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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, March 9, 2016 - Vol. 44 N° 99

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d’assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d’appel d’offres


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Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP)

Association canadienne du médicament générique (ACMG)

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Matthew Brougham

Autres intervenants

M. Marc Tanguay, président

M. Gaétan Barrette

M. Jean-François Lisée

M. François Paradis

M. Amir Khadir

*          M. Jean Thiffault, AQPP

*          M. Jean Bourcier, idem

*          M. Daniel Larouche, idem

*          M. Jim Keon, ACMG

*          M. Michel Robidoux, idem

*          M. Daniel Charron, idem

*          M. Jean-Guy Goulet, idem

*          M. David Goodman, idem

*          M. Bertrand Bolduc, OPQ

*          Mme Manon Lambert, idem

*          M. Martin Franco, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Et, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel d'offres.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Bourgeois (Abitibi-Est); Mme Tremblay (Chauveau), remplacée par Mme Nichols (Vaudreuil).

Auditions (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, ce matin, nous recevons les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale.

M. Thiffault (Jean) : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Nous vous demandons, pour les fins d'enregistrement, de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP)

M. Thiffault (Jean) : Merci beaucoup. Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes, MM. les députés, merci de nous accueillir aujourd'hui. Permettez-moi de présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Jean Bourcier, vice-président exécutif et directeur général; à sa gauche, Mme Marie-Josée Crête, directrice à la négociation et aux affaires juridiques à l'AQPP; à ma droite, M. Daniel Larouche, économiste et consultant; et moi-même, Jean Thiffault, président de l'AQPP.

Notre association représente les 2 048 pharmaciens propriétaires des 1 866 pharmacies du Québec. Ces pharmaciens jouent un rôle d'intervenants de première ligne indispensable dans l'écosystème de la santé auprès de la population québécoise. Les pharmaciens propriétaires sont aussi des entrepreneurs qui contribuent à leur communauté dans toutes les régions du Québec et qui génèrent d'importantes retombées économiques. Au total, c'est plus de 41 000 emplois de qualité, soit plus que ceux créés au Québec par RONA, Bombardier et Rio Tinto.

• (11 h 40) •

Le projet de loi n° 81 pose essentiellement deux questions. Premièrement, y a-t-il des économies à réaliser en ce qui a trait au coût des médicaments au Québec? Nous croyons que oui. Deuxièmement, est-ce que les appels d'offres sont les meilleurs moyens pour parvenir à réduire ces coûts? Cette fois, nous croyons que la réponse est non, puisque les risques dépassent largement les bénéfices potentiels. En d'autres mots, nous partageons l'objectif du gouvernement mais croyons que le projet de loi n'est pas la meilleure façon d'y arriver.

Parlons d'abord des questions directes que soulève le projet de loi. Il est à noter qu'il est très vague et qu'il donne au ministre des pouvoirs vastes et arbitraires quant aux modalités d'éventuels appels d'offres. Je vais, tout de même, souligner certains risques associés à l'exploration de toute procédure d'appel d'offres visant les fabricants de médicaments. D'abord, les problèmes d'approvisionnement. Il existe des risques réels de rupture de stock ou de retards de livraison. Ensuite, à terme, un appel d'offres pourrait affaiblir ou faire disparaître certains fabricants génériques ici même, au Québec. Troisièmement, les appels d'offres pourraient diminuer l'intérêt des fabricants génériques de contester avec vigueur la validité des brevets, ce qui retarderait l'arrivée des génériques sur le marché canadien. Quatrièmement, un fabricant en situation de monopole pourra diminuer la qualité de ses services à la chaîne de distribution.

Donc, finalement, sans réinvestissement dans les services pharmaceutiques d'au moins une partie des économies réalisées, c'est encore une fois le pharmacien et son patient qui écoperont. D'ailleurs, les patients sont les grands oubliés de ce projet de loi. Ce sont eux qui subiraient les impacts négatifs d'un changement de marque ou d'apparence de leurs médicaments. De telles modifications créent de l'insécurité et de la confusion pour les patients. Pour toutes ces raisons, nous recommandons de surseoir à la procédure d'appel d'offres au moins pour une période de trois ans. Ce report permettra au gouvernement de récolter les fruits de son adhésion à l'alliance et d'en mesurer l'ampleur. Il permettra aussi la mise en place d'un nouveau mode de rémunération pour le pharmacien, sur lequel un comité AQPP-MSSS travaille déjà.

Quant aux appels d'offres visant les grossistes, il est impossible, selon nous, qu'un seul grossiste puisse approvisionner de façon sécuritaire et efficace l'ensemble des pharmacies du Québec, particulièrement pour un nombre limité de molécules. Nous recommandons donc de retirer l'article du projet de loi portant sur les appels d'offres visant les grossistes.

Malgré les immenses progrès réalisés depuis 2010, des études démontrent que les Canadiens paient encore leurs médicaments génériques plus cher que les citoyens de certains autres pays. Pour réduire les prix, nous recommandons de miser sur la tarification dégressive de concert avec l'alliance plutôt que par des appels d'offres limités au Québec. Cette approche donne des résultats tangibles ici et ailleurs dans le monde sans entraîner les risques associés aux appels d'offres. Elle produit des économies substantielles et durables tout en ayant l'aval des acteurs de l'industrie.

Cela dit, si le gouvernement décide, tout de même, de procéder par appel d'offres, je peux vous assurer une chose, aucun d'entre nous ne déchirera sa chemise. Nous trouverions simplement que ce serait dommage de négliger de meilleures avenues. Par contre, peu importe la stratégie adoptée par le gouvernement, il y aura un enjeu incontournable qui concerne le financement des services pharmaceutiques.

Récemment, tous les professionnels de la santé ont été invités à participer à l'effort budgétaire du gouvernement. Au final, seuls les pharmaciens ont accepté de verser au gouvernement à même leurs honoraires 400 millions de dollars sur trois ans. Depuis septembre dernier seulement, nous avons versé près de 50 millions. Cette contribution majeure, nous l'avons fournie dans le cadre d'une entente signée avec le ministre de la Santé. Une condition sine qua non était assortie à cette entente, soit le déplafonnement des allocations professionnelles pour une durée limitée à trois ans. Or, cette mesure d'atténuation n'est toujours pas en vigueur cinq mois après le début des compressions et huit mois après la signature de l'entente.

Ce délai indu fait mal à l'économie de la pharmacie communautaire et a des conséquences à la grandeur du Québec sur les services pharmaceutiques de première ligne, là où les allocations doivent obligatoirement être réinvesties. En effet, comme le révèle un sondage Léger que nous venons tout juste de rendre public, 30 % des pharmacies, 30 %, ont été contraintes de diminuer leurs heures d'ouverture, principalement les soirs et les fins de semaine, les heures de moindre accès au système de santé, 53 % des pharmacies ont dû réduire le nombre d'heures de travail hebdomadaire de leurs pharmaciens, 45 % des pharmacies ont réduit les heures travaillées par les autres membres du personnel, notamment les assistants techniques et les infirmières. En somme, M. le Président, c'est 934 postes à temps plein perdus en moins de six mois. C'est aussi l'équivalent de 49 pharmacies de moins au Québec en termes d'heures de service. Du jamais-vu. Du jamais-vu dans le domaine de la pharmacie au Québec et au Canada.

Permettez-moi d'insister, le gouvernement n'a toujours pas honoré sa signature, et le ministre nous présente aujourd'hui un projet de loi qui dénature significativement l'esprit de notre entente, une entente approuvée par les pharmaciens, en faisant disparaître une bonne partie des allocations professionnelles. Soyons clairs, je le répète, les pharmaciens ne sont pas attachés à tout prix aux allocations professionnelles. Bien au contraire, nous souhaitons d'abord être rémunérés adéquatement pour notre expertise et nos services comme n'importe quel autre professionnel au Québec. Malheureusement, dans le modèle actuel, ces allocations sont essentielles et vitales à la survie de nos entreprises. Nous voulons un mode de rémunération renouvelé, moderne et transparent. Nous souhaitons, du même coup, préserver notre modèle entrepreneurial et renforcer notre indépendance professionnelle. Le déplafonnement des allocations professionnelles contribuera à la transparence que nous souhaitons. La totalité des sommes versées aux pharmaciens continuera d'être colligée dans un registre administré par la RAMQ. Ainsi, le ministre de la Santé sera le seul de ses collègues ministres de la Santé au pays à connaître précisément l'ampleur des sommes disponibles.

Ce projet de loi arrive donc à un moment où l'équilibre financier des pharmacies est fragilisé. M. le Président, les pharmaciens ont assez donné. C'est pourquoi, si le ministre décidait d'aller de l'avant avec le projet de loi n° 81, il faudrait que le gouvernement s'engage à réinvestir des sommes suffisantes dans les services pharmaceutiques pour compenser adéquatement toutes les répercussions qui en découleraient.

En conclusion, l'industrie de la pharmacie, elle est complexe, elle est même très complexe. Lorsqu'une seule composante de l'écosystème est modifiée, inévitablement ce sont, à chaque fois, les pharmaciens et leurs patients qui subissent les contrecoups parce qu'ils sont à la fin de la chaîne. À chaque fois. Des situations complexes s'accommodent très mal de solutions simplistes. Le projet de loi n° 81, dans sa simplicité, génère des problématiques majeures. Nous invitons donc le législateur à la prudence dans son enthousiasme à vouloir changer les choses trop rapidement. Prendre le temps d'écrire une nouvelle politique du médicament serait probablement plus efficace et permettrait, en plus de travailler sur les coûts, permettrait de regarder l'usage optimal des médicaments, pas juste les coûts.

Je vous remercie donc tous de votre écoute. Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour l'échange, maintenant, qui débute, je cède la parole au ministre de la Santé.

M. Barrette : Pour?

Le Président (M. Tanguay) : Pour 25 minutes.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Thiffault, M. Bourcier, Mme Crête et M. Larouche, bienvenue à cette consultation publique sur un sujet que je dirais de grand intérêt public parce qu'évidemment, je pense que vous l'avez reconnu vous-mêmes, l'intérêt public existe, a plusieurs aspects. Peut-être que le premier de ces aspects-là, évidemment, compte tenu du projet de loi n° 81, est un enjeu, un aspect d'ordre économique, et je pense que vous l'avez vous-même reconnu de diverses manières. En même temps, évidemment, je comprends que ce soit un projet de loi qui ait un impact, qui induise un choc dans votre univers. Ça, j'en conviens. Et j'en conviens tout à fait, mais vous allez convenir aussi avec moi que notre intérêt à nous, comme parlementaires et comme gouvernement, demeure l'intérêt général du public tout, en même temps, préservant votre intérêt, vous faites partie du public. Donc, ça devient une question d'équilibre.

Dans votre préambule, vous avez fait référence à nos ententes qu'on a signées. Permettez-moi quand même de vous rappeler que ce que l'on a signé exigeait un parcours qui exigeait, par exemple, la publication d'un règlement qui a été fait, l'analyse de ce qui a été dit. On est, c'est vrai, à une certaine distance de la signature de l'entente, mais la procédure suit son cours, et, dans ce décours-là, pour le moment, je peux comprendre que ça génère un certain nombre d'inconforts, mais notre engagement demeure.

Maintenant, toujours dans l'esprit de votre préambule, vous vous inscrivez je ne dirais pas en droite ligne, mais en cohérence avec toutes les interventions qui ont été faites précédemment, et je retiens un certain nombre d'éléments. Le premier, là, c'est que vous aussi... Et je dis ça positivement, là, il n'y a pas eu un seul intervenant qui s'est présenté devant nous qui a contesté le fait qu'il y avait des économies à aller chercher. Il n'y en a pas un, c'est quand même extraordinaire. Cette commission-là n'a pas eu le bénéfice de beaucoup de visibilité médiatique à date, mais j'ai l'impression qu'à partir d'aujourd'hui il va peut-être en avoir un peu plus, compte tenu de la prise de conscience de cet élément-là qui existe peut-être plus à partir d'aujourd'hui ou avec le temps.

Vous êtes cohérents avec tout le monde. Tout le monde, peu importe sa situation dans la chaîne du médicament. Puis je le répète pour ceux qui nous suivent, la chaîne du médicament, c'est de la matière première. La molécule, juste pour faire une image, là, hein, la molécule, ça arrive, c'est un produit, là, c'est une poudre, là. Puis je ne veux pas minimiser, là, mais c'est un produit chimique, là. Il est transformé, il est présenté en médicament, c'est le fabricant, puis là il y a une chaîne, et vous, vous êtes au bout de la chaîne, le bout ultime de la chaîne étant le client, le patient. Mais, juste avant le patient, c'est vous. Puis je vais vous le dire tout de suite, là, je ne pense pas que ce soit vous qui soyez dans la plus grande position de force. J'irais même jusqu'à dire que c'est probablement vous autres qui êtes le maillon, entre guillemets... mais même pas entre guillemets, qui a le moins de pouvoir dans cette chaîne-là. Je pense que vous allez être d'accord avec moi.

• (11 h 50) •

M. Thiffault (Jean) : ...ma demande aujourd'hui d'accélérer les travaux sur la modification du mode de rémunération des pharmaciens pour qu'on puisse discuter vraiment d'une rémunération basée sur les actes, et non pas en partie basée sur l'achat de médicaments, pour lequel les enjeux sont complexes et variables avec les années.

M. Barrette : Ça, c'est l'enjeu du projet de loi, mais on s'entend sur un fait, je pense, vous aussi constatez qu'il y a des économies à faire. Donc, il y a de la marge dans cette chaîne-là.

M. Thiffault (Jean) : Oui.

M. Barrette : Et ce que je comprends de votre propos, c'est que la marge n'est peut-être pas totalement chez vous, mais peut-être aussi... Mais peut-être...

M. Thiffault (Jean) : Elle n'est pas dans les pharmacies. Ça, c'est clair.

M. Barrette : Pardon?

M. Thiffault (Jean) : Elle n'est pas dans les pharmacies, la marge, effectivement.

M. Barrette : Ça, c'est une question d'appréciation, mais vous, vous nous confirmez que, dans votre lecture de votre monde, il y a de la marge?

M. Thiffault (Jean) : Oui.

M. Barrette : Des gens avant vous sont venus ici nous dire d'une façon très transparente, avec une transparence qui m'a surpris d'ailleurs, que votre monde est un monde qui est une chaîne. Je l'ai décrite tantôt. À la chaîne, il y a plusieurs éléments, et, à chaque moment de progression dans la chaîne, quelqu'un fait un profit. Alors, évidemment, vous, vous êtes au bout de la chaîne, votre profit est d'un autre ordre, probablement.

M. Thiffault (Jean) : Professionnel.

M. Barrette : Mais il y a un profit.

M. Thiffault (Jean) : Oui.

M. Barrette : Ça fait qu'à un moment donné, là, si tout le monde s'entend pour dire qu'il y a de la marge, la conséquence de ça, c'est que peut-être qu'il y a des profits qui sont au-delà de ce qu'ils devraient être.

M. Thiffault (Jean) : Il y a des services qui sont rendus, mais je ne suis pas en mesure d'apprécier quelle est la rémunération optimale pour chacune des étapes parce que, ça, on n'y a pas accès, à cette information-là. Mais il y a de la marge, M. le ministre.

M. Barrette : Non, je comprends, mais votre lecture de votre univers est qu'il y a de la marge?

M. Thiffault (Jean) : Oui.

M. Barrette : Bon. Maintenant, il y a différentes manières d'aller chercher cette marge-là, là, et j'aimerais vous poser un certain nombre de questions sur les allocations professionnelles. Bon, les allocations professionnelles, c'est un montant qui est essentiellement une ristourne. C'est un nom élégant, mais, dans les faits, c'est une ristourne.

M. Thiffault (Jean) : Oui. C'est un moyen à un fabricant générique de se différencier de son compétiteur. Les compagnies génériques vendent le même produit au même prix, un prix qui est réglementé par le gouvernement. C'est une façon de se démarquer du compétiteur, comme pour les médicaments originaux, un médicament contre un autre médicament. C'est différent, évidemment, mais il y a des enjeux à ce niveau-là. Mais, pour les médicaments génériques, c'est une façon, pour la compagnie générique, de fidéliser des marchés.

M. Barrette : Mais on s'entend que c'est une ristourne qui est une mécanique plafonnée, on le comprend, pour le moment, mais c'est quand même une mécanique de ristourne au même titre que dans une épicerie ou un dépanneur.

M. Thiffault (Jean) : La seule différence — puis je vais passer la parole à M. Bourcier — c'est, comme vous le savez, ces sommes-là sont encadrées, ce n'est pas des sommes qui...

M. Barrette : Vous avez raison, je le concède.

M. Thiffault (Jean) : Oui, mais c'est effectivement... et ces sommes-là, M. le ministre, vous ont permis de sous-financer le système public de santé au niveau des honoraires des pharmaciens.

M. Barrette : Bon, ça, c'est une opinion, mais je ne veux pas nécessairement embarquer là-dedans. Moi, ce qui m'intéresse aujourd'hui, là, c'est qu'on comprenne tous la mécanique. C'est une mécanique de ristournes. Maintenant, vous, là, les pharmaciens propriétaires, il y a certaines choses que notre régime légal vous permet, d'autres qui sont interdites, on se comprend, puis vous respectez la loi.

M. Thiffault (Jean) : Absolument.

M. Barrette : Il n'y a aucun doute là-dessus. Alors, dans la catégorie des ristournes, le gouvernement du Québec, à un moment donné, a plafonné les ristournes.

M. Thiffault (Jean) : Oui, effectivement.

M. Barrette : Je pense, de mémoire, c'était en...

M. Thiffault (Jean) : 2007.

M. Barrette : Non, je pense que c'est après le...

Une voix : Le règlement a été adopté...

M. Barrette : Oui, on les a plafonnées, mais on les a plafonnées à 15 % plus tard.

M. Thiffault (Jean) : Oui, effectivement.

M. Barrette : Ça, c'est en 2010, de mémoire. Alors, à ce moment-là, les ristournes, ça vous a créé un manque à gagner.

M. Thiffault (Jean) : Oui. À ce moment-là, les sommes qui étaient versées n'étaient pas encadrées d'aucune façon. Je pense que l'idée de les mettre de façon plus transparente était une bonne idée. L'idée du plafond, par contre, je vous dirais, a causé plusieurs problèmes pour les pharmaciens, et la perte des pharmaciens après l'instauration du plafond n'a jamais été compensée. Ailleurs, dans les autres juridictions, quand il y avait des baisses de prix qui occasionnaient des pertes d'allocations professionnelles pour les patients, bien, ces sommes-là étaient compensées soit en nouveaux services professionnels ou en ajustement d'honoraires. En Ontario, le gouvernement a donné 150 millions de dollars aux pharmaciens en diminuant les allocations et en transférant le service professionnel. Ici, le gouvernement a mis l'argent dans sa poche. La perte, elle était au niveau des pharmaciens. Et les pharmaciens, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont augmenté la marge du côté des régimes publics. C'est la seule façon de garder la même rentabilité.

M. Barrette : ...du régime privé.

M. Thiffault (Jean) : Du régime privé, pardon, excusez-moi.

M. Barrette : Alors, ce que vous nous dites, pour que ça soit clair, là, vous venez de nous dire que, quand il y a eu ce plafonnement-là imposé par le gouvernement, vous, la loi vous le permettant, vous vous êtes retournés vers les assurés privés et vous vous êtes compensés.

M. Thiffault (Jean) : Ce n'est pas tout à fait ça. Veux-tu y aller, Jean?

M. Barrette : Mais l'effet est celui-là, là.

M. Thiffault (Jean) : Oui.

M. Bourcier (Jean) : Peut-être juste un commentaire. Le manque à gagner suite au plafonnement à 15 % a été de 225 millions pour les pharmaciens sur une période de cinq ans.

M. Barrette : Je peux comprendre, mais, dans les faits, là, ce qui m'intéresse... Et puis, encore une fois, vous venez de le dire, là, vous-mêmes, simplement pour le redire d'une façon claire, là, vous-mêmes, là, vous venez de nous dire que vous vous êtes, à ce moment-là, retournés vers les assurés privés pour compenser votre manque à gagner. C'est légal, là, il n'y a rien qui vous empêchait ça, là.

M. Larouche (Daniel) : Non, mais écoutez, on n'est pas gênés. Je voudrais juste que ce soit clair dans l'esprit des membres de la commission, à partir de 2007, il y avait... Il y a toujours eu un léger écart stable entre les prix du privé puis les prix du public depuis 1997, là, jusqu'à 2007. À partir de 2007, on a vu cet écart-là croître, et jusqu'à atteindre aujourd'hui... Aujourd'hui, les prix du public sont à peu près 15 % inférieurs aux prix du privé. Je ne parle pas des honoraires, là, je parle du prix vendant, le prix total. Aujourd'hui, c'est là qu'on est, et essentiellement c'est parce que, de fait, quand les allocations ont été plafonnées, les pharmaciens se sont retrouvés avec, d'une part, des allocations qui étaient diminuées sérieusement, d'autre part, des honoraires payés par le public qui étaient non seulement très rigides, mais qui, avec le temps, ont été de plus en plus inférieurs à tout ce qui se paie dans tous les autres régimes publics au Canada, et là on se retrouve ensuite avec la seule soupape qui est disponible aux pharmaciens... Il n'y a pas eu de crise suite à cette chose-là. Les services ont été maintenus, les heures d'ouverture ont été maintenues. La seule soupape que les pharmaciens ont eue, ça a été de modifier leur structure de prix dans le secteur privé, et particulièrement dans le générique.

Alors, on n'est pas gênés de ça. Ce qu'il est important de savoir, cependant, c'est qu'au bout de tout cet exercice-là, tous payeurs confondus, l'ordonnance québécoise est à peu près le même prix qu'elle l'est ailleurs au Canada. Les ordonnances, au Québec, tous payeurs confondus, ne sont pas plus chères qu'ailleurs au Canada. Et c'est important de le savoir, et c'est important de s'en rappeler. Alors, ce qui s'est produit sur cette période-là, sur les neuf ans depuis 2007, c'est tout simplement un interfinancement croissant du public par le privé. Donc, les assurés du secteur public sont financés en bonne partie par les assurés du secteur privé par l'entremise de la pharmacie.

M. Barrette : Alors, ça, il restera à établir ça. L'objet ici, évidemment, n'est pas d'établir si le financement est à la bonne hauteur. Parce que, quand on dit financement, là, on parle de chiffres d'affaires et de profits, et ainsi de suite, là. Et ça, l'objet de notre conversation et de la commission parlementaire n'est pas d'établir ça, quoique c'est lié, là, d'une certaine manière.

• (12 heures) •

Une voix : C'est un contexte.

M. Barrette : Je comprends.

Une voix : C'est un contexte essentiel à comprendre.

M. Barrette : Mais ce que vous nous confirmez, là — et c'est votre mot — il y a eu un interfinancement. Donc, quand il y a eu un plafonnement du côté public, il y a eu une facturation accrue du côté privé. Vous nous le dites d'une façon, je pense, claire.

La prochaine question que j'ai à vous poser et qui m'a beaucoup étonnée, parce que je savais grosso modo, même si c'était tu, cette affaire-là, ce n'était pas public, là, il n'y a personne qui arrivait à mettre le doigt là-dessus, là... Votre ordre professionnel, lui, à l'époque, là, qui voyait sans aucun doute ça, là — l'ordre ne pouvait pas ne pas voir ça, l'ordre, c'est les pharmaciens en exercice — est-ce qu'il vous a avisé, votre ordre, de ne pas faire ça?

M. Thiffault (Jean) : Il y a eu, de mémoire, des balises qui avaient été envoyées, que les pharmaciens doivent interpréter, avec lesquelles ils doivent porter leur jugement professionnel, et il y a eu des appels. Combien? Je vous dirais que ça fait quelques années déjà, là.

M. Larouche (Daniel) : La réponse courte, c'est non. La réponse, c'est non. La réponse courte, c'est non, il n'y a pas... Il y a eu de l'interfinancement, mais il n'a jamais été établi que les prix chargés au privé étaient déraisonnables. Ça, c'est cas par cas. Personne ne peut dire : Les pharmaciens, en général, chargent des prix déraisonnables. Alors, il y a des cas par cas. Le syndic de l'ordre a questionné et a fait des enquêtes chez certains pharmaciens. Ça n'a rien donné jusqu'à présent, il n'y a pas eu de conclusion à ça, il n'y a pas eu de procédures qui ont suivi. Alors, l'ordre a fait diligence sur certains cas spécifiques par le syndic, en fait, mais non, l'ordre n'a jamais dit qu'il y avait des pratiques de prix qui étaient déraisonnables, non déontologiques suite à l'interfinancement croissant. Alors, on n'a jamais établi que les prix du public devaient être des prix de référence, puis tout ce qui excédait ça était trop cher. Alors, ça non plus, ce n'est pas établi, là.

M. Barrette : Bon. Alors donc, moi, pour moi, ce qui m'intéresse dans cette question-là, là — et vous me répondez, je pense, très clairement — c'est que l'ordre, pour lui, là, il n'y avait pas de problème à ce qu'il y ait ce que vous avez qualifié d'interfinancement. Moi, c'est juste ça, je ne vous demande pas de juger de l'ordre, je...

M. Larouche (Daniel) : ...de l'ordre, je ne peux pas...

M. Barrette : Vous pouvez me le... Ma question, pour moi, parce que vous, vous êtes... bien, peut-être pas vous, je ne sais pas si vous êtes pharmacien...

M. Larouche (Daniel) : Non.

M. Barrette : Vous n'êtes pas...

M. Larouche (Daniel) : Je n'ai pas ce privilège.

M. Barrette : Les pharmaciens n'ont pas eu de commentaires de l'ordre à l'effet... Ne faites pas ça parce que, moralement ou autrement, ça ne devrait pas se faire.

M. Larouche (Daniel) : Il n'y a pas eu : Ne faites pas ça. La tarification dans les pharmacies pour le privé, c'est 1866 décisions individuelles. Alors, personne n'a jamais constaté qu'il y avait ni une stratégie collective, ni un complot. Les pharmaciens gèrent leurs pharmacies, prennent des décisions, décident de leurs tarifs, et puis, si personne ne va voir l'ordre en disant : Je pense que je me suis fait flouer... Bien, moi, je ne veux pas parler pour l'ordre ni contre, mais ce que je sais, c'est que l'ordre n'est jamais intervenu sur une base collective. Je connais des cas individuels où l'ordre est intervenu, mais, de façon collective, je n'en ai pas.

