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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Friday, January 23, 2015 - Vol. 44 N° 9

Special consultations and public hearings on the draft revised Government Sustainable Development Strategy 2015–2020


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. David Heurtel

M. Sylvain Gaudreault

M. Donald Martel

Auditions

Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ)

Institut de l'évolution du transport

Fonds d'action québécois pour le développement durable (FAQDD)

Vivre en ville

Autres intervenants

M. Pierre Reid, président

Mme Manon Massé

M. Claude Surprenant

*          M. Guy Lessard, RNCREQ

*          M. Philippe Bourke, idem

*          M. Cosmin Vasile, idem

*          M. Jean-Pierre Arcoragi, Institut de l'évolution du transport

*          M. Pierre Ducharme, idem

*          Mme France Levert, FAQDD

*          Mme Véronique Jampierre, idem

*          M. Nicolas Girard, idem

*          M. Christian Savard, Vivre en ville

*          Mme Catherine Boisclair, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, ce que je viens de faire moi-même. Je voudrais en profiter pour souhaiter aux personnes à qui je ne l'ai pas fait une bonne année. Nous commençons cette année pour la commission, c'est notre première rencontre.

Alors, la commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Soucy (Saint-Hyacinthe) sera remplacée par M. Surprenant (Groulx).

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, voici l'ordre du jour de ce matin. Nous allons débuter par des remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons les groupes suivants : le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement — les gens sont déjà présents — l'Institut de l'évolution du transport, Fonds d'action québécois de développement durable, et nous terminerons avec le groupe Vivre en ville.

Remarques préliminaires

Alors, nous allons commencer par les remarques préliminaires, et je cède la parole au ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.

M. David Heurtel

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Alors, je tiens à vous saluer, ainsi que Mme la secrétaire, mes collègues de la députation libérale, les collègues des partis de l'opposition. Je voudrais vous informer, je suis accompagné de la sous-ministre du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Mme Christine Tremblay, du sous-ministre adjoint à l'état de l'environnement, à l'écologie et au développement durable, M. Patrick Beauchesne, et du directeur du Bureau de coordination du développement durable, M. Luc Vézina. Je suis également accompagné de mon conseiller politique, M. Jacques Martineau.

Alors, vous me permettrez, étant donné que la convention... Je ne sais jamais c'est quoi, la bonne, là, mais jusqu'à quelle date on peut se souhaiter bonne année, mais je me dis que 23 janvier...

Une voix : ...

M. Heurtel : On fait une résolution là-dessus, j'ai... De consentement? Alors, je tiens à souhaiter à toutes et à tous une bonne année 2015, une année très importante qui commence avec un sujet fondamental, d'échanger — et j'espère véritablement d'avoir une véritable conversation — sur la prochaine stratégie de développement durable du gouvernement du Québec.

Je tiens à souligner que nous allons, dans les prochains jours, entendre plus de 40 groupes qui vont venir présenter leur position sur cette stratégie. Et je tiens également à préciser que tous les mémoires — parce qu'on a reçu, évidemment, plus d'une quarantaine de mémoires — tous les mémoires auront été lus, et analysés, et considérés dans l'élaboration des suites de cette commission.

Comme je le disais également, nous, ce qu'on recherche avec cette stratégie, c'est véritablement avoir un échange avec les représentantes et représentants de la société civile qui viendront présenter leur point de vue ainsi qu'avec les collègues pour voir comment on peut bonifier ce document. Ce document a été conçu principalement en 2013, et il faut comprendre que, depuis ce temps-là, il y a eu beaucoup, beaucoup, beaucoup d'événements, d'échanges, de réflexions qui ont été faites en matière environnementale, beaucoup de dossiers, et la notion de développement durable évolue rapidement. Et je crois qu'on a ici une véritable opportunité d'ensemble voir comment l'État québécois, à travers ses ministères, ses organismes, peut aller de l'avant au cours des prochaines cinq années et véritablement avoir une stratégie de développement durable qui intègre véritablement et concrètement les meilleures pratiques qui illustrent les trois grands piliers que constitue le développement durable, soit, évidemment, la protection de l'environnement, l'équité sociale et le développement économique.

Et donc ce que nous proposons, c'est véritablement un échange qui va non seulement se concentrer sur l'état actuel des choses, mais voir comment, pour les générations à venir, nous pouvons avoir un ensemble d'orientations, d'objectifs et de mesures qui vont nous permettre non seulement pour les générations actuelles de s'assurer que le gouvernement s'assure d'adopter et d'intégrer véritablement les meilleurs principes possible en matière de développement durable, mais qu'également pour les générations futures on puisse avoir une véritable évolution par rapport à la dernière stratégie et mettre la table, évidemment, pour les stratégies à venir. Et ça, ça va vouloir dire fondamentalement de commencer à intégrer encore plus, je crois, la notion de changements climatiques à la notion de développement durable, et c'est de voir... Et j'espère qu'à partir d'aujourd'hui et durant les prochaines semaines nous aurons l'occasion d'échanger davantage sur comment on va pouvoir véritablement intégrer tout ce qui s'est fait et tout ce qui se fait de façon continuelle et de façon très rapide en matière de changements climatiques, étant donné l'urgence fondamentale d'agir, et comment on peut intégrer ce qu'on fait déjà et ce qu'il reste à faire en matière de changements climatiques à, justement, ce qui a déjà été fait et ce qu'il reste à faire en matière de développement durable.

Alors, M. le Président, je vous souhaite et je nous souhaite tous une excellente commission, et je vous remercie.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, saluer les gens qui vous accompagnent, de la commission, une heureuse année. Les gens du ministère également, Mme la nouvelle sous-ministre, nouvelle sous-ministre à l'Environnement, une sous-ministre d'expérience. Mais bienvenue, puis merci de se joindre à ce travail. Je voudrais saluer les collègues qui sont ici, autour de la table, collègues de la deuxième opposition, collègue de Québec solidaire et, évidemment, mon collègue de Matane-Matapédia, les gens qui m'accompagnent, un recherchiste et un boursier de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant.

Écoutez, je vais essayer d'aller rapidement, évidemment — j'ai peu de temps — pour dire que c'est, effectivement, essentiel de faire ce travail, cette consultation. Moi, je veux vous dire tout de suite cinq priorités sur lesquelles, là, j'entends travailler, et questionner, et bonifier la stratégie.

Vu que c'est une deuxième stratégie, je souhaite que, premièrement, nous soyons capables d'examiner davantage un plus grand élargissement de la stratégie de développement durable en dehors des ministères et organismes du gouvernement du Québec, donc comment on peut arriver à ce plus grand élargissement.

Deuxièmement, c'est toute la dimension des ressources financières, dimension budgétaire. On est dans une période, évidemment, d'atteinte de l'équilibre budgétaire avec des coupures importantes un peu partout. Je veux m'assurer que les ressources financières suivront les ambitions de cette stratégie de développement durable.

Troisièmement — et je suis heureux d'entendre le ministre là-dessus dans ses remarques préliminaires — intégration des enjeux de lutte aux changements climatiques. Vous savez qu'évidemment tout le défi des changements climatiques nous interpelle tous comme élus. Nous avons devant nous une stratégie qui vise à aller jusqu'en 2020, ce qui correspond aux cibles de réduction des gaz à effet de serre du gouvernement. Alors, il faut intégrer la lutte aux changements climatiques dans la stratégie de développement durable.

Quatrième élément — et c'est transversal comme l'est la stratégie de développement durable — c'est l'accès à l'information. La transparence, pour moi, est un critère de ce développement durable. On s'aperçoit qu'au ministère de l'Environnement c'est un, sinon le ministère où il y a le plus de demandes d'accès à l'information, mais où il y a un «backlog», je dirais, si vous me permettez l'expression, dans le traitement des demandes d'accès à l'information. Je pense que c'est important de traiter de cette question-là aussi.

Cinquièmement, tout le lien extrêmement porteur de l'aménagement du territoire et des transports. Donc, ces deux volets-là, on ne peut plus les considérer en vase clos, l'aménagement du territoire et les transports. Il faut intégrer davantage dans une optique de développement durable... Vous me permettrez de dévoiler mon intérêt là-dessus, ayant été ministre de ces deux ministères, mais ce qui donnait des résultats, à mon sens. Alors, nous aurons à travailler là-dessus.

Donc, ça, pour moi, c'est les cinq piliers. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de choses qui vont décliner de cela, mais ça m'apparaît les cinq piliers. J'aurai également un souci toujours d'exemplarité, hein? Si on veut une stratégie de développement durable qui s'adresse principalement au gouvernement, bien, il faut que le gouvernement soit exemplaire. Ça, ça veut dire être exemplaire dans ses pratiques, être exemplaire dans l'application des plus hauts standards de développement durable et dans une obligation de résultat.

Alors, là-dessus, merci. Puis surtout j'aurai une très grande écoute à l'égard de la quarantaine de groupes qu'on va recevoir.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Jonquière. Je passe maintenant la parole au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de Nicolet-Bécancour.

M. Donald Martel

M. Martel : Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais saluer tous mes collègues parlementaires et remercier nos invités d'avance pour leur apport à nos travaux et aux réflexions qui vont permettre d'améliorer le projet de stratégie gouvernementale du ministre.

Le développement durable, c'est une façon de s'assurer de notre avenir à tous en reconnaissant et en respectant les capacités de notre environnement, cette terre qui nous nourrit et répond à nos besoins. Nous devons tous y participer, notamment en réduisant notre consommation, en réutilisant et en recyclant pour s'assurer de ne pas compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins.

Mais l'administration gouvernementale doit également jouer un rôle et montrer l'exemple. Pour moi, c'est clair, voyant que les défis qui nous attendent dans les années à venir... Ne serait-ce que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous devons renforcer et améliorer les pratiques de gestion écoresponsables ainsi que la prise en compte des principes de développement durable dans l'administration publique québécoise, dans l'attribution des contrats publics par exemple.

C'est pourquoi la Coalition avenir Québec voit cette stratégie révisée d'un bon oeil. Elle est cependant incomplète et comporte un certain nombre de lacunes. Notamment, elle prétend que les résultats qualitatifs ou quantitatifs sont établis pour chaque objectif à la page 25 et 28. Or, elle ne fixe pas de résultats quantitatifs précis pour la plupart d'entre eux, puis les cibles quantitatives énoncées sont vagues. Nos travaux auraient été beaucoup plus constructifs s'ils avaient porté sur les indicateurs et objectifs, qui seront seulement connus en décembre 2015.

Puis, malgré ce qui est écrit, la stratégie révisée oublie de prendre en compte plusieurs constats et recommandations contenus dans le rapport quinquennal de mise en oeuvre de la stratégie 2008-2013 et le rapport sur l'application de la Loi sur le développement durable d'avril 2013.

Je suis donc heureux de pouvoir questionner et entendre les remarques et recommandations de nos invités, ainsi que les réactions du ministre à leurs propos. Le but, c'est de rendre un meilleur produit final, et je crois que nous avons invité les bonnes personnes pour le faire. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Nicolet-Bécancour. Nous allons passer maintenant à la conversation avec notre premier groupe. Alors, nous avons avec nous le Regroupement national des conseils généraux de l'environnement. Alors, je vous souhaite la bienvenue, évidemment, et je vous demande de bien vouloir, d'abord, vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et je vous avertirai peut-être dans la dernière minute si vous voulez. La parole est à vous. Ensuite, nous procéderons à un échange.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Lessard (Guy) : Merci bien, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les commissaires, mon nom est Guy Lessard. Je suis président du Conseil régional de l'environnement Chaudière-Appalaches, juste de l'autre bord de la rivière en face, ici, et je suis également président du comité pour le développement durable au regroupement. À ma droite, Philippe Bourke, qui est le directeur général du regroupement. Et, à ma gauche, ce n'est pas le vilain, mais c'est la place qui restait, c'est Cosmin Vasile, le directeur général du Conseil régional de l'environnement.

Écoutez, à mon tour, j'aimerais vous transmettre les meilleurs voeux de nouvelle année. Elle sera probablement très, très, très occupée, alors je vous la souhaite bonne et fructueuse.

Écoutez, je vous dis un petit mot sur les conseils régionaux de l'environnement. Au départ, vous les connaissez, les conseils régionaux contribuent à harmoniser développement économique, durabilité écologique et équité sociale dans les régions. On est présents dans les 16 régions du Québec, sauf le Nord, tandis qu'au niveau du regroupement on a pour mission de contribuer à la définition d'une vision nationale du développement durable au Québec, de représenter l'ensemble des conseils régionaux de l'environnement et d'émettre des opinions publiques en leur nom. Alors, c'est un groupe de bénévoles appuyés d'un encadrement minime, mais nous essayons de défendre des valeurs fondamentales comme la solidarité, l'équité et le respect.

J'aimerais vous dire un petit mot aussi sur notre engagement vis-à-vis le développement durable. Lorsqu'en 2006, à l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale, on avait adopté la Loi sur le développement durable, ça faisait déjà plusieurs lunes que nous, au Regroupement national, on fréquentait assidûment les politiciens du Québec, les administrateurs pour lancer cette idée de l'importance, pour le Québec, d'intégrer les principes du développement durable dans la gouvernance de l'État. Et on s'est impliqués par la suite dans les nombreuses consultations qui ont été menées sur la stratégie, sur les indicateurs de développement durable, et, à chaque fois qu'on s'est présentés en commission parlementaire, ici ou encore au BAPE, on a toujours bâti notre argumentaire sur les principes du développement durable.

Une des belles réussites qu'on met un petit peu à notre crédit, si vous le permettez, c'est lorsqu'on a proposé au BAPE n° 1 sur les gaz de schiste d'intégrer l'évaluation environnementale stratégique dans le processus de prise de décision. Ça a été retenu par le BAPE, ça a été réalisé par la commission. Et il y a eu le deuxième BAPE qui, finalement, a recommandé au ministre et au gouvernement de faire une évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste, et, à mon humble avis, ça a aidé beaucoup à une prise de décision éclairée de la part du gouvernement du Québec.

• (9 h 50) •

Alors, dans le chapitre 3 de notre mémoire, on vous fait une liste complète — ou presque — de notre implication dans les dossiers du développement durable. Je ne vous en ferai pas la lecture parce qu'on va revenir avec des recommandations précises avec mes deux collègues tout à l'heure.

Je voudrais aussi vous dire que, dans le chapitre 4 de notre mémoire, on a essayé de faire un survol de toute la littérature qu'on retrouve dans les trois rapports que le ministre a mis à notre disposition en prévision de la commission parlementaire. Alors, c'est un travail important qui s'est fait à l'interne au niveau du ministère. C'est évident qu'on ne peut pas traiter de toutes les dimensions de ces rapports-là ici en 10 minutes, mais nous avons accordé une attention particulière à l'analyse de la performance des ministères et des organismes, particulièrement les mécanismes de mise en oeuvre, les réalisations et les résultats où on a des recommandations très précises. Et on a extrapolé un peu l'avenir d'ici 2020 en parlant de la mise en oeuvre du développement durable dans la société québécoise. Alors, d'emblée, je laisse la parole à Philippe pour la suite des choses.

M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup. Donc, Philippe Bourke, directeur du regroupement des CRE. D'abord, je voudrais souligner... Bien, pour ceux qui ont déjà eu l'occasion de parcourir notre mémoire, effectivement on a fait plusieurs recommandations très importantes, et il ne faudrait pas vous laisser dans l'impression qu'à cause de ça on est très négatifs. Au contraire, je pense qu'on le fait dans le même esprit qu'on intervient généralement, les CRE et le regroupement, avec des remarques constructives. Notre objectif, c'est vraiment d'aider le gouvernement à atteindre ses objectifs parce qu'on considère que ce qu'il poursuit, le gouvernement, à travers cette stratégie-là, c'est essentiel, nécessaire et même urgent.

Et, en ce sens-là, je voudrais dire... puis je paraphrase un peu M. Lessard, mais on est extrêmement fiers du leadership du gouvernement du Québec dans le développement durable. On est fiers de l'expertise qui s'est construite puis qui continue à se construire au ministère du Développement durable. Puis dans les autres ministères aussi, parce qu'il y avait une volonté de transférer cette expertise-là. On est fiers des mécanismes qui ont été mis en place comme la loi et la stratégie.

En ce qui concerne la présente stratégie, bien, c'est sûr... Je pense que c'est important, on a des recommandations, mais globalement on est satisfaits de voir les enjeux, les objectifs, les orientations qu'il y a là. On voit l'effort qui est fait pour davantage de cohérence, d'intégrer davantage les grandes orientations du gouvernement. Entre autres, l'enjeu des changements climatiques, donc on est contents de voir que c'est bien inscrit dans cette volonté-là. Et donc je pense qu'on a quand même une base très, très solide.

Là-dessus, je voudrais quand même juste, avant de laisser la parole à mon collègue, mentionner que oui, c'est sûr qu'on a des recommandations importantes. Mais, si je paraphrase un peu, vous savez, Ban Ki-moon, qui est le secrétaire général de l'ONU, qui disait récemment, à l'intention des changements climatiques, qu'on était à peu près la dernière génération à avoir le privilège de pouvoir agir, après nous, probablement que ça ne sera pas possible de stopper cette menace, et donc ça nous impose une très grande responsabilité... À mon sens, la chose prévaut aussi en matière de développement durable. On ne peut plus juste se contenter d'essayer, on doit se donner les moyens de réussir, et c'est en ce sens-là que, nos recommandations, on pense qu'elles vont nous aider à réussir l'objectif que le gouvernement poursuit. Donc, Cosmin, tu peux y aller.

M. Vasile (Cosmin) : Cosmin Vasile, directeur général du Conseil régional de l'environnement Chaudière-Appalaches puis coprésident du comité développement durable du regroupement national. Je veux faire juste une remarque. C'est que M. Lessard disait que je suis à gauche, mais, d'une autre perspective, je considère que je suis à droite, alors, concernant...

Je vais commencer avec les recommandations de notre mémoire. On les a partagées en deux, en recommandations stratégiques et recommandations spécifiques. On considère que les recommandations stratégiques sont vraiment des recommandations qui doivent absolument être intégrées dans la nouvelle stratégie de développement durable, tandis que les recommandations spécifiques sont des recommandations qui, même si elles sont importantes, portent surtout sur la forme de la stratégie.

Alors, je vais commencer à lire les stratégies, compte tenu du peu de temps qu'on a, et je vais donner le mot à la fin à Philippe pour finir avec un dernier set de stratégies.

Donc, le regroupement national, bien, notre première recommandation stratégique, c'est que notre organisme considère que l'objectif de renforcer la prise en compte des principes de développement durable par les ministères et organismes représente l'une des pierres d'assise du virage nécessaire pour intégrer le développement durable dans les actions structurantes qui entraîneront des changements positifs dans la société.

Nous sommes d'avis que, tel que stipulé par la Loi sur le développement durable, les ministères et organismes doivent obligatoirement utiliser des outils d'analyse, de planification et de mise en oeuvre qui prennent en considération tous les principes du développement durable.

Ce qui nous amène vraiment à la deuxième stratégie. M. Lessard a fait référence à l'évaluation environnementale stratégique, qui est un des outils d'analyse et de planification. Donc, on recommande d'intégrer dans la stratégie 2015-2020 l'évaluation environnementale stratégique comme mécanisme obligatoire d'analyse lors de l'évaluation d'enjeux sociétaux d'envergure. On a quelques enjeux devant nous, alors ça serait important d'intégrer cet élément dans notre façon de faire autant au niveau gouvernemental qu'au niveau de l'Assemblée nationale.

Le Regroupement national des conseils régionaux recommande au gouvernement aussi d'identifier et de préciser les rôles et les responsabilités des unités régionales des ministères et organismes dans la mise en oeuvre de la stratégie 2015-2020. On sait très bien qu'en fonction d'un ministère on a une application de la loi qui est à géométrie variable. Alors, on trouve que c'est très important d'intégrer ça dans les ministères et organismes au niveau régional.

Le Regroupement national recommande au gouvernement de créer de nouveaux forums régionaux permettant aux instances municipales, sociétales et entrepreneuriales d'échanger, de se concerter et de planifier le développement de manière complémentaire et dans l'esprit de la stratégie de développement durable.

On demande aussi au gouvernement d'inclure les instances municipales dans la stratégie 2015-2020 de façon à les assujettir aux mêmes exigences que celles des ministères et organismes en ce qui concerne le respect des principes de la Loi sur le développement durable pour ce qui concerne le développement régional.

On recommande également de prévoir des mécanismes qui interpellent la société dans son ensemble dans le but de bonifier la compréhension et la mise en oeuvre du développement durable au sein de la population en plus de favoriser la participation publique lors de l'établissement et de la mise en oeuvre des politiques et mesures gouvernementales.

Le Président (M. Reid) : Je dois vous arrêter. Normalement, donc, les 10 minutes sont dépassées. Est-ce que, M. le ministre, vous...

M. Heurtel : Est-ce qu'ils peuvent terminer, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Sur le temps du gouvernement?

M. Heurtel : Oui, oui, certainement.

Le Président (M. Reid) : Oui, allez-y.

M. Heurtel : Si ce n'est pas 17 minutes, là.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Reid) : Allez-y.

M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup. Ça va être très bref. Comme je disais tout à l'heure, évidemment, pour nous, c'est important de se donner les moyens de réussir. Donc, on a toute une section dans le mémoire qui concerne la mise en oeuvre, et je rappelle certains éléments que nous, on juge fondamentaux si on veut se donner les moyens de réussir.

D'abord, permettre au ministère qui est responsable de cet important chantier gouvernemental, qui est le ministère de l'Environnement, d'avoir les ressources nécessaires, suffisantes pour faire son travail en développement durable, mais aussi en protection de l'environnement.

Mettre en chantier une réforme, une mise à jour de la Loi sur la qualité de l'environnement. Dans son état actuel, elle n'est ni bonne pour l'environnement ni bonne pour l'économie, c'est un instrument qui, malheureusement, cause des difficultés et doit être mis à jour, au goût du jour.

Un meilleur soutien aux organisations de la société civile comme les nôtres qui font leur travail jour à jour justement pour essayer d'amener cette transition de la société vers une économie plus durable, une société plus durable. Et c'est, à notre avis, fondamental, on en fait une recommandation spécifique, donc, de l'ajout d'un objectif.

Et enfin, au niveau de la gouvernance de la stratégie, on pense qu'il est temps maintenant que le ministère du Développement durable transfère certaines autorités, leadership, imputabilité à certains ministères qui ont des responsabilités énormes à l'égard de certaines orientations de la stratégie. On donne l'exemple de la mobilité durable. À notre sens, il faudrait que le ministère responsable de la mobilité durable, qui est le MTQ, prenne un leadership et une imputabilité à l'égard de la mise en oeuvre de tout ça. Sinon, on n'y arrivera jamais.

