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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Monday, December 2, 2013 - Vol. 43 N° 67

Clause-by-clause consideration of Bill 52, An Act respecting end-of-life care


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Véronique Hivon

Mme Stéphanie Vallée

M. Yves Bolduc

Mme Marguerite Blais

Mme Denise Trudel

Journal des débats

(Quatorze heures quatre minutes)

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue) remplace Mme Proulx (Sainte-Rose); Mme Champagne (Champlain) remplace M. Villeneuve (Berthier); Mme Trudel (Charlesbourg) remplace Mme Daneault (Groulx).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Bergman) : Merci. Alors, collègues, lors de l'ajournement de nos travaux, vendredi dernier, nous discutions de l'article 26. Je vous rappelle que nous avons suspendu l'étude des articles 3, 8.1 et de l'amendement à l'article 26. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, quand on s'est quittés vendredi, on était dans le coeur de nos discussions sur l'article 26. Je ne sais pas comment mes collègues veulent procéder, s'ils souhaitent que nous discutions de l'amendement qui avait été demandé. Donc, on a préparé un amendement. Je vais juste peut-être expliquer les nuances.

Alors, comme on proposait de le rédiger à l'origine, on proposait de dire d'entrée de jeu «seule une personne en fin de vie» et ajouter toutes les conditions qui étaient déjà prévues. Là, il y a eu deux demandes, donc la demande du député de Jean-Talon, qui souhaitait que nous séparions, au 1°, certaines des conditions pour qu'elles ne se retrouvent pas toutes dans le même alinéa, donc le fait qu'elle soit majeure, apte à consentir aux soins et une personne assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie, et il y a le député d'Orford qui, lui, se questionnait à savoir si, en disant «seule une personne en fin de vie», cela voulait dire que c'est le médecin qui devait évaluer que la personne était en fin de vie. Alors, sur ce, c'est notre compréhension que, tel que nous suggérions de le libeller, soit «seule une personne en fin de vie qui satisfait aux conditions suivantes», le «en fin de vie» devait effectivement faire l'objet d'une évaluation par le médecin. Mais, ceci dit, on est ouverts à le mettre comme une condition au même titre que les autres si l'opposition préfère cette voie-là, comme ce qui semblait être le cas lorsqu'on a ajourné nos travaux. Mais peut-être que ça a cheminé de part et d'autre. La réserve, qu'on avait, que j'ai encore un peu, mais je peux voir les avantages d'un autre côté, la réserve, c'est que, comme je l'ai dit, c'était un petit peu un pléonasme législatif, puisque toute notre loi, partout, elle est sur les personnes en fin de vie. Ça va de soi. On avait décidé de l'introduire parce que certains nous avaient fait le commentaire qu'on disait seulement «une personne». Donc, on avait tout à fait fait le choix de l'introduire. Mais là c'est sûr que, si on le met comme une condition, ça fait peut-être un petit peu drôle parce que, dans l'ensemble des autres articles, on n'en parle pas comme d'une condition mais comme un état de fait. Il faut que la personne soit en fin de vie.

Ceci dit, compte tenu des questionnements de l'opposition et évidemment d'une volonté d'avoir l'article le mieux défini et le plus clair possible à sa lecture même, compte tenu du fait que le député d'Orford se questionnait à savoir si on ne devrait pas être plus clairs pour que ça soit vraiment limpide que c'est le médecin qui doit évaluer ça, on y est ouverts. Donc, les légistes m'ont confirmé qu'on ne ferait pas un gros crime législatif en faisant ça, même s'il y a une certaine redondance, c'est certain. Donc, on pourrait l'inscrire parmi les conditions. Donc, l'article 26 se lirait... Je vais y revenir, là, mais on dirait : «Seule une personne — donc, on reviendrait à l'ancien libellé — qui satisfait aux conditions suivantes…» Puis, dans l'énumération, on dirait que la personne «est en fin de vie». Donc, c'est comme ça qu'on retrouverait la condition. On peut en faire la discussion aussi, là. On avait un peu fait le tour des différentes options.

L'autre élément, qui était la demande du député de Jean-Talon de séparer les trois éléments qui sont au 1° de l'article 26, nous, on irait pour une solution mitoyenne, comme je l'avais déjà annoncé. Donc, on dirait que la personne est «assurée». Ça, ça ferait une condition au sens de la loi. Puis ensuite on mettrait «majeure et apte à consentir» dans une condition pour les raisons que j'avais expliquées, donc à savoir que c'est comme ça que c'est prévu au Code civil, et ça va ensemble, c'est deux conditions qui se rapportent à la personne, à des caractéristiques de la personne en elle-même. Donc, je ne sais pas s'il y a une volonté de discuter davantage avant que je dépose l'amendement ou si on souhaite que je dépose… et que nous discutions sur la base de l'amendement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre, il serait préférable que vous déposiez l'amendement, puisque les parlementaires peuvent le voir et l'étudier ensemble. Alors, est-ce que vous voulez déposer l'amendement?

Mme Hivon : Il faudrait retirer l'autre amendement.

Le Président (M. Bergman) : Oui, on peut retirer l'amendement qui a été suspendu et déposer le vôtre, si vous voulez.

Mme Hivon : Parfait. Puis, avant de le déposer, je veux juste préciser qu'il y avait... Nos collègues nous avaient déposé un amendement, là.

Une voix : ...

• (14 h 10) •

Mme Hivon : Oui, c'était un document de discussion. Donc, nous avions regardé un document de discussion. Puis en fait la différence est que nous ne répéterions pas que c'est consigné à son dossier médical parce que ça va être prévu dans les articles suivants, comme je l'avais exposé… 30 et suivants, que le médecin va devoir venir consigner que toutes les conditions... va devoir évaluer que toutes les conditions sont remplies puis doit le consigner. Donc, ce ne serait pas nécessaire. Alors, sur ce...

Le Président (M. Bergman) : Alors, est-ce qu'on peut avoir…

Mme Hivon : On va déposer l'amendement?

Le Président (M. Bergman) : ...que l'amendement soit déposé?

Mme Hivon : On l'a.

Le Président (M. Bergman) : Alors, je vais suspendre pour quelques instants pour permettre... L'amendement pourra être donné à chaque membre de la commission. Je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 11)

(Reprise à 14 h 12)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme la ministre, pour être un peu formels, est-ce que vous pouvez retirer l'amendement que vous avez fait à l'article 26 et déposer l'amendement à l'article 26? Alors, on peut étudier votre amendement.

Mme Hivon : Alors, M. le Président, je vous demanderais de retirer l'amendement qui avait été déposé à l'article 26 pour le remplacer par le suivant. Donc, le nouvel amendement se lirait ainsi : Remplacer l'article 26 du projet de loi par le suivant :

«26. Seule une personne qui satisfait aux conditions suivantes peut obtenir l'aide médicale à mourir :

«1° elle est une personne assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29);

«2° elle est majeure et apte à consentir aux soins;

«3° elle est en fin de vie;

«4° elle est atteinte d'une maladie grave et incurable;

«5° sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;

«6° elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables.

«La personne doit, de manière libre et éclairée, formuler pour elle-même la demande d'aide médicale à mourir au moyen du formulaire prescrit par le ministre. Ce formulaire doit être daté et signé par cette personne.

«Le formulaire est signé en présence d'un professionnel de la santé ou des services sociaux qui le contresigne et qui, s'il n'est pas le médecin traitant de la personne, le remet à celui-ci.»

Alors, voilà, M. le Président. J'ai expliqué d'entrée de jeu les modifications qui étaient apportées via cet amendement. Et je souligne simplement que la question de la personne qui était dans un état d'incapacité de signer le formulaire n'a pas disparu, car nous avons reçu, en fin de semaine, des courriels de personnes qui suivent assidûment nos travaux — c'est très réconfortant, je ne sais pas si les députés de l'opposition ont reçu le même courriel — mais qui s'inquiétaient de savoir où était rendue cette disposition. Donc, elle va être là. C'est simplement qu'on a choisi d'en faire un article distinct pour fins de clarté. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a des commentaires à l'amendement que la ministre a déposé sur l'article 26? Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. Évidemment, pour nous, la fin de vie est... le fait de mettre la fin de vie comme une condition à pouvoir faire une demande… de pouvoir formuler une demande d'aide médicale à mourir, je pense que c'est important.

Même si nous sommes à l'intérieur d'un projet de loi qui vise la fin de vie en général, je crois que, pour les fins bien spécifiques de l'aide médicale à mourir, l'importance d'inclure cette condition-là comme étant sine qua non à la possibilité de faire, de formuler une demande d'aide médicale à mourir est importante, importante pour la suite des choses mais surtout importante dans toute la question pédagogique du projet de loi. Lorsqu'il sera question d'expliquer et, advenant l'adoption du projet de loi, lorsqu'il sera temps d'expliquer aux gens ce qu'est, ce que constitue l'aide médicale à mourir, il sera aussi très clair que cette aide médicale à mourir là n'est pas pour tout le monde. Ce n'est pas un soin général qu'on offre à quelqu'un qui a le mal de vivre. Parce qu'on entend plein de trucs. Dernièrement, là, surtout au cours de la dernière semaine, on a entendu des gens qui se sont préoccupés de dérives potentielles. Et plus on va encadrer les conditions de base, plus ces conditions-là seront claires, plus ça permettra de rassurer ceux et celles qui ont manifesté certaines craintes. Alors, pour moi, c'est très important. Et j'apprécie qu'on ait pu l'indiquer comme étant une condition… essentielle, pardon, nécessaire et essentielle à la formulation de cette demande-là. Et ça va contribuer peut-être à une meilleure acceptation aussi face à ceux qui émettaient des craintes.

Donc, l'état de fin de vie qui sera consigné et qui devra faire l'objet d'une évaluation par le médecin et ainsi que l'ensemble des autres conditions qui devront, chacune d'elles, être respectées.

Lorsque nous avions suspendu nos travaux, vendredi, j'avais soulevé une question, à savoir : Est-ce qu'on devait utiliser «seule une personne qui satisfait aux conditions suivantes» ou bien «à chacune des conditions suivantes» dans le texte? Est-ce que ce serait plus clair, tout ça, gardant en tête évidemment l'objectif de pédagogie qui va avec les démarches qui vont suivre dans les prochains mois? Donc, peut-être que, du point de vue législatif, nos légistes nous diront que ce n'est pas nécessaire. Je crois personnellement que «seule une personne qui satisfait à chacune des conditions suivantes» me semble plus strict qu'«aux conditions suivantes», même si, bon, je comprends, là, on s'entend, d'un point de vue législatif, c'est la même chose, c'est un synonyme. Mais, entre les deux, j'aurais un penchant pour «à chacune des conditions suivantes». Pour moi, ça permettrait de vraiment souligner doublement qu'il n'est pas question de passer à côté d'une seule des conditions. Il faut, pour pouvoir formuler cette demande-là et pour pouvoir obtenir l'aide médicale à mourir, il faut vraiment satisfaire à chacune des conditions. S'il y en a une qui n'est pas là, désolé, on ne peut pas demander l'aide médicale à mourir. Donc, si on n'est pas assuré par l'assurance maladie puis qu'on correspond à tous les autres critères, on ne peut pas. Si on n'est pas majeur, on ne peut pas. Si on n'est pas apte à consentir aux soins, on ne peut pas. Si on n'est pas en fin de vie, on ne peut pas. Si on n'est pas atteint d'une maladie grave et incurable, on ne peut pas. Et, s'il n'y a pas de déclin avancé dans la situation médicale puis des capacités, on ne peut pas. Puis, s'il n'y a pas de souffrance physique, psychique constante, insupportable, on ne peut pas.

Donc, chacune des conditions doit être respectée. Pour moi, ce serait important, là. En fait, je pense que c'est essentiel. Puis le «aux», il n'est pas assez fort. Le terme n'est pas, à mon humble avis, là, assez fort. Et, pour moi, le texte doit être d'une clarté absolue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (14 h 20) •

Mme Hivon : Bien, on a fait une vérification. Donc, l'expression consacrée, c'est «aux conditions suivantes». Je veux le dire, là, ça veut dire effectivement toutes les conditions, il n'y a pas de doute là-dessus.

Toutes les conditions doivent être remplies de manière cumulative pour qu'une personne puisse demander l'aide médicale à mourir. Donc, ça, c'est clair. Je vous dirais, peut-être si ça peut rassurer, mais je veux entendre si ça ne rassure pas… mais «aux conditions suivantes», évidemment il est écrit au pluriel, donc c'est certain que ça veut dire que c'est des conditions. Et ça ne serait pas logique après de se dire : O.K., s'il y en a plus qu'une, c'est lesquelles?, puis il va falloir en additionner. Donc, je pense que ça va de soi quand on le lit. Comme c'est le cas en général dans la législation, quand il y a plusieurs conditions, on parle «aux conditions suivantes», «dans les conditions». Donc, c'est ce que je pourrais dire à la collègue pour la rassurer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre, vous avez complété votre intervention?

Mme Hivon : Oui, à ce stade-ci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je comprends qu'on utilise le pluriel : «aux conditions». Mais, si, par exemple, une personne devait satisfaire à cinq des six conditions, ce n'est pas… Le texte, à mon avis, n'est pas clair au point de dire que chacune des conditions doit être respectée, parce qu'on pourrait théoriquement dire : Je satisfais à cinq des conditions, et là, bon, je fais une demande, je formule une demande d'aide médicale à mourir, on me dit non, là c'est porté devant la commission, là il y a une interprétation qui est plus large, qui n'est pas nécessairement restrictive, je ne sais pas. Il faut toujours envisager la petite exception qui pourrait survenir en cours de route. Et c'est pour ça que je me dis : Par exemple, est-ce qu'on pourrait, sur cette base-là, dire : Cinq conditions, c'est suffisant ou bien ça va… Je comprends, la ministre hoche de la tête en voulant dire : Non, non, ce n'est pas ce qui est l'esprit derrière la rédaction. Et je le comprends, je comprends que l'esprit derrière la rédaction… et c'est pour ça que je suggère qu'on utilise «qui satisfait à toutes les conditions suivantes», ou «à chacune des conditions suivantes», ou… Mais simplement je l'ajouterais, qu'il y a peut-être lieu de… on doit respecter six conditions pour pouvoir bénéficier de l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ça va, M. le Président. Nous allons acquiescer à la demande de la députée, nous allons mettre «à toutes les conditions suivantes».

Mme Vallée : J'apprécie beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce que vous allez déposer l'amendement?

Mme Hivon : On va retirer notre amendement puis on va…

Le Président (M. Bergman) : Merci. Je suspends pour…

Mme Hivon : On peut peut-être discuter avant sur la base de ça, là.

Le Président (M. Bergman) : Je suspends pour quelques instants pour…

Mme Hivon : Non, non. Si ça va…

Le Président (M. Bergman) : On va continuer.

Mme Hivon : …on va faire la discussion.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Moi, je comprends, mais, juste pour l'expliquer, quand moi, je le lisais… En médecine, souvent, c'est rare qu'une pathologie va remplir toutes les conditions. Ça fait que, quand les médecins lisent ça, je suis certain qu'il y en a qui interpréteraient : S'il en manque une, en tout cas il y en a cinq sur six, c'est correct. Donc, en mettant «toutes les conditions»… Puis j'apprécie que la ministre ait accepté qu'on puisse le mettre. Parce que, nous, dans notre tête, quand on regarde, c'est souvent : Ce n'est pas tout au complet, mais, s'il en manque une, bien on peut vivre avec, en autant que les cinq soient remplies, tandis qu'en mettant «à toutes les conditions», là, je pense que… «à toutes les conditions»… puis je n'aurais pas rajouté «sans exception», parce que ça en ajouterait trop.

Mais il reste qu'à la fin, là, pour vous montrer qu'on est des gens de compromis, on aurait dû proposer ça d'emblée puis enlever «sans exception», mais, «à toutes les conditions», je pense que c'est suffisant puis j'apprécie. Moi aussi, je voyais qu'il y avait une nuance à apporter.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Je n'ai pas réellement tout entendu tout à l'heure, quand a la ministre a parlé du deuxième paragraphe, de la sixième proposition, là… je ne sais pas si on dit proposition, mais «signé par cette personne». Est-ce que vous avez parlé que la personne doit, de manière libre et éclairée, formuler par elle-même la demande d'aide médicale à mourir au moyen du formulaire prescrit par le ministre, ce formulaire doit être daté et signé par cette personne? Est-ce que la ministre, M. le Président, a mentionné tout à l'heure qu'elle était pour revenir là-dessus, que des gens avaient transmis un courriel? Parce que, moi, ça me préoccupe, ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ce que j'ai dit, c'est que, dans la version originale, on parlait que, si la personne était dans une incapacité de signer elle-même, un tiers pourrait le signer, et donc ce n'est pas disparu. Bien que ce n'est plus à l'article 26, ça va être dans l'article suivant. On en fait un article indépendant pour que le principe soit là très clairement. Donc, c'est ça que j'ai apporté comme précision.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Et qu'on puisse aussi respecter les personnes qui, verbalement, ne peuvent pas dire les choses, et ces personnes ont besoin d'interprètes. Donc, on va revenir là-dessus aussi?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : On va revenir là-dessus. On va revenir là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, je suis très satisfait de voir l'article, la façon dont il est rédigé. Là, la question : Est-ce qu'on peut regarder chacun des critères? Parce que j'aurais aimé ça qu'on puisse en parler un peu. Parce que, je tiens à le rappeler, l'article 26, c'est le coeur du projet de loi, tu sais. Si vous regardez la nouveauté dans le projet de loi, c'est l'aide médicale à mourir. Je pense, ça serait intéressant de pouvoir prendre 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6° sans faire une grande extension de discussion parce que je trouve que ça serait important d'expliquer pourquoi chacun des éléments est là, pour fins d'interprétation par la suite, là. Je ne sais pas si la ministre serait d'accord, mais qu'on prenne le temps de vraiment les faire un en arrière de l'autre. Puis, plutôt que d'aller de l'un à l'autre de façon non organisée, moi, j'aimerais mieux y aller de façon organisée. Je pense que les gens commencent à comprendre que ma pensée est linéaire et organisée.

Le Président (M. Bergman) : Alors, sur la suggestion qu'on va alinéa par alinéa, on peut commencer avec l'alinéa d'introduction, si ça vous plaît, pour étudier cet alinéa, après aller aux paragraphes 1°, 2° à 6° et, après ça, les derniers deux alinéas. On peut commencer avec le premier alinéa qui commence «seule une personne». Alors, on peut commencer avec cet alinéa.

Alors, juste pour discussion, est-ce qu'il y a des commentaires sur le premier alinéa qui commence «seule une personne qui satisfait aux conditions suivantes peut obtenir l'aide médicale à mourir»? Est-ce qu'il y a des commentaires? M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Moi, c'est une question pour la ministre, puis je pense que je connais la réponse, mais j'aimerais ça qu'elle soit dite publiquement. Pourquoi on a décidé de limiter l'accès de l'aide médicale à mourir aux gens qui ont un numéro… ou une carte d'assurance maladie où que c'est inscrit à la Régie de l'assurance maladie du Québec?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Comme on en a discuté vendredi, M. le Président, cette condition-là est là clairement pour que ce soit limpide que cette loi… que cette possibilité d'obtenir l'aide médicale à mourir est limitée aux personnes, donc, qui sont, dans le sens général, résidentes du Québec, donc qui sont assurées en vertu de la Loi sur l'assurance maladie. Donc, c'est pour éviter bien sûr le tourisme médical. Donc, par exemple, des personnes souhaiteraient venir au Québec dans le seul but d'obtenir ce soin spécifique de l'aide médicale à mourir. Donc, c'est pour ça qu'on a souhaité inscrire noir sur blanc cette condition.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : …alinéa, n'est-ce pas…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Premier alinéa, oui, oui.

Le Président (M. Bergman) : …que j'ai une question sur cet alinéa aussi, ici.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Merci, M. le Président. Juste une question de discussion, parce que je ne pense pas qu'il fallait nécessairement répondre à ça. Advenant le cas qu'on ait quelqu'un qui est un Québécois, qui est né au Québec, sur trois ou quatre générations, puis qu'il vit aux États-Unis depuis environ 10 à 15 ans, il arrive en fin de vie… Est-ce qu'il aurait été possible de prévoir que ces gens-là puissent avoir un retour plus rapide au Québec et, même s'ils n'ont pas fait le délai de trois mois pour avoir un numéro d'assurance maladie, qu'on puisse leur donner l'accès à l'aide médicale à mourir compte tenu qu'ils ont fait une grande partie de leur vie au Québec… originaires du Québec… lorsqu'arrive ce service de fin de vie, que ce ne soit plus accessible parce qu'ils sont allés demeurer à l'extérieur?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : M. le Président, on voit mal comment on pourrait, je dirais, changer la règle générale qui est celle de la Loi sur l'assurance maladie, en fait qui s'applique pour tous ces cas-là où quelqu'un serait parti du Québec depuis de très, très nombreuses années, parce que c'est la même chose : cette personne-là va revenir et puis, si, la semaine suivante, elle désire avoir des soins, elle a besoin d'une chirurgie, tout ça… Il peut y avoir toutes sortes de situations importantes, et la règle est toujours la même. Donc, on ne veut pas changer la règle pour la question, donc, de l'aide médicale à mourir ou pour les soins de fin de vie. Donc, c'est la règle générale qui s'applique.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (14 h 30) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, on sait qu'il y a un endroit frontalier avec l'Ontario, la région de Gatineau, où est-ce qu'il y a beaucoup de communications entre les deux provinces. Y a-tu une façon de s'assurer que les gens de l'Ontario ne viendront pas chercher le service au Québec? C'est seulement que sur le principe qu'ils n'ont pas de numéro d'assurance maladie. Et, si quelqu'un de l'Ontario décidait, en sachant qu'il a un cancer, qu'il va mourir dans… ou encore une sclérose latérale amyotrophique, il demeure en Ontario puis décidait de dire : Moi, je vais avoir accès au service lorsque… si je demeurais au Québec… Est-ce qu'on peut penser que ces gens-là pourraient venir habiter au Québec sur le principe qu'un jour ils vont pouvoir avoir ce service? Et, la deuxième question, ça va prendre absolument leur numéro d'assurance maladie, donc ils n'ont pas le choix de venir demeurer au Québec pour avoir l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Effectivement, M. le Président, c'est la même règle que pour tout. Donc, on ne souhaite pas faire aucune exception pour cette question-là, mais, inversement, si quelqu'un déménage au Québec, on ne peut pas rentrer dans la tête de la personne la raison fondamentale pour laquelle la personne aurait déménagé. Mais évidemment ça va vouloir dire qu'il va falloir qu'elle soit ici assez longtemps pour pouvoir obtenir, donc, l'assurance ou… selon les normes qui sont prévues à la Loi sur l'assurance maladie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : En fait, ça soulève une question, parce que dans la circonscription chez nous, puis chez mes collègues, on a énormément de résidents ontariens qui ont des résidences secondaires qui s'apparentent davantage à des résidences permanentes, là. Et donc est-ce qu'on sait le temps qui est requis pour quelqu'un qui choisit, du jour au lendemain, de dire : Bien là, ma résidence principale, c'est la résidence que j'ai au bord du lac Untel, là, le chalet ou le… Et, entre le moment où la personne… parce que ce n'est pas un déménagement physique et nécessaire, mais faire un changement pour décider du jour au lendemain que… bon, l'état de santé s'est dégradé, l'Ontario n'offre pas ce soin-là ou cet acte médical là, il n'est pas pratiqué en Ontario, et donc on va décider de s'installer de façon permanente au Québec. Pour ces gens-là, ça n'implique pas nécessairement de gros déménagements, là, on comprend, les chalets sont des maisons, c'est habitable quatre saisons. Pour bien des gens, là, ils passent quand même pas mal de temps là.