M. Barrette : Par contre, corrigez-moi si je me trompe, parce que ça s'adresse à vous, les pharmaciens propriétaires, sur la question de la transparence de la facture, l'ordre a toujours pris une position. On va leur demander la question, là, mais vous, là, vous n'avez jamais été en faveur, ni l'ordre, de la transparence de la facture?

M. Thiffault (Jean) : Le problème de la... J'aimerais rajouter un dernier point. Si vous parlez de l'écart privé et public, sur le 20 %, quand les prix ont été plafonnés, ce plafonnement-là, M. le ministre, est à l'origine du pourquoi vous avez de la difficulté à voir les sommes dans le système aujourd'hui. Si on est ici aujourd'hui à essayer de chercher où se trouve la rentabilité dans la chaîne, c'est parce qu'avec le plafonnement de 20 % vous avez mis un couvercle sur la marmite. Tout ce qui est en haut du 20 %, les sommes, là, vous les avez rendues occultes. On a rajouté un deuxième couvercle avec les marques privées, on le voit encore moins, l'argent. Donc là, l'exercice aujourd'hui, votre recherche pour essayer de trouver où sont les sommes dans la chaîne, elles sont conséquentes à l'imposition du plafond de 20 % puis, ensuite, de 15 %.

Pour ce qui est de la transparence des prix, écoutez, c'est un faux débat selon moi, la transparence des prix. Les assureurs sont venus vous en parler dernièrement, cette question-là a été discutée à l'Ordre des pharmaciens dans un rapport avec M. Claude Montmarquette, qui s'est penché sur la question, sur la transparence des prix. La question était : Est-ce que les factures devraient être ventilées, et tout ça? Et la conclusion de M. Montmarquette, c'est que le seul prix qui compte, c'est le prix final, est-ce que ça va me coûter 20 $, 25 $ ou 30 $, c'est avec ça que le patient doit prendre sa décision, puis c'est avec ça que le patient magasine d'une pharmacie à l'autre le prix et le service — parce que ce n'est pas juste un prix, un pharmacien, c'est un prix et un service, donc — et qu'il n'y aurait aucun avantage à connaître le prix des composantes parce que ça causerait de la confusion.

Et de la confusion, il y en a en Ontario. On cite souvent l'Ontario comme étant un exemple de clarté parce que les honoraires des pharmaciens sont affichés sur le mur. Pharmacie A va afficher un honoraire de 0,99 $. Wow! La pharmacie B, un honoraire de 9,99 $. Ce que les clients ne savent pas, c'est que le prix coûtant qui est utilisé, qui va être additionné à l'honoraire, à ce prix-là, le pharmacien rajoute une marge de profit de son choix qu'il ne divulgue pas. Donc, au bout de la ligne, le pharmacien qui va à la pharmacie avec un honoraire de 0,99 $ peut se retrouver à payer plus cher parce que la marge de profit que le pharmacien s'est chargé, elle était plus grande.

Là, on essaie de faire croire à tout le monde, là, qu'une équation à deux chiffres, qui est un prix vendant sur la facture, que le pharmacien a l'obligation de dire au patient, auquel on soustrait un prix coûtant du médicament qui est public... Je peux taper Norvasc, 5 mg, je l'ai, le prix de la RAMQ. Ça, là, ça demande des algorithmes très, très compliqués, là — les assureurs nous ont dit ça — pour connaître le profit du pharmacien. Ce n'est pas le cas, une calculatrice de 0,99 $ peut faire le travail. Donc, la transparence, elle est là. Les assureurs essaient de faire rentrer un carré dans un cercle. Ils veulent organiser un système qui correspond à ce qui est fait à l'extérieur du pays. Notre système, il est simple, il est compréhensible pour les patients, et toutes les données sont publiques, connues. Donc, honnêtement, je trouve qu'on a un système simple et que c'est un faux débat.

M. Bourcier (Jean) : On voudrait juste ajouter, on apprécierait aussi, de la part des assureurs privés, la même transparence qu'ils demandent aux pharmaciens. Ça serait intéressant. En tant que preneurs de régime, on apprécierait, nous, le savoir. Et, à ce moment-ci, on trouve que les assureurs privés démontrent une certaine arrogance à vouloir absolument connaître des choses qu'eux ne sont pas prêts à offrir à la population québécoise. La croissance des primes, la profitabilité des primes, la prime par secteur pour chacun des produits, pour chaque groupe de produits, dentaires, invalidité, vie, autres thérapeutes, pharmaciens, dentistes, etc., le regard qu'on pourrait poser sur la profitabilité de la croissance des primes sur chacun de ces... serait intéressant. Ça serait intéressant que les assureurs privés, qui se targuent de vouloir être transparents, démontrent cette transparence-là au niveau de la facturation des preneurs de régime. En tant que preneur de régime, moi, j'apprécierais que les assureurs privés nous montrent également cette transparence-là parce qu'au bout de la ligne eux aussi sont profitables, eux aussi cherchent à maintenir leurs primes et leur rentabilité. C'est important de constater... C'est parce qu'il y a des questions...

M. Barrette : Non, non, je comprends, M. Bourcier. Je comprends bien, là.

M. Bourcier (Jean) : ...il y a des questions qui ne se posent pas, il y a des questions qui devraient se poser.

M. Thiffault (Jean) : Et il faudrait demander peut-être à d'autres professionnels aussi. Récemment, chez les optométristes, chez les dentistes... En clinique de radiologie, examen de rayons x du genou, où est l'honoraire dans ça? Vous comprenez que, si on fait l'exercice, faisons-le de façon globale.

M. Barrette : Bien, savez-vous quoi? Je suis bien confortable avec ça.

M. Thiffault (Jean) : Parfait.

M. Barrette : Maintenant, dans la relation qu'ont les pharmaciens propriétaires franchisés avec leur franchiseur, l'année dernière on avait fait un sondage qui disait que le groupe franchiseur, chaîne ou bannière, là... La question était posée, là, je vais la répéter, je l'ai posée à plusieurs reprises : Est-ce que votre franchiseur, chaîne, bannière, cherche à limiter ou orienter la sélection des médicaments génériques à servir aux patients? La majorité des pharmaciens ont dit oui. C'est quoi, la relation? Est-ce qu'il y a, dans la relation entre le franchisé et le franchiseur, une relation de ce type-là?

M. Thiffault (Jean)T : Il y a une relation qui est parfaite sur le plan des opérations.

M. Barrette : C'est-à-dire?

M. Thiffault (Jean) : Ce sont d'excellents opérateurs. Les services que nous recevons sont des bons services, les chaînes et les bannières. La relation, elle est tendue sur le plan financier. Elle est complexe sur le plan financier, donc il faut... Les services reçus sont des services de qualité. Le reste de la relation, sur le plan financier, c'est complexe. Et c'est complexe parce que, depuis l'arrivée du plafond, depuis l'arrivée des sommes dans le système, il y a eu un très grand déséquilibre des rapports de force, hein, entre les pharmaciens. L'argent était chez les pharmaciens avant et, avec le plafond, il s'est retrouvé chez les tiers. Donc, cette situation-là, de fait, a amené une situation de dépendance financière des pharmaciens. Et une dépendance financière, ça fragilise l'indépendance professionnelle parce qu'on est obligés d'accepter des contrats de plus en plus contraignants, on est obligés de... C'est l'indépendance financière, c'est la survie, c'est la... L'argent est ailleurs et...

• (12 h 10) •

M. Barrette : Vous dites contraignants. Pouvez-vous nous expliquer, nous donner des exemples de contraintes?

M. Thiffault (Jean) : Bien, écoutez, dans le document de Me Fernet, Pharmacien, une profession sous influence, il y a plusieurs exemples, sur l'achat des molécules, sur...

M. Barrette : Je vais en prendre un, j'en ai un ici, dans ce document-là : «Le franchisé s'engage à : s'abstenir d'utiliser, d'offrir, de promouvoir, d'annoncer, de fournir, de louer, de vendre ou de rendre quelque produit [que ce soit], marchandise ou service qui n'a pas été acquis conformément à la présente convention [et] dont l'utilisation et/ou la vente au détail dans l'établissement n'a pas été autorisée par le franchiseur.»

En français, ça, ça a l'air que vous allez acheter de moi puis vous allez vendre de moi... mais pas vous, là, mais par rapport au franchiseur.

M. Thiffault (Jean) : Il y a des obligations contractuelles qui sont bénéfiques pour les deux parties. Je veux dire, si un grossiste a un bon volume d'affaires, le service va être bon. Par contre, sur d'autres points, dès qu'on touche le côté professionnel, il faut absolument qu'il y ait un petit peu plus de... il faut garantir l'indépendance professionnelle parce que, si on fragilise la continuité de l'indépendance professionnelle, c'est le droit de propriété qui est affecté. Il faut...

M. Barrette : Je comprends votre point puis je vais vous avouer que je suis pas mal en faveur, là. Je vais vous donner un autre exemple du document de Me Fernet : «Pendant toute la durée des engagements souscrits envers le partenaire d'affaires résultant des présentes, je m'engage à m'approvisionner : [...]de façon exclusive auprès de mon partenaire d'affaires; [...]de façon exclusive auprès de tout distributeur, grossiste désigné de temps à autre par mon partenaire d'affaires, renonçant ainsi au pouvoir d'achat direct auprès d'un fabricant.»

Il y a des gens qui sont venus nous dire avant vous qu'il n'y avait aucune relation contraignante entre le franchiseur et le franchisé. Là, vous semblez me confirmer qu'il y en a une, contrainte. Et la question qui vient après : Cette contrainte-là est-elle dans un cadre de bénéfices ou de pertes si on n'observe pas ce genre de règle chez le pharmacien propriétaire? Moi, je trouve que vous êtes le bout de la chaîne alimentaire, puis vous avez des contraintes pas mal. Est-ce que vous nous confirmez que, oui, il y a des contraintes puis, oui, il y a des bénéfices ou des pénalités financières si les règles ne sont pas observées?

M. Thiffault (Jean) : Oui, il y a des pressions. Est-ce que les contraintes sont toutes financières? Ça peut être des contraintes opérationnelles, ça peut être des clauses excessives dans les contrats s'il y a un non-respect de certaines clauses. Les modèles sont tous différents, hein? On ne les a pas, on n'a pas en main tous les contrats de toutes les chaînes et les bannières. Ce n'est pas notre rôle. On sait ce qui existe, on en entend parler. Mais c'est ça, donc...

M. Bourcier (Jean) : Peut-être juste compléter. Je fais un aparté, les ententes contractuelles entre les pharmaciens, les franchisés et leurs chaînes sont complexes, c'est des ententes qui sont à plusieurs volets. Le franchisé n'est pas le pharmacien. Le franchisé est le propriétaire de la partie commerciale qui est au devant de la pharmacie. Donc, les ententes contractuelles que le pharmacien va signer comme propriétaire avec sa chaîne et sa bannière sont de plusieurs ordres. Et ce qu'on appelle le franchisé, c'est la personne physique, morale, propriétaire de la partie devant la pharmacie, du devant de la pharmacie, et non pas la pharmacie comme telle.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous poursuivons maintenant nos échanges avec notre collègue de Rosemont pour 15 minutes.

M. Lisée : Merci beaucoup, M. le Président. M. Thiffault, M. Bourcier, Mme Crête, M. Larouche, j'ai plusieurs questions pour vous. On va commencer à parler... Parce que c'est une journée importante, là, le ministre de la Santé a fait une sortie, a dévoilé l'existence d'un vaste scandale ce matin, d'une faute morale qui aurait été posée. Alors, on va discuter de faute morale ensemble. Donc, il y a cette question d'interfinancement entre les honoraires des pharmaciens pour le régime public, régime privé. Depuis 1997, avez-vous dit, hein, M. Larouche, depuis l'existence...

M. Larouche (Daniel) : ...

M. Lisée : Depuis 2007, mais...

M. Larouche (Daniel) : Ah! depuis bien avant, il y avait un interfinancement.

M. Lisée : Exactement. Donc, depuis bien avant qu'il y ait le plafonnement par le ministre libéral de la Santé Yves Bolduc en 2010, il y a le fait que les pharmaciens chargeaient en honoraires davantage au régime des assureurs privés que du public parfaitement légalement. Un ministre libéral de la Santé, en 2010, a décidé de plafonner, donc, les honoraires pour le secteur public, ce qui a conduit, légalement, les pharmaciens à charger un peu davantage au secteur privé. Est-ce que l'Ordre des pharmaciens aurait dû intervenir? C'est le scandale dont le ministre a fait état ce matin pour essayer de salir la réputation d'une membre de cette Assemblée.

Alors, vous avez dit tout à l'heure que le syndic, donc, de l'Ordre des pharmaciens avait fait des interventions de son propre chef pour voir s'il y avait un problème, donc a agi. Mais, si un assureur privé ou un client considérait que l'honoraire était exagéré, avait-il le droit de s'en plaindre au syndic?

M. Larouche (Daniel) : Absolument.

M. Lisée : Absolument?

M. Larouche (Daniel) : Écoutez, il y a... D'abord, juste pour mettre un peu d'histoire, tu sais, auparavant...

M. Lisée : Non, mais je vais poser des questions précises, puis ensuite on passera à autre chose.

M. Larouche (Daniel) : Oui, d'accord. Je vous laisser aller.

M. Lisée : Mais juste, donc, établir que vous savez que le syndic peut agir sur plainte et que personne ne l'a empêché de le faire, et que le syndic a agi de lui-même pour faire des vérifications.

M. Larouche (Daniel) : Les deux sont vrais.

M. Lisée : Les deux sont faits. Et en plus, M. Thiffault, vous avez de rapport Montmarquette sur la question de la transparence. Qui a commandé le rapport?

M. Thiffault (Jean) : L'Ordre des pharmaciens.

M. Lisée : L'Ordre des pharmaciens lorsque c'était la députée de Taillon qui était présidente de l'ordre?

Une voix : Effectivement.

M. Lisée : Donc, y a-t-il quelqu'un qui a fait une faute morale? Si le syndic faisait son travail en réponse à des plaintes et de sa propre initiative et que la présidente de l'ordre commandait un rapport, est-ce que vous voyez un scandale là-dedans de la part de l'ordre?

M. Larouche (Daniel) : Non. Écoutez, je l'ai dit tout à l'heure, les décisions de tarification dans le secteur privé sont des décisions individuelles qui se sont contestées à l'occasion individuellement, sur une base individuelle.

M. Lisée : Très bien.

M. Larouche (Daniel) : Quant à la pratique générale, l'ordre a fait diligence, a commandé un rapport. C'est une démarche qui impliquait les payeurs privés, les assureurs privés, l'AQPP, l'ordre, et l'ordre a commandé avec l'appui des autres regroupements une étude au Dr Montmarquette.

M. Lisée : Voilà. Alors donc, l'ordre a fait tout ce qu'il devait faire. Ce n'était pas de négocier des honoraires. Ça, c'est votre travail à vous. Ça fait que, là, on a abordé ça. Alors, si quelqu'un avait le mauvais goût d'accuser l'ordre de faute morale, il serait pas mal le champ. Je pense qu'on s'entend là-dessus? Par ailleurs, si quelqu'un considérait que cet interfinancement était scandaleux, ils auraient eu le pouvoir de faire... Disons, un ministre de la Santé, le ministre libéral de la Santé, Yves Bolduc, en 2010, 2011, 2012, s'il avait considéré qu'il se passait quelque chose de scandaleux, aurait été moralement conduit à intervenir. Est-ce qu'il l'a fait?

M. Thiffault (Jean) : À l'époque, on se rappelle que l'origine de ça, c'est la perte des allocations professionnelles qui a poussé l'écart entre le privé et le public. Et les pertes encourues par les pharmaciens, il y aurait eu des promesses de compensation comme en Ontario, et on attend toujours le chèque. Donc, il y a eu un non-réinvestissement qui nous a amenés à l'augmentation des...

M. Lisée : D'accord. On a un nouveau ministre de la Santé depuis avril 2014, donc bientôt deux ans. Alors donc, il est responsable d'empêcher que des scandales et des fautes morales soient commises sous sa gouverne. Est-ce que, de quelque façon que ce soit, il est intervenu auprès de vous ou auprès de l'ordre pour dire que cet interfinancement était scandaleux, moralement répréhensible et qu'il fallait intervenir pour que ça s'arrête?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Non. O.K. Alors là, on va parler d'une autre faute morale. Alors, en mai dernier, vous avez eu des négociations avec le ministre actuel de la Santé, qui vous a dit : Vous devez rembourser à l'État 133 millions de dollars par année. Vous avez dit : Si vous faites ça, M. le ministre, vous allez pousser des pharmacies à la faillite, vous allez réduire le nombre d'heures travaillées. Et, ce matin, vous nous donnez un sondage scientifique de Léger auprès de 850 de vos 1 800 pharmaciens qui dit qu'en fait il y a près de 1 000 emplois de moins depuis mai dernier au Québec à cause de l'action du ministre de la Santé — c'est bien ça? — ...

Une voix : Oui.

M. Lisée : ...et que, dans la moitié des pharmacies du Québec, il y a six heures d'ouverture de moins à cause de l'action du ministre de la Santé. C'est bien ça? Le ministre de la Santé, dans les négociations avec vous, il vous avait promis une compensation à l'époque, qu'est-ce que c'était?

M. Thiffault (Jean) : Vous voulez dire pour...

M. Lisée : Pour compenser la ponction de 133 millions, que devait-il faire?

M. Thiffault (Jean) : C'était le déplafonnement. C'était la seule condition qui a été acceptable pour les pharmaciens propriétaires d'accepter des coupures de leurs honoraires, c'est un déplafonnement complet. Et ce déplafonnement-là...

M. Lisée : Déplafonnement complet des allocations professionnelles qui sont payées par les compagnies génériques?

M. Thiffault (Jean) : Exactement, pour nous aider à refaire le modèle d'affaires des pharmaciens et le mode de rémunération des pharmaciens au bout de trois ans.

M. Lisée : D'accord. Quelle était la nature de son engagement? Il vous a dit : Je vais vous couper en mai. C'est ça?

M. Thiffault (Jean) : Avril.

M. Lisée : Puis je vais déplafonner quand les allocations?

M. Thiffault (Jean) : Il n'y a pas eu de date. Ce qu'on nous a dit, c'est qu'il y avait un processus qui suivait son cours.

M. Lisée : Et est-ce qu'il vous a donné une idée de la saison, ou de l'année, ou de la décennie pendant laquelle ce serait fait?

M. Thiffault (Jean) : Ça s'en vient.

M. Lisée : Ça s'en vient.

M. Thiffault (Jean) : C'est ce qu'on...

M. Lisée : Alors, est-ce que ça a été fait en juin?

M. Thiffault (Jean) : De?

M. Lisée : De 2015.

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Juillet?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Août?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Septembre?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Octobre?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Novembre?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Décembre?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Janvier 2016?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Février 2016?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Mars 2016?

M. Thiffault (Jean) : Non.

M. Lisée : Donc, pour l'instant, là, ce que vous nous dites, c'est que le ministre de la Santé vous a promis d'agir avec diligence, sans date, en sachant que le processus prend 90 jours normalement — c'est un processus réglementaire — mais que, là, il y a plusieurs fois 90 jours qui sont passés, que des pharmaciens mettent à la porte chaque semaine des personnes partout au Québec, que les heures de pharmacie...

M. Thiffault (Jean) : Refinancent, refinancent leur pharmacie.

• (12 h 20) •

M. Lisée : Et, si ça continue comme ça en avril, mai, juin, juillet, août qui s'en viennent, est-ce qu'il va y avoir plus de pertes d'emploi et moins d'heures disponibles?

M. Thiffault (Jean) : On ne peut pas prévoir l'avenir, mais ce que je sais, c'est que chacun des trimestres de l'année, de par les plafonds qui ont été négociés, sont plus coûteux, le deuxième plus que le premier, le troisième plus que le deuxième, et ainsi de suite. Donc, plus on avance, plus les coupures sont importantes en termes de dollars. Donc, l'impact va être encore plus grand.

M. Lisée : Et n'est-il pas vrai que, comme vos pharmaciens, pensant que le ministre n'avait pas fait de faute morale en promettant le déplafonnement, donc l'arrivée de fonds compensatoires, se sont dit : Bien, c'est juste que ça prend du temps, et donc se sont endettés à hauteur de 60 millions de dollars auprès des banques maintenant en attendant le déplafonnement, et que, si le déplafonnement ne vient pas, en fait, cet endettement-là, il va falloir qu'ils le remboursent, et que, donc, n'ont fait que reporter la sévérité des réductions d'emplois et des réductions d'heures d'ouverture?

M. Bourcier (Jean) : C'est évident que les emprunts additionnels que les pharmaciens ont dû aller contracter, c'est des emprunts ce que j'appelle le fonds de roulement, donc pour venir compenser un manque à gagner au niveau de leur fonds de roulement. Donc, ça veut dire que, quelque part, si la situation ne s'améliore pas au cours des prochaines semaines et mois, ces emprunts-là devraient, normalement, augmenter. C'est des emprunts de fonds de roulement, c'est ce que j'appelle pour payer l'épicerie. Et, subséquemment, les mesures logiques de tout entrepreneur, de tout gestionnaire, c'est de dire : Est-ce que je peux encore couper du personnel? Est-ce que je peux encore couper des dépenses à l'intérieur de mon organisation pour pouvoir pallier à soit des emprunts additionnels, soit des pertes additionnelles?

M. Lisée : Dans une étude que vous aviez... Parce que le ministre savait tout ça, là. Vous lui aviez dit que ça allait arriver, je lui avais dit que ça allait arriver. On a posé des questions en Chambre, il y avait déjà des signes avant-coureurs, des fermetures dans certaines régions. Et vous aviez sorti une étude montrant que le quart, si ça devait être permanent, le quart des pharmacies passeraient en bas de leur point de rentabilité au Québec. Vous maintenez ça?

M. Bourcier (Jean) : Oui. Nous, on vous a rencontré, on a rencontré le cabinet du ministre pour présenter notre étude économique l'année passée qui indiquait clairement que 15 % des pharmacies québécoises faisaient peu ou pas de profits, pour ne pas dire pas de profits, et qu'un autre 10 % faisait très peu de profits. Et on avait souligné à ce moment-là que les ponctions de 163 millions par année étaient pour fragiliser de façon importante la pharmacie de détail au Québec, dont ce 25 % là, effectivement.

M. Lisée : Donc, le ministre libéral actuel de la Santé met à risque la survie d'une pharmacie sur quatre au Québec?

M. Bourcier (Jean) : Actuellement, c'est le cas.

M. Lisée : Et, comme il vous avait promis dans la négociation au printemps dernier qu'il y aurait, de façon normalement assez rapide, donc les trois mois que ça prend pour un règlement... pourquoi est-ce qu'on ne dirait pas que c'est une faute morale de la part du ministre de ne pas avoir respecté son engagement envers vous?

M. Thiffault (Jean) : Vous me permettrez de ne pas la commenter, la... si c'est une faute ou pas. Nous, ce qu'on voit, c'est la situation chez les pharmaciens, situation d'insécurité. Surtout avec le projet de loi n° 81, le déplafonnement, ça veut dire quoi pour le futur? C'est quoi, la valeur des médicaments génériques? Comment ça va nous affecter? C'est quoi, la valeur des pharmacies? C'est quoi, la rentabilité d'une pharmacie dans un an, deux ans, trois ans? Cette insécurité-là, là, elle est assez difficile à vivre.

M. Lisée : Alors, parlons-en. Alors, dans le projet de loi qui est déposé, le ministre ne s'intéresse qu'aux appels d'offres, il ne s'intéresse à aucun autre moyen de réduire le prix des médicaments. Et vous en avez proposé, des moyens. Puis, si j'ai le temps, je vais y revenir. Mais là il dit : Finalement, cette idée de vous permettre d'utiliser un déplafonnement des allocations professionnelles des fabricants génériques pour vous refaire de la coupe que je vous ai imposée, ce n'est peut-être pas une très bonne idée parce que je voudrais la mettre dans mes poches, hein? Un autre mémoire a montré que c'était 200 millions de dollars par année, à peu près, que ça voulait dire comme revenus pour les pharmaciens, puis ces 200 millions là, je voudrais les mettre dans la poche de l'État par les appels d'offres. Ah! je ne suis pas contre, mais il vous a enlevé 133 millions, et là il vous propose de vous enlever 200 millions de plus par année. Là, ce n'est pas une pharmacie sur quatre qui va faire faillite, c'est beaucoup plus que ça.

Est-ce que, dans vos discussions avec le ministre, il a déjà évoqué de quelque façon que ce soit comment il va faire, s'il vous enlève ce 200 millions supplémentaire, pour vous garder ouverts?

M. Thiffault (Jean) : Non. C'est d'où l'intervention du discours aujourd'hui. Donc, le ministre a la liberté de prendre les mesures pour baisser les prix des médicaments, mais, ultimement, il y a toujours des impacts sur le pharmacien. On demande à être compensés pour les pertes éventuelles.

M. Lisée : Moi, personnellement, je vais vous dire, je suis un généraliste dans ce dossier-là, il me semble que les pharmaciens devraient être rémunérés correctement pour leur travail et qu'on devrait valoriser les actes cliniques que nous voulons qu'ils performent de plus en plus, et que c'est ça qui doit être valorisé, et qu'on doit revoir complètement la rémunération des pharmaciens pour cette question d'interfinancement, cette question d'opacité, cette question de ristourne qui devrait, d'après moi, être abolie, effectivement, revenir dans le prix du médicament, mais en formulant une autre façon de rémunérer correctement le pharmacien.

M. Thiffault (Jean) : C'est notre souhait le plus ultime. Il y a encore des nouvelles activités que les pharmaciens pourraient faire qu'ils ne peuvent pas faire en ce moment au Québec, la vaccination — partout en Amérique du Nord, les pharmaciens vaccinent, ici, ce n'est pas le cas — la consultation pharmaceutique. Les pharmaciens veulent être payés pour faire de la pharmacie, pas pour acheter des médicaments.

