.

Maintenant, je voulais souligner aussi le Dr Lamontagne, dans une déclaration qu'il a faite récemment qui nous semble assez importante, qui disait qu'il y avait nécessité d'adopter un cadre législatif qui ne limiterait pas le développement des soins appropriés en fin de vie, qui permette de rassurer les patients, les médecins et la société.

En ce sens, selon nous, il devrait y avoir deux interventions législatives: la première au niveau fédéral pour décriminaliser l'euthanasie volontaire active parce que... ou éventuellement l'aide au suicide, parce que vous savez que, présentement, c'est criminel; l'autre, au niveau provincial, pour développer une politique de soins palliatifs, y compris la fameuse sédation terminale.

Alors, vous pourrez voir dans notre mémoire les commentaires qu'on fait à ce sujet-là ou tout l'aspect criminel. Et on voudrait souligner aussi le projet de loi de Mme Lalonde, le C-384, qui vise justement à faire décriminaliser l'euthanasie volontaire active et qui est présentement devant le Parlement canadien. C'est une démarche nécessaire, mais, même s'il y avait décriminalisation, le Parlement provincial devra intervenir législativement en raison de sa compétence très large dans le domaine de la santé parce que...

Qu'est-ce qu'on peut faire au niveau provincial finalement -- je pense que ça intéresse tout le monde ici? Bien, d'abord, la compétence au niveau provincial, que la Constitution canadienne nous a donnée, c'est d'abord la possibilité de développer et d'appliquer des politiques de soins, de voir à l'établissement, à l'entretien et à l'administration des services de santé et aussi des établissements de santé, de légiférer en matière d'hygiène publique, de réglementer les professions.

De plus, nous avons une charte des droits et libertés de la personne au Québec qui prévoit la protection des droits et libertés fondamentales. Le Code civil du Québec prévoit le respect de l'intégrité et de la personne, des règles concernant le consentement aux soins et la protection des inaptes. La définition de soins au Québec englobe toute une panoplie d'actes, de la fécondation in vitro à l'avortement. Alors, nul doute qu'elle s'appliquerait aussi à l'euthanasie volontaire active, si elle était décriminalisée.

En somme, tous ces pouvoirs forment un tout cohérent, exhaustif, qui permet à la compétence provinciale de s'exprimer pleinement en matière de soins palliatifs pour assurer une mort dans la dignité. Alors, la mise en oeuvre d'une politique est un des meilleurs moyens de prévenir les dérives et les abus. Nous l'avons vu dans le rapport de la commission belge, je crois que c'est le premier moyen. C'est pour ça que j'insiste là-dessus. Et d'ailleurs il y a probablement plusieurs personnes qui sont venues ici qui vous l'ont dit, alors je vais passer rapidement.

Mais il est important que le Parlement provincial adopte une politique législative concernant l'accessibilité des soins. Il ne s'agit pas d'ouvrir quelques lits de soins palliatifs dans un hôpital pour dire qu'on a vraiment des soins palliatifs adéquats; il faut faire de la recherche aussi. Il faut augmenter encore la formation, le soutien des professionnels et évidemment le financement des établissements, et le financement des soins palliatifs à domicile est de très grande importance.

Alors, j'aborde maintenant la question de la sédation pour détresse en phase terminale. D'entrée de jeu, ça va certainement être incomplet, parce qu'on pourrait en parler pendant une journée complète. Et c'est excessivement... il y a beaucoup de confusion, notamment entre l'euthanasie et la sédation et entre les différents modes de sédation.

La sédation palliative, pour moi, c'est un terme général qui englobe la sédation qui est intermittente et transitoire, c'est-à-dire on peut réveiller le patient, comme Mme Blondeau vous disait tout à l'heure, et la sédation qui va se poursuivre jusqu'à la mort, c'est-à-dire la sédation terminale.

Moi, je vais vous entretenir de la sédation terminale parce que je crois que c'est celle-là qui pose problème. Alors, il est important de dire qu'elle est indiquée seulement en présence de symptômes réfractaires non soulagés, et que ces symptômes réfractaires là, je m'excuse, c'est un peu dur de les entendre, mais je pense qu'il faut les dire, c'est: des douleurs physiques intolérables, c'est de graves difficultés respiratoires, c'est quelquefois des vomissements incoercibles, c'est de l'agitation terminale, c'est du délire, des hallucinations, et bien d'autres choses. Mais ce sont des manifestations qu'on retrouve souvent en fin de vie, d'où l'importance de trouver des moyens pour les éviter.

Alors, notre mémoire contient plus de détails au sujet de la sédation, mais je vais attirer votre attention surtout sur celui de la durée de la sédation terminale. Comme la sédation terminale ne vise pas à accélérer le décès ou la mort, elle vise à endormir un patient jusqu'à ce qu'il meure, bien il arrive que ça se prolonge. Et je crois que vous avez eu déjà des témoignages à cet égard-là. Et, quand ça se prolonge, disons, environ une vingtaine de jours, ça s'est vu, bien il se peut que la famille, le personnel médical ou infirmier soient tentés de vouloir y mettre fin pour des raisons humanitaires.

Pour faire cela, bien il va falloir poser un geste dont l'intention est de provoquer la mort, par exemple utiliser une médication à une dose létale. C'est malheureusement la limite qui doit être respectée parce que c'est une frontière à ne pas franchir, parce que ça devient de l'euthanasie et que l'euthanasie, tant qu'elle n'est pas décriminalisée, bien on ne peut pas la pratiquer au Canada. Mais la sédation terminale, ce n'est pas anodin. Vous allez vous endormir et ne plus jamais vous réveiller. C'est pour ça que nous croyons qu'elle doit être réglementée tant par le législateur que par le Collège des médecins.

Alors, je passe vite sur les conditions qui doivent être... que l'on doit envisager par rapport à la sédation au niveau juridique. Il faudrait: qu'elle soit faite seulement lorsque le patient est entré dans la phase terminale de sa maladie terminale, que le patient en ait fait clairement la demande, qu'il ait été constaté qu'il s'agit d'une solution de dernier recours, que l'objectif clairement exprimé est d'empêcher les souffrances et non pas de provoquer la mort, que la procédure soit conforme à des soins appropriés dûment adoptés par des autorités compétentes, que la politique ne déroge pas au code de déontologie, pas seulement celui des médecins mais aussi les infirmières qui, elles, donnent la médication, et que les garanties d'encadrement réglementaire sont suffisantes.

Alors, il n'entre pas dans les attributions du législateur, comme vous le savez, de réglementer le contenu et les modalités de pratique de l'acte médical en particulier; ceci appartient au Collège des médecins. À cet égard, le Collège des médecins a déjà publié en 2009 une directive concernant la sédation-analgésie, mais a exclu la sédation-analgésie de fin de vie.

Alors, nous recommanderions que le collège adopte une politique à cet égard et que des conditions réglementaires strictes, des directives claires feraient que la sédation pourrait être acceptable et que ça pourrait rassurer les patients, les médecins et la société. Alors, voilà, je cède la parole à ma consoeur.

**(15 h 30)**

Mme Boulet (Denise): Alors, bonjour. On sait déjà, compte tenu des interventions que j'ai entendues tout à l'heure, qu'en droit québécois la personne apte en mesure de manifester sa volonté de façon libre et éclairée pourra, grâce à la voie tracée par Mme Nancy B., avoir accès aux soins et à la cessation de ceux-ci pour choisir de mourir dans la dignité, tel que défini par la personne concernée elle-même. La maladie peut suivre son cours tant que le processus n'est pas accéléré pour devenir une euthanasie interdite par le droit criminel.

La préoccupation concerne particulièrement les autres, soit les personnes inaptes, ou bien qu'elles ont pris soin de rédiger une déclaration anticipée qui n'est pas reconnue actuellement en pratique ou n'ayant pas de déclaration anticipée mais ayant une personne dans leur entourage pouvant consentir à leurs soins à leur place ou, dans le pire des cas, la personne complètement seule ou n'ayant jamais été apte. Au Québec, le droit... le consentement aux soins pour une personne inapte est donné par la personne visée par l'article... bien, une des personnes énumérées à l'article 15 du Code civil du Québec. Or, ce même code, à l'article 12, prévoit ce qui suit: «Celui qui consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenu d'agir dans le seul intérêt de cette personne en tenant compte, dans la mesure du possible, des volontés que cette dernière a pu manifester.»

Alors, mon propos se dirigera vers le respect de l'autonomie décisionnelle. Le législateur mentionne la notion d'intérêt plutôt que le choix du patient. Il est certain que, lorsqu'une personne n'a jamais été en mesure d'exprimer des volontés libres et éclairées ou qu'elle ne l'est plus depuis longtemps, ce critère du meilleur intérêt est tout à fait justifié. Cependant, pour les personnes aptes qui veulent faire une déclaration anticipée, la rédaction de cet article et surtout son application ne donnent pas la garantie que leur volonté sera respectée.

Face à la décision difficile de cesser les traitements ou d'accélérer le processus inéluctable de la mort, la position des décideurs, de même que celle des intervenants appelés à donner les soins terminaux, peut varier d'un milieu à l'autre selon les valeurs, les convictions et la crainte de faire face à des poursuites criminelles.

La Cour d'appel a rendu, en mai dernier, une décision fort importante en matière de régime de protection -- en fait, c'était en matière de mandat donné en prévision d'inaptitude -- qui tranche deux courants de pensée véhiculés par la jurisprudence et la doctrine, et redonne au mandat donné en prévision d'inaptitude ses lettres de noblesse en imposant le respect de l'autonomie de la personne. Ceci n'a pu se faire qu'après une controverse qui a duré près de 10 ans. Or, la Cour d'appel n'a pas souvent l'occasion de se pencher sur ces questions pourtant fort importantes, car elles abordent les droits fondamentaux des individus devenus inaptes, souvent en fin de vie, et le respect de leurs volontés.

En conséquence, pour éviter un nouveau débat d'une dizaine d'années, au Québec, pour donner plus de force aux volontés du patient concernant la façon dont il désire finir sa vie, il est impératif, à notre avis, de prévoir dans une loi éventuelle, que ce soit par des amendements au Code civil du Québec ou à la Loi sur les services de santé et services sociaux, une disposition plus précise... relativement à la déclaration anticipée. Cette disposition devra être énoncée en des termes non équivoques en regard des véritables garanties d'authenticité, de validité, de contemporanéité, et devra être attestée par témoin.

La déclaration anticipée faisant l'objet d'une réglementation appropriée est une solution qui pourrait permettre à un plus grand nombre de personnes de faire respecter leur droit de mourir dans la dignité.

On en a parlé déjà, en 2002, le Parlement belge a adopté deux lois: la première portant sur les soins palliatifs et, la seconde, sur l'euthanasie. Je ne suggérerai pas que ces lois peuvent être importées intégralement dans la législation québécoise, mais le législateur pourrait du moins s'en inspirer.

Ainsi, en premier lieu, en ce qui a trait à l'euthanasie volontaire... active -- pardon -- je crois qu'elle devrait être accessible aux majeurs, aptes ou inaptes, avec une déclaration anticipée. Un problème dans le droit du Québec cependant concerne les mineurs de 14 ans, car, à 14 ans et plus, nous avons une quasi-majorité en matière de soins. Alors, reste la question de savoir: Est-ce qu'on devrait exiger le consentement des deux parents et du mineur lui-même? La question demeure difficile et ouverte quant à nous.

En ce qui a trait à la sédation terminale, dont a parlé ma collègue, les règles de consentement du Code civil sont suffisantes, si on ajoute des garanties juridiques déjà vues et des directives claires de la part du Collège des médecins fixant les normes de pratique à cet égard.

Enfin, pour les personnes qui n'ont jamais été aptes, qui n'ont jamais pu faire de déclaration anticipée, souffrant de déficiences mentales ou qui sont seules, c'est-à-dire qu'il n'y a personne pour voir à leur meilleur intérêt, sous réserve de ce que pourraient dire les groupes de défense des droits, il nous apparaît que, pour éviter les abus et les dérives, ni l'euthanasie ni la sédation terminale ne devraient être permises pour ces clientèles.

En conclusion, le droit de mourir dans la dignité est donc un objectif nécessaire, accessible aux législateurs québécois. La consultation populaire permettra sans doute au Québec de prendre une position claire au sujet de l'euthanasie volontaire active et, le cas échéant, de soutenir sa décriminalisation pour remplacer l'interdit par des dispositions propres à sauvegarder les intérêts et la dignité de la population en fin de vie ou malade. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Me Boulet. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission, et je vais céder la parole au député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Alors, Me Chalifoux et Me Boulet, merci pour votre mémoire fort bien fait, fort étoffé, avec tous les annexes, que j'ai pris le temps de... de parcourir, peut-être pas en aussi grand détail que le mémoire, là, mais...

Des voix: ...

M. Ouimet: Non, mais ce qui est important pour moi, puis c'est une des questions que j'aimerais vous poser, c'est la fameuse question des dérives.

Vous avez mis en annexe de votre rapport les références qui indiquent, par exemple, que... recommandations de la... commission, désolé, dans la section III. La commission confirme l'avis donné par les précédents rapports et elle estime que l'application de la loi n'a pas donné lieu à des difficultés majeures ou à des abus qui nécessiteraient des modifications législatives. Vous faites... pour la Belgique je pense, pour les Pays-Bas, vous donnez les références, je les ai textuellement, je l'apprécie beaucoup.

Sauf que le Comité national d'éthique sur le vieillissement et les changements démographiques qui nous a présenté un mémoire il y a deux semaines ont un son de cloche un peu différent. Et ma collègue y faisait référence tantôt, le rapport Leonetti que je n'ai pas encore lu, mais que je pense... j'ai commandé à la recherche pour pouvoir étudier ce rapport-là. Dans leur mémoire, le Comité national d'éthique nous dit ceci, à la page 28: «Un rapport soumis au Comité des droits de l'homme de l'ONU par le parlementaire médecin français Jean Leonetti a amené ce comité à mettre en garde, en juillet 2009, les Pays-Bas pour le taux élevé de cas d'euthanasies et de suicides assistés ne respectant pas les critères et procédures prévus dans la loi.»

Alors, je n'ai pas les références, par exemple, je n'ai rien entre guillemets, mais c'est un... quand même un prof de droit de l'Université Sherbrooke, j'oublie son nom... Mme Nootens qui est venue nous faire la présentation. Je l'ai même questionnée, et ça semblait reposer sur des données empiriques solides. Votre son de cloche est différent, vous l'appuyez.

Alors, comme parlementaires, on a déjà commencé à avoir des discussions là-dessus et on devra avoir d'autres discussions, à savoir: Est-ce qu'on va parler, dans le document de consultation, des dérives possibles? Y en a-t-il? Est-ce qu'il n'y en a pas? Quelles sont les données empiriques? Comme membres de la Commission, on devra, nous, se faire une tête parce que ça influence un peu le point de vue des gens qu'on veut consulter: ceux qui sont contre l'euthanasie vont parler des dérives; ceux qui sont pour l'euthanasie vont dire qu'il n'y a pas de dérives. Alors, si on veut être honnêtes avec les Québécois et les Québécoises, il faut être bien sûrs des données empiriques.

Alors, pourriez-vous peut-être clarifier cela pour moi? Est-ce que vous êtes en mesure de le faire? Vos références datent de 2006-2007; la référence du Comité national d'éthique fait référence au document de décembre 2008. Mais je n'ai pas le texte, je n'ai pas le libellé, et je ne veux certainement pas dire qu'ils nous ont induits en erreur non plus, là. Mais ils ont pris la peine de mettre ça dans le texte de leur mémoire et parlant d'un comité des droits de l'homme de l'ONU avec toute l'importance que ça peut symboliser.

Mme Chalifoux (Danielle): Bien. Écoutez, je retiens surtout de ce que vous dites: Est-ce qu'on doit en parler ou ne pas en parler lors d'une consultation? Bien, je crois que oui, on doit en parler, parce que ça fait partie de la préoccupation de tout le monde, et c'est la raison pour laquelle, dans Sue Rodriguez, on a interdit le suicide assisté et l'euthanasie. Et c'est la crainte que tout le monde a, y compris moi, y compris tout le monde. On ne veut surtout pas d'abus et de dérives.

Maintenant, moi, j'ai choisi de m'en tenir aux textes officiels, qui sont... les plus récents rapports des commissions régionales, soit de Hollande ou de la Belgique. Vous les avez en annexe. Je ne voudrais pas extrapoler sur des documents que je n'ai pas vus, que je ne connais pas ou des articles de journaux ou des... on... entre juristes, on peut dire des ouï-dire. Je ne suis pas au courant. Je ne peux malheureusement pas vous aider là-dessus.

Ce que je peux dire, c'est que, dans les rapports officiels, vous les avez in extenso parce que je voulais vous montrer le sérieux avec lequel ces rapports-là sont faits, comment est-ce que les procédures qui sont obligatoires dans la loi sont scrutées à la loupe et comment est-ce même que ces commissions-là peuvent faire leur autocritique éventuellement pour essayer d'améliorer les choses. Alors, ce sont les sources les plus officielles et, me semble-t-il, les plus crédibles que l'on puisse avoir présentement.

Alors, j'espère que cela peut vous aider, mais c'est ce que je peux vous dire. Je ne connais pas les autres sources dont il a été mention précédemment.

**(15 h 40)**

M. Ouimet: Très bien. Merci. Sur la question maintenant des sondages. Vous l'abordez à quelques reprises dans votre mémoire et votre première recommandation: «Le droit de mourir dans la dignité comprend celui de mourir par euthanasie volontaire active. Vu l'évolution en ce domaine, ce geste serait maintenant acceptable au Québec.»

Moi, j'ai cru que c'était un peu le mandat de cette commission-là de voir sur le terrain quel est le niveau d'acceptabilité de la part des Québécois par rapport à l'euthanasie, mais, vous, vous nous indiquez que ce serait maintenant acceptable au Québec?

Aidez-moi à comprendre comment est-ce qu'on peut mesurer, là, le niveau de confort et d'aisance de la population québécoise par rapport à cette grande question là?

Mme Chalifoux (Danielle): Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est sûr que les sondages, ce n'est pas un outil parfait. Peut-être qu'un référendum national, ce serait peut-être plus indiqué, parce que nous aurions là l'opinion de chaque particulier. Et je crois que la consultation que vous allez faire à l'automne va certainement apporter beaucoup d'eau au moulin et j'espère qu'elle ne sera pas seulement le résultat ou le reflet de quelques associations qui ont un agenda, mais que vous allez vraiment consulter la population.

Les sondages, comme j'ai expliqué tout à l'heure, en eux-mêmes ne sont peut-être pas l'outil le mieux développé. Mais, par ailleurs, dans une étude que j'ai déjà faite sur l'euthanasie, j'avais mentionné un ouvrage de plusieurs centaines de pages que le Pr Margaret Otlowski avait fait de questions qui étaient vraiment très bien rédigées, qui sont faites par des... des sondages, pardon, qui sont faits par des maisons comme Gallup ou, en tout cas, des maisons très renommées sur une période de 10 ans, toujours la même question à des groupes dont l'échantillonnage est vraiment très représentatif, et c'est toujours favorable. Alors, dans quelle mesure peut-on dire que la population n'est pas favorable? Je crois qu'il faut accorder quand même une certaine crédibilité. D'ailleurs, si on n'accordait aucune crédibilité aux sondages, il y a bien des gens en politique qui seraient mal pris, n'est-ce pas?

Alors, c'est ma réponse finalement. C'est pour ça que je crois, et les sondages peu scientifiques que j'ai pu faire autour de moi, parce que ça m'est arrivé d'en faire aussi, sont toujours favorables à l'euthanasie volontaire active. Je crois que les gens veulent avoir cet outil disponible. S'ils ne s'en servent pas, tant mieux, personne ne veut s'en servir, mais c'est comme une police d'assurance, d'une certaine façon: si les douleurs deviennent tellement intolérables, si on veut l'avoir, bien on pourrait l'avoir. Parce qu'il est vrai de dire que, si 80 % des gens sont favorables dans les sondages, il y a très peu de gens qui vont l'utiliser. Ça, c'est vrai.

M. Ouimet: Et dernière question et non pas la moindre, et nous avons eu l'occasion d'en parler quelque peu, mais pas de façon substantielle encore, c'est toute la question que vous indiquez à la page 15 de votre mémoire: La province, le Québec, a tous les outils nécessaires pour réglementer plusieurs aspects du droit de mourir dans la dignité. Et c'est tout le chapitre que vous développez quelque peu sur les directives qu'un Procureur général du Québec pourrait donner à ses substituts.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Pourriez-vous définir ça un peu pour nous, si le droit criminel ne le permet pas et que comme province, après une consultation, on déciderait d'aller de l'avant avec... de permettre aux Québécois le droit à l'euthanasie, on serait en quelque sorte un peu en contradiction avec le droit criminel, mais puisque l'administration de la justice et la santé relève du Québec, là, le Procureur pourrait donner des directives?

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Puis il y a quelque chose qui ne m'a pas rassuré. En tout cas, je vais vous laisser là-dessus, puis je reviendrai avec une sous-question.

Mme Chalifoux (Danielle): D'accord. Bien, je vais vous raconter une petite histoire. Quand Mme Rodriguez s'est vu refuser le droit d'aide au suicide, je ne sais pas, moi, je suis retraitée donc j'ai un certain âge, je me souviens très bien des faits, mais elle a annoncé publiquement qu'elle y aurait recours quand même. Et elle a aussi nommément dit: Telle personne va m'accompagner lors de... au moment où je mettrai en oeuvre mon désir d'aide au suicide, et il y avait un médecin qui était disposé à l'aider. Et la province de la Colombie-Britannique a, à ce moment-là, émis des directives concernant l'opportunité de poursuivre ou non dans ces cas-là, en ayant à l'idée que Mme Rodriguez s'apprêtait à le faire.

Et la directive, je ne l'ai pas malheureusement dans ma... je n'avais pas prévu votre question, alors je ne l'ai pas dans la documentation, mais elle disait grosso modo que, si l'intérêt public ne commandait pas que l'on poursuive, si le geste était fait par un médecin qualifié, qu'il recevait l'aval de ses collègues, qu'on pensait qu'éventuellement il n'y aurait à peu près pas de possibilité que la personne soit... que la personne qui l'ait fait, qui ait aidé au suicide, soit condamnée, qu'à ce moment-là on ne poursuivrait pas. Et Mme Rodriguez a eu de l'aide, il y a eu un témoin. Tous les deux ont été identifiés, et elle n'a jamais été poursuivie, c'est-à-dire la personne qui a aidé.

Alors, c'est dans ce sens que je vous dis que, bon, l'euthanasie, l'aide au suicide est toujours criminalisée évidemment, mais il y a eu comme un arrêt des poursuites, mais dans des conditions très strictes, hein? Ce n'est pas un arrêt des poursuites pour n'importe qui et n'importe quand, mais c'était dans des conditions strictes. Et la directive en question, je vous avoue, je ne sais pas si elle est encore en vigueur. Elle l'était à l'époque où, moi, j'ai...

M. Ouimet: Mais, peu importe le contenu de la directive, la question que je me pose, dans le fond, c'est: Est-ce que ce geste-là de la province pourrait être attaqué devant les tribunaux sous prétexte que ça va à l'encontre de la Constitution canadienne?

Et là où vous ne m'avez pas rassuré, c'est à la page 27 de votre mémoire, où vous dites: «Et si malgré tout -- donc, après les directives au Procureur général -- une poursuite avait lieu, là, le gouvernement devrait s'engager à prendre fait et cause», etc.

Mme Chalifoux (Danielle): Eh bien...

M. Ouimet: Dans quelle mesure est-ce qu'on peut avoir une certaine certitude à moins de faire un renvoi éventuel à la Cour d'appel du Québec? Mais dans quelle mesure est-ce qu'on peut avoir une certitude qu'on aurait là une patinoire bien définie où le Québec pourrait répondre, par exemple, aux volontés de la société québécoise en attendant que le Code criminel canadien soit amendé?

Mme Chalifoux (Danielle): Malheureusement, je ne pense pas que la patinoire soit vraiment disponible pour le Québec avec certitude. Et je pense qu'il ne faut pas non plus penser que les médecins vont vouloir se plier à une procédure qui n'a pas été vraiment décriminalisée. Je pense que c'est trop leur demander. Des docteurs Morgentaler, il n'y en a pas tous les jours. Puis, des médecins, on ne peut pas leur demander d'avoir l'épée de Damoclès parce que des poursuites...

C'est sûr que le Procureur général, s'il décide de ne pas poursuivre, il ne poursuivra pas, mais par ailleurs, sait-on jamais, un Procureur général fédéral pourrait décider que c'est dans l'intérêt national de poursuivre et le faire à la place du Procureur général d'une province, ou même un particulier en vertu de l'article 14 du Code pénal qui dit... du Code de procédure pénale, pardon, qui dit qu'un particulier peut également poursuivre. Qui sait, peut-être une association pourrait demander une autorisation judiciaire pour poursuivre. Je n'ai pas de boule de cristal et je ne peux pas vous dire qu'est-ce qui pourrait se passer, mais certainement ce n'est pas la solution idéale. La seule vraie solution est la décriminalisation.

M. Ouimet: Bon, alors là, je reviens à ce que vous disiez à la page 15: La province a tous les outils nécessaires pour réglementer plusieurs aspects du droit de mourir dans la dignité.

Mme Chalifoux (Danielle): Sauf...

