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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, February 20, 2019 - Vol. 45 N° 5

Special consultations and public hearings on Bill 2, An Act to tighten the regulation of cannabis


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Directeurs de santé publique

Mme Gabriella Gobbi

Société québécoise du cannabis (SQDC)

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador (APNQL)

Mémoires déposés

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

M. Lionel Carmant

M. Ian Lafrenière

Mme Marilyne Picard

M. André Fortin

Mme Kathleen Weil

M. Sylvain Gaudreault

M. Sol Zanetti

Mme Nancy Guillemette

M. Frantz Benjamin

M. Enrico Ciccone

*          M. Yvon Soucy, FQM

*          M. Antoine Bouffard, idem

*          M. Pierre Châteauvert, idem

*          Mme Julie Loslier, directeurs de santé publique

*          M. Jean-Pierre Trépanier, idem

*          Mme Mylène Drouin, idem

*          M. François Desbiens, idem

*          M. Jean-François Bergeron, SQDC

*          Mme Éliane Hamel, idem

*          M. Ghislain Picard, APNQL

*          M. Jean-Claude Therrien Pinette

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-huit minutes)

Le Président (M. Provençal)  : J'invite les gens à prendre place, s'il vous plaît, pour qu'on puisse débuter. Bon matin.

Nous allons poursuivre nos travaux. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement sur le cannabis.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Dansereau (Verchères) remplace M. Lévesque (Chapleau); M. Lafrenière (Vachon) remplace M. Tremblay (Dubuc); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) remplace Mme David (Marguerite-Bourgeoys); et M. Gaudreault (Jonquière) remplace M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Le Président (M. Provençal) : Non, excusez, M. Arseneau...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) : M. Arseneau reprend sa place, si je comprends bien. Non, mais ça va?

• (11 h 30) •

Le Secrétaire : C'est ça, le remplacement de M. Gaudreault (Jonquière)... M. Arseneau est remplacé par M. Gaudreault (Jonquière). Il va prendre place plus tard.

Le Président (M. Provençal) : En fait, M. Arseneau était la personne désignée, mais il y a toujours un remplacement qui s'est fait par M. Gaudreault, de Jonquière. Et là vous allez être observateur aujourd'hui parce que M. Gaudreault va se joindre à nous. Merci. C'est important de faire la précision.

Auditions (suite)

Cet avant-midi, nous entendrons la Fédération québécoise des municipalités et les Drs Julie Loslier, Jean-Pierre Trépanier et François Desbiens, représentant les directrices et directeurs de santé publique du Québec.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise... C'est la FQM? C'est ça, O.K., Fédération québécoise des municipalités. Parce que j'étais habitué de voir le... Le président est une bonne connaissance. Excusez-moi. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Soucy (Yvon) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, M. le Président, MM., Mmes les députés, merci d'accueillir la Fédération québécoise des municipalités dans le cadre de cette commission parlementaire sur le projet de loi n° 2.

Fondée en 1944 — nous célébrons cette année nos 75 ans d'existence — la fédération est la porte-parole des régions en regroupant près de 1 000 municipalités locales et régionales au Québec. Ce sont quatre municipalités sur cinq et la presque totalité des MRC qui, sur une base volontaire, forment nos rangs. Notre rôle est de faire entendre la voix des régions, de porter les ambitions locales et régionales et de défendre les intérêts des gouvernements de proximité. La FQM constitue donc le plus grand rassemblement du monde municipal au Québec.

Permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent : M. Pierre Châteauvert, directeur des recherches et politiques, Me Antoine Bouffard, avocat à la FQM, et aussi, derrière moi, Me Érika Giroux, également avocate à la FQM.

Si vous le permettez, M. le Président, si c'est possible, je ferais passer peut-être un document, qui est l'outil d'accompagnement que nous avions mis en place pour aider nos municipalités à adopter des réglementations sur l'usage du cannabis.

Depuis le 17 octobre 2018, les municipalités sont devenues des acteurs clés de la mise en oeuvre des lois encadrant la légalisation du cannabis. Bien que la légalisation du cannabis à des fins récréatives découle de la compétence fédérale en matière de droit criminel et que l'usage, la possession, la distribution, la production et la vente de cannabis soient encadrés par le gouvernement du Québec, il n'en demeure pas moins que plusieurs acteurs liés à la légalisation du cannabis relèvent de la sphère municipale. Les municipalités disposent en effet de plusieurs pouvoirs généraux de réglementation, en matière d'urbanisme, de nuisance et de sécurité publique, qui leur permettent d'encadrer la production, l'entreposage, la vente et la consommation de cannabis sur leurs territoires. Ces pouvoirs se retrouvent notamment dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ainsi que dans la Loi sur les compétences municipales.

Au chapitre de la vente de cannabis, la loi québécoise prévoit expressément que la Société québécoise du cannabis est assujettie à la réglementation municipale en matière d'urbanisme et de zonage. Une municipalité peut notamment déterminer les zones où la vente de cannabis est autorisée, pourvu qu'elle permette cet usage dans une zone sur son territoire, comme le prévoit la loi québécoise.

En ce qui a trait à l'usage du cannabis, les municipalités ont le pouvoir d'adopter des règlements pour encadrer la consommation dans les lieux publics sur leurs territoires, tels que les voies publiques, les parcs et les autres lieux extérieurs où peuvent se dérouler certains événements populaires. Les municipalités peuvent ainsi moduler leur réglementation afin de répondre aux préoccupations de leurs citoyens et de refléter la réalité qui leur est propre.

Les municipalités participent également à l'application de la loi en consacrant des ressources additionnelles à la sécurité publique. Elles jouent aussi un rôle d'information auprès des populations et de formation auprès des différents services municipaux.

À la FQM, nous avons fourni à nos membres tout le support nécessaire pour les assister dans l'application de la nouvelle législation. L'équipe a produit trois outils de référence pratiques : une description des pouvoirs réglementaires municipaux en matière d'encadrement, un modèle de règlement pour encadrer l'usage du cannabis et un modèle de politique en matière de drogues, alcool, médicaments et autres substances similaires, à l'égard des employés municipaux. C'est le modèle de règlement qui vous est distribué actuellement. Plusieurs municipalités ont pu s'en inspirer et concevoir leurs propres règlements ou politiques à l'image de leur réalité. Bref, elles ont pleinement assumé leurs responsabilités.

Je dois aussi ajouter que, dans le cadre de notre congrès tenu en septembre 2018, nous avons également tenu un atelier dédié à la légalisation du cannabis et aux mesures à prendre pour assurer un encadrement adéquat dans les municipalités. Notre service d'assistance juridique fournit également de l'information et des conseils auprès de nos membres sur les questions soulevées par la légalisation du cannabis.

Le projet de loi n° 2. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour parler du projet de loi n° 2 déposé par le gouvernement du Québec le 5 décembre dernier. Bien que la nouvelle législation vise avant tout à hausser à 21 ans l'âge légal pour acheter du cannabis, en posséder et en accéder à un point de vente, elle resserre également les règles applicables en matière de possession de cannabis, ce qui a un impact direct sur les pouvoirs réglementaires municipaux.

Loin de vouloir nous immiscer dans le débat entourant l'âge légal de consommation, nous tenons cependant à intervenir concernant les dispositions du projet de loi qui relèvent de la sphère municipale.

Le pouvoir d'adopter des règlements visant à encadrer la consommation de cannabis dans les lieux publics, tels que les voies publiques, les parcs et autres lieux où peuvent se dérouler certains événements populaires, est conféré aux municipalités en vertu des lois précédemment citées. Par le biais de l'article 7 du projet de règlement... du projet de loi n° 2, le gouvernement du Québec s'immisce dans la sphère municipale en introduisant de nouveaux lieux où il sera dorénavant interdit de fumer du cannabis et en les désignant expressément, alors qu'en vertu de leurs compétences les municipalités possèdent déjà un pouvoir d'action à cet égard.

Force est de constater que, dans sa forme actuelle, le projet de loi impose uniformément à toutes les municipalités les mêmes interdictions, et ce, sans égard à leurs réalités respectives et aux préoccupations et besoins de leurs citoyens. En plus de restreindre, voire annihiler le pouvoir réglementaire des municipalités en la matière, le projet de loi rend par le fait même inopérantes des parties importantes des règlements déjà adoptés par bon nombre de municipalités concernant les lieux où la consommation de cannabis est interdite sur leurs territoires. En désignant expressément ces nouveaux lieux où il sera dorénavant interdit de fumer du cannabis, le gouvernement intervient dans une sphère où les municipalités possèdent déjà un pouvoir réglementaire sans égard à la réalité de chaque municipalité, aux préoccupations et aux besoins de leurs citoyens. Le projet de loi vient imposer à toutes les municipalités les mêmes interdictions mur à mur, de Cap-aux-Meules jusqu'à Barraute.

Le respect de l'autonomie municipale. M. le Président, l'autonomie municipale est un principe cher à la FQM et aux quelque 1 000 membres que nous représentons. En juin 2017, la FQM s'est réjouie de l'adoption du projet de loi n° 122 qui reconnaissait les municipalités comme des gouvernements de proximité. Je tiens à rappeler que le monde municipal attendait ce projet de loi depuis plus de 30 ans. Le projet de loi a ouvert un nouveau chapitre dans les relations entre Québec et les municipalités en instaurant une relation d'égal à égal et en établissant la nécessaire collaboration entre les deux paliers de gouvernement pour assurer un réel développement de nos territoires. Les municipalités cessaient enfin d'avoir le statut de créatures de l'État pour devenir de véritables gouvernements de proximité. La FQM adhère toujours à la philosophie qui a sous-tendu ce projet de loi, et nous souhaitons poursuivre le travail en ce sens avec le nouveau gouvernement.

C'est donc dans le respect du principe de l'autonomie municipale que la FQM recommande au gouvernement de retirer les dispositions du projet de loi qui relèvent de la sphère municipale et de laisser les gouvernements de proximité, les municipalités, prendre les décisions qui reflètent leur réalité qui leur est propre.

M. le Président, avant de terminer, je veux aussi attirer votre attention sur le fait qu'en plus d'adopter de nouveaux règlements quant à l'emplacement des points de vente, des zones de production, des lieux de consommation sur son territoire, les municipalités déploient des efforts considérables afin d'informer la population, de faire de la prévention et de mettre en oeuvre la nouvelle législation. Cette situation, vous vous en doutez probablement, engendre des coûts pour les municipalités. Dans le budget 2018‑2019, des sommes ont justement été attribuées aux municipalités afin qu'elles fassent face à ces nouvelles responsabilités. Mais les 20 millions de dollars prévus pour cette année n'ont toujours pas été versés. Les modalités n'ont même pas encore été annoncées près d'un an plus tard. Par conséquent, nous demandons au gouvernement de procéder rapidement au versement de cet argent.

Pour conclure, même si quatre mois se sont écoulés depuis la légalisation du cannabis au Canada, tous les paliers de gouvernement continuent de relever les défis de sa mise en oeuvre. À titre de gouvernements de proximité, les municipalités jouent un rôle clé et souhaitent demeurer des partenaires de premier plan. Nous demandons au gouvernement de continuer à travailler dans le respect de l'autonomie municipale en laissant aux gouvernements de proximité, les municipalités, le soin d'adopter leur propre réglementation. En parallèle, nous demandons au gouvernement d'accélérer le 20 millions prévu au budget 2018-2019.

C'est ce qui conclut notre présentation. Je vous remercie. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal)  : Merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

• (11 h 40) •

M. Carmant : Merci beaucoup. Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui. Merci de vous être déplacés pour nous faire votre rapport, qu'on a beaucoup apprécié.

Je tiens à souligner quand même qu'on parle ici... On ne parle pas nécessairement juste d'un enjeu d'autonomie municipale, mais aussi d'un enjeu de santé. Lorsqu'il est question de santé, nous devons avoir une action cohérente globale et non aléatoire sur l'ensemble du territoire. Puis, nous, ce qu'on veut vraiment, c'est harmoniser la loi, limiter les différences entre les villes voisines et aussi protéger nos jeunes, incluant les adolescents. La fumée secondaire de cannabis, c'est quelque chose quand même incommodant, qui entraîne des problèmes de cohabitation. Et on sait que banaliser le geste de fumer à l'extérieur, comme on a vu avec le tabac, peut causer problème. Donc, l'objectif du projet de loi n° 2 n'a pas changé, c'est protéger nos jeunes.

En ce qui a trait au budget, je veux juste vous dire qu'on a pris note. Les démarches sont en cours, ça devrait se régler.

Quelques groupes, depuis le début, bien, vous inclus, aussi, nous parlent d'inclure un genre de droit de retrait pour les municipalités, ce qui permettrait à une municipalité d'appliquer les règles locales. Si vous aviez la possibilité de mettre l'usage du cannabis dans les villes, quels critères est-ce que vous utiliseriez pour définir ces lieux-là? Est-ce que vous mettriez les lieux actuels ou est-ce que vous pourriez délimiter certaines zones plus précises qui pourraient être homogènes d'un territoire à l'autre?

M. Soucy (Yvon) : Bien, en fait, écoutez, nous, c'est plus par question de principe, là, hein, parce que je pense que la subsidiarité, dans cette question-là, comme je l'expliquais, toute la question réglementaire permettait déjà aux municipalités d'encadrer la consommation de cannabis.

Puis je vous donnerais un exemple. Hier soir avait lieu ma séance du conseil à la MRC de Kamouraska. On a fait un tour de table pour voir où en étaient rendues nos municipalités, puis je pourrais vous dire que nos municipalités s'étaient grandement inspirées de l'outil qu'on vous a distribué, qui leur permettait de faire un choix éclairé dans la production de leurs règlements, si je peux dire. Puis, chez nous, déjà 15 municipalités sur 17 avaient adopté une réglementation. Les deux qui ne l'avaient toujours pas adoptée, bien, c'était parce que... elles l'auraient fait, mais c'est parce que le gouvernement annonçait un projet de loi, donc elles ont décidé d'attendre.

Mais on avait déjà convenu en amont, à la MRC de Kamouraska puis avec notre comité de sécurité publique, d'avoir une réglementation assez... bien, pas «assez», mais une réglementation uniforme. Donc, on s'était concertés pour que la réglementation soit facilement applicable par nos agents de la Sûreté du Québec, évidemment. Donc, les règlements qu'on adoptait correspondaient à notre réalité. Parce qu'il ne faut pas se le cacher, là, la réalité de la MRC de Kamouraska, ce n'est pas la même que le centre-ville de Montréal, là. Puis nous, on représente davantage les milieux ruraux. Donc, la situation est différente. Puis, pour nous, la réglementation, bien, ce que je vous dis, on s'en était accommodés. On avait pris nos responsabilités, puis ça reflétait la réalité de ma MRC. Donc, c'est la réponse que je peux vous donner.

M. Carmant : Une des choses qu'on aimerait stabiliser également, c'est les fluctuations, tu sais, comme certaines... Par exemple, hier, on parlait des places de festival où, certains jours, c'est permis, d'autres jours, ce n'est pas permis. Je sais que, dans les municipalités dont vous discutez, il peut y avoir des festivals de week-end, une semaine. Est-ce que votre affichage serait comme... ou votre légalisation serait temporaire, permanente? Comment vous voyez ça, ce genre de fluctuation incohérente, là, d'une semaine à l'autre ou d'un jour à l'autre, pour l'application de la loi?

M. Soucy (Yvon) : Bien, en fait, comme je vous le disais, on favorisait des règlements uniformes pour qu'ils soient applicables à l'échelle d'une MRC. On est desservis par la Sûreté du Québec. Donc, on comprend que, pour les agents, on ne peut pas avoir une réglementation qui varie beaucoup d'une municipalité à l'autre, sinon c'est difficile de l'appliquer. Puis évidemment ça comprenait les festivals puis une interdiction... écoutez, de mémoire, là, mais une interdiction assez large, là, de consommer du cannabis dans les festivals. Bien, en fait, oui, dans notre proposition de règlement, on disait, à l'article 4 : «Tout lieu extérieur où se tient un événement public, tels un festival, une fête de quartier ou [un] événement de même nature, durant la tenue dudit événement, sous réserve d'une autorisation émise à cette fête par la municipalité.» Donc, il y avait une interdiction générale sous réserve d'une autorisation.

M. Carmant : D'accord. Merci. Puis, à propos des établissements scolaires, est-ce que les lieux devraient être situés à une certaine distance, pour les postsecondaires, ce qui a été modifié par notre loi? Les établissements postsecondaires sont également inclus dans le 250 mètres. Est-ce que ça, ça vous a posé problème dans vos municipalités?

M. Bouffard (Antoine) : Bonjour. En fait, nous, pour le 250 mètres, on ne s'opposait pas tant à votre modification. Nous, on était plus sur l'autonomie municipale, donner les leviers aux municipalités pour adapter l'encadrement de l'usage du cannabis à leur réalité.

M. Carmant : Puis est-ce que vous vouliez continuer avec les mêmes règles que l'on a présentement pour les cigarettes au niveau des lieux publics? C'est bien ce que vous...

M. Soucy (Yvon) : On disait que, de façon générale, ce qui était prévu par la Loi sur le tabac avait du sens.

M. Carmant : Avez-vous eu des incidents ou une augmentation des plaintes au niveau de la sécurité publique depuis les quatre derniers mois? Avez-vous eu des changements?

M. Soucy (Yvon) : Pas à ma connaissance, non.

M. Carmant : Bien, M. le Président, pouvez-vous passer la parole au député de Vachon, s'il vous plaît?

Le Président (M. Provençal)  : Oui. M. le député.

M. Lafrenière : Merci beaucoup de votre visite. Vous avez parlé tantôt d'autonomie du monde municipal. Je viens du monde municipal. Je comprends très bien de quoi vous parlez. Je vais vous parler cependant d'équité puis de cohérence aussi. Alors, je vais me référer au document que vous avez remis. À l'article 4, paragraphe 2°, là, c'est l'ancienne police qui parle, je m'excuse : «Tout terrain qui est la propriété de la municipalité ou de la ville à l'exception d'un trottoir.» Donc, si je comprends bien, il serait permis de fumer du cannabis sur un trottoir?

M. Soucy (Yvon) : Oui, c'est le modèle de règlement qu'on proposait. Si, dans certains territoires de MRC, on souhaitait une interdiction sur les trottoirs, c'était possible aussi, là. Ça, ce n'était pas à prendre à tout prix puis à adopter tel quel, là. On le disait dans le préambule, là.

M. Lafrenière : C'est un guide?

M. Soucy (Yvon) : C'est un guide, absolument, oui.

M. Lafrenière : Justement, si on part du principe que c'est un guide puis que les municipalités peuvent l'adapter, je comprends la plus-value pour l'autonomie municipale, mais vous ne pensez pas que, comme citoyens, on va avoir de la difficulté à se retrouver, à savoir où je peux consommer ou pas? Alors, si je suis dans une grande ville avec des agglos, je marche sur un trottoir, je devrais à certains endroits éteindre pour allumer plus loin. Est-ce qu'il n'y aurait pas un danger?

M. Châteauvert (Pierre) : Si vous me permettez, pas vraiment parce qu'au niveau de... La façon que ça fonctionne en région... En tout cas, sur les territoires de MRC, il y a un comité de sécurité publique où l'ensemble de ces questions sont discutées et il y a une coordination. Comme l'exemple de la MRC de Kamouraska que M. Soucy vient de vous faire état, les gens en ont discuté, lors du comité, avec les gens, et il y a des représentants de la Sûreté du Québec sur ce comité-là pour s'assurer de la cohérence de l'intervention, des interdictions, des permissions, tout ça, et pour que ça soit réellement applicable. Et, à ce moment-là, tu découles l'ensemble des actions pour que ça s'applique puis que ça soit connu des citoyens. Ça fait des années que ça fonctionne comme ça, et on n'a pas de difficulté. Puis les informations qu'on a de la façon que ça se passe sur le territoire, c'est que ça va bien, là, il n'y a pas de problème.

M. Lafrenière : On parle d'une nouvelle substance. Vous dites que ça fait des années, mais on va remettre ça en contexte.

M. Châteauvert (Pierre) : Oui, oui. Non, non, c'est ça, mais sauf qu'il y a une... Ça se base sur une expérience. Il y a une expérience de tout ça, de collaboration...

M. Lafrenière : Quand vous parlez d'applicabilité, puis on va faire un parallèle avec un autre psychotrope qui est l'alcool, vous savez qu'il est interdit de consommer de l'alcool sur un trottoir, ça fait qu'on ferait comme deux... Ça serait permis de fumer du cannabis mais pas de boire de l'alcool. C'est bien ça?

M. Châteauvert (Pierre) : Bien, ça, c'est actuellement les choix qui sont faits, puis il y a une réalité... mais effectivement c'est la réalité.

M. Soucy (Yvon) : Oui, absolument. Dans le modèle de règlement, là, c'était... En fait, c'est à chaque territoire de MRC de décider, là, comment... quelles restrictions dans les lieux publics le territoire de MRC va imposer, dépendamment de ses réalités, là. C'est certain que, dans un territoire plus rural comme ma MRC, bien, les endroits pour en consommer en toute légalité sont plus faciles à trouver qu'au centre-ville de Montréal, là.

Donc, je peux vous dire que chez nous, dans les discussions que nous avions concernant les trottoirs, on était plus portés à l'interdire qu'à le permettre, là, parce que, lors de festivals, évidemment, si les gens se retrouvent sur le trottoir puis consomment du cannabis, il peut y avoir des enfants à proximité, ça peut être un problème, bon. Mais, voyez-vous, nous, c'était une réflexion qui correspondait à notre réalité, là, mais ailleurs ça peut être autre chose, ailleurs où il y a peut-être... parce que chez nous c'est facile de trouver des endroits pour en consommer. Si on légalise le cannabis puis que, finalement, en bout de ligne, le citoyen qui veut en consommer, il n'a plus d'endroit pour en consommer parce que c'est interdit de façon générale un peu partout, ça devient compliqué.

M. Lafrenière : Mais je vous suis puis je comprends. Mais vous comprenez que l'alcool, c'est légal aussi, puis on n'a pas plus le droit de consommer sur le trottoir. Je comprends votre point.

• (11 h 50) •

M. Châteauvert (Pierre) : La démarche, simplement, ce qu'on veut vous dire, c'est qu'il y a un processus, il y a une tradition. Il y a une façon de faire pour intégrer l'ensemble de cette substance-là pour que ça s'intègre puis ça se gère bien dans la vie de la communauté. Et c'est de cette façon-là... Si la communauté juge que... comme M. Soucy vient de le dire, bon, bien, ils vont prendre cette décision-là. Puis, si le législateur dit qu'effectivement, tu sais, bon, l'alcool, bon, on le place au même niveau, bien, il y a des orientations... Mais la façon d'arriver, l'important...

Le message qu'on vous lance aujourd'hui, c'est : les communautés, avec l'ensemble des structures, les liens qui se sont créés avec le temps au niveau du comité de sécurité publique dans chacune des MRC, elles sont capables de gérer ces substances-là, gérer cette réalité-là en fonction de leur réalité puis de l'adapter. Et c'est probablement la meilleure façon pour éviter des problèmes sur le territoire puis que la communauté se... Parce qu'à date ce qu'on entend, c'est qu'il n'y a pas de problème sur le territoire, ça va bien. C'est le message qu'on vous dit, c'est qu'à partir du moment où est-ce que, quand on veut... une problématique nationale puis on... Ce qu'on sait, c'est que, quand on décide au niveau national de la façon de gérer quelque chose qui peut se gérer localement, c'est habituellement là qu'il y a un problème qui se glisse dans la gestion. Donc, nous autres, les communautés ont la capacité de gérer cette réalité-là.

M. Lafrenière : Je veux juste revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Je comprends très bien votre autonomie puis je la respecte énormément. Moi, je parle de cohérence. Et vous avez parlé d'alcool. Je vous donne un exemple. Je ne pense pas qu'il n'y ait aucune de vos municipalités qui permette la consommation d'alcool sur un trottoir. C'est la même chose à la grandeur du Québec. Alors, c'est très cohérent, et les citoyens savent comment ça fonctionne.

Et l'autre enjeu qu'on regardait aussi, quand vous parlez de spectacles, de fêtes, on peut créer aussi deux types de personnes. Certaines villes nous ont déjà dit qu'elles étaient pour interdire de fumer du cannabis pour une fête pour enfants, mais pas pour un spectacle de jazz. Alors, on envoie le message qu'il y aurait comme deux droits aussi, là. Les gens qui ont des familles ne pourraient pas aller à ces événements-là. C'est toute une histoire de cohérence qu'on vous questionne aujourd'hui, dans le fond. Comment les gens vont s'y retrouver? Je comprends vos pouvoirs puis je les respecte énormément. Mais, comme je vous dis, dans une autre substance comme l'alcool, je pense que c'est assez clair. Le message est clair à la grandeur du Québec. Les gens savent, peu importe où ils vont, où ils ont le droit ou pas. Je veux juste vous questionner sur le danger... autant que c'est important l'autonomie, mais le danger que ça soit disparate d'un endroit à l'autre.

M. Soucy (Yvon) : Bien, nous, écoutez, on est vraiment sur l'autonomie, là, vous le dites également, là. Puis, sur le fait qu'il faut faire confiance aux élus municipaux, le gouvernement, je pense, a établi une relation de confiance. Puis ce qu'on a entendu du nouveau gouvernement... Le premier ministre est venu nous rencontrer à l'assemblée des MRC, la ministre des Affaires municipales également, puis on a senti ce même discours là également, de faire confiance aux gouvernements de proximité et aux élus municipaux. Puis je pense qu'on est tout à fait capables de prévoir des règlements qui encadrent de façon adéquate la consommation de cannabis sur nos territoires, puis en fonction des réalités de nos territoires. Sur le fond, là, je pense qu'on s'entend. C'est sur le principe, là, sur le principe, c'est une question de subsidiarité. C'est une question de faire confiance aux élus municipaux.

M. Lafrenière : Vous alliez rajouter quelque chose? Je le sentais.

M. Châteauvert (Pierre) : Non, mais, simplement, je voulais vous dire que vous nous sortez un cas, effectivement, d'une municipalité... Bon, dans le cas de la fête pour enfants, et tout ça, je ne sais pas à quelle municipalité vous faites référence. Nous, ce qu'on vous dit puis ce qu'on vous répète, c'est que, globalement, ça va bien puis qu'il y a une tradition pour intégrer ces réalités-là et ces discussions-là. Les gens sont... Les communautés, je pense qu'elles ont démontré un niveau de maturité en fonction de... pour gérer ce genre de problématique là sur le territoire.

Donc, grosso modo, c'est le message qu'on vous transmet aujourd'hui. Qu'il y ait un cas qui sorte un peu de la ligne qu'on... ça arrive dans n'importe... dans tous les dossiers. Mais, très, très, très globalement, l'approche a démontré que ça fonctionne. Les comités de sécurité publique, ça fait presque 20 ans que ça existe dans les MRC. Et donc la coordination sur le territoire se fait et donne des résultats. C'est le message, grosso modo, qu'on veut transmettre.

M. Lafrenière : Encore une fois, vous comprenez mon message. Ce n'est pas dans votre pouvoir, mais c'est vraiment qu'on traite deux substances psychotropes avec deux façons complètement différentes. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Oui, Mme la députée.

Mme Picard : Également, une des demandes passées était que la légalisation du cannabis se fasse à coût nul pour les municipalités. Après quelques mois, depuis le 17 octobre dernier, j'imagine que vous êtes en mesure de nous dire aujourd'hui si la légalisation est à coût nul. Est-ce que vous le savez?

M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, comme je le mentionnais tantôt, il y a des sommes qui ont été réservées au budget. Les municipalités sont toujours en attente de ces sommes-là.