M. Lisée : Si on avait un projet de loi sérieux qui voulait réduire les coûts et aider les patients au lieu de fermer une pharmacie sur quatre, là, on mettrait le fait que les pharmaciens peuvent vacciner. Est-ce qu'on mettrait aussi le fait que les pharmaciens peuvent et, même, doivent, comme en Ontario, rencontrer leurs patients à tous les trois mois, ou six mois, ou selon un protocole pour voir si leur médication est adéquate et, en plusieurs cas, la réduire?

M. Thiffault (Jean) : On investit beaucoup, hein, en budget de médicaments, mais très peu pour s'assurer qu'on a l'usage optimal. Et c'est une des conclusions du mémoire, là, je veux dire, je pense que ça serait important d'investir dans l'usage optimal, dans le travail interprofessionnel. On a des nouveaux prescripteurs. Les pharmaciens prescrivent, les infirmières prescrivent maintenant. Il faut coordonner, ça prend un coordonnateur de ce travail interprofessionnel là. Et un médicament qui est mal utilisé, c'est un médicament qui est dépensé absolument pour rien, c'est un...

M. Lisée : Combien on pourrait économiser, là? Pour chaque dollar mis dans ce qu'on appelle le MedsCheck, combien est-ce qu'on économiserait?

M. Thiffault (Jean) : Je n'ai pas l'information, malheureusement, mais, après un MedsCheck, habituellement, il y a toujours deux ou trois médicaments qui sont cessés. Une modification pourrait améliorer l'efficacité. Donc, si on additionne le coût du médicament arrêté, le coût des problèmes sauvés dans le futur et le meilleur traitement... Je pense que les coûts sont importants, c'est rentable. C'est rentable.

M. Lisée : Alors, si on mettait dans ce projet de loi ci immédiatement la capacité pour les pharmaciens de vacciner, la capacité pour les pharmaciens — ou même l'obligation — de faire le MedsCheck, on a la certitude qu'en dedans de trois mois on ferait des économies sur le budget de la santé général.

M. Thiffault (Jean) : Sur le budget, effectivement. Je pense que oui.

M. Lisée : Il y a une autre chose qui n'est pas dans le projet de loi qui aurait pu y être — ...que le ministre ne prend pas de notes — c'est le fait que les génériques coûtent moins cher que les innovateurs et que plus vite on inscrit un générique sur la liste des médicaments disponibles, plus vite on fait une économie. Alors, en ce moment, à quel rythme est-ce que le ministre de la Santé actuel les inscrit dans la liste des médicaments disponibles?

M. Thiffault (Jean) : Chaque parution de liste, c'est plus qu'en Ontario, où c'est quelques jours.

M. Lisée : En Ontario, c'est quelques jours. Et, ici, c'est une fois par?

M. Thiffault (Jean) : Trois mois, peut-être.

M. Lisée : Une fois par trois mois. Donc...

M. Thiffault (Jean) : Non, il y en a plus que ça, il y en a peut-être plus, il y en a cinq ou six, puis là, je vous dirais, par coeur.

M. Lisée : Donc, on pourrait immédiatement faire des économies substantielles en faisant comme l'Ontario là-dessus?

M. Thiffault (Jean) : Il y a des mécanismes pour les médicaments qui sont très dispendieux ou dont le volume est très grand qui permettent des économies, il y a des «fast track», mais, en général, c'est un peu plus long que ce qui se fait ailleurs.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Lisée : Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous cédons la parole maintenant au collègue de Lévis pour 10 minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Thiffault, M. Bourcier, Mme Crête, M. Larouche, merci d'être là.

Retour rapide sur un sondage que vous présentez aujourd'hui sur les impacts actuels parce que vous comprendrez que le sondage, c'est le portrait de l'état de la situation au moment où l'on se parle en ce 9 mars avec des impacts majeurs. Vous nous parlez de pertes d'emploi, bien sûr, mais d'heures d'ouverture hebdomadaires coupées depuis septembre en fonction de ce dont on a parlé, tout l'aspect financier de l'affaire. Et vous ajouterez également que la moitié des pharmacies a réduit les heures de travail des pharmaciens, 53 %; les assistantes techniques, 47 %, dans les pharmacies, les infirmières également. On a diminué les contributions à des organismes. En tout cas, des impacts financiers actuels.

Advenant que le projet de loi devienne loi et qu'on fonctionne en fonction de ce qui est prévu dans le projet de loi, ces impacts-là que l'on constate aujourd'hui, une analyse projective pour tenter de vous dire... est-ce que ça risque d'être pire? On s'en va vers un scénario qui risque de rendre ces chiffres-là caducs et vers une situation encore plus dramatique?

M. Bourcier (Jean) : Oui, je vous dirais que oui. Les tendances semblent l'indiquer, les pharmacies qui ont des difficultés de fonds de roulement n'auront pas moins de difficultés de fonds de roulement dans un mois, deux mois, trois mois si la situation persiste. Absolument.

• (12 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : Dans la mesure où le projet de loi prévoit des appels d'offres — comprenons le principe parce que des gens sont peut-être moins familiers avec le processus de la ristourne ou des allocations professionnelles également — les gens devront comprendre que, s'il y a appel d'offres, sur les médicaments sur la liste où il y aura appel d'offres, bien, évidemment, vous dites à ce moment-là : On perd l'avantage des allocations professionnelles, qui nous permettent aujourd'hui — puis je le mets entre guillemets, mais c'est ce que vous dites un peu — de survivre.

M. Thiffault (Jean) : ...qui font partie de notre rémunération, qui sont partie intégrante de notre rémunération.

M. Paradis (Lévis) : Et dont vous vous servez ensuite pour...

M. Thiffault (Jean) : Donner des services.

M. Paradis (Lévis) : ...donner des services, mais aussi qui peut s'appliquer sur la masse salariale ou etc...

M. Thiffault (Jean) : Exactement. Oui, c'est ça.

M. Paradis (Lévis) : ...à bon escient dans... C'est votre fonds de roulement, ça fait partie de vos revenus.

Et, si les appels d'offres sont limités à peu de molécules, est-ce que les gens doivent comprendre que le principe de l'allocation déplafonnée, lorsqu'elle sera effective — ce qui n'est pas le cas, là, manifestement, vous nous le dites — fait en sorte que les pharmaciens recevront quand même, dans le meilleur des mondes, une allocation déplafonnée sur les médicaments qui ne font pas partie de l'appel d'offres?

M. Thiffault (Jean) : Oui, effectivement. Par contre, il faut savoir que les 10 ou 20 premières molécules représentent une portion significative. Les molécules qui seront visées par les appels d'offres, évidemment, sont celles sur lesquelles il y a plus de volume. Donc, si on se retrouve juste avec les fonds de liste, on n'ira pas loin avec ça, là, ce n'est pas...

M. Paradis (Lévis) : Alors, précisons-le parce que c'est important.

M. Thiffault (Jean) : Vous comprenez, c'est ça, là.

M. Paradis (Lévis) : Quand bien même on aurait pris une molécule en disant : Oui, mais, dans le fond, l'allocation viendra sur les autres produits, considérant qu'il y en ait peu, si c'est sur les plus fréquemment utilisés et sur un volume majeur, l'impact financier sera quoi à ce moment-là? Ça revient...

M. Thiffault (Jean) : Bien, on disait : Pour les 10... Bien, vas-y.

M. Bourcier (Jean) : Oui, on disait : Pour les 10... On a fait une analyse pour 2015, les 10 molécules les plus fréquemment prescrites, si elles étaient exemptes d'allocations professionnelles, il y aurait un manque à gagner de 36 millions pour les pharmaciens pour les 10 plus importantes molécules.

M. Paradis (Lévis) : Et votre analyse vous pousse à croire, évidemment, que ces molécules à grand volume sont celles sur lesquelles on voudrait, effectivement, aller chercher des économies, donc des appels d'offres. Donc, le manque à gagner se chiffrerait à peu près à ça.

M. Bourcier (Jean) : La logique voudrait que.

M. Paradis (Lévis) : Je reviens encore au projet de loi parce que vous dites : Oui, il y a cet aspect-là de survie de l'entreprise. Puis vous le dites dans vos documents, vous le dites dans le sondage également, vous dites en fin de sondage que le pharmacien, bien, c'est un professionnel, mais c'est aussi un entrepreneur, et vous avez cette vision-là qui est très importante...

M. Thiffault (Jean) : Deux chapeaux. On a toujours deux chapeaux : professionnel et entrepreneur.

M. Paradis (Lévis) : ...qu'il a deux chapeaux, ce qui ne rend pas nécessairement les choses faciles parce que ce n'est pas toujours facilement compatible.

M. Thiffault (Jean) : Effectivement, oui.

M. Paradis (Lévis) : Vous direz dans votre rapport qu'il y a d'autres dangers que ça. Et là je m'en vais en page 12, notamment, où vous citez le Commissaire à la santé et au bien-être dans un document de 2013, où vous direz : Les appels d'offres, il y a d'autres problèmes que ça. «Les appels d'offres comportent toutefois des risques. Susciter une concurrence féroce peut faire décliner l'industrie, mener à l'affaiblissement des concurrents à long terme et causer possiblement la collusion entre les fabricants.» Et là vous écrivez : «Encore plus important, les appels d'offres peuvent dissuader les fabricants de génériques de contester les brevets non valides, ce qui peut retarder considérablement l'arrivée de génériques sur le marché et mener à des prix beaucoup plus élevés...»

J'aimerais que vous nous expliquiez parce que, lu comme ça, c'est inquiétant.

M. Thiffault (Jean) : Bien, un endroit où ce n'est pas invitant de faire des affaires, effectivement, les compagnies ne se précipiteront pas. On va parler beaucoup de Nouvelle-Zélande aujourd'hui, l'atorvastatine, l'équivalent du Lipitor, qui est le médicament le plus vendu dans le monde, est arrivé deux ans après en Nouvelle-Zélande. Partout ailleurs dans le monde, le médicament était disponible. Donc, pendant deux ans, les Néo-Zélandais n'ont pas bénéficié des escomptes parce que ce n'était pas un territoire invitant pour les compagnies génériques. Donc, il y a des impacts comme ça.

Il y a des fabricants locaux aussi, de plus petite envergure, qui ne pourront pas, probablement, traverser cette période-là parce qu'ils ne sont pas assez gros pour gagner les appels d'offres ou ils vont avoir perdu leur marché complètement.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends cet impact-là, cette logique-là que vous nous exposez, mais il y a un impact, puis l'impact, il est au consommateur également, l'impact, il est sur le patient.

M. Thiffault (Jean) : Oui, absolument. Bien, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a moyen de préserver l'impact sur le patient et d'avoir des prix compétitifs, et c'est d'utiliser la tarification dégressive. La tarification dégressive, c'est que plus le médicament a un gros volume, plus bas est son pourcentage par rapport au prix de l'original, donc moins il est coûteux. Donc, un médicament comme l'atorvastatine serait assez bas par rapport à un autre médicament qui est peu utilisé. Donc, plus il y a du volume, plus on met de compétition, plus le prix est bas, mais tout le monde paie le même prix. Donc, il y a moins de danger de risque d'approvisionnement, il y a moins de danger... Ça respecte toutes les structures, les grossistes... Les économies sont là, sont régulières, sont pérennes. Et c'est tellement le bon modèle que c'est ce que l'Alliance pancanadienne pharmaceutique fait, et avec un effet très marquant au niveau des baisses de prix.

M. Paradis (Lévis) : Il y a un impact au consommateur, il y a un impact financier, il y a un impact d'affaires et un impact aussi pour le gouvernement, c'est un régime public. Il y a un impact, tout est intimement lié.

M. Thiffault (Jean) : Oui. Oui, absolument.

M. Paradis (Lévis) : C'est ce que vous dites, c'est-à-dire que ça peut causer des torts.

M. Thiffault (Jean) : Bien, les appels d'offres mal faits juste en Nouvelle-Zélande, en 2015 seulement, c'est 15 molécules qui ont été manquantes, et des molécules qui sont prises, si on faisait l'équivalent au Québec, par à peu près 800 000 Québécois.

M. Larouche (Daniel) : En fait, je voudrais juste apporter une précision là-dessus. Depuis 15 mois, il y a 14 molécules qui ont connu des problèmes d'approvisionnement en Nouvelle-Zélande, dont une qui est l'atorvastatine justement, là, le Lipitor, qui a été en pénurie carrée, là, ils en ont manqué. Juste le Lipitor, juste l'atorvastatine, dans le régime public, là, je ne vous parle pas des régimes privés, il y a 450 000 Québécois qui prennent ce médicament-là. L'ensemble des 14 molécules, ça touche, de fait, 775 000 Québécois. Alors, des pénuries là-dedans, ce n'est pas des pénuries qui touchent des consommateurs à la marge, là, ça touche en plein coeur du régime.

J'ai un article avec moi, en février, en Nouvelle-Zélande, ils ont des problèmes d'approvisionnement avec 10 molécules de front. Alors, ce n'est pas un problème inventé, là. Puis ce n'est pas un problème non plus, là, la fin du monde, là, mais c'est beaucoup de sable dans l'engrenage, et ça complique la vie de tout le monde, à commencer par le patient.

M. Paradis (Lévis) : Dans un modèle... Oui...

M. Bourcier (Jean) : Non, peut-être juste un commentaire pour informer les parlementaires. L'an dernier, sans régime d'appels d'offres, les pharmaciens propriétaires ont dû gérer une centaine de ruptures de stock dans leurs pharmacies, et on le sait parce que c'est des circulaires qui nous proviennent de la Régie de l'assurance maladie du Québec qui nous informent d'une rupture de stock d'une molécule. Moi, je les vois passer, là, il y en a à tous les deux jours, à peu près, qui passent. Puis là ça n'a rien à voir avec des appels d'offres, là, de façon courante, là, il y a de la rupture de stock déjà dans le système.

M. Paradis (Lévis) : Alors, vu comme ça puis à courte vue, on pourrait dire : Oui, mais vous le vivez déjà, donc ça va changer quoi? Bon. Mais, dans votre prétention, c'est de dire : Si on en a ce nombre-là maintenant, pensons à ce qui peut arriver à la lumière de ce vous vivez puis nous exprimez.

M. Bourcier (Jean) : Exactement. Exactement.

M. Thiffault (Jean) : Effectivement, c'est ça. Donc, le ministre décidera de la façon qu'il veut y aller, mais il y a des risques, c'est clair, clair, clair.

M. Paradis (Lévis) : L'Alliance pharmaceutique pancanadienne, vous venez d'en parler également, vous avez dit : Ça existe, là. Parce que, tout à l'heure, vous dites : Ça, on a des problèmes financiers, là, mais, au-delà de ça, on peut faire des économies. Vous en convenez, il y a des économies à aller chercher dans le créneau, puis dans le scénario, et dans l'organigramme. L'Alliance pancanadienne, hier, on en a aussi parlé, où des gens disaient : Il y a moyen de faire plus, on pourrait être plus agressifs. On arrive, là, à une renégociation, c'est très bientôt, et, à ce chapitre-là, on peut faire du chemin qui donnerait les résultats escomptés. Bon, parlez-moi de votre vision de ça.

M. Thiffault (Jean) : Bien, l'Alliance pancanadienne, ce n'est pas... Premièrement, les compagnies qui sont disponibles ici, elles travaillent au niveau national et international. Donc, on ne peut pas avoir une solution efficace si elle n'est pas nationale, ce n'est pas... Le Canada, c'est un pays, mais c'est 10 acheteurs différents. Donc, ça prend une organisation centrale pour être sûr que les répercussions soient bien comprises dans toutes les provinces. Il y a des clauses qui restreignent, comme, par exemple, la clause du... voyons! privilégiée, là, du...

Une voix : La nation favorite.

M. Thiffault (Jean) : ...«the most favorite nation», où, s'il y a un prix qui baisse à quelque part au pays, le Québec va avoir ce prix-là aussi. Mais, si une compagnie veut faire un appel d'offres dans une province, sachant que ça va lui causer des problèmes dans les autres provinces, bien, elle ne donnera pas son prix le plus agressif, elle va se garder une petite gêne parce qu'elle sait qu'il va y avoir des impacts. Donc, il faut regarder ça au niveau national, et l'agressivité du Dr Barrette à l'Alliance pancanadienne serait probablement nettement plus efficace tout en faisant parler ensemble tous les intervenants du milieu de la santé et du médicament.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. C'est, malheureusement, tout le temps dont nous disposons. Alors, nous remercions les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Et nous allons donc poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel d'offres.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association canadienne du médicament générique, qui vont maintenant nous adresser la parole. Vous disposez d'une période de 10 minutes. Pour les fins d'enregistrement, s'il vous plaît, bien prendre soin de préciser vos noms, également vos fonctions. Et voilà, alors la parole est à vous.

Association canadienne du médicament générique (ACMG)

M. Keon (Jim) : Merci, M. le Président. Mon nom, c'est Jim Keon. Je suis le président de l'Association canadienne du médicament générique.

M. Robidoux (Michel) : Mon nom est Michel Robidoux. Je suis président et directeur général de Sandoz Canada.

M. Charron (Daniel) : Mon nom est Daniel Charron. Je suis directeur pour le Québec de l'Association canadienne du médicament générique.

M. Goulet (Jean-Guy) : Bonjour. Mon nom est Jean-Guy Goulet. Je suis président d'Actavis Canada.

M. Goodman (David) : Mon nom est David Goodman. Je suis chef de la direction de Pharmascience.

M. Keon (Jim) : M. le ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, avant tout, j'aimerais remercier la Commission de donner l'occasion à l'Association canadienne du médicament générique, que je représente, de prendre la parole aujourd'hui. En plus de ceux qui sont assis à cette table avec moi, j'aimerais également souligner la présence dans cette salle de représentants d'autres membres de notre association et, surtout, de Mylan Canada. Alors, nous sommes ici avec plusieurs compagnies aujourd'hui.

Aujourd'hui, j'inviterais Daniel Charron, directeur Québec de l'ACMG, à poursuivre cette présentation, qui s'inspire largement du mémoire que nous avons fait parvenir au secrétariat de la commission il y a quelques jours. Daniel.

M. Charron (Daniel) : Merci, Jim. Notre association représente les plus importants fabricants de médicaments génériques auprès de tous les paliers de gouvernement, y compris auprès de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, l'APP. Au Québec seulement, notre industrie représente aujourd'hui plus de 4 000 emplois directs, auxquels s'ajoutent des milliers d'emplois indirects que l'industrie supporte. Les principaux moteurs de l'industrie au Québec sont assis à côté de moi : Pharmascience, avec ses 1 500 employés à Montréal, et Sandoz, avec ses 900 employés sur la Rive-Sud de Montréal, à Boucherville.

Nous comprenons l'objectif du ministre de faire baisser les coûts en santé ou, à tout le moins, en contrôler la croissance, et les médicaments génériques, qui se vendent quatre, cinq fois moins cher que les médicaments de marque, font leur part dans l'atteinte de cet objectif. Après avoir accusé un retard important, le Québec a effectué un rattrapage remarquable au cours des dernières années. Aujourd'hui, plus de 70 % des ordonnances sont servies avec des médicaments génériques, et, pourtant, ils ne représentent que 22 % de la facture totale du médicament au Québec, 1,3 milliard de dollars sur une facture totale qui atteint plus de 6 milliards. Il va sans dire que nous sommes plus la solution que le problème lorsqu'il est question de réduire la facture des médicaments au Québec.

Depuis le premier jour de cette consultation, le ministre lance la période d'échange avec la même question : Est-ce qu'on paie le meilleur prix possible pour nos médicaments au Québec? Chaque fois qu'on utilise un médicament de marque alors qu'un médicament générique est disponible, on paie généralement quatre ou cinq fois trop cher. Donc, on ne paie pas toujours le meilleur prix possible pour nos médicaments au Québec, puisque nous payons des médicaments d'origine plus cher alors que des médicaments génériques moins chers sont disponibles. Et trop souvent, encore aujourd'hui, malgré tous les efforts entrepris pour favoriser l'utilisation des médicaments génériques, dont plusieurs mis en place par vous-même, M. le ministre, on paie encore le médicament de marque plutôt que le médicament générique. Je suis sincèrement étonné que personne n'ait encore soulevé cela depuis le début des travaux de la commission. Ne pas en parler, c'est l'équivalent de laisser les fenêtres grandes ouvertes en plein hiver tout en se plaignant que l'électricité coûte trop cher. C'est porter notre attention sur le mauvais problème.

Ceci étant dit et maintenant que j'ai ouvert la porte, est-ce qu'on paie les médicaments génériques plus cher au Québec qu'ailleurs? Plus cher qu'au Canada? La réponse est non. C'est d'ailleurs le contraire. Le Québec bénéficie toujours du meilleur prix au Canada, souvent même plus bas qu'ailleurs au pays. Depuis le début des travaux de la commission, nous avons remarqué qu'une certaine confusion subsiste encore à ce chapitre. Elle est due au fait de parler du prix des médicaments sans distinguer le prix de la molécule et l'honoraire du pharmacien. Nous pourrons y revenir, si vous le souhaitez, durant la période de questions. Mais je le répète, le Québec paie toujours le prix le plus bas au Canada pour ses médicaments génériques.

La grande question maintenant : Est-ce que les médicaments génériques sont plus chers au Canada qu'ailleurs dans le monde? Les prix des médicaments génériques au Canada sont actuellement plus bas qu'ils ne l'ont jamais été et compétitifs vis-à-vis de ce qui se fait ailleurs, et cela, malgré le fait que plusieurs facteurs font que ça coûte plus cher de commercialiser un produit au Canada — c'est le cas du médicament comme pour d'autres produits. Il y a tellement eu d'études sur le sujet, ça a généré beaucoup de confusion, et c'est pourquoi les provinces canadiennes ont demandé au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, une agence du gouvernement fédéral, de faire la lumière et, un peu, de mettre de l'ordre dans tout ça. Son rapport, publié il y a quelques semaines à peine, en février 2016, confirme deux choses importantes pour nos discussions d'aujourd'hui, et l'étude a été faite avec des données datant de 2014.

La première chose, c'est qu'en 2014 les prix de détail des médicaments génériques d'ordonnance ont baissé plus rapidement au Canada que partout ailleurs dans les marchés de référence. Également, l'étude nous apprend qu'en 2014 le prix des médicaments génériques restait supérieur d'environ 19 % au Canada par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Des progrès notés dans le rapport seraient encore plus remarquables si l'étude avait été basée sur des données 2015 ou d'aujourd'hui. Pourquoi? Parce qu'en 2015 les prix ont encore baissé et également parce que — et ça, je ne cacherai rien à personne — la devise canadienne s'est dépréciée significativement depuis deux ans, et, dans une étude où on fait des comparaisons internationales, la valeur de la devise est un facteur important. Dans tous les cas, l'analyse démontre hors de tout doute que les efforts réalisés dans le cadre de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique portent fruit. Si on faisait l'étude aujourd'hui, compte tenu des deux éléments dont je vous parlais, les baisses de prix en 2015 et la dépréciation du dollar canadien, je suis assez confiant que nous ne serions pas loin de la parité avec le prix mondial du médicament générique.

Ce qui m'amène à une autre question, quelle est la meilleure façon d'obtenir des économies potentielles additionnelles? Le projet de loi n° 81 ouvre la porte à des achats par appel d'offres. C'est une piste qui peut sembler séduisante. À l'échelle d'un seul produit à un moment précis dans le temps, toutes choses étant égales par ailleurs, elle peut même avoir l'air efficace. Mais il ne faut pas se laisser leurrer. Si, parfois, on peut obtenir un meilleur prix par un appel d'offres, c'est parce qu'on donne un monopole à un fournisseur et que c'est le gouvernement, les professionnels de la santé et les patients qui doivent assumer tous les risques qui viennent avec ça. Je ne suis pas le premier à parler ici des risques associés aux appels d'offres, mais j'aimerais revenir sur certains aspects qui sont détaillés dans notre mémoire.

Premièrement, les appels d'offres menacent la stabilité des approvisionnements. Non seulement plusieurs le disent devant cette commission ou ailleurs, mais l'expérience le démontre. Aujourd'hui, en Nouvelle-Zélande, le pays le plus souvent montré en exemple pour parler des appels d'offres, il y a une pénurie d'atorvastatin, le générique du Lipitor, le ou l'un des médicaments les plus prescrits au Canada, offert par une panoplie de fournisseurs. On peine à imaginer même qu'on puisse avoir une pénurie ici, au Canada, et pourtant l'attribution d'un contrat par appel d'offres à un fournisseur unique a créé un monopole et incité les autres fabricants à se retirer du marché. Résultat? Une rupture de stock isolée s'est transformée en des pénuries récurrentes et difficiles à gérer depuis plusieurs mois.

Deuxièmement, les appels d'offres dissuadent le lancement rapide de nouveaux médicaments génériques. Avant d'investir en recherche et développement ou en contestation d'un brevet, un fabricant a besoin d'un environnement stable, prévisible et cohérent. Là encore, la Nouvelle-Zélande offre un exemple intéressant, puisque les versions génériques y sont commercialisées souvent beaucoup plus tard qu'au Canada : deux ans plus tard pour l'atorvastatin, dont je viens de parler, et jusqu'à quatre ans pour l'olanzapine et le venlafaxine. Ces retards forcent les Néo-Zélandais à payer le prix très fort pour plus longtemps pour le médicament de marque, vendu beaucoup, beaucoup plus cher. Si on faisait le calcul, ce n'est pas gagnant pour la Nouvelle-Zélande au final, sans parler du fait qu'il n'y a pas d'emplois manufacturiers en pharmaceutique en Nouvelle-Zélande, pas d'investissement, pas de recherche et développement, pas d'exportation et moins de produits disponibles.