Et donc je termine là-dessus, et on vous remercie du délai supplémentaire, M. le ministre, que vous nous accordez.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci, messieurs, de votre présentation. Nous allons procéder à la période d'échange par blocs. Nous allons commencer par le bloc gouvernemental. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Je tiens à saluer la qualité de votre mémoire, tout d'abord. Ça a été très agréable à lire, et ça soulève des questions très importantes, et je crois que ça va contribuer à l'exercice, là, de bonification, là, de la stratégie.

Vous citiez, M. Bourke, Ban Ki-moon. Je commencerais aussi par une autre citation de Ban Ki-moon, qui dit, à propos de l'importance et même l'urgence d'agir en matière de changements climatiques : «Il n'y a pas de plan B parce qu'il n'y a pas de planète B.»

Et je me plonge tout de suite dans le mémoire et votre première recommandation spécifique, à la page 4 : «Le regroupement recommande d'identifier la lutte contre les changements climatiques comme l'une des activités incontournables des ministères et organismes.»

Ma première question, j'aimerais vous entendre davantage, vous pourriez approfondir là-dessus? Évidemment, je trouve ça très intéressant et même fondamental de soulever cette question-là, mais je me demande même si on ne devrait pas aller plus loin qu'«activités incontournables».

Puis la deuxième partie de ma question, ce serait de vous demander, voir est-ce qu'on ne pourrait pas voir la lutte contre les changements climatiques comme une partie intégrale du développement durable et comme devant être intégrée complètement à travers l'ensemble de la stratégie. Alors, si vous pouviez là-dessus... s'il vous plaît.

• (10 heures) •

M. Bourke (Philippe) : Là-dessus, je pense que vous soulevez un bon point. Et vous êtes sans doute la personne la mieux placée pour parler, disons, d'interaction entre, à la fois, la stratégie de développement durable et l'action gouvernementale en changements climatiques parce que c'est deux responsabilités du ministère de l'Environnement. C'est clair que, de notre point de vue externe, on n'est pas, justement, familiers avec tout l'arrimage qui se fait entre les ministères dans ces deux politiques-là, mais on constate, par l'effet externe, qu'il semble y avoir de l'incohérence dans l'action. C'est-à-dire qu'on peut se donner certaines cibles, certaines orientations, des objectifs gouvernementaux, mais, quand on regarde les décisions qui se prennent, les orientations de certains ministères, on se dit : Bien là, il me semble qu'on fait tout et son contraire en même temps. Donc, on cherche des solutions pour l'intégrer mieux.

Déjà, on l'a souligné, on le sent, que les changements climatiques sont... on sent qu'il y a une volonté de l'étendre à travers la stratégie de développement durable, on se dit : Il faudrait aller possiblement un peu plus loin. Formaliser les objectifs par ministère, peut-être que c'est un moyen. Est-ce qu'on peut aller plus loin? Ça, je ne saurais pas dire comment, après ça, là, ça devrait être encore plus transversal, mais... Je ne connais pas assez les mécaniques gouvernementales. La plus appropriée, je pense que c'est vous, en tant que gestionnaire, administrateur de ces politiques-là, qui êtes à mieux de... Mais sans doute qu'il y a moyen de mieux faire puis... Mais je ne saurais pas dire personnellement. Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à dire, mais...

M. Vasile (Cosmin) : Je considère qu'il y a un enjeu important aussi en ce qui concerne l'adaptation aux changements climatiques. On n'a pas l'habitude d'être proactif dans ce sens-là. On commence à avoir cette vision au niveau du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, sauf qu'il ne faut pas se retrouver avec des situations extrêmes où on doit vraiment interagir, où on doit avoir vraiment une concertation des ministères concernés suite à un désastre naturel. Puis on a vécu dans les dernières décennies certains grands événements majeurs qui ont demandé une cohésion des ministères pour, vraiment, résoudre un problème évident, qui est vraiment l'adaptation aux changements climatiques. Et je me réfère vraiment aux derniers débordements de la rivière Richelieu où on a vu vraiment que... Il faut commencer à réfléchir sur l'adaptation aux changements climatiques. Mais ça, c'est encore un autre volet de ce qu'on propose dans notre mémoire.

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Heurtel : Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Le Président (M. Reid) : M. le ministre...

M. Lessard (Guy) : Oui.

Le Président (M. Reid) : Ah!

M. Lessard (Guy) : En fait, il existe déjà des mécanismes qu'on peut utiliser à travers la stratégie de mise en oeuvre en utilisant les plans d'action, les PADD des ministères. Ça pourrait devenir des actions obligatoires, transversales qui permettraient aux ministres concernés de pouvoir suivre l'évolution des interventions et des actions des différents ministères par rapport à la lutte aux changements climatiques. Mais ce n'est peut-être pas suffisant, il faudrait peut-être aller un petit peu plus loin au niveau des orientations prioritaires, et il faudrait vraiment la camper à ce niveau-là. Et, compte tenu de l'envergure de cette problématique-là, comme ça a déjà été fait historiquement au Québec dans des dossiers comme la gestion des matières résiduelles, la gestion de l'eau, il devrait y avoir peut-être un «task force», un groupe d'experts qui alimente les travaux des ministères concernés sur la base scientifique. Je pense que c'est important. On a Ouranos au Québec qui est très bien reconnu. Donc, je pense qu'on a tous les outils pour le faire, il manque la volonté politique maintenant d'y donner suite.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Lessard. M. le ministre.

M. Heurtel : Je dirais, je crois que la volonté est là, c'est plus dans... Puis c'est justement la raison pour laquelle on est ici aujourd'hui puis dans les prochaines semaines, c'est de trouver un meilleur comment-le-faire. Et le sens de ma question, c'était de, justement, voir comment on peut mieux intégrer la notion de changements climatiques à la notion de développement durable, et plus particulièrement à la stratégie.

Puis on peut déjà dire qu'au niveau scientifique... Vous avez mentionné Ouranos, il y a un travail continu. On a réinvesti dans Ouranos grâce au Fonds vert, qui fait partie de notre plan d'action sur les changements climatiques. Il y a le Comité-conseil sur les changements climatiques qui a été réinstitué en juillet dernier par le gouvernement. M. Bourke, d'ailleurs, siège sur ce comité-là. On a une quinzaine d'experts de plusieurs, différents domaines qui sont là, justement, pour conseiller le gouvernement par rapport à son approche. Mais je suis d'accord avec vous qu'il doit y avoir un travail de meilleure intégration de toutes les mesures de lutte contre les changements climatiques à la stratégie.

Et donc, si on va plus précisément encore, on pourrait parler notamment de mobilité durable. Si on peut aller à la recommandation 10 de votre mémoire, là c'est recommandation stratégique, j'aimerais vous entendre davantage par rapport, justement... Alors, dans cette conception de meilleure intégration de lutte contre les changements climatiques à la stratégie de développement durable, je veux vous entendre davantage sur, de votre point de vue, comment... Parce que vous parlez, justement... pour la mise en oeuvre des responsabilités accrues, vous nommez plusieurs ministères, Transport, Affaires municipales, des agences comme l'AMT, la SAAQ, la CPTAQ, bref tout l'alphabet y passe.

Quand on parle de mobilité durable, on parle, évidemment... ça touche l'aménagement également. De voir dans les processus décisionnels du gouvernement... Puis, encore une fois, je comprends que vous n'êtes pas dans l'État, puis je comprends ce que vous dites, M. Bourke, vous n'êtes pas dans la mécanique, là, la fine pointe de la mécanique, là, décisionnelle gouvernementale, mais, de votre point de vue, de ce que vous voyez, est-ce que, justement, d'intégrer des critères plus spécifiques de considération, des principes de lutte contre les changements climatiques en amont du processus décisionnel, de l'intégrer comme étant des incontournables, des conditions, c'est quelque chose que vous voyez comme étant un pas dans la bonne direction ou est-ce que vous avez d'autres façons de voir ça pour s'assurer que ces principes-là soient pris en compte par ces organismes-là dans un contexte de concertation, évidemment, mais que ça soit beaucoup plus intégré, là, dans le processus décisionnel?

Le Président (M. Reid) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Oui. Je vais partir d'un exemple très concret pour illustrer après ça comment je vois ça. On a eu récemment, à la fois dans la communauté de Montréal et de Québec, les résultats des enquêtes origine-destination. Donc, malgré la stratégie de développement durable, malgré le plan d'action sur les changements climatiques, malgré les intentions de plusieurs municipalités de contrôler l'étalement, ce genre de choses là, le résultat, c'est qu'on continue à augmenter la part de l'automobile dans la mobilité, sachant très bien qu'en plus ça crée des problèmes de congestion, ça coûte énormément cher à l'État, c'est... Vraiment, donc, c'est un problème de développement durable clairement. Ce n'est pas une affaire environnementale. C'est clair qu'économiquement ce n'est pas gagnant, socialement. Il y a les pertes de temps. Les personnes qui perdent du temps là-dedans, ça coûte cher, c'est...

Vous les connaissez, les problématiques de transport, on les connaît tous. Malgré tout, il n'y a personne qui a le leadership de dire : C'est ma responsabilité de régler ce problème-là. Donc, on a une loi sur le développement durable ou une politique de gaz à effet de serre qui dit : Il faut que tout le monde agisse pour réduire ça, mais le ministère responsable, lui, il est encore dans un mode accommodation des besoins, et donc là il y a des projets autoroutiers qui ne font aucun sens, c'est de l'argent public qui s'en va dans des prolongements d'autoroutes, alors que nos réseaux de transport collectif souffrent d'un manque de financement. Donc, est-ce que, justement, ça ne devrait pas être la responsabilité du ministère des Transports d'avoir l'imputabilité de veiller à ce que des indicateurs comme le taux de motorisation, comme les gaz à effet de serre dans le transport, la consommation de carburant aient des objectifs clairs, et elle a l'imputabilité, à la fin du compte, de dire : On a réussi à atteindre ça. C'est sa responsabilité, puis c'est lui qui va devoir en répondre si jamais, au contraire, ça progresse.

Donc, il faut qu'il s'approprie ces nouvelles réalités là dans ces ministères-là. Je parle du MTQ, mais le MAMROT, c'est la même chose. Je nomme la SAAQ parce que, des fois, il y a des contraintes à permettre l'électrification tout simplement par... Tu sais, il faut que tout le monde mette l'épaule à la roue pour dire : On s'en va dans cette direction-là, qu'est-ce que je peux faire, moi, pour qu'on s'en aille dans cette direction-là? C'est ça qu'on a besoin, et, peut-être, avec des bons indicateurs ciblés sur ces grands leaders de l'action gouvernementale que sont ces gros ministères là, ça aiderait beaucoup, à mon sens, qu'on s'approche de quelque chose de plus...

Le Président (M. Reid) : M. le ministre.

M. Heurtel : M. le Président, il me reste combien de temps?

Le Président (M. Reid) : Deux minutes.

• (10 h 10) •

M. Heurtel : Deux minutes? Merci. Donc, si je suis votre exemple, donc, ce serait véritablement d'intégrer... puis une obligation d'intégrer des principes, bon, de lutte contre les changements climatiques qu'on intègre, justement, au principe de développement durable et d'avoir une approche intégrée pour, justement, en amont d'une décision, que ça soit... On peut prendre un exemple, une route, ou un projet d'aménagement urbain, ou quoi que ce soit, puis d'avoir tous les intervenants à la même page, et donc d'appliquer ces principes-là, et que ça soit nécessairement appliqué, puis que ce n'est pas une forme discrétionnaire, là, ce n'est pas quelque chose qui peut ou ne peut pas. Je vous comprends bien?

M. Bourke (Philippe) : Oui, absolument. Mais, sur la mécanique finale, par contre, c'est ça, là...

M. Heurtel : Non, non, non. Ça, c'est notre magnifique défi.

M. Bourke (Philippe) : Oui, c'est ça.

M. Heurtel : Non, mais c'est de bien comprendre la nécessité. Parce que vous, vous le voyez de votre point de vue, de votre expertise à vous, là, qui est reconnue et que je reconnais. Et, de l'autre côté, je vous dirais en terminant là-dessus, je crois que, bon, en planification, en développement, en transport, en développement d'infrastructures notamment, là, puis on pourrait parler, évidemment, puis on en parlera... malheureusement, le temps manque pour moi aussi, mais, bon, de finance, d'écofiscalité, de santé également, une... L'idée pour aller chercher les meilleures connaissances, tu sais, essayer de voir est-ce que l'idée d'une table sur les meilleures pratiques, c'est quelque chose qui pourrait répondre à ce dont vous parliez, là, tout à l'heure.

Le Président (M. Reid) : M. Bourke, 30 secondes.

M. Bourke (Philippe) : Rapidement, là-dessus, un peu comme vous avez dit tout à l'heure, on a... on manque... c'est-à-dire on a la détermination, c'est juste qu'il faut trouver les moyens. Moi, je pense qu'on n'a pas besoin de nous dire quoi faire, on le sait, quoi faire. C'est la même chose, là. Les meilleures pratiques, il y a des colloques, ça circule abondamment, on a de la misère à tous les suivre. Là, il faut tomber dans le... on sait quoi faire, dans l'action.

M. Heurtel : Donc, on a les connaissances. Là, il faut intégrer, il faut mettre en oeuvre d'une façon concertée et intégrée les principes pour qu'ils soient appliqués dans le concret.

M. Bourke (Philippe) : C'est peut-être les connaissances dans l'application qu'on a besoin.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Bourke. Merci, M. le ministre. Nous allons maintenant passer au bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais saluer un des premiers phénix de l'environnement, membre du Cercle des Phénix, M. Lessard, 1996. Donc, vous étiez un pionnier des phénix. Alors, comme le phénix, je vois que vous vous reconstituez d'année en année, vous êtes toujours là. Alors, c'est inspirant, en tout cas, puis ça démontre que vous étiez un pionnier.

Je veux tout de suite passer, justement, à l'action. Vous venez de dire, M. Bourke : Bon, on a déjà beaucoup d'information, maintenant il faut passer à l'action. Il y a deux recommandations dans vos recommandations stratégiques, là... Bien, il y en a plusieurs, mais je veux attirer l'attention sur deux qui m'interpellent. La n° 2, qui recommande d'intégrer dans la stratégie 2015-2020 les EES, les évaluations environnementales stratégiques, c'est très gros, ça, c'est une grosse recommandation. Ensuite, à la recommandation 4, vous dites de créer de nouveaux forums régionaux pour permettre aux instances municipales, sociétales, entrepreneuriales d'échanger, de se concerter, etc. Et, comme je le disais dans mes remarques préliminaires, moi, je suis aussi très interpellé par l'accès à l'information, par la transparence, entre autres du côté du ministère de l'Environnement.

Et là, dans une approche intégrée, cohérente et responsable, vigoureuse, je veux vous faire un lien avec la recommandation n° 8, où, là, vous dites que la Loi sur la qualité de l'environnement étant un outil essentiel pour assurer la mise en oeuvre du développement durable, vous recommandez de procéder à sa modernisation. Donc, comment vous voulez modifier la Loi sur la qualité de l'environnement dans cet esprit-là? Serait-ce en intégrant, justement, dans la loi les évaluations environnementales stratégiques, des données sur l'accès à l'information, les forums régionaux, dont vous parlez à la recommandation 4? J'essaie de faire le plus efficacement possible, donc voilà.

Le Président (M. Reid) : M. Lessard.

Une voix : Je te laisser aller. Toute une question!

M. Lessard (Guy) : C'est une question... c'est la question qui tue, en fait, que vous posez là. Quand on parle de la Loi sur la qualité de l'environnement, bien sûr c'est la bible au Québec, là, de toutes nos actions. Je vais débuter avec l'évaluation environnementale stratégique. Nous, on n'est pas des juristes, et on pense que la stratégie étant quand même dans le vocabulaire et le langage de la loi a quand même une valeur, une certaine valeur légale. Et, dans la description des mécanismes de la stratégie, je pense que ça serait possible d'y intégrer l'obligation de faire une évaluation environnementale stratégique lorsqu'on veut étudier de nouvelles filières ou des enjeux importants pour le Québec. Je pense que ça peut se faire là sans toucher à la Loi sur le développement durable. Et laissons à Philippe le soin de parler de la Loi sur la qualité de l'environnement tout à l'heure.

L'autre aspect que vous mentionnez, c'est qu'au Québec, depuis des décennies, on a réussi à développer des structures de solidarité dans des régions comme l'Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord, peut-être le Saguenay—Lac-Saint-Jean aussi, que je connais moins, Chaudière-Appalaches. On n'a pas des structures de développement économique comme à Montréal puis à Québec, c'était notre structure de développement économique. C'est là que se rejoignaient, si vous voulez, les politiciens des municipalités, que se rejoignaient les représentants régionaux. Que ce soit dans le domaine de l'agriculture, de la forêt, le développement durable — moi, j'étais là — le réseau scolaire, tous les représentants décideurs de la région sont là, ce qui nous permet, à moyen puis à long terme, de développer une culture de développement dans une région administrative.

Dans un premier temps, le r est disparu du MAMROT, avec qui on travaillait. Maintenant, c'est regroupé au niveau d'un ministère économique qui est un petit peu plus loin de nous autres, malheureusement. La conférence régionale des élus disparaît. Alors, nous, ce qu'on dit : Peut-être que, dans les grandes municipalités, on a déjà des structures de développement économique importantes, on peut prendre ces dossiers stratégiques qui existaient au niveau des CRE, même l'expertise qui était là, et on peut les tasser tranquillement du côté de la Communauté urbaine de Québec ou, à Montréal, dans une autre instance. Mais qu'est-ce que vous faites chez nous? Moi, j'ai un projet important de développement de ma région. Pas la ville de Thetford, là, ma région de Chaudière-Appalaches. Pouvez-vous me dire, là, à qui je m'adresse demain matin pour faire cheminer ce projet-là? Il y a un point d'interrogation important. C'est dans ce sens-là qu'on dit : Il faudra trouver une façon d'avoir un forum régional pour que les entrepreneurs de ma région, les responsables des différents organismes publics... Les représentants des ministères se réunissent déjà au sein de la CAR, mais ce n'est pas un groupe qu'on peut aller rencontrer fréquemment, vous le comprendrez. C'est le sens de notre recommandation.

Maintenant, comment tout ça pourrait se transformer dans des modifications au niveau de la loi? Mon valeureux directeur général du RN va essayer de répondre à ça.

M. Bourke (Philippe) : Ça va être très bref. La Loi sur la qualité de l'environnement, à mon sens, elle doit être réformée pour mieux protéger l'environnement. Oui, profitons-en pour régler des enjeux, dont l'accès à l'information, qui est un grave problème. Et ça fait partie déjà des problèmes qui doivent être corrigés avec la mise à jour de la loi, mais il ne faut pas non plus se dire : Ah! bien, on va en profiter pour tout inclure le développement durable là-dedans, etc. Je pense qu'il y a d'autres instruments, puis on peut passer par d'autres véhicules. Il ne faudrait pas complexifier déjà ce dossier-là, qui l'est déjà énormément. Je pense qu'en soi la Loi sur la qualité de l'environnement doit être réformée pour aider le ministère à mieux faire son travail, aider même le développement économique à mieux se faire. Ceci dit, il y a des améliorations, c'est clair, en termes — on en parle dans le mémoire — d'accès à l'information, participation publique qui sont liées à ça, mais globalement il y a d'autres approches qu'il faudra adresser en termes de révolution structurelle, là, pour le développement durable en général.

Le Président (M. Reid) : ...

M. Gaudreault : O.K. Alors, je comprends que vous nous appelez quand même à la prudence. Vous dites : D'une part, il y a le développement durable, la stratégie. Il faut y intégrer les évaluations environnementales stratégiques. D'autre part, modification nécessaire de la loi, modernisation nécessaire de la Loi sur la qualité de l'environnement. Il ne faut pas nécessairement faire un genre de grand tout parce que la Loi sur la qualité de l'environnement a sa mission spécifique sur l'environnement. O.K. Je comprends les nuances que vous faites.

Je vous amène... Parce que le temps file — j'aimerais beaucoup même poursuivre sur ce que vous venez de dire, mais j'ai d'autres choses qui m'interpellent beaucoup — puis qu'il me reste deux minutes, que m'a dit le Président, alors la recommandation 7 sur les ressources financières. Évidemment, je n'ai pas le choix de vous amener à votre tableau très instructif de la page 19 où vous dites que le ministère doit compter sur des ressources suffisantes. Et là vous faites ressortir que, par rapport à Santé, Éducation, Culture, si on prend ces exemples-là, le seul ministère où il y a une variation négative, c'est le ministère de l'Environnement. J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur le côté budgétaire. Comment vous pensez qu'on pourrait contrôler ça? Parce que ça devient toujours facile pour un gouvernement de dire : Bon, bien, c'est au ministère de l'Environnement qu'on va sabrer.

• (10 h 20) •

M. Bourke (Philippe) : Écoutez, moi, évidemment, ça fait longtemps que... ça fait 18 ans, comme M. Lessard aussi, qui est là depuis longtemps, on a vu passer toutes sortes de réformes, de transformations dans la société. On a vu augmenter les préoccupations en environnement, on a vu augmenter la charge, les attentes de la population. Et ça, en ce sens-là, là, je suis obligé de lever mon chapeau au ministre de l'Environnement, c'est, à mon sens, un peu la tâche la plus ingrate du gouvernement que de devoir... avec si peu de ressources, et de si grandes responsabilités, et avec des attentes qui sont quatre fois supérieures, être capable de faire son travail.

À un moment donné, ça prend un peu de recul pour dire : Bien là, il y a quelque chose qui ne marche pas, puisqu'entre autres on le sait que, si on protège mieux notre environnement, on va éviter de faire gonfler notre facture en santé. Puis on sait très bien que, là, elle a augmenté de 60 %, mais ce n'est rien comparé à ce qui nous attend parce qu'on n'a pas réglé nos problèmes de qualité de l'air, on n'a pas réglé nos problèmes de pollution diffuse agricole, on n'a pas réglé nos problèmes de qualité de l'eau. On a vu ce qui s'est passé récemment à Longueuil, on n'est pas à l'abri de certaines problématiques graves. À un moment donné, si on veut faire du développement durable, ça veut dire anticiper des coûts énormes en termes de santé publique, et, éventuellement, donc, fondamentalement, ça prend plus de ressources. C'est un investissement un peu comme dans n'importe quoi, c'est de l'investissement dans la prévention.