M. Ouimet: Là, vous le nuancez, là.

Mme Chalifoux (Danielle): Oui. Oui, mais ce que je voulais dire, et ce que je redis encore, et j'espère que le Parlement provincial va donner suite, c'est que mourir dans la dignité, ce n'est pas uniquement mourir par euthanasie volontaire active. Mourir dans la dignité, ça peut très bien... mourir sans sédation terminale, sans grande sédation. Les conditions sont qu'il faut des centres de soins palliatifs un peu partout dans le Québec, il faut que leur accessibilité soit garantie, il faut qu'il y ait un financement des soins, il faut que la formation des gens...

Tout à l'heure, Mme Blondeau vous parlait des formations en éthique des infirmières, mais des formations, des stages pratiques en milieu de soins palliatifs. J'ai moi-même une formation d'infirmière en plus d'être avocate aussi. J'ai déjà travaillé en soins palliatifs, mais je dois vous dire que le besoin de formation, il est criant. Non seulement de la part des infirmières, mais de tout le personnel parce que, quand on est dans un centre de soins palliatifs, même si vous êtes la personne qui va faire le ménage dans la chambre, vous allez être en interaction avec le patient. Il faut donner de la formation à tout le monde.

Alors, ce que je voulais dire, c'est que mourir dans la dignité, c'est beaucoup de choses. Ce n'est pas seulement l'euthanasie volontaire active.

M. Ouimet: Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Il reste cinq minutes, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

**(15 h 50)**

M. Chevarie: Je vais continuer. Merci d'abord pour vos exposés. Je vais continuer avec la première question de mon confrère sur les sondages de la population québécoise.

Vous dites évidemment, bon, que, des sondages scientifiques, ce n'est pas parfait, mais il reste qu'il y a une tendance de façon générale qui nous dit que la population québécoise est ouverte à l'euthanasie et au suicide assisté, mais l'euthanasie particulièrement. Mais, par ailleurs, il y a des spécialistes qui sont venus nous dire ici... des spécialistes en psycho-oncologie, qui nous disent que le souhait d'une demande de mort avancée est évolutif; c'est un processus qui avance avec... la position s'affaiblit avec le processus de la mort qui est à plus court terme. Et j'aimerais ça vous entendre là-dessus par rapport... si on met ça en relief avec la position de la société québécoise qui dit: Généralement, on est d'accord avec l'euthanasie.

Mme Chalifoux (Danielle): Mais je ne suis pas une spécialiste des processus de deuil et des processus de fin de vie au niveau psychologique, là. Malheureusement, je ne peux pas beaucoup vous aider là-dessus.

Ce que je pourrais peut-être vous dire, c'est que c'est sûr que, quand on n'est pas dans la situation, on ne voit pas la chose de même manière, et que le 80 % d'acceptation présentement, me semble-t-il, est plus une police d'assurance. Mais on peut changer d'idée toujours, et il faut que le droit permette, même quand il y a eu une déclaration anticipée, que la personne puisse changer d'idée en 24 heures, ou en 12 heures, ou à trois minutes. Si elle est en phase terminale et qu'elle a changé d'idée et qu'elle n'en veut plus, bien il faut qu'elle ait toute la possibilité de pouvoir ne pas l'avoir, c'est sûr.

Et je trouve que c'est sûr que c'est humain. Mais par ailleurs, comme j'ai déjà pratiqué un peu dans les soins palliatifs, je dois vous dire que ceci est vrai en phase terminale, mais dans la phase terminale de la maladie terminale, c'est-à-dire au moment où ce qu'on appelle l'état précaire survient, si la personne est encore apte, ce qu'elle n'est pas toujours à ce moment-là, c'est peut-être là que la demande va revenir.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée Hull, courte question.

Mme Gaudreault: Très courte question. Me Boulet, vous avez beaucoup parlé de la déclaration anticipée. J'aimerais savoir quelle est la différence entre cette déclaration et le testament de vie actuel.

Mme Boulet (Denise): En fait, c'est un terme... ce sont deux termes qui signifient la même chose. On parle d'un testament de fin de vie, on parle de testament... déclaration anticipée. La difficulté avec ces documents, il y en a plusieurs, mais deux des difficultés, c'est que, d'abord, c'est souvent un court paragraphe ou un long paragraphe qui est inclus dans le mandat donné en prévision d'inaptitude qui, dans bien des cas, ne sera jamais homologué, alors ça va demeurer lettre morte.

L'autre problème, c'est, compte tenu que ça n'a pas de vie légale dans notre droit par opposition, par exemple, à un testament, lui-même est reconnu dans notre droit et c'est connu dans la société, le testament de fin de vie est hybride. Alors, quand on arrive avec un document comme celui-là en établissement, les gens ne savent pas quoi faire avec, et il reste lettre morte.

La réalité juridique actuelle, c'est l'obligation pour les professionnels d'obtenir un consentement libre et éclairé de la part de leurs patients, que ce consentement soit verbal ou écrit, ça ne change rien au fond. Alors, évidemment, si le testament de fin de vie est joint au dossier médical et confirmé par l'opinion médicale qui dit: On l'a reçu, et la personne est apte, et voici sa volonté, ça va peut-être avoir un effet qui lie les intervenants, mais, en pratique, c'est rarissime. On regarde ce document-là et on ne sait pas trop quoi en faire, d'où la pertinence de légiférer sur le sujet.

Mme Gaudreault: C'est pour ça que vous disiez tout à l'heure que c'était non reconnu. Ce que vous voulez dire, c'est que, sur le terrain, on ne reconnaît pas les volontés des patients lorsqu'on se retrouve dans un établissement de santé?

Mme Boulet (Denise): Voilà! Bien, c'est qu'on ne sait pas vraiment quoi faire avec ce document-là. Et juridiquement aussi ce que j'enseigne, c'est, s'il manifeste la volonté libre et éclairée du patient, il lie l'intervenant. Mais souvent ce n'est pas... ces deux conditions-là ne sont pas concomitantes. La déclaration anticipée est rédigée à un moment où on était apte dans une condition x, il y a peut-être 10 ans, ou cinq ans, ou la veille, on ne sait trop, alors que le consentement, lui, doit être contemporain aux soins et au refus de soins. Alors, si encore une fois l'intervenant médical est en mesure de rendre ces deux moments concomitants, c'est-à-dire l'écrit et la volonté du patient, il n'y a aucun problème. Dans un tel cas, on n'a pas besoin de l'écrit. Mais, si le patient n'est plus en mesure de manifester sa volonté, bien là on ne sait pas trop quoi faire avec cet écrit, parce que le professionnel n'est pas en mesure de confirmer qu'il s'agit là de la volonté actuelle, libre et éclairée.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Alors, merci. Bien, écoutez, c'est sûr, je pense c'est très précieux, parce que vous abordez des questions juridiques que l'on se pose depuis un petit moment.

En Colombie-Britannique, de ce je comprends, parce que ça m'a intriguée, je ne me souviens plus qui l'avait évoqué, là, mais effectivement j'avais été surprise de voir qu'après tant de médiatisation, une décision aussi partagée, il n'y avait pas eu de poursuite. Il n'y a même pas eu de poursuite. Parce que des fois il y a des poursuites, mais il n'y a pas de peine ou il y a une peine simplement symbolique ou de probation, mais il n'y a pas eu de poursuite. Et, de ce que je comprends, c'est toujours en vigueur. Donc, en Colombie-Britannique, ils ont toujours des directives pour le Procureur général, mais effectivement ça suscite beaucoup de questionnements, je trouve, sur la sécurité juridique d'une telle solution. Alors, voilà.

Moi, je veux vous amener aussi sur des éléments très juridiques parce que vous êtes des experts dans le domaine: c'est toute la question de l'intention. Tantôt, mon collègue y a fait... Je ne sais pas si vous étiez arrivés, il a parlé beaucoup de la nuance entre l'euthanasie et l'arrêt de traitement.

Quand on parle d'arrêt de traitement, je dirais, assez clair, comme débrancher quelqu'un, on comprend très bien les nuances légales, on lit notre Code civil, on sait qu'on peut tout refuser, même si ça entraîne la mort, même si on est en pleine santé, on peut prendre des décisions qui apparaissent irrationnelles à beaucoup, mais qui ont trait à nos propres valeurs. Et ce qu'on nous dit toujours juridiquement, c'est que, l'euthanasie, l'intention est clairement de donner la mort, alors que l'arrêt de traitement, c'est d'arrêter un traitement. Mais, dans les faits, quand on débranche quelqu'un, on pourrait dire qu'on donne la mort et, quand on donne une injection, on pourrait dire qu'on arrête ou qu'on abrège les souffrances.

Donc, j'aimerais vous entendre premièrement sur cette distinction-là d'intentions. Parce que, moi, je me demande même si... je ne sais pas si ça a déjà été plaidé, mais, si des gens pourraient plaider que l'intention première, c'est l'arrêt de la souffrance, et non pas nécessairement l'acte de donner la mort, et ce qui... Ça, c'est donc ma première question.

La deuxième, c'est en lien, toujours l'intention, entre l'euthanasie et la sédation terminale. Vous y avez fait référence, encore une fois les experts nous font toutes les nuances. On les comprend sur papier puis en théorie, les nuances, mais dans les faits, la sédation terminale, quand on sait que, oui, c'est seulement pour endormir la personne, mais qu'il ne sera plus alimenté, il ne sera plus hydraté, donc et on ne le réveillera plus, là, tout ça est consenti, l'intention, là, la différence d'intention, il me semble qu'on peut la trouver assez ténue. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, comme juristes.

Mme Chalifoux (Danielle): C'est vraiment intéressant comme question. J'avais préparé un petit résumé de cette question-là, parce que je trouvais ça important, mais, comme je voulais tout dire, je ne pouvais pas tout dire, je ne l'ai pas présenté, mais vous me donnez l'occasion de le faire...

Mme Hivon: O.K.

Mme Chalifoux (Danielle): ...puis je suis bien contente.

Quand on parle d'intention, il faut savoir de quoi on parle. Parce qu'il y a la conception éthique de l'intention et du double effet, ça, on a dû vous en parler, on en a parler dans Nancy B. aussi: c'est qu'on a l'intention de soulager les souffrances, mais on n'a pas l'intention d'abréger la vie. Et il y a quelqu'un qui parlait du respirateur, Nancy B. a été mise sous anesthésie générale, on lui a retiré le respirateur. Quand on a fait ça, il est clair qu'elle avait demandé à mourir, que les gens savaient très bien qu'en lui retirant le respirateur elle mourrait. Bon, on a dit: Oui, mais ce n'était pas l'intention.

Mais, moi, ce que je vous dis, c'est que c'est une notion éthique et ce n'est pas une notion juridique, cette intention-là. Jamais... Ce n'est pas une norme, on... À l'occasion, il y a des décisions qui y font allusion, mais c'est comme la dignité comme telle, si on ne la transmet pas dans des droits, on ne sait pas trop juridiquement qu'est-ce que ça veut dire. Mais c'est la même chose.

Alors, moi, ce que je vous dis, c'est que, quand le patient veut terminer sa vie et que c'est dans sa dignité, selon son appréciation, si en dernier recours cela va entraîner la mort, la priorité doit être donnée à la demande de la personne, parce que c'est l'autonomie de la personne qu'on doit respecter, et l'intention de la personne qui va procurer le service ou le soin, ou qui va retirer le respirateur, ce n'est pas prioritaire, ça ne devrait pas être prioritaire. En tout cas, juridiquement, ça n'a jamais été consacré, cette question du double effet et de l'intention.

D'ailleurs, le rapport du Groupe de travail en éthique clinique l'a bien mentionné aussi, le rapport du Collège des médecins, ils ont dit que les médecins, pour eux-mêmes, cette doctrine de l'intention et du double effet n'était plus adaptée à des situations qui se présentent en fin de vie.

Alors, c'est pour se donner bonne conscience, selon moi, que cette notion-là... Il faut la... Je vais terminer là-dessus, parce que ma consoeur veut parler absolument. Et l'intention criminelle, l'intention coupable du Code criminel, ce n'est pas cette intention-là non plus, là. C'est parce qu'il y a des subtilités d'intention. Provoquer intentionnellement la mort d'autrui, c'est autre chose, là. Ça, on tombe dans le criminel, puis ce n'est pas le même genre d'intention. Il faut une intention coupable, une intention qui est évaluée sur d'autres critères, qui est le critère subjectif-objectif de la Cour suprême, mais on ne rentrera pas là-dedans, parce que, même moi, je pourrais m'y perdre, ça fait que...

**(16 heures)**

Le Président (M. Kelley): Me Boulet.

Mme Boulet (Denise): Merci. Moi, je suis d'accord avec ce que ma collègue a dit, mais je ramènerais finalement la notion de... ou ce qui s'est passé dans le cas de Nancy B. à la source, et la source, c'était l'inviolabilité de la personne. Alors, sans égard à l'intention du geste ou à celui qui le pose, le fondement de cette décision-là reposait d'abord sur nos deux chartes, c'est-à-dire l'inviolabilité de la personne reconnue dans notre Code civil, reconnue dans la Loi sur les services de santé et services sociaux, qui toutes protègent le droit à la vie, à la liberté, à l'autonomie et à la dignité. Et les tribunaux sont clairs que la protection de la vie, c'est important, mais une vie sans dignité et sans autonomie n'en est probablement pas une.

Alors, si une personne autonome qui est en mesure de manifester sa volonté manifeste le choix de cesser un traitement ou de mettre fin à sa façon à ses souffrances, c'est ça, la manifestation, au bout du compte, de l'inviolabilité de la personne et de l'autonomie résiduelle. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe: Merci, M. le Président. Merci, Me Chalifoux et Me Boulet. Extrêmement intéressant, votre mémoire, et vous soulevez de nombreuses questions, même pour une non-avocate que je suis. J'apprécie particulièrement ce que vous dites, là, quand on... Vous avez tellement raison! Mourir dans la dignité, c'est avoir accès à tous les soins, tous les soins possibles de fin de vie, puis ça pour tout le monde. Ça, c'est fondamental, au-delà de la question et en même temps que la question qui nous occupe aujourd'hui.

Moi, en fait, j'aurais deux questions. La première. Vous m'inquiétez beaucoup quand vous me dites que la déclaration anticipée ou le testament biologique, le testament de fin de vie, enfin, n'a pas la valeur qu'il devrait avoir, parce que, quand on fait une déclaration anticipée, on le fait peut-être à un moment très éloigné du moment où il aura à être utilisé. Alors, comment on peut s'assurer que quelqu'un qui prend la peine... Parce qu'on veut publiciser ça beaucoup, je crois, parce que je pense que tout ce qu'on entend depuis le début de cette commission nous porte à croire que chaque personne devrait avoir son testament biologique écrit, donc une déclaration anticipée.

Alors, quoi faire exactement? Vous dites qu'on pourrait faire des amendements au Code civil ou autrement, mais il faut que ça soit facile et accessible à tout le monde. Alors, quelle est votre proposition?

Mme Boulet (Denise): Bien, ça pourrait être facile et accessible à tout le monde si c'était aussi largement diffusé que les mandats donnés en prévision d'inaptitude. Les gens confondent souvent ce mandat et le testament de fin de vie, parce que, notamment, il y a une petite clause souvent dans les mandats donnés en prévision d'inaptitude préimprimés, disponibles dans les bonnes librairies ou sur Internet facilement, donc les gens s'imaginent qu'en ayant un mandat donné en prévision d'inaptitude qui prévoit cette clause-là ils sont protégés quant à leur fin de vie.

Ce qu'ils ne savent pas, c'est que, dans la grande majorité des cas, l'homologation du mandat ne sera pas faite, parce que... pour toutes sortes de raisons, en fait -- ce n'est pas toujours nécessaire d'homologuer un mandat -- de sorte que ce document-là va rester lettre morte.

Alors, en adaptant le Code civil ou les dispositions du Code civil et en créant ce document d'une façon distincte, il ne serait pas toujours accolé, et ça pourrait être un document...

À la limite, vous savez, le don d'organes qu'on signe à l'endos de notre carte d'assurance maladie, c'en est une, déclaration anticipée. Alors, à la limite, ce serait quelque chose du genre qui donnerait à la communauté médicale et aux soins hospitaliers la réassurance que ce document-là, ça a une force dans notre droit. Alors, ça passe par des conditions au niveau de la rédaction, le fait qu'il soit contemporain, qu'il soit rédigé devant témoin, ce serait préférable.

Et, moi, ce que j'enseigne à mes étudiants qui interviennent dans les milieux de santé, c'est de leur dire: Pour l'instant, tant et aussi longtemps que le législateur n'intervient pas, la solution pour que les décisions anticipées soient respectées, c'est la publicité à l'intérieur même de la cellule familiale. C'est-à-dire que la personne qui sera appelée en droit à consentir à notre place doit être informée de nos volontés à cet égard-là, qu'on aura mis par écrit, qui pourront être opposées à l'équipe.

Alors, dans l'état actuel du droit, encore une fois, ce document ne devient qu'un outil de référence pour le décideur éventuel, mais ne lie en rien l'équipe de soins.

Alors, dans les recommandations que je ferais pour une législation éventuelle, c'est de lui donner la place dans notre Code civil qu'occupe le mandat donné en prévision d'inaptitude, avec des conditions au niveau de sa validité, avec des conditions au niveau de la date de rédaction, au fait qu'il doit être mis à jour régulièrement, ça pourrait être annuellement ou aux trois ans, je ne le sais trop, la commission pourrait probablement se pencher là-dessus, et qu'on puisse le valider... ou, en tout cas, qu'il y ait une force de loi... ou, en tout cas, une force obligatoire au niveau de l'équipe de soins.

Mme Lapointe: Juste peut-être une petite complémentaire sur ce même sujet. Tout récemment, quelqu'un que j'ai rencontré, sa mère a eu une grave attaque cardiaque alors qu'elle était aux États-Unis, et donc il n'était pas possible de la rapatrier et puis ni finalement de la réanimer. Et elle avait un testament biologique évidemment qui était au Québec, qui était en français. La personne qui était responsable de son mandat d'inaptitude est allée aux États-Unis avec ce document. Je ne sais pas si c'était un document qui avait été notarié, mais ça n'a pas fonctionné.

Alors, je pense que ces modifications-là seraient urgentes, là, vraiment, vraiment parce que... Et on se demande s'il ne faudrait pas... quand vous dites qu'il faudrait que ce soit mis à jour régulièrement, on se demande s'il ne faudrait pas l'avoir sur soi exactement comme...

Mme Boulet (Denise): Comme notre carte.

Mme Lapointe: ...on a la question du don d'organes derrière notre carte d'assurance maladie.

Quand vous parlez des soins palliatifs et puis de la formation, je trouve ça tellement important parce que vous savez, dans tous nos centres de soins de longue durée, puis je pense que vous avez une expérience particulière dans le domaine des aînés, on sait à quel point ils sont débordés, on sait à quel point c'est difficile en ce moment, qu'est-ce que vous suggéreriez comme formation d'appoint qui pourrait se faire rapidement? Bien sûr, il faudrait changer les curriculums, là, des cours des infirmières, des médecins, peut-être pour la suite des choses, mais, dans l'immédiat, qu'est-ce qu'on pourrait imaginer?

Mme Chalifoux (Danielle): Dans les centres de soins palliatifs qui sont des petites maisons privées qui accueillent une quinzaine, une douzaine, des fois, quelques malades en phase terminale, il y a de la formation qui se donne à tous les personnels. Et cette formation est de qualité, mais elle n'est pas institutionnalisée, c'est-à-dire elle ne se donne pas dans les CHSLD ni dans les centres hospitaliers. Et je soumets qu'elle devrait être généralisée à toute personne qui fait des soins palliatifs. Il y a déjà des ressources qui existent, mais ce sont des ressources maison, les gens s'organisent entre eux, parce que dans les centres de soins palliatifs... Dans les maisons de soins palliatifs, je devrais plutôt dire, il y a toujours des psychologues, il y a... évidemment, il y a des infirmières, tout ça, il y a des gens qui donnent des cours à d'autres et qui font en sorte que tout le personnel est uni dans un même but, et c'est de procurer à la personne tout le respect auquel elle a droit. Il faut dire que malheureusement cette formation-là n'est pas encore disponible pour tous les gens qui s'occupent de soins palliatifs, et ça devrait l'être.

Mme Lapointe: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

**(16 h 10)**

Mme Hivon: Oui. Alors, j'aurais aimé continuer la question de l'intention, mais ma collègue de Mille-Îles me prie de ne pas rentrer dans... En fait, c'est juste parce que les médecins, quand ils nous parlent de la différence qu'ils voient entre tous ces concepts-là, arrêt de traitement, je dirais, assez agressifs, euthanasie, sédation palliative, ils sont beaucoup, beaucoup sur l'intention criminelle. Ils sont beaucoup sur le fait de provoquer la mort, puis je me demande jusqu'où cette distinction-là est vraiment dans les faits, dans la jurisprudence, et tout ça, si présente. Mais, en tout cas, vous pourrez dire un mot là-dessus, si vous voulez, mais je ne veux pas de grands détails, et tout, mais je voulais juste... Moi, c'est quelque chose qui me préoccupe un peu.

Je voulais vous amener sur la question de l'exception -- je pense que vous étiez ici avant, là -- c'est-à-dire légiférer pour ce qui est peut-être quelques cas ou exceptionnels, parce que ce qu'on nous dit beaucoup, c'est que, si tous les bons soins, meilleurs soins, meilleur accompagnement étaient donnés à tous les Québécois, probablement qu'il y aurait moins de demandes d'euthanasie. On peut le concevoir. Il en resterait par ailleurs, comme on voit dans les pays d'Europe, là, les deux psycho-oncologues qu'on a eu la chance d'entendre nous ont fait état de ça. Mais certains nous disent, comme Mme Blondeau avant: Mais c'est légiférer pour l'exception, et on ne doit pas légiférer pour l'exception.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus: Nous, comme législateurs, est-ce qu'on doit se pencher sur la question parce que les gens peuvent le demander, même si c'est un petit nombre, ou est-ce qu'on devrait trouver des moyens autres que de la législation?

Mme Chalifoux (Danielle): Bien, je pourrais répondre par un préambule. D'emblée, je pense qu'il faut se... il faut penser à l'euthanasie volontaire active comme un dernier recours, quelque chose d'exceptionnel. C'est en soi exceptionnel, mais il faut le voir dans une politique générale de soins palliatifs.

Alors, le législateur se penche sur une politique générale, logique de soins palliatifs au niveau de l'accessibilité, comme on vient de dire tout à l'heure, de la recherche, c'est très important aussi. Et, par rapport à tout cet ensemble, il y a un aspect qui est: On n'a pas réussi à soulager la souffrance, on est devant des symptômes réfractaires qui... auxquels aucune médication ne peut donner... On a même fait la sédation terminale, puis ça fait 20 jours qu'elle est prolongée. Mais qu'est-ce qu'on peut faire d'autre? On en arrive à comme... il y a comme une obligation. Ou bien on accompagne jusqu'à la fin ou bien on laisse la personne dans cet état et on ne lui apporte aucun, aucun secours. Alors, c'est pour ça qu'elle devient nécessaire à un certain niveau, dans certaines circonstances exceptionnelles. Voilà.

D'autre part, mais, si je peux juste ajouter, notre droit est plein d'exceptions. Le respect des droits fondamentaux est toujours fait dans un esprit d'exception. Le jour où la Cour suprême a décidé de permettre aux Sikhs de porter leurs turbans dans la Gendarmerie royale, ne me dites pas qu'il y en a beaucoup, de Sikhs, qui le font. Ce sont des exceptions. Et le fondement même de nos chartes et de la défense des droits fondamentaux, c'est de permettre à la minorité de s'exprimer. Alors, c'est pour ça qu'il y en a, des exceptions, et qu'on a des chartes.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Il me reste à dire merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion, beaucoup de références dans votre mémoire qui va nous guider de démêler. Pour le moment, la seule chose qui est certaine aux Pays-Bas, c'est les moulins, les tulipes et les souliers en bois, si j'ai bien compris.

Alors, sur ça, je vais suspendre pour 20 minutes, parce que notre prochain témoin est à Halifax; alors il faut organiser une vidéoconférence. Alors, on va suspendre pour 20 minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

 

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Nous avons la chance. Notre prochain témoin via la magie de la vidéoconférence est la Pre Jocelyn Downie, qui est la professeure dans les facultés de droit et de médecine et titulaire de la Chaire du Canada en droit et en politiques en santé à l'Université de Dalhousie à Halifax.

We are very privileged to have with us this afternoon Prof. Jocelyn Downie who is at Dalhousie University in the bright sunshine, I understand, in Halifax Nova Scotia this afternoon, and through the magic of a videoconferencing we have Professor Downie with us who has agreed to share some of her expertise with the members of the commission.

If you could start off, Professor Downie, with an exposé of about 20 minutes, followed by a period of questions and answers with the members of the committee. And thank you very much for having accepted our invitation.

(Visioconférence)

Mme Jocelyn Downie

Mme Downie (Jocelyn): Oh! my pleasure. Thank you for inviting me. Good afternoon and thank you for including me in your discussion of end-of-life law and policy.

I first do want to commend you for taking on this task providing an opportunity for an informed public discussion on one of the most hotly contested and most important social issues of our time. You're demonstrating truly admirable nonpartisan political leadership, and I do wish you the best as you undertake this difficult initiative.