• (15 h 20) •

J'aimerais maintenant tourner notre attention vers l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, dont le Québec est maintenant membre. L'objectif de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique est de maximiser les économies en obtenant le meilleur prix possible pour les médicaments tout en limitant au minimum les impacts sur l'approvisionnement pour éviter notamment des pénuries de médicaments. Dans le cadre d'une entente entre l'Alliance pancanadienne pharmaceutique et l'ACMG intervenue en 2013, nous avons mis en place des baisses de prix ciblées sur les molécules les plus vendues. 18 molécules, qui représentent presque le tiers du marché des médicaments génériques, sont maintenant vendues à 18 % du prix du médicament de marque. C'est 82 % de rabais par rapport aux médicaments de marque. Dans cette même entente, nous avons défini un cadre de prix régressif pour tous les médicaments génériques. Ça veut dire que le prix baisse lorsque les conditions le permettent tout en protégeant l'approvisionnement des médicaments offerts par un ou deux fournisseurs seulement. L'ACMG est l'interlocuteur unique de l'industrie du médicament générique auprès de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique depuis plusieurs années. Il nous fera plaisir de répondre aux questions des membres de la commission sur comment les choses se passent de ce côté.

Si nous revenons à notre objectif de départ, soit de réaliser des économies, notre mémoire contient plusieurs propositions inspirées de ce qui se fait le mieux ailleurs au Canada et dans le monde et qui n'ont aucun effet secondaire indésirable. Et je vous invite à lire à ce sujet le rapport Compas Rx, du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, publié en mars de l'an dernier. Ce rapport explique que le facteur qui exerce le plus d'influence sur le contrôle des dépenses des régimes publics d'assurance médicaments est une plus grande utilisation des médicaments génériques. Pas les prix, notamment parce que le processus déjà mis en place avec l'Alliance pancanadienne pharmaceutique fonctionne sans chambouler les équilibres existants.

Pour ces raisons, l'ACMG recommande au gouvernement de renoncer aux appels d'offres, comme le propose le projet de loi n° 81 : deuxièmement, de contribuer aux travaux de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique en s'y investissant et en travaillant de concert avec les provinces et les territoires au développement et au succès de ses initiatives : et, enfin, d'implanter des mesures et des incitatifs permettant une utilisation accrue des médicaments génériques. On vous propose quelques suggestions à ce sujet-là à partir des pages 18 de notre mémoire. Je vous remercie.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons débuter la période d'échange pour une période de 18 minutes. Maintenant, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Keon, M. Robidoux, M. Charron, M. Goulet et M. Goodman. Merci d'avoir pris le temps de venir nous faire part de vos opinions et de nous éclairer sur un certain nombre de choses dans le merveilleux monde du médicament générique. Parce qu'évidemment le projet de loi que l'on étudie aujourd'hui, à propos duquel vous venez nous entretenir traite, évidemment, d'appel d'offres de médicaments génériques.

Je constate que vous avez suivi avec une certaine assiduité nos travaux. Vous m'avez cité abondamment, là, dans votre introduction, puis vous m'avez cité exactement, là.

Une voix : ...

M. Barrette : Vous n'êtes pas dans le club des mal cités, là, vous êtes dans le club des bien cités. Et, bien, je vais commencer en disant... pas tout de suite en commençant à vous poser la question que je pose à tout le monde parce que vous y avez déjà répondu. Vous avez déjà, vous aussi, fait allusion, évoqué et, je dirais même, clairement dit qu'il y a des économies à aller chercher. Vous ne nous dites pas qu'il n'y a pas de la marge, alors vous nous confirmez, vous aussi, qu'il y a de la marge.

Quand je fais le fil conducteur... Parce que ce qui est intéressant, là, je vous dirais, dans des audiences publiques comme celle-ci, c'est qu'au fil du temps on finit par pouvoir, évidemment, trianguler les choses et voir le fil conducteur, le fil conducteur ici étant que — et vous le confirmez — il y a de la marge. Alors, il y a la possibilité d'aller chercher des économies. Tant mieux pour l'État.

Comme tout le monde, vous nous informez de votre appréciation des possibilités d'aller chercher ces économies-là. Vous nous confirmez, comme les autres... ou vous affirmez que le meilleur véhicule serait l'adhésion à l'Alliance pancanadienne pharmaceutique. Alors, ça, ça veut dire, évidemment, que, pour une deuxième fois puis d'une deuxième manière, il y a un chemin pour aller chercher des économies. Bien, je suis content d'apprendre ça.

Maintenant — et là je vais vous donner mon appréciation à moi — à partir du moment où tout le monde vient me dire que c'est l'alliance pancanadienne qui est le meilleur chemin par opposition au projet de loi, bien, je suis obligé de conclure que le projet de loi devient, pour le milieu, une menace. Et, s'il est une menace, bien, ça se qualifie, cette menace-là. La menace, ça veut dire que ça vient perturber un certain équilibre, j'en conviens, là, puis c'est une évidence. Mais ça vient aussi dire qu'il y a une marge.

Et là le débat qui s'ensuit est un débat de dire : Bien, est-ce que c'est possible d'utiliser la procédure d'appel d'offres et de trouver le juste appel d'offres qui va faire en sorte que tout le monde va y trouver son compte? Mais le juste appel d'offres va manifestement aller plus loin que le bénéfice potentiel de l'alliance canadienne. C'est ça, la réalité. C'est ça que vous dites tous, là. Je ne vous dis pas que vous avez dit ça, mais, quand on met bout à bout, là, les interventions qui sont faites... Puis je vous remercie de venir, mais force est de constater que la conclusion qui s'impose, c'est celle-là.

Alors, la question pour moi, là, la première question que j'aimerais vous poser, là... En fait, j'en ai deux. La première — et je pense que vous y avez répondu : Est-ce qu'on peut aller faire des économies supplémentaires par rapport à aujourd'hui? Puis ça, je pense que vous allez me dire oui. Non?

M. Charron (Daniel) : J'attendais votre deuxième question, là. C'est pour ça que j'ai hésité avant de répondre.

M. Barrette : La deuxième question, là, qui est le corollaire de la première, j'ai souvent, souvent dit, là... En fait, je l'ai dit à chacune des interventions. Ça nous a été confirmé par tout le monde, et il y en a qui l'ont dit d'une façon explicite, le merveilleux monde du médicament générique est un monde dans lequel il y a des étapes. Dans le cheminement de la matière première, la molécule, jusqu'au patient, il y a des intermédiaires, et les intermédiaires font leur profit à chaque étape. Vous êtes au début de la chaîne. Juste avant vous, là, il y a la matière première, la molécule, le principe actif du médicament, et il y en a certains d'entre vous qui en produisez, qui en fabriquez, même ça. C'est à votre honneur, mais vous êtes au début.

La deuxième question, elle est simple. Puis, d'ailleurs, je vous offre une opportunité, là, je vous offre une opportunité. Vous, là, quand vous regardez le reste de la chaîne, vous êtes au début de la chaîne, que ce soit horizontal ou vertical, là. Si vous regardez en haut, ou en bas, ou horizontalement, là, ce qu'il y a devant vous dans la chaîne, est-ce qu'il y a des conditions qui feraient en sorte que nous pourrions faire des économies substantielles, c'est-à-dire par un meilleur prix? Bien, vous l'avez dit, là, vous n'aimez pas ça, l'appel d'offres. O.K. Mais vous, là, qui êtes là-dedans, puis vous regardez le reste de la chaîne, vous n'êtes pas prisonniers de la chaîne, mais ça se peut que vous le soyez, puis on y reviendra. Mais, quand vous regardez le reste de la chaîne, là, c'est-u possible d'y trouver votre comte s'il y avait des conditions de marché différentes, hein — vous comprenez ce que je veux dire — et s'il y avait des éléments dans ces conditions de marché là, là, qui disparaissaient? Ça serait-u possible d'imaginer un contexte de marché qui fasse en sorte que vous y trouviez votre compte et que nous y trouvions notre compte? En français, là, ou en anglais, là, je peux le faire dans les deux langues, en avant de vous autres, là, il y a des éléments qui ont un impact sur le prix à la hausse, qu'est-ce que vous changeriez? Éclairez-nous, vous avez une opportunité.

• (15 h 30) •

M. Charron (Daniel) : Je vais commencer avec la première question sur le prix, puis peut-être que mes collègues voudront venir m'aider pour répondre aux autres questions. Au niveau du prix, ce qu'il est important de comprendre, c'est que le cadre qu'on a actuellement, il a été négocié entre l'Association canadienne du médicament générique et les ministères de la Santé des autres provinces au Canada. Le prix, là, il est apparu dans le cadre de cette négociation-là avec les experts, dans le fond, des différents ministères à travers le Canada, basé, comme je le disais, sur des référents, des comparatifs de prix mondiaux qui, aujourd'hui, sont produits par une agence du gouvernement fédéral, dont on ne peut pas douter de la rigueur, là, au niveau de la comparaison, qui montrent que le Canada, en termes de prix, est le pays qui, dans les dernières années, a connu la plus forte décroissance de tous les pays comparés. Ça, c'est une chose qui est importante pour nous de mentionner.

Vous dites que les appels d'offres, c'est quelque chose qu'on n'aime pas, qu'on ne souhaite pas, puis notre mémoire détaille les raisons pour lesquelles on craint la mise en place d'appels d'offres. Il faut comprendre qu'on est dans une industrie où, pour poursuivre nos investissements, poursuivre nos investissements en recherche et en développement, en développement de nouveaux produits génériques qui vont vous amener les économies plus tard — parce que, s'il n'y avait pas de médicaments génériques qui étaient lancés puis qui apparaissaient sur le marché, bien, on continuerait à payer 100 % du prix d'un médicament d'origine — pour faire ces investissements-là puis pour faire ce travail de recherche et développement, ça nous prend une prévisibilité, et les appels d'offres riment avec l'inverse de la prévisibilité parce qu'on ne connaît pas le résultat. Donc, pour un fabricant, pour un développeur de produits, il est difficile de...

M. Barrette : Permettez-moi de vous interrompre. Je suis d'accord avec ce que vous dites, je vais dans le sens de ce que vous me dites. Est-ce qu'il y a des conditions... Dans votre lecture de ce qui est devant vous, là, je pèse mes mots puis je les choisis avec soin, vous êtes au début de la chaîne, il y a un paquet d'affaires qui se passent après, je vais vous en donner des exemples. Vous avez des contrats, vous avez des contrats avec les grossistes, vous avez toutes sortes de conditions pour avoir accès au marché, vous avez des contrats avec des bannières, vous avez un paquet d'affaires, là. Vous voulez de la prévisibilité? Parfait. Mettons que je vous en donne, de la prévisibilité, mettons que je vous en donne, là, moi, il y en a une, prévisibilité qui est très prévisible pour moi, je fais un appel d'offres, je vais faire baisser le prix. Est-ce que, vu de votre angle, il y a une alternative, des conditions qui feraient en sorte que vous y trouveriez votre compte, et nous y trouverions notre compte, nous aussi? Parlez-nous de ce qu'il y a après. Parlez-nous de ce qui vous coûte de plus pour être dans ce marché-là.

Dans les deux derniers jours, là, dans les derniers jours, on a entendu toutes sortes de choses puis on a vu les gens dire une chose et leur contraire. On a vu des gens qui ont dit : Non, non, non, il n'y a aucun lien, aucune contrainte sur les pharmaciens. On a vu les pharmaciens venir nous dire qu'il y en avait. On en a qui nous ont dit : Non, non, non, il n'y a pas d'avantages, il n'y a pas de désavantages, non, non, non, il n'y a pas d'obligation. Il y en a d'autres qui sont venus nous dire exactement le contraire. Moi, je le sais, là, j'aimerais l'entendre d'une façon plus précise, on finit toujours par le savoir. Est-ce qu'il y a des conditions qui feraient en sorte que vous y trouveriez votre compte?

Regardez bien, là, quand vous nous dites qu'on paie le prix le plus bas au Québec, on paie le prix le plus bas connu parce qu'on ne connaît pas tous les prix que vous négociez avec l'alliance canadienne. On ne les connaît pas tous, il y a toujours un prix à quelque part qui n'est pas nécessairement connu. C'est vrai qu'on paie le prix le plus bas connu, c'est vrai. Maintenant, quand vous négociez, là, et que vous nous dites que c'est ici, au Québec, que les prix baissent le plus vite, bien oui, mais ça, vous nous confirmez qu'ils étaient trop hauts. Mais ça ne veut pas dire que parce qu'ils baissent plus vite qu'ailleurs qu'ils sont rendus là où ils pourraient être. Et j'insiste, je vous donne une opportunité, là. Vous êtes les manufacturiers, vous savez ce qu'il y a devant, vous savez où sont les coûts, donc vous êtes capables de voir... parce que vous êtes à l'entrée, vous seriez capables de nous informer sur ce qu'il y a comme obstacles en avant, hein, ce qu'il y a comme éléments qui engendrent un coût.

Alors, si vous aviez à me proposer une alternative, là, pourriez-vous me dire, là : Bien, écoutez, c'est vrai que dans notre marché il y a ça, il y a ça, il y a ça, si ce n'était pas là, notre prix serait plus bas?

M. Goulet (Jean-Guy) : Je peux, un peu, participer à cette conversation-là, dans le sens qu'au niveau des prix... Parce qu'on mentionne les prix beaucoup, et je tiens à positionner que... Et ça fait 25 ans que je participe dans ce beau secteur qu'est l'industrie des médicaments génériques, et, en ce qui a trait à déterminer les prix de notre industrie, ça a toujours été l'État, les différents payeurs publics qui ont déterminé les prix, et ça, depuis les 25 dernières années. À un certain moment donné, nos prix de médicaments génériques, l'Ontario sortait avec un prix, le prix était établi à 70 % du prix du médicament de marque. Le Québec s'est donné la politique du prix le plus bas. Donc, tout au cours de ces politiques-là, de ces périodes de temps, le Québec a bénéficié du prix le plus bas négocié dans les autres provinces. Et, au niveau des prix, encore à ce jour, le prix de 25 % est un prix qui est négocié, le prix de 18 % est un prix qui est négocié avec les payeurs publics.

Alors, comme société qui opère nationalement, on a des organisations nationales, le Canada est peut-être une anomalie constitutionnelle que je ne voudrais pas commenter là, mais c'est le seul endroit où est-ce qu'on a les prix qui sont déterminés par les différentes provinces, contrairement à différentes juridictions dans le monde où est-ce qu'on fait affaire avec un payeur, un prix pour un pays donné. Alors, il y a une complexité à opérer au Canada qui n'est pas simple. Comme industrie, nous avons choisi de travailler avec l'alliance pancanadienne, avec les différents payeurs publics pour nous permettre d'arriver à ça.

M. Barrette : Je vais vous interrompre, si vous me le permettez, parce que ça a été dit, ce que vous dites, puis je ne veux pas vous accuser de répétition, là. Je vais le répéter, je vais me répéter, là... Parce que je ne l'ai pas dit souvent, ça, parce que vous êtes le premier groupe à qui je peux dire ça, vous avez une opportunité. Alors, je vais l'illustrer de façon plus précise. L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, ce matin, est venue nous dire qu'elle tenait au déplafonnement des allocations professionnelles. Vous allez probablement bientôt me dire que le déplafonnement des allocations professionnelles vous cause un problème.

Moi, je vous dis que, sur le terrain, il y a beaucoup de pharmaciens propriétaires qui viennent me voir et me disent : Aïe! on est rendus à 60 %, et vous acceptez... Peut-être pas vous personnellement, là, mais vous avez de vos membres qui acceptent. Bien là, c'est parce qu'à un moment donné, là, si d'un côté, l'allocation professionnelle est libéralisée et qu'elle est acceptable dans un marché, là, c'est que, donc, il y a de la marge. Par définition, c'est ça. Implicitement, je devrais m'attendre, moi, à ce que vous me disiez : Bien, s'il n'y avait pas toutes ces affaires-là, là... et là les pharmaciens propriétaires reviendraient pour me dire : Oui, mais là il faut nous protéger. Puis je les comprends, il y a toutes sortes de manières qu'on peut faire ça, là. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a de la marge. Alors, je vous donne encore une fois une opportunité, là. Vous êtes au début de la chaîne, il y en a plein d'impacts de décisions contractuelles, marché, et ainsi de suite, là, quelles seraient les conditions pour que vous y trouviez votre compte aussi, et nous aussi?

Parlez-nous de ce qu'il y a en avant. Tantôt, là, vous nous avez parlé, vous avez dit : On ne paie pas toujours le générique, on paie encore trop l'innovateur. Vous nous en parlez à un moment donné, là, mais là, là, je vous donne l'opportunité de nous parler de cet univers-là. Il y a des gens qui nous ont dit, là, je le répète, là, je l'ai dit tantôt : Non, non, non, il n'y a pas d'impact, il n'y a pas d'obligation, il n'y a pas de contrainte, on n'est pas obligés d'acheter chez nous, non, il n'y a pas d'avantage économique. Puis là on va nous dire que, bien non, il n'y a pas d'avantage, mais 95 % des médicaments sont achetés chez nous, je suis aussi le grossiste, et ainsi de suite. Vous faites face à un univers, parlez-nous-en. Vous avez une opportunité, éclairez-nous. Il y a une opportunité extraordinaire que vous avez, là.

M. Goulet (Jean-Guy) : ...au niveau de la marge, je peux juste mentionner que j'espère que chacun des contributeurs dans la chaîne d'approvisionnement a de la marge, dans le sens qu'à partir du prescripteur à aller jusqu'au pharmacien, au distributeur, au grossiste, au fabricant de marque ou de génériques, je pense que la marge, elle est là, elle est essentielle dans nos frais d'opération pour pouvoir réinvestir dans les différents services que nous avons. Dans notre cas, principalement en recherche et en développement. Pas de marge, dans notre secteur, veut dire pas de recherche et développement, pas d'usines au Québec. Vous avez deux fleurons ici, devant vous. Alors, c'est important, l'élément de la marge.

C'est pour ça que, nous, ce qu'on parle, c'est le prix. Le prix, encore une fois, on négocie. Je peux vous dire que nous sommes actuellement... actuellement, nous sommes en négociation — on a débuté la semaine dernière — notre association, avec l'alliance pancanadienne, et on regarde dans une négociation à regarder les prix. On nous demande est-ce qu'on peut faire un effort sur le prix à 18 %, avoir un prix plus bas que ça. Nous sommes ouverts à discuter de ça, mais sans pour autant limiter l'accès au marché. Alors, quel va être ce prix après négociation? Nous allons voir, on est au début des travaux. Nous souhaiterions que le Québec soit présent au cours de ces discussions-là, ça serait très intéressant de pouvoir échanger avec vous pour ça, le gouvernement du Québec, à cette table-là. Et où vont être les prix? Nous allons voir, c'est une négociation. Nous avons des coûts, nous avons des produits spécialités, on regarde certains endroits. Alors, nous, ce prix-là, c'est sur lequel nous voulons positionner. On a besoin d'avoir un prix national, c'est important pour nous, pour réduire la complexité du réseau de distribution.

M. Barrette : Juste une question, puisque vous abordez ça sous cet angle-là. Hier, le Groupe Jean Coutu est venu nous voir pour nous dire qu'eux autres, ils allaient littéralement en appel d'offres avec vous autres, les manufacturiers. Comment ça fonctionne?

M. Goulet (Jean-Guy) : Je ne peux pas parler pour les intervenants qui sont ici au niveau des prix, je peux seulement vous... Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons des négociations avec nos partenaires. Je n'utiliserais pas le mot «appel d'offres», mais nous avons des négociations, nous avons un panier de produits. Dans certains cas, on regarde le coût des marchandises vendues. Pas tous les produits sont équivalents et égaux au niveau des marques, chaque compagnie... Je ne connais pas la structure des coûts de toutes les compagnies, mais ce n'est pas des appels d'offres, là, des négociations.

M. Barrette : Deux courtes questions parce que le temps file, il me reste 45 secondes, malheureusement. Entre un appel d'offres et le déplafonnement des allocations professionnelles, qu'est-ce que vous choisissez?

• (15 h 40) •

M. Charron (Daniel) : Dans les deux cas, on parle d'imprévisibilité. Dans les deux cas, ça remet en cause les investissements, notre capacité à investir ici. Donc, c'est deux avenues... Puis vous connaissez notre position sur le déplafonnement des allocations professionnelles, on a été très, très transparents là-dessus, on préférait le maintien d'un encadrement parce qu'autrement on tombe dans un monde d'incertitude, on tombe dans un monde d'imprévisibilité, puis l'imprévisibilité, pour des entreprises qui investissent non seulement en recherche et développement, mais en amélioration des processus de qualité dans une industrie qui... non seulement au niveau canadien, mais dans le monde, les exigences réglementaires sont de plus en plus élevées, on a besoin d'adopter les meilleurs standards au niveau des processus de qualité. Bien, tout ça nécessite une prévisibilité que ni le déplafonnement, ni les appels d'offres pour fixer le prix des médicaments nous offrent.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons les échanges avec notre collègue de Rosemont pour une période de 11 min 30 s.

M. Lisée : Bonjour. Bonjour à vous tous. Je vous remercie d'être là. Évidemment, il y a cette question des allocations professionnelles qui nous intéresse beaucoup. Parce que, pour le commun des Québécois, c'est un peu étrange, donc, vous êtes des fabricants de médicaments génériques et vous offrez aux pharmaciens une réduction sur un certain nombre de vos produits en échange d'une meilleure part de marché, une meilleure utilisation afin de favoriser votre produit par rapport à celui du concurrent, qui est pour l'essentiel le même, et donc ça crée un débat à l'intérieur de l'écosystème du médicament et des pharmaciens qui fait que, bien, là, c'est plafonné, c'est déplafonné. Ca sert à quoi? L'hypothèse... Évidemment, ce coût-là, il est à l'intérieur de votre prix, et ça fait dire à beaucoup de gens, c'est qu'il y a donc de la marge. Si vous donnez des ristournes de 10 %, de 15 % aux pharmaciens, c'est que vous aviez 10 % à 15 % à donner, n'est-ce pas?

M. Robidoux (Michel) : J'aimerais parler. Les ristournes actuelles au Québec, les allocations professionnelles ont été aussi considérées dans l'établissement des prix qu'on a fixés avec l'Alliance pancanadienne. On réalise aussi — et l'AQPP l'a très bien mentionné — que ces allocations-là viennent subventionner un manque à payer des honoraires du pharmacien, qui n'ont pas été ajustés depuis plusieurs années.

M. Lisée : Absolument. Là-dessus, on se suit parfaitement.

M. Robidoux (Michel) : Alors, au moins, aujourd'hui, à 15 %, qui est l'allocation maximale, au moins, moi, je suis fier d'avoir l'opportunité, avec les pharmaciens du Québec, de discuter avec eux de la molécule qu'ils vont choisir dans leur pharmacie sur des bases autres que des ristournes, c'est-à-dire sur les bases de service, de disponibilité et d'approvisionnement.

M. Lisée : O.K. Alors donc, s'il n'y avait pas les ristournes, si on disait : Écoutez, cette marge-là, on va la prendre dans le prix, on va réduire le prix et on va régler correctement la rémunération des pharmaciens, parce que, comme vous le dites, en ce moment, c'est pour combler un manque qui a été créé et que le ministre vient d'aggraver considérablement en enlevant 133 millions aux pharmaciens par année... Et, ce matin, il a fait semblant qu'il ne savait même pas si des pharmacies avaient fermé. Alors, oui, il y a trois pharmacies qu'il a fermées ces derniers mois, une à Laval, une à Gatineau et une autre. Je pourrai lui donner les adresses tout à l'heure, il pourra aller devant les vitrines vides des pharmacies qu'il a fermées. Mais donc parlons de la question plus générale, si on arrivait à dire : Bon, bien, vous n'avez plus les ristournes comme argument de mise en marché, il vous en resterait, des arguments de mise en marché?

M. Goulet (Jean-Guy) : Tout à fait. Je pense, la différenciation entre les différentes compagnies génériques, on parle du service, on parle de niveaux de service en ce qui a trait à livrer les produits à temps. La qualité des produits, évidemment, on est réglementés, alors tous ces aspects-là sont communs, mais beaucoup de services, services professionnels aussi, le support qu'on fait en pharmacie. Donc, chaque compagnie a des stratégies par rapport à ça pour se différencier. Donc, absolument.

M. Lisée : Alors, la question qui est posée, c'est : Bien, jusqu'où est-ce que ces ristournes, qui sont une indication qu'il y a de la marge, O.K., et ça sert à quelque chose... Michel Morin, le 1er mars, disait à TVA Nouvelles que, dans certains cas, il y a des ristournes qui ont été proposées de 70 % à des pharmaciens, 70 % du prix du médicament, y compris une compagnie québécoise. Alors, comment est-ce qu'on peut rester assis ici et dire... Écoutez, si vous avez de la marge pour offrir une réduction de 70 %, ça veut dire qu'on paie vraiment trop cher nos médicaments?

M. Charron (Daniel) : ...pas au courant de... j'ai lu les journaux comme vous. Actuellement, ce qu'on sait, c'est que les allocations professionnelles sont plafonnées. Et il y a peut-être des clients qui exigent des pourcentages plus élevés, mais actuellement, à ma connaissance, tout le monde respecte les lois et les règlements. Donc, à partir de ce moment-là, il n'y a aucune entente acceptée à des niveaux supérieurs à 15 %, là, dont j'ai connaissance.

M. Lisée : Si on attend un déplafonnement, et les gens commencent à se positionner sur le déplafonnement, et donc ce sont des niveaux très élevés...

M. Robidoux (Michel) : Mais on est ici pour parler des prix, et ce que le ministre Barrette dit, c'est : Je paie trop cher mes médicaments au Québec. On a l'alliance pancanadienne et l'étude PMPRB. Vous avez fait des signes tantôt à l'effet que, oui, ça a baissé beaucoup parce qu'on devait être hauts. Il y a un écart en ce moment de 20 % qui reste avec la moyenne des autres pays références.

Une voix : ...

M. Robidoux (Michel) : Non, il y a...

M. Lisée : M. Khadir aura son tour tout à l'heure, là.

M. Robidoux (Michel) : Mais ce que je veux dire, c'est que les prix ont baissé. Encore le 1er avril, il y aura quatre nouvelles molécules qui vont baisser de prix. On n'a pas calculé ça, là, dans l'étude de PMPRB, et nous, on dit : Si le gouvernement du Québec veut obtenir des meilleurs prix tout en gardant l'équilibre qu'on a en ce moment... Et, pour moi, j'aimerais ça, dire qu'être premier de classe, ce n'est pas être le meilleur en mathématiques, ce n'est pas être le meilleur au niveau du prix, être premier de classe, pour moi... Vous avez une industrie, Sandoz, on opère dans 160 pays dans le monde, on n'a pas 160 usines de fabrication dans le monde. Mais, au Canada, on en a une à Boucherville avec 900 employés qui sont fiers de fabriquer des médicaments génériques et un centre de développement.