À un moment donné... Et, en ce sens-là, quand je dis que le ministère est obligé de se conformer à des mêmes règles que tous les autres du type : Bien, on ne renouvelle pas une ressource sur deux ou, tu sais... À un moment donné, il y a des limites, là. Quand tu es déjà dans un budget famélique comme celui-là, d'être obligé en plus de te contraindre à des règles comme celles-là, ça n'a aucun sens, ça n'a vraiment aucun sens. Je pense que, là, il faut regarder ce portrait-là puis se dire : Ça ne marche pas.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Bourke. Nous allons passer maintenant au bloc du deuxième groupe d'opposition, et je passe la parole au député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bon matin à vous trois. Moi, j'aimerais ça, savoir un peu comment vous voyez le rôle des conseils régionaux en environnement dans la prochaine stratégie gouvernementale. Je m'explique. En tout cas, depuis plusieurs années, là — moi, ça fait 20 ans que je suis là-dedans, ça fait plus longtemps que ça — il y a toujours eu une instance de concertation régionale qui s'appelait les CRCD, qui s'appelait les CRE. On assiste maintenant à l'abolition des conseils régionaux d'élus. J'imagine qu'il y avait, entre autres, il y avait une partie de votre financement qui venait de là, dans les CRE, il devait y avoir des ententes spécifiques. Mais, au-delà du financement, vous aviez un interlocuteur régional. Je parle, dans chacun des conseils régionaux en environnement. Maintenant, il n'y a plus d'instance de concertation régionale. Il peut y avoir une table des préfets ou des choses comme ça, mais il n'y a plus une structure formelle de concertation régionale.

Moi, j'essaie de voir, premièrement, votre rôle. Comment vous voyez le rôle des CRE dans l'avenir? Comment vous voyez votre financement s'il y a des CRE qui dépendaient du financement des CRE? Et qui sera votre interlocuteur au niveau régional? Vous comprenez, là, on donne beaucoup de rôles aux MRC. C'est un territoire plus petit, il y a des chances que les MRC se dotent d'un organisme à la grandeur de leur territoire. Mais, moi, les conseils régionaux... Puis je sais que vous jouez un rôle important dans chacune des régions du Québec. Là, j'essaie de voir à qui vous allez parler, qui vont être vos interlocuteurs au niveau régional.

Le Président (M. Reid) : M. Lessard.

M. Lessard (Guy) : J'imagine que la nature a horreur du vide et que, tôt ou tard, quelqu'un va imaginer l'existence d'un forum dans nos régions pour qu'on puisse, par équité, pouvoir défendre nos besoins en matière de développement vis-à-vis des villes comme Québec, Montréal et ces grands regroupements là. Et c'est normal que ça se passe comme ça, sauf qu'il faut nous donner les outils pour le faire.

Jusqu'à maintenant, on avait cette table-là au niveau des conférences régionales des élus, où, d'abord, on se connaît, on se connaît mieux, on s'apprivoise. Chez nous, moi, les gens, ils n'ont plus peur de l'environnement puis du développement durable, c'est intégré dans notre plan quinquennal, et puis on avait des actions concertées avec différents secteurs d'activité, des ententes avec l'UPA, des ententes avec le milieu forestier, avec le milieu scolaire. Ça nous permet de réaliser des actions de développement durable dans un territoire régional et ça nous permet de venir donner un éclairage au niveau provincial sur les possibilités d'action dans la population. Ça nous permet aussi de faire des recommandations pour des changements au niveau des lois, des encadrements, des programmes, et le reste.

Le financement, ça n'a jamais été une chose facile pour nous autres. On a beaucoup de bénévolat. Quelques conseils régionaux ont réussi à aller chercher des budgets avec les CRE, mais ce n'est pas quelque chose qui était étendu énormément non plus. On le fait beaucoup par des programmes spécifiques à l'intérieur du ministère de l'Environnement, que ça soit sur les changements climatiques, la gestion des matières résiduelles. Et, si jamais il n'y avait pas de plateforme, de forum au niveau régional... Eh bien, c'est ce qu'on a commencé à faire présentement en attendant qu'il se passe quelque chose, c'est qu'on va discuter avec l'UPA, on prend des ententes avec l'UPA. On vient de le faire, là, au niveau d'un forum sur les matières organiques. Chaudière-Appalaches, les matières organiques, on en a un peu. Donc, c'est une priorité pour la région. On fait une autre démarche avec l'UPA sur l'adaptation aux changements climatiques parce qu'il va être concerné par ça. On le fait beaucoup en gestion des matières résiduelles avec ceux qui ont des équipements puis qui sont dans les opérations de récupération des matières résiduelles.

Donc, là, ça nous oblige maintenant, avec le milieu municipal, d'aller travailler MRC par MRC. Il y en a neuf chez nous, dans Chaudière-Appalaches. Alors, c'est certain qu'on n'aura jamais, avec les ressources qu'on a présentement, on n'aura jamais la possibilité de travailler sur une base statutaire régionale. Il va falloir faire des projets spécifiques avec des gens, ce qui représente, à mon avis, un recul important par rapport à ce qu'on a réussi à gagner au cours des 15, 20 dernières années.

Donc, je suis un petit peu comme vous, on se pose des questions. Comment va évoluer notre rôle? Présentement, on a un rôle de protection de l'environnement, on le fait avec le plus d'intelligence possible. On a un rôle de mise en oeuvre durable. Nous autres, on a trois stratégies présentement dans Chaudière-Appalaches — je vais parler de ce que je connais. On en a une au niveau de la gestion des matières résiduelles, alors tous ceux qui sont concernés par la gestion des matières résiduelles font partie d'une stratégie avec nous autres. On a une priorité sur les matières organiques, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. On en a une sur l'adaptation de l'énergie et les changements climatiques. Alors, on a une table régionale présentement qu'on est allés chercher des gens compétents et représentatifs de leur milieu, on multiplie la table, là, par 10, là. C'est, en fait, ça, le problème...

Le Président (M. Reid) : Il reste à peine 30 secondes si vous voulez poser une question.

M. Martel : O.K.

Le Président (M. Reid) : Je pense que M. Vasile voulait parler également. C'est votre choix.

M. Martel : Bien, allez-y, allez-y.

M. Vasile (Cosmin) : Je voulais souligner aussi, parce qu'on parle souvent juste des CRE, puis comme organisme régional qui disparaît... Puis on voit que le volet régional commence à... on commence à avoir de la misère à voir de quelle manière on s'intègre dans ce volet régional. Un des éléments qu'on fait ressortir, entre autres, dans notre mémoire, dans les recommandations spécifiques, c'est la gestion intégrée des ressources et du territoire parce que c'est... quand on parle de gestion intégrée, juste pour prendre l'exemple de l'exploitation forestière, quand on parle d'intégration des projets énergétiques, comme des parcs éoliens qui visent plus qu'une MRC ou qui visent vraiment une plus grande superficie, on a... les aires protégées, c'est la même chose. On a vraiment un objectif très intéressant dans la stratégie de développement durable...

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Vasile. Je dois vous interrompre. Alors, nous passons maintenant au dernier bloc, qui est réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Combien de minutes, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Trois minutes.

Mme Massé : Trois minutes. Bonsoir... bonsoir... bonjour, voyons! Je suis déjà rendue à ce soir, moi, là. Bonjour, mes collègues. Écoutez, merci beaucoup pour votre contribution, effectivement, très étoffée, beaucoup d'éléments. Vous avez pris, comme d'habitude, votre responsabilité au sérieux. Beaucoup de questions, déjà, ont été posées, j'aimerais attirer votre attention peut-être sur quelque chose de plus spécifique. Vous dites dans vos recommandations stratégiques... Et vous en avez fait un petit peu mention, j'ai envie de vous entendre plus longuement là-dessus, comme quoi vous recommandez que le gouvernement identifie et précise les rôles et les responsabilités de chacune des unités régionales des MO, mais voire même — et vous en avez fait état — de chacun des ministères, et etc. Je sens dans cette préoccupation de dire : Ça ne peut pas reposer exclusivement sur le ministère, qui a vu son financement diminuer dans les 10 dernières années, et en plus sur une stratégie qui touche tout le monde, mais dont seulement le ministère, entre guillemets, quasiment le moins financé a la responsabilité de voir l'application.

Moi, dans cette vision d'imputabilité dont vous avez parlé, est-ce que vous avez réfléchi à qu'est-ce que ça pouvait... Puis vous l'avez un peu amené tantôt, qu'est-ce que ça pouvait vouloir dire, par exemple, par rapport à un ministère ou un conseil comme celui du Conseil du trésor? Parce que, vous le soulevez, ça nous prend les moyens, ça nous prend... Est-ce que vous voyez que quelque chose comme ça devrait être aussi applicable au Conseil du trésor?

• (10 h 30) •

M. Bourke (Philippe) : Bien, rapidement, parce qu'il ne reste beaucoup de temps.

Le Président (M. Reid) : ...1 min 30 s.

M. Bourke (Philippe) : C'est ça. On le mentionne — puis c'est le fun que vous parliez du Conseil du trésor — on fait la recommandation que l'esprit de la Loi sur le développement durable et de la stratégie doit aussi rejoindre des exercices comme la préparation d'un budget. Et, entre autres, en ce moment, aussi il y a des évaluations de programmes, comment le développement durable est pris en compte dans l'évaluation des programmes? On l'a suggéré. Je ne le sais pas, si c'est pris en compte, mais fondamentalement c'est tellement déterminant, ce genre d'élément là, dans l'État qu'il faut que le développement durable se trouve là aussi.

Mme Massé : Une question de cohérence.

M. Bourke (Philippe) : Exactement.

Mme Massé : Merci.

Le Président (M. Reid) : Est-ce que ça va? Alors, merci beaucoup, M. Lessard, M. Vasile, M. Bourke.

Je vais suspendre la séance pendant quelques instants, le temps que nous recevions nos prochains invités. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 34)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux. Alors, j'invite nos invités à s'asseoir, les représentants de l'Institut de l'évolution du transport. Alors, je vais vous laisser la parole pour une dizaine de minutes, et ensuite nous procéderons à des échanges avec les membres de la commission. Alors, je vous demanderais de commencer par vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, de procéder à votre exposé. Et je vous avertirai lorsqu'il restera environ une minute.

Institut de l'évolution du transport

M. Arcoragi (Jean-Pierre) : Bonjour. Bonjour, M. le Président, chers membres du comité. Au nom de l'Institut de l'évolution du transport, nous aimerions vous remercier de nous avoir invités. Je me présente, mon nom est Jean-Pierre Arcoragi. Je suis docteur en physique et je suis également président de l'institut. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Pierre Ducharme, président de MARCON et membre du C.A. de l'institut. Et également, à ma gauche, j'ai M. Christian Lévesque, qui est en charge des relations gouvernementales pour l'institut.

La mission de notre institut est d'anticiper les changements liés à l'évolution de la mobilité, de développer des stratégies afin de promouvoir notre intérêt collectif et d'agir comme instrument de leur mise en oeuvre. La mission de l'institut prend vie dans l'action, et, depuis sa fondation en 2013, nous avons déjà élaboré un projet d'envergure dénommé HERVE, pour Halte d'essai routier pour véhicules électriques, et un second projet d'étude, soit celui des impacts des véhicules autonomes sur la société québécoise. M. Ducharme vous parlera plus en détail de ces deux projets.

Le Québec présente un déficit commercial de l'ordre de plus de 10 milliards de dollars par année dans le secteur pétrolier. À l'heure actuelle, les Québécois s'approvisionnent surtout en pétrole d'origine sud-américaine. Certains projets contemporains visent à procurer au Québec un approvisionnement canadien à moyen terme, mais cela ne changera rien au fait que l'essentiel de nos émissions de gaz à effet de serre seront toujours attribuables à l'utilisation de carburants à base de pétrole.

L'institut prône une utilisation rationnelle de l'énergie par l'emploi de la meilleure source d'énergie disponible pour chaque utilisation et par une maximisation de l'efficacité énergétique de la source utilisée. Par «meilleure», on entend celle qui est environnementalement responsable et économiquement rentable lorsque les cycles de vie complets sont considérés. Ce n'est que si ces deux conditions sont remplies que l'on peut prétendre avoir une solution véritablement durable.

Il est évident que le monde entier doit décarboniser son économie le plus rapidement possible. Dans le cadre de ce défi planétaire, les Québécois jouissent d'un avantage stratégique important, soit la disponibilité d'énergie renouvelable en abondance provenant de notre filière hydroélectrique. Le mémoire que nous déposons veut mettre l'emphase sur le parc de véhicules légers pour passagers, puisqu'il constitue la cible avec le plus fort potentiel de réduction de nos émissions de GES dans la période visée par la stratégie de développement durable du Québec.

Maintenant, M. Ducharme va nous parler de l'électrification des véhicules pour passagers.

• (10 h 40) •

M. Ducharme (Pierre) : Merci. La plupart des véhicules pour passagers servent moins de 4 % du temps, et plus de 90 % des trajets qu'ils parcourent se font à l'intérieur d'un rayon de 50 kilomètres de la résidence de leur propriétaire. Notons que la majorité des modèles de voitures totalement ou partiellement électriques sont déjà commercialement disponibles sur le marché québécois. Bien que plus élevés que ceux de leurs véhicules jumeaux motorisés à l'essence, les prix de ces véhicules sont à la portée de la majorité des propriétaires de voitures grâce au généreux soutien financier du gouvernement du Québec. Ce soutien financier a été déterminant dans le processus d'adoption des véhicules électriques à date et doit être maintenu jusqu'à la fin du terme de la stratégie proposée ici. Les résultats obtenus de maintes autres juridictions américaines et européennes démontrent clairement que ce soutien financier a un impact important sur les taux d'adoption de véhicules électriques.

Mais le Québec jouit en surcroît d'une situation énergétique qui rend l'adoption des véhicules électriques encore plus attrayante. L'écart le plus grand en Amérique du Nord entre le prix de l'essence à la pompe et le prix du kilowatt-heure à la maison, là où se fait la grande majorité des recharges de ces véhicules. Malgré cela, seulement environ 5 000 véhicules électriques sont immatriculés au Québec en dépit de l'objectif de 300 000 véhicules fixé en 2008 par le gouvernement Charest. Dans un contexte où un véhicule électrique est à la fois économiquement et environnementalement avantageux pour plusieurs foyers québécois, comment explique-t-on le faible pourcentage des ventes de voitures vendues au Québec qu'il représente? Trois raisons : d'abord, le faible degré de connaissance des consommateurs; deuxièmement, le peu de promotion dont jouissent ces véhicules; et, troisièmement, le manque d'inventaire de véhicules électriques au Québec jumelé à un délai de livraison trop long pour les consommateurs qui aimeraient le commander.

Le véhicule électrique est encore une nouveauté à laquelle les consommateurs s'intéressent, mais dont ils se méfient au même titre que toutes les nouvelles technologies. La plupart des Québécois savent qu'ils existent, mais ne sauraient les reconnaître parmi les autres véhicules qui circulent sur nos routes. Il n'y a qu'une faible proportion de nos citoyens qui ont fait l'essai de ces véhicules tout simplement parce qu'il y a eu peu d'occasions de le faire. Un événement tenu au printemps dernier sur le Circuit Gilles-Villeneuve constituait le plus grand ralliement de véhicules électriques jamais vu au monde, et, pendant deux jours, presque 600 automobilistes ont fait l'essai de véhicules électriques. Les essais routiers commandités par le Circuit électrique en janvier dernier dans le contexte du Salon de l'automobile de Montréal ont soulevé le même intérêt.

Certes, les consommateurs peuvent se rendre chez des concessionnaires automobiles et demander de faire un essai routier dans la mesure où l'un des véhicules est disponible, ce qui n'est pas toujours le cas, malheureusement. Mais, à moins d'avoir l'intention d'en acheter une dans un laps de temps rapproché, peu de gens opteront pour cette option. Enfin, côté client, beaucoup de temps est requis pour faire le tour de plusieurs concessionnaires avant d'avoir un échantillon intéressant de l'offre disponible sur le marché.

Malgré les efforts des fabricants au chapitre de la formation, plusieurs vendeurs de voitures n'ont pas encore les connaissances et les compétences suffisantes pour être crédibles auprès des consommateurs. En fait, plusieurs autres facteurs les démotivent à promouvoir les véhicules électriques.

Depuis maintenant deux ans, les membres de l'institut élaborent et sollicitent la contribution de l'industrie et des gouvernements à un projet nommé HERVE, un acronyme pour Halte d'essai routier pour véhicules électriques. HERVE a été engendré pour rehausser le degré de connaissance des consommateurs et combler le déficit promotionnel dont il souffre. L'institut a conçu un programme de sensibilisation et d'information à partir de quatre centres de démonstration multi-marques équipés de logiciels permettant de diriger chaque client vers la voiture électrique qui lui conviendrait le mieux. Les experts en recherche commerciale de MARCON, une firme reconnue pour les performances de ses programmes promotionnels en matière d'efficacité énergétique, prévoient une augmentation des ventes de l'ordre de 50 000 véhicules additionnels en trois ans grâce à ce projet à coûts partagés entre l'industrie et les divers paliers de gouvernement. Une fois ce niveau atteint, les subventions à l'achat de véhicules électriques pourront être progressivement éliminées.

L'électrification de ces véhicules dans des proportions similaires à celles de leurs ventes en 2014 représenterait une diminution de nos émissions de gaz à effet de serre de l'ordre du dixième de mégatonne par année, soit environ l'équivalent des émissions de tous les véhicules de transport collectif qui circulent présentement sur nos routes.

Plusieurs fabricants de produits et fournisseurs de produits périphériques pour véhicules électriques se sont engagés à supporter financièrement ce projet. Les plus importants mouvements associatifs du milieu tels Mobilité électrique Canada, l'Association des véhicules électriques du Québec et l'Institut du transport avancé du Québec s'engagent à épauler ce projet et offriront leurs services pour en assurer le succès. Enfin, une institution d'enseignement s'est déjà engagée à former le personnel requis aux centres de démonstration. Quelques autres nous ont approchés, et nous continuerons notre enrôlement sous peu.

Pour ce qui est des fabricants de véhicules automobiles qui offrent présentement des véhicules hybrides ou entièrement électriques, ils ont aussi été sollicités. Ceux qui prévoient le faire sous peu le seront aussi. Deux fabricants seulement ont refusé de se joindre au projet, soit Kia et Mitsubishi, les firmes qui ont les plus petites parts de marché au Québec. Les autres ont démontré un intérêt et proposent de légères modifications d'ordre pratique au concept, mais généralement ils attendent le signal du gouvernement du Québec pour s'engager fermement ou pour s'abstenir de participer.

L'institut croit que, si les fabricants d'automobiles se rallient à ce programme et le supportent au niveau requis, ils démontreront ainsi leur désir sincère d'appuyer la stratégie de développement durable du gouvernement du Québec. Le succès du programme ferait en sorte qu'il serait inutile d'imposer des quotas de vente de véhicules de type zéro émission. L'institut croit fermement aussi qu'il sera nécessaire de lancer des initiatives pragmatiques et soutenues de cette nature pour assurer l'atteinte de l'objectif 7,2 de la stratégie de développement durable proposée ici à l'intérieur des délais fixés. Faute d'une participation adéquate de l'industrie à un programme comme HERVE pour démontrer son intention sincère d'appuyer le gouvernement dans son effort de réduction des gaz à effet de serre, l'institut conclut que ce dernier n'aura, malheureusement, d'autre choix que d'imposer rapidement une législation de type ZEV Mandate au Québec.

Le Président (M. Reid) : Je dois vous interrompre, malheureusement, à moins que quelqu'un... Je ne sais pas si, M. le ministre, vous voulez donner du temps...

M. Heurtel : Pour conclure.

Le Président (M. Reid) : Pour conclure, oui. Alors, veuillez conclure dans l'intervalle d'une minute, si vous voulez.

M. Arcoragi (Jean-Pierre) : Le développement exponentiel des technologies numériques permettra sous peu la commercialisation de voitures entièrement autonomes. Loin de tenir de la science-fiction, les grands constructeurs automobiles prévoient qu'ils seront commercialement disponibles entre 2020 et 2025. L'institut croit que le Québec doit harnacher cette nouvelle technologie comme vecteur de développement économique durable, et non se la laisser imposer par les forces du marché.

Le rapport du Conference Board du Canada publié cette semaine estime qu'il y aura des retombées de l'ordre de 65 milliards de dollars par année au Canada suite à l'introduction de la voiture autonome sur nos routes. Les véhicules autonomes permettront la convergence du transport privé et du transport public. En effet, une voiture autonome peut être facilement partagée par de nombreux utilisateurs, un peu comme les taxis d'aujourd'hui. La grande différence entre un taxi et une voiture autonome réside dans le fait que les coûts d'opération d'une voiture autonome seront bien inférieurs à ceux d'un taxi. Ces voitures autonomes seront vertes, partagées et permettront une plus large inclusion sociale. En effet, les voitures autonomes accroîtront la mobilité des personnes âgées, des personnes handicapées et des jeunes tout en libérant de tâches d'accompagnement les aidants naturels et les parents de jeunes enfants.

Le Président (M. Reid) : Je dois vous interrompre, M. Arcoragi. Vous aurez peut-être l'occasion, dans la période de questions, de pouvoir conclure sur des éléments que vous n'avez pas pu mentionner. Je vais passer la parole maintenant au ministre pour le premier bloc, qui est un bloc gouvernemental.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Je tiens à vous remercier pour votre intervention et votre mémoire. Vous soulevez des questions puis vous avancez des propositions vraiment très intéressantes.

Ma première question... Puis je vais faire un court préambule, alors ce que vous proposez rejoint directement, comme vous le dites, l'objectif 7.2 de la stratégie et également s'intègre bien aussi avec les mesures du plan d'action sur les changements climatiques, c'est-à-dire de poursuivre le soutien et le développement de véhicules électriques, mettre sur pied des mesures financières pour soutenir à nouveau soit l'acquisition ou favoriser le développement du véhicule électrique au Québec. D'ailleurs, on voit que ça fonctionne parce que, bien qu'encore on n'est pas satisfait du nombre de véhicules électriques qui circulent au Québec, ce nombre-là augmente de façon exponentielle. On voit des augmentations, là, de 50 % et même de 100 % dans des périodes de six mois, un an, là, ça... On voit qu'il y a un mouvement dans la bonne direction.

Or, ma première question, c'est... Encore une fois, vous l'avez dit, mais j'aimerais ça, si vous pouviez prendre un peu plus de temps pour approfondir, voir comment vous voyez le lien nécessaire qu'il doit y avoir d'intégrer les actions en matière de changements climatiques, de lutte contre les changements climatiques, et la stratégie de développement durable, plus particulièrement par rapport aux véhicules électriques.

Le Président (M. Reid) : M. Arcoragi?

Une voix : ...répondre à la question.

Le Président (M. Reid) : M. Ducharme.

M. Ducharme (Pierre) : Bien, puisqu'une est la conséquence de l'autre, l'institut se réserve le secteur du transport. Seulement, on n'est pas là pour commenter sur l'ensemble des stratégies gouvernementales, mais le transport représente quand même 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre. D'ailleurs, si on veut s'adresser sérieusement au milieu du transport, on regarde, dans un contexte où, quand même, les ressources sont limitées, des stratégies qui vont avoir le plus grand impact sur la période de temps que vous vous êtes réservée. Il y a toutes sortes d'autres bonnes stratégies qu'on pourrait utiliser. L'électrification des transports publics en est une, l'électrification de certains transports de marchandises en est une autre. Il y a toutes sortes de nouvelles technologies qui sont disponibles sur les marchés, alors c'est excellent. Mais, à l'intérieur des cinq prochaines années, qui est un délai relativement court, on croit qu'il faut s'attaquer au secteur où il y a le plus fort potentiel, et c'est celui de la voiture de particuliers, et c'est pour ça qu'on met de l'emphase là-dessus.