So, I take my task today to be to provide you with an overview of where the law is with respect to end-of-life issues and to offer some evidence-based reflections on both facts and opinions that will surface as you engage in your discussions of what the law should be. And I did understand that I was to take about 20 minutes and then we'll have lots of time for discussion. That said, I'm happy to entertain any interruptions, questions, comments. If you want something clarified as I go, that won't bother me in the least.

So, the first thing I want to do though is start with a set of definitions of key terms. As you have already seen from the press coverage in the Web-based reactions to your work, the establishment of clear definitions is essential for any possibility of constructive social dialogue in this area.

I have, for example, already seen press confusion about, for instance, whether the physicians who've already spoken with you have been talking about euthanasia or not. As so... we won't be talking about cross-purposes, talking at cross-purposes I should say, and so that what I'm saying will be less likely to be misunderstood. The following are the definitions that I will be working with this afternoon and that I would encourage you to adopt or adapt for you work.

So, first, withholding a potentially life-sustaining treatment. This is the failure to start treatment that has the potential to sustain the life of a person. So, for example, not providing cardiopulmonary resuscitation when somebody has a heart attack.

Withdrawal of potential life-sustaining treatment is the stopping of treatment that has the potential to sustain the life of a person. So, for example, removing a feeding tube from a patient in a persistent vegetative state.

Potentially life-shortening symptom relief is the awkward phrase that I have to use. It's for pain-suffering-control medication which is given in amounts that may but are not certain to shorten a person's life. So, for example, giving ever-increasing levels of morphine necessary to control an individual's pain whether morphine is known to potentially depress the respiration even to the point of causing death, but it's not known precisely how much is too much as the levels are being slowly increased.

**(16 h 40)**

Something called life-shortening sedation is deep continuous sedation intentionally combined with a cessation of artificial nutrition and hydration in patients where that cessation is known to shorten the patients's life.

Assisted suicide, we have about two more definitions here: this is the act of intentionally killing oneself with the assistance -- and that could be the provision of knowledge or means -- of another person. So, for example, a woman is lying in bed with advanced Lou Gehrig's disease and her brother brings her a lethal dose of a barbituric crushed in orange juice. She drinks it through a straw.

Euthanasia by contrast is an act undertaken by one person with the intention of ending the life of another where the goal is to relieve the person's suffering and where the act is the cause of death. So, for example, a man this time is bedridden with Lou Gehrig's disease, but this time his physician gives him a lethal injection of potassium chloride. So, the difference between assisted suicide and euthanasia is who is the agent of death, the final actor.

So, with these definitions set, I turn now to a review of the legal status of these various kinds of assisted death.

So, withholding or withdrawal. It's clear that under Canadian law health care professionals must respect refusals of treatment from competent adults, either through direct refusals or refusals through valid advanced directives. The Supreme Court of Canada has made strong statements to this effect.

For example, in the Sue Rodriguez case, the late Justice Sopinka stated: Canadian Courts have recognized a common law right of patients to refuse consent to medical treatment or to demand the treatment once commenced be withdrawn or discontinued. This right has been specifically recognized to exist even if the withdrawal from or refusal of treatment may result in death. The law draws no distinction between withholding or withdrawal, nor does it draw a distinction between artificial hydration and nutrition, on one hand, and technological or pharmaceutical interventions such as ventilation or antibiotics, nor does the law limit respect for refusals to situations involving terminal illness or imminent death.

Now, there's one area of significant confusion and controversy with respect to the law in withholding and withdrawal, and this is unilateral withholding and withdrawal. The issue here is whether health care professionals have the legal authority to withhold or withdraw treatment against the wishes or without the knowledge of the patient or the patient's substitute decision-maker.

So can a physician say: To attempt resuscitation would be futile, we won't do it. In fact, we' re going to put a do-not-resuscitate order on the chart. Well, there's been three cases in which courts have found that the health care team did have authority to unilaterally withhold or withdraw a treatment. But, much more commonly, there are nine cases today in which they have found that the issue of unilateral withholding or withdrawal is unsettled in law. So, the conclusion you can draw with respect to unilateral withholding and withdrawal is profound confusion and controversy and unsettled status.

Okay, turning now to the potentially life-shortening symptom relief. Recall that this is the ever-increasing levels of medication that may but are not certain to shorten life. The question is: Could someone who'd provide potentially life-shortening symptom relief find themselves charged with criminal negligence causing death, so culpable homicide?

No case directly on point has reached the Supreme Court of Canada but there are some comments on point in the Sue Rodriguez case from the Supreme Court of Canada and again to quote the late Justice Sopinka, he says: «The administration of drugs designed for pain control in dosages which the physician knows will hasten death constitutes active contribution to death by any standard. However, the distinction here is one based upon intention. In the case of palliative care, the intention is to ease pain, which has the effect of hastening death, while in the case of assisted suicide, the intention is undeniably to cause death. In my view, distinctions based upon intent are important and in fact form the basis of our Criminal law. While factually the distinction may at times be difficult to draw, legally it is clear.» End quote.

Now, one may take exception to Justice Sopinka's analysis here about intention, and I have done so elsewhere but it's not really relevant for today, is what we can argue based on this quote is that the provision of potentially life-shortening symptom relief is legal if the intention is to ease pain, but much remains uncertain. How much medication is too much? Are there limits on who can be given such treatment? Must the person be terminally ill? Must suffering be physical or can it also be psychological? Are there limits on when such treatment can be given? Must someone be imminently dying? Many questions again remain unanswered by the law.

Now, the legality of life-shortening sedation can only be assessed by considering the two elements of the practice separately and then combining them. And this is a newer area of medical practice and law paying any attention whatsoever to it.

First consider deep and continuous sedation. This is considered absolutely legally acceptable for some patients, but the limits on acceptability are not clear. For example, does it again... does it matter whether the suffering is physical rather than psychological? Does it matter if it's in response to physical versus mental illness? Does it matter if the sedation is for a defined period of time versus open-ended? None of these questions have been addressed by the courts nor are any of them addressed explicitly in legislation.

Second, consider withholding or withdrawing artificial nutrition and hydration? As noted earlier, this is clearly legally permissible, no matter the reason, as long as the refusal is freely made by a competent and informed patient or substitute decision-maker. But, when the two elements of life-shortening sedation are paired, the legality becomes both unclear and controversial.

To put a very fine point on it, could someone who is not eminently dying request deep and continuous sedation in order to create the physical need for hydration and nutrition, and then refuse the artificial hydration and nutrition, thus insuring that she will die in short order? Would this be treated as just another refusal-of-treatment case, therefore accepted in law, or would it be considered a slow form of assisted suicide, therefore not accepted in law? The answer to these questions: Not clear.

In contrast, assisted suicide is quite clearly illegal in Canada. Section 241(b) of the Criminal Code prohibits aiding or abetting a person to commit suicide, although... suicide itself is now legal. Sue Rodriguez, a woman suffering from ALS, Lou Gehrig's disease, challenged the constitutionality of this section of the code. And the Supreme Court of Canada upheld it in an extraordinarily narrow five-to-four decision.

However, despite the illegality of assisted suicide, it's clear that it's happening in Canada. More than 20 cases are known to have reached the attention of the authorities in Canada. Many more have of course happened but not come to the attention of the authorities. Most cases have resulted in no charges... or dropped charges, acquittals or convictions with suspended or conditional sentences or probation. Only three of these cases resulted in any jail time being served. And, it's important to note, none of these were cases that had facts of the sort the proponents of decriminalization of assisted suicide would support.

Thus, although clearly prohibited by law, assisted suicide is happening but it is on the whole not being prosecuted, and, where prosecuted and convictions attained, very little if any jail time is being served. So, the law in the books is clearly prohibitive, but the law on the street appears to be somewhat tolerant, albeit very unevenly. In other words, assisted suicide is illegal but practiced and to a certain extent countenanced.

Now, euthanasia, like assisted suicide, is quite clearly illegal in Canada. It's prohibited by Section 229 of the Criminal Code and consent to it does not provide a defense. First-degree murder, which euthanasia is under the current law, carries with it a mandatory minimum life sentence, no possibility of parole, for 25 years. So, clearly this is a serious prohibition.

That said, however, review of the cases involving or allegedly involving euthanasia sends a very different message. There've been 18 cases in which charges were laid against individuals. One individual fled the country, one didn't go pass preliminary hearing, three were acquitted, seven were convicted but got suspended sentences, four were convicted but on lesser charges. They... One got two years' probation, one three years' probation, one went two years in jail, one went five years in jail. Two ultimately, two people of all these cases were convicted for murder and both got life sentences.

In sum, then we have 18 cases with only four jail terms. So, these numbers again stand in stark contrast to the strong prohibition of euthanasia found in the Criminal Code. Again, there appears to be a disconnect between the law in the books and the law on the street.

So, with that review of the legal status of various forms of assisted death in Canada, we can see a number of pressure points that I would argue both provincial-territorial and federal Parliaments need to confront:

1° clarify the law with respect to the authority to unilaterally withhold or withdraw a potentially life-sustaining treatment, so against the wishes of the patient or the family;

2° clarify the law with respect to the limits on the provision of potentially life-shortening symptom relief;

3° clarify the law with respect to life-shortening sedation; and

4° resolve the disconnect between the law in the books and the law on the street with respect to assisted suicide and euthanasia.

**(16 h 50)**

So, I would advocate that you undertake to review the legal status of all of these forms of assisted death and make recommendations for much-needed reform in law policy and practice.

As I turn now to the issue of law reform, I hasten to note that I do not seek to advocate for the decriminalization of assisted suicide here today. I understand your role as aimed at the production of a consultation document. So, I see clarification rather than advocacy as my task. To that end, I would offer the following comments on statements that you will either have heard or will hear during the course of your drafting of your document. These comments that I make are based in evidence and here I plead with you to examine carefully the sources of statements made to you and track down the references, read the primary sources for yourself. There is such a great deal of misinformation regarding these issues, this topic and it's repeated over and over again in many places.

So, here's one claim you'll hear. You will become a destination for suicide tourism. Well, Switzerland has become a destination for assisted suicides. What is called suicide tourism is simple to avoid, simply put a residency requirement in your legislation or regulations that apply. This has been done in other jurisdictions that allow assisted suicide or euthanasia, and it's been done effectively.

The next claim. They'll say: If you decriminalize assisted suicide, it will be impossible to protect the vulnerable. There is now strong data to support the claim that it is in fact possible to crack permissive legislation that protects the vulnerable. There are 20 years of data available from the Netherlands and more than 10 from Oregon and, as noted by Peggy Baten who is a noted academic in this field, I quote: «Rates of assisted dying in Oregon and in the Netherlands showed no evidence of heightened risk for the elderly, women, the uninsured -- which is inapplicable in the Netherlands because all are insured -- people with low educational status, the poor, the physically-disabled or chronically-ill, minors, people with psychiatric illnesses including depression, racial or ethnic minorities compared with background population. Those who receive physician-assisted dying in the jurisdictions studied appear to enjoy comparative social, economic, educational, professional and other privileges.» End quote.

The individuals who access assistance in Oregon are largely not members of the vulnerable groups that opponents are concerned with protecting. It's important to note the majority of those who seek assistance are insured, 100%; in-hospice care, 92%; male, 53%; white, 97%; with at least some college education, 62%. So, the data cut against the concern and based on current evidence: it's reasonable to conclude that it is possible to protect the vulnerable and control abuse through means other than a complete prohibition on assisted suicide.

Next claim is that you cannot prevent the slide down a slippery slop. Critics of decriminalization suggest that decriminalization in the Netherlands has led to a slide down a slippery slop, from voluntary to non-voluntary to involuntary euthanasia and that, if we decriminalize, we too will inevitably slide down that slope.

At first, it must be emphasized that there is no credible evidence that involuntary, so against somebody's wishes, involuntary euthanasia is happening in the Netherlands. Second, while it must be acknowledged that non-voluntary euthanasia is happening in the Netherlands, the evidence does not support drawing a conclusion that there has been a trend down a slippery slope from voluntary to non-voluntary euthanasia. The incidence of non-voluntary euthanasia is not linked in a causal way to the legal status of euthanasia in the Netherlands. It has decreased over the time of tracking from 1995 to 2005.

Furthermore, and this can't be overemphasized, the incidence of what critics are calling non-voluntary euthanasia in the Netherlands, where euthanasia is legal, is not higher. Indeed, in some cases, it is lower than in countries where euthanasia is illegal. It's higher in the countries studied with prohibitive regimes. So, when someone points to non-voluntary euthanasia in the Netherlands as evidence of an inevitable slippery slope, demand evidence of Canada's rate of non-voluntary euthanasia.

And this point highlights the need for clarity about definitions because what's being included in non-voluntary euthanasia, when the concerns about the Netherlands are being raised, is cessation of treatment and life-shortening symptom relief without explicit consent of the patient. And that is something that is happening in hospitals across Canada every day.

The final claim you will hear is that these issues fall within federal jurisdiction and so belong to the federal Parliament, not to any province or territory. Not surprisingly, the division of powers has already surfaced in the debate about the discussion that you're leading in Québec. As you're all aware, the Criminal Code prohibits assisted-suicide and euthanasia and criminal law falls within federal jurisdiction. But, that said, I do believe there are pathways to reform opened to provincial authorities.

First, this is already been identified by those speaking about the commission. The results of your work could be used to inform the debate in Ottawa about Mme Lalonde's bill or other bills seeking to decriminalize assisted-suicide and/or euthanasia. One such bill I'd be happy to share with you as an alternate.

Second, guidelines could be promulgated to provide direction on the exercise of prosecutorial discretion. The administration of justice remains within provincial jurisdiction and experience in British Columbia and recent experience in United Kingdom could usefully be drawn upon here for all of the categories of assisted death that I've reviewed above.

Third, not all of the pressure points that I identified relate to the criminal law. For example, the issue of consent clearly rests with the provinces and territories. So, you could very usefully draft consent legislation to provide clear guidance with respect to the withholding or withdrawal of potentially life-sustaining treatment, especially the unilateral issue, which is such a focus of the Québec doctors' brief, the provision of potentially life-shortening symptom relief and life-shortening sedation. In sum, there's a great need for the work that you propose to do. The road will no doubt be difficult as end-of-life law and policy is inextricably linked up with core values about which people disagree. But it doesn't mean we should give up in sight intractable conflict. Rather, we need to actively seek respectful engagement and I certainly hope that Quebeckers will engage with you and the rest of Canada can also learn from the constructive conversations that I hope you are going to have.

So, I welcome your questions and comments.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much, Professor Downie. First, thank you very much for the comments on our initiative. I don't think we're completely sure what we've got ourselves into, but I think you've done a very good job of coming up with the importance of words, the importance of expressions. Because if there's something, I think, we've learned in this first round, is that there are many words that are charged towards a great deal of significance and emotion. And what we're trying to do in this first phase is to come up with a document that is as neutral as possible and trying to come up with a language to engage the population without necessarily setting traps for ourselves in the way we ask questions.

So, thank you very much for those comments. It's something that... and thank you very much as well for understanding the spirit of this stage. Your document... we've asked a lot of questions. My colleague the MNA for Marquette will probably ask you if we can have a copy of your comments because there are very much what we're looking for: what are the right questions to be asking, how do we come up with a document that engages the population's interest. So, if it's too technical, if it's too philosophical, people will tune out, but these aren't simple questions, so we can't come out with a document that's too simple.

So, perhaps, before asking my colleague to ask you a question, do you have any... in terms of the form of the document, in terms of the way of engaging the population, do you have any recommendations you want or might want to make to us?

Mme Downie (Jocelyn): Have you looked at the Senate committee report, the special Senate committee from 1995?

Le Président (M. Kelley): Yes.

Mme Downie (Jocelyn): Because I've found that quite engaging and it was longer than anybody would have expected because often you get a report and people say: It's got to be really, really short. But I think that as long as you keep it engaging, people do read it.

So they work with the witnesses' testimony a lot to try and use the witnesses' voices to represent the different positions around the issues as opposed to the committee's voice and then they ultimately end up assessing and so on. And that might be a nice intermediary step for you, which is using people's voices to...

You do the framing in terms of the issues and the terminology. I think, is essential, you do that framing. But then, using the words of witnesses to speak to the arguments might be very engaging and effective because it gives the personal...

The media will always tell you that: When you want to get somebody to pay attention to a story, have a person, so that may be something worth keeping in mind.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much for those suggestions. The first person to ask you questions is from the Government side, he's the MNA for the Montréal area Riding of Marquette. Mr. MNA.

**(17 heures)**

M. Ouimet: Thank you, Mr. Chair. Welcome, Professor Downie. Thank you very much for having accepted our invitation and thank you for your words of advice on all the pitfalls that await us as we engage into this debate.

One clear advice you gave to us is: Beware of the data and make sure that you track it down to the sources.

I'd like to ask you a couple of questions on the slippery-slope argument which you raised and on the specific data. I mean, the Chair anticipated my question, I want to make sure I can get a copy of your document.

But we've had what I find are very credible witnesses that came before us, including Professor Nootens from University of Sherbrooke and Professor Somerville from McGill University. You probably know both people, and, you know, they were making a very strong case to support the slippery-slope argument based on data that they supplied the committee with. You seem to say or you say that the data available definitely shows that it is possible to protect the vulnerable and to... as it were, have all the safeguards into the system and not disallow the right to euthanasia.

So, I'm wondering if you can enlighten me on that -- you're probably aware of Professor Somerville's writing on the issue for the past 30 years -- so that we can get a sense of what is the empirical evidence out there indicating: Is there, yes or no, a slippery slope or is it more an argument that is used by people who are against the right of euthanasia?

Mme Downie (Jocelyn): I mean, there are also philosophical arguments against the slippery slope, but we'll park those for today. But I do thing they also need to go into your thinking at a certain point but I wasn't taking that as what we were doing today.

But, just in terms of the data, the advice I'd give you is to go to the primary source, not the secondary source. I don't know what Professor Nootens or Dr. Somerville were giving you, whether they were giving you numbers out of the Remelink Report for instance, out of the government data reporting on the Netherlands or whether they were using secondary sources.

Because one of the really interesting things when you track back the reporting on the Netherlands, and I've done this, when you take 10 articles and they're sighting... they're saying the same thing in terms of the slippery slope: Look, there is evidence about the slide, and then you follow their footnotes, they look like 10 different sources for it, you follow then back, they end up in one place. And they end up in one place that has been shown to be misrepresenting the Dutch data by the Dutch and by people who are not proponents of the Dutch system as much as researchers who work within it and really do have a balanced approach to what's going on in the Netherlands. They will tell you about things to be concerned about and also strengths and weaknesses.

So, that's why I said there is a lot of misrepresentation. It's not always intentional, so I'm not ascribing intentional misrepresentations to the people who've spoken with you so far. What I'm not sure of is whether they are siding to you from the Remelink data when you're talking about... about the Netherlands or whether they're siding literature, the academic literature, because that could be a very serious problem.

My recommendation to you is a videoconference again with the researchers in the Netherlands and that was very helpful. I was involved with the Senate Committee a number years ago and they brought in a number of people from the Netherlands to talk to them by videoconference -- technology was nothing like this, so it would be a much more pleasant experience for you, I think -- and it was incredibly illuminating.

To give you an example of the kind, the way in which talking directly to the people involved can turn how you're thinking. There was a lot of talk about the effect of decriminalizing, allowing euthanasia in the Netherlands on palliative care. And people are saying: There is no palliative care there. And one of the physicians said: I do palliative care all the time, but we don't call it palliative care. That's just not what we call it. People are in nursing homes receiving end-of-life care in the Netherlands at much, much, much higher rates than we have in terms of palliative care in Canada, but they don't call it palliative care. So, to say there is no palliative care, technically true, because it doesn't exist, it didn't exist as a field, but not true in terms of the care that you're actually talking about providing.

So, that's why you have translation issues, you have problems of filtering data through multiple sources, so that's where we want to be very careful with that. And the Government of Netherlands does make this data... available so you can get in and see the primary source. Also to be very aware of...

When I talked about the non-voluntary euthanasia piece, and how it's actually higher in countries where euthanasia is illegal than it is in the Netherlands, it's been a lot of misrepresentation around that. So, people would say they have 5 000, how many thousand cases of life-ending acts without explicit request to the patient, which is... the're calling non-voluntary euthanasia. The problem with saying that is they're not telling you that that includes cessation of treatment... and includes withholding or withdrawal. It is not lethal injections of potassium chloride. So, it's... That's where you're getting that euthanasia... one person saying euthanasia here, once here, they are not talking about the same thing. So, we have... if you want to talk about life-ending acts without explicit request to the patient, inside the Dutch data, then you need comparatively to look at our same kind of cases and we... I would speculate we have more, because certainly we are closer to Australia than we are to the Netherlands. So, that would be...

M. Ouimet: Yes. I'd like to raise another question with you. I don't know if you have any comments on preliminary discussions that we are having and, maybe or maybe not, in anticipation of the conclusions of the work of the committee.

But, with regards to provincial jurisdictions versus federal jurisdictions, it's been raised by my colleague from Joliette and from other people who came before us that an argument could be made that... because administration of justice is a provincial jurisdiction and health is a provincial jurisdiction, if we were to go ahead with recognizing the right to euthanasia, we can... and if the Criminal Code were not amended, one of the ways we can achieve our objective is by having our attorney general give guidelines to its substitutes not to prosecute those cases before the courts, if they follow a certain number of conditions, which would have been set by the Québec National Assembly and by the Québec Government.

Do you have any opinion on that? Because... Do we have sort of a skating rink on which we, as a province, could play, even if the federal Government were not to bring changes to its Criminal Code?

Mme Downie (Jocelyn): I definitely think you do. I think you'd have it in a couple of ways.

The first, in relation to consent, because it's the quickest one, is clearly within your jurisdiction and that would help you solve the first three of the kinds of cases I was talking about: so, the unilateral, the palliative treat... that life-shortening pain management and the sedation. Because those... there is not going... I don't think there would be a fight about that. So, you take some leadership there, run with it and I think you'd be fine in terms of jurisdiction.

On assisted suicide and euthanasia, clearly there is an issue with the criminal law power. But we've seen British Columbia... have charging guidelines. They took, they went out on that skating rink and they haven't been called back. There has been no challenge to their guidelines. They have... and they... there is even been a case that was reviewed. The Sue Rodriguez suicide actually was reviewed by a special prosecutor in BC and their decision was made not to prosecute. Clearly, she had an assisted suicide.

So, you have a precedent in BC. I would encourage you to go much further than them. Not so much in terms of what you are allowing or don't allow but rather... the clarity and specificity of the guidelines could be much better.

The other thing is the United Kingdom has just gone down this path and they have issued charging guidelines for... that operate at a national level for them. But the same thing could happen here because you just need to look to where does the... Where does the jurisdiction for charging guidelines rest? Clearly it rests provincially, so you could definitely issue those.

And what you are getting into there is an articulation of what you, as the Parliament, the Assembly, believe to be in the public interest because that's... those... you looked to that when you're establishing the prosecutorial charging guidelines. For the exercise of prosecutorial discretion relates to: Is it in the public interest to charge and is there a significant likelihood of conviction? And both of those are within your... clearly, I think.

So, it is something I'd actually encourage you and other provincial, territorial jurisdictions to look at, because we are not going to see anything from the federal Government for quite some time. And people are dying in pain, suffering, scared, not being protected. There is a paradoxical lack of protection of the vulnerable with the current system because so much is happening behind closed doors and in the shadows. We don't have the protections that a carefully-articulated, clear regime that's regulated would have. So, I'd encourage you to go down that path.

**(17 h 10)**

M. Ouimet: A final question and not within a legal context but within a desirable legal context. Some arguments have been made in the literature that I have consulted that there is no real difference from a moral or from an ethical standpoint between euthanasia and refusal of treatment or stopping a treatment. In both cases, we are dealing with the... presumably the consent of the patient, and, in both cases, we know what the outcome will be: the outcome will be death.

So, if we put it in the current legal framework, we know that there is a clear distinction: one is legal, one is not legal. In our... And our province, years ago, in its Civil Code, has recognized clearly the right of the individual to refuse treatment, even though that may cause his or her own death.

So, I am wondering if you could enlighten us on that. Do you see a difference from a moral or ethical standpoint between those two concepts?

Mme Downie (Jocelyn): I don't. And I've looked at that long and hard because what I did is I took all the arguments that were made for why they're different and tried to see whether they mapped into the legal status, which is you have to withholding/withdrawal on one side and the life-shortening management of pain on one side, and then, on the other, you have euthanasia and assisted suicide. And none of the distinctions that get put forward map cleanly onto that.

Because what happen is you look at something like intention. Well, the intention of assisted suicide is alleviating suffering; the intention of potentially life-shortening symptom relief is alleviating suffering. So, they're not on opposite sides of the line, and so... I can actually send you a PowerPoint, if it would be useful, that shows with respect to each of the arguments that people make about sustaining the distinction, how things move from one side to the other. And you can't get a distinction that maps on... a moral distinction that maps onto the legal line, because acts/omissions... For instance, classic one that will be given to you or you may have had it already, to say: Ah! But, you know, euthanasia is an act, withholding treatment is an omission, and we think there is great moral significance to that difference. But withdrawal is an act. I have to go and take... I have to do something. Provision of life-shortening symptom relief, that's absolutely an act. So, act/omission doesn't do it for you. Intention doesn't do it for you. Motive doesn't do it for you. Natural and unnatural doesn't do it for you. I don't think any of the distinctions that people put forward map. And therefore, I conclude: If you're going to allow one, you have to allow the other.

