To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Wednesday, May 29, 2013 - Vol. 43 N° 25

Special consultations on the draft rules repealing the provision that prohibits the sale, service and consumption of alcoholic beverages inside gaming areas


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Suzanne Proulx

Document déposé

M. Yves Bolduc

Mme Hélène Daneault

Auditions

Loto-Québec

Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ)

Association des centres de traitement des dépendances du Québec

Centre Dollard-Cormier, Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD)

Autres intervenants

M. Norbert Morin, président suppléant

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Diane Gadoury-Hamelin

Mme Stéphanie Vallée

M. Robert Poëti

Mme Rita de Santis

M. Roland Richer

*          M. Gérard Bibeau, Loto-Québec 

*          M. Jean Royer, idem 

*          M. Claude Soucy, ACRDQ

*          Mme France Lecomte, idem et CDC-IUD

*          M. Vincent Marcoux, Association des centres de
traitement des dépendances du Québec

*          Mme Martine Beaulieu, idem

*          M. Jean-Marie Thibault, CDC-IUD

*          Mme Brigitte Vincent, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Morin) : Bonjour, tout le monde. Comme nous avons quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Et, comme à l'habitude, vérifiez vos téléphones cellulaires, car la sonnerie nous dérange en commission.

La commission est réunie ce matin afin de procéder à des consultations particulières sur le projet de règles abrogeant la disposition qui prohibe la vente, le service et la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur des aires de jeux.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, aucun remplacement.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Morin) : Donc, ça va bien, les gens de la commission sont tous là.

Ce matin, nous entendons les représentants de Loto-Québec, mais, avant de débuter, je sais que nous avons discuté ici, en commission, de procéder à l'étape des remarques préliminaires. Je suis donc prêt à entendre un représentant du groupe parlementaire formant le gouvernement, dont Mme la députée de Sainte-Rose, vice-présidente de cette commission. Mme la députée, vous disposez d'un maximum de six minutes pour vos remarques préliminaires.

Mme Suzanne Proulx

Mme Proulx : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de saluer mes collègues membres de la commission et, bien sûr, de souhaiter la bienvenue à nos invités, M. Bibeau et les personnes qui l'accompagnent.

Alors, j'ai donc, en effet, quelques remarques préliminaires concernant le mandat de la commission aujourd'hui. Créée en 1969 afin d'implanter une loterie publique, on sait que Loto-Québec a diversifié ses activités au fil des ans. Aujourd'hui, en plus des loteries, Loto-Québec exploite notamment quatre casinos, un réseau d'appareils de loterie vidéo et un site de jeu en ligne.

La contribution de Loto-Québec à l'activité économique est considérable. Je vous rappelle, par exemple, qu'en 2012‑2013, les achats en biens et services de Loto-Québec auprès d'entreprises en affaires au Québec ont totalisé 347 millions de dollars et que la société verse aussi, à plus de 6 000 employés, plus de 425 millions en salaires et avantages sociaux. En plus de soustraire la population à l'offre de jeu illégale, l'intervention de Loto-Québec contribue de façon importante au financement de l'ensemble des services publics offerts aux Québécois.

Loto-Québec verse 100 % de son bénéfice net au gouvernement en dividendes. La société participe également au financement de missions spécifiques de l'État dans les domaines de l'action communautaire autonome, de l'aide aux aînés en perte d'autonomie et du jeu pathologique. En 2011‑2012, ce sont 1,3 milliard de dollars qui ont été versés au profit de la collectivité, dont 1,2 milliard en dividendes. Or, le dividende versé par Loto-Québec diminue constamment depuis le niveau de 1,5 milliard observé en 2005‑2006.

Depuis sa création, le défi de Loto-Québec consiste à réaliser ses objectifs commerciaux tout en réduisant au minimum les effets néfastes du jeu sur la santé publique. La capacité de Loto-Québec d'assumer son rôle dépendessentiellement de l'attraction que suscite son offre de jeu sur la clientèle. Cette attraction ne devrait cependant pas être excessive et créer des problèmes de santé publique. Par conséquent, l'attraction des joueurs vers les jeux de Loto-Québec s'effectue dans le respect rigoureux d'un ensemble de règles relatives à la façon d'offrir ses jeux.

Le pouvoir d'attraction de Loto-Québec doit cependant lui permettre de susciter l'intérêt des Québécois en général et, plus particulièrement, de la clientèle attirée par l'offre de jeu des juridictions limitrophes et des sites illégaux non sécuritaires.

• (11 h 40) •

Or, l'analyse des données présentées dans les enquêtes sur les habitudes de jeu de 2002 et de 2009 montre un déplacement des dépenses de la population adulte des jeux de hasard et d'argent offerts par Loto-Québec vers le jeu illégal. En 2009, le poids relatif des dépenses de jeu à Loto-Québec était de 68 % comparativement à près de 83 % en 2002. En parallèle, les Québécois ont augmenté de 17 % à près de 32 % leur part dans le jeu illégal et non étatisé. La tendance que l'on détecte de ces estimations est non équivoque. La part relative des jeux qui ne sont pas offerts par Loto-Québec ne cesse d'augmenter.

À titre d'exemple, en ce qui concerne le jeu en ligne, il est estimé que les dépenses de jeu des Québécois totalisent un minimum de 100 millions de dollars par année, dont 30 millions de dollars sur Espacejeux. Ça signifie donc qu'il y a plus de 70 millions de dollars qui sont dépensés chaque année sur des sites illégaux. Chaque année, Loto-Québec déploie des efforts importants de mise en marché pour canaliser les joueurs vers le jeu légal et reconquérir la clientèle perdue au bénéfice d'autres juridictions et de sites illégaux.

Ces efforts se sont notamment traduits par des investissements importants dans les casinos d'État afin de les rendre comparables à ceux des autres juridictions. Ainsi, à l'automne 2013, le Casino de Montréal aura bénéficié d'investissements majeurs totalisant 306 millions de dollars. Au Casino du Lac-Leamy, la revitalisation des installations amorcée à l'automne 2012 permettra également d'accroître la qualité du service à la clientèle; 50 millions de dollars y seront investis. À Mont-Tremblant, le casino achevé en 2009 accueille maintenant plus de 500 000 visiteurs annuellement, dont environ 10 % proviennent de l'extérieur du Québec. Il importe de rappeler ici, devant cette commission, que ces projets avaient été approuvés sous l'ancien gouvernement. Celui-ci comprenait alors, tout comme nous, l'importance de maintenir la capacité d'attraction des casinos d'État. Pour les régions qui les accueillent, les casinos d'État représentent des joyaux dans leur offre touristique. L'activité économique générée par leur présence participe également au mieux-être des Québécois.

Plusieurs associations et regroupements de gens d'affaires ont signifié leur appui au projet de modifications réglementaires et souhaitent sensibiliser les parlementaires à l'importance d'y donner suite. Les arguments qu'ils invoquent sont simples et vrais. Ils veulent que les casinos continuent de contribuer au développement touristique et économique de leurs régions. Au nombre de ceux-ci, on compte notamment la Chambre de commerce de Charlevoix, Tourisme Charlevoix, Tourisme Mont-Tremblant, L'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal, Tourisme Outaouais, la Chambre de commerce de Gatineau, le professeur émérite de la Chaire de tourisme Transat de l'UQAM, M. Michel Arseneault, et la ville de Gatineau, dont le maire mentionne d'ailleurs que permettre la consommation d'alcool dans l'espace jeux assurera un meilleur positionnement du Casino du Lac-Leamy face à ses concurrents directs que sont les casinos ontariens, qui ont cette possibilité, d'autant que le gouvernement ontarien envisage l'implantation d'un autre casino à Ottawa. Les touristes souhaitent retrouver, dans les casinos du Québec, le même service que dans le reste du Canada et dans le reste du monde.

Je conclus, M. le Président. Derrière ces regroupements et associations se trouvent des gens d'affaires qui prennent des risques, paient des salaires, collectent des taxes et paient des impôts. J'ajoute à ces appuis celui de tous les membres du conseil d'administration de Loto-Québec. Notre point de vue est donc qu'il devrait être permis, à l'instar de toutes les autres juridictions en Amérique du Nord, de vendre, de servir et de consommer de l'alcool dans les aires de jeux des casinos du Québec.

Merci, M. le Président, et il me fait plaisir de déposer la lettre d'appui signée par les membres de la direction et du conseil d'administration de Loto-Québec.

Document déposé

Le Président (M. Morin) : Est-ce qu'on accepte le dépôt? Oui? Merci, Mme la députée de Sainte-Rose. Je suis prêt maintenant à reconnaître la personne responsable de l'opposition officielle en la personne de M. le député de Jean-Talon. Vous avez six minutes, mon cher monsieur.

M. Yves Bolduc

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. C'est ce que nous déplorons, M. le Président, on a un discours seulement économique. Jamais il n'a été parlé des personnes qui pouvaient être atteintes par des problèmes de jeu et des problèmes d'alcool. La première raison pour laquelle on va abolir ce règlement qui interdit la boisson... la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur des aires de jeux est tout simplement une commande de 40 millions de dollars supplémentaires pour Loto-Québec, et c'est ce que nous déplorons, M. le Président. Ils n'ont pas pris d'avis au niveau de la santé publique, n'ont pas tenu compte également des différents groupes qui ont à traiter ces gens. Et tous savent — et c'est reconnu dans plusieurs études — qu'il y a un risque important lorsqu'on combine l'alcool avec le jeu : ça augmente la consommation au niveau du jeu et ça augmente la consommation au niveau de l'alcool.

Moins de 1 % des gens ont une grande vulnérabilité, mais il y a d'autres groupes également qui, sans dire que c'est des grands vulnérables, vont consommer plus d'alcool et à ce moment-là vont jouer plus, donc ça va apporter multiples problèmes. Premier problème, au niveau de l'individu : on les ancre encore plus dans leur problématique de jeu et d'alcool. Deuxième problème, au niveau de la famille : pour chaque personne qui a des problèmes de jeu, il y a au moins cinq à six personnes qui sont atteintes — on parle des conjoints, on parle des enfants, on parle des parents — donc c'est un problème social qui se développe.

Et, oui, nous sommes pour un jeu responsable mais limité. Le Québec, déjà, est un des endroits au monde où est-ce qu'il y a le moins de consommation au niveau du jeu en termes de grands problèmes de société tout simplement parce que nous avions établi une politique responsable de limiter, de voir qui sont les gens très à risque et d'éviter qu'ils viennent au niveau du casino.

M. le Président, ce que nous reprochons, c'est que la décision a été seulement économique. Habituellement, lorsque le gouvernement prend une décision aussi importante, il sollicite la Santé publique pour avoir un avis pour voir les impacts et les conséquences. Dans ce cas-ci, peut-être qu'il y a eu des études, mais il semblerait qu'elles sont non disponibles, et nous ne savons même pas si les études existent.

Donc, M. le Président, nous croyons que le ministre de la Santé et des Services sociaux, la ministre déléguée aux Services sociaux, n'ont pas joué leur rôle, n'ont pas joué leur rôle d'équilibrer la position des usagers qui sont les plus vulnérables versus une position qui est seulement économique.

Aujourd'hui, M. le Président, nous allons commencer à entendre les différents groupes. Nous avons hâte de savoir qu'est-ce qui va être dit. Nous allons avoir des gens qui vont être en faveur de cette décision et des gens qui vont être en opposition avec cette décision. Nous nous mettons en mode écoute, mais déjà je peux vous dire, M. le Président : Nous regrettons énormément que le gouvernement n'ait pas consulté les instances de la santé. Et également notre rôle, en tant qu'opposition, est de protéger, dans un premier temps, les plus vulnérables. Oui, pour le côté économique, mais pas au détriment des personnes qui sont les plus à risque. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin) : M. le député de Jean-Talon, merci. J'invite maintenant la députée de Groulx… Je veux vous entendre. Vous avez trois minutes. Oui, c'est ça.

Mme Hélène Daneault

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Alors, je suis heureuse d'être avec vous aujourd'hui, justement, pour discuter des décisions qui ont été prises quant à permettre l'alcool dans les aires de jeux. Évidemment, on connaît bien la réputation de Loto-Québec, qui est une société d'État, effectivement, qui est florissante puis qui a... mais dont une grande proportion de ses revenus — il ne faut pas l'oublier — provient des Québécois. Alors, on se doit, avant de permettre une telle politique, de regarder ce qui se fait et, en élus responsables, de regarder aussi les impacts au niveau de la santé publique. Et ça fait 30 ans que le Québec a résisté à cette tendance lourde d'offrir de l'alcool aux gens qui sont aux tables de jeu. Parce qu'il y a une raison pour laquelle on a résisté autant d'années, c'est qu'on connaît très bien l'effet pervers de l'alcool, même aux gens qui ne souffrent pas... Ceux qui souffrent déjà d'une dépendance au jeu, on sait qu'ils sont... c'est propice à en développer une deuxième, dont la dépendance à l'alcool.

Mais, même chez les consommateurs irréguliers, l'alcool affecte le comportement en diminuant le niveau d'activité du cortex cérébral, les processus relatifs à la pensée se font alors de façon désorganisée. Selon une étude de 1987, par les docteurs... un taux de 0,05 d'alcool dans le sang suffirait à diminuer le niveau d'attention, à altérer le jugement et à désinhiber. Donc, l'alcool peut agir à deux niveaux sur le jeu : en désinhibant le consommateur, l'alcool libère l'individu de ses contraintes sociales et financières, ce qui lui permet de parier plus qu'il ne serait prudent de le faire; l'effet de l'alcool sur les facultés cognitives rend plus probables les paris qui n'optimisent pas les chances de gains du joueur, ainsi, dans ces paris imprudents, il est plus vraisemblable que le consommateur perde.

Alors, ces études-là sont connues depuis bien des années. Je pense qu'on ne peut pas permettre l'autorisation d'alcool dans les aires de jeux sans regarder cet aspect. Nous sommes des élus et nous devons être responsables de protéger la population. Et je pense qu'effectivement l'objectif du 40 millions, si on est à 40 millions près, il y a des façons peut-être plus appropriées de le faire ailleurs que de permettre l'alcool dans les aires de jeux sans se soucier de la santé publique et sans se soucier du problème de codépendance qui peut exister chez les joueurs pathologiques.

Alors, évidemment, on est ici pour entendre tous les partis, autant ceux qui sont favorables à cette mesure-là que ceux qui ne le seront pas, mais je pense qu'on se doit, comme élus responsables, de prendre des décisions qui vont au-delà d'une situation financière. Merci, M. le Président.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Morin) : Mme la députée de Groulx, vous avez entré dans le temps de trois minutes. Bravo!

Mme Daneault : Je m'en viens bonne.

Auditions

Le Président (M. Morin) : Nous allons maintenant débuter les auditions. M. Bibeau, bonjour, bon matin. Et j'aimerais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes pour nous exposer votre point de vue là-dessus.

Loto-Québec

M. Bibeau (Gérard) : Merci beaucoup, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jean Royer, qui est le premier vice-président et chef de l'exploitation à Loto-Québec, Mme Lynne Roiter, qui est la secrétaire générale et la vice-présidente à la direction juridique, et Mme Guylaine Rioux, qui est la vice-présidente au jeu responsable chez Loto-Québec.

Donc, merci de nous permettre d'être présents aujourd'hui. Nous pourrons vous expliquer les raisons qui nous ont motivés à demander au gouvernement une modification réglementaire pour permettre la consommation d'alcool dans les aires de jeux de nos casinos.

Je vais d'abord vous dresser un bref historique. En septembre 2010, le précédent gouvernement a adopté la planification stratégique 2010‑2013 de Loto-Québec. Cette planification s'articule autour de trois grandes orientations, soit de canaliser l'offre de jeux de hasard et d'argent dans les circuits contrôlés, encadrer efficacement à la consommation des jeux de hasard et d'argent et bien sûr accroître l'efficacité et la performance globale de la société.

Il est clairement indiqué, dans ce document, que l'objectif de Loto-Québec est de mettre de l'avant une offre qui est à la fois légale et compétitive. J'insiste là-dessus : une offre qui est légale et compétitive. En effet, pour remplir notre mandat, on doit proposer à nos clients une expérience aussi bonne que celle de la concurrence, voire plus. C'est un principe qui est vrai pour nous et pour toute entreprise commerciale, et c'est d'autant plus nécessaire que la compétition augmente sans cesse.

Notre concurrence a longtemps été concentrée à Atlantic City, mais il y a maintenant des casinos en Ontario, dans le Maine, dans le Connecticut, dans l'État de New York. Seulement, dans l'État de New York, les revenus du jeu ont augmenté de 600 millions la dernière année, de 2011 à 2012. Vous savez peut-être que les casinos canadiens sont visités, en moyenne, par 25 % à 28 % de leur population adulte locale; aux États-Unis, c'est 32 %. Au Québec, le taux est passé de 21 % en 2007 à 17 % dans les dernières années. Chaque point de pourcentage équivaut à des revenus de 23 millions de dollars. La différence est énorme.

Pourtant, les Québécois ne jouent pas moins qu'avant, loin de là. En effet, on estime que les Québécois dépensent 42 millions de dollars par année au racino de Rideau Carleton, à Ottawa, pour un chiffre d'affaires de 150 millions, donc 42 millions. Dans le cas du casino d'Akwesasne, les Québécois y jouent environ pour 10 millions par année, environ 10 % de leurs revenus. Ces deux établissements sont nos deux plus proches concurrents, mais on compte aujourd'hui 80 maisons de jeu à quelques heures de route de Montréal. C'est six fois plus qu'il y a 20 ans. Le fait est qu'aujourd'hui, en 2013, des Québécois peuvent consommer de l'alcool en jouant au black-jack ou aux machines à sous, mais chez nos concurrents.

Cette montée de la concurrence explique en partie la tendance à la baisse de l'achalandage. L'autre facteur est le cadre réglementaire entourant l'offre de nos nouveaux produits. Jusqu'à tout récemment, pour offrir un nouveau jeu de table, Loto-Québec devait aller chercher l'autorisation du Conseil des ministres. Les autres, eux, pouvaient offrir rapidement et régulièrement des nouveaux jeux. Dans le même sens, une nouvelle machine à sous devait être certifiée par le laboratoire d'expertise judiciaire, qui se spécialise plutôt dans les autopsies et les analyses d'ADN. Cette incapacité à renouveler adéquatement nos produits, jumelée à une concurrence plus forte que jamais, a donc fait baisser l'achalandage. C'est pour arrêter ça que le gouvernement précédent, appuyé de l'opposition officielle, a modifié certaines mesures réglementaires et législatives. Nous pouvons maintenant suivre le rythme et offrir, nous aussi, les nouveautés que nos clients voient ailleurs. C'est un pas dans la bonne direction, et il faut continuer.

Au-delà du cadre réglementaire, il y a aussi nos établissements. La norme, dans l'industrie, c'est de rénover nos casinos à tous les sept ans. Le projet du bassin Peel était une façon de renouveler notre offre; son abandon n'a fait que retarder la rénovation du Casino de Montréal. C'est ce qui explique que, dans les dernières années, nous avons fait des investissements majeurs pour rendre nos casinos plus attrayants : à Montréal, c'est 305 millions qui ont été investis; un chantier de 50 millions qui est actuellement en cours au Casino du Lac-Leamy; Charlevoix et Mont-Tremblant ont aussi eu droit à des améliorations. La fin des travaux approche à Montréal. Nous avons dit au gouvernement qu'avec les rénovations bientôt complétées et les nouvelles mesures, ça nous permettrait de remettre 40 millions de dollars de plus en dividendes cette année et 70 millions l'an prochain.

Pour atteindre nos objectifs financiers et augmenter le nombre de visiteurs, nous comptons sur trois points : une meilleure expérience pour les clients, ça inclut l'alcool, mais nous voulons surtout offrir un produit qui se distingue notamment par l'utilisation du multimédia, une meilleure expérience, donc, de la publicité aussi pour inciter les gens à visiter leurs casinos et une bonne gestion des dépenses.

L'alcool, c'est une mesure parmi les autres. Nous vendons de l'alcool dans nos bars et nos restaurants depuis 20 ans. Ce n'est rien de nouveau, nous avons une longue expérience en la matière. Partout en Amérique — sauf dans les aires de jeux des casinos de Loto-Québec — le jeu et l'alcool cohabitent. Serions-nous les seuls à voir un problème? Il semble que oui. Serions-nous les seuls à être incapables de gérer la cohabitation? La réponse est non.

Et je dirais même que Loto-Québec est particulièrement bien placée pour s'assurer que le jeu reste un jeu en offrant à ses clients un environnement qui est sécuritaire. En effet, nous avons plusieurs mesures en place pour éviter les abus : tous nos employés sur le plancher sont formés pour repérer les personnes qui sont à risque et agir en conséquence, nos employés qui servent de l'alcool suivent la formation Action Service de l'ITHQ et d'Éduc'alcool. Attention! Il ne faut pas confondre consommation d'alcool et abus d'alcool. De la même façon, le jeu n'est pas synonyme de jeu excessif. Ces nuances sont importantes. Pour une personne qui n'est pas familière avec l'univers des casinos, ne pas pouvoir prendre d'alcool dans les aires de jeux peut être vu positivement, mais cette interdiction ne répond pas aux exigences de nos clients. Ils sont nombreux : 15 000 par jour à Montréal seulement. Nos clients s'attendent à ce qu'on leur offre un environnement de jeu concurrentiel, et aujourd'hui ça inclut de pouvoir prendre un verre en s'amusant.

Les modifications demandées sont nécessaires et conformes au mandat exposé dans notre plan stratégique 2010‑2013, soit mettre de l'avant une offre à la fois légale et compétitive. Loto-Québec gère l'offre de jeu dans l'ordre et la mesure. Nous appliquons nos principes de commercialisation responsable. Notre engagement est indéniable.

Parlons de certaines mesures dans nos casinos : nous ne faisons aucun crédit, l'entrée est strictement interdite aux moins de 18 ans, chacun de nos casinos compte un espace dédié à la prévention du jeu excessif, les clients qui le souhaitent peuvent s'autoexclure de nos casinos, tous les employés suivent un atelier sur le jeu pathologique et la procédure à suivre en cas de détresse, des comités de vigilance sont aussi en place. Plus récemment, nous avons créé une vice-présidence dédiée au jeu responsable. Elle s'assure que nous ayons les meilleures pratiques du domaine dans toutes nos sphères d'activité. La gestion responsable de nos produits et activités nous a permis d'avoir la plus haute distinction en jeu responsable décernée par la World Lottery Association. Nos mesures ont été étudiées par un panel indépendant d'experts internationaux.

M. le Président, pour conclure, notre requête s'appuie sur ces constats : au Canada, ce sont les Québécois qui dépensent le moins en jeux de hasard et d'argent; pour les dépenses en casinos, les Québécois arrivent septièmes sur neuf; les études scientifiques de 1996, 2002 et 2009 montrent que le taux de joueurs problématiques est stable au Québec et parmi les plus bas au pays.

• (12 heures) •

La concurrence de nos casinos se multiplie. Loto-Québec doit réagir pour que son offre reste compétitive. Les Québécois ont délaissé nos casinos pour aller jouer en Ontario et aux États-Unis. Nos casinos ont des mesures éprouvées pour éviter les dérapages. Notre personnel est qualifié et adéquatement formé. Nous vendons de l'alcool depuis 20 ans. Loto-Québec a toujours géré l'ensemble de ses activités de façon responsable. Le gouvernement a déjà fait un pas en modernisant le cadre réglementaire de nos casinos. Pour notre part, dans nos casinos, on est en train de renouveler les infrastructures et l'offre de jeu, et maintenant nous devons ajuster cette offre à la réalité nord-américaine, tout ça, M. le Président, dans le but d'offrir un environnement qui est concurrentiel, nous permettant d'attirer une nouvelle clientèle. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. Bibeau. Vous aussi, vous avez respecté le temps, donc bravo. Maintenant, nous débutons les échanges. Je vous rappelle que le gouvernement a 22 minutes; l'opposition, 22; et la deuxième opposition, vous avez un beau six minutes, chère madame. Donc, j'invite maintenant Mme la députée de Masson à débuter cet échange.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bibeau, bonjour à toutes les personnes qui vous accompagnent. Heureuse que vous soyez ici ce matin pour nous expliquer en détail ce que… les enjeux et les impacts que pourraient comporter, là, les changements que vous proposez.

Dans un premier temps, on voit aussi, dans la documentation que vous nous avez fournie et dans laquelle a été déposée votre demande tout à l'heure, on voit qu'il y avait quand même un glissement, au niveau des revenus des casinos, qui était amorcé depuis un certain temps. Vous nous dites dans votre lettre que c'était dans le but d'endiguer ce glissement-là que le gouvernement précédent avait appuyé... de l'opposition officielle avait modifié certaines mesures de réglementation et de législation dans ce sens-là. Vous nous dites que c'était un premier pas dans la bonne direction, mais que là on est rendus à une autre étape du processus parce que le glissement s'accentue.

Alors, pouvez-vous nous dire quelles étaient, à ce moment-là, les mesures réglementaires et législatives qui avaient été mises en place, là, par le précédent gouvernement pour vous aider, justement, à éviter, là, ce glissement-là?

M. Bibeau (Gérard) : O.K. Comme j'ai parlé un petit peu, là, dans ma présentation, un des règlements qui a été changé, c'est toute l'approbation de nos différents jeux. Tu sais, notre clientèle qui vient chez nous, dans nos casinos, ils aiment ça. Les gens s'amusent, les gens connaissent les jeux, les gens connaissent la compétition. Donc, les gens suivent le marché, donc sont intéressés à avoir les jeux. Puis, quand ils ne les ont pas, bien, ils nous filent entre les mains, puis la compétition est quand même plus proche qu'on pense. Donc, ils filent ailleurs.

Donc, une des choses qui a été discutée avec le gouvernement à cette époque-là, c'est de changer la réglementation pour nous permettre de s'ajuster rapidement à la compétition. Notre réglementation nous obligeait à se faire approuver par le centre de... Comment qu'on l'appelle déjà?

Une voix : ...

M. Bibeau (Gérard) : Le centre... le laboratoire d'expertise, que je parlais, là, tout à l'heure. Là, il y avait un certain délai à ce moment-là. Là, les gens... ça a été changé, puis l'approbation est beaucoup plus rapide.

Ensuite de ça, un autre exemple, je vous dirais, c'est toute la question, là, de... toute la question, là, du jeu en ligne peut-être, toute la question du jeu en ligne, où les gens jouaient énormément. Au niveau du jeu en ligne, il existait 2 000 sites illégaux. Notre clientèle avait accès à tous ces sites-là, des centaines de millions nous filaient entre les mains. La réglementation a été changée pour nous autoriser, pour autoriser Loto-Québec aussi à offrir un jeu en ligne.

Donc, on a notre site, et les Québécois peuvent jouer sur les sites de Loto-Québec. C'est peut-être quelques exemples.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Merci. Il y avait aussi... Là, vous nous proposez... vous proposez au gouvernement une augmentation du bénéfice, là, des casinos du Québec de 40 millions pour l'année financière 2013‑2014 et de 70 millions pour l'année suivante.

Comme groupe parlementaire, nous, le Parti québécois, c'est sûr qu'on a toujours défendu le principe que les jeux de hasard et d'argent au Québec doivent demeurer et doivent être exploités de façon responsable. Je pense qu'on l'a démontré. Puis ça signifie aussi que toutes les mesures doivent être prises afin d'assurer que les risques associés au jeu soient minimisés autant que possible.

On sait aussi que Loto-Québec a reçu, en 2012, pour une deuxième fois consécutive, le plus haut niveau de certification internationale en matière de jeu responsable de la World Lottery Association, qui est le niveau 4, qui semble être quand même un niveau très, très intéressant. Donc, pour atteindre ce niveau de certification, qui est une forme un peu ISO, nous comprenons que Loto-Québec a démontré qu'elle intégrait ses activités quotidiennes aux sept principes du jeu responsable. En augmentant les bénéfices nets de la Société des casinos du Québec, j'aimerais savoir si vous remettez en cause toute cette dimension-là au sein des casinos du Québec.

Le Président (M. Morin) : M. Bibeau.

M. Bibeau (Gérard) : Merci beaucoup. Donc, à la question bien précise, c'est sûr que non. C'est sûr que non. Je vais m'expliquer là-dessus. On ne remettra jamais ces principes-là, tout ce qui a été acquis… On va continuer toujours d'être très actifs dans ce domaine-là. Je vais vous expliquer ce qu'on fait puis qu'est-ce qu'on va continuer à faire. Je pense que c'est très important que ça soit connu.

D'abord, je vous parlerais peut-être de l'alcool, O.K.? Il y a une association, au Canada, qui s'appelle la Canadian Responsible Gambling Council. Bon. C'est canadien. C'est bien sûr que c'est dans notre milieu. On a eu des discussions récemment avec ces gens-là, avec le Dr Jon Kelly, qui est le directeur. Concernant l'alcool sur les aires de jeu, de façon précise, il nous dit par écrit que l'alcool dans les aires de jeu versus pas d'alcool dans les aires de jeu, ce n'est pas ça, la question. La vraie question qu'il faut se poser, c'est la gestion responsable de l'alcool. À titre d'exemple, il nous dit : Est-ce que les employés ont reçu des instructions claires sur comment intervenir auprès de nos clients qui démontrent des signes d'intoxication? Est-ce que les clients intoxiqués peuvent jouer? Est-ce que l'alcool est servi gratuitement? Est-ce que les employés qui servent l'alcool ont reçu une formation appropriée, etc.? Le genre de questions qu'il faut se poser. Nous, c'est là-dedans qu'on se situe au niveau de la prévention, puis on est très fiers, comme je vous dis, de qu'est-ce qu'on fait.

