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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Monday, August 31, 2015 - Vol. 44 N° 30

Special consultations and public hearings on the Green Paper on the modernization of the Environment Quality Act entitled “Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement”


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. David Heurtel

M. Sylvain Gaudreault

M. Simon Jolin-Barrette

Auditions

Canards illimités Canada (CIC)

Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ)

Barreau du Québec

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Bureau du Vérificateur général et Commissaire au développement durable

Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ)

Idénergie inc.

Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

Autres intervenants

M. Pierre Reid, président

M. Claude Surprenant

M. Ghislain Bolduc

M. Norbert Morin

Mme Julie Boulet

*          M. Bernard Filion, CIC

*          M. Guillaume Daigle, idem

*          M. Stephen Boutin, APCHQ

*          M. François-William Simard, idem

*          M. Richard Bouchard, idem

*          Mme Jessica Tremblay, idem

*          M. Marc Sauvé, Barreau du Québec

*          M. Jean Piette, idem

*          M. Michel Bélanger, CQDE

*          M. Jean Baril,idem

*          M. Mario Denis, idem

*          Mme Guylaine Leclerc, Vérificatrice générale

*          M. Jean Cinq-Mars, Commissaire au développement durable

*          M. Pierre-Maurice Gagnon, FPFQ

*          M. Marc-André Côté, idem

*          M. Pierre Blanchet, Idénergie inc.

*          Mme Claire Holzer, idem

*          Mme Monique Thomas, APCQ

*          M. Luc Decubber, idem

*          M. Rémi Asselin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures quatre minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bourgeois (Abitibi-Est) sera remplacé par M. Morin (Côte-du-Sud) et Mme Nichols (Vaudreuil), par Mme Boulet (Laviolette).

Le Président (M. Reid) : Merci. Avant de continuer, j'ai besoin d'un consentement étant donné que nous avons un horaire inhabituel, nous allons siéger ce soir de 19 heures à 21 h 15, ce qui ne correspond pas à ce qui est prévu d'habitude au règlement. Est-ce que j'ai consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, voici l'ordre du jour de cet après-midi : nous allons débuter par les remarques préliminaires, par la suite nous entendrons les groupes suivants : Canards illimités Canada, l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec, le Barreau du Québec, le Centre québécois du droit de l'environnement et le Vérificateur général du Québec.

Remarques préliminaires

Je cède maintenant la parole au ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.

M. David Heurtel

M. Heurtel : Merci, M. le Président, Mme la secrétaire, collègues de la députation. J'aimerais saluer également Mme Isabelle Olivier et Mme Marie-Josée Lizotte, qui sont directrices régionales, ainsi que leurs équipes au ministère. Membres de mon cabinet, mesdames messieurs, bonjour.

Je vous souhaite tout d'abord la bienvenue à cette première journée des consultations particulières et auditions publiques sur le livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le régime d'autorisation environnementale est l'instrument par lequel l'État peut assumer une grande part de ses responsabilités de prévention, de contrôle et de protection de l'environnement, le tout dans une perspective de développement durable. Or, la LQE n'a fait l'objet d'aucune révision en profondeur depuis son adoption en 1972, il y a maintenant 43 ans. Plusieurs ajouts ont rendu nos mécanismes d'autorisation particulièrement lourds, et ce, tant pour le ministère que pour les initiateurs de projet. Le contexte social et économique au Québec a considérablement évolué, de nouveaux défis se sont présentés à nous — je pense notamment aux changements climatiques, qui sont une priorité pour notre gouvernement — et les enjeux environnementaux se sont complexifiés grandement. Le constat est clair, nous devons disposer d'un cadre d'autorisation adapté aux défis de notre siècle. Le Québec doit se doter d'un régime plus clair, plus prévisible et plus efficace, et ce, tout en maintenant les plus hautes exigences en matière de protection de l'environnement. En février dernier, j'annonçais que nous allions entreprendre une modernisation en profondeur du régime d'autorisation environnementale.