Donc, ça prend combien de temps, formuler une demande? Puis est-ce qu'il y a un processus particulier pour que ces gens-là puissent obtenir ce soin-là ou est-ce qu'on a envisagé ce type de situation qui pourra vraisemblablement survenir? Parce que je sais qu'il y a bien des gens qui regardent nos travaux, qui regardent ce qui se passe ici et qui ont manifesté un intérêt. Moi, je vous le dis, il y a des villégiateurs de ma circonscription qui regardent ça et qui manifestaient de l'intérêt. Donc, ce que soulevait mon collègue tout à l'heure, là, ce n'est pas de la science-fiction, c'est une réalité chez nous, en Outaouais, qui est très présente.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Avant d'entrer dans le coeur de la question, je veux juste dire que cet intérêt-là qui est manifesté ailleurs devrait, je pense — petit commentaire — nous faire réaliser à quel point on a quand même un privilège d'être rendus où on en est au Québec et de débattre de cette question-là parce que je pense que ça concerne effectivement tous les gens, et il y a beaucoup de gens qui sont très heureux de voir qu'au Québec on est rendus là dans le débat et que ça va devenir, si cette loi devient réalité, une possibilité. Et je sais, pour le vivre et pour recevoir aussi beaucoup de correspondance d'autres endroits au Canada, qu'il y a beaucoup d'intérêt.

Donc, ceci dit, pour ce qui est de la question plus pointue, c'est trois mois, la règle qui est dans le règlement qui découle de la Loi sur l'assurance maladie. La personne doit donc vivre au Québec depuis trois mois. Comment ça s'apprécie? Bien, c'est toujours les questions de résidence. Comment ça s'apprécie, là? Ça s'apprécie par l'intention de la personne. Il faut que ça soit la résidence principale de la personne et bien sûr qu'elle réside au Québec, que ce soit son intention. Là, évidemment, il y a toute une question de preuves, et je pense que ce n'est pas ça, l'intérêt, à ce stade-ci, là. Mais, dans des cas complexes où il y a des contestations, où on pourrait voir s'il y a des problèmes particuliers, où des gens soulèvent une question particulière, ce qui va guider l'interprétation, c'est de savoir si c'est devenu, par exemple, dans le cas que vous soulevez, la résidence principale de la personne ou si, dans le fond, elle fait ça uniquement dans ce but-là, si vraiment, maintenant, elle réside au Québec. Et le délai, c'est vraiment trois mois.

Donc, il faut que la personne soit déménagée, donc c'est un déménagement pour s'établir au Québec, et qu'elle y soit depuis trois mois.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. L'émission de la carte, c'est un délai. Ça prend combien de temps? Donc, si quelqu'un dit : Bon, aujourd'hui, je formule une demande à la Régie de l'assurance maladie afin de pouvoir être assuré, le délai de traitement, on parle d'un délai de combien de temps?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je vais m'informer, car je n'ai pas la réponse, et ma collègue va s'informer aussi. Mais juste dire que, par exemple, la personne peut faire sa demande à la RAMQ avant, elle n'a pas à attendre que ça fasse trois mois. Elle peut dire : Moi, ça fait un mois, c'est mon intention de, je fais ma demande, mais elle ne l'aura pas avant que ça fasse trois mois.

Pour ce qui est du temps que ça peut prendre, je vais vous revenir sur cette question-là, là, je ne le sais pas.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je pense que ce serait un sujet important, parce que, si on prend le cas de Sue Rodriguez, qui, elle, était… ils sont même allés jusqu'en Cour suprême pour avoir l'autorisation d'avoir l'aide médicale à mourir. Puis on comprend qu'au Québec l'aide médicale à mourir ne sera plus... pas l'aide médicale à mourir, mais le suicide assisté ne sera plus pertinent, parce qu'on va pouvoir offrir l'aide médicale à mourir. C'est deux phénomènes différents, mais il reste que c'est la même finalité. Mais j'imagine que quelqu'un comme Sue Rodriguez, qui est en Colombie-Britannique, sachant qu'au Québec c'est disponible… On a même des gens qui vont en Suisse pour avoir l'euthanasie. J'imagine qu'au Québec on va avoir ce phénomène-là qui ne sera pas majeur. Puis, pour moi personnellement, ce n'est pas une contrainte au projet de loi, mais on va certainement avoir des gens d'autres provinces qui vont venir ici, qui vont demander à résider un certain temps, qui va être probablement plus que trois mois, pour pouvoir justement avoir l'aide médicale à mourir puis bénéficier de l'aide médicale à mourir. Puis, ce qu'on peut voir, les autres provinces sont loin de vouloir adopter cette mesure.

Ma question, c'est : Serait-il pertinent dans nos indicateurs qu'on puisse savoir les personnes qui se seraient inscrites au Québec à la Régie d'assurance maladie du Québec dans la dernière année, je n'irais pas plus loin que ça, et qui ont demandé l'aide médicale à mourir dans l'année qui suive? Donc, ce seraient des adultes. Ça nous permettrait juste de mesurer le phénomène. Puis ce n'est pas pour m'objecter à ça, parce que je pense qu'un citoyen canadien... On est des citoyens canadiens également. On peut aller s'installer dans n'importe quelle province, je pense que c'est sans contrainte. Mais ça serait intéressant de mesurer le phénomène. Je ne sais pas si la ministre y a pensé. Je ne mettrais pas ça dans la loi, mais ce serait un point important pour être capables de mesurer le phénomène des gens qui, à l'intérieur d'une année qu'ils ont reçu leur numéro d'assurance maladie du Québec, demandent l'aide médicale à mourir. Ça fait que, si, un exemple, il y en a 50 par année, on va savoir qu'il y a 50 personnes du reste du Canada qui viennent au Québec probablement pour venir chercher ce service. Ça fait que ça nous permettrait de mesurer l'ampleur, là, de… je ne dirais pas «du problème», mais l'ampleur de la situation.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Je pense que ce n'est pas inintéressant comme questionnement. Mais, juste, là, pour ne pas qu'on pense qu'il va y avoir des dizaines et des dizaines de personnes… je pense qu'on est tous... on s'entend tous là-dessus, mais ce n'est pas le simple fait de venir, par exemple, passer trois mois ici qui va faire en sorte que vous allez être éligibles. Il va falloir que vous déménagiez, donc que vous résidiez désormais ici, au Québec. Donc, ça se prouve quand même de manière un petit peu plus établie que de dire : Bon, on va déménager, on va aller rester, par exemple, à l'hôtel en attendant que notre période de trois mois... On n'est pas dans ces eaux-là, là. Donc, il faudrait qu'il y ait une volonté très, très forte. Je ne dis pas que c'est impossible, évidemment. On sait qu'il y a des gens qui pourraient avoir une volonté très, très forte à cet égard. Et puis, oui, ce n'est pas inintéressant. On pourrait voir — avec les mécanismes qu'on a de toute façon, on pourrait aller chercher l'information, comme on l'a déjà vue — si on pourrait colliger la donnée.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (14 h 40) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Ma collègue me disait que, justement, ce serait peut-être un des indicateurs que la commission devrait avoir. Et, juste pour vous dire, l'intention de ma question, c'est... Je pense aussi que ça va être un phénomène très marginal, mais, quand on mesure, ça va nous donner la situation réelle et ça va peut-être aussi dire si c'est seulement que marginal. Par exemple, si on n'a aucune personne ou trois ou quatre personnes par année, bien on va pouvoir dire que ce n'est pas un phénomène qui est significatif, donc, objectivement, ce n'est pas significatif. Si jamais il y en a 20, puis ils répondent au critère du déménagement, puis ils ont tout fait, puis la loi canadienne leur permet, puis au Québec on leur permet de venir ici, pour moi, même s'il y en avait 30, pour moi, ce n'est pas un problème non plus. On offre les services aux gens qui demeurent sur notre territoire ou qui ont voulu déménager, même si c'était pour recevoir ça. Mais ça nous permettrait au moins de mesurer l'ampleur — je ne veux même pas utiliser le mot «problème» — du phénomène, l'ampleur du phénomène.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Je reçois ça très bien. Puis j'ai la réponse pour la députée de Gatineau. Donc, la personne reçoit sa carte deux semaines après la date de son admissibilité. C'est rapide.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Très bonne efficacité du… M. le Président? Est-ce que je peux parler, M. le Président? Oui?

Le Président (M. Bergman) : Certainement, M. le député de Jean-Talon. J'ai une question après pour…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous savez comment je suis discipliné, M. le Président, hein, puis que c'est important pour moi de prendre la parole seulement quand vous me la donnez. Parce que je trouve que c'est une belle efficacité de notre système de santé. Si ça prend deux semaines pour avoir la carte d'assurance maladie, ça veut dire que les gens ont un accès rapide aux services.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui, M. le Président. Oui.

Le Président (M. Bergman) : Si je peux demander une question à ce moment, est-ce qu'il y a une condition de résidence, domicile ou… Le député de Jean-Talon parlait de domicile, résidence, mais il n'y a pas de condition de résidence, domicile dans l'article 26.

Mme Hivon : Non. Non, M. le Président, parce que c'est la même condition générale. Donc, la condition, c'est qu'elle est assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie.

Et donc la question était posée, à savoir : Comment, dans le temps, cela se mesure quand une nouvelle personne arrive ici? Et donc, en vertu du règlement qui découle de la Loi sur l'assurance maladie, c'est prévu que c'est après trois mois. Donc, c'est la condition générale. Ce serait la même chose. Qu'importe la condition de la personne, qu'importe le type de soins qu'elle requerrait, ce serait toujours le même standard. Donc, c'est trois mois qui sont prévus dans le règlement parce que c'est un règlement d'application générale, donc, qui va s'appliquer ici aussi.

Le Président (M. Bergman) : Mais, Mme la ministre, c'est vraiment possible que quelqu'un peut venir au Québec établir domicile pour quelques mois, être assuré au sens de la Loi sur l'assurance maladie, après quitter le Québec et habiter hors Québec, hors Canada mais retourner ici un an plus tard, et il n'y a pas de domicile, pas de résidence, mais la personne est assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie. Alors, je me demande… Vous avez mentionné… et le député de Jean-Talon a mentionné «domicile, résidence», vous avez dit la même chose, mais on a vu dans le passé qu'il y a des personnes qui viennent au Québec établir une résidence, peut-être pas un domicile au sens du Code civil, et, après qu'ils ont obtenu la carte d'assurance maladie, quittent le Québec et peuvent retourner ici quelques années plus tard et demander l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est possible?

Mme Hivon : Non, ce ne serait pas possible. C'est déjà la règle. Si quelqu'un vit à l'extérieur du Québec plus de six mois dans l'année, il ne sera plus assuré. Donc, on le voit, là, quelqu'un qui part travailler à l'étranger, après 183 jours, je crois, il n'est plus assuré. Donc, ça, ce ne serait pas possible. Mais c'est la règle générale.

Par exemple, la procréation assistée. Si quelqu'un venait vivre ici, déménageait au Québec parce que… dans ce but-là mais que pour lui c'est tellement important qu'il déménage au Québec, change d'emploi, amène sa famille, conjoint, paie ses impôts ici, bien il serait désormais… la personne serait désormais assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie. Donc, on peut faire un parallèle, là. Donc, ça prendrait une grande volonté. Dans des cas exceptionnels, on peut penser que ça pourrait se produire. Mais la personne ne peut pas venir chercher des services, repartir, revenir. À chaque fois, c'est un nouveau phénomène, là.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a une raison que vous n'avez pas établi des conditions de domicile parmi les conditions?

Mme Hivon : Oui, M. le Président, parce que, comme je l'ai dit depuis l'étude du projet de loi, nous ne prévoyons, dans le projet de loi, évidemment que ce qui est spécifique à la question des soins de fin de vie. Et la question de la résidence, elle est prévue dans le règlement découlant de la Loi de la Régie de l'assurance maladie. Donc, elle est générale pour l'ensemble des soins, l'ensemble des conditions pour qu'une personne puisse être assurée et avoir sa carte d'assurance maladie.

Le Président (M. Bergman) : Dans le premier alinéa, vous avez les mots «peut obtenir l'aide médicale à mourir» et vous n'avez pas les mots «est éligible à obtenir l'aide médicale à mourir». Est-ce que ça veut dire que, si une personne remplit toutes les conditions, le médecin traitant n'a pas le choix mais d'administrer l'aide médicale à mourir? Car vous avez les mots «peut obtenir»; est-ce que ça peut-être défini en faveur du patient, au lieu d'avoir les mots «est éligible à l'aide médicale à mourir»? Est-ce qu'il y a une possibilité pour le médecin traitant, même si le patient remplit toutes les six conditions, que, dans l'opinion du médecin traitant, il refuse de rendre l'aide médicale à mourir pour une autre raison médicale? Mais vous avez les mots «peut obtenir». C'est plus défini que les mots «est éligible».

Mme Hivon : Oui. En fait, la raison pour laquelle c'est libellé de cette manière-là, on va le voir plus tard, c'est que bien sûr c'est une... cela requiert une intervention du médecin. Et on va voir que le médecin qui est en relation peut, oui, administrer l'aide médicale à mourir… à l'article 28, on va voir… s'il est d'avis que la personne satisfait à toutes les conditions avec certains éléments. Donc, ces articles-là doivent être lus ensemble.

Pour ce qui est de la question, à savoir si le médecin va être obligé, comme on en a déjà discuté et on va le voir plus loin, on consacre l'objection de conscience du médecin. Donc, il n'y a aucun médecin qui va être obligé, comme c'est le cas actuel quand un médecin a une objection de conscience par rapport à un soin, de l'administrer lui-même, mais la personne a un droit de le demander si elle répond à l'ensemble des conditions.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres questions concernant la question de l'assurance maladie.

Une voix : Oui...

Mme Vallée : Ah! O.K., parce que je...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, sur le premier paragraphe sur la Loi sur l'assurance maladie.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est juste que je veux juste être sûr d'évacuer ça. Avant qu'on ait la commission, il y avait eu plusieurs reportages sur l'accessibilité de l'euthanasie en Suisse. Et on sait que la Suisse… je pense, on pouvait venir de n'importe où dans le monde, on pouvait avoir accès à l'euthanasie en Suisse. Il n'y avait pas cette condition qu'il fallait être un citoyen suisse. Je comprends que, si on n'avait pas cette condition-là, compte tenu qu'on est les seuls en Amérique du Nord, avec peut-être trois autres États américains, à offrir un service de fin de vie où on provoque la mort, ça aurait pu causer un énorme problème ou même un achalandage. Parce que, si les Américains décidaient de venir ici pour recevoir le service, même s'ils paient de leur poche… c'est ça que la ministre, elle dit qu'elle veut éviter par le tourisme médical de l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui, c'est exactement ça, M. le Président. Juste préciser, c'est toujours intéressant, en Suisse il n'y a pas de loi. En fait, il y a une tolérance, il n'y a pas de loi. Donc, ce n'est pas encadré et c'est ce qui fait en sorte qu'il y a des personnes d'ailleurs qui peuvent y aller. C'est d'ailleurs fortement remis en question. Et, pour ce qui est des États-Unis, il y a quatre États, donc il y a le Vermont, qui est le plus récent, il y a Washington, Oregon et Montana, à ce jour.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Pour terminer. Les Pays-Bas, la Belgique, est-ce que quelqu'un, en Belgique, peut... un Canadien pourrait aller en Belgique et avoir accès à l'euthanasie?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Non, M. le Président, sauf s'il déménage et il développe... Donc, il répond aux critères, mais ils excluent, eux aussi, la possibilité d'avoir des touristes pour des raisons médicales.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, je suis totalement satisfait de cet alinéa.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe un? Alors, le paragraphe 2° : «Elle est majeure [et] apte à consentir aux soins...» Est-ce qu'il y a des commentaires? Mme la députée de Gatineau.

• (14 h 50) •

Mme Vallée : Donc, je comprends qu'ici on ferme la porte à une demande que certains groupes ont formulée et qui... Par contre, bon, il y avait des groupes qui recommandaient qu'on ouvre la porte à ce que l'aide médicale à mourir soit admissible pour les mineurs et pour les inaptes. Je comprends qu'ici on ferme de façon définitive la porte, de façon très claire, non ambiguë, à ce qu'une personne mineure puisse formuler cette demande-là ou à ce qu'un parent puisse formuler cette demande-là pour un enfant mineur et au même titre qu'on ferme la porte à ce que la demande d'aide médicale à mourir soit formulée pour une personne qui est inapte à consentir aux soins.

Tout simplement revenir, pour les fins évidemment de la discussion, là… l'aptitude à consentir aux soins. On a indiqué qu'évidemment quelqu'un qui était sous un régime… Ce n'est pas toutes les personnes qui sont sous un régime de protection qui sont inaptes à consentir aux soins. Quelqu'un qui a un conseiller aux biens, par exemple, un administrateur aux biens n'est pas nécessairement inapte à consentir à l'aide médicale à mourir. Est-ce qu'il y aura une attention particulière accordée à certains cas d'inaptitude, des gens qui ne sont pas… qui font l'objet d'un mandat de protection, qui n'ont pas nécessairement été déclarés complètement inaptes à l'administration de sa personne, qui sont, par exemple… Parce qu'il y a des gens qui sont sur une ligne fine, hein? L'aptitude, ce n'est pas noir, ce n'est pas blanc. Il y a des gens qui ne sont pas en mesure d'administrer leurs biens parce qu'ils vont dilapider tout ce qu'ils ont, parce qu'ils ont des problèmes de toxicomanie, des problèmes de dépendance qui nécessitent que quelqu'un soit là pour les accompagner au quotidien dans l'administration de leurs biens. Mais il y a des gens qui ont ce besoin-là, qui, pour le reste de leur… des choix de vie, bon, sont en mesure de consentir. Mais il y a toujours cette fine ligne entre la personne qui n'est pas tout à fait complètement inapte mais qui n'a peut-être pas toutes ses capacités pour consentir.

Alors, comment on va arriver, surtout dans le contexte de l'aide médicale à mourir, à évaluer l'aptitude? Est-ce que l'aptitude fera l'objet d'une évaluation au même titre, par exemple, que, lorsqu'on demande la mise en place d'un régime de protection, il y a une évaluation psychosociale qui est faite, il y a une évaluation du médecin, il y a des formulaires à remplir avant, par exemple, de se prononcer, de faire une demande de tutelle, de mise sous tutelle ou de mise sous curatelle, il y a toute une série d'évaluations qui sont faites de la personne? Est-ce qu'on va demander à ce que ces évaluations-là soient faites également au niveau de l'aptitude à consentir? Est-ce que l'aptitude à consentir sera reconnue simplement par le médecin à qui on formule la demande ou est-ce qu'elle devra avoir été reconnue par l'équipe de soins qui entoure la personne en fin de vie? Comment on va évaluer ça? Pour certaines personnes, ça va de soi, là, les gens sont aptes, puis c'est clair, il n'y a pas… le médecin pourra facilement le voir, mais il y a des gens qui sont dans cette catégorie très fine entre la capacité puis l'incapacité à prendre des décisions pour elles-mêmes et…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Alors, M. le Président, il y a comme deux types d'évaluation de l'aptitude. Vous avez la personne qui pourrait être généralement apte mais là être dans une situation où elle n'est pas apte momentanément ou vous pourriez avoir le défi d'une personne qui a problème, par exemple, de santé mentale ou de déficience qui fait en sorte que vous n'êtes pas certain de son aptitude de manière générale. Or, la députée l'a très bien exprimé, il y a beaucoup de gens… les gens qui, je dirais, ont un défi ou une déficience intellectuelle depuis la naissance, la plupart de ces personnes-là, la question va s'être posée, à savoir si ces personnes devraient être sous tutelle, sous curatelle aux biens, à la personne.

Donc, ça va être exactement la même logique qui va s'appliquer en fin de vie. Si c'est une personne qui, tout au long de sa vie, n'a pas pu consentir parce qu'on jugeait qu'elle était inapte à consentir aux soins, évidemment la question ne se posera pas, ça va être clairement établi par un régime de protection. Si par ailleurs la personne, elle est apte… elle est généralement jugée apte à consentir aux soins, qui est dans le même état général où elle est habituellement, bien qu'en souffrance et avec une maladie grave et incurable mais qui ne remet pas en cause son aptitude générale, donc elle va pouvoir demander et être jugée apte.

C'est vraiment le jugement du médecin. C'est quelque chose qui est fondamental parce que l'aptitude à consentir aux soins, c'est quelque chose qui s'évalue constamment, à chaque jour, dans nos hôpitaux pour des décisions excessivement importantes. L'aide médicale à mourir, c'est une décision très, très importante, mais il y a beaucoup d'autres décisions qui sont très importantes, qui se prennent, d'avoir certaines chirurgies qui peuvent avoir des risques importants pour la santé et pour la vie, celle d'arrêter des soins, d'arrêter une dialyse, de retirer un respirateur, d'avoir une opération de stérilisation. Il y a des décisions très, très importantes et lourdes de conséquences qui se prennent au quotidien, et c'est vraiment le médecin qui évalue à chaque fois et c'est quelque chose d'important et sur lequel l'emphase a été mise quand on a adopté le Code civil… le nouveau Code civil au début des années 90. Donc, c'est la responsabilité du médecin. Donc, c'est vraiment de s'assurer que la personne comprend la nature et le but du soin, qu'elle est capable d'évaluer les conséquences — c'est ce qui est ressorti, là, de la jurisprudence — qu'elle est en mesure d'exprimer sa décision et que sa capacité de comprendre, donc, est bien présente.

Donc, c'est le rôle du médecin. Est-ce que le médecin peut se tourner vers l'équipe? C'est certain qu'il peut consulter des gens de l'équipe aussi pour faire cette évaluation-là, mais c'est une évaluation qui revient au médecin.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Je trouve cette discussion entre vous deux extrêmement intéressante.

D'une part, je me souviens qu'on a eu ici le mouvement les personnes d'abord et que, dans le mouvement les personnes d'abord, parfois il y a des personnes qui ont de légères déficiences intellectuelles. On dit qu'on se fie au jugement du médecin, alors que le projet de loi… le coeur du projet de loi, c'est l'autonomie de la personne, la personne qui est vraiment au centre et qui doit faire le choix. C'est le choix de la personne, et on dit : On va se référer au jugement du médecin. Alors, on voit que la frontière entre le jugement, c'est-à-dire qu'est-ce qui est… Est-ce que le médecin va pouvoir dire qu'une personne ayant une légère déficience intellectuelle qui dit : Bien, moi, je veux faire des choix pour moi-même… et que lui décide que c'est à lui de faire le choix, soit le médecin, donc cette personne n'est plus au coeur de sa propre autonomie? Alors, c'est pour ça que je considère que la question est vraiment fondamentale, là. C'est où, l'aptitude et l'inaptitude et par rapport à… Je ne sais pas si vous saisissez ce que je suis en train de dire, là, mais je me souviens très bien, en commission parlementaire, quand il y a eu des témoignages de personnes disant : Nous, du mouvement les personnes d'abord, on veut prendre les décisions par nous-mêmes, nous sommes capables de le faire et, si nous voulons faire le choix de l'aide médicale à mourir, on veut pouvoir le faire. Et ça, c'était vraiment une demande qui était très, très, très importante.

Donc, c'est quoi, la frontière? Est-ce que ce sera toujours le jugement du médecin ou ce sera aussi le jugement de la personne qui en fera la demande? Où s'arrête la liberté de l'un, et où commence la liberté de l'autre?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (15 heures) •

Mme Hivon : Je me souviens très bien aussi du témoignage du mouvement des personnes d'abord, les personnes aussi de l'association de défense des droits des personnes atteintes d'un problème de santé mentale. Donc, c'est le même défi. Et les personnes du mouvement les personnes d'abord qui sont venues nous voir étaient, de ce que j'ai compris, des personnes qui avaient l'aptitude à consentir parce que ce n'étaient pas des personnes qui étaient sous tutelle ou curatelle pour ce qui est des soins.