And interestingly it takes you actually to a move which is: we have to do a better job of regulating withholding and withdrawal, and the life-shortening symptom relief then we do... We have to be more restrictive on that because we are not protecting people in that arena as well as we would if we said: Look, they're all the same in terms of their legal status and we need to regulate them all, and then we'd be protecting people.

M. Ouimet: Thank you very much.

Le Président (M. Kelley): I saw people nodding their heads when you made the offer to send that PowerPoint, so you could take it for granted that that has interest around the table.

The next Member who would like to ask you questions is the honorable Member from Mille-Îles, which is in Laval, in the suburbs of Montréal. So, the honorable Member from Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Good afternoon. English is an awkward language to me sometimes. So, I may have trouble going on in an explanation, but I'll simplify the words I'm using.

You used "How much is too much?", which is an expression I think it's going... I'm going to keep it with me until the end of this «commission». I really appreciated the fact that you said: There is a street law and there's a medical law. And I think how much is too much? Is it just in between the two of those laws?

Street law wants to make a point that we have to help people who are suffering. Medical law has to make a point that we have to protect people from doing things that we don't agree with within the law, which is helping someone to die. So, "how much is too much" is something I'm going to keep with me for the rest of this mission.

I'd like to hear if you know or if you heard about... I am not sure of the term, so I might use a French term and maybe it's English, I am not sure yet, but... «biologist testament». So, that's a paper that you write when you're well, when you do one for your own life, when you leave to your kids your house and your car, even if you think they got it when they were teenagers.

But what would you say if we would have a legal paper that people could use to say: Within the act of dying, or within the act of being sick, I would like this and that to be done or not done, and which would be a legal paper, so when I get to the hospital, and family is around, and they... they are aware of my ways, how would it be, legally, if a doctor says: No, I'm not at ease with what's written here, and I don't feel adequate? How would it be, legally, for the family?

Mme Downie (Jocelyn): Right. So I don't know the expression you were using, but I think we would be talking about the same thing if I say «advanced directives» or «living wills»?

Mme Charbonneau: Wills.

Mme Downie (Jocelyn): Does that ring a bell?

Mme Charbonneau: Living wills, it would be the best.

Mme Downie (Jocelyn): Okay. Okay. So, across Canada, most jurisdictions, all but Nunavut, have some legislation that relates to you making your wishes known, such that, when you become incompetent, your wishes will be followed.

My understanding of Québec is that it doesn't have what are called «instruction directives», but rather has the «mandat», so it's a proxy directive, so I can appoint someone to make decisions on my behalf. And, if I were to write a document like you described, that person would actually have to follow those wishes, they'd have to be taking that into account, but the document itself doesn't stand on its own and say to the doctor: You must do this.

I have a concern about only having proxy directives, because there are many people who have no one to speak for them. There are a lot of people in nursing homes, for instance, who... who don't have anybody they can appoint. And I feel: why shouldn't we let them speak through paper, or speak through video recording... say what their wishes were, because it's what their wishes were when they were competent that we want to use to direct our treatment of them now.

So, that's actually something else that I thought about, but, when I was looking for 20 minutes, I cut it out, which is... which is to this... I thought about the advanced directives and expanding the scope.

In Nova Scotia, we've just recently expanded our scope so that, I think, a complete package of legislation around advanced directives includes instructions, so I can say what I want, say how... how decisions are to be made, specific choices I would make, and, if I have someone I can appoint, I appoint a proxy who will make those decisions, interpret that document for me, so that my wishes can be reflected in... in treatment and nontreatment decisions that come.

In the background to this, there is the common law, which in... We have some Ontario Court of Appeal cases, referenced in the Supreme Court of Canada interestingly, so there's a bit of a... fight about, you know... what force they have, but saying that advanced directives have the force of law in common law, because we should follow people's prior expressed wishes. When someone comes in and you have a substitute decision-maker, the first thing they should do is figure out if they know what the person wanted, and, if they know, they follow that, and, if they don't know, that's when they go to best interests.

So, it would be incredibly helpful, I think, to have the full sweep, you could look at your advanced directives legislation again, it's very big in Québec, and make sure that you have both of those components available so that particularly the vulnerable who are alone are not left without a voice. And then physicians, nurses, health care providers must follow those.

Mme Charbonneau: Thank you.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much. The next Member will be the Official Opposition critic in justice matters, and the honorable Member for Joliette.

Mme Hivon: Bonjour Pre Downie. Vous allez me permettre d'échanger avec vous en français. Merci beaucoup pour un exposé excessivement clair, intéressant et qui, je pense, fait très bien le tour, et rapidement, des principaux enjeux pour lesquels on va devoir consulter la population, et vous avez très bien compris le mandat qu'on a à ce moment-ci, alors merci beaucoup.

Je veux rentrer tout de suite dans le vif du sujet. On a... on a eu la chance d'entendre beaucoup de médecins. La première journée des auditions, on a entendu le Collège des médecins, la Fédération des médecins spécialistes et des omnipraticiens. Vous savez qu'il y a eu des sondages à l'automne, vous savez qu'il y a eu une position prise par ces ordres professionnels. Et on a donc entendu, en fait, de leur part, que des balises pourraient les aider, qu'il y avait un flou, que, dans les faits, on ne pouvait pas dire qu'il n'y avait pas d'euthanasie qui se pratiquait présentement au Québec, que toute la question de l'intention, ce n'était pas clair. Dr Barrette est venu nous dire que, des fois, on parle de sédation terminale, mais, dans le fond, on sait que l'intention, même si on dit pour se protéger que c'est pour soulager, que, dans les faits, on sait très bien que la mort va arriver.

Par ailleurs, on a entendu beaucoup de médecins des soins palliatifs qui, eux, s'insurgent contre une telle... une telle vision des choses et qui, pour eux, il y a vraiment une distinction claire entre la sédation palliative, la sédation terminale et l'euthanasie. Et tantôt... et ces médecins-là s'insurgent contre le fait qu'on puisse dire, comme le collège ou les fédérations ont pu dire, que la sédation terminale peut entraîner la mort plus rapidement. Eux, ils disent que c'est de la fausse information, même chose pour la morphine.

Et aujourd'hui vous employez des termes très clairs qui est «life-shortening sedation»; donc, pour vous, ça a l'air d'aller de pair. Alors, j'aimerais bien comprendre, puisqu'on est dans la définition des termes, comment vous réconciliez ce qu'on entend là-dessus et si, selon vous, la sédation palliative a pour effet de réduire l'expectative de vie.

**(17 h 20)**

Mme Downie (Jocelyn): Yes. This is a great example. They... Can we get them? Okay. Great. I'm just trying to avoid an echo... Okay. There we go. Okay.

So, this is a great illustration of the need to be clear about terminology, because I wasn't using the words «terminal sedation», because, as you said, «life-shortening sedation», recognizing, you know, that that in particular is an area where people will be meaning different things by different expressions, and you can only go by what the definition they spell out is.

That's why for you, when you work with this... there isn't a right definition, it's just... you need to say what the definition is going to be. So, when they're talking about terminal sedation and saying it doesn't necessarily end... shorten life, they're talking, I think, about the ever-increasing levels of morphine that may shorten life.

They're not for sure life shortening, and we don't know. And I've heard a lot of palliative care physicians say, «It doesn't happen.» And I went back -- and I'm not a physician -- so I can't make the ultimate determination of this. But, what I did, was I went into the neurology literature and consulted with people who, I thought, could explain to me the physiology of the depression of the respiration -- that is the issue, that is the potentially life-shortening piece of this -- and I came away convinced that it could... lot of the time, when it's going on, it's not, but that's for sure. And every time you give massive amounts of morphine and slowly increasing up, you're not. I'm not saying you're necessarily shortening life at all. It's just there is a subgroup of those cases in which you maybe... And so, it'll... you'll need to talk with more people about it and get your own comfort level with the evidence and the medecine, the physiological explanations, and so on.

But, that's where I came out and I would refer you to James Bernat, who is a neurologist in the States. I found his work quite helpful, so I can send that along to you as well.

When I was talking about life-shortening sedation, that was for that peculiar category where it is for sure it will shorten, because that's the one where you do the deep sedation. So, it's not pain management, it's not morphine, it's a deep sedation that you couple with the withholding of artificial hydration/nutrition.

Because, if I get totally sedated, I can't eat and drink. And then I have this move that's allowed because it's the way the law is, that, if I refuse artificial hydration/nutrition, you must respect my refusal. So, I have created the circumstances of my own inevitable death, so that's why I call that category life shortening, because a 100% of it is... you die, because, when you don't have your artificial hydration/nutrition, you will die.

The other category, the life-shortening symptom relief, is when I probably was using shorthand when I was speaking, when I write it's potentially life-shortening symptom relief, because you're absolutely right, it's only potentially and it's only sometimes. But my key point is: it is sometimes, and we need to acknowledge then what we're doing we allow that, on the one hand, and we don't allow a lethal injection of potassium chloride.

Just one more point in relation to something you've said about the palliative care physicians, because historically the group has been somewhat homogeneous on the issue, so opposed to assisted suicide, euthanasia. There is a growing disagreement, I would say, within the field, as I've talked to a number of palliative care physicians, and some are very much opposed, and some are not opposed, and some see it as reasonable part of the palliative care... «armamentarium» is a terribly military word for it, but the suite of options that are available to you.

So, the field is split. But there's something that's really important to acknowledge, and that is a different... I said earlier in response to a question: I don't see a morally significant distinction between the things that are on the two sides of the line. There's a psychologically significant distinction for some people, and I don't mean to diminish that. So, some physicians would feel it as being very different, and we need to respect that. That's fine, but that doesn't drive public policy. That, then, is to say... That takes you to say: Okay, you don't participate, but it doesn't take you to a law that says: Nobody can do it.

Mme Hivon: Merci. En fait, c'est exactement ce que je voulais entendre comme précision, parce que je pense que, pour beaucoup de médecins, c'est probablement leur manière de se raccrocher à où ils peuvent tracer la ligne, compte tenu un peu du flou juridique ou en fait du manque d'outils à leur disposition. Donc, pour eux, la sédation terminale, ils n'admettent pas que ça hâte la mort, ils disent vraiment que c'est parce que ça va de soi qu'on ne peut pas être alimenté quand on est inconscient, dans un état d'inconscient. Mais je comprends et je vous remercie de la nuance que vous faites.

Pour rester sur le sujet de la sédation terminale, qui, je pense, en elle-même a beaucoup, beaucoup d'enjeux, et de tenants et aboutissants, vous dites qu'en fait dans l'état actuel des choses il n'y a pas de balises et qu'en soi le fait de se pencher là-dessus et d'éventuellement légiférer pourrait aider pas uniquement pour la question de l'euthanasie, mais aussi pour la sédation palliative, et je veux comprendre: en ce moment, de ce que vous comprenez de la pratique de la sédation... Là, je dis «palliative»; on entend «palliative terminale». Vous comprenez ce que je veux dire. Je pense que, dans votre terme à vous, c'est «life-shortening sedation». C'est à cette réalité-là que je fais référence.

Est-ce que, dans la pratique actuelle, c'est quelque chose qui est utilisé aussi sans le consentement de la personne et potentiellement sur des personnes qui sont inaptes, la sédation pour mettre quelqu'un en état d'inconscience en fin de vie?

Mme Downie (Jocelyn): So, just to be clear, we're talking about the total sedation and then the withholding of...

Mme Hivon: ...sedation.

Mme Downie (Jocelyn): ...artificial hydration/nutrition?

Mme Hivon: Oui.

Mme Downie (Jocelyn): Okay. We don't know. There's the answer: we can't know, because the studies are not being done. We know of cases, it's anecdotal. There's more that's coming out in the United States. There was recently a large story in the New York Times about the practice and some experiences people have been having with it.

So, I think we can confidently say it's happening. I think it's... Anybody who says they know how much, you know, ask them for the data, because I have not seen it. And I'd be surprised if you could find it, because one of the things, one of the reasons we don't have a lot of data in this area is: people are scared that what they're doing is illegal, and so they don't want to participate in research, because you're potentially reporting yourself for criminal activity, and that's a problem. And a lot of research ethics boards wouldn't even allow that research to happen, because you would be putting people at peril of prosecution, because they don't know... So, it's something...

Another thing that could usefully be done in Québec is to set up a system whereby the research could happen and people could safely participate, so that we really could find out what's going on.

You questioned whether it was going on without consent of the participants. I don't think what I described as the very deliberate, in effect, form of slow assisted suicide, I'd be very surprised if that's happening without consent. That's a deliberate move of someone who's, I think, competent and saying: This is my way to get what I want, which you won't give me, you can't give me, and, as long as I characterize it as sedation and refusal of treatment, I'm Okay. That would... I doubt that you're seeing that without consent. What you would be seeing... This is a game where the ground's slippery in terms of what... being sure we're all talking about the same thing.

There would certainly be lots of cases where somebody is totally sedated, because it's a means of controlling their pain and it's the only means of controlling their pain and suffering, because those are of course different, related but different. So, they're totally sedated as a means of controlling their suffering and pain, and then the family says: Don't do artificial hydration/nutrition, stop the artificial hydration/nutrition. This is it, this is over. So, you don't have consent, and that would be going on, it's just a part of end-of-life care that we certainly would be seeing.

**(17 h 30)**

And that's exactly the kind of thing that is what the people referring to the problems in the Netherlands are referring to. Those are the cases they're characterizing as non-voluntary euthanasia. And yet here we clearly wouldn't be characterizing those as non-voluntary euthanasia, we would characterize that as a withholding of treatment, appropriate care.

So, it's why we want to get really clear about the different kinds of practices and then get really clear on what the goals are, and the reasons for doing things, and the benefits, and the potential risks, and then regulate, make sure it's happening properly so, for instance, so we could be sure that it's never happening without consent.

Mme Hivon: Merci. J'aimerais vous amener sur le cas de Sue Rodriguez. On a eu un témoin un peu plus tôt aujourd'hui qui nous a dit qu'elle pensait qu'aujourd'hui peut-être que la décision de la Cour suprême qui a été excessivement serrée, cinq contre quatre, pourrait être différente, du fait que tous, l'ensemble des juges avaient reconnu qu'il y avait une violation en n'accordant pas ce droit-là à l'article 7 de la charte, mais la différence se faisait en ce qui a trait à la justification sur l'article 1 dans la société libre et démocratique.

Est-ce que vous pensez, compte tenu de l'état actuel du débat, que la décision... Évidemment, c'est très prospectif comme question, mais, vu que vous êtes une experte, est-ce que vous pensez que la décision pourrait être différente aujourd'hui?

Mme Downie (Jocelyn): Okay. I just got the «since you're an expert, could the decision be different today?», but everything else was French, I am afraid, and I wasn't able to catch it. Can I speculate that what you were asking is: We had the Rodriguez decision, it was five to four, and if we had another Rodriguez decision, would it be the same?

Mme Hivon: Yes.

Mme Downie (Jocelyn): Good. Okay. Okay.

Mme Hivon: Oui, c'est ça.

Mme Downie (Jocelyn): Okay. Okay. I absolutely believe that it would be decided differently today, wrote a paper about that, that again I could send to you if you want.

Because what I looked at was whether the law had changed and whether the facts on the ground had changed, because of course the facts as just... I think I understood them were very important for his section 7 analysis. And so I went through: Has the section 7 jurisprudence changed? And I think it has, such that the test, how they would run the test, what will have to happen in section 1 instead of in 7 has changed, and then went though all the different factual claims that he made inside his section 7 and also since show that: Look, the evidence we now have around these, it's no longer true.

So, for instance, a little example, «silly examples», he said, you know: Nowhere has this. Well, Switzerland, the Netherlands, Belgium, Washington, Oregon.

We now have mounting number of countries that are like us that have decriminalized. And then the section 1 analysis again running in relation to the evidence that we now have. I think if... I mean, we also have... The Court has almost completely changed since Rodriguez. We don't even have the same people there at all and it was 5-4, it was so close as 5-4, and I think we have a lot more evidence about what Canadians want now too, which plays into their analysis. I mean, carefully so.

And so, I think if we had a case, it would go up and it would go the other way. That's why I hope... I wish the federal Parliament and I sincerely hope that provincial and territorial ones would move because that's a terrible way to make law. Imagine what Sue Rodriguez went through in her last months and she shouldn't have had to be spending any of that time fighting this case.

So, if you can anticipate that it will fall and I think you reasonably... if you look at the arguments, you would say: It will fall in the face of a challenge. You should not make some single person have to bear that burden of taking the case all the way there. And we need leadership from parliamentarians to say: Look, we need to grapple with this because I do think it would fall.

Mme Hivon: Et, si j'ai du temps pour une dernière question, est-ce que... En espérant que vous allez entendre au complet la question?

Vous savez sans doute que le Collège des médecins est arrivé avec une approche un peu innovative... innovante en suggérant que l'euthanasie pourrait en fait être vue dans le continuum des soins de fin de vie comme un soin approprié de fin de vie et d'enlever le focus sur le droit criminel pour peut-être le redonner sur celui des soins de santé de fin de vie. Et ici on a entendu des personnes dont une personne, M. Ghislain Leblond, qui est lui-même atteint de sclérose latérale, qui dit en fait que peut-être qu'il n'est pas essentiel de passer par le prisme du droit criminel, mais qu'en vertu de nos compétences en matière de santé, de consentement, notamment d'administration de la justice et d'ordre professionnel, l'euthanasie pourrait être vue comme un soin de santé.

Comment vous voyez cette approche du Collège des médecins et cet argument-là qui est fait?

Mme Downie (Jocelyn): I think conceptually it does belong in the continuum of care. I think that's a good way to look at it in terms of why we give people the decisions and who's participating in the event and who are... participating in the decision-making. So, philosophically, yes, and conceptually, that's where it belongs.

Legally, I'm not so sure you can draw that line so clearly to just sort to say: It's health, so it's us. Because there is a very clear statement in the Criminal Code on both euthanasia and assisted suicide, I don't think you can sustain an argument to: That is outside their jurisdiction. I mean, it's clear, it's criminal law power.

But you have the room in the prosecutorial discretion piece of provincial jurisdiction, I absolutely think you do. And that's where... It's almost like: Here's the continuum of care, which is medical health arena, over here you have the criminal law, and here you have these groups come together to forge the prosecutorial charging guidelines. Because what you're doing is in effect saying: As long as you follow the appropriate care and continuum of care, and what's determined to be the guidelines for care by the professional associations and by the public and by politicians, it needs to be everybody, that's serving the public interest and that's what drives charging guidelines. That's what lies behind the exercise of prosecutorial discretion: it's a societal role of navigating between the harsch and clear criminal law and the application of the law, and the administration of it.

So, that's where I think you'd still need to do that. I don't see that you can simply declare a continuum of care but I think it's consistent with the approach that they're suggesting to sort of say: This is the path we would get... Let's really clearly establish what a continuum of care, what the circumstances, practice guidelines, regulations we would need and let's reflect that in our charging guidelines.

Mme Hivon: Pour terminer, j'aimerais revenir, moi aussi, sur l'exemple des Pays-Bas parce qu'on doit vous avouer qu'on est un peu perplexes ici: on a entendu tout et son contraire. Et je veux bien comprendre ce que vous nous dites.

Vous nous dites en fait que la base qui fait en sorte que la littérature s'est élaborée et que les thèses sont un petit peu différentes peut-être sur: Y a-t-il une pente glissante ou non? en fait, c'est un peu une manière de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide selon l'évolution qu'on voit et l'amélioration des choses aux Pays-Bas.

Quand vous nous dites... je comprends que vous nous dites: On doit partir des documents officiels, je pense que c'est notre souci à nous tous, mais qu'est-ce qui explique... comment on peut expliquer qu'il y ait autant de différences après, dans la littérature, dans l'interprétation qui est faite de ces faits-là?

**(17 h 40)**

Mme Downie (Jocelyn): Part of it is a lack of understanding and that relates to language, simply translation problems. Part of it is a lack of understanding of the cultural context in the Netherlands, what's happening, how the health care system works and the differences in what care is actually being provided. So, those are what I'd characterize as honest misunderstandings that lead to misrepresentations in the literature that are out there.

Another part of it is that it is a political... campaign is the wrong word, but it's deliberate. It's a deliberate misrepresentation of what's happening in the Netherlands by people who are opposed to euthanasia on moral grounds, because they believe in sanctity of life, for example, and they use the slippery-slope argument to bolster. Because what happens is, if you make a sanctity, somebody comes in to you and says: I'm making a sanctity-of-life argument against you going anywhere near this and we should keep this as illegal. You're going to react likely and say: But that's not appropriate basis for public policy. We have... you know, you can hold that view yourself and we will respect that. But we can't... we can't base our criminal law on your beliefs there. But, if they come with a slippery-slope argument, it's much more concerning for you.

So, it's an effective, it's a very effective tool in the literature to persuade people because it's scary, you reference something that goes deep into our psyches, which is the Holocaust, and that's what happens a lot and it's really, really unreasonable and unfair to the Netherlands to do that. But it's done for rhetorical effect and it's effective because it's so powerful.

So, so, yes, bottom line is... some of it is innocent misunderstanding. And it's a little complicated when you look at... You know, we call life-ending acts without explicit request to the patient and we try to figure out what is that and how does that relate to euthanasia. We're using different... You know, that's fair enough. But some of it is absolutely deliberate misrepresentation.

And, for instance, one of the people has been sued, one of the people who probably gets a lot of this has been sued by a leading researcher in the Netherlands for misrepresenting his data. So, it's... it's a mixed bag, as to why you are getting the mixed messages.

And, the other thing, frankly, to say, is that: It's not all... you know, all the people who are opposed are misusing and misrepresenting. I think, on the other side, because it's so powerful as an argument, people want to debunk it completely and utterly, so they just deny there's any problem in the Netherlands and there's anything to be concerned about. And that doesn't help either, because it's not true, I mean... That's why I was recommending... I could recommend some people in the Netherlands who say: We have reasons to be concerned. There's this. There's that. This is what we're doing to fix that. You know, their reporting rates, for instance, early on weren't great. So, they've reflected on that and fixed it.

But, if you just wanted... if you were playing hardball and... trying to defend your position, you know, there's a temptation when you are making an argument to knock down the other side, because you think: If I leave anything standing, I'll lose at the end of the day, instead of recognizing that you need to say: Here's strength in this argument, here's where this is not right and here's where it's legitimate. And we need to deal with legitimate concerns, and here's what... it's... so, that is all left standing, and hear then all the rest of the things I bring to the argument and on the whole, then, this is the approach I take to public policy.

That's a better way. It's intellectually more honest and appropriate, but it doesn't play politically. The media don't want somebody to nuance everything they say. And so, that's why I think some of that happens. And so, everybody... I'll include myself, as we all need to sort of step back and go back into the original data, be really clear and upfront about what all is going on. Look at Washington, look at Oregon as well, there's amazing public data on Oregon now, and... and say...

You know, it's not the case that there's no concern about where it would go. The argument is in fact that you can prevent it from going places you don't want it to go by carefully regulating it. And where we are now is actually not a good space. We are on a different slippery slope; that's actually a problem. So, that's... you know, we have to... it all and wrestle with it. But really press people on the data when they're presenting data to you.

Le Président (M. Kelley): On that, I... it's left to me, Professor Downie, to say: Thank you very much. Your description of not leaving your adversary standing sounds like a description of question period. So... But we are trying to have a different kind of atmosphere around this table, because what we are dealing with is a very complex issue, but...

Many thanks again for having understood the spirit of what we're doing at this stage, to ask as many questions, to try to come up with as clear a language as possible, expressions and definitions. It's been very useful to us. It's been a breath of a fresh Atlantic air for us today.

So, I'd just like to say: Thank you very much. Thank you very much to the technicians at Dalhousie University as well, who have made this possible.

À mon tour, ici également, nos techniciens, le service de traduction, qui ont aidé pour... fait le tout pour avoir cette opportunité de partage de l'expertise du Pr Downie avec nous.

So, thank you very much. Goodbye! Enjoy a nice evening in Halifax.

And, sur ça, je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

 

(Reprise à 17 h 49)

Le Président (M. Kelley): ...reprend ses travaux. On a la chance maintenant d'avoir le témoin dans la même salle que nous autres et c'est le Pr Jean-Pierre Béland, qui est le professeur en éthique et en philosophie de l'Université du Québec à Chicoutimi, qui a organisé, entre autres, un colloque à ces questions en 2007, de mémoire, et qui a fournit quelques exemplaires des actes, si vous voulez, Mourir dans la dignité -- Soins palliatifs ou suicide assisté, un choix de société, que j'ai lu pendant les fêtes pour me préparer pour ça. Il y a, entre autres, un chapitre qui est écrit par l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux, à l'époque un médecin qui était très impliqué dans les régions, dans les questions des soins palliatifs, et tout le reste. Alors, merci beaucoup pour le cadeau, et on a des exemplaires pour les membres de la commission qui n'ont pas eu l'occasion encore de lire le livre.

**(17 h 50)**

Alors, sans plus tarder, Pr Béland, la parole est à vous.