En juin, nous déposions à l'Assemblée nationale un livre vert dont le contenu a été alimenté par la réflexion de plusieurs comités et groupes concernés par la LQE. Le livre vert propose une approche plus moderne basée sur le risque environnemental. L'actualisation du régime d'autorisation permettra notamment de concentrer les efforts du ministère sur les projets ayant des impacts relativement importants sur l'environnement. Sept grandes orientations y sont présentées : inclure la lutte contre les changements climatiques dans le processus d'autorisation; mieux intégrer les 16 principes de la Loi sur le développement durable; accentuer la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque environnemental, et ce, sans réduire les exigences environnementales; accroître l'information disponible sur les autorisations et les occasions d'intervenir pour le public; simplifier les autorisations et les processus d'analyse; revoir les responsabilités du ministère et des initiateurs de projet; et mieux internaliser les coûts des autorisations environnementales et des activités qui en découlent.

Le livre vert comprend également plusieurs améliorations visant à rendre le régime actuel plus performant, telles que la modulation en fonction du niveau de risque environnemental, qui est l'un des fondements importants de la modernisation présentée dans le livre vert, en prévoyant quatre catégories — les activités à risque élevé, à risque modéré, à risque faible et finalement à risque négligeable; des pistes d'amélioration relativement à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, incluant le BAPE; l'optimisation des processus d'autorisation afin d'augmenter l'efficience du ministère et de réduire les délais; des façons de faire plus claires et plus prévisibles pour l'initiateur de projet; et l'amélioration de l'accès à l'information, la participation citoyenne et la transparence. De plus, le gouvernement entend réaliser cette modernisation avec en toile de fond une préoccupation constante de l'amélioration de la prestation de services. Plus que jamais, le ministère doit tendre vers une culture de services.

Tous ces travaux mèneront au dépôt d'un projet de loi visant à modifier la LQE et à réformer le régime d'autorisation environnementale et nous conduiront à un nouveau régime qui nous permettra de relever les défis associés à la lutte contre les changements climatiques, qui impose une transition vers une économie plus sobre en carbone, et de mieux conjuguer les trois piliers du développement durable, soit la protection de l'environnement, le développement économique et le développement social et la protection de l'environnement. La modernisation du régime d'autorisation environnementale constitue un chantier majeur pour l'avenir du Québec. L'exercice que nous entamons aujourd'hui nous permet d'engager la discussion avec les citoyens et les groupes et organismes intéressés par la protection de l'environnement afin de permettre l'établissement d'un cadre d'autorisation adapté aux défis du XXIe siècle.

Plus de 40 intervenants seront entendus pendant cette commission parlementaire, en plus des nombreux intervenants qui nous transmettront des mémoires. Je tiens à vous remercier de participer à cet exercice d'importance, qui, je le répète, permettra de doter le Québec d'un régime plus clair, plus prévisible et plus efficace, et ce, tout en maintenant les plus hautes exigences en matière de protection de l'environnement.

Ensemble, nous pouvons développer le Québec de façon responsable afin d'assurer une qualité de vie à nos enfants. Merci, M. le Président.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Jonquière, à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je tiens à saluer les collègues qui sont ici, le ministre, vous-même et les équipes de chacun, chacune d'entre nous ici présents. C'est effectivement la première journée de larges consultations sur le livre vert. C'est une période extrêmement importante qui s'amorce, cruciale dans le travail parlementaire, soit celle de la consultation du public et des groupes intéressés.

En ce qui nous concerne de ce côté-ci, M. le Président, cinq éléments retiennent ou retiendront notre attention. Il y a plusieurs éléments qui vont retenir notre attention, là, mais cinq... je dirais, cinq gros éléments ou cinq dénominateurs communs de notre travail, d'abord l'équilibre nécessaire entre la réduction de la bureaucratie et la protection de l'environnement. Le ministre met beaucoup l'accent sur des mesures concrètes sur la réduction de la bureaucratie et des délais, mais on sent les intentions sur la question de la protection de l'environnement, qui doit pourtant être la priorité de ce livre vert, comme beaucoup plus floues. Donc, par exemple, sur la question du régime de risque que le ministre entend mettre en place, c'est clair que nous allons avoir beaucoup de questions et nous serons très, très curieux d'entendre tous les groupes qui viendront ici déposer leurs mémoires sur leur évaluation et sur leur compréhension de ce régime de risque.