Donc, en partant, pour ces personnes, je dirais que la base d'analyse, c'est vraiment de savoir ce qui a été la ligne, la trame pendant toute leur vie, si ces personnes-là ont pu consentir toute leur vie à des soins, à une intervention, à être maîtres de l'administration de leur santé. Bien évidemment, ça va de soi. Puis moi aussi, je suis une très, très grande tenante de l'autonomie, de la défense de l'autonomie des personnes, des personnes qui peuvent avoir une déficience intellectuelle, ça va de soi, mais on est… C'est intéressant, effectivement, mais, dans ces situations-là, s'il y avait un changement, par exemple, de situation pour ce qui est des personnes qui ont une déficience intellectuelle, normalement ça va être la même logique qui s'est appliquée toute leur vie, à moins qu'elles soient devenues, de par leur maladie, dans un état où elles ne sont plus capables de s'exprimer, là, auquel cas ça serait autre chose, là. Mais, pour ce qui est des personnes qui, toute leur vie, ont vécu avec une déficience, évidemment, normalement, c'est la même logique qui va s'appliquer que celle qui s'est appliquée tout au long de leur vie.

Puis évidemment il y a eu de la jurisprudence sur toute cette question de l'aptitude. Et les médecins sont en général assez, je dirais, habilités avec la personne. Il peut y avoir évidemment une discussion avec les proches aussi, là, parce qu'on est capables de voir… la personne, elle est dans le même état qu'elle a toujours été, et elle n'est pas sous tutelle, et elle est apte à consentir aux soins. Et l'aptitude à consentir se présume, hein, c'est vraiment la base. Donc, dans le Code civil, c'est prévu que vous êtes présumé apte à consentir. Donc, il faut qu'il y ait quelque chose qui fasse en sorte qu'on estime que vous êtes inapte, mais la règle de base, c'est que vous êtes présumé apte à consentir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Je voulais apporter cette… Je voulais qu'on ait cet échange parce que je trouvais que des fois, dans tout ce projet de loi, qu'est-ce qui fait que des gens ont parfois des difficultés, c'est à cause de toutes ces petites subtilités là, et le fait d'en parler, bien ça permet peut-être de mieux comprendre.

Dans un autre ordre d'idées, dans le deuxième alinéa, là, j'ai le bon terme, «elle est majeure [et] apte à consentir aux soins». Alors, aujourd'hui, on est en train de s'engager pour «majeure [et] apte à consentir aux soins» et, M. le Président, on voit qu'en Belgique, 10 ans plus tard, on est en train de remettre un peu en question cette particularité pour l'étendre aux mineurs. Et voilà une autre difficulté pour certaines personnes par rapport au projet de loi. Est-ce qu'on est en train de dire que notre société pourra évoluer et que, dans 10 ans, nous serons en train de discuter — pas nous, certainement pas nous, mais d'autres — est-ce qu'une personne mineure pourra obtenir l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bien, écoutez, moi, je trouve ça… Je vais vous dire, c'est un débat qui est très intéressant, mais il faut débattre de ce qui est devant nous, et ce qui est devant nous, c'est ce qui est écrit à l'article 26.

Et donc, quand les gens se demandent : Mais qu'est-ce que ça pourrait être dans cinq ans, dans 10 ans, dans 20 ans, dans 50 ans?, moi, je dis : Écoutez, les débats, ils se font à l'Assemblée nationale à la lumière des enjeux, des priorités, de ce qui semble important d'être discuté. Ici, on a le point d'équilibre qui nous semble le bon pour la société québécoise. Maintenant, après les travaux qui ont été faits, c'est la proposition, et la proposition, elle est pour les personnes majeures. Donc, elle n'est pas pour les personnes mineures, c'est très clair. Ce n'était pas dans le rapport, ce n'est pas dans le projet de loi. On exclut les personnes mineures. Et moi, je pense qu'on est à la bonne place en prévoyant que c'est pour les personnes majeures. Mais moi, je ne suis pas celle qui va venir dire que la loi est quelque chose de figé et je ne viendrai pas juger de ce qu'une autre juridiction peut décider ou… Moi, je suis ici, comme l'ensemble des collègues qui sont ici, pour faire de la législation à un moment donné, dans une époque donnée, avec un point d'équilibre qui semble être le bon, celui qu'on a trouvé.

Mais je trouve que c'est un argument… moi, je dois vous dire, c'est un argument qui me… De dire : Mais peut-être que, si on fait une loi, éventuellement on va changer la loi… Bien, je veux dire, ça ne peut pas être un frein à l'adoption d'une loi, il me semble, ce type d'argument là. Parce que, si on dit : On met une loi pour restreindre, je ne sais pas, la vitesse de 100 à 90 puis qu'il y a des gens qui viennent dire : On ne réduira pas de 100 à 90 parce que peut-être que plus tard on va réduire à 60… Puis là ça n'aurait pas de bon sens de réduire à 60. C'est un exemple boiteux, mais ce que je veux dire : Il faut débattre de la loi qu'on a devant nous. Je peux comprendre qu'il y a des gens qui ont des préoccupations par rapport à d'autres éléments, mais ces éléments-là… la personne mineure, elle n'est pas dans la loi. Et ici l'idée n'est pas de dire : On va adopter une loi pour un an, ou pour 100 ans, ou pour 30 ans. On adopte une loi qui nous semble la bonne loi à ce moment-ci, on fait le débat avec le plus grand sérieux possible, mais on n'est pas là pour venir présumer, d'un sens ou dans l'autre, de ce que l'avenir réserve à nos lois. On ne peut pas. On ne peut pas faire ça, je pense, avoir une boule de cristal, comme parlementaires.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Loin de moi de vouloir mettre des bâtons dans les roues, là. Ce n'était pas du tout l'idée et ce n'était pas l'idée non plus d'argumenter par rapport à qu'est-ce qui va se passer, par exemple, dans 10 ans, mais on a l'exemple de ce qui se passe en Belgique, et je crois que c'est important aujourd'hui de rassurer les gens et de dire qu'au deuxième alinéa c'est pour les personnes qui sont majeures et aptes à consentir aux soins. Parce qu'on lit les journaux comme tout le monde, et on sait qu'est-ce qui se passe ailleurs. C'est juste de l'autre côté de la mer, hein, et ça s'est passé, ça se passe dans le temps.

Alors, je crois que c'est la raison pour laquelle il faut qu'on ait des balises et des termes très précis. Et loin de moi, M. le Président, de vouloir mettre des bâtons dans les roues, au contraire. Au contraire, je trouve que c'est majeur de... majeur, c'est le cas de le dire, de dire que c'est pour les personnes majeures et aptes à consentir aux soins et qu'on ait ce cadre-là très, très, très précis.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Puis moi, je veux simplement dire que je pense que c'est très sain qu'on puisse débattre de tout ça, discuter de tout ça, comme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne le fait, sans tabou, dans le fond. Parce que c'est sûr qu'on a les exemples de l'autre côté de l'océan, puis je suis toujours mal à l'aise quand on nous demande en quelque sorte de juger des expériences des autres puis de... est-ce que c'est une bonne idée, hein…

Une voix :

Mme Hivon : …c'est ça, des autres juridictions, est-ce que c'est une bonne idée qu'ils ouvrent... qu'ils en soient là, bon, tout ça.

Chaque, je vous dirais, chaque société a son évolution, fait ses débats de sa manière, avec son expérience, et tout ça. Donc, ici on est rendus là. Bien, en tout cas, j'estime qu'on en est rendus là, on fait ce débat-là. D'autres endroits font leur débat. On a eu la chance, bon, d'aller sur place, de voir certaines réalités. Mais moi, je pense que c'est très sain qu'on puisse en débattre. Et, la souffrance des enfants, c'est sûr qu'on a été très, très peu éclairés là-dessus, et puis je pense qu'on y va dans une étape qui est pour les personnes majeures, ce qui est sain, qui est un bon point d'équilibre. Mais de débattre de ce sujet-là, en soi, ça ne fera pas qu'il va y avoir des dérives du seul fait que c'est un sujet dont on débat.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, ce que j'ai compris en tout cas de mes dernières années, c'est que de toute façon c'est les législateurs du moment qui proposent des lois, puis, comme législateurs, on ne peut pas présupposer qu'est-ce qui va arriver plus tard. Et l'autre exemple qu'on peut voir, c'est peut-être qu'il y a quelque chose qui va se passer et que la commission va peut-être nous faire une recommandation à un moment donné pour fermer une porte à quelque part. Donc, c'est par la législation qu'on peut le faire. Moi, je suis d'accord avec la ministre puis avec ma collègue, là, c'est...

Mme Blais : Ça a été demandé en commission.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, c'est ça, c'est aujourd'hui qu'il faut prendre des décisions pour nos valeurs d'aujourd'hui et puis également pour savoir où on en est rendus, et plus tard… on verra ça plus tard. D'ailleurs, les gens qui viennent d'un côté ou de l'autre, là, que… je vous dirais, ceux qui sont aux extrémités, il y en a qui veulent qu'on ferme toutes portes puis il y en a qui veulent qu'on ouvre toutes les portes. Le rôle du législateur, c'est d'offrir l'équilibre et d'offrir un équilibre pas nécessairement central, mais savoir où on en est rendus aujourd'hui pour notre société québécoise.

Par rapport aux majeurs, les mineurs qui sont émancipés, est-ce qu'à ce moment-là ils sont considérés comme mineurs ou comme majeurs?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ils sont jugés comme des mineurs. On ne l'a pas prévu.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. La question, en tout cas, du majeur, moi, je pense... J'ai pas mal fini mes questions.

Par rapport au consentement aux soins, du «apte à consentir aux soins», la question de l'aptitude, l'aptitude doit être au moment où l'aide médicale va se produire. Si quelqu'un a fait une directive médicale auparavant, disant que, quand il va arriver à la fin de sa vie, si cela survenait, il voudrait avoir l'aide médicale à mourir, s'il n'est pas apte à consentir au moment de poser l'acte, à ma connaissance, il n'y aura pas droit.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (15 h 10) •

Mme Hivon : Effectivement, M. le Président, c'est ce qui est prévu. Moi, je dois dire que j'estime que ça, c'est une énorme question. Et je pense que beaucoup de personnes sont venues nous voir en souhaitant que ce puisse être une possibilité.

J'ai beaucoup de sympathie parce que je peux tout à fait imaginer que ça peut être pour certaines personnes quelque chose qui semble logique, qui semble le prolongement de l'autonomie de la personne, mais, dans ce souci d'équilibre, je pense qu'à ce stade-ci, et compte tenu de l'importance, selon moi, et selon le gouvernement et, je pense, selon beaucoup de députés, de pouvoir avancer avec ce qui est prévu dans le projet de loi, ça m'apparaît important de venir garder, je dirais, le critère qui était prévu à l'origine. Bien que je sais que plusieurs personnes auraient souhaité qu'on puisse aller plus loin, personnellement, je dois vous dire que je trouve que les arguments sont, pour plusieurs, très bien fondés, à savoir ce prolongement de l'autonomie, en vertu de quelle raison on refuserait ce droit, mais je pense aussi que c'est une avancée majeure qu'on est en train de faire pour les personnes en fin de vie. Et ce pourra certainement être une question prioritaire, qui va être soumise à la Commission sur les soins de fin de vie, de regarder cette possibilité-là pour le meilleur encadrement possible, parce qu'il y aurait différentes possibilités pour venir encadrer ça d'une manière encore plus serrée si ça devait se faire de manière anticipée, mais à ce stade-ci je pense qu'on a atteint un point d'équilibre important.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, puis la commission des droits de la personne du Québec était venue nous dire que, par rapport à ne pas l'offrir aux mineurs et également ne pas l'offrir aux inaptes, pour eux, c'était discriminatoire. Est-ce que la ministre peut nous laisser savoir sa réflexion par rapport à leurs commentaires?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Écoutez, ce type de débats là, on l'entend pour plusieurs sujets, donc, c'est des débats qui peuvent tout à fait, bien sûr, se faire devant les tribunaux. Nous, on estime que d'avoir des limites… C'est possible dans une société libre et démocratique qu'il y ait des limites qui soient jugées raisonnables. Donc, comme on l'a dans différents domaines, donc, on estime que nos limites sont raisonnables et qu'elles se justifient compte tenu de ce qui est prévu dans les chartes, et on est confiants à cet égard-là. Donc, je sais que la Commission des droits a une autre opinion et…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. La ministre est très consciente qu'elle a des bonnes possibilités de se retrouver un jour avec un jugement de la Cour suprême, là, qui devrait statuer à ce niveau-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ah, M. le Président, vous savez, il y a beaucoup d'intérêt pour notre loi, donc tout est possible. En même temps, je le répète, on est très confiants à tous égards, autant à l'égard du partage des compétences qu'à l'égard des droits et libertés de nos assises juridiques. Donc, on est très, très confiants pour la suite des choses, mais, pour n'importe quelle loi, on ne peut jamais se prémunir contre la volonté ou le désir d'une personne de vouloir intenter un recours. Donc, on verra ce que l'avenir nous réserve. Mais moi, j'ai confiance que cette loi-là est très bien fondée en droit, très bien fondée aussi dans son contenu et dans ses principes et qu'elle va faire, comme elle le fait déjà, l'objet d'un très large consensus.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Une question qui va toucher l'aptitude à consentir mais aussi la question de fin de vie. C'est qu'une personne peut formuler cette demande-là à un médecin qui ne serait pas son médecin traitant, donc un médecin d'un établissement ou de l'endroit où la personne serait appelée à recevoir des soins, donc qui n'est pas nécessairement son médecin... bien, médecin de famille ou médecin traitant, peu importe… Est-ce qu'il serait opportun… parce que, bon, le dossier médical, bien, il y aura... il y a le dossier qui est constitué à l'établissement, mais est-ce qu'il serait opportun que l'aptitude à consentir et que la fin de vie aient été préalablement constatées par le médecin traitant de la personne — je ne sais pas, peut-être que mon collègue pourra m'éclairer — mais que cet état-là ne soit pas nécessairement laissé à la discrétion du médecin à qui on formule la demande d'aide médicale à mourir mais que ça soit une espèce d'état de fait, qu'on l'ait consigné à l'intérieur du dossier médical?

Je ne sais pas si c'est compliqué de le faire comme ça. C'est tout simplement pour m'assurer que l'évaluation de l'aptitude à consentir puis l'évaluation de la notion de fin de vie, bien ça ait fait l'objet, là, de... je ne sais pas, d'une constatation, d'un état de fait par le médecin qui est le médecin traitant. Puis là je sais que la question de fin de vie, là, c'est le paragraphe suivant, mais, vu qu'il s'agit à peu près de la même évaluation, là, ou d'une évaluation faite par quelqu'un qui connaît bien le patient ou qui est plus près de lui ou d'elle, je ne sais pas dans quelle mesure une évaluation comme ça est possible et pertinente.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Si je peux me fier à mon expérience personnelle puis aux témoignages qu'on a entendus, quand il y a des cas, je dirais, plus difficiles ou quand un médecin se pose des questions, je dirais, plus délicates sur l'aptitude de quelqu'un puis qu'il ne serait pas son médecin traitant, en fait, dans beaucoup, beaucoup de cas, il va appeler le médecin de famille aussi. Si lui, il arrive, par exemple, aux soins palliatifs puis il connaît la personne depuis une semaine mais qu'il sait que la personne lui dit... la famille lui dit que cette personne-là a un médecin traitant… Souvent, ces médecins-là vont être en relation en fait quand on arrive en fin de vie. Un médecin, je ne sais pas, en pratique privée… puis là la personne est dans une unité de soins palliatifs, en établissement, souvent il va y avoir un lien s'il y a des questions particulières qui se posent par rapport à ça, comme ça va être le cas dans d'autres situations où une personne va arriver à l'urgence, où on va vouloir savoir quelque chose de particulier. Si par la suite la personne demeure hospitalisée puis il y a des questions qui se posent, les médecins, de ce que je comprends… mais les médecins de la commission pourraient nous... se parlent aussi, s'il y a ces besoins-là. Mais, de le prévoir systématiquement, moi, je pense qu'il y aurait un risque parce que, bon, évidemment ce n'est pas tout le monde qui a un médecin de famille. Deuxièmement, ça peut complexifier les choses, si vous n'êtes plus dans la région où est votre médecin de famille, de faire déplacer le médecin. Je pense que ce serait de nature à venir, je dirais, nuire à l'accessibilité à ce soin-là.

Mais, ceci dit, quand il y a des défis qui se posent, moi, je pense que cette consultation-là, cet échange-là entre médecins se fait certainement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Cet échange-là se fait certainement, mais est-ce que c'est complexe de le prévoir ou de... Je ne sais pas si l'encadrement, le code de déontologie de nos médecins prévoient ce type de réflexion.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Peut-être juste une petite chose. C'est sûr que l'aptitude à consentir, ce n'est pas figé dans le temps. Donc, il faut que le médecin, au moment où la demande d'aide médicale à mourir se fait, l'évalue. Donc, il pourrait y avoir un intérêt à consulter le médecin de famille, mais la personne peut être dans un état bien différent que la dernière fois qu'elle a vu son médecin, il y a six mois ou il y a un an. Donc, moi, je serais très prudente à cet égard-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Juste pour donner des explications. Habituellement, lorsqu'on a de... il y a trois scénarios : c'est certain qu'elle est apte à consentir, donc ça devient un scénario facile; c'est certain qu'elle est inapte à consentir, on parlerait d'une maladie... d'une personne alzheimer très avancée; et celle avec laquelle on a un doute. Dans ce cas-là, le médecin traitant ou le médecin qui va prendre charge de la personne va peut-être demander l'avis à une personne qui est habituée d'en faire, des évaluations, ou va demander, là, un avis, comme à un psychiatre ou ça pourrait être un gériatre. Et, dans notre réseau de la santé, c'est habituel, ça, surtout dans ces cas-là où il y a des chances de réévaluation de dossier ou, à la limite, il pourrait même y avoir des chances de contestation de dossier. Parce que, l'aide médicale à mourir, il faut s'entendre que peut-être que la personne, elle veut ça, mais, dans l'entourage, il y en a qui vont être favorables, mais il y en a qui peuvent être très défavorables.

Donc, le médecin, d'après moi, va utiliser d'une grande prudence. De vouloir être trop... pas trop de… mais de couvrir toutes les situations possibles, ça pourrait devenir difficile. Mais généralement ils sont… Les médecins sont régis par leur code de déontologie. Et je suis certain que la commission également, et le Collège des médecins, va donner des indications par rapport à ça, et ça m'étonnerait qu'un médecin prenne un risque de faire l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui serait inapte ou sans évaluation valable.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires dans la section II? La section III. Mme la députée de Gatineau.

Une voix : Oui.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Seulement que pour dire — ma collègue me l'a fait remarquer : On a fait la discussion la semaine dernière si on devait séparer «majeure» et «apte à consentir». Je me suis rallié à l'opinion de nos juristes, entre autres nos collègues députées avocates, et puis je pense que c'est une bonne décision.

Le Président (M. Bergman) : Alors, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. Sur la question «elle est en fin de vie», dans le document de discussion que nous avions déposé vendredi, nous avions ajouté «tel que consigné à son dossier médical par son médecin traitant».

Alors donc, je sais qu'il y aura l'évaluation de la fin de vie qui sera faite. Suivant les commentaires que la ministre a formulés avant le dépôt de l'amendement, je comprends que l'article 28 s'appliquera aux critères de fin de vie. Puis on parlait de l'article 30, je crois…

Une voix :

Mme Vallée : …31, donc, l'inscription, là, des renseignements nécessaires.

Mais, tout simplement, si le médecin traitant n'est pas le médecin qui reçoit la demande, est-ce qu'il ne serait pas opportun d'avoir l'avis du médecin traitant à l'effet qu'effectivement, compte tenu de l'évolution de la maladie de son patient, compte tenu des pronostics et compte tenu de tout ça, il considère que le patient, que monsieur X ou madame Y est effectivement en fin de vie ou a entamé cette période qu'est la fin de vie?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je comprends le sens de la question de ma collègue, M. le Président, mais je pense que ce serait d'une très grande complexité. Parce que vous pouvez avoir la personne qui a un médecin de famille… Je ne sais pas si c'est à ça qu'on réfère. Parce que vous avez le médecin de famille…

Mme Vallée : …le médecin qui aura suivi…

Mme Hivon : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre? Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je comprends que le médecin de famille, ce n'est pas nécessairement le médecin traitant, là. Là, on a la maladie. Je pense que c'est plutôt le médecin qui aura suivi le patient dans le cadre de la maladie grave et incurable prévue à la quatrième condition parce que c'est cette maladie-là qui ultimement va rendre notre personne dans le stade… va mener la personne vers le stade de la fin de vie. Le médecin qui aura suivi n'est pas nécessairement le médecin de famille parce que ça pourrait être un médecin spécialiste. Je comprends, là, que le médecin de famille n'est pas nécessairement le médecin traitant.

Mais la raison pour laquelle on l'avait inclus dans le document de travail déposé vendredi, c'est qu'on voulait tout simplement s'assurer que le médecin qui a suivi l'évolution de la maladie du patient reconnaît finalement, de façon très objective, que le patient a entamé cette dernière étape de sa vie. Et donc le médecin a évalué, donc il a vraiment un caractère plus objectif quant au stade de la maladie où on en est rendu. Je comprends par contre que le médecin à qui on formule cette demande-là, lui, a la responsabilité aussi de s'assurer que le patient qui fait cette demande est effectivement en fin de vie. Et donc, oui, il a son jugement médical, mais est-ce qu'il ne peut pas… ou est-il possible pour lui de pouvoir se retourner vers le médecin traitant et voir, bon : Cher collègue, votre patient a formulé une demande d'aide médicale à mourir, et est-ce que vous étiez rendu à ce stade-là dans l'évaluation de la maladie? Est-ce que monsieur X en est bien rendu dans sa phase de fin de vie? Ça donnait un élément.

La raison pour laquelle on l'avait inclus vendredi dernier, c'était qu'on se disait : Bien, comme ce n'est pas évident de définir de façon claire, nette et précise la fin de vie… Parce qu'on avait eu la discussion «est-ce que c'est important de l'inclure dans les définitions?» Nous avions déposé un amendement pour… un sous-amendement, en fait, pour prévoir une définition de «fin de vie». Il y a deux choses : soit qu'on la définit ou on permet au médecin traitant de la constater médicalement, parce que c'est vraiment… la fin de vie, ça va vraiment être un état médical. C'est vraiment : il y a des particularités qui sont associées avec cette étape-là de la vie. Et donc il peut-être important que le médecin traitant, plus qu'un médecin de famille, en fait… Parce qu'au même titre que les commentaires que la ministre a formulés concernant l'aptitude à consentir aux soins le médecin de famille peut ne pas avoir nécessairement suivi son patient suite au diagnostic de la maladie. Il peut ne pas l'avoir… Il peut l'avoir revu, mais il peut ne pas l'avoir revu. Et donc ce n'est pas le médecin de famille qui aura nécessairement le meilleur polaroïd de la situation.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. C'est très intéressant, toutes ces questions. Le défi, en fait il serait le même que pour évaluer l'aptitude à consentir, dans le sens que la responsabilité, puis la députée l'a bien dit, elle incombe vraiment au médecin qui va recevoir la demande d'aide médicale à mourir et qui va, bon, juger si toutes les conditions sont remplies.

On peut être dans différents scénarios. Donc, on peut être avec une personne qui est en unité de soins palliatifs, puis on pense à un cas d'une personne qui aurait un cancer vraiment dans les derniers stades, et donc elle souffre de manière intolérable, et c'est vraiment une agonie, et elle ferait sa demande à la personne, par exemple, qui la suit en soins palliatifs, alors que son oncologue est moins dans le décor, par exemple… C'est peut-être ça qu'a la députée en tête… par exemple, son oncologue, ou ça aurait pu être son médecin de famille qui a continué à la suivre à travers, donc, sa maladie. Mais la responsabilité, elle est vraiment à la personne, le médecin qui est là au moment où la demande est formulée et qui évalue l'ensemble des critères. Vous pouvez être dans une autre situation où la personne n'est pas dans une unité de soins palliatifs, elle a une maladie dégénérative, elle est à un stade très avancé, déclin irréversible, bon, tout ça, elle souffre de manière constante puis elle va peut-être faire plus la demande à son médecin traitant. Donc, les cas peuvent être très variés. Moi, je pense qu'il faut s'en tenir au médecin qui a la responsabilité d'évaluer l'ensemble des conditions.