M. Jean-Pierre Béland

M. Béland (Jean-Pierre):Alors, je tiens à vous remercier de m'avoir invité. Je vais donner un point de vue de philosophe et d'un philosophe versé en éthique. Alors, je trouve signifiant et heureux que la commission ait changé de nom, c'est-à-dire qu'elle est passée de la Commission sur le droit de mourir dans la dignité pour devenir la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Pourquoi? Bien, parce qu'en sortant du monde du droit nous entrons dans celui de l'éthique et, dans l'éthique, ce n'est pas le droit qui passe en premier, mais c'est la question et surtout c'est la situation de la demande de mourir dans la dignité, excusez, qui occupe la première place. Donc, ici, mon propos est centré sur la personne et non pas sur le droit. Ça ne veut pas dire qu'il faut exclure le droit.

L'éthique nous permet d'habiter davantage la complexité de la question de l'interprétation de la demande de mourir dans la dignité. Alors, j'ai un double objectif dans ce mémoire. Le premier objectif, c'est de rappeler grosso modo les grandes lignes. C'est-à-dire, les deux objectifs sont de rappeler les grandes lignes de l'ouvrage Mourir dans la dignité, mais, en suivant un peu ce qui s'est publié dans les journaux, j'ai adapté un petit peu mon propos.

Alors, le premier objectif, c'est de rappeler que, lorsqu'on parle de mourir dans la dignité, en éthique, il s'agit de partir de la question complexe de l'interprétation de la demande de mourir dans la dignité. Et, dans le contexte clinique, juridique et éthique actuel, la question prend la forme du dilemme suivant: Que faire lorsqu'un patient atteint d'une maladie incurable terminale vous demande de l'aider à mourir dans la dignité? Comment le médecin, le personnel soignant, les proches et la société pourraient-ils bien interpréter cette demande pour aider le patient à accéder à une certaine dignité du mourir? Le patient veut-il cesser de souffrir indûment ou hâter la fin de sa vie? C'était d'ailleurs la question qui se posait en 2003 avec le rapport de Marie de Hennezel, là, ils avaient le même dilemme.

Au fond, quel est notre problème lorsqu'il est admis que le médecin doit répondre à son code de déontologie qui dit qu'il doit faire advenir la mort du patient dans la dignité? Bien, le problème, vous l'avez... vous le savez tous, c'est le Code criminel actuel. Ce Code criminel, qui est de juridiction fédérale, reconnaît que tout acte d'euthanasie doit être actuellement interprété comme un acte criminel au sens du Code criminel.

Alors, quand j'ai écrit la question ici, avec le comité régional de bioéthique -- il y avait le Dr Bolduc qui est le ministre, actuellement, de la Santé -- et puis on était très fiers d'avoir posé ainsi la question, parce qu'on sentait que le Code criminel nous mettait dans une impasse, et je cite ici ce que nous avons noté: Dans la pratique, le patient n'est-il pas acculé à l'impasse parce que la loi, synonyme de responsabilité légale, force les médecins et les soignants à se limiter à vivre dans l'ambivalence du langage des soins palliatifs, qui prêchent l'autonomie de choix du patient alors qu'en réalité il n'a aucun choix parce que le suicide assisté et l'euthanasie lui sont refusés? En vérité, il est contraint, selon la loi, à devoir continuer à vivre. Beaucoup de médecins et de soignants ne voudraient pas appeler dignité une pratique de bienfaisance lorsque le patient voit le prolongement de son agonie comme indigne et insupportable, d'autant plus qu'il ne correspond pas à ses choix. La dignité dans le mourir n'est pas facile à atteindre et est même impensable, d'un point de vue philosophique, sans le respect de l'autonomie de choix du patient. Je pourrais rajouter d'un point de vue éthique aussi.

Alors, le second objectif de mon mémoire, c'est de rappeler que... on a parlé tout à l'heure d'intention juridique et d'intention éthique. Je voudrais peut-être préciser un petit... un peu davantage c'est quoi, une intention éthique.

Une intention éthique, c'est de viser non pas à se demander: Est-ce qu'on tue ou on ne tue pas le patient? Une intention éthique, c'est plutôt se demander: Est-ce que je favorise la liberté responsable du patient lorsque c'est possible? Donc, ici, l'objectif, l'intention de l'éthique, c'est de rendre autonome le patient lorsqu'il est apte. S'il n'est pas apte, bien on sait qu'il y a d'autres façons de procéder avec les proches.

Alors, liberté responsable, qui est l'essence même de l'éthique dans une perspective humaniste. Alors, la première partie du livre Mourir dans la dignité, les trois premiers chapitres, elle a comme première exigence méthodologique de ne pas ignorer la question du patient, c'est-à-dire: Le patient veut-il cesser de souffrir ou hâter la fin de sa vie?

La première et la plus authentique solidarité n'est pas à l'évidence de répondre à sa demande tout de go, même dans le respect des règles établies, car c'est là une solution de facilité incompatible avec l'application du principe d'autonomie responsable, dans un contexte de compassion et d'accompagnement à la mort dans la dignité.

Je rappelle ici les propos du médecin Axel Kahn, en France: «En priorité, il faut s'efforcer de rétablir les conditions de la manifestation d'un choix vraiment libre.» Alors, la question qu'on s'est posée au comité régional de bioéthique avant de faire le colloque: Quelles sont ces conditions d'une liberté responsable? Et nous en avons trouvé trois.

Évidemment, il y a, première condition, la clarification des concepts. Que signifie mourir dans la dignité? Que signifie soins palliatifs, suicide assisté et euthanasie? La deuxième condition, eh bien, je vais faire plaisir à certains, c'est la modification de la législation canadienne pour l'adapter à la réalité clinique et sociologique. On pourra peut-être discuter plus tard là-dessus. La troisième condition, et ça, c'est pour moi, c'est ce qu'il y a peut-être de plus important, c'est la démarche éthique à suivre en adoptant une stratégie de questionnement parce que, je le rappelle, que le but, c'est toujours de favoriser la liberté de choix responsable des proches, du patient et même du médecin ou des soignants.

En suivant l'ensemble de ces trois conditions lors d'un processus de décision responsable, les véritables enjeux éthiques sont: l'accompagnement du patient, le respect de sa liberté et de sa dignité.

Allons-y pour la première condition. La clarification des concepts et des pratiques concernant mourir dans la dignité, c'est la première condition. Que signifie mourir dans la dignité? Cette question désigne les conditions dans lesquelles on meurt, conditions physiques, psychologiques et sociales qui font qu'on meurt de façon douce et sans souffrances, d'où l'étymologie du mot «euthanasie», faire une bonne mort, sans être aux prises avec les douleurs, les angoisses qui pourraient l'accompagner.

Évidemment, cette définition étymologique est large comme d'ailleurs... Parce que l'euthanasie active n'aura pas cette définition aussi large du mot étymologique, mais il reste que le concept souffrir ou mourir dans la dignité, c'est aussi un concept très large, comme vous l'avez déjà signifié. La signification éthique et philosophique du mot «dignité» désigne le mourir dans des conditions telles que ce qui fait le propre de l'être humain soit préservé et respecté, à savoir sa valeur comme personne humaine dans sa liberté de choisir et dans sa possibilité de relation avec autrui malgré les détériorations corporelles.

Cette dignité est inhérente à la nature humaine, celle de personne dotée de nature humaine. Elle est possédée du seul fait que nous sommes des personnes conscientes et libres, à la différence des autres être vivants. Bon, le philosophe Kant, père de la déontologie contemporaine, est le premier à traiter explicitement de dignité humaine lorsqu'il dit qu'il ne faut pas faire de l'être humain un moyen en vue d'une fin autre que lui-même, mais il faut en faire une fin. Bien, évidemment, il faut respecter l'autonomie et la liberté et la vie aussi du patient.

Cette dignité dans le mourir vaut pour tous les âges et en tant que telle n'a pas d'âge. Elle s'applique aux grands prématurés, aux enfants, aux personnes âgées et à toute personne en fin de vie. Il faudrait donc éviter de réduire la question mourir dans la dignité à une simple revendication des soins palliatifs ou encore une revendication d'une aide au suicide ou encore à une revendication de l'euthanasie. La question sur le terrain de la pratique des soins palliatifs pourrait devenir: La dignité humaine est-elle respectée quand le patient demande l'euthanasie et que le médecin lui offre le continuum des soins palliatifs pour diminuer sa douleur en fin de vie?

Tout cela signifie que, lorsqu'on parle d'une réflexion sur les soins appropriés, comme dit le Collège des médecins, en réponse à la demande de mourir dans la dignité, il faut absolument que la commission aide le public à reconnaître toutes les facettes du mot mourir dans la dignité et toutes les facettes des pratiques de soins comme euthanasie, suicide assisté et soins palliatifs, afin d'alimenter les échanges et débats et voir si une position commune peut s'en dégager pour favoriser les consentements libres et éclairés.

**(18 heures)**

Bon, qu'entend-on par euthanasie? J'ai amené quelques définitions. La loi néerlandaise définit l'euthanasie comme une intervention médicale active en vue d'abréger la vie, à la demande expresse du patient. La loi belge la considère comme étant l'acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne, à la demande de celle-ci. Au Canada, c'est un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances.

Ainsi, on a parlé tout à l'heure du refus de traitement. Le refus de traitement, anciennement appelé euthanasie passive, n'est pas de l'euthanasie selon la loi. Bon. Il y a le cas de Nancy B. que vous connaissez.

Qu'est-ce que le suicide assisté? Bien, le suicide assisté est différent de l'euthanasie au sens d'un acte posé par une personne en fin de vie ou non avec l'assistance médicale. L'aide au suicide se définit comme le fait d'aider quelqu'un à se donner la mort en lui fournissant les renseignements ou les moyens nécessaires.

Qu'est-ce qu'on entend par soins palliatifs? Alors là, c'est... il y a plusieurs définitions acceptées par la loi. Ils ont pour but, et c'est ça qui est important de retenir, ils ont pour but d'assurer le confort du patient tout en lui évitant le plus possible la douleur physique, psychologique, spirituelle, religieuse ou autre. L'accent est alors mis sur la qualité de vie plutôt que sur la quantité de vie.

Alors, que faut-il retenir en conclusion de cette première partie? Vous avec dit tout à l'heure que mourir dans la dignité, c'est d'avoir accès à tous les soins possibles. Je pense que oui. Et il y avait un article, comme vous le savez, dans le journal d'hier, je trouve ça bien: Vivre dignement d'abord, et ensuite mourir dignement. Ça veut dire que mourir dans la dignité, ce n'est pas simplement de l'euthanasie, ça peut être un processus dans lequel il y a accompagnement et que le patient se sent respecté dans sa liberté, et, par le fait qu'il se sent respecté dans sa liberté, il a le sentiment de mourir dignement.

Alors, la commission doit présenter un panorama général de la question mourir dans la dignité et une vue d'ensemble des options qui s'offrent alors au choix, et puis clarifier les divers concepts qui vont déterminer les pratiques cliniques.

Bon. Vous avez souvent relevé le point de la confusion pour ce qui est du principe du double effet. Évidemment, si je suis Canadien puis je veux défendre la loi canadienne, je vais dire que la loi est très claire là-dessus, c'est-à-dire que, lorsqu'un médecin injecte un médicament et puis que ça a comme effet de produire la mort, la loi est claire, ce n'est pas de l'euthanasie. Si vous êtes du côté du Collège des médecins puis vous voulez ouvrir le débat, alors là, vous allez sauter sur l'occasion pour dire: Bien, il y a un flou. C'est ténu. Alors là, c'est comme s'il y avait une petite porte ouverte pour enfin faire un débat sur la question de l'euthanasie et, en ce sens-là, je pense qu'il faut être prudents dans les différents documents qui sont offerts à lire parce que, selon que vous êtes pour ou selon que vous êtes contre, vous allez choisir les documents qui font vos affaires. Comme expliquait mon maître à penser Raymond Boudon, en France, il me disait toujours: Tu sais, Jean-Pierre, quand tu veux gagner un point de vue, tu trouves tous les arguments pour y arriver. On appelait ça des hyperboles.

Alors, c'est vrai que le principe du double effet, plusieurs cliniciens, comme dit le Collège des médecins, refusent de reconnaître que l'administration d'une dose additionnelle d'analgésique correspond à de l'euthanasie, puisque l'intention première du médecin est de contrôler la douleur et non de provoquer par inadvertance le décès du patient. Je tiens à vous faire remarquer ici qu'on vient d'oublier le patient. C'est l'intention qui compte, ce n'est pas le patient qui compte. Alors, c'est pour cette raison que je tiens à vous souligner la distinction entre une intention juridique puis une intention éthique.

Alors, l'autre condition d'un choix libre du patient, je pense que c'est la modification de la législation canadienne, en tout cas, je ne sais pas comment est-ce qu'on pourrait y arriver sans qu'il y ait certaines modifications en raison du Code criminel. La modification de la législation canadienne, c'est la seconde condition pour favoriser un choix libre et éclairé. C'est pourquoi il est bon de rappeler à la commission qu'en passant au monde de l'éthique dans lequel la question de mourir dans la dignité occupe la première place la réflexion quitte le statu quo de la législation canadienne, mais ça on peut le faire en éthique -- c'est un point de vue réflexif -- pour créer l'encadrement souhaitable. Comme dit le Collège des médecins du Québec, l'encadrement légal souhaitable nous apparaît être celui qui fixera les règles du processus menant à une décision.

Vous voyez, il y a l'idée ici de créer une décision, c'est ça l'intention, et non pas une liste de diagnostics pour savoir c'est-u de l'euthanasie ou pas de l'euthanasie. Ce processus décisionnel doit inclure l'expression de la volonté du patient, ainsi que le respect de ses croyances et de ses valeurs, de même que le jugement professionnel du médecin dans le but qu'ils arrivent à une décision commune.

Faut-il vraiment décriminaliser l'euthanasie? Bien, on en a parlé, les sondages d'opinion publique démontrent qu'une majorité de médecins et de citoyens est favorable à l'euthanasie et que la loi devrait en tenir compte et être modifiée. Là, vous avez deux types d'arguments, vous avez l'argument de la pente glissante: l'argument majeur contre la décriminalisation de l'euthanasie qui semble dominer dans les débats éthiques, juridiques et cliniques est que les abus possibles seraient incontrôlables. Pourtant, si vous êtes dans l'autre camp, vous allez dire le contraire, vous allez dire un... L'argument militant en faveur de la décriminalisation de l'euthanasie dit au contraire qu'un encadrement strict empêcherait, préviendrait ou diminuerait les risques d'abus possibles.

C'est exactement l'argument que le philosophe André Comte-Sponville, en France, a utilisé pour défendre l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, et là je le cite parce que je trouve que c'est très bien dit: «...faire une loi sur l'euthanasie est la seule façon de la contrôler réellement et de combattre d'éventuelles et déjà réelles dérives. On ne dira jamais assez qu'il y a dans nos pays des services où l'on pratique l'acharnement thérapeutique, c'est vrai, mais aussi d'autres services où l'on pratique l'euthanasie à la sauvette et de manière abusive. On m'a rapporté un nombre énorme de cas de patients conscients, euthanasiés sans qu'on leur demande leur avis. Ce n'est pas de l'euthanasie, c'est un assassinat! La seule façon de contrôler l'euthanasie, c'est qu'il y ait une loi: dès lors que l'euthanasie est censée ne pas exister, aucun contrôle n'est possible. Comment voulez-vous contrôler le néant? Reconnaissons que l'euthanasie existe, légiférons justement pour combattre le risque de dérive et pour instaurer un certain nombre de contrôles en amont et en aval...» Et, dans ce sens-là, bien on peut citer les Pays-Bas et la Belgique.

Conclusion de cette partie: La loi canadienne ne permet pas l'euthanasie, mais, étant donné qu'à cause du double effet, on dit qu'elle se pratique au Québec, ne faut-il pas l'encadrer pour favoriser le choix libre et éclairé? Alors, moi, c'est l'idée toujours de l'intention éthique, du choix libre et éclairé. Comme l'affirme le Groupe de travail en éthique clinique qui a été mandaté par le Collège des médecins du Québec, l'euthanasie est vue comme l'étape ultime nécessaire pour assurer jusqu'à la fin des soins palliatifs de qualité. Elle n'est pas nécessairement contraire à la pratique des soins palliatifs. Il faut mieux encadrer cette pratique. Là, ici, comme j'ai dit tout à l'heure, vous avez un point de vue de personnes qui veulent que le débat soit ouvert. D'un point de vue juridique, on pourrait contester cette façon de le dire.

Le dernier point que je trouve très important, c'est la démarche éthique, qui est une condition. Si la dignité de la personne qui comprend son consentement libre et éclairé doit primer, on ne pourra parler de liberté de choix qu'aux fins de la démarche éthique. Pourquoi? Une morale du devoir inscrite dans un code de déontologie est-elle nécessaire pour fixer les comportements et régler les problèmes?

Le comité régional du Saguenay--Lac-Saint-Jean n'y croit pas vraiment. Il souscrit plutôt à l'examen des limites de l'approche déontologique. Comme la morale et la déontologie, le droit pourrait indiquer des obligations générales, mais se révèle incapable d'amener les personnes à les actualiser systématiquement dans leurs actions particulières et complexes. Ce droit qui signifie qu'on va contrôler par la sanction, la punition, est un autre risque négatif quand la préoccupation éthique est aussi bien chez les médecins que dans la population. Ni le statut quo ni les nouveaux projets de loi ne parviendront à remplacer la démarche éthique qui peut se vivre au quotidien. Donc, vous voyez un peu l'idée, c'est comme... un peu comme la coupe du bois au Québec, on se plaint que les lois ne sont pas respectées, et puis... Bon, etc.

**(18 h 10)**

Quelle démarche pourrait donc assurer l'accompagnement nécessaire du patient? Le livre Mourir dans la dignité?, dans le fond, qu'est-ce qu'il fait? C'est qu'il offre une stratégie graduelle de cinq questions. Je vous rappelle les questions.

La première question, c'est celle que j'ai nommé au début: Le patient veut-il éviter de souffrir indûment ou hâter la fin de... hâter la fin de sa vie -- dilemme pour réfléchir?

Deuxième question: À qui revient-il de répondre? Alors là, vous avez deux possibilités de répondre. Il y a une conception individualiste qui soutient que le patient est le seul juge de la dignité de sa vie, mais une conception interpersonnelle défend, au contraire, l'idée que nous sommes tous dépendants les uns des autres au sein d'un tissu familial et social et que le sentiment de sa dignité dépend aussi du regard des autres.

Quelle est exactement la question lorsqu'on a saisi ça? Le médecin, selon l'expérience de la communauté des soins palliatifs, se demande: Est-il libre, ce patient à qui le choix de cesser de vivre, c'est-à-dire de renoncer à la vie, met fin à son autonomie? Autrement dit, la personne n'est-elle pas dépressive? Est-elle vraiment libre? A-t-elle un autre choix?

Quelles sont les décisions possibles? Bien, la modification de la loi pourrait donner la permission évidemment d'accéder à des soins palliatifs de qualité, mais aussi d'ouvrir la possibilité de l'euthanasie dans le continuum des soins palliatifs.

Et, parmi ces décisions possibles, quelle est la meilleure? Bien, évidemment, d'un point de vue éthique, c'est celle qui jaillit de l'accord mutuel ou du consensus sur la question.

Conclusion générale...

Le Président (M. Kelley): Rapidement.

M. Béland (Jean-Pierre): Oui. Tout au long de la lecture du présent mémoire, il ressort que la liberté de choix de la personne qui demande à mourir dans la dignité est la première et incontournable priorité dans un processus décisionnel. Chaque demande de mourir dans la dignité est un cas complexe de recherche de sens de la décision, puis il y a trois conditions que j'ai données pour y arriver.

La loi actuelle n'est à l'évidence pas adaptée à la situation. Ne vaut-il pas mieux légiférer pour circonscrire les conditions requises d'une réelle liberté de choix qui permet de mourir dans la dignité? Quelle que soit l'issue du débat, elle devra résulter nécessairement d'une position sociale éclairée.

Si la lecture de ce mémoire vous a fait cheminer sur l'importance de réfléchir sur la question de mourir dans la dignité afin que les mentalités et, partant, le législateur se rendent à l'évidence qu'il n'y a pas de dignité de mourir sans une réelle liberté de choix, le but poursuivi aura été atteint.

La commission estimera-t-elle que ce mémoire, qui sera rendu public sur le site Internet, constitue un engagement qui mérite d'être souligné? Ce mémoire doit servir d'outil à la discussion et au débat en vue d'une prise de parole commune. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Pr Béland. Je m'excuse d'accélérer, mais on a deux autres témoins après, et il y aura un grief syndical, j'en suis certain, parce qu'il faut terminer avant de recommencer demain matin. Alors, on va faire deux blocs de 18 minutes. Je vais commencer avec M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président, oui, et merci, M. Béland, pour votre mémoire qui est succinct mais qui est très riche en termes d'alimentation au niveau de la réflexion.

J'essayais de faire un lien entre votre mémoire et ce que le Pr Downie nous a dit un peu plus tôt. Je pense que vous avez participé à... vous étiez...

M. Béland (Jean-Pierre): Ce serait peut-être bon de me rappeler ce que vous voulez... pour...

M. Ouimet: Oui, oui, bien sûr. Je vous mets en contexte. Dans le fond, je cherche de votre part un éclairage, ou des conseils, ou des balises sur comment doit-on bâtir notre politique publique, ce que le Pr Downie référait à «public policy», et dans quelle mesure est-ce qu'on doit tenir compte ou pas des valeurs morales des différents individus.

Je relisais, à la page 6 de votre mémoire, le point 2: À qui revient-il de répondre entre la conception individualiste qui soutient que le patient est le seul juge de la dignité de sa vie et la conception interpersonnelle des valeurs en société? C'est précisément cela, je pense, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Rodriguez, 5-4, où les juges de la majorité semblent dire que le caractère sacré de la vie a préséance sur les droits individuels, et ça a été une décision très, très partagée.

Quand je relisais les propos du Pr Somerville qui disait qu'il arrive des moments où de reconnaître certains droits aux individus vont venir heurter et vont venir poser... porter préjudice à des valeurs sociales que nous partageons, et c'est un petit peu ce que vous dites au point 2.

D'un point de vue de «public policy», à quoi est-ce que le législateur devrait donner préséance dans ses réflexions en des... et dans les choix qu'il offre à ses citoyens?

M. Béland (Jean-Pierre): C'est que les valeurs des personnes soient respectées. Le médecin Axel Kahn posait la même question en France en 2004. Et puis il disait: Bien, justement, on va respecter la liberté de choix des personnes. Si une personne ne la veut pas, l'euthanasie, elle ne l'aura pas. Mais, si une personne la demande, il faut respecter aussi sa liberté de choix. C'est-à-dire que, si on établit que... en tout cas, c'est comme ça en bioéthique, c'est comme ça en éthique.

Si on établit que l'autonomie est le premier principe de l'éthique, ça veut dire que je laisse la possibilité à la personne de réfléchir pour déterminer le meilleur choix pour elle. Si on est capable de s'entendre dans une société, d'un point de vue politique, que c'est l'autonomie qui a la primauté et non pas le droit, alors là, ça change la discussion. Je ne sais pas si je suis clair lorsque je dis une chose comme ça.

C'est qu'on est toujours... C'est toujours la question de l'autonomie qui revient, mais, en même temps, il faut rajouter l'idée d'une autonomie responsable. L'autonomie, ça peut être de l'autonomie autosuffisante. Ça serait, dans ma question 2 -- à qui revient-il de répondre, là -- ça serait une conception individualiste. Et des personnes disent qu'ils ont le droit d'avoir une liberté et puis c'est à eux de répondre. Alors que, dans une société, je pense que juste le fait de demande l'aide de l'euthanasie, ça suppose qu'il y a une conception interpersonnelle et puis que la dignité se construit dans un accompagnement. C'est au médecin, si c'est le médecin et le patient, c'est au médecin de faire advenir la dignité comme c'est au patient aussi d'aider le médecin à faire advenir la dignité.

Donc, ici, je pense qu'il faut parler de valeurs de liberté, de consentement libre et éclairé, si vous voulez, mais il faut vraiment parler du respect d'une réelle autonomie de choix. Et, en ce sens-là, je n'ai pas le droit d'imposer à quelqu'un de passer par l'euthanasie si elle ne le désire pas. Mais cette personne qui est contre l'euthanasie, mettons en raison du caractère sacré de la vie, ne peut pas m'imposer non plus sa valeur du caractère sacré de la vie pour m'empêcher d'avoir une réelle liberté de choix. On y croit, en la liberté de choix qu'on veut forger, ou on n'y croit pas.

Mais, j'ai... moi... c'est embêtant, le débat. Souvent, la liberté est évacuée au nom des grandes valeurs sacrées. Est-ce que tout le monde y croit, au caractère sacré de la vie? Tout à l'heure, lorsqu'on demandait, les sondages... dans le deuxième chapitre, là, Me Bonneville, là, celui qu'il a fait sur les tendances médicolégales du mourir dans la dignité, il remarque qu'il y a une évolution au niveau du... au niveau de la loi. C'est qu'avant 1980 on avait comme argument le caractère sacré de la vie, et, aujourd'hui, ça a changé dans la population. Ce n'est plus tellement la notion de caractère sacré de la vie qui prévaut, c'est plutôt la qualité de vie. Donc, on voit qu'il y a une évolution au niveau des valeurs.

Maintenant, il s'agit de se demander si le droit, il s'adapte à ça aussi, lui, là. Et puis, bien, comme me disaient certains avocats, bien il ne faudrait pas penser que le droit n'est pas capable d'évoluer lui aussi.