Deuxième élément, ce sont les sources mêmes de la réforme. Quand on lit le livre vert, à la page 5, il y a un encadré sur les rapports et les travaux qui alimentent la réflexion. Vous me permettrez d'être très dubitatif quand je vois que les travaux de la Commission de révision permanente des programmes sont une source de réflexion. Je comprends qu'il y en a d'autres aussi, mais, vous savez, on a fait des demandes d'accès à l'information, par exemple, sur le rapport du Comité sur la modernisation de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts, on n'a pas eu de réponse. Donc, c'est très important de connaître les sources qui sont dessous, je dirais, la production du livre vert.

Troisième élément, c'est la transparence et l'accès à l'information. Le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques détient le triste record des refus de demande d'accès à l'information alors que la transparence et l'accès à l'information sont au coeur des procédures et des procédés d'autorisation environnementale. Donc, c'est très important, pour nous, de fouiller davantage ces questions-là.

La question de la réduction des gaz à effet de serre. Au-delà des intentions exprimées par le ministre, comment, par exemple, le livre vert va concrètement faire des propositions pour tenir compte des émissions des gaz à effet de serre dans les projets? Je dois vous dire qu'on a des doutes quand on voit, par exemple, le mandat qui a été confié au BAPE sur le projet de TransCanada Énergie, Énergie Est, le pipeline, qui ne tiendra pas compte des émissions de gaz à effet de serre globales, là, émises à la source même ou en amont du pipeline. Alors, quand on parle de la réduction des gaz à effet de serre, c'est bien important de passer de la parole aux actes et c'est clair qu'on va se poser de nombreuses questions là-dessus.

Et le dernier élément, c'est la capacité du Québec ou ce que je pourrais appeler la souveraineté environnementale du Québec. On trouve que le livre vert ne parle pas de cela, donc, la capacité ultime du Québec d'affirmer, de prendre les décisions en ce qui concerne l'environnement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Jonquière. Je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour ses remarques préliminaires. M. le député de Borduas, vous avez 2 min 30 s.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, de saluer le ministre, de saluer les collègues de la partie ministérielle, de saluer mon collègue de Jonquière, de saluer mon collègue de Groulx, qui siégera à la commission avec nous durant les travaux, saluer le personnel également du ministre ainsi que les membres de l'administration publique qui ont contribué à la rédaction du livre vert.

M. le Président, l'étude du livre vert est perçue positivement du côté de notre formation politique, parce que, on le sait, ça fait plus de 40 ans que le régime n'a pas été modernisé au niveau de la Loi sur la qualité de l'environnement, mais nous aurons l'occasion, au cours de cette étude, d'écouter les différents groupes afin de venir bonifier ce qui est proposé par le biais du livre vert mais aussi la législation qui va en découler, la modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement. M. le Président, c'est fondamental que, dans le cadre de cette étude que nous allons procéder, nous prenions en compte le principe même de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui est la préservation de l'environnement, M. le Président, et on a constaté à la lecture du livre vert qu'on vise beaucoup les délais. On est en faveur de l'efficacité et de l'efficience au niveau des autorisations environnementales, mais il ne faut pas perdre de vue aussi que le but premier de la Loi sur la qualité de l'environnement, c'est de protéger l'environnement. Et donc je pense qu'on va pouvoir réussir à mettre de l'avant une réflexion pour réussir en ce sens-là.

Et aussi, M. le Président, je profite de cette commission pour énoncer le fait que souvent, M. le Président, lors des politiques gouvernementales qui sont développées, on met de l'avant des principes de développement durable, on met des principes de protection de l'environnement, mais, concrètement, lorsque vient le temps de les appliquer au jour le jour, lors des décisions gouvernementales, bien on fait fi un peu de ces principes-là. Donc, j'espère que les consultations qu'on va avoir aujourd'hui vont faire aussi un travail de réflexion au niveau de l'application des politiques qui sont développées par la Chambre de l'Assemblée et par le gouvernement, et c'est notamment très important, M. le Président, d'axer sur la lutte aux changements climatiques — et je pense que le ministre a bien compris cet aspect-là — dans les défis que le Québec va faire face au cours des prochaines années.