Pour ce qui est du plus long terme, on tentait de faire la relation entre le véhicule autonome puis le véhicule électrique en vous disant que cette technologie-là s'en vient, elle s'en vient très, très, très rapidement, et on a le choix, comme gouvernement, de la subir ou de se préparer adéquatement pour en tirer pleinement un avantage tant au niveau du développement économique qu'au niveau de la réduction des gaz à effet de serre et de l'appui à la stratégie gouvernementale de réduction des gaz à effet de serre.

Si on veut faire ça, il va falloir d'abord comprendre qu'est-ce qui va arriver tantôt. Il y a certaines branches du gouvernement du Québec qui s'en occupent. Notamment, la SAAQ est en train d'étudier la possibilité de permettre l'utilisation de ces voitures sur les routes. Mais ça ne suffit pas parce qu'il va y avoir plein d'impacts sociaux : sur les chauffeurs de taxi, les chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de camions — c'est facile — les sociétés d'assurances, sur les taxes du gouvernement, sur les corps policiers, etc. La liste est longue.

Et il y a toutes sortes d'opportunités économiques qui se rattachent à ça aussi. C'est pour le Québec une occasion de retourner dans le secteur de l'automobile, qui, malheureusement, n'est pas notre plus fort secteur au Québec suite à la... En tout cas, de l'automobile — je ne parle pas du camion ou de l'autobus, hein — où, avec la fermeture de GM, il y a déjà plusieurs années, à Sainte-Thérèse, on a perdu presque nos dernières entreprises qui étaient impliquées dans ce domaine-là. Et là, puisque dans ces voitures-là, les logiciels représentent la grande majorité du coût de la voiture, tout ce qui s'appelle électronique et informatique, et qu'on a des forces vives au Québec dans ces secteurs-là, il y a une grande opportunité de retourner dans l'industrie, et ça, de façon mondiale, pas juste ici, au Canada, mais partout à travers le monde.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Ducharme. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Sur ces questions-là, tant le véhicule autonome que le véhicule électrique encore conduit, là, par des êtres humains, dans cette notion-là je comprends très bien que vous regardez cette question-là d'une façon spécifique, mais est-ce qu'on peut voir aussi la nécessité d'impliquer une vision plus intégrée, plus globale, qui implique nécessairement notre conception de l'aménagement urbain, notre conception des transports et de la nécessité d'avoir, justement, pour approfondir, justement, cette filière-là... Vous parliez de développement économique, évidemment, mais aussi la façon dont on envisage notre planification urbaine, notre planification globale des transports. Alors, j'aimerais ça, vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

M. Arcoragi (Jean-Pierre) : C'est que le véhicule autonome, beaucoup plus que le véhicule électrique, pourra nous apporter une chance de redéfinir la ville, redéfinir l'urbanisation. En fait, un véhicule autonome peut remplacer trois à huit véhicules ordinaires. Et il y a la notion d'autopartage qui se dégage du véhicule autonome, c'est-à-dire que le véhicule autonome peut être stationné jusqu'à ce que quelqu'un l'appelle et, éventuellement, le servir, servir plusieurs personnes et puis se ranger lorsqu'il n'est plus utile. Donc, on peut imaginer une ville où les voitures ne sont plus garées le long des rues. On va pouvoir verdir les villes beaucoup plus parce qu'il y aura beaucoup moins de véhicules potentiellement dans nos villes. Notre système routier va être plus qu'adéquat parce que les véhicules autonomes demandent beaucoup moins d'espace entre les voitures, il y a beaucoup moins de voitures qui vont être en circulation. Donc, ça va redéfinir toute l'occupation du territoire.

Et il faut ajouter aussi que, selon le Conference Board, le véhicule autonome, au Canada, va générer des revenus de toutes sortes de l'ordre de 65 milliards de dollars par année. À l'échelle planétaire, on va même... Morgan Stanley dit que ça pourrait être de l'ordre de cinq billions, 5 000 milliards par année. Donc, ce n'est pas trivial. Et nous, ce qu'on offre, c'est la chance que le Québec se positionne par rapport à une industrie majeure qui est en train de s'élaborer.

Le Président (M. Reid) : M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Si on peut regarder davantage au niveau... Parce qu'on vient de recevoir votre mémoire, alors je voudrais aussi qu'on parle de la norme ZEV. Et je comprends que ce n'est pas votre premier objectif, évidemment, mais j'aimerais ça, vous entendre sur ce que vous en pensez puis voir comment ça peut être un outil qui peut nous aider dans une stratégie globale pour... Parce qu'il va falloir inévitablement changer les comportements. Là, nous sommes programmés depuis au moins un siècle, sinon plus, là, à avoir une automobile, et on voit, l'automobile, d'une certaine façon, ça a un rôle social, c'est beaucoup plus qu'un moyen de transport pour beaucoup de gens, et donc j'aimerais ça, bon, qu'on parle de la norme ZEV et de ce sur quoi on tend. Avez-vous réfléchi? Qu'est-ce qu'on fait en termes de pédagogie? Qu'est-ce qu'on fait en termes de communications pour, justement, entamer... Parce que, là, on parle de changer des habitudes fondamentales.

Et puis un troisième point si on a le temps. Évidemment, notre relation à l'automobile en ville est très différente par rapport aux régions. Alors, de voir comment ce que vous proposez s'articule particulièrement en région, de... qui est... Ça va nécessairement être vu différemment et exprimé différemment que dans les grands centres urbains.

Le Président (M. Reid) : M. Ducharme.

M. Ducharme (Pierre) : Alors, d'abord, la norme ZEV, comme je l'ai lu... Je m'en excuse, mais avec le temps qu'on a... Bien, comme je l'ai lu, la norme ZEV devrait faire partie d'une stratégie carotte et bâton, hein? Les fabricants d'automobiles ont présentement... — puis on les côtoie, là, de façon très, très régulière — ont vraiment la perception que ce qu'on essaie, c'est simplement de faire une réduction des gaz à effet de serre, alors qu'ils ne comprennent pas qu'au Québec on va plus loin que ça, on essaie de faire l'électrification des transports. Et leur réponse à l'électrification pour l'instant, c'est de dire : Écoutez, regardez notre «track record», la consommation énergétique de nos voitures, et donc les émissions de gaz à effet de serre de nos voitures diminuent sans cesse depuis les 10, 12 dernières années. Pas de leur propre chef, parce qu'on leur a tordu le bras. Il faudrait peut-être l'ajouter. Mais c'est effectivement un cas, et ils ne comprennent pas que le village de Gaulois que constitue le Québec leur dise : Non, vous ne comprenez pas. On ne veut pas des véhicules à essence qui consomment moins d'essence, on veut des véhicules électriques.

Alors, ça représente pour l'industrie de l'automobile ce qu'on va qualifier d'un «retooling», c'est-à-dire un changement de leurs usines, de leurs infrastructures, pour lequel ils ne sont pas encore prêts, et ils vont essayer de retarder, si vous voulez, cette échéance d'un mandat ZEV le plus possible pour s'acheter le temps d'amortir des équipements qui sont déjà en place. Et on ne peut pas les blâmer, ils sont ce qu'ils sont, des fabricants d'automobiles. Cependant, s'ils démontraient, grâce à leur participation dans des programmes comme HERVE — il y a peut-être d'autres solutions, nous, on est là pour prôner la nôtre, évidemment — qu'ils comprennent, d'abord, l'objectif du Québec et qu'ils veulent véritablement y participer... Et il y en a qui le font déjà. L'exemple de Nissan, par exemple, qui contribue à l'installation de bornes de recharge rapide sur nos autoroutes, en est un, mais c'est le seul, malheureusement. Si jamais ils démontraient une meilleure volonté en participant activement à des programmes comme celui qu'on propose, je pense qu'on pourrait attendre, pour imposer une norme ZEV, d'en voir les résultats parce qu'on est confiants que ça pourrait aller.

Ça m'amène au deuxième point, qui est celui de la pédagogie et des communications. Notre expérience sur le terrain à faire des essais routiers et à discuter avec toutes sortes de gens de toutes les strates de notre société démontre clairement que la pire réaction qu'on a de quelqu'un qui sort d'un véhicule électrique après un essai routier, la pire réaction, c'est : C'est pareil comme une auto ordinaire. Et la meilleure réaction qu'on a, c'est : Wow! on n'aurait jamais pensé. Ce sont des autos silencieuses, performantes et, à tout autre point de vue, aussi confortables, sinon plus, que les voitures qu'on construit présentement. Donc, si on veut les convaincre, il faut en faire plus, de promotion. Il faut en faire connaître les avantages et il faut leur donner l'occasion d'essayer sans être pressurisés par quelqu'un qui essaie de leur vendre un véhicule. Et on ne peut pas blâmer le vendeur non plus, il est payé pour vendre. Alors, on ne s'attend pas à ce qu'il fasse autre chose, quand même.

La différence entre les villes et les régions. Comme je le dis, même les gens en région parcourent en moyenne 50 kilomètres par jour avec leur véhicule. Ils le prennent, ils vont travailler le matin. Ils reviennent le soir, ils vont aller faire quelques commissions pas très loin de leur patelin. Et ça, ça prévaut pour 80 % de notre population au Québec. Le véhicule électrique convient très bien à ces tâches-là. La plupart de ménages — on parle de gens qui sont mariés, avec un ou deux enfants — ont maintenant deux véhicules. Qu'est-ce qui les empêcherait d'avoir au moins un véhicule électrique? Absolument rien. Et, économiquement, ça a du sens.

Alors, le véhicule électrique, à notre opinion, convient à une très, très, très grande partie de notre population dans ses besoins de tous les jours. Et, à la limite, l'éducation qu'on doit faire, c'est de leur dire : Écoutez, si tu veux aller faire un voyage de pêche une fois par année puis tu as besoin d'un gros VUS, bien, de grâce, fais-en la location, tu n'as pas besoin de le traîner pendant toute l'année.

• (11 heures) •

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le ministre.

M. Heurtel : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Reid) : Deux minutes.

M. Heurtel : Deux minutes. Bien, j'aimerais ça, justement, encore une fois sur la... si on peut revenir sur... puis, rapidement, là, au niveau de la séquence... Parce que, la pédagogie, j'aimerais ça qu'on approfondisse encore. Parce que, là, tout ce que j'entends, c'est : Bien, vous avez juste à l'essayer vous allez l'adopter. Moi, j'aimerais ça, comprendre qu'il faut qu'on fasse... Qu'est-ce qu'on doit faire en termes de changement d'habitudes, là? Parce que, là, je veux dire, on a tous... Moi, le premier, je veux dire, moi, j'ai grandi, puis, bon, j'ai ma voiture. Puis c'est vrai que ma voiture, quand je ne l'utilise pas, bien elle est dans un stationnement, puis bon... Puis on a tous été habitués comme ça. Quel genre de mécanique... Puis je comprends qu'il n'y a pas beaucoup de temps, mais, je veux dire, qu'est-ce que ça prend en termes de changements structurels, en termes de communications, puis qu'est-ce qu'on peut faire comme gouvernement pour appuyer, ça, là? Parce que, là, on parle d'un changement, véritablement, de façon de faire, de façon d'être.

M. Ducharme (Pierre) : Bien, déjà, il y a une génération derrière la mienne — pas la mienne, malheureusement, ou pas la nôtre, pour la plupart d'entre vous — qui a compris ça, qui n'achète plus de véhicules, qui prend plus de permis de conduire, qui se sert énormément des transports collectifs, qui fait du covoiturage, et il faut continuer à l'encourager. La réponse à votre question, c'est que ça prend plus de communications, des campagnes de sensibilisation du style de celle que la SAQ nous a servie et qui a très, très bien servi les Québécois au niveau de la ceinture, par exemple, du port de la ceinture, ce genre de choses là.

Mais il y a personne qui va dépenser 15 000 $, 20 000 $, 30 000 $ sur un véhicule sans avoir essayé. Et, quand ils arrivent à ce point-là, il faut que déjà le véhicule électrique soit dans leur tête, hein? Alors, il faut faire plus de communication, il faut leur avoir donné la chance de l'avoir essayé, et ça prend aussi des témoignages de la part des gens qui s'en servent de façon quotidienne pour dire : Regardez, on n'est pas très différents de vous, on a les mêmes habitudes de vie que vous. Vous n'avez pas besoin de les changer, vos habitudes de vie, en passant, pour 95 %. Sauf le voyage de pêche de tantôt ou aller voir grand-mère à l'occasion des fêtes, la voiture électrique va convenir à tous vos besoins, soyez sans crainte.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Ducharme. La secrétaire de la commission, qui appartient à une jeune génération, me disait qu'elle n'avait jamais eu d'automobile. Donc, c'est un exemple typique que vous mentionnez. M. le député de Jonquière, pour le bloc de l'opposition officielle.

M. Gaudreault : Oui. Moi, j'en ai une, voiture.

Une voix : ...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gaudreault : Bon, je peux... À l'ordre, M. le Président! Alors, merci de votre présence. Merci de votre présentation. Effectivement, on vous a bien écouté parce qu'on a reçu le mémoire un peu à la dernière minute. Mais, encore une fois, ce n'est pas un reproche, là, je sais qu'on a tous été pris dans des délais très, très, très brefs.

Je veux revenir vraiment à l'essence même du travail que nous avons à faire ici, qui est sur la stratégie de développement durable du gouvernement du Québec 2015-2020, une stratégie de développement durable qui s'adresse en priorité au gouvernement. Moi, je disais tout à l'heure : Il faut voir dans cette stratégie comment... vu que c'est une deuxième stratégie, tenter de l'élargir vers d'autres instances de la société, que ce soient les municipalités, etc., les entreprises privées, les individus. Vous avez, évidemment, un propos très fort sur les transports électriques. Évidemment, je suis favorable à cela, nous avons beaucoup travaillé pour favoriser cela entre 2012 et 2014. Et, dans cette stratégie, le gouvernement dit : Bien, dans le fond, il faut que l'État soit exemplaire. Si c'est une stratégie de développement durable qui s'adresse à l'État, il faut d'abord que l'État soit exemplaire. Je peux vous dire qu'il y a quand même une certaine résistance du côté de l'État à la conversion de sa flotte de véhicules en véhicules électriques. Hein, on pourrait parler même des services de protection des ministres avec les véhicules de fonction...

Une voix : ...

M. Gaudreault : Oui, mais je parle de la résistance de certaines institutions ou de certains organismes de l'État à faire ce transfert-là pour toutes sortes de raisons : le poids des véhicules, l'espace bagages dans les véhicules, l'autonomie quand on est un ministre, par exemple, qui a beaucoup de route à faire ou qui vient d'une région où il y a beaucoup de route pour se rendre dans le comté, bon, ainsi de suite. Puis on pourra aussi, évidemment, parler de la très grande flotte du ministère des Transports pour l'entretien des routes, etc., même les véhicules de la Sûreté du Québec. Vous savez, quand on fait le tour, là, de la flotte du gouvernement du Québec, il y en a un puis deux, là, des véhicules.

Alors, moi, je voudrais savoir comment on peut, via la stratégie, avoir quelque chose qui fait en sorte d'être encore plus actif pour que le gouvernement soit encore plus exemplaire dans la conversion de sa flotte en véhicules électriques? Je veux vous ramener vraiment sur l'exemplarité que le gouvernement doit exercer en termes de transport électrique dans sa flotte.

Le Président (M. Reid) : M. Arcoragi.

M. Arcoragi (Jean-Pierre) : Je peux commencer. Effectivement, si le gouvernement ne donne pas le ton, c'est difficile de convaincre le citoyen si on n'a pas des exemples autour de soi. Pour ce qui est des ministres, des gens qui ont des fonctions supérieures, il existe quand même... je pense que Tesla a démontré qu'on ne fait pas de compromis dans la qualité du véhicule. L'autonomie des véhicules de luxe électriques, je ne crois pas qu'on fasse de compromis. Évidemment, je peux concevoir que, pour un ministre, il ne faut pas avoir un véhicule de bas de gamme, mais je pense qu'avec des véhicules comme le Tesla il y a moyen de répondre à la demande.

Pour ce qui est de... Bon, est-ce que, Pierre...

M. Ducharme (Pierre) : Dans les petits véhicules... Je pense qu'il faut distinguer les classes de véhicules. Dans les véhicules lourds, style les charrues pour déneiger nos autoroutes, on n'a encore pas de solutions électriques qui sont techniquement acceptables. Ne perdons pas de temps avec ça pour l'instant, le marché va nous rattraper tôt ou tard.

À l'autre extrême, le gouvernement du Québec et ses sociétés d'État représentent la plus grande flotte au Québec, il n'y a aucun doute là-dessus, et il faut commencer par électrifier cette flotte avec les véhicules de passagers. Et, tant que les politiques gouvernementales vont laisser au chauffeur le choix du véhicule pour son ministre plutôt que la politique gouvernementale de le faire, vous n'y arriverez pas. La plupart de vos conducteurs... Pour ceux qui ont été ministres ou qui ont des voitures de fonction maintenant, demandez à vos chauffeurs s'ils ont essayé un véhicule électrique, je serais prêt à parier avec vous qu'ils ne l'ont pas encore fait, ils ne sont même pas intéressés à le faire.

M. Gaudreault, je suis convaincu qu'une Volt, par exemple, de GM — et je n'essaie pas de faire de promotion, là — peut facilement vous amener dans votre région aller-retour. Et je sais qu'il y a beaucoup de camps de pêche dans votre région. Si vous voulez avoir une Mitsubishi 4x4 hybride électrique, elle s'en vient sur le marché cette année. Il y a un véhicule qui convient dans le cas des véhicules légers et un véhicule pour à peu près toutes les applications. Il n'y a pas d'excuse pour ne pas avoir de véhicule électrique. Et, tant que les appels d'offres du gouvernement pour des véhicules n'exigeront pas ou n'avantageront pas le véhicule électrique, ça ne se passera pas non plus.

M. Gaudreault : Bien, effectivement, puis je ne veux pas... J'ai donné l'exemple des véhicules de fonction, mais je ne veux pas que ça détourne l'attention pour juste parler de ça, là, c'est parce que... J'ai pris ça comme exemple, mais il y a tellement d'autres types de véhicules. Le ministère des Transports, par exemple, a beaucoup de véhicules d'entretien, des pick-up, des camionnettes. Le ministère de l'Environnement a beaucoup de véhicules sur la route, on en croise souvent. Et je comprends tout ça, là, que les... je le sais, là, que je peux vivre au Saguenay puis avoir un véhicule électrique sans problème, puis traverser le parc pour venir ici, au Parlement, avec sans aucun problème.

Ma question est plus de voir comment vous voulez qu'on modifie la stratégie de développement durable pour arriver à ça. Est-ce que vous voulez, par exemple, que, dans un chapitre, ou dans un plan d'action, ou dans un indicateur, on arrive avec un objectif, un échéancier concret de conversion, que ce soit, par exemple, en tenant compte des appels d'offres? Est-ce que vous interpellez le Conseil du trésor? Alors, j'aimerais voir ce que vous proposez sur la modification de la stratégie que nous avons devant nous. Par exemple, sur les critères d'appels d'offres, ainsi de suite, comment ça peut se faire? Et est-ce que le gouvernement devrait se donner un échéancier pour ce faire? Est-ce que le fait, par exemple, que le développement durable relève du ministre de l'Environnement confine, au fond, le développement durable, envoie un message de développement durable juste sous l'angle environnement? Est-ce que le développement durable ne devrait pas être, par exemple, encore plus transversal et que ça ne pourrait pas aider à votre souhait?

Donc, je veux vous amener spécifiquement sur la stratégie de développement durable parce qu'on est ici... Moi, je veux arriver à la fin des auditions, là, avec un certain nombre de recommandations. Parce qu'on n'est pas dans un projet de loi où on aura à voter, là, il faut arriver à des recommandations que moi, je vais soumettre au gouvernement ou sur lesquelles on va s'entendre ici, en commission, et j'aimerais qu'on arrive à quelque chose, là, de précis.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Reid) : Dans une minute, M. Ducharme.

M. Ducharme (Pierre) : Je pense que toutes les mesures que vous avez mentionnées sont nécessaires. C'est-à-dire qu'il faut se fixer un objectif qui est quantifié et qui est déterminé dans le temps en disant : Tel pourcentage de la flotte du gouvernement du Québec devra être totalement électrique avant telle date. Sans objectif quantifié, on ne pense même pas qu'on va arriver à quoi que ce soit. Il faut que, dans les appels d'offres, il y ait des critères précis sur les exigences d'émission ou d'électrification des transports. Il faut qu'à l'intérieur des ministères il y ait un pourcentage qui soit fixé, à dire : Si le ministère des Transports a tant de véhicules légers, on sait qu'ils sont disponibles, d'ici cinq ans il faut qu'ils soient tous électriques. Dans les véhicules lourds, il n'y en a pas, d'option. Je m'excuse, ça ne donne rien de les mettre, les critères, il n'y en a pas. S'ils deviennent... Il faut que la stratégie soit flexible, soit adaptable, pas coulée dans le ciment et permettre au ministre qui en sera responsable, que ça soit le ministre de l'Environnement, des Transports ou le Conseil du trésor, d'évoluer avec le marché, qui évolue excessivement rapidement. Ça, c'est les trois recommandations, à mon avis, les plus urgentes pour le gouvernement.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Ducharme. Vous avez bien résumé en une minute, je pense. Alors, nous allons passer au bloc du deuxième groupe d'opposition, je donne la parole au député de Groulx.

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, messieurs, vous faites état dans votre mémoire qu'on ne peut pas compter beaucoup sur... donc, on ne peut compter sur une contribution substantielle du transport collectif pour réduire à court terme les GES. Alors, dans votre document, vous misez beaucoup sur l'électrification des véhicules pour passagers, donc de particuliers. Alors, à la page 3 de votre mémoire, vous dites, là, qu'il y a trois raisons qui expliquent le faible pourcentage des ventes de voitures : alors, le faible degré de connaissance des consommateurs, le peu de promotion et puis le manque d'inventaire et la livraison trop longue. Alors, sur un autre point, par contre, là, je pense qu'il y en a peut-être un quatrième : le retour sur l'investissement, le «payback», comme on dit dans le jargon.

Alors, moi, c'est ce que j'entends souvent des gens à qui je parle de voitures électriques, c'est qu'ils présument que le coût, encore, est trop élevé, donc le retour ne se réalise pas sur l'investissement. Ce que j'entends, c'est que c'est des gens qui vont se servir beaucoup de leur véhicule, qui vont faire des très longues distances, là il va y avoir un intérêt financier de le faire. Mais ça ne concorde pas, il y a une dichotomie par rapport à ce que vous écrivez, que les gens... 90 % des trajets se font à l'intérieur d'un rayon de 50 kilomètres de la résidence. Donc, ce n'est pas des gens qui s'en servent beaucoup que l'on veut inciter à avoir une voiture électrique et pour lesquels le retour n'est pas là. J'aimerais ça, que vous commentiez un peu plus à ce sujet-là. Puis, à la limite, est-ce que vous pensez que les incitatifs gouvernementaux sont suffisants ou devraient être autres?