Mais, à l'article 28, c'est prévu que, pour s'assurer que les critères sont remplis, le médecin doit s'entretenir de la demande avec les membres de l'équipe de soins en contact régulier avec elle, le cas échéant. Selon moi, cela comprend s'il y a des membres qui sont là et qui peuvent éclairer le médecin qui doit porter son jugement sur l'ensemble de ces conditions-là, sur toutes les conditions. Cette condition-là le permet et va faire en sorte qu'au besoin il va y avoir une consultation auprès du médecin traitant. Moi, je pense que, de manière générale, ça va être assez clair que la personne, elle est en fin de vie, là. Ça ne sera pas quelque chose de nébuleux. Et, dans les cas où on aurait besoin de discuter, bien on a ce qu'il faut à l'article 28.1°d. Je le soumettrais, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

• (15 h 30) •

Mme Vallée : À ce moment-là, peut-être qu'il pourra y avoir lieu de le préciser à 28, que de prévoir, là, dans… Peut-être que, vu l'obligation de s'entretenir avec les membres de l'équipe de soins en contact régulier avec elle, avec la personne, c'est peut-être à cette étape-là qu'il faudrait le préciser. Alors, je me mets une petite note pour l'étude de l'article 28.

Quoiqu'avant de se rendre à 28 le médecin devra avoir... Il faut d'abord passer par 26 pour se rendre à 28.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : En fait, M. le Président, 26 et 28, ils doivent être lus ensemble, là, parce que 26, ça établit les conditions, toutes les conditions que la personne doit remplir, mais 28, ça dit que...

Mme Vallée : C'est les obligations.

Mme Hivon : Oui, c'est les obligations du médecin. Donc, c'est vraiment... c'est main dans la main, là. C'est deux dispositions, je dirais, inséparables, là, parce qu'avant d'administrer l'aide médicale à mourir le médecin doit... Donc, 26, c'est ce qui est relié à la personne, puis 28, ça vient dire ce que le médecin doit faire. Il doit notamment s'assurer que la personne répond à tous les critères, donc toutes les conditions de 26. Alors, c'est ce qui nous fait dire comment... un, il doit s'assurer que ça répond et comment il va le faire, parce qu'on dit : Notamment, en tenant des entretiens, en consultant, bon, tout ça. Alors, ça vient qualifier comment il va venir s'assurer de ça. Donc, on ne peut pas passer... C'est-à-dire que la personne n'aura pas l'aide médicale à mourir si 28 n'est pas rempli. Ça va ensemble.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Mais, avant même d'évaluer, avant même de mettre en application les obligations du médecin, la personne doit préalablement... La première porte, là, c'est vraiment de dire : Je ne peux pas, puis ça va également permettre, je vous dirais, une première qualification. C'est-à-dire que quelqu'un qui ne correspond pas à ces critères-là n'a même pas besoin de... On n'a pas à aller plus loin ou à évaluer plus loin. C'est-à-dire, il y a une des conditions qui n'est pas présente, désolé, on ne va pas enclencher tout le processus d'évaluation puis d'échange avec l'équipe de soins, puisque les critères ne sont pas présents. Donc, on n'ira pas enclencher tout ce processus-là, là, d'évaluation, puis de vérification, et de contre-vérification, parce que la... Alors, la notion de fin de vie...

Mme Hivon : Je peux faire un commentaire, M. le Président?

Mme Vallée : Oui. Oui, oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est certain qu'il y a la théorie puis il y a la pratique. Là, on la regarde comme dans un beau cadre théorique, puis là il va y avoir la pratique. Si un patient demande à son médecin l'aide médicale à mourir mais qu'à la face même, je ne sais pas… la personne a 17 ans, bon, ça règle les choses. Si la personne le demande, qu'elle est handicapée, elle n'a pas de maladie grave et incurable, ça va être final, fermé, non. On ne dira pas à la personne : Signe, remplis le formulaire, puis moi, selon 28 de la loi, ensuite, je vais regarder si tu réponds aux critères, là. Ça va de soi que c'est dans un échange continu. La même chose, si une personne se lève une journée, elle souffre puis elle dit : Bon, moi, je n'en peux plus, on ne dira pas : Bon, c'est ça, voici le formulaire, là. C'est des souffrances constantes, inapaisables dans le temps.

Donc, je pense qu'il va y avoir cet échange-là. Il ne faut pas non plus voir ça de manière désincarnée, là. Une loi, c'est fait pour être appliqué. On fait la meilleure loi dans le meilleur cadre théorique. Mais ce que la députée dit, c'est vrai, là, la personne ne se rendra pas à signer sa demande si, à la face même, il y a une des conditions qui ne requiert même aucune évaluation médicale. Elle n'y répond pas, elle n'ira pas plus loin, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Bien, dans le fond, c'est pour ça que la question de «fin de vie»... D'une certaine façon, je me demande s'il y a... Comment on fait pour l'identifier de façon plus objective? Parce que ce sont des caractères qui objectivement devront être remplis… des critères, pardon, des conditions qui devront objectivement être remplis.

Donc, la fin de vie, est-ce qu'on devrait à ce moment-là l'évaluer, la définir ou retravailler, là, le sous-amendement qui avait été déposé à 3 la semaine dernière pour pouvoir être capables de la situer un petit peu dans le processus de la maladie? Ou est-ce qu'on devrait tout simplement dire : Bien, elle est une personne en fin de vie, tel que consigné à son dossier médical par son médecin traitant ou tel que consigné à son dossier médical, parce que peut-être que ce n'est pas le médecin traitant, peut-être que ce sera une autre équipe de soins aussi qui l'aura constaté ou qui l'aura identifié?

Je comprends la lourdeur, parfois, là, d'identifier une personne comme étant le seul et unique responsable de l'évaluation de l'état d'un individu, au même titre que le médecin de famille aurait probablement… n'aurait pas été à propos parce que le médecin de famille n'aura pas nécessairement fait ce suivi-là constant et régulier auprès de la personne. Mais je me souviens, la semaine passée, on se disait : Bien, lorsque la personne entre dans les soins de fin de vie, tu sais, c'est un processus, et on est capable de dire : Oui ou non; la personne est admissible aux soins de fin de vie ou elle n'est pas admissible aux soins de fin de vie. Mais que ce soit consigné au dossier médical… Bien là, de toute façon, j'imagine que, pour qu'une personne, par exemple, puisse accéder à une unité de soins palliatifs, on consigne son état au dossier médical. Donc, le dossier médical doit, quelque part… Il doit y avoir, dans le dossier médical de la personne, une reconnaissance que cette personne-là est rendue à cette étape-là. Puis, que ce soit pour l'aide médicale à mourir… mais j'imagine que, pour l'admission aussi à certaines maisons de soins palliatifs, à certaines unités de soins palliatifs, on ne permettra pas à n'importe qui non plus d'avoir accès à ces soins-là, puisque c'est destiné à une clientèle bien particulière qui est la même clientèle, finalement. L'aide médicale à mourir est destinée à la même clientèle, et donc peut-être que ce serait tout simple de le prévoir, «tel que consigné à son dossier médical», ou…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Moi, je veux simplement dire que je pense que les conditions 3, 4, 5, 6, même un petit peu la 2°, là, pour l'aptitude à consentir… mais, 3, 4, 5, 6, il y a vraiment au coeur de ça un dialogue avec le médecin et une évaluation par le médecin, là. Maladie grave et incurable, dans le fond, c'est la même chose; un déclin avancé et irréversible de ses capacités, c'est la même chose. Fin de vie, maladie grave et incurable, déclin avancé et irréversible de ses capacités, ce sont toutes des conditions sur lesquelles le médecin va devoir venir poser son jugement et c'est ce qu'on prévoit avec 28, parce que 28, il doit, pour administrer l'aide médicale à mourir, s'assurer que ces critères-là sont bien remplis. Et, à 31, «doit être inscrit ou versé dans le dossier de la personne tout renseignement […] en lien», donc, tout ce qui va nous dire que tout ça est rempli… Parce que je vois mal pourquoi le médecin devrait consigner que la personne est en fin de vie mais ne pas consigner qu'elle a une maladie grave et incurable, qu'elle a un déclin avancé et irréversible de ses capacités. Toutes ces conditions-là doivent être remplies et toutes ces conditions-là requièrent une évaluation.

Donc, je pense qu'on a ce qu'il faut à 28, 31 pour le faire sans discriminer sur quelle condition ou quelle autre condition, là. Parce que, dans le fond, là, si on désincarne ça un peu, c'est la même chose pour la maladie grave et incurable. Est-ce que c'est le médecin qui est en soins palliatifs? C'est évident, là, la personne est là. Mais, en fin de vie, «maladie grave et incurable», est-ce qu'il faut se dire : C'est le médecin traitant, puis là, dans le fond, «tel que consigné»? Tout ça doit être évalué, tout ça doit être consigné. Donc, moi, je pense que c'est mieux de garder ça comme c'est là puis d'aller faire le lien avec 28 puis 31.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

• (15 h 40) •

Mme Vallée : Je réfléchis.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce que vous voulez qu'on suspende pour quelques instants?

(Consultation)

Le Président (M. Bergman) : Alors, je suspends pour quelques instants, collègues.

(Suspension de la séance à 15 h 41)

(Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous rappelle qu'on est sur l'article 26, le troisième paragraphe. Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. Alors, bon, pour la question de «fin de vie», là, plus on discute… Et je sais qu'il y a la pratique après. Comme notre collègue de Jean-Talon disait, parfois, après que les juristes sont passés, le médecin va peut-être devoir amener à la pratique. Je comprends que c'est peut-être un peu complexe, là, d'ajouter… puis pas tant complexe, mais je comprends qu'on a ces premières conditions qui seront le premier test objectif, et par la suite il y a une série de conditions, puis on pourra peut-être préciser des trucs quand on sera rendus à 28 ou questionner davantage quand on sera rendus à 28. Puis ça m'apporte peut-être à dire qu'il pourrait être utile, lors de la reprise, lorsqu'on reviendra à l'article 3, de revoir la question de «fin de vie», mais, bon, ça va aller, là, quant à la distinction entre ce que nous avions déposé vendredi et le document, l'amendement tel que présenté actuellement, là. Je vois que, «la fin de vie», il y a vraiment d'autres références qui seront faites et que ça pourra inclure, entre autres… et ça devra probablement inclure la consultation du dossier médical et des antécédents, là, de tout l'historique finalement… pas tant des antécédents que de l'historique du patient qui formule la demande. Donc, dans ce sens-là, je pense qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'alourdir la rédaction de 26.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (15 h 50) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On rentre dans la partie dialogue pratique.

Quand on parlait de la fin de vie, il y a eu des discussions lors de l'audition des mémoires. Entre autres, il y a des gens qui sont venus quand même, qui disent qu'on devrait rendre disponible l'aide médicale à mourir à peu près à tout le monde qui pourrait présenter un handicap important. Et, si on respectait à la limite le principe d'autonomie, on devrait être capable de leur donner. Puis je me souviens très bien que la ministre avait dit qu'il y a des… On avait cité des exemples, et elle a dit clairement que, dans ces cas-là, ça ne s'appliquerait pas.

L'exemple facile, je pense, c'est la personne qui serait paraplégique, son espérance de vie est quand même de plusieurs années, je dirais, une espérance de vie normale, qui pourrait répondre, d'une certaine façon, à certains critères, puis on disait même que probablement qu'elle n'aurait pas les critères, mais cette personne-là n'aurait pas accès à l'aide médicale à mourir malgré le fait qu'elle, elle pourrait dire : Oui, mais moi, je suis en fin de vie parce qu'un jour je vais mourir. Est-ce que la ministre est d'accord avec ça?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je suis tout à fait d'accord, M. le Président. Puis, je le répète, on l'a dit à quelques reprises lors des auditions, on l'a dit encore souvent depuis le début de l'étude détaillée, il y a un principe qui est au coeur de ce projet de loi là, c'est que la personne doit être en fin de vie. C'est une logique de soins, de continuum de soins. Et on est donc face à une réalité d'un soin exceptionnel, à un spectre d'un continuum pour une personne qui est en situation de souffrance exceptionnelle, ce qui est l'autre élément fondamental du projet de loi.

Cette notion-là, donc, de continuum, cette notion de souffrance, cette notion de fin de vie, c'est très, très important, parce que, si on considérait ça pour une personne qui n'est pas en fin de vie, on ne serait plus du tout dans une réalité de santé, on ne serait pas dans une réalité de soins, on ne serait pas dans une réalité de continuum de soins, on serait plus dans une réalité de rupture entre une situation que la personne juge intenable et une avenue qui lui serait offerte. Ce n'est pas du tout ça, le sens du projet de loi. D'autres personnes peuvent faire ce débat-là. Donc, libre à ce débat-là d'avoir cours, mais ce n'est pas notre débat, ce n'est pas le sens du projet de loi. C'est vraiment pour des personnes malades, pas des personnes qui ont un handicap, pas des personnes qui sont dans une situation difficile, des personnes qui sont malades de manière grave et incurable, qui sont en fin de vie, qui souffrent de manière inapaisable. Donc, je le répète encore une fois, on est vraiment dans les cas exceptionnels de gens très, très malades en fin de vie.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. L'autre cas que je veux discuter avec la ministre, c'est la personne qui a une sclérose latérale amyotrophique, une maladie similaire avec une dégénérescence importante. Et on sait que ces gens-là, lorsqu'ils ont le diagnostic au début, sans faire une vie nécessairement totalement normale, ils peuvent avoir une vie, là, qui est fonctionnelle, et la maladie peut les amener à ce que leur condition se dégrade sur plusieurs années. J'imagine que, lorsqu'elle arrive à la fin de vie et que cette personne n'est plus capable de bouger, on dit, en langage médical, qu'elle est prisonnière de son corps, elle ne peut seulement qu'à la limite penser, puis on peut la garder en vie très longtemps parce qu'on peut soit la gaver, la nourrir. Elle peut refuser tout traitement, dont l'alimentation.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. En tout temps, cette personne peut refuser. C'est le cas à l'heure actuelle. Donc, ça, le projet de loi ne vient rien changer, il vient le clarifier. Donc, la personne peut refuser d'être gavée, peut refuser d'être alimentée. Ça, ça va de soi, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Par contre, cette personne-là… On sait que ces gens-là, lorsqu'ils arrivent en fin de vie… Puis c'est souvent ce type de cas là qu'on décrit pour justifier l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir. Souvent, ces gens-là ont une vie vraiment misérable avec… à l'agonie et ils ne veulent pas vivre cette dernière partie de leur vie qui peut durer plusieurs semaines. À ce moment-là, le projet de loi clarifie de façon définitive que c'est vraiment une fin de vie. Donc, elle aurait le droit à un soin en fin de vie, donc elle aurait le droit à l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : On a quelques exemples en tête, M. le Président, là. Je pense qu'ils sont assez frappants. Sue Rodriguez; on a tous les images de Sue Rodriguez qui avait une sclérose latérale amyotrophique, appelée aussi maladie de Lou Gehrig. On a bien vu que, quand elle a entrepris ses démarches, il y a maintenant 20 ans, elle n'était pas aux premiers stades de la maladie, elle était vraiment dans les derniers stades de la maladie, et c'est à ce type de réalité là que l'on pense quand on pense aux maladies dégénératives. On peut penser à Mme Leblanc qui a fait un combat aussi, qui est une citoyenne de la Mauricie, qui avait une situation, la même que Sue Rodriguez, maladie de Lou Gehrig. Elle était dans un cheminement irréversible. Elle ne le demandait pas encore. Elle voulait que la possibilité soit là. Elle souffrait beaucoup, beaucoup, mais elle avait encore la force de soutenir cette souffrance. Mais elle demandait que cette possibilité soit là parce qu'elle se sentait vraiment perdre ses capacités de manière très rapide, hein, parce qu'il y a ça dans l'évolution… Dans l'évolution des maladies dégénératives, à un moment donné, de mes échanges que j'ai eus avec des experts, il y a ce… moi, j'appelle ça «quand on frappe l'autre versant de la montagne», là, où, là, le déclin devient très, très important, et on sait que la mort s'en vient à plus ou moins brève échéance, là.

Donc, c'est ce type de situations là qu'on a en tête pour les personnes atteintes de maladies dégénératives.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Dans le projet initial ou, en tout cas, dans… Il a été longtemps fréquemment discuté dans nos… quand on entendait les mémoires qu'on a parlé d'une mort imminente. Et on ne l'a pas retenue dans le projet de loi, la définition de «imminente», parce que, pour plusieurs, «imminente», ça veut dire que ça va arriver très, très, très bientôt, alors qu'on sait qu'il y a des gens qui pourraient profiter de l'aide médicale à mourir, là, sur un intervalle possiblement de quelques mois.

Ma question est beaucoup plus : La personne qui a une maladie dégénérative mais qu'on sait que l'espérance de vie va être environ deux à trois ans, une certaine souffrance psychologique qui est normale dans ce cas-là, est-ce que cette personne-là, dans la façon dont le projet de loi est rédigé, pourrait demander l'aide médicale à mourir sur une période… mettons, un délai de… le délai entre la demande et la fin de vie prévue, d'environ deux à trois ans?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Le député souhaite toujours que je me substitue à un jugement médical. Moi, je vais vous donner mon opinion, mais je ne suis pas le médecin. Dans les cas de maladies dégénératives que j'ai pu voir, où ce type de demandes là sont faites, on ne parle pas d'un horizon de deux à trois ans. Ce n'est pas ça, la notion de fin de vie que l'on a en tête, parce que, du fait de l'évolution de ces maladies-là, bien que ça puisse être difficile, souvent, entre le diagnostic et la fin de vie, il va y avoir deux ou trois ans. C'est quand même des… Si on prend la SLA, c'est une évolution relativement rapide, quand même, une dégénérescence assez rapide. Donc, je ne pense pas que cette personne-là, du haut de ce qu'est ma perception aujourd'hui, bien sûr, remplirait la condition de la fin de vie à ce stade-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Si on parlait d'une maladie dégénérative à plus long terme comme la sclérose en plaques, pour la majorité des cas, la question : Si l'espérance de vie est d'environ deux à trois ans, est-ce que cette personne-là pourrait avoir accès à l'aide médicale à mourir? Ou, à un moment donné, on va être capables de faire baliser que l'aide médicale à mourir va être vraiment dans la dernière partie, là, on parle de l'autre versant de la montagne, mais dans le bas de la montagne, c'est-à-dire à un moment donné où ce ne serait pas comme une demande d'une personne qui dirait : Moi, je préférerais mourir… sans parler de suicide, mais elle dirait : Moi, je préférerais mourir plus rapidement pour ne pas avoir à vivre des problèmes qui surviendraient plus tard. Je pense que, quand on parle de la fin de vie, c'est ça, le dilemme. Ce n'est pas le cas clair du dernier mois, je vous dirais, même des six derniers mois, ce n'est pas le cas clair non plus des gens qui en ont encore pour 10 ans, c'est ceux qui ont une perspective de deux à trois ans.

Et, la deuxième question peut-être que j'aimerais que la ministre… qu'on fasse la discussion, pas obligé d'avoir une réponse, là, je pense, il faut en faire la discussion : Est-ce qu'on peut s'attendre que la définition de «fin de vie» soit balisée par des recommandations de la commission, selon ce qui va se passer dans le futur, et créer un genre de jurisprudence où on pourrait s'attendre à ce qu'il y ait des recommandations avec des cas… sans dire «être précis», des cas types dans lesquels on pourrait aider les médecins à justement clarifier cette définition de «fin de soins de vie»? Et je pense que la ministre, elle comprend que je ne veux pas être trop précis non plus, parce que, trop précis, on exclut des cas qui en auraient besoin ou on pourrait inclure des cas qui n'en ont pas besoin.

Donc, c'est pour ça que je pense qu'il faut qu'il existe peut-être un principe de jurisprudence, qui pourrait être guidé par la commission et également par le Collège des médecins, en sachant que, si un jour il y a un abus, eux autres vont pouvoir faire une recommandation assez rapide pour que l'ensemble du groupe médical qui doit répondre au Collège des médecins puis également à leur code de déontologie puisse être mieux guidé.

La raison pour laquelle je demande ça, M. le Président, que je demande ça à la ministre, c'est parce que, comme je disais à ma collègue, on est 20 000 médecins au Québec, et on peut tous espérer que les 20 000 vont bien agir, puis on peut toujours avoir l'exception que, pour une raison ou une autre, quelqu'un déciderait que, pour lui, dans ses valeurs, c'est quelque chose qui pourrait se faire beaucoup plus facilement et que les gens pourraient recourir aux services de cette personne-là qui serait connue au Québec. Et là ça amènerait peut-être une difficulté en termes de l'esprit dans lequel on fait cette loi. Puis, en en discutant aujourd'hui, bien ça nous permet justement d'être capables d'établir des balises mais également peut-être de donner des orientations pour la future commission puis également le Collège des médecins sur comment on devrait traiter ce dossier-là, parce que c'est d'abord un dossier humain, de compassion. On fait ça pour le bien des personnes. Puis je pense que tout le monde a suivi ce dossier-là. Puis, indépendamment qu'on soit pour, on est contre, on est d'accord par contre à la fin qu'on veut que ce soit un dossier qui ait des balises pour ne pas qu'il y ait de dérives. Ça a été souvent ça qu'on a entendu.

Ça serait dommage que, dans un dossier comme celui-là, à la fin il y ait quelques dérives qui remettent en question le dossier. Je pense que c'est important peut-être d'en faire la discussion en sachant que, s'il y en a une, soit la commission ou le Collège des médecins pourrait intervenir.

• (16 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est très important en fait de souligner... On a souligné amplement la difficulté de trouver une notion temporelle, là, je pense que ça, c'est assez clair, merci.

C'est pour ça que, la notion de fin de vie, j'estime qu'elle est la bonne. Mais c'est très clair aussi que ce n'est pas l'anticipation des difficultés qui peut être la base d'une demande d'aide médicale à mourir. Il faut que vous soyez dans la situation. Donc, il faut que vous remplissiez tous les critères, il faut que vous soyez en fin de vie. Moi, je ne pense pas que quelqu'un qui en a trois, ans, devant lui, qui est au premier stade d'une maladie qui va être très difficile mais qui n'est pas très difficile au moment où on se parle va rencontrer ces critères-là, non. Donc, cette personne-là ne pourra pas obtenir l'aide médicale à mourir parce qu'évidemment elle ne remplit pas les critères. Donc, ça, c'est très important. C'est comme des gens qui nous disent : Ah! moi, si j'ai tel diagnostic, ça va être fini. Je veux bien, mais ça ne marchera pas comme ça, là. Donc, il faut tout de suite dire à ces gens-là : Ça ne répond pas à ça ou à un moment de désespoir ou parce qu'on vient d'avoir un diagnostic ou une difficulté qui est liée à une nouvelle qui est difficile à prendre et puis à une angoisse qui est reliée à la suite des choses. Ce n'est pas ça, le but de l'article 26. On n'est pas dans ce type de situation là. On est vraiment dans des types de situation où la maladie, elle est très, très avancée. Ça le dit, «avancé», un déclin «irréversible de ses capacités». Ça le dit aussi, que la personne doit être dans un état de souffrance. On va les faire un par un, là, je comprends, mais c'est évident que la personne ne peut pas être au premier stade de sa maladie. Aussi difficile que ça puisse être, elle n'est pas au premier stade de sa maladie, elle en est au dernier stade de sa maladie, elle est en fin de vie. Donc, ça, c'est très important.