Et, M. le Président, c'est pertinent de moderniser la Loi sur la qualité de l'environnement, mais c'est également pertinent de moderniser la façon de l'appliquer, parce qu'on se souvient que, dans le dossier de TransCanada, M. le Président, il y a eu certaines lacunes au niveau de l'application. Donc, j'espère que le processus sur lequel on va travailler va permettre de mieux encadrer cela. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Borduas.

Auditions

Nous allons passer maintenant à nos premiers invités pour cette consultation, il s'agit de Canards illimités. Vous avez, messieurs, une dizaine de minutes pour votre exposé. Par la suite, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Et je vous demanderais de commencer par vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne.

Canards illimités Canada (CIC)

M. Filion (Bernard) : Bernard Filion, je suis le directeur pour le Québec, Canards illimités; Guillaume Daigle, qui est avec moi, qui est le responsable des politiques publiques pour l'entreprise.

Donc, dans un premier temps, merci de l'invitation. Première réaction, c'est : moderniser le régime d'autorisation environnementale, j'aurais pu penser, moi... Le livre vert est un livre sur l'environnement. L'autorisation environnementale signifie, des fois, des pertes au niveau de l'environnement, ça fait que c'est une préoccupation qu'on a. C'est sûr qu'on est d'accord sur le processus de modernisation. Je suis toujours surpris de lire le besoin de transparence et d'efficience. J'aurais pris pour acquis que c'était une façon de faire, d'être transparent. Ça fait que c'est quelque chose de souhaitable que ce soit amélioré. Malgré le livre vert, la modernisation d'une loi complète n'exclut pas la nécessité d'une loi sur la conservation des milieux humides, qui a été reportée de deux ans. Au contraire, à consulter le livre vert, on se rend compte de la nécessité et de la pertinence d'une loi pour la conservation des milieux humides.

Pour Canards illimités, 40 ans d'existence au Québec, on parle de développement durable maintenant, mais nos actions ont été... maintenant, on les inscrit dans le développement durable, il y en a qui sont considérées comme des actions qui permettent de rebâtir des paysages qui ont été fortement affectés. Donc, c'est sûr que nos actions ont bénéficié le Québec autant au niveau des paysages, au niveau du citoyen pour, disons, les inondations ou la lutte aux changements climatiques. Tout comme beaucoup d'entrepreneurs, Canards illimités, nous avons eu des moments pas toujours évidents dans les obtentions d'autorisation. On a des projets qu'on a fini à réaliser après trois ans de négociation, des études d'impact, des pertes de fonds qui nous sont alloués, nous autres, de façon internationale pour permettre d'améliorer les habitats au Québec. Donc, d'être ici aujourd'hui... on n'est pas des spécialistes de la loi, mais je peux vous dire qu'on est des spécialistes des demandes d'autorisation puis je ne voudrais pas revendiquer ce titre-là, d'être un spécialiste des demandes d'autorisation, en considérant que nos actions sont directement responsables de bienfaits pour la société et les biens et services qui sont pour les milieux humides.

Il y a eu de l'évolution. J'ai vécu l'avant la loi aux études d'impact, les émissions de permis d'étude d'impact, les certificats d'autorisation, mais nous aussi, Canards illimités, on a évolué, et ça, effectivement, on a amélioré nos façons de faire sur le territoire, et c'est en partie en travaillant avec le ministère de l'Environnement et surtout en travaillant avec des partenaires. Canards illimités, on est associés avec des ententes privées, publiques, environnement Québec, Environnement Canada, le secteur faune. On conçoit, on «design» les projets collectivement ensemble. Et, oui, quand Guillaume va prendre le relais dans quelques secondes, il va vous expliquer pourquoi qu'on considère que nos actions devraient bénéficier d'un régime allégé de demande d'autorisation.

• (14 h 20) •

M. Daigle (Guillaume) : Je poursuis en mentionnant que Canards illimités, via des ententes officielles, dont le MDDELCC, le MFFP, est aussi signataire, on réussit à faire venir des fonds des États-Unis dans l'économie du Québec puis que la réalisation de nos projets contribue à l'économie de nos régions.