M. Lisée : ...

M. Robidoux (Michel) : J'aimerais juste revenir sur un autre point. Vous avez la...

M. Lisée : Non, je vais embrayer là-dessus parce que... Alors, la conclusion que nous tirons tous du fait que les prix des produits génériques ont baissé considérablement ces dernières années, passant de 80 % du prix de marque à 18 %, c'est qu'on s'est fait avoir dans les grandes largeurs pendant de longues années. Ça, c'est la conclusion que nous tirons. Et puis là on se pose la question : Bien, est-ce qu'on se fait avoir encore? Il y a de la marge, on les voit dans les ristournes. Jusqu'où est-ce qu'on peut aller tout en gardant l'industrie viable? C'est sûr qu'il faut que vous soyez viables. Et là on vient à ce que le président de l'association des manufacturiers a dit hier à cette table, il dit : Écoutez, si vous faites des appels d'offres en mettant à égalité le producteur de Boucherville puis celui des États-Unis, celui du Mexique, puis celui de l'Inde, on va perdre tous les appels d'offres. Est-ce que vous confirmez ça?

M. Robidoux (Michel) : Ce que je peux vous dire, c'est que les appels d'offres qui se font dans les autres pays forcent la mondialisation de la production, c'est clair. Parce qu'en ce moment on a un écosystème que, je crois, qu'on doit protéger, où on a des fabricants locaux, on a un des meilleurs systèmes de distribution de chaînes de médicaments au monde...

M. Lisée : ...la production, est-ce que vous, Sandoz Boucherville, est-ce que vous gagnez des appels d'offres qui sont faits par d'autres juridictions à l'extérieur du Québec?

M. Robidoux (Michel) : Bien, moi, je participe aux appels d'offres qui existent au Canada, particulièrement au niveau des hôpitaux, mais ce n'est pas un très bon comparable parce qu'on parle... Moi, dans les appels d'offres que je participe au nom de Sandoz, ce sont des médicaments spécialisés, des injectables, narcotiques, qu'on ne veut pas importer d'Inde et... Donc, la proximité de la fabrication dans ce type de produits là est très importante.

M. Lisée : Donc, il y a un certain nombre de produits qui, par leur qualité de niche et la nécessité de la proximité ou la chaîne de froid, ou quoi que ce soit, il y a un avantage comparatif à être proche du marché qu'on dessert.

M. Robidoux (Michel) : Tout à fait, dans le cas de produits très spécialisés. Dans le cas de molécules... les molécules les plus importantes pour rendre potentiellement viable un système d'appels d'offres, c'est-à-dire de prendre les 10, 15 plus gros médicaments, c'est sûr que ça va mondialiser l'offre.

M. Lisée : Est-ce qu'ils sont produits au Québec ou ils sont déjà produits ailleurs, ceux-là?

M. Robidoux (Michel) : Il y en a qui sont produits au Québec, il y en a qui sont produits ailleurs dépendamment des compagnies.

M. Lisée : O.K. Parce que moi, je comprends, on veut des emplois, on veut des bons emplois. On s'est parlés tout à l'heure, vous nous disiez : C'est 78 000 $ par année, en moyenne, les emplois dans votre industrie. On veut les garder, ces emplois-là. Mais là la question, c'est de savoir comment est-ce qu'on peut avoir le meilleur prix pour le médicament tout en ayant chez nous une industrie robuste du générique, puis est-ce qu'il n'y aura pas d'autres moyens que de payer trop cher pour le médicament, c'est-à-dire des programmes de soutien à la recherche et au développement, des programmes de soutien à la formation de la main-d'oeuvre, ce qu'on fait, par exemple, pour le vidéo, ce qu'on fait pour l'électronique sans... Vous nous dites : Payez-nous un peu plus cher que ce que ça vaut, la pilule, pour qu'on puisse rester chez vous. Est-ce qu'il n'y aurait pas un système où je vous paie ce que ça vaut, la pilule, puis avoir des programmes de soutien économique qui font que vous restiez chez nous?

• (15 h 50) •

M. Robidoux (Michel) : Tout à fait, il y a deux systèmes. Il y en a un qui s'appelle l'étude de PMPRB, qui compare les prix des médicaments au Canada versus les autres juridictions. Et ça, c'est indépendant, on va avoir... Tous les ans, je pense, cette étude-là est mise à jour, et ça nous permet, justement, de mettre le Canada compétitif. Et le deuxième moyen, c'est la négociation avec l'alliance pancanadienne. Il y a quand même eu 1,5 milliard de dollars d'économies depuis cette entente-là, et, à mon avis, là, et à ce que je sache, il n'y a pas d'industries manufacturières génériques qui ont quitté le pays ou quitté le Québec, donc...

M. Lisée : Ce qui nous fait penser qu'il y a encore un peu d'argent à aller chercher, mais je pense...

M. Robidoux (Michel) : Bien, c'est une négociation qui fait en sorte que les payeurs trouvent leur compte, l'industrie trouve son compte aussi si on veut garder une industrie locale.

M. Lisée : Alors, ce que vous nous dites aussi dans le mémoire — puis ça, c'est très important — c'est que le ministre ne fait pas son travail pour aller chercher des économies qu'il pourrait aller chercher immédiatement. Ça fait bientôt deux ans qu'il est là, là, et, selon vous, il a laissé sur la table 30 millions de dollars par année en faisant en sorte de ne pas inscrire immédiatement sur la liste des médicaments les médicaments génériques qui ont reçu leur autorisation de Santé Canada. C'est bien ça?

M. Charron (Daniel) : Et ça, c'est tout à fait incompréhensible. Comment, en 2015, en 2016, on n'est pas capable d'inscrire plus vite des médicaments génériques? La situation s'améliore, mais à pas de tortue, et il n'y a pas un autre endroit au Canada — les juridictions, en tout cas, comparables — où la mise à jour ne se... tu sais, se fait mensuellement, et même, dans certaines juridictions, ça se fait dans quelques heures. Donc, ici, on est à sept, neuf mises à jour de la liste par année. On a fait une étude, il y a un an, qui... Allez-y.

M. Lisée : Donc, on est d'accord là-dessus. Donc, par sa lenteur ou son refus d'agir, il laisse sur la table 30 millions par année, 60 millions depuis deux ans, et vous dites qu'il laisse aussi 40 millions de dollars par année sur la table en n'appliquant pas le «ne pas substituer au régime privé». Donc, ça fait 70 millions de dollars que le ministre libéral de la Santé actuel laisse sur la table par son refus d'agir sur le prix de ces médicaments.

M. Charron (Daniel) : ...du «ne pas substituer», je pense qu'au début de l'an dernier le ministre a fait un pas dans la bonne direction en imposant pour la première fois au Québec un encadrement, dans le fond, pour rattraper ce qui était la norme partout ailleurs au niveau de l'encadrement de la pratique du «ne pas substituer». Là où on pourrait faire un pas supplémentaire, c'est de pouvoir l'appliquer dans les régimes privés d'assurance médicaments. Puis, quand on dit régimes privés d'assurance médicaments, là, je veux le dire, ce n'est pas que des employés, là, qui ne touchent pas du tout l'État, c'est des policiers, des pompiers, des employés de l'État, des employés des commissions scolaires, des universités...

M. Lisée : Les députés de l'Assemblée nationale sont dans un régime privé.

M. Charron (Daniel) : ...les députés de l'Assemblée nationale.

M. Lisée : Alors, vous dites qu'il n'aurait qu'à agir, et il y aurait 40 millions de dollars d'économies à aller chercher immédiatement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Lévis pour une période de huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Messieurs, merci d'être là. Je vous salue tous. Considérez que c'est fait comme individuellement.

Vous parlez d'une augmentation de la fréquence des mises à jour de la liste des médicaments. C'est ce que vous venez d'aborder avec le collègue député de Rosemont. Ce n'est pas d'hier, là, que vous revenez sur ce thème-là. On le sait, et vous le dites, l'argent qui se perd. Vous avez probablement déjà poussé votre argumentaire auprès du ministre sur ce dossier-là en disant : C'est parce que ça n'a pas de sens, c'est de l'argent à aller chercher, puis vous n'y allez pas, là. Mais, manifestement, vous revenez avec ça aujourd'hui, donc il n'y a rien qui s'est fait, ça n'a pas bougé. Comment expliquez-vous... Vous revenez à la maison, puis vous devez vous dire : Bien là, ça n'a pas marché parce que... Comment se fait-il, selon vous... Le ministre est au courant, là, de ce que vous dites là. Quels sont les arguments faisant en sorte qu'on ne puisse pas arriver à aller chercher ce que vous nous dites être des économies potentielles immédiates?

M. Charron (Daniel) : Quand vous dites : On revient à la maison... on revient à la maison, puis on se dit : C'est surprenant de voir à quel point il nous questionne sur le prix puis qu'il travaille fort à essayer de trouver des moyens de réduire le prix, alors que, par ailleurs, il ne les utilise pas quand ils sont sur le marché puis disponibles. Donc, c'est toujours un peu, en tout cas, étrange pour nous, c'est une situation difficile. Puis vous avez raison de dire que ça fait plusieurs années qu'on avance cette question-là, les arguments qu'on entend sont, en général, difficiles à comprendre. Donc, c'est clair qu'il y a certainement des éléments technologiques, mais...

M. Paradis (Lévis) : Je vous coupe parce qu'on est vers ça, mais ce n'est pas une discussion que vous avez pour la première fois. Vous dites : On arrive à la maison, puis on est étonnés. En même temps, on dit : Les arguments ne sont pas clairs. C'est quoi, les arguments? C'est quoi, les arguments qu'on vous sert?

M. Charron (Daniel) : Des arguments techniques, essentiellement techniques, de capacité à pouvoir produire une liste des médicaments mise à jour plus rapidement, des éléments essentiellement techniques. On n'a pas, semble-t-il, les capacités. Or, quand on regarde ailleurs, là, pas plus loin qu'en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique, en Alberta, là, pas des juridictions très, très loin d'ici, partout, on est équipé pour le faire parce qu'on voit l'avantage, on voit tout de suite l'avantage de pouvoir avoir accès à un médicament qui coûte quatre ou cinq fois moins cher que celui qu'on paie actuellement. Pourquoi payer 1 $ quand on peut payer 0,25 $ alors que le médicament est autorisé par Santé Canada, autorisé pour la commercialisation puis disponible dans les autres provinces?

M. Paradis (Lévis) : Et il est codé comment? À la lumière de ce que vous me dites là, bon, on n'a pas les ressources humaines? On n'a pas l'information pertinente? On n'a pas...

M. Charron (Daniel) : L'information, probablement qu'on l'a. Probablement que c'est un ensemble de facteurs qui touchent la capacité des ressources, incluant les ressources humaines, peut-être. Mais il semble que c'est un élément qui est plus lié à des arguments, comme je le dis, techniques, lié à la capacité de produire une mise à jour plus fréquente de la liste des médicaments.

M. Paradis (Lévis) : O.K. Le secret de la Caramilk, là, vous n'avez pas encore, vous cherchez encore?

M. Charron (Daniel) : Bien, on le cherche.

M. Paradis (Lévis) : O.K. L'ensemble des gens qui viennent nous parler, puis qui questionnent, puis qui proposent que l'alliance pancanadienne puisse continuer à faire le travail nous disent tous : Il faut faire plus. Le ministre, à ce chapitre-là, on lui a même dit ce matin, puis ça a dû lui faire plaisir... de dire : Il pourrait être le capitaine de l'alliance pancanadienne, donc avoir plus de pouvoirs encore, puis il pourrait leader tout ça.

Si le ministre pousse fort à l'interne, est-ce qu'il peut vraiment... Très honnêtement, à la lumière de la position du Québec dans sa participation, la renégociation qui arrive en 2017, mars, avez-vous l'impression que le ministre est capable de faire en sorte que l'alliance soit plus agressive et qu'on puisse atteindre les résultats souhaités pour arriver aux économies qu'on anticipe?

M. Charron (Daniel) : ...négociation à l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, puis le fruit de cette négociation-là, du point de vue de l'industrie, dans le cadre de l'entente actuelle, là, qui vient à échéance en mars 2017, c'est le fruit d'un équilibre entre une meilleure prévisibilité et stabilité pour nous et également le fait que le prix, maintenant, soit fixé, si on veut, nationalement.

Comme Jean-Guy le disait, c'était difficile pour une industrie comme la nôtre de devoir opérer avec 10 pays en un. Donc, en échange de ces concessions au niveau de la prévisibilité, au niveau de l'harmonisation des politiques de prix au niveau national, l'industrie a été prête à consentir à des baisses de prix, notamment en visant les molécules pour lesquelles il y avait le plus d'économies à faire. Dans le fond, une technique un peu Pareto, c'est-à-dire quelles sont les molécules pour lesquelles il y a le plus de volume de ventes, pour lesquelles réduire le prix, ça peut nous rapporter plus, puis...

M. Paradis (Lévis) : Des molécules à volume, là.

M. Charron (Daniel) : Et, par ailleurs, être prudent au niveau des molécules pour lesquelles il y aurait un seul ou deux fournisseurs, où baisser trop le prix pourrait mettre l'approvisionnement à risque. C'est un peu ça, l'équilibre qu'il y a dans l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, et, pour nous, c'est très important. C'était un gain important que l'industrie a fait au niveau de la fixation nationale du prix des médicaments. C'est pour ça que, lorsqu'on regarde le projet de loi n° 81, avec l'initiative proprement québécoise de fixation du prix, alors qu'on vient de trouver un terrain d'entente avec l'ensemble des provinces, et le Québec vient de se joindre officiellement depuis le mois d'octobre de l'an dernier... c'est pour ça qu'on est très préoccupés, puis on dit : Bien, ça remet en cause un peu un équilibre que l'industrie avait réussi à atteindre en échange de concessions au niveau des prix sur les médicaments à plus fort volume.

M. Paradis (Lévis) : Je reviens sur la notion d'appel d'offres, en Nouvelle-Zélande notamment. Vous en parlez, puis vous arrivez en page 10 de votre mémoire, et là c'est assez bien documenté, vous dites qu'il y a, malgré tout, là-bas — puis quand bien même on présenterait ce modèle-là — il y a des ruptures de médicaments, ça arrive. Vous l'avez dit tout à l'heure, ça arrive même... puis c'est récent, là.

Il y a des ruptures de médicaments aussi au Québec actuellement, puis il n'y a pas d'appel d'offres. Alors, comment évaluer l'impact d'un système d'appel d'offres sur les ruptures des médicaments? Parce que, de toute façon, qu'il y en ait ou qu'il n'y en ait pas, c'est une composante avec laquelle vous devez travailler, ça se produit. C'est quoi, l'impact? Quel est l'impact de l'un par rapport à l'autre?

M. Robidoux (Michel) : Je pense qu'on généralise en disant qu'il y a autant de ruptures de stock au Canada qu'au Québec...

M. Paradis (Lévis) : Ah non! il n'y en a pas autant qu'ailleurs, il y en a.

M. Robidoux (Michel) : Oui, il y en a, mais, en ce moment, il n'y a pas de ruptures, au niveau des médicaments génériques, qui sont critiques, comme on peut le constater avec le plus gros vendeur, le produit numéro un en Nouvelle-Zélande. C'est sûr que le concept d'un appel d'offres va favoriser un petit nombre de joueurs fabricants, et, à ce moment-là, si un de ces fabricants-là a un enjeu de qualité, de disponibilité de la matière première, il va mettre à risque l'ensemble des clients parce qu'il est le seul fournisseur. Je pense que ce n'est pas nécessaire d'obtenir des meilleurs prix en faisant cette approche-là.

M. Paradis (Lévis) : Mais vous êtes en train de me dire, donc, que, dans votre vision des choses, avec votre analyse, la problématique de la rupture ou des ruptures en Nouvelle-Zélande, par rapport à ce qu'on peut vivre ici dans un système qui est tout à fait différent, il y a cette variable-là, en fonction des appels d'offres... est celle qui provoque le plus de dommages.

Une voix : ...parce qu'on élimine des fournisseurs.

• (16 heures) •

M. Goulet (Jean-Guy) : Je vous dirais que le dénominateur commun, c'est le nombre limité de compétiteurs. Alors, dans un cadre où est-ce qu'il y a des produits plus spécifiques difficiles à produire, difficiles d'accès de matière première, nombre limité de joueurs, si un a un enjeu, évidemment, l'effet domino est plus facile et c'est plus difficile à compenser ces parts de marché là. Si on est trois avec 33 %, un tombe, c'est plus difficile se retourner. Tandis que, si on est 10 qui vendent le même produit, alors plus d'options de compétiteurs. Alors, l'enjeu de l'appel d'offres, notre enjeu, c'est que ça va limiter le nombre de joueurs et, de ce fait, arrive à la situation de rupture de stock.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Mercier pour 3 min 30 s.

M. Khadir : Très bien. Bienvenue, messieurs. Vous connaissez, évidemment, les positions de Québec solidaire sur le dossier des médicaments, nous croyons qu'il y a d'importantes économies à aller chercher. Et l'industrie du médicament, surtout l'industrie du médicament breveté, qui a beaucoup abusé, disons, des largesses des contribuables et des autorités publiques depuis des années... mais, malheureusement, les médicaments génériques ne reluisent pas non plus par, disons, des pratiques qui respectent les capacités de payer des citoyens.

Mais je ne reviendrai pas sur ce grand tableau, je voudrais juste, d'abord, clarifier une chose pour les ruptures d'approvisionnement en certains médicaments. Vous avez parlé de l'atorvastatin, n'est-ce pas, en Nouvelle-Zélande. Alors, je vois ici la porte-parole de Pfizer, producteur d'atorvastatine en Nouvelle-Zélande... Mme Kaylee Park said the company has made alternatives available, so patients will still be able to fill their atorvastatin prescription. Là, il dit: The company said in a statement that the shortage is due to unforeseen global supply constraints, and that there are no safety concerns for patients. En plus, le fabricant fabrique aussi d'autres produits qui peuvent parfaitement remplacer... et, immédiatement, ça a été remplacé pour les 180 000 prescriptions d'atorvastatin qui se trouvaient ne plus prendre de preneurs.

En fait, en Nouvelle-Zélande, il y a moins de ruptures de stock aujourd'hui qu'il y en avait avant l'introduction des appels d'offres. En fait, en Nouvelle-Zélande, il y a moins de ruptures de stock, d'approvisionnement qu'au Canada et en Amérique du Nord, où il n'y a pas d'appels d'offres. C'est ça, la dure réalité. Donc, je pense, il faut reconnaître ça.

Et je pense que, pour une meilleure compréhension et dans le but de vous offrir une certaine protection que le ministre a cherché à maintes reprises, en vous posant des questions, à vous offrir, d'offrir des réponses soit mieux informées, soit qui ne partent pas uniquement d'un refus de répondre parce que ça pourrait, disons, dévoiler une partie des pratiques dolosives qui étaient contraires à l'intérêt public dans le passé... Là, on veut corriger, on ne veut blâmer personne. Il y a des pratiques passées... Là, le ministre veut dire : À l'avenir, on va essayer de trouver... Bon, alors, s'il y a des marges qui permettent des ristournes de 70 %... Je rappelle à tous ceux qui nous écoutent et aux auditeurs, si une compagnie pharmaceutique, aujourd'hui, ou un pharmacien offre des ristournes à des médecins, ça s'appelle «pots de vin», c'est punissable par la déontologie médicale et c'est emmenable à une accusation criminelle. Ça s'appelle «pot de vin», d'accord? Alors, quand on appelle ça «allocation professionnelle», malheureusement on a entouré ça de... Mais une ristourne est inacceptable, surtout quand 70 % est possible, alors que la facture du Québec n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années.

Donc, je répète la question que vous a posée le ministre parce que même 15 % d'économies dans la facture des médicaments de prescription au Québec, sur 7 milliards de ventes de prescriptions, c'est plus de 1 milliard d'économies, soit la moitié pour la RAMQ, soit l'autre moitié pour ceux qui paient ça de leurs poches. D'accord? Il y a plus de 1 milliard d'économies, même si on économise 15 %. Je n'ose même pas penser au 30 % que font les hôpitaux ou les 65 % de la Nouvelle-Zélande.

Alors, je vous pose la question : C'est qui, les principaux joueurs? Est-ce que c'est les grossistes? Est-ce que c'est les bannières? Est-ce que c'est les pharmaciens propriétaires? Qui, en avant de vous... Moi, je les nomme. Le ministre n'osait pas les nommer, je les nomme. Qui sont responsables de ce gonflement de prix? Parce qu'il y a une part aussi qui relève de vous, certainement.

Le Président (M. Tanguay) : En 15 secondes.

M. Charron (Daniel) : Sur le gonflement de prix, au niveau des médicaments génériques, lorsqu'on regarde au cours des dernières années, malgré une hausse de l'utilisation qui a été remarquable, là — on parle de 50 % des ordonnances servies avec des médicaments génériques il y a, à peu près, cinq ou six ans, puis aujourd'hui on est à 70 % — la facture québécoise du médicament générique a été stable dans le temps, autour de 1,3 milliard de dollars. C'était à peu près 1,3 milliard de dollars il y a trois ans. Donc, malgré une hausse d'utilisation, parce qu'il y a eu des baisses de prix, la facture du médicament générique a été stable dans le temps.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, les représentants de l'Association canadienne du médicament générique.

Nous suspendons nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous recevons maintenant les représentantes, représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. S'il vous plaît, prenez soin, je vous le demande, pour les fins de l'enregistrement, de bien préciser vos noms et vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Bolduc (Bertrand) : Merci, M. le Président, M. le ministre, messieurs dames les parlementaires. Mon nom est Bertrand Bolduc, je suis président de l'Ordre des pharmaciens. Je suis accompagné de Mme Manon Lambert, directrice générale et secrétaire de l'ordre, ainsi que de M. Martin Franco, administrateur de l'ordre, membre du comité exécutif et pharmacien en milieu hospitalier.

D'abord, j'aimerais rappeler à la population qui nous écoute que nous sommes en plein milieu de la Semaine sur la sensibilisation à la pharmacie. Et nous avons des efforts promotionnels en cours pour faire mieux connaître les nouvelles activités du pharmacien, nous invitons les parlementaires ainsi que la population à visiter notre site Web presentpourvous.ca pour en apprendre plus et même participer à un concours, vous pouvez gagner des prix.

Alors, sur ce, l'Ordre des pharmaciens aimerait remercier les parlementaires et les membres de la commission de l'occasion qui lui est offerte de commenter le projet de loi n° 81 sur les procédures d'appel d'offres pour réduire le coût des médicaments. C'est en raison de sa connaissance du secteur pharmaceutique et de son intérêt à prendre position sur des dossiers à caractère sociétal que l'ordre formule ainsi des recommandations aux membres de la commission. Ces recommandations auront trait à l'accès équitable et raisonnable, la sécurité de l'approvisionnement en médicaments et surtout leur utilisation optimale.

L'Ordre des pharmaciens du Québec, je vous le rappelle, a pour mandat la protection du public, le contrôle et l'encadrement de la profession. Rappelons qu'en matière de prix, d'étendue de couverture ou d'honoraires professionnels l'ordre n'est pas une partie négociante. Conséquemment, il ne nous appartient pas de déterminer les modalités de remboursement des différents régimes ni les honoraires des pharmaciens. Comme vous le savez très bien, ces modalités sont négociées par l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, que vous avez rencontrée ce matin, et le gouvernement ou les assureurs privés par la voie d'ententes qui sont convenues entre les parties ou encore décrétées par le gouvernement en vertu des dispositions prévues à la Loi sur l'assurance médicaments du Québec.

Le projet de loi n° 81 est simple et court. Peu de détails sont fournis, mais, malgré toutes ses zones grises, notre organisation a choisi d'utiliser cette tribune pour soumettre quelques conditions de succès si le gouvernement désirait aller dans ce sens. Nous croyons que ces conditions de succès devraient être impérativement prises en compte au moment de la rédaction des règlements. Si le gouvernement veut véritablement faire des économies et que ce processus fonctionne, il devrait l'encadrer sérieusement. Il s'agit là des conditions minimales requises.

Notre première recommandation vise à exclure certaines classes de médicaments et prévoir des alternatives pour des cas spécifiques. Tous les gens sont différents. Par exemple, nous croyons qu'il serait bien d'exclure les produits biologiques et les produits biologiques ultérieurs du processus d'appel d'offres au moment où on se parle. Il faudra prévoir des exceptions pour les patients qui souffrent d'allergies ou d'intolérances afin qu'ils ne soient pas désavantagés par le processus. Également, les patients qui souffrent de troubles mentaux sont parfois plus sensibles et devraient être considérés spécialement.

Nous croyons qu'il faudrait privilégier ou exiger, pour sécuriser l'approvisionnement de médicaments, des médicaments, évidemment, à fort volume et qui sont fabriqués par de très nombreux fabricants. Nous croyons aussi qu'il serait sage d'envisager une double ou une triple adjudication dans certains cas. Il faut aussi prévoir des fabricants qui utilisent des sources de matière première différentes, puisque, dans le passé, nous avons vu qu'il y a des problèmes à ce niveau. Et, évidemment, le gouvernement devrait exiger des garanties et prévoir des pénalités et la capacité de payer ces pénalités pour les fabricants choisis.

Pour assurer la sécurité des médicaments pour les patients, le gouvernement devrait exiger certains critères des fabricants. D'abord et évidemment, satisfaire aux critères d'inspection de Santé Canada. Une autre recommandation, c'est que le fabricant qui pourrait être choisi devra disposer d'un personnel en information médicale, en pharmacovigilance et qui peut servir les clients québécois, donc les pharmaciens et les autres professionnels de la santé, en français. Ce n'est pas toujours le cas pour certains fabricants.

Il faudrait aussi établir des conditions qui qualifieraient les fabricants aptes à soumissionner qui tiendraient compte de l'historique du fabricant en matière de rappels de produits, de ruptures d'approvisionnement et de rapports d'inspection non seulement de Santé Canada, mais des autres agences de réglementation au niveau mondial, notamment la FDA américaine, l'agence européenne et l'agence australienne.