Je vous donne des exemples plus précis concernant l'alcool, pour vous expliquer comment ça fonctionne dans nos casinos. D'abord, quelqu'un qui arrive chez nous, qui semble être intoxiqué par l'alcool, première chose, il ne rentre pas, il est interdit tout de suite en rentrant, il n'a pas la chance de rentrer dans notre casino. C'est sûr, là, qu'il faut le voir, il faut le détecter, là, mais il ne rentre pas dans notre casino. Un coup à l'intérieur de notre casino, il y a toute une panoplie de mesures pour détecter les gens qui peuvent avoir une problématique d'alcool, puis on intervient. Juste au Casino de Montréal, il y a 5 millions de visiteurs par année, au Casino de Montréal. On a relevé, l'an passé, 306 incidents qui étaient reliés à des personnes intoxiquées. Pour 55 de ces incidents, l'accès du visiteur a été refusé dès l'entrée au casino. Les autres, ça s'est passé à l'intérieur.

Pour mieux vous permettre de comprendre notre intervention, je vais vous donner des exemples très précis. Je vais vous en donner deux. Par exemple, un client intoxiqué joue à une table. Il est détecté par nos employés. Un agent de sécurité est appelé sur les lieux. Il rencontre le client. On lui demande de passer un alcotest. Le client accepte de passer l'alcotest. Finalement, le client échoue à l'alcotest. Il est invité à sortir du casino. Bien sûr, sa sortie est aussi importante pour nous autres. Le client quitte en autobus. Jamais on ne l'aurait laissé partir avec son auto.

Un autre, un client intoxiqué refuse de quitter en taxi, ou service de raccompagnement, ou encore en autobus. On a carrément appelé la police, qui est venue sur les lieux, qui a réglé la situation. Je vais vous faire grâce, là, des 250 autres interventions qui ont eu lieu, juste vous dire qu'on prend vraiment les moyens pour identifier les clients qui sont en état d'ébriété, puis s'assurer qu'ils quittent l'établissement en toute sécurité. Puis, quand on a des problèmes qui sont un petit peu plus graves, on a aussi une ligne de... un service de première ligne avec La Maison Jean Lapointe. S'il y a des problèmes qui se pointent, sérieux, il y a des gens qui sont en disponibilité 24 heures sur 24, sept jours par semaine, à qui on va faire appel.

• (12 h 10) •

D'autres exemples de notre programme au niveau du jeu responsable. On a été les premiers en Amérique à avoir un programme d'auto-exclusion. Ça, c'est des joueurs qui ont des problèmes, qui, après être conscientisés, se retirent complètement. Ça peut être de trois mois jusqu'à cinq ans, l'auto-exclusion. Tu ne peux pas révoquer ça. On a eu, juste l'an dernier, 1 500 contrats d'auto-exclusion qui ont été signés. Actuellement, on en a 5 200 qui sont en vigueur. Il faut tout l'appliquer. C'est quand même quelque chose à appliquer, des contrats d'auto-exclusion. On a la reconnaissance, là, des plaques d'immatriculation, nos agents aussi sont formés pour détecter les gens, là, via la surveillance par caméra. On a eu plus de 6 000 repérages juste l'an passé, des gens qui étaient auto-exclus qui essayaient de se présenter au casino, qu'on a bloqués là-dessus.

On a des comités de vigilance. C'est important, un comité de vigilance… Parce que je parle des gens auto-exclus, mais le comité de vigilance, c'est un peu... C'est un peu récent, nous autres, chez nous, c'est depuis 2011 que c'est en application. C'est des gens de l'interne, de nos casinos, qui sont dans un comité où ils peuvent voir quelqu'un qui a une problématique de jeu, d'alcool ou de quoi que ce soit, qui a une problématique, et on se donne le pouvoir d'exclure complètement le joueur de notre casino. Tu sais, on dit : C'est notre casino, on est chez nous, à notre casino, on laisse jouer les gens avec qui on veut jouer, et tu ne peux pas jouer si on ne veut pas te laisser jouer. Donc, on surveille les gens qui ont une problématique, puis ils peuvent être retirés du casino. C'est sûr qu'on fait ça correctement. C'est sûr qu'on est en lien avec différents organismes qui nous aident à prendre ces personnes en charge puis tout ça, puis ces gens-là essaient de faire comprendre au joueur de s'auto-exclure puis de suivre des programmes pour s'en sortir. Mais, même si le joueur refuse, nous, on a le pouvoir de dire : Tu es exclu de nos casinos, et on le fait. C'est quand même une mesure qui est quand même importante.

On a aussi ce qu'on appelle les chaînes d'entraide. Ça, c'est tout notre service qu'on a, de première ligne, de gestion de crise. On fait ça avec les agences de santé et services sociaux de Montréal, de l'Outaouais, Capitale-Nationale, de Québec, les organismes communautaires, dont La Maison Jean Lapointe, le Centre de crise 24/7, gestion Génésis, CSSS des Sommets. Tous les employés qui sont sur les aires de jeu sont formés là-dedans pour appliquer cette fameuse chaîne d'entraide. On a des ateliers de sensibilisation sur le jeu problématique. Tous nos employés... Même moi, j'ai suivi ce cours-là, un cours de trois heures. Ensuite de ça, on a des ateliers d'intervention de crise, pour certaines personnes dans nos casinos, par exemple, les infirmières, les agents de sécurité qui doivent agir. Bon, différentes choses : des bornes interactives, les centres de hasard qu'on a dans nos casinos. On a un site Web sur les problématiques de jeu. Vous avez vu, ce printemps, on a fait une campagne nationale de publicité concernant la prévention, pour expliquer aux gens que c'est toujours le hasard qui décide, tu ne peux pas contrôler la machine, c'est du hasard, donc les sensibiliser. On n'a aucun crédit. Les 18 ans et moins sont interdits.

Franchement, on fait un gros travail au niveau de la gestion responsable. Je vous dirais que ça nous démarque. On est une société d'État, on prend ça extrêmement au sérieux. Donc, peut-être ça pourrait faire le tour, puis on est très fiers de faire ces choses-là, puis on est toujours prêts à s'améliorer. On regarde toujours les situations, et on s'améliore toujours, puis on va continuer dans ce sens-là.

Mme Gadoury-Hamelin : Donc, vous dites que vous avez des ententes avec des organismes. Vous dites aussi que l'alcool est présent au casino, c'est juste qu'il n'est pas dans l'aire de jeu. Ça serait la différence. Donc, si vous parlez de gestion responsable envers la clientèle, vous allez impliquer cette nouvelle dimension là de l'alcool, j'imagine, dans vos procédures. Vous avez sûrement songé à ça jusqu'à maintenant.

M. Bibeau (Gérard) : Exactement. Comme vous le dites, l'alcool est présent dans nos casinos depuis le tout début. Depuis 20 ans, on a de l'alcool dans nos casinos, les gens peuvent boire dans nos restaurants, les gens peuvent boire dans nos bars. Ce n'est pas gratuit, tu paies, les prix sont compétitifs, puis nos bars, là, il y en a plusieurs, bars, là. On ne les a pas isolés, on ne les a pas cachés. Les bars sont là, là. On peut avoir un bar, puis tu fais 10 pieds puis tu es rendu dans l'aire de jeu, là. C'est ça, la réalité, là, dans un casino : tu fais 10 pieds puis tu es rendu dans ton aire de jeu. Là, la personne va pouvoir être dans son aire de jeu puis commander une consommation et la prendre tout simplement, là, en jouant, ce qu'il ne pouvait pas faire avant. C'est ça, la différence.

Là, nous autres, ça change, bien sûr, l'organisation, là, interne. On va avoir beaucoup plus de gens qui vont être sur le terrain, qui vont travailler au niveau de l'alcool. Avant ça, nos serveurs, bien, ils fournissaient le café, ils fournissaient les jus, ils fournissaient de la liqueur, tout ça. Là, ils vont fournir de l'alcool. Il va y avoir encore tout ça, mais ça va être juste à côté, on va avoir un petit système, là, pour ces choses-là. Mais nos gens vont être plus près de l'action, si on veut, nos serveurs.

Tous ces gens-là, c'est nos yeux, c'est nos oreilles. Ils vont servir les choses, ils vont détecter puis ils vont appliquer les moyens que je vous dis. Parce que tout l'enjeu est là, il faut les détecter, là. On n'est pas parfaits, mais il faut les détecter, il faut voir puis agir surtout. Tu sais, je vous ai montré, ce n'est pas juste de la prévention qu'on fait, on a aussi les moyens de l'appliquer, notre prévention. Ça, c'est important. Ça, c'est important. Faire juste des beaux programmes de prévention puis ne pas les appliquer… Là, ça va nous... on l'applique puis on va avoir encore plus de moyens pour l'appliquer puis surveiller les gens qui ont des problèmes d'intoxication.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci.

Le Président (M. Morin) : Mme la députée de Sainte-Rose, vous voulez intervenir? Allez-y.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. M. Bibeau, vous nous avez indiqué, dans votre présentation, que le précédent gouvernement a autorisé formellement, en fait, votre planification stratégique dans laquelle il était clairement indiqué que l'objectif de Loto-Québec est de mettre de l'avant une offre à la fois légale et compétitive. Je comprends aussi que ce principe-là s'est matérialisé par une série d'autorisations du précédent gouvernement qui vous a permis d'être plus compétitifs. Je constate que c'est d'ailleurs dans ce cadre-là que le précédent gouvernement vous a autorisés à opérer un site de jeu en ligne, et ce, malgré l'opposition des 18 directions de santé publique.

Étant donné que cette activité de jeu en ligne se fait à domicile, sans aucun contrôle, y compris sur la consommation d'alcool, j'aimerais ça que vous nous indiquiez quel a été le processus d'approbation suivi sous l'ancien gouvernement, de façon à pouvoir offrir des jeux sur Internet.

Le Président (M. Morin) : M. Bibeau.

M. Bibeau (Gérard) : Merci. Écoutez, à notre connaissance, je vous dirais que c'est exactement le même processus qui a été suivi dans les deux cas, autant pour le jeu Internet que pour l'alcool dans les aires de jeu, puis je vous dirais aussi que c'est exactement le même raisonnement, le même mode décisionnel que les deux gouvernements ont appliqué, et je m'explique… je m'explique là-dessus.

Les deux gouvernements ont pris des décisions pour canaliser — nous autres, on appelle ça de même dans notre jargon — le jeu. Il faut que les gens qui décident de jouer, les Québécois qui veulent jouer, jouent au Québec, le plus possible en tout cas. Avec le jeu Internet, la problématique, c'était quoi? Des sites, il y en a partout, il y en a 2 000, accessibles dans les maisons. Tout le monde ont accès à ça. Nous, on n'avait pas de site Internet, on n'était pas là. Notre job, c'est d'abord de le canaliser. Canaliser, ça veut dire au moins l'offrir, avoir la possibilité. Donc, le gouvernement nous a autorisés à offrir un site Internet qui était... pour qu'on soit légal puis qu'on soit aussi compétitif. C'est le même raisonnement pour l'alcool.

Comme je vous disais tout à l'heure, notre problématique, c'est que notre clientèle diminue dans nos casinos. Sauf que les Québécois ne diminuent pas, eux, de jouer. Ils vont jouer ailleurs. J'ai donné des exemples tout à l'heure, plus précis, concernant deux casinos, hein? Il y en a d'autres, on pourrait parler de Las Vegas aussi, on pourrait parler de bien des choses. Les Québécois continuent à jouer. Ils délaissent nos casinos, et une des raisons pourquoi qu'ils les délaissent, l'alcool est un facteur. Mais c'en est un. Ça nous est demandé régulièrement.

Donc, c'est pour ça qu'on a demandé au gouvernement de modifier la réglementation, pour nous permettre de vendre de l'alcool dans les aires de jeu. Donc, c'est une demande. Effectivement, on n'a pas... à notre connaissance, les directeurs de santé publique n'ont pas été consultés au niveau d'Internet. C'est venu par après dans le processus réglementaire, avec la prépublication puis toutes ces choses-là, comme actuellement où le règlement a été prépublié, les gens font les commentaires. Ça semble être le processus, là, habituel, donc c'est la même chose. À ce moment-là, le ministre des Finances de l'époque, quand les directeurs de santé publique ont réagi...

Une voix :

M. Bibeau (Gérard) : Comment?

Le Président (M. Morin) : Est-ce que vous avez terminé, M. Bibeau?

M. Bibeau (Gérard) : Non, non, non.

Le Président (M. Morin) : O.K. Allez.

• (12 h 20) •

M. Bibeau (Gérard) : Une petite gorgée. Le ministre des Finances a tout simplement dit que les directeurs de santé publique faisaient leur travail, puis soulevaient les inquiétudes, puis tout ça, puis il a rappelé le pourcentage, là, de joueurs qui ont des problématiques, des choses du genre, là. Puis il y a plusieurs personnes, à ce moment-là, qui s'étaient opposées, comme ça se passe aujourd'hui.

Je vous dirais qu'à notre connaissance c'est la même histoire qui se répète, là, de A à Z. C'est ce qu'on peut comprendre.

Le Président (M. Morin) : Oui, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. J'aurais... En fait, suite à ce que vous dites, en termes d'encadrement et de contrôle, est-ce que vous diriez que vous pouvez offrir un meilleur encadrement et contrôle auprès des joueurs dans les casinos comparativement aux joueurs en ligne? Quelles sont... Est-ce qu'il y a des mesures de contrôle pour... par rapport à l'avènement du jeu pathologique avec des joueurs en ligne? Et comment on peut les encadrer comparativement aux personnes qui sont sur place, dans les casinos?

Le Président (M. Morin) : M. Bibeau, vous avez deux minutes.

M. Bibeau (Gérard) : Deux minutes, O.K. Donc, rapidement, juste la question... On est présents dans nos casinos. Notre joueur est là; nous, on est là, on voit, on fait agir, on a plein de moyens de prévention, on peut sortir les gens, on peut les exclure, tout ce que je vous ai expliqué tout à l'heure. Une question physique d'abord.

Internet, ce n'est pas physique. On a plein de moyens de prévention qu'on a pris, là, sur notre site Internet. On est, encore une fois, ce qu'il y a de mieux. Quand on se compare mondialement, c'est ce qu'il y a de mieux sur notre site Internet, mais on n'est pas présents quand même, là. On n'est pas présents, on fait ce qu'on peut là-dedans. C'est sûr que ce n'est pas aussi efficace, par exemple, que dans nos casinos.

Le Président (M. Morin) : Mme la députée de Sainte-Rose, vous avez une autre question?

Mme Proulx : Oui. En conclusion, je sais qu'il ne nous reste pas grand temps, mais j'aimerais ça que vous nous parliez, d'après vous... que vous voyez votre clientèle tous les jours dans les casinos, et je vais vous dire la perception que moi, j'ai de la clientèle qui va dans les casinos. C'est des gens qui vont là par loisir. Est-ce que c'est massivement des gens qui ont une problématique de jeu, qui ont un problème d'alcool qui vont dans les casinos ou si ce n'est pas des autobus de retraités qui veulent avoir un loisir intéressant, des gens qui vont là avec des amis pour passer une soirée agréable? C'est quoi votre perception de la clientèle que vous avez dans les casinos?

Le Président (M. Morin) : 40 secondes, M. Bibeau.

M. Bibeau (Gérard) : C'est sûr que la majorité des gens qui viennent chez nous, là, n'ont pas de problématique de jeu, là. Je pense, les statistiques, on les connaît, là, c'est moins de 1 % qui ont des problématiques de jeu. Donc, on a au moins 99 % qui n'ont pas de problématique. C'est des gens qui viennent là pour s'amuser, pour se désennuyer. Ils aiment le jeu, ils aiment jouer aux cartes, viennent jouer aux machines à sous, ils aiment les spectacles, avoir du plaisir. C'est ça qu'on voit dans nos casinos puis dans les casinos du monde entier.

Le Président (M. Morin) : M. Bibeau, merci beaucoup. Le temps étant écoulé, on vous remercie pour votre présentation. Merci d'être là, Mme Roiter, Dr Rioux et M. Royer... oups. Ah, oui! Excusez, là, j'étais trop d'avance, je voulais m'en aller, moi, là.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Morin) : Allez-y, M. le député de Jean-Talon. Je m'excuse.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Puis il faut toujours entendre l'autre côté de la médaille.

Le Président (M. Morin) : Ah, oui! Je suis d'accord avec vous.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ce serait bien important. Bonjour, M. Bibeau et les gens qui accompagnent, M. Royer, qu'on a déjà eu l'occasion de travailler quelques dossiers ensemble. D'ailleurs, premièrement, là, je veux féliciter Loto-Québec, qui est une organisation de très haute qualité, qui a toujours pris ses responsabilités. Et, si, au Québec, on a un aussi bas taux de gens qui sont des joueurs, je dirais, qui exagèrent au niveau du jeu, c'est définitivement parce qu'il y a eu des politiques qui ont été mises en place puis qu'il y a une surveillance.

Sauf quelques exceptions, presque tous reconnaissent que le jeu fait partie de notre société et que d'avoir du jeu responsable, c'est acceptable. Également, tous reconnaissent que le gouvernement, en s'impliquant, souvent va réussir à faire un meilleur contrôle et diminuer les abus.

Puis notre propos n'est pas là, puis je suis content que vous ayez tout expliqué toutes les mesures qui ont été mises en place, que nous avons soutenues et que nous voulons continuer à soutenir, dont, entre autres, la rénovation des casinos pour améliorer l'expérience des gens. On veut également être concurrentiels. Ça, je pense que c'est un élément.

Donc, il y a beaucoup d'arguments auxquels on adhère. L'argument où on a plus de difficulté, une fois qu'on a fait tout ça, c'est la problématique consommation alcool avec le jeu à proximité, c'est-à-dire que les gens sont dans l'espace de jeu, consomment puis... Deux niveaux de problématique. Le premier, les joueurs excessifs, qui, eux autres, avec la consommation d'alcool, n'additionnent pas le risque mais le multiplient. Donc, ça peut amener des plus grands problèmes pour cette clientèle. Également, les joueurs habituels, qui ne sont pas nécessairement des joueurs excessifs, qui, avec la consommation d'alcool, va faire qu'ils vont jouer plus, vont consommer plus, et puis ça peut amener des problèmes.

Dans ce dossier-là, ce qui est un peu le reproche qui est fait, c'est d'abord à cause de ces deux facteurs de risque médicaux, hein, qui est l'abus, la dépendance au niveau du jeu et également la consommation d'alcool. Il n'y a pas eu d'avis de demandé à la Santé publique, et c'est ce qu'on déplore. On aurait dû avoir un avis de la Santé publique.

De même, le gouvernement et Loto-Québec étant responsables, une attitude responsable, est-ce que c'est une mesure qu'on aurait pu se passer et mettre en place toutes les autres mesures, sauf celle-là, faire différent des autres, même si les autres décident de le faire, et accepter que, oui, il va y avoir moins de profits, mais, par contre, on va avoir une attitude responsable? Moi, je pense qu'au niveau moral ça aurait été plus acceptable.

Donc, ma question, après ce préambule : Avez-vous eu vent qu'il y a eu des avis au niveau de la Santé publique, même si vous avez donné la réponse? Et pourquoi, selon vous, ces avis n'ont pas été demandés?

Le Président (M. Morin) : M. Bibeau.

M. Bibeau (Gérard) : Écoutez, comme je l'ai expliqué tout à l'heure à une question sur comment ça se passait auparavant, ça semble être la façon de faire habituelle. En tout cas, j'ai donné l'exemple du jeu Internet, c'est comme ça que ça s'était passé. Loto-Québec avait eu une discussion avec le gouvernement, il y avait un processus qui s'était mis en marche, décision au Conseil des ministres, prépublication de règlements, puis, à ce moment-là, Santé publique intervient, là, dans les discussions puis tout ça. Écoutez, je ne peux pas vous dire... c'est de même que ça se passait par le passé puis c'est de même que ça s'est fait encore.

Mais, comme je vous disais, tu sais, concernant l'alcool dans les aires de jeu, non seulement, ailleurs, c'est de même que ça se passe... ça se passe vraiment partout comme ça. On est vraiment, vraiment les seuls à être de même. Mais, vous avez vu nos chiffres, comme je vous disais, on a passé de 21 % à 17 % en l'espace de cinq ans. Donc, on dégringole. Ça, c'est une chose, ça, dégringoler. Si les gens arrêtaient de jouer, c'est une chose, mais les gens n'arrêtent pas de jouer, les gens vont ailleurs, ils vont à Akwesasne, ils vont à Rideau Hall... pas Rideau Hall, excusez, au casino, là, d'Ottawa.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Morin) : Vous êtes pardonné. Le président... tantôt, là.

Des voix : ...

M. Bibeau (Gérard) : Exactement. Donc, les gens vont à l'extérieur, ils vont aux États-Unis, ils vont à Atlantic City, ils vont dans l'État de New York, ils continuent à aller à Las Vegas. On me disait, Atlantic City, je crois, c'est deux autobus par jour, deux autobus par jour qui partent de Montréal pour aller à Atlantic City. Les Québécois continuent de jouer et ils ne jouent pas chez nous.

Puis dans mon exposé, tout à l'heure, il y a une chose que je pense que j'essayais de donner, en tout cas, qui est d'une croyance profonde qu'on a à Loto-Québec, on pense qu'on peut faire la différence dans nos casinos, parce qu'on est présents, parce qu'on peut intervenir auprès des gens qui ont des problèmes. Quand ils sont à Atlantic City, quand ils sont à Akwesasne, regardez, c'est les mêmes Québécois qui sont là-bas, qui sont exposés à de l'alcool, qui sont exposés à différentes choses, que souvent l'alcool, il est gratuit. Je pense que de l'alcool gratuit, c'est quelque chose, ça. Nous autres, on n'est pas là-dedans, pas du tout. Puis les Québécois qui sont là-bas, bien… je pense qu'on est meilleurs qu'à Akwesasne, je peux vous dire ça, en termes de moyens de prévention, là, O.K.? On est meilleurs, on est très bons, on est très sérieux.

C'est une société d'État, Loto-Québec. La dernière chose qu'on veut, là, c'est que, nous autres, quelqu'un parte du casino, là, puis qu'il y ait une problématique, hein, qu'il parte, par exemple, en état d'ébriété, qu'il ait des accidents ou tout ça. On n'est pas dans cette game-là, mais je vous dis qu'on peut intervenir quand les gens sont chez nous. Quand les gens sont ailleurs, on ne peut pas intervenir. Les gens reviennent le soir, les mêmes personnes reviennent, ça demeure des Québécois, ils reviennent ici, et là ceux qui ont dégagé des problématiques, bien, regardez, ils sont dans notre système. Puis c'est le ministère de la Santé puis c'est toutes nos organisations qui doivent supporter le coût des problèmes qui peuvent se dégager, qu'on n'a aucun contrôle. C'est ça, nous, qui nous anime, c'est ça qui nous anime vraiment, c'est ça qui fait la différence. Donc, il faut qu'ils jouent chez nous le plus possible.

Puis l'alcool, là-dedans, bien, écoutez, c'est une demande. On se le fait dire. J'étais à l'émission de M. Arcand à Montréal, tu sais, puis je suis le président de Loto-Québec, la pire affaire qu'il nous dit, c'est : Vos casinos sont plates. C'est ça qu'ils nous disent : Vos casinos sont plates. Bien, on a travaillé bien fort pour qu'ils soient moins plates, ça va arriver cette année. Puis la question de l'alcool juste sur les aires de jeu — comme je vous ai dit, tu peux prendre un verre d'alcool à 10 pieds de ta machine à sous, là, tu vas pouvoir la prendre en jouant à ta machine à sous — c'est ça qui fait... C'est ça qu'on demande, puis on ne croit pas que les gens vont avoir des problèmes de jeu supplémentaires.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Morin) : Oui, Mme la députée de...

Mme Vallée : Merci. Gatineau.

Le Président (M. Morin) : Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, M. Bibeau, je vous écoutais… je vous écoute faire la comparaison avec Akwesasne, je ne suis pas certaine qu'on doive nécessairement s'inspirer des mauvaises pratiques qui sont connues ailleurs. Je pense que, justement, c'est une société d'État, et on devrait, nous, mettre en oeuvre les meilleures pratiques.

Vous avez mentionné que vous travaillez, entre autres, avec le Canadian Responsible Gambling association ou... problem, que vous avez mis en place un certain nombre de mesures dans un contexte bien précis où le jeu n'est pas permis... la consommation de boisson n'est pas permise dans les aires de jeu. Maintenant, dans le contexte où vous vous apprêtez à changer de façon substantielle la donne dans les casinos du Québec, qu'est-ce que vous avez mis en place? Qu'est-ce qui sera mis en place et quelles seront les sommes qui seront accordées ou attitrées à cette particularité-là? Parce qu'on le sait qu'il va y en avoir, des impacts. On n'aura pas... On a des groupes qui nous ont déjà déposé des mémoires, mais on sait qu'à partir du moment où on joue, on a notre verre de boisson, les gens qui ont déjà une problématique risquent d'augmenter cette... Cette problématique-là risque d'augmenter. Donc, évidemment, on se questionne parce qu'on a peu de réponses. Qu'est-ce qui a été mis en place? Comment vous allez gérer ça? De quelle façon vous allez travailler avec, entre autres, et on l'espère, le ministère de la Santé et des Services sociaux?

Le Président (M. Morin) : M. Bibeau.

M. Bibeau (Gérard) : Oui, il y a des études, là, concernant l'association, là, entre la consommation excessive d'alcool puis les problèmes de jeu. C'est sûr qu'il y en a. On les connaît, on en est tout à fait conscient, ça nous préoccupe, et c'est pour ça qu'on fait tout ce qu'on fait dans nos casinos depuis plusieurs années, puis on continue de s'améliorer là-dessus.

Tout à l'heure, j'ai fait la nomenclature des principales mesures de prévention qu'on a dans nos casinos. J'ai essayé aussi de vous démontrer qu'on a la capacité de les appliquer. Ça, c'est important. Ça serait... Tu sais, faire des règles puis ne pas les appliquer, c'est facile. Non seulement on fait des règles, on peut les appliquer, on les applique.

Plus particulièrement, quand vous nous demandez : Maintenant qu'on va mettre de l'alcool dans les aires de jeu, quelle différence ça fait pour nous?, nous autres, ça demeure que c'est de l'alcool, puis je vous dis qu'on a énormément d'expérience au niveau de la gestion de l'alcool. J'expliquais, nous autres, quelqu'un qui arrive chez nous, qui débarque du taxi, qui arrive… qui semble avoir une problématique d'alcool, fini, il n'entre même pas. Et ça, on le fait, là, on le fait. Un coup qu'il est entré dans notre casino, il peut aller au restaurant, il peut prendre du vin, il peut en prendre beaucoup, il peut aller au bar, il peut en prendre beaucoup. Il y a une problématique d'alcool? On est habitués de gérer avec ça. Là, la différence, c'est qu'il va pouvoir la prendre à son aire de jeu. C'est ça, la différence. Pour nous autres, ça demeure quand même la même problématique, c'est la problématique d'alcool. Il faut détecter les gens qui ont une problématique, il faut avoir des yeux partout, les détecter puis agir.

Tout à l'heure, j'expliquais que là, maintenant, ça va être nos serveurs qui vont donner de l'alcool, donc ils vont être encore plus près du joueur. Il n'ira pas prendre d'alcool dans un bar, à un endroit, puis il va se ramasser dans l'aire de jeu. Ça va être le serveur qui va être là, il va être près de la personne, il va le voir agir, il va se faire commander régulièrement. Donc, il va le voir. Il va le voir, il va le détecter. Ça, c'est bien important. Puis, à partir du moment où est-ce qu'il est détecté, là, on a toute une chaîne, nous, qui se met en marche pour s'assurer que la personne qui a une problématique, qui a une intoxication, qu'on puisse agir, de l'arrêter de jouer, même de le sortir de notre casino. Ça, on le fait, c'est de même qu'on est organisés. On va avoir plus d'yeux, plus de détection pour s'assurer que ces gens-là n'aient pas de problème d'alcool en jouant. Puis ça, c'est important pour nous autres.

Le Président (M. Morin) : Est-ce que vous y retournez, Mme la députée de Gatineau?

Mme Vallée : Vous dites : Plus d'yeux, plus de détection. Donc, est-ce qu'il y a des embauches additionnelles?

M. Bibeau (Gérard) : Non. C'est nos gens qui... On a toute une réorganisation, là, qui se fait actuellement, parce que, comme je vous disais, là, il y a des gens, nous autres, qui servent du café, de la liqueur, des jus, etc. Il y a toute une organisation qui doit se mettre en place justement pour offrir le service de boisson aux tables. Donc, tout va se faire, là, avec le même personnel. Il va y avoir des mouvements, mais ça va être le même nombre de personnel là-dessus.

Le Président (M. Morin) : Ça va? On a un nouvel arrivant autour de la table, et c'est le député de Marguerite-Bourgeoys, qui vous demande la permission de poser une question. Est-ce que j'ai votre consentement? M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti : Merci, M. le Président. Je suis désolé, je travaille sur une autre commission également. J'ai une préoccupation de sécurité publique, je suis porte-parole en matière de sécurité publique. Vous avez abordé la question de l'alcool et de la sécurité. Vous savez qu'au Québec les deux premières causes de décès au volant sont la vitesse et l'alcool. C'est reconnu depuis toujours. Donc, je sais que vous le savez, mais je tiens à vous le souligner parce que le lien entre sécurité publique et l'alcool est non seulement intimement relié, mais c'est les premières causes de décès.

Vous avez dit : On va agir. Alors, vous avez dit : On ne laisse pas quelqu'un entrer qui aurait une apparence d'alcool. À titre d'exemple, l'année passée, vous en avez refusé combien?

M. Bibeau (Gérard) : 55 au Casino de Montréal seulement.

M. Poëti : 55 au Casino de Montréal. C'est la même chose dans les autres casinos, parce qu'on comprend que ça va s'appliquer partout. Combien vous avez d'espaces de stationnement possibles au casino?