Puis, oui, je pense qu'il va y avoir cette marge-là, si le besoin se fait sentir, que la commission... le Collège suit ça avec un très grand intérêt. D'ailleurs, peut-être pour dire à la commission… nous avons reconsulté le Collège des médecins et le Barreau du Québec pour savoir, si on inscrivait la fin de vie comme une des conditions, s'ils étaient à l'aise avec ça puis s'ils trouvaient que c'était un plus, et les deux nous ont dit que, oui, ils étaient très à l'aise avec ça, que, pour eux, c'était le bon critère, là. Donc, ils ont réfléchi aussi. Puis la question de la mort imminente, effectivement ça ne passe plus le test, là, comme la mort inéluctable, parce qu'elle est inéluctable pour tout le monde. Donc, ça, je veux peut-être faire ce petit aparté là. Mais, oui, moi, je suis très bien le raisonnement du député de Jean-Talon.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, M. le Président. D'ailleurs, de notre côté, il faut attribuer la maternité à ma collègue de Gatineau qui a pensé à le rajouter dans les critères, parce que je pense que c'est quand même une notion qui était importante.

Dernier cas, en tout cas, je pense, M. le Président, que je voudrais discuter. On parle souvent de fin de soins de vie pour les cas de cancer. Il est évident pour les gens... On parle souvent de la sclérose latérale amyotrophique, mais on oublie souvent que la fin de vie va s'adresser à toute pathologie, ou toute maladie, ou toute personne qui… on sait que la mort va probablement se produire dans les semaines ou les mois qui suivent… et qui a de la souffrance. Quand on parle de souffrance, on parle souvent de douleur, on parle souvent de souffrance psychologique, mais j'aimerais avoir l'opinion de la ministre sur… je pense connaître sa réponse, mais j'aimerais ça qu'on en parle publiquement.

On parle des maladies pulmonaires obstructives chroniques en fin de vie. On sait que, ces gens-là, on peut établir un pronostic à très court terme et on oublie souvent que la dyspnée terminale est une grande souffrance pour les personnes, on est toujours à bout de souffle, on sait que ces gens-là vont décéder, et c'est une maladie également qui peut prendre plusieurs jours, même plusieurs semaines, parfois quelques mois avant de décéder. À ma connaissance, s'ils répondent aux critères, ces gens-là, ceux qui le voudraient, pourraient le demander, ils pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Et l'intention de ma question, M. le Président, c'est pour laisser savoir qu'il n'y a pas de discrimination au niveau des maladies, là, c'est toute maladie qui peut répondre aux critères qui va pouvoir l'avoir, et je pense que la dyspnée terminale d'une maladie pulmonaire obstructive chronique est un bel exemple.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Le député de Jean-Talon a raison, M. le Président. Donc, on sait qu'il y a des maladies graves et incurables qui peuvent être autres, là, on parle toujours des cas les plus répandus qui nous viennent à l'esprit, maladies dégénératives, sclérose latérale amyotrophique, cas de cancer, mais, oui, ça peut être un cas qui pourrait être envisagé. D'ailleurs, il y a une personne qui était venue nous voir en commission parlementaire, qui nous avait très bien expliqué, compte tenu de cette maladie chronique pulmonaire très grave, à quel point chaque respiration qu'elle prenait était une source de souffrance pour elle, et c'est Mme Gladu, dont notre collègue de Mille-Îles a parlé dans son allocution lors de l'adoption de principe.

Donc, il n'y aura pas de discrimination, les critères sont là, ils sont très, très restrictifs, très contraignants. Tantôt, le député de Jean-Talon le disait, là, pour certains, ces critères-là sont trop stricts, mais je pense que ce sont les bons critères, ils doivent être très stricts, mais c'est la maladie, c'est la qualification de la maladie grave et incurable, du déclin avancé et irréversible, des souffrances, qui vont faire en sorte qu'on va se qualifier.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Oui, M. le Président. Je trouve que c'est important, toute la notion des personnes qui sont prisonnières de leur corps, parce que, dans le débat actuellement, il y en a plusieurs qui disent : Mais, si on est prisonnier de notre corps, on ne peut pas se prévaloir, on ne pourrait pas se prévaloir de cette loi, et là ça fait comme une espèce de choc où les gens pensent que l'aide médicale à mourir, c'est justement pour ces personnes qui seraient figées dans leur corps avec toute leur tête, en souffrance et incapables d'avoir l'aide médicale à mourir. Ça, là, actuellement, il y a plusieurs personnes qui pensent que la loi va pouvoir les toucher.

Si je comprends bien, il faut que les personnes soient en fin de vie, mais ça peut être quelques mois, donc ça ne veut pas nécessairement dire quelques semaines. Là, on est rendus à quelques mois pour ces personnes-là qui seraient prisonnières de leur corps. Moi, j'ai comme l'impression que ça a évolué depuis la commission parlementaire où on parlait plus en termes de… je me souviens de l'Association médicale du Québec, je crois, qui avait apporté les termes «fin de vie imminente», là. Alors, quand on parle d'imminent, ça veut dire comme d'ici une semaine ou deux et là, si on parle de quelques mois, ça change un peu la donne. Je crois qu'on a… Il faut vraiment, là, que ça, ce soit… Je sens qu'il y a comme un manque de fluidité encore. Quand je parle de fluidité, M. le Président, ce n'est pas de la part de la ministre, là, c'est dans cette espèce de discours qui n'est pas facile à couper, là, ça ne se tranche pas, hein, c'est… et c'est complexe, mais c'est important qu'on puisse en parler, parce que, si les gens ont encore l'impression que ça ne s'adresse pas aux bonnes personnes, on a une difficulté d'interprétation.

Donc, je suis prisonnier de mon corps, il me reste quelques mois, mais je sais que je suis en fin de vie. Est-ce que je peux me prévaloir de l'aide médicale à mourir? C'est ça, la question. Ou, si je dois attendre les deux, trois dernières semaines qui font en sorte que les quelques mois où je suis dans des souffrances atroces, physiques et psychologiques… et que je sais que la mort est inéluctable, inévitable et que je ne peux plus rien faire… est-ce que je pourrais me prévaloir de l'aide médicale à mourir? Et en fait les gens pensent que c'est ça, l'aide médicale à mourir pour… presque pour ces personnes-là.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est vrai, ce que dit la députée, parce que les cas les plus médiatisés, ce sont ces cas-là, parce que les gens pour qui il en reste deux, ou trois, ou quatre, jours, là, ils n'ont pas le temps d'aller dans les médias dire : Chaque heure de ma souffrance est une agonie, là. Ils se concentrent à passer à travers leurs heures de souffrance. Il y a des gens qui souffrent énormément mais qui ont plus que deux ou trois jours devant eux et qui, donc, formulent cette demande, interpellent les médias… soit eux ou via leurs proches.

Donc, deux choses que je voudrais dire. Les groupes qui sont venus nous voir, il y en a différents qui ont amené différentes idées qui pourraient être introduites : mort imminente, mort inéluctable. Et on a fait le tour, là, dans un bon nombre de séances, de ces termes-là et de la difficulté de chacun de ces termes-là parce que la «mort imminente», de notre compréhension, c'était effectivement, très, très imminent et ce ne sont pas tous les cas qui sont couverts par ça, loin de là, parce que, si votre mort est imminente dans les prochaines minutes, prochaines heures, ce n'est pas vous qui êtes le candidat le plus susceptible de demander l'aide médicale à mourir. Donc, ça, on l'a bien fait ressortir.

Donc, ceci dit, les groupes qui sont venus nous voir, pour les avoir entendus, les avoir entendus lors de la commission spéciale, moi, je dirais que la compréhension, elle est très généralisée, à savoir qu'on ne parle pas que de cas, malgré qu'ils aient pu amener ces idées-là, là, que de cas où les gens en ont pour quelques jours, voire une semaine ou deux. Il y a une compréhension généralisée que je partage, que nous partageons, qui est véhiculée dans le projet de loi, où ça peut être une plus longue période que quelques jours ou une semaine ou deux parce qu'on ne serait pas capable d'aller rejoindre ces gens-là qui souffrent énormément et qui sont en fin de vie. Mais, on le disait dans le rapport de la commission spéciale, la fin de vie se peut… M. Leblond, qui se projette… Ça ne serait pas nécessairement une question. Il n'est pas rendu à ce stade-là et il le souhaite. Moi, je le dis toujours parce qu'il nous l'a dit très clairement. Il espère ne jamais avoir recours à l'aide médicale à mourir et, comme tout le monde, il espère mourir dans son sommeil, heureux et… Mais il entrevoit dans quel état de souffrance, compte tenu qu'il connaît l'évolution de sa maladie, il pourrait être dans les dernières semaines ou mois de sa vie et il souhaite que cette possibilité-là soit là, sur son chemin.

Donc, pour répondre à la question de la députée, oui, ce n'est pas que quelques jours ou une semaine ou deux, ça peut être quelques semaines, ça peut être quelques mois, mais c'est très important aussi de dire que ce n'est pas un recours pour quelqu'un qui serait quadraplégique, prisonnier de son corps, à la suite d'un accident, par exemple, mais qui a 35 ans, en a pour des années devant lui. Il n'est pas en fin de vie, il n'a pas une maladie grave et incurable. On se comprend. Si cette personne-là en plus développe un cancer, parce qu'il y en a qui sont venus nous porter ces cas-là aussi, là… Évidemment, ce n'est pas parce qu'elle est quadriplégique qu'elle ne peut pas avoir une maladie grave et incurable un jour… et donc pouvoir se qualifier en vertu de l'article 26. Mais cette personne-là, elle n'est pas en fin de vie, ça, c'est très important de le dire, parce que ce n'est pas, et je le répète, pour les personnes qui ont un handicap, aussi sévère soit-il. Puis certaines personnes estiment que ça devrait pouvoir s'appliquer à ces personnes-là. Mais ce n'est pas le but de la loi. Le but de la loi, ça, c'est autre chose. C'est, je le dis toujours, un autre débat. C'est beaucoup plus la réalité du suicide assisté. Ce n'est pas une logique de soins, de continuum de soins pour accompagner quelqu'un qui a une maladie et qu'on veut être capable d'accompagner dans toute l'ampleur de ses souffrances pour pouvoir la soulager, qu'importent les circonstances exceptionnelles dans lesquelles elle peut se trouver.

Donc, il se peut très bien qu'à cause de votre maladie grave et incurable vous en soyez rendu à un déclin très avancé, irréversible de vos capacités, qui fait en sorte que vous êtes prisonnier de votre corps, que vous êtes excessivement souffrant. Et, dans un cas comme celui-là, quand vous êtes en fin de vie, oui, c'est une possibilité.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, pour nous, je pense, c'est important de faire une bonne discussion parce que c'est quand même un concept qui est très difficile à définir précisément, mais il faut avoir un ordre de grandeur puis un horizon. Et, pour moi, les explications données par la ministre sont très satisfaisantes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Pour ce qui est de la question de fin de vie, ça va pour moi. Est-ce que vous avez…

Le Président (M. Bergman) : S'il n'y a pas d'autre commentaire sur le paragraphe 3°, on va au paragraphe 4°.

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : Le paragraphe 4°. M. le député de Jean-Talon.

Une voix : Non.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Bien, en fait, on est dans les conditions de maladie grave et incurable. Donc, évidemment, je demanderais à la ministre, pour les fins de nos travaux, de nous identifier, bien que ça semble aller de soi, une maladie grave et incurable, mais qu'est-ce que l'on considère généralement comme une maladie qui correspond aux critères de maladie grave et incurable.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Par exemple, des formes bénignes d'arthrite. Donc, vous pouvez avoir de l'arthrite en tout jeune âge, vous allez vivre avec de l'arthrite toute votre vie, mais ce n'est pas toute forme d'arthrite qui va être jugée comme une maladie grave et incurable, bien qu'elle soit incurable. J'avais dit, la semaine dernière… j'avais donné comme exemple de l'asthme. Donc, c'est une maladie. C'est une maladie qui est incurable pour les personnes qui l'ont, mais ce ne sera pas une maladie qui va être considérée grave au sens de l'expression «maladie grave et incurable». Donc, c'est deux exemples qui me viennent à l'esprit, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Parce que le caractère de «maladie grave», c'est quand même assez subjectif comme qualificatif. Une maladie grave aux yeux de qui? Parce qu'une maladie peut être grave aux yeux du patient. Une maladie peut être grave aux yeux de la famille du patient, mais je comprends qu'ici on est dans une série de conditions qui doivent être évaluées d'une façon plus objective, donc on n'est pas dans l'évaluation subjective, là. La fin de vie, on l'a dit tout à l'heure, bon… il y a une étape où on sera rendu à la fin de vie, il y a des moments de la vie qui ne sont pas des moments de fin de vie. Bien qu'on soit atteint, qu'on ait une maladie qui nous limite énormément, ça ne nous rend pas pour autant en fin de vie.

Donc, je pense qu'il est important de définir ce que nous entendons, dans le cadre de la loi, par «une maladie grave». «Incurable», on peut plus facilement comprendre que c'est qu'il n'y a pas de chance d'amélioration de l'état de santé, j'imagine, qu'il n'y a pas de chance d'amélioration ou de guérison de la maladie. Mais «une maladie grave»… là, vous me parlez de l'asthme. Pour certaines personnes, l'asthme aura effectivement des conséquences plus importantes que pour d'autres, mais certaines personnes vivront toute leur vie avec l'asthme mais, avec un contrôle adéquat, ne verront pas de problématique majeure. Donc, c'est ça. Je me questionnais sur le choix du mot «grave» dans la condition n° 4.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Moi, je vous dirais, M. le Président, là, je ne veux pas qu'on retienne ça pour fins de définition, là, mais c'est une maladie qui met votre vie en péril, donc qui fait en sorte que c'est potentiellement mortel, qui fait en sorte que votre vie risque elle-même d'être, je dirais, emportée par la maladie. Par exemple, l'asthme, l'arthrite, ce ne sont pas des maladies qui vont emporter votre vie. Donc, une maladie qui peut avoir des… qui, de par son existence elle-même, peut être mortelle ou qui peut avoir des complications ou une évolution telle qu'elle va être mortelle, donc qu'elle va mettre votre vie en péril. Moi, c'est un peu comme ça que je le vois.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : À ce moment-là, est-ce qu'il ne serait pas plus opportun de le préciser, qu'il s'agit d'une maladie portant atteinte ou ayant comme… Une maladie mortelle… je ne sais pas, là, je pose la question : Est-ce qu'«une maladie mortelle», c'est un terme qui est consacré au niveau médical, est-ce que ça pourrait être…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je vais juste dire : On s'est posé la question puis on ne l'a pas mis parce qu'il y a des… Le cancer, c'est… ça va dépendre de votre cancer. Ce n'est pas en soi le cancer qui est une maladie mortelle, c'est vraiment l'évolution qui va le déterminer. Donc, ça devenait très compliqué de mettre ce critère-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Moi, pour aider à la discussion, c'est… une polyarthrite rhumatoïde, exemple, pourrait être une maladie grave mais dans… peut être une maladie grave parce qu'il y a des gens qui sont vraiment incommodés.

Moi, je pense que «grave», c'est dans l'intention que c'est important et ça cause beaucoup de problèmes à la personne, sauf qu'il ne faut pas interpréter l'alinéa 4° de l'article 26 comme étant une seule chose, il faut l'interpréter dans l'ensemble. Donc, il faut que ce soit grave et incurable. «Incurable», ça veut dire que ça ne se guérit pas. «Grave», ça veut dire que c'est extrêmement important. Mais ces deux critères-là ne sont pas suffisants pour avoir le droit à l'aide médicale à mourir. À ce moment-là, ça prend également l'alinéa 5° où on parle de «déclin avancé et irréversible de ses capacités». Donc, c'est comme ça qu'on doit l'interpréter. Par contre, le mot «grave», c'est certain, est difficile à définir. Moi, je le définirais beaucoup plus comme étant une maladie importante, donc peut causer énormément de problèmes ou de symptômes et de signes physiques chez la personne qui en est atteinte.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Bien, je suis d'accord avec le député de Jean-Talon, vous savez. À peu près chaque mot qui est là, on s'est questionnés pendant des heures, voire des jours à savoir si c'était le bon mot. Puis on pense que c'est le bon mot. Il n'y a pas une définition parfaite de chacun des mots, mais moi, je pense que, dans le sens commun, quand on lit ça, les gens comprennent tout à fait ce dont il est question.

Et, le député de Jean-Talon fait très bien de le dire, l'article 26, c'est un tout. Ça fait que, là, on le décortique, c'est important de le faire, mais tout ça est analysé. Donc, il n'y a rien qui va être pris isolément, on l'a dit clairement, toutes les conditions... Et, moi, autant je plaide pour dire que, la fin de vie, quand on la jumelle aux autres critères, on voit très bien qu'on est rendus de l'autre versant et dans le bas de la montagne de l'autre versant… mais c'est la même chose, la maladie grave et incurable, elle va être dans un état avancé, déclin avancé irréversible, la personne, de ses capacités. Donc, tout ça, moi, je pense que… C'est sûr que nous, on est là, on regarde ça d'une manière très, très théorique, mais un médecin qui va être face à ça… je pense que les cas vont être pas mal clairs parce que vous allez devoir additionner toutes les conditions.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Oui, M. le Président. Juste un commentaire. Moi, je vois le terme «grave» comme «gravité», tu sais? C'est grave, donc il y a de la gravité autour de ça. Puis moi, je suis à l'aise avec «une maladie grave» parce que, pour moi, il y a une consonance qui… gravité et incurable. C'est tout. C'est juste un commentaire.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, M. le Président. Je pense que le quatrième alinéa, là, c'est… «Incurable» est facile à définir, parce que c'est «qui ne guérit pas», mais «grave», ça va beaucoup plus avec le sens commun, puis je pense que le mot veut dire ce qu'il veut dire. Là, je cherche, voir, y a-t-il un mot qui répondrait mieux à cette notion-là de gravité?

Mme Vallée : Je cherchais.

M. Bolduc (Jean-Talon) : On cherche actuellement, M. le Président.

Mme Hivon :

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je vous dirais, M. le Président, que, dans le sens commun, parce qu'on veut faire une loi aussi qui est pédagogique, c'est généralement le terme qu'on entend. Donc, ce n'est pas… Et c'est aussi quelque chose qu'on retrouve quand même dans la littérature, «maladie grave et incurable». Moi, je pense que c'est une expression qui, franchement, dit ce qu'elle a à dire, qui veut dire des complications importantes, des conséquences importantes, majeures pour la personne, dans sa vie. Et, dans le contexte, c'est certain que ça veut dire, dans beaucoup de cas, «qui porte atteinte à sa vie en elle-même».

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je ne sais pas si le Thésaurus est encore ouvert comme site, parce qu'on pourrait vérifier. Mais ici ma collègue a trouvé quand même... c'est «de tristes conséquences».

Mais, juste pour donner une perspective, parce qu'on est vraiment dans le dialogue, là, je pense que, dans les quatre critères, «grave», «incurable», «déclin avancé et irréversible de ses capacités», ce qui va faire, à la fin, qui va déterminer que l'aide médicale à mourir peut être pratiquée, c'est plus la notion de déclin avancé. C'est vraiment ça, la caractéristique qui est distinctive, là. Parce que, les autres, vous avez plusieurs maladies qui peuvent l'être, graves, incurables, irréversibles. L'asthme peut l'être. La polyarthrite rhumatoïde peut être une maladie de ce type-là. Mais la différence à la fin, c'est vraiment ce qu'on appelle le déclin avancé. Et moi, je pense que ça va être ça, le qualitatif qui va être caractéristique pour savoir quand on va offrir l'aide médicale à mourir. Pour ce qu'il s'agit de «grave», bien là on a une définition qui n'a pas été fournie par le Thésaurus mais qui est quand même valable.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Dans le Larousse, ça s'approche de ce que je disais, une «maladie grave», c'est : «Qui met en danger la vie de quelqu'un.» Donc, ça peut mettre en danger votre vie sur le long terme, sur le court terme, et c'est que ça a des conséquences tellement graves que ça met en danger votre vie. Donc, voyez-vous, si j'ai dit ça tout à l'heure, c'est parce que c'est ce qu'on avait discuté, on est conformes avec le Larousse. Je ne sais pas par ailleurs si on est conformes avec le Thésaurus de Services Québec.

Une voix : ...

Mme Hivon : Ah, il n'y a pas cette définition.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je vois que certains sites nous disent «par opposition à une maladie bénigne, une maladie grave», «qui est d'une grande importance», «des conséquences fâcheuses».

Oui, «des conséquences fâcheuses», «des suites dangereuses»? Je pose la question, là. Et là, évidemment, parce que je pose la question, je ne trouve pas l'élément. J'étais tombée, la semaine dernière, en lisant différentes documentations sur le sujet, sur un terme qui était... C'était «une maladie — est-ce que c'était avec une… — dont le pronostic»... C'était-u «avec un pronostic réservé»? Mais ça limitait, et je trouvais que ça venait renforcir davantage la définition, parce que, «maladie grave»... Je comprends le concept que le tout se lit ensemble et est interrelié, mais… Attendez. Est-ce que ça serait plus «utilisé avec un pronostic»... «une maladie à pronostic réservé»? Puis je vous lis la définition de l'Office québécois de la langue française et non du Thésaurus : «Pronostic peu favorable lié à l'évolution d'une maladie ou à la gravité de lésions, selon lequel les chances de survie du patient à plus ou moins long terme sont compromises.» Donc, plutôt que «maladie grave», utiliser «une maladie à pronostic réservé». Je comprends que, dans un contexte de vulgarisation, ce n'est peut-être pas le terme le plus facile, là, parce que ce n'est pas le terme usuel utilisé dans la vie de tous les jours, mais, lorsque je regarde la définition, je pense que cette définition-là correspond à ce qu'on... Quand on parle de maladie grave, dans le fond, c'est à ça qu'on se réfère, c'est «une maladie avec un pronostic réservé».

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bien, moi...

Mme Vallée : ...

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (16 h 30) •

Mme Hivon : Moi, je dirais, M. le Président, en fait qu'on revient à l'idée qu'il faut les analyser les unes avec les autres aussi.

Si vous êtes en fin de vie, là c'est nécessairement parce que vous avez un pronostic réservé. Pour moi, ça, ça va de soi. Donc, je le lierais certainement à la notion de fin de vie. La «maladie grave et incurable», moi, je la trouve très bien choisie, en toute humilité, parce que je trouve qu'elle résonne chez les gens. Puis le «pronostic réservé», pour moi, il est sous-entendu de la «fin de vie» et possiblement, aussi, du «déclin avancé et irréversible», là, de ses capacités. Vous êtes vraiment avancé dans votre déclin, et tout ça. Donc, je ne pense pas que c'est à «grave et incurable» que cette notion-là devrait nécessairement ressortir… la question du pronostic réservé. Je comprends ce que la députée veut dire. Moi, je pense que la notion de la gravité, en elle-même c'est une notion qui est importante dans le projet de loi. Donc, dans Larousse, «qui met en danger la vie de quelqu'un», «qui a des conséquences importantes sur la vie de quelqu'un», moi, je vous soumettrais que je pense que ça dit ce que ça a à dire. Puis surtout ce n'est pas la seule condition, là, c'est une condition qui s'ajoute à toutes les autres de 26.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Oui, M. le Président. Juste pour poursuivre. Il y a «qui est d'une grande importance en soi», «sérieux», «qui peut avoir des conséquences fâcheuses» — je parle de «grave», là — «qui peut entraîner des suites dangereuses», «qui est critique, dramatique et qui met en danger la vie de quelqu'un», «qui manifeste un grand sérieux, beaucoup de retenue, de solennité»… on n'est plus là-dedans, là, mais «critique», «dramatique», «qui met en»…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je nous mettrais juste en garde, c'est ça, il faut être prudents de ne pas vouloir, dans une seule condition, retrouver l'ensemble des conditions. Ça va de soi, là. Mais on est comme souvent dans un processus circulaire, là. Mais il ne faut pas analyser… C'est bien, là, on n'a pas le choix, on le fait alinéa par alinéa, mais je nous mettrais en garde de ne pas essayer de retrouver, dans une condition, l'ensemble des conditions. Ce n'est pas pour rien qu'il y en a maintenant six d'énumérées alinéa par alinéa, c'est vraiment parce que c'est un tout et qu'on doit retrouver toutes les conditions, comme d'ailleurs on l'a précisé.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je suis actuellement… je regarde le site de la Croix Bleue. Et c'est drôle, les compagnies d'assurance définissent des maladies graves, des maladies non critiques, puis il y a des maladies graves qui peut-être ne sont pas nécessairement des maladies auxquelles on aurait pensé. Je vois, à titre d'exemples, la surdité, perte d'un membre, perte de la parole, une insuffisance rénale. Donc, c'est pour ça que, pour moi, la question de la maladie grave, c'est important de la définir parce que… Je regarde, bon, «maladie grave».