Je fais simplement rappeler que les milieux humides, non seulement c'est des écosystèmes qui sont les plus productifs, la plus grande biodiversité, mais ils nous rendent des services essentiels et filtrent l'eau que nous buvons, nous prémunissent contre les inondations, contre les sécheresses, ils captent le CO2 et séquestrent le carbone.

Deuxièmement, il est impératif, à nos yeux, de considérer qu'il y a des pertes historiques très importantes au Québec en ce qui a trait aux milieux humides, 80 %, par endroits, des milieux humides ont disparu. Ça, ça a généré des impacts cumulatifs très importants, avec, pour exemple, le lac Saint-Pierre, qui n'est plus capable de soutenir les populations de perchaudes actuellement et qui est certainement en lien avec la perte de milieux humides sur les bassins versants. Il faut comprendre que toute perte supplémentaire contribue à l'accroissement de cet impact cumulatif là, on doit donc changer les choses, combler ce déficit environnemental, et, pour nous, la restauration et la création de milieux humides sont des choses qu'on doit privilégier. À cet effet, il n'y a aucune balise, ni objectif clair, qui est proposée dans le livre vert. On est bien conscients qu'une loi complète est attendue, mais on aurait peut-être souhaité un énoncé d'intention concernant les principaux objectifs pour la gestion durable des milieux humides. À cet effet-là, on recommande de suivre les recommandations des experts qui ont dûment été mandatés par le gouvernement en 2012 justement pour fournir leurs recommandations, et celles-ci se retrouvent dans le rapport Pellerin, Poulin et Lavallée en 2013.

Au chapitre des changements climatiques, comme je l'ai mentionné, les milieux humides sont essentiels autant pour séquestrer le carbone que pour l'adaptation de notre société aux changements climatiques à l'effet qu'ils nous prémunissent contre les inondations et les sécheresses, qu'ils soutiennent notre approvisionnement en eau potable, qu'ils irriguent nos cultures et qu'ils luttent contre les îlots de chaleur. L'étude de Richard Fournier, de l'Université de Sherbrooke, commandée par Ouranos recommande qu'un effort de programme de restauration à des fins d'atténuation des changements climatiques soit mis sur pied. Pour nous, toute politique climatique devrait encourager la restauration et la création de milieux humides comme outils de compensation des émissions de carbone, et ces mesures devraient pouvoir bénéficier d'un soutien financier de la part du fonds vert du Québec.

Pour ce qui est des principes du développement durable, on accueille favorablement leur intégration dans le livre vert et on insiste sur le principe de précaution, qui doit primer lors d'analyses de demande dans une approche de risque environnemental, car parfois le risque est peu ou pas documenté. On souligne aussi le principe de protection de l'environnement, car la LQE doit constituer véritablement un régime de protection et pas simplement un régime d'autorisation. Donc, on ne doit jamais oublier que, malgré l'objectif d'augmenter l'efficacité du processus d'autorisation, il doit y avoir la mise sur pied d'un système de reddition de comptes et de suivi, et on suggère que les superficies de milieux humides sur le territoire en soient un bon indicateur. Concernant l'approche par risque environnemental, on est favorables à cette approche, mais, comme je l'ai mentionné, le risque est parfois peu ou pas documenté, il peut en découler une atteinte à la biodiversité et aux fonctions des milieux humides dans l'environnement. Donc, on insiste sur l'évaluation de la vulnérabilité du milieu récepteur et statuons que, malgré la complexité de cette évaluation, il est essentiel d'y procéder rigoureusement et qu'à cet effet on doit augmenter notre connaissance sur la localisation des milieux humides et leur rôle sur le territoire.