M. Bibeau (Gérard) : 2 200.

M. Poëti : Si un individu ou une personne qui a consommé, qui aurait échappé aux serveurs, et qui a trop consommé, et qui s'en va vers sa voiture pour quitter le casino — 2 200, on peut comprendre que c'est une possibilité — de quelle façon vous pouvez intervenir pour l'empêcher... Vous avez dit : On va intervenir. Est-ce que ça va aller jusqu'à l'empêcher d'embarquer dans son véhicule et de quitter?

M. Bibeau (Gérard) : Oui. Écoutez, on a une panoplie de moyens. Comme vous savez, au casino, quand vous entrez là, vous êtes vus à peu près en tout temps. On a des caméras partout. Bon. Donc, on suit nos gens. Si on détecte quelqu'un comme ça, qui semble avoir une problématique, on peut le détecter... nos agents de sécurité sont là, on surveille, on va intervenir auprès de la personne.

Écoutez, on m'a même conté des exemples où, si vous... tu sais, vous... les gens qui connaissent la sécurité, des fois... Des fois, les gens ne veulent pas toujours collaborer. On va loin, on va loin là-dedans. On m'a même conté, une fois, justement, quelqu'un ne voulait pas nous donner ses clés, et puis il a fini par embarquer dans son auto, puis, regardez, là, les agents de sécurité ont pris d'autres autos de sécurité puis ils lui ont carrément barré la route en auto pour l'empêcher de sortir.

Nous autres, on ne veut tellement pas que ça arrive, ces choses-là. D'ailleurs, il n'y a pas beaucoup de choses... En tout cas, à ma connaissance, on n'en a pas échappé beaucoup, des gens qui partent du casino en état d'ébriété puis que... Ce n'est pas arrivé souvent, en tout cas, puis on ne le souhaite pas. On n'est pas parfaits, là, on n'est pas parfaits, mais on va jusqu'à barrer l'accès en automobile par nos agents de sécurité. Les gens qui ne veulent pas nous donner leurs clés, qui ne veulent pas partir en autobus, ne veulent pas partir en taxi, qui ne veulent pas se faire accompagner, on appelle la police. Et on le fait. Ce n'est pas des voeux, on le fait, on appelle la police puis on intervient là-dessus.

M. Poëti : Donc, vous l'avez fait déjà, appeler la police pour empêcher quelqu'un de partir du casino?

M. Bibeau (Gérard) : Oui.

M. Poëti : Et, dans les directives de vos employés, ils doivent le faire?

M. Bibeau (Gérard) : Oui.

M. Poëti : D'accord. Dernière question. On interpelle souvent le privé sur la formation des serveurs, la formation responsable. On a voulu déposer un projet de loi cette année — à ce jour, il n'a pas été appelé — qui obligeait la formation responsable, donc un cours de formation pour justement gérer une personne qui a les facultés affaiblies. Est-ce que vos serveurs et les gens qui sont reliés au service d'alcool vont tous avoir cette formation-là?

M. Bibeau (Gérard) : Exactement, tout le monde va être formé par Educ'alcool. Il y a l'ITHQ, nous autres, qui donne de ces cours de formation là, puis il y a différents cours. Ces gens-là vont avoir la meilleure des formations. Tout le monde va être formé là-dessus, comme nos serveurs actuellement dans les bars et dans les restaurants. Même chose pour nos agents de sécurité, même chose pour nos infirmières. Mais il y a différents degrés de formation, tout dépendant de comment tu es proche du client.

M. Poëti : Parfait. Donc, en terminant, je comprends, juste pour vraiment que ça soit clair pour tout le monde, qu'une personne qui quitterait avec des apparences de facultés affaiblies, vos gens, vos agents de sécurité, bien qu'ils ne soient pas des agents de la paix, vont intervenir physiquement, en ce sens que, si la personne ne veut pas répondre au fait qu'on l'invite à prendre un taxi ou quitter, vont intervenir physiquement pour l'empêcher de quitter le casino.

M. Bibeau (Gérard) : Oui.

M. Poëti : Merci beaucoup d'avoir répondu à ma question.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Maintenant, je crois que Mme la députée de Bourassa-Sauvé veut intervenir.

Mme de Santis : Merci beaucoup, monsieur...

• (12 h 40) •

Le Président (M. Morin) : Vous avez la parole, madame.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Merci. Je veux vous féliciter pour ce que vous avez mis en place pour que nous ayons un des plus bas taux de personnes qui sont compulsives au jeu. Mais j'ai quelques questions. Est-ce qu'avoir l'alcool aux aires de jeu, c'est d'encourager de nouvelles personnes de venir vous visiter ou c'est pour que les gens qui sont déjà des joueurs jouent plus?

M. Bibeau (Gérard) : La réponse, c'est : On veut attirer de nouveaux joueurs. Ça, c'est la réponse. Ce n'est pas que nos joueurs boivent plus, c'est pour attirer des nouveaux joueurs. Et tout notre plan au complet pour pouvoir livrer ou pouvoir augmenter notre dividende de 40 millions, tout ça, c'est basé pour retrouver d'abord une clientèle qu'on a perdue au cours des cinq dernières années. C'est ça qui est visé. C'est pour ça qu'on a fait la rénovation de tous nos casinos, 350 millions qu'on a investis là-dedans. C'est pour ça qu'on améliore notre expérience de jeu, parce que les gens viennent s'amuser chez nous, ils aiment jouer, s'amuser. On va avoir du multimédia. Ça, c'est un des points qui va nous démarquer, qu'on pense que les gens vont aimer. Ensuite de ça, l'alcool, bien, veux veux pas, ça fait partie... l'alcool sur les aires de jeu, c'est une demande, là, de nos clients. On va faire aussi de la publicité. On veut d'abord ramener notre monde chez nous, donc des nouveaux clients. Puis l'expérience de jeu, l'alcool, ça fait partie des demandes. On a vraiment vérifié ces choses-là.

Mme de Santis : Mais vous comprenez aussi que, quand les personnes boivent, ils sont plus aptes à jouer, les... Ça, c'est déjà démontré. Donc, ça va aussi encourager des gens qui jouent déjà chez les casinos au Québec de jouer plus.

Mais je veux aller à une autre question. Ici, dans ce que j'ai... je viens de recevoir aujourd'hui, on dit qu'en tenant compte de la fin imminente des travaux du casino de Montréal Loto-Québec a convenu avec le gouvernement de remettre 40 millions de plus en dividendes cette année à 70 millions l'an prochain. Quelle partie de ces 40 ou 60 millions de dollars ne serait pas là s'il n'y avait pas d'alcool dans les aires de jeu? Parce que vous venez de dépenser un argent fou pour rendre tout ça beaucoup plus sexy pour le joueur. Alors, à quel pourcentage va vous amener l'alcool dans les aires de jeu?

M. Bibeau (Gérard) : La manière qu'on fait notre calcul dans les discussions qu'on a eues pour faire notre budget, comme je vous ai dit tout à l'heure, nous autres, chaque pourcentage de point de fréquentation, ça équivaut à 23 millions, O.K., de revenus. Et, pratiquement, ces niveaux-là, c'est pratiquement du bénéfice. Donc, le 40 millions, c'est un deux points de pourcentage. On était, en 2007, à 21 %. On était à 21 %. Là, on est actuellement à 17 %. Ce qu'on veut, avec toute la préparation qu'on a faite depuis plusieurs années, y compris la réglementation de l'alcool dans les aires de jeu, on souhaite, pour la prochaine année, on y croit vraiment, de réussir à remonter de 2 %. Ce n'est même pas revenir au niveau qu'on était en 2007, juste revenir à 2 %. Et ce qu'on vise encore une fois, c'est de rapatrier nos clients qu'on a perdus qui continuent à jouer. C'est ce qu'on vise. C'est un tout. C'est un tout. Ça, là, le 40 millions, c'est de même qu'on l'évalue. Puis comment qu'on réussit, c'est un tout.

Mme de Santis : Mais, s'il n'y avait pas l'alcool aux aires de jeu, vous n'allez pas rencontrer les 40 millions, les 70 millions?

M. Bibeau (Gérard) : Regardez, je n'ai pas les chiffres là-dessus. C'est vraiment, là, c'est tout un... c'est un ensemble de choses qui fait qu'on va réussir à rapatrier notre clientèle qu'on a perdue.

Mme de Santis : Mais est-ce que les...

Le Président (M. Morin) : Oui, allez. Vous avez quelques secondes.

Mme de Santis : O.K. Est-ce que les 40 millions, 70 millions incluent le chiffre d'affaires pour la vente de l'alcool?

M. Bibeau (Gérard) : Ça inclut tout.

Mme de Santis : Ça inclut la vente d'alcool aussi? Ce n'est pas seulement les personnes qui vont venir jouer.

M. Bibeau (Gérard) : Oui, oui.

Mme de Santis : À quel pourcentage est la vente d'alcool?

M. Bibeau (Gérard) : Non, regardez, je n'ai pas le pourcentage. C'est vraiment mon 2 % du taux de fréquentation avec toute l'expérience de jeu, tous les nouveaux casinos, l'alcool, la publicité. On veut que nos clients reviennent. On veut augmenter de 2 % notre taux de fréquentation. C'est ça qu'est notre objectif. C'est de même qu'on le calcule, c'est de même qu'on a évalué à 40 millions qu'on travaille pour livrer la marchandise.

Mais, dans le 40 millions aussi, ça inclut toute la question de la gestion de nos dépenses, là, hein? Il y a eu la loi n° 100, le gouvernement nous demande d'avoir une gestion des dépenses extrêmement rigoureuse. Ça aussi, ça fait partie...

Le Président (M. Morin) : ...parce que votre temps est terminé, là. C'est-à-dire le temps de la députée de l'opposition. Mme la députée de Groulx, vous avez six minutes. M. Bibeau, compte tenu qu'elle a six minutes, raccourcir vos réponses, peut-être. Allez, madame.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci, M. Bibeau, d'être présent. Si je comprends bien votre intervention, dans le fond, cette mesure-là, elle a été mise en place pour pallier à la baisse d'achalandage. J'imagine qu'il y a eu une baisse de revenus substantielle suite à la baisse d'achalandage où on a eu une hausse de revenus parce qu'on a permis le casino en ligne. Et est-ce que cette baisse d'achalandage là ne s'est pas retrouvée dans le casino en ligne?

M. Bibeau (Gérard) : Écoutez, dans nos casinos, il y a eu une baisse d'achalandage, oui. Ça a donné une baisse de revenus, bien sûr...

Mme Daneault : ...globale de revenus ou on parle seulement de...

M. Bibeau (Gérard) : Je parle de casinos, là. Là, je parle de casinos.

Mme Daneault : Est-ce qu'on inclut casinos en ligne?

M. Bibeau (Gérard) : Non, pas encore. Pas encore. Je vais y arriver. Donc, dans nos casinos, les revenus ont baissé parce que le taux de fréquentation a diminué. Je peux vous dire, depuis plusieurs années, une façon qu'on a pallié à la diminution de notre bénéfice, ça a été vraiment, là, de faire des réorganisations, de gérer la dépense de façon importante.

Actuellement, ce qu'on fait dans nos casinos, on a le budget base zéro qu'on appelle pour...

Mme Daneault : ...uniquement. C'est parce que je n'ai pas beaucoup de temps puis je voudrais vraiment avoir une réponse précise. Est-ce que les revenus ont augmenté ou ont diminué en ajoutant le casino en ligne?

M. Bibeau (Gérard) : Le casino en ligne... Le jeu sur Internet, actuellement, on a 30 millions de revenus supplémentaires pour le jeu en ligne.

Mme Daneault : La baisse d'achalandage dont vous mentionnez a donné une baisse de revenus de combien?

Le Président (M. Morin) : M. Royer.

M. Royer (Jean) : Pour répondre à votre question, Dr Daneault... Mme la députée, l'augmentation des revenus provenant de l'activité en ligne est infiniment inférieure à la diminution des revenus des casinos terrestres.

Mme Daneault : De combien?

M. Royer (Jean) : Bien, ça se joue, en termes... Parce qu'il faut comprendre que, dans un casino, chaque client n'est pas égal. Ce n'est pas un client qui donne nécessairement le même revenu, là. Une partie de nos clients, nous savons… Les clients qui étaient plutôt des clients, là, porteurs sont maintenant des clients de casinos, mais des casinos... mais terrestres, dans l'État de New York, en Ontario. Ça, nous le savons. Tandis que ce qui se dessine, à l'heure actuelle, sur les jeux en ligne, ce sont d'autres jeux, et c'est une clientèle qui est différente. Donc, ce n'est pas nécessairement des vases communicants.

Le Président (M. Morin) : Mme la députée de Groulx.

• (12 h 50) •

Mme Daneault : Est-ce que ça serait possible d'obtenir les documents et avec les revenus de Loto-Québec avec le casino en ligne versus le Casino de Montréal? Juste si c'est possible d'obtenir ça. O.K. Merci.

Deuxièmement, est-ce que Loto-Québec n'a pas choisi la voie de la facilité en proposant de permettre l'alcool dans les aires de jeu, alors que, depuis 30 ans, on l'a interdit? Il y a une raison pour laquelle on l'a interdit depuis 30 ans. Et on a mentionné aujourd'hui le fait que les joueurs pathologiques pouvaient aussi avoir une codépendance de jeu aussi et de dépendance à l'alcool. Ça, on est conscients de ça.

Mais que répondez-vous aujourd'hui aux études qui ont bien démontré que seulement 0,05 % d'alcool dans le sang... Alors là, on ne parle pas de joueurs pathologiques, on parle de votre clientèle, de la majorité de votre clientèle qui se présente chez vous, et, on le sait, de plus en plus, la clientèle, ce sont nos aînés qui sont à la retraite, nos jeunes retraités qui vont au casino s'amuser. Alors, que répondez-vous à cette clientèle-là, alors qu'on sait que 0,05 % d'alcool dans le sang prolonge la session de jeu, accentue la prise de risque et amplifie les pertes financières? Alors, comment, de façon responsable... On sait très bien que cette clientèle-là, qui est prisonnière, là, qui est dans le casino, à qui on va offrir de l'alcool et qui, avec 0,05 %, peut causer des effets aussi néfastes pour la santé en plus des joueurs... de créer une codépendance chez les joueurs pathologiques. Alors, pourquoi pensez-vous que, depuis 30 ans au Québec, on a eu des prix, on a eu des renommées? Parce qu'on est intervenus, entre autres, à ce niveau-là. On s'est battu. Et, vous le savez comme moi, dans les casinos à l'étranger, où non seulement on sert de l'alcool, on la donne gratuitement parce qu'il y a un retour sur l'investissement, on le sait très bien. Ces études-là sont démontrées depuis — je peux vous en sortir, là, j'en ai une et une autre — depuis les années 90. Alors, pourquoi aujourd'hui Loto-Québec n'est pas capable de poursuivre dans sa mission de protection du public?

Le Président (M. Morin) : Vous avez 30 secondes, M. Bibeau.

M. Bibeau (Gérard) : Bien, je vais... Bien, écoutez, je vais vous dire que, d'abord, on poursuit dans notre mission de la protection du public. De l'alcool, ça fait 20 ans qu'on en a dans nos casinos, on en a dans nos bars. Les gens peuvent boire. On est considérés parmi les meilleurs, c'est un des endroits les mieux contrôlés, c'est un des...

Une voix :...

M. Bibeau (Gérard) : Oui. Mais, en 1993, on était les seuls casinos, les autres casinos étaient très loin. Là, il y en a partout. Nos Québécois ont accès aux autres casinos et ils vont dans les autres casinos, ils prennent de l'alcool gratuit dans les autres casinos. Puis je pense qu'on est meilleurs pour les contrôler. Je pense que, moi, ma job, c'est pas mal plus important de faire jouer les Québécois qui veulent jouer dans nos casinos, dans un milieu contrôlé, où, justement, on prend des moyens de prévention et on est capables d'intervenir avec nos partenaires justement de la Santé, du ministère de la Santé, pour trouver des solutions. Et, s'il y a des problématiques particulières qui se dégagent à l'avenir dans ce dossier-là, c'est clair qu'on va prendre d'autres moyens pour améliorer la chose. On n'est pas rendus là pour rien; on est reconnus, on va continuer. Et c'est important qu'on la fasse, notre job, qui est de justement canaliser le jeu des Québécois chez nous, dans nos casinos à nous autres.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. Royer, dans cet élan passionné. Donc, comme, tout à l'heure, je me suis pratiqué, je vous remercie beaucoup, Dre Rioux, Mme Roiter et M. Royer. Merci de cet échange. Et je remercie les membres de cette commission pour leurs questions très pertinentes. Donc, bon retour à la maison.

Je suspends jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux.

Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à des consultations particulières sur le projet de règles abrogeant la disposition qui prohibe la vente, le service et la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur des aires de jeux.

Alors, collègues, cet après-midi, nous entendons les représentants de l'Association des centres en réadaptation en dépendance du Québec, l'Association des centres de traitement des dépendances du Québec et le Centre Dollard-Cormier.

Alors, M. Soucy, Mme Lecomte, bienvenue à notre commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Et, collègues, je vous rappelle que le groupe formant le gouvernement ont 22 minutes pour l'échange avec nos invités; l'opposition officielle, 20 minutes...

Une voix : 22.

Le Président (M. Bergman) : ...22 minutes, et le deuxième groupe d'opposition, cinq minutes.

Alors, pour les fins de transcription, si vous pouvez donner votre nom et votre titre avant de commencer avec certainement votre autre collègue... Alors, bienvenue.

Association des centres de réadaptation
en dépendance du Québec (ACRDQ)

M. Soucy (Claude) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, je suis Claude Soucy, président du conseil d'administration de l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec et président du conseil d'administration du Centre de réadaptation de Québec. Je suis accompagné de Mme France Lecomte, qui est la directrice des services à la clientèle au Centre de dépendance de Montréal, Institut universitaire en dépendance.

L'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec remercie les membres de la commission de lui permettre de présenter son avis et ses recommandations dans le cadre des consultations particulières sur le projet de règles abrogeant la disposition qui prohibe la vente, le service et la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur des aires de jeux.

Je souhaite d'abord rappeler que l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec regroupe tous les établissements publics ayant une mission de centre de réadaptation en dépendance. Ce sont les centres de réadaptation en dépendance qui, au Québec, assument 90 % de l'offre de service faite aux joueurs pathologiques.

Alors qu'une large proportion de la population du Québec joue aux jeux de hasard et d'argent, un très petit pourcentage d'entre elles développera, au cours de sa vie, un problème de jeu pathologique. En 2002, le taux de prévalence du jeu pathologique au Québec était de l'ordre de 0,8 %. Les études plus récentes menées par Louise Nadeau et Sylvia Kairouz indiquent que ce taux se situe aujourd'hui autour de 0,7 %. Ainsi donc, la très grande majorité des Québécois jouent aux jeux de hasard et d'argent sans développer de dépendance ou de problèmes particuliers. À cela il faut ajouter qu'un peu plus de 1 % de la population est considéré à risque de développer un problème de dépendance au jeu. Bien que cette population de joueurs à risque demeure actuellement mal connue et que la littérature soit encore peu éclairante sur leurs motivations, nous savons que certains facteurs engendrent un risque pour les gens de développer un problème de jeu ou, à l'inverse, les protègent contre un tel sort.

Le Québec, à cet égard, se compare de façon très avantageuse par rapport aux autres provinces canadiennes et par rapport à d'autres pays. La proportion de joueurs pathologiques semble s'être stabilisée au cours des dernières années. Les centres de réadaptation en dépendance ont même enregistré une légère baisse de fréquentation des joueurspathologiques dans leurs services. Nous attribuons ces résultats au fait que le Québec a su adopter, au fil du temps, un certain nombre de mesures de protection du jeu à risque, faisant plutôt la promotion du jeu responsable.

• (15 h 10) •

Dans le cadre du programme expérimental sur le jeu pathologique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, les données provenant des sites expérimentaux indiquent que les usagers des services de traitement se composent principalement d'hommes dans une proportion des deux tiers, de personnes âgées entre 35 et 54 ans, de personnes veuves, séparées ou divorcées et d'individus possédant une scolarité de niveau secondaire ou moindre. Les joueurs pathologiques présentent de hauts niveaux de comorbidité. La concomitance de problèmes de santé mentale est importante et il existe une forte association entre une participation problématique au jeu et l'abus ou la dépendance à des substances telles que l'alcool, la drogue et le tabac. Les résultats de certaines études suggèrent un effet d'interaction entre les problématiques liées au jeu et à l'alcool.

Ajoutons que le ministère de la Santé et des Services sociaux a confié aux centres de réadaptation en dépendance du Québec la responsabilité d'offrir des services de traitement aux joueurs pathologiques. Ainsi, 90 % de l'offre de service faite à ces personnes est assumée par nos membres.

Une catégorie de joueurs dits à risque, représentant un peu plus de 1 % de la population, ne reçoit, à l'heure actuelle, aucun service spécifique lié à leurs problèmes de jeu. Il serait sans doute souhaitable que cette catégorie de joueurs bénéficie de programmes d'intervention mieux adaptés à leurs situations.

Le Québec a mis en place, au fil du temps, un certain nombre de mesures qui agissent comme des facteurs de protection du jeu à risque ou du jeu problématique. De notre point de vue, ces facteurs de protection expliquent sans doute en partie les faibles taux de prévalence du jeu pathologique au Québec.

Mentionnons parmi ceux-là : la concentration des aires de jeux dans les salons de jeu ou les casinos et, par le fait même, la diminution de l'offre de jeu dans les bars où se trouvent les appareils de loterie vidéo; le fait que ces aires de jeux soient encadrées et réglementées par l'État; et le fait que des mesures d'auto-exclusion ainsi que des mesures de gestion de crise aient été mises en place dans ces aires de jeux afin de prévenir les problèmes associés au jeu pathologique.

Il en est ainsi des règles qui prohibent la vente, le service et la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur des aires de jeux. On sait que l'alcool agit comme un désinhibiteur qui, généralement, augmente la prise de risque chez le joueur compulsif. Plusieurs études ont démontré que l'association de l'alcool et du jeu pouvait conduire à des pertes de contrôle. L'obligation pour le joueur de devoir quitter l'aire de jeux pour consommer des boissons alcooliques agit souvent comme un frein et constitue, par le fait même, une mesure de protection du jeu à risque.

Ainsi, la décision d'abroger la disposition prohibant la vente, le service et la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur des aires de jeux peut conduire certains joueurs ayant des comportements problématiques à augmenter la prise de risque et la perte de contrôle. Nous sommes particulièrement préoccupés par la tranche de 2 % de la population qui, soit en tant que joueurs à risque, soit en tant que joueurs pathologiques, est susceptible de développer des problèmes encore plus importants.

Une fois ces mises en garde faites et dans la mesure où le gouvernement maintient sa décision, l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec souhaite formuler quatre recommandations.

Considérant qu'il n'existe au Québec aucune instance chargée d'observer les taux de prévalence du jeu à risque et du jeu pathologique parmi la population, l'association recommande de confier à l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux le mandat de mettre en place un observatoire de manière à exercer une meilleure surveillance des comportements à risque ou des problématiques en lien avec les jeux de hasard et d'argent.

Plus particulièrement concernant le changement réglementaire proposé et considérant que près de 2 % de la population présente déjà une relation problématique avec le jeu, l'association recommande la création d'un groupe d'experts indépendants afin d'évaluer et de faire le suivi de ce changement réglementaire sur une période suffisamment longue, de manière à en évaluer les impacts sur les habitudes de jeu des Québécois.

Aussi, si les prétentions du ministre des Finances à l'effet que la levée de la prohibition de la vente, du service et de la consommation d'alcool dans les aires de jeux sont susceptibles de générer 40 millions de dollars de revenus supplémentaires à l'État, l'association recommande qu'une partie de cette somme soit investie dans le développement de nouveaux services ou de programmes d'intervention pour la population des joueurs à risque, qui représente un peu plus de 1 % de la population du Québec et pour laquelle il n'existe, à l'heure actuelle, aucun service spécifique.

Enfin, considérant que les centres de réadaptation en dépendance du Québec sont déjà responsables de 90 % de l'offre de service faite aux joueurs pathologiques au Québec, qu'ils ont, depuis 10 ans, développé une expertise spécifique dans le traitement du jeu pathologique, l'association recommande que le gouvernement leur confie la responsabilité de développer, dans chacune des régions du Québec, un programme d'intervention spécifique pour les joueurs dits à risque.

En terminant, nous espérons que les commentaires de l'association seront utiles aux membres de la commission et qu'ils permettront au gouvernement de prendre les meilleures décisions dans un souci de promotion du jeu responsable et de protection des plus vulnérables de notre société.

Nous vous remercions de votre attention et sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bergman) : M. Soucy, merci pour votre présentation. Maintenant, le groupe formant le gouvernement, pour une période de 22 minutes. M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Bonjour.

Des voix : Bonjour.

M. Richer : Merci d'être là pour nous éclairer dans la démarche que nous allons faire, qui nous amènera à une prise de décision.

Alors, si je comprends, vos organismes accompagnent les joueurs pathologiques qui tentent de s'en sortir. Donc, ces organismes apprennent l'histoire de chaque joueur qui se présente et sont à même de mieux comprendre comment s'est développé ce problème de jeu.

Alors, ma question, M. le Président, c'est : Selon l'expérience des organismes, ces derniers peuvent-ils nous dire si l'essentiel des joueurs compulsifs ont des habitudes de jeu généralement liées aux appareils de loterie vidéo dans les bars ou des habitudes qui seraient liées aux casinos? Alors, est-ce qu'on peut nous expliquer aussi les étapes qui mènent généralement à cette problématique de jeu compulsif?

Mme Lecomte (France) : Alors, je pense que la majorité... Je pense qu'on l'a dit : Dans la vie de l'association, la majorité des personnes utilisent le jeu de façon adéquate, mais il y a 1,7 % de la population qui développe une problématique de jeu. Beaucoup de ces personnes-là ont de la difficulté avec les appareils de loterie vidéo, mais il y en a une forte proportion aussi qui présente des difficultés dans le casino. Puis, dans le casino, il y a aussi des appareils de loterie vidéo. Il y a des aires de jeux, des tables de jeu, mais il y a aussi des appareils de loterie vidéo.

Comment se développe une dépendance? Bien, une dépendance, il y a trois facteurs importants : il y a l'individu, le contexte et le jeu — et on appelle ça, dans le réseau de la dépendance, la loi de l'effet — et c'est ces trois facteurs-là qui font qu'une personne développe une dépendance. Ce n'est pas seulement le jeu, c'est qui elle est comme individu, quels sont ses facteurs de risque et ses facteurs de protection, elle vit avec qui, et c'est quoi, son contexte de vie pour qu'une personne développe une dépendance.

Puis c'est un petit peu sournois, hein? On commence doucement à jouer. On pense qu'on va se refaire. On continue à jouer, on perd des sous. Mais il y a une distorsion cognitive : on est convaincus, dans notre tête, que la machine ou la table de jeu va nous remettre l'argent qu'on a perdu, et c'est vraiment une distorsion cognitive.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Oui, M. le Président. Une toute petite question puis une suivante. Vous avez parlé, madame, de 1,7 % de la population.

Mme Lecomte (France) : Oui.

M. Richer : 1,7 % de la population globale ou 1,7 % des joueurs?

Mme Lecomte (France) : 1,7 % de la population en général.

M. Richer : En général.

Mme Lecomte (France) : Oui.

M. Richer : D'accord. Alors, on s'entend, M. le Président, oui?

Le Président (M. Bergman) : Ça va.

M. Richer : Le risque des jeux, il y a sûrement un lien aussi avec l'évolution du jeu au Québec. Je veux dire, depuis 1992, la situation a changé considérablement. Je constate, en regardant certains documents, que, depuis 1992, il y a eu 16 décisions ou décrets qui sont venus modifier en ajoutant, après le Casino de Montréal, le Casino de Charlevoix, le Casino du Lac-Leamy, et, sur ces 16 projets de loi là, il y en a 12 qui sont venus du gouvernement libéral et quatre du gouvernement du Parti québécois. Et, dans les 12 du Parti libéral, il y a l'implantation du jeu en ligne, et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre un petit peu parce que, dans les trois facteurs de risque que vous avez mentionnés — l'individu, le contexte, et le jeu — on les trouve très bien aussi dans les jeux en ligne qui, à mon avis, sont à risque parce qu'il n'y a aucune surveillance. Comparativement aux casinos, si on en venait à permettre la vente d'alcool, on est dans un lieu où il y a un encadrement systématique.

Alors, est-ce que cette dépendance et ce risque de combinaison alcool et jeu, qui n'est pas souhaitable, est-ce qu'elle ne risque pas plus de développer de la dépendance dans les jeux en ligne où l'individu est seul à lui-même et donc rencontre très bien les trois critères que vous avez mentionnés par rapport à l'encadrement possible au casino?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

• (15 h 20) •

Mme Lecomte (France) : Oui. Il y a deux questions dans votre... que vous m'adressez. La première est en regard des jeux en ligne. Effectivement, dans les jeux en ligne, la personne est seule puis elle joue en ligne. Alors, oui, il y aurait lieu de regarder, puis ça pourrait faire état d'un autre avis de quels seraient les facteurs de protection qu'on pourrait mettre pour faire en sorte d'encadrer les jeux en ligne.

L'objectif de notre présentation aujourd'hui, c'était de regarder la consommation d'alcool dans les aires de jeux. On sait que l'alcool, c'est un produit qui est un dépresseur, donc qui désinhibe, qui amène le joueur à... ça augmente la prise de risque, l'alcool, et ça fait en sorte d'augmenter la perte de contrôle. Le produit même, l'alcool, favorise ça. Ce que les joueurs nous disent... Puis on va le présenter, le point de vue des joueurs, à 5 heures, avec le Centre Dollard-Cormier… Puis je vais y aller un petit peu, là. Ce que les joueurs nous disent, c'est : À partir du moment où ils doivent quitter leur appareil de loterie vidéo ou la table de jeu, bien, c'est une façon de cesser le cycle de cette dépendance-là et de pouvoir se reprendre en main et de regarder qu'est-ce que j'ai perdu, quels sont les objectifs que je me suis fixés puis est-ce que je ne devrais pas retourner à la maison.