On est beaucoup en amont, hein, en ce qui concerne les municipalités. On travaille beaucoup en prévention, évidemment en sécurité publique, je le mentionnais dans le mémoire, mais en prévention également. Beaucoup de territoires de MRC ont, par exemple, des travailleurs de rue. C'est certain que ça peut adresser de nouvelles problématiques, la légalisation du cannabis, donc peut-être un peu plus de vigilance sur le terrain. Ça fait que comment estimer ces coûts-là? Actuellement, c'est peut-être tôt, là, pour les estimer de façon concrète, mais c'est clair que ça engendre des coûts. J'avais représenté la Fédération québécoise des municipalités au comité sénatorial lorsque le projet de loi était à l'étude, puis c'est ce qu'on plaidait également, là, c'est qu'il y aurait inévitablement des coûts pour les municipalités pour prendre en charge tout l'encadrement, là, que nécessite la légalisation du cannabis. Mais actuellement je ne pourrais pas, malheureusement, vous donner des chiffres, là.

Mme Picard : Avez-vous vu une différence entre les régions au Québec? Ah! c'est fini.

Le Président (M. Provençal)  : Je donne la parole au député de Pontiac, qui est représentant de l'opposition officielle. Monsieur.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Collègues, bonjour à vous. Merci d'être avec nous. Je suis content de vous entendre. Ça fait plaisir d'entendre des gens du monde rural, des gens de chez nous, disons.

Je veux juste... Avant de commencer ma propre ligne de questionnement, en réponse aux questions du député de Vachon par rapport... Vachon ou Verchères? Vachon. Il faisait référence au fait qu'effectivement il peut y avoir deux substances psychotropes dans le contexte actuel, disons, de la loi, avec deux façons de procéder différemment. Donc, il y a des municipalités qui ont permis la consommation sur la voie publique et d'autres municipalités qui ne l'ont pas permis. Bien, dans le contexte où, par exemple, à la ville de Montréal, effectivement, il pourrait ne pas y avoir d'alcool consommé sur un trottoir, mais il pourrait y avoir du cannabis de consommé à l'extérieur, peut-être que le député de Vachon devrait parler à son ministre parce qu'hier le ministre avançait qu'il serait possible, probablement, de consommer des comestibles sur le trottoir mais pas de fumer le cannabis. Alors, peut-être que c'est un peu deux poids, deux mesures, cet argument-là.

Puis en même temps il y a des endroits à l'extérieur... Il y a des endroits où on peut... Si on veut faire la comparaison alcool, cannabis, il y a des endroits où on peut boire de l'alcool. Ça s'appelle des bars. Alors, est-ce que ce qu'on est en train de proposer, c'est d'ouvrir des «pot shops» un peu partout? Moi, je n'ai pas trouvé ça nulle part dans la législation, mais c'est une question qui se pose. C'est l'argument de cohérence, disons, du député de Vachon.

Maintenant, pour en revenir à votre argument principal à vous, j'ai lu votre mémoire, vous parlez beaucoup de respecter le principe de l'autonomie municipale. La demande que les municipalités puissent justement avoir une certaine marge de manoeuvre décisionnelle, à savoir si on peut consommer sur la voie publique ou non, c'est une demande que vous aviez faite dans l'étude du projet de loi n° 157. Expliquez-nous pourquoi c'est important pour vous d'avoir cette marge de manoeuvre là, d'avoir cette décision-là qui vous revient et qui revient aux municipalités.

M. Soucy (Yvon) : Bien, en fait, je pense que je l'ai dit à quelques reprises depuis le début de la présentation, mais on a établi au Québec une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les municipalités, une relation qui est davantage de partenariat. Puis, je l'ai souligné également, on sent que le nouveau gouvernement est également dans cette voie-là. Puis, bien, nous, c'est une question vraiment de subsidiarité. Je les ai nommées, on a des lois qui nous permettent d'encadrer la consommation, la Loi sur les compétences municipales, on a la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme qui permet de définir toute la question du zonage. Donc, on a tous les outils en main, là, pour assurer un encadrement adéquat dans nos municipalités. Donc, par respect de l'autonomie municipale, c'est pour ça qu'on plaide de laisser aux municipalités le choix de régler cette question-là.

Puis, comme je vous le disais, je vous ai donné un exemple, celui de ma MRC, on avait déjà fait nos devoirs, là. On était en voie de terminer nos devoirs. Puis la réglementation que nos municipalités adoptaient venait d'un consensus qui avait été établi au comité de sécurité publique, venait d'un consensus qui avait été établi au sein du conseil de la MRC, où on était unanimes à dire : On doit avoir une réglementation qui est uniforme. Puis par la suite les municipalités locales adoptaient chacune leur règlement. Donc, à quelque part, on prenait nos responsabilités.

• (12 heures) •

M. Fortin : Bien, je vois ça dans votre mémoire, quand vous parlez, entre autres, de l'autonomie municipale, quand vous parlez du projet de loi n° 122. Et là je vais juste citer certains passages parce que je trouve que c'est très parlant. Vous dites : «...la fédération s'est réjouie de l'adoption du projet de loi n° 122 qui reconnaissait les municipalités comme des gouvernements de proximité.» Vous disiez que c'est attendu depuis plus de 30 ans. Vous appelez ça un nouveau chapitre dans les relations entre Québec et les municipalités, que c'est l'instauration des échanges d'égal à égal, que la FQM adhère à la philosophie qui a sous-tendu le projet de loi n° 122, qu'elle souhaite poursuivre le travail en ce sens avec le gouvernement.

Maintenant, on a devant nous un parti politique, la Coalition avenir Québec, qui a voté contre le projet de loi n° 122, qui a voté contre le principe d'autonomie municipale. Et le deuxième projet de loi qu'il présente, le projet de loi n° 2, celui qu'on étudie aujourd'hui sur le cannabis, le maire de Gatineau est venu ici et a dit que ça menait à l'érosion de l'autonomie municipale. Le président de l'UMQ était ici hier et il a dit que c'était inquiétant par rapport à l'autonomie municipale.

Est-ce que, vous, ça vous chicotte un peu qu'un parti qui a voté contre ou quelqu'un... un parti qui est maintenant au gouvernement a voté contre l'autonomie municipale et, dès le deuxième projet de loi, pour citer un maire, fait une atteinte à l'autonomie municipale? Est-ce que vous voyez ça comme ça, vous aussi?

M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, j'ai eu l'occasion de le dire, là, on a reçu le premier ministre en novembre à l'assemblée des MRC. La ministre des Affaires municipales également est venue, même la ministre déléguée au Développement économique. Puis je pense que le message du gouvernement... puis là je ne veux surtout pas faire de politique, je vais essayer d'éviter, mais le message qu'on a entendu du gouvernement était au fait qu'on voulait travailler avec les municipalités puis qu'on reconnaissait l'autonomie des municipalités. Puis, dans ce cas-là, tout simplement, ce qu'on veut rappeler au gouvernement, c'est qu'on est en mesure d'encadrer, selon nous, là... Puis on a fait nos devoirs, la FQM. On a outillé nos municipalités, on est en mesure d'encadrer avec tous... en fait, les leviers qu'on a, le monde municipal, on est en mesure de faire le travail. Puis ce qu'on veut rappeler au gouvernement, c'est qu'on a cette possibilité-là, effectivement.

M. Fortin : O.K. Merci. Un des arguments qui est utilisé par le ministre depuis le début de la consultation particulière, c'est que le modèle actuel permet, disons, des incohérences d'une municipalité à l'autre, c'est-à-dire qu'il y a une municipalité où la consommation est permise sur la voie publique, une municipalité où ça ne l'est pas. Je ne sais pas si c'est comme ça chez vous, mais, moi, la MRC a décidé au complet, chez nous, en bloc, là, donc ce n'est pas vraiment dû à... ça n'arrive pas souvent que tu traverses une ligne entre une municipalité puis une autre puis ça change. Mais quand même l'argument qui est avancé par la Coalition avenir Québec, c'est : Bien, le citoyen ne saura pas nécessairement s'y retrouver. Mais à la limite, si on pousse cet argument-là, bien, il n'y en aura plus, de municipalité, au Québec, parce que vous êtes en charge de toutes sortes de règlements municipaux qui varient d'une municipalité à l'autre, puis le citoyen, dans la grande majorité, il sait s'y retrouver. Quelqu'un qui habite sur la rive sud, quand il arrive à Montréal, il sait qu'il n'a pas le droit de tourner à droite au feu rouge.

Donc, vous, est-ce que vous voyez ça comme un problème, le fait que d'une municipalité à l'autre il puisse y avoir un règlement différent? Puis est-ce que vous pensez que ça peut mener à d'autres projets de loi comme ça, où on pourrait justement dire : Bien, il y a une incohérence entre les municipalités, il faut régler ça?

M. Soucy (Yvon) : Écoutez, moi, je pense que tout ça, à l'usage, là, l'usage du règlement, je parle, là, on va... Je pense que les citoyens... puis comme pour n'importe quel règlement municipal, là, les citoyens vont savoir qu'est-ce qui s'applique, qu'est-ce qui ne s'applique pas. Puis il y a une question de gros bon sens. Je l'ai dit tantôt à votre collègue, sur le fond, là, je pense qu'on se rejoint puis je suis certain qu'on se rejoint tous ici.

Nous, on vient défendre ici un principe, qui est l'autonomie municipale, puis le fait qu'on avait en main tous les leviers pour encadrer adéquatement. Puis est-ce que tous les règlements municipaux au Québec sont uniformes dans toutes les sphères d'activité? Non, hein? C'est différent d'une municipalité à l'autre, puis le citoyen s'adapte.

Maintenant, on a des outils qui facilitent la prise de connaissance des règlements. Internet en est un bon, puis tous les médias sociaux. Donc, je pense qu'on a tout ce qu'il faut, là, pour faire connaître nos règlements à notre population.

M. Fortin : Très bien. Je vous remercie. Je crois que ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce a des questions, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je cède la parole à madame...

Mme Weil : Oui. J'aimerais vous entendre sur vos citoyens jeunes adultes entre 18 et 21 ans, et l'application de la loi vis-à-vis cette tranche de la population, qui sont vos citoyens sur votre territoire. D'ailleurs, s'il y a bien un gouvernement de proximité, c'est le milieu municipal, qui connaît ses citoyens, qui a des rapports directs avec eux de façon quotidienne.

Hier, on a entendu l'Union des municipalités. La ville de Montréal, ça a été un enjeu, Gatineau aussi, la ville de Gatineau, par rapport à la difficulté d'application, mais aussi des risques de profilage. On ne sait pas trop quel âge ils ont, ils sont tous ensemble, ils sont... mais c'est des adultes, c'est des jeunes adultes. Dans nos lois, ils sont traités comme des adultes, ils peuvent voter, etc.

Est-ce que vous avez réfléchi à cette question? C'est quoi, votre opinion là-dessus? Je vois que vous ne voulez pas trop vous prononcer, parce que vous voyez ça peut-être comme un enjeu de développement du cerveau, etc. Parce qu'il y a deux angles. Un, c'est des experts du cerveau qui parlent de dommages au cerveau, et tout le monde consent sur... tout le monde est d'accord avec la science. Mais quelle est la meilleure façon de protéger, donc, par prévention, éducation, sensibilisation... que la ville, évidemment, va être interpelée là-dessus. Donc, juste vous entendre sur cette question.

M. Soucy (Yvon) : Bien, vous voyez, on n'en parle pas dans notre mémoire, puis, pour nous, ça revient au législateur, là, de décider, de déterminer l'âge légal. Nous sommes intervenus sur un sujet qui touchait l'autonomie municipale, donc les lieux où sont permis ou non l'usage du cannabis, donc, nous avons les leviers en main pour l'établir chez nous. En ce qui concerne l'âge légal pour consommer du cannabis, c'est une prérogative du législateur, puis on lui laisse ça.

Mme Weil : Pour les... Excusez-moi, M. le Président. Pour les corps policiers, c'est surtout là où on a entendu la difficulté d'application... qui sont au niveau municipal, de faire cette distinction, c'est toute la question d'applicabilité d'une loi. Vous, dans vos consultations, ça n'a pas été soulevé, cette question, ou vous, vous ne le soulevez pas comme un enjeu? Vous vous sentez à l'aise à être capable de gérer cet aspect-là?

M. Soucy (Yvon) : Oui. Bien, en fait, les corps policiers, je pense, en ce qui concerne, par exemple, l'alcool, qui est à 18 ans, doivent déjà prendre des dispositions pour voir si la personne à l'âge légal ou non. Donc, pour 21 ans, ça sera la même chose, là.

Le Président (M. Provençal)  : La parole est au deuxième groupe de l'opposition. M. Gaudreault, à vous.

M. Gaudreault : Merci. Merci beaucoup, merci d'être là. Ça fait plaisir. J'étais en point de presse, alors je veux remercier mon collègue des Îles-de-la-Madeleine d'avoir été ici. J'avais lu votre mémoire, alors merci beaucoup.

Je veux d'abord vous entendre sur la question du 250 mètres de distance pour établir une succursale de la SQDC. C'est un des éléments dans le projet de loi du ministre. Est-ce que l'autonomie municipale va jusque-là, selon vous, sur les limites d'établissement, là, de 250 mètres par rapport à un établissement d'enseignement, cégep, université, école, là?

M. Soucy (Yvon) : Je vais laisser mon collègue répondre.

M. Bouffard (Antoine) : Bien, en matière urbanistique, effectivement, dans le fond, on touche à un pouvoir qui aurait pu être géré par une municipalité, en ce sens que les municipalités peuvent gérer l'usage qui est fait à l'intérieur de zones et prévoir des distances via des pouvoirs résiduaires qui leur sont accordés. Mais maintenant, sur l'opportunité du 250 mètres, ce n'est pas quelque chose qui nous a heurtés, de ce que je comprends des consultations.

M. Gaudreault : Donc, vous accepteriez ce bout-là, si on veut, dans votre principe d'autonomie municipale, que la loi fixe au moins le 250 mètres d'un établissement scolaire. Puis, le reste, sur l'interdiction, bien là, je comprends votre point de vue.

M. Châteauvert (Pierre) : Oui, bonjour. Merci. En fait, l'autonomie municipale, effectivement, l'État a quand même le droit, le législateur a quand même le droit de donner des orientations puis de faire des balises minimales dans l'ensemble de la... et c'est la pratique à l'intérieur des lois municipales. Donc, si le législateur dit 250 mètres, et tout ça, bien, nous, on va l'intégrer dans l'ensemble de nos réglementations, et ça ne nous cause pas de problème, là. On l'a regardé, puis ça ne cause pas de problème.

M. Gaudreault : C'est bien. Maintenant, je voudrais savoir, mon collègue de Pontiac a un peu effleuré la question, parce que les plus petites municipalités travaillent beaucoup au niveau des MRC, quelle est la pratique... Est-ce que vous pensez que ça sera des... Par exemple, sur la question de la consommation, là, sur les lieux publics, est-ce que ça sera des mesures de MRC ou de municipalités? Est-ce que, par exemple, on pourrait consommer dans un parc à Saint-Denis-De La Bouteillerie mais pas à Kamouraska?

• (12 h 10) •

M. Soucy (Yvon) : Écoutez, je le disais au début, on privilégie, là, vraiment une réglementation uniforme par territoires de MRC. C'était dans notre document qu'on avait transmis, notre outil qu'on avait transmis aux municipalités, à nos membres, puis c'est comme ça que ça s'est concrétisé à la MRC de Kamouraska. On a convenu tout d'abord en comité de sécurité publique que, pour qu'il soit applicable, on devait adopter un règlement, une réglementation uniforme. Au conseil de la MRC, on a pris cette position-là également. Puis on avait déjà, on a fait le décompte hier, là, 15 municipalités sur 17 qui avaient adopté des règlements. Puis on se serait rendus au compte final... mais des règlements uniformes parce que, sinon, c'est difficilement applicable pour la Sûreté du Québec. On est desservis par la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Provençal)  : La parole va être maintenant au troisième groupe d'opposition, le député de Jean-Lesage. À vous.

M. Zanetti : Merci. Je vais avoir une question, mais je vais faire un léger préambule sur la question de la cohérence, là, parce qu'on questionne si ce n'est pas mieux d'avoir les mêmes lois tout le temps, partout, etc. Moi, ce que je comprends, puis c'est une question qu'on a posée hier à l'UMQ, là, aussi, c'est que, si tout le monde demande un droit de retrait, bien, c'est parce que tout le monde constate qu'il y a des gros problèmes avec l'applicabilité de la loi concernant où on va avoir le droit de fumer du cannabis. Et ça, j'espère quand même que la commission n'aura pas servi à rien puis que, là-dessus, on va être à l'écoute, là, sur le résultat final. Parce que je comprends que, là, laisser ça à 18 ans, vous êtes plus fermes là-dessus, mais, je veux dire, on ne peut pas être juste arrêté puis ne pas écouter sur rien, là, tu sais. Sur cet enjeu-là, il me semble que ce serait bien. Je nourris encore cet espoir.

Ma question est par rapport à l'applicabilité, justement, là, de ces législations-là, parce qu'on sait, les gens vont fumer dans les endroits où ils n'auront pas le droit. Des gens vont les appeler... Puis ils vont appeler qui dans les petites municipalités? Mettons, ils vont appeler la Sûreté du Québec, et, s'ils vont appeler la Sûreté du Québec, est-ce que vous pensez... les échos que vous avez, là, est-ce que la Sûreté du Québec a assez d'effectifs pour aller gérer ces appels-là? Est-ce qu'ils réussiront à les prioriser ou ils vont tout simplement recevoir des appels en disant : Écoutez, il y a des accidents de la route partout, puis arrangez-vous avec vos troubles parce qu'on ne peut pas, là, s'en occuper?

M. Soucy (Yvon) : Bien, je pense que d'où l'importance de réglementations uniformes par territoires de MRC. C'est plus facilement applicable pour les agents de la Sûreté du Québec. Puis, en ce qui concerne les discussions qu'on a eues au comité de sécurité publique chez nous, à partir du moment où on avait un règlement uniforme, la Sûreté n'avait pas de problème à appliquer le règlement.

M. Zanetti : Et est-ce que vous avez eu des gros problèmes depuis le 17 octobre, là, dans les municipalités que vous représentez, des problèmes par rapport à des méfaits liés à la consommation de cannabis dans l'espace public?

M. Soucy (Yvon) : Pas encore, là. Depuis quatre mois, là, on n'a pas... Enfin, à ma connaissance, il n'y a pas d'événements particuliers qui ont été portés à notre connaissance.

M. Zanetti : Donc, à votre connaissance, mettons, là, la santé des enfants liée à la fumée secondaire liée au cannabis dans les lieux publics extérieurs, là, pour l'instant, il n'y a pas de preuve qu'il y a un quelconque problème là, à votre connaissance.

M. Soucy (Yvon) : Écoutez, j'imagine qu'il y a des groupes qui sont plus spécialisés dans les questions médicales qui passeront devant vous, là. Je vais leur laisser répondre à ça, là. Nous, on était ici pour parler davantage d'autonomie municipale.

Le Président (M. Provençal)  : ...secondes.

M. Zanetti : Parfait. Merci d'avoir été là.

Le Président (M. Provençal)  : Excusez-moi. Je remercie les représentants de la Fédération québécoise des municipalités pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 16)

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants des directrices et directeurs de santé publique du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. Merci.

Directeurs de santé publique

Mme Loslier (Julie) : Bonjour, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, merci de nous recevoir. D'abord, je vais présenter les directeurs de santé publique qui m'accompagnent, soit les Drs François Desbiens, de la Capitale-Nationale, Mylène Drouin, de Montréal, Jean-Pierre Trépanier, de Laval, et je suis Julie Loslier, directrice de santé publique de la Montérégie.

Donc, les recommandations qu'on vous présente aujourd'hui ont été entérinées par 15 directeurs régionaux de santé publique. Rappelons qu'en tant que directeurs de santé publique nous sommes nommés par le ministre et nous avons, en vertu de la Loi sur la santé publique, le devoir de veiller à la santé de la population de nos territoires respectifs.

Donc, d'entrée de jeu, soulignons qu'en tant que médecins mais aussi en tant que parents, nous le sommes tous, nous sommes très sensibles aux préoccupations qui ont été soulevées par certains professionnels de la santé, par une part de la population. Vous êtes vigilants à l'égard de la santé des jeunes, nous le sommes aussi. Cela dit, notre formation médicale en santé publique nous amène à nous intéresser aux aspects de la médecine qui vont au-delà des individus qui consultent les services de santé en ayant comme patients l'ensemble de la population. En termes de cannabis, ça veut dire qu'on considère tous les aspects, tous les effets, qu'ils soient positifs ou non positifs, des différentes options d'encadrement.

Pour ce qui est de l'état actuel des connaissances, ce qu'on sait, c'est que les pôles opposés que sont la prohibition et le libre marché amènent le plus de méfaits sur la santé et que ce qu'il faut viser, c'est un encadrement qui est équilibré. C'est dans cette optique que les recommandations de santé publique ont été faites depuis le tout début des processus législatifs et c'est en ayant ça en tête qu'on vous présente nos recommandations aujourd'hui.

Donc, d'abord, les deux premières recommandations concernaient l'âge légal. Lorsqu'il est question de l'âge légal, entre 18 et 21 ans, il convient, selon nous, d'adopter une approche pragmatique. La réalité est qu'une proportion non négligeable des 18, 19 et 20 ans consomme déjà du cannabis. En fait, c'est 40 % d'entre eux. Ce 40 % là, ça veut dire 110 000 jeunes Québécois qu'on laisse entre les mains du marché noir, s'ils n'ont pas accès à une substance légale encadrée.

On ne renie en rien les impacts potentiels sur le cerveau d'une consommation à cet âge-là. Bien au contraire, c'est parce qu'on partage ces préoccupations qu'on a travaillé étroitement au développement du cadre réglementaire qui est actuellement inclus dans la loi québécoise, un encadrement qui tient compte des risques, mais aussi des comportements actuels et qui se fonde sur la prévention et la réduction des méfaits pour cette population.

La loi qui encadre le cannabis vise à transférer les utilisateurs d'un marché illégal à un marché légal, et ça, pour leur offrir l'accès à une substance dont on connaît la composition, en sachant que, sur le marché noir, les taux de THC sont de plus en plus élevés, substance qui est exempte de contaminants qui peuvent être des pesticides, des métaux lourds, qui peuvent être des moisissures, par exemple, et qui est accompagné de conseils pour une consommation à moindre risque. Ça leur évite, par le fait même, d'être en contact avec les vendeurs du marché noir, qui font fort probablement du marketing pour fidéliser leur clientèle en leur offrant des produits qui sont d'autant plus nuisibles pour la santé.

En sachant que les effets délétères sur la santé sont, entre autres, liés à la concentration de THC et à la quantité consommée, nous vous proposons dans le mémoire de restreindre ces deux aspects pour les populations de 18, 19 et 20 ans. La question d'offrir une quantité maximale de THC dans les produits de la SQDC avait fait l'objet d'une recommandation dans notre tout premier mémoire en début de processus. Cette approche ciblée permettrait, selon nous, d'offrir un encadrement supplémentaire pour une population à risque, avec pour effet de mitiger les effets sur la santé du cerveau, en conservant les bénéfices majeurs d'un encadrement légal de la substance.

• (12 h 20) •

Bien sûr, tout comme vous, on est soucieux que les jeunes qui ne consomment pas ne commencent pas à consommer. À cet égard, on dispose d'une panoplie d'interventions en santé publique qui ciblent les déterminants de la consommation chez les jeunes et qui sont adaptées à leur stade de développement. Ces stratégies ont été et continuent d'être éprouvées pour le tabac et pour l'alcool et peuvent être adaptées aux caractéristiques des différentes substances.

D'ailleurs, quelques mots rapides, au passage, sur le tabac et l'alcool, deux substances qui, quand on regarde une hiérarchie des risques, sont démontrées comme étant plus nuisibles pour la santé. On entend parler beaucoup ces temps-ci d'expériences de psychose toxique au cannabis. Il ne faut toutefois pas retourner bien loin en arrière pour se rappeler des cas marquants de jeunes décédés d'intoxication à l'alcool. Ces phénomènes sont malheureusement courants. En fixant l'âge d'accès pour le cannabis à 21 ans, alors que l'âge pour le tabac et l'alcool est à 18 ans, on risque à tort de passer le message que ces deux substances-là sont moins nocives pour la santé. On suggère donc une approche cohérente pour les trois âges et pour ces trois substances qui ont des risques certains, qui diffèrent. Donc, on propose la cohérence.

Je passerai rapidement sur la troisième recommandation, qui concerne l'interdiction de posséder du cannabis sur les terrains d'université et dans les résidences collégiales. Pour les universités, d'abord, puisqu'on suggère de maintenir l'âge d'accès à 18 ans, cette recommandation ne nous semble plus cohérente. Pour les résidences collégiales, étant donné qu'il s'agit de milieux de vie, selon nous, les étudiants majeurs devraient pouvoir en posséder dans les lieux où ils logent.

Quatrième recommandation, la consommation dans les lieux publics. Il nous semble y avoir des enjeux quant au fait d'interdire totalement dans les lieux publics. D'abord, une priorité d'action en santé publique est de s'assurer que les interventions n'engendrent pas davantage d'inégalités sociales de santé, ce qui veut dire que ça ne crée pas plus d'écarts entre les mieux nantis et les moins nantis, écarts qui sont très présents actuellement au Québec. Le fait d'interdire de fumer du cannabis dans tous les lieux publics contribuera forcément à creuser ces écarts, et ça soulève un enjeu éthique, selon nous.

On sait que les populations les moins nanties et les plus jeunes, qui sont principalement... les principaux consommateurs, sont davantage locataires que propriétaires. Or, de plus en plus de propriétaires ont déjà interdit ou interdiront la consommation dans les logements. C'est donc dire qu'une part non négligeable de la société, dont les plus grands consommateurs, risque de se retrouver avec aucun endroit pour consommer légalement. Ça revient également à dire que seuls les mieux nantis qui pourront se payer une maison pourront consommer du cannabis, une substance qui est maintenant légale, sans risquer de préjudice judiciaire.

L'enjeu de la fumée dans l'environnement n'est pas à négliger non plus. La réalité est que la très grande majorité des consommateurs de cannabis le fument. Devant l'interdiction de le fumer en public, le risque est qu'ils fument dans des endroits qui sont moins à la vue, par exemple à l'intérieur des habitations ou dans les voitures, lieux fermés. Or, contrairement à la fumée dans l'environnement extérieur, le fait d'être exposé à de la fumée de combustion à l'intérieur augmente les chances que des tiers, dont des enfants, soient exposés à cette fumée.

On comprend tout à fait la volonté de tout mettre en oeuvre pour ne pas que la norme sociale devienne plus favorable au cannabis. On partage cette volonté-là. On le rappelle, le défi ici est de trouver le juste équilibre entre une approche qui est trop prohibitive et une approche qui est trop permissive. En ce qui concerne les lieux de consommation, cet équilibre nous semble pouvoir être atteint en se collant à la Loi sur le tabac. Il y a des gains immenses qui ont été faits avec le tabac. On le voit, les taux de tabagisme ont diminué beaucoup. Il y a encore des gains à faire, et c'est pour cette raison qu'on assiste, de façon cyclique, à des renforcements de la Loi sur le tabac, renforcements qui s'appliqueraient, par le fait même, au cannabis. Les effets de ces renforcements sont tangibles. On est de moins en moins exposés à de la fumée de tabac dans l'espace public, principalement dans les lieux fréquentés par les jeunes.

Finalement, notre dernière recommandation concerne la localisation des points de vente. Il convient, selon nous, de rappeler qu'un des objectifs de la loi, soit de transférer les utilisateurs du marché illégal au marché légal, ne pourra être atteint que si les commerces sont accessibles. En interdisant l'établissement de points de vente à 250 mètres ou 150 mètres des cégeps et des universités, ça compromet cette accessibilité, particulièrement pour des milieux urbains très denses.

En conclusion, rappelons qu'en tant que directeurs de santé publique notre devoir est de nous assurer que les différents projets ou politiques possèdent le plus grand potentiel pour améliorer la santé de la population, tout en diminuant les risques qu'ils comportent. C'est avec toutes ces nuances que nous avons, collectivement et scientifiquement, réfléchi à cet enjeu complexe qu'est la légalisation du cannabis. Nous saluons votre volonté de vouloir protéger les jeunes, nous la partageons. C'est sur les moyens pour y parvenir qu'il subsiste des divergences.