On avait, sur ce site-là, des AVC; l'anémie aplastique; l'autisme; les brûlures; on parle de brûlures plus avancées, bon, le cancer; le cancer, ça, bon, ça va — puis, encore là, comme le disait la ministre, il y a des formes de cancer qui ne porteront pas nécessairement atteinte à la vie d'une personne; la cécité; le coma; la chirurgie coronarienne; la chirurgie de l'aorte; le diabète sucré de type 1; la dystrophie musculaire; la fibrose kystique; infarctus du myocarde; infection au VIH; insuffisance rénale; maladie d'Alzheimer; Parkinson; maladie du motoneurone; méningite bactérienne; paralysie; paralysie cérébrale; perte de la parole; perte d'autonomie; perte des membres; remplacement des valves du coeur; sclérose en plaques; surdité; transplantation d'un organe vital ou insuffisance d'un organe vital; et tumeur cérébrale bénigne. Et ça, c'est un site, là, d'une compagnie d'assurance qui offre des protections pour maladies graves et maladies non critiques.

Alors, c'est pour ça que c'est un peu ça qui, moi, me soulève le questionnement sur le choix des mots «maladie grave», parce qu'en fonction de certaines pratiques, que ce soit dans le domaine de l'assurance ou dans le domaine médical, on aura identifié les maladies graves. Je comprends, là, que la maladie grave n'est pas le seul critère. Ça, c'est clair. Elle doit s'évaluer avec l'ensemble des autres critères objectifs. Mais il y a des maladies graves considérées graves par certaines compagnies qui certainement ne devraient pas être considérées graves aux fins de l'application de l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : M. le Président, je souligne les efforts de recherche de ma collègue, mais le monde de l'assurance est un monde en soi qui n'est pas, je vous soumettrais… qui est très, très différent, voire étranger de notre monde législatif avec nos lois. Donc, moi, j'entends des choses qui me font dresser les cheveux sur la tête, là, parce que je pense que les personnes handicapées n'aimeraient pas beaucoup entendre ce qu'on entend comme définitions de «maladie grave». Donc, je…

Une voix :

Mme Hivon : Hein?

Une voix :

Mme Hivon : Non. Non, mais pas juste la question, mais, je veux dire, l'autisme, des questions qui étaient de la nature d'une déficience ou d'un handicap, et les personnes sourdes vont vous dire qu'elles ne sont pas handicapées et qu'elles ne sont pas déficientes. Donc, c'est assez surprenant de voir ça. Alors, c'est pour ça que je nous mettrais vraiment en garde de s'inspirer des définitions qui sont là dans un but de couvrir ou non une réalité financière qui n'a rien, rien, rien à voir avec notre loi. Puis en plus la notion d'incurable, elle est jumelée à la notion de grave, et en plus on a tous les autres critères. Donc, moi, M. le Président, je vous soumettrais qu'on a la bonne notion.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Charlesbourg.

Mme Trudel : Bien, je suis contente, j'allais justement dire, dans le même sens que ce que Mme la ministre vient de dire, là… Je veux dire, on est rendus dans des définitions que c'est «assurances». Tantôt, c'est des définitions de dictionnaire.

On ne prend pas le mot dans son contexte. Je pense qu'on est en train d'étudier… C'est ma première présence, et puis ma collègue va sûrement prendre la relève, c'est elle qui est concernée, tant mieux. Mais, je veux dire, on arrive à des définitions, des détails où est-ce qu'on parle le monde médical. Tu sais, je veux dire, je pense que la définition… Un mot, quand on le met dans son contexte médical, est différent que quand on le met dans un contexte d'assurance. Je sais très bien de quoi je parle, j'ai un conjoint qui est planificateur financier depuis 38 ans. Alors, tous les termes, là… autant il y a de compagnies, autant il y a de termes, autant il y a de définitions, tu sais, puis… Mais là on sort d'un contexte. En tout cas, vous l'avez sûrement, hein, quand on parle de «maladie grave»… Je n'ai pas pu tout voir les articles, mais il y a sûrement en quelque part… Parce qu'on parle d'appliquer des soins de fin de vie de façon particulière. Vous l'avez sûrement défini à quelque part, là, avant, là, à un article de loi. C'est quoi, là? Je veux dire, qui… tu sais, dans quel contexte une personne peut avoir cet accompagnement-là de soins de vie… de, voyons, fin de vie… tu sais, de soins pour fin de vie? Alors, il faudrait ramener le mot dans son contexte. C'est ce que je voudrais dire, là. Il y a beaucoup, beaucoup de définitions, hein? Il y a sûrement une définition médicale, puis je suis certaine que le…

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bien, à l'article 3, nous avons effectivement désormais des définitions. Puis, enfin, on peut se ramener à ça aussi, là, «soins de fin de vie». On a les soins palliatifs, on définit nos soins palliatifs aussi d'une manière assez précise. Donc, moi, je suis plutôt d'accord avec le fait que les mots ont un sens dans le contexte où nous sommes aussi, qui est une loi sur les soins de fin de vie. Donc, on prend chaque critère individuellement, on les analyse dans le sens le plus logique, là. On vient de me donner une autre définition de «grave et incurable» : potentiellement… «une maladie grave» : une maladie potentiellement mortelle. Donc, ce lien-là est souvent là, là, qu'il peut donc y avoir vraiment des risques pour la vie de la personne, peut conduire à la mort. «Potentiellement mortelle». Donc, moi, je pense que le sens commun est assez évident. Puis, quand on le met dans notre loi, c'est encore plus évident. Alors, je pense que c'est la bonne expression, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Charlesbourg.

• (16 h 40) •

Mme Trudel : Puis justement pour se rapporter à l'article 3… Je l'ai lu. Ça, je n'avais pas… parce que j'essaie de le faire assez vite, là, pour essayer de suivre, là. On parle de soins palliatifs, là, je veux dire. Si on parle de surdité, si on parle de maladies de rein, de… on n'offrira pas des soins palliatifs à ces gens-là, là, avant d'arriver à proposer un accompagnement de fin de vie, là, tu sais, je veux dire. C'est pour ça que je dis : Ramenons-le dans le contexte, là. Et puis, si on parle de maladie grave puis… on a les soins palliatifs qui sont offerts avant — c'est bien ce que j'ai compris aussi? — normalement?

Mme Hivon : Généralement.

Mme Trudel : Bon. Alors, c'est une maladie où est-ce qu'on sait… la seule chose, c'est qu'on n'est pas capable de déterminer le temps en jours. Mais c'est vraiment quelqu'un qui est en fin de vie, là, tu sais? Je veux dire, il ne faut pas chercher d'autres détails aux mots, là, d'autres définitions aux mots.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ça va.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Parle, puis je vais parler après.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Oui, juste pour faire une précision par rapport à la surdité. Je pense, c'est important de ne pas laisser les affaires comme ça. Une personne qui est née sourde ne se sent pas nécessairement, forcément, handicapée dans le sens de ce qu'on nomme, nous, handicap. Mais une personne qui devient sourde après avoir entendu, admettons, 25 ans, cette personne-là, c'est comme le… elle a perdu quelque chose dans sa vie, elle a perdu l'audition, toutes ses références sont auditives, donc elle se sent forcément en situation de handicap. Mais une personne qui est née sourde et, qui plus est, née de parents sourds, cette personne-là, là, est dans son monde, est dans un monde où il n'y a pas le sentiment de se sentir handicapée. Mais tu peux fort bien être handicapé et être sourd, là. Ça fait que c'est pour ça que je voulais juste balancer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Seulement que pour clarifier pour notre collègue. C'est parce que, lorsqu'on a fait ce projet de loi là… on accorde beaucoup, beaucoup d'importance à chacun des mots, puis, comme on l'a dit au début, on fait un effort collectif de réflexion. Parce qu'une fois qu'on va avoir fermé un article, généralement, c'est ce qui va rester dans la loi. Et puis le mot «grave» amène une certaine… quand même, on a fait un gros travail de définition, puis les gens n'arrivaient pas avec les mêmes définitions. Puis on se sert également de tout ce qui se fait pour apporter des nouvelles idées. Puis c'est vraiment, là, un travail collectif et non pas, je dirais, moins un travail d'opposition comme de travailler ensemble. Et, à la fin, on veut être certains que, chacun des mots, soit qu'on l'a bien défini ou qu'on l'a bien expliqué. Et c'est pour ça qu'on fait ce travail-là d'aller voir un petit peu partout tout ce qui s'est fait, un peu comme… Ma collègue a fait beaucoup de recherches dans les lois des autres pays où ils ont des idées, des fois, nouvelles ou différentes, et l'objectif, c'est vraiment de bonifier le projet de loi. Un peu comme tantôt, j'ai peut-être pris des exemples pratiques parce que, quand on parlait de soins de fin de vie… c'est difficile à définir. Puis, jusqu'à date, il n'y a personne qui nous a apporté une définition où tout le monde dit : Ça a bien du bon sens, c'est seulement que ça. Donc, c'est important que, lorsqu'on n'a pas la définition précise avec les mots, on donne des exemples, parce que tout ce qu'on dit est enregistré, puis on donne également des orientations pour le futur si les gens voulaient savoir c'était quoi, les intentions du législateur. Et, tous autour de la table, notre premier rôle, ce n'est pas d'être au gouvernement ou en opposition mais d'abord d'être un bon législateur.

Ça fait que c'est pour ça qu'on l'amène dans cette perspective-là et qu'on regarde au niveau des assurances. Puis on comprend que, dans les exemples qui avaient été donnés, pour nous, ce n'était peut-être pas grave, pour les assurances, ça l'est peut-être. Mais, quand on parlait d'insuffisance rénale, de cancer, tout ça… bien ça demeure des exemples pratiques qui, dans cette loi-là, servent d'exemples de maladies graves. Je voulais juste le mettre en perspective, là, parce que c'est l'esprit dans lequel on travaille cette loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. Alors, comme je l'ai dit à votre collègue lundi dernier, je considère qu'on a une responsabilité ici, autour de la table, puis une responsabilité dans… un peu comme le disait notre collègue, de s'assurer que des concepts ou des notions qui ne sont peut-être pas nécessairement évidents puissent être expliqués. Pourquoi? Parce que, le jour où un tribunal, un juge sera placé devant une demande qui lui a été formulée, une demande formulée et fondée sur des articles du projet de loi qui aura été adopté, comme c'est du droit nouveau, le juge devra possiblement revenir puis voir quels ont été nos échanges ici, en commission, quelle a été l'intention du législateur.

«Maladie grave», comme vous avez pu le constater, c'est quand même assez large comme concept. On est dans un projet de loi sur les soins de fin de vie. «Soins palliatifs», ça va, il n'y a pas de conséquence à ce que quelqu'un soit admis en soins palliatifs. L'aide médicale à mourir, il y a des conséquences, des conséquences terminales, et c'est sérieux. Et c'est pour ça que nous faisons ce travail de cette façon-là, un, pour permettre de bien clarifier les choses. Je pense, il y a une démarche pédagogique. Parce qu'il y a toutes sortes de choses qui se disent en ce moment sur le projet de loi, je pense, c'est important de démystifier. Et, comme on a entendu, en commission parlementaire, des gens qui ont manifesté des craintes, qui ont manifesté des interrogations, bien, aujourd'hui puis dans les jours… comme la semaine dernière, on prend le temps de démystifier ces choses-là. On prend le temps aussi de se questionner sur le choix des mots puis sur leur place dans le projet de loi. Puis tout ça, ce n'est pas par caprice puis ce n'est pas pour faire du temps, mais c'est pour faire le meilleur projet de loi possible parce qu'on a une responsabilité puis qu'on prend cette responsabilité-là très au sérieux.

Parce qu'être capables d'outiller les tribunaux pour une interprétation éventuelle qui sera nécessaire, c'est ça, notre job de législateurs, c'est à ça qu'on sert. Donc, c'est pour ça. Puis, s'il faut qu'on pose des questions puis qu'on se questionne…

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : …s'il vous plaît!

Mme Vallée : Non, mais la collègue soulève un point. Moi, quand j'ai fait la liste, quand j'ai fait la lecture des maladies, c'est parce que je me suis dit : Bien, il y a différentes interprétations. Je comprends le concept de l'assurance, je comprends très bien, mais…

Le Président (M. Bergman) : …adresser au président, s'il vous plaît.

Mme Vallée : Oui. Alors, M. le Président, je comprends très bien les notions d'assurance, ce n'est pas ça, mais c'était pour illustrer à quel point parfois «maladie grave» pouvait avoir une portée différente. Et donc le questionnement venait de là, tout simplement.

Et puis, je comprends, la ministre a soulevé, là, une autre définition. Puis je pense que le travail qu'on fait, là, de préciser exactement ce qu'on entend, c'est important. Alors, lorsque, par exemple, quelqu'un qui se fera… peut-être pour dire à la collègue : Quelqu'un qui se fera refuser l'aide médicale à mourir pourrait éventuellement s'adresser au tribunal et dire : Je la veux. Par requête, je la veux, l'aide médicale à mourir. Et donc le tribunal devra vérifier est-ce que la personne correspond ou remplit les conditions suivantes : Est-ce que la personne est atteinte d'une maladie grave? Bon. Quelle maladie? Bon, est-ce une maladie grave? Mais c'est exactement ce à quoi on sert, parce que peut-être qu'il n'y en aura pas eu, d'autre jurisprudence sur la question, et puis on se basera sur les échanges puis les travaux de la commission parlementaire pour pouvoir éclairer le tribunal sur l'intention du législateur, sur le pourquoi, pourquoi les mots ont… Le choix des mots est extrêmement important, puis il y a des significations. Chaque mot, chaque mot a sa place. Et, surtout dans un projet de loi comme celui-là, c'est du droit nouveau, c'est quelque chose… en fait, le travail qui se fait est très, très, très important.

Donc, ça peut peut-être sembler, pour certains, de la philosophie. Bien, oui, quand on parle de fin de vie, il y a un brin de philosophie. Ça peut peut-être parfois paraître théorique. Oui, dans la vie, il y a de la théorie. Ça peut parfois peut-être être poussé. Bien oui, parce que c'est notre responsabilité de le pousser, justement. C'est notre rôle. Si on ne le fait pas, on n'aura pas fait notre travail.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bien, je ne pense pas que ça s'adressait… Je n'ai pas de commentaire à faire. Je pense qu'il faut travailler dans le climat le plus serein et constructif possible et accueillir tous les commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe 4°?

M. Bolduc (Jean-Talon) :

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je ramène vraiment, là, que l'interprétation doit se faire avec le paragraphe 5°, parce que ce n'est pas seulement que ça, mais autre chose qui explique un peu pourquoi le mot «grave»…

Le Président (M. Bergman) : Alors, on va revenir au paragraphe 5°. Le paragraphe 5°. Mme la députée de Gatineau.

• (16 h 50) •

Mme Vallée : Donc, «un déclin avancé et irréversible de ses capacités», j'imagine que… C'est parce que je vois à quel point les paragraphes nous ramènent vers 28 et vers la constatation… en fait, des échanges que le médecin devra avoir avec ses équipes.

Lors des consultations… Parce qu'on a eu plusieurs échanges, j'ai une petite idée de la réponse, mais, entre autres, le Collège des médecins puis l'Association médicale du Québec avaient demandé de remplacer «déclin irréversible de ses capacités» par «phase terminale». Je comprends que vous avez eu des échanges depuis avec le Collège des médecins puis je comprends que la question de phase terminale, encore dans un contexte d'assurance, avait été définie de façon relativement large et que ça portait un petit peu à confusion, là, ou peut-être à une interprétation particulière.

Donc, je me demandais tout simplement pourquoi on avait fait le choix de maintenir la condition n° 5 rédigée dans sa rédaction actuelle et pourquoi on n'avait pas donné suite à la recommandation qui nous avait été formulée par le Collège des médecins et l'Association médicale du Québec.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bon. Simplement dire : La nuance pour la phase terminale par rapport, par exemple, à un document d'assurance, c'est que la phase terminale, elle est définie dans des lois et règlements du Québec. Donc, c'est pour ça que c'est un enjeu. Quand on parle du deux ans, là, c'était vraiment dans notre corpus québécois et non pas juste en faisant un lien, un lien avec une autre réalité, d'où la difficulté que ça peut poser. Donc, oui, il y a cette difficulté-là.

Et, pour avoir... C'est ça, on a rediscuté, là, parce qu'on veut s'assurer qu'il y a un consensus autour des termes que l'on met vraiment dans l'article 26. «Phase terminale», quand certains sont arrivés avec ça, ou «mort imminente» ou «mort inéluctable», c'était plus en lien, de notre compréhension, avec la question de la fin de vie. C'est vrai qu'il y en a qui l'ont suggérée pour d'autres critères, là, d'autres conditions, mais c'était plus comme pour essayer de trouver ce mot magique, cette réalité magique qui viendrait dire : Voici, voilà ce qu'on a en tête.

Pour la question de la caractérisation, là, du «déclin avancé et irréversible de ses capacités», moi, je crois, un peu comme le député de Jean-Talon, que c'est une condition qui est vraiment très forte, qui est vraiment au coeur de l'article 26, parce que c'est elle qui illustre vraiment, moi, ce qui est mon expression : «de l'autre versant de la montagne» et que vous vous en allez vraiment vers le bas de la montagne, pour poursuivre l'analogie. Donc, c'est le fait qu'il n'y a aucun espoir, il n'y a aucune issue, il n'y a aucune possibilité que votre situation s'améliore, que vous regagniez des forces. Donc, vous êtes non seulement dans un déclin avancé dans votre maladie, donc, à un stade avancé, mais vous êtes aussi dans une situation d'irréversibilité de ce déclin avancé là, donc vous n'irez pas mieux. Et tout ça est lié à, évidemment, votre maladie qui est grave et incurable. Et je pense que c'est très important pour illustrer le fait que ce n'est... Puis, en plus, ça, c'est lié au fait que vous êtes en fin de vie. Donc, évidemment, c'est très étroit. Quand on l'interprète, ça va évidemment de pair, mais ce déclin-là, il doit être constaté et il doit être irréversible.

Donc, moi, je ne vois pas ici la pertinence, là, de la question de la phase terminale comme telle, je la vois plus en lien avec la notion de fin de vie. Mais, pour toutes les raisons qu'on a explicitées plusieurs fois, on ne juge pas judicieux de le mettre dans le projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Lorsqu'on parle d'un déclin avancé puis irréversible de ses capacités, je comprends que le critère... en fait, il n'y a pas de perspective d'amélioration, finalement, là. C'est clair, il n'y aura pas... plus la maladie avance, plus l'état se détériore, et il n'y a pas de possibilité par aucun traitement de venir arrêter, ralentir… ou améliorer même la qualité de vie du patient.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Effectivement, c'est un très bon complément. Moi, je dis : Sans issue, sans amélioration possible, sans aucune perspective d'amélioration, comme le dit la collègue.

C'est exactement ça, le sens de l'article. Mais vous pourriez être sans aucune perspective d'amélioration mais ne pas être dans un déclin avancé. Je ne sais pas si... Vous pourriez être dans un déclin modéré ou un premier stade de la maladie, puis il n'y aurait pas de possibilité d'amélioration, votre déclin va se poursuivre, mais il ne serait pas avancé. Dans le rapport, on parlait de «déchéance avancée», puis plusieurs experts médicaux nous ont dit que ce serait plus à propos en termes médicaux de parler de «déclin».

Mais en fait c'est pour ça que l'expression qui est retenue, c'est «déclin» à la fois «avancé» mais «irréversible de ses capacités», ce qui, oui, M. le Président, signifie qu'il ne peut y avoir d'amélioration, il n'y a aucune perspective d'amélioration, la situation est en fait sans issue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Et pourquoi on a fait le choix de parler de «situation médicale» plutôt que d'«état de santé» ou son «état médical» plutôt que... Parce qu'on parle... Je pense qu'on parle beaucoup d'état de santé ou de... là, on est vraiment en «situation médicale».

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

(Consultation)

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Bien, M. le Président, c'est encore plus global. Donc, on a eu ce débat-là.

La «situation médicale», c'est encore plus global que votre… je dirais, votre état de santé pris de manière peut-être plus isolée. C'est l'ensemble en fait de la situation médicale dans laquelle vous vous trouvez. On avait eu de savants échanges avec les experts du ministère qui nous avaient recommandé cette expression-là. Donc, je ne sais pas si on peut... Il y a des choses que je suis rendue que je tiens tellement pour acquises que je... Ce n'est pas bon, ça. Il faut toujours se questionner sur chaque chose à chaque jour, mais il y en a tellement. Donc, je vais voir si on peut me fournir d'autres explications. Mais c'était ça, l'idée, c'était vraiment... Parce que, dans le rapport, je pourrais le sortir, je pense qu'on parlait de «son état», on disait juste «son état», je crois, et on nous a suggéré de mettre...

Une voix :

Mme Hivon : Ah non, c'était «situation médicale». On est cohérents avec le rapport. Puis on s'est posé la question et on s'est dit que la «situation médicale», c'était plus large que l'«état de santé» en lui-même.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Les explications de la ministre, ça me va, ça me satisfait, parce que… bon, j'avais mon point d'interrogation, là, mais... Évidemment, je comprends que c'est plus global puis je pense que...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, M. le Président, je reviens sur cet article. Pour moi, une caractéristique extrêmement importante qui signe la fin de vie, c'est le déclin avancé. Je pense que les deux critères, là, entre autres la question d'incurable, on sait que ça ne se guérit pas; irréversible, ça veut dire que ça ne s'améliorera pas, ça va aller juste en diminuant… Mais ce qui définit vraiment qu'on est rendu au moment de l'aide médicale à mourir, c'est la notion d'avancé. Et, si c'était «le déclin avancé», là, c'est vraiment ça qui fait la différence entre le moment où on pourrait appliquer l'aide médicale à mourir versus une situation qu'on devrait observer et ne pas l'offrir. Ça, j'insiste là-dessus parce que c'est ce qui fait la nuance sur les soins de fin de vie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Comme je l'ai dit un petit peu plus tôt, puis je ne sais pas si le député l'a noté, mais effectivement le «déclin avancé», c'est au coeur de l'article 26 parce que c'est ça qui fait, comme j'ai dit tout à l'heure à la collègue de Gatineau, que, là, vous êtes rendu de l'autre versant de la montagne et vous vous dirigez vraiment vers le bas de la montagne et c'est très clair à tout le monde qui vous voit dévaler que vous êtes vraiment dans un déclin avancé. Puis la notion d'irréversibilité, elle est très, très important, parce que vous avez des maladies fulgurantes mais où vous pouvez vous... vous pouvez remonter aussi, ce qui est «la pente», c'est le cas de le dire, dans notre analogie, mais ce qui n'est pas le cas du tout ici.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (17 heures) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : J'abonde dans le sens de ce que la ministre vient de dire, c'est-à-dire «déclin avancé» et irréversibilité, c'est le coeur de l'article 26 qui lui-même est le coeur du projet, parce que c'est toute la question de l'aide médicale à mourir.