C'est la même chose pour le tabac. Quand on a enlevé... Quand on a fait l'interdiction de fumer dans les bars, où il y avait des appareils de loterie vidéo, bien, les clients nous le disaient : Je quitte la machine, la même chose… Le parallèle avec la table de jeu : Je quitte la table de jeu, et, quand je suis dehors et que je fume ou quand je vais me chercher un verre d'alcool — on peut faire le même parallèle — c'est là que je reprends le contrôle de ma situation et de ma problématique. C'est là que je fais un temps d'arrêt et que je brise ce cycle-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Une petite dernière, M. le Président. Je reviens à ma première question dans la différence entre les loteries vidéo dans les bars et les habitudes au casino. Est-ce qu'il y a des... Est-ce qu'on connaît une proportion reliant un à l'autre, et est-ce qu'il y a des études qui viennent démontrer cette proportion-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Bien, peut-être qu'on va attendre la présentation de Brigitte à 5 heures, puis que Brigitte va être mieux à même de répondre à cette question-là en regard des appareils de loterie vidéo et des tables, là, parce qu'elle est vraiment concentrée sur les joueurs.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. Bonjour.

Mme Lecomte (France) : Bonjour.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci d'être là, de nous apporter votre éclairage dans le processus que nous avons entrepris ce matin.

Mme Lecomte (France) : Merci.

Mme Gadoury-Hamelin : Ce matin, on a eu les gens de Loto-Québec, qui nous ont présenté le portrait aussi de la situation, du glissement, hein, de la clientèle qui délaisse les casinos officiels pour aller vers des casinos à l'extérieur. La concurrence est vive et, à cet endroit-là, l'alcool est permis aux tables de jeu; donc, de tout, là aussi, ce qui nous amène, devant aussi cette commission-là, à regarder cette avenue-là pour les Québécois parce qu'on est bien conscients aussi qu'à Loto-Québec aussi les revenus de Loto-Québec servent à la population du Québec et, si cette avenue-là, on la laisse glisser aussi, alors là, à ce moment-là, ces gens-là, on n'a pas de contrôle, mais ils vont aller consommer ailleurs.

Finalement, là, ce que j'essaie de dire, c'est que... mon impression, puis vous êtes là pour nous le dire, les gens qui ont des dépendances par rapport au jeu ou quels que soient d'autres types de dépendances, ce n'est pas nous qui vont les empêcher. Ce qu'on souhaiterait faire dans les casinos, c'est d'avoir un certain contrôle pour pouvoir les aider au moment où ils ont besoin, parce qu'ils sont à vue puis ils sont encadrés avec des outils, là; c'est un peu ça. Parce que ce qu'on constate, c'est que les gens vont jouer ailleurs, et puis tout ça.

Bon, ceci étant dit, vous êtes habilités à transiger avec les gens qui ont des dépendances. On sait que le problème du jeu pathologique... on nous a dit aussi, ce matin, que ce n'était pas l'ensemble des joueurs qui avait une pathologie par rapport au jeu. Présentement, on identifie ça à 0,7 %, mais il y a quand même... Donc, ça demande une vigilance constante pour être en mesure de bien les identifier puis d'être capable de leur apporter une aide.

Dans ce sens-là, vous, qui êtes les témoins, souvent, de ces situations-là, pouvez-vous nous dire à quel moment il est plus efficace d'agir, d'intervenir en amont au niveau de la sensibilisation ou au niveau… De par votre expérience, là, qu'est-ce qui pourrait faire qu'on pourrait réduire, là, les problèmes de dépendance chez les gens, là, au niveau du jeu?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Je pense qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent aider la réduction, mais ce sont des facteurs de protection qui aident le plus à la réduction des problématiques à risque et des problématiques pathologiques. Et, les facteurs de protection, il faut les regarder sur une étude longitudinale, il ne faut pas mettre un facteur de protection puis penser qu'immédiatement ce facteur de protection là va donner un résultat. Si on regarde le tabac, c'est sur plus de 10 ans qu'on obtient des résultats parce qu'on a mis des facteurs de protection. Alors, c'est pareil pour le jeu. Je pense qu'il faut faire la promotion du jeu responsable, il faut avoir des aires de jeux qui sont sécuritaires. Je ne pense pas qu'on doit offrir l'alcool dans les aires de jeux, c'est un facteur de risque plus important.

L'autre élément, c'est que nous avons fait le choix, au Québec, d'avoir des casinos d'État, et ces casinos d'État là doivent avoir une préoccupation pour la clientèle qui est vulnérable et qui présente un problème de jeu pathologique ou de comportement à risque et qui se retrouve aux tables de jeu ou en arrière des appareils de loterie vidéo. Et je comprends que Loto-Québec dit qu'il pense récupérer 40 millions, mais ce 40 millions là, il va venir pas seulement de la consommation d'alcool, il va venir des mises plus importantes que les joueurs pathologiques vont faire aux tables de jeu et il va venir sur la durée plus longue où ils vont rester aux tables de jeu puisqu'ils n'auront pas besoin de sortir de la table de jeu pour avoir un verre d'alcool.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Bien, ce matin, ce qu'on avait entendu, c'était… Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas du tout, là, de ce que vous dites, mais ce qu'on a entendu plus, c'est que le pourcentage de joueurs au Québec se maintient, même s'accentue, mais qu'il n'est plus dans les casinos de Loto-Québec; il est ailleurs, il est dans les 80 autres endroits autour.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Ce que vous me dites, c'est que les joueurs pathologiques utilisent les casinos autres que les casinos d'État ou les appareils de loterie vidéo qui sont autres que les appareils de loterie vidéo de l'État. Je pense qu'effectivement il y a un pourcentage qui glisse. Je ne pense pas que c'est seulement l'alcool qui est le seul facteur déterminant pour que ces gens-là se retrouvent; il y a d'autres facteurs. Puis il faudrait évaluer, chez ces joueurs-là, quels sont les facteurs qui font qu'ils vont vers ces sites qui ne sont pas les sites encadrés par l'État. Mais je ne pense pas que c'est seulement l'alcool qui est un facteur, c'est un des facteurs. Je ne nie pas que ça peut être un facteur, mais ce n'est pas le seul facteur.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Est-ce que vous avez une idée des autres facteurs qui pourraient être...

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Écoutez, il peut y avoir une multitude de facteurs, qui peut être la proximité, quelque chose de l'ordre de la proximité, quelque chose du fait que ce n'est pas un casino d'État et que moi, j'aime mieux aller jouer dans un casino qui n'est pas d'État, qui est moins encadré, moins soutenant, où il n'y a peut-être pas d'auto-exclusion, alors, ou moi, je veux aller dans ce type de casino là. Mais je pense qu'on aurait avantage à faire une recherche puis à aller voir quels sont ces facteurs-là qui incitent ces joueurs-là à quitter le casino puis à aller vers un autre site de jeu.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Vous nous avez dit aussi, dans vos commentaires, que les casinos de l'État justement avaient des outils pour bien identifier puis pour bien supporter. Je pense que vous avez des liens avec. Vous ne pensez pas que ce serait mieux justement que les gens se retrouvent dans nos casinos à nous, les casinos de l'État, plutôt que de se retrouver dans des casinos illicites?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Tout à fait. Je pense qu'on aurait avantage à ramener les joueurs, mais je ne suis pas certaine que c'est en donnant l'alcool aux aires de jeux qu'on va ramener les joueurs nécessairement. Je pense qu'on aurait avantage à regarder c'est quoi, les facteurs, puis à aller interviewer ces gens-là. Je ne suis pas certaine que c'est en donnant accès à de l'alcool qu'ils vont nécessairement revenir vers les casinos d'État.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Bien, de toute façon, vous, quand vous dites : Donner l'alcool, on ne donnerait pas l'alcool, là, elle serait…

Mme Lecomte (France) : Non, je comprends très bien, là, mais...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Gadoury-Hamelin : O.K., c'est bon. Parce que vous savez qu'il y a des endroits où, carrément, elle est donnée, hein?

Mme Lecomte (France) : Oui, où c'est gratuit. Non, je le sais...

Mme Gadoury-Hamelin : Ça, ça peut être un incitatif.

Mme Lecomte (France) : Non, non. Je me suis mal exprimée, là, je...

• (15 h 30) •

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Non, je voulais juste être certaine.

Mme Lecomte (France) : ...permettre aux gens d'acheter de l'alcool et de le consommer directement à la table de jeu.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Je reviens sur ce que vous dites. En fait, vous dites qu'il n'y a pas d'étude spécifique, là, qui démontre que le fait de servir, de permettre l'alcool aux tables de jeu est un facteur qui inciterait les gens à revenir vers les casinos d'État. Mais, à ce moment-là, est-ce que c'est démontré, finalement, cette relation problématique entre la consommation d'alcool aux tables de jeu et le jeu pathologique?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Ce qui est démontré, c'est qu'il y a une relation de cause à effet entre la consommation d'alcool et le jeu. On sait que, chez les joueurs pathologiques, il y en a une forte proportion qui ont aussi des problématiques d'alcool. Donc, il y a une relation, il y a une interaction entre le fait de jouer et de consommer de l'alcool qui accentue la problématique de jeu, parce que la personne, en consommant de l'alcool, elle se met plus à risque. C'est un facteur de risque supplémentaire, l'alcool. C'est un dépresseur qui amène les gens à prendre une plus grande prise de risque. C'est comme la conduite automobile : quand on consomme de l'alcool, on a une prise de risque plus importante dans la conduite automobile. Alors, le même parallèle se fait avec le jeu.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Et cette association entre l'alcool et le jeu, dont on parle, là, est-ce que — à ce moment-là, je reviens un petit peu avec ce que ma collègue vous proposait — ce ne serait pas plus responsable pour un gouvernement de mettre en place des mesures qui vont favoriser le jeu dans un endroit où ce sera mieux réglementé? Et, pour éviter que les joueurs, surtout les joueurs pathologiques, qui peuvent développer une dépendance ou qui peuvent, bon, finalement, avoir une problématique assez sérieuse, est-ce que ce n'est pas plus responsable de nous assurer de les canaliser et de faire en sorte qu'ils viennent jouer le plus possible dans un endroit réglementé, où, je souligne aussi, 99 % de la clientèle n'est pas... ne sont pas des joueurs pathologiques?

Donc, il y a une expérience, disons, de loisir et une expérience comme aller souper dans un restaurant et prendre une bouteille de vin, où il y a toujours un niveau de responsabilité de l'individu, et ce n'est pas parce qu'on est dans un restaurant et qu'on consomme de l'alcool qu'on a un problème d'alcool, au même titre que ce n'est pas parce qu'on est dans un casino et qu'on prend une consommation à une table de jeu qu'on a un problème d'alcool ou qu'on est un joueur pathologique. À ce moment-là, mais compte tenu qu'on sait que ça existe, le jeu pathologique, pour une faible proportion quand même de la clientèle des casinos, est-ce qu'on ne devrait pas tout mettre en place pour nous assurer de leur permettre de jouer dans un encadrement le plus sécuritaire possible?

Le Président (M. Bergman) : M. Soucy.

M. Soucy (Claude) : Oui, c'est sûr que, comme association, on va toujours favoriser que ce jeu-là se fasse... que les jeux de hasard se fassent dans un environnement qui est le plus encadré, le plus légal possible. Ça, je pense que, comme association, on a une position assez claire là-dessus. Par contre, je pense qu'il ne faut pas mettre en opposition ce fait-là et le facteur bien connu de l'interaction alcool et jeu, que Mme Lecomte a décrit, là. Puis je pense que, lorsqu'on fait référence à des études récentes, entre autres de Mme Nadeau, où on voit qu'il y a 50 % des joueurs pathologiques qui ont aussi des problèmes de consommation d'alcool, je me dis : On peut se poser quand même des questions, là, sur l'orientation de la mesure qui est proposée.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. J'aimerais revenir sur une proposition que vous faites dans votre mémoire, dans le document que vous nous avez déposé. Dans vos recommandations, vous souhaitez, si le gouvernement allait de l'avant avec la réglementation, la modification réglementaire, de mettre en place un comité de suivi.

J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu plus votre vision de ça. Qu'est-ce que vous souhaiteriez que ce comité de suivi fasse? Est-ce que ce serait d'évaluer véritablement l'impact de cette réglementation, j'imagine, à différents niveaux, autant du point de vue de l'individu, du point de vue de la prévalence du jeu pathologique que du point de vue, peut-être, de l'augmentation de la clientèle et des revenus de Loto-Québec? Comment vous voyez ça, ce comité de suivi?

Le Président (M. Bergman) : M. Soucy.

M. Soucy (Claude) : Je pense qu'il y a deux ordres de préoccupations dans nos recommandations, une première qui vise à s'assurer qu'au Québec on ait un observatoire sous la responsabilité de l'Institut national d'excellence en santé, par exemple, et que cet observatoire-là assure une certaine vigie sur le phénomène, sur le problème des comportements à risque liés au jeu. Je pense que, comme Mme Lecomte le disait, c'est que la littérature et la recherche sur ces éléments-là n'est pas autant développée, par exemple, que dans le secteur de l'alcool ou dans le secteur des drogues. Donc, je pense que ça assurerait une certaine vigie et améliorer la connaissance.

Plus spécifiquement, la deuxième recommandation, ce qu'on dit, c'est que, s'il y a un changement apporté au règlement, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait un comité d'experts indépendants. Il existe des organismes qui peuvent faire ce type d'évaluation là, entre autres on pense à des équipes de l'ENAP ou d'autres organismes, mais qui pourraient faire une évaluation, une équipe d'experts indépendants qui pourraient faire une évaluation et le suivi des impacts sur les joueurs, mais peut-être aussi sur le suivi de l'impact financier dont on parle, entre autres, là, dans le...

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste une minute.

Mme Proulx : Une minute? Bien, juste en une minute, en quelques secondes, est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu de la relation que vous avez avec Loto-Québec? Est-ce qu'il arrive que Loto-Québec vous réfère des clients? Comment... Est-ce que vous... Oui, est-ce que vous travaillez avec Loto-Québec, en fait?

Mme Lecomte (France) : On n'a pas d'entente de services avec Loto-Québec, mais, oui, dans le cadre de... ils vont référer de la clientèle. Ils nous connaissent comme centre de traitement puis, oui, ils vont, dans les situations où ils font intervenir l'intervention de crise… Alors, oui, on a de la clientèle qui nous parvient des aires de jeu du casino, que ce soient les tables ou les appareils de loterie vidéo. Mais on n'a pas d'entente spécifique avec Loto-Québec.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour l'opposition officielle, pour une… 22 minutes, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bienvenue. Merci de participer à ces consultations.

On a entendu Loto-Québec, les gens de Loto-Québec, un peu plus tôt aujourd'hui, qui nous expliquaient qu'ils avaient mis en place une série de mesures, en fait, qui sont mises en place en fonction de ce qui existe actuellement. On a compris qu'il n'y a rien qui sera mis en place afin de pallier peut-être aux nouveaux besoins qui résulteront des changements proposés.

Mais j'aimerais vous entendre : Est-ce que, selon votre expertise, selon les gens que vous croisez, la clientèle que vous croisez, est-ce que, si le gouvernement devait aller de l'avant avec cette modification-là au règlement, des mesures additionnelles devraient être mises en place à l'intérieur des casinos? Parce que, je comprends, vous parlez de l'observatoire. Ça, c'est une chose. Mais concrètement, pour l'aide directe à la clientèle à risque, un observatoire, concrètement, là, au jour le... au quotidien, ça ne pourra pas les... on ne pourra pas les accompagner, ça ne les aidera pas, ça ne viendra pas tenter de les sortir d'une situation.

Quelles seraient les mesures qui pourraient être mises en place, les mesures additionnelles qui devraient, pas pourraient, qui devraient être mises en place pour venir pallier aux conséquences qui seront directement en lien avec cette décision-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Vous me demandez, advenant que le règlement passe et qu'on va de l'avant pour permettre la consommation d'alcool dans les aires de jeu, quels seraient les éléments qui pourraient être mis en place. Écoutez, je pense qu'il va falloir développer des outils de dépistage extrêmement importants pour être capable de dépister ces gens-là qui vont être en consommation d'alcool et dans un cycle important relié à leur problématique de jeu pathologique, parce qu'ils ne se retirent pas de leur cycle, ne se retirent pas de leur aire de jeu pour aller se chercher et se payer une consommation.

Alors, vraiment, il va falloir qu'il y ait du dépistage très spécifique qui soit développé pour détecter ces gens-là et leur offrir une alternative, je dirais. Mais c'est beaucoup des outils de dépistage, là, de surveillance et de dépistage dans les aires de jeu.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

• (15 h 40) •

Mme Vallée : Loto-Québec, M. Bibeau nous disait : Nos serveurs ont suivi une formation, une formation de trois heures, alors ils sont capables de détecter et de dépister toutes les problématiques à l'intérieur du casino. Croyez-vous que des serveurs, avec tout le respect que je peux avoir pour les gens qui travaillent dans les casinos… Est-ce que quelqu'un qui travaille au bar a les compétences requises pour dépister les problématiques ou les comportements à risque?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Plus on fait le choix d'augmenter les facteurs de risque, plus ça nécessite une expertise chez les gens pour dépister. Et c'est vers ça qu'on va, là, on augmente les facteurs de risque, alors je... Est-ce que les serveurs ont suffisamment de formation pour dépister? J'en douterais. Je me permettrais d'en douter.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Quel serait, à votre avis, le profil des gens qui devraient être formés, qui devraient être appelés à intervenir dans les casinos?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Vous me demandez un profil pour intervenir dans les casinos, dans des situations... pour prévenir. Parce que, dans une situation de crise, il y a une intervention, dans le casino, qui est faite puis il y a des professionnels qui se déplacent quand il y a une situation de crise. Vous me demandez plus pour prévenir. Bien, je pense qu'il faut que ce soient des intervenants cliniques, il faut qu'il y ait plus d'intervenants cliniques disponibles dans les casinos pour être capables d'observer ces gens-là. Et des cliniciens, là, je parle de gens qui ont une formation clinique.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Ce sera ma dernière question, je sais que mes collègues ont des questions. Donc, le fait d'avoir un infirmier ou une infirmière par casino pendant les heures d'ouverture, comme on nous l'expliquait comme étant un moyen extraordinaire pour prévenir les dérapages, est-ce que c'est suffisant, à votre avis?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Je ne pense pas que ce soit suffisant pour prévenir les dérapages, surtout si on augmente les facteurs de risque.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Est-ce que vous savez c'est quoi, le taux des joueurs pathologiques en Ontario, par exemple, ou dans les Maritimes?

Mme Lecomte (France) : Le taux de joueurs pathologiques est sensiblement le même en Ontario ou dans d'autres pays comme la France. On obtient tous des taux de joueurs pathologiques qui se situent autour du 0,7 %, 0,8 % de la population générale, et les taux de joueurs à comportement à risque sont aussi autour du 1 %, 1,2 %. Donc, on peut dire qu'en moyenne il y a à peu près 2 % de la population qui présente une problématique de jeu. Et il y a, en Angleterre, où le taux est un petit peu plus élevé, et… En Angleterre, ils attribuent ce taux plus élevé aux paris sportifs qui sont... où cette culture-là adhère bien aux paris sportifs. Alors, il y a un taux un petit peu plus élevé en Angleterre, mais on est tous autour du même taux.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Alors, je me pose la question : Si l'alcool est vendu dans les aires de jeu ailleurs que le Québec, et le taux des joueurs pathologiques, c'est semblable, comment vous expliquez cela?

Mme Lecomte (France) : Bien, je pense qu'il faut dire que les recherches dans le jeu, ce sont des jeunes recherches. Ce n'est pas un domaine, le jeu, qui a été... où il y a eu beaucoup de recherches si on compare avec d'autres dépendances. Alors, on a un historique de recherche qui est beaucoup plus récente en jeu qu'on l'a dans d'autres dépendances comme...

Nous, ce qu'on dit, c'est : Il faut mettre autour du joueur des facteurs de protection puis il faut faire des études longitudinales pour être capable de voir l'impact de nos mesures de protection sur le taux de prévalence. Et, au Québec, on est le seul au monde où on a une offre de service qui est gratuite pour les joueurs pathologiques — ça n'existe pas nulle part dans le monde — et on a beaucoup de facteurs de protection qu'on met en place par rapport à d'autres endroits. Mais on ne peut pas, en ce moment, compte tenu que les recherches sont récentes, vérifier l'impact de nos facteurs de protection immédiatement. Si on regarde le tabac, c'est sur une période de 10 ans que ça a donné des résultats sur les facteurs, sur le taux de prévalence. Alors, il faut maintenir les facteurs de protection, faire de la recherche et voir l'impact sur les taux de prévalence.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : O.K., parce que, quand je lisais votre présentation, je me demandais c'est quoi, l'aspect scientifique derrière les déclarations qui sont faites. J'ai commencé un doctorat en biochimie, ça explique un peu pourquoi je poserais ces questions-là. Par exemple, quand vous dites que l'obligation pour le joueur de devoir quitter l'aire de jeux pour consommer les boissons alcooliques, que cela agit souvent comme un frein, est-ce que ça, c'est une déclaration qui est faite parce que ça semble quelque chose qui est évident ou parce qu'il y a des études scientifiques qui le démontrent?

Mme Lecomte (France) : Il y a des études scientifiques. Maintenant, je ne serais pas à même de vous dire est-ce qu'il y a une étude scientifique qui a démontré ça, mais les joueurs nous le disent, et il y a des déclarations des joueurs qui nous le disent. Ils nous disent que, quand ils doivent aller dehors fumer une cigarette ou s'ils ont à aller se chercher un verre d'alcool au bar, que ça brise leur cycle et que ça permet de reprendre contrôle. Et ça, les joueurs nous le disent.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Comment est-ce que le taux de 0,7 % ou 1 % a été calculé? Comment vous êtes arrivés à ces chiffres-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Bien, c'est calculé à partir de recherches qui ont été faites par Mme Louise Nadeau et Sylvia Kairouz, qui ont travaillé sur les taux de prévalence. Alors, elles ont... Je ne pourrais pas rentrer dans le spécifique de ces recherches-là, mais c'est deux grandes chercheuses au Québec qui se penchent... Mme Nadeau, depuis des années, sur les problématiques de dépendances et Mme Kairouz principalement sur les problématiques de jeu. Et elles font des études pour être capables de déterminer le taux de prévalence, comme on le détermine pour l'alcool, comme on le détermine pour d'autres produits.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Je pose cette question, parce que, quand j'étais sur le Net — tout le monde va sur le Net — ce n'était pas Wikipédia… puis j'étais sur le Net, j'ai trouvé d'autres études, j'ai trouvé des études Smart et Ferris, etc., et, eux, c'était par des appels téléphoniques. Alors, je me dis : Comment ça peut être valable?

Mme Lecomte (France) : Les taux de prévalence?

Mme de Santis : Non, non, quand des études sont faites par appels téléphoniques de 2 000 personnes. Alors, je me dis : Est-ce que c'est scientifique?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Bien, c'est difficile pour moi de répondre à cette question-là, là, n'étant pas une chercheure. Je suis une clinicienne de formation. Mais ces études-là, si elles déterminent... si elles permettent de déterminer des taux de prévalence, c'est qu'elles sont vraiment déterminées par des critères scientifiques très précis. Et, oui, des fois, au téléphone, ça peut donner des résultats extrêmement positifs aussi, parce qu'il y a des critères très précis qui sont en lien avec les résultats de ces appels téléphoniques là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Une dernière question. Je ne sais pas comment les gens font pour aller jouer sur le Net, mais je présume que c'est assez facile et qu'ils le font à partir de leur chez-eux. Et l'alcool, c'est tout à fait... je veux dire, c'est facilement accessible à l'intérieur d'une maison.

Est-ce qu'il y a des études qui ont été faites là-dessus dont vous pouvez être au courant? Et est-ce que vous voyez que vraiment, si l'alcool est vendu dans une aire de jeux, ça change beaucoup pour celui qui est un joueur pathologique? Parce que le joueur pathologique, je présume, va aussi jouer à l'intérieur de son chez-lui. Il n'y a aucune raison d'aller au casino pour le faire, il va jouer chez lui. Alors, chez lui, il n'est pas du tout protégé. Et donc, si on impose ça aux casinos, qu'est-ce qu'on réussit vraiment à faire?

Mme Lecomte (France) : Bien, je pense...

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

• (15 h 50) •

Mme Lecomte (France) : Excusez-moi, je parle trop vite. Je pense qu'on ne peut pas réglementer la vie privée des gens, hein? Les gens sont dans leur maison, et, oui, il y a des facteurs de risque importants, mais on ne peut pas réglementer. On peut faire du dépistage, on peut faire de la promotion du jeu responsable pour ces gens-là, on peut leur offrir une offre de service quand ils vont venir nous voir, on peut faire beaucoup de choses. Mais, dans les aires de jeu d'un casino d'État, je pense qu'on a une responsabilité à l'égard des joueurs pathologiques qui sont présents et de leur grande vulnérabilité. Et on a à se questionner si on ajoute un facteur de risque ou si on maintient les facteurs de risque qui sont là, parce qu'il y en a déjà, puis qu'on encadre bien ça. Je considère que c'est ajouter un facteur de risque, puis on est devant un produit qui est de l'alcool, qui est un dépresseur et qui va désinhiber la personne.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Il nous reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste huit minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être ici puis félicitations pour la présentation, parce que c'est très formateur, puis on veut justement entendre les experts dans ce domaine. C'est quoi, l'impact d'avoir la consommation d'alcool dans l'aire de jeu? Et, si vous... de la façon dont vous l'expliquez aujourd'hui, c'est quand même plus que d'avoir à aller au bar, où le bar est à 10 ou 15 mètres. Ça brise un cycle.

Et, vous l'avez expliqué, mais j'aimerais ça que vous partiez du principe que la personne qui est vulnérable, elle joue, donc représente un risque important, mais le fait de consommer sur place, elle n'a pas cette pause de repos qui fait qu'elle va arrêter de jouer et de boire. J'aimerais ça que vous nous le réexpliquiez comme il le faut, parce que c'est ça, le coeur. Et, entre autres, quand on compare avec le jeu en ligne à la maison, c'est une problématique qui est complètement différente, alors qu'il pourrait jouer en ligne à d'autres endroits, tandis que là, c'est dans nos casinos que ça se joue, ce phénomène-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Alors, bien évidemment, quelqu'un qui est à la table de jeu puis qui joue, il est bien installé dans son cycle de : je fais une mise, il y a un résultat, je refais une mise, puis il y a un résultat. Il y a quelque chose… Le cycle est bien installé à l'aire de jeu.

Alors, si on veut briser ce cycle-là, il faut que la personne sorte de la table de jeu pour être capable de se reprendre et de récupérer, sur le plan cognitif, des éléments importants pour se refaire une prise de position, alors que, quand je reste sur la table, je suis toujours en distorsion cognitive. Je me dis : Ce n'est pas cette fois-ci que j'ai gagné, ça va être la prochaine fois. La roulette, elle va rouler pour moi. Il y a une distorsion cognitive que j'ai. Quand je brise ce cycle-là, quand je sors de la table, je reprends mon raisonnement et mon jugement pour être capable de me dire : Bien, aujourd'hui, j'en ai perdu beaucoup par rapport à mes gains. Je m'étais fixé un montant, je l'ai beaucoup dépassé. Il y a quelqu'un, à la maison, qui m'attend. Peut-être que c'est le temps que je quitte.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ce que vous venez d'expliquer, c'est vrai pour les joueurs compulsifs. Mais est-ce qu'on peut dire que c'est vrai également pour la personne qui joue habituellement sans compulsion, mais qui, en présence d'alcool, va avoir ce comportement?

Mme Lecomte (France) : Tout à fait. C'est vrai pour tout le monde. C'est vrai pour tout le monde, pour les joueurs à risque, pour les joueurs récréatifs puis pour les joueurs pathologiques. C'est vrai pour tout le monde. L'alcool, quelle que soit ma difficulté au niveau du jeu, a un effet de désinhibition et m'amène à prendre des risques plus élevés.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Continuons notre raisonnement. On sait qu'au Québec on est l'endroit où est-ce qu'il y a le moins de joueurs compulsifs, peut-être parce que l'offre de jeu est moins libérale. Et puis, à ce moment-là, si vous étiez dans un endroit, Atlantic City, puis vous faisiez un diagnostic de population qui a un haut taux de joueurs compulsifs, un haut taux de problèmes… qui ont des problèmes, des difficultés sociales, familiales parce qu'il y a une problématique de jeu, iriez-vous jusqu'à leur recommander de mettre en place une mesure telle que de cesser d'avoir de l'alcool dans les aires de jeu pour diminuer, sur quelques années, cette problématique?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Oui, je recommanderais ça et je recommanderais qu'on fasse une recherche puis qu'on vérifie l'impact de ça. Alors, oui, je recommanderais ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Troisièmement partie du raisonnement. Quand on a des comportements qui sont inadéquats, comme gouvernement, comme société, on veut protéger. Si on suit le raisonnement qu'on permet l'alcool dans les aires de jeu pour que la population vienne jouer dans nos casinos parce qu'on n'est pas en compétition avec les autres, seriez-vous prêts à accepter le principe qu'on devrait accepter également le tabagisme, compte tenu qu'il y a plusieurs casinos que les gens ont le droit de fumer… et ça garderait les gens localement?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Écoutez, je ne pourrais pas accepter ça, là. C'est comme si vous me dites : Remettons un facteur de risque qu'on a enlevé. Alors, non. Je pense qu'on est très avant-gardistes d'enlever ces facteurs de risque là, il ne faudrait pas les remettre.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Autrement dit, au Québec, on a la meilleure donnée, les meilleures statistiques pour la question des joueurs compulsifs parce que probablement qu'on réussit à faire un certain contrôle. On a mis en place des mesures pour rendre le jeu intéressant, parce qu'on accepte que, le jeu, ça fait partie de notre société.