M. Ducharme (Pierre) : Écoutez, il y a deux législations aux États-Unis qui ont des performances supérieures à la nôtre en termes de l'électrification des transports, et ces deux législations-là offrent des subventions légèrement supérieures à la nôtre. Statistiquement, je pourrais faire le lien, là, mais je ne le ferai pas parce qu'il y a peut-être toutes sortes d'autres raisons environnementales pour lesquelles on le fait. Quand vous me dites que les gens vous disent qu'il n'y a pas de «payback», je vous soumets respectueusement qu'il y en a plusieurs qui n'ont jamais fait le calcul, ils répètent simplement ce qu'on leur dit de la part du vendeur d'automobiles, qui, lui, avait une promotion... en promotion à passer un véhicule à essence ordinaire ce mois-là, puis a poussé là-dessus sous ce prétexte-là.

Le programme qu'on vous propose, avec un logiciel qui est conçu pour étudier cas par cas s'il y a un véhicule qui est rentable pour le client, permettra d'établir là où ça l'est et là où ça ne l'est pas, rentable. C'est faux de dire que c'est les véhicules de longue distance, d'ailleurs, qui produisent le plus de rentabilité parce qu'en fait, pour vous dire toute la vérité, c'est ceux qui font de courtes distances, mais qui en font beaucoup, ceux qui restent en ville, qui tournent en ville. Parce que, sur les autoroutes, vous avez remarqué que votre automobile consomme beaucoup moins d'essence que quand elle est en ville. Le véhicule électrique, là où il va chercher son efficacité, c'est en ville, hein? Alors, si vous faites beaucoup de millage en ville, c'est plus payant. Et c'est ce que je disais tantôt, c'est pour ça qu'on se concentre sur les gens qui ont des véhicules qui font 50 kilomètres et moins par année, ce qui est la plupart d'entre nous. Vous, vous êtes probablement les exceptions, ici, autour de la table, la plupart des Québécois habitent très près de leur travail.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Ce que je comprends, c'est que votre logiciel dirige chaque client vers la voiture qui lui conviendrait le mieux. Et ça tient compte non seulement du modèle, mais du millage qu'ils font, votre logiciel. O.K. Bon, je vous félicite, c'est un bon logiciel.

M. Ducharme (Pierre) : Ce n'est pas notre logiciel, en passant, c'est un de nos partenaires dans le projet qui fournit le logiciel.

M. Surprenant : O.K. Le partenaire, d'accord. O.K. Maintenant, l'autre question que les gens se posent, c'est les inquiétudes au niveau de la batterie puis même, au niveau environnemental aussi, la disposition de ces batteries-là. Alors donc, actuellement, les gens ont leur propre batterie dans leur véhicule, et là on installe... il y a un déploiement au niveau des bornes. Alors, les gens ne vont pas gazer, mais électrifier leur auto, là, en cours de route, et puis... Mais les gens... Je ne sais pas comment ça fonctionne au niveau de la disposition des batteries, est-ce qu'elles ne sont plus bonnes par après?

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu... Je sais qu'il y en a un de vous qui est ingénieur. On m'a lancé une idée, peut-être que les stations-service, finalement, remplacent les batteries pour accélérer le délai de remplissage. Bien, en fait, il n'y aurait pas de remplissage, ce serait un remplacement. Alors que les gens achètent leur voiture, de créer un standard. Ça fait que le gouvernement pourrait intervenir puis exiger qu'il y ait des standards, que tout le monde ait le même modèle de batterie et que des stations-service... au lieu que les gens attendent encore au minimum une demi-heure, sinon quelques heures, que rapidement, en trois, quatre minutes, on change de batterie et on continue. Et il y aurait, à ce moment-là, peut-être une façon plus sécurisée au niveau environnemental d'un contrôle des batteries qui ne sont plus bonnes et de la disposition de ces batteries-là. En tant qu'ingénieur, qu'est-ce que vous pensez de cette option-là?

M. Ducharme (Pierre) : C'est un système qui a été essayé à plusieurs endroits et qui a échoué pour plusieurs raisons. D'abord, convaincre l'ensemble des fabricants d'automobiles d'avoir la même configuration de batterie, c'est de rêver en couleurs, ça n'arrivera pas, ça n'arrivera simplement pas. La batterie représente 50 % du coût de la voiture. Alors, vous achetez une voiture flambant neuve, vous arrivez après la première recharge, puis on vous refile la voiture de votre voisin qui a été utilisée pendant les six dernières années. Ça ferait votre affaire? Je ne suis pas sûr que vous seriez prêts à partager vos batteries comme ça. Il y a toutes sortes de raisons techniques pour lesquelles c'est difficile de le faire.

Et, pour les longues distances, je vous souligne qu'on peut recharger 80 % des batteries en moins de cinq minutes. Alors, c'est le temps de rentrer, aller prendre un café, ressortir, puis de débrancher le truc, puis votre auto est rechargée. La plupart des recharges, les études démontrent qu'entre 85 % et 95 %, dépendant d'où on regarde, se font à la maison la nuit, alors qu'on a plein d'énergie à donner au Québec à nos concitoyens parce qu'on est en période hors pointe. Alors, je dois, malheureusement, être en désaccord avec votre idée.

Le Président (M. Reid) : Quelques secondes, M. le député de Groulx.

M. Surprenant : ...question, vous passez de l'électricité des véhicules comme modèle d'avenir à succès à la voiture autonome. Entre les deux, il y a peut-être l'hydrogène aussi. Alors, avez-vous une opinion de ce côté-là, au niveau de l'évolution qui pourrait en être et...

M. Ducharme (Pierre) : J'ai personnellement passé 10 ans de ma carrière dans le secteur de l'hydrogène. Le problème qu'on avait il y a 10 ans, on l'a toujours aujourd'hui, c'est un problème de déploiement du ravitaillement en hydrogène. Je ne suis pas certain que vous aimeriez avoir un réservoir d'hydrogène dans votre garage. Je ne suis pas certain qu'on est prêt à subventionner l'installation de réservoirs d'hydrogène un peu partout. Alors, c'est la production d'hydrogène qui... c'est là où le bât blesse, si vous voulez. Mais dans notre sens...

Le Président (M. Reid) : Merci, monsieur...

M. Ducharme (Pierre) : ...dans notre sens, il faut le comprendre qu'une voiture à hydrogène, c'est une voiture électrique. Le carburant, au lieu d'être une batterie, est de l'hydrogène. Pour moi, là, ça ne fait pas de différence, on est prêts à en faire la promotion au même titre que les...

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci, M. Ducharme. Nous allons passer maintenant au dernier bloc dédié aux indépendants. Alors, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Merci. Je suis désolée d'avoir dû quitter, mais j'avais mes oreilles ici et mes yeux. Mais j'ai bien écouté votre présentation. Je trouve que ce qui est intéressant dans ce que vous amenez, encore là on est à la jonction des piliers essentiels d'un développement durable, c'est-à-dire l'économie, le social et, bien sûr, l'environnemental. Québec solidaire, on voit assez bien cette nécessité, voire même exigence d'arriver à court terme. Et, pour ça, vous le dites, il doit y avoir toutes sortes d'actions posées très clairement, puis le gouvernement peut jouer un rôle, comme administration publique, de leader, les municipalités, pareil. On est en train de revisiter un pacte avez eux en... Ça, ça va.

Mais on a un défi, c'est-à-dire que... et particulièrement vous en avez fait état, c'est la question du degré de connaissance des consommateurs, mais je dirais aussi parfois d'une espèce de double discours dans l'espace public, puis actuellement je trouve qu'on est là-dedans de façon assez importante. On voit, avec l'augmentation du prix de l'électricité, hein... C'est-à-dire que nous, les concitoyens, on a vu dans la dernière année, les dernières années, de façon assez substantielle, notre facture d'électricité augmenter. Alors, de rajouter un véhicule là-dessus, on a un peu peur. Et en même temps, paradoxalement, le prix de l'essence a diminué. Alors, vous avez dit qu'il y a de la formation... vous avez répondu au ministre en disant qu'il y a une éducation à faire, il y a de la formation. Est-ce que vous pourriez nous pister pour améliorer la stratégie, pour dire : Mais comment qu'on fait... Dans un contexte où notre électricité augmente, il y a une partie de la population qui s'appauvrit, dont notamment les aînés, dont vous avez fait mention, comment on peut arriver à faire ça?

• (11 h 20) •

Le Président (M. Reid) : M. Ducharme, je vous demanderais de faire ça en une minute, s'il vous plaît.

M. Ducharme (Pierre) : Ah! en fait, c'est bon. D'abord, je pense qu'un des manques d'éducation de nos concitoyens, c'est le fait qu'on a l'électricité quand même la moins dispendieuse presque au monde, hein? Il y a l'Islande qui est une exception à ça, là, mais on ne paie pas cher pour l'électricité. Et recharger un véhicule électrique, si on parle de recharge, ça coûte moins de 2 $, alors que remplir un réservoir d'essence pour faire les mêmes 100 kilomètres équivalents, par exemple, vous coûterait facilement 15 $ à 20 $, dépendant du type de véhicule que vous conduisez. Alors, je veux dire, on n'a pas besoin... Mais il faut leur dire, ils ne le savent pas. Ils ne le savent pas. Alors, 2 $ de plus par jour ou 15 $ de plus par jour? Tu sais, je veux dire, à vous de faire le choix.

Évidemment, il y a des gens qui sont plus crédibles que d'autres pour le faire. Je pense que le gouvernement du Québec et Hydro-Québec ont une excellente crédibilité auprès des concitoyens. C'est votre job de le faire, c'est votre signature que ça prend dans le bas de la page.

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci de votre présentation.

Je suspends maintenant les travaux pour quelques instants, le temps que nos nouveaux invités s'installent.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

(Reprise à 11 h 25)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue aux représentants du Fonds d'action québécois pour le développement durable. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Ensuite, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous demande, dans un premier temps, de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent.

Fonds d'action québécois pour le
développement durable (FAQDD)

Mme Levert (France) : Oui. Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission. Je me présente, France Levert. Je suis présidente du conseil d'administration du Fonds d'action québécois pour le développement durable et également présidente du conseil d'administration du Réseau québécois des femmes en environnement, ce qui explique ma présence au conseil d'administration. Les personnes qui m'accompagnent sont Mme Véronique Jampierre, qui est la directrice générale du fonds — je vais continuer en utilisant le terme «fonds», ça va être un petit peu plus court — donc, directrice générale du fonds; Nicolas Girard — tous les deux à ma droite — qui est directeur de programmes; et Guillaume Plamondon, qui est conseiller stratégique au sein du fonds.

Alors, d'abord, en mon nom, au nom de l'équipe et au nom des membres du conseil d'administration, merci de nous accueillir pour nous permettre d'exprimer notre point de vue sur la stratégie en projet pour 2015-2020, la deuxième stratégie, qui est vraiment un outil extrêmement utile et très nécessaire pour le Québec dans son évolution vers le développement durable. Et, avant de céder la parole aux gens de l'équipe en termes de recommandations, je voudrais simplement livrer un message de la part des membres du conseil d'administration, alors vous dire rapidement qui sont ces membres-là sans les nommer tous. Alors, ce sont des représentants de groupes environnementaux, dont moi-même, M. Bourke, que vous avez entendu il n'y a pas longtemps, un autre représentant de groupe, des représentants gouvernementaux — d'ailleurs, Mme Tremblay a déjà siégé sur le conseil d'administration du fonds — donc, des représentants aussi du secteur de l'économie sociale, du secteur municipal et de l'entreprise, donc une représentation des grands secteurs de la société.

Alors, pour nous, l'expertise et l'expérience du fonds depuis 15 ans, sa contribution, c'est un atout certain pour poursuivre l'implantation du développement durable à travers le Québec et pour la mise en action aussi de la stratégie dont on discute actuellement. Et je vous souhaite aussi une suite de travaux très enrichissante et très utile. Alors, je cède la parole à Mme Jampierre.

Le Président (M. Reid) : Mme Jampierre.

• (11 h 30) •

Mme Jampierre (Véronique) : Bonjour. Ça fait que je vais continuer sur la description de notre organisation, qui est assez particulière en soi. Donc, comme le disait France, l'initiative de création de notre organisation a été prise par le gouvernement en 2000, le but étant de créer une organisation à but non lucratif non gouvernementale, volontairement, qui aurait un rôle en lien avec le soutien à toute initiative en développement durable au Québec. Et ce rôle-là se voyait ou était associé à une vision qui était transversale à l'échelle du gouvernement. Donc, on ne faisait pas partie du gouvernement, mais on venait en appui à toutes les démarches gouvernementales. N'importe quel ministère, par exemple, qui avait à faire une démarche en développement durable, on devait apporter une expertise. Cette expertise-là, elle s'est développée à la fois par rapport au financement... Donc, on était comme le bras qui pouvait distribuer l'argent du gouvernement dédié à des initiatives en développement durable, des initiatives de sensibilisation en développement durable. Je vais y revenir.

Et, en même temps, le rôle de notre organisation, je dirais, s'est élargi. Au-delà de savoir comment octroyer à des projets, les meilleurs projets en développement durable... on a aussi développé l'expertise de savoir auprès de qui donner cet argent-là, comment suivre ces personnes-là qui ont à agir sur le terrain pour pouvoir sensibiliser, justement, la population québécoise au développement durable et faire en sorte de savoir aussi comment ces actions de sensibilisation peuvent avoir des résultats. Donc, on a eu un rôle important de pouvoir encadrer la mesure des résultats des actions posées pour pouvoir remonter ça auprès du gouvernement et les instruire des avancements, justement, en matière de sensibilisation auprès de la population.

Alors, vous me voyez venir, dans les interventions précédentes, on a vu qu'il y a eu, justement, des interrogations quant à la capacité de pouvoir changer des comportements, pouvoir... je ne dirais pas influencer parce que, dans notre milieu, c'est un petit peu péjoratif, mais disons pouvoir amener, guider des changements de comportements, des changements de pratique professionnelle. Alors, c'est pas mal dans cette expertise-là que nous nous sommes développés, et c'est surtout sous cet angle-là que nous voulons intervenir dans le cadre de la stratégie en développement durable. On sait que vous allez avoir beaucoup, beaucoup de commentaires de spécialistes, d'organisations qui ont leurs vues sur certains sujets liés au développement durable ou des sous-sujets, comme on vient de le voir, comme les voitures électriques. Pour nous, là, c'est important, c'est plus de vous commenter comment on peut aider, quelle est notre vision par rapport à la stratégie dans la mise en oeuvre de la stratégie. Voilà.

Puis simplement peut-être vous rappeler qu'étant donné qu'on a été créé en 2000 on a souvent eu aussi... Est-ce que c'est un avantage? On ne le se sait pas, mais, en tout cas, de pouvoir précéder beaucoup de mises en place d'outils en développement durable qui ont été mis en place par le gouvernement comme la loi en 2006, la première stratégie et, maintenant, la deuxième. Donc, souvent, on a comme préparé le terrain à ce qui pouvait être demandé à la population par rapport à certains outils que le gouvernement a mis en place.

Je pense que ce qui est important, c'est donc aussi de marquer notre appui par rapport à la démarche, hein? Ça s'inscrit dans la continuité. Le développement durable et la transformation sociale par rapport au développement durable, c'est un exercice qui va s'inscrire dans la durée aussi, c'est une transformation sociale. Alors, il ne faut surtout pas arrêter, il faut maintenir l'effort. Puis, dans ce que nous, nous appelons un projet de société, nous souhaitons vraiment continuer à appuyer tout du long le gouvernement par rapport à ça.

Alors, concernant plus précisément la mise en oeuvre de la stratégie, je dirais que, vraiment, notre position, c'est de faire valoir le fait que c'est un projet dans lequel la mobilisation, la capacité de mobilisation et la capacité de communication vont être des incontournables pour pouvoir assurer le succès de la stratégie.

La première stratégie était essentiellement tournée vers une première sensibilisation des parties prenantes du gouvernement. Elles sont nombreuses, et c'est surtout... il fallait qu'on arrive à... Enfin, je dis «on», là, vous voyez, mais que le gouvernement arrive à s'organiser pour toucher à la fois tous les organismes, impliquer toutes les organisations du gouvernement et leur faire comprendre c'était quoi, les enjeux derrière l'environnement, derrière le développement durable.

Aujourd'hui, avec la nouvelle stratégie, on passe à la vitesse supérieure. Les parties gouvernementales sont déjà sensibilisées, ont déjà posé des actions, et, en même temps, bien, il va falloir... Comme l'a dit M. Gaudreault tout à l'heure, c'est effectivement encore un exercice interne au gouvernement, mais nous, on le voit aussi comme un exercice beaucoup plus difficile dans sa deuxième période, qui est celle de se tourner beaucoup plus vers l'externe, de s'adresser beaucoup plus à un large public pour le préparer à pouvoir contribuer aux objectifs du Québec.

Alors, je dirais, dans cette perspective-là, on s'est amusés, dans le mémoire qu'on vous a livré, à vous exposer certaines bases des principes qui peuvent accélérer, en fait, des exercices de mobilisation ou de communication vis-à-vis du grand public. On a pris pour modèle... Si vous vous rendez à la page 8 de notre mémoire et puis la page 9, on a essayé, tenter d'expliquer à l'échelle individuelle quelles sont les différentes étapes par lesquelles chacun d'entre nous, on passe quand on est sensibilisé à un sujet.

Le Président (M. Reid) : Il vous reste une minute.

Mme Jampierre (Véronique) : C'est vrai?

Le Président (M. Reid) : Oui.

Mme Jampierre (Véronique) : Et, par rapport à ces principes-là... Ça fait que je vais tout de suite aller au deuxième schéma de la page 9. Le constat que l'on fait en lisant les résultats de la première stratégie, c'est que la population en soi... Suite aux sondages qui ont été faits par le gouvernement, on constate que la population, par le biais des entreprises, par le biais des municipalités, est, en grande partie, déjà sensibilisée aux enjeux de la stratégie. Sauf qu'on arrive à un moment où on a à peu près atteint un 20 % de la population et des personnes, les intervenants les plus à même à accepter des changements, et là, aujourd'hui, on est amené à devoir convaincre le reste de la population à faire ces changements-là. Alors, je résumerais les recommandations qui s'ensuivent par rapport à ce constat-là. Vous verrez que notre mémoire et chacune des recommandations sont articulées autour d'une analyse du contexte qui amène à chacune des recommandations. Ces recommandations-là sont articulées par rapport à...

Le Président (M. Reid) : ...

Mme Jampierre (Véronique) : Pardon?

Le Président (M. Reid) : Mme Jampierre, le temps est écoulé.

Mme Jampierre (Véronique) : D'accord, on...

Le Président (M. Reid) : Vous aurez peut-être l'occasion de faire valoir ces points-là lors des questions parce qu'on va avoir un échange de 35 minutes. Je commence par le bloc gouvernemental, M. le ministre.

M. Heurtel : Merci. Et merci beaucoup pour votre intervention ainsi que votre mémoire, très beau travail. Quand on lit les recommandations, on lit le mémoire, il y a vraiment une thématique qui ressort, là, l'importance de communiquer, sensibiliser, poursuivre le travail, là, comme vous venez de le dire. Dans cette optique-là, encore une fois, j'aimerais ça, commencer le bloc de questions par rapport à comment vous voyez l'arrimage entre la stratégie de développement durable et les besoins qu'on a de poursuivre les efforts de communication puis de les intensifier avec le fait qu'on doit, je crois, faire la même chose au niveau de la lutte contre les changements climatiques. Alors, j'aimerais ça, d'abord... Puis la première question, c'est de vous demander si vous voyez là une priorité, est-ce qu'on ne devrait pas commencer par réfléchir comment on doit arrimer, justement, tant les efforts de communication et de sensibilisation au niveau du développement durable... mais d'arrimer ça aussi avec le même genre d'effort, le même genre de stratégie qu'on devrait mettre en place au niveau de la lutte contre les changements climatiques.

Mme Jampierre (Véronique) : Oui. En fait, il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits de la part du gouvernement pour, justement, s'adresser à la population et les inviter à contribuer à la cible du gouvernement. On a été mandataires d'un des programmes, qui s'appelle Action Climat, pendant six ans, on a financé des projets de sensibilisation strictement liés, justement, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et on a eu le plaisir de voir qu'on a réussi, en mettant bout à bout les actions de sensibilisation sur le terrain, de pouvoir atteindre la cible de 50 000 tonnes de gaz à effet de serre réduites juste par les actions des citoyens. Ça fait que ça, c'est un premier point, les gens sont prêts à agir.

Si vous sensibilisez, si vous arrivez à trouver le moyen de sensibiliser la population à agir sur une thématique aussi pointue que les changements climatiques, vous allez être capables de les faire bouger aussi sur le développement durable. C'est le comment qui va être très important. Et la question des changements climatiques, si elle est entourée d'une très bonne campagne de communication, si elle est entourée des outils qu'on a cités dans notre mémoire, elle va pouvoir créer, effectivement, un effet d'entraînement qui va sensibiliser beaucoup plus rapidement la population par rapport à la question du développement durable.

Mme Levert (France) : Et moi, je vais vous donner un point de vue plus de la base, donc d'un organisme qui a profité à plusieurs reprises, effectivement, du soutien des programmes du FAQDD. Donc, une intégration d'approches de sensibilisation, de communication changements climatiques avec une vision développement durable plus large, oui, ça peut énormément faciliter les choses, puisque c'est très, très près, en fait, comme préoccupation, et souvent on peut faire des liens qui vont être évidents pour convaincre les gens à évoluer puis à changer leurs comportements. Et ça peut être plus facile d'arriver avec une perspective un petit peu plus large où on a les changements climatiques, mais travailler sur les volets sociaux aussi avec les gens. Ils comprennent très bien, puis ça permet d'avancer quand on a des liens. Alors, plutôt que d'être uniquement changements climatiques, des fois la perspective plus large, ça aide. En tout cas, c'est ce qu'on a vécu.

• (11 h 40) •

M. Heurtel : Merci. Sur ce point-là, c'est parce que... C'est pour ça que c'est important de souligner que, le 2 décembre dernier, nous avons annoncé 6,7 millions, justement, spécifiquement pour sensibiliser la société, pour développer des activités de communication, particulièrement en changements climatiques. Mais je vois là aussi une opportunité de se servir de ces fonds-là, justement, pour voir comment on peut avoir une perspective plus globale, plus intégrée et de voir comment on peut, justement, dans une période où, évidemment, les fonds sont plus difficiles à obtenir... Mais là on a une enveloppe pour, justement, faire de la communication, faire de la pédagogie. Et ce que je me demande, c'est si on peut, justement, voir cette enveloppe-là comme une enveloppe qui nous aide, justement, non seulement à parler et faire la pédagogie nécessaire puis le travail de communication nécessaire qui doit être fait dans le changement climatique, mais de voir ça d'une façon plus large, dans une perspective globale de développement durable.