Notre recommandation suivante vise à confier la gestion des appels d'offres à un comité d'experts au sein duquel nous recommandons que siègent des pharmaciens de pratique communautaire — et, si les pharmaciens propriétaires sont considérés en conflit d'intérêts, il y a beaucoup de pharmaciens salariés qui pourraient, très certainement, apporter leur expertise — et qui devrait aussi inclure les pharmaciens du secteur hospitalier, qui ont développé, comme on le sait, une expertise très pointue au niveau des appels d'offres, et de la gestion des ruptures, et de la prévention des ruptures en particulier.

Une autre recommandation est de prévoir des périodes de transition entre l'annonce des soumissionnaires retenus et l'entrée en vigueur ou l'octroi de contrats pour limiter le gaspillage de médicaments. Alors, évidemment, les médicaments sont coûteux, il faut éviter le gaspillage.

En ce qui concerne l'appel d'offres de grossistes, nous privilégions une renégociation avec les grossistes afin d'édicter des conditions réglementaires strictes afin d'assurer un accès équitable à la population, à tous les patients au Québec en médicaments.

Enfin, notre dernière recommandation et, je crois, la plus importante, nous recommandons de regarder un peu plus large et de revoir la politique du médicament, qui a un peu vieilli, et de mettre en place des mesures qui orienteraient la pratique des pharmaciens vers une prise en charge plus complète de la thérapie médicamenteuse plutôt que vers la seule fonction de distribution des médicaments.

Pour l'Ordre des pharmaciens, le meilleur prix des médicaments, c'est simple, c'est le plus bas prix qui va assurer un accès sécuritaire et continu aux médicaments pour toute la population du Québec. Ça va nous faire plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Et maintenant, pour une période de 18 minutes, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : 18, vous avez dit, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : 18 minutes.

• (16 h 20) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous tous et toutes, M. Bolduc et vos collègues. Bien, d'abord, merci d'être venus aujourd'hui, là. Donc, je peux comprendre que le contexte soit particulier pour vous, et rassurez-vous, là, ici, on est ici pour entendre votre opinion, votre vision de votre univers, on va dire, on va appeler ça comme ça. Je l'ai appelé ce matin — vous étiez là tantôt — le merveilleux monde du médicament générique, mais c'est comme le merveilleux monde des affaires, là, il y a des hauts, il y a des bas.

Alors, évidemment, l'objet ici, c'est le projet de loi n° 81, dont la finalité est d'aller déterminer — et je suis d'accord avec vous — le prix le plus bas dans un environnement d'accès le plus sécuritaire possible. Je suis parfaitement d'accord avec ce que vous venez de dire. L'un n'oppose pas l'autre, par exemple, j'imagine qu'on s'entend là-dessus.

Alors, je vais vous poser la question que je pose à tout le monde : Est-ce qu'on paie les médicaments, à votre avis, trop cher au Québec? Génériques, j'entends.

M. Bolduc (Bertrand) : Un médicament, c'est toujours trop cher parce que c'est un bien essentiel pour les patients. Donc, est-ce qu'on paie trop cher par rapport aux autres provinces? Les autres intervenants se sont prononcés là-dessus. Nous, ce qui est important, c'est d'assurer la sécurité d'approvisionnement pour les patients. Nous vivons à toutes les semaines et nous vivons, au moment où on se parle, des ruptures d'approvisionnement de certains médicaments. Je vous donne un exemple très simple, présentement les pharmaciens du Québec se battent pour obtenir du divalproex. Le divalproex, ça sert pour l'épilepsie. Alors, vous imaginez que présentement, au moment où on se parle, on a des gens qui vont en pharmacie, qui disent : Je viens chercher la prescription pour mon garçon, pour ma fille qui est épileptique, et les pharmaciens doivent se battre entre eux, essayer d'obtenir de certains fabricants du médicament parce qu'il y en a un qui a eu des problèmes, et tous les autres ont inévitablement des ruptures suite au premier qui eu des problèmes de matière première.

Donc, c'est très important pour nous d'assurer la sécurité. Oui, le prix le plus bas, absolument, mais en toute sécurité pour les patients. On est passés encore récemment proche d'une rupture d'un médicament que vous connaissez tous très bien, le Ventolin, les petites pompes pour l'asthme. Qu'est-ce qu'on va faire si on manque de Ventolin? On va avoir des très grands problèmes. Donc, il faut assurer un prix raisonnable afin qu'il y ait plusieurs fabricants qui continuent de commercialiser différentes versions de ce produit-là, qui est essentiel pour la population.

Est-ce que j'ai besoin de vous donner l'exemple d'Allerject? Le rappel d'Allerject cet automne, si on n'avait pas eu l'agilité de l'autre fabricant pour combler le volume de produits... Et on a même, souvent, même recommandé à certains patients de garder des produits expirés pour éviter des réactions allergiques. Alors, il faut s'assurer d'un certain nombre de fabricants, d'un certain nombre de produits disponibles, la qualité des produits pour toute la population.

M. Barrette : Je vous interromps, je suis d'accord avec vous. Puis vous conviendrez avec moi qu'un appel d'offres, ça se construit en fonction de ces paramètres-là, et on s'entend là-dessus.

Je reviens sur un point de votre mémoire sur lequel je voudrais peut-être que vous élaboriez un peu, là, parce que le temps compte. Vous dites dans votre mémoire, au point 2, et je prends cette ligne-là à escient, là... Quand on parle de la Nouvelle-Zélande, à chaque fois qu'on mentionne Nouvelle-Zélande, ce qui fait plaisir à notre collègue de Mercier, et je peux le comprendre, mais ça attire automatiquement des critiques de tout le monde en disant : Oui, mais la Nouvelle-Zélande, c'est ci, la Nouvelle-Zélande, c'est ça, ça ne se transpose pas. Mais, dans votre mémoire, vous parlez des Pays-Bas et l'Allemagne. Ce n'est pas exactement... Quand on invoque, là, qu'en Nouvelle-Zélande il n'y a pas d'industrie pharmaceutique, moi, je peux vous dire une affaire, là, en Allemagne, là, il y a une industrie pharmaceutique. Et, en Allemagne, on fait des appels d'offres, et vous le dites vous-mêmes dans le mémoire. Les Pays-Bas, c'est un pays ultra-industriel dans tout, là, c'est l'un des pays les plus industrieux de la planète, du moins en Europe, là, c'est le cousin de l'Allemagne, et il y a une industrie, là, qui existe, là, qui est significative, comme en Allemagne, et ils sont en appel d'offres.

Alors, moi, je comprends que votre appréciation de ce qui se passe ailleurs, c'est que le principe de l'appel d'offres ne nuit pas, là, ce n'est pas une nuisance dans l'absolu. Pouvez-vous élaborer un petit peu là-dessus?

Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait, comme on dit dans le mémoire, le choix de l'outil pour contrôler le prix du médicament appartient au ministre. Et ce qu'on dit, nous, c'est que, si le ministre veut aller en appel d'offres, écoutez, on n'a pas d'objection. Ce qu'on met, par contre — et je pense qu'on s'entend, finalement — ce qu'on dit, c'est : Il y a dans l'appel d'offres des critères à respecter. Nos collègues hospitaliers — j'ai personnellement eu une pratique hospitalière — Martin pourra compléter, mais ont vécu toutes sortes, je dirais, de péripéties avec les appels d'offres, ont vécu des succès, mais ont vécu, notamment avec la crise Sandoz, un certain nombre de problèmes, et ils ont beaucoup appris. Et donc ce que l'ordre dit, c'est : Le ministre choisit les moyens, nous, comme organisme qui protégeons le public, ce qu'on veut s'assurer, c'est que les appels d'offres vont être construits de telle façon que les paramètres visant à protéger le public, la sécurité de l'approvisionnement, visant à s'assurer aussi que certains patients ne soient pas pénalisés au détriment de d'autres soient mis en place. En fait, c'est tout ce qu'on dit dans le mémoire.

M. Barrette : Mais vous n'êtes pas contre les appels d'offres par définition, puis, votre expérience, je conclus qu'elle est à l'effet que ça peut se faire.

M. Bolduc (Bertrand) : Absolument.

M. Barrette : Très bien. Dans la catégorie de la protection du public — parce que vous l'abordez à cette étape-ci, alors je vais l'aborder, moi aussi, je prends votre balle au bond — quand on fait référence au document de Me Fernet, dans le document que vous connaissez, évidemment, très bien, je l'ai cité ce matin, je vais relire la phrase, là : «S'abstenir d'utiliser, d'offrir, de promouvoir, d'annoncer, de fournir, de louer, de vendre ou de rendre quelque produit, marchandise ou service qui n'a pas été acquis conformément à la présente convention et dont l'utilisation et/ou la vente au détail dans l'établissement n'a pas été autorisée par le franchiseur», là, ici, Me Fernet fait référence au fait que le franchiseur impose des contraintes au franchisé, qui est le pharmacien propriétaire, qui est votre membre. N'y a-t-il pas là un problème? Parce que, sous l'angle de la protection du public, un observateur externe pourrait conclure que le choix offert au patient devrait être le plus vaste possible. Et, à sa face même, selon Me Fernet, les conditions contractuelles entre le franchiseur et le franchisé amènent une limitation, ce qui semble être reflété par la réponse à la question que vous avez posée dans votre sondage : Est-ce que les bannières, franchises et compagnies imposent une restriction au choix du médicament pour le patient?

Mme Lambert (Manon) : Bien, dans les faits...

M. Barrette : La question que je vous pose, là, ça existe, ça?

Mme Lambert (Manon) : Bon, dans les faits, deux choses. Peut-être qu'en préface, quand vous dites : Il faut avoir le plus vaste choix possible, je mettrais juste la réserve qu'un pharmacien ne tiendra pas six ou sept compagnies de médicaments génériques, il va le faire, le choix.

Le problème qu'on voit comme ordre professionnel, puis je suis contente que vous posiez la question parce que ça nous donne l'occasion de vous indiquer... Et je pense que vous l'aviez vous-même mentionné en entrevue, M. le ministre, comment l'Ordre des pharmaciens fait bien son travail, dans le sens où, oui, on est inquiets en matière d'indépendance professionnelle et, oui, on agit quand il y a des problèmes. La preuve, c'est le dossier Proxim-McKesson, qui est d'une notoriété publique maintenant, où, dans le cadre de programmes de conformité, là... Pour le bénéfice des gens, un programme de conformité, c'est que le pharmacien s'engageait à acheter certains médicaments en contrepartie d'avantages, et l'ordre a agi...

M. Barrette : Arrêtons là si vous me le permettez. Donc, il y a eu et il y a peut-être encore — mais j'aimerais que vous nous le confirmiez — une mécanique dans la chaîne de progression du médicament qui permet des avantages et/ou des désavantages selon l'observance de telle ou telle condition contractuelle, et là je suis obligé de conclure que ça a un impact à la hausse sur le prix.

Mme Lambert (Manon) : Bon, au niveau de la mécanique comme telle, je pense que, M. le ministre, les parlementaires, vous connaissez le fonctionnement d'un ordre professionnel, alors c'est le syndic qui a réalisé les enquêtes, c'est le syndic qui a réalisé la conciliation. Donc, ce qu'on sait, c'est ce qui a été rendu public par le syndic, effectivement, c'est que les pharmaciens s'engageaient à acheter des médicaments en contrepartie d'avantages. C'est essentiellement ça, pécuniaires. Donc, pécuniaires ou, je dirais, en rabais sur des produits de santé sur le devant de la pharmacie. C'était essentiellement le mécanisme qui était utilisé à cette époque-là. Donc, dans ce contexte-là...

M. Barrette : Et, conséquemment, corrigez-moi, s'il n'y avait pas ça, il y avait un désavantage pécuniaire. Alors, à partir du moment où on parle de circulation d'argent, il faut qu'il y ait une marge qui existe pour permettre de donner un avantage à quelqu'un. Donc, il y a un impact à la hausse sur le prix.

• (16 h 30) •

Mme Lambert (Manon) : En fait, M. le ministre, je pense que vous essayez de nous faire dire ce qu'on vous a déjà dit, c'est-à-dire qu'on pense qu'effectivement il y a de la place pour avoir un meilleur prix au Québec. Non seulement un meilleur prix, mais je vous réfère à la page 13 de notre mémoire, non seulement un meilleur prix, mais une meilleure utilisation. Meilleure utilisation, si vous regardez à la page 13, vous avez là le graphique des facteurs contribuant à la croissance des dépenses du RPAM. Et ce qu'on remarque, le plus gros facteur de croissance est le nombre d'ordonnances par assuré. Donc, ce qui fait en sorte qu'on augmente le prix des médicaments, c'est qu'on prescrit beaucoup plus de médicaments par personne.

M. Barrette : Là, je vous arrête ici — puis ce n'est pas parce que je veux vous interrompre, c'est juste une question d'utilisation du temps — je suis d'accord avec vous. C'est la raison pour laquelle on a mandaté l'INESSS pour faire un chantier, là, sur la pertinence. Vous avez raison, on est sur la même page là-dessus, sauf que, dans l'univers des économies potentielles, ce sont deux éléments parallèles. Vous avez raison, il y a des économies à aller faire là. Je suis 110 % — comme dans l'émission — d'accord avec vous. Mais, en même temps, je suis tout aussi 110 % de l'autre bord, il y a des économies l'autre bord. Là, aujourd'hui, ce qui nous intéresse, c'est ce bord-là, le bord de la mécanique financière de contrats.

Et là, moi, j'aimerais ça... Vous êtes, pour deux d'entre vous, je crois, vous êtes des pharmaciens en pratique aussi, là. Alors, moi, ce qui m'intéresse, c'est que vous nous éclairiez sur toute la mécanique, là. On nous a dit tantôt, aujourd'hui même, là, on nous a dit, là, que les pharmaciens propriétaires — puis c'est écrit dans certains documents, là — que, quand arrive le temps d'avoir à choisir entre un et l'autre un fabricant de génériques, bien là il faut choisir. Bien, s'il faut choisir, ça se peut qu'en quelque part il y ait un incitatif ou un désincitatif financier, pécuniaire qui, lui, provient d'une marge, ne peut pas venir d'ailleurs. Ça existe, ça, et là vous êtes l'ordre. Ne trouvez-vous pas que la liberté professionnelle, l'autonomie professionnelle du pharmacien est impactée par des circonstances commerciales entre, à la limite, le fabricant, le grossiste, le franchiseur?

M. Bolduc (Bertrand) : La réponse à ça, c'est : Pas nécessairement. L'indépendance professionnelle du pharmacien s'exerce à chaque patient qui se présente à la pharmacie : Est-ce que je suis en mesure de fournir à ce patient-là le produit qui lui convient le mieux et le service qui lui convient...

M. Barrette : Ce que vous dites, si vous le dites, M. Bolduc, c'est que l'intégration verticale n'a aucun impact sur le prix.

M. Bolduc (Bertrand) : Non. Non, ce n'est pas ça que je dis.

M. Barrette : Donc, vous me dites que l'intégration verticale a un impact?

M. Bolduc (Bertrand) : Peut avoir un impact. Et l'intégration verticale ou les intermédiaires, c'est comme... Vous avez fait une analogie sur les voitures, là, la semaine dernière. On va prendre la même chose, il y a des fabricants de voitures, il y a des concessionnaires qui font la vente de la voiture et le service puis, entre les deux, il y a des livreurs de voitures. Et, présentement, les gens qui vendent les voitures et qui en font l'entretien, bien, on veut qu'ils vendent la meilleure voiture au meilleur prix et, évidemment, on veut qu'ils l'entretiennent de la façon la plus sécuritaire parce qu'on ne veut pas qu'elle fasse d'accidents.

M. Barrette : ...M. Bolduc, je vais vous dire que l'analogie que j'ai faite était sur l'essence.

M. Bolduc (Bertrand) : Sur l'essence.

M. Barrette : Et, si vous voulez que je la continue, je vais la continuer ou la répéter. Entre le baril de pétrole qui est puisé dans un quelconque sol dans l'univers et le prix à la pompe, il y a une multitude d'intermédiaires, et chacun prend sa «cut», et la mécanique de la gestion du prix à la pompe est telle que beaucoup de critiques sont construisables.

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, alors, ce qui est important, ce serait que les pharmaciens soient incités à vendre des voitures hybrides ou des voitures électriques et de les entretenir de la façon la plus efficace possible pour qu'on n'ait pas à changer les voitures, mais qu'elles soient sur la route le plus longtemps possible et qu'on ne fasse pas d'accidents. Ce qu'on veut que les pharmaciens fassent, c'est coacher les gens pour qu'ils profitent au maximum de leurs médicaments en toute sécurité.

Présentement, on a un système où les pharmaciens sont rémunérés pour dispenser des médicaments, non pas en enlever ou optimiser leur utilisation. C'est ce qu'on cherche à faire. C'est vers ça qu'on oriente la pratique et c'est vers ça qu'on aimerait que le mode de rémunération suive. Mais, présentement, on a des intermédiaires qui, évidemment, aimeraient bien que, cette semaine, on vende des voitures bleues parce qu'ils en ont beaucoup, des bleues, en stock. Ce n'est peut-être pas une voiture bleue que ça prend, c'est peut-être une voiture d'une autre couleur. Ce qu'on veut que les pharmaciens fassent, c'est qu'ils travaillent constamment et uniquement pour leurs patients. C'est ça, être indépendant professionnel. Je pense que, malgré les intermédiaires, c'est ce qu'ils font à tous les jours à chaque patient.

Maintenant, s'il y a une influence quelconque qui génère un avantage pécuniaire ou un désavantage qui forcerait ou qui changerait ce choix-là et qu'il y a une plainte, nous agissons, nous avons agi et nous agirons. Ça, c'est clair. Ceci étant dit, est-ce qu'il y a des gens qui ont ces actions-là et qui essaient d'influencer les pharmaciens? Bien sûr, et il y en aura toujours.

M. Barrette : Est-ce que l'intégration verticale inquiète l'ordre?

Mme Lambert (Manon) : La réponse se trouve au niveau des relations contractuelles dans le cadre de cette intégration verticale là. L'idée, l'idée, ce qu'on veut comme ordre professionnel, là, le laboratoire, ça appartient au pharmacien. O.K.? Comme mon collègue l'a dit, comme M. le président l'a dit, je veux rassurer la population...

M. Barrette : ...aujourd'hui, là, dans l'état des choses d'aujourd'hui, aujourd'hui, là, je ne vous demande pas l'idéal, vous me répondez par l'idéal. Aujourd'hui, dans la pratique, est-ce que l'intégration verticale inquiète l'Ordre des pharmaciens du Québec?

Mme Lambert (Manon) : En fait, non seulement l'intégration verticale, dans certains cas... Encore une fois, parce qu'on va de là jusqu'à là, non seulement, dans certains cas, l'intégration verticale nous inquiète, mais on a agi. Encore une fois, le dossier McKesson, le dossier Proxim, c'était un bon exemple où on a trouvé, entre vous et moi, que les tiers — en fait, les grossistes, dans ce cas-là, la chaîne, la bannière — rentraient dans le labo, et, nous, ce qu'on dit, là, le labo, c'est le royaume du pharmacien.

M. Barrette : On comprend.

Mme Lambert (Manon) : Et ça, c'est une question de confiance.

M. Barrette : La problématique est-elle résolue, à votre avis?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, il y a deux façons de la résoudre.

M. Barrette : Donc, elle n'est pas résolue.

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, d'améliorer la résolution lorsqu'il y a des problèmes. La première...

M. Barrette : Donc, ce n'est pas parfait.

M. Bolduc (Bertrand) : Nous, on est l'Ordre des pharmaciens, on n'est pas l'ordre des grossistes ni l'ordre des fabricants. En Europe, les ordres de pharmaciens, ils gèrent la pratique du pharmacien au niveau des grossistes et des fabricants. Il y a des pharmaciens responsables, et l'ordre peut aller les enquêter et les punir. Si vous souhaitez... l'ordre des grossistes et des fabricants en obligeant des pharmaciens sur place, ça va nous faire plaisir.

L'autre façon, vous avez le pouvoir, M. le ministre, à travers l'engagement du fabricant et l'engagement du grossiste, dans le cadre de la Loi sur l'assurance maladie, de régir et de réglementer ces intervenants-là. Alors, vous pouvez aussi agir à ce niveau-là.

M. Barrette : ...de l'ordre, était-il justifié et nécessaire de limiter en 2010... de plafonner les allocations professionnelles? Et pourquoi?

M. Bolduc (Bertrand) : Pour nous, M. le ministre, dans un monde idéal, tout le monde paie moins cher ses médicaments, il n'y en a pas, d'allocations professionnelles. Il y a des honoraires justes et équitables pour un service professionnel...

M. Barrette : Mais je vous pose une question.

M. Bolduc (Bertrand) : ...qui mène à l'utilisation optimale du médicament. Présentement et pour les trois prochaines années, suite à votre entente avec l'AQPP, on va s'accommoder des allocations professionnelles, mais il faut revoir ce mode...

M. Barrette : Était-il, en 2010, justifié — et pourquoi? — de plafonner les allocations professionnelles à 15 %?

M. Bolduc (Bertrand) : Ça, ça a été le choix du gouvernement. Nous, on n'a rien eu à voir.

M. Barrette : Et donc vous étiez contre?

M. Bolduc (Bertrand) : On n'était ni pour, ni contre.

M. Barrette : Et donc, aujourd'hui, vous êtes pour le déplafonnement?

M. Bolduc (Bertrand) : On est contre les allocations professionnelles totalement.

M. Barrette : Vous êtes pour le déplafonnement?

M. Bolduc (Bertrand) : Nous, ce qu'on veut, c'est que les pharmaciens soient rémunérés pour le service, et non pour délivrer une quantité ou un nombre de médicaments.

M. Barrette : Vous êtes pour, à l'ordre professionnel, la relation avec le grossiste et le fabricant ou le fabricant de vous donner le maximum d'allocations professionnelles.

Mme Lambert (Manon) : Ce n'est pas ce qu'on dit. Ce n'est pas ce qu'on dit. Et d'ailleurs vous avez eu une lettre...

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes. En quelques secondes.

Mme Lambert (Manon) : Oui. Vous avez eu une lettre où on vous a très bien exposé notre position, c'est-à-dire que l'ordre, dans un monde idéal, il n'y aurait pas du tout d'allocations professionnelles. Ce n'est pas la question du plafond ou pas de plafond, là, c'est zéro, «niet», comme dans «Ouellette», aucune allocation professionnelle — je ne sais pas si ma position peut être plus claire que ça — parce qu'on veut que le...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Je veux maintenant céder la parole à notre collègue — on a déjà dépassé le temps alloué — de Rosemont pour la poursuite des échanges, pour 10 min 30 s.

• (16 h 40) •

M. Lisée : Merci, M. le Président. C'est un petit peu surréaliste, ce qui est en train de se passer, parce qu'on a le ministre libéral de la Santé devant nous, on a les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec — et je tiens à vous saluer, M. le président, Bertrand Bolduc, M. Martin Franco, Mme Manon Lambert, directrice générale — ce matin, le ministre a décidé de faire une charge, une sortie, une accusation extrêmement grave à l'endroit de l'ordre et de sa présidente précédente en votre absence et en l'absence de la personne. Et, maintenant qu'il est devant vous, il ne dit rien. Il y a des mots, M. le Président, pour décrire la situation de quelqu'un qui porte des accusations sans être en présence de la personne qu'il accuse et, devant la personne, se tait. Il y a des mots pour ça, je ne les prononcerai pas parce qu'ils sont sur la liste des mots non parlementaires.      

Mais, puisque vous êtes là et que votre ordre a été attaqué ce matin, je vais vous donner l'occasion de répondre. Et je vais citer ce que le ministre a dit. Je ne peux pas nommer la personne parce que les règles parlementaires me l'interdisent, mais je vais remplacer, à chaque fois qu'il utilise son nom, par l'ex-présidente de l'Ordre des pharmaciens. Alors, il a dit que l'ordre avait présidé à un scandale, à une faute morale, à une manoeuvre, à un «scheme».

«Son mandat [à la présidence de l'ordre,] aux dernières nouvelles était de protéger l'intérêt public. Est-ce qu'elle s'est levée à cette époque pour informer la population qu'elle allait être surfacturée parce que ses membres, incorporés en passant, allaient se revirer de bord sans le dire au public et charger les assureurs privés, dont les primes ont augmenté?

«[La présidente de l'ordre] a été partie et a approuvé par omission un scheme pour aller chercher de l'argent dans une partie du public[...]. Moi, j'appelle ça les ristournes [de la présidente de l'ordre]. Elle s'est servie dans le pot aux bonbons. [...]Je pose la question de la moralité du geste de la part d'une personne qui se présente constamment comme étant la détentrice de la vertu. Là, vous avez le vrai visage de [la présidente de l'ordre].» Je cite toujours le ministre : «[La présidente de l'ordre, l'ex,] est assise confortablement à l'Assemblée nationale, payée par les impôts des Québécois, et elle est incorporée, fait de l'argent avec sa pharmacie et, quand elle était présidente de l'ordre, elle n'a pas dit un mot et elle n'en dit toujours pas, de mot aujourd'hui. Sa situation est "intenable"...»

Est-ce que l'ordre a été coupable de tout ce dont l'accuse le ministre de la Santé?

Mme Lambert (Manon) : Je ne commenterai évidemment pas un désaccord ou des débats entre parlementaires. Ce que je peux dire comme ordre professionnel... et l'Ordre des pharmaciens du Québec est un des ordres qui n'a jamais hésité à mettre tous les moyens pour protéger le public. On est un des deux ordres qui, en 140 ans d'histoire, sommes montés jusqu'à la Cour suprême dans le dossier des rabais et ristournes pour faire la vérité, obtenir la vérité et sanctionner les membres qui avaient contrevenu à leurs obligations professionnelles.

Alors, dans le contexte des prix, les assureurs sont venus dire de façon un peu, peut-être, simpliste qu'il existait un écart de 17 % entre les deux systèmes. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'un ordre professionnel, on est là pour défendre les patients patient par patient. Or, la réalité, c'est que tous les patients au Québec n'ont pas 17 % d'écart entre ce qu'ils paieraient au public et ce qu'ils paient au privé. Ce matin même dans Le Soleil, un patient qui était assuré au privé s'est plaint qu'en transférant au public son prix augmentait et il a, d'un même souffle, dit : Bon, bien, le pharmacien s'en met plein les poches, alors qu'au public le prix du médicament est fixé par le gouvernement, et les honoraires également sont fixés par le gouvernement. Alors, la réalité, c'est que, lorsqu'on est un patient, bien, il est possible que, dans certains cas, ça coûte plus cher au public et, dans certains cas, il est possible que ça coûte plus cher au privé et...