Par contre, on n'est pas allés jusqu'à avoir des facteurs de risque qui augmentent de façon assez importante la consommation au niveau du jeu et la consommation au niveau de l'alcool, lorsqu'on les met ensemble, parce que ça devient des personnes vulnérables. Il y a un cycle, comme vous dites, qu'on n'est pas capables de briser. Donc, le Québec, quant à ça, a un modèle quand même intéressant et probablement pourrait être un modèle mondial au niveau de la façon de faire la conciliation entre le jeu et éviter des pathologies reliées au jeu.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Puis ce que je comprends, c'est qu'en prenant cette seule mesure de consommation d'alcool dans les aires de jeu, on revient en arrière comme société responsable par rapport au jeu.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Bien, on augmente les facteurs de risque. C'est évident qu'on ne va pas de l'avant dans les facteurs de protection; on augmente les facteurs de risque.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Et le rôle d'un gouvernement, c'est de faire cet équilibre entre le bien de la population au niveau santé publique versus aller chercher plus de l'argent via les finances. Et, dans ce cas-ci, c'est qu'on rend nos gens plus malades dans deux domaines : ils boivent plus et ils jouent plus, et ça amène plus de problématiques sociales. Êtes-vous d'accord avec un raisonnement comme celui-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Bien, oui, je suis d'accord, là, avec ce raisonnement-là, parce que, comme je l'ai expliqué, on augmente les facteurs de risque et on augmente les facteurs de risque chez une population qui est déjà vulnérable.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste...

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. La preuve est faite.

Le Président (M. Bergman) : Alors, Mme la députée de Groulx, pour un bloc de six minutes.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence ici. Bon, ce que je comprends de votre intervention : dans le fond, si vous étiez dans un monde parfait, votre recommandation première serait de ne pas aller de l'avant avec une telle mesure. Est-ce que je me trompe, oui ou non?

Mme Lecomte (France) : Non, vous ne vous trompez pas.

Mme Daneault : J'ai bien perçu. Et, si vous étiez dans un monde idéal aussi, je pense que vous nous demanderiez d'avoir la création de nouveaux services et même de programmes d'intervention auprès des joueurs pathologiques.

Mme Lecomte (France) : Qui sont à... joueurs pathologiques, mais principalement pour les joueurs à risque, parce qu'il n'y a pas d'offre de service pour les joueurs à risque. Alors, oui.

Mme Daneault : Donc, ça serait...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le... Excusez-moi. Donc, ça serait votre deuxième recommandation et c'est bien noté. Le fait qu'au Québec on se soit battu pendant plus de 30 ans pour éviter la présence d'alcool dans les aires de jeu nous a probablement valu des résultats meilleurs qu'ailleurs dans le monde. Et j'ai avec moi une étude qui le démontre. C'est une étude de Williams, qui a été faite en 2007, où on nous a démontré qu'il y avait des mesures de prévention les plus efficaces. Je vais vous en faire la lecture rapidement, je pense, pour le bénéfice de tous : Une des principales étant la restriction du nombre de sites, la localisation des sites et, le troisième retenu principal, restriction sur la consommation concomitante de tabac et d'alcool dans les aires de jeu…

Alors, je pense qu'on s'est battu au Québec pour justement éviter de tomber dans ce piège-là qu'à certains endroits qui ne sont pas des casinos d'État où, finalement, l'ultime objectif était finalement financier... Le fait que nous avons la sécurité du public comme responsabilité en tant que casinos d'État nous a probablement tenus à l'écart de cette mesure-là de permettre, effectivement, l'alcool dans les aires de jeux. Est-ce que, selon vous, si on allait de l'avant avec une telle mesure, c'est un recul pour le Québec?

• (16 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Bien, c'est un recul pour les personnes qui sont vulnérables. On les place dans une position de plus grande vulnérabilité.

Mme Daneault : Merci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, est-ce que vous voulez déposer votre rapport que vous avez cité?

Mme Daneault : L'étude?

Le Président (M. Bergman) : Oui.

Mme Daneault : Oui. Je peux vous donner... J'en ai plusieurs, études. Ça va me faire plaisir.

Le Président (M. Bergman) : Si vous pouvez déposer à la commission, on va envoyer des copies à chaque membre de la commission.

Mme Daneault : D'accord, aucun... ça va me faire plaisir. Alors, merci, M. le Président, merci de confirmer ce qu'on pense. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Soucy, Mme Lecomte, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui.

Alors, je demande les gens de l'Association des centres de traitement des dépendances du Québec pour prendre leur place à la table et je suspens pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association des centres de traitement des dépendances du Québec. M. Marcoux, Mme Beaulieu, vous avez 10 minutes pour votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, si vous pouvez mentionner votre nom, votre titre pour les fins de cette commission, et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.

Association des centres de traitement
des dépendances du Québec

M. Marcoux (Vincent) : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président, MM. et Mmes les députés. Donc, mon nom est Vincent Marcoux, je suis directeur général de l'Association des centres de traitement des dépendances du Québec et je suis accompagné de Mme Martine Beaulieu, directrice clinique du Centre CASA, un centre spécialisé en jeu.

Je vais commencer rapidement, je vais essayer de faire le tour du rapport au complet pour qu'on puisse avoir un bon survol. Premièrement, l'Association des centres de traitement des dépendances du Québec, rapidement, ça regroupe l'ensemble des centres certifiés par le ministère de la Santé et Services sociaux, communautaires ou privés. Les organismes certifiés, c'est des organismes qui sont court terme, un mois; moyen terme, deux à quatre mois; et des organismes long terme, cinq mois et plus. C'est tous des centres d'hébergement, donc ils reçoivent de la clientèle alcoolique, toxicomane, des personnes à jeu pathologique, sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Donc, c'est la particularité de nos centres certifiés. Présentement, on regroupe 62 centres aujourd'hui.

Donc, rapidement, notion de choix : rentabilité ou prudence. D'emblée, nous reconnaissons qu'une grande partie de la population s'adonne aux jeux de hasard et d'argent de façon raisonnable. Cependant, l'Association des centres de traitement des dépendances du Québec est préoccupée par la volonté de rendre accessibles des produits alcoolisés aux aires de jeux dans les salons de jeu et les casinos. Dans nos centres, nous constatons que la clientèle présentant des problèmes de jeu a évolué principalement dans un contexte d'utilisation d'appareils de loterie vidéo où la consommation d'alcool est bien présente. Pour les casinos et les salons de jeu, les personnes à risque représentent une minorité négligeable, mais, pour les centres que l'association regroupe, chacune de ces personnes vit une situation de souffrance qui a des conséquences sur toutes les sphères de leur vie. Bien que le personnel des casinos soit formé pour intervenir auprès des cas problématiques, nous savons d'expérience que leurs interventions se limitent souvent à l'exclusion de ces personnes en difficulté.

Dans ce qui suit, nous démontrons que l'augmentation de l'accessibilité de la consommation d'alcool pour les personnes aux prises avec des problèmes de jeu ne peut qu'amplifier les difficultés auxquelles ces dernières sontconfrontées. Nous espérons, à travers ce mémoire, soulever certains questionnements et apporter des éléments tirés de nos pratiques afin de vous permettre de prendre une décision plus éclairée.

Donc, rapidement, on va arriver avec l'effet de l'alcool sur l'individu. Donc, rapidement, pour vous dire que, l'alcool, dès le premier verre, il y a déjà un concept… il y a déjà un effet déjà sur nos notions intellectuelles. Ce qu'on peut retirer de ça, c'est que, quand on consomme, il y a un surcroît... il y a une diminution de notre vigilance et un entraînement à des erreurs de jugement… et joue également un rôle désinhibiteur, augmente les risques de perte de contrôle de soi. Donc, ce qui est important, c'est : quand on consomme, déjà, il y a toujours une diminution de nos facultés, automatiquement.

Rappelons qu'il est reconnu que la pratique de jeux de hasard et d'argent, tout comme l'alcool, altère le fonctionnement neurobiologique. S'il y a des combinaisons d'alcool et de jeu, les effets neurobiologiques en sont d'autant plus augmentés.

On va parler encore... Il va y avoir aussi des similitudes avec l'ACRDQ, la présentation, mais… La concomitance de l'alcool et de jeu. Donc, quand on met l'alcool et le jeu ensemble, il y a des effets, et ces effets-là, ça fait augmenter la problématique, les deux ensemble.

On va parler entre autres des risques suicidaires. Tous les centres de traitement de l'association sont formés à intervenir au plan... sept jours sur sept, 24 heures sur 24, avec des personnes suicidaires. On sait que le risque suicidaire est problématique dans les casinos. Ça arrive, ça peut arriver que des personnes qui ont joué ont des idées suicidaires importantes sans que l'alcool ne soit offert dans les aires de jeux présentement. Mais, si on ajoute l'alcool avec les casinos… Vous savez, le potentiel de risque de passage à l'acte d'une personne en état d'ébriété est nettement supérieur. Une statistique qu'un des centres a faite a évalué que 65 % de sa clientèle alcoolique était seulement en tentative de suicide lorsqu'ils avaient consommé. Donc, 65 % de cette clientèle-là était… tentative de suicide avec... en état de consommation. Excusez-moi, je vais me reprendre.

Disponibilité de la gratuité de l'alcool. Là, je souligne un peu… Tantôt, ce matin… Mais j'ai entendu qu'effectivement, à 6 ou 7 heures, il y a 80 casinos alentour de Montréal, dans les environs, ce qui peut occasionner des compétitions, des compétitivités. Donc, on s'entend que l'alcool dans les casinos, dans les aires de jeux, ça fait partie d'une réponse à ça. Une de nos inquiétudes, c'est que la gratuité de l'alcool est présente dans plusieurs des casinos. Donc, si on voit que l'alcool pourrait devenir une possibilité de gratuité dans les casinos, c'est que ça invite beaucoup de personnes qui ont déjà une dépendance à l'alcool et à la toxicomanie à venir au casino. C'est comme un buffet, dire : Venez, l'alcool est gratuit, et occasionner une tendance vers les problèmes de jeu. Donc, il y a un danger qui est à souligner là.

Croyances erronées. Vous savez, je survole. Si vous avez des questions, vous pourrez... On va pouvoir répondre. Les croyances erronées, c'est souvent... On va vous dire qu'est-ce qu'on entend souvent : Plus je joue, plus j'augmente mes chances de gagner. Pourtant, la réalité est tout autre. D'autres croyances erronées, c'est que la machine va finir par payer ou la machine est due pour payer. Tu sais, combien de fois qu'on entend une personne dire : Aïe! Elle, ça fait longtemps qu'elle joue; je vais attendre qu'elle s'en aille et je vais aller jouer pour gagner. Mais la réalité, ce n'est pas ça du tout. On sait qu'à chaque tour, la chance de gagner ou la chance de perdre est la même. Donc, on souligne ici qu'en apportant la consommation d'alcool dans les aires de jeux, ça ancre l'idée déraisonnable qu'il faut que je reste à ma place. Donc, la personne qui joue à la machine qui a l'accès à l'alcool directement à sa place, elle peut rester à sa machine pour continuer à jouer. Donc, ça ancre les idées erronées que je dois rester. Puis même le casino le croit, il m'envoie l'alcool directement pour que je puisse continuer à jouer. Aussi, la population en général, puis il ne faut pas oublier la population en général… que, quand on joue puis qu'on consomme, notre jugement est différent, donc on peut avoir des idées erronées aussi, également, et continuer, et dépenser de plus en plus.

• (16 h 10) •

Les impacts, je vous passe rapidement, on les sait : les coûts sociaux, coûts professionnels, coûts personnels. On peut évaluer les coûts financiers associés à ces conséquences, mais pouvons-nous calculer la souffrance et la détresse vécues par ces personnes, leurs familles, leurs entourages et leurs milieux de travail? Et j'aimerais ajouter, ainsi, que 124 000 Québécois sont des joueurs problématiques probables et/ou à risque modéré. C'est le portrait du jeu, la prévalence. C'est un des rapports qui avaient été faits.

Et tantôt… On parle toujours de 0,7 %, 1,3 %. Moi, je trouve que c'est... Si on dit : 42 000, bien, c'est 0,7 %, mais 42 000, c'est un chiffre important. Si on dit : 82 000 personnes ont un risque modéré de jeu, c'est un chiffre important. Puis ajoutons au décompte qu'environ 10 personnes sont touchées directement ou indirectement par la problématique de chacune de ces personnes, et donc par les conséquences diverses énoncées précédemment. Quoique les études pancanadiennes révèlent une prévalence du jeu pathologique assez comparable d'une province à l'autre, le Québec se place parmi les provinces affichant le plus bas taux de jeu pathologique, c'est soutiré aussi de la recherche. Donc, souhaitons-nous voir augmenter ce taux en autorisant l'alcool?

Le temps d'arrêt, on en a parlé beaucoup tantôt. Cliniquement, le temps d'arrêt est important. Donc, que ce soit de cinq secondes, d'une minute, le fait de se retirer d'un endroit pour être capable d'avoir la réflexion : Est-ce que j'ai joué trop? Qu'est-ce qui se passe? Ou : Non, j'ai du plaisir. Parce que l'idée, dans le fond, d'aller au casino, c'est d'avoir du plaisir, et je crois que la population doit demeurer avec cette idée-là. Et le fait de se retirer peut faire en sorte d'arrêter la personne de jouer et de trop dépenser. Ça fait que le temps d'arrêt est un point très important aujourd'hui.

Pour que le jeu reste un jeu, on l'a mentionné tantôt, le rôle de l'État... a un rôle de protection des personnes vulnérables, prioritairement sur la rentabilité des établissements de jeu. Et on prend un exemple, ici, que le gouvernement considérait que la diminution de fréquentation des casinos pouvait être due aussi aux jeux en ligne puis aux jeux illégaux. Mais nous, on trouve ça intéressant. On a vu, dans des articles de journaux, qu'on mentionnait l'idée d'interdire ces sites Internet illégaux. Et moi, je crois que, pour des saines habitudes de vie, effectivement, ça peut être une belle alternative d'interdire les sites Internet illégaux. Et ça, on continue à dire que c'est sain. Par contre, quand il y a une diminution de 25 % à 17 % dans les casinos, est-ce qu'on peut dire que c'est sain pour la population du Québec?

Une voix :

M. Marcoux (Vincent) : Une minute? Conclusion, je vous lis ma conclusion. Nous croyons que la prudence est de mise. Si l'on considère que le jeu et l'alcool peuvent ruiner des vies, la mise en place de conditions favorisant l'accroissement de l'influence cumulée de l'alcool et du jeu auprès des personnes vulnérables est des plus préoccupantes.

Nous pouvions lire, dans un article du Devoir, les propos suivants : «…briser l'interdiction d'alcool dans les aires de jeux, qui était en vigueur depuis l'ouverture du Casino de Montréal, il y a 20 ans. Ce bannissement visait à empêcher les joueurs de perdre le contrôle de leurs dépenses.» En quoi est-ce différent aujourd'hui? Pourquoi la prudence d'autrefois serait-elle remplacée par la vigilance des employés? Quel message souhaitons-nous véhiculer en ce qui a trait à la responsabilisation des individus? Par ailleurs, comment définit-on une consommation raisonnable, plus particulièrement lorsque l'on est dans la situation où l'on risque de tout perdre?

À la lumière de ce que nous venons de vous partager, permettre l'alcool dans les aires de jeux comporte des risques sérieux pour la santé et le bien-être des personnes vulnérables, et même pour la santé publique. Si l'on souhaite augmenter de façon raisonnable la rentabilité dans les casinos, permettre la consommation d'alcool dans les aires de jeux n'est pas une alternative, une option. Merci.

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux, merci pour votre présentation. Alors, pour le bloc du gouvernement, pour 22 minutes. M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Merci d'être là pour éclairer notre position. Moi, j'aimerais revenir... Vous avez parlé, tantôt, de temps d'arrêt. On avait parlé, dans le groupe précédent, de délai. Donc là, on voit la situation de quelqu'un qui est en train de jouer et qui peut aller se procurer une bière ou une boisson alcoolique au restaurant ou au bar. Et il y aurait la possibilité, éventuellement, que cette boisson-là soit disponible sur les aires de jeux.

Donc, première hypothèse — bien, pour moi, c'est une hypothèse parce que je n'ai pas encore entendu de données précises là-dessus : la personne quitte sa table de jeu — donc il y a un temps d'arrêt — s'en va prendre un verre bien tranquillement. Il réfléchit à la situation et ne se sent pas très bien et décide de rentrer à la maison sagement.

On pourrait l'inverser. On pourrait en faire une deuxième hypothèse : donc, je suis allé au casino pour jouer, j'ai du plaisir à jouer, j'ai le goût de prendre un verre, mais, quand je sors pour prendre mon verre, je suis un peu stressé parce que quelqu'un pourrait prendre ma machine ou je ne prendrai pas la machine de la voisine, qui a l'air payante, donc mon scotch ou ma bière, je vais le caler, et je vais revenir rapidement, et déjà augmenter l'effet de l'alcool et du stress.

Donc, moi, actuellement, je ne suis pas convaincu que ce délai-là, ce temps d'arrêt pour aller prendre une bière soit si positif parce qu'il y a 50-50 qu'il soit aussi très négatif. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Oui, bien, dans votre exemple, vous m'avez donné exactement l'idée déraisonnable qu'une personne peut avoir en allant... en se dépêchant, en allant prendre son scotch puis s'en revenir à la machine. Donc, nous, ce qu'on veut éviter, c'est qu'une bonne partie… on ancre cette idée déraisonnable que la machine, elle va gagner à tout prix si je reste à l'intérieur, dessus.

Donc, le pas de recul est nécessaire pour faire cette réflexion-là… Mais effectivement ce n'est pas toutes les personnes qui vont avoir cette réflexion-là. Mais de permettre l'alcool directement à la machine, c'est d'ancrer l'idée de cette personne-là que, oui, tu as raison de rester à la machine parce qu'elle va payer parce que tu continues à payer. C'est des idées déraisonnables.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Effectivement, c'est une possibilité, mais il y a aussi la possibilité qu'il prenne son scotch ou sa bière bien tranquillement en continuant à jouer, ne se mettant pas ce stress de la caler. Alors, moi, actuellement, je ne suis pas convaincu, parce qu'on est dans l'hypothétique, là. Je veux dire, je n'ai pas plus de chiffres pour confirmer la deuxième hypothèse que j'amène, je n'en ai pas entendu sur la première, donc j'ai un petit peu de misère avec... Tu sais, on pourrait inventer deux, trois autres hypothèses puis on n'aurait pas non plus la certitude.

M. Marcoux (Vincent) : Bien, en fait... Effectivement, il faut dire qu'il y a différents comportements de jeu. Ça, il faut s'entendre qu'il y a différents comportements de jeu. Mais est-ce qu'on veut, en tant que gouvernement, en tant que société d'État, dire : On veut que les gens... on veut ancrer leurs croyances erronées pour qu'ils puissent jouer davantage? Est-ce que c'est ça qu'on veut? Ou on veut essayer, en tout cas, du moins, de promouvoir de jouer puis que le jeu reste un jeu? Est-ce que c'est ça qu'on veut faire? Tu sais, pour moi, c'est ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose. Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. Bonjour, monsieur, bonjour, madame, contente que vous soyez là. Moi, j'avais... Tantôt, vous avez parlé des jeux en ligne illégaux. Brièvement, j'aimerais ça que vous clarifiiez votre pensée là-dessus. Vous avez un petit peu escamoté, là... Bien, je veux dire, vous n'avez pas élaboré. Pouvez-vous nous dire, vous, vous seriez pour qu'on élimine ces jeux-là, illégaux, en ligne?

M. Marcoux (Vincent) : Bien, en fait...

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Excusez-moi. Ces propos-là venaient, entre autres, qu'il y avait une diminution, hein, dans les casinos, de fréquentation. Et ce qu'on a constaté aussi, dans les plusieurs articles de journaux qui sont sortis, c'est qu'il y a une majeure partie des diminutions qui sont dues aux sites illégaux sur Internet. Donc, pour nous, à ce moment-là, le rôle du gouvernement est beaucoup plus de protéger la population, donc d'interdire ce genre de sites illégaux là au lieu de permettre la consommation d'alcool dans un casino pour essayer d'attirer la clientèle à venir davantage. Le rôle, pour moi, plus protecteur, c'est d'interdire des sites illégaux comme ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

• (16 h 20) •

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Oui, effectivement, on a dit des chiffres, des statistiques, depuis qu'on s'est mis le nez dans ce dossier-là, qu'effectivement les joueurs au Québec demeurent les mêmes. Même, à la limite, il y a une certaine augmentation, sauf qu'ils désertent les casinos officiels de Loto-Québec pour aller vers des casinos illicites où l'alcool est disponible et, dans certains cas même, est gratuit.

Ça fait que, nous, ce qu'on nous a dit ce matin avec Loto-Québec : C'est sûr que, dans le cadre de l'offre de Loto-Québec, c'est sûr que c'est beaucoup plus réglementé, beaucoup plus régi, où les gens ont accès à des outils, ont accès à… aussi, dans les... Loto-Québec, dans les casinos, il y a l'autodétermination, est-ce qu'on est... on peut aller consulter pour savoir si on est un joueur qui pourrait être... des tendances à devenir à risque ou pathologique. Il y a quand même des éléments, là, qui permettent ça aux joueurs et accès à différents outils, il y a aussi la détection. Mais est-ce que vous, vous croyez vraiment, là, que les joueurs, là, qui jouent... Vous en voyez, j'imagine, des joueurs qui jouent ailleurs que dans les casinos de Loto-Québec. Quand ils arrivent chez vous pour des services, est-ce qu'ils sont plus mal en point? Est-ce qu'ils sont plus hypothéqués? Est-ce qu'ils ont été détectés plus tardivement parce qu'on n'a pas pu les détecter, ils n'étaient pas dans les casinos de Loto-Québec, ils étaient ailleurs?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux. Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Martine) : Donc, la... simplement m'assurer de bien comprendre, là. Le sens de la question, c'est de savoir s'il y a un profil de clientèle qui serait différent au niveau du jeu selon que ce sont des joueurs qui vont jouer soit dans les casinos à l'extérieur du Québec ou plutôt...

Mme Gadoury-Hamelin : Ou même dans des bars où ils consomment avec des machines de loto. Est-ce que vous avez une expertise? Est-ce que vous pouvez nous dire dans quel état vous arrivent les gens?

Mme Beaulieu (Martine) : C'est certain qu'au niveau de nos clientèles, comme on l'expliquait un petit peu dans le mémoire, principalement, notre clientèle qui est la majeure, ce sont des gens qui vont vraiment avoir développé la problématique, principalement la fréquentation et au jeu dans les appareils de loterie vidéo dans les bars où est-ce que la consommation d'alcool, elle est présente. Donc, on voit, effectivement, une concomitance importante, là, dans nos clientèles, de problématiques de jeu et de consommation d'alcool. Souvent, on va voir ces deux problématiques-là qui sont présentes chez une même personne. Très souvent, on va observer que les gens… Puis les gens vont nous nommer qu'il y a une consommation d'alcool qui peut se faire avant, pendant et après... avant, ou pendant, ou après la séance de jeu comme telle. Donc, c'est parmi les préoccupations de nos clients, souvent, aussi de conserver une consommation d'alcool contrôlée pour éviter que cette consommation-là puisse les mettre à risque de revenir dans des dynamiques de jeu problématiques. Ça fait que, souvent, c'est vraiment ce qu'on a comme profil de clientèle, là, essentiellement.

Si on regarde au niveau des clientèles par rapport aux sites en ligne, bien, ce n'est pas vraiment les mêmes clientèles, de toute façon. Ce qu'on constate, ce n'est pas les mêmes. C'est très émergent, le jeu en ligne, et ce n'est pas nécessairement vraiment le même profil de personnes qui vont développer des problématiques ou qui vont entretenir leur jeu en ligne que ceux qui vont continuer de jouer sur les appareils de loterie vidéo.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Écoutez, j'aimerais revenir… Je vous ai bien écoutés, et vous parlez beaucoup de l'alcool comme facteur de risque. Vous avez parlé beaucoup de l'effet désinhibiteur de l'alcool et de ce que ça peut engendrer quand on est dans un contexte de jeu. Et vous avez même fait des liens avec l'état d'ébriété potentiel et le taux de suicide, et le suicide pour quelqu'un qui... Mais à ce moment-là, si on... Et je comprends bien votre position, que vous ne souhaitez pas qu'on modifie la réglementation pour permettre la consommation d'alcool dans les aires de jeux. Mais, si je suis votre raisonnement, en cohérence avec ce que vous dites, est-ce qu'on ne devrait pas carrément interdire la consommation d'alcool dans les casinos?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Bien, en fait, en réponse à qu'est-ce qu'on vous disait, c'est que le temps d'arrêt est intéressant. Le temps d'arrêt entre la personne qui part de la machine et qui s'en va vers le bar et le restaurant, bien, à ce moment-là, c'est ça qui fait le pont. On ne peut pas interdire à tous les bars et tous les restaurants d'interdire l'alcool dans les bars, c'est irréaliste. Par contre, ce qu'on peut comprendre, vraiment, c'est que, dans les aires de jeux, ça fait seulement ancrer ces personnes-là à l'intérieur de cette problématique-là.

Puis je veux quand même souligner… On parle beaucoup de la clientèle vulnérable, mais c'est les personnes en général. Il faut se rendre compte que l'alcool a un effet pour tout le monde, hein, une diminution de notre jugement, tranquillement pas vite, donc ça va apporter l'ensemble de la population… probablement. Ce n'est pas avec la vente d'alcool qu'on fait 40 millions ou 70 millions, mais ça, c'est avec les personnes qui vont jouer plus, jouer davantage. On va plus être impulsifs dans l'idée de jouer, d'avoir du plaisir à jouer puis, avec la consommation d'alcool, bien, des fois, on oublie où on en est rendus dans nos dépenses à ce moment-là. Ce qui fait en sorte que c'est ça qui occasionne la problématique : parce que la personne reste ancrée à la table et n'a pas le temps de réfléchir pour ressortir de cette situation-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui, mais je reviens encore parce que vous parlez beaucoup de... Je pense qu'on doit remettre en perspective toute cette question-là parce qu'il reste que cette problématique-là, dont vous parlez, du lien entre l'alcool comme facteur de risque dans un environnement de jeu, c'est quand même... Et toutes les statistiques, autant les gens qui étaient là avant vous, que vous, que Loto-Québec ont mentionné, à peu près toujours les mêmes statistiques, c'est autour de 1 % de la population, de 1 % à 2 % — même on peut aller jusqu'à 1 % à 2 % — de personnes qui peuvent avoir un problème. Mais il reste que… j'aimerais ça que… vous entendre sur, comme gouvernement, ce que vous pensez de ce nécessaire arbitrage qu'on doit faire entre la protection des personnes les plus vulnérables, mais aussi le développement et l'implantation de casinos, des les aires de jeux comme lieux de loisirs, comme attraits touristiques et cette nécessité, comme gouvernement, aussi, qu'on a d'assurer le développement économique des régions, qu'on a d'assurer des meilleurs revenus pour l'État, notamment les revenus des casinos, qui sont redistribués dans la collectivité en services aux personnes.

Comment... À partir de quel... Où est l'équilibre? À partir de quel moment vous jugez qu'on doit mettre en oeuvre des mesures pour augmenter les revenus dans les casinos, tout en protégeant les personnes à risque, qui sont 1 % de la clientèle des casinos?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Bien, 1 %... Moi, j'aime mieux dire 42 000 personnes. Mais, juste vous rappeler... Ce matin, j'ai bien entendu, hein, ils ont des belles stratégies multimédias, promotion, marketing... Est-ce que le multimédia, promotion, marketing n'est pas suffisant pour faire en sorte qu'on doit mettre un... rajouter un facteur de risque important, qui est de la consommation d'alcool? Moi, je ne crois pas. En tout cas, ma définition personnelle : alcool ne veut pas dire plaisir au jeu nécessairement. Je peux avoir beaucoup de plaisir avec le jeu sans avoir à consommer présentement. Je pense que, quand je vais dans un casino, c'est pour davantage jouer que de consommer. Donc, d'ajouter un facteur de risque, je trouve qu'il peut être inutile, quand les casinos... En tout cas, ils avaient l'air à avoir de belles stratégies multimédias, et tout ça. Donc, cette stratégie-là est là.

Et je rappelle que, voilà 20 ans, le ministère avait... le gouvernement avait banni, dans les casinos, la consommation d'alcool dans les aires de jeux parce qu'il se disait préoccupé que les joueurs perdent leur contrôle sur leurs dépenses. Donc, je rappelle encore : En quoi c'est différent aujourd'hui? Parce que l'alcool est le même, donc c'est... C'est des propos qui avaient été dits, donc pourquoi? L'alcool, il a le même effet que voilà 20 ans, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Si on compare la prévalence de joueurs pathologiques au Québec ou par rapport aux autres endroits... Tantôt, j'ai entendu que… vous me corrigerez, là, mais que c'est à peu près toujours la même proportion, autour de 0,7 %, indépendamment qu'il y ait de... Parce que le Québec est à peu près le seul endroit où on n'autorise pas la consommation dans l'aire de jeux directement. Et il y a même, en Angleterre, qui nous a été souligné… où la prévalence est plus élevée… Mais les Anglais eux-mêmes, en Angleterre, l'attribuent aux jeux... aux mises sportives, là, aux jeux reliés aux sports.