Je sais qu'il y a toute la notion de soins palliatifs et tout ce qui va avec, mais il reste que ce qui est vraiment du nouveau droit, quelque chose qui va être unique au Québec, en Amérique du... peut-être pas en Amérique du Nord parce qu'il y a quatre États qui pratiquent déjà une certaine forme d'aide médicale à mourir, mais il n'en demeure pas moins que c'est ça qui fait la différence dans ce projet de loi, parce que, les soins palliatifs, on aurait pu, sans faire de projet de loi, être capables de bien les baliser, offrir plus de services, toute la question de la notion de consentement également. Mais ici, là, on a vraiment le coeur du projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je tiens juste à dire, M. le Président, parce que c'est très important pour moi puis, je pense, c'est très important pour la compréhension globale : Je comprends bien ce que le député de Jean-Talon veut dire quand il dit ça, que l'article 26 est le coeur. Mais, pour moi, l'article 26, c'est peut-être ce qu'il y a de plus sensible, qui a fait l'objet du plus grand nombre de débats, évidemment, mais, pour moi, ce n'est pas le coeur, parce que le projet de loi, vraiment, il a en son coeur, il a en son principe d'accompagner la personne avec toute la complexité de sa situation. Je le redis parce que ça aussi, je pense, c'est très important pour l'interprétation de la loi.

Ce n'est pas un projet de loi qui est morcelé en x morceaux différents qui n'ont pas de lien les uns entre les autres, c'est vraiment un projet de loi qui vient mettre au coeur de ses principes l'accompagnement de la personne qui est en fin de vie, en reconnaissant l'importance de cette étape-là de la vie de quelqu'un qu'est la fin de vie, qui est une étape fondamentale et où on vient l'accompagner pour répondre à ses besoins, pour répondre à elle, à la complexité de sa situation, pour répondre à sa souffrance de la meilleure manière possible, et évidemment, en son coeur, la reconnaissance des soins palliatifs, de ce droit aux soins palliatifs qui est clairement inscrit, de cet accompagnement-là sur un continuum de soins, et, dans des cas tout à fait exceptionnels, des circonstances de souffrance exceptionnelle, il y a cette option ultime, tout à fait exceptionnelle, de l'aide médicale à mourir. Mais ça, à chaque fois je tiens à le redire parce que c'est aussi au coeur, bien sûr, de l'interprétation qu'on fera de notre projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Oui. Moi, je vais m'exprimer, là, par rapport… parce que c'est la première journée que je viens à l'étude article par article, et il y a des choses qui se sont dites, entre autres l'importance de définir les termes, de les choisir et de prendre le temps de le faire, en particulier pour l'article 26. Et, quand le député de Jean-Talon dit que c'est le coeur du projet de loi, je me souviens pertinemment que, durant la commission parlementaire, beaucoup de groupes parlaient notamment de l'article 26, ça revenait extrêmement fréquemment.

Et je dois dire que j'ai fait une consultation dans mon comté et que c'est probablement… même si la ministre dit que, pour elle, le projet de loi, c'est global, c'est tout, mais il y a autant de définitions, je pense, qu'il y a de compréhension chez les individus et de la façon dont ils veulent aussi percevoir ce projet de loi. Et, dans mon comté, les gens ont dit : Bien, commencez par vraiment déployer partout les soins palliatifs, et après on va accepter l'article 26, après on va faire l'aide médicale à mourir. Et c'est pour ça qu'on dit que c'est possiblement le coeur. Ce qui dérange le plus le projet de loi, c'est cette partie-là extrêmement signifiante parce que c'est irréversible. Comme le disait tantôt la députée de Gatineau, bien, une fois, là, qu'il y a eu l'acte médical à mourir, bien là la personne est partie. Alors, c'est pour ça qu'il faut vraiment choisir ces choses-là. Et moi, je suis contente d'être ici aujourd'hui, parce que, oui, il faut le voir dans sa globalité, et, oui, les gens veulent de soins palliatifs, mais ils veulent aussi qu'il y ait cette balise. Ils veulent sentir que, dans cet article-là qui parle précisément de l'aide médicale à mourir, ça s'adresse à qui, combien de mois, c'est quoi, «irréversible», c'est quoi, le déclin avancé… C'est pour ça qu'on prend un peu plus de temps, mais ce temps-là est un temps important parce qu'on n'en a jamais fait, de projet de loi comme ça, là. Et, si on est capables de parler de mines trois fois, quand on parle de la vie humaine et quand on parle aussi de l'autonomie des personnes, de pouvoir faire des choix, je pense qu'on peut prendre le temps aussi d'essayer de faire, comme le disait la députée de Gatineau, le meilleur projet de loi possible.

Et, la ministre le disait, on ne le sait pas, qu'est-ce qui va se passer dans 10 ans, on ne sera pas là. Mais pour l'instant on veut faire le meilleur projet de loi possible, et je m'inscris dans ce meilleur projet de loi possible parce que c'est important, parce qu'on parle de la vie des personnes, des personnes qu'on aime. Et on parle aussi d'un acte de compassion, hein? On a parlé d'acte de compassion. Alors, c'est ça. Je voulais juste m'exprimer là-dessus. Je sentais que j'avais besoin de le dire. Ça vient de mon âme, là.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres... Mme la députée de Gatineau, sur le paragraphe 4°.

Mme Vallée : Bien, en fait, sur le paragraphe 5°...

Le Président (M. Bergman) : 5°.

Mme Vallée : …il y a un questionnement qui nous avait été formulé, entre autres, par l'Observatoire du Vieillissement et Société qui, à la page 11 de leur mémoire, se disait : Comment une personne en déchéance avancée de ses capacités peut-elle donner un consentement libre et éclairé? Alors, ça, c'était l'Observatoire du Vieillissement qui avait soulevé cette question-là, à savoir : Comment une personne en déchéance avancée peut-elle donner un consentement libre et éclairé?

Donc, je comprends que l'état de déclin avancé et irréversible des capacités, dans le contexte bien particulier de l'article 26, ce n'est pas nécessairement les capacités cognitives. Ça peut être les capacités physiques, c'est... Parce qu'il y a cette question-là qui a été soulevée lors des consultations. Et donc, peut-être pour rassurer aussi les gens qui ont formulé la question... En fait, je pose la question parce qu'on n'y a pas nécessairement répondu, comme tel, bien qu'on comprenne par les explications que c'est vraiment la situation médicale, ce n'étaient pas nécessairement les conditions cognitives de la personne.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Effectivement, M. le Président. Et la question de l'aptitude est là dès le départ, donc.

Comme on l'a amplement expliqué, cette aptitude à consentir au soin, donc à ce soin, va devoir être évaluée. Et, je vous dirais, pour rassurer les gens qui nous ont fait ce commentaire, évidemment, toutes les personnes... si en fait on prenait ça comme prisme d'analyse, toutes les personnes qui sont en fin de vie, qui vivent un déclin avancé de leurs capacités, ne pourraient pas... Si on se disait : Ah, ils vivent déclin avancé, donc ils ne peuvent plus consentir, bien ça veut dire que les gens en fin de vie ne pourraient plus consentir, alors que c'est une étape de leur vie où des décisions excessivement importantes se prennent et souvent à tous les jours. Parce que vous acceptez et vous refusez des choses quand vous êtes en fin de vie, même quand vous êtes aux soins palliatifs, toutes sortes de soins de confort, mais, à un moment donné, certains soins de confort ont des effets collatéraux qui créent de l'inconfort, et donc vous mesurez ce qui apporte le plus confort, le moins d'inconfort. Donc, il y a des décisions à chaque jour qui se prennent, des décisions de refus de soins, des décisions de choix de soins. Donc, évidemment, c'est déjà le cas, les personnes en fin de vie, même quand elles vivent un déclin avancé de leurs capacités, on doit évaluer et leur demander, bien sûr, leur consentement à chaque fois. Donc, si ça peut les rassurer, bien sûr, on parle de gens qui ont leur aptitude à consentir, à exprimer un consentement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci pour ces précisions. Moi, pour le moment, ça me va au niveau des commentaires sur 5°.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe 5°? Alors, collègues, on procède au paragraphe 6°. Mme la députée de Gatineau, sur le paragraphe 6°.

• (17 h 10) •

Mme Vallée : Alors, sur le paragraphe 6°, je sais qu'il y a eu énormément de préoccupations qui ont été soulevées par les souffrances psychiques.

Entre autres, l'Association québécoise de prévention du suicide aurait souhaité qu'une évaluation psychiatrique puisse être faite lors de la formulation, lorsque quelqu'un formulait une demande d'aide médicale à mourir. Je sais que, pour certains, ça ouvre une porte qui ne doit pas être ouverte pour ceux et celles qui seraient dans une période plus creuse de leur maladie. Parce qu'il y a toujours une évolution. Il y a des moments qui sont plus difficiles quand on passe à travers une... Lorsqu'on est dans cette étape-là d'une vie, lorsqu'on est en fin de vie, il y a des périodes qui sont plus noires, il y a des périodes qui sont plus intenses au niveau émotif, et plusieurs se préoccupaient à savoir : Est-ce qu'on va permettre que ces critères-là, que cette période-là viennent ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir?

Et je pose la question parce qu'on a choisi... Au paragraphe 6°, on parle de «souffrances physiques ou psychiques». Donc, on n'a pas la souffrance physique et psychique, on a vraiment l'un ou l'autre. Alors, pourquoi a-t-on choisi d'aller dans cette voie-là, d'ouvrir la porte aux souffrances psychiques? Le rapport, bon, faisait état de cette volonté-là également. Je sais également que la souffrance psychique fait également l'objet de... Bon. La loi qui a été passée au Luxembourg reprend ce caractère, cet élément-là de souffrance psychique, la loi belge également. Et donc je me demandais un petit peu… je voulais savoir l'intention puis où on tirait la ligne.

Lorsque quelqu'un est dans la période noire dont j'ai parlé un petit peu plus tôt, comment on s'assure que ce n'est pas une souffrance qui est temporaire mais bien qui est constante?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Donc, plusieurs choses, M. le Président. La grande préoccupation de l'association de prévention du suicide, puis je pense qu'il faut l'accueillir, ce serait que cette disposition-là puisse s'appliquer à des gens qui souffrent de dépression et… qui souffrent de dépression dans leur vie ou qui souffrent... Ce n'est pas, et je veux le dire très clairement, le sens de l'article 26. Une personne qui est dépressive, même si elle a une maladie importante... La notion de dépression, de faire une dépression, de vivre une dépression ne se qualifierait pas à l'article 26 parce que vous n'êtes pas dans une situation d'irréversibilité, qu'il n'y a pas de perspective d'amélioration. Pour reprendre l'exemple de ma collègue, vous n'êtes pas face à une maladie incurable. Donc, on sait qu'on peut se sortir d'une dépression. Donc, ça, c'est très important de le dire. Les critères qui sont là excluent le fait que vous puissiez demander l'aide médicale à mourir parce que vous êtes dans un état de dépression.

Deuxième élément : Pourquoi c'est si important et pourquoi nous y tenons tant, d'avoir «souffrances physiques ou psychiques»? Comme plusieurs experts sont venus nous le dire, en fin de vie, souvent, la souffrance psychique est celle qui prend toute la place. Donc, il va y avoir des gens qui vont souffrir atrocement, qui vont avoir des angoisses existentielles de fin de vie absolument incontrôlables et qui font en sorte que leur vie n'a plus aucune qualité. Leur fin de vie est dominée par une angoisse perpétuelle qui fait en sorte qu'elles sont dans un état insupportable. Et je pense que c'est très important. On travaille beaucoup, comme société, pour reconnaître l'importance des souffrances psychiques, l'importance de les reconnaître pleinement, que c'est quelque chose d'aussi grave et d'aussi important que les souffrances physiques. Je pense que c'est très important de le mettre de l'avant dans le projet de loi.

Pour ce qui est de la question de comment on va évaluer la capacité de la personne, tout ça, je pense qu'on revient tout le temps à la même réalité. Et L'AGIDD, qui représente les personnes atteintes de maladie mentale, nous a bien mis en garde de ne pas stigmatiser, surstigmatiser les personnes atteintes de maladie mentale en venant prévoir des critères excessivement stricts qui feraient en sorte que, si dans votre vie vous avez eu le malheur d'avoir un épisode de maladie mentale dans votre vie, l'aide médicale à mourir vous soit à peu près impossible.

Donc, moi, je pense qu'on a atteint le juste équilibre dans ce qu'on a prévu. Puis, comme le disait le député de Jean-Talon tout à l'heure, ça nous remonte à l'alinéa 2°. Mais, quand un médecin ne se sent pas parfaitement outillé pour évaluer, dans un cas qui serait particulièrement difficile, l'aptitude à consentir, il va avoir recours à des collègues ou à d'autres experts, au besoin. Donc, je pense qu'on a cette flexibilité-là, mais je pense qu'il faut faire très attention de ne pas stigmatiser non plus les personnes qui auraient vécu une situation de maladie mentale dans leur vie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Quelles seraient les conséquences de prévoir que la personne a des souffrances physiques et psychiques? Qu'est-ce que ça aurait comme impact si on faisait le choix de remplacer le «ou» par «et»?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Parce que vous pourriez avoir des souffrances physiques absolument… Quand tantôt on parlait de quelqu'un pour qui chaque respiration est insupportable puis qu'on n'arrive pas, par exemple, à soulager, qui est dans des situations d'étouffement à répétition avec des douleurs très importantes, bon, peut-être que c'est un cas… peut-être qu'on s'imagine que cette personne-là va souffrir psychiquement, mais elle peut souffrir surtout physiquement et non pas psychiquement également.

Donc, est-ce qu'on veut faire en sorte qu'il faut absolument qu'elle ait une souffrance psychique constante et insupportable en plus de souffrances physiques constantes et insupportables? Non. Je vous soumettrais que non. Et l'inverse : vos souffrances peuvent être relativement bien contenues, mais vous pouvez être dans un état d'angoisse existentielle de fin de vie absolument insupportable, ce qui fait en sorte que vous êtes incontrôlable ou on doit vous donner des calmants — je le donnais déjà, je pense, comme exemple — tellement forts que vous allez avoir des hallucinations, vous allez avoir des effets secondaires très importants, ce qui fait en sorte que vous ne serez plus du tout en contact avec la réalité ou vos proches, puis, quand vous revenez, vous êtes dans un état de très grande souffrance, encore une fois, existentielle.

Donc, moi, je pense qu'il faut prévoir le «ou», parce que sinon il faudrait que quelqu'un souffre franchement d'une manière absolument atroce parce qu'on obligerait cette personne-là à souffrir atrocement à la fois physiquement et psychiquement. Donc, je ne pense pas que c'est le but recherché, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Non. En fait, le but recherché, ce n'est pas ça, là, c'est juste d'arriver à tracer un équilibre puis faire en sorte de rassurer les gens sur la raison d'être de «souffrances psychiques» parce que je crois que ça a pu soulever des questionnements sur cet élément-là. D'ailleurs, c'est pour ça que j'ai fait référence… Je sais que, dans plusieurs législatures, on l'a maintenu. Donc, ce n'est pas nouveau, là. Il n'y a pas juste au Québec où on apporte cet élément-là de souffrance psychique. On a aussi l'autre critère, «qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables», donc des conditions que la personne qui vit ces souffrances-là juge elle-même tolérables.

Pourquoi on n'a pas un critère médical sur la façon d'apaiser les souffrances?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (17 h 20) •

Mme Hivon : Bien, je vous redonnerais l'exemple que je viens de donner. Vous êtes dans une angoisse existentielle telle qu'on doit vous donner des doses tellement fortes — et là je ne suis pas une spécialiste de la pharmacologie, des psychotropes, là — mais tellement fortes que vous allez avoir des effets secondaires, certains en ont témoigné aussi, d'hallucinations… donc, vous allez juger dans toute votre autonomie que, pour vous, c'est encore pire de perdre ce contact avec le réel. Donc, pour vous, ce sont des conditions qui ne sont pas tolérables.

Ça pourrait être une personne dont les souffrances physiques sont telles qu'elle doit être maintenue dans un coma constant, et cette personne qui revient à la sédation palliative continue, qui serait la seule issue, et cette personne-là, comme on l'a entendu, pourrait nous dire : Pour moi, ça n'a aucun sens, pour moi c'est intolérable de penser que je vais être endormie pendant des jours, voire des semaines, parce qu'évidemment c'est imprévisible, et que je vais donc… qu'on va donc me retirer mon hydratation, que je vais être dans cet état-là. On me dit que je ne souffrirai pas, c'est très bien, mais, pour moi, ça n'a aucun sens que je doive me retrouver dans une telle situation avec mes proches qui vont souffrir, et ça me cause énormément de souffrances d'imaginer ça. Donc, on peut imaginer ce type de situation là.

Mais je veux dire qu'il y a un mélange, dans cet article-là, de critères, je dirais, objectifs. Certains voulaient qu'on aille plus loin dans la subjectivité. Et moi, je pense que l'article 6 est vraiment un article… parce que quand même c'est «des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables». Donc, on n'est pas dans la seule évaluation de la personne. On se comprend que, quand vous êtes chez le médecin puis qu'il vous demande : Comment vous souffrez?, puis vous devez juger, de 1 à 10, et tout ça, il y a un facteur de subjectivité, mais, si, vous, votre échelle, vous la partez à cinq puis que vous montez à huit, bien on va savoir que vous avez monté. Si vous la partez à neuf, puis vous êtes rendu à 12… Donc, il y a une subjectivité dans tout ça. Mais c'est dans le dialogue avec le médecin puis comme on le voit au quotidien aussi quand le médecin décide de quel type de calmant, comment il doit soulager son patient. Mais moi, je crois qu'on a atteint un sous-équilibre important dans l'alinéa 6° parce qu'elles doivent être, jusqu'à un certain point, évaluées objectivement, bien que c'est dans un dialogue évidemment avec le patient qui va relater dans quel état de souffrance il est, mais on sait très bien qu'on est capable de voir comment une personne peut souffrir aussi, surtout en fin de vie, avec la crispation du visage, des membres, le recroquevillement, tout ça.

Donc, il y a ce dialogue-là. Mais je pense que, pour la question «des conditions qu'elle juge tolérables», je ne vois pas comment on pourrait faire autrement que d'y mettre cette notion du regard de la personne sur l'aspect tolérable des conditions dans lesquelles elle se trouve.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : M. le Président, la ministre a soulevé un élément très intéressant lorsqu'elle a fait le parallèle… ou lorsqu'elle a parlé de la sédation palliative, et là ça amène un questionnement.

Vous disiez : La personne pourrait ne pas vouloir être placée sous sédation. Parce que, sous sédation, elle ne souffrira pas. Elle ne sera pas consciente. Mais là elle envisage la pression ou la souffrance de ses proches qui la verraient sous sédation, et d'envisager cette souffrance-là l'amène elle-même à souffrir. Est-ce que c'est un élément qu'on doit considérer dans la souffrance psychique? Est-ce qu'on doit aller aussi loin que penser à la souffrance des proches? Parce que, là, on n'est plus très… Là, dans le fond, le consentement libre et éclairé, on amène un autre élément, on amène la souffrance de quelqu'un d'autre dans l'évaluation et là on peut penser que certaines personnes seront plus sensibles à cet élément-là. Je me posais la question parce que les souffrances physiques et psychiques constantes… une fois placé sous sédation palliative… la sédation continue, on n'en a plus conscience, de ces souffrances-là, à moins qu'il existe des cas où, même sous sédation continue, un patient puisse toujours avoir des douleurs. Ça, je ne le sais pas. Mais la perception que j'avais de la sédation palliative continue, c'était que l'état d'inconscience était tel que la personne était dans un autre monde, là, n'avait pas conscience de ses souffrances, de ses douleurs et n'était pas non plus en mesure d'avoir cette souffrance psychique là.

Et donc, en incluant cette condition-là, il y aurait toujours… est-ce qu'on ne peut pas toujours dire : Bien, oui, ça peut être… il y a une façon d'apaiser les souffrances physiques et psychiques, c'est par la sédation continue? Et qu'est-ce qui pourrait amener quelqu'un à refuser la sédation continue et à demander l'aide médicale à mourir, outre que le fait de savoir que ça imposera une pression sur les membres de la famille ou les membres de son entourage? Peut-être que je me trompe, là, mais… Et donc, là, ça devient une pression qui sort de la condition de la situation médicale de l'individu mais qui est bien une condition plus familiale.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Premièrement, la souffrance, elle doit être là. La souffrance, elle n'est pas liée au seul fait qu'on va vous mettre dans la sédation palliative continue.

Vous avez votre condition de base qui est d'avoir des souffrances physiques ou psychiques, puis là on pourrait vous dire : La seule chose qu'on peut faire pour vous, c'est de vous mettre en sédation palliative continue. Pas : On vous met en sédation palliative continue, puis là vous dites : Ah non, ça, ça me fait souffrir. Vous avez des souffrances de base qui sont insupportables, constantes, donc vous répondez évidemment au critère n° 6, et vous dites… c'est la seule possibilité pour vous. Moi, ce que j'ai dit, parce qu'on a entendu des témoignages… On a même quelqu'un qui a fait un appel aux médias, Georges C., dans Le Soleil, qui a dit : Pour moi, c'est insupportable que la seule chose qu'on puisse m'offrir, c'est ça. Ça me fait paniquer, je ne suis pas bien avec ça. Un.

Deux, la sédation palliative continue, puis on l'a dit souvent, ça ne s'applique pas à tous les cas. Ce n'est pas une panacée, une voie, une porte de sortie mur à mur pour tous les cas, là. Quelqu'un qui a une SLA, ce n'est pas un candidat à la sédation palliative continue. C'est-à-dire que, comme on l'a vu, on va avoir des protocoles, des standards cliniques. Donc, il n'est pas dans la même réalité de quelqu'un qui, par exemple, ne s'hydraterait pratiquement plus parce qu'il a les effets comme d'un cancer, qui fait qu'à un moment donné tout votre système… vous avez même de la difficulté à manger. Donc, on n'est pas dans la même réalité.

Donc, ça, je pense que, les experts, plusieurs nous l'ont dit, la sédation palliative continue, ce n'est pas quelque chose qui est applicable à l'ensemble des personnes qui sont en fin de vie, compte tenu de la différence entre certaines pathologies.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Puis je comprends aussi que, la sédation palliative continue, en fait on ne peut pas l'imposer à quelqu'un, parce qu'au même titre où on ne peut imposer aucun traitement il serait illogique de dire : Vous avez une possibilité de ne pas souffrir via la sédation palliative continue, puisque la personne a toujours cette liberté de dire : Pour moi, c'est complètement impensable d'être placée sous sédation, ce serait une forme… à mes yeux, c'est une forme d'acharnement thérapeutique avec laquelle je ne suis pas à l'aise.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : M. le Président, juste dire que la députée fait à haute voix le raisonnement. Effectivement, vous pouvez refuser tout soin. Donc, évidemment, vous avez le loisir de dire que, vous, c'est un soin qui ne vous convient pas et, de ce fait, décliner, donc, la possibilité d'avoir une sédation palliative continue. Mais, outre cela, ce n'est pas quelque chose qui s'applique dans tous les cas de fin de vie.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, justement, je pense qu'il y a le continuum de services qui va se donner à ce moment-là, le continuum de soins, et puis il y a des gens qui vont tout simplement prendre la sédation palliative continue. Je pense, c'est une majorité des gens. Ça va être là lorsqu'ils vont être rendus à ce moment de la vie. Par contre, il y a des gens qui veulent faire leur choix avant. Moi, je pense, c'est ça qui va arriver. C'est qu'il y a des gens qui au départ vont dire : Moi, je vais préférer ne pas avoir à prolonger ça, ne pas faire vivre ça également à ma famille, parce que la sédation palliative continue peut durer quelques jours, et ils vont faire le choix délibéré de demander l'aide médicale à mourir.