Donc, je pense qu'il faut bien distinguer les valeurs qui évoluent dans une société lorsqu'on veut parler de... d'éthique publique puis le droit. Comme disait Kant: Le droit, c'est un monstre froid.

**(18 h 20)**

M. Ouimet: Moi, j'ai lu un peu sur la bioéthique, et il y a une phrase que j'ai lue qui a beaucoup retenu mon attention parce qu'il me semble... c'est le dilemme auquel nous sommes confrontés comme parlementaires. Je vais vous lire la phrase: Aucune société n'a résolu, à ce jour, le dilemme de savoir comment répondre à la demande des patients qui désirent mourir sans mettre en danger la vie de ceux qui ne le désirent pas. Et j'ai compris par là, ceux qui ne le désirent pas, par exemple un patient qui serait dans un état où il ne peut pas exprimer son consentement, mais où les proches, peut-être, prendraient la décision à sa place. Et, comme législateurs, comment reconnaître le droit de certains de mourir, mais tout en nous assurant en tout temps que jamais la pratique concrète sur le terrain, dans les hôpitaux ou dans les CHSLD, va permettre que la personne qui ne voudrait pas mourir, mais qui est incapable d'exprimer son consentement, pourrait se voir... voir sa vie abrégée.

Et c'est là qu'est le dilemme entre les droits individuels par rapport aux valeurs que nous avons en commun, en société, et que nous partageons.

M. Béland (Jean-Pierre):Je pense qu'il y a une éducation de la société à faire là-dessus. D'abord, il faut en parler en société comme... ce n'est pas parce que c'est écrit dans un testament qui n'est pas encore homologué, comme on disait tout à l'heure, que ça va permettre de... C'est toujours d'éduquer une société, et chaque personne doit éduquer ses proches avant qu'elle devienne inapte. Ça, c'est important, mais je tiens à rajouter une chose.

En éthique, vous parlez beaucoup d'assurance, de certitude, je vais vous donner une petite définition que j'ai retenue de l'éthique et qui m'apparaît fort juste: L'éthique est un juste rapport à l'incertitude. Il n'y a pas de certitude dans un procès. Quand un juge prend une décision, il n'y a pas d'assurance et de certitude. Je pense que c'est la même chose sur la question du mourir dans la dignité.

Si vous cherchez une certitude ou une assurance, vous allez faire... vous allez faire du surplace. Je pense qu'ici il s'agit de construire une réflexion qui peut établir un juste rapport à l'incertitude et, en ce sens-là, je pense que, oui, il faut une éducation de la population. Il faut faire des débats, il faut se questionner comme on fait actuellement, et puis il faut aussi faire de la formation auprès du personnel soignant, mais aussi de la population.

Dès le secondaire, il faut que ces questions-là viennent à l'école, et puis que les jeunes entendent parler et, comme ça, il va y avoir comme une... je ne sais pas comment dire ça... une entraide sociale sur cette question-là parce que, il ne faut pas se le cacher, il peut y avoir beaucoup de morts dans l'indignité aussi. C'est facile de se débarrasser de personnes qui sont, disons, diminuées ou qui ne sont pas trop argentées puis qu'on veut... C'est sûr qu'il y a toujours cette crainte-là de...

Bon, je comprends cela, mais c'est pour cette raison que j'insistais sur la démarche éthique. La loi peut donner des obligations, mais en même temps, sur le terrain, nous, c'était ça, lorsqu'on a écrit le livre Mourir dans la dignité?, puis c'est ce que... c'était ça que le Dr Bolduc trouvait intéressant, il disait: Il faut faire de l'éducation dans notre hôpital, il faut que notre hôpital soit le premier au Québec où qu'il y ait quelque chose qui se fasse dans ce genre-là. Il n'était pas encore en politique à ce moment-là.

Mais je pense qu'actuellement nous sommes en train de construire de la formation continue dans les hôpitaux du Saguenay--Lac-Saint-Jean. J'ai écrit un dernier livre qui s'intitule La souffrance des soignants et, dans La souffrance des soignants, il y a justement le soignant qui souffre de ne pas pouvoir apporter certains accompagnements au patient, puis la question de mourir dans la dignité est une question qui fait aussi souffrir le soignant. Et je pense qu'ici il y a le soignant, mais évidemment je ne voudrais pas que ça soit le soignant qui prenne la première place. Pour moi, je l'ai dit tout à l'heure, c'est le patient qui doit passer en premier, mais, le patient, il faut le respecter justement dans sa dignité et il faut permettre...

Ce n'est pas simplement: Es-tu pour l'euthanasie? Oui ou non? Qu'est-ce que la société décide? Ce n'est pas ça. Est-ce que la société est prête à s'engager pour que nous créions les conditions qui vont faire que les gens vont mourir dans la dignité? Si les gens ne veulent pas s'embarquer, si les politiciens ne veulent pas embarquer, bien, je veux dire, on discute dans l'abstraction.

M. Ouimet: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Oui, rapidement. Je reviens un peu sur le caractère sacré de la vie. On a l'impression que, dans la société, et plusieurs ont émis ce commentaire-là, qu'autoriser ou légiférer dans ce sens-là de l'euthanasie et du suicide assisté, qu'on franchirait une ligne qu'on n'avait jamais franchie. Et, dans ce sens-là, vous, ce que... puis, si je comprends bien votre point de vue, de façon assez générale, vous dites: Accorder librement le choix à une personne de décider de la date ou du moment dans des conditions bien encadrées, c'est très éthique et particulièrement humain.

Est-ce qu'il y a des éléments qui seraient totalement négatifs à une législation dans ce sens-là?

M. Béland (Jean-Pierre): Dans le sens de blesser le caractère sacré de la vie?

M. Chevarie: Oui.

M. Béland (Jean-Pierre): Bon. Le caractère sacré de la vie, soit dit en passant, c'est un concept. Il faudrait le démontrer. Quand on dit que le caractère sacré de la vie, ça veut dire: C'est sacré, il ne faut pas y toucher... Maintenant, ce caractère sacré de la vie, je l'ai dit tout à l'heure, lorsque nous étions dans une société plus religieuse, ce terme-là avait plus d'impact. Aujourd'hui, nous sommes dans une société je ne sais pas si elle est laïque, là, je n'ose pas me référer à ce que...

M. Chevarie: C'est un autre débat...

M. Béland (Jean-Pierre): Oui, c'est ça, un autre débat. Mais ce que...

Le Président (M. Kelley): Ça c'est...

M. Béland (Jean-Pierre): Mais là j'ai perdu mon idée. Le caractère sacré... Le caractère sacré de la vie, pour les personnes pour qui la vie est sacrée, il faut les respecter. C'est-à-dire, le caractère sacré de la vie pour la personne qui trouve que sa vie est sacrée, qu'il ne faut pas y toucher, nous allons vous respecter parce que, pour vous, la vie est sacrée, mais, pour une personne qui pense les choses autrement, aussi, on va la respecter. Il ne s'agit pas de dire: Il n'y a plus de caractère sacré de la vie. Ceux qui... C'est pour ça que je dis qu'il faut respecter les valeurs des gens. Ceux qui y croient, on les respecte.

Et, moi, quand une personne, mettons, à l'Hôpital d'Alma, là, ou à l'Hôpital de Chicoutimi, vient me dire: Bien, moi, j'accompagne les mourants et puis je fais un accompagnement spirituel, puis, le caractère sacré de la vie, je respecte ça au plus haut point. Mais, si une personne ne veut pas en entendre parler, du caractère sacré de la vie, bien il faut la respecter, elle aussi.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, à mon tour de vous remercier. C'est très intéressant de mettre notamment un visage sur le nom qu'on voit souvent avec ce livre-là qui, je pense, nous accompagne, plusieurs d'entre nous. Donc, bienvenue.

Moi, en fait, j'aimerais plus comprendre, dans la discipline de l'éthique et de la bioéthique, un peu les différents courants, parce qu'on fait des cours accélérés en plusieurs matières ici, là, et on a eu des experts comme Dre Somerville, qui est, oui, avocate, mais aussi spécialisée en éthique. On a eu Mme Blondeau aujourd'hui, qui est, bon, en philosophie. Et, pour plusieurs d'entre eux, ils nous parlent qu'il y a différentes conceptions de la dignité en éthique.

Et une met vraiment le focus sur l'autonomie, la dignité comme étant l'autonomie ultime, les choix, tout ça. Et l'autre étant vraiment la dignité qui ne peut pas se perdre, donc qu'il ne pourrait jamais y avoir de perte de dignité parce que, du simple fait qu'on est un humain, on serait digne. Et que, de ce fait-là, de ce que je comprends de ceux qui sont plus dans cette mouvance-là, il faut toujours se questionner à savoir, quand on pose un geste, exemple comme législateur ou comme politique publique, sur l'impact, je dirais, à long terme sur le message qu'on envoie. Et... on y a fait référence, là, mes collègues y ont fait référence, mais c'est beaucoup ça, hein, ils sont beaucoup dans l'aspect, dans l'idée qu'il y aurait un message général de dévaluation de la vie.

Moi, je vous suis quand vous dites: Le caractère sacré de la vie, ça peut varier d'une personne à l'autre, mais, eux, ce qu'ils nous disent, en quelque sorte, c'est: Bien, toutes choses ne sont pas égales par elles-mêmes et, en matière de politique publique, il faut envoyer certains messages.

Donc, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu ces différentes conceptions là en éthique, parce qu'on a vraiment des éthiciens qui ont des approches totalement différentes, je peux vous le dire, et...

**(18 h 30)**

M. Béland (Jean-Pierre): Je vais prendre... Je vais prendre un exemple sur un autre livre que j'ai écrit qui s'intitule L'homme biotech: humain ou posthumain?-- et j'ai su qu'à l'Université de Sherbrooke, la Faculté de droit utilisait ce livre-là pour la question de la dignité, parce que je traitais la question de la dignité.

La dignité, il ne faut pas la voir de façon trop restreinte. Si, par exemple, moi, je lèse ta liberté, je peux bien dire que, d'un point de vue naturel, t'es une personne digne que je respecte, mais, si je la brise ta liberté, je la brise, ta liberté, et là je touche à ta dignité. La dignité, c'est...

On peut prendre la «dignité» chez Pic de La Mirandole. Pic de la Mirandole disait ceci... c'est plus un théologien qui, dans son écrit De la dignité humaine, dit ceci: «Je suis libre et, à l'image de Dieu Créateur, je suis libre de me créer à l'image de ce que je veux. En cela consiste ma dignité.» Il y en a qui vont dire que c'est une conception trop théologique, trop spirituelle parce que ça donne trop de liberté, justement. Ça veut dire qu'à quelque part je pourrais transformer génétiquement l'être humain et, quand je le transforme génétiquement, je respecte sa dignité, selon Pic de La Mirandole.

Mais, si je prends le concept de dignité selon Kant, alors Kant va dire: Tu ne peux pas faire de l'être humain une fin autre que lui-même, mais, si tu le transformes génétiquement puis ce n'est plus un être humain au bout du compte, là, tu n'as pas respecté la dignité selon Kant, mais tu aurais respecté la dignité selon Pic de La Mirandole.

Alors, c'est vrai que le concept de dignité est un concept interculturel. Il peut y avoir plusieurs définitions, c'est une «babel», c'est un mot-valise; il faut faire attention avec ce mot-là. Je pense que, dans mon écrit, ici, j'ai bien signifié que la dignité est intrinsèque à l'être humain, à la nature de l'être humain. Fait partie de la dignité le respect de l'être humain dans sa vie, mais aussi le respect de l'être humain dans sa liberté. Et, moi, si je te respecte dans ta liberté, de prime abord, je considère que tu n'es pas libre mais que je dois t'aider à devenir libre pour prendre des meilleures décisions possible, entre autres sur la question des soins palliatifs ou de l'euthanasie.

Donc, la liberté est quelque chose qui se construit et non pas quelque chose qui existe en soi, et c'est la même chose pour la dignité. Elle existe en soi, oui, parce qu'on veut que tout être humain soit respecté, mais à quelque part, si je ne travaille pas, je n'accompagne pas la personne pour que je lui offre une réelle liberté de choix, alors je viens de la tuer dans sa dignité, même si je dis qu'il y a une dignité universelle.

C'est pour cette raison que je trouve important que vous ayez noté la conception interpersonnelle de la dignité. C'est très important. À l'hôpital... Il faut que, sur le terrain clinique, il y ait une interrelation réelle entre le médecin, le patient et les proches pour qu'il y ait entente et, comme disent plusieurs médecins -- je ne nommerai pas les noms -- lorsqu'il n'y a pas de chicane familiale, lorsque tout le monde s'est entendu, ça va bien. Je ne sais pas si c'est l'omerta à ce moment-là, mais je veux dire...

Le problème que le médecin... Ce que le médecin veut, moi, je le trouve honnête, il veut être responsable, il veut être transparent, puis, pour être transparent, il va jusqu'à dire que, quand il y a du double effet, il y a de l'euthanasie. C'est être transparent. Mais là on peut dire: Bien, la loi ne dit pas ça, etc. Bon.

Qu'est-ce qui se passe sur le terrain? Je pense que, sur le terrain, le patient doit avoir la priorité, et il faut le respecter. Maintenant, la question que les avocats... J'ai entendu des avocats, ils disent: Mais est-ce que la société est prête à s'investir? Ça va coûter cher, ça. Est-ce que le système actuel a les moyens de se payer de véritables soins palliatifs, c'est-à-dire accompagner le patient, et puis, dans le cadre des soins palliatifs, il y aurait la possibilité de l'euthanasie?

Moi, je suis un peu rêveur, je suis un éthicien, je suis dans le domaine idéal de l'éthique, j'ose croire qu'il peut y avoir une liberté responsable, mais l'éthique est un juste rapport à l'incertitude.

Mme Hivon: On va la retenir, celle-là. En fait, là je voudrais vous amener de la manière dont vous posez la question à la première page de votre mémoire. Donc, vous, vous dites: La question qui se pose c'est: «Que faire lorsqu'un patient atteint d'une maladie incurable terminale vous demande de l'aider à mourir dans la dignité?»

Moi, je veux comprendre ce que vous entendez par maladie incurable terminale, c'est-à-dire qu'est-ce qui est terminal?

M. Béland (Jean-Pierre): Tu es rendu pas mal au bout du rouleau.

Mme Hivon: O.K. Mais c'est ça, je vais vouloir que, d'un point de vue éthique, vous élaboriez parce que, nous, c'est une question aussi à savoir quelqu'un qui a une maladie dégénérative, mais qui n'a pas de pronostic de mort imminente, où, comme société, on doit... jusqu'où cette volonté-là doit être accompagnée, par exemple, de vouloir être aidé à mourir? Éthiquement, je comprends que vous avez votre notion que la liberté n'est pas absolue et elle doit être responsable, comme vous dites...

M. Béland (Jean-Pierre): La liberté absolue, ce n'est pas un concept vraiment éthique. L'autonomie, dans les dictionnaires de philosophie, c'est l'acte de réflexion par lequel je choisis entre des possibilités qui s'offrent. C'est ça, l'autonomie, mais on a une vision plutôt libertaire de...

Mme Hivon: De l'autonomie.

M. Béland (Jean-Pierre): Oui.

Mme Hivon: Oui, je comprends. Pour vous, l'autonomie, c'est beaucoup lié au processus. Le processus est très important pour savoir...

M. Béland (Jean-Pierre): Oui.

Mme Hivon: ...si on est vraiment face à un choix autonome en quelque sorte, et c'est différent de la liberté.

M. Béland (Jean-Pierre): Parce qu'une personne peut changer d'idée dans un processus de dialogue. Elle peut être au début pour l'euthanasie, mais, si on lui offre un autre choix, si on a un peu le souci d'elle, elle peut dire: Bien, je ne la veux plus, l'euthanasie. Alors là, à ce moment-là, tu ne lui donneras pas... on va la respecter.

Je pense que tout doit se passer dans le dialogue, mais je ne veux pas trop être rêveur. Je ne veux pas dire un long dialogue qui n'en finit plus, je pense que... Comme disait d'ailleurs... j'avais posé la question à Yves, Dr Yves Bolduc, dans le temps qu'il n'était pas ministre, je lui avais dit: Est-ce que le dilemme qu'on pose ici, le patient veut-il cesser de souffrir indûment ou hâter la fin de sa vie?, selon vous, c'est un dilemme insoluble?

Si tu y vas au niveau de la loi, tu vas commencer à dire que c'est insoluble, puis, dans le livre, j'ai mis un point d'exclamation, je me suis trompé, c'était plus un point d'interrogation, mais disons que je pense que, si on fait un réel accompagnement éthique, il n'y a pas de dilemme insoluble.

Mais, maintenant, je pense qu'il faut quand même regarder la contrainte de la loi. Le Code criminel dit que... interprète, dit que, ça, ce n'est pas légal. Bon, maintenant, là on peut commencer à jouer avec les mots. Est-ce que c'est une intention éthique? Une intention juridique? Moi, ce que... On a eu des cas au Saguenay, il y a des gens qui ont demandé le suicide assisté, vous avez vu ça à la TV autant que moi, il y a des gens qui ont voulu se jeter en bas des balcons des hôpitaux parce qu'ils étaient fatigués de vivre. Je pense que, si on laisse aller les choses, je pense que c'est d'être irresponsable actuellement au Québec et, en ce sens-là, moi, je félicite la commission de prendre la question au sérieux, puis de ne pas jouer à l'autruche en se déchargeant de la question en disant: C'est aux médecins de régler ça. Les médecins nous ramènent la question en disant: Bien, aidez-nous à la régler aussi, la question.

Et je pense que nous avons une responsabilité, mais je ne suis pas sûr que j'ai répondu tout à fait à votre question.

Mme Hivon: Mais en... Oui. Bien, tout est pertinent, là. Mais, moi, je voulais savoir aussi d'un point de vue éthique, quand vous parlez de maladies incurables terminales, où vous tracez la ligne à savoir ce qui serait une demande acceptable dans le continuum des soins ou des possibilités offertes.

M. Béland (Jean-Pierre): Je ne pourrais pas vous répondre tout de go comme ça, parce que je pense que j'ai besoin de l'expertise du médecin. Moi, je suis en éthique, je ne prétends pas avoir les réponses à tout, mais je pense que la réponse à cette question-là se fait justement au sein d'un dialogue.

Mme Hivon: Dans le processus.

M. Béland (Jean-Pierre): En processus, oui.

Mme Hivon: Ça fait qu'a priori, vu l'importance que vous accordez au processus de réflexion, d'autonomie, il n'y aurait pas d'exclusion comme telle tant qu'on est dans un contexte de maladie incurable terminale, et là ça reviendrait aux médecins de juger ce qu'il en est.

M. Béland (Jean-Pierre): C'est ça. Évidemment, parce que c'est... écoutez, si une personne en santé, une jeune fille de, je ne sais pas, de 16 ans, dit: Je voudrais une aide au suicide, puis je la regarde, puis je vois qu'elle est dépressive, là, elle n'est pas dans une situation de maladie incurable. Il faut faire attention avec l'idée,

Je pense que c'est important au public de bien situer ici la question du mourir dans la dignité dans un contexte clinique et de fin de vie. C'est très important. Parce que, là, la fabulation peut se mettre en jeu et dire: Bien là, c'est ça maintenant. On est pour l'euthanasie.

Il faut faire attention. Je pense que la commission, je le répète, il faut qu'elle mette bien en place les concepts. Il faut qu'elle mette assez clairement la loi canadienne. C'est ça, la loi canadienne, on ne fera pas de jeu, on ne jouera pas avec les mots, c'est ça, la loi canadienne: Voici maintenant, en éthique, c'est la demande du patient qui est en premier et non pas le droit. Mais le droit revient par la suite. C'est juste de bien placer... Si vous dites que la commission, c'est la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, je pense qu'au début ce que vous avez vécu sur le mot «droit», c'est une bonne chose que vous l'ayez vécu parce que ça permet d'éviter ce piège-là. Puis ça, il faut que le public le comprenne bien comme il faut.

C'est une question éthique. Puis, je pense que la population n'est pas dupe. Il faut arrêter de toujours penser que la population ne comprend pas grand-chose. Je pense que la population est consciente et qu'elle veut justement de l'éthique là-dedans.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

**(18 h 40)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Merci, M. le Président. Merci de votre contribution à ce débat-là. Moi, je comprends très bien la définition, l'importance de l'autonomie, les conditions que vous mettez, mais j'aimerais vous entendre sur comment on traite de la question quand on est face à des gens qui n'ont plus leur autonomie, qui sont inaptes à prendre des décisions et à interagir dans le processus. Là, en tout cas à mon avis, se pose une question d'éthique réelle.

Je ne sais pas si c'est là que s'explique le juste rapport à l'incertitude, mais je peux vous dire qu'en tout cas pour nous il y a une incertitude quant à la gestion de cette question-là. Vraiment, je pense qu'on a besoin d'être éclairés un petit peu.

M. Béland (Jean-Pierre): Est-ce que la personne inapte a un proche? Peut-être qu'elle n'en a pas. C'est pour cette raison qu'ici votre question pourrait être comme un arbre généalogique qui peut se dupliquer en plusieurs petites questions. Mais je comprends ce que vous voulez dire.

Si la personne inapte n'a vraiment pas donné un avis avant de ce qu'elle veut, c'est... puis si, en plus... Bien, si elle a dit que: Telle personne me représente, bien là vous pouvez amorcer le dialogue avec cette personne-là. Mais, s'il n'y a pas cela, il peut arriver qu'il y ait un problème dans la famille où des personnes sont en désaccord mutuel, et ça, bien, ce n'est pas une chance pour le patient, ce n'est pas une chance.

C'est pour cette raison que, je le répète, je ne pense pas que c'est une question qui peut se régler subito presto comme ça. Je pense qu'il y a une éducation à faire dans la population. Je pense que c'est ce que vous voulez faire aussi.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Mais vous savez pertinemment qu'il y a de plus en plus de personnes seules aussi. Ce n'est pas juste, des fois, la bisbille qu'il peut y avoir dans la famille, mais c'est une personne seule qui se retrouve inapte à prendre une décision, qui est dans des souffrances, qui est à la limite de sa vie.

Comment cette question-là... Comment on peut avoir quand même une démarche humaine auprès de cette personne-là pour lui permettre de mourir dans la dignité? Elle a le même droit que tout le monde, même si elle n'a pas les accompagnements nécessaires pour que la décision se prenne de façon plus facile, entre guillemets, là.

M. Béland (Jean-Pierre): Les soins palliatifs parlent d'accompagnement, par le biais du dialogue avec les personnes concernées, et je pense qu'il y aura toujours une nécessité d'un dialogue avec les personnes concernées. Maintenant, je ne vous dis pas qu'on va tout régler les problèmes, mais je pense que le fait d'instaurer une simple petite démarche éthique dialogique, là, de dialogue avec des questions, bien ça peut au moins favoriser la réflexion.

Mais là, si vous me donnez un cas bien précis et là que nous sommes comme dans une impasse, bien, moi, je ne suis pas le bon Dieu, là, je ne pense pas que je vais régler la solution. Mais ce que je vous dis, c'est qu'il faudrait instaurer une certaine démarche de dialogue. Mais ce n'est pas simplement aussi... Il y a du dialogue a priori puis il y a du dialogue a posteriori. Tu peux, après avoir vécu une situation, revenir sur une situation passée, et, s'il y a des choses que tu juges qui n'ont pas été bien vécues, bien là il s'agit de réfléchir pour ne pas que ça se reproduise. Donc, je pense qu'il y a différentes façons d'essayer d'améliorer une situation, mais il n'y a rien de magique.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Ça, je le sais. Merci.

Le Président (M. Kelley): Nous avons déjà compris ça. Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup, Pr Béland, pour votre contribution à notre réflexion. Merci pour le don de quatre exemplaires des actes du colloque, que nous avons regardés attentivement.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants et inviter nos deux derniers témoins de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 18 h 44)

(Reprise à 18 h 46)

Le Président (M. Kelley): Alors, avant de procéder à nos derniers témoins cet après-midi... ce soir, il y a une question de temps. Je risque d'avoir les griefs syndicaux déposés. Mais, pour bien faire honneur, je demande un consentement pour dépasser jusqu'à 19 h 45 pour compléter nos travaux d'aujourd'hui. Est-ce qu'il y a consentement? Merci beaucoup, voir peut-être la députée de Marguerite-D'Youville pour les doléances syndicales. Elle a une certaine expertise dans le domaine, de mémoire. Mais nos deux derniers témoins... et peut-être, c'est le moment historique parce que d'avoir un témoin avec un frère député, c'est déjà quelque chose. Et on a eu Dr Bergman parmi nous il y a un mois, dans le cadre de nos discussions sur le projet de loi n° 67, la Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, mais d'avoir deux témoins frères de députés, c'est probablement... on marque l'histoire. Alors, à la fois, les noms Arcand et Bergman ont bien connu dans notre Assemblée.

Alors, sans plus tarder, c'est un grand plaisir de présenter Dr Howard Bergman, qui est le professeur titulaire et premier titulaire de la Chaire Dr Joseph Kaufmann en gériatrie, Université de McGill, également, Dr Marcel Arcand, professeur titulaire et chercheur, Département de médecine de famille, Université de Sherbrooke. Alors, le festival des frères des députés, je ne sais pas... Howard, est-ce que c'est vous qui va commencer?