Donc, qu'est-ce qui permet de faire le lien aussi direct? Est-ce qu'il y a des études qui le démontrent, que ce lien-là est prouvé? Parce que, juste le fait de mettre des éléments un par derrière l'autre et de dire que la preuve est faite, je vous avoue que, moi, ça ne me convainc pas, là. Mais est-ce que vous avez des études? Est-ce que vous vous basez sur quelque chose de scientifiquement démontré pour dire que, si on offre cette possibilité de consommation d'un verre de bière en s'amusant entre amis dans un casino...

Parce que moi, je vous parle toujours de la population, de la clientèle en général, là, dans les casinos. Je suis bien consciente qu'il y a 1 % à 2 % de gens qui ont des dépendances... Comme dans les restaurants : quelqu'un va consommer une bouteille de vin… Et il y a des personnes qui ont des problèmes d'alcool, qui sont dépendantes à l'alcool, mais c'est sûr qu'on ne peut pas se mettre à interdire, ou ne pas offrir, et ne pas vouloir améliorer l'expérience client dans tous les... dans tous nos... que ça soit les restaurants, ou les casinos, ou dans tous les lieux d'attraits touristiques qu'on peut avoir, les lieux de sortie. Sur quoi vous basez, là, votre affirmation, qui est quand même assez...

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

Mme Beaulieu (Martine) : Bien...

Le Président (M. Bergman) : Mme Beaulieu?

• (16 h 30) •

Mme Beaulieu (Martine) : Oui, merci, M. le Président. J'aimerais répondre à cette question-là en ramenant d'emblée la base des données scientifiques probantes qui nous permettent d'affirmer... de déterminer ce qui amène une dépendance. Donc, au niveau... Comme on disait tout à l'heure, que ce soit au niveau de la consommation d'alcool, même à faible dose, pour tout individu, et c'est la même chose au niveau des jeux de hasard et d'argent, ces deuxconsommations-là — on les appelle comme ça — ont un effet au niveau neurobiologique, et ce, pour toute personne... Donc, au niveau neurobiologique, le fait de consommer de l'alcool et le fait de jouer va venir modifier le fonctionnement au niveau du cerveau en venant notamment interagir ou modifier ce qu'on appelle le circuit neuronal de la récompense. Et ça, c'est pour toute consommation d'alcool, et pour tout type de forme de jeu de hasard et d'argent, et pour tout être humain. C'est là-dessus qu'on base les connaissances, là, au niveau des dépendances. Donc, ça, c'est là-dessus qu'est construit, là, finalement, toutes nos connaissances là-dessus. Et donc, nécessairement, on sait que, si on favorise une concomitance de deux situations qui vont amener une personne à avoir un fonctionnement de son système neuronal, de son cerveau, son système de neurotransmetteurs modifié, nécessairement, on l'amène en une situation beaucoup plus à risque, parce qu'on vient combiner, finalement, deux facteurs de risque.

Donc, nous, ce qu'on veut surtout mettre en évidence, c'est que : Pourquoi prendre le risque de venir favoriser cela chez les gens en augmentant une accessibilité de la consommation d'alcool dans un contexte de jeu pour des personnes qui n'auraient peut-être pas nécessairement consommé simultanément les deux, le jeu et l'alcool? Donc, est-ce qu'on veut vraiment se rendre à devoir démontrer que, oui, si on le met en place, les risques augmentent, et donc, nécessairement, les conséquences augmentent? Pourquoi ne pas plutôt aller dans une idée de prévention? C'est-à-dire, bien, sachant que c'est deux situations à risque qui se combinent, si on peut faire le choix de ne pas les amener à se combiner pour prévenir ces conséquences-là, bien, je pense que c'est plus logique de cette façon-là, dans un sens, là. Puis je pense que M. Marcoux voudrait compléter aussi, là.

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Oui. Bien, en fait, c'est clair, on sait... Merci, Martine. Effectivement, c'est clair, c'est un facteur de risque, O.K.? La consommation d'alcool dans l'aire de jeux, c'est un facteur de risque supplémentaire. Présentement, avec les statistiques, ce qu'on dit, c'est qu'au Québec on est quand même un peu plus bas que les autres provinces. En tout cas, on est quand même un bon chiffre pour ce qui est des personnes qui ont des problématiques de jeu. Donc, est-ce qu'on veut, en tant que gouvernement, augmenter le potentiel avec un facteur de risque supplémentaire? Ça, dans le fond, c'est à vous à prendre cette décision-là en disant : Bien, vous avez un facteur de risque supplémentaire qui peut arriver et qui peut faire en sorte que ça augmente le nombre de personnes, de joueurs pathologiques ou de personnes à risque modéré d'avoir des problématiques.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Bien, moi, je vous relance, à ce moment-là, la question. Est-ce que vous ne croyez pas que, comme gouvernement, les meilleures mesures ou la meilleure stratégie qu'on peut mettre de l'avant, c'est de nous assurer que, justement, s'il y a à y avoir alcool et jeu ensemble, est-ce qu'on ne devrait pas s'assurer que ça se fasse dans un endroit le plus sécuritaire, le plus réglementé possible, où il y aura possibilité de dépister et de faire de la prévention? Parce que, sinon, ultimement, là, si je vous dis : Du jour au lendemain, on ferme tous les casinos au Québec, qu'est-ce qui arrive avec les joueurs qui ont... les joueurs pathologiques? Qu'est-ce qu'ils vont faire? Il n'y a plus de casino, il n'y a plus de jeu légal au Québec. Qu'est-ce qui va se passer avec les joueurs pathologiques?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Bien, moi, en fait, là, on parle de l'extrême, hein, de la fermeture des casinos, et tout ça. Mais, moi, ma question, c'est plus... Je vous retourne la question : Qu'est-ce qu'une bonne prévention? Qu'est-ce qu'un bon... des bons facteurs, dans le casino, qui font en sorte que les personnes vont être bien protégées? Donc, moi, cette réponse-là, je ne l'ai pas. Je ne l'ai pas puis je ne l'ai pas reçue, ce matin, avec la présentation de Loto-Québec. Donc, ça, ces facteurs de... Donc, le facteur de risque de l'alcool qui est supplémentaire, je ne vois pas comment Loto-Québec fait ses facteurs de protection pour ces gens-là, là, encore.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste deux minutes.

Mme Proulx : En fait, c'est un ensemble de facteurs, hein? Quand on dit qu'on veut essayer de canaliser et de ramener dans le giron de Loto-Québec, dans un endroit beaucoup plus sécuritaire, dans un endroit où l'alcool n'est pas donné gratuitement, dans un endroit réglementé, dans un endroit où on peut référer les clients à des organismes comme les vôtres qui... pour les personnes qui auraient des besoins… En fait, si, comme gouvernement, on veut faire ça, bien, il me semble que c'est une mesure responsable, là, de favoriser... Parce que sinon, si on ne met en place toutes ces mesures-là, bien, on le voit, on le constate ces dernières années, il y a des casinos illégaux qui surgissent de plus en plus au Québec, les gens vont vers là où c'est possible de consommer de l'alcool sans restriction et de jouer en même temps. Est-ce que ce n'est pas mieux, pour un gouvernement, de s'assurer de pouvoir encadrer beaucoup mieux le jeu et de le faire dans un environnement légal, sécuritaire, réglementé? Alors, en fait, c'est le point de vue, là, derrière cette volonté, tout en... Je vous le répète aussi : On a un arbitrage à faire comme gouvernement entre favoriser des mesures de développement économique, favoriser... et tout en assurant la protection du faible pourcentage, quand même, de 1 % à 2 % de la population, là, qui peut représenter... qui est plus fragile, qui est plus fragile.

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux, il reste du temps pour une courte réponse.

M. Marcoux (Vincent) : Oui. En fait, c'est de savoir où que le gouvernement... jusqu'où il veut aller pour la rentabilité de ses casinos puis jusqu'où il veut aller pour la prudence de ces personnes. Et ça, bien, il y a des risques, il y a des dangers. Ce qu'on vous dit, c'est : Où s'arrête la rentabilité puis où s'arrête la prudence? Donc, c'est là que le gouvernement a à faire sa réflexion.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci. Ce bloc est fini. Alors, le bloc de l'opposition officielle pour 22 minutes. M. le député... Mme la députée de Gatineau. M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci. Puis je suis impressionné. Je suis impressionné, M. Marcoux, par la noblesse de votre discours, parce que vous savez ramener le dossier vraiment à des vraies valeurs. Vous savez que le gouvernement va adopter une politique sur la prévention, puis on se gargarise de faire de la prévention, on veut faire de la prévention, nous sommes dans un dossier de prévention, puis on commet un geste malveillant.

Plus que ça, on commet un geste malveillant et on se donne bonne conscience en le justifiant, en disant : On va prendre des mesures compensatoires. Ça, c'est le principe, là, du fumeur qui fait de l'asthme puis qui prend des pompes, la cause, puis qui fume. La chose à faire en premier, c'est d'arrêter de fumer en sachant que c'est difficile. Mais, en plus de ça, comme gouvernement, on avait déjà posé le bon geste en n'autorisant pas l'alcool dans les aires de jeu, on cause le geste malveillant de l'autoriser puis, après ça, on se donne bonne conscience.

Je veux vous féliciter, parce que vous avez très bien défendu le dossier. Puis, de la façon dont vous l'avez dit, ça justifie notre position. Notre position : à un moment donné, il faut savoir arrêter à quelque part. Et vous avez bien répondu. Pour être concurrentiels, il y a des bons gestes à poser : rénovation des infrastructures, avoir une approche client, l'amabilité du personnel, organiser des spectacles puis une approche multimédia marketing, c'est des choses acceptables. Est-ce qu'on irait jusqu'à avoir ce que j'appelle des comportements qui sont répréhensibles? On devra autoriser le tabagisme parce que les autres casinos vont autoriser le tabagisme; on devra autoriser l'alcool gratuit parce que, si nous autres, on vend notre alcool, puis les autres, il est gratuit, les gens vont transférer de la même façon.

Ici, au Québec, on a le plus bas taux au niveau des joueurs compulsifs parce que probablement qu'on a fait les bons choix à un moment donné. Moi, ce qui me choque, je vais vous le dire, là, c'est le même gouvernement, puis je ne veux pas trop faire de politique avec ce dossier-là, qui se gargarise de prévention qu'on ne sait pas trop qu'est-ce que ça va donner à la fin et qui, en même temps, pose des gestes pour aller chercher encore plus d'argent chez le contribuable en les rendant malades.

Mme Beaulieu, vous, je vais vous féliciter parce que vous avez très, très bien expliqué le mécanisme neurobiologique de la dépendance qui, en passant, selon mes connaissances — encore plus de connaissances que moi — sont les mêmes pour la cyberdépendance, dépendance à l'alcool, dépendance aux drogues. C'est des mécanismes biochimiques, et, lorsque ces gens-là sont en contact avec la substance ou le comportement qui crée la dépendance, ils développent, au niveau du cerveau, des approches vraiment biochimiques qui font que ces gens-là ont de la misère à arrêter. Et ce qu'il faut voir quand on essaie de nous faire accroire qu'il n'y a pas de lien entre l'alcool et le jeu... D'ailleurs, Radio-Canada vient de publier un article disant qu'il y a une association, mais il n'y a pas de cause à effet.

Quand vous ne savez pas quoi dire en santé, là, puis que vous ne voulez pas être capables de prouver vos choses ou vous voulez défaire un raisonnement, vous dites : Prouve-moi la cause. Dis-moi, explique-moi… sûr que c'est une cause à effet alors qu'il y a un gros mécanisme d'association. Je veux vous féliciter parce que vous m'avez impressionné dans votre présentation, puis vous avez su tenir tête à des raisonnements qui, d'après moi, n'ont pas de sens.

Ma question, c'est : Qu'est-ce qui va arriver, si cette loi passe, au niveau des centres de dépendance? Est-ce que vous vous attendez à avoir une clientèle soit plus malade ou une augmentation de clientèle?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux. Mme Beaulieu?

• (16 h 40) •

Mme Beaulieu (Martine) : C'est sûr que, comme tout... Bon, on parle de loi de cause à effet. Je pense que les gens qui ont passé avant nous, au niveau des centres de réadaptation, l'ont bien dit : On ne peut pas immédiatement constater une cause à effet, c'est des études longitudinales, des choses comme ça. Par contre, nous, ce qu'on sait très bien, qu'on voit sur le terrain, cliniquement, c'est l'ampleur des impacts qu'une problématique de dépendance a pour les personnes, impact au niveau financier, impact au niveau familial, impact au niveau de la santé puis impact sur les proches aussi. L'impression que j'aurais, c'est que c'est certain que, si on favorise une concomitance ou une présence simultanée de consommation d'alcool et de jeu et qu'on sait que nos personnes vulnérables à une première dépendance sont plus à risque d'en développer une deuxième, on peut penser que nos gens vont présenter peut-être des concomitances à une présence plus grande, donc des conséquences qui vont prendre peut-être plus d'ampleur.

Puis, je pense, c'est important de ramener aussi, comme on le disait tout à l'heure, que, pour nous, nos clientèles, une personne dans la population, bon, on dit, on parle de pourcentage, mais, pour chacune de ces personnes-là qui est aux prises avec des problématiques de dépendance au jeu, on parle de 10 personnes de l'entourage, plus ou moins, qui sont touchées directement ou indirectement, donc qui subissent les coûts de ces habitudes-là en coûts financiers, en coûts de santé, en détresse, donc conjoints, conjointes, enfants, parents, beaux-parents, employeurs, collègues de travail. Bien, on vient de répandre encore là ces conséquences-là à une plus large ampleur.

Donc, oui, on parle de rentabilité dans un sens, puis je ramène un peu ce qu'on disait tout à l'heure, tu sais, c'est : Où est-ce qu'on tranche entre la rentabilité et les coûts? Bien, peut-être qu'on peut, oui, être plus rentables pour nos casinos, mais peut-être que, dans une autre partie, on peut craindre que les coûts sociaux vont aussi, en même temps, augmenter. À ce niveau-là, bien, à quel endroit est-ce qu'on est rentables? Tu sais, je pense qu'il y a un regard très large, très large à porter. Nous, on voit ça au niveau clinique, mais, de façon globale, on sait que, quand une personne est touchée, ça se répand nécessairement, là.

M. Marcoux (Vincent) : Pour compléter...

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Mettons qu'on continue dans les suppositions, O.K.? Supposons. Supposons que l'alcool devient gratuit parce qu'on est en compétitivité avec les 80 casinos, donc supposons. Si on suppose que, dans un avenir plus lointain, la gratuité arrive dans les casinos, bien, on peut imager une pancarte au-dessus du casino, dire aux alcooliques : Bien, venez vous chercher une deuxième problématique. Nous, on dessert 10 000 clients dans les centres certifiés, qui ont un problème d'alcoolisme, de toxicomanie. Je veux dire, on vous propose, dans un casino, de l'alcool gratuit, c'est sûr et certain que moi, si je serais un alcoolique, j'irais prendre l'alcool gratuit pour jouer un peu.

Donc, à ce moment-là, quand on sait que les dépendances... les personnes dépendantes ont une fragilité à avoir une autre dépendance, donc ça les attire assurément à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Avant de passer la parole à ma collègue, je voudrais seulement conclure. On a les meilleurs résultats. Ce qu'on nous a dit aujourd'hui, c'est qu'on a les meilleurs résultats au niveau des joueurs compulsifs, avec le taux le plus bas, probablement parce que notre stratégie est un modèle que les autres devraient essayer de suivre. Puis ce que je me rends compte par la prise de position en autorisant l'alcool dans les aires de jeu, c'est qu'on va rejoindre les autres cancres, qui, eux autres, ont des hauts taux. Ça, c'est ma conclusion aujourd'hui comme médecin et comme politicien.

Merci, M. le Président. Je vais passer la parole à mes collègues.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, M. Marcoux, Mme Beaulieu, bienvenue. Merci de votre présentation, qui, évidemment, est très complète puis est très claire également. Moi, j'aurais un commentaire parce que nos collègues de l'autre côté ont fait des allusions avec la compétitivité des casinos illégaux. Je vous avoue bien honnêtement que je trouve qu'on pourrait niveler vers le haut et non vers le bas au Québec. Se comparer à des sites de jeu illégaux où on peut fumer, où on peut boire, où on peut finalement... où probablement que l'âge légal n'est même pas respecté, je trouve que ce n'est pas nécessairement l'idéal de la part de membres d'un gouvernement. Et faire ce nivellement-là, ce n'est pas fort, parce qu'on peut voir… Est-ce qu'on va introduire la cigarette dans les casinos, maintenant, pour se comparer aux autres casinos ailleurs dans le monde qui permettent de fumer dans les aires de jeu? Est-ce qu'on va changer ou limiter l'âge d'accès à nos casinos? Bref, on peut aller très loin avec un raisonnement comme ça. Et puis je ne crois pas que ce soit... Je crois que le gouvernement a le devoir, comme vous le dites si bien, d'agir un peu en... d'agir en amont et de protéger les clientèles vulnérables et non de créer de nouvelles problématiques.

Et vous le soulevez très bien et très clairement, et puis je tenais à le souligner parce que c'est ce qu'on dit depuis quelques semaines, que le gouvernement doit protéger ces clientèles vulnérables là. Et ce que je comprends, c'est que, peu importent les mesures qui seront mises en place, qui pourraient être mises en place pour pallier à la problématique créée, dans le fond, ce ne serait pas, pour le gouvernement, une façon de rencontrer son obligation de protection à l'égard des clientèles vulnérables. Est-ce que c'est bien le message que vous nous adressez cet après-midi?

M. Marcoux (Vincent) : Bien, c'est sûr qu'on ajoute un facteur…

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : On ajoute un facteur de risque important. Donc, en rajoutant un facteur de risque, ce que j'en comprends, c'est qu'est-ce que vous venez de dire, effectivement.

Mme Vallée : Et donc... Parce que, bon, vous travaillez au quotidien avec ces clientèles-là. Ça fait partie de votre réalité. Vous les côtoyez. Les clientèles, est-ce que vous savez si les clientèles qui sont aux prises avec cette double problématique là jouent dans les casinos d'État ou vont traverser les frontières pour aller très loin, ou est-ce que c'est des clientèles, des gens... Quel est le profil d'un client, le profil socio... Ils viennent de quels groupes de société, de quelles tranches de la société? Est-ce qu'ils ont des propensions à voyager à l'extérieur ou est-ce que ce sont bien souvent une clientèle locale?

Le Président (M. Bergman) : Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Martine) : Oui. Bien, nous, au niveau de Centre CASA, on a un mandat principalement régional, donc c'est certain que nos clientèles, c'est des gens de la communauté, de la région de Québec, principalement. On reçoit aussi des gens de la Côte-Nord, de Charlevoix, principalement. On parlait d'impulsivité, tout à l'heure, au niveau de la consommation d'alcool, et tout ça. C'est certain qu'au niveau de la dynamique de dépendance quelqu'un qui est dans une dynamique de dépendance, d'impulsivité va rechercher à aller chercher une satisfaction rapide, accessible facilement, donc d'aller jouer dans des endroits qui vont être à proximité de chez lui où est-ce qu'il va pouvoir passer en allant au travail, en revenant du travail, etc., pour pouvoir aller jouer.

Nos clientèles, si vous me permettez l'expression, c'est des gens M. et Mme Tout-le-monde. C'est des gens de la communauté. C'est des travailleurs, c'est des retraités, c'est des personnes qui, finalement, présentaient des vulnérabilités. On l'a dit tout à l'heure, la dépendance, c'est multifactoriel, c'est plusieurs facteurs qui vont faire qu'une personne, au fil du temps, va développer une problématique. Et on ne sait jamais quelle personne va la développer, mais c'est des gens de la communauté, finalement, nos profils, là, de personnes qu'on reçoit.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Donc, il est possible que les mesures ne vont pas... vont porter atteinte justement à M. et Mme Tout-le-monde beaucoup plus qu'à la clientèle qui est portée à s'exiler pour jouer. Donc, c'est vraiment la clientèle... les résidents du Québec, là, et les citoyens des environs des casinos qui seront plus à risque que les citoyens de passage ou le touriste de passage.

Mme Beaulieu (Martine) : En tout cas, c'est...

Le Président (M. Bergman) : Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Martine) : Oui. Merci. Dans ce qu'on constate dans notre pratique actuellement, c'est vraiment ça, là, notre clientèle, c'est certain, oui.

Mme Vallée : Je vais céder la parole...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Je vous regarde, vous avez l'air tellement jeunes, et je me dis : Comment vous pouvez avoir autant de bon sens? C'est... Bravo!

Mais j'ai quelques questions. Vous regroupez 62 centres, O.K.? Ces 62 centres certifiés représentent... Combien de personnes passent à travers ces centres par année?

M. Marcoux (Vincent) : C'est 10 000, à peu près 10 000 personnes qui passent dans les centres par année.

Mme de Santis : 10 000 personnes par année. Combien ont un problème d'addiction au jeu?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Je n'ai pas la statistique précise, mais j'ai eu de l'information de la plupart de mes centres, et eux, ce qu'ils estiment, c'est qu'entre 5 % et 15 % de leur clientèle ont une double problématique. Ils ont un problème avec le jeu, et il y a un potentiel de 5 % qui est des personnes qui ont un risque modéré d'avoir un problème de jeu dans cette clientèle-là.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Alors, il y a de 5 % à 15 % qui ont un problème avec le jeu et un autre, un problème de consommation.

M. Marcoux (Vincent) : Avec l'alcool, exactement. L'alcool, la toxicomanie, avec un problème de jeu, oui.

Mme de Santis : Alors, on parle d'environ cinq... Combien? Vous avez dit 10 %, c'est 1 000, alors c'est environ de 500 à 1 500 personnes.

M. Marcoux (Vincent) : C'est ça.

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Oui, c'est ça. Puis, en même temps, comme on vous disait tantôt, bon, bien, il y a ce 1 500 là, exemple, qui sont vraiment à risque parce qu'ils ont développé un problème de jeu, puis là arrive aussi la problématique, exemple... On y va toujours dans les suppositions, hein, on y va toujours dans des suppositions qu'avec la compétitivité qu'un casino peut avoir, à ce moment-là, si, un jour, arrive la gratuité, bien, fait en sorte que mes 9 000 autres clients qui passent par année dans les centres certifiés, bien, c'est un appel à ces personnes-là de dire : Bien, venez consommer de l'alcool dans nos casinos. Donc, est-ce que le déplacement va valoir la peine quand je sais que ma consommation va être gratuite dans le casino à ce moment-là? Ça fait que les problématiques des alcooliques versus... avec un problème de jeu, bien là on peut peut-être, avec des recherches, évaluer ça, mais on va probablement évaluer une augmentation du taux de problématiques à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci. Dans ce groupe de 500 à 1 500 personnes qui ont un problème de jeu, est-ce qu'ils jouent dans des sites ou des endroits illégaux ou est-ce qu'ils jouent chez Loto-Québec?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : La plupart... On m'a donné l'information que c'était beaucoup avec la loterie vidéo dans les bars. La proximité — on parlait encore, tantôt, d'impulsivité — la proximité du lieu, tous les facteurs qui font... bien, l'alcool est disponible à ce moment-là. Puis aussi il faut... Il y a plein de facteurs, hein? On peut déterminer aussi qu'une personne a un problème d'alcool en premier, qui était dans les bars tout le temps et, à un moment donné, a vu la loterie vidéo et il y a la proximité, donc a commencé à jouer à la loterie vidéo. Une double problématique est arrivée. Ou le contraire, la personne a un problème de jeu en premier. Donc, l'impulsivité d'aller à la machine, à la loterie vidéo, et après, vu ses pertes, va consommer, et après ça, bien, la double problématique arrive, là, à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Tout à l'heure, j'ai entendu l'argument de... l'effet d'un temps d'arrêt. Alors, je me demande si... Je me souviens quand on allait au casino au tout début. Je vais chaque fois qu'il y a quelqu'un qui vient comme touriste à Montréal pour leur montrer notre casino. Au début, c'étaient les 25 sous, après, c'étaient les cartes de crédit, et, maintenant, les gens ont un type de clé qui est attachée à la machine. Ça, ça me fait peur.

Est-ce que l'effet... Quand on parle de... le temps d'arrêt, que ça donne le moment à réfléchir, est-ce que ce n'est pas la même chose avec cette clé qu'ils ont attachée dans la machine qu'un verre d'alcool à la machine? Vous dites oui.

Mme Beaulieu (Martine) : Tout à fait.

Le Président (M. Bergman) : Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Martine) : Dans la dynamique de dépendance, hein, ce qui se produit, c'est que la personne est dans une recherche de soulagement ou de gratification immédiate, instantanée. C'est le terme qu'on utilise au niveau clinique, mais... Donc, les gens, très impulsivement, vont rechercher très rapidement à soulager ou à voir ce qu'ils ont comme désir, soit de jouer, soit de consommer pour avoir l'effet que le jeu ou la consommation va leur donner. Donc, on vient un peu utiliser, entre guillemets, la vulnérabilité de ces personnes-là qui ont une dynamique de dépendance en donnant des mécanismes qui vont dans le sens de leur désir d'avoir très rapidement l'effet.

Donc, moins la personne a de démarches à faire qui lui... plus elle va avoir rapidement l'effet qu'elle recherche. Et on vient alimenter, si on veut, la dynamique de dépendance de cette façon-là ou utiliser la dynamique de dépendance au profit de la rentabilité.

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Pour résumer, c'est la notion de facilité. La notion de facilité, donc facilement accessible, facilement consommable. Donc, c'est ça qu'il faut comprendre finalement. Plus qu'on donne une notion de facilité aux personnes soit de dépenser ou de consommer, plus on leur donne l'occasion d'avoir un problème.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Est-ce que vous avez une idée combien ça coûte à l'État pour aider une des 500 à 1 500 personnes que vous avez dans vos cliniques? Combien ça coûte par personne qui doit être traitée? Est-ce qu'il y a un chiffre? Parce que, si je comprends bien, si on va rendre plus facile l'alcool dans les aires de jeu, ça pourrait augmenter le nombre de personnes qui vont avoir des problèmes, et donc il faudra trouver des moyens de les aider. Combien ça coûte, aider une personne? Parce qu'eux, ils parlent d'un dividende... je m'excuse. Ils parlent de dividendes de 40 millions de dollars. Mais recevoir 40 millions de dollars ici, et ça me coûte... Je me demande si jamais quelqu'un a fait l'analyse de... C'est beau, c'est un dividende que Loto-Québec paie, mais le service de santé et service... santé et services sociaux, ça coûte combien?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : C'est très difficile à évaluer, parce qu'on va parler, exemple, seulement du coût, mettons, du traitement. Mais est-ce qu'on va évaluer le coût que la personne a pris l'ambulance pour se rendre à l'hôpital, le coût de l'urgence qui a eu lieu, le coût des psychologues que la femme de la personne a pris et que leurs enfants ont pris à ce moment-là? Tous ces coûts-là sont associés. Que l'employeur a perdu des sommes importantes d'argent parce que la personne était absente ou a même fraudé l'employeur… Donc, toutes ces données-là font en sorte que ça devient un coût de société plus intense. Donc, on ne peut pas seulement dire : Comment ça coûte pour le traitement? Il faut prendre en compte tout ce que ça peut occasionner comme problématique, là, finalement. C'est très difficile à évaluer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Il vous reste une minute.

Mme de Santis : Mais je suis d'accord. Il y a tout le coût qui est connexe. Mais le coût pour chaque patient qui est reçu à une clinique, le coût de la clinique, c'est combien?

M. Marcoux (Vincent) : Dans les centres de traitement des dépendances, les coûts par jour pour une personne, c'est entre 100 $ et 150 $ que ça coûte par jour pour ces personnes-là, d'être en traitement. Donc, on peut évaluer. S'il y a une augmentation, bien là il va avoir un besoin, donc un agrandissement, un besoin, pour les centres de traitement, de grandir. Donc, ça va faire en sorte que ce coût-là va grandir, à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Mme la députée de Groulx, pour un bloc de six minutes.

• (17 heures) •

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci, M. Marcoux, Mme Beaulieu. C'est très intéressant. Je pense qu'il y a une notion du temps d'arrêt que vous avez amenée aujourd'hui, après-midi, qui va nous aider un peu à préciser, parce que, ce matin, on entendait, entre autres, les gens de Loto-Québec nous dire que, de toute façon, l'alcool existe dans les casinos. Alors, je pense que la notion du temps d'arrêt, elle est essentielle, c'est-à-dire que d'avoir l'alcool à la table de jeu empêche ce temps d'arrêt là pour la personne. Et là on ne parle pas uniquement de personnes vulnérables, on parle de l'ensemble de la population. Ce temps d'arrêt là est primordial pour éviter justement de poursuivre souvent plus longtemps les mises et augmenter les mises, augmenter le risque pour les citoyens qui sont présents aux tables de jeu de gager plus que ce qu'ils sont capables de faire. Alors, merci de préciser cette notion de temps d'arrêt.

Si je peux me permettre, parce que je suis un peu surprise des questions que le gouvernement vous pose et de mettre en doute qu'il y a certaines études... Il y en a plusieurs, études qui ont démontré que l'alcool, dans les aires de jeu, effectivement, un taux d'alcool de 0,05 % dans le sang suffit à diminuer le niveau d'attention, et altérer le jugement, et à désinhiber. Ce sont des études qui ont été faites aux États-Unis, à l'université de Memphis, et ça date de 1998. Alors, ce sont de vieilles études.