M. Lisée : Je pose la question au président de l'ordre. Le ministre de la Santé, ce matin, a déclaré que la présidente précédente de l'ordre avait manqué à son devoir à ce moment-là, n'avait pas agi, avait mal agi, elle s'était mise la main dans le pot de bonbons. Est-ce que vous allez rester là et dire que vous n'avez rien à dire là-dessus?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, comme je vous ai dit d'entrée de jeu, l'ordre ne négocie pas. Aucun ordre professionnel ne négocie les honoraires de ses membres, aucun, que ce soient les architectes, les ingénieurs, les psychologues, les optométristes. L'ordre ne négocie pas, ni avec le public ni avec le privé, ne négociait pas avant moi ou avant l'ex-présidente de l'ordre, ne négociera pas après moi non plus. Ce n'est pas notre job de négocier les honoraires.

M. Lisée : Donc, ces accusations sont non fondées.

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, ce n'est pas nous qui avons négocié. S'il y a un changement dans la réglementation qui fait en sorte qu'il y a des mouvements au niveau des honoraires des pharmaciens... Comme disait Mme Lambert juste avant moi, souvent, au public, c'est plus cher. Présentement, toutes les jeunes femmes qui prennent un anovulant au Québec paient probablement moins cher au privé qu'au public. Alors, il y a une catégorie de produits qui sont comme ça, d'autres produits... C'est deux systèmes complètement différents.

M. Lisée : Je comprends. Alors, si cette situation qui a été créée par la décision d'un ministre libéral de la Santé, Yves Bolduc, de plafonner les honoraires pour les pharmaciens dans leurs factures pour le système public a généré une augmentation des honoraires pour le privé, donc c'est le ministre libéral de la Santé de l'époque qui aurait pu agir pour empêcher des dérives. Mais, s'il y a eu des dérives, est-ce que les personnes pouvaient se référer au syndic de l'ordre?

M. Bolduc (Bertrand) : Absolument.

M. Lisée : Tout à fait.

M. Bolduc (Bertrand) : Tout patient peut porter plainte au syndic en tout temps sur une question de prix, de service, une question de négligence, d'erreur, peu importe. Et les enquêtes ont lieu, et, s'il y a lieu de déposer une plainte contre un membre, ça sera fait, évidemment.

M. Lisée : Et n'est-il pas vrai que, sous la présidence de l'ancienne présidente de l'ordre, en fait, les syndics ont, de leur propre initiative, fait quelques vérifications pour voir s'il y avait dérive?

M. Bolduc (Bertrand) : Le syndic de l'ordre est toujours indépendant. Peu importe qui occupe le siège de la présidence ou de la direction générale, c'est un département complètement indépendant. C'est comme un procureur de la couronne qui est complètement indépendant du ministère de la Justice, c'est la même chose chez nous.

M. Lisée : Donc, c'est dire n'importe quoi que d'affirmer que la présidence de l'ordre n'a pas agi, alors que le syndic est indépendant et fait son travail. N'est-il pas vrai aussi que la présidente de l'ordre a spécifiquement commandé une étude à un spécialiste en question de prix des médicaments, M. Montmarquette, parce qu'elle voulait savoir s'il y avait des recommandations à faire pour bonifier le système?

M. Bolduc (Bertrand) : Tout à fait. Bien, le conseil d'administration de l'ordre a commandé ce rapport-là à M. Montmarquette , qui est un économiste bien connu, pour comprendre est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait mettre en place pour mieux éclairer les patients face au coût des médicaments. Parce que, comme vous le savez probablement, les régimes sont compliqués, il y a des milliers de régimes d'assurance privés. Et le régime public n'est pas plus simple non plus à expliquer aux gens, alors on s'est demandé la question : Est-ce qu'on peut faire mieux au niveau de l'explication? Ce qu'on a comme conclusion du rapport Montmarquette, qu'on a rendu public, c'est simple, c'est que c'est compliqué. Les gens, ce qu'ils veulent savoir, c'est combien ça me coûte. Quand on va chez le dentiste, on ne veut pas savoir comment ça coûte pour le fluor, pour la surface interne, externe, etc., ce qu'on veut savoir, c'est combien ça va me coûter pour faire réparer ma dent. C'est la même chose à la pharmacie, ils veulent savoir le prix. Et, avec le prix du médicament, ils peuvent magasiner si ça leur plaît. La plupart des patients — et c'est ce qu'on souhaite — choisissent un pharmacien, une équipe de pharmaciens, obtiennent un service et sont généralement heureux. S'ils ont une plainte à faire, ils peuvent toujours la faire au syndic.

M. Lisée : Donc, si je vous comprends bien, une situation nouvelle a été créée en 2010 parce qu'un ministre libéral de la Santé a fait un plafonnement. L'ordre a fonctionné normalement. Le syndic a fonctionné normalement, il a fait d'ailleurs... il a été proactif pour voir s'il y a des vérifications, et le conseil d'administration et la présidente de l'ordre ont demandé un rapport pour voir s'il y avait des bonifications à faire. Est-ce que vous voyez là-dedans une justification pour que le ministre actuel de la Santé parle de scandale, de faute morale ou de main dans l'assiette aux bonbons?

M. Bolduc (Bertrand) : Je vais laisser les parlementaires poursuivre le débat entre eux à ce niveau-là.

M. Lisée : Bien, moi, j'en vois, je trouve que c'est un scandale et une faute morale que le ministre de la Santé actuel fasse de telles accusations.

On va parler des solutions que vous avancez parce que ce que vous dites, c'est que vous lancez un appel pressant au ministre pour qu'il arrête un petit peu, là, de s'occuper à temps plein des médecins spécialistes, puis de leurs primes, et de leurs frais accessoires, et tout ça, et qu'il passe quelques heures pour donner plus de pouvoirs aux pharmaciens, pour qu'ils puissent revoir la médication, et que, selon vos calculs, il y a un niveau considérable, de 4 % à 10 % des hospitalisations qui sont relatives aux événements indésirables de médicaments qui sont mal prescrits ou de combinaisons qui sont mal prescrites. Et vous faites un calcul, aux États-Unis, ça pose des coûts de 29 milliards de dollars. J'ai fait une règle de trois, au Québec, ça fait 700 millions de dollars par année qu'on pourrait économiser si on faisait un juste équilibrage des médicaments. C'est exact?

M. Bolduc (Bertrand) : Le pharmacien, ça doit devenir un coach du médicament. Lorsqu'on vous envoie au gymnase pour faire de l'exercice, si votre coach était payé en fonction du nombre d'exercices que vous avez à faire, probablement que vous vous feriez mal, et peut-être que vous n'obtiendriez pas les résultats que vous voulez au niveau de la performance, vous ne gagneriez peut-être pas la course. Si vous avez un coach qui est rémunéré en fonction de vos résultats, de vos performances, vous allez sûrement obtenir des résultats parce qu'il est engagé avec vous dans votre désir de performance, et peut-être donc pas plus d'exercices, mais mieux d'exercices. C'est ce qu'on veut pour les pharmaciens, des meilleurs accès aux services.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant poursuivre avec notre collègue de Lévis pour sept minutes.

• (16 h 50) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Bolduc, Mme Lambert, M. Franco, je reviens également sur le projet de loi n° 81 et la vision que vous en avez, là. Je reviens sur le fait que, comme ordre — et vous l'avez dit à maintes reprises — votre préoccupation, c'est, évidemment, les patients, leur sécurité, leur mieux-être. Et vous dites en page 9 de votre mémoire : Parmi les conditions gagnantes, s'il y a processus d'appel d'offres, qu'on devrait confier la gestion de ces appels-là à un groupe d'experts. Et là vous êtes assez clairs, hein, vous recommandez que le ministre constitue un comité au sein duquel siégeraient des pharmaciens spécifiquement. Puis, quand on regarde l'analyse d'impact réglementaire, ce n'est quand même pas une notion qui est élaborée à travers ça, cet élément-là, majeur pour vous. Pourquoi l'est-il? J'aimerais ça que vous nous donniez davantage d'information sur l'importance de cette recommandation-là.

M. Franco (Martin) : En fait, M. le Président, les gens autour de la table ici vont reconnaître l'expertise du pharmacien. Si on parle d'appel d'offres du médicament, la spécialité du pharmacien, c'est le médicament. De faire des appels d'offres et de ne pas recourir à l'expertise du pharmacien, ça serait se priver d'un grand privilège d'un point de vue populationnel.

Si on regarde ça d'une autre façon en se disant : Qu'est-ce qui se fait actuellement?, si on regarde un organisme comme l'INESSS, à l'INESSS on réussit à faire une évaluation thérapeutique de chacun des médicaments qui est ajouté ou non à la liste, et, autour de la table, il y a un paquet de spécialistes, dont plusieurs pharmaciens d'établissement, plusieurs pharmaciens qui oeuvrent au sein même de l'INESSS et qui font en sorte qu'on produit, finalement, une évaluation juste et équitable de chacun des médicaments. Si on l'utilise à l'INESSS, on juge que c'est pertinent dans la logique de l'effectuer lorsqu'on fait des appels d'offres entourant le médicament pour l'ensemble du Québec.

Si je regarde comme pharmacien d'établissement, on fait des appels d'offres, ça fonctionne relativement bien. On a mis en place des mécanismes pour assurer l'indépendance professionnelle des gens autour de la table, mais on a recours au spécialiste du médicament, qui est le pharmacien ici, pour s'assurer de ne pas créer des dommages collatéraux d'une décision qui pourrait être prise seulement sur l'attribution d'un appel d'offres à un seul fabricant, par exemple, puis d'avoir à gérer une crise de rupture d'inventaire à rebond qui ferait en sorte, par exemple, qu'on pourrait avoir des retards dans les salles d'opération de certains établissements de santé ou de ne pas être en mesure de greffer un patient qui a besoin de sa greffe de moelle osseuse parce que je me ramasse avec plus de médicaments puis que, là, je suis obligé de choisir entre un ou l'autre. C'est insoutenable. Ça fait qu'il y a des mécanismes qui sont mis en place pour atténuer cet impact-là. Donc, selon nous, on voit pourquoi l'ordre préconise cette approche.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends à travers ce que vous me dites que le gouvernement, dans votre vision des choses puis dans le meilleur des mondes, n'a pas nécessairement l'expertise... en tout cas, ne doit pas être seul à juger de ce que l'on devra...

M. Franco (Martin) : Les soins de santé, c'est un travail d'équipe, hein? Et, dans l'évaluation de ce genre de technologie là, le médicament, ça fait aussi partie de ça au même titre que d'autres types de défibrillateurs ou d'autres types de fourniture. Donc, de recourir à l'expertise en s'assurant un mécanisme d'indépendance professionnelle fait en sorte qu'on réussit, à coup sûr, à profiter puis à faire profiter les gens à la maison de ce bénéfice-là et de cet investissement social qu'on a fait là en mettant en main les pharmaciens, qui ont une éducation au niveau de la gestion du médicament, au profit de la population.

Mme Lambert (Manon) : En fait, ce que j'ajouterais, c'est que j'ai beaucoup de respect pour l'équipe de pharmaciens du ministère de la Santé, là. Dominic est là, j'ai beaucoup de respect. Mais Dominic, comme moi, on n'est pas des praticiens, on n'a pas les deux pieds sur le terrain. Et ceux qui sont le mieux en mesure d'évaluer les impacts et les effets pervers potentiels de problèmes qui seraient reliés à un appel d'offres, c'est les gens comme Martin, c'est des gens qui ont les deux pieds sur le terrain des vaches et qui sont capables de dire : Oups! Là, on va avoir un problème.

M. Paradis (Lévis) : Je me permets d'avancer un petit peu. Parce que, tout ça, il y aura un cadre réglementaire, évidemment, sur l'appel d'offres, il y aura des conditions, évidemment, qui seront élaborées, qui seront posées. Vous dites : Le pharmacien doit être partie prenante aussi de la mise en place de cette formulation-là. Plusieurs nous ont dit : Il y a des effets, il y a des effets potentiels ou il y a des risques, en tout cas, et il ne faut pas se fermer les yeux là-dessus.

Et des gens ont dit : Ça va aller jusqu'à éventuellement la couleur d'un comprimé, sa forme, sa texture, le fait qu'on doive, à un moment donné, obliger... Parce que moins — et vous en parliez — d'indépendance professionnelle, d'aller chercher le médicament qu'on veut parce qu'on devra travailler avec un, ou deux, ou trois, vous dites, et, dans le meilleur des mondes, double ou triple adjudication... Est-ce qu'effectivement il y a une problématique majeure qui vous inquiète là-dessus, sur la forme que pourrait prendre le produit, sur le fait qu'il y en ait moins et la dépendance également du pharmacien ou son indépendance vis-à-vis le produit à donner?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, ce n'est pas tant un problème d'indépendance. Il y a des problèmes techniques qu'il va falloir gérer, puis, en utilisant des experts, on peut... Il y a aussi des effets... Et ça, les pharmaciens salariés vous en ont parlé, je pense, puis qu'ils sont bien à même de vous les expliquer.

L'autre chose, c'est qu'il peut y avoir des effets collatéraux imprévus. Si moi, je suis une compagnie générique, puis je perds du volume sur mes gros vendeurs, et que j'ai certains produits que je suis tout seul à vendre, bien, ça se peut que je sois tenté d'augmenter le prix de... Et là ce qu'on va avoir, c'est des patients qui sont avantagés par l'appel d'offres et d'autres qui sont désavantagés. Et c'est arrivé dans le passé que certains fabricants uniques de certains produits refusent de les vendre au Québec ou même refusent de les lister au formulaire. Pourquoi? Parce qu'on n'acceptait pas leurs hausses de prix. Donc, il est à prévoir qu'il y ait des impacts collatéraux sur ce genre de produits là, et nous, on veut éviter ça parce qu'on veut protéger tout le monde, on veut que tout le monde en profite, mais que certains ne soient pas désavantagés. La personne qui va être désavantagée, pour elle, pourquoi elle paierait plus cher son médicament parce qu'on est allés en appel d'offres sur les gros vendeurs? Il faut faire très attention.

Mme Lambert (Manon) : Je vais vous donner juste un exemple d'un problème technique qu'on a vécu à l'ordre. À un moment donné, on a eu une demande d'enquête de la part d'une maman dont le jeune enfant a été hospitalisé parce qu'il y avait eu une confusion entre de la méthadone, qui est un stupéfiant puissant, et du méthylphenidate, qui est du Ritalin. Alors, c'est deux pots, deux comprimés blancs, 10 mg, l'assistante... Et c'était la même compagnie, puis l'étiquetage était très confondant, et on a... Ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait une recommandation à la compagnie de changer son étiquetage parce que ça a amené un jeune enfant à l'hôpital.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Alors, nous poursuivons avec le collègue de Mercier pour 3 min 30 s.

M. Khadir : Oui. D'abord, Mme Lambert, M. Franco, M. Bolduc, bienvenue. Les préoccupations que vous exprimez sont légitimes. Je rappelle que vous êtes en train de parler d'événements qui se passent ici alors même qu'il n'y a pas ce genre d'appels d'offres, c'est des choses qui arrivent. Si vous avez ces préoccupations-là, qui sont légitimes, je vous invite, juste après vous, il y a l'ex-P.D.G. de Pharmac, en Nouvelle-Zélande, qui a oeuvré au sein de Pharmac depuis cinq ans, et c'est des questions que nous allons lui poser et que vous allez lui entendre, qui vont être sans doute adressées. Pour les besoins de la cause, moi, ce que j'en connais, ni la Nouvelle-Zélande, ni l'Allemagne, qui a un autre système d'appel d'offres, où la croissance des prix a été de 3 %, à comparer à 10 %, à 11 % au Québec au cours des dernières années... enfin, des 15 dernières années...

Donc, je pense que, si on se fie sur l'expérience à l'étranger, le système d'appel d'offres peut prévoir des mécanismes pour parer à tous ces problèmes-là, comme ça a été le cas en Nouvelle-Zélande. Et tous les indicateurs de morbidité, d'effets secondaires, d'événements, disons, malheureux, comme vous l'avez mentionné, n'ont pas été plus importants en Nouvelle-Zélande qu'ailleurs, il y a des études qui ont été faites. Si on ne le savait pas il y a 10 ou 12 ans, aujourd'hui, on le sait, 20 ans plus tard, il n'y a pas eu d'impacts à ce niveau-là. Alors, je vous invite à rester à l'écoute à ce niveau-là.

Maintenant, pour la prise en charge, vous avez dit... Et je suis vraiment content, et je pense que le ministre et tous les parlementaires doivent être à l'écoute, l'Ordre des pharmaciens, ça a été dit ici une fois encore, est opposé aux allocations professionnelles. L'Ordre des pharmaciens est plutôt en faveur d'honoraires justes et équitables et dans un système d'appel d'offres. Bien que le ministre a dit : C'est deux aspects différents pour aller chercher des diminutions de coûts, mais, si on fait quelque chose qui a un impact, par ailleurs, sur d'autres aspects, dont la rémunération des pharmaciens, il faut les prévoir d'avance.

Est-ce que vous auriez une idée précise quel devrait être l'ajustement au niveau réglementaire immédiatement applicable, si on part en système d'appel d'offres, pour mettre fin au système d'allocations professionnelles, qu'habituellement on appelle ristournes et qui seraient passibles d'accusations criminelles si c'était associé à des contraintes dans le choix des médicaments?

• (17 heures) •

M. Bolduc (Bertrand) : D'un point de vue réglementaire, il y a certaines choses qui pourraient être nécessaires. Si on veut que les pharmaciens, comme partout au Canada, vaccinent, on a besoin d'un petit changement réglementaire qui n'est pas très compliqué. Mais on n'a pas besoin de changements réglementaires ou législatifs pour demander aux pharmaciens de faire des nouvelles activités. Maintenant, on a la loi no 41, mais il y a plein d'autres trucs qu'on peut faire, on peut travailler en collaboration interprofessionnelle avec les médecins, les infirmières.

Vous avez vu un article, peut-être, d'André Picard dans le Globe and Mail avant-hier qui disait qu'on peut, ensemble, les pharmaciens — pas tout seuls, mais avec l'équipe médicale — déprescrire des médicaments, enlever des médicaments. Il est prouvé qu'un médicament qui s'implique en hypertension... à chaque fois qu'un pharmacien s'implique dans le suivi, on a besoin de moins de médicaments, on sauve des coûts en médicaments. Pourquoi? Simplement parce qu'il y a un suivi étroit. Coaching égale résultats. En hypertension, en diabète, en cholestérol, c'est prouvé.

M. Khadir : Aujourd'hui, sur le plan des honoraires, ce n'est pas reconnu par le ministère?

M. Bolduc (Bertrand) : Il n'y a pas d'honoraires pour faire des suivis. Il y a des honoraires pour faire des ajustements maintenant, mais c'est tout.

M. Khadir : Est-ce qu'ailleurs au Canada il y en a?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, représentantes, représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons maintenant M. Matthew Brougham. So, you're very, very welcome here at the National Assembly of Québec. You will have a period of 10 minutes for your presentation, and then you'll have an open discussion with the members of the National Assembly. So, without any further ado, we're ready to hear you. Thank you.

M. Matthew Brougham

M. Brougham (Matthew) : Bon après-midi, mesdames et messieurs. Avant de commencer, je regrette de ne pouvoir vous livrer ma présentation entièrement en français. Si seulement je le pouvais, c'est une si belle langue. Je vous prie de m'en excuser, mais je vais quand même tenter quelques phrases.

Mon nom est Matthew Brougham. Je m'adresse à vous aujourd'hui, car, avant de déménager au Canada, j'ai été P.D.G. de Pharmac, the Pharmaceutical Management Agency, une agence responsable de la gestion des médicaments remboursables en Nouvelle-Zélande. J'étais économiste à Pharmac, instauré par un gouvernement conservateur, quand le système d'appel d'offres a été mis en oeuvre pour l'approvisionnement des médicaments couverts par le régime public d'assurance. J'ai supervisé quatre de ces appels d'offres durant mes cinq années à titre de P.D.G. Et, maintenant, permettez-moi de continuer en anglais.

• (17 h 10) •

Today, I will speak briefly about New Zealand's experience with tendering for the supply of off-patent pharmaceuticals. But, before I do, I'm going to give you a slightly broader understanding of Pharmac, its role, its success, how it operates, and what I believe to have been its key elements to its success. Given it's often held up as a model to consider copying, I think that, in this very emotionally charged policy area, it's very important to be aware of what Pharmac is and is not.

In New Zealand, Pharmac is referred to as a crown entity. It's established at arm's length from the Minister of Health. It is governed by a board appointed by the Minister of Health. All decisions made by Pharmac are made by the board or its delegate, who is mostly the CEO. The Minister of Health can, under circumstances, veto the decisions, and it can... and he will ... and instruct other decisions be made. It's a power that has been exercised only twice in over 20 years of its operation.

Pharmac is responsible for managing the publicly funded pharmaceutical formulary, what we refer to in North America more commonly as a drug plan or, in the case of New Zealand, a national drug plan. It's got many other roles these days, but originally that was its role, and I'm going to focus on talking about that.

It is required in law to provide the best health possible for New Zealanders within the funding made available. This simply stated objective is, I believe, one of its keys to its success. The statement makes clear that the budget for drugs is finite and that choices will have to be made between competing options. It becomes clear to a Pharmac manager that spending more for a drug than absolutely necessary to secure its supply has a significant opportunity cost, and this is the loss and health gains possible from the drugs that consequently cannot be purchased.

Combined with this simple, clear, internally non-conflicting objective and its decision-making being at arm's length from the Government, Pharmac has cultivated a culture of respect for the budget. Pharmac's staff treat the drug budget as binding and consider it is its duty, while buying as much health as possible with each dollar, is to never exceed the budget. It believes that to do so would be a gross dereliction of its civil duty as this would take the choice of allocating public sector resources away from those whose role rightfully belongs to, the elected servants of New Zealanders.

These three features — an arm's length relationship with the Ministers, a simple, clear and non conflicting objective, a culture of complete respect for the budget — are, I believe, the key reasons for Pharmac's success. And to put this succinctly, what has been its success? Well, for more than two decades now, it has held average annual growth rates and expenditures at around 3 %, and this at a time when virtually all other drug plans around the world have been near a double digit annual growth rate. This control over expenditures has come primarily as a result of negotiating low prices, not by restricting access to prescriptions or in particular access to new pharmaceuticals. So, how does it manage to negotiate low prices? For off-patent pharmaceuticals, tendering has been a key, and I'm going to talk about that soon.

For on-patent pharmaceuticals, where, quite frankly, that's where the bulk of your expenditure is in a drug plan, Pharmac uses a number of different instruments to encourage price competition that probably head to things like expenditure caps, rebate deals, requests for proposals, commercial bundling arrangements. All of these contracting instruments should really be thought of as the results of good negotiating rather than the tools or the means for good negotiating. Pharmac's ability to negotiate good deals really boils down to two things: a fixed budget... Basically, what this means, is that not every new drug can be funded, and therefore the price a supplier offers, even for an unpatented pharmaceutical, really matters in determining whether or not it's going to be funded. And the second feature is that when Pharmac says no, that means no. And I can only say no means no because it is left to market decisions almost completely without interference from the political process. Insure the structure and culture of the organisation matters because all of it is axed to maximize competitive tension in the marketplace. Without this tension, the best deals are not possible.

Supporters of pharmaceutical sector will argue that using Pharmac-like model to manage public drug plans will hurt the industry. I want to make it clear that the impact of Pharmac-like purchasing on the pharmaceutical industry depends primarily on the budget set for the manager to manage with him. It's true that, when the budget is set tight, fewer products at lower prices will be purchased than when the budget is set loose. In both instances, however, it strikes me that the taxpayer is best served by a manager that makes sure that whatever amount of money is available, it buys the most health possible. Thus, it is my view a Pharmac-like approach to purchasing drugs can work as well in a society that wants to support producers as in one that wants to reduce public expenditure on pharmaceuticals. So, to summarize to this point, Pharmac is not an institutional form built solely for the purpose of screwing down drug process, it is a form one can use if one is interested in getting the most health you can from every dollar spent on drugs.

So, to tendering, in New-Zealand, the primary objective set Pharmac when it began its tendering process was to reduce the cost of provision of off-patent pharmaceuticals, subject to meeting its other objectives essentially of maintaining or improving the health of New-Zealanders. I'm going to give you a little bit more context because it helps explain why it chose the particular instrument it did.

First, New-Zealand generic market at the time was characterized by many small suppliers, each supplying products in any one market at relatively low volumes and high prices, what we refer as low volume, high price strategy. Second, to a get market share in such a crowded marketplace, suppliers would find ways to effectively pay pharmacists or distributors to fill a script with their brand of the generic pharmaceutical. This is a process known in the sector as bonusing. I'm sure it has a name here in Québec as well. At the time, therefore, the off-patent market in New-Zealand could be described as very price competitive. The only problem with it was that the pharmacists were benefiting from the price competition, not the payers. In this context, New-Zealand chose to implement tenders for the right of sole subsidized supply of an off-patent pharmaceutical or even just the presentation of a pharmaceutical. The term of supply was set at three years. The tender was operated as a closed, written tender, and any supplier in the world could compete in that process.

Sole supply was chosen primarily to be able to offer market exclusivity to the winner with expected benefits of moving each supplier and each market to higher volumes and best lower prices. In addition, exclusivity was expected to remove the need for the suppliers to offer bonuses to pharmacists, thus ensuring that the payer benefited from price competition, and not the distributor. Choosing a tender term was and remains a delicate task. It is set not to long so as to try and maintain healthy competition for each product at each subsequent tender round, and not too short so as to help reduce the transaction costs of any subsequent transition for one brand to another. And those transitions can actually be quite expensive and difficult to manage for suppliers, so important to try and reduce those costs as much as possible.