Et, dans cette perspective-là, quand vous parlez d'une approche horizontale... Parce qu'il faut revenir aussi dans le contexte de la stratégie elle-même, qui, oui, doit se tourner vers l'extérieur, ce n'est pas juste l'État, là, on doit parler de l'ensemble de la société, mais elle affecte directement, d'abord et avant, tous les ministères et les organismes. J'aimerais ça, vous entendre sur l'idée que, justement, il y ait au sein des ministères et organismes l'idée que, justement, l'approche communicationnelle doive intégrer, justement, cette perspective-là. Alors, quand on communique, qu'il doit y avoir une perspective de communication, qu'on tienne compte dans les communications, peu importe le ministère, peu importe l'organisme, de la perspective de l'action qui est communiquée, qu'on tienne compte, justement, d'un élément soit pédagogique, mais l'explication du lien qu'il faut faire entre ce qui est communiqué et la stratégie de développement durable et les gestes en développement durable ou, plus particulièrement, le lien avec les changements climatiques.

Le Président (M. Reid) : Mme Jampierre.

Mme Jampierre (Véronique) : Je ferai du pouce sur ce qui a été dans la présentation précédente. Si vous voulez que les ministères et organismes du gouvernement puissent, justement, bien communiquer cette volonté-là, cet engagement vis-à-vis du développement durable, je pense qu'il faut qu'il y ait un lien à faire avec l'imputabilité, qu'on a abordée tout à l'heure. Si on sent en tant que citoyen, si on sent en tant que partenaire du gouvernement pour n'importe quel projet qu'il y a... chaque ministère et organisme comprend les enjeux de développement durable sous leur lorgnette, même si ce n'est pas de façon complètement transversale, et qu'ils ont à coeur, pour la mission de leur propre organisme, d'arriver à des objectifs bien précis liés au développement durable ou aux changements climatiques, si on le sent, on n'aura pas le choix. En fait, je dirais qu'il y aura un effet de communication et une mobilisation qui va être beaucoup plus forte. Si on sent, a contrario, qu'un ministère parle de développement durable à côté de ce que lui, il a à faire, ça ne marche pas. Pour ma part, aujourd'hui, c'est beaucoup plus souvent la deuxième option que l'on sent.

M. Heurtel : Donc, pour mettre en place... Comme vous dites, comme vous écrivez à la page 3 quand vous parlez d'insister sur l'importance de se doter d'une stratégie de communication nationale — alors, très intéressante recommandation — l'idée, c'est véritablement d'avoir une approche globale, cohérente, rigoureuse et intégrée qui, justement, fait en sorte que chaque ministère, chaque organisme doit absolument intégrer dans ses communications tous les aspects de développement durable ou les principaux fondements de développement durable et de lutte contre les changements climatiques de son action. Ça, je crois que je comprends bien en disant ça.

La prochaine étape, c'est de dire... bon, c'est de vous faire parler davantage sur le comment de ça et comment ça s'articule. Bon, évidemment, à l'intérieur de la machine, je comprends, c'est une chose. Mais, quand on est dans une perspective où on veut, justement, sortir, aller vers les gens, j'aimerais ça, vous entendre davantage — envers les organismes, la société civile, la population — vous entendre davantage sur le comment ça s'articule, comment vous voyez ça s'opérationnaliser, là.

Mme Jampierre (Véronique) : En fait, que ce soit par rapport aux parties prenantes du gouvernement ou la population, je vous dirais que les principes sont les mêmes. Les facteurs de succès pour une mobilisation puis des changements de comportement sont très naturels, là. Je vous les énumère. Vous allez me dire : Bien, ça coule de source. Sauf que de les mettre en oeuvre, c'est autre chose. Alors, tout simplement, si je vous demande d'arrêter de fumer, vous allez me dire : Bien, présente-moi les avantages d'arrêter de fumer. Si je vous demande d'acheter une voiture électrique, vous allez me dire : Bien, visiblement, là, tout de suite, je veux voir quels sont les avantages aussi d'avoir une voiture électrique, est-ce que c'est simple. Il faut que ce soit simple. Il faut aussi que chaque individu, pour changer ses comportements, ait la capacité de pouvoir essayer, mettre le pied dans la porte par rapport à un nouveau comportement.

Donc, le développement durable, très clairement, là, si je veux en faire du jour au lendemain, bien, il faut que j'arrive à savoir quel genre d'actions, comment ça s'illustre et comment ça peut venir s'intégrer dans mon quotidien simplement, sans remettre en question beaucoup de choses. D'ailleurs, je pense que le développement durable n'est plus tant de... la part de beaucoup d'alternatives, là, c'est juste de revoir un petit peu comment on fonctionne au quotidien. Mais ça, c'est un aparté.

Et puis je dirais aussi, ce qui va être très, très entraînant pour un changement de comportement, c'est de se sentir dans un tout, se sentir dans un mouvement. On a beaucoup insisté là-dessus dans le mémoire, c'est de vous demander de changer votre comportement comme chacun le fait, comme la société le fait, donc de s'inscrire dans un mouvement. J'y vais de façon orale et un petit peu désordonnée, mais c'est vraiment les principes qui assurent des changements de comportement.

Mme Levert (France) : Et puis moi, j'aurais envie d'ajouter : Il y a dans la société civile des gens qui travaillent très fort depuis des années à des actions en environnement social et que la mixité, donc, en développement durable... Alors, continuons à travailler avec eux, comme on le fait depuis des années. C'est un atout, c'est des ambassadeurs très, très convaincus déjà. Alors, je parle pour notre paroisse, là, mais je trouve ça important de le dire parce que moi, je vois aller les gens qui sont impliqués là-dedans, ils sont vraiment... il y a des missionnaires, des gens qui mettent énormément de coeur, et ils sont très convaincants aussi. Voilà.

Le Président (M. Reid) : Merci, Mme Levert. M. le ministre.

M. Heurtel : C'est indéniable, puis il y a des organismes, bon, comme le vôtre, d'ailleurs, je le reconnais d'emblée, là, qui font un travail énorme. Là, l'idée, c'est justement... c'est voir comment on peut faire plus. Alors, il y a déjà un travail colossal qui a été fait, puis, ce travail-là, le crédit doit revenir en grande partie aux organismes de la société civile qui ont fait un travail, comme je le dis, colossal.

La question, c'est justement de dire : Il y a encore un travail à faire. Et souvent, bon, on travaille tous... on a tous cette volonté-là, mais... Puis ce n'est pas vraiment une volonté, là, explicite ou exprimée, mais, des fois, il y a un travail en silo qui se fait. Là, moi, ce que j'aime bien dans la proposition d'une stratégie nationale, c'est voir comment on peut mieux intégrer ça. C'est de dire : Bon, là, il y a des sous, là, on doit passer à une autre étape, on parle, là, on parle, tu sais, on est à... On a passé l'étape de sensibilisation, comme vous l'avez dit. Là, on passe à une étape encore plus complexe qui est celle de véritablement changer des comportements, des habitudes, des habitudes programmées, puis parfois de génération en génération, là. Alors, quand on parle d'une stratégie nationale de communication, c'est de voir, de votre point de vue, justement, si vous pouvez approfondir, de voir comment... Parce que c'est clair que, dans ce type de stratégie là, c'est clair que les organismes, les joueurs importants dans la société civile vont jouer un rôle. Ce n'est pas seulement le gouvernement qui va faire ça.

Mais, si je peux juste terminer, c'est simplement de dire... c'est comment on articule cette stratégie nationale là pour que, justement, on réussisse à rejoindre... Parce qu'on est en train de le faire, il reste beaucoup de boulot à faire. Mais, si on parle, par exemple, le marché du carbone, le Fonds vert, c'est encore des outils qui sont méconnus de la population, des outils essentiels pour développer... Puis justement, en matière de développement durable, en matière de lutte contre les changements climatiques, c'est de voir comment on peut, justement, développer cette stratégie nationale là. Alors, oui, il faut l'intégrer à l'intérieur du gouvernement. Mais, au-delà de ça, comment vous voyez ça?

• (11 h 50) •

Mme Levert (France) : Bien, juste très rapidement — et je vais laisser Véronique continuer — je pense qu'il y a plusieurs recommandations, éléments dans le mémoire qui parlent de l'importance de la concertation, donc de lieux de concertation, et ça peut être quelque chose que le gouvernement favorise à divers niveaux pour permettre de passer à un autre niveau.

Mme Jampierre (Véronique) : Au niveau des communications, je pense qu'un message fort qui pourrait être donné, qui est soit que... Et puis n'en prenez pas ombrage, mais que ce soit, justement, des représentants du gouvernement au niveau du premier ministre qui disent : Il y a un engagement du Québec par rapport au développement durable. Et c'est très important, à partir de la nouvelle stratégie, c'est très important de garder un ministère qui répond des engagements du gouvernement en matière de développement durable, mais je pense que c'est très important aussi de faire en sorte de donner beaucoup plus d'appui à ce ministère-là et expliquer que tous les ministères ont un engagement à avoir dans cette direction-là et que le message doit venir de beaucoup plus haut. Là, à partir de là, on va rejoindre la population. Et la population, c'est aussi les individus qui composent le gouvernement. Donc, là, quand je vous parlais d'un mouvement, c'est vraiment ça. Ça, c'est déjà un élément essentiel.

M. Heurtel : Je peux vous dire, d'ailleurs, que la loi prévoit, justement, que la personne qui dépose le produit final, la stratégie de développement durable, c'est le premier ministre du Québec. Alors, déjà, le porteur ultime et le produit final de nos réflexions et la personne qui va déposer la stratégie de développement durable sera le premier ministre. Donc, le premier ministre du Québec est déjà, de par la loi, le porteur du dossier, et donc d'où l'importance, justement, je crois, de bien comprendre que, surtout dans l'époque dans laquelle on vit puis pour les cinq prochaines années, là — parce qu'on parle d'un document qui va être la base de notre action pendant les cinq prochaines années au moins, peut-être même sept ans — qu'il y ait véritablement une communication intégrée au sein de l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Donc, oui, je comprends, j'entends que ça doit être porté par le premier ministre, les ministres, l'ensemble des ministres, pas seulement le ministre de l'Environnement. Je n'en prends pas ombrage, je crois que ça aiderait grandement mon travail, et donc... Mais aussi que ça vienne d'une source, ça serait une stratégie de communication globale et intégrée.

Mme Jampierre (Véronique) : Oui. En même temps...

Le Président (M. Reid) : Pardon, le temps est écoulé.

M. Heurtel : Oui. J'ai eu le oui.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le ministre.

M. Heurtel : Vous dites oui.

Le Président (M. Reid) : Alors, je passe maintenant au bloc de l'opposition officielle. Je passe la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Merci de votre présence et de votre mémoire extrêmement intéressant, mais aussi extrêmement concret quant au processus de changement de comportements. C'est vraiment le volet que j'ai retenu le plus.

Je disais tout à l'heure, d'entrée de jeu, que, pour moi, il y a un élément important, c'est que, dans cette deuxième génération de la stratégie, qu'on puisse passer à une application plus large, là, au-delà du gouvernement, du ministère, des organismes. Bon, c'est important, mais envoyer un signal aussi envers les autres acteurs de la société, que ce soient les municipalités, que ce soit la population ou les entreprises, etc. Est-ce que je vous comprends bien si je dis que vous considérez que la stratégie de développement durable 2015-2020 telle que présentée ne va pas assez loin à cet égard?

Le Président (M. Reid) : Mme Jampierre.

Mme Jampierre (Véronique) : En fait, les intentions que l'on voit à l'intérieur de la stratégie s'adressent... Nous, on lit que ça s'adresse à la population. Maintenant, si on est là, c'est parce qu'on veut s'assurer que ça s'adresse correctement à la population. Alors, le comment, c'est... Comme on le disait tout à l'heure, là, on n'est pas là pour discuter d'une loi. Ça fait qu'on ne sait pas précisément comment tout ça va être décliné. Alors, à notre niveau à nous, on veut s'assurer qu'il y ait une préoccupation axée sur les changements de comportement. Comment ça va être fait? On s'offre de pouvoir, justement, y travailler par la suite quand il va y avoir beaucoup plus de détails autour de la stratégie pour pouvoir vérifier si le gouvernement va assez loin.

M. Girard (Nicolas) : Peut-être que je pourrais rajouter quelque chose, justement, par rapport à ça.

M. Gaudreault : Oui, allez-y.

M. Girard (Nicolas) : Dans le fond, on a parlé beaucoup, je pense, du contexte externe, qui est extrêmement important pour l'engagement des organisations de la société dans une démarche de développement durable. Le rôle clé que le gouvernement a en tant que décideur de lancer le message que le développement durable, c'est important, c'est extrêmement important aussi.

Par contre, pour vraiment que ça percole à l'intérieur de la société, c'est important qu'il y ait des initiatives qui viennent de la société qu'on puisse supporter également et qui puissent, justement, venir créer un effet d'entraînement. Tout ce qu'il y a d'approches sectorielles, des approches territoriales de mise en oeuvre de développement durable, c'est des approches qui nous donnent des résultats extrêmement intéressants qu'on a faites dans le passé et qu'on doit multiplier pour, justement, créer un contexte d'effet d'entraînement très, très fort dans les prochaines années. On est autour du point de bascule quand on parle d'un engagement de 20 % des municipalités dans une démarche de développement durable. On est autour de 20 % au niveau des entreprises également. Donc, si on prend un peu des courbes de changement de comportement, on dit : Bon, bien, les entreprises qui sont les plus innovatrices vont avoir déjà entrepris une démarche de développement durable. Les adoptants précoces, qui sont le deuxième groupe, vont avoir déjà fait un peu aussi, entrepris... vont déjà avoir entrepris le mouvement. Là, autour du 20 %, le point de bascule, les gens vont changer les comportements, mais oui, la pression sociale va devenir importante. Il faut que les solutions apparaissent simples, peu coûteuses, que ce soit facile de mettre en application. Donc, c'est un peu ce mouvement-là aussi qu'il faut s'assurer de supporter.

M. Gaudreault : Oui, vous avez raison, s'assurer de supporter ce mouvement. D'ailleurs, le ministre disait lui-même tout à l'heure qu'une des raisons qui expliquent, par exemple, les réussites passées ou les succès passés, c'est en raison du travail colossal — je vais prendre ses expressions, puis je suis d'accord avec lui — sur les organismes, là, de soutien dans le milieu, les organismes comme vous, comme d'autres, comme le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, qu'on a eu tout à l'heure.

Mais, justement, il existe des programmes, le Programme de soutien à la mission des organismes nationaux. Il existe le programme de soutien à la mission des organismes d'action communautaire autonomes en environnement. Est-ce que vous pensez qu'on devrait, nommément dans la stratégie, par exemple, cibler davantage des programmes ou, en tout cas, au moins, mentionner qu'il faut maintenir le soutien à ces organismes? On ne peut pas arriver et continuer de faire un travail colossal sans avoir les sommes nécessaires.

Puis je veux faire un peu de pouce sur le mémoire du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, qu'on a reçu avant vous, et, à sa recommandation 9, il dit qu'il veut ajouter un objectif à l'orientation 3 de la stratégie de développement durable : «Appuyer et mettre en valeur les activités des organismes communautaires et des entreprises d'économie sociale qui contribuent à la protection de l'environnement, à la préservation de la biodiversité et à la gestion responsable des ressources naturelles.» Donc, j'imagine que vous appuyez une telle recommandation aussi du RNCREQ, qui était ici avant vous, là.

Mme Jampierre (Véronique) : Tout à fait. Veux-tu continuer?

Mme Levert (France) : Tout à fait, oui

Mme Jampierre (Véronique) : Pleinement. Je fais du pouce tout à l'heure...

Le Président (M. Reid) : On cherche le meilleur mot.

Mme Jampierre (Véronique) : Un des succès pour...

Une voix : ...tout ce beau monde là...

Mme Jampierre (Véronique) : Un des succès pour pouvoir s'assurer aussi, comme disait Nicolas tout à l'heure, que les principes de développement durable percolent, ça va être aussi de multiplier les... je dirais, la manière d'atteindre la population aussi. Autant de programmes il y a associés à des thématiques, autant ces programmes-là peuvent être utilisés pour faire en sorte qu'à l'intérieur il y ait des critères liés au développement durable qui fassent en sorte qu'on amène les gens, concrètement, dans leurs actions... à leur faire comprendre comment l'action liée à la mobilité durable, à la mobilité, peut devenir un vecteur de développement durable aussi.

Ou on peut aller dans un autre secteur. Dans notre équipe, on se consacre beaucoup à des thématiques liées à... On essaie de créer des exercices de concertation pour, justement, savoir, sur le terrain, qui est prêt à appuyer, par exemple, des thématiques ou à faire avancer la consommation responsable, l'économie verte, la mobilité durable. C'est nous qui prenons cette initiative-là parce que les personnes sur le terrain ont besoin de se parler, ont besoin de savoir comment intégrer le développement durable à l'intérieur de leurs actions de promotion. Tout à l'heure, M. Heurtel disait : Si on arrive à inclure dans les programmes de changements climatiques une sensibilisation au développement durable, est-ce que c'est bien? Oui, mais idéalement il faudrait des programmes beaucoup plus élargis sur la promotion du développement durable.

• (12 heures) •

M. Gaudreault : Sans nommer les programmes, parce qu'on parle d'une stratégie 2015-2020, c'est les principes, c'est les valeurs, c'est les grandes lignes horizontales, là, qui doivent s'appliquer à chacun des ministères, du gouvernement et éventuellement d'autres instances de la société, est-ce que le principe, par exemple, d'un financement prévisible, asseoir le principe d'un financement prévisible... Je pense que ça, c'est quand même un élément... c'est une valeur importante. Est-ce que vous vous retrouvez dans la stratégie présentement sur ce principe-là d'un financement prévisible?

Mme Jampierre (Véronique) : Tout à fait. Toutes les...

M. Gaudreault : Mais présentement, dans la stratégie, est-ce que vous trouvez qu'elle est là?

Mme Levert (France) : Si c'est présent suffisamment ou non dans la stratégie, là?

M. Gaudreault : Exact.

Mme Jampierre (Véronique) : Je vous dirais que, sur ce point-là... Est-ce que...

Mme Levert (France) : En fait...

Mme Jampierre (Véronique) : Je pense qu'au-delà de...

Mme Levert (France) : On n'a pas traité de ça.

Le Président (M. Reid) : Allez-y.

Mme Jampierre (Véronique) : C'est un principe à défendre, effectivement, c'est...

M. Gaudreault : Mais est-ce que ce principe, selon vous, se retrouve suffisamment mentionné dans la stratégie?

Mme Levert (France) : Bien, moi, j'aurais envie de vous répondre que de pouvoir avoir devant soi une prévision possible pour... enfin, savoir où on s'en va sur une certaine période de temps, pour n'importe quelle action, ça permet de la planifier puis de la mener plus facilement à terme. Donc, oui, dans ce sens-là, et que ça soit présent à la bonne place à l'intérieur de notre gouvernement, c'est ce qu'il faut, là. Et c'est sûr que, pour toutes sortes d'organisations, c'est fondamental.

M. Gaudreault : On a-tu du temps?

Le Président (M. Reid) : 30 secondes.

M. Gaudreault : O.K. Bien, c'est parce que le président me dit qu'il me reste 30 secondes. Ce que je veux dire, c'est que c'est bien beau d'avoir une stratégie, c'est important de passer à l'action. Vous avez un rôle important pour sensibiliser puis amener les gens à changer leurs comportements, mais, si on veut arriver à ça, il y a un principe du... En tout cas, il y a un principe pour arriver à ça, c'est le financement prévisible, la prévisibilité des ressources financières. Bon.

Mme Jampierre (Véronique) : C'est essentiel.

M. Gaudreault : C'est beau, je retiens ça.

Mme Jampierre (Véronique) : C'est essentiel. On s'adresse à des groupes qui ont, la plupart du temps, plus la préoccupation de pouvoir survivre que de poser l'action qu'ils ont à poser.

M. Gaudreault : C'est beau.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au bloc du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Dans les milieux, les municipalités, les groupes d'action communautaire, les... il y a beaucoup de gens qui ont des projets à présenter, hein? Je vous donne un exemple. Tantôt, on lisait que la ville de Montréal va investir 11 millions pour les terrains de balle dans les trois prochaines années, ce que je trouve une très bonne idée. Mais, à partir de ça, les gens, ils vont dire : Est-ce qu'il y a des fonds qui peuvent subventionner, hein? Ça fait qu'on va faire des recherches, on va regarder, puis on va arriver, puis on va dire : Ce fonds-là, est-ce qu'il s'applique? Oui, si on met tel type de pelouse ou des choses comme ça, on va arrimer le... Est-ce qu'il y aurait moyen de faire un peu l'inverse? Plutôt que ça soit à partir de projets qu'on a établis puis regarder quel genre de fonds qui pourraient être associés à ça, est-ce qu'il pourrait y avoir, je ne sais pas, une façon d'inciter les gens à s'en aller dans ce type de projets là pour arriver à atteindre des résultats qu'on souhaite, là? Je ne sais si vous comprenez ce que je veux dire.

Mme Jampierre (Véronique) : Je peux faire le lien par rapport à notre souci, qui est justement... Parce qu'il y en a de moins en moins, des fonds et des programmes aussi, en développement durable. Donc, lorsque les personnes, effectivement, comme vous le dites, ont un projet, elles essaient de le financer, elles se disent : Bon, bien, là, il y a un fonds en développement durable, on va essayer de rentrer dans le moule pour pouvoir aller chercher de l'argent par rapport à ça. Quelque part, ce n'est pas une mauvaise chose parce que, du coup, ça les force à s'intéresser au développement durable, et puis nous, on est capables de les accompagner, justement, à faire vraiment du développement durable, même si leur première intention, c'était plus d'avoir un centre sportif.

Mais, en contrepartie, je pense qu'on a aussi la... en réaction à ce contexte-là, on a pris l'initiative dans notre organisation d'aller rejoindre... sans même avoir des octrois à pouvoir distribuer, de pouvoir rejoindre les gens sur le terrain et à mieux comprendre quelles sont leurs préoccupations et celles qui pourraient se rapprocher le plus du développement durable, et c'est dans ce sens-là que je parlais tout à l'heure des initiatives de concertation. Dans les sujets qui, pour nous, sont les plus à même de pouvoir supporter le développement durable dans l'avenir du Québec, l'énergie verte, les grandes tendances, là, à chaque fois on essaie de créer des exercices de concertation par rapport à ça et savoir quels sont les intervenants sur le terrain qui pourraient contribuer à ces dynamiques-là. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Martel : Oui, oui. Absolument, absolument, absolument.