Et, si je peux aider les gens du gouvernement, vous pouvez vous procurer ce petit livre-là, qui est le livre Tabac, alcool, drogue, jeux de hasard et d'argent, qui a été publié par l'Institut national de santé publique du Québec. C'est dans ce livre-là qu'on nous donne les moyens de prévention qui sont, entre autres, d'éviter l'alcool dans les aires de jeu. Alors, ça ne vient pas des États-Unis, ça vient de chez nous. Ces études-là sont connues depuis longtemps. Ces études-là ont permis justement à ce que le Québec se prémunisse de facteurs de risque supplémentaires. Alors, ce que je comprends, c'est qu'on est allés de l'avant avec une mesure, au gouvernement, sans regarder les études du passé…

Le Président (M. Bergman) : …de Groulx…

Mme Daneault : …et sans questionner. Ma question, c'est : Est-ce que vous avez été consultés, oui ou non, avant qu'on aille de l'avant avec cette mesure-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Vincent) : Non, on n'a pas été consultés.

Mme Daneault : Alors, je pense…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste un autre trois minutes.

Mme Daneault : Bon. Alors, je pense que, pour le bénéfice de tous... Et je suis étonnée d'entendre le gouvernement,qui s'est toujours targué de : on va prendre soin de notre monde, aujourd'hui, qu'on en soit réduits à aller de l'avant avec une mesure financière… d'ordre financier qui va nous rapporter 40 millions sans qu'on ait d'évaluation d'impact.

On vous a posé la question : Quels seront les impacts au niveau de la société? Ces gens-là, ces gens-là qui sont vulnérables, qu'on va soumettre à des facteurs de... à un risque supplémentaire, on n'a pas fait d'étude de coût. On vous a posé la question. Ça semble flou, mais effectivement il y a un impact qui n'est pas seulement au niveau de l'individu, mais au niveau de sa famille, au niveau de l'employeur. Alors, on est en train de prendre une mesure qui va probablement rapporter 40 millions dans les coffres du gouvernement, mais qui va coûter combien? On n'a pas fait d'étude d'impact.

J'aurais aimé que des groupes comme le vôtre puissent avoir les moyens de le faire et d'arriver avec des résultats probants. Mais une chose est certaine, aujourd'hui, quand on vous entend, c'est que le facteur de risque, il est présent, c'est que vos recommandations sont bel et bien négatives à cet effet… à cette mesure-là. Et ce qu'on peut comprendre aussi, c'est qu'on devrait aller vers d'autres mesures plus créatives, moins nocives pour la santé pour améliorer l'achalandage de nos casinos.

Le Président (M. Bergman) : M. Marcoux, commentaire?

M. Marcoux (Vincent) : Non. Tout à fait. Je suis très d'accord avec madame. Tout à fait.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Marcoux, Mme Beaulieu, merci pour être ici avec nous aujourd'hui. Merci pour votre présentation. Et je demande les gens du Centre Dollard-Cormier de prendre leurs places à la table.

Je vais suspendre nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 27)

Le Président (M. Bergman) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, collègues, compte tenu qu'on va compléter nos travaux à 6 h 30, j'ai besoin de votre consentement pour dépasser 18 heures. Est-ce que j'ai le consentement?

Une voix : Consentement.

Le Président (M. Bergman) : Consentement? Consentement pour dépasser 18 heures?

Des voix : Oui, oui, oui.

Le Président (M. Bergman) : Consentement?

Une voix : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Merci.

M. Bolduc (Jean-Talon) : On ne vous fera pas revenir demain matin.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Thibault, Mme Vincent, Mme Lecomte, bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, s'il vous plaît, pour les fins de transmission, transcription, donner votre nom et votre titre ainsi que ceux qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.

Centre Dollard-Cormier, Institut universitaire
sur les dépendances (CDC-IUD)

M. Thibault (Jean-Marie) : Bien. Moi, je suis Jean-Marie Thibault. Je suis le président du conseil d'administration du Centre de réadaptation Dollard-Cormier, Institut universitaire. À ma droite, vous l'avez rencontrée déjà à une autre présentation, Mme France Lecomte, qui est notre directrice des services à la clientèle, et, à ma gauche, quelqu'un qui va pouvoir vous répondre de façon très concrète, c'est Mme Brigitte Vincent, qui est la coordonnatrice du programme de Jeu pathologique au Centre Dollard-Cormier.

M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, le Centre Dollard-Cormier, Institut universitaire sur les dépendances, tient à remercier les membres de la Commission de la santé et des services sociaux de lui donnerl'opportunité de faire valoir son point de vue et celui des joueurs pathologiques dans le cadre des auditions publiques sur le projet des règles abrogeant la disposition qui prohibe la vente, le service et la consommation de boissons alcooliques à l'intérieur des aires de jeux.

Le CDC-IUD, comme on l'appelle, est un centre de réadaptation public membre de l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec, qui regroupe tous les centres publics à travers la province, qui dessert au-delà de 50 000 usagers annuellement. Il offre — notre établissement, comme les autres — des services gratuits à plus de 7 000 Montréalais par année ayant des problèmes d'alcool, de drogue, de jeu et de cyberdépendance. À titre d'Institut universitaire sur les dépendances, il veille à l'avancement des connaissances dans le domaine des dépendances, tant sur le plan de la recherche que de l'enseignement et du développement des pratiques de pointe.

Le centre compte près de 400 employés, dont environ 300 cliniciens. De plus, 22 chercheurs réguliers et collaborateurs ainsi que trois groupes de recherche — le RISQ, qui est la Recherche et l'intervention sur les substances psychoactives au Québec, le GRIF-JEU, qui est un groupe de recherche sur l'intervention et les fondements en jeu, et l'équipe HERMES, sur les Habitudes de vie et recherches multidisciplinaires — y sont associés de façon étroite.

Pour poursuivre la présentation et rentrer dans le vif du sujet, je donnerais la parole à Mme Brigitte Vincent.

• (17 h 30) •

Mme Vincent (Brigitte) : Bonjour. La préoccupation que nous désirons partager avec vous concerne l'impact de l'introduction de l'alcool dans les aires de jeux sur les 44 000 Québécois — soit le fameux 0,7 % de la population de 18 ans et plus — qui présentent un problème de jeu pathologique ainsi que sur les personnes de leur entourage. Au-delà des statistiques, le CDC-IUD tient à témoigner de la réalité des personnes que les intervenants accompagnent au quotidien dans la difficile démarche de se sortir de l'emprise du jeu et de retrouver une certaine sérénité.

Le jeu pathologique est défini dans le DSM-IV comme étant «une conduite de jeu répétée, persistante et inadaptée qui perturbe la vie personnelle, familiale ou professionnelle».

Au Centre Dollard-Cormier, Institut universitaire sur les dépendances, plus de 400 personnes sont traitées annuellement au Programme jeu pathologique. Ces personnes vivent avec une détresse cliniquement significative qui origine de leurs habitudes de jeu. Nous soutenons également une cinquantaine de personnes vivant dans l'entourage d'un joueur qui subissent des répercussions majeures liées au jeu sur leur existence et celle de leurs proches.

En effet, le jeu pathologique affecte jusqu'à cinq à 10 personnes par joueur pathologique. Plusieurs recherches se sont intéressées aux conjoints des joueurs, car elles figurent en première place parmi les personnes touchées par le jeu. Certaines d'entre elles développent des comportements de consommation — ici, on parle tabac, alcool, drogue et biens divers — alors que plusieurs d'entre elles se retrouvent mêlées aux problèmes financiers des joueurs en empruntant, en contractant une deuxième hypothèque ou en augmentant leur crédit personnel pour alléger leurs dettes familiales. En plus des problèmes conjugaux, certaines vivent des problèmes au travail, développent des symptômes physiques ainsi que des problèmes légaux.

Les enfants des joueurs subissent également plusieurs conséquences négatives. Ils peuvent avoir l'impression de perdre le parent qui, notamment en raison des absences fréquentes et prolongées, est absent.

Donc, à notre avis, aux 44 000 Québécois qui présentent un problème de jeu pathologique, il faut ajouter le pourcentage représenté par les membres de l'entourage qui, comme démontré par les recherches ou par notre pratique clinique, vivent de graves conséquences au plan biopsychosocial. Cette conception de la réalité sociale du phénomène augmente grandement l'impact de cette problématique sur la santé publique.

Pourquoi, selon nous, existe-t-il un lien causal entre la consommation d'alcool et le jeu pathologique? Une des interventions de base des cliniciens est d'identifier avec leurs clients des facteurs de protection et de les mettre en place. Le fait d'être sobres lorsqu'ils jouent — jeu contrôlé — ou d'être dans une situation à risque — exemple, réception de leur paie, situation de stress, conflit — en est un important.

Le jeu pathologique est considéré comme un trouble de contrôle des impulsions et l'alcool a un effet désinhibiteur, ce qui ne peut qu'accentuer la perte de contrôle. Rappelons que 50 % des joueurs pathologiques présentent aussi des problèmes liés à l'alcool. Il est clairement démontré qu'il y a une relation causale entre la consommation abusive d'alcool et le jeu pathologique.

La perte de contrôle peut induire une prise de risque plus élevée et conduire le joueur à mettre en jeu des mises plus élevées, à avoir un jeu moins prudent, moins réfléchi, et ainsi augmenter ses pertes. Soulignons que le besoin incontrôlable de retourner jouer pour se refaire fait partie des critères diagnostiques du jeu pathologique.

De plus, l'alcool, en altérant le jugement, diminue la capacité du joueur à évaluer ses chances réelles de gains et altère le souvenir des pertes subies dans le passé, ce qui peut prolonger l'épisode de jeu et donc, vraisemblablement, augmenter les pertes d'argent.

La perte de contrôle peut aussi amener le joueur à dépasser les limites qu'il s'est fixées et jouer des sommes qu'il avait décidé de protéger, comme, par exemple, le montant nécessaire pour faire l'épicerie ou pour faire l'achat des médicaments. Suite à ce type d'événement, la honte, la culpabilité ressenties par le joueur sont alors très présentes.

Éduc'alcool fait d'ailleurs une mise en garde très claire à cet effet : Les individus qui apprécient les jeux de hasard et d'argent — et je les cite — devraient éviter de consommer de l'alcool. Le mélange alcool-jeu accroît les risques de jouer de façon inappropriée, voire pathologique. C'est un mélange toxique.

De nombreuses études établissent un lien entre le jeu pathologique, les idéations suicidaires et les tentatives de suicide, et un des prédicteurs du passage à l'acte est une grande perte financière. Être intoxiqué à l'alcool est aussi un grand prédicteur du passage à l'acte au plan suicide. Si le joueur sort du casino, intoxiqué, honteux et ayant subi une perte importante, aura-t-il plus de chances de tenter de s'enlever la vie?

Un argument pour l'alcool aux aires de jeux serait de dire : De toute façon, il y a déjà des bars au casino et il est donc possible d'y consommer de l'alcool.

Je pense que je vais sauter le paragraphe — puisqu'il reste une minute —au niveau... Je pense qu'on vous a fait la démonstration que, de prendre du recul, la personne est à nouveau... Parce que le jeu dissocie la personne de la réalité et même de ses propres impressions physiques. Donc, je ne ferai pas la démonstration puisque ça a déjà été fait.

Ce que je peux vous dire, c'est que nos usagers nous disent très clairement que ça leur permet de se reconnecter avec la réalité quand ils quittent le jeu ou la machine, et là, par exemple, de prendre leur cellulaire et de voir qu'il y a à peu près 10 messages de leur femme, de leur conjointe sur le cellulaire, et là de se rappeler leurs objectifs de réadaptation et peut-être de quitter.

Il est possible de penser que le même phénomène, donc, se reproduit lorsque le joueur décide de quitter la table de jeu que celui pour aller fumer une cigarette.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Vincent (Brigitte) : Oui. Alors, je pense que la seule recommandation que l'on peut faire, pour nous qui soutenons les joueurs, c'est : au nom des joueurs pathologiques, au nom des intervenants qui travaillent à Dollard-Cormier, nous recommandons de ne pas introduire d'alcool aux tables de jeu et aux aires de jeux du casino. Nous espérons avoir fait la démonstration que le fait d'introduire de l'alcool aux aires de jeux équivaut, pour notre société, à faire le choix d'installer un facteur de risque qui nuit au rétablissement des personnes vulnérables et peut accentuer la sévérité de leurs dépendances. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Alors, le bloc pour le gouvernement, pour 22 minutes. Alors, M. le député d'Argenteuil.

• (17 h 40) •

M. Richer : Merci, M. le Président. Bonjour, merci d'être là pour éclairer nos connaissances et nous permettre de prendre des décisions qui seront bénéfiques pour tous les joueurs du Québec.

Alors, M. le Président, j'aimerais opposer deux situations pour aller chercher le point de vue des experts qui sont devant nous. Donc, on est ici pour... depuis un bout de temps en fait, on discute beaucoup du risque d'augmenter le nombre de joueurs pathologiques en permettant la consommation d'alcool dans les aires de jeux. Ça m'apparaît, actuellement, depuis quelques minutes, l'élément essentiel de notre discussion.

Alors, les deux situations que j'aimerais opposer sont les suivantes. La première, bien, j'en ai parlé plus tôt dans la journée en parlant de l'évolution du monde du jeu au Québec depuis 1992. Alors, je disais, à ce moment-là, que, depuis 1992, il y a eu 16 décisions ou décrets de pris : 12 par le gouvernement du Parti libéral de l'époque, quatre du Parti québécois. Et, dans les 12 pris par le gouvernement libéral… Et là il y aurait eu besoin peut-être, Mme la députée de Groulx, du volume intéressant que tu nous suggérais tantôt, peut-être que le ministre des Finances de l'époque en aurait eu besoin, parce que, dans les 12 interventions, il y a eu l'implantation du jeu en ligne...

Le Président (M. Bergman) : S'il vous plaît! S'il vous plaît, Collègues, je vous demanderais d'adresser la présidence dans vos interventions…

M. Richer : Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : …ou les questions à nos invités.

M. Richer : Bien, monsieur. Alors, M. le Président, dans cette implantation-là du jeu en ligne qui a été faite en 2010, malgré l'opposition de 14 groupes qui sont venus déposer des mémoires qui disaient l'inverse, qui s'opposaient, cette décision-là a été prise, et la conséquence, c'est qu'on a quelqu'un qui est assis tout seul dans son salon, dans sa chambre, qui peut boire à volonté et qui peut même fumer à volonté; il fait ce qu'il veut sans aucune protection.

À l'opposé, actuellement, la situation, M. le Président, c'est qu'on nous a démontré ce matin que les joueurs fréquentent moins les casinos, mais ne jouent pas moins; ils vont jouer ailleurs. Donc, la suggestion que je comprends de Loto-Québec, c'est de récupérer ces joueurs-là et les amener dans un endroit contrôlé, un endroit sécuritaire, un endroit où ils recevront des services appropriés à leur dépendance, si dépendance pathologique il y a.

Donc, quand on me dit qu'on craint que le fait d'offrir des consommations alcooliques à des joueurs potentiellementinfluençables, ou on pourrait appeler… d'autres termes, donc la solution, c'est de ne pas vendre de boissons alcooliques. Donc, à mon avis, en ne faisant pas cette mesure pour amener les gens dans un milieu sécuritaire, on les laisse à eux-mêmes, on ferme les yeux, on se met la tête dans le sable et on les laisse aller en pleine nature.

Il y a des gens qui ont des sous pour aller jouer à Atlantic City ou dans l'Ouest américain et ceux qui en ont moins peuvent facilement aller à Kanesatake avec un billet de métro ou d'autobus. Donc, on est dans une situation où on leur permet de boire, de fumer à la maison, sans contrôle, et là on voudrait ne pas les amener au casino, mais les laisser en pleine nature à eux-mêmes. Alors, à mon avis, ce n'est pas une décision très responsable.

Alors, ma question comme député membre de cette commission, comme député membre du gouvernement qui veut prendre une décision responsable : Est-ce que je dois décider de laisser ces gens-là aller en pleine nature, sans aucun contrôle, travailler à partir de chez eux devant leur état?

Et moi, je ne me sens pas à l'aise, actuellement. Donc, j'attends votre éclairage, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bergman) : Monsieur...

Mme Vincent (Brigitte) : Ça va me faire plaisir…

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Merci. Alors, ça va me faire plaisir de répondre à votre question. Premièrement, vous le savez, je parle de joueurs pathologiques et je parle en fonction des 400 annuellement et de notre expérience clinique.

Ce que je peux vous dire, j'ai débattu justement avec mon équipe, qui est composée de six intervenants, de voir est-ce que les personnes qu'on dessert, est-ce qu'ils fréquentent les casinos illégaux? Alors, face à cette question-là, très peu de notre clientèle fréquentent les casinos illégaux. Donc, je veux juste préciser ça en fonction… Bien sûr, on s'entend, il n'y a pas d'étude, je ne peux pas dire que c'est une étude formelle, mais, au niveau de notre expérience… et, quand même, on dessert, comme je vous dis, depuis 2001, 400 joueurs pathologiques par année.

Maintenant, c'est sûr que, lorsque vous parlez du jeu en ligne, je vous dirais… Parce qu'il ne faut pas avoir l'impression que les joueurs sont qu'un profil. On a plusieurs profils de joueur, hein? Blaszczynski parle de trois profils au niveau des joueurs, puis c'est ce qu'on voit aussi dans notre pratique. Il y a un profil de joueur où, premièrement, c'est souvent pour dissocier d'un sentiment de dépression, O.K.? Donc, souvent, ces personnes-là ne vont jamais aller jouer au niveau de l'illégalité. Au contraire, ils vont aller jouer au niveau d'un casino étatique parce que pour eux, c'est plus rassurant, O.K.? Donc, je vais juste mettre ce bémol-là. Maintenant, on a aussi une clientèle, je vous dirais, de 10 % de personnes âgées qui ont un problème de jeu pathologique, et ces personnes-là, bon, ne font pas le jeu en ligne non plus.

Alors, je pense que plus on sera prudents dans tous les types d'endroit où les personnes peuvent développer un jeu pathologique, mieux cela sera. Alors, oui, cherchons à protéger au niveau du jeu en ligne, mais cherchons aussi à protéger au niveau du casino parce que, selon notre expertise, ça n'attire pas nécessairement la même clientèle. Alors, je pense que c'est important de regarder et de garder en tête qu'il y a des personnes qu'on dessert. Vous le savez, le profil type d'un joueur, c'est que les revenus ne sont pas très importants. Donc, ils n'iront pas, eux non plus, à l'extérieur. Alors, l'accessibilité, le fait que c'est légal, oui, ça attire bien sûr les joueurs pathologiques.

Je pourrais vous dire un exemple aussi, dernièrement, qu'une intervenante m'a donné. Vous savez, nous, on travaille à installer des mesures de protection chez les joueurs au niveau du rétablissement et de la réadaptation. Et un joueur qui avait la double problématique, jeu et alcool, dans son plan de traitement… Le plan de traitement était d'aller jouer au casino parce que justement il était capable… parce que, dans son plan de traitement, c'était : O.K., je veux contrôler. Tu joues, mais tu laisses tomber l'alcool pour être plus vigilant puis être plus connecté sur la réalité. Et le plan d'intervention de l'intervenant et du joueur, décidé de façon commune, était qu'il aille jouer au casino parce qu'il était moins sollicité pour l'alcool et ça l'aidait à accepter de ne pas boire en termes de traitement.

Alors, bien sûr, vous me parlez du taux de prévalence, mais il faut parler aussi du soutien déjà au niveau de la réadaptation des personnes qui ont un problème de jeu pathologique et aussi de la sévérité, hein? Parce que, dans le jeu pathologique, il y a des niveaux de sévérité, et je suis convaincue et les intervenants qui travaillent dans mon équipe sont convaincus que la prise d'alcool aggrave la sévérité des symptômes de jeu.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Alors, c'est un élément de réponse intéressant, mais pas tout à fait satisfaisant sur mes questionnements, M. le Président. Parce que justement ce que Loto-Québec veut faire, c'est d'offrir à ces gens à risque… parce que je suis d'accord qu'on parle surtout de la clientèle à risque, veut leur offrir un endroit sécuritaire, contrôlé, avec des personnes… même des serveurs qui sont là, non pas formés comme intervenants, mais formés pour être capables de dépister quelqu'un qui est en train de déraper. Il l'a référé à un centre de traitement, il l'a référé à des personnes qui seront aptes à intervenir, ce que ces joueurs-là ne trouveront pas dans un casino autre, ne trouveront pas dans un casino illégal. Et, encore une fois, pas besoin d'aller à Atlantic City, les gens ont accès à ces jeux-là dans des endroits non contrôlés, très près de leurs milieux, surtout à Montréal.

Alors, ma grande inquiétude, ma grande inquiétude, c'est que, sous prétexte encore une fois de ne pas offrir de consommer de la boisson dans un endroit contrôlé, dans un endroit confortable, on abandonne ces gens-là, on les laisse… et cette crainte-là de les mettre en situation difficile fait en sorte qu'on se ferme les yeux et qu'on les plonge dans une situation difficile, M. le Président. Alors, on fait quoi avec ces gens-là qui vont… De toute façon, ils vont jouer, ils vont continuer à aller jouer… qui vont continuer à aller jouer et consommer là où ils ne seront pas dépistés, où il n'y aura pas de service, on avance à quoi? Elle est où, ma responsabilité comme législateur, madame?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

• (17 h 50) •

Mme Vincent (Brigitte) : Alors, je vais compléter ma réponse en vous disant qu'il faut voir aussi, étudier les mesures de détection, O.K., et de prévention. Que vous semblez dire que, si... On ne peut pas être contre, hein? Je ne veux pas… J'aime mieux que les joueurs jouent au casino… dans les casinos légaux, on s'entend. On ne peut pas être contre la vertu.

Maintenant, quand vous me dites : Oui, mais ces personnes-là, au moins, ils jouent de façon... avec plus de sécurité, qu'il y a plus de mécanismes de détection. Permettez-moi de vous poser... bien, de vous poser la question, de dire : Est-ce qu'on a évalué ces mécanismes de protection? Par exemple, nos joueurs nous disent que l'auto-exclusion, par exemple, fonctionne pour certains, mais ne fonctionne pas pour d'autres. J'ai un joueur qui actuellement avait été en auto-exclusion pendant... avait demandé pendant cinq ans, et est retourné jouer 12 fois depuis, O.K.? Elle était en rechute, hein?

Maintenant, comment on peut dire qu'un serveur va être capable de détecter quelqu'un qui est en état d'intoxication, donc dont le jugement est altéré au niveau du jeu? Je suis persuadée que la détection va se faire sur des individus qui ont des comportements… des conduites sociales qui font qu'ils vont parler fort, qui vont déranger les autres et qui vont être identifiés comme étant intoxiqués. Les autres, les joueurs, souvent qu'on dessert, sont des personnes, souvent aussi, qui ont un trouble concomitant au niveau de la santé mentale : anxiété, dépression. Ce n'est pas eux qui... en état d'intoxication, ce n'est pas visible. Ce n'est pas eux qui vont faire des éclats. Alors, comment on va être capables d'aller les détecter et comment on va être capables aussi... Et, si on les détecte, comment on va être capables de les amener à cesser, à aller chercher de l'aide? C'est une approche motivationnelle.

Vous savez que, même avec les intervenants, tous les intervenants du Programme du jeu ont une formation universitaire. Malgré ça, malgré leur grande compétence, malgré les formations qu'on leur donne, l'encadrement clinique, on perd des joueurs qui ont décidé de vouloir aller en traitement, mais qui, après ça, abandonnent. Alors, imaginez, c'est avec des professionnels, on établit l'alliance thérapeutique. Alors, imaginez qu'un serveur, pour détecter et amener quelqu'un à consulter, l'adversaire est coriace, hein? Vous savez que juste de penser... un joueur pathologique, juste de penser à arrêter le jeu, c'est les mêmes symptômes que le sevrage et l'alcool : il y a de la transpiration, il y a de l'anxiété. Alors, écoutez, ce n'est pas une mince affaire, la dépendance au jeu, hein? C'est vraiment très important et ça demande, pour intervenir auprès de ces personnes-là souffrantes, parce qu'il y a plusieurs raisons pourquoi on joue… alors ça demande vraiment, à mon avis, une expertise, un établissement aussi qui donne la formation continue, qui encadre les intervenants pour arriver à aider ces personnes-là à se sortir de l'emprise du jeu puis à retrouver leur liberté de dire non au jeu.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Tout simplement pour conclure ma portion de questions, je suis entièrement d'accord avec vous, madame, quand on pense que des joueurs pathologiques, des gens qui ont vraiment besoin d'un service pour les sortir de là, ça demande des spécialistes. Mais, quand ils sont rendus chez le spécialiste, c'est peut-être parce qu'il y a quelqu'un qui les a référés à un spécialiste.

Alors, ce qu'on nous montre, ce matin, dans la rencontre avec Loto-Québec, c'est que, depuis deux ans, ils ont reçu le niveau 4, le niveau le plus élevé de certification de l'association mondiale des loteries, basée sur sept principes de jeu responsable. Alors, je crois que ces gens-là sont parfaitement aptes à détecter. Non pas à intervenir comme spécialistes, ce n'est pas ce qu'on nous a dit, ce n'est pas ce qu'on nous présente, mais ils sont aptes à détecter, et on peut prendre des mesures immédiates et, si c'est nécessaire, les référer.

Alors, moi, je me sens très confortable et rassuré par ces présences-là. Et ma question : Nommez-moi un seul endroit ailleurs que dans les casinos gérés par Loto-Québec, un seul endroit dans les casinos à Kanesatake, aux États-Unis, en Ontario, nommez-m'en un seul, endroit, qui présente cette assurance-là de contrôle, de suivi chez les joueurs.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Alors, deux éléments que je vais reprendre : c'est comme si, M. le député, vous faites un lien direct entre la consommation d'alcool et le fait que les gens ont quitté le casino d'État et vont vers un casino illégal. Il n'y a pas vraiment de lien direct. Puis, pour être capable de faire un lien direct, il faudrait être capable d'évaluer ça puis de voir pour quelles raisons ces joueurs-là se retrouvent dans les casinos illégaux. Ce serait trop simple que ça soit seulement l'alcool; il doit y avoir d'autres facteurs. Et, quand vous faites un lien direct comme ça, ça rend ça simple. Loto-Québec nous dit : C'est simple, ils ont une perte de joueurs, ils attribuent ça au fait que, dans les casinos illégaux, il y a de l'alcool. Il doit y avoir d'autres facteurs puis il faudrait évaluer les autres facteurs.

L'autre élément, c'est... Vous avez raison, M. le député, c'est extrêmement sécuritaire dans nos casinos, puis il ne faut pas amener un facteur de risque supplémentaire qu'est l'alcool. Mais vous avez raison, on est chanceux, au Québec, d'avoir des casinos d'État qui sont préoccupés par les facteurs de risque. Nous, ce qu'on dit, c'est que, d'amener de l'alcool, c'est un facteur de risque supplémentaire. On est devant une consommation d'alcool qui désinhibe les personnes. Alors, c'est un peu ça, notre...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 5 min 30 s.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour mesdames et monsieur. Je pense que vous avez très, très bien décrit toute la problématique reliée aux dépendances, que ça soit dépendance du jeu... dépendance au jeu… en fait, le jeu pathologique, dépendance à l'alcool, dépendance aux drogues. C'est clair que les dépendances amènent d'autres problématiques dans l'entourage immédiat des personnes, que ce soient des problèmes conjugaux, des problèmes légaux, des problèmes financiers. Donc, vous avez très bien décrit, et je pense que ça… on ne remet pas du tout en question ce fléau que peut représenter dans la vie de quelqu'un de souffrir d'une dépendance.

Maintenant, je reprendrais un petit peu le raisonnement que madame vient de faire concernant ce que disait mon collègue, donc le raisonnement de lien direct, je pense, qui s'applique aussi à l'inverse, s'il s'applique, où on ne peut pas faire de lien de cause à effet. Et j'aimerais vous citer… Parce qu'on en a parlé, il y a quelqu'un qui l'a citée ce matin, la chercheuse Louise Nadeau. J'aimerais vous citer un extrait de son étude où elle mentionne : «Ce qu'on sait d'après les études qui ont été faites, il y a deux variables : d'une part, les gens jouent plus longtemps et d'autre part, il y a plus grande probabilité qu'ils augmentent l'argent dépensé, c'est-à-dire l'argent misé.» Elle poursuit : «Faut-il pour autant faire un lien direct entre le jeu et la consommation d'alcool?» Louise Nadeau est plutôt nuancée. Elle dit : «Les joueurs pathologiques et les joueurs à risque sont tous de grands consommateurs d'alcool. Mais on n'a pas attendu l'alcool au casino pour que ça soit la situation et on n'a pas attendu non plus que les joueurs pathologiques ou à risque aillent dans les bars et jouent avec les appareils de loto vidéo. D'où mon incapacité — c'est toujours Mme Nadeau qui parle — [de dire] si oui il va y avoir augmentation [du jeu avec l'arrivée de l'alcool dans les aires de jeu], parce que déjà, c'est là.» C'est présent. «Est-ce que ça va être plus, est-ce que ça va être moins? Je ne peux que vous dire que ce sont deux facteurs associés.» Elle ne se permet pas, dans le cadre de sa recherche, de faire ce lien de cause à effet.

Alors, moi, M. le Président, j'aimerais poser la question : Est-ce que vous, vous avez des études vraiment rigoureuses sur les impacts, positives ou négatives, de cette mesure que nous proposons? Et est-ce qu'on peut garantir, est-ce que vous avez cette... d'où vous vient cette certitude qu'il va y avoir nécessairement un impact sur le jeu…

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Proulx : …le nombre de joueurs aussi?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Merci. Alors, je pense…

Le Président (M. Bergman) : Pour trois minutes.

• (18 heures) •

Mme Vincent (Brigitte) : Je pense qu'au niveau d'Éduc'alcool le lien… et je pense qu'Éduc'alcool a une notoriété au niveau intellectuel assez importante… le fait, le lien, O.K.? C'est sûr que... Et, nous, au niveau de notre connaissance, notre sens au niveau clinique et de notre suivi, on peut vous dire qu'on fait le lien, et les usagers font le lien aussi. Et, même au niveau de vos mesures qui sont sur votre site, au niveau de la protection du jeu pathologique, vous le dites vous-même, sur le site de Loto-Québec, de ne pas mélanger alcool et jeu. Alors, ça, je pense que c'est assez évident.