M. Howard Bergman

M. Bergman (Howard): Oui, oui, je vais commencer. M. le président de la commission, Mmes et MM. les députés, d'abord, je m'excuse qu'on ait... nous sommes les seules barrières entre... vers votre dîner ce soir et votre liberté... et votre liberté dont on parle souvent.

Alors, d'abord, je veux remercier M. Kelley pour l'invité d'échanger avec cette commission, qui aborde évidemment une question sociétale extrêmement importante. Notre discussion ce soir avec vous, pour les prochaines trois heures, se fait sur la base du rapport du comité d'experts en vue de l'élaboration du plan d'action pour la maladie d'Alzheimer pour le Québec, comité que j'ai présidé, et dont le titre de notre rapport était Relever le défi de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées -- Une vision centrée sur la personne, l'humanisme et l'excellence.

L'action, priorité n° 4 de ce rapport, s'intitule Promouvoir des soins de fin de vie de qualité, pertinents sur le plan thérapeutique, dans le respect des volontés, de la dignité et de confort. Et je pense qu'on vous a envoyé l'extrait du rapport avec le sommaire exécutif et avec cette action prioritaire n° 4.

Dr Marcel Arcand, qui est médecin et chercheur au CSSS, Institut de l'Université de gériatrie de Sherbrooke et professeur titulaire à l'Université de Sherbrooke, a été le responsable des actions prioritaires au sein de notre comité d'experts. Notre discussion avec vous porte donc spécifiquement sur cette question.

Vous savez qu'il y a une augmentation du nombre de personnes âgées, donc augmentation du nombre de personnes âgées qui vont mourir et qui vont mourir très souvent en phase terminale des maladies chroniques, comme des maladies cardiovasculaires, diabète respiratoire, cancer et maladies neurodégénératives telles que Parkinson et Alzheimer, et maladies apparentées. Et maintenant, quand je vais dire maladie d'Alzheimer, c'est l'ensemble des maladies Alzheimer et les maladies apparentées.

n(18 h 50)**

L'augmentation de nombre de personnes âgées veut dire augmentation du nombre de personnes avec maladie d'Alzheimer. L'âge est un risque pour développer l'Alzheimer. Il y a 100 000 personnes maintenant au Québec qui souffrent de maladie d'Alzheimer, 120 000 en 2015 et 200 000 en 2030. Mais peut-être la statistique qui est la plus frappante, c'est qu'un baby-boomer sur cinq sera atteint de la maladie d'Alzheimer dans sa vie. Et donc ça constitue à l'heure actuelle 20 % à 30 % des décès des personnes âgées de 65 ans et plus, et 70 % des décès en CHSLD se trouvent chez des personnes avec maladie d'Alzheimer, après un séjour de deux à trois ans. Les CHSLD sont, en quelque sorte, des centres de soins palliatifs Alzheimer. Les décès sont dus à des difficultés d'alimentation et infections répétées, surtout pneumonie. La maladie d'Alzheimer, au stade avancé, est une maladie de fin de vie, de phase terminale, comme le cancer en phase terminale.

Je vais peut-être vous donner deux cas. Je suis médecin et on fonctionne souvent par histoire de cas. D'abord, un patient que j'ai vu en consultation à l'hôpital. Un monsieur d'environ 82 ans qui souffrait d'un cancer avec métastases et aussi de maladie d'Alzheimer à un stade très avancé. Il avait des douleurs qu'il pouvait exprimer mais qu'on voyait à... en mangeant. Et donc il y avait différents consultants qui ont passé, dont un qui a proposé de faire une gastroscopie pour voir qu'est-ce qui causait cette difficulté à avaler. Et je l'ai vu et ensuite je suis allé parler à sa femme, et j'ai dis: Madame, ce que je vous propose, c'est de ne plus faire des tests parce que ça va ne rien changer. Votre mari est en train de mourir de deux maladies en phase terminale, et ce sur quoi il faut concentrer maintenant, c'est des soins de confort. Et, comme j'ai appris de mon collègue Marcel, les soins de confort ne veut pas dire pas de soins. Elle est... elle dit: Laissez faire les tests. Et elle m'a dit: Merci beaucoup.

Le deuxième cas, c'est une famille qui gardait leur père à la maison, avec l'aide à la maison, à un stade très avancé de la maladie d'Alzheimer. Il arrête de manger, il fait une fièvre, il a probablement une pneumonie. Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on l'envoie à l'urgence? Et, si on l'envoie à l'urgence, c'est parce qu'on veut faire quelque chose. On veut traiter. Si on veut traiter, c'est... il faut faire des tests parce qu'on ne peut pas traiter aveuglément. Ou est-ce qu'on s'assoit puis on parle de soins de confort avec la famille présente?

Ceci dit, les soins de fin de vie Alzheimer est là où était le cancer il y a 30 ans. On a beaucoup de difficultés encore -- ça s'améliore -- à accepter et même à reconnaître l'étape de fin de vie. Non seulement beaucoup de difficultés à accepter par le grand public, les familles, mais souvent aussi par les professionnels de la santé. Donc, ce qui se pose comme problématique en ce qui concerne la fin de vie en maladie d'Alzheimer, ce n'est pas la question d'euthanasie ou du suicide assisté, mais comment assurer les soins de fin de vie de qualité qui sont pertinents sur le plan thérapeutique et qui se font dans le respect des volontés, de la dignité et le confort.

Et donc je vais maintenant laisser mon collègue Marcel Arcand continuer.

Le Président (M. Kelley): Dr Arcand.

M. Arcand (Marcel): Oui. Merci. Bien, écoutez, je pense qu'Howard a tout dit. Donc, je vais juste... Moi, je vais vous donner mon point de vue de médecin qui travaille beaucoup au niveau des soins de longue durée, CHSLD.

Comme l'a dit Howard, il y a un très grand nombre... très grande proportion des patients qui sont en soins de longue durée qui ont une maladie d'Alzheimer à un stade assez avancé. Le séjour moyen, c'est à peu près deux ou trois ans. Ça fait qu'il y a, à peu près, un tiers de ma clientèle qui décède chaque année. Donc, je n'ai pas le choix de m'intéresser à ce sujet-là. La question qu'on peut se poser, c'est: Est-ce qu'ils meurent dignement? Et je pense que c'est une des maladies qui fait le plus peur au monde, en termes de... Quand on pense stade avancé de maladie, on parle de perte de contrôle très importante sur sa vie, difficulté de contact aussi avec les proches, etc. Et ce n'est pas pour rien que, quand les gens font des directives anticipée, qu'ils disent: Si jamais je deviens inapte à ce point, s'il vous plaît, ne me prolongez pas. Ils ne disent pas: Tuez-moi. Ils disent: Ne me prolongez pas parce que... probablement parce que ce n'est pas légal.

On doit reconnaître quand même qu'il y a une tolérance variable à cet état-là; il y a des gens pour lesquels c'est plus acceptable que d'autres. Ça fait partie de... Ça a du sens dans leurs croyances, dans leurs valeurs, etc. Et on peut aussi reconnaître qu'il y a une qualité de vie qui est possible, même dans des stades avancés de la maladie d'Alzheimer, si on assure un bon confort physique, un bon confort psychologique, des activités qui ont du sens encore pour ces patients-là et des contacts avec des gens proches d'eux.

Mais qu'est-ce qu'on peut faire quand même pour ceux qui disent: Ne me prolongez pas ou ne faites pas... Alors, en général, ça se traduit par de la cessation ou de l'abstention de certaines thérapies. Les exemples qu'Howard vous a donné sont réels, mais c'est toujours une approche individualisée, personnalisée, où la question qu'on se pose, c'est: Qu'est-ce qu'on peut faire pour cette personne-ci à ce moment-ci de sa vie? Donc, ce n'est pas des solutions toutes faites qui viennent d'ailleurs, mais c'est plus à ce moment-là le médecin qui doit décider, de concert avec les représentants du patient et aussi en tenant compte des volontés exprimées verbalement ou par écrit du patient, qu'est-ce qui est pertinent et approprié.

Alors, très souvent, ce que j'ai observé, c'est qu'il y a des médecins qui ne sont pas à l'aise... Un peu comme l'oncologue n'est pas à l'aise de faire des soins palliatifs, il peut y avoir des médecins qui ne sont pas à l'aise de passer d'un mode: Je prescris des médicaments tel que les lignes directrices du diabète me le disent ou je prescris, etc., j'arrête certains de ces médicaments-là, je vise des cibles moins parfaites, j'arrête des anticoagulants parce que peut-être qu'il est rendu à un stade tellement avancé que l'ACV ultime va être libérateur, etc.

Donc, c'est... Il y a un certain manque de formation des intervenants, même un manque important. Ça s'est développé pour le cancer, mais, rendu là, c'est comme une forme de maladie terminale aussi comme le cancer, puis il y a une formation spécifique à donner à ces gens-là.

Une des grandes craintes que j'ai parfois, c'est par rapport à la dignité de fin de vie pour ces gens-là, c'est la quantité des soins, ce n'est pas juste la qualité. La formation des intervenants est importante, mais on est à une époque où on est dans des restrictions budgétaires, des contraintes budgétaires importantes, et c'est très difficile de maintenir une qualité de soins avec une clientèle qui est quand même... qui demande d'abord...

Il y a beaucoup de complexité médicale, souvent ils n'ont pas juste une maladie, ils en ont plusieurs, c'est extrêmement complexe, qui demande du relationnel aussi, surtout dans les stades plus hâtifs de la maladie. Mais ça prend des intervenants qui sont bons en relations humaines, et ce que je vois dans les CHSLD, c'est qu'on a un peu de difficultés à recruter des gens comme ça. Et puis, en plus de la tâche, avec les budgets plus réduits, on dirait que les tâches deviennent plus routinières. En tout cas, si on pense «dignité», là, je trouve, il faut faire extrêmement attention en termes de quantité de personnel, parce que, s'il n'y a pas beaucoup de monde, ça encourage les routines, ça empêche la personnalisation des soins, ça génère des comportements d'agitation, et tout ça. Et c'est peut-être un des messages importants, moi, que je voulais apporter aujourd'hui par rapport à ça.

Sinon, bien c'est plus au niveau médical, de concevoir que les deux problématiques les plus fréquentes que l'on va rencontrer, c'est les troubles d'alimentation et des infections à répétition. Et que, si la personne a laissé savoir qu'elle ne voulait pas être prolongée rendue à ce stade-là, on peut ne pas donner d'antibiotique pour une pneumonie qui est possiblement terminale, on peut aussi refuser l'alimentation, l'hydratation artificielle, c'est... il y a de plus en plus de consensus d'experts disant que c'est acceptable, que c'est peut-être même la chose qui répondrait le mieux pour ne pas prolonger indûment une vie de pauvre qualité.

Voilà, moi, je n'irai pas plus loin. Je serais plutôt intéressé à entendre vos commentaires par rapport à ça puis à répondre de mon mieux pour vous éclairer dans ces questions difficiles.

**(19 heures)**

Le Président (M. Kelley): Parfait, merci beaucoup. On va passer à la période d'échange avec les membres de la commission. Je pense, déjà, les membres de la commission... Il y a le Dr Jules Poirier qui est venu témoigner sur l'avenir qui nous est réservé, je pense qu'il est à McGill aussi, mais au niveau de l'Alzheimer et le nombre de personnes qui vont être atteintes dans notre société dans les prochaines années, d'ici 20 ans, c'est vraiment un énorme défi pour notre société. Alors, merci beaucoup de mettre ça en évidence. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Dr Bergman, Dr Arcand, bienvenue aux travaux de cette commission. J'essayais de faire le lien tantôt entre le mémoire du Collège des médecins et le point de vue que vous nous apportez aujourd'hui par rapport à la clientèle avec laquelle vous êtes confrontés à tous les jours, les patients qui souffrent de la maladie d'Alzheimer, et j'essayais de voir. Le Collège des médecins ont posé la question de la façon suivante, comme vous le savez: Quand un patient fait face à une mort imminente et inévitable, devrait-il être permis à un médecin qui le jugerait approprié de répondre à la demande d'abréger ses jours et, si oui, dans quelles conditions?

La condition du patient qui souffre de la maladie d'Alzheimer, est-ce qu'on peut dire qu'il fait face à une mort imminente et inévitable? Dans quel...

M. Arcand (Marcel): Il y a une différence entre...

M. Ouimet: ...oui, c'est ça. Pouvez-vous m'éclairer?

M. Arcand (Marcel): ...entre le stade hâtif de la maladie, les stades débutants de la maladie puis la maladie avancée. Mais, dans la maladie avancée, là, quand on parle de pertes, il peut y avoir une perte de la mobilité, une perte de l'usage de la parole, difficulté à s'alimenter en particulier, et ça, c'est un événement qui est extrêmement prédictif d'un décès rapproché, oui, je pense qu'on peut parler de mort inévitable, rendu au stade avancé, là.

Par exemple, aux États-Unis, où on veut toujours avoir des critères pour admettre des gens les maisons de soins palliatifs, il y avait eu des pressions pour que des gens avec maladie d'Alzheimer qui étaient à domicile puissent être admis dans les maisons de soins palliatifs. Puis on a recherché des critères pour prédire un décès proche, et les difficultés d'alimentation et les fièvres à répétition, la perte d'autonomie très accélérée, c'étaient les trois critères qui pouvaient dire, par exemple, que les gens avaient 50 % à 60 % de probabilité de décès dans les six mois.

M. Bergman (Howard): En même temps, évidemment, ces personnes-là ne sont pas en mesure d'exprimer leur volonté. Alors, pour moi, pour moi, je dirai à...

M. Ouimet: Excusez-moi, juste là-dessus, je vous ai peut-être induit en erreur tantôt, mais le Collège des médecins dit «de répondre à la demande d'abréger et non pas à sa demande d'abréger». C'est «à la demande». La demande vient de qui? Du patient ou de ses proches? Ce n'est pas... Je pense à dessein, là, ça a été laissé...

M. Bergman (Howard): Je dirai «la demande, sa demande», mais je dirai, dans le cas d'Alzheimer, encore une fois je reviens sur ce que j'ai dit au début, je pense qu'on est exactement dans le cas d'Alzheimer où on était avec le cancer il y a 30 ans. Et par le fait même que la personne ne peut pas exprimer sa volonté, même si peut-être la personne aurait exprimé à moins que c'est vraiment clair dans un testament de vie, mais généralement ce n'est jamais très... ce n'est pas très clair. Nous, dans le rapport et dans nos recommandations, on a mis l'accent sur assurer la dignité et les soins de confort dans la fin de vie des maladies d'Alzheimer.

Je pense qu'à ce stade-ci on ne peut pas parler de la question d'euthanasie ou de suicide assisté dans le cas de maladie d'Alzheimer. Je n'irai même pas proche de cette question-là personnellement. Je sais que la question peut être discutée de façon philosophique, mais de façon très claire je n'irai pas là parce que je dirai aussi, comme notre rapport a démontré, qu'il y a encore beaucoup de travail pour assurer au moins le décès dans la dignité, le décès qui n'est pas l'acharnement, qui n'est pas accompagné d'acharnement, et un décès qui n'est pas accompagné d'abandon non plus, et là je cite Marcel. Et ça, ça prend la formation et donc, dans notre rapport, il y a beaucoup d'accent mis sur la formation du personnel, des médecins, des infirmières, des personnels non professionnels, la formation des familles, les discussions avec les familles, la formation du public en général, le développement des procédures dans les CHSLD, par exemple, et avec la mise sur pied de l'INESSS qui a été discutée ici, dans cette commission, le développement de guides de pratique pour les professionnels de la santé sur cette question-là.

M. Ouimet: Mais, dans votre pratique ou celle du Dr Arcand, est-ce qu'il arrive des situations où, pour reprendre ce que disait le Dr Arcand tantôt, on peut sentir que la mort est imminente et elle est inévitable, est-ce que les proches de la famille, par exemple, vont demander d'abréger la vie ou d'en finir le plus rapidement possible parce que... et peut-être de demander une sédation palliative? J'essaie de comprendre, là, la réalité de votre pratique.

M. Arcand (Marcel): C'est certain qu'il y a des gens qui le demandent. On leur répond que ce n'est pas autorisé, mais... puis on leur dit qu'on peut cesser certains traitements qui semblent non souhaités, mais on ne peut pas abréger, à ce stade-là. Ça, c'est clair, puis je pense que ce ne serait pas souhaitable non plus. Même si quelqu'un avait dit: Je voudrais être abrégé... je voudrais qu'on m'euthanasie quand je serai rendu à ce stade-là, ce n'est pas vraiment faisable parce que tu ne le sais pas, il a peut-être changé d'idée. Il n'y a pas la réciprocité du dialogue dont on parle pour prendre une décision de cette nature-là. Ça fait que ce ne serait pas... puis même quand on parle de «slippery slope», là, de pente glissante, ça, ça en serait une, je pense, importante de commencer à le faire, à ce stade-là, en tout cas à ce stade-là de la maladie.

C'est sûr que, si quelqu'un est au début de la maladie et qu'il y a encore une certaine aptitude à comprendre tout ça, mais là il n'est pas dans une situation de mort imminente, ou tout ça. Donc là, il y a vraiment un dilemme qui est complexe, là, mais je n'ai pas de réponse claire pour ça.

Le Président (M. Kelley): Dr Bergman.

M. Bergman (Howard): Oui, juste pour peut-être donner un exemple concret, typique de question de dilemme devant lequel on se trouve et l'éventail des réactions des familles. Et, en passant, souvent, la famille, c'est plusieurs personnes, donc il n'y a pas nécessairement consensus, et je veux dire probablement moins de consensus maladie d'Alzheimer que cancer terminal, moins de consensus, en tout cas de mon... même si je n'ai pas une grande expérience avec le cancer, avec Alzheimer, moins de consensus.

Et donc je donne l'exemple de quelqu'un qui est dans un hôpital ou un CHSLD, je vais prendre l'exemple de l'hôpital que je connais le mieux, qui développe une pneumonie, quelqu'un avec une maladie d'Alzheimer sévère. Alors là, la question qui se pose devant la famille est: Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on veut commencer un traitement? Et le traitement, c'est aussi les examens pour déterminer c'est quoi, le traitement, hein? Donc, même si c'est relativement facile pour une pneumonie, c'est des radiographies, c'est des intraveineuses, c'est des prises de sang, des prises de sang à répétition, des intraveineuses, peut-être il faut attacher la personne parce que... pour qu'elle n'enlève pas... etc., versus, versus ne pas donner un traitement pour la pneumonie mais donner des soins de confort, je dirais, actifs auprès de la personne.

**(19 h 10)**

Alors, l'éventail des réactions des familles, c'est de: Oui, je suis d'accord, et, nous, comme médecins, généralement on pose nos propres préférences. Moi, je le fais, je le fais très carrément. Je dis: Moi, c'est comme ça que je le ferais. Je trouve que c'est ça qui est le plus important pour votre mère et c'est ça qui est le plus approprié, mais il y a des gens qui disent: Oui, je suis d'accord avec ça; et l'autre éventail, c'est: Fais tout! Fais tout, fais tout. La personne qui ne mange pas, mettre un tube de gavage parce que la vie est plus importante, etc.

M. Ouimet: J'essayais de saisir votre intervention par rapport à ce que nous dit... ce que nous a dit le Collège des médecins. Le Collège des médecins proposait, dans leur mémoire et dans les discussions que nous avons eues, de réorienter le débat dans le sens des soins appropriés en fin de vie. Et le Collège des médecins nous dit: Nous ajoutons que, dans des situations exceptionnelles où la mort est imminente et inévitable, il pourrait être approprié de vouloir écourter l'agonie.

Vous, ce que vous nous dites, dans tous les cas des patients atteint de la maladie Alzheimer, on ne pense pas que ça serait approprié.

M. Arcand (Marcel): Moi, je ne pense pas. Non. Parce que ça ne vient pas, ce n'est pas une demande du patient. Je pense qu'on doit soulager puis ne pas avoir peur d'utiliser les doses nécessaires, quitte à raccourcir la vie, là, ce qu'on appelle la loi du double effet, mais ce n'est pas...

M. Ouimet: Dans le fond, vous n'allez pas aussi loin que le Collège des médecins.

M. Arcand (Marcel): Bien, le Collège des médecins parle de personnes probablement aptes à le demander...

M. Ouimet: Je n'ai pas compris qu'il faisait la nuance. Je pense qu'il posait: si jamais les proches manifestaient le désir que, puis en principe il y aurait consensus au niveau de la famille.

M. Arcand (Marcel): C'est difficilement applicable.

M. Bergman (Howard): Moi, je pense qu'il faut poser les nuances. Il faut poser les nuances, et j'ai l'impression que ce débat ne se fait pas tellement avec des personnes maladie Alzheimer très sévère, j'ai l'impression que ce n'est pas ça qu'on a, l'image qu'on a en tête, en tout cas, si vous me permettez, dans ce débat-là, c'est plus la personne avec un cancer sévère, douleurs, fin de vie ou maladie neurodégénérative comme ALS...

M. Arcand (Marcel): Sclérose latérale, maladie de Lou Gehrig.

M. Bergman (Howard): Oui. Que le cas canadien, là, qu'il y a eu où la personne peut prendre une décision. J'ai l'impression, dans la tête, dans... On n'a pas encore cette image de la personne avec maladie Alzheimer.

Maintenant, quand on dit écourter l'agonie, oui, je vais écourter l'agonie dans le sens que je ne veux pas ajouter de douleur, et c'est ça un peu le message qu'on essaie de donner aux familles. C'est qu'on ne veut pas ajouter la douleur à cette agonie-là, si on veut. L'écourter, qu'on donne des antibiotiques ou non, généralement, ça ne change pas grand-chose dans l'espérance de vie des quelques jours, quelques semaines, peu importe, qu'on va...

M. Ouimet: Laissez-moi poser...

M. Bergman (Howard): Mais on n'est pas prêt de parler d'écourter l'agonie en termes de faire un geste actif pour écouter la vie...

M. Ouimet: Non, je comprends.

M. Bergman (Howard): ..de quelqu'un qui n'est pas en mesure de nous dire... de nous faire cette demande.

M. Ouimet: Dans le fond, ce que vous dites, c'est qu'avec l'arrêt de traitement la mort viendrait naturellement au bout d'un certain nombre de jours, de semaines.

M. Bergman (Howard): J'ai aussi dit: Avec le traitement, probablement ça n'ajouterait pas des jours non plus.

M. Ouimet: Ça, je comprends ça.

M. Bergman (Howard): Et je reviens à cette question-là. Parler de maladie d'Alzheimer en termes d'écourter la vie, j'ai peur qu'on obscure un point plus important, c'est comment assurer le décès, la fin de vie dans la dignité et qu'est-ce qu'il faut faire... qu'est-ce qu'il faut faire dans notre système de santé? Il y a des aspects de formation, des guides de pratique, de personnel formé, par exemple, former des personnes pour détecter la douleur chez une personne avec Alzheimer en fin de vie.

M. Ouimet: Dernière question. La sédation palliative dans votre pratique avec des patients atteints d'Alzheimer, est-ce que ça arrive ou très rarement?

M. Arcand (Marcel): Fréquemment.

M. Ouimet: Fréquemment.

M. Arcand (Marcel): Mais il y a une distinction entre sédation palliative et sédation terminale.

M. Ouimet: Parce que, là... Je veux vous poser les bonnes questions, les nuances viennent après les questions.

M. Arcand (Marcel): O.K. Mais, non, une sédation palliative, c'est... Moi, c'est certain que, si une personne est agitée, elle est... Souvent la pneumonie, ça semble souffrant, on respire rapidement, etc., on donne de la morphine, on peut rajouter un sédatif. Si l'intention, c'est de soulager, tu y vas à doses progressives et en sachant que ça peut rapprocher le décès, mais ce n'est pas ton intention, ça, c'est accepté, c'est correct, ça se pratique.

Mais en même temps il y a des médecins qui ne sont pas très à l'aise avec ça, qui ont peut-être besoin de lignes directrices pour leur donner la permission de le faire ou de leur dire: C'est peut-être la chose à faire ou c'est peut-être le... en tout cas, certainement permis de le faire. Mais c'est... il y a vraiment une distinction avec sédation de quelqu'un, par exemple, qui aurait une insuffisance cardiaque très avancée qui est tout le temps essoufflé puis que là on l'endort puis on sait qu'il ne se réveillera pas, puis qu'il ne mangera pas, puis que, bon, il va en mourir. Pour moi, ça, on ne pratique pas ça ou, en tout cas, c'est toujours une question d'intention, et la ligne est mince, ça, je suis d'accord.

M. Ouimet: Oui, oui. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup. Ma question sera très brève, puisqu'on veut vous entendre, ce sont vous les experts, c'est la première fois qu'on nous parle d'une maladie spécifique, l'Alzheimer, c'est la première fois qu'on nous amène cet élément-là. Et vous avez mentionné tout à l'heure que le séjour moyen des patients en CHSLD était de deux à trois ans.

La dignité, le concept de dignité, il se retrouve où dans ce séjour de deux, trois ans? La condition de la personne, est-ce que toutes les personnes souffrant d'Alzheimer vivent le même processus? Comment est-ce qu'on... mourir dans la dignité, c'est un concept dont on essaie d'éclairer les... Je veux vous entendre par rapport à la dignité. Vous avez mentionné, Dr Bergman, que vos soins étaient dans le respect de la dignité, de la volonté et du confort. Qu'est-ce qu'une personne atteinte d'Alzheimer... quel est son pouvoir par rapport à tout ça?

Le Président (M. Kelley): ...