Mme Jampierre (Véronique) : Mais ça, ça se fait sans argent. Ça peut se faire.

M. Martel : Oui. O.K. Moi, je suis assez d'accord avec vous, là, par rapport à votre recommandation 8, puis j'en faisais mention dans mes remarques préliminaires, là, comme quoi qu'on devrait être un peu plus précis sur les résultats quantitatifs qu'on pourrait fixer pour atteindre les objectifs.

Dans votre organisation — parce que, moi, ce que je perçois, c'est que vous êtes une organisation au niveau national — est-ce que vous avez des critères, des barèmes pour essayer d'obtenir une certaine équité ou est-ce que vous avez un souci — je devrais dire ça comme ça — d'équité à travers les régions du Québec?

Mme Jampierre (Véronique) : On a eu au-dessus de 500 projets, et, dans ces projets-là, on a touché 17 régions. Je vous dirais qu'on essaie, à travers les critères qui nous sont aussi demandés de la part du gouvernement, on essaie de moduler les critères de nos programmes pour faire en sorte que mêmes les... enfin, dans toutes les régions, on puisse déposer les projets dans ces programmes-là. En changements climatiques, on a accepté des projets qui se passaient en région, et notre conseil d'administration a accepté d'appuyer ces projets-là parce que, justement, on se doit de pouvoir essayer d'appliquer à des mesures de réduction de gaz à effet de serre dans des régions où c'est beaucoup moins approprié, beaucoup moins facile, beaucoup moins évident que dans des grands centres urbains. On l'a fait.

M. Girard (Nicolas) : Mais, en même temps, il n'y a pas de montant réservé par région. Donc, c'est vraiment la qualité du projet, les retombées potentielles qui vont prendre vraiment le dessus dans l'évaluation. Par contre, on essaie de voir à ce que, justement, des organismes de toutes les régions puissent, justement, avoir accès, et comprennent bien le programme, et puissent avoir l'accompagnement nécessaire pour, justement, rencontrer les exigences du programme. Donc, ça, ça fait partie, effectivement, de nos priorités, absolument.

Mme Jampierre (Véronique) : Et ils se sentent concernés par les enjeux de nos programmes.

Mme Levert (France) : Et, moi, comme membre de conseil d'administration, ce que je vis que je trouvais très bien, c'est qu'effectivement le fait qu'au fond on puisse voir un ensemble de projets dans plusieurs régions, c'est qu'un bon coup qui se fait dans une région, l'équipe va mettre les gens en lien avec des intervenants d'une autre région pour que ça puisse profiter à plusieurs régions aussi. Donc, c'est intéressant dans ce sens-là qu'il y ait un endroit où on a une vision d'ensemble puis qu'on puisse faire profiter plusieurs régions d'initiatives qui peuvent s'appliquer ailleurs aussi et qui sont très, très bien, là.

Le Président (M. Reid) : Merci, Mme Levert. Le temps est écoulé, nous allons passer maintenant au dernier bloc, réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation et votre mémoire. Beaucoup des interventions qu'on entend ce matin parlent du développement durable dans une perspective environnementale. On sait que tel n'est pas le cas, c'est beaucoup plus large. Et d'ailleurs, à cet effet, une organisation de mon comté a été lauréate d'un projet, Concours d'iDDées, qui est une de vos... et qui est une coopérative, la coopérative des Valoristes, qui est une coopérative dont l'objectif est de permettre aux gens vulnérables qui récupèrent les contenants consignés de pouvoir, donc, les valoriser. Vous avez considéré que c'était un très bon projet de développement durable, puisque vous en avez financé un ou deux à travers le Québec cette année-là ou quelque chose comme ça. Pouvez-vous nous expliquer, puisqu'une stratégie, c'est la mise en oeuvre d'une vision, c'était quoi, votre vision de développement durable en donnant le prix à ce projet-là?

Mme Jampierre (Véronique) : En fait, le volet social, effectivement, est minoritaire dans les projets qu'on reçoit. On trouvait ça aussi... Je pense que, derrière les principes qui étaient défendus par le programme qui a financé le projet, on voulait aller dans d'autres sphères, voir, mesurer comment le développement durable, justement, peut s'appliquer au sein de d'autres acteurs de la société que les organisations qui ont l'habitude de nous solliciter, et ça a été un très bel exemple. Déjà, on a fait en sorte que le concours puisse être ouvert à beaucoup, beaucoup de monde, et, quand on a vu Les Valoristes, par exemple, proposer leur projet, on a été très contents de pouvoir défendre une thématique et une problématique d'ordre essentiellement social.

Mme Massé : Laquelle, par exemple, quand vous dites : Défendre une thématique?

Mme Jampierre (Véronique) : Bien, par rapport aux Valoristes, là, c'était...

(12 h 10)

Mme Massé : À la consigne...

Mme Jampierre (Véronique) : Il y a un lien très fort entre la consigne et, en même temps, l'itinérance ou les personnes un petit peu plus marginales ou ayant des faibles revenus. Ça, c'était très important de faire ce lien-là parce qu'en matière de mobilisation, et de communication, et de changement de comportement ce qui est important, c'est de donner beaucoup, beaucoup d'exemples concrets. Celui-là venait nous alimenter aussi de façon très intéressante, et le projet nous a donné raison parce qu'il donne des résultats très forts.

Mme Massé : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci de votre présentation.

Je vais maintenant suspendre les travaux quelques instants pour permettre à nos nouveaux invités de Vivre en ville de s'asseoir.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 12 h 13)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les invités du groupe de Vivre en ville à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, je dois, MM. et Mmes les membres de la commission, je dois vous demander l'autorisation de procéder jusqu'à un petit peu plus tard, étant donné que nous avons encore des invités pour 45 minutes. Et donc, oui, nous devions aller à 12 h 45, nous devrions poursuivre jusqu'à 13 heures si on a consentement. Sinon, il faut réduire le temps, évidemment, avec les invités. Est-ce qu'on a consentement?

Une voix : ...

Le Président (M. Reid) : 15 minutes de plus. Alors, on y va. Nous allons y aller sans tarder. Vous avez une présentation, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Je vais vous avertir quand il restera une minute, et puis ensuite nous procéderons à l'échange. À vous la parole.

Vivre en ville

M. Savard (Christian) : Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, merci de l'invitation de venir vous parler de développement durable. Vivre en ville, essentiellement, notre mission, c'est travailler au développement durable de nos collectivités, que ça soit à l'échelle de l'agglomération, de la ville, du quartier ou même de la rue ou du bâtiment.

Mon nom est Christian Savard. Je suis directeur général. Je suis accompagné de...

Mme Boisclair (Catherine) : Catherine Boisclair. Je suis urbaniste et conseillère stratégique à la direction générale.

M. Savard (Christian) : Donc, on est une organisation, pour ceux qui ne nous connaissent pas, comme on dit, une organisation d'intérêt public qui oeuvre partout au Québec. On a des bureaux à Montréal, Québec, Gatineau. Donc, on travaille spécifiquement sur les questions qui concernent, justement, les villes, les villages du Québec et comment on les construit.

D'entrée de jeu, pour nos commentaires en ce qui concerne la stratégie, d'abord, premier point positif, on est satisfaits de l'ampleur, de l'angle plus large qu'a pris cette politique de stratégie de développement durable révisée. À titre d'exemple, les questions d'aménagement du territoire et de mobilité durable, dans lesquelles on intervient particulièrement, sont mieux tenues en compte et sont mieux... on les voit. Donc, c'est un bon point pour cette stratégie-là.

Un autre point intéressant qui était quand même une force de l'ancienne stratégie, c'était la question de l'exemplarité de l'État, où est-ce qu'on insiste beaucoup, et c'est probablement à cet endroit-là où... L'exemplarité de l'État, c'est ce qui est le plus abouti dans ce qu'on a pu lire de la stratégie actuelle. Donc, c'est un point aussi intéressant. On va avoir, d'ailleurs, à la fin de notre intervention une proposition pour compléter cet élément-là.

En ce qui concerne, par contre, les points qui nous amènent des interrogations, il y a des mécaniques, peut-être, qu'on pourra proposer ou qu'on pourra améliorer... concernent notamment toute la question du fait de prendre en compte le développement durable dans la mission propre des ministères et organismes. En fait, je parle ici de l'objectif 1.2, qui parle de renforcer la prise en compte des principes de développement durable par les ministères et organismes. Selon nous, ça devrait être l'objet même de la stratégie. Ça ne devrait pas être un sous-objectif parmi les orientations, mais ça devrait être carrément le grand principe de la stratégie de développement durable pour ne pas qu'elle se limite, justement, à la question de l'exemplarité de l'État. Donc, après ça, de 2 à 8, il y a tous les objectifs, mais, dans tous ces objectifs-là, les principes du développement durable et la stratégie devraient être pris en compte. Donc, c'est un élément, là, de mécanique, mais qu'on trouve peut-être à côté de la cible pour vraiment donner un sens à cette stratégie-là. Donc, 1.2 qui deviendrait peut-être un chapeau à l'ensemble de la stratégie.

Sinon, évidemment, on parle que peut-être il faudrait avoir une plus grande imputabilité en identifiant plus spécifiquement les organismes ou les ministères responsables des différentes orientations. Je crois qu'il est temps également d'assujettir certains organismes comme les municipalités et probablement certaines sociétés d'État ou organismes parapublics.

Et également, bien, un point important, on connaît tous l'importance de la lutte aux changements climatiques, on sait les outils que le Québec s'est donnés pour atteindre ces objectifs et participer à la lutte globale, à cet enjeu important. Donc, on propose, justement, que la lutte aux changements climatiques fasse partie d'un des enjeux de la stratégie et soit même priorisée. On sait qu'on ne pourra pas tout faire qu'est-ce qu'il y a dans la stratégie, mais qu'est-ce qui concerne les changements climatiques devrait être priorisé, et on devrait le dire clairement dans les différents arbitrages qu'on aurait à faire éventuellement. Mais qu'est-ce qui concerne les changements climatiques devrait être priorité, c'est notre recommandation 4.

Sur ce, je vais laisser la parole à Catherine pour continuer.

• (12 h 20) •

Mme Boisclair (Catherine) : Oui. Donc, je vais vous parler principalement d'une de nos recommandations principales, en fait, qui est la cinquième, qui est de faire de l'aménagement durable du territoire, qui est l'objectif 6.1, une activité incontournable. Donc, dans la stratégie, il a été identifié cinq activités incontournables que vous retrouvez aux pages 21 et 22, et donc on recommande d'en ajouter une sixième. Chacune des activités incontournables est liée à un des objectifs de la stratégie. Donc, je vous les rappelle, il y a la gestion écoresponsable, il y a la prise en compte des principes de développement durable, le chantier d'intégration de la culture dans le développement durable, l'accompagnement des entreprises privées et des autres acteurs publics. Donc, vous avez identifié cinq activités incontournables, et on croit que l'aménagement durable du territoire, qui est l'objectif 6.1, mérite d'être une activité incontournable.

Donc, avant d'aller plus loin, peut-être vous résumer ce qu'est l'aménagement durable du territoire. En 10 minutes, on n'ira pas très loin, mais simplement vous souligner que l'aménagement du territoire, actuellement au Québec, bien, en fait, c'est de construire et de planifier les milieux de vie, et c'est une compétence qui est partagée entre l'État et les municipalités. Donc, l'État fait des orientations gouvernementales — elles sont présentement en révision — et, à travers ces orientations gouvernementales, les MRC et les municipalités rédigent des documents de planification et les appliquent par la suite sur le territoire. Donc, vous connaissez les schémas d'aménagement, les plans d'urbanisme et, finalement, la réglementation d'urbanisme, dont le zonage.

Donc, l'aménagement durable du territoire, c'est de finalement, oui, de planifier et de construire nos milieux de vie, mais de façon à considérer l'ensemble des enjeux qui nous préoccupent dans le développement durable. Donc, on vous a mis un graphique dans notre mémoire, qui se trouve à la page 11 et qui résume tous ces enjeux-là. Donc, je ne vous les énumérerai pas ici.

Donc, pourquoi l'aménagement durable du territoire devrait être une activité incontournable? En fait, elle respecte tous les critères de choix qui ont porté à... qui vous ont amenés, en fait, à déterminer cinq activités incontournables. Donc, c'est un champ d'action structurant qui a une grande portée sur la société québécoise et aussi pour lequel un grand nombre de ministères et d'organismes peuvent avoir une contribution. Donc, il s'agit carrément d'une préoccupation horizontale qui ne s'adresse pas seulement au ministère des Affaires municipales. Donc, on parle notamment de, oui, la localisation des activités, des infrastructures. Les ministères, oui, construisent eux-mêmes des infrastructures, qu'on pense aux transports, mais aussi en financent énormément. Donc, toute l'idée d'écoconditionnalité des infrastructures. Et également les ministères doivent considérer les externalités qu'ont leurs activités sur le territoire. Je pense notamment aux orientations gouvernementales où l'État veut limiter l'étalement urbain, la dépendance à la voiture. On pense aussi aux îlots de chaleur. Donc, les ministères, malgré eux parfois, parce qu'ils ne prennent pas conscience de leurs actions sur le territoire, ont un impact contraire, finalement, aux orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire.

Donc, pour nous, faire de l'aménagement durable du territoire une activité incontournable, c'est un prérequis, finalement, à la cohérence des actions étatiques, et Vivre en ville écrit fréquemment sur le sujet. Notamment, vous savez, l'UMQ a identifié la fiscalité municipale comme un des facteurs de l'étalement urbain, et donc il faut réviser cette fiscalité municipale. On a écrit des mémoires sur le sujet, on vous y réfère dans notre mémoire. Et aussi revoir les règles de financement des réseaux de transport. Il y prédomine un deux poids, deux mesures où on finance, finalement, au Québec massivement le transport routier, mais très peu le transport en commun. Donc, il y a de ces incohérences-là, finalement, qui contreviennent aux orientations gouvernementales rédigées par le ministère des Affaires municipales. Et, malheureusement, ces orientations gouvernementales s'appliquent uniquement aux municipalités — c'est un outil de dialogue entre les municipalités et le gouvernement — et non à l'entièreté des ministères et organismes. Donc, on croit que ce serait une façon d'améliorer la cohérence de l'État.

M. Savard (Christian) : Donc, effectivement, le rôle transversal... Puisque la manière qu'on construit nos villes a une incidence sur un paquet d'enjeux de développement durable, protection du territoire agricole, protection des milieux naturels, mais également nos modes de vie et l'impact de nos modes de vie, on croit que c'est un enjeu incontournable.

Et, pour finir, j'ajouterais aussi un autre cas, un autre exemple où est-ce que l'exemplarité de l'État pourrait être incluse, et on propose de l'inclure dans la stratégie, c'est la question de la localisation des équipements et activités portés par l'État. C'est notamment quelque chose qui est mentionné dans le plan d'action sur les changements climatiques, où on dit qu'il faudrait faire ça et faire en sorte que l'État ne contribue pas à l'éparpillement des activités, ne contribue pas à l'étalement urbain, contribue à améliorer le coeur de nos villes, nos artères déjà existantes. C'est un enjeu très important parce que, l'État, on le sait que c'est une grande partie de l'économie, et, s'il améliore ses pratiques en matière de localisation de ses propres activités, ça, c'est un petit exemple, là, comment la prise en compte du développement durable dans l'aménagement et dans les actions de l'État peut améliorer... C'est vraiment quelque chose qu'on peut faire et c'est déjà identifié au plan d'action sur les changements climatiques. Donc, ça serait une manière de le réitérer.

Pour terminer, puisqu'il me reste 10 secondes, je citerais l'ONU, qui, dans une citation que je trouve bien tournée, a dit : «La ville — et son aménagement — est un atout pour le futur de la planète et pour poursuivre un développement durable. Notre façon de planifier, de construire et de gérer nos villes aujourd'hui sera déterminante pour notre avenir. [...]Le combat pour un avenir durable se gagnera ou [se perdra] dans les villes.» Voilà.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons maintenant passer aux échanges. Pour le bloc gouvernemental, je vais passer la parole au ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Merci. Encore une fois, je vous félicite pour votre travail. Comme toujours, comme tous vos écrits, un autre écrit de qualité qui va certainement être très utile dans nos réflexions. Merci beaucoup. Et j'en profite également pour vous remercier, M. Savard. Vous aussi, vous participez au Comité-conseil sur les changements climatiques, j'apprécie énormément votre contribution également à cette réflexion très importante. Puis j'étais très content de voir dans le mémoire, justement, que vous faites le lien vraiment, puis plus qu'un lien, là, vous intégrez, puis là ça va être ma première question... Juste être sûr que j'ai bien compris, mais, moi, de la façon que je reçois le message du mémoire puis de votre intervention aujourd'hui, c'est vraiment d'intégrer les actions en matière de changements climatiques à l'ensemble de la stratégie et de véritablement voir ça comme un tout, et non pas comme des compartiments séparés. Je vois ça, qu'il faut vraiment lier nos efforts. Vous avez cité le plan d'action sur les changements climatiques, mais moi, je vois ici une opportunité de vraiment mieux intégrer ce qu'on fait en changements climatiques et ce qu'il reste à faire, évidemment, mais ce qui est déjà sur pied d'intéressant à la stratégie de développement durable.

M. Savard (Christian) : Tout à fait. On sait que, de toute manière, les ressources sont limitées, et on veut aussi... Un des principes, c'est d'augmenter la cohérence. Si on veut justement, bien, mieux utiliser nos ressources et augmenter la cohérence des actions, de rapprocher la stratégie développement durable et la lutte aux changements climatiques, qui est probablement la plus grande urgence qu'on peut avoir d'un point de vue environnemental et de développement durable, ça nous apparaît, effectivement, évident. Et ça, cette cohérence-là qu'on tente d'atteindre, il va falloir aussi qu'elle fasse tache d'huile dans d'autres ministères.

Une voix : ...

M. Savard (Christian) : Tache d'huile, oui.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Savard (Christian) : Qu'elle percole vers les autres plans qui peuvent y exister, dans les autres ministères. On le sait, Catherine en a parlé, le ministère des Affaires municipales est à revoir l'ensemble de ses lois, de ses orientations en matière d'aménagement du territoire, bien, voilà une autre patte à attacher. Après ça, ça va être le financement de la mobilité durable, où on sait que le MTQ s'en vient avec quelque chose, on parle du courant de l'automne. Il faut que tout ça soit cohérent et se parle l'un à l'autre. Et c'est souvent ça, bien, on peut souvent reprocher à l'action gouvernementale, hein, ce que... et donc oui, effectivement, le plan d'action de changements climatiques, la stratégie de mobilité durable, c'est deux qui semblent évidents dans un premier temps.

M. Heurtel : Alors, si on parle plus spécifiquement d'aménagement... Puis vous avez profité de votre temps pour préciser la notion d'aménagement, puis peut-être qu'avec ces questions-là on pourra approfondir parce que je trouve ça fondamental, la notion d'aménagement. Puis, évidemment, ça touche la mobilité, le transport et plusieurs secteurs, vous l'avez très bien décrit, une foule d'organismes et de ministères qui sont de près ou de loin impliqués, ce n'est pas juste l'affaire d'un ministère, puis il y a vraiment besoin, comme vous dites, d'une cohérence puis d'une intégration. Je crois qu'on a ici une opportunité avec la stratégie... Bon, un, on intègre la lutte contre les changements climatiques, mais également de voir comment on peut avoir une approche horizontale ou transversale, comme vous le proposez.

Ce que j'aimerais faire pour les prochaines séries de questions, c'est vous lancer quelques idées puis voir si on peut avoir une réaction, bon, succincte. Puis j'ai plusieurs points, mais juste de voir, là puis ça pourrait servir pour approfondir, là, ces notions-là... Un, cette notion-là, combiner, là, stratégie développement durable, lutte contre les changements climatiques, qu'on l'intègre systématiquement aux différents procédés décisionnels gouvernementaux, que ça soit d'emblée à la base des processus décisionnels, je vous fais réagir là-dessus.

M. Savard (Christian) : Bien, en fait, ce qu'on a pu constater dans la dernière stratégie, c'est que, très souvent, le développement durable s'est surtout décliné sous l'écoresponsabilité des activités des MO — je vais utiliser MO, là, pour aller... des MO — et c'est souvent plus devenu une contrainte : Ah! bon, il faut faire un rapport pour la stratégie de développement durable, là, on va faire deux, trois trucs, on va imprimer recto verso, puis ça va être correct. Pour avoir des amis qui travaillent dans des MO, parfois on donne ça au conseiller, là, en développement durable, et ça ne percole pas dans le reste de la machine. C'est pour ça qu'on dit qu'il faut que ça soit intégré carrément dans la planification stratégique de chacun des MO. Et ça, en étant juste... On le sent, qu'on veut le mettre, mais c'est comme une activité comme une autre dans 1.2. Tu sais, ce n'est pas comme un grand principe directeur de la stratégie, c'est une activité parmi d'autres, et, en faisant ça, on ne lancera pas le signal de monter le développement durable à un autre niveau. C'était correct pour la première stratégie, probablement, il fallait commencer quelque part. Mais, si on veut qu'elle ait plus d'impact et qu'on dirige le Québec plus vers le développement durable, il va vraiment falloir que ça soit dans les missions, que ça se ressente dans les missions des organisations.

• (12 h 30) •

M. Heurtel : Prochaine notion, d'explorer la révision de l'ensemble des programmes gouvernementaux, que ça soit investissements, subventions. En tout cas, toute forme d'intervention économique, de faire en sorte que justement, encore une fois, les notions de développement durable et de lutte contre les changements climatiques soient prises en compte d'une façon, là, concrète, notamment pour faire face... pour être sûr qu'on ne subventionne pas, par exemple, des mesures qui ont comme résultat l'étalement urbain ou des subventions d'énergies fossiles. Votre réaction.

M. Savard (Christian) : Bien, c'est effectivement le cas. Je vais prendre un exemple assez classique qu'a mentionné Catherine. Actuellement, au Québec, les routes à numéros sous la responsabilité du MTQ sont financées à 100 % par l'État, et ça fait en sorte, bien, quand on élargit une autoroute, on fait une autoroute dans ta municipalité, ça apporte du développement, mais ce développement-là, son coût est venu... est à l'État. Donc, ça a donné un étalement urbain. Oui ou non, on est d'accord. Mais une chose est sûre, c'est l'État qui a payé. Pour d'autres types de développement, si on veut se développer autour du transport en commun, dans ce cas-là, bien, ça coûte de l'argent à la municipalité, c'est elle qui doit payer, et ainsi de suite. Donc, il y a là un exemple d'incohérence — c'est un de ceux que je connais bien — où, bien, on sait qu'il faut favoriser le transport en commun, mais on met de la pression sur les municipalités pour qu'elles paient, on veut faire en sorte... Par contre, lorsqu'on favorise les déplacements autos, ah! bien là, c'est l'État qui paie. C'est un bel exemple où il y a une incohérence dans le développement durable dans les pratiques de l'État. Si, au moins, les règles du jeu étaient égales, par exemple, bien, ça serait beaucoup plus facile pour les municipalités de faire des choix probablement plus durables.