Mais, à ma connaissance, les critères, à la fin, demeurent à peu près les mêmes, c'est dans les moyens que c'est différent. Mais ce qu'on offre avec l'aide médicale à mourir, c'est de… compte tenu que c'est irréversible puis que c'est à court terme, bien ça va permettre à la personne de ne pas avoir à vivre ces derniers moments là, même si elle est inconsciente. Elle ne s'en rend pas compte, mais il y a des gens autour qui s'en rendent compte.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Oui. Je pense qu'il y a des situations où il y a des gens qui ont la sédation palliative continue puis ne le savent pas, hein? Je connais quelqu'un qui… j'ai vécu ça récemment… alors, hémorragie au cerveau, et réanimation, et, bon, la personne n'est pas morte immédiatement, c'est-à-dire que ça n'a pas cédé. Et là la famille est là pendant quatre, cinq jours à accompagner la personne. Et c'est la famille qui se sent mal face à ça bien souvent parce qu'ils voient une personne, ils ont l'impression qu'elle est très souffrante parce qu'elle a des soubresauts. Et elle est en sédation palliative continue, et, bien souvent, c'est la famille qui demande. Et on l'a entendu aussi pendant la commission parlementaire où il y a des gens qui disaient : Écoutez, mettez fin à cette souffrance, faites quelque chose, docteur. Mais la personne est en sédation palliative continue puis elle ne l'a pas demandé, de l'être, là. C'est parce que c'est la situation médicale qui a fait en sorte que c'est ça qu'on a fait.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe 6°? Alors, collègues, l'alinéa deux : «La personne doit, de manière libre et éclairée…» Est-ce qu'il y a des commentaires?

Mme Hivon : …juste, M. le Président, qu'on en rajoute. Donc, évidemment, tout ça est déjà plutôt clair, de ce qu'on a vu, mais on veut être archiclairs, donc on vient prévoir que la personne doit faire la demande elle-même, pour elle-même et au moyen du formulaire.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je reviens aux formulaires parce que, dans les différentes législations qui autorisent ou qui offrent un soin de fin de vie qui peut s'apparenter à l'aide médicale à mourir, on a joint aux législations les formulaires à questions. Et puis, la semaine passée, on a eu l'échange puis on disait : Bon, les formulaires, ce n'est pas nécessairement standard de les joindre au projet de loi.

Je sais que, dans certaines lois qui sont plus à caractère administratif, on a des formulaires que nous joignons. Par contre, au Luxembourg, on a même une déclaration en vue de l'obtention de soins palliatifs. Ça va quand même assez loin. On a le volet médical, on a la demande d'euthanasie ou d'assistance au suicide, qui fait l'objet d'un formulaire précis, puis les formulaires comportent bon nombre d'informations, des informations sur le patient. Il y a également un formulaire qui doit être rempli une fois l'acte médical… ou l'acte complété… l'intervention médicale, peut-être, complétée. Et ça, c'est tant au Luxembourg… Donc, dans chacune des législations, on a prévu un formulaire. Donc, j'imagine que, compte tenu de l'importance et de la finalité de l'intervention, il y aurait peut-être lieu de joindre au projet de loi «copie du formulaire» qui permettrait aussi… Je pense que ça pourrait remplir aussi notre souci de pédagogie parce qu'on y verrait, de façon claire, ce qui est requis.

Je sais, là, on nous disait : Dans le domaine médical, il y a énormément de formulaires, il y a énormément de documents à compléter, mais je voulais simplement amener le tout, porter le tout à l'attention des membres de la commission que, dans la plupart des législations où on allait de l'avant avec des interventions tels l'aide médicale à mourir, le suicide assisté, l'euthanasie, on joignait le formulaire requis à la loi ou au projet de loi, là, dans ce cas-ci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. M. le Président, moi, je pense qu'évidemment, dans les autres pays, ils peuvent faire comme ce sont leurs traditions, au même titre où nous, on a pu s'inspirer… mais je pense qu'on fait encore mieux dans notre projet de loi que ce qui peut exister ailleurs.

Ici, ce n'est pas une tradition, certainement pas dans le domaine de la santé et des services sociaux, où il y a effectivement beaucoup de formulaires, de les joindre en annexe d'une loi. On a fait la recension. Et donc ce n'est pas une tradition. Même, ce serait une... je ne dirais pas «une anomalie», mais, enfin, quelque chose qui se distingue vraiment de ce que l'on fait dans le domaine des lois en santé et services sociaux. Moi, je me garderais de faire ça parce que, c'est important, ça va être le formulaire prescrit par le ministre, et c'est important que ce formulaire-là soit bien collé à la réalité. Et il pourrait arriver qu'on se rende compte qu'il doive être amélioré, bonifié. Et je pense que ça serait important de garder cette souplesse-là, que ce ne soit pas quelque chose qui soit intrinsèque à la loi. Mais, surtout, ce qui est important dans la loi, ce n'est pas le formulaire. Ce qui est important dans la loi, ce sont les conditions. Et les conditions sont prévues à l'article 26 dans le moindre détail. On va très loin dans l'encadrement. Ensuite, on explique comment le médecin doit s'assurer que toutes ces conditions-là soient remplies aux articles 28 et suivants. Donc, contrairement, par exemple, à un exemple qui avait été donné la semaine dernière pour la fixation des pensions alimentaires, le formulaire, il est au coeur du chiffre qui va sortir et qui va être le montant de la pension alimentaire. Là, on n'est pas du tout dans ça. En fait, on est vraiment juste dans la demande et on vient prévoir un formalisme où cette demande va devoir se faire par écrit et être signée.

Et donc moi, je suis d'avis qu'il ne faut pas joindre ce formulaire et il ne faut pas embarquer dans ce formalisme-là de cette étendue-là, je vous dirais, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Bien, en fait, peut-être que c'est une perception différente, je ne voyais pas que c'était un formalisme extrêmement rigide.

J'imagine qu'il y aura quand même des conditions de… il y aura des éléments qui devront apparaître au formulaire. J'imagine que les conditions devront faire l'objet... le formulaire devra quand même faire état que la personne qui dépose ou qui a manifesté cette... ou a fait la demande d'aide médicale à mourir remplit les exigences. J'imagine que le formulaire fera état des renseignements nominatifs de la personne : nom, âge, et tout ça.

Est-ce qu'il y aurait lieu... Est-ce que ce formulaire-là sera transmis sans les renseignements nominatifs à la Commission sur les soins de fin de vie? Je ne me souviens pas si ça fait partie des documents qui sont transmis.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je ne crois pas, M. le Président. C'est parce que, c'est ça, il faut distinguer entre deux choses : il y a le formulaire où la personne fait sa demande, mais ensuite il y a le médecin qui, lui, vient consigner, dans un document, le fait que la personne remplit toutes les conditions et qu'il a pu procéder à l'administration de l'aide médicale à mourir. Et c'est ça : c'est ce qui est signé, consigné par le médecin, qui est transmis. Et je ne me souviens pas si nous joignons la demande elle-même, parce que c'est vraiment...

Une voix : ...

Mme Hivon : C'est ça. C'est vraiment l'acte qui est rempli par le médecin, consigné par le médecin, qui fait état que la personne remplissait toutes les conditions. Et c'est ça qui va être envoyé à la commission.

(Consultation)

Mme Hivon : C'est l'article 41 qui prévoit que ça va être... c'est le règlement qui va venir prévoir ce qui va être transmis par le médecin à la commission.

On pourrait tout à fait transmettre... Je pense que ça serait une bonne chose que de transmettre le formulaire de demande de la personne parce que ça va de soi comme formalité. Donc…

• (17 h 40) •

Une voix :

Mme Hivon : Oui?

Une voix :

Mme Hivon : C'est ça. Moi, en tout cas, dans ma perspective, là — c'est pour ça, la confusion — ce qu'on allait venir prévoir, c'était que le médecin va transmettre le document. On va venir prescrire par règlement ce qui va devoir être dans le document. Et on pourra donc prévoir que la demande initiale va être jointe, ce qui, je pense, est une bonne chose, pour avoir l'ensemble, là, de la documentation relative à l'administration de l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre, dans le deuxième alinéa, vous avez les mots «de manière libre et éclairée». Dans l'opinion de qui? Car ces mots sont là. Mais «la personne doit, de manière libre et éclairée»… Dans l'opinion de qui? Comment est-ce qu'on sait que la personne exprime son opinion dans une manière libre et éclairée?

Mme Hivon : C'est l'expression qui est généralement consacrée, donc, «le consentement libre et éclairé».

Et, à l'article 28, on vient prévoir que le médecin doit être d'avis que la personne satisfait aux conditions prévues à l'article 26 et on vient préciser :

«a) en s'assurant auprès d'elle du caractère libre de sa demande, en vérifiant entre autres qu'elle ne résulte pas de pressions extérieures; et

«b) en s'assurant auprès d'elle du caractère éclairé de sa demande, notamment en l'informant du pronostic, des possibilités thérapeutiques [...] et de leurs conséquences.»

Donc, c'est le médecin via l'article 28. Comme il le fait, on vient vraiment mettre la ceinture et les bretelles en allant plus loin pour expliciter ce qui sera un consentement libre et éclairé. Mais c'est ce que le médecin doit faire à chaque fois qu'il entre dans une relation thérapeutique et qu'il offre des soins à son patient.

Le Président (M. Bergman) : Et il me semble que, dans ce deuxième alinéa, on doit avoir l'indication que c'est libre et éclairé, dans ce deuxième alinéa, dans l'opinion du médecin traitant et, deuxièmement, que toutes les conditions des paragraphes 1° à 6° sont remplies.

Car, si on lit l'alinéa deux, il n'y a pas de rattachement aux conditions des paragraphes 1° à 6° et il n'y a pas d'indication que la «manière libre et éclairée»… C'est dans l'opinion de qui? Oui, je sais que vous avez mentionné d'autres articles dans le projet de loi, mais je pense que c'est dans cet alinéa qu'on doit être le plus clair que la personne a exprimé son désir dans une manière libre et éclairée dans... et c'est certifié par le témoin qui est le médecin traitant, j'espère, et, deuxièmement, que toutes les conditions sont remplies. Car, si on lit l'alinéa lui-même, il n'y a pas aucun rattachement aux conditions. Et on n'est pas certain que la personne a exprimé son opinion dans une manière libre, sans pression peut-être des membres de la famille ou des tierces personnes.

Mme Hivon : Oui…

Le Président (M. Bergman) : Et, si — je veux juste aller un peu plus loin — dans un testament devant un notaire, ça prend ou deux notaires ou un notaire et deux témoins, et je sais qu'on va arriver à cette discussion dans l'alinéa trois, mais je pense que l'alinéa deux doit être un peu plus clair et un peu plus certain.

Mme Hivon : M. le Président, à l'article 26, on énumère l'ensemble des conditions. Donc, la personne doit répondre à l'ensemble des conditions. C'est écrit noir sur blanc. D'entrée de jeu, on a même précisé en mettant «à toutes les conditions».

Donc, ça va de soi que l'ensemble des conditions doivent être remplies pour qu'il puisse y avoir une demande d'aide médicale à mourir. Le deuxième alinéa vient donc s'ajouter aux six premiers paragraphes qui viennent prévoir des conditions, et il ajoute donc le fait de demander l'aide médicale à mourir au moyen d'un formulaire en disant qu'il doit être signé par la personne. La question de «de manière libre et éclairée», ce qui va de soi, comme je le dis, c'est la ceinture et les bretelles parce que chaque chose à laquelle vous acquiescez, que vous demandez comme soin doit se faire de manière libre et éclairée. On l'écrit ici spécifiquement parce que ce n'est pas quelque chose qui vous est offert par le médecin, c'est vous qui faites la demande d'aide médicale à mourir. Et, bien sûr, les articles d'une loi doivent se lire les uns par rapport aux autres, parce que sinon on n'aurait qu'un seul grand article et qui devrait tout inclure.

Donc, ensuite, c'est un peu la même chose, tantôt, le débat qu'on avait, à savoir si on devait, pour d'autres conditions, prévoir que c'est le médecin qui les évaluait. Et, comme j'ai expliqué, à l'article 28, on vient prévoir que le médecin va devoir évaluer l'ensemble des conditions. Et, encore plus spécifiquement, pour la question du «de manière libre et éclairée», que la demande est formulée de manière libre et éclairée, on a deux alinéas à 28. Donc, on ne peut pas mettre les choses à deux endroits. Ici, ça expose l'ensemble des conditions, et, à 28, on expose comment le médecin va s'assurer que l'ensemble des conditions sont bien respectées.

Le Président (M. Bergman) : Je demande la question avec respect. Je me demande comment les parlementaires peuvent s'exprimer sur l'alinéa deux sans avoir alors, dans vos mots, étudié l'article 28, car, si on lit ces deux alinéas, le deux et l'alinéa trois, qu'on va débattre dans quelques moments, on n'est pas en mesure d'exprimer une opinion sur ces deux alinéas sans la connaissance de l'article 28.

Mme Hivon : Je veux juste, M. le Président, vous souligner qu'à l'article 10 du Code civil on dit que «nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé», hein?

C'est vraiment une expression généralisée qui est partout dans notre droit civil, dans la section des soins, c'est la base. Donc, en fait, on vient reprendre cette notion-là en l'écrivant noir sur blanc, malgré qu'elle soit déjà dans le Code civil à l'article 26. Et on ne peut pas aller dans l'article 26 plus en détail sur cette notion-là de «libre et éclairé» qui est consacrée, là. C'est comme, chaque mot… on pourrait vouloir définir chaque mot à l'infini, là. Comme, dans le Code civil, on a «intégrité», on a «inviolabilité de la personne». À un moment donné, les mots veulent dire quelque chose, et il faut se fier au fait qu'on met des mots parce que les mots veulent dire quelque chose aussi dans une loi. Et ensuite, à l'article 28, on a tout le processus qui est aussi important que l'article 26, qui vient expliquer comment le médecin, lui, va devoir s'acquitter de sa tâche d'évaluer les critères qui sont à 26.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. Une simple question. On parle d'un formulaire qui est daté et signé par une personne.

Quel processus on a mis en place pour les personnes qui sont analphabètes? Parce que, bon, un formulaire, il y a quand même des éléments de compréhension qui sont importants. Et je sais que c'est une petite… ce n'est pas une grande… il n'y aura pas des tonnes et des tonnes de personnes, mais il y a des gens qui n'ont pas cette capacité de comprendre un document écrit. Est-ce qu'on a prévu une façon particulière pour permettre à ces gens-là, quand même, de faire cette demande-là et aussi pour permettre, par exemple, aux non-voyants… Parce qu'on a eu un élément qui a été soulevé par les différents groupes qui représentaient les personnes handicapées, les personnes non voyantes. Et est-ce qu'il y a une possibilité que ce soit par le biais d'un interprète ou d'un document adapté à leurs limitations? Et, je ne sais pas, peut-être que, dans le domaine de la santé, dans le milieu de la santé, on a déjà des réponses à ces questions-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Alors, la question en fait qui se pose ici, elle se pose au quotidien, à chaque fois que, dans le milieu de la santé, on requiert un consentement, dans le fond, écrit sur un formulaire.

Donc, je vous dirais que de manière générale c'est une volonté générale qu'on puisse s'assurer de la lisibilité des documents. Donc, il y a comme deux questions dans votre question. La question des analphabètes comme telle, on va y venir à 26.1 quand on parle de la question d'une incapacité, je dirais, à signer. On a enlevé, là, on va y venir, le mot «physique» parce que ce n'est pas qu'une incapacité physique. Donc, on va pouvoir élaborer, là. On voulait bien souligner qu'il y a des gens qui ne seront pas en mesure… soit parce qu'ils ne sont pas capables physiquement ou parce qu'ils ne sont pas capables, donc, d'avoir la connaissance. En tout cas, on va y revenir. Mais il y a déjà des groupes puis il y a des groupes d'aide à ces personnes-là qui sont là justement pour accompagner les personnes, et généralement ce sont des défis que ces personnes-là ont au quotidien dans tous les aspects de leur vie. Donc, on prend acte de ça.

Et, dans un cas comme celui-là, on explique, évidemment, avec la personne, avec encore plus de soins, on fait la lecture du formulaire, on amène la personne à poser toutes ses questions pour s'assurer que tout ça est bien clair. Mais la question de la signature comme telle ne pose pas nécessairement problème chez une personne analphabète dans la mesure où on a pu bien lui expliquer le contenu du document. Puis on va voir que, pour les personnes qui ont une incapacité, on va venir prévoir que... on va venir le mettre vraiment ailleurs, à l'article dédié sur cette question-là.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Ça me convient. On pourra faire les échanges au moment de l'étude de l'article précis. Je ne sais pas si... Sur ce paragraphe-là, moi, j'aurais une question sur le... bon, la présence du professionnel, là, au...

Le Président (M. Bergman) : On est à l'alinéa deux, n'est-ce pas?

Mme Vallée : Oui, c'est ça. Alors, peut-être que... Vous n'avez pas de question additionnelle? O.K.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires ou questions sur l'alinéa deux? M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est parce que «qui, s'il n'est pas le médecin traitant [...], le remet à celui-ci»… C'est parce que «médecin traitant», c'est, pour vous autres ou pour... dans le projet, c'est vraiment le médecin qui va pratiquer l'aide médicale à mourir?

Mme Hivon : On va le regarder parce que...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, je m'excuse, on est sur l'alinéa deux.

Mme Hivon : Ah, O.K.

Le Président (M. Bergman) : Ça commence avec les mots : «La personne doit, de manière libre et éclairée…»

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Non, moi, je pensais que deux, c'était le deuxième paragraphe après les six autres. Donc, M. le Président, c'est correct, je reviendrai sur...

Le Président (M. Bergman) : On est seulement sur cet alinéa.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Sur le deux, je n'ai pas de question. C'est sur le trois que je vais en avoir.

Le Président (M. Bergman) : Est-ce que vous avez des questions sur cet alinéa?

M. Bolduc (Jean-Talon) : Non.

Le Président (M. Bergman) : Alors, est-ce qu'on peut...

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : Oh, je m'excuse. Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Non, non, excusez-moi. Je disais : Oui, on peut aller au troisième.

Le Président (M. Bergman) : Alors, s'il n'y a pas d'autre commentaire sur l'alinéa deux, on va à l'alinéa trois : «Le formulaire est signé en présence…» Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Oui. En fait :«Le formulaire est signé en présence d'un professionnel de la santé ou des services sociaux…» Certains groupes étaient un petit peu préoccupés sur la définition donnée à «professionnel de la santé ou des services sociaux». Est-ce que c'est un professionnel de la santé ou des services sociaux tel que reconnu par le Code des professions ou tel que reconnu à la loi? Je pense que c'est l'Ordre des travailleurs sociaux qui nous avait soulevé cette question-là.

Mme Hivon : En fait, c'est un membre d'un ordre professionnel de la santé. Donc, peut-être vous dire que ce qu'on envisage, évidemment, c'est l'infirmière si ce n'est pas... Moi, je pense que, dans la majorité des cas, ça va être le médecin. Ce n'est pas quelque chose de banal. Donc le médecin risque d'être là, il va avoir eu une discussion, puis là la personne va dire : Je souhaite remplir le formulaire. Mais il pourrait arriver que le médecin ait la discussion, tout ça, et qu'on laisse le formulaire, que cette démarche-là se fasse avec, par exemple, une infirmière, mais, pour être plus inclusifs, on a mis «services sociaux» aussi parce que ce pourrait être un travailleur social de l'équipe des soins palliatifs, par exemple, qui peut être proche de la personne puis qui pourrait faire la démarche avec la personne et qui serait là pour pouvoir le contresigner.

Le Président (M. Bergman) : On a une question ici. Si on prend un testament devant un notaire, ça prend deux notaires ou un notaire avec deux témoins, et ici, où il y a une vie en jeu, la vie de... une décision pour la vie, et il y a seulement un témoin qui est un professionnel de la santé ou des services sociaux, et même ce n'est pas le médecin traitant… Alors, ça veut dire que n'importe quel médecin dans l'hôpital peut être demandé pour rentrer dans la chambre du patient pour être témoin, et on sait comment les choses se rendent tellement vite. Il n'y a pas de direction personnelle, compréhension du dossier. Et je me demande pourquoi, avec un acte qui est tellement important, on n'a pas au moins deux professionnels de la santé et au moins le médecin traitant, car, certainement, le médecin traitant connaît son patient, le connaît depuis probablement plusieurs années, et c'est un moment tellement important dans la vie d'une personne.

Pourquoi est-ce qu'on prend un témoin qui n'est pas personnalisé avec le patient et pourquoi c'est seulement un témoin?

Mme Hivon : M. le Président, parce que la personne, elle est apte et elle est là, et elle discute, et elle exprime son consentement, contrairement à une situation où vous faites un testament et, quand le testament va être lu et qu'il va être appliqué, vous ne serez plus là pour dire : Oui, effectivement, je le voulais, c'est ce que je voulais.

Donc, c'est pour ça que, oui, on vient prévoir que, la demande, il y a formalisme. On vient le faire par écrit, sur la base d'un formulaire, mais vous êtes là, vous êtes présent, vous le signez. Alors, il y a juste quelqu'un à côté qui est là pour attester que, oui, c'est bel et bien vous qui a signé ça. Mais on n'est pas dans une situation où il pourrait y avoir une usurpation d'identité, où la personne pourrait mettre de l'avant des choses qui ne sont pas conformes à ce qu'elle souhaite vraiment. Elle est là, la personne, donc elle fait la démarche elle-même. Et, pour s'assurer que ça soit vraiment bien fait, on a prévu la présence d'un professionnel de la santé, mais on ne voulait pas non plus tomber dans un formalisme excessif parce qu'on n'est pas dans une situation où la personne n'est plus là pour s'exprimer. Au contraire, elle est là, elle le demande, elle signe son formulaire, mais elle le fait devant une autre personne.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée :

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je reviens sur la notion du «médecin traitant». Puis j'ai cru comprendre vous aviez peut-être des modifications ou des clarifications à apporter. Parce que le formulaire est transféré au médecin traitant qui, à la limite, si on définit le médecin traitant comme le médecin de famille ou le médecin qui s'occupe habituellement du patient, peut ne même pas être, presque, au courant du cas ou c'est : le médecin traitant devient le médecin qui va pratiquer l'acte médical à mourir, l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je comprends l'interrogation du député de Jean-Talon à la lumière de la discussion qu'on a eue tantôt, donc on va s'assurer d'avoir la bonne expression. Ce qu'on a en tête, c'est le médecin, en fait, qui est responsable de la personne dans ce contexte donné là, au stade où on en est.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, oui, je pense, il faut vraiment trouver le bon terme, parce que, pour la plupart des gens, «médecin traitant», c'est le médecin qui suit le patient depuis longtemps. Ça fait que je pense qu'il faudrait juste… Puis est-ce que ça va être le médecin responsable ou le médecin qui va pratiquer l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : À ce stade-ci, c'est le médecin qui s'occupe de la personne dans cette situation-là. Mais évidemment c'est le médecin qui va recevoir la demande. Ça ne veut pas dire que c'est le médecin qui va l'administrer, pour les raisons qu'on a déjà expliquées, là. Donc, c'est plutôt, selon moi, là, à ce stade-ci, le médecin responsable, le médecin qui s'occupe de la personne.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Je vais faire un sourire à la ministre; j'ai hâte de voir il va s'appeler comment, parce qu'un médecin, s'il n'est pas médecin traitant, ce n'est pas nécessairement le médecin qui pratique l'aide médicale à mourir. En tout cas, vous allez nous arriver avec une proposition.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Nous allons y réfléchir. Mais, à première vue, c'est le médecin qui est responsable, c'est le médecin responsable de la personne au sens de la loi, là, quand vous êtes sous les soins d'un médecin. Mais, je ne sais pas si vous suivez la nuance, là, c'est que la personne, elle fait sa demande, et puis ensuite ce médecin-là va évaluer si elle répond aux conditions, et tout ça. Donc, c'est de ce médecin-là dont il s'agit.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Juste pour clarification. Parce que je ne connais pas de loi qui va donner un nom à ce médecin-là puis je ne pense pas qu'il soit dans cette loi-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Moi, je pense qu'on pourrait dire «le médecin», tout court, mais on va l'évaluer.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je ne pense pas qu'on puisse dire «le médecin», tout court. Je pense qu'on va créer une nouvelle catégorie de médecins aux fins de la loi, parce qu'à ma connaissance «médecin responsable», «médecin traitant», ce n'est pas des termes qui sont consacrés au niveau légal. Nos responsabilités de professionnels, on a une certaine responsabilité, mais je ne suis pas certain que ça existe au niveau du…

Une voix : Le médecin qui reçoit la demande.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ça va être ça qu'on va devoir regarder ensemble.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, collègues, le temps s'est écoulé, et la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)

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