Est-ce que ça va augmenter la probabilité? Ça, je ne peux pas vous répondre. Ça, non, c'est une autre question. Mais est-ce que ça va augmenter la gravité des personnes? Ça, je peux vous répondre. Puis, oui, ça va augmenter la gravité, pour toutes les raisons qu'on vous a dites. Alors donc, la sévérité, l'alcool va exacerber la symptomatologie du jeu pathologique. Donc, oui. Et ça nuit justement un peu à tout le rétablissement, parce que plus la personne a une sévérité au niveau de sa pathologie, plus les efforts pour elle d'arriver à se sortir de la dépendance sont importants. Vous savez qu'en moyenne, et vous savez qu'au Programme du jeu pathologique, en moyenne, quand on accompagne quelqu'un au niveau d'un traitement, c'est, au niveau, là, des objectifs atteints, c'est souvent une année, une année d'investissement à essayer, avec les rechutes que ça implique, d'appuyer le joueur pour qu'il se défasse de ce jeu. Alors, plus le problème est sévère, bien, c'est sûr que plus les méfaits sur la personne sont importants, les méfaits sur la personne et sur sa famille.

Mme Proulx : Bien, rapidement, à ce moment-là, si je poursuis votre raisonnement, ça m'amène à vous poser la question aussi, que j'ai posée d'ailleurs à certains de vos prédécesseurs : Si on est dans l'optique d'éliminer tous les risques et qu'on considère, comme vous le dites, que l'alcool est un facteur de risque important, est-ce que vous considérez qu'on devrait prohiber l'alcool dans les casinos?

Le Président (M. Bergman) : Une courte réponse, s'il vous plaît, madame.

Mme Vincent (Brigitte) : Écoutez, là, vous m'amenez à faire une balance, O.K., entre mon désir, et ma mission, et mon travail de protéger les joueurs. Si je vous réponds comme coordonnatrice de joueurs pathologiques et qui sont au fait de leur grande souffrance, j'aurais tendance à vous dire oui, mais, si je vous réponds en tant que citoyenne, je vous dirais : Il faut faire dans la balance.

Alors, pourquoi pas? Parce que probablement les gens qui vont jouer au casino de façon ludique vont apprécier d'avoir un verre. Mais laissons-les au bar, séparons les deux activités, et je trouve qu'on répond autant au niveau des joueurs pathologiques que de la population en général. Il y a possibilité de quitter sa table et d'aller prendre un bar...

Une voix : ...

Mme Vincent (Brigitte) : ...une consommation, merci. Alors, voilà. Donc, je vous répondrai ça, qui est comme un compromis entre la population en général et le joueur pathologique. Et, même pour la population en général, je serais inquiète...

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Vincent (Brigitte) : ...parce que quelqu'un qui a pris un verre, on le sait, son jugement est altéré. Alors, est-ce que, même pour la population en général, il peut faire des mises plus importantes qu'il avait pensé au départ?

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau, pour un temps de 22 minutes.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, qui est très claire. Et j'aimerais revenir sur vos propos de conclusion suite à la question de notre collègue de Sainte-Rose. L'élément de la clientèle ordinaire, de la clientèle qui n'a pas de trouble de jeu pathologique, et la conséquence de pouvoir jouer, et avoir son verre de bière ou son cocktail à la main, il y a aussi un impact pour ces gens-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Bien sûr. C'est comme je disais tout à l'heure, bien sûr, là, c'est sûr que mon propos est au niveau du joueur pathologique, mais, bien sûr, pour n'importe quel individu, le fait d'avoir pris de l'alcool... C'est pour ça qu'au niveau de la conduite automobile on a mis ces règles-là, hein, parce qu'on le sait que ça altère le jugement, la vigilance, et on peut penser que même... Il y aura des coûts même pour les personnes qui n'ont pas de problème de jeu, mais qui pourront dépenser plus que prévu puis qui, après ça, retourneront dans leurs familles puis ils diront : Bien, oui, bien, peut-être qu'on devait aller en week-end à la pêche, mais on n'ira pas parce que, voilà, j'ai joué plus que je pensais. Puis là il pourrait y avoir aussi des conflits avec l'entourage et tout ça. Alors, oui, bien sûr.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je me posais la question, compte tenu de l'expertise que le Centre Dollard-Cormier possède et puis de la renommée surtout que vous avez : Est-ce qu'on vous a consultés? Qu'il s'agisse de Loto-Québec, qu'il s'agisse du ministère de la Santé, de la ministre déléguée aux Services sociaux ou même le ministre des Finances, est-ce qu'on s'est tournés vers vous afin d'analyser, de peser le pour et le contre avant d'aller de l'avant avec la mesure qui est sur la table?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Non. On n'a pas été consultés.

Une voix : D'aucune façon.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je vais céder la parole à mon collègue, mais je tiens à vous remercier encore une fois parce que, votre rapport, il est très, très clair, et vos propos sont d'une limpidité. On pourrait vous questionner pendant des heures, mais je pense que votre message est clair et assez direct. Je vous remercie.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, félicitations pour la présentation. Puis, les dernières présentations, on entend à peu près le même message, mais de perspectives différentes : des usagers, des intervenants.

Et, juste pour bien vous définir, à ma connaissance, parce que je me souviens d'avoir remis un prix d'excellence à votre organisation, au Québec, vous êtes probablement les gens qui possédez la connaissance scientifique la plus valable avec les recherches... probablement qu'au niveau mondial vous surveillez la littérature. Juste me le confirmer, vous êtes probablement les gens qui en savent le plus, au niveau de la dépendance, au Québec.

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Oui, et au niveau du jeu pathologique, parce qu'étant... On a la chance d'avoir, tu sais, une grande population, donc d'avoir la possibilité d'avoir de la recherche, d'avoir des chercheurs, etc. Et aussi c'est qu'on a une équipe dédiée, au Centre Dollard-Cormier. Mon équipe s'occupe que de soutenir les joueurs pathologiques. Alors, on a vraiment développé une expertise pointue au niveau des joueurs pathologiques. D'autres centres n'ont pas la masse critique nécessaire, et, bien sûr, il y a quand même plusieurs similitudes, mais desservent aussi tout type de dépendance. Mais nous, à Dollard-Cormier, on a vraiment une expertise pointue, parce que mon équipe d'intervenants dessert que des joueurs pathologiques.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis au niveau... Je reviens sur la question. Au niveau scientifique, vous possédez vraiment les dernières connaissances, les dernières études. Puis là, du côté gouvernemental, on essaie de nous faire avaler, là, qu'il n'y a pas de lien de cause à effet, mais peut-être un lien associatif. Pour les populations en général, prouver une relation de cause à effet est beaucoup plus complexe, mais, quand on veut semer le doute, on fait juste dire : Regardez, c'est peut-être juste associatif, il n'y a peut-être pas de choses comme ça.

Juste une question comme ça… Vous êtes en commission parlementaire, il faut voir… il faut vous attendre des fois qu'on va avoir des petites questions un peu vaudou, là, que ça ne répond pas aux normes scientifiques. Êtes-vous étonnés de ça?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Pouvez-vous me...

M. Bolduc (Jean-Talon) : ...il y a des questions qui se posent, puis ça n'a pas de... il n'y a pas de connotation scientifique ou prouvée. Vous avez à répondre à ça. Est-ce que ça vous étonne qu'on vous pose ce type de question là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Écoutez, moi, ma motivation, c'est d'éclairer la commission. Alors, je me dis, on est prêts à répondre à tout type de question, parce que, pour nous, c'est sûr que notre rôle, au Centre Dollard-Cormier, bien au-delà de la question politique, la question est humaine et, au niveau de l'intervention, est de notre mission de soutenir.

Alors, pour moi, si je peux éclairer la commission pour protéger les joueurs, qui est de ma responsabilité, et de soutenir mes intervenants dans leurs plans d'intervention avec les joueurs, je suis... ça va pour moi.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis tantôt on a fait mention qu'on est quand même fiers qu'au Québec que nos casinos avaient des comportements qui étaient modèles; entre autres, justement, on ne pouvait pas consommer d'alcool au niveau des aires de jeux. On comprend qu'il y a un mécanisme de surveillance qui n'est pas parfait, puis je suis très content de qu'est-ce que vous avez dit tantôt, parce que Loto-Québec nous fait toujours mention, au niveau de sécurité, qu'ils ont reçu un prix, mais je ne suis pas certain qu'avec la mesure qu'ils sont en train de mettre en place qu'ils vont conserver leur norme de quatrième niveau parce qu'on augmente le risque.

Et ce n'est pas vrai... Et, vous avez raison, on est habitués de voir des gens en état d'ébriété qui crient, alors que la majorité des gens qui sont en état d'ébriété ont juste un comportement qui est augmenté. Donc, une personne qui est timide va peut-être être plus timide, et on ne se rendra pas compte de ces types de comportement. Et, quand ils jouent, de toute façon, ils sont concentrés sur leurs machines, et ça fait juste qu'ils jouent plus, puis on... On n'est pas capables de l'expliquer, mais, si on allait chercher la physiologie, probablement que la cause de l'alcool sur leur système nerveux fait que ces personnes vulnérables sont en train de dépenser tout leur argent, soit causer des personnes... des problèmes personnels, ne répondent pas au téléphone de leur conjointe qui leur dit de revenir à la maison, dépensent tout l'argent, puis ça met des enfants en difficulté. C'est à peu près ça, l'histoire naturelle de ces gens-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

M. Thibault (Jean-Marie) : Je vais répondre, si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. Thibault.

• (18 h 10) •

M. Thibault (Jean-Marie) : Vous avez entièrement raison, il y a tous les impacts sociaux entourant ce phénomène-là. C'est toute la population qui est concernée, là, il faut bien se comprendre. Il y en a que ça va atteindre moins, mais on sait, nous, avec les joueurs pathologiques, que ça va les mettre dans une situation encore plus critique, que les personnes à risque risquent de devenir de vrais joueurs pathologiques et que la clientèle du monde ordinaire, qui prend un verre puis qui trouve ça bien drôle de jouer, va peut-être vouloir répéter l'expérience une fois, deux fois, trois fois. Première chose qu'on va savoir, ça va nous faire des nouveaux clients.

Si on pouvait s'éviter ça, déjà avec les moyens qu'on a, donner des services... Puis l'équipe qu'on a à Dollard-Cormier fait un travail extraordinaire, et je sais qu'ailleurs au Québec il y a des équipes qui travaillent très fort aussi là-dessus pour contrer les effets néfastes du jeu pédagogique. Si vous arrivez avec une mesure facilitante de cette sorte-là, c'est comme si on décidait du jour au lendemain que la conduite au volant, ce n'est plus 0,5 ou 0,7, on passe immédiatement à 0,16 puis on verra les résultats. C'est ça qui est dangereux avec ce genre de mesure là, là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Également, puis vous m'avez éveillé à cet argument, Loto-Québec nous dit : Vous savez, on a une diminution de consommation dans nos établissements, on a moins de personnes, il faut faire quelque chose. Et, à ce moment-là, pour faire un comportement, on va mettre de l'alcool dans les aires de jeu. Mais ce que j'ai compris tantôt, c'est que les clientèles qui jouent dans nos casinos actuellement, ce n'est probablement pas des clientèles qui vont à l'extérieur, et on est loin d'être certains que ces joueurs-là qui vont à Atlantic City et ailleurs, qui y vont possiblement pour d'autres raisons, vont revenir dans nos casinos. Et, s'il y a une offre plus grande autour du Québec, il faut penser que, juste le fait de mettre de l'alcool, avec tous les autres moyens, ne veut pas dire qu'ils vont augmenter le nombre de joueurs, sauf que les joueurs qui sont là vont être plus à risque. Et le joueur qui est là, c'est notre voisin, la personne qui va travailler le matin, qui, là, va avoir une raison de plus, à cause des facteurs de risque augmentés, de jouer plus et également de consommer plus d'alcool. Ça fait que c'est là qu'on va avoir un effet extrêmement important.

Et je suis loin d'être certain que Loto-Québec, par cette seule mesure… Peut-être que les autres mesures peuvent aider, mais, en ne mettant pas cette mesure en place, je pense qu'ils ne pénaliseraient pas nécessairement leur budget. Et je suis loin d'être sûr qu'ils vont aller chercher leurs 40 millions de dollars prévus, sauf s'ils font une atteinte directe à la clientèle qui est locale, qui, de toute façon, n'irait pas à l'extérieur. Qu'est-ce que vous en pensez, comme raisonnement?

Le Président (M. Bergman) : M. Thibault. Mme Lecomte.

Mme Lecomte (France) : Bien, c'est un raisonnement qui se tient parce que je disais que les gens qui ne fréquentent pas le casino, qui vont ailleurs, on ne peut pas faire de lien direct. Ce n'est pas seulement le fait qu'il n'y ait pas d'alcool qui fait qu'ils quittent le casino. Il y a d'autres facteurs, qui peuvent être des facteurs comme la proximité d'un jeu, disponible plus près de leur domicile, qui peuvent être toutes sortes de facteurs. Mais on ne peut pas faire de lien direct avec le fait de dire : C'est seulement le fait qu'il n'y ait pas d'alcool.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis, si je comprends bien, quand vous êtes venus aujourd'hui, pour vous, la recommandation, puis vous l'avez faite, c'est définitivement que le gouvernement pourrait mettre en place les autres mesures pour avoir un jeu responsable, et la mesure précise de consommation d'alcool dans les aires de jeu, c'est pratiquement contre-indiqué médicalement.

Mme Vincent (Brigitte) : Je ne peux qu'au niveau... Si je parle au nom des joueurs pathologiques et au nom des intervenants, on ne peut que faire... le Centre Dollard-Cormier ne peut que faire cette recommandation-là, puisque notre mission est d'aider ces personnes-là, et de les soutenir, et d'éviter que ça se chronicise au niveau des problèmes, tu sais, des problèmes.

C'est sûr qu'on ne peut pas être contre le fait de vouloir, si vous voulez, rapatrier l'argent des sites illégaux. Ça, c'est sûr que, ça, on est tout à fait d'accord et que c'est très louable, mais on pense qu'il y a d'autres façons de le faire que d'augmenter le risque. Par exemple, est-ce que… bien, je ne me connais pas trop en informatique, mais est-ce qu'on pourrait bloquer les sites illégaux pour les gens qui sont sur Internet et qui y vont? Parce qu'en plus on le sait que ces sites-là, il y a de la... C'est risqué. Nous, on n'aime pas que les personnes qu'on dessert aillent sur les sites illégaux au niveau du jeu en ligne. Est-ce qu'on pourrait les bloquer? Puis peut-être que, si on les bloque, ça rapporte, tu sais, ça ramènera un peu l'argent illégal dans les coffres de l'État pour justement soutenir toutes les mesures sociales.

Mais, voilà, il faut prendre le temps de réfléchir, parce que l'enjeu est trop important pour les joueurs pathologiques et pour les centres de traitement. Alors, ce que je vous dirais, c'est juste : Prenons le temps de réfléchir. L'objectif est bon, est louable, mais essayons de trouver une façon de le faire qui n'augmente pas les risques. Ce serait un peu...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon? M. Thibault.

M. Thibault (Jean-Marie) : Simplement pour compléter, la mesure actuelle, le délai, l'obligation pour le joueur, qu'il soit une personne normale ou que ce soit une personne qui a des problèmes de jeu, de s'arrêter et d'aller au bar s'il veut une consommation, c'est salutaire. Ça, on ne peut pas faire autrement que de le penser de cette façon-là parce que ce temps d'arrêt là lui permet... Peut-être qu'il va passer par dessous, il va aller chercher son verre, va le consommer, va revenir, après ça, jouer, puis ça ne dérangera rien, mais la chance qu'il y ait une étincelle qui le fasse réfléchir puis dire : Où je suis rendu aujourd'hui, là?, elle est là. Puis ils l'ont vu en traitement que, souvent, des joueurs, ils réagissent à ça, puis ça leur donne la chance de se récupérer. Si vous l'enlevez, comment ils vont se récupérer?

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Avant de passer la parole, un dernier commentaire. Je dois vous avouer, je trouve ça très désolant que, lorsqu'ils mettent ces mesures-là en place, ils consultent les comptables pour savoir combien ils vont faire plus d'argent, mais ils ne consultent pas les experts, qui, donc, traitent les clientèles qui vont être atteintes par ça et qu'ils ne consultent pas également les gens qui ont été atteints par ça. Je trouve ça très désolant puis je pense que c'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement devrait reprendre sa position puis refaire le travail comme il le faut, puis le faire dans l'ordre, faire les consultations puis, après, prendre une décision. Je vais laisser la parole à ma collègue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Bravo, pour une excellente présentation, vraiment. J'ai quelques petites questions. Je comprends que vous avez 400 employés parmi lesquels il y a 22 chercheurs. Quel type de recherche vous faites quant aux joueurs qui ont cette pathologie de jouer? C'est quoi, la nature de la recherche que vous faites avec ces personnes-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Bon, bien, c'est sûr que je pense que nos chercheurs seraient plus à même de vous donner une réponse exhaustive, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des recherches... Bien, il y a eu la recherche au niveau du taux de prévalence, où certains de nos intervenants ont participé. Il y a eu une recherche aussi au niveau des caractéristiques des joueurs. Maintenant, on pourrait peut-être vous faire parvenir peut-être, au niveau de la mission universitaire, un peu la liste des recherches qui ont été effectuées au niveau du jeu. Il y a eu des recherches aussi plus cliniques, où des chercheurs sont venus dans mon équipe pour vraiment essayer de dégager le profil des joueurs puis de nous aider dans nos hypothèses et dans notre façon d'orienter notre traitement. Alors, il y a eu aussi de la recherche qui sert aux intervenants pour qu'on offre un service plus de qualité. Mais je ne sais pas si, France, tu veux ajouter quelque chose au niveau de la recherche.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Est-ce que vous pourriez envoyer au président une copie de cette liste? Et, si on identifie de la recherche, sur cette liste, qui pourrait nous être utile, on pourrait par la suite revenir et vous demander pour une copie de ces rapports-là.

Le Président (M. Bergman) : On vous demande de l'envoyer au secrétaire de la commission s'il vous plaît, à la secrétaire de la commission.

Mme Vincent (Brigitte) : Et un... Est-ce que je peux me permettre, M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Merci. Aussi, un des documents de référence est un document qui a été fait par l'ACRDQ, qui fait un peu la recension. C'est sûr que... C'est ça, qui fait un peu la recension des écrits et des recherches. C'est vraiment un document de référence très important. Alors, peut-être qu'on pourra aussi vous envoyer la référence, parce que c'est vraiment la recension des meilleures pratiques et de toutes les recherches au cours des ans qui ont été faites sur le sujet.

Vous savez que la recherche, puis je pense que France vous l'a bien dit, vous savez, c'est depuis peu qu'on s'intéresse au jeu pathologique. Donc, il y a des recherches récentes et, comme vous le verrez, il y a beaucoup de problèmes de méthodologie dans les recherches au niveau du jeu, ce qui va... et qui est corrigé, là, actuellement, avec nos chercheurs. Mais, quand même, je trouve qu'il y a des éléments qui pourraient éclairer la commission, qui se retrouvent au niveau, là, du guide des bonnes pratiques et l'offre de base au niveau du jeu pathologique que l'ACRDQ, avec, bien sûr, la collaboration des établissements, a produit.

Mme Lecomte (France) : J'ai une copie que je pourrai vous laisser immédiatement à la secrétaire puis j'ai une copie aussi du document d'Éduc'alcool, L'alcool et les mélanges, là. Alors, je pourrai vous laisser ça. J'ai ça dans ma serviette. Je vous laisserai ça.

Le Président (M. Bergman) : S'il vous plaît, à la secrétaire de la commission...

Mme Lecomte (France) : Oui, je vous déposerai ça.

Le Président (M. Bergman) : ...qui va le diffuser à tous les membres de la commission. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci.

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste cinq minutes.

Mme de Santis : Cinq minutes? Oh! Beaucoup de temps. Bon. O.K. Ici, je vois qu'on parle de 44 000 Québécois. 44 000 Québécois est moins que 0,7 % de la population. Donc, 44 000 Québécois, c'est un chiffre de... C'est à quelle date? Parce que, quand je vois un chiffre que je ne sais pas la date que ça correspond, je ne sais pas si c'est il y a 10 ans, cette année, il y a deux ans.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lecomte.

• (18 h 20) •

Mme Lecomte (France) : Écoutez, c'est assez récent. C'est la conseillère aux communications chez nous qui nous a donné ce chiffre-là. Elle est partie de la population, du nombre de population au Québec qui a 18 ans et plus, et là elle a fait… 18 ans et plus, et là elle a fait le 0,7 % du 18 ans et plus, ce qui donnait 44 000.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Est-ce que vous savez comment ils sont arrivés à ce chiffre?

Mme Lecomte (France) : De la population en général?

Mme de Santis : Non, de 44 000.

Mme Lecomte (France) : Bien, elle a calculé 0,7 % de la population du Québec de 18 ans et plus.

Mme de Santis : Mais comment on est arrivés à 0,7 %, alors?

Mme Lecomte (France) : Ça, c'est le taux de prévalence.

Mme Vincent (Brigitte) : Le taux de prévalence. Il y a eu des recherches qui ont été faites, menées par Sylvia Kairouz et Louise Nadeau, et dont les intervenants du Programme jeu ont participé, ont contribué, O.K.? Alors, c'est sûr que je ne peux pas… C'est vraiment ces personnes-là qui seraient en mesure de vous dire comment a été faite la recherche, mais cette recherche-là a été faite par appel téléphonique sur plusieurs mois. Mais je serais vraiment plus à l'aise si les chercheurs vous présentaient leur méthodologie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : J'aimerais maintenant parler des 400 personnes qui, chaque année, viennent au Centre Dollard-Cormier et que vous traitez. Est-ce que vous pouvez me dire combien ça vous coûte par personne par jour pour traiter une personne qui a un problème de jeu?

Mme Vincent (Brigitte) : Écoutez, ça va être... Parce que tantôt on a entendu la question. Alors, France et moi, on savait que ça nous serait posé. Alors, c'est approximatif, hein, bien entendu, ce n'est rien de scientifique, c'est approximatif, mais, selon nos calculs rapides de tout à l'heure, c'était...

Mme Lecomte (France) : Entre 12 000 $ et 15 000 $, on pense.

Mme de Santis : Par?

Mme Lecomte (France) : Par année, par individu.

Mme de Santis : Par individu. Alors, ce n'est pas par jour, c'est par individu.

Mme Vincent (Brigitte) : Non, non, non, c'est par individu. Par individu. Au niveau...

Le Président (M. Bergman) : S'il vous plaît. S'il vous plaît, une personne à la fois, pour les personnes qui prennent la transcription. Alors, Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Au niveau traitement, hein, mais c'est sûr qu'en plus du traitement, souvent... et, à Dollard-Cormier, les joueurs peuvent aussi aller à d'autres types de thérapie, le psychologue, ou le psychiatre, ou etc., hein? Donc, ça peut être un ensemble de services. Moi, je vous donne qu'au niveau du coût à Dollard-Cormier pour le traitement, mais c'est sûr que, comme je vous disais tout à l'heure, il y a des profils de besoins et des motivations différentes de jouer, et quelquefois, bien sûr, on travaille en réseau avec les psychiatres, avec, bon, avec d'autres professionnels. Alors, ces coûts-là, je ne peux pas vous les dire.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste 1 min 30 s.

Mme de Santis : O.K. Dans un article dans la Gazette du 21 mai… c'est Brenda Shanahan qui a écrit l'article, elle fait référence à un chiffre qu'elle a de Loto-Québec, que Loto-Québec a obtenu d'une étude faite à l'Université Concordia en 2009 : 70 % des adultes québécois avaient joué au moins une fois… et que la moyenne pendant l'année était plus que 700 $ par personne.

Le Président (M. Bergman) : Une réponse, s'il vous plaît, dans une minute.

Mme Vincent (Brigitte) : Oui, c'est exact. C'est des chiffres qu'on connaît.

Mme de Santis : Et l'alcool dans les aires de jeu peut que faire que ce montant de 700 $ soit plus élevé.

Mme Vincent (Brigitte) : C'est notre croyance et notre... C'est ce que nous pensons, avec les données que nous connaissons au niveau clinique, au niveau du comportement humain. C'est des hypothèses, bien sûr. Il faudra que ça soit confirmé par les chercheurs, mais, au niveau de notre compréhension clinique et humaine, oui, on pourrait le penser.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Ceci met fin à ce bloc. Alors, Mme la députée de Groulx, pour un bloc de six minutes.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci d'être présents. Je voulais vous référer à une étude qui est citée dans le livre de l'Institut national de santé publique du Québec , à la page 188, où il est mentionné que «la disponibilité d'alcool dans les lieux de jeu est unanimement réputée nuire au contrôle» des habitudes de jeu, car il s'agit d'un désinhibiteur reconnu. Alors, ça, c'est tiré d'une étude de Crockford et el-Guebaly, 1998, et de Baron et Dickerson , 1999. «Les résultats de recherche démontrent que la consommation d'alcool prolonge la session de jeu, accentue la prise de risque et amplifie les pertes financières. Des restrictions d'accès à l'alcool représentent une mesure préventive d'importance.» Alors, selon l'expertise que vous avez dans votre centre et les chercheurs, bon, qui sont avec vous, est-ce que vous avez validé ces hypothèses-là et ces études-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Absolument. Je pense que, selon le suivi qu'on fait auprès des joueurs, eux-mêmes nous disent que l'alcool nuit aux objectifs qu'ils s'étaient mis et amplifient les symptômes du jeu pathologique. Alors, nous sommes tout à fait en accord avec ce que vous...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Tout à l'heure, dans votre allocution, vous avez précisé certaines caractéristiques de votre clientèle, et, bon, on avait entendu ce matin qu'on essayait d'aller récupérer des gens qui vont jouer en ligne ou jouer à l'extérieur. Il semble, selon ce que vous avez décrit tout à l'heure, que ce ne sont pas les caractéristiques de votre clientèle.

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Merci. Selon les intervenants, ce n'est pas la majorité de notre clientèle qui va dans les sites illégaux, non, alors qu'une mince partie des joueurs que nous desservons fréquente le jeu illégal.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Alors, l'argument qu'on nous sert depuis le début de la journée, de dire : On veut rapatrier cette clientèle-là dans le casino et leur offrir de l'alcool aux tables, dans un milieu plus sécuritaire, pour vous, ça ne tient pas la route. C'est ce que je comprends?

Le Président (M. Bergman) : Mme Vincent.

Mme Vincent (Brigitte) : Attendez. Ça ne tient pas la route pour les 400 qu'on suit, O.K.? Je ne peux pas m'exprimer pour tous les joueurs pathologiques parce qu'il y a une partie des joueurs pathologiques qui ne consultent pas, hein? Alors, il y a 7 % des joueurs pathologiques qui consultent. Mais on peut penser qu'à Dollard-Cormier ceux qui consultent, pour passer au-delà de la... des fois, des difficultés à demander de l'aide et de la stigmatisation que ça peut amener, c'est des personnes qui ont un problème important de jeu pathologique. Alors, pour ces personnes-là, je peux répondre que oui, que c'est... ils ne fréquentent pas.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Alors, dans le fond, la situation actuelle du casino, qui est quand même reconnue puis qui a été... où on a un endroit suffisamment sécurisé à l'abri de l'alcool dans les aires de jeu, pour vous, est beaucoup plus sensée que de permettre l'alcool dans les aires de jeu dans les casinos?

Mme Vincent (Brigitte) : Bien sûr, parce qu'on s'en sert, du casino, même au niveau de nos plans d'intervention et de réduction des méfaits, hein? Les personnes qui fréquentent les bars avec les appareils de loterie vidéo, quand ils sont dans le désir de contrôler leur jeu, mais pas encore dans l'arrêt, hein, parce que nous sommes en réduction des méfaits, et on suit le joueur dans son cheminement, on va prendre souvent le moyen de... Comme ça, on est sûrs que l'alcool ne sera pas présent lors de son épisode de jeu.

Alors, comme je vous disais tout à l'heure, il y a un joueur qui a les deux problématiques et qui veut arrêter de boire mais continuer avec un jeu contrôlé, va au casino parce que l'alcool est moins accessible qu'avant, dans son jeu, où il allait dans les bars. Alors, vous voyez que, même pour nous, au niveau de notre plan d'intervention, des fois, on se sert du casino pour répondre aux besoins de ces usagers-là qui sont en réduction des méfaits. Donc, le fait qu'ils aillent au casino sans consommer, leur jeu est plus contrôlé, et ils ont plus de facilité à respecter un peu l'entente qu'ils ont prise eux-mêmes avec leur intervenant de jouer tant d'argent et après ça de quitter, hein, donc de protéger un peu l'argent pour la nourriture ou les études des enfants.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste une minute.

Mme Daneault : Merci. Alors, ça, c'est très important, ce que vous venez de dire là, pour moi, dans le sens où actuellement même le casino, dans la forme où il est, fait partie d'un plan de traitement, alors que, si on ajoute l'alcool, on ne pourra plus l'utiliser comme plan de traitement pour cette clientèle...

Mme Vincent (Brigitte) : Pour certains de nos clients, hein...

Mme Daneault : ...pour cette clientèle-là.

Mme Vincent (Brigitte) : ...qui sont en réduction de méfaits puis qu'un des éléments de risque est justement parce qu'ils consomment de l'alcool. Donc, d'aller au casino, c'est un élément protecteur.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci, M. Thibault, Mme Vincent, Mme Lecomte. Merci pour votre présentation, merci d'être avec nous ici aujourd'hui.

Collègues, je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au jeudi 30 mai à 15 heures. Merci. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 30)

Document(s) related to the sitting