Le juste encadrement du cannabis sera un défi majeur pour les prochaines années, voire les prochaines décennies. Il faudra non seulement être vigilant, mais il faudra aussi se donner la flexibilité et la sagesse de s'ajuster en cours de route. La loi prévoit heureusement des moyens pour y arriver avec le fonds de prévention et recherche, avec le comité de vigilance. Il y a plusieurs aspects qui vont être à surveiller, notamment la consommation, l'évolution de la consommation chez les jeunes, mais aussi l'évolution de la norme sociale, l'évolution des parts de marché entre le marché légal, illégal et, bien entendu, l'impact de l'arrivée des comestibles, qui nous inquiète au plus haut point. Quelle que soit l'issue des présents travaux de l'Assemblée, en tant que directeurs de santé publique, nous offrons notre sincère collaboration.

Et, pour clore la présentation, soulignons que la réflexion sociétale actuelle autour du cannabis est essentielle. On pense qu'il faut tirer profit des acquis mais aussi des erreurs du passé. En ce sens, l'opportunité de réfléchir d'une façon plus large à nos pratiques à l'égard d'autres substances, particulièrement l'alcool, nous semblerait à saisir dans un proche avenir. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci pour votre exposé. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Carmant : Merci beaucoup de votre présence. Merci beaucoup aussi de votre exposé très clair. Plusieurs nous ont porté le même discours que vous au niveau de la santé publique. L'irrégularité que je trouve, cependant, c'est qu'on semble parler d'application à partir de l'âge de 18 ans, alors qu'on sait que trois quarts de ces personnes qui consomment à 18 ans ont commencé à consommer auparavant, et même, des fois, à l'âge de 11 ans, et on dit que la solution serait de leur donner une concentration progressive de THC qui sera beaucoup plus faible que celle à laquelle ils ont déjà été exposés auparavant.

On entend aussi votre message sur l'importance d'obtenir des substances de bonne qualité, ça, je pense que c'est très important, et de voir comment on peut aller avec les autres substances qui sont illicites. Mais, quand on parle de substances de bonne qualité, comment voyez-vous la légalisation d'autres drogues de rue, par exemple la cocaïne ou l'héroïne? Est-ce que c'est des choses qui devraient être légalisées pour mieux contrôler, dans le même discours que vous avez?

Mme Loslier (Julie) : Je pense que la question de la décriminalisation ou de la légalisation de l'ensemble des drogues est un discours qui dépasse de beaucoup l'objet de la présente commission. On ne peut pas comparer des drogues qui ont un pourcentage d'utilisation, dans la population de jeunes, qui est marginal à une qui est consommée par 31 % des 15-17 ans. Dans cette approche de légalisation où on adopte du pragmatisme, c'est de dire que la prohibition pour cette substance a échoué au fil des années.

Donc, avec un tiers de consommateurs, on ne peut plus seulement avoir une approche de prohibition, il faut penser à une approche de réduction des méfaits. Ce n'est pas le cas avec les autres substances. Je ne dis pas que les réflexions ne doivent pas avoir lieu, mais ça me semble des enjeux qui doivent être distingués.

M. Carmant : D'accord. J'aimerais passer la parole... M. le Président, pouvez-vous passer la parole à la députée de Soulanges, s'il vous plaît?

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée.

Mme Picard : Bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Selon ce que Portage nous a dit, un organisme communautaire, la semaine passée, les jeunes commencent à consommer du cannabis autour de 10, 12 ans. On pense que rehausser l'âge à 21 ans permettrait de retarder cette première consommation. Le rehaussement de l'âge légal a fait ses preuves en matière de tabac et d'alcool à cause de l'élimination de l'effet de la consommation de proximité. Que pensez-vous de ce phénomène de consommation de proximité?

• (12 h 30) •

M. Trépanier (Jean-Pierre) : En fait, peut-être que, M. le Président, on pourrait se permettre de relativiser un peu les propos qui ont été tenus par Portage, dans la mesure où on leur reconnaît une expertise pour l'aide qu'ils apportent aux consommateurs et aux personnes qui ont des problèmes de dépendance. Certainement, l'âge d'initiation, et le patron de consommation, des personnes qui reçoivent des soins à Portage est différent de celui qu'on a dans la population générale. Donc, on ne peut pas partir de ce point-là pour affirmer qu'en moyenne les jeunes sont initiés au cannabis dès l'âge de 10 et 11 ans. On ne nie pas que ça peut être le cas de certains d'entre eux cependant.

Vous me permettrez d'ajouter quelques mots sur la façon dont on obtient des données probantes, hein? Je pense qu'en général on va souhaiter, c'est notre cas, je suis convaincu que vous y êtes attentifs aussi, à mettre en place des mesures en lien avec des données probantes. En matière de consommation de cannabis puis d'expérience au niveau de l'âge légal, nous n'avons pas ces données probantes parce qu'on est dans... je dirais, on est en train d'innover comme société. Il y a eu des expériences ailleurs, mais ces expériences-là, même aux États-Unis, elles sont récentes et elles ont été réalisées dans un contexte, aussi, différent, à certains égards. Alors, on n'a pas d'études qui se sont attardées à l'effet direct de l'âge légal pour le cannabis et leur lien pour l'âge d'initiation. Alors, dans ce contexte-là, on préfère être prudents et y aller avec une approche qui va être la moins prohibitive possible. Parce qu'en fait, dans les faits, rehausser l'âge légal revient à rétablir une certaine prohibition, hein? L'âge légal le plus élevé qu'on a jamais eu, c'est celui qui avait cours avant le 17 octobre dernier.

Mme Loslier (Julie) : Peut-être un petit mot pour la question de la consommation de proximité. Ce qu'on sait actuellement, c'est que le cannabis, pour les jeunes, est plus accessible que l'alcool, ça a été bien démontré par des enquêtes. La question de consommation de proximité, soit des jeunes majeurs qui fournissent des mineurs, s'ils ne les fournissent pas avec des substances acquises à la SQDC... les revendeurs, eux, n'en feront pas de cas et ils vont les fournir. Donc, il faut être très prudent en comparant des substances quand on a une substance qui est très, très présente sur le marché noir actuellement.

Mme Drouin (Mylène) : Et, j'ajouterais aussi, par rapport à l'initiation, l'âge est un facteur, mais loin d'être le facteur prédominant en termes de déterminant de l'initiation chez les jeunes. Lorsqu'on travaille la prévention de l'initiation, on travaille évidemment tout le volet des compétences ou des ressources personnelles du jeune, son soutien, etc., les mêmes qu'on va travailler pour le développement de l'enfant ou pour la persévérance scolaire, dans un contexte aussi de sensibilisation aux substances. Mais les autres facteurs, c'est beaucoup les facteurs autour, ce qu'on appelle les quatre p du marketing, donc le prix, l'emplacement, la promotion du produit et — rappelez-moi le quatrième...

Une voix : ...

Mme Drouin (Mylène) : ...non, pas la promotion — la composition du produit en tant que telle. Donc, les quatre... Et on considère qu'actuellement le projet de loi n° 2, tel qu'il a été adopté en juin dernier, encadre très bien et met des mesures très encadrantes autour de ces quatre éléments-là qui, on le sait... Autour du prix et de la promotion, c'est ce sur quoi souvent les jeunes sont le plus sensibles en termes d'initiation.

Mme Picard : Merci, M. le Président. Je passerais la parole au député de Vachon, si vous permettez.

M. Lafrenière : Merci beaucoup. Merci beaucoup de vous être présentés devant nous, aujourd'hui, et les collègues, devant cette commission qui n'est pas une course à la chefferie.

Première question pour vous. Souvent, on fait le lien entre légalisation et lutte au crime organisé. Parce que, si on regarde les autres substances, les autres psychotropes, on pense à l'alcool, on peut parler de tabac aussi. Dans les deux cas, c'est des substances qui sont légales mais qui sont les plus... qu'il y a le plus de contrebande, présentement. Vous croyez vraiment qu'en mettant l'âge à 18 ans on va couper la contrebande, on va faire en sorte aussi que le crime organisé va vraiment être attaqué? Vous croyez vraiment qu'il y a un lien direct entre la lutte au crime organisé puis la légalisation ou de maintenir l'âge de 18 ans?

Mme Loslier (Julie) : ...moi — si quelqu'un voudra compléter — je ne suis pas une experte de criminologie. Cela dit, j'ai l'impression que tout est une question d'offre et de demande. Les sondages, encore une fois, montrent que les consommateurs, s'ils ont le choix, vont choisir une substance légale et dont la qualité est connue s'ils ont le choix entre une substance de contrebande ou une substance légale. Donc, tout est une question de parts de marché.

Vous nommez l'alcool et le tabac pour la contrebande. On parle des jeunes, actuellement. Personnellement, j'ai trois enfants qui sont en âge d'expérimenter, et de l'alcool de contrebande, dans les écoles ça ne circule pas. Donc, je pense qu'effectivement, avec un marché qui est aussi présent... dans la mesure où une majeure part des consommateurs se tourne vers le marché légal, je ne vois pas comment ça ne pourrait pas affaiblir ce marché-là. Mais, cela dit, je le dis en toute réserve, en n'étant pas une experte de...

M. Lafrenière : Je confirme qu'on met beaucoup de sous pour la lutte à la contrebande de l'alcool et du tabac présentement, et l'ensemble des services de police viennent nous voir pour avoir des sous aussi pour la contrebande du cannabis. Et tantôt j'entendais vos chiffres aussi. Quand vous parlez de 15 à 17 ans, c'est 31 % des jeunes qui consomment. Si on garde la même logique, est-ce qu'on devrait rabaisser l'âge, justement, d'accès à 14 ou 15 ans pour leur donner accès à un cannabis qui serait légal, au lieu de les envoyer sur le marché noir? Parce que, là, je comprends la logique aussi du 18-21. Si on l'applique aux jeunes de 15 à 18 ans, il faudrait leur donner le même accès. Donc, est-ce qu'on leur donne accès à 14, 15 ans, ou, si on ne veut pas faire de profilage, est-ce qu'on leur donne accès, peu importe, à du cannabis?

Mme Drouin (Mylène) : Ça demeure une substance pour laquelle on ne souhaite pas que les jeunes s'initient. Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre aussi. Je pense que de le maintenir au même âge légal que le tabac et l'alcool, l'âge de la majorité, c'est clairement, pour nous, la bonne voie. Par contre, d'intensifier nos interventions de prévention pour réduire l'initiation et faire en sorte que ces jeunes-là s'initient en moins jeune âge.

Puis les effets qu'on a notés sur... Tu sais, toutes les études qui ont été citées, au cours des dernières présentations, autour du cerveau, c'est clair que c'est chez des jeunes qui consomment en bas âge, fréquemment, à de hautes concentrations, et donc c'est vraiment une approche où on doit essayer de réduire ce volet-là. Mais, quand on parle de maintenir à 18 ans, c'est que, les grands consommateurs de 18 à 25 ans, eux, on souhaite, dans le fond, réduire les méfaits parce qu'ils consomment déjà en grande proportion. Donc, c'est deux approches. Et clairement, face à... L'encadrement qui est en place va nous aider, avec les fonds pour la prévention, à intensifier les deux mesures en même temps pour arriver, à une échelle populationnelle, à réduire les méfaits associés au cannabis.

M. Lafrenière : Je posais la question parce que je suis persuadé que, dans vos études, vous avez vu que la consommation décroît avec l'âge. Donc, ce que je vous demandais : Est-ce qu'on devrait le légaliser plus tôt?, ce n'était pas anodin, là, c'était... Vous comprenez?

Mme Drouin (Mylène) : Oui, oui, oui.

M. Lafrenière : Il y a plus de jeunes qui consomment, et plus l'âge avance, moins ils consomment, selon les études qu'on a.

Mme Loslier (Julie) : Oui, mais aucunement dans nos recommandations.

M. Lafrenière : Ce n'est pas dans la recommandation?

Une voix : Non, pas du tout.

M. Lafrenière : Merci beaucoup.

M. Carmant : ...la députée de Roberval?

Le Président (M. Provençal)  : Oui. Madame.

Mme Guillemette : Merci. Merci d'être présents aujourd'hui. Donc, depuis le début, l'objectif du projet de loi, pour nous, c'est de protéger les jeunes et de retarder le plus possible l'épisode de première consommation. Donc, dans cette optique, nous, on a décidé d'interdire les points de vente à proximité des établissements, à 150 mètres, Montréal, et 250 le reste du Québec, donc, et c'est ce qui était dans l'ancien projet de loi. Nous, on veut inclure à ça également les cégeps et les universités. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cette mesure, considérant que présentement il y a des drogues illégales, déjà, sur les campus? Parce que, bon, on ne se fera pas de cachette avec ça. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là?

Mme Drouin (Mylène) : Bien, il est clair que... Bien, moi, je vais parler aussi pour le contexte urbain. Parce que l'application du 150 mètres ou du 250 mètres, dans certains milieux, ne va pas poser du tout problème, là, en tant que tel. Mais, en contexte urbain, quand l'objectif, donc, d'amener ces jeunes consommateurs, de les sortir du marché illicite vers le marché licite, donc les amener vers la SQDC... Donc, on doit s'assurer d'une certaine accessibilité aux produits.

Donc, c'est sûr qu'à Montréal, quand on regarde le 150 mètres et qu'on inclut les cégeps et les universités, il n'y a pas de succursale, à peu près, au centre-ville, parce qu'on a des cégeps, des universités, des universités avec plusieurs pavillons, qui fait en sorte que, si en plus on cumule avec les écoles secondaires, les écoles primaires et les CPE, c'est de dire : Bien, on va mettre nos succursales complètement à des endroits excentriques et donc on va faire en sorte que nos jeunes vont continuer... Parce qu'Émilie-Gamelin, il y a encore beaucoup de... il y en a encore, il y en a encore, tout à fait. Donc, il y a quand même des... Le marché illicite est encore présent près de ces établissements-là. Donc, c'est cet équilibre-là.

Et la ville de Montréal a mis sur pied un comité de travail avec des urbanistes, le SPVM, avec la Santé publique et des chercheurs pour qu'on regarde un ensemble de variables qu'on va mettre en place pour essayer de voir comment va se développer l'emplacement des succursales. Et, quand je disais tout à l'heure «les quatre p», bien, il y a un défi, c'est l'emplacement. Donc, on a la chance, avec le cannabis, de pouvoir réfléchir intelligemment à la façon dont on va disposer les points de vente pour que ça ait une certaine accessibilité mais le moins de méfaits possible. Et je crois que de seulement mettre une mesure et une variable et de ne pas contextualiser ou permettre à chaque milieu de contextualiser, c'est un peu d'enlever cette capacité de développer le réseau de façon intelligente pour réduire les méfaits à l'échelle des populations.

Mme Guillemette : Merci. Donc, si on assouplit la loi sur les lieux publics, comment pensez-vous que les villes vont gérer le problème de cohabitation avec les utilisateurs et les non-utilisateurs, et dans l'optique aussi qu'il y aura des jeunes, des femmes enceintes dans l'entourage de ces gens-là?

• (12 h 40) •

M. Desbiens (François) : En ce qui concerne les lieux publics, la position que nous avons prise, comme directeur de santé publique, c'est de respecter l'orientation pour le tabagisme, vu que c'est deux produits fumés. Et, lorsqu'on l'a fait pour le tabagisme, je le rappelle à tout le monde, on l'a fait parce que la fumée secondaire de tabac est ultranocive pour les gens qui ne fument pas, et ça a été un élément déterminant d'être capable de faire en sorte d'avoir des lieux restrictifs, de plus en plus, où un non-fumeur ne se faisait pas enfumer. On s'est dit : Si on prend la logique que c'est un produit fumé, on se calque sur le tabac et on ajoute d'autres lieux, comme le projet de loi qui est en vigueur présentement, on pense que c'est correct, et ça fait en sorte qu'on a un produit fumé qui... on lui applique les règles du tabagisme.

On sait qu'un fumeur de tabac, là, un bon fumeur, c'est un paquet, un paquet et demi par jour. Quelqu'un qui fume un joint, il ne fume pas 20 joints par jour, là. Moi, je n'en fume pas, moi, là, mais ça a l'air que ce n'est pas ça. Donc là, à ce moment-là, la fumée secondaire, les recherche que l'on a sur l'effet danger à la santé à cause du THC qui serait dans la vapeur puis quelqu'un inhalerait dans un lieu fermé, pas d'évidence pour le THC, mais c'est un produit de combustion, ça peut être irritant, puis ce n'est pas ça qu'on veut dans un lieu fermé. Dans l'espace public, quelqu'un qui fume un joint, à part qu'on n'aime pas l'odeur, pour ceux qui ont un certain âge, ça peut ressembler à des gitanes de l'époque, c'est incommodant, mais ça n'a pas un impact négatif sur la santé des gens autour. Donc, notre position, c'est : si on utilise les lieux restrictifs que sont le tabac, déjà c'est très restrictif et c'est suffisant.

De faire l'analogie, parce que la question me permet d'aller un peu plus loin, avec l'alcool, parce que c'est deux psychotropes, bien, l'alcool, il y a des lieux de consommation fermés. Parce que, si tu prends de l'alcool, bien, tu n'enfumes pas ton voisin, puis, même si lui n'en prend pas, il ne devient pas saoul parce que toi, tu en prends. Donc, on a des lieux fermés. Mais tout produit de combustion dans un lieu fermé, ça ne fonctionne pas.

Donc, si on interdit les lieux fermés pour le tabac et le fumage de mari, on interdit les lieux publics, on interdit les logements locatifs, donc il faut que tu sois propriétaire de ta maison pour pouvoir fumer. Donc, tous les autres, là, ils vont le faire de façon illégale, dans leurs autos, dans leurs logements. Ils vont recevoir des plaintes des voisins, le propriétaire va les expulser, puis c'est les gens jeunes, pauvres, locataires qui vont subir le désagrément de l'impact négatif de gens qui sont incommodés par l'odeur, mais qui n'ont pas l'impact négatif de l'effet du psychotrope, contrairement au tabagisme qui, lui, amenait des problèmes de santé, le cancer du poumon, chez les gens, de la fumée passive de... Donc, on ne peut pas comparer les produits.

Donc, en prenant les lieux interdits du tabac, pour nous, c'est déjà très restrictif, et, à l'air libre, à part une odeur désagréable, ça n'a pas d'impact sur la santé. Notre position, c'est de permettre dans les lieux publics.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais céder la parole au député de Pontiac, représentant... Oui, monsieur.

M. Zanetti : ...si jamais je ne pouvais pas revenir à temps pour poser ma question, est-ce que je pourrais donner mon temps au deuxième groupe d'opposition?

Le Président (M. Provençal)  : Ça prend un consentement.

Une voix : C'est sûr que je consens.

M. Zanetti : Mais je vais essayer de revenir à temps. Je suis vraiment désolé.

Le Président (M. Provençal)  : Mais vous comprenez que ça me prend un consentement?

M. Zanetti : Parfait.

Le Président (M. Provençal)  : Est-ce qu'il y a consentement? La demande du député de Jean-Lesage est à l'effet que, s'il n'est pas revenu pour utiliser son droit de parole, qui est de 2 min 45 s... il demande est-ce qu'il peut céder son temps. Alors, ça me prend un consentement de la part de tout le monde.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va?

Une voix : C'est du «team play».

Le Président (M. Provençal)  : Alors, c'est à l'opposition officielle maintenant.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : S'il vous plaît!

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, merci à vous d'être avec nous pour partager votre expertise médicale avec nous. Parlant de «team play», je veux juste... j'ai entendu de la part de la Coalition avenir Québec, encore une fois, des arguments sur l'importance de la cohérence dans ce projet de loi là. Je veux juste peut-être rappeler aux députés qui sont en face de nous ce qu'ils ont entendu la semaine dernière de la part du ministre, et je vais le citer : «Ça, je vais faire un petit point sur la cohérence. Tu sais, tout le monde pense que la... tout le monde parle de la cohérence, beaucoup, puis de l'importance de la cohérence. Mais, à l'intérieur du Canada, il n'y a pas nécessairement de cohérence, tu sais? Il y [...] a, des provinces, c'est 18[...], 19 ans. Même à l'intérieur du Québec, il y a [beaucoup de] choses qui n'ont pas de cohérence. L'âge de la cigarette, [du tabac]... L'âge pour le consentement médical[...]. Donc, la cohérence, ce n'est pas un point si important que ça.» Fin de la citation du ministre.

Maintenant, je veux revenir à votre mémoire. À la page 7, il y a une figure qui parle des coûts généraux en milliards de dollars par substance et type de coût. Et on voit : coûts en soins de santé, en perte de productivité, en justice pénale et les autres coûts directs associés, à l'alcool, 14,6 milliards; au tabac, 12 milliards; aux opioïdes, 3,5 milliards; au cannabis, 2,8 milliards. Si réellement, comme le gouvernement veut le faire, il veut avoir... Il nous dit qu'il veut avoir un impact positif sur la santé publique, est-ce que, réellement, le premier projet de loi qu'il devrait présenter, c'est celui-là?

Mme Loslier (Julie) : Dans le sens : Est-ce que...

M. Fortin : Si le gouvernement veut avoir un impact maximal sur l'amélioration de la santé publique au Québec, est-ce qu'il nous présente le bon projet de loi?

Mme Loslier (Julie) : Pour un impact global sur la santé publique, on aurait probablement d'autres propositions à faire.

M. Fortin : Très bien. Merci. J'apprécie votre approche. Parce que vous parlez... Quand vous dites... Vous semblez vivre dans le vrai monde, disons. Vous nous dites effectivement, là : Il y a beaucoup de jeunes qui consomment déjà, et, étant donné le nombre élevé de jeunes qui consomment, bien, une approche basée sur la prohibition n'est probablement pas la bonne. On devrait plutôt parler de réduire des méfaits.

Quand je regarde les propositions que vous faites, dans votre résumé : recommandation 1, maintenir l'âge légal pour accéder à un point de vente; recommandation 3, maintenir l'autorisation de possession de cannabis sur les terrains, des locaux, etc.; recommandation 4, maintenir les règles prévues par la loi actuelle en matière de consommation dans les lieux publics extérieurs; recommandation 5, maintenir les restrictions en vigueur pour l'établissement des points de vente, il y a beaucoup de «maintenir» là-dedans. Donc, est-ce que je dois comprendre, de par votre désir du maintien du cadre légal actuel, que vous n'avez pas trouvé un seul point positif dans le projet de loi qui est présenté?

Mme Loslier (Julie) : Avant de répondre directement, je pense qu'il faut se rappeler que le projet... la loi québécoise qui est en place depuis le mois d'octobre a été élaborée au terme d'un processus démocratique qui a duré plusieurs mois et pour lequel des experts de tous horizons ont été consultés. C'est une approche qui permet de concilier l'expertise scientifique de plusieurs acteurs, et on était confortables avec le premier projet de loi.

Maintenant, pour ce qui est des aspects positifs, bien, en fait, une des choses qui est importante, on le disait, c'est de ne pas normaliser. Donc, le message que le produit n'est pas banal, que ce n'est pas un souhait qu'il y ait une augmentation de la consommation, au contraire, c'est un objectif de la loi, même, de ne pas augmenter la consommation, donc, de répéter que ce n'est pas un produit banal, ça, ça nous semble quelque chose de positif, et il va falloir continuer à le faire.

M. Fortin : Alors, on pourrait le répéter, continuer à le dire, continuer à l'exprimer sur toutes les tribunes, mais laisser tomber le projet de loi, et ça aurait un impact positif sur la santé publique.

Mme Loslier (Julie) : Et je crois que, comme on le dit, on était très confortables avec le projet de loi tel qu'il a été adopté en juin dernier, et il y a toute une série de mesures liées au comité de vigilance, à la mise en place de la recherche, de surveillance, de monitorage. Rien ne dit que, dans trois ans, on va vouloir améliorer certains paramètres ou certaines mesures. Mais pour l'instant je pense que l'urgence, c'est d'activer le monitorage, d'activer ces éléments de surveillance là, pour être capables de s'ajuster en temps réel et avec des vraies données québécoises, dans notre contexte, qui vont nous permettre de prendre les bonnes décisions pour la suite.

M. Fortin : Très bien. Je reste dans le cadre du projet de loi, mais j'utilise certaines des paroles du ministre également, dans mon argument, dans ma prochaine question, disons. Le projet de loi fait en sorte que les gens ne pourraient plus fumer sur la voie publique, donc à l'extérieur, disons. Je vous ai entendu, il y a quelques instants, dire que l'impact de fumée secondaire de cannabis est plutôt minimal, disons, sur des gens qui sont à l'extérieur, dehors, dans une certaine proximité. Si le projet de loi va de l'avant comme qu'il est écrit en ce moment, on ne pourrait pas fumer sur la voie publique. Les 60 % de locataires à Montréal, ou du moins en grande partie, ne pourraient pas fumer à l'intérieur, chez eux. Une des solutions que le ministre a avancées, c'est qu'il y aurait des produits comestibles qui seraient disponibles pour ces gens-là. Du point de vue de la santé publique, qu'est-ce qui est mieux : fumer un joint à l'extérieur ou consommer un comestible à l'intérieur?

Une voix : Aucune de ces réponses.

Mme Loslier (Julie) : Oui.

M. Fortin : Qu'est-ce qui est moins pire, disons?

• (12 h 50) •

Mme Loslier (Julie) : Bien, en fait, la problématique des comestibles nous interpelle beaucoup. Contrairement au cannabis fumé, où on a déjà des consommateurs, une grande part de consommateurs, tous les comestibles, on parle en majorité d'un nouveau produit, d'un nouveau marché, il y a des risques d'intoxication. Ça s'est vu aux États-Unis dans les premiers mois, quand il y avait une législation qui était souple sur ces produits-là.

On peut se demander comment on va faire pour empêcher un nouveau marché alors qu'on parle de boissons de cannabis, de jujubes de cannabis. Et on voit que les stratégies de marketing de l'industrie médicale, actuellement, puis des produits, sur le marché noir, comestibles est extrêmement agressive. Donc, d'un point de vue de santé publique, ça nous fait très peur, cette arrivée-là des comestibles. Le fait que ça prend deux heures pour commencer à faire effet, ça dure jusqu'à huit heures, c'est des aspects qu'il ne faut pas négliger.

Donc, il ne faut pas avoir le réflexe facile de dire : Bien, on aime mieux que les gens ne fument pas, ça fait qu'on va encourager les comestibles. Non, au contraire, je pense qu'on a vraiment besoin d'un pas de recul sur les comestibles et être très, très prudent dans la façon dont on introduira ces comestibles-là. Parce que c'est là où je vois, personnellement, le risque de glissement.

M. Fortin : Très bien. Je vous remercie. M. le Président, je crois que le collègue de Viau à une question pour le groupe en question.

Le Président (M. Provençal)  : À vous la parole.

M. Benjamin : Merci. Donc, merci pour votre présentation. Vous savez, comme ancien élu municipal, j'ai toujours été à l'écoute de tout ce qui émanait de la Direction de la santé publique. Je savais que c'étaient des... c'était porteur de cohérence, c'était ancré aussi dans le milieu de vie dans lequel je travaillais. Et je pense qu'aujourd'hui on aurait tort, on aurait tort de ne pas écouter trois directions de santé publique qui viennent nous parler des effets néfastes de tout cela.

Il y a un aspect qui est important pour moi, et puis j'aimerais peut-être vous entendre beaucoup... un peu là-dessus, c'est sur l'aspect du Québec à deux vitesses que pourrait créer un projet de loi comme celui-là, un Québec pour les propriétaires, un Québec pour les locataires. J'aimerais bien vous entendre là-dessus.