Donc, il y a beaucoup de mécanismes de ce type-là à l'intérieur de l'État qui font en sorte que, bien, on ne fait pas de développement durable, on ne prend pas souvent la... on ne prend pas la décision la plus durable parce que les règles du jeu poussent vers une autre décision. Pourtant, il y aurait d'autres manières de faire, mais, bon, à force... Puis il y a des fois où il y a une certaine inertie des pratiques qu'on a eue dans les dernières décennies, mais, en appliquant les principes du développement durable, on est capable de défaire ces mauvaises pratiques là.

M. Heurtel : Ensuite, la notion, bon, comment on intègre... bien, donc, l'idée d'intégrer, encore une fois, dans la planification la construction des infrastructures, ces principes de développement durable, est-ce que, donc, à la base, cette notion-là, là... Encore une fois, votre réaction.

M. Savard (Christian) : La meilleure manière d'y arriver — c'est mon côté économique — c'est l'internalisation des coûts. C'est pour ça que les acteurs qui bénéficient d'une nouvelle infrastructure doivent en payer une partie des coûts. Dès que l'État se paie 100 % pour un autre acteur, c'est évident que les acteurs économiques vont faire des choix autres. On sait que l'internalisation des coûts ou la prise en compte des externalités est un principe fondamental du développement durable, et ça, ça n'existe pas. Je vais vous donner un exemple assez classique et qui... Je vais reprendre un exemple d'autoroute, la A-19, qu'on parle d'élargir, il y a des débats là-dessus. La A-19 va profiter essentiellement à développer une partie de la couronne nord. Moi, ce qu'on dit par rapport à ça, si on veut internaliser les coûts, comme le dit le développement durable, il faudrait qu'une partie de la couronne nord paie la note de la même manière que le renouvellement des wagons de métro à Montréal, actuellement, est payé en partie par la ville de Montréal. Donc, il y a comme là un exemple, là, d'incohérence où le développement durable n'est pas considéré, tout simplement sur le principe d'internalisation des coûts.

M. Heurtel : Alors, sur la notion d'internalisation des coûts, donc, là, encore une fois, dans un esprit de cohérence puis de vision horizontale ou transversale de l'action, si on regarde au niveau de la planification financière du gouvernement, quand on prépare des budgets, quand on est en train d'évaluer les choix financiers qu'on fait puis l'évaluation des risques, tout ça, est-ce qu'il y a un travail de modernisation à faire, justement, pour intégrer... est-ce que vous voyez, dans la façon dont on prépare nos instruments financiers, qu'on internalise l'ensemble des coûts, justement, des choix qu'on fait?

M. Savard (Christian) : Bien, ça m'apparaît assez évident que non. Il y a des manières de faire qui étaient bonnes il y a 50 ans et qu'on a continué à faire. Il ne faut pas oublier que, par exemple, l'étalement urbain, bien, à l'époque, c'était quelque chose qui était vu... de très bien, hein, on donnait... il fallait donner... c'était un rêve qu'on avait. Et, ce rêve-là, bien, on l'a financé, ça a été quelque chose de planifié. Et on s'est rendu compte, bien, que peut-être il fallait le limiter parce que ça coûtait très cher en infrastructures, en nouvelles écoles, en nouveau système de santé. Pendant qu'on ferme à certains endroits, on en ouvre d'autres. Je rappellerai à titre d'exemple qu'en banlieue de Québec il y a une école qui a duré 10 ans parce que la cohorte est arrivée toute en même temps, parce qu'on a construit tout en même temps et on a construit du bon vieil urbanisme des années 50, monofonctionnel. Et donc on se rend bien compte que, pour l'État, construire une école pour 10 ans, là, ce n'est pas très payant. Donc, ce genre d'analyse là, effectivement, ne se fait pas, et il y a beaucoup de choses à revoir.

M. Heurtel : L'autre notion, c'est au niveau des politiques d'achat, des critères d'appel d'offres. C'est une autre notion dont on parle souvent. Donc, encore une fois, votre réaction là-dessus. Qu'est-ce qu'on aurait à faire au niveau, justement, de nos critères d'appel d'offres ou de nos choix en termes de politiques d'achat pour, justement, intégrer les notions, pour nous permettre de faire un aménagement plus responsable?

M. Savard (Christian) : Appels d'offres, je suis moins certain pour les appels d'offres parce qu'en ce qui concerne... Bien, il y a moins d'appels d'offres dans le domaine que je connais bien, hein, il n'y a pas d'achats... Il y a certains achats d'équipement, mais c'est quelque chose qui n'est quand même pas trop... assez bien pris en compte. Si on considère, à titre d'exemple, dans les questions de transport, bien, on améliore beaucoup le matériel roulant, on parle d'hybrides, des choses comme ça. Donc, les appels d'offres sont déjà quand même pas mal plus exigeants dans les domaines que je connais.

Par contre, je dirais qu'en matière de bâtiments... Je viens de trouver un angle. En matière de bâtiments, souvent la Société québécoise des infrastructures, dans ses appels d'offres pour trouver des terrains, a souvent des critères très larges, qui fait en sorte que, bien, au lieu de consolider la rue Principale à Alma ou l'artère commerciale du Sud-Ouest de Montréal, bien, fait en sorte qu'on se retrouve à mettre le CLSC... à le déménager sur le bord d'une route très loin où est-ce que les gens y ont moins accès, où c'est plus loin. Donc, par exemple, les appels d'offres pour des bâtiments de la Société québécoise des infrastructures, que ça soit pour des terrains ou des bâtiments, pourraient être revus pour avoir une meilleure localisation qui vienne renforcer nos villes, nos villages plutôt que les éparpiller. Donc, voilà un exemple — j'ai fini par le trouver — précis où est-ce qu'on pourrait revoir nos appels d'offres. On a notamment travaillé un peu avec la SQI là-dessus, ils ont commencé à évoluer là-dessus, mais je pense qu'on pourrait aller plus loin avec une politique gouvernementale de localisation des équipements et des activités qui sont assujettis au gouvernement.

M. Heurtel : Bon. Une fois qu'on les a mieux localisés, après ça il faut soit les construire ou rénover. Encore là, les matériaux, choix de matériaux, etc., là-dessus, peut-être, au niveau des politiques d'achat, peut-être, parler, approfondir là-dessus.

M. Savard (Christian) : Effectivement, il y a différents, je crois... Puisque c'est des choses qu'on construit pour longtemps, qu'on construit pour... C'est des institutions publiques, là, on ne les construit pas comme on construit un Walmart pour 15 ans, 20 ans, on les construit pour que ça dure 50 ans, il faut, effectivement, être plus exigeant. Et, pour une petite histoire, à un moment donné, je parlais à un directeur général de... quelque part, d'une petite ville de Portneuf, qui travaillait justement à un CHSLD, et lui voulait mettre en place de la géothermie. Il travaillait avec les gens... justement, qu'est-ce qu'on appelait à l'époque la Corporation d'hébergement, qui est maintenant fusionnée avec la SQI, et il disait : Ça va rentrer... En faisant de la géothermie, votre retour sur l'investissement est de sept ans. Pour la durée de vie d'un CHSLD, c'est plutôt intéressant. Ça serait le fun, ça va mettre notre municipalité... on va avoir un beau CHSLD. Il était fier de ça, et, à l'époque, les gens lui avaient répondu : Moi, je ne gère pas l'opération. Moi, je gère le coût que ça nous coûte à bâtir, et mes objectifs sont que ça coûte le moins cher possible. Que ça coûte moins cher au bout de sept ans, ça ne m'importe pas. Je n'aurai pas de bonus à la fin de l'année parce que j'ai bâti quelque chose qui va coûter moins cher après sept ans, je vais avoir un bonus si mon bâtiment a coûté le moins cher possible là, là. Donc, effectivement, il existe encore... ce genre d'histoire là démontre que le développement durable n'est pas pris en considération dans certaines activités de l'État.

M. Heurtel : Même, dans cet exemple-là, on a un incitatif financier qui est lié à ne pas faire le meilleur choix dans cette perspective-là.

• (12 h 40) •

M. Savard (Christian) : Oui, exactement. Tout à fait, c'est ça.

M. Heurtel : Donc, quand on parle de révision de même les incitatifs, de ce qui est mis de l'avant en termes de politique d'investissement, ça fait partie de l'équation.

M. Savard (Christian) : Je pense que les choses commencent à évoluer, là — c'est il y a deux ans, à peu près, cet exemple-là — pour avoir travaillé un peu avec les gens de la SQI, mais oui, effectivement, il y a des choses à faire. Il existe, évidemment, des normes pour le bâtiment, des choses comme ça qui peuvent être considérées.

M. Heurtel : ...normes pour le bâtiment, le code du bâtiment, là-dessus. Ça, encore une fois, modifications?

M. Savard (Christian) : Je pense que les spécialistes, notamment, du Conseil du bâtiment durable diraient oui. On peut penser... Il y a des choses qui sont... Il y a quand même des choses qui sont plus intéressantes dernièrement, notamment au niveau du bois. On a réduit beaucoup certains coûts. Notamment, on parle de densité urbaine, densification. Si tu es obligé de construire tout béton versus du bois, ça coûte beaucoup plus cher, et il y a des bâtiments qui commencent à se faire dans ce sens-là. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Savard. Je dois vous interrompre. Alors, nous allons passer au bloc du groupe de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci beaucoup, M. Savard, Mme Boisclair, d'être ici. Évidemment, je reconnais, moi aussi, votre très, très grande contribution dans toute la réflexion, et ce, de façon constante, là, vous avez toujours été présents. Et je pense que l'ancien gouvernement, le précédent gouvernement avait envoyé un signal important avec un même ministre sous les Affaires municipales et les Transports, avec une stratégie de mobilité durable aussi qui incluait pour une première fois les préoccupations aussi importantes en matière d'aménagement du territoire. Alors, je comprends très, très bien votre signal et la préoccupation que vous soulevez et je souhaite, évidemment, que le gouvernement actuel poursuive sur cette lancée du précédent gouvernement. En tout cas, on va surveiller à l'usage.

Maintenant, justement pour faire suite à cet élément-là, vous dites dans vos recommandations 5 et 8 : «Identifier l'aménagement durable du territoire comme une activité incontournable de la stratégie.» Et 8 : «Adopter des critères d'écoconditionnalité dans les programmes de subvention en infrastructures.» Je comprends que les critères d'écoconditionnalité dans les programmes de subvention en infrastructures deviennent comme un incitatif, si on veut, pour faire en sorte que l'aménagement durable du territoire soit davantage pris en compte, si on veut, dans les interventions gouvernementales. J'espère que la Caisse de dépôt et placement, dans son nouveau rôle d'intervention dans les infrastructures, tiendra compte de critères d'écoconditionnalité. En tout cas, il faudra voir pour la suite des choses.

Bon, vous avez eu un échange assez — comment je pourrais dire? — constant avec le ministre, là, un va-et-vient intéressant dans la discussion. Maintenant, j'aimerais que vous me disiez : Selon vous, là, court ou moyen terme, est-ce que vous identifiez un certain nombre de chantiers très concrets, là, à venir au niveau soit législatif, là... Je ne parle pas de chantiers d'infrastructures, là, de chantiers législatifs, ou de politiques, ou de mesures, ou de stratégies, là. Êtes-vous capable de m'en identifier quelques-unes, là, rapidement pour sortir un peu de la théorie qui dit : Bien, il faut, justement, identifier l'aménagement durable du territoire comme une activité incontournable de la stratégie?

M. Savard (Christian) : Oui. Donc, à ce propos-là, il y a évidemment tout ce qui concerne le chantier par rapport aux municipalités qui s'en vient. On sait qu'il va y avoir une révision de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, il va y avoir le nouveau rôle pour la métropole, la capitale nationale. On parle d'autonomie des municipalités, de révision de tout ça. Tout ce qui entoure ça, il y a trois, quatre lois qui sont impliquées par ce chantier-là qui va être ouvert et qui, nous, nous préoccupe, effectivement, parce qu'on voit une certaine limite à l'autonomie municipale en matière d'aménagement du territoire. On trouve très important que les questions d'aménagement du territoire et d'urbanisme demeurent une compétence et une responsabilité partagée entre le gouvernement et les municipalités. On entend, malheureusement, des municipalités dire : Donnez-nous ça, le zonage agricole, là, c'est notre responsabilité, autonomie en matière d'aménagement du territoire.

Pour nous, ça équivaudrait à donner les clés de la bergerie au loup. On sait qu'actuellement — et il y a des professeurs qui l'ont dit dernièrement dans un dossier dans la région de Québec — les MRC, les municipalités n'ont pas la maturité pour aller vers un aménagement du territoire durable. On est encore pris dans les vieilles pratiques d'étalement, d'aller chercher des taxes à court terme pour essayer de diminuer les comptes de taxes, pour essayer de... mais ne pas faire des pratiques qui sont plus durables à long terme. C'est une espèce de chaîne de Ponzi, là, et ça, si le gouvernement cède à la tentation de dire : O.K. J'en donne aux municipalités parce que je les ai coupées, là, je vais leur donner un peu de législatif parce que je leur ai enlevé du budgétaire, je suis assez clair là-dessus, on va assurément avoir un problème encore plus grand dans cinq, 10 ans où est-ce qu'on va toujours revenir avec des besoins en infrastructures toujours plus loin, toujours plus coûteuses, qui est le modèle de développement des dernières années.

M. Gaudreault : Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que la stratégie doit nommer ses chantiers? Quand on parle, par exemple, de la définition d'une nouvelle gouvernance dans les municipalités, la révision de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on sait qu'éventuellement le gouvernement va se diriger aussi vers une révision de la gouvernance de la gestion des transports dans la grande région métropolitaine, on pourrait parler, bon, de la Loi sur la qualité de l'environnement aussi. On pourrait parler même du pacte fiscal qui s'en vient parce que, là, on a un pacte fiscal transitoire. Si on veut parler, par exemple, de nouvelle fiscalité pour les municipalités ou sortir de leur dépendance d'une seule fiscalité qui est la fiscalité basée sur le foncier, est-ce que vous pensez qu'on devrait aller un petit peu plus loin dans la stratégie à cet égard?

M. Savard (Christian) : C'est exactement pour ça qu'on a proposé de la mettre comme activité incontournable. Il y a tellement de choses qui s'en viennent — puis je vous dirais que ça fait travailler très fort notre équipe — dans le domaine que, si on veut que le Québec se dirige vers le développement durable, les questions de comment on construit nos villes et nos quartiers doivent devenir une activité incontournable de cette stratégie-là. Ça va être un signal de plus pour monter la barre dans les différentes... dans les autres... dans les MO, notamment. Donc, oui, il faudrait que ça en fasse mention explicitement, c'est une bonne idée. Et nous, on va même plus loin, on propose que le Québec se dote d'une politique d'aménagement durable du territoire carrément qui viendrait être un peu la réflexion et la vision qui devrait guider les futures interventions dans ce domaine-là, toutes celles que vous avez nommées : pacte fiscal, révision de la loi, révision des pouvoirs des villes.

M. Gaudreault : ...

M. Savard (Christian) : Exactement, oui, il devrait y avoir une espèce de chapeau de ce type-là.

M. Gaudreault : O.K.

Mme Boisclair (Catherine) : Je rajouterais peut-être...

M. Gaudreault : Allez-y.

Mme Boisclair (Catherine) : ...que le chantier de réforme de la fiscalité municipale est clairement un des chantiers... Vous l'avez évoqué, mais je tiens à le redire, là, que ce chantier-là doit être ouvert. Donc, là, c'est sûr, qu'il y a une renégociation du pacte fiscal, mais on questionne vraiment les impacts qu'a la dépendance au foncier.

M. Gaudreault : Exactement. O.K. Écoutez, j'aimerais aussi vous entendre sur l'élargissement de la stratégie de développement durable au-delà des ministères et organismes. On voit, bon, une volonté là-dessus. Comment on pourrait faire pour l'élargir davantage aux instances municipales de façon un peu plus peut-être contraignante sans non plus décider ou faire à leur place? Et peut-être ça va être ma dernière question parce que le temps file, puis je veux vous laisser du temps pour répondre, mais je veux tout de suite vous dire que, tout de suite après votre réponse, moi, je devrai quitter parce qu'une autre commission m'attend en ce moment. Je ne veux pas que vous le preniez mal, mais mon collègue de Matane-Matapédia va assumer la présence, oui.

M. Savard (Christian) : Effectivement, la loi, actuellement, permet au gouvernement de décider d'assujettir, par exemple, les municipalités à la stratégie. C'est quelque chose qui peut être fait de manière qui est déjà prévue. On pense que c'est une bonne idée, effectivement, puisque, pour eux, ça serait la première ronde. Puis il y a beaucoup de municipalités qui essaient, hein, puis qui essaient d'être proactives, mais ça serait un signal à lancer. Nous, on aime bien l'approche d'obligation de résultat, mais autonomie de moyens. Donc, on s'entend sur l'objectif à atteindre, mais on ne donne pas la recette à chacune des municipalités parce qu'on sait qu'il y a des municipalités qui sont... et certaines sont plus petites, certaines sont dans des endroits plus ruraux, d'autre plus urbaines, donc il faut garder une certaine flexibilité. On n'est pas là pour qu'il y ait un fonctionnaire derrière chaque municipalité, mais de lancer le signal qu'il doit y avoir des efforts de faits en matière de développement durable est une bonne idée.

• (12 h 50) •

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci, Nous allons passer maintenant au bloc du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Je veux continuer un peu dans la même veine que vous étiez là. Moi, ce que je lis — puis je veux m'attarder plus au niveau des obligations des municipalités, ces choses comme ça — moi, je trouve que le discours que vous avez, il est plein de logique, mais, à certains égards, au niveau de la réalité, notamment en milieu rural, là, j'ai de la difficulté à attacher ça correctement. Quand on regarde, là, au niveau des municipalités, au niveau des MRC, confectionner un schéma d'aménagement, là, déjà, actuellement, là, sans la révision de la loi sur l'aménagement du territoire, là, il faut tenir compte des orientations gouvernementales, il faut faire de la consultation auprès de nos populations, auprès des municipalités, il faut, ensuite de ça, soumettre notre projet, qui passe sur le bureau de chacun de nos ministères. De rajouter là-dedans, sincèrement, moi, je pense qu'on complique beaucoup, là. Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire, je ne dis pas... mais on complexifie beaucoup.

Je pense à la fiscalité. Vous en faites allusion, mais c'est une réalité, la fiscalité. Je pense, entre autres... Par exemple, vous dites : Ils veulent diminuer les taxes ou des choses comme ça, mais, des fois, c'est des besoins. Je prends l'idée, là... On a aboli les CLD ou, à tout le moins, le financement au niveau des CLD. Si les municipalités veulent continuer de faire du développement local, il faut qu'ils embauchent, nécessairement ça va leur coûter plus cher. Si ça leur coûte plus cher, tu as deux options : tu augmentes les taxes ou tu fais du développement. On parle de plus en plus de donner de l'autonomie au milieu municipal. Quand j'entends votre discours, là, par rapport à tout ce que je viens de dire, il me semble que ça ne peut pas faire autrement que de faire un choc assez frontal, là.

M. Savard (Christian) : Bien, effectivement, sur l'aspect de l'autonomie des municipalités, on est beaucoup d'accord avec bien des choses avec les unions municipales, mais, cette partie-là, on n'est pas d'accord.

Il y a une chose que je veux rappeler. Une position de Vivre en ville, c'est qu'on ne peut pas appliquer de la même manière, à chacun des types de municipalités au Québec, de la même manière les lois. Par exemple, nous, on faisait la suggestion d'être plus exigeant, notamment lors du renouvellement des schémas d'aménagement, avec les MRC à fort taux de croissance. Quand il y a une MRC que la population est pas mal stable, tu n'es peut-être pas obligé de revoir aux cinq ans ton schéma d'aménagement, tel que le demande la loi actuellement, parce que ton développement est plutôt stable. Mais, lorsqu'il y a un taux de croissance de 10 %, peut-être qu'il faut que tu regardes est-ce que tu fais bien les choses, est-ce que c'est le plus durable, ce que tu fais. Et donc des MRC, par exemple, de couronne... comme de couronne de Montréal, à titre d'exemple, il y en a beaucoup, c'est la moitié de la population du Québec dans ce secteur-là. Donc, quand on vient à appliquer les choses au monde municipal, il faut, effectivement, avoir une approche qui peut être à géométrie variable en fonction de la réalité du terrain de chacun. Ça, c'est quelque chose qui est important.

Mais actuellement on a besoin d'un leadership de l'État. Si on veut faire mieux construire nos villes, nos quartiers, l'État doit maintenir un certain leadership, que ça soit en incitatifs, donc en appui financier, ou parfois en contraintes, c'est-à-dire l'outil législatif. Mais idéalement tout le monde fait bien les choses de manière complètement volontaire. Mais il y a des signaux économiques et des vieilles manières de faire qui font en sorte qu'on continue, des fois, à ne pas bien développer notre territoire, pas durablement.

M. Martel : Si on partage l'objectif de l'occupation du territoire, là, comment vous réagissez par rapport à ça? Parce que, pour moi, là, c'est obligatoirement en contradiction. Si on veut faire une occupation dynamique du territoire, ça prend des stratégies pour garder les gens dans les municipalités. Si on ne le partage pas, là il y a peut-être des mesures qui peuvent faire... puis qu'on ferme des villages ou des choses comme ça, ça devient correct à ce moment-là, là.

M. Savard (Christian) : Non. Ça, tout à fait, on est tout à fait d'accord avec la stratégie d'occupation du territoire et de garder la vitalité dans chacune de nos villes et villages, mais je ne pense pas que l'aménagement du territoire est une contrainte. Souvent, tu sais, il y a du travail à faire dans les coeurs de villages, il y a du travail à faire dans les artères des villes moyennes, il y a de la place, là. Ce n'est pas vrai qu'on est tous obligés d'aller habiter... Il y a beaucoup... une certaine ruralité... qui disent : Il faut ouvrir nos bois puis il faut ouvrir des chalets partout, sinon on va se dévitaliser. Ce n'est pas comme ça que vivait la ruralité québécoise, avec la «chaletisation» du Québec, que moi, j'appelle. Donc, oui à l'occupation du territoire, oui à la vitalité de nos villes et villages qui ont de la difficulté, mais je ne pense pas que d'ouvrir le territoire soit la solution. Je pense que le développement économique, l'arrivée de différents créneaux...

M. Martel : Mais juste une opinion, pour moi, les schémas d'aménagement, ce n'est pas une contrainte à l'occupation du territoire, c'est justement de définir des stratégies et des objectifs pour y arriver, là.

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci, Mme Boisclair, M. Savard, de votre présence.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 28 janvier prochain, à 9 h 30, pour la poursuite de ce mandat.

(Fin de la séance à 12 h 56)

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