M. Arcand (Marcel): Bien, on encourage les directives anticipées, en tout cas, que les gens puissent réfléchir, prévoir au cas où ils deviennent inaptes, pour faire valoir leurs volontés. Au moins en parler avec des proches, parce que les directives verbales, en tout cas, quand on essaie de reconstruire la volonté du malade par rapport à des décisions de fin de vie, on se fie souvent à des témoignages, à des choses qu'ils ont dites: Je ne voudrais pas être comme mon oncle Untel qui a fini de telle façon, etc.

Donc, c'est sûr, ça passe par le respect des volontés ou des directives, ça passe par le confort physique, ça passe par le confort psychologique, ça passe par, comme je le disais, des soins humains, plus que techniques des fois.

Vous avez probablement entendu parler d'expériences comme Carpe Diem, par exemple, à Trois-Rivières, une maison pour personnes avec Alzheimer, mais où l'approche relationnelle est plus importante que... ils ne passeraient peut-être pas les inspections, là, pour la sécurité, parce que telle porte, puis bon, etc., mais par contre, au niveau de l'approche puis des relations, ils l'ont. Et c'est ce qu'on voudrait aussi avoir dans les CHSLD, mais ça, ça demande quand même qu'il y ait du personnel mieux formé, en nombre suffisant.

C'est ce que je disais tantôt. Je ne sais pas ce que je peux rajouter de plus par rapport à la dignité, je ne suis pas sûr, est-ce que je réponds à vos questions? Vers la fin de vie, quand, moi, on me dit, bien: C'est marqué, il l'a dit que, s'il était dans cet état-là, il ne voudrait pas être prolongé, bien là, moi, j'arrête des médicaments, par exemple, qui sont à visées préventives, qui n'ont aucun bénéfice à court terme pour ce patient-là, et qui peuvent même devenir un fardeau, dans le sens que les médicaments... ça fait, je ne sais pas, des tas de pilules à avaler chaque jour, etc. Donc, cessation de médicaments, puis le reste, c'est «tender loving care», là, je veux dire, c'est la famille puis le personnel, la façon dont ils se comportent avec le patient qui peut améliorer la qualité de vie de ce patient-là.

Le Président (M. Kelley): Dernière courte question, Mme la députée de Mille-Îles?

**(19 h 20)**

Mme Charbonneau: Très courte. Vous avez... bonjour. Vous avez suscité mon intérêt, puisque plusieurs intervenants sont venus nous parler du cancer en phase avancée. C'est majoritairement le sujet qui a été dominant, il y a quelqu'un qui a eu la gentillesse de venir nous parler du sida, qui est une autre branche, si on peut le dire ainsi. Mais souvent on parle de paliers à deux aspects de la personne: sa douleur physique et sa douleur psychologique.

Quand on parle de l'Alzheimer, vous avez conscience de la douleur physique, qu'advient-il de l'autre douleur que je me permettrai, puis je ne suis pas insensible, là, je suis peut-être maladroite, mais qui est moins percevable, puisque quelqu'un qui souffre d'Alzheimer est dans un état complètement différent? Donc, je peux soulager sa douleur physique, puisqu'elle est percevable; vous êtes médecins, vous êtes capables de détecter des signes. Mais, dans l'autre douleur, qui est peut-être à un autre endroit que je connais pas -- elle est peut-être parmi la famille, je ne sais pas -- mais comment on fait pour distinguer entre ces deux douleurs qui sont existentielles?

M. Arcand (Marcel): Même la douleur physique, c'est difficile dans l'Alzheimer avancé, parce que ça peut se présenter sous forme d'agitation, sous forme d'apathie, etc. Donc, il y a un défi là. Une des -- comment je dirais? -- une des conséquences positives de cette maladie-là, c'est que les gens sont souvent dans le présent, ne se projettent pas dans l'avenir. Donc, s'ils sont bien dans le présent, si les intervenants se comportent de façon chaleureuse, et on peut générer des sourires, on peut générer de la... Oui, je pense, de cette façon-là.

Donc, la souffrance morale, elle est plus au début de la maladie d'Alzheimer, je pense, et, à un moment donné, on rentre dans une espèce de cage, je dirais, où les portes se referment, puis là c'est les autres qui décident pour toi. Mais, avant ça, il y a des gens, au début de la maladie, qui peuvent venir en parler à la télévision qui savent ce qu'ils ont et vers quoi ils s'en vont.

Mme Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Alors, bonsoir à mon tour, Dr Bergman, Dr Arcand. C'est vraiment important pour nous, en fait, c'est très précieux, votre témoignage sur la condition spécifique des gens atteints de la maladie d'Alzheimer.

J'aimerais vous parler un peu de la situation -- vous en avez parlé -- des soins palliatifs en CHSLD. On oublie trop souvent cette réalité-là, je pense, puis on a -- vous l'avez dit très bien vous-mêmes -- l'image des soins palliatifs pour des gens en oncologie, en phase terminale de cancer, avec des maisons de soins palliatifs avec des unités dédiées, puis on l'oublie un peu en CHSLD. J'aimerais savoir...

Tantôt, vous disiez qu'on n'a pas nécessairement... que la qualité est importante, mais la quantité aussi, puis, quand on accompagne quelqu'un, je pense, en fin de vie, en phase terminale de cancer, on voit à quel point des fois il peut y avoir des complexités pharmacologiques, des effets d'un médicament, il faut contrer, bon, puis à quel point la gestion de la douleur puis de la souffrance peut en fin de vie être complexe.

Est-ce que vous avez le sentiment qu'en CHSLD vous êtes moins bien outillés qu'en milieu hospitalier, par exemple en matière de phase terminale de cancer, soins palliatifs pour des gens qui ont le cancer en termes de... je dirais, de panoplie, d'éventail de moyens en tous genres, que ce soit humains, pharmacologiques?

M. Arcand (Marcel): Non, je trouve que c'est... En tout cas, à l'endroit où je travaille, dans les CHSLD en général, je pense que le problème des cancéreux qui viennent décéder là, ce n'est pas tellement l'expertise des gens qui les reçoivent, c'est plus l'environnement, des fois, parce que, quand tu te retrouves dans un milieu ou sur une unité de soins avec des gens qui ont la maladie d'Alzheimer, qui... à 80 %... Là, tu sais, on peut faire des unités séparées. Mais la question se pose.

Je sais qu'aux États-Unis, par exemple, les «nursing homes» deviennent de plus en plus avec des unités de soins palliatifs, etc., parce que les hôpitaux ne veulent pas les garder puis parce que les maisons de soins palliatifs ne sont pas assez nombreuses, donc... Mais, en termes d'expertise, je ne pense pas, puis en plus c'est... En anglais, on dit «nursing home»: c'est le nursing, c'est le «care» qui l'emporte. Alors, la plupart du temps, le personnel infirmier est -- comment je dirais? -- est prêt par définition à assumer ces rôles-là, puis, comme je vous le disais, on a déjà un tiers de la clientèle qui décède chaque année. Donc, la mort, ce n'est pas un sujet étranger.

Mme Hivon: Peut-être que je vous ai mal compris, mais qu'est-ce que vous vouliez dire tantôt quand vous avez dit, vous savez... Parce que vous nous dites un peu: Bien, il faut plus de la formation, plus d'accompagnement, de ce que je... plus être conscients de cette réalité-là. Et, quand vous avez dit: Ce n'est pas juste la qualité, mais c'est aussi la quantité des soins de confort, qu'est-ce que vous vouliez dire qui peut, par exemple, manquer?

M. Arcand (Marcel): Bien, ce que j'observe, c'est qu'il y a des préposés, par exemple des préposés aux bénéficiaires... Ils ne sont pas en nombre excessif. Bon, des fois, il arrive... puis on trouve: ils sont assis, ils parlent ensemble, etc. Mais, très souvent, là, c'est des soins routiniers, là: il faut donner des bains, il faut faire manger, il faut... etc. Puis prendre le temps d'être présent à une personne comme à un être humain, là, pas juste quelqu'un... pas juste comme une marchandise, là. Ils n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre. Donc, souvent il y a un manque de formation, un manque d'intérêt, mais il y a des gens qui l'ont, la vocation, mais qui manquent de temps, je dirais, aussi. Et ma crainte, des fois, quand on voit les budgets diminuer, c'est qu'on dise: Ah! Bien... on dit qu'on n'en rajoutera pas, mais on a l'objectif de personnaliser les soins, d'être plus humains, etc., mais ça prend du monde pour être plus humain. Ce n'est pas... puis pas juste des infirmières hautement spécialisées, là; ça prend des préposés aux bénéficiaires bien formés et bien encadrés.

Mme Hivon: C'est beaucoup sur les ressources humaines que votre propos se situe, là.

M. Arcand (Marcel): Oui, en termes de quantité, c'était plus ça, oui.

Mme Hivon: Oui, oui. Et non pas sur des ressources, je dirais, matérielles, en termes de... c'est ça, de médicaments ou de possibilités d'intervention. Ça, il n'y a pas de problème à cet égard-là. Vous n'avez pas le sentiment, par exemple, que...

M. Arcand (Marcel): Non, on n'a pas de problème de...

Mme Hivon: O.K. Parfait. Là, je vais venir à des questions plus... peut-être plus techniques sur les directives anticipées. Et qu'est-ce qui arrive quand il y a des directives anticipées d'une personne qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer, par exemple de ne pas prendre des moyens démesurés, de ne pas réanimer, et tout ça, mais que, là, elle est rendue totalement inapte, et que la famille s'oppose au respect de ces directives anticipées là?

J'imagine que vous voyez ça des fois. C'est-à-dire que, par exemple, la personne a dit, de manière peut-être assez générale: Je ne veux pas qu'on fasse de l'acharnement thérapeutique, je ne veux pas ci, je ne veux pas ça. Mais la famille, elle, dit: Bien ça, je pense que, oui, il voudrait ça ou... Comment vous gérez ça? Est-ce que c'est les... Est-ce qu'on cherche un consensus avec la famille, ou on se fie vraiment aux déclarations anticipées, ou c'est plus un problème théorique?

M. Arcand (Marcel): On cherche toujours les consensus. Souvent, on va avoir affaire à des familles divisées, où le fils qui arrive de je ne sais pas trop où, à un moment donné, qui était... jamais été très présent, dit: Comment ça qu'on ne donne pas d'antibiotiques? Comment ça que... bon, etc. Donc... mais, à ce moment-là, on s'assoit. S'il y a des volontés par écrit, c'est très... comment je dirais, ce serait très difficile de ne pas en tenir compte. Le problème des directives anticipées, c'est que souvent ils n'ont pas prévu tous les scénarios puis... Mais ça, ce n'est pas grave; au moins, on a une certaine idée, on a une...

Ça fait que, non, je... Moi, à ce moment-là, il arrive... ce n'est pas le fils qui décide ou ce n'est pas le mandataire qui décide comme tel. C'est une décision médicale. Leur rôle, c'est de refuser ou de consentir, mais j'essaie de les gagner de mon bord, ou on fait des compromis ou, à la limite, on change de médecin, mais c'est...

Mais, je veux dire, quand quelqu'un a écrit des volontés ou même a dit des choses que d'autres membres de la famille confirment, la personne qui veut s'opposer à ça, elle part avec deux...

Mme Hivon: Deux prises contre elle.

M. Arcand (Marcel): ...deux prises contre elle, oui.

Mme Hivon: O.K. Parfait.

M. Bergman (Howard): En fait, il faut parler d'un processus. C'est rare que, s'il y a un conflit entre la volonté de la personne, très clairement exprimée, de la famille ou... C'est souvent vraiment au sein de la famille. Bon, ce n'est jamais décidé d'un coup. C'est un processus, puis on essaie de gagner un consensus pour amener... amener que le décès soit fait dans la dignité aussi pour la famille, parce que c'est eux qui vont avoir à vivre avec ça par la suite, d'une certaine façon.

**(19 h 30)**

Mme Hivon: O.K. Je sais que ça ne vous tente pas tellement de parler d'euthanasie. Je comprends tout à fait d'où vous venez, c'est-à-dire... puis pourquoi ce n'est pas ça, pour vous, la priorité. Puis je pense que votre message passe très bien, on l'entend: la qualité des soins, l'accompagnement, la formation, puis tout ça. Mais, nous, le fait est qu'on s'en fait beaucoup parler, et on s'en fait parler aussi pour les inaptes. Et je pense que la question va se poser quand même, qu'on le veuille ou non, avec les taux effarants dont vous parlez, que les baby-boomers vont être atteints. Et on voit déjà des cas de gens qui se suicident précocement, après avoir reçu un diagnostic d'Alzheimer. On l'a vu ici avec Claude Jutra. On le voit... Enfin, il y a différents exemples.

Et je pense que, nous, c'est une question qu'on doit se poser et qu'on doit se demander si on doit la poser lors de la consultation, à savoir si, par exemple, une personne qui aurait exprimé, dans une déclaration anticipée de volontés, que, si elle est rendue à tel stade de la maladie, elle veut qu'on abrège sa vie et qu'on l'aide à mourir, moi, je pense que la question est peut-être plate à se poser, là, parce qu'on comprends très bien que ce n'est pas le cas type qu'on a en tête, puis on est tous d'accord, la personne apte, bon, qui a un diagnostic de phase terminale, qui sait combien de temps il lui reste, mais je me dis: Qu'est-ce qu'on fait avec ce problème-là de baby-boomers qui sont... qui se veulent très autonomes, qui ont cette volonté-là, qui pourraient l'exprimer dans des déclarations anticipées? Est-ce que, comme société, si jamais on considérait ça, on devrait dire d'entrée de jeu: Toute personne inapte, malgré ce qu'elle aurait pu exprimer, doit être exclue?

M. Arcand (Marcel): La seule chose que je peux vous dire, c'est qu'en Hollande ils l'ont autorisé, mais que les médecins ne le font pas. Autrement dit... je vais me répéter. En Hollande, on a autorisé qu'on puisse inscrire dans nos directives que, si on arrivait à un stade avancé, qu'on pouvait demander qu'on abrège nos jours.

Mais la réalité, c'est que... c'est les médecins, ils sont incapables, à cause du manque de réciprocité, entre autres, dans la discussion avec le malade, le fait que ça peut changer d'une journée à l'autre, le fait que, bon, etc., rendu là, ce n'est pas possible. Moi, je pense que c'est ça, le problème. J'ai un article là-dessus, si vous voulez, je peux vous le remettre puis...

Donc, je veux dire, le problème, d'après moi, qui va se poser, c'est vraiment une prévision personnelle, c'est, si on doit le faire, il faut le faire pendant qu'on est encore apte à savoir ce qu'on fait. De faire une demande... Mais, en tout cas, je peux vous dire, je ne connais pas de pays où ça se fait de...

Mme Hivon: On nous a dit tantôt, en Belgique, 26 cas de déclarations anticipées, mais je pense...

M. Arcand (Marcel): Ça se peut, peut-être.

Le Président (M. Kelley): Dr Bergman.

M. Bergman (Howard): Vous avez mentionné le taux de suicide chez des patients avec Alzheimer, en fait, à ma connaissance, le taux n'est pas très élevé. Le taux n'est pas très élevé. Il y a le cinéaste, là, je viens d'oublier son nom...

Des voix: Jutra.

M. Bergman (Howard): Jutra, merci. Claude Jutra qui s'est suicidé, mais en fait on a toujours eu peur, un peu comme dans le cancer, vous voyez qu'on est déphasé par rapport au cancer...

Est-ce qu'on dit à la personne qui souffre de la maladie d'Alzheimer, quand on fait le diagnostic au stade précoce, et, vous savez, il y a 30 et 40 ans, probablement que la famille disait: Non, non, il ne faut pas le dire, il ne faut pas le dire. Et, jusqu'à tout récemment, je dirais même les professionnels de la santé étaient un peu inconfortables à le dire, mais là on commence à le dire.

Bon, j'avoue que ce qui est intéressant, il y a très, très... je n'ai pas vu, et j'en ai beaucoup au stade précoce, qui ont tombé dans une dépression ou qu'il y a eu une tendance au suicide. Peut-être que ça va venir avec les baby-boomers. Peut-être que les baby-boomers vont commencer à faire des testaments de vie dans ce sens-là, avec des... mais, encore une fois, on n'est pas là.

Si j'étais vous, comme commission, l'euthanasie, c'est déjà une problématique assez complexe, je commencerais avec du monde... la question autour du monde qui sont aptes à donner le consentement. Et, pour ce qui est d'autres, comme ceux qui ne sont pas aptes à donner un consentement, c'est de faire des recommandations pour assurer une fin de vie digne, une fin de vie qui évite l'acharnement.

On a parlé tantôt de qu'est-ce que c'est de mourir dans la dignité. Pour moi, si c'était moi personnellement, ou ma mère, ça ne serait pas mourir dans un coin de la salle d'urgence ou un coin d'une unité de médecine avec... avec trois intraveineuses dans chaque bras et avec des prises de sang à toutes les trois heures. Je caricature évidement, mais vous voyez ce que je veux dire. Mourir dans la dignité, ce serait entouré de sa famille.

Et des fois les familles me disent: Qu'est-ce que... Faites quelque chose... Ou: Qu'est-ce qu'on peut faire? Est-ce qu'on peut faire... Je leur dis: Allez dans la chambre, et prenez la main de votre mère, puis parlez avec votre mère. Et je pense... Donc, je dirais qu'on a tellement à faire, ce côté-ci, je ne voudrais pas faire dévier l'objectif de faire ça par une discussion que, je pense, n'aboutira pas de toute façon, à court terme.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour votre présence. Vous avez répété à plusieurs reprises l'importance de la recherche de consensus lorsque possible avec les différents membres de la famille.

N'y voyez pas un jugement à travers ma question, mais est-ce que ce consensus-là est une façon pour le médecin de se protéger? Est-ce que vous y voyez une façon de vous protéger?

Et, autre partie de la question, est-ce qu'il y aurait des balises supplémentaires qui pourraient être établies, suite aux travaux de la présente commission justement, pour vous assurer un meilleur sentiment de confiance ou pour vous aider à mieux accompagner vos patients, qu'ils soient atteints de maladie d'Alzheimer ou d'autres maladies qui sont dans cette phase terminale?

M. Arcand (Marcel): Mon mentor en éthique m'a résumé ça en deux phrases. La première, c'était la question qu'on doit se poser, c'est: Qu'est-ce qu'il est pertinent de faire pour cette personne-ci à ce moment-ci de sa vie? Puis la deuxième chose qu'il m'a dit, c'est: Le médecin ne doit pas décider tout seul.

C'est-à-dire, donc, pour moi, ça fait partie de la pratique. Je pense parfois qu'il y a des médecins qui décident tout seuls, un peu trop, je pense qu'ils... C'est parce que ça prend du temps, discuter avec les familles, etc. Mais en même temps il ne faut pas tomber dans l'autre excès qui est de dire: J'ai tel... Ce n'est plus moi qui décide, c'est... On l'envoie-tu à l'hôpital ou on l'envoie pas à l'hôpital? Décidez. La famille, c'est beaucoup à porter, là, comme décision, ce n'est pas à eux à prendre...

C'est pour ça qu'Howard, quand il disait tantôt: Je donne mon opinion, je pense qu'on a un rôle de conseiller, et on doit le jouer. Mais, non, c'est sûr que... Je veux dire, pour ce qui est des questions de qualité de vie, moi, je peux...

Tu sais, on est de plus en plus dans de l'ethnogériatrie avec des gens de différentes ethnies, etc., qui ont une vision de la démence qui n'est pas comme la nôtre, qui ont une vision de l'après-vie qui n'est pas comme la nôtre; pour eux, ça peut avoir du sens, etc. Il faut qu'ils nous disent un peu ce qu'ils vivent là-dedans, puis on ne peut pas ne pas en tenir compte, d'après moi. On est dans l'éthique plus que... on n'est pas dans le «hard science», là, on n'est pas dans la science pure et dure, là.

M. Bergman (Howard): Je dirais, si je peux enchaîner pour... parce que je suis maintenant vice-président Affaires scientifiques au Fonds de la recherche en santé du Québec, vous avez mentionné recherche, mais ce n'était pas dans ce sens-là, mais je vais profiter pour dire l'importance de faire de la recherche sur cette question-là.

D'ailleurs, Marcel et son équipe ont produit une petite plaquette qui est utilisée pour expliquer à la fois aux intervenants mais aussi aux familles qu'est-ce que c'est, les soins de fin de vie en maladie d'Alzheimer et qui fait l'objet maintenant d'une recherche... une traduction, une recherche dans plusieurs pays pour voir l'impact. Il y a aussi possibilité de faire de la recherche, par exemple, sur la satisfaction des familles avec la fin de vie, donc on est capables d'évaluer qu'est-ce qu'on fait. Évaluer qu'est-ce qu'on fait, ce n'est pas de la recherche pour faire de la recherche, mais faire de la recherche pour améliorer notre pratique.

Et donc une des recommandations de mon rapport, c'est de développer, promouvoir la recherche. Et en même temps, avec mon poste à FRSQ, je vais pouvoir travailler... implanter cet aspect-là. Et par hasard, par hasard, l'auteur du chapitre sur la recherche est le P.D.G. du FRSQ, Yves Joanette.

Le Président (M. Kelley): Dernière courte question, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

**(19 h 40)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, courte question. Oui, merci, M. le Président. Merci, messieurs. Quand je regarde justement le document que vous nous avez déposé, je me rends compte que, dans bon nombre de sous-chapitres, la question des relations, que ce soit au niveau des lignes directrices, vous faites mention du rôle du mandataire. Au point 7, vous parlez des familles dont les attentes ne sont pas réalistes. Au point 8, vous parlez de la communication entre l'équipe soignante et les familles, je...

Ce que je détecte là-dedans, c'est que la relation avec les familles pour en arriver au consensus dont vous parliez est difficile, est ardue, à mon avis. C'est ce que je détecte un peu. En tout cas, vous y revenez avec une fréquence assez importante, et la décision finale, elle se trouve où? Et les conditions pour que la famille soit apte à participer à tout le processus de réflexion?

Quand les gens se retrouvent en soins palliatifs, il y a une équipe d'accompagnement qui est là et qui, peut-être, met à contribution plus rapidement les familles. Mais, dans certains milieux hospitaliers, c'est plus difficile.

Alors, qu'est-ce que c'est, au-delà de la formation, la participation de la famille? Elle peut être appréciable dans quel contexte?

M. Arcand (Marcel): En fait, d'après moi, là, la façon idéale dont ça devrait se passer, c'est qu'il y a une... un moment dans la maladie où on prend conscience qu'il y a... Bon, il y a une complication aiguë ou il y a une perte qui s'accélère, etc. Je pense qu'il faut réunir la famille à ce moment-là et vérifier ce qu'ils savent, donner de l'information face à des fausses croyances ou des fausses perceptions, présenter les options thérapeutiques, y compris l'option soins de confort, et puis essayer de faire consensus avec eux sur ce qui apparaît être la meilleure décision.

Je vous dirais que 90 % du temps ça se passe bien, quand on le fait. Ça ne se fait peut-être pas partout de façon très élaborée. Une des choses qu'on a dans un projet de recherche, c'est d'essayer de faire de l'«empowerment» des infirmières, parce que les médecins en centre d'hébergement, souvent, ne sont pas là tout le temps, pas très présents. Mais on pourrait former des infirmières qui, en accord avec le médecin, joueraient un rôle peut-être plus éducatif auprès des familles, après une formation, là, et c'est ça. Donc, je pense que ce n'est pas si problématique que ça.

Mais, quand il y a des problèmes, souvent, c'est à l'intérieur même de la famille. Il peut y avoir des conflits, puis sinon c'est une question de confiance envers le médecin. Si vous êtes médecin de garde, puis que vous arrivez, puis que la famille ne vous connaît pas, puis que vous parlez d'une option soins de confort, c'est plus compliqué que si vous avez déjà... si vous êtes médecin depuis plusieurs années de cette personne-là et que vous avez utilisé la médecine conventionnelle, à plusieurs reprises ça a bien été, puis là vous dites: Non, ça ne marchera pas cette fois, là, ça ne sera pas... ça ne serait pas la chose à faire. Ils vont vous croire davantage que si vous arrivez puis que vous êtes inconnu, là.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Kelley): Il me reste... juste faire écho à l'ensemble des membres de la commission. Souvent, dans la vie, les choses qu'on a peur, on veut ne pas les discuter. On ne veut pas en parler et peut-être un genre de déni collectif. Mais, je pense, les réalités que vous avez... décrivez ce soir, quant à l'incidence de l'Alzheimer, de la démence dans notre société, c'est une problématique croissante qui va être un énorme défi pour les générations à venir. Alors, merci beaucoup d'avoir partagé vos réflexions, vos expériences. J'ai beaucoup apprécié, Dr Bergman, les mises en garde que déjà, parmi le monde des aptes, on est dans un domaine qui est assez complexe. Alors, c'est bien noté, vos sages conseils.

Alors, sur ça, je vais... Dr. Arcand.

M. Arcand (Marcel): Je veux juste dire que j'ai été impressionné par la qualité des questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, sur ça, j'ajourne nos travaux à demain matin, le 9 mars, à 10 heures, dans la salle du Conseil législatif, afin de terminer les consultations particulières et des audiences publiques sur la question de droit de mourir dans la dignité. Merci beaucoup. Bonsoir. Bon appétit.

(Fin de la séance à 19 h 44)

Document(s) related to the sitting