M. Desbiens (François) : Bien, disons que, lorsqu'on dit qu'il va y avoir inégalité, c'est qu'on ne veut pas que les gens soient approvisionnés par la mafia ou les Hell's. Puis on sait que la criminalisation de ce produit-là amenait des conséquences aux individus, dossiers judiciaires, amendes et compagnie. À partir du moment que les lieux publics, les lieux fermés... et on ne peut pas consommer n'importe où, les gens vont continuer de fumer.

Les gens, présentement... Le produit est banalisé présentement, depuis... La prohibition a été un échec. Donc, ce qu'il faut faire, c'est que l'approvisionnement soit légal, de qualité. Puis les gens vont continuer de fumer de façon illégale, puis nos policiers vont être responsables d'agir lorsqu'il va y avoir des plaintes. Ce n'est pas vrai qu'ils vont rester immobiles, nos policiers. S'il y a une plainte, ils vont y aller.

Puis des gens... Bien, qui vont être l'objet des plaintes? C'est les jeunes et les pauvres qui sont locataires. Donc là, c'est pour ça qu'on trouve que les gens qui ont leurs maisons, qui sont capables de se payer un chez eux puis de fumer chez eux tranquillement, en sirotant leur vin rouge... Bien là, il n'y a personne qui va se plaindre, puis ils n'auront pas de problème.

Donc, on trouve que, là, les conséquences de judiciarisation, de pénalités, de conséquences financières vont être démesurément sur les groupes moins fortunés et les locataires. On trouve que, là, il y a une inégalité, pas parce qu'on veut que tout le monde fume, mais là les conséquences négatives de fumer vont être disproportionnées chez un groupe plus vulnérable.

M. Benjamin : Merci. Un élément que je retrouve dans votre présentation, que j'ai retrouvé aussi dans plusieurs des autres présentations, c'est : vous insistez beaucoup, et, je crois, avec raison, sur l'importance de la sensibilisation, de l'éducation, de la recherche et de l'accompagnement. J'aimerais que vous partagiez avec nous rapidement votre vision de comment tout ça devrait s'articuler par rapport à la question du cannabis.

M. Trépanier (Jean-Pierre) : Bien, comme on vous le mentionnait, on est dans de l'inédit. On a légalisé depuis peu le cannabis. Et quelques juridictions l'ont fait avant nous, mais c'est quand même une expérience récente. Alors, il faut apprendre de ça ensemble et se donner un cadre qui va nous permettre de bien suivre les effets, des effets qui peuvent être positifs, des effets qui peuvent être négatifs.

On l'a mentionné également, dans la loi actuelle, il y a des mécanismes qui ont été mis en place pour nous permettre de suivre tout cela. On a mentionné le fonds pour la recherche. Ça va être important que des sommes soient dévolues au niveau de la prévention dans le fonds pour la recherche. Il y a très peu de sommes qui sont actuellement dévolues pour la prévention. Ce serait une occasion qu'il y en ait davantage.

Il y a un comité de vigilance qui doit être mis en place aussi, qui va nous permettre d'évaluer si on doit faire évoluer le cadre législatif et réglementaire. On ne pense pas qu'avec les quelques mois qui se sont écoulés depuis octobre on ait le recul nécessaire pour procéder maintenant à une révision du cadre législatif de manière substantielle.

Bien sûr, la loi, c'est une chose, mais il y a tout ce qu'on peut faire. Parce qu'on partage la même préoccupation pour la santé des jeunes et sur le fait que l'âge d'initiation doit être le plus élevé possible. On a renchéri tout à l'heure sur l'importance de mettre en place des programmes qui vont cibler les jeunes dès l'enfance en fonction de leur stade de développement, sur comment ils peuvent résister à la pression des pairs, se développer pour faire des bons choix, et ça, on doit toujours mettre l'accent là-dessus. Et c'est l'ensemble, c'est la synergie de toutes ces mesures-là qui va nous amener, bien, vers, donc, un menu, finalement, équilibré de mesures qui va nous amener vers l'amélioration de la santé de notre population, tout en limitant, là, les inégalités dont on parlait.

Le Président (M. Provençal)  : C'est complet. Merci. La parole est à la deuxième opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci. Alors, ce n'est pas trois DSP, c'est 15 DSP. Alors, c'est encore plus fort, là, c'est un coup de canon gigantesque.

Le premier ministre, tantôt, à la période de questions, il s'appuie énormément sur la science, un peu beaucoup comme le ministre, là, puis là il avait répondu à la cheffe de QS de s'asseoir avec des gens qui ont étudié la science du cerveau. Puis ils vont dire qu'il y a un risque réel de créer des problèmes graves comme la schizophrénie, bon, vous l'avez dit tout à l'heure, quand il y a de la haute consommation, de la fréquence importante et très jeune. Mais, la science, moi, je suis bien d'accord avec ça, là, mais il y a aussi un volet qui s'appelle sciences sociales. Alors, qu'est-ce que vous répondez au premier ministre qui dit : Il faut écouter la science, il faut écouter la science?

Mme Loslier (Julie) : Bien, on répond qu'on est d'accord, hein? Il faut écouter la science, bien sûr. Mais la science dépasse la science biologique des effets, sur le cerveau, d'une substance. Donc, il y a la science qui va étudier l'impact sur une société des politiques publiques, et cette science, elle existe. Les revues qui traitent de cette science existent, et les écrits sont nombreux. C'est sûr qu'en matière de cannabis ça reste à consolider, cette science-là, mais, quand même, on a suffisamment de littérature pour être capable de faire des premiers pas dans une approche prudente où on croit que les risques et les avantages sont bien balancés.

Mme Drouin (Mylène) : Il faut toujours être très vigilant de faire des glissements de la science qui est plus sur de la science fondamentale vers de la science qui est plus au niveau populationnel, donc de faire des inférences ou des liens de causalité qui des fois ne peuvent pas se traduire dans une politique ou dans une... et penser que ça va avoir le même effet à l'échelle des individus.

M. Gaudreault : Ce que font abondamment, visiblement, le premier ministre et le ministre dans ce cas-ci. Vous n'êtes pas obligés de répondre, là, mais c'est mon point de vue.

Lors du projet de loi n° 157, vous êtes venus témoigner. Je n'étais pas ici à ce moment-là, je n'étais pas sur cette commission. Mais on est allés retourner dans votre mémoire. Vous ne parliez pas, à ce moment-là, de la gradation. Et là vous parlez de la gradation. Alors, est-ce que votre pensée a évolué ou c'est juste pour trouver une façon au premier ministre de se sortir de son peinturage dans le coin?

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes pour la réponse.

Mme Loslier (Julie) : En fait, dans notre premier mémoire, qui n'était pas celui qu'on a présenté pour le p.l. n° 157, le tout premier mémoire, ce qu'on suggérait, c'est que, pour tout le monde, pas juste pour les jeunes, les produits de la SQDC aient une quantité maximale de THC pour réduire les effets sur la santé mentale. Bien sûr, ça s'applique plus aux jeunes, mais ça s'applique à tout le monde. Ça n'a pas été retenu. On voit des produits, à la SQDC, qui vont jusqu'à 30 %.

Actuellement, j'aurais de la misère à vous dire est-ce qu'une option est mieux que l'autre. Ce que je peux vous dire, c'est : Que ce soit le maintien du 18 ans ou l'accès gradué, ces deux options-là, pour nous, sont mieux que la prohibition jusqu'à 21 ans. Ça nous semble une position, devant la volonté du gouvernement de renforcer les mesures pour les 18, 19, 20 ans... ça nous semble une mesure...

Le Président (M. Provençal)  : ...concluez, s'il vous plaît.

Mme Loslier (Julie) : ...qui peut être intéressante.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Donc, la conclusion de nos échanges avec la Santé publique sera avec le député de Jean-Lesage.

• (13 heures) •

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation éclairante et formidable. Il y a un des enjeux qui fait l'unanimité, là, à la fois chez les directeurs de santé publique puis aussi chez les municipalités, là, Montréal, Gatineau, l'UMQ et la Fédération québécoise des municipalités, c'est qu'on va créer plus de méfaits si on interdit de fumer dans les lieux publics extérieurs. Et on nous répond : Bien, les gens pourront utiliser des produits comestibles. Et là la question, c'est : Que pensez-vous des produits comestibles? Et pourquoi... Parce que je pense que vous allez exprimer des réticences, là, je présume. Quelles sont vos réticences, peut-être, aux produits comestibles?

Mme Loslier (Julie) : Je pense que vous avez manqué la réponse à cet effet-là...

M. Zanetti : Ah non!

Mme Loslier (Julie) : ...mais je peux la répéter.

M. Zanetti : Bien oui.

Mme Loslier (Julie) : Bien, en fait, ce que je disais, c'est que ça nous inquiétait au plus haut point, l'arrivée des comestibles. On n'est pas dans un marché... Actuellement, c'est vrai que les gens consomment du cannabis, mais les gens le fument. Le comestible, c'est un nouveau marché, on va créer de la demande. C'est des produits qui ont des effets retardés, il y a une dangerosité et il y a un risque de dérive de marketing autour de ces produits-là, comme on l'a vu dans certains pays et comme on le voit autour du cannabis médical. Donc, ça nous inquiète au plus haut point et c'est un dossier dans lequel on souhaite être impliqués comme directeurs de santé publique.

M. Trépanier (Jean-Pierre) : Donc, on ne peut pas penser nécessairement, là, que les gens qui le fument vont décider du jour au lendemain d'utiliser des comestibles parce qu'ils ne peuvent pas le fumer. Ils vont probablement continuer à fumer ailleurs, avec les problèmes que ça va engendrer, et, bien, on va possiblement créer un nouveau marché, donc plus de consommateurs de cannabis. Du moins, c'est le potentiel qu'on y voit.

M. Zanetti : Très bien. Et les problèmes qui sont liés à la consommation à l'intérieur, est-ce que vous estimez que les enfants, qu'on veut protéger, c'est un objectif commun que nous avons... Estimez-vous que les enfants vont être davantage exposés avec une législation qui interdit de fumer à l'extérieur ou avec une législation qui permet de fumer à l'extérieur?

M. Desbiens (François) : Bien, si on interdit de fumer à l'extérieur, les gens vont fumer chez eux, en privé ou dans leur loyer, puis ils vont exposer à de la boucane leurs enfants. Puis ça peut donner des problèmes d'asthme ou de bronchospasmes, tout produit de combustion. Puis, s'il y a un party, puis ils sont huit, neuf à fumer, puis il y a huit, neuf joints, puis les petits marchent à quatre pattes, ils vont fumer la boucane. Donc, ce n'est pas comme des cigarettes dans une auto, mais c'est le même phénomène irritatif. Semble-t-il, il n'y a pas beaucoup de THC dans la fumée secondaire pour faire en sorte que les jeunes qui le respirent à côté vont s'intoxiquer, mais c'est quand même irritatif, c'est un produit de combustion. Donc, si on interdit l'extérieur, ça va être davantage dans des lieux fermés, auto, ou appartement, ou maison.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les directrices et directeurs de la santé publique pour leur contribution à nos travaux.

Je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons poursuivre les travaux. S'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. La Commission de la santé et des services sociaux siège cet après-midi. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je dois rappeler que nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement du cannabis.

Cet après-midi, nous entendrons Gabriella Gobbi, professeure de l'Unité de psychiatrie neurobiologique du Département de psychiatrie de l'Université McGill, la Société québécoise du cannabis et l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador.

Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Gabriella Gobbi. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole, madame.

Mme Gabriella Gobbi

Mme Gobbi (Gabriella) : Bonjour. Merci beaucoup, M. le ministre, pour cette invitation. Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci d'être ici et merci... Bon, j'aimerais donner ma contribution scientifique au débat du cannabis à l'âge de 21 ans.

D'abord, j'aimerais me présenter brièvement et illustrer les motivations qui m'ont poussée à étudier le cannabis et la santé mentale et aussi à considérer la question du cannabis médical. En tant que médecin étranger, j'ai reçu la permission du Collège des médecins du Québec d'exercer la profession de médecin et psychiatre en 2001. En tant que psychiatre, j'ai tout de suite constaté que mes connaissances sur le cannabis étaient insuffisantes et je me sentais impuissante devant la problématique de mes patients liée à cette substance. D'un côté, j'ai rencontré plusieurs jeunes patients souffrant de dépression qui étaient dépendants du cannabis depuis l'adolescence. De l'autre côté, je recevais plusieurs requêtes de patients qui voulaient que je leur prescrive du cannabis pour soigner la maladie mentale, le cannabis médical étant autorisé au Canada et au Québec depuis 2001.

Donc, je me sentais très impuissante et j'ai commencé à faire beaucoup de recherches sur le cannabis, et la dépression, et la santé mentale, aussi sur le cannabis médical. Mais, à l'époque, en 2001, on ne connaissait presque rien. Surtout, on ne connaissait rien des liens entre cannabis, dépression et suicide. En plus, on connaissait très peu aussi concernant le cannabis médical. C'est comme ça qu'avec mon équipe, mon laboratoire de recherche, j'ai commencé à faire des études dans mon laboratoire de psychopharmacologie fondamentale. Et, grâce aussi à l'aide de mes collègues psychiatres et chercheurs — j'ai eu l'occasion de travailler avec les plus grands chercheurs experts du cannabis du monde — j'ai commencé à développer mes recherches.

En synthèse, nos recherches ont porté à la conclusion que le cannabis, c'est vrai, à petite dose, a un effet antidépresseur, un effet relaxant, c'est pour ça que les jeunes aiment beaucoup le cannabis, mais, à plus haute dose, a un effet dépressogène et baisse aussi la sérotonine, qui est le neurotransmetteur du cerveau impliqué dans la dépression.

Plus tard, nous avons aussi donné le cannabis aux rats adolescents et nous avons vu que, pendant l'adolescence, le cannabis est très dangereux, parce qu'à l'âge adulte les rats devenaient déprimés, avec une baisse de la sérotonine cérébrale et une hausse de la noradrénaline. Mais on n'était pas contents de ça. On a aussi fait des recherches chez l'humain. Et juste il y a une semaine, dans la revue JAMA Psychiatry, est sortie une étude de méta-analyse, une grande étude chez les humains, qui démontre que le cannabis, quand il est consommé pendant l'adolescence, à l'âge adulte augmente le risque de 40 % de dépression, 50 % de conduite suicidaire et aussi des tentatives de suicide. Donc, c'est très bien consolidé que le cannabis à l'adolescence à un effet très important sur la santé mentale.

• (15 h 10) •

Mais je viens maintenant à la question pour laquelle je pense d'être invitée ici aujourd'hui, la question de l'âge. Est-ce que le Québec devrait augmenter l'âge légal du cannabis à 21 ans? On pense que le cerveau a un développement, donc, car le cerveau a un développement jusqu'à l'âge de 25 ans, peut-être on devrait augmenter l'âge. Mais, si on veut vraiment répondre à cette question du point de vue scientifique, rigoureux, on doit, en effet, répondre à trois questions.

La première question est : Est-ce que le cerveau est en développement jusqu'à l'âge de 25 ans? Ça, oui, on sait ça depuis... on connaît ça depuis 20 ans. Il y a les études faites aux États-Unis par le Dr Giedd, aussi au Canada par le Dr Paus, qui ont démontré que c'est vrai que le cerveau est en développement pendant l'adolescence, aussi jusqu'à l'âge adulte, presque 25 ans.

La deuxième question qu'on doit répondre : Est-ce que le cannabis interagit avec le cerveau en développement jusqu'à l'âge de 18 ans? Ça aussi, on a plusieurs études qui ont confirmé que le cannabis consommé pendant l'adolescence augmente le risque de maladie mentale, y compris la dépression, comme mon étude a démontré, la susceptibilité à la schizophrénie, le développement de dépendance à plusieurs drogues, la baisse des résultats scolaires, la hausse du taux d'abandon scolaire ainsi qu'un certain déclin neuropsychologique. Il n'y a pas encore une concordance sur quelle est la dose critique pour provoquer des troubles du développement. Mais, dans toutes les études qu'on a analysées pendant notre méta-analyse, on a vu que soit la consommation journalière, mais aussi la consommation hebdomadaire peut avoir des effets long terme sur la santé mentale.

Maintenant, je viens à la troisième question, qui, je pense, est la plus importante : Est-ce que l'âge entre 18 ans et 21 ans est un âge critique? Il n'y a pas beaucoup d'études qui explorent cet âge, mais on a des études. Les études qu'on a sont des études de trajectoire, c'est-à-dire des études qui ont étudié les ados qui fument juste pendant l'adolescence. Les ados qui consomment un peu à l'adolescence, mais après augmentent à 18 ans, quand ils rentrent à l'université, augmentent la consommation de façon exponentielle. Et après on a les personnes qui consomment d'une façon chronique, adolescence et âge adulte, vingtaine, et les gens qui ne consommeront jamais.

Plusieurs études que j'ai présentées dans mon mémoire ont confirmé que les ados ou les jeunes adultes qui augmentent la consommation à 18 ans, 19 ans, 21 ans ou qui maintiennent une consommation chronique sont pires que les jeunes qui arrêtent à la fin de l'adolescence. Donc, même à cet âge-là, 18-21, si on augmente la consommation, si on maintient la consommation chronique, on a des conséquences sur la santé mentale et aussi la santé physique. L'étude de Caldeira rapporte que les consommateurs tardifs, ceux qui consomment à 18 ans, avaient les plus hauts niveaux de demande de soins en santé mentale, physique, et le plus haut nombre de jours d'absence due aux maladies ou aux émotions.

J'ai présenté ici plusieurs études. On a une autre étude aux États-Unis, d'Ellickson, aussi, qui démontre aussi que les jeunes qui avaient augmenté jusqu'à l'âge de 23 ans ont un pronostic pire. L'étude d'Arria aussi montre que le «late-increase group fared worse than the stable groups on several outcomes». Et, comme ça, je pourrais continuer.

On a juste une étude faite au Canada. La plupart des études ont été faites aux États-Unis et en Australie. On a juste une étude faite au Canada, par les Drs Georgiades et Boyle, de McMaster, qui, eux aussi, ont démontré que les ados qui continuent à consommer jusqu'à l'âge de la vingtaine ont un score négatif en santé physique, satisfaction de vie, en années d'éducation et dépression. La dépression était quatre fois plus élevée que les personnes qui n'avaient jamais fumé.

Et donc, ici, j'ai présenté toutes les études qui démontrent ça. Jusqu'à présent, je n'ai trouvé aucune étude qui dit le contraire, qu'entre 18 ans et 21 ans il n'y a pas des effets sur la santé. Si quelqu'un va trouver une étude, je serais très contente. En conclusion, toutes les études de trajectoire démontrent des résultats négatifs concernant la santé mentale et physique ainsi que la qualité de vie des jeunes de 18 ans et plus qui augmentent la consommation du cannabis ou qui maintiennent la même consommation chronique depuis l'adolescence.

Maintenant, j'arrive vers la fin. Maintenant, la demande qu'on doit se poser : La légalisation qui empêche les jeunes de fumer a-t-elle un effet sur le pourcentage de jeunes qui consomment le cannabis? C'est-à-dire, si on met l'âge à 21 ans ou l'âge à 18 ans, est-ce qu'on arrive à diminuer les jeunes qui consomment? La réponse est non, parce que, si vous regardez les données du Colorado, qui a légalisé la marijuana en 2012, et les données de l'État de Washington, même si on met l'âge de 18 ans, les jeunes continuent à fumer. Juste l'État du Colorado, dans les années... dans les derniers deux ans, sont arrivés à faire baisser l'âge des consommateurs de 11 % à 9 % après avoir fait beaucoup de politiques de prévention. Au Colorado, aussi, on a une augmentation des taux de visite aux urgences psychiatriques, cinq fois plus, après la légalisation. Donc, vous voyez que la légalisation, ce n'est pas vraiment la panacée.

Je viens à la fin. Donc, on peut résoudre le problème. La chose critique est faire la prévention. Une loi qui dit de consommer moins entre 18 à 20 ans sans une politique de prévention n'aurait pas de sens. D'autre part, plusieurs études ont démontré que certaines interventions de prévention sont efficaces pour diminuer la consommation des substances...

Le Président (M. Provençal)  : Dre Gobbi, s'il vous plaît... M. le ministre, est-ce que vous acceptez qu'on prenne du temps sur le temps du gouvernement pour que madame termine son exposé ou on arrête l'exposé?

M. Carmant : Non, non, j'accepte.

Le Président (M. Provençal)  : Vous acceptez?

M. Carmant : Oui. C'est important pour nous.

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui. Donc, je propose ici mes recommandations pour résoudre le problème. Donc, avec une politique de prévention, on pourrait vraiment aider les jeunes jusqu'à 18 ans ou jusqu'à 21 ans à consommer moins, mettre en place des programmes d'éducation concernant les effets du cannabis dans les écoles secondaires, les cégeps et les universités, mettre en place des programmes de formation et éducation des parents, augmenter le financement des activités gratuites sportives et récréatives qui n'encouragent pas la consommation de drogues, multiplier les services en santé mentale et toxicomanie destinés aux adolescents et aux jeunes adultes pour consultation, psychoéducation, psychothérapie et suivi psychiatrique, améliorer l'accès aux services de santé mentale et toxicomanie en vue de traiter les personnes qui ont soit un trouble de la consommation soit une maladie mentale, faire une prévention aussi de certaines maladies chez l'enfant, etc.

La dernière chose que je veux dire aussi, ça, c'est la dernière : faire aussi un système de surveillance au Québec. Le meilleur système de surveillance, c'est surveiller les entrées aux urgences psychiatriques et aux urgences en général. Ça, on le sait des études aux États-Unis, au Colorado, en Suisse, partout, ça, c'est la meilleure façon de monitoriser et surveiller les effets du cannabis et aussi les effets de la prévention. Donc, ça, je finis avec ça. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Nous débuterons la période d'échange avec M. le ministre. Et nous avons enlevé le temps qui était accordé à madame. M. le ministre.

M. Carmant : D'accord. Merci beaucoup, Dre Gobbi, pour votre présence aujourd'hui, le mémoire et puis votre exposé, vraiment très clair. Juste pour que les gens comprennent un peu d'où vous venez, pouvez-vous nous expliquer exactement ce que vous faites comme psychiatre neurobiologique?

Mme Gobbi (Gabriella) : Alors, moi, je suis psychiatre. Je travaille dans le service des maladies de l'humeur. Et donc je rencontre plusieurs jeunes qui souffrent de dépression et de maladie bipolaire. Une fois par mois, je passe un week-end aux urgences. Donc, je vois beaucoup de ces jeunes qui souffrent de dépression... le cannabis, psychose du cannabis. Et, en plus, je suis aussi directrice d'un laboratoire de psychopharmacologie où on étudie les effets du cannabis, des antidépresseurs, de la mélatonine, etc., chez les animaux et aussi chez les humains.

• (15 h 20) •

M. Carmant : D'accord. Et pouvez-vous nous parler un peu des patients que vous voyez, comment ils se présentent cliniquement, quel est leur... quelles sont les plaintes, quel est leur devenir à long terme, comment c'est... Est-ce que c'est des gens qui vous voient une fois puis c'est réglé? Comment ça se passe?

Mme Gobbi (Gabriella) : Non, non, non. Je les accompagne, ces jeunes, même pour 10 ans, 20 ans, comme ça. C'est vraiment dramatique parce que, soit l'urgence soit comme clinique extérieure, je vois beaucoup de patients qui souffrent de dépression et fument le cannabis, donc, et c'est très difficile à traiter, ces patients-là, parce que souvent ils ne répondent pas aux antidépresseurs. Donc, on doit travailler fort en équipe, avec des psychologues, infirmières et experts en toxicomanie, pour chercher d'aider les jeunes à diminuer le cannabis, éduquer comment diminuer le cannabis. Et après, quand on diminue le cannabis, on peut éventuellement traiter la dépression.

Mais ce sont des cas extrêmement difficiles, qui demandent beaucoup de personnel. Ce sont des jeunes dans la vingtaine qui passent toute la journée au lit, qui n'arrivent pas à aller à l'université, à finir l'université, qui n'arrivent pas à trouver un emploi, qui n'arrivent pas à trouver un partenaire. Ce sont vraiment des cas extrêmement difficiles. Je dirais que c'est plus difficile traiter un patient dans la vingtaine parce qu'il n'habite plus avec sa famille. Il n'a pas une assurance chômage. Il n'a rien. Ce sont des cas extrêmement difficiles à traiter soit pour la gravité de l'état de santé soit pour l'entourage, parce qu'un patient... Tout le monde, ici, dans la vingtaine, a terminé l'université, a trouvé son premier emploi, a eu sa première maison, comme ça. Ça, ce sont des jeunes vraiment désespérés, désespérés.

M. Carmant : D'accord. Hier, on parlait de l'incidence... et puis la Santé publique nous a suggéré que nous... pas exagérer, mais que nous faisons peut-être de la désinformation quand on dit que le risque de santé mentale, psychose, augmente de 40 % avec le cannabis, parce qu'en fait le risque ne fait que passer de 1 % à 1,4 %. Et, même, on a entendu d'autres personnes dire que c'est à 3 % parce que... pour les jeunes qui consomment beaucoup. Moi, dans ma carrière, j'ai fait carrière à traiter des jeunes qui étaient atteints d'épilepsie, une maladie qui touche 0,5 % de la population, et, pendant les 24 ans où j'ai pratiqué, j'ai vu des milliers et des milliers de familles en détresse. J'aimerais que vous nous expliquiez l'impact, là, de ce 0,4 % sur... Vous, trouvez-vous que c'est...

Mme Gobbi (Gabriella) : Je ne sais pas d'où vient le 0,4 %, mais les gens font beaucoup de confusion entre la schizophrénie et la psychose liée au cannabis. La schizophrénie, c'est ça, le 0,4 % du gain. Alors, qui prend le cannabis développe la schizophrénie juste s'il y a une susceptibilité à la schizophrénie, si sa mère ou sa grand-mère était schizophrène, et donc développe une schizophrénie précoce et plus grave. Mais, la psychose, tout le monde ici peut développer une psychose de cannabis. Si, demain, moi, je vais fumer trois joints, moi aussi, je pourrais développer une psychose. Ça peut arriver à tout le monde. Ce sont des choses un peu différentes quand on parle de schizophrénie et on parle de psychose comme effet secondaire du cannabis.

M. Carmant : Et celui qui développe une psychose, qu'est-ce qui arrive à ce patient-là? Est-ce qu'il a une trajectoire similaire à ce que vous nous avez décrit?

Mme Gobbi (Gabriella) : Non, qui a développé... Par exemple, j'ai vu un patient qui, à Montréal, avait développé une psychose réactive parce que quelqu'un l'avait invité à la maison manger un poulet au cannabis. Il était une personne... un professionnel comme moi, comme vous ici, et il s'est retrouvé cinq jours à l'urgence, en psychiatrie, parce qu'il a développé une psychose. Il avait des hallucinations, complètement déconnecté de la réalité. Après, une psychose réactive de ce type-là, on peut la traiter, et, si la personne n'a pas une susceptibilité pour la schizophrénie, il peut avoir après une vie normale, mais, si la personne était à risque pour la schizophrénie, alors a plus de chances de devenir schizophrène. J'espère que soit claire la distinction.

M. Carmant : D'accord. Merci beaucoup. Pouvez-vous développer un petit peu plus le lien entre consommation de cannabis et risque suicidaire? Ce n'est pas quelque chose qui est très clair pour moi, là.

Mme Gobbi (Gabriella) : Alors, oui, l'étude de méta-analyse que nous, nous avons faite, on avait pris toutes les études qui avaient étudié les jeunes entre 13 ans et 18 ans qui consommaient le cannabis. Après, on allait voir les résultats entre 18 ans et 32 ans en mettant 23 000 personnes ensemble. Et on a vu que qui fumait le cannabis à l'adolescence, même si, avant de consommer, n'était pas déprimé, les parents n'étaient pas déprimés, n'avait pas vraiment un risque, quand même avait un risque accru d'avoir une conduite suicidaire. Donc, quand on a fait cette étude, on a contrôlé pour une dépression prémorbide. On a pris juste les jeunes qui n'étaient pas déprimés auparavant.