A close tender was chosen to ensure healthy competition continued into the future. Open competition really can be expected to favor incumbents and encourage low prices to the detriment of the health of the market in the long term. Similarly, allowing new entrants to compete was expected to ensure healthy price competition both in the long and the short runs. Another way, it's ensuring that the incumbents could not collude with distributors in the short run and that the accretion of incumbents was minimized in the long run.

• (17 h 20) •

To say that the tendering program in New Zealand has been a great success is like saying that the New Zealand All Blacks are a pretty good rugby team. And that joke might actually go down like a lead balloon here, New Zealand has a great rugby team. In its early days, it resulted in price reductions for some products that were simply unimaginable. You had 90% price reductions on products that we thought were mature products. I don't propose to put a whole polydata in front of you here. You will see various articles around the world that examine the prices that are obtained in various markets, and New Zealand does well in the off-patent pharmaceutical market. But you will always find a jurisdiction that will do better for a particular drug, it's just, you know, there are ups and downs throughout the prices.

But what I... tell you about the success of the program. It's created savings every year since its operation. Last year, it looked at creating savings of $38 million in a marketplace of $800 million. This is the mature part of the market, so those numbers are not as huge as you might expect them. But essentially, for the next three years, every year, it's going to deliver another $30 million in savings.

It began in 1997 with the tender of one product, and, four years later, the annual tender round each year, and to this day, includes hundreds of line items. Tendering is being extended across the country. It includes many items beyond pharmaceuticals, both medical devices and blood products. And, up until a couple of years ago, when the tender was just for pharmaceuticals, including all of hospital pharmaceuticals, the program was run by one full-time employee. At peak times, you would involve other people such that I would estimate, in total, the program, perhaps, used three to four full-time employees over the course of an entire year.

So there are many criticisms of sole-supply tendering. I have to say most amounted to fear mongering and never eventuated. For example, supplies would leave the market, and thus, in the long run, costs would increase. I've just told you that it continues to produce savings year on year. Pharmacists would grow broke, leading to a reduction in access to patients. Neither of those happened.

I want to talk to you about two criticisms that are... and are very important to manage. Sole-supply was criticized as inherently insecure. Supply outages were predicted to increase and have greater consequence. I can tell you that, in my experience, the opposite resulted, strict supply provisions and now standard clause in every contract, with the cost of failing to meet these falling solely on the supplier. Changes are being made over the years to try and ensure that you receive early a notification of supply troubles. But over the years, where stock outages have become unavoidable, the other change that has resulted, that is, you know, an improvement as a consequence of the system, is that the medicines regulator, exactly like the one here in Canada, has become quite adept at quickly enabling the supply of safe alternatives. I just read the 2015 annual report, and again the experience that I'm seeing from the statements in that report, that New Zealand stock outages are among the fewest in the world, particularly in the developed markets.

Finally, it's been argued that sole-supply creates a health cost to some patients who cannot tolerate the chosen brand in a sole-supply situation. When these claims have been made, they've been examined carefully, but with considerable skepticism. I once experienced such a complaint when the brand was, in fact, the exact same product made on the exact same line with the only change being the label on it and the box that it came in. So, we went from one brand to a new brand, there was exactly the same pharmaceutical, and yet we got, received complaints that patients couldn't tolerate this. So, a degree of skepticism is warranted. You need to understand that, to gain regulatory approval of an off-patent pharmaceutical, you have to show scientifically that it is the same as the originator, where «same» is defined in terms of blood levels of the active substance achieved within the body at the same rate of uptake and removal. This is actually a pretty high bar to meet.

However, there can be exceptions. People may react differently to the excipient used in the different products. And so, when there is no alternative chemical for treating the same condition, then it has become necessary to allow alternatives to be supplied in addition to the winning brand, and the tender agreements allow for this. And when it's becoming established that a significant proportion of patients have required these alternative brands of the same substance that has been allowed to for an ultimately... it's transitioned from a sole supply tender to a multiproduct tender.

So, I am going to conclude. Sole supply tendering in New Zealand has been vital to maintain an affordability of its national drug plan. While the criticism at its introduction was harsh and loud, most fears did not materialize, and those that did manifest have been inherently manageable.

I want to finish by stressing two points. Providing the flexibility to use appropriate instruments to achieve the Government's objective was key to enabling Pharmac managers and its board of directors to be successful. I think it's important to maintain flexibility in policy prescription. In my view, the question to focus on when considering legislation like Bill 81 is what is the opportunity cost of paying more than you need to for off-patent pharmaceuticals. In New Zealand's case, it was always the ability to fund an innovative pharmaceutical, and thus, the health gains lost as a consequence.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Brougham. Et maintenant, pour une période de 11 minutes, je cède la parole à M. le ministre, qui va débuter les échanges.

M. Barrette : Well, Mr. Brougham, I will address you in English. It is going to be easier for you, and I can understand you correctly. So, even if you have a strong accent, believe me, we have a strong accent in French to. So, we are comfortable together into that. It's not broadcast in French, so that's OK.

Well, welcome to Québec. I don't know if it's the first time for you being here. Is it your first?

M. Brougham (Matthew) : I came in Québec City once before. Beautiful! Beautiful city!

M. Barrette : Beautiful city. It's quite interesting for us for you being here, and address you in that matter. In Québec, we have a long and significant experience into tendering, and group purchasing outside medication. This is most probably the first time that we are engaging in that direction, and during those hearings, that took place during the past two weeks, we've heard a lot of criticism of your model and the likes across the world. And one of the main criticism comes from the fact that, in other people's eyes, it is suggested... And you've addressed that, but I would like you to go into greater details, it is suggested many times that, in your model, often, if not frequently, there are breaks in the chain of supply, and the quality of the medication is, let's say, fluctuating. There is no... or there might be a problem with stability. Not stability of the medication itself, but of the quality level over time. What's your experience in that matter in terms of having stability, in terms of quality, product quality over time and availability? You're probably saying that, in your model in New Zealand, you may have better prices, and nobody disagreed with that, in the past two weeks, everybody agreed on that, I would say, but they are always saying that beware because their model is a dangerous model.

• (17 h 30) •

M. Brougham (Matthew) : Yes, I am fundamentally surprised by that sort of statement, primarily because, as I mentioned and to this day, you will see in Pharmac's annual report and annual reviews statements along the lines that out-of-stock situations in New Zealand are relatively few, right, so they're aren't that many of them. When I was last in the chair as the CEO, I think we had four out-of-stocks in one year. Right? You're having dozens of out-of-stocks here in North America. So, the actual availability, I don't believe that's an issue.

Now, the whole quality issue is again something that we have tended to address repeatedly in New Zealand with respect to the population of New Zealand, but pointing out that these drugs have to meet FDA standards. We're not bringing in drugs that don't meet regulatory approvals that are considered standard approvals around the world. Now, I know that there are sometimes criticism of those... and the criticism of some manufacturers managing to meet those standards when, in fact, their products don't meet those standards. But quite frankly, you know, that's a separate issue that will fix any supply chain in the world, not specifically New Zealand.

M. Barrette : From your experience, this is not a significant issue for your population?

M. Brougham (Matthew) : No issue at all.

M. Barrette : OK. It's often said that your tendering process or your buying process will inevitably reduce the number of drugs made available to the public. Is that a reality or not? Because you said yourself that you will say yes or no when no, it's no, and isn't there some form of limitation of access to certain drugs? No brand names, but generics.

M. Brougham (Matthew) : Yes. It's impossible to deny that when you restrict the budget, when you reduce the budget available for pharmaceuticals, that you end up with reduced choice of pharmaceuticals to patients. So, there are fewer drugs funded in New Zealand, fewer new pharmaceuticals funded in New Zealand than there are in some other jurisdictions. But that's a tradeoff that has to be made, you know. You want some degree of affordability around your drug plan in order to be able to supply other services in the healthcare system. Right? So you make some of these tradeoffs. But again, just to refer to the most recent data, I saw just this afternoon, looking at cancer drugs and comparing New Zealand with Australia, there was an overlap of... you know, 90 % of the drugs were the same. There was a difference where Australia funded, I think, 22 drugs that New Zealand didn't, and New Zealand funded 13 drugs that Australia didn't. You know, the conclusion of that analysis was the difference in outcomes for patients was negligible as a consequence of those differences in access to pharmaceuticals. I mean, I'm not going to argue that somehow mysteriously you can reduce prices, you can reduce the drug budget, and have access to every drug that's available to humankind.

M. Barrette : But would it be fair to say that, at the end of the day, you might have a number of suppliers that are in a smaller number, but in terms of classes, categories, you have the same as everybody else?

M. Brougham (Matthew) : Well, I would... So I would say OK, some drugs are not available. I would say virtually all the suppliers are present in New Zealand, the same suppliers you see here. And actual fact, the prediction around tendering by the industry was that the number of suppliers would diminish over time, and their argument was that would mean that in the longer term you wouldn't have the level competition that you'd expect, and so therefore prices would start to go up again. That never eventuated, and, in fact, we have more off-patent supplies and pharmaceuticals in New Zealand today than you did prior to tender, far more.

M. Barrette : Time is really running too fast, and I want to address as many subjects as possible. When you go to tender, you said — and that was quite interesting to me because we have done that in other fields, and before I have done that personally — you went from going to a small number, even one molecule, a drug at a time, now are you saying that you've moved to a much greater number of drugs to be tendered at the same time. What's your largest number? A bracket. I'm not looking at the specifics, I want just a bracket.

M. Brougham (Matthew) : How many pharmaceuticals?

M. Barrette : Yes.

M. Brougham (Matthew) : Well, it numbers in the hundreds, right? So, the way the tender operates in New Zealand, it's by presentation. So, you tender absolutely every presentation that you want. So, the chemical, the presentation, the strength, the... yes, the way it comes, whether its IV, or capsules, or tablets, you tender off everyone of those things separately. So, you end up with a...

M. Barrette : ...to tender for hundreds of pharmaceuticals at the same time?

M. Brougham (Matthew) : Yes. So, for example...

M. Barrette : And your cycle is always a three-year span?

M. Brougham (Matthew) : Yes. So there's an annual tender, and the tender is... The bid is, if it's accepted, you... the supply period is for three years. So, essentially, there's a rolling tender every year. It's set up so that those three-year periods roll through time. So, if you like, a third of the schedule or the plan is tendered one year, then the other third the next, and the other third the final year, and then it's repeated.

M. Barrette : Are there specific pharmaceuticals for which you didn't go to tender? And why?

M. Brougham (Matthew) : Generally speaking, it's the other way around. You tend to list everything in the tender, but you don't necessarily get a bid for everything, right? And there are some pharmaceuticals that remain in supply that...

M. Barrette : ...no bidders.

M. Brougham (Matthew) : Essentially, but they might be an incumbent who is continued. You know, there's just not the competition.

M. Barrette : I have just over a minute left. One of the issues, I would say, that we are facing in this province — and I understand, and I want you to give us an insight from your part — one of the issues that we're facing is that we have what is called a manufacturing industry here, and they are saying, many people are saying that, in New Zealand, you don't have any, and that's the reason why you're having the possibility or no obstacles to go to tender. Is it really the case?

M. Brougham (Matthew) : Well, New Zealand, when it went to tender, I think, had three... what you would call three off-patent manufacturers in the country, one of which was truly a manufacturer who'd manufacture from raw ingredients, the other two, essentially, were rate packaging, if you like, from... externally. They all remain in the sector. I think it's a reasonable point to make that the context is a little different and that, as a group of elected representatives, you may...

M. Barrette : 10 seconds. Did they survive?

M. Brougham (Matthew) : Say that again.

M. Barrette : Did they survive, those three companies?

M. Brougham (Matthew) : In various forms, yes. In effect, the main one, that was actually a manufacturer from raw ingredients, they've essentially prospered, and not because they were being effective in the New Zealand tender, but they've actually been a very effective supplier internationally. They've really focused their attention internationally.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. We will be now continuing our conversation with our colleague from Rosemont for a period of time of 10 min 30 s.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. Brougham, thank you very much for being here. I hope you'll understand my accent as well.

So there are a few particularities in your model. For instance, you say: One of the keys is that there's a cap, there's a set budget that cannot... you cannot excede that budget, and that the growth of this budget has been of about 3% a year, whereas elsewhere it was more like double digits. That means that, in fact, it creates tension, as you say, in the tendering process because people know that you won't go beyond this budget, but does it mean that the number of different molecules available to patients is lower than elsewhere?

M. Brougham (Matthew) : Yes, I think that's a fair observation, that if you restrict the budget to some extent, you are able to purchase fewer active molecules, fewer new active molecules. I don't think anybody would dispute that.

M. Lisée : So, what is the impact on the health of the people?

• (17 h 40) •

M. Brougham (Matthew) : That's an interesting question and one that's extremely difficult to answer with any scientific validity. But I have to assure you the sky has not fallen in on New Zealander's health. That's all looked after and received... Like I said, in the case of cancer, care that it is virtually indistinguishable from care in Australia, you know, in terms... in the New Zealand context, one of the most relevant comparatives

M. Lisée : A number of drugs available in Australia are not available in New Zealand because they don't fit in the budget, and still the health outcome is the same?

M. Brougham (Matthew) : Very similar, yes. That's because, if you look at new pharmaceuticals, the benefits are often quite small, particularly compared with the alternatives that they might be replacing. To get gains in health from new pharmaceuticals is actually a difficult task.

M. Lisée : You were saying that, in New Zealand, there was only one real manufacturer. So, basically, the concern to have more than one supplier for each drug, for you, it's the world supply that caters for that, so you don't need to have a couple of suppliers in New Zealand. But has it happened that suppliers becoming... would tend higher and higher every year because nobody else would come in the market?

M. Brougham (Matthew) : Look, I don't know the answer absolutely, specifically to that question, but my sense of it would be that that has not happened. And the reason that doesn't happen is because new entrants can come into the market place. So, you have supplies, you have generic supplies in New Zealand that do very well because they are very... to the situation. So, you have some that are bigger than others, but you have a huge range, array of supplies of off-patent pharmaceuticals.

M. Lisée : Well, you are in Oceania, near Asia, and people say: Well, listen, if we open to tenders from health everywhere, we're going to have drugs from India and from China, and quality control will be lacking, and we're going to have trouble with quality. Have you had that?

M. Brougham (Matthew) : No. I mean, there are some issues with some supplies in India. I don't think you are going to... You know, India itself even acknowledges that it has some issues with some suppliers. But there are a lot of very solid, good supplies that come from India, and, in fact, there are a lot of branded manufacturers in Europe and North America who use Chinese and Indian facilities for manufacturing. So, you know, you might say you have a North American product here, but you have to look very carefully at whether, in fact, it hasn't been manufactured in India.

M. Lisée : How long is your patent-protection period?

M. Brougham (Matthew) : Slightly shorter than elsewhere.

M. Lisée : Which is?

M. Brougham (Matthew) : I think you have 20 years here, I think, it's 15.

M. Lisée : No, here, it's about 10 years. We used to have 15, now we have 10. How long is it in New Zealand?

M. Brougham (Matthew) : 15, I believe.

M. Lisée : 15.

M. Brougham (Matthew) : Yes.

M. Lisée : Some people said that, given the sole-supplier system, one of the ways for generic drugs to enter the market earlier is for generic manufacturers suing on the patent and successfully getting the right to go generic earlier than would have been the case. And they would only do that if they have a good expectation of being the manufacturer of the generic version and if they feel that their chance of being the sole supplier is less, they will sue less, and so the generic version will come later, and then you'll lose money. What do you say to that?

M. Brougham (Matthew) : It's a very important point. The generic manufacturers do, if you like, ensure that the patent laws are not busted to some extend. And, in North America, you have a tradition of doing that and being done fairly well. In New Zealand, we didn't have a particularly strong tradition of that happening, and so there have been cases where New Zealand, including Pharmac, has tried to take on that role on essentially help generic pharmaceutical companies make sure that patents are not being extended illegally. So, there is the ability to do it that way, you don't have to rely solely on the generic manufacturer to do that. But, for sure, it tends to be an issue. You do need to take account of that.

There are other tools that are used to essentially counter that, if you like, and that has been in New Zealand something that we call the Alternative Commercial Proposal. So, at the point of which you may issue a tender, you issue a document that says: Here is what we're thinking about doing in terms of tendering. At the time that you're getting feed back on that document, you can also receive Alternative Commercial Proposals to essentially prevent the drug from being issued in the tender. This is a means by which the competition in the marketplace can be enhanced before the patent expires. And a lot of... manufacturers have taken advantage of that approach.

M. Lisée : You say that you used to have, as we do, bonuses being given to pharmacists from generic manufacturers. And of course, the tender process just took that away since... And here it's there, it's 15 % capped, as we speak, and the pharmacists say: Well, it's part of our bread and butter. If you take it away, you have to replace it by something else. You took it away. Did you replace it?

M. Brougham (Matthew) : Not immediately, and so that, you know, that would definitely hit in the pocket, no doubt about that. But over time there have been various mechanisms put in place to essentially make the revenue streams more predictable and less subject to fluctuations that are caused by those sorts of events. Well, so, their fees were initially a percentage of the price of the pharmaceutical that they were essentially distributing or dispensing, and that subsequently moved from being a percentage to being more of a fixed fee. So, there are... you know, and sure, essentially, if you do make a bunch of savings by virtue of the... you know, the revenue streams that they are receiving currently, then you do have to give consideration to what... you know how that's compensated for. So, some of the savings you get through the tendering process, you might want to reinvest in that way. That is certainly what happened in New Zealand to some extent.

M. Lisée : We're talking about tender for manufacturing. Do you tender for distribution as well or is distribution out of the tender process?

M. Brougham (Matthew) : No, distribution has been left out of the tendering process to date. It's being flirted with occasionally, particularly at retail pharmacy level, but it's never been proceeded with.

M. Lisée : What is the impediment?

M. Brougham (Matthew) : Well, it's political, essentially. Pharmacists are well organized and have good relationships with politicians. And politicians have been unwilling to go there and to essentially reduce, you know, reduce the number of essentially pharmacists that exist in the country.

M. Lisée : Here, the argument is logistics. Listen, we have, say, three distributors that cater to each 400 pharmacists. If we would, in turn, get the tender, we would have to hire trucks to go from 400 to 1 200, and then back to 400. It's just not doable. Is that not a good argument?

M. Brougham (Matthew) : It's a reasonable argument, and I'm not going to dispute that, but one of the questions, I think, all societies ask themselves about this sort of distribution model is: Are we oversupplied with pharmacists and with dispensaries, essentially? Now, you know... So, there's a point to which you might want to address that question as well, but, you know, it's... I'm not saying these things are easy to address by any means, they have multiple repercussions, and, you know, there are people's livelihoods affected that have to be...

M. Lisée : ...recommend to go in one sweep tender both manufacturing and distribution.

M. Brougham (Matthew) : Well, there are always pros and cons to taking any kind of action like that. So, I mean, you may find that the benefits of that outweigh the costs.

M. Lisée : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. We will now continue with our colleague from Lévis for seven minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, M. Brougham. La Nouvelle-Zélande est un marché différent de celui du Québec, vous l'avez dit. Combien y a-t-il chez vous, pour information, de pharmacies avec lesquelles vous... Sur le territoire, ici, on parle de 1 800 pharmacies communautaires, quel est le marché de la pharmacie en Nouvelle-Zélande? Combien d'établissements y a-t-il?

• (17 h 50) •

M. Brougham (Matthew) : When I left the country four and a half years ago, there were about a thousand pharmacies for 4,5 million people. I think that's roughly similar. And again, when you look at Ontario and you look at British Columbia, I think you see similar sorts of ratios of pharmacies to people.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez expliqué les différences, vous avez adressé les problématiques dont on a parlé concernant les principales critiques adressées au modèle néo-zélandais. La rupture de médicaments, vous l'avez abordée, conséquences pour la santé des patients. Le contexte de la Nouvelle-Zélande et le contexte du Québec, en raison de son territoire, sa configuration, la présence d'un marché important, la présence d'une industrie, ici, manufacturière également font aussi une différence. Il est évident que, donc, c'est un contexte différent ici par rapport à chez vous. Néanmoins, vous nous dites que, selon vous, le principe de l'appel d'offres est possible, il est applicable, il peut donner de bons résultats. Quelles précautions devrait-on prendre par rapport à votre modèle si un modèle d'appel d'offres devait être mis en place au Québec?

M. Brougham (Matthew) : Well, personally, I don't think there's an issue for off-patent pharmaceuticals. I think you've got a sector that could cope with tendering in that area. And, sure, there will be some reductions in revenues, there will be some consequences in terms of profitability, but I believe that, ultimately, that will lead to the exit, and that they may even lead to their strength internationally, so...

But, if you think in terms of a Pharmac-like approach more broadly across Québec more than just a tendering approach, then you know, clearly, because you have an innovative pharmaceutical sector here as well that you want to... that you, even in the past, wanted to support, you've got a decision to make, you have to have some idea in your mind about how much you want to support that versus how much additional benefits you want to get out of your drug plan. So, I mean, you will know, as well as I do, that these things are always trade-offs. There's no exactly right way to go versus the other, and ultimately, you have to find the balance that works for Québec.

M. Paradis (Lévis) : J'aborderai une autre question, une autre critique qui a été émise aujourd'hui même par les manufacturiers, qui disent que l'expérience de chez vous, l'expérience néo-zélandaise — et ça a été quelque peu abordé par les collègues — a provoqué une problématique, c'est-à-dire que beaucoup de médicaments y ont été commercialisés beaucoup plus tard. Et là on parle, pour certains médicaments, de deux ans, de quatre ans plus tard en raison du principe d'appel d'offres. Est-ce que vous confirmez ceci? Est-ce que ça se vit encore?

M. Brougham (Matthew) : I wouldn't say that it's because of the tendering process. So then, I don't believe the tendering process around off-patent pharmaceuticals has that impact. If anything, it does the opposite, it releases funds that can be reinvested. So, actually, you know, comparing one situation with another — tendering, without tendering — you actually have the ability to more quickly fund new pharmaceuticals as they come through the door.

I think what we are talking about is more generally the limitation on the budget that is set for Pharmac that, if that is not... You know, that has grown at a relatively slow rate. So, it does actually mean that one has to be more careful on what is and isn't funded, and so there can be delays in access to newer medicines because of that. In addition, there is potentially a likelihood that access will be granted to a smaller subset of the patient population that's likely to benefit. So, access may be even more restricted than, say, in a country with a much greater rate of growth in the budget. Having said all of that, you know, it's not clear-cut that simply the growth rate in the budget will allow you to buy more because unless you've been very careful with what you pay, you might actually end up paying so much more that you end up being able to buy less, even though your budget is growing at a bigger rate, a faster rate.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. Brougham.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, we will continue with our colleague from Mercier for a period of 3 min 30 s.

M. Khadir : So, really welcome, Mr. Brougham. I'll try to ask my questions in English, you won't need that. Actually, you might know, as we have met before, that the experience of New Zealand was determinant in the choice by our party to formulate a proposal since more than 10 years now. I was at your place in March 2006 to propose to the actual Prime Minister to go along this tendering process because an observator of the industry in Québec wrote about the New Zealand experience in a book that really had a great impact in the beginning of 2000s about the situation of the pharmaceutical industry. I'm really glad to hear that, after 20 years of experience, a lot of the genuine criticisms or worries that were raised by people involved were managed or just didn't materialize. But you also stressed that part of the success is explained by the fact that Pharmac was at an arm's length from the legislative branch, from the Government, and I understand that there are also provisions in the law entouring Pharmac concerning lobbyism.

Could you give me some explanations about lobbyism? And, second, I want to stress again the fact... or explain us what do you do with the distributors because it was not clear.

M. Brougham (Matthew) : So, essentially, during the tender process, once a bid is being lodged in, lobbying is not permitted, so you are not allowed to come and talk to Pharmac about anything that you put in your bid. That would actually mean that your bid would have to be withdrawn, so it is just simply not possible to talk about it once it is in the process. And, more generally... well, not so much provisions, but there is uprighting procedures that essentially try and avoid lobbying when proposals are on the table in front of various committees and boards, etc.

In terms of distribution, so Pharmac is essentially contracting for the supply from manufacturers and suppliers of pharmaceuticals. Those manufacturers and suppliers can chose to distribute the products via any distribution route they want. They can use the wholesale retail distribution network that is... You know, various companies have set up in the country or, indeed, they could set up their own distribution network if they really wanted to. So, those two things are considered completely separate.

M. Khadir : Is there any danger if, at the same time, the government here, in Québec, puts tendering process to suppliers, but also a tendering process to distributors? Is there any danger you foresee? Is it preferable to retain your structure, model or you envisage that there could be a tendering to distributors?

M. Brougham (Matthew) : I would see the two prices as separate and different, right? So, they are not something that you would necessarily want to draw together at exactly the same time. Indeed, I do not think you could even construct an instrument that would, say, do both of them at the same time. I would see them as pretty much separate approaches to dealing with various issues.

I have not examined the consequences in enough detail to really be able to express an opinion as whether or not that is... whether it is risky to do them roughly at the same time. I don't know what potential unforeseen consequences there might be, so I find it hard to really give advice on that.

• (18 heures) •

M. Khadir : You said that the access to the drugs that are reimbursable by the New Zealand drug plan has been impacted, has been reduced, controlled, but does this mean that somebody who is not under the government plan... Because not everybody is ensured by the government in New Zealand. Am I right? Is everybody ensured in New Zealand by the same drug plan?

M. Brougham (Matthew) : Everyone, every New Zealander who is an eligible New Zealander is covered by the Pharmac plan.

M. Khadir : OK. So, the drug plan is universal.

M. Brougham (Matthew) : Yes.

M. Khadir : It's not just a part of the population.

M. Brougham (Matthew) : Correct.

M. Khadir : OK. I see. So, that limits... So the actual number of drugs that are on the New Zealand drug plan are the exact drugs that are available? In other words, somebody cannot pay a drug by its pocket that is not on the formulary?

M. Brougham (Matthew) : They can. They're allowed to privately pitch... Prescribers in New Zealand can prescribe anything they like, whether it's on the plan or not.

M. Khadir : ...on the formulary?

M. Brougham (Matthew) : Yes, correct.

M. Khadir : OK.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. So, thank you very much, Mr. Brougham, for your presence here today at the Quebec National Assembly.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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