M. Carmant : D'accord. Merci beaucoup. Le cannabis a des effets hautement néfastes sur la santé mentale des jeunes. On a compris. Tous les experts, sans exception, sont d'accord, on se doit d'appliquer le principe... Nous, ce qu'on essaie de voir, c'est d'appliquer un principe de précaution à la lumière des faits qui nous ont été soumis. J'aimerais savoir quel devrait être le message à la société, selon vous, face à la consommation de cannabis chez nos jeunes, à la lumière des résultats que vous nous avez présentés.

Mme Gobbi (Gabriella) : Écoutez, ça, on doit le mettre à la première place. Vraiment, la santé des jeunes Québécois et Québécoises, Canadiennes et Canadiens, ça, c'est la chose que... le message que j'aimerais lancer, ça doit être à la première place, au-delà des intérêts des compagnies qui produisent le cannabis ou des gouvernements qui prennent les impôts, vraiment, la santé des jeunes. La santé des jeunes, c'est notre futur. Ici, on joue avec notre futur. Excusez, je suis très émue, mais c'est quelque chose qui me touche énormément.

Après, j'aimerais dire une autre chose ici. Alors, le Canada a décidé, ça, c'est très important, de mettre le cannabis récréatif à 30 grammes. On a la permission d'avoir 30 grammes sans une limite de pourcentage de THC. On peut avoir 10 %, 20 %, 30 % de THC. Ce sont des quantités énormes à donner à un jeune de 18 ans, 19 ans. Pour vous faire un exemple, si vous avez un ami qui souffre de cancer, a des douleurs chroniques, pour la douleur, on donne entre 0,5 gramme et un gramme de cannabis par jour. Donc, on donne à nos jeunes 30 grammes, qui est l'équivalent que prend une personne qui souffre de douleurs liées au cancer.

Donc, pour vous faire une idée des doses, des doses qu'on met dans cette... on a des quantités énormes de THC. On ne peut pas continuer comme ça. Je ne suis pas pour la légalisation ou pour la prohibition, mais je pense qu'entre la légalisation et la prohibition il y a plusieurs lois intelligentes qu'on peut faire, qui répondent aux critères scientifiques, aux critères médicaux qu'aujourd'hui on connaît.

M. Carmant : Quelques-uns nous ont parlé, d'ailleurs, d'augmenter de façon progressive la concentration de THC. Vous, chez les patients... Nous, l'obstacle que l'on voit, c'est que, souvent, c'est des jeunes qui ont commencé à consommer durant l'adolescence. Voyez-vous que ce serait quelque chose d'applicable dans votre population, de reculer et de leur donner une dose plus petite et, progressivement, les laisser augmenter?

Mme Gobbi (Gabriella) : Ah! ça serait très difficile à gérer, très, très difficile à gérer. Par exemple, en Italie, ils ont mis le cannabis léger, 0,3 %, mais 0,3 %... On sait que le cannabis qui n'a pas beaucoup d'effet sur la santé mentale, les conséquences, mais serait très... Je ne sais pas comment on pourrait gérer ça. Mais l'histoire de la concentration, c'est un problème très, très important qui doit être adressé absolument.

M. Carmant : Et pensez-vous que, si on augmente l'âge à 21 ans et qu'on y va avec une campagne d'éducation, et de prévention, et d'intervention également, on pourrait résoudre le problème?

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui, ça, je pense, pourrait aider énormément, plus que mettre une loi à 21 ans. Mais, comme a été déjà proposé par quelqu'un d'autre, mettre une diminution de la concentration chez les jeunes de moins que 21 ans, ça, je pense, pourrait être une solution, oui, et aussi la quantité de grammes par mois, parce que, je répète, 30 grammes, c'est énorme pour un jeune de 18 ans, de 19 ans.

M. Carmant : D'accord. Un autre aspect de votre discours qui est très intéressant pour les membres de la commission ici, je crois, c'est le... Vous parlez de l'impact du cannabis sur le développement du cerveau. Beaucoup a été dit sur l'atrophie : pas d'atrophie, qu'on exagère quand on dit que ça affecte les différentes zones du cerveau. Pouvez-vous nous dire, vous, quelle est votre expérience au niveau des atteintes anatomiques chez vos patients?

• (15 h 30) •

Mme Gobbi (Gabriella) : Bien, écoutez, il a maintenant été publié plus que 30 études d'imagerie cérébrale. Presque toutes les études, à l'exception d'une ou deux, ont démontré que le cannabis apporte une atrophie au niveau du cortex préfrontal, hippocampe, amygdales. Ça, toutes les études publiées jusqu'à présent concordent. En plus, il y a aussi une augmentation de la substance grise dans les autres parties du cerveau. Juste une étude a mis en cause cette question en disant que c'est plus l'effet de l'alcool plus cannabis que le cannabis tout seul.

M. Carmant : D'accord. Et, hier, Dre Bérubé, une neurologue, nous parlait que ces changements-là corrélaient avec des atteintes neurologiques au niveau neurocognitif. Elle parlait de sources de syndrome amotivationnel, etc. Êtes-vous en accord avec... Et vous, avez-vous d'autres symptômes, chez vos patients, que les problèmes psychiatriques?

Mme Gobbi (Gabriella) : Écoutez, malheureusement, le syndrome amotivationnel, j'aimerais beaucoup l'étudier, mais c'est très difficile à étudier parce que le patient consomme la marijuana, alcool, cigarette. Donc, c'est difficile d'extrapoler les résultats du syndrome amotivationnel. Juste pour les gens qui ne sont pas au courant, dans les années 70 était un psychiatre ici, au Québec, qui a observé le syndrome amotivationnel chez les fumeurs de cannabis. Le syndrome amotivationnel est une sorte de dépression où la personne souffre d'apathie, n'a pas de motivation, ne veut pas continuer les études, ne sait pas quoi faire dans la vie. Il y a ces aspects très caractérisés dans la dépression liée au cannabis. Mais aujourd'hui on n'a pas vraiment beaucoup d'études cliniques qui démontrent vraiment la caractéristique de la dépression amotivationnelle chez le cannabis. Mais c'est vrai qu'il y a des études d'imagerie cérébrale qui ont aussi corrélé certaines parties du cerveau aux dysfonctions neurocognitives aussi.

M. Carmant : D'accord. Et, pour les patients que vous soignez, quel est le meilleur traitement que vous leur suggérez?

Mme Gobbi (Gabriella) : Ah! ça, c'est une bonne question aussi. Ça, c'est une bonne question parce qu'encore on n'a pas de protocole pour soigner la dépendance du cannabis et la dépression liée au cannabis. Il n'y a pas vraiment de protocole encore officiel. Ce qu'on fait, on cherche en même temps de baisser le cannabis et cibler la dépression ou cibler la schizophrénie dans les différents cas de maladie mentale. Mais c'est extrêmement complexe, extrêmement complexe. Motiver, aussi, les jeunes à arrêter de fumer, parce qu'il y a une dépendance dans le cannabis, et c'est très différent de la dépendance à l'alcool. La dépendance à l'alcool, si vous ne buvez pas, le lendemain, tout de suite, vous avez des symptômes, comme les maux de tête, vomissements, etc. Le cannabis, comme il reste dans le corps une semaine, dans le cerveau et dans le corps, une semaine ou deux semaines, les symptômes d'abstinence, de sevrage commencent après 10 jours, deux semaines. Donc, même le consommateur ne sait même pas que les symptômes qu'il a sont liés au cannabis. Donc, on doit...

Le Président (M. Provençal)  : ...vous arrêter.

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui. Et le patient... O.K., je dois m'arrêter?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, je dois vous arrêter, je m'excuse.

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Mais le temps...

M. Fortin : Vous pouvez terminer votre réponse sur mon temps, ça me fait plaisir. Ça ne me dérange pas, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Ça vous va? Mais c'est parce que je veux quand même être équitable pour tout le monde.

M. Fortin : Je comprends, mais elle était à mi-phrase, donc si elle voulait compléter...

Le Président (M. Provençal)  : Allez-y, Mme Gobbi .

Mme Gobbi (Gabriella) : O.K. Alors, il faut même éduquer les patients à reconnaître les symptômes de sevrage. Après 10 jours que les patients ne consomment plus, quand il a fait son dernier joint, disons, il commence à devenir irritable, très anxieux, il ne mange plus, il commence à avoir de l'insomnie, des sueurs nocturnes. Et les gens, les jeunes surtout, pensent : Ah! alors, je fume le cannabis, comme ça je me calme, le cannabis me fait du bien, tandis que ce sont les symptômes de sevrage du cannabis. Donc, il faut éduquer les patients à reconnaître les symptômes de sevrage, et ça, ce n'est pas facile non plus, et après l'aider à prendre des médicaments, des traitements pour le sevrage, et porter vers la fin de dépendance.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, je remercie l'opposition. C'est à vous, la parole.

M. Fortin : Merci, Dre Gobbi. Merci d'être avec nous, merci de nous partager votre expertise, tant du point de vue, disons, de ce que vous voyez en salle d'urgence ou de ce que vous savez des effets du cannabis. Et je pense que vous avez été très claire, il y a des effets très directs au niveau de la santé mentale, que ce soit au niveau de la dépression, au niveau du nombre de tentatives de suicide, de la consommation du cannabis. Dans un monde idéal, là, je pense que tout le monde, ici, serait d'accord qu'il n'y en aurait pas de consommation de cannabis. Mais, bon, on ne vit pas dans un monde idéal en ce moment.

Et c'est pour ça que j'étais très intéressé de lire votre mémoire, quand je regarde la partie qui fait référence à est-ce que la légalisation empêche les jeunes de fumer, est-ce qu'elle va avoir un effet sur le pourcentage de jeunes qui consomment du cannabis. Donc, vous, vous vous basez sur des chiffres du Colorado, du Washington, suite à la légalisation dans ces États-là, qui disent essentiellement que, pour des jeunes de 12 à 17 ans... On s'entend que ce n'est pas un produit qui est légal pour ces jeunes-là. Parce que le ministre nous répète régulièrement que lui veut augmenter l'âge à 21 ans pour diminuer la consommation des jeunes dès l'âge de 11 ans. Donc, ce que vous êtes en train de dire, c'est : que ce soit légal ou que ce soit illégal, les jeunes de 12 à 17 ans vont fumer dans la même proportion. C'est ce que je comprends de votre analyse.

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui. Il ne faut pas se créer des illusions, puis on dise : O.K., on met l'âge à 21, alors tous les jeunes vont arrêter de fumer. Ça n'arrivera jamais. Donc, la chose qui peut arriver, de mettre une réduction entre 18 et 21 ans, et après commencer vraiment avec une campagne de prévention. Parce que je trouve scandaleux que, depuis la légalisation en octobre, je n'aie pas vu un tweet, je n'ai pas vu un «Facebook post» qui dit aux jeunes : Consommer fait mal. Donc, il faut vraiment... On est déjà en retard ici, dans ce pays, et on doit commencer le plus tôt possible une campagne de prévention.

Ce n'est pas possible... J'étais invitée dans un cégep de Montréal à parler devant 200 jeunes. Ils ne connaissent rien, ils ne connaissent rien sur les effets du cannabis. Ce n'est pas possible quand on vit en 2019 au Canada, un des pays les plus développés du monde. On a fait la légalisation sans faire la prévention à nos jeunes. C'est scandaleux. Je trouve que... excusez, mais c'est scandaleux.

M. Fortin : Alors, quand vous dites que les jeunes de 18 à 21 ans, s'ils continuent de fumer, c'est néfaste pour leur développement, j'ai bien compris ça. Dans votre présentation tantôt, vous avez dit : Si on fume à 14, 15, 16, 17, 18 et on arrête, ça va être mieux que si on continue à 18, 19, 20, évidemment.

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui.

M. Fortin : Alors, point de vue prévention, la SQDC, dans son mandat, doit faire de la sensibilisation, de l'information, de la prévention. Alors, est-ce que ce n'est pas mieux que les jeunes qui choisissent de consommer se tournent vers la SQDC plutôt que de se tourner vers un revendeur, parce qu'au moins il y aura de l'information qui leur sera disponible, et peut-être que les symptômes que vous décriviez tantôt, qui sont des symptômes de sevrage, vont être mieux compris de la part des utilisateurs actuels entre 18 et 21 ans?

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question.

M. Fortin : La SQDC a un mandat de sensibilisation.

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui.

M. Fortin : Elle le fait pour ses consommateurs qui ont entre 18 et 21 ans. Est-ce que la SQDC peut être un bon véhicule pour faire cette sensibilisation-là?

Mme Gobbi (Gabriella) : Ah! Est-ce que c'est suffisant, c'est ce que vous dites?

M. Fortin : Non, pas «suffisant», mais est-ce que ça peut contribuer positivement, disons, pour rejoindre ces jeunes de 18 à 21 ans là?

Mme Gobbi (Gabriella) : Pour les jeunes, oui, il faut le faire. Dans cette partie d'âge, 18-21 ans, faire la prévention, ça, c'est sûr. Il faut de la prévention, mais aussi je me sens mal qu'un jeune de 18-21 ans peut aller à la — comment elle s'appelle? — SQDC, et acheter 30 grammes de cannabis à 30 % de THC. Ça, je me sens un peu mal à l'aise.

M. Fortin : Très bien. Alors, parlons-en, parce que j'ai trouvé que, dans votre exposé, vous avez fait référence à ce que d'autres groupes nous ont présenté par rapport à l'accès graduel, disons, à certains produits du cannabis. Est-ce qu'il y a une raison, selon vous, comme médecin, comme chercheure, est-ce qu'il y a une raison, sur le développement du cerveau, pour laquelle une personne de 18 à 21 ans n'aurait pas accès à un produit uniquement avec un taux unique de CBD, avec un pourcentage de THC de zéro?

Mme Gobbi (Gabriella) : Alors, cette histoire de CBD, c'est une fantaisie. Maintenant, je suis à la recherche de CBD, pour mes patients, pur, on n'arrive pas le trouver au Canada. On n'arrive pas, alors... Mais ne parlons pas trop des fantaisies, parce que le CBD pur, c'est presque impossible à trouver au Canada.

Le CBD, c'est aussi un médicament approuvé récemment, il y a six mois, par la FDA. Comme tous les médicaments du monde, il a des effets bénéfiques mais aussi des effets secondaires. Parmi les effets secondaires, la FDA — allez sur l'Internet — a mis : suicide et dépression chez l'enfant. Donc, ce n'est pas «realistic» aujourd'hui de parler de CBD à 100 % parce que ce n'est pas disponible. Et aussi cette idée de la protection, que le CBD protège de l'épilepsie, c'est encore une hypothèse, elle n'a pas été vraiment scientifiquement prouvée, surtout chez les humains, donc il faut faire attention.

• (15 h 40) •

M. Fortin : Très bien. Mais la SQDC aujourd'hui vend des produits à différentes teneurs de THC, disons. Donc, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il pourrait y avoir un modèle où les produits à plus faible teneur seraient disponibles pour les gens plus jeunes et les produits à plus haute teneur, pour les gens plus... L'accès graduel auquel vous faites référence, c'est ça?

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui, déjà, oui. Alors, les études. Quand le cannabis... On était en bas de 6 %, 3 %. Comme je vous dis, en Italie, on a légalisé le cannabis à 0,3 %. Ça, déjà, baisser le niveau de THC dans les produits serait énorme, énorme aussi parce qu'aujourd'hui les concentrations qu'on a aujourd'hui dans les marchés légaux et illégaux sont trop, trop...

M. Fortin : Avez-vous fait une analyse de la concentration moyenne dans les produits illégaux? Savez-vous, avez-vous une idée? Parce qu'on nous parle des produits qui sont vendus à la SQDC, des produits à 10 %, 20 %. Est-ce qu'on a une idée? J'imagine que ça varie énormément, mais, dans les produits qui sont vendus illégalement, à quel point ils sont plus nocifs ou plus toxiques qu'un produit moyen vendu à la SQDC?

Mme Gobbi (Gabriella) : Ça, on n'a pas des études, on devrait faire des études comme ça. Mais, dans le marché noir, je sais qu'on trouve tout, et aussi on trouve, hein, m'ont expliqué mes patients, on trouve les feuilles de cannabis où le marché noir met le WIN. Le WIN, c'est un cannabinoïde synthétique très, très puissant qui, dans les autres pays, est interdit. Et donc, dans le marché noir, on trouve vraiment des produits très, très puissants, très dangereux.

M. Fortin : Très bien. Je vous remercie. Je crois que mon collègue député de Marquette a des questions, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Oui, allez-y.

M. Ciccone : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Dre Gobbi. Ce que je crois comprendre dans votre mémoire, c'est que... puis même ceux qui vous ont précédé, de façon unanime, là, l'aspect coercitif, si on monte ça à 21 ans, on a pas mal tous le même message, là, ça ne fonctionne pas. Les jeunes, déjà, consommaient du cannabis, le faisaient avant le 17 octobre dernier. Les études présentement, là, ça ne fait pas assez longtemps pour être capable de colliger les statistiques.

Cependant, ce que je crois comprendre, là, c'est qu'avec les recommandations que vous faites vous voyez l'importance de trouver des moyens autres que coercitifs pour réduire la consommation. Entre autres, je vais en lire une qui m'a touché particulièrement : «Augmenter le financement des activités gratuites sportives et récréatives qui n'encouragent pas la consommation des drogues.» Alors, ce que je comprends, c'est : On investit. Si vraiment on veut mettre l'emphase sur quelque chose, on doit le mettre sur la prévention.

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui, exactement, exactement. Et, écoutez, le problème de la consommation, ce n'est pas juste un problème d'âge, c'est un problème global, c'est un problème vraiment de prévention globale, d'investir au niveau des écoles, d'investir au niveau des sports, des associations pour jeunes qui ne font pas la promotion des drogues. Donc, c'est vraiment un projet global.

Un de mes collègues, aussi, qui a travaillé avec les enfants, m'a demandé aussi de mettre... Et on connaît aussi les trajectoires des enfants. Quand un enfant a le TDAH ou a la dépression à l'âge de sept, huit ans, il sera plus à risque après de développer une dépendance au cannabis, à l'alcool, plus tard. Donc, c'est vraiment un investissement de société qu'on doit faire pour prévenir la dépendance du cannabis et les conséquences dans la santé mentale.

M. Ciccone : Avec ce que vous dites, ça risque de coûter pas mal plus cher au gouvernement, M. le Président, il faudrait peut-être l'inclure dans le prochain budget parce que ça risque de coûter pas mal plus cher. Puis j'adhère, en terminant...

Le Président (M. Provençal)  : ...une minute pour votre question, excusez-moi.

M. Ciccone : Oui, j'adhère, en terminant, que changer le nom de Loi resserrant l'encadrement du cannabis pour la loi pour la prévention des effets nocifs du cannabis chez les jeunes, c'est excellent. Mais je vais laisser la parole à ma collègue, si vous le voulez, M. le Président.

Mme Weil : Oui, merci beaucoup pour votre présentation. Je pense que ça a eu un impact majeur quand on regarde votre clientèle. Les jeunes que vous traitez, les jeunes adultes, ils ont à peu près quel âge? Ça peut aller jusqu'à 15 ans, 14 ans ou est-ce qu'ils sont adultes?

Mme Gobbi (Gabriella) : Non, moi, je suis «adulte», je vois des 18 ans à après, oui.

Mme Weil : 18, d'accord. Et donc, parmi cette clientèle, ils ont commencé la consommation plus jeunes, c'est ça?

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui, exactement.

Mme Weil : Donc, vous mettez l'accent sur la prévention, prévention, prévention. Et, quand vous dites «prévention», on a beaucoup parlé de ça évidemment avec d'autres groupes, ça veut dire «très jeune». On peut sensibiliser un très jeune enfant à l'école sur la biologie du cerveau, etc., l'impact, c'est un peu tout ça, des campagnes comme on a fait pour le tabagisme et l'alcool, donc des mesures de ce genre, mais qu'essentiellement... Le cannabis est présent, utilisé depuis de nombreuses années, donc vous êtes d'accord qu'essentiellement la répression n'a pas fonctionné pour ce groupe d'âge, c'est vraiment un groupe d'âge, mais que la...

Le Président (M. Provençal)  : Je vais vous demander... Excusez. Je vais vous demander une réponse courte parce que, là, on dépasse.

Mme Weil : Bien, non, mais de confirmer. C'est bien ça? Donc, c'est vraiment d'aller sur la prévention. Et réduire, ça, c'est un message que vous dites, je dirais, plus fort que d'autres, de réduire la quantité de THC. Ce serait vos deux grandes recommandations.

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui, oui, oui. Ce seraient les recommandations, mais aussi, encore une fois, c'est vrai que l'âge entre 18 et 21, c'est un âge vraiment critique. Et, comme, la loi aujourd'hui, on ne peut pas permettre à ces jeunes-là d'avoir 30 grammes de cannabis dans leurs poches, ça, c'est aussi un message important, oui.

Le Président (M. Provençal)  : Je cède la parole à la deuxième opposition officielle. Alors, le député de Jonquière procédera maintenant aux échanges.

M. Gaudreault : Oui, merci, Dre Gobbi, extrêmement intéressant. Vous êtes psychiatre. Moi, il y a un phénomène que j'essaie de comprendre, je ne sais pas si vous pouvez nous l'expliquer, c'est peut-être moins dans votre champ, mais peut-être c'est dans le champ d'études de collègues à vous. Êtes-vous capable de mesurer l'attrait de l'interdit? Je veux dire, si je vois un pommier sur le terrain du voisin, ça va être moins le goût de manger la pomme que juste d'aller la chercher parce que c'est interdit d'aller sur le terrain du voisin. Ce que je veux dire par là, si on met l'âge à 21 ans, est-ce qu'il peut y avoir un dommage collatéral qui va faire en sorte que les jeunes en bas de 21 ans vont avoir encore plus le goût de consommer du cannabis parce qu'il y a un côté illégal puis un peu cool de le faire? Comme j'aimais mieux sortir dans les bars à 17 ans et, le jour où j'ai eu 18 ans, j'ai l'impression que c'était moins le fun dans les bars — je dis ça sans me mettre en cause.

Mme Gobbi (Gabriella) : Ça, je ne connais pas les études sur les interdits, mais ça, c'est plus... quelques psychanalystes pourraient plus analyser ça. Mais, je pense, déjà donner un message aux jeunes entre 18 et 21 que consommer trop fait mal, de consommer trop a des conséquences, je pense, c'est un message important à donner. Comme, aujourd'hui au Québec, on est arrivé à convaincre les jeunes et les moins jeunes qu'on ne peut pas conduire la voiture avec l'alcool, ça, c'est un message que tout le monde a, que la femme enceinte ne peut pas boire, la même chose, le même message, on devrait le donner dans notre société aussi pour le cannabis.

Ce n'est pas parce qu'il est interdit que les gens conduisent avec l'alcool, tous les gens sont conscients qu'on ne peut pas conduire sous l'effet des alcools. Donc, je ne pense pas qu'il pourrait y avoir un impact négatif.

M. Gaudreault : O.K. Vous parlez de l'importance de mettre sur pied au Québec un système de surveillance de la consommation. Pouvez-vous en dire un peu plus? Parce que la loi existante prévoit un comité de vigilance déjà. Mais, pour vous, le système de surveillance, c'est vraiment de comptabiliser, par exemple, les entrées aux urgences ou...

Mme Gobbi (Gabriella) : Oui, ça, c'est aussi les études que j'ai démontrées depuis les années 90, qu'à Zurich, en Suisse, on fait ça pour monitoriser la décriminalisation du cannabis. Alors, je me souviens, le jour après la légalisation du cannabis, j'ai été à l'urgence, j'ai travaillé. Il arrive une fille en psychose de cannabis. Après quelques jours, elle va bien, et on n'était pas capables de classifier comme «cannabis intoxication» parce qu'on ne pouvait pas faire l'examen des toxiques des urines, de toxicologie des urines. Le diagnostic était flou. C'est comme impossible, ça, on reçoit ici des jeunes sous l'effet du cannabis et on n'est pas capables de les compter.

Et on sait que des études épidémiologiques faites dans les autres pays, ça, c'est l'index le plus vrai parce que toutes les statistiques qu'on lit aujourd'hui sont basées sur des statistiques. Quelqu'un qui prend le téléphone de Statistique Canada et demande : Combien tu consommes par année?, ils se sont basés juste sur... ça ne le ferait pas parce que ce n'est pas vrai, tandis que les consultations aux urgences sont des consultations vraies, elles sont vraiment... Je vous fais un exemple. Une fois, j'étais...

Le Président (M. Provençal)  : Je suis obligé de vous arrêter. Merci.

Mme Gobbi (Gabriella) : J'ai parlé trop, hein?

Le Président (M. Provençal)  : Le député de Jean-Lesage va terminer ces échanges.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Selon vous, est-ce que la fumée secondaire du cannabis à l'intérieur, dans un appartement par exemple, est plus nocive que la fumée secondaire dans un parc, un jour de vent?

• (15 h 50) •

Mme Gobbi (Gabriella) : O.K. Ça, c'est une bonne question, je ne sais pas si... je ne suis pas une «pneumologist», mais je sais qu'il y a plusieurs études de fumée secondaire qui provoque vraiment des atteintes, au niveau pulmonaire, importantes. Dans un parc, non, moins, mais dans un parc... Moi, je vais au parc aussi avec ma fille, et, pour les enfants, ce n'est pas l'idéal. Donc, on va exposer les jeunes ou les personnes âgées, qui sont des personnes vulnérables, aux effets de la fumée secondaire.

M. Zanetti : Est-ce que les enfants, selon vous, seront plus exposés dans un parc ou lorsqu'à la maison leurs parents vont fumer dans l'appartement?

Mme Gobbi (Gabriella) : Alors, les parents qui choisissent, comme moi, de ne pas fumer... ma fille n'est pas exposée. Mais, quand j'apporte ma fille au parc, même si moi, j'ai choisi de ne pas fumer, ma fille va être exposée. Et aussi j'ai beaucoup de plaintes aussi des personnes âgées, qui se plaignent aussi qu'elles marchent dans la rue... elles sont vraiment dérangées par la fumée du cannabis. Donc, on a aussi une population vulnérable, enfants et personnes âgées, à défendre.

M. Zanetti : Et, si, par exemple, le gouvernement interdit à ces personnes-là de fumer à l'extérieur, les oblige à fumer à l'intérieur, ne pensez-vous pas que le dommage réel, là, autre que «ça sent mauvais» ou je ne sais pas trop, le dommage réel, là, neurologique va être plus fort chez les enfants, chez les personnes âgées qui ont des voisins, qui vont être exposés à la fumée tertiaire? Ne pensez-vous pas que ça va être plus néfaste pour eux?

Mme Gobbi (Gabriella) : Ça, écoutez, il faut faire des études. Moi, je ne suis pas experte dans ces domaines-là, mais...

M. Zanetti : J'ai une dernière question, qui va plus toucher votre champ d'expertise. Selon vous, est-ce que les adultes de 18 à 21 ans ont le cerveau assez développé pour prendre des décisions responsables quant à leurs habitudes de vie?

Mme Gobbi (Gabriella) : Ah, ah! Ça, c'est une bonne question. Alors, en théorie, oui, mais, quand une personne est malade, souffre de dépression, ou souffre de schizophrénie, ou vit un moment de vie difficile, c'est là qu'elle devient vulnérable.

M. Zanetti : Peu importe son âge?

Mme Gobbi (Gabriella) : Peu importe son âge, oui, oui. Mais c'est là qu'elle devient vulnérable, et c'est ça qu'on doit défendre comme société, les personnes vulnérables.

M. Zanetti : Merci beaucoup.

Mme Gobbi (Gabriella) : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie la Dre Gobbi pour sa contribution aux travaux de notre commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 15 h 55)

Le Président (M. Provençal)  : Nous poursuivons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Société québécoise du cannabis. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.

Société québécoise du cannabis (SQDC)

M. Bergeron (Jean-François) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour et merci de prendre le temps de nous recevoir ici aujourd'hui. Mon nom est Jean-François Bergeron, et je suis le président de la Société québécoise du cannabis. Je suis accompagné de ma collègue, Mme Éliane Hamel, directrice des communications et des affaires publiques.

J'ai piloté la mise sur pied de la SQDC depuis le dépôt du projet de loi n° 157, le 16 novembre 2017, jusqu'à aujourd'hui. Je peux vous affirmer que la protection de la santé, l'éducation et l'accompagnement ont été au coeur de ce projet dès le départ et le sont toujours. Nous avons accordé une très grande importance à la formation de nos employés. Cette formation a d'ailleurs été développée en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le matériel éducatif et informationnel distribué à nos employés, à nos clients et présent sur notre site Web de la société a également fait l'objet d'une grande attention. Il était primordial d'adopter une approche d'information et d'éducation dans une perspective de santé plutôt que de promouvoir le produit. En ce sens, la SQDC se conforme entièrement à la loi.

Avant d'aller plus précisément dans l'objet de cette consultation, j'aimerais vous rappeler la mission de la SQDC, telle que définie par le projet de loi, qui consiste à assurer la distribution et la vente du cannabis dans une perspective de protection de la santé afin d'intégrer les consommateurs au marché licite du cannabis, de les y maintenir sans favoriser la consommation de cannabis.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous expliquer les impacts potentiels des modifications proposées par le projet de loi n° 2 sur les opérations de la SQDC. D'entrée de jeu, je vous dirais que ces impacts sont plutôt limités, mais voyons ensemble quels sont-ils en parcourant les principaux changements proposés par ce projet de loi.

Tout d'abord, la consommation de cannabis dans les lieux publics. J'aimerais vous rappeler que nous sommes chargés de la distribution de ce produit, nous ne sommes pas mandatés pour désigner de quelque façon que ce soit les lieux de sa consommation. L'application de cette mesure n'aurait aucune répercussion sur nos opérations.

En ce qui a trait aux distances limites de 250 mètres, ou de 150 mètres pour Montréal, entre le point de vente de la SQDC et tout établissement d'enseignement, incluant ceux de niveau collégial et universitaire, l'impact sur nos opérations sera plus direct. Bien que nous ne voulions pas présumer de l'intention du législateur, dès le dépôt du projet de loi n° 2, l'automne dernier, par prudence, la SQDC a pris en compte les nouvelles dispositions prévues dans l'élaboration du plan de déploiement de son réseau de succursales. Ainsi, les emplacements qui sont visés et qui le seront dans les prochains mois tiennent déjà compte de ces nouveaux paramètres dans le calcul des distances de 250 mètres, comme prévu dans le projet de loi. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avons décidé de ne pas ouvrir une éventuelle succursale qui devait se trouver à la rue Berri à Montréal et qui était à proximité d'un établissement d'enseignement supérieur.

Enfin, la troisième modification proposée, concernant le rehaussement de l'âge à 21 ans. Nous croyons, nous aussi, qu'il ne faut pas banaliser ce produit, qui n'est pas sans conséquence, le cannabis pouvant avoir des impacts négatifs sur la santé, particulièrement chez les plus jeunes, et nous sommes d'accord que, dans une perspective de protection de la santé publique, il faut passer un message clair aux Québécoises et aux Québécois à cet égard.

Le gouvernement a choisi de confier la vente du cannabis non médicinal à une société d'État, la SQDC, pour offrir un encadrement plus sécuritaire que le marché noir. La SQDC offre des produits de qualité, elle propose de l'accompagnement, elle fait de l'éducation auprès des consommateurs afin de les informer sur les effets potentiels que cette substance a sur leur santé.

Toutefois, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous sommes ici aujourd'hui pour expliquer les impacts potentiels sur nos opérations. La SQDC n'a pas à se prononcer dans le débat entourant l'âge légal de consommation. Le rôle de la société d'État est de réaliser le mandat qui lui est confié par le gouvernement, c'est-à-dire distribuer et vendre du cannabis non médicinal par l'entremise de son réseau de succursales et de son site Web à l'intérieur du cadre légal en vigueur. Le choix de hausser l'âge minimum requis pour consommer du cannabis appartient au législateur. Quelles que soient les décisions qui seront prises à l'issue du processus législatif, nous saurons nous adapter afin de nous y conformer.

• (16 heures) •

Revenons maintenant aux impacts potentiels de cet enjeu sur nos opérations. Selon notre modèle financier, nous estimons que la tranche d'âge de 18-20 ans pourrait représenter environ 11 % de nos ventes. Mais, à l'heure actuelle, puisque nous sommes en plein développement, l'effet de cette mesure risque d'être moins tangible. Une fois que le réseau sera pleinement déployé, nous serons à même d'en mesurer tout l'impact réel.

Par ailleurs, le changement d'âge pourrait avoir un impact au niveau logistique, notamment au niveau de la livraison des commandes Web. Comme vous le savez, nous avons deux canaux de distribution : le réseau de succursales, qui compte actuellement 12 magasins et devrait en compter une quarantaine d'ici mars 2020 et, à terme, 100 à 150, et notre site Web.

En ce qui concerne le réseau de succursales, la vérification d'âge s'effectue à l'entrée du site et peut facilement être modifiée afin de se conformer aux nouvelles dispositions.

En ce qui a trait aux commandes en ligne, le mécanisme de vérification de l'âge sur le site Web ne permet pas d'en assurer la robustesse, et c'est au moment de la livraison à domicile ou au bureau de poste que s'effectue la vérification finale par un employé. Si l'âge minimum requis pour acheter du cannabis était rehaussé à 21 ans, notre transporteur, Postes Canada, devrait adapter ses systèmes informatiques et ses processus de vérification de l'âge lors de la livraison de nos produits. Des discussions avec Postes Canada ont déjà été tenues, et, selon eux, ces fameuses adaptations pourraient demander quelques mois. Nous recommandons que ce délai soit pris en compte pour fixer l'entrée en vigueur de la loi afin d'éviter qu'on ne ferme le canal de distribution qui permet de rejoindre l'ensemble des Québécois. J'aimerais préciser que nous prévoyons réaliser 70 % de nos ventes via nos succursales et 30 % à partir de notre site Web.

En terminant, j'aimerais vous assurer notre volonté d'exercer avec diligence le mandat confié à la SQDC et à apporter les modifications nécessaires selon les décisions qui seront prises par le législateur. La SQDC continuera d'assurer la distribution et la vente de cannabis au Québec dans une perspective de protection de la santé et de la sécurité de sa clientèle en offrant des produits de qualité, tout en réduisant la portée du marché noir. Merci encore une fois d'avoir pris le temps de nous recevoir aujourd'hui. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Nous débutons la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Carmant : Merci beaucoup, M. Bergeron. Merci d'être présent. On s'était déjà rencontré il y a quelques semaines, parce qu'on avait pris le temps d'aller visiter une succursale avec vous. Puis j'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur de vous reposer quelques questions que je vous ai posées cette journée-là.

Lorsque j'ai visité la succursale de la SQDC au centre-ville, on a discuté beaucoup du profil type des clients de la succursale. Et vous et vos collègues m'avez mentionné que la personne type était un consommateur plutôt... du moins, en haut de 25 ans et qu'il y avait très peu de jeunes de 20 ans qui venaient à la succursale. Pouvez-vous me confirmer si c'est vrai? Et pourquoi vous dites que 11 % de votre clientèle... Comment avez-vous calculé ce 11 % que vous avancez aujourd'hui?

M. Bergeron (Jean-François) : Bien, oui, en fait, effectivement, on n'a pas de données dures sur la démographie. Sur le Web, on a certaines données, et on pourra en parler, mais, en succursale, on n'a pas de façon de repérer ou de répertorier l'âge. Mais ce que nos employés nous disent, ce qu'ils constatent, c'est que la concentration d'âge est beaucoup plus 25-35, je vous dirais, 25-45. C'est la tranche d'âge, là, qui est vraiment, au centre-ville, là, dans la succursale dont on fait référence ici.

C'est sensiblement le même constat qu'on semble avoir, mais ces données, évidemment, ne sont pas des données formelles. C'est des impressions. Il faut comprendre que la vérification d'âge est faite à l'extérieur. En fait, elle est faite à l'entrée de la succursale. Et donc on peut aussi avoir une certaine idée quand même de la population, mais c'est de cette façon qu'on s'était effectivement dit que ça tournait autour de 25-35 ans, même 25-45 ans.

Maintenant, le 11 %, je vais être un peu plus clair. On ne vous dit pas aujourd'hui que les ventes, depuis quatre mois, représentent 11 %. Il n'y a pas moyen de valider ça aujourd'hui. Ce qu'on dit, c'est qu'on a fait un estimé en fonction des données qu'on pouvait, là, retrouver au niveau du fédéral et au niveau du provincial, qui dit qu'il y a 270 000 personnes âgées de 18 à 20 ans au Québec et qu'il y a 41 % qui consomment. Donc, 41 % de 270, c'est... je ne sais pas, mettons, 113, là. J'ai les chiffres quelque part ici, si vous voulez, un peu plus précisément. Et, de ce 113 000 là, en proportion du nombre total de consommateurs de cannabis, qui est autour de 1 million... 1 040 000, c'est le 10,8 %.

Donc, en théorie, ça pourrait représenter, à terme, 10,8 %, mais, en réalité, aujourd'hui, le marché, on est à peu près à 15 %... environ 15 % du marché noir. Donc, il y a tellement de marge de manoeuvre encore que, même si la SQDC excluait une tranche d'âge, celle du 18-20 ans, il y aurait possiblement peu d'impact sur les ventes à court terme, parce que, le marché, on le développe. À terme, à maturité, évidemment, l'impact serait plus direct sur les ventes. Actuellement, c'est les données qu'on a, après quatre mois...

M. Carmant : Moi, je trouve ça impressionnant, parce qu'en janvier 2018 il y a un rapport de Deloitte, là, qui estimait l'impact de la légalisation au Canada, puis les chiffres que vous donnez actuellement, c'est exactement les chiffres que l'on retrouve dans ce rapport-là quant à la clientèle qui va être ciblée par la légalisation.

Puis les chiffres sur la vente en ligne, on va y aller tout de suite, ça semble également montrer la même chose. Au cours des trois premiers mois, on parle de 2,6 % pour les 18 à 20 ans, 7,8 % pour les 21 à 40 ans, tandis que les 25-34, c'est le tiers, 35-44, bien, 30 %. Donc, plus de 60 % de vos ventes sont des personnes âgées de plus... 25 à 44 ans.

Comment interprétez-vous ces chiffres, quand on sait que c'est surtout les 17... les 18 à 24 ans qui sont, en théorie, les plus gros consommateurs?

M. Bergeron (Jean-François) : À vrai dire, d'abord, la saisie de l'âge se fait sous forme volontaire, là. On pourrait déjà questionner la robustesse, et c'est pour ça d'ailleurs que la vérification d'âge se fait lors de la livraison. C'est vraiment là qu'on peut vérifier l'âge, mais c'est vrai pour toutes les enquêtes. Alors donc, on part sur la même prémisse.

Quand on interprète ces chiffres-là, nous croyons que la vente en ligne est peut-être moins propice pour les moins de 20 ans, de 21 ans. Peut-être que l'instantanéité est plus importante, l'accessibilité le jour même, peut-être, peut expliquer une portion de ce faible taux. Il y a aussi, possiblement, le fait que plusieurs jeunes demeurent à la maison encore. Alors, est-ce qu'ils veulent socialiser leur consommation avec leurs parents? Alors, il y a plusieurs facteurs, mais effectivement ça représente 2 % des ventes en ligne, dans la tranche d'âge de 18 à 20 ans.

M. Carmant : M. le Président, j'aimerais... pouvez-vous passer la parole à la députée de Roberval?

Le Président (M. Provençal)  : Oui. Mme la députée.

Mme Guillemette : Bonjour. Donc, merci de votre présence ici. Vous nous disiez tout à l'heure que vos employés ont été formés par le ministère de la Santé et des Services sociaux, que c'est quand même encadré. J'aimerais vous entendre au sujet... Vous parlez de formation, les gens qui se présentent sont accompagnés. J'aimerais savoir comment...

M. Bergeron (Jean-François) : ...expérience en succursale?

Mme Guillemette : Oui, exactement. Comme je n'ai jamais fréquenté de succursale, j'aimerais savoir un peu comment ça se passe.

M. Bergeron (Jean-François) : D'ailleurs, je vous invite tous...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : À l'ordre, s'il vous plaît!

• (16 h 10) •

Mme Hamel (Éliane) : En fait, je peux peut-être répondre à cette question-là. Nos employés reçoivent une formation avant de débuter leur emploi. C'est une formation d'une dizaine d'heures qui est en plusieurs modules, qui couvre plusieurs champs d'expertise. Puis ils ont une formation également d'une journée complète en personne, en succursale, avec des mises en situation de contact avec les clients.

Donc, l'employé, tout d'abord, il est saisi du fonctionnement de la loi. On lui explique la botanique, la plante, qu'est-ce que c'est que le cannabis. On va lui expliquer aussi les effets que peut avoir le cannabis, les effets souhaités, mais les effets indésirables aussi. Donc, il connaît très bien le produit. On va lui expliquer l'offre de la SQDC, mais aussi la façon d'aborder le client. Donc, le conseiller, lorsqu'il reçoit le client, il va avoir à comprendre quel est le besoin, mais aussi le niveau de connaissance, de familiarité avec le produit, et l'employé doit, de façon naturelle, toujours mener le client vers un produit à plus faible taux de THC. C'est l'approche qui est proposée.

Donc, c'est sûr qu'un client qui sait ce qu'il veut, qui vient du marché noir, qui est habitué, connaît ses besoins, on va le laisser quand même choisir son produit, mais ils sont vraiment accompagnés pour faire en sorte qu'ils reçoivent le bon conseil, les bonnes mises en garde, avant même de sortir du magasin.

Donc, nos employés sont très bien formés. Ils ne sont pas formés par le ministère de la Santé, ils sont formés par nos gens à l'interne. La formation a été développée avec le ministère de la Santé, tous les contenus ont été développés de concert, et, ce même contenu là de formation, on en retrouve une bonne partie sur le site Web de la SQDC. Il y a une grosse part d'information, d'éducation, de mises en garde sur le site Web et il y a des documents... Je pourrai vous en laisser tout à l'heure, si vous êtes intéressés. On remet de la documentation en succursale aussi. Il y a des documents qui viennent de Santé Canada, qui ont été produits aussi avec le MSSS, et qui sont produits par la Société québécoise du cannabis, et qui présentent tous ces volets-là. Peut-être, tu veux compléter...

M. Bergeron (Jean-François) : Non, bien, en fait, c'est très bien dit. C'est ça.

Mme Guillemette : En santé publique, souvent, on ne généralise pas nos outils. Est-ce que les outils sont adaptés pour les jeunes ou c'est le même outil pour jeunes adultes, tout le monde confondu ou...

Mme Hamel (Éliane) : Le conseil va être personnalisé, l'outil est le même, et, dans nos outils, il est très important pour nous d'être objectifs, hein? On est dans un contexte d'information, d'éducation, de prévention. Donc, il n'y a pas de «lifestyle», il n'y a pas... On ne fait pas la promotion du cannabis, on ne fait pas la promotion des effets. On a une approche très descriptive et très santé publique.

Donc, les outils sont les mêmes à ce moment-ci, mais tout ça peut être appelé à évoluer aussi. La formation va progresser à mesure que le marché va se définir.

Mme Guillemette : Parfait. Donc, après les fêtes, vous étiez dans les médias pour discuter du développement, donc, de la SQDC. Il était question d'éventuelles atteintes de la profitabilité. Donc, est-ce que vous pourriez développer à ce sujet, s'il vous plaît?

M. Bergeron (Jean-François) : Bien oui. Écoutez, on est encore dans la première année... la première moitié d'année financière, en fait, parce qu'on a été... on couvre, en fait, depuis le mois d'octobre à aller jusqu'au mois de mars, qui est notre année financière. Donc, je vous dirais que, dès l'année prochaine, on est profitables. Cette année, c'est nos coûts de démarrage, évidemment, qui nous font mal, je vais le dire comme ça, mais on est déjà rentables, alors, vraiment, si on excluait les coûts de démarrage.

Mme Guillemette : Parfait. Merci.

M. Carmant : M. le Président, est-ce que vous pourriez passer la parole à la députée de Soulanges?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, allez-y.

Mme Picard : Une chose qui a été mentionnée durant la commission, je crois que c'était la semaine dernière, qui m'a un petit peu inquiétée, sur certains produits de la SQDC, le taux indiqué de THC est une fourchette, donc entre 12 % et 22 %, par exemple. Est-ce que vous pouvez... Pensez-vous qu'éventuellement les producteurs seraient en mesure de réduire cette fourchette? L'impact d'un produit à 12 % de THC n'est pas le même qu'à 22 %, comme Dre Gobbi a aussi dit.

M. Bergeron (Jean-François) : Oui. En fait, il faut comprendre que l'industrie est encore très nouvelle. C'est une industrie qui prend place. Effectivement, c'est vrai qu'il y a plusieurs produits qui... le taux de concentration varie de 10 points. Donc, on travaille avec les producteurs pour les rapprocher. En fait, on souhaiterait qu'il y ait à peu près entre trois et cinq points, donc entre cinq et 10... entre cinq et 10, oui, entre 10 et 15, 15 et 20.

La réalité, c'est qu'aujourd'hui les producteurs ont de la difficulté. C'est une plante, hein, ce n'est pas un médicament, là. Ce n'est pas une formule chimique, c'est une plante, et d'avoir un taux très précis, c'est extrêmement difficile pour eux aujourd'hui. Si on était plus limités dans ce qu'on accepterait, je vous dirais qu'on n'aurait pas beaucoup de produits à vendre, parce que les producteurs ne sont pas capables d'être plus précis que ça pour l'instant.

On tend vers une concentration beaucoup plus limitée, mais je vous dirais qu'il y a beaucoup de travail à faire encore. Puis je pense qu'une fois que l'industrie sera déployée d'une façon plus importante... je crois qu'il y aura de la segmentation de produits à faire. Je crois qu'il y a tout un mythe aussi autour du THC. Le marché noir, lui, il n'y a pas de certificat, il peut dire n'importe quoi. Il dit : Bien, c'est 20 % ou 15 %, mais ça peut être 5 % comme ça peut être 65 %, je veux dire... Bon, là, j'en mets, là, mais ce que je veux dire, c'est qu'on a, à la SQDC, un contrôle de la qualité qui est beaucoup plus précis. Malgré cet écart, je crois que, si on se compare au marché noir, il y a vraiment une amélioration, d'une façon importante, au niveau du suivi du THC.

Mme Picard : Et puis, dans le processus où est-ce qu'on mettrait l'âge de 21 ans à l'entrée, comment ça se passerait, je veux dire, avec la logistique, là, sur le terrain? Vous l'avez dit tantôt, il y a des files d'attente dehors, mais est-ce que ça vous cause un problème comme...

M. Bergeron (Jean-François) : Pour opérationnaliser le changement d'âge, pour nous, c'est assez simple. Les instructions seraient qu'on ne laisse pas passer personne en bas de 21 ans. Aujourd'hui, on carte, on vérifie à peu près tous les consommateurs qui ont 40 ans et moins. C'est à peu près le protocole, juste pour être sûrs qu'on vérifie à peu près tout le monde.

Alors, ça serait tout simplement de dire qu'à partir de maintenant, à partir de telle date, c'est le 21 ans. Il faudrait changer un peu de matériel à l'intérieur. Tout ce qui est imprimé qui exprime que c'est à partir de 18 ans, il faudrait évidemment qu'on le change, mais, au niveau des succursales, ce n'est pas un défi. Au niveau de la livraison en ligne, de changer notre site Web, ce n'est pas non plus quelque chose de complexe. Et, comme je vous ai dit tantôt, bien, évidemment, c'est les travaux que Postes Canada devrait faire, et ça, on le contrôle un peu moins. Mais on est déjà en action avec eux par rapport à ça, alors ça devrait bien se faire, avec certains délais.

Mme Picard : Merci.

M. Carmant : M. le Président, je vous demande de passer la parole au député de Vachon, s'il vous plaît.

Le Président (M. Provençal)  : M. Lafrenière.

M. Lafrenière : Merci beaucoup. Merci d'être venus aujourd'hui. Je vais juste faire du pouce sur ce que ma collègue vous a parlé, ma collègue de Soulanges, pour le niveau de THC. On sait qu'il n'y a pas de risque zéro. Je pense, même du cannabis légal, récemment, qui a été vendu avec un taux de THC qui était trois fois supérieur, qui a été rappelé. Je doute fort que les gens ont retourné le produit par la suite. Il y a quand même eu un rappel.

Mais, moi, ce que je veux savoir aujourd'hui, pour notre connaissance générale, parce qu'on parle beaucoup de la qualité du produit puis le fait que, justement, avec la SQDC, on se retrouve avec un produit qui est de plus grande qualité, peut-être nous expliquer, quand le produit est vendu, qu'est-ce qui a été fait pour s'assurer que... pour indiquer, dans le fond, soit aux forces de l'ordre ou même aux clients, à ceux qui l'achètent, que ce produit-là, c'est un produit légal a contrario d'un produit qu'on peut acheter sur le coin de la rue. C'est quoi, le contenant? Je le connais, mais je veux que vous nous l'expliquiez.

M. Bergeron (Jean-François) : Ah! tout à fait. Non, non, la question est... En fait, il faut comprendre que, le produit qu'on achète à la SQDC, on doit l'acheter d'un producteur autorisé par Santé Canada. C'est un produit qui est suivi de la semence à aller jusqu'au produit fini. Le produit, on n'achète pas de vrac. Donc, c'est un produit qu'il y a déjà dans un contenant qui est scellé et qui a un timbre, un timbre du fédéral. Et c'est avec le timbre qu'on sait que le produit n'a pas été altéré. Donc, c'est de cette façon-là qu'on peut suivre d'où vient le produit, là.

M. Lafrenière : Donc, c'est un contenant à usage unique.

M. Bergeron (Jean-François) : C'est un contenant à usage unique, tout à fait.

M. Lafrenière : Mais qui est quand même vendu sur le marché noir présentement.

M. Bergeron (Jean-François) : J'entends dire qu'il est vendu sur Kijiji, oui, je suis assez surpris, mais...

M. Lafrenière : Ça serait quoi, l'avantage pour quelqu'un de l'acheter sur le marché noir, ce contenant-là, vide, justement?

M. Bergeron (Jean-François) : On pourrait présumer : pour transférer des produits qui ne seraient pas légaux dans un contenant légal, pour se promener avec. Mais je crois qu'il n'y a pas vraiment de valeur. Moi, je crois que ce n'est pas... je ne mettrais pas une grosse valeur là-dessus.

M. Lafrenière : O.K. Tout à l'heure, vous avez parlé que vous avez présentement environ 15 % du marché illicite qui a transféré vers chez vous. On sait qu'il y a deux autres substances, qui est le tabac et l'alcool, qui sont déjà légales, mais qui sont encore contrebandées. Est-ce que vous pensez que la SQDC va être capable d'aller chercher 100 % du marché, donc d'enlever complètement le marché noir?

M. Bergeron (Jean-François) : En fait, ce n'est pas ce qu'on vise. Notre ambition, là, notre prochain jalon, c'est 30 %, et, si l'approvisionnement était là, on n'a pas de doute qu'on peut l'atteindre. Je vous dirais que les succursales roulent vraiment très, très bien. On sent qu'il y a une traction, là. Sur cinq ans, on vise à peu près 65 %, 70 % du marché noir, et ça, c'est réaliste.

Est-ce qu'on va atteindre 100 % un jour? On verra. Je crois que, même au niveau de l'alcool aujourd'hui, on n'est pas à 100 %, puis pourtant c'est dans nos moeurs. Alors, je n'aurais pas la prétention de dire qu'on va atteindre le 100 %, mais je peux vous dire que le consommateur semble avoir un intérêt pour un produit légal, ça, c'est clair, un intérêt aussi pour un produit qui est contrôlé, puis s'il est à juste prix, hein? Tout est une question aussi de valeur. S'il est à juste prix, je crois que, tout à fait, on peut aller chercher 60 %, 70 %.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. C'est à l'opposition officielle de poursuivre les questions. M. le député de Pontiac, à vous la parole.

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Monsieur madame, merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez parlé tantôt de la formation, si je peux appeler ça ainsi, de vos conseillers qui vont voir les gens du ministère. C'est une formation d'environ 10 heures, si je comprends bien. L'avez-vous suivie, vous, juste par curiosité? On vous voit partout, vous êtes le porte-parole, en plus de votre rôle habituel, mais est-ce que vous l'avez suivie, la formation?

M. Bergeron (Jean-François) : ...suivi plusieurs modules, parce que c'est de la formation en ligne. Donc, oui, j'en ai suivi.

M. Fortin : Parfait. Est-ce que vos conseillers, quand quelqu'un entre et, disons, que... à l'exception, là, du conseiller habituel, qui... du consommateur habituel, qui sait exactement où il s'en va, qu'est-ce qu'il veut et qui connaît bien le produit... Quelqu'un qui a des questions, est-ce que vous allez lui dire qu'un produit... est-ce que vos conseillers vont lui parler du risque de psychose qu'on a entendu aujourd'hui, du risque de développement au cerveau? Est-ce que vos conseillers vont faire ça? Est-ce que ça fait partie de l'information, de la sensibilisation que vous faites auprès du consommateur?

• (16 h 20) •

M. Bergeron (Jean-François) : On va faire mention des risques, mais on n'élabore pas sur les risques. Ce n'est pas des gens de la santé, donc on ne se rend pas jusqu'à la définition du risque en tant que tel, mais, oui, effectivement. On va les diriger aussi vers des produits à faible taux de concentration. Ça, c'est aussi dans les pratiques. On est vraiment... C'est une mission de santé publique, puis les employés sont formés dans ce sens, tout à fait.

M. Fortin : Très bien. Moi, je ne connais pas grand vendeur de coin de rue qui ferait ça, probablement, dire : Essaie donc un produit moins nocif. Mais je trouve ça très bien, ce que vous faites.

Là, je suis sur votre site Web, O.K.? Je vois un produit qui s'appelle CBD Drops, qui est fait par Aurora Cannabis, qui est ici avec nous. Je vais lire la description, disons, du produit : Espèce hybride, intensité modérée; cannabinoïdes, THC, zéro à deux milligrammes par millilitre — c'est une huile — CBD, 20 à 30 milligrammes par millilitre. Ça se vend pour 82,30 $. Et la description que vous en avez commence par : «Cette variété d'hybride, sous forme d'huile, ne contient pas de THC, mais contient du CBD.» Dre Gobbi, qui était ici avec nous tantôt, nous a dit que c'est un peu une fantaisie, des produits sans THC. Pouvez-vous expliquer la différence?

M. Bergeron (Jean-François) : Je crois que... Bien, je ne pourrais pas présumer pour elle, mais je crois qu'elle faisait surtout référence à pur CBD. Dans ce cas-ci, il y a un peu de THC. C'est faible, mais il y en a. Et effectivement ces produits-là sont analysés. Alors, s'ils disent que c'est 0,2 %...

M. Fortin : ...zéro à deux milligrammes... Oui, c'est ça.

M. Bergeron (Jean-François) : Bien, zéro à deux milligrammes, oui, c'est ça. S'ils disent de zéro à deux milligrammes, c'est parce que c'est le cas.

M. Fortin : O.K. Est-ce que ces produits-là que vous vendez comme... décrits comme étant... ou n'ayant pas de THC, mais contient du CBD, est-ce que ce sont des produits prisés, que vous vendez souvent chez vous?

M. Bergeron (Jean-François) : C'est des produits qui sont très recherchés, oui, tout à fait.

M. Fortin : Très bien. Quelqu'un qui veut acheter ce produit-là, qui, disons... puis il parle à votre conseiller, il ne sait pas trop comment s'y prendre, quel produit acheter, est-ce que vous allez... les conséquences? J'imagine, un produit qui a très peu de THC, les risques de certains enjeux, évidemment, peut-être, peuvent diminuer. Est-ce que vous allez... Est-ce que vos conseillers vont dire exactement ça? Est-ce que vous allez dire : Bien, les risques d'enjeu de santé mentale, et tout ça, sont beaucoup moindres avec ce produit-là? Est-ce que vous allez dire que c'est un produit avec lequel, après consommation, vous pouvez conduire, par exemple? C'est quoi, l'avertissement pour un produit comme celui-là, traditionnel? Ou même, dans votre littérature, qu'est-ce que vous allez dire à propos de ce produit-là?

M. Bergeron (Jean-François) : En fait, on va commencer par questionner le but que le consommateur recherche, d'abord. C'est au travers d'un certain échange qu'on va essayer de le repérer dans cette cartographie-là. On va expliquer définitivement que le CBD n'a pas le même effet que les produits qui contiennent un niveau de THC plus élevé. On va le présenter comme un produit plus apaisant, mais on n'ira pas beaucoup plus loin. On ne vend pas... On fait beaucoup, beaucoup attention à faire la promotion d'un produit en particulier. Ça, on se tient loin de ça. Alors, on va les guider sur les taux de concentration, mais on n'ira pas plus loin que ça.

M. Fortin : O.K. Donc, quelqu'un qui se cherche un... Disons, quelqu'un qui rentre dans votre magasin, là, qui dit : J'ai un mal de dos, mais je ne veux pas de... je veux avoir toute ma tête, là, vous pouvez peut-être le diriger vers un produit qui a zéro THC.

M. Bergeron (Jean-François) : Quelqu'un qui va se présenter avec un syndrome, on va le diriger...

M. Fortin : Vers un médecin, peut-être.

M. Bergeron (Jean-François) : ...vers un médecin, c'est ça, puis ça, on le fait vraiment, là. C'est vraiment le protocole. C'est la première chose qu'on fait. Si la personne insiste, on va lui expliquer les produits qu'on a, on va le guider, mais on va fortement le diriger vers un spécialiste de la santé.

M. Fortin : O.K. Dans la formation qu'on vous a donnée, du ministère, est-ce qu'on vous a parlé du lien avec un produit qui a, disons, zéro ou très peu de THC avec certains des risques associés, disons, au développement du cerveau, ou autres? Dans cette formation-là, est-ce qu'on parle aux conseillers de ces choses-là?

M. Bergeron (Jean-François) : Je ne pourrais pas vous répondre, moi.

Mme Hamel (Éliane) : Pas de façon précise. On l'aborde de façon générale, puis la façon dont on l'aborde, c'est que les produits qui ont un effet... qui ont un taux de THC plus élevé peuvent avoir des impacts plus importants sur la santé, et les produits qui ont un taux de CBD plus élevé et taux de THC moins élevé ont des impacts moins importants.

Mais, dans tous les cas, il y a une mise en garde qui est faite systématiquement, quel que soit le produit. Par exemple, vous parliez tout à l'heure de conduire, la mise en garde sur la consommation de cannabis, peu importe le produit, elle est livrée quand même. Alors, le conseiller va toujours mentionner... Et c'est affiché en succursales très clairement, il y a des affiches qui sont là avec les principaux interdits ou les mises en garde. C'est affiché et c'est clairement dit, quel que soit le produit qui est acheté.

M. Fortin : Je ne sais pas si vous étiez ici tantôt, mais il y a certains groupes qui nous ont parlé d'un accès gradué, un accès graduel, appelez ça comme vous voulez, là, aux produits du cannabis. Est-ce qu'un produit comme celui que je vous décris, disons, une huile avec très peu de THC, pourrait faire partie de l'accès graduel? On commence avec un produit qui a peu de THC puis on poursuit par la suite. Donc, pour quelqu'un entre 18 et 21 ans, est-ce que vous pensez que ça pourrait être un produit qui aurait moins de risque, si on accepte la théorie de l'accès graduel?

Mme Hamel (Éliane) : Bien, au niveau de l'accès entre 18 et 21 ans, je vais laisser Jean-François répondre... M. Bergeron répondre, mais c'est quelque chose qu'on fait déjà. Les clients qui se présentent en succursale, on les invite toujours à commencer de façon graduelle, à débuter toujours avec un produit qui a un faible taux de THC, pour voir comment le produit va réagir sur la personne, parce que l'effet est différent. Si c'est vous qui le consommez, si c'est moi, si c'est M. Bergeron, l'effet est différent. Ça fait que c'est important de toujours commencer de façon graduelle, y aller petit à petit. Les gens peuvent rester avec des taux de THC très bas, ils sont satisfaits de cette façon-là. Maintenant, pour ce qui est d'une introduction graduelle en termes d'âge...

M. Bergeron (Jean-François) : Au niveau opérationnel, ça pourrait se faire. Évidemment, il faudrait qu'on ait certains changements. Mais je vous dirais que le taux de concentration de THC élevé nous permet aussi, et ça, il ne faut pas le perdre de vue, d'attirer le marché noir. Les gens viennent en succursale pour avoir un produit avec une forte concentration au niveau du THC, mais, une fois en succursale, on peut les diriger vers des produits beaucoup plus doux, beaucoup moins intenses. Et je vous dirais que ce qu'on fait et le feed-back qu'on a lorsqu'on le fait, c'est que le client reste surpris de savoir que, finalement, une concentration beaucoup moins élevée est un aussi bon produit. Alors, on en fait, cette promotion-là, tout à fait.

M. Fortin : ...hier, l'Assemblée nationale s'est penchée sur une motion. Je vais vous la lire parce qu'elle est en lien direct avec le projet de loi qu'on étudie : «Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement d'évaluer toutes les options possibles permettant aux employés de la SQDC âgés entre 18 et 21 ans de conserver leur emploi dans l'éventualité où l'âge légal pour consommer du cannabis soit augmenté à 21 ans.»

Vous en avez combien, d'employés? On a eu toutes sortes de chiffres, là. Vous en avez combien, d'employés, entre 18 et 21 ans, en ce moment?

M. Bergeron (Jean-François) : On a actuellement 15 employés.

M. Fortin : Très bien. Le gouvernement a refusé de débattre de cette motion. Donc, est-ce qu'aujourd'hui, effectivement, la SQDC n'est pas en train d'évaluer toutes les options possibles pour permettre à ces gens-là de garder leur emploi?

M. Bergeron (Jean-François) : Effectivement, on le fait, c'est bien sûr.

M. Fortin : Bien, si vous le faites, comprenez-vous pourquoi quelqu'un ici pourrait s'opposer à une motion comme celle-là?

M. Bergeron (Jean-François) : Je vais laisser la prérogative, mais je peux vous dire qu'on a, dès le dépôt du projet de loi, déclenché une campagne de sensibilisation, de communication auprès de nos 15 employés qui étaient potentiellement visés. Alors, ça, ils le savent, ils sont déjà au courant. De ces 15 là, il y en a heureusement cinq, là, qui vont atteindre l'âge du 21 ans d'ici le mois de juin, juillet. Alors, ceux-là, on peut faire ce qu'il faut, et les autres, on regarde, c'est du cas par cas. Ceux qui sont dans la région de Montréal, si on peut les relocaliser au siège social puis qu'il y a de la place, on va le faire, sinon, bien, évidemment, ça va être une fin d'emploi.

M. Fortin : O.K. Ça va être... pardon?

M. Bergeron (Jean-François) : Une fin d'emploi.

M. Fortin : Une fin d'emploi. Merci. Je veux revenir, dernière chose... Vous avez parlé de Postes Canada.

M. Bergeron (Jean-François) : De?

M. Fortin : De Postes Canada. Vous faites affaire avec Postes Canada pour livrer vos produits. Donc, si moi, je commande ce produit-là demain matin, là, il y a un délai de quelques jours, Postes Canada va venir à ma résidence, va livrer.

M. Bergeron (Jean-François) : Absolument.

• (16 h 30) •

M. Fortin : Si j'habite sur une résidence universitaire et que ce projet de loi là est adopté, Postes Canada ne peut pas venir chez nous parce que l'employé de Postes Canada n'a pas le droit d'être en possession de cannabis sur un campus universitaire. Mais je vais changer... en fait, je vais changer ma prémisse. Postes Canada livre un produit autre chez moi. Il y a du cannabis dans le camion de Postes Canada, avec tous les autres produits. Postes Canada n'a pas le droit d'être sur le campus universitaire. Le livreur est en possession de cannabis, n'a pas le droit d'être sur le campus universitaire pour venir me livrer un réveille-matin que j'ai acheté dans un autre magasin. Est-ce que vous pensez... Est-ce que Postes Canada vous a dit que ça va augmenter les prix de la livraison? Est-ce que ça va avoir un impact sur vos prix? Et donc, potentiellement, si ça coûte plus cher, pensez-vous qu'il y a moins de monde qui va se retourner vers la SQDC? Est-ce que c'est un scénario possible, ce que je décris?

Le Président (M. Provençal)  : ...rapide, s'il vous plaît.

M. Bergeron (Jean-François) : Oui. En fait, on n'a pas analysé ce volet-là parce que la possession et la vente, pour nous, c'est deux choses. La vente se fait en ligne, donc elle ne se fait pas sur le campus, donc on ne le voit pas dans... on ne l'évalue pas comme une distance du 250 mètres. Alors, ça, c'est un. Et on peut être âgé de plus de 21 ans puis être sur un campus. Alors, ça, c'est... Et la...

M. Fortin : ...oui, la prochaine fois, non.

M. Bergeron (Jean-François) : Qu'est-ce que vous voulez dire, «la prochaine fois»? On peut être âgé...

M. Fortin : Si le projet de loi est adopté, la possession n'est pas légale sur le campus universitaire.

M. Bergeron (Jean-François) : C'est ça. Mais, dans ce cas-là, Postes Canada ne pourra pas aller livrer sur ces sites-là.

M. Fortin : Ne pourra pas livrer quoi que ce soit.

M. Bergeron (Jean-François) : Ne pourrait pas livrer...

M. Fortin : S'il y a du cannabis dans le véhicule.

Le Président (M. Provençal)  : Donc, la suite de l'échange est à la deuxième opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup d'être ici. Je suis sur votre site aussi, moi, mais au volet Mission, et on dit que «la mission de la SQDC consiste à assurer la vente du cannabis dans une perspective de protection de la santé — et là j'insiste — afin d'intégrer les consommateurs au marché licite du cannabis et de les y maintenir sans favoriser la consommation de cannabis». Est-ce que vous trouvez que le projet de loi n° 2 contrevient à votre mission?

M. Bergeron (Jean-François) : En fait, la mission s'opère dans un cadre réglementaire ou dans un cadre légal, et on prend en charge le consommateur à partir de l'âge que, légalement, c'est possible de le faire. Si c'est 21 ans, je vais être capable de répondre à la mission à partir de 21 ans, oui, tout à fait.

M. Gaudreault : Mais votre mission, c'est d'intégrer les consommateurs au marché licite. Là, présentement, il y a des consommateurs entre 18 et 21 ans, on les sort du marché licite pour l'amener dans un marché illicite. Il me semble que c'est contradictoire à la mission au coeur même de votre organisation, qui est d'intégrer les consommateurs au marché licite.

M. Bergeron (Jean-François) : La mission de la SQDC, je vous dirais, il y a deux volets potentiels à la mission, il y en a plus que deux, mais il y en a deux pour répondre à votre question : il y a la prise en charge du consommateur par notre réseau de vente, mais les profits que la SQDC fait ou va faire est destiné à des fonds pour de la prévention, pour de la recherche, qui peuvent aussi répondre à ces consommateurs dont vous faites référence, les 18-20 ans. Alors, moi, je pense que c'est un complément, ça peut être un complément.

M. Gaudreault : Vous êtes en opération depuis quelques mois déjà, quatre mois. Est-ce que vous avez des échos de vos clients quant aux lieux de consommation? Est-ce qu'il y a des clients, par exemple, qui reviennent vous voir, disent à vos conseillers, en jasant : Ah! c'est compliqué, je ne peux pas consommer chez moi à cause que je suis à loyer? Avez-vous un peu de données que...

M. Bergeron (Jean-François) : D'échos.

M. Gaudreault : ...bien, que ce soient des échos ou des données à l'interne que vous pourriez nous communiquer sur la question des lieux publics?

M. Bergeron (Jean-François) : Ce n'est pas un sujet que personnellement, moi, j'ai abordé avec le personnel. Je fais plusieurs visites, et on n'a jamais abordé ça. Sincèrement, je ne pourrais pas répondre.

M. Gaudreault : Ça ne veut pas dire que ça n'existe pas, là, mais...

M. Bergeron (Jean-François) : Non, ça ne veut pas dire que ça n'existe pas, du tout, absolument.

M. Gaudreault : Est-ce que vous seriez en mesure d'avoir quelques informations là-dessus, si on vous dit... parce que, là, on a encore du travail à faire, nous, en commission parlementaire, là, si vous aviez des données, par exemple, à transmettre à la commission éventuellement?

M. Bergeron (Jean-François) : Bien, en fait, je ne crois pas qu'il y a des données dures parce qu'on ne répertorie pas ce genre d'information là à nos points de vente. Nous, ce qu'on peut faire, c'est de sonder, s'il y a des échanges, s'il y a des impressions, s'il y a des discussions. Mais ça, ça serait le mieux qu'on pourrait faire.

M. Gaudreault : O.K.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous invite donc à transmettre ces données-là, si vous les avez. Maintenant, on conclut cet échange avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Est-ce que les profits, selon vous, du marché noir, dans le marché des 18-21 ans, sont investis en prévention?

M. Bergeron (Jean-François) : Vous voulez...

M. Zanetti : C'est une question niaiseuse, vous pouvez répondre avec humour.

M. Bergeron (Jean-François) : Je vous laisse répondre à cette... Moi, je pense que oui.

M. Zanetti : Ah oui! Non, hein? Bien non. Bon. Est-ce qu'on peut estimer ça correspond à combien, le marché des 18-21 ans, sur le marché noir? Il y a-tu des estimations disponibles?

M. Bergeron (Jean-François) : Bien, c'est les mêmes chiffres que je vous donne, c'est 11 %.

M. Zanetti : Du marché noir?

M. Bergeron (Jean-François) : Parce que, bien, c'est les mêmes chiffres. Donc, si on dit qu'il y a 271 000 personnes âgées entre 18 et 21 ans ou 18 et 20 ans, que 41 % consomment, donc c'est les mêmes... c'est le 11 % qu'on parle.

M. Zanetti : On parlerait de combien de millions, dans le fond, qui n'est pas investi en prévention si on interdit le cannabis pour les 18-21 ans?

M. Bergeron (Jean-François) : Il faudrait connaître le modèle d'affaires du marché noir pour savoir les profits qu'ils font puis les marges qu'ils font, qu'on n'a pas, évidemment.

M. Zanetti : O.K. Bon, alors, je n'ai pas le temps de faire l'estimé, mais on peut penser que c'est beaucoup d'argent. Le client qui rentre à la SQDC puis le client qui va chez son dealer qui vend aussi, mettons, je ne sais pas, toutes sortes de drogues synthétiques dures qui, ça, vont certainement le lancer dans un danger... Le client qui rentre à la SQDC, là, puis le client qui va chez le dealer... Est-ce que celui qui va sur le marché noir, il est susceptible de se faire dire : Tu devrais prendre un produit qui contient moins de THC ou : Je te conseille, si tu es anxieux, d'aller voir un spécialiste de la santé? Je pose des questions...

M. Bergeron (Jean-François) : Bien, en fait, je n'ai pas l'expérience du marché noir, mais j'imagine qu'il rouvre son sac, puis il sort le petit sac qui contient le poids souhaité, puis ça se limite à ça, tu sais?

M. Zanetti : Mais, si on l'envoyait chez vous parce qu'on lui permettait d'aller à la SQDC, vous, vous ne feriez pas ça, là, lui proposer, mettons, du crack puis des affaires que... Je ne suis vraiment pas à jour dans les drogues dures, là, mais vous ne feriez pas ça?

M. Bergeron (Jean-François) : Absolument pas, non.

M. Zanetti : Ça, ça me rassure. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Donc, je remercie M. Bergeron et Mme Hamel pour leur participation aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au dernier groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Provençal)  : Nous terminons notre après-midi de travail. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole.

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador (APNQL)

M. Picard (Ghislain) : Merci beaucoup, M. le Président. (S'exprime dans une langue autochtone).

Donc, mon nom est Ghislain Picard. Je suis chef pour l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador et je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Jean-Claude Therrien Pinette, qui est chef de nos opérations à l'Assemblée des premières nations, mais qui a aussi une expérience, une vaste expérience dans le domaine de l'intervention sociale au niveau de nos communautés. Donc, c'est un aspect extrêmement important pour nous dans le cadre de l'étude que vous faites du projet de loi n° 2.

Écoutez, je vais y aller de la façon la plus brève possible pour exposer nos commentaires par rapport à l'étude du projet de loi n° 2, évidemment, en saluant mesdames messieurs, membres de la commission et vous remerciant de nous recevoir aujourd'hui. Je comprends qu'il y a eu un réaménagement de l'horaire pour nous permettre de vous faire part de nos commentaires. Je veux vous indiquer que je l'apprécie beaucoup.

Je vais vous faire grâce de la partie qui présente l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador, on l'a fait plus d'une fois devant différents travaux de différentes commissions de l'Assemblée nationale à travers les années, mais essentiellement pour dire qu'on regroupe 10 nations, 43 communautés, Québec et Labrador, et donc une grande diversité, une organisation qui se doit de servir nos communautés dans les deux langues, français et anglais, sans exclure, évidemment, les langues autochtones. Et c'est une richesse que nous avons de plus de pouvoir, évidemment, desservir nos gens avec leur langue d'origine.

Donc, je vais y aller tout de suite avec la partie qui, vraiment, fait l'objet de réflexion de notre part parallèlement à vos travaux. Et ce que je vais préciser aussi, c'est que, dans le contexte de l'étude du projet de loi n° 157, on avait déjà soumis deux mémoires, en septembre 2017 et un deuxième en janvier 2018, pour essayer de formuler un certain nombre de recommandations à l'intention de la commission à l'époque. Et les recommandations que nous allons formuler, en marge de vos travaux aujourd'hui, vont sans doute recouper, rejoindre les recommandations qui vous ont déjà été formulées.

Donc, il y a vraiment quatre éléments, là, qui nous préoccupent dans le contexte de vos travaux, et on va conclure avec trois recommandations qui sont très, très précises.

D'abord, dans le domaine de la santé publique. Malgré le bien-fondé apparent, pour la santé des 18-20 ans, de la hausse de l'âge légal de consommation à 21 ans, le projet de loi pourrait générer des situations problématiques sur la santé des mineurs et des personnes à la santé fragile. En prohibant la consommation du cannabis dans les parcs et sur la voie publique, le projet de loi n° 2 pourrait pousser un grand nombre de consommateurs à fumer davantage dans les maisons et les logements privés, au détriment de la santé des personnes qui s'y trouvent. Les personnes de moins de 21 ans et les adultes souffrant de maladies pulmonaires ou chroniques pourraient en être les premières touchées. Dans un contexte où la plupart des communautés font face au surpeuplement en raison d'une pénurie de logements, on peut se demander si l'effet de protection recherché pour les moins de 21 ans ne sera pas contre-productif pour la population dans son ensemble.

L'autre aspect qui, évidemment, nous intéresse, c'est au niveau de l'augmentation de la charge de la sécurité publique et toutes les questions liées à la judiciarisation. L'application du nouveau seuil d'âge légal signifierait un fardeau plus grand pour les policiers de la majorité des communautés, qui seraient désormais appelés à contrôler des adultes de 18 à 20 ans qui ont depuis longtemps le droit de consommer du tabac et de l'alcool — même si, pour l'alcool, il y a des communautés où c'est une tolérance zéro — et qui ont obtenu, depuis octobre 2018, l'âge légal de posséder et de consommer du cannabis. Pour leur part, les fournisseurs illégaux pourraient à nouveau profiter d'une augmentation du nombre potentiel de contrevenants, une clientèle qu'ils perdraient graduellement avec la récente légalisation du cannabis chez les 18 ans et plus. Cette charge supplémentaire de travail serait sans doute renforcée par l'extension des lieux à surveiller pour respecter les conditions imposées par le projet de loi n° 2. On peut entrevoir que les effectifs et le budget requis pour les services de sécurité publique devraient être accrus substantiellement.

Par ailleurs, en instaurant un régime étendu de prohibition de la possession et de la consommation du cannabis chez les personnes de 18 à 20 ans ainsi que dans les lieux publics, le projet de loi n° 2 est susceptible d'accroître des comportements pouvant mener à des infractions pénales et au paiement des amendes correspondantes. Il s'agit de facteurs pouvant accroître la judiciarisation de personnes vivant dans un milieu socioéconomique défavorisé et des gens aux prises avec des problèmes sociaux découlant du contexte historique colonial.

Les Premières Nations mènent actuellement, de concert avec les institutions québécoises, un processus de déjudiciarisation devant favoriser davantage l'éducation, l'accompagnement et le travail communautaire comme remèdes pour les personnes ayant commis des infractions mineures. Nous faisons allusion ici au processus de justice réparatrice. Même décriminalisé, le contrôle des infractions liées à la possession, à la vente ou à la consommation de cannabis repose quand même sur un appareil répressif que les Premières Nations considèrent comme étant mal adapté à leurs cultures et à leurs besoins, et qui, de plus, ne produit pas les résultats désirés.

Un autre aspect qui apparaît comme important à nos yeux, c'est l'absence d'engagement financier de la part du gouvernement du Québec. L'entrée en vigueur récente de la Loi encadrant le cannabis a entraîné une pression accrue sur les ressources en santé et en sécurité publique des communautés pour qu'elles créent des programmes et mettent en place des mesures de prévention et d'éducation destinées à leurs populations. À ce jour, contrairement aux municipalités du Québec, aucune source de financement supplémentaire n'a été annoncée par les gouvernements pour couvrir les besoins précis des communautés des Premières Nations en matière de prévention.

Dans sa version actuelle, le projet de loi n° 2 ne vient pas combler cette lacune. Il n'est pas accompagné d'un engagement du gouvernement du Québec visant à contribuer chez les Premières Nations au financement des besoins générés par la législation encadrant le cannabis. Le gouvernement du Québec pourrait profiter de l'occasion qui se présente, avec l'adoption à venir du projet de loi n° 2, pour corriger cette lacune et prévoir pour les communautés des Premières Nations une aide financière à tout le moins comparable à celle prévue pour les municipalités du Québec.

• (16 h 50) •

Finalement, le projet de loi n° 2 pourrait également porter atteinte aux pouvoirs des conseils de bande. Le projet de loi n° 2 étend la prohibition d'usage du cannabis sur les voies publiques et dans les lieux publics pour l'ensemble des collectivités au Québec. Les lieux publics suivants seraient désormais frappés par cette interdiction : les voies publiques, routes, chemins, ponts et trottoirs non privés et ouvrages utiles à leur aménagement, comme un fossé; deuxième point, les terrains de lieux fermés dans lesquels il est actuellement interdit de fumer, sous réserve de certaines exceptions; et finalement tous les autres lieux extérieurs qui accueillent le public, notamment les parcs, les terrains de jeu et les terrains de sport.

Contrairement aux municipalités, le pouvoir réglementaire en cette matière, sur le territoire des communautés des Premières Nations, existe en vertu de la Loi sur les Indiens et ne provient pas des lois du Québec. La Loi sur les Indiens permet l'adoption de règlements administratifs relatifs à la santé des habitants de la réserve, à la répression de l'inconduite et des incommodités, au contrôle de la possession et de l'usage de substances intoxicantes, à l'interdiction à toute personne d'être en état d'ivresse sur la réserve, etc.

L'extension aux lieux publics en général de la prohibition de la consommation de cannabis pourrait donc aller à l'encontre des pouvoirs réglementaires des conseils de bande. Cette extension pourrait être contestée par ces derniers devant les tribunaux, et surtout lorsqu'un conseil de bande a adopté sa propre loi ou son propre règlement pour définir les lieux où il est permis de posséder du cannabis ou d'en faire usage. C'est d'ailleurs le cas dans certaines communautés. Dans de telles situations, les lois et les règlements validement adoptés auraient préséance sur la loi provinciale d'application générale, puisque cette dernière n'est valide sur le territoire de la communauté qu'en l'absence de législation fédérale ou de réglementation du conseil de bande dans les domaines visés.

Dans ce contexte, comme nous l'avons déjà mentionné dans nos mémoires précédents, lorsque le gouvernement du Québec élabore une loi de portée générale, il doit tenir compte des effets que cette loi pourrait avoir sur les Premières Nations au Québec. Il doit prendre en compte leur diversité socioculturelle, le régime juridique particulier qui s'applique et leur droit à l'autonomie, comme il s'est formellement engagé à le faire en adoptant, en février 1883, 15 principes qui constituent le fondement de l'action gouvernementale à l'égard des autochtones ainsi qu'une résolution, en 1985 et en 1989, sur la reconnaissance des droits des autochtones. Seul un processus de consultation réciproque et permanentpermettra d'atteindre pleinement cet objectif.

Le Président (M. Provençal)  : En conclusion.

M. Picard (Ghislain) : En conclusion, je vais vous donner les trois recommandations que nous proposons pour les fins de votre étude. La première : Que le gouvernement du Québec applique et respecte les principes du droit à l'autonomie gouvernementale des Premières Nations, notamment en reconnaissant les pouvoirs réglementaires qu'elles peuvent déjà exercer sur leurs territoires dans les aspects couverts par le projet de loi.

La deuxième : Que le gouvernement du Québec prévoie pour les communautés des Premières Nations du financement permanent et comparable à celui octroyé aux municipalités pour répondre aux besoins nécessaires à l'encadrement du cannabis, notamment en matière de sécurité publique.

Et, finalement, la troisième : Que le gouvernement du Québec collabore avec les Premières Nations à la mise en oeuvre de mesures orientées sur la justice réparatrice pour éviter la judiciarisation excessive de certains comportements qui ne présentent aucun risque sérieux pour la sécurité publique. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Compte tenu que vous avez dépassé le temps, j'avais fait signe à M. le ministre, M. le ministre m'avait permis de laisser terminer la présentation, alors je vais enlever deux minutes, c'est deux minutes du temps qui était alloué au gouvernement. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Carmant : Merci beaucoup, messieurs. Merci de votre présence, merci d'avoir réussi à nous donner l'information en si peu de temps. Alors, le projet de loi n° 2 s'intéresse surtout à... non seulement les jeunes de 18 à 20 ans, mais aussi à la prévention de la consommation de cannabis chez les adolescents. Ce qu'on essaie de faire, c'est vraiment de retarder l'initiation le plus possible, l'âge d'initiation à la consommation, au cannabis. On veut vraiment porter l'accent sur les jeunes, pour prévenir les problèmes de santé mentale que plusieurs nous ont exposés au cours des quatre derniers jours. Selon votre expérience, partagez-vous cette inquiétude où est-ce qu'il y a plusieurs adolescents dans vos communautés qui consomment la substance? Et est-ce que le fait de l'avoir légalisée aurait pu banaliser son accès, tant aux plus jeunes qu'aux plus vieux?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, je peux apporter une partie de la réponse et je vais inviter sans doute mon collègue à compléter.

On avait déjà signifié dans les mémoires précédents que nous avons déposés, comme je le disais un peu plus tôt, que nos communautés sont extrêmement préoccupées par la légalisation du cannabis de façon générale. On a eu l'occasion de l'exprimer tant au niveau du gouvernement du Québec de l'époque qu'au niveau du gouvernement fédéral, pour des raisons qui sont déjà largement documentées, à l'effet que la consommation chez nous est à un niveau d'âge beaucoup plus bas que le reste de la population québécoise et canadienne.

Donc, je pense qu'il faut poser la question aux intervenants dans nos communautés, qui sont déjà sous-ressourcés pour intervenir dans ces domaines-là. Donc, la préoccupation, je veux dire, est plus que légitime chez nous. Mais également il y a d'autres facteurs qui viennent renforcer nos préoccupations en la matière. Mais je vais inviter, peut-être, mon collègue à ajouter, puisqu'il est également issu du domaine de l'intervention sociale.

M. Therrien Pinette (Jean-Claude) : «Kwe.» Bonjour. Donc, j'ai le plaisir aujourd'hui d'accompagner le chef Picard, là, dans ses activités politiques. Mais, dans un passé qui n'est pas si lointain, j'ai été coordonnateur régional d'un programme qui s'appelle PNLAADA, qui est le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les autochtones. Donc, j'ai eu la chance de collaborer avec l'ensemble des intervenants en toxicomanie dans la région du Québec ainsi qu'avec les six centres de traitement qu'on retrouve, là, dans l'est du Canada. Il y en a cinq pour adultes et il y a une ressource, là, pour les jeunes de moins de 18 ans, dans la communauté de Gesgapegiag, qui est une ressource mais pour l'ensemble des jeunes de l'est du Canada. Donc, c'est sensiblement, là, le portrait ou, en tout cas, le regard que... Je voulais vous faire la démonstration comme de quoi j'ai une certaine lecture, là, au plan régional.

Mais, juste pour revenir, pour répondre à votre question, sur la question de la prévention, je pense qu'il y a une nécessité d'intervenir de façon très précoce pour empêcher d'amener les jeunes à faire ces expériences-là de la vie. Nous, on avait un adage à l'époque, c'est que, lorsque les jeunes n'ont pas beaucoup d'activités, ont peu de stimulations, ont peu de ressources pour les occuper, ça enlève un peu un sens, un peu, à leur vie. Et les jeunes ont tendance à être très créatifs pour se donner des sensations. Donc, l'accès aux substances sur le marché, bien, les amène à se stimuler d'une certaine façon.

Sauf que, comme vous le mentionnez, la prévention... comme je le mentionnais, plutôt, la prévention, c'est une méthode de travail pour empêcher l'apparition d'une problématique, sauf que, trop souvent, puis le chef Picard le mentionnait tout à l'heure, on a une clientèle qui est très, très jeune dans nos communautés, plus de 50 % de notre population, c'est des jeunes de moins de 24 ans, puis, dans certaines communautés, on retrouve... les jeunes de moins de 18 ans, c'est tout près de la majorité de la population, et on se retrouve avec une clientèle jeunesse où est-ce qu'on doit tomber en mode intervention parce que les jeunes sont déjà pris dans la problématique. Donc, ce n'est plus juste de prévenir l'apparition du problème, il faut intervenir dans un contexte où est-ce que le problème est présent.

Et puis, bon, on parlait de problématiques de santé mentale. C'est qu'on passe d'un mode d'intervention biopsychosocial à une approche de plus en plus médicale. On parle de psychoses toxiques qui nécessitent des interventions surspécialisées dans le domaine de la psychiatrie ou de la pédopsychiatrie. Et souvent les communautés qui vivent dans des régions éloignées n'ont pas accès à ces ressources-là, à ces outils-là pour les restabiliser puis les remobiliser à être des membres actifs dans leur communauté.

Donc, au niveau de la lecture temporelle qu'on a de notre clientèle, en tout cas, on fait face à des grands défis. Puis je vous dirais qu'on a besoin d'avoir des ressources pour être capables de travailler adéquatement avec cette clientèle-là, qui est majoritaire, en fait, là, parce que les jeunes, dans nos communautés, sont majoritaires. Ça fait que je ne sais pas si j'ai bien répondu en fonction de votre question.

• (17 heures) •

M. Carmant : Non, non, je comprends tout à fait. Merci beaucoup. Puis d'ailleurs M. Picard a mentionné dans son allocution un programme tolérance zéro pour l'alcool dans certaines communautés. Pouvez-vous m'en parler un peu plus puis me dire comment vous arrivez à gérer ça?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, je vais y aller avec un exemple qui est encore plus récent parce qu'il y a des communautés, effectivement, au niveau de l'accessibilité à l'alcool, qui sont passées à l'action en adoptant des règlements locaux, là, qui excluent toute vente d'alcool au niveau de la communauté.

Il y a des dirigeants de la nation innue qui se sont réunis récemment devant des cas d'abus de drogues un peu trop extrêmes au sein de leur communauté, qui incluent également de la vente de substances illicites, et qui ont décidé de vraiment passer à l'action, d'abord d'adopter une déclaration commune qui touche ici neuf communautés de l'Est-du-Québec à partir du Lac-Saint-Jean et qui se sont données... et qui se sont solidarisées autour d'un objectif de réduire les cas trop présents de dépendance au sein de la population, qui touchent principalement les jeunes. Et ça, c'est une préoccupation qui est partagée par non seulement les Innus, mais plusieurs autres nations également. Donc, les chefs ont décidé de s'attaquer directement à ce problème-là.

Mais il y a aussi la question de l'abus de l'alcool au sein de nos communautés et il y a certains chefs qui ont fait le choix de vraiment bannir tout alcool dans la communauté. C'est évidemment des interventions qui peuvent être jugées extrêmes, mais, dans certaines situations, c'est des décisions qui ne sont pas prises à la légère, qui ont été réfléchies, et certains dirigeants pensent que c'est la solution. Il y a des communautés qui ont également décidé d'exclure tout membre de la communauté qui est pris en flagrant délit à vendre de la drogue au sein de leur communauté. Ça, c'est des gestes comme ça, je pense, qui sont menés par certains de nos dirigeants et qui sont à la hauteur d'une situation qui est extrêmement inquiétante, préoccupante.

M. Carmant : Est-ce que ce sont des interventions qui sont efficaces pour ces communautés, pour vos communautés?

M. Therrien Pinette (Jean-Claude) : Bien, en fait, je pense que c'est un équilibre à créer entre envoyer un message de dissuasion, de répression et les autres piliers, que je pourrais dire, de lutte aux dépendances, qui sont constitués de ce que je vous parlais précédemment, où est-ce qu'on parle d'un cadre de prévention pour éviter l'apparition du problème, l'intervention pour éviter que... pour réduire la présence du problème chez les personnes qui ont des problématiques, et la question du traitement.

Donc, je pense que ces axes-là doivent être en interrelation et ne pas être vus comme étant une seule mesure indépendante qui va avoir un effet en tant que tel. Je pense, c'est une combinaison de stratégies qui sont mises ensemble pour être capable d'accompagner puis de soutenir les populations qui vivent des problématiques. Donc, c'est une approche équilibrée.

M. Carmant : Donc, un message clair, accompagné d'éducation, prévention et traitement, peut amener une amélioration de la situation.

M. Picard (Ghislain) : Si je peux me permettre d'ajouter, c'est des arguments que nous avons fait valoir autant auprès du gouvernement fédéral que du gouvernement du Québec dans la série de lois qui ont été à l'étude, parce que ce qu'on avait trouvé, c'est qu'il y avait, de toute évidence, je dirais, peut-être une réflexion trop peu étroite par rapport à la réalité qui concerne nos communautés. Et ça, c'est malheureux de le dire ainsi, mais on a fait des représentations publiques et par écrit auprès du gouvernement fédéral, et on n'a eu aucune espèce de réaction, là, aux représentations que nous avons faites. Donc, c'est un peu dans ce même esprit là, là, que nous vous rencontrons aujourd'hui.

M. Carmant : M. le Président, je vous demande de passer la parole à la députée de Soulanges, s'il vous plaît.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, Mme Picard, à vous la parole.

Mme Picard : Bonjour. Selon vous, quel serait l'encadrement législatif que vous préféreriez concernant le cannabis?

M. Picard (Ghislain) : Excusez-moi, je...

Mme Picard : Selon vous, quel serait l'encadrement législatif que vous préféreriez concernant le cannabis?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, il y a déjà, au moment où on se parle... et je n'ai pas de chiffres à l'appui, mais il y a des communautés qui ont décidé de ne pas suivre la réglementation telle qu'elle a été adoptée dans le contexte du projet de loi n° 157. Malgré le fait que la loi prévoit des ententes particulières avec un certain nombre de communautés, il y a des communautés qui ont pris les devants, dans certains cas, qui ont déjà ramené l'âge légal à 21 ans, et dans d'autres cas, où il est absolument interdit de posséder ou de vendre du cannabis dans la communauté. Je pense que, pour celles et ceux d'entre vous qui voyagez par la 132, les panneaux lumineux à Kahnawake le disent très, très clairement.

Donc, il y a ce type d'exemple là, mais aussi il y a des communautés qui se sont vraiment... sans vraiment adopter de loi précise au sein même de la communauté, qui ont dit : Bon, c'est une loi d'application générale du Québec, elle ne s'applique pas à notre communauté. Ça, c'est vraiment une position qui est générale pour l'ensemble de nos communautés. C'est pour ça que nous avons pris la peine d'y référer dans notre présentation aujourd'hui.

Donc, on a eu quand même des tentatives, au moins par deux fois, en marge de 157, d'avoir des discussions qui permettraient finalement au gouvernement du Québec, dans ce cas-ci, peut-être d'avoir une meilleure compréhension d'abord, mais une meilleure ouverture pour avoir peut-être un cadre législatif qui soit plus approprié à nos communautés. Mais, encore là, la seule référence qu'on a eue, c'est, je pense, la disposition ou l'article 62, qui est devenu 57 par la suite, si je ne me trompe pas, qui permettait finalement d'avoir des ententes particulières avec les communautés. Et, à ma connaissance, il n'y a aucune communauté qui s'est prévalue de cet article-là.

Mme Picard : Et que pensez-vous de la loi fédérale adoptée par le gouvernement d'Ottawa?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, je pense qu'on n'a pas... On a envoyé au moins quatre, sinon cinq correspondances directement au premier ministre pour exprimer un peu les mêmes... faire valoir les mêmes arguments que nous vous présentons aujourd'hui, à l'effet que, d'abord, dans nos communautés, on a l'habitude d'intervenir et moins de prévenir parce que les ressources qui se présentent à nos communautés suivent cette tendance-là, beaucoup d'interventions, moins de prévention, alors que, dans ce cas-ci, on serait avantagés, pour les arguments amenés par mon collègue, d'avoir un peu plus de ressources financières pour prévenir plutôt.

La même chose au niveau de la sécurité publique. Écoutez, on a des communautés qui doivent compter sur les services de la Sûreté du Québec pour le maintien de la paix et l'ordre au sein de leurs communautés. Ça ne marche pas partout. Et, là où il y a des services policiers qui nous sont propres, c'est des services policiers qui ne sont pas financés à la hauteur des autres corps policiers, qu'ils soient municipaux ou provinciaux et, dans certains cas rares, bien, fédéraux aussi.

Donc, c'est ces arguments-là que nous avons fait valoir, et qu'on a détaillés quand même de façon assez complète dans nos mémoires précédents, et qui tiennent toujours la route aujourd'hui. On est toujours en situation de lacune pour pouvoir intervenir adéquatement en marge d'une législation comme celle que vous étudiez.

Mme Picard : Merci. Je donnerais la parole au député de Vachon, s'il vous plaît. Merci.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : La parole... Je rappelle au...

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Non, non, non. Je vous rappelle que je vous donne la parole.

M. Fortin : M. le Président, si on a compris quelque chose dans cette commission-là, c'est que la prohibition, ça ne marche pas, M. le Président. Alors, je vais quand même...

Le Président (M. Provençal)  : À vous la parole, M. le député.

M. Fortin : Je vais quand même me permettre quelques libertés, si vous êtes gentil avec moi. Bonjour. Comment ça va? Merci. Merci d'être avec nous. Je suis content qu'on ait votre perspective dans le cadre de cette commission parlementaire là. Effectivement, c'est un projet de loi qui va toucher de nombreuses communautés partout à travers le Québec, incluant les vôtres. Je suis intéressé par votre expérience. J'ai compris que vous avez dirigé ou collaboré au programme, si j'ai bien entendu tantôt, le programme d'abus d'alcool et drogues dans certaines communautés autochtones, si j'ai bien compris. Dirigé? Dirigé le programme?

Une voix : PNLAADA.

M. Fortin : Merci. PNLAADA, c'est ce que je cherchais. Dans les communautés où vous étiez impliqué avec ce programme-là, qu'est-ce qui avait le plus... qu'est-ce qui faisait le plus de dommages? Est-ce qu'on parlait surtout de cannabis, de drogues dures, d'alcool? Dans vos communautés, auprès de vos membres, qu'est-ce qui faisait le plus de dommages?

• (17 h 10) •

M. Therrien Pinette (Jean-Claude) : Bien, écoutez, le profil de la clientèle, depuis les années 80, a énormément changé, hein? On est passé d'une clientèle lourde, adulte, dans les années 80, à une clientèle de plus en plus jeune. Donc, le constat qu'on fait, c'est que l'aspect récréatif, l'aspect fun de la consommation fait partie d'un mouvement, on dirait, au niveau des nouvelles générations, donc une clientèle de plus en plus jeune, ce qui fait que les intervenants, ce qu'ils ont demandé — parce que je travaillais à la Commission de la santé et des services sociaux à l'époque — demandaient d'être outillés pour intervenir adéquatement avec une clientèle de plus en plus jeune. Donc, on avait des intervenants de carrière qui intervenaient avec une clientèle essentiellement adulte...

Et ce qu'on a remarqué aussi, bien, au niveau de la consommation, bien, c'est sûr et certain que le cannabis est la porte d'entrée de la consommation vers un large éventail d'autres substances, là, intoxicantes, et puis à un très jeune âge. J'ai ma fille qui est en secondaire II actuellement, puis, en sixième année, elle me rapportait d'être témoin de choses au niveau de cette dynamique-là. Donc, il y a beaucoup d'inquiétude. On parle souvent que le cerveau n'est pas formé, que les impacts de ces substances-là affectent, là, le développement adéquat, là, des jeunes. Donc, le pot, drogues de synthèse... Moi, j'ai vécu l'arrivée, là, des drogues dites festives, là, des drogues synthétiques, 2010, 2011. Je vous dirais qu'il y a beaucoup d'inquiétude aussi en lien avec ça.

Mais un constat qu'on a fait, c'est que, tu sais, on passe beaucoup de temps à porter notre regard sur les substances en tant que telles, intoxicantes, mais ce que je recevais comme message de la part des intervenants, c'est qu'il faudrait peut-être porter notre regard sur ceux qui consomment puis d'essayer de comprendre la fonction que les substances remplissent dans la vie de ces personnes-là. Donc, c'est un regard très humaniste, là, que je vous apporte, là, mais je pense qu'il faut porter ce regard-là. Puis, nous, chef Picard, dans ses fonctions, et les autres leaders avec qui on travaille, les autres chefs sont très préoccupés. Entre autres, chef Picard mentionnait, là, les chefs innus qui se sont rencontrés, là, au début du mois de février, bien, ils ne sont pas indifférents à ce qui se passe actuellement auprès de la jeune génération qui vit avec les contrecoups des substances intoxicantes, là, qui circulent dans nos communautés.

M. Fortin : Qu'est-ce qui... parce que ce que vous décrivez, c'est quand même... c'est des problèmes très graves, des problèmes... Si votre fille en sixième année vous en a parlé, c'est parce que c'est assez prévalent, disons, dans certaines parties de vos communautés. Qu'est-ce qui vous manque en termes de ressources, de professionnels, d'aide de la part... Comment le gouvernement peut vous aider à mieux épauler les gens, les familles, les communautés qui font face aux défis de la consommation, des enjeux de santé mentale, des enjeux de la dépendance? Et j'imagine que, de communauté en communauté, là, les solutions sont peut-être très différentes, les enjeux sont peut-être très différents, mais, quand vous dirigez un programme comme celui-là, est-ce qu'il y avait quelque chose qui revenait continuellement, que vous aviez l'impression que le gouvernement n'était jamais assez là pour vous aider dans un aspect spécifique?

M. Therrien Pinette (Jean-Claude) : La lecture qu'on avait, c'est que... Tu sais, d'avoir une sécurité culturelle, une sécurité économique, avoir une sécurité en matière de logement, avoir une sécurité financière, avoir des outils pour t'épanouir puis de te projeter dans l'avenir, on appelle ça les déterminants de la santé. Donc, j'ai l'impression, puis, tu sais, c'est la réflexion qu'on faisait à ce moment-là, c'est que ça va prendre des mesures multiples pour répondre à des situations qui sont occasionnées par plusieurs facteurs, des causes multifactorielles.

Mais, spécifiquement dans le domaine de l'intervention, chef Picard l'a mentionné tout à l'heure, on est dans un milieu où est-ce qu'on se met en action à partir du moment que la maison brûle, parce qu'il y a beaucoup de maisons qui brûlent. Donc, on est toujours en mode intervention, à éteindre des feux. Donc, si on était en mesure d'avoir les ressources nécessaires pour travailler en amont des problématiques, ça veut dire d'éviter l'apparition de ces problématiques-là, ça pourrait être déjà un bon départ. Puis aussi, bien, étant donné la lourdeur de la clientèle avec laquelle on a à travailler, à accompagner, bien, si on avait les ressources cliniques adéquates pour être capables de traiter les traumatismes et les différents défis de la vie que plusieurs membres de nos communautés auront à vivre, je pense que ça pourrait être un plus aussi.

Puis, si on avait aussi, chef Picard le mentionnait... je ne veux pas le citer toujours, là, mais la question de la sécurité publique, s'assurer que... Tu sais, les chefs innus, quand ils se sont rencontrés, parce que j'ai assisté à la rencontre, c'est que... c'est de réduire la disponibilité et la présence de ces substances-là. Ma communauté, à Uashat-Maliotenam, on est la plaque tournante de la Côte-Nord, de la drogue. Puis je pense qu'Uashat-Maliotenam a été très vocale par rapport à ça, mais de travailler de concert entre la Sûreté du Québec, la GRC et la sécurité publique autochtone, Premières Nations, de travailler ensemble, ça pourrait être... Tu sais, on parlait d'escouade mixte, là. C'est des éléments qui ont été mentionnés, là, par ma communauté à une certaine époque. C'est des éléments gagnants qui pourraient nous permettre d'être plus performants, en tout cas, que ce qu'on est en mesure de faire aujourd'hui.

M. Fortin : O.K. Vous avez parlé de certaines communautés avec certaines réalités bien différentes. Tantôt, vous avez parlé de Kahnawake, des enseignes sur le côté de la 132. Je vous avoue que ce n'est pas un coin par lequel je passe, moi, régulièrement, là, mais j'imagine... En fait, ma question, c'est la suivante : En ce moment, dans le cadre de la légalisation du produit, la vente par la SQDC, est-ce que la SQDC peut livrer dans certaines communautés autochtones?

M. Picard (Ghislain) : À ma connaissance, il n'y a pas de communauté qui se prévale de cette possibilité-là. Je sais qu'il y a des communautés qui ont déjà envisagé d'ouvrir des dispensaires, comme on les a appelés, au niveau de certaines communautés, mais, encore là, ça demeure questionnable, parce que c'est des communautés qui, en général, bannissent toute possession ou vente.

M. Fortin : Mais est-ce que...

M. Picard (Ghislain) : Mais, ceci étant dit...

M. Fortin : Pardon. Oui, oui, je m'excuse.

M. Picard (Ghislain) : Je veux juste ajouter ce point-là parce que c'est important. Ceci étant dit, c'est des communautés aussi où il n'existe pas de services policiers, sauf les services qui sont dispensés par la Sûreté du Québec. Et, dans des cas comme ceux qui nous intéressent plus particulièrement, l'intervention est sans doute plus ou moins questionnable. Donc, il n'y a pas... Même si, dans certains cas, la communauté se dotait de lois dissuasives par rapport à cette question-là, elle n'aurait pas la capacité ni les moyens d'intervenir. Donc, c'est un problème, là, qui est extrêmement, je veux dire, large, si on veut.

M. Fortin : Mais, si la communauté, disons, choisit de bannir le produit, disons qu'une communauté fait le choix que le cannabis n'est pas un produit légal dans la communauté, est-ce qu'il y a quelqu'un qui informe la SQDC de ça pour que le jour où moi, disons, comme résident de la communauté, je vais sur Internet et je passe une commande à la SQDC... pour qu'on ne vienne pas livrer chez moi? Est-ce qu'il y a une entente entre les communautés et la SQDC ou est-ce qu'aujourd'hui le camion de Postes Canada va se pointer et la personne va se faire livrer un produit qui est illégal dans la communauté?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, sans être, je veux dire, vraiment au parfum de la situation pour chaque communauté, ce que vous soulevez est sans doute une possibilité, c'est-à-dire que, malgré la position que prennent certaines communautés d'interdire la possession et la vente du cannabis sur leurs territoires, il n'en demeure pas moins qu'il y a quand même cette possibilité-là pour n'importe quel individu de se prévaloir de l'accès en fonction des disponibilités technologiques qui sont là.

Donc, ça ouvre la voie aussi, peut-être, à un certain niveau, à peut-être, éventuellement, des contestations judiciaires qui pourraient se trouver au seuil des différents gouvernements locaux, des conseils de bandes.

M. Fortin : C'est quand même fort, ce que vous décrivez. Si c'est effectivement le cas, ça veut dire que le gouvernement du Québec, par l'entremise du gouvernement du Canada, essentiellement, livre du produit pour lequel votre communauté avez décidé de ne pas avoir chez vous.

M. Picard (Ghislain) : On est essentiellement au stade de la supposition, comme je vous le dis, parce que ce n'est pas... Nous-mêmes, on n'a pas les moyens de faire la surveillance ou la veille nécessaire pour voir exactement comment ça se passe. Nous, on le fait à la lumière de ce que nous savons actuellement.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Provençal)  : Je vais passer la parole maintenant au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. «Kwe, kwe». Je trouve que ça ne va pas bien pour le ministre puis pour le gouvernement. Parce que c'est quand même le projet de loi n° 2, alors ce n'est pas le projet de loi n° 824, là, c'est le projet de loi n° 2. Hier, la mairesse de la plus grande ville du Québec nous disait qu'elle était contre les éléments de ce projet de loi. Là, aujourd'hui, c'est vous, l'association des premières nations du Québec et du Labrador.

J'ai de la misère à comprendre que le gouvernement, dans un contexte aussi important, aussi symbolique qu'un projet de loi n° 2, n'ait pas essayé de s'attacher un peu avant avec quelques partenaires. Donc, je comprends que vous avez appris l'apparition de ce projet de loi en même temps que tout le monde, quand il a été déposé. Vous n'avez pas été invités à des préconsultations lors de la rédaction, par exemple.

M. Picard (Ghislain) : Non. Dans le contexte du projet de loi n° 2, non, comme on ne l'a pas été pour le projet de loi qui encadre le cannabis, n° 157. Écoutez, on a eu une rencontre avec le gouvernement de l'époque en septembre 2017 et on a eu l'occasion de présenter un certain nombre de préoccupations qui ressemblent à peu près à ce qu'on vous a soumis aujourd'hui, mais de façon encore plus détaillée. Je me souviens même qu'il y avait des représentants du côté inuit, sans parler en leur nom, qui avaient des préoccupations vraiment majeures par rapport à la légalisation. Et ça remonte également aux premières représentations du gouvernement fédéral.

Mais, comme je vous dis, le produit final, finalement, c'est 157, avec la disposition qui permet de convenir de modalités avec les communautés. Mais pour vous dire est-ce qu'il y a des communautés qui s'en sont prévalues... Non. Mais, encore une fois, je pense qu'on est toujours, quelque part, en mode réaction, évidemment, qui est une situation qu'on ne souhaite jamais mais qui semble se répéter à chaque fois. Ça a été le cas pour le gouvernement fédéral. Je pense que, déjà en avril 2016, on a clairement signifié au gouvernement fédéral qu'ils étaient en train de mettre encore plus de poids dans un fardeau qui est passablement lourd à porter pour nos communautés au chapitre de l'intervention et de la prévention. Donc, on est toujours en mode rattrapage, si on veut, et à faire des représentations comme celle que nous faisons aujourd'hui.

Mais, écoutez, une réalité, là, qui est, de toute évidence, indéniable, c'est qu'on aura toujours à faire affaire, trouver les bonnes conditions pour engager les gouvernements qui sont là, les gouvernements du moment. Mais en même temps, je veux dire, la grande relation politique, là, qui est l'idéal qu'on souhaite atteindre, avec tant les juridictions provinciales que le gouvernement fédéral, est toujours un peu, je dirais, obstruée par des réalités qui viennent frapper à notre porte, comme c'est le cas aujourd'hui, et on est obligés de vous présenter les choses, en quelque sorte, de faire une espèce de pédagogie sur la réalité de nos communautés et... Mais ça, on dirait que ça se fait toujours après, après que les décisions soient prises. C'est ce qui nous rend un peu... je dirais, un peu toujours sur nos gardes.

Le Président (M. Provençal)  : ...on finalise, excusez-moi, les échanges avec le député de Jean-Lesage. M. Zanetti.

M. Zanetti : «Kwe». Merci beaucoup d'être ici. J'aimerais si vous pouviez développer davantage sur la question de la justice réparatrice et aussi en général, mais appliquée dans le cas, par exemple, d'une application d'une loi sur le cannabis.

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, là-dessus, en marge... puis je vais y aller avec un exemple qui est encore frais dans notre mémoire, et c'est en marge des événements qu'on a connus comme étant la crise de Val-d'Or, en octobre 2015, et qui s'est soldée par des conclusions qui ont été peu satisfaisantes pour notre communauté, un an plus tard, en novembre 2016, et qui ont également coïncidé avec les conclusions d'une étude qu'il y avait, dans le cas de Val-d'Or, une surjudiciarisation de certaines infractions commises par des membres de nos communautés qui résident en milieu urbain, alors que nous, on favorise beaucoup une justice qui va évidemment reconnaître les infractions, mais qui va permettre une réhabilitation des personnes, parce qu'on juge que les personnes ont un passé, je veux dire, qui ne sont pas nécessairement le leur, qui est colonial et où on a beaucoup plus exercé de la répression, je veux dire, au niveau de nos populations. Donc, on essaie de changer le système de justice dans son application pour permettre une réhabilitation, finalement, des personnes au sein même de nos communautés.

Dans le contexte du cannabis, écoutez, on est toujours dans un vide parce que, pour les raisons que j'expliquais plus tôt, on est toujours un peu à la remorque de décisions qui sont prises et pour lesquelles on est obligés d'intervenir comme on le fait aujourd'hui, c'est-à-dire de trouver des formules qui nous permettent d'adapter la réalité de nos communautés à une autre réalité, qui est celle du gouvernement qui adopte des lois, et souvent en tenant compte en tout dernier lieu à la réalité de nos communautés, alors qu'elles sont sans doute encore plus vulnérables que d'autres.

Et je pense que c'est ça qu'il faut... c'est là-dessus qu'il faut mettre l'accent aujourd'hui. Et, nous, je pense qu'on ne demande pas mieux, au niveau de nos communautés, dans le contexte d'un certain nombre d'acquis, notamment la possibilité pour nos communautés de pouvoir se prévaloir de l'adoption de règlements qui leur sont propres et de trouver peut-être une formule qui nous permette d'harmoniser les lois qui régissent le monde autour de nous par rapport à notre réalité. Et je pense que c'est l'objectif qui est recherché ici, mais, s'il n'y a pas d'espace, de lieu puis de moment pour en parler, bien... Écoutez, on est deux ici, on aurait pu être 40, là. Et c'est ça qu'on veut faire valoir, c'est que, s'il n'y a pas ce moment-là ou cette opportunité-là pour en parler, bien, écoutez, on finit notre journée en réactions, et souvent désabusés, parce qu'on n'a pas réussi à créer l'écoute nécessaire.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les représentants de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador pour leur collaboration à nos travaux.

Mémoires déposés

Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Et je rappelle que la commission ajourne au 21 février, après les affaires courantes, où elle se réunira pour une séance de travail. Merci beaucoup de votre collaboration. Merci beaucoup de votre présentation.

(Fin de la séance à 17 h 28)

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