On mentionne également dans le livre vert que certains types d'activité requièrent la mise en oeuvre de mesures d'atténuation, mais aucune balise n'est précisée. On souligne que ça peut justement réduire le caractère prévisible et l'efficacité, en fait, de la démarche d'autorisation. Donc, on recommande d'inclure un énoncé d'objectif clair quant aux pertes de milieux humides qui pourrait tourner autour d'aucune perte de milieux humides d'intérêt qui présente justement un intérêt pour la conservation à l'échelle provinciale et aucune perte nette pour tous les autres milieux humides. Toute activité altérant un milieu humide de manière irréversible devrait être considérée minimalement à risque modéré et se voir obligée de mettre en oeuvre une mesure de compensation. Toutes les activités associées à des projets d'aménagement fauniques mis en oeuvre par des organisations reconnues en la matière et réalisés selon des techniques connues et reconnues et qui, de surcroît, ont fait l'objet d'autorisations par le passé devraient être classées à risque faible ou négligeable et, par le fait même, faire l'objet d'un processus allégé, même celles qui impliquent une perturbation du sol. Si on veut véritablement restaurer et créer des paysages durables au Québec, c'est ce genre de projet qu'on doit encourager.

Processus allégé, maintenant, pour les instances municipales; on se doit d'exprimer certaines réticences. De leur propre aveu, il y a parfois un manque d'expertise, un manque d'effectif, une possibilité de biais prodéveloppement, car, justement, les revenus des municipalités dépendent de l'assiette foncière, donc du développement, et aussi en raison du fait que les problématiques environnementales surpassent parfois... bien, en fait, souvent les limites administratives, et les intentions des municipalités voisines pourraient être contradictoires. À cet égard-là, on jette un regard sur les plans de conservation municipaux et on souligne que, dans la plupart du temps, il en découle des pertes nettes des milieux humides.

Nous recommandons de bonifier le registre public d'information en y ajoutant des informations précises autant sur le projet, sur les conditions à respecter que sur les mesures de compensation et aussi sur un rapport de suivi environnemental pour attester du succès des mesures de compensation réalisées. Une application cartographique devrait être développée afin de localiser les projets qui ont fait l'objet de demandes afin d'éviter leur fractionnement. On devrait aussi localiser les mesures de compensation pour s'assurer de leur pérennité.

On donne notre appui au pouvoir du ministre d'exiger des conditions à tout projet et recommandons que tout projet affectant négativement des milieux humides se voie dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures de compensation. On recommande la mise en place d'un système d'accréditation d'expert pour tout ce qui concerne les milieux humides afin de garantir la compétence des professionnels, oui, pour protéger les initiateurs de projet mais aussi pour protéger l'environnement et uniformiser les méthodes. On est favorables à l'élargissement du pouvoir du ministre de refus en cas de non-conformité puis on suggère même de stipuler expressément, là, son pouvoir de refus en cas tout simplement de non-acceptabilité environnementale d'une demande. On donne notre appui au principe de l'utilisateur-payeur dans un ratio de 100 % pour les entreprises à but lucratif, mais toutefois on demande une exemption pour les organismes à but non lucratif qui réalisent des projets jugés bénéfiques pour l'environnement, car ce genre de projets, justement, va trouver un encouragement de la société.

C'est tout pour nos commentaires. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci pour votre présentation. Nous allons passer maintenant à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre mémoire ainsi que votre présentation. Comme toujours, vous participez toujours activement à nos travaux. Vous l'avez fait au printemps dernier et puis à nouveau aujourd'hui avec une autre contribution de qualité. Alors, je tiens à vous remercier.

J'aimerais approfondir d'abord la question de régime allégé, je voudrais juste bien comprendre votre point de vue. Est-ce que vous seriez favorables à l'idée que, quand on parle de compensation en milieu humide, le travail pour... comme le promoteur ou peu importe, là, l'initiateur du projet, que ce soit une municipalité, une entreprise ou quoi que ce soit, puisse se tourner vers un expert accrédité, l'expert accrédité fait un rapport et que ce serait sur la base de ce rapport-là que l'autorisation soit accordée par le ministère ou pas? Est-ce que c'est ça que vous proposez?

M. Filion (Bernard) : Bien, ce qui était initialement proposé, c'est alléger en termes que... Prenons l'exemple de Canards illimités, qui présentons un site à restaurer où est-ce que, là, on a subi toute la même procédure qu'un promoteur dont l'action est lucrative vers... puis c'est correct, là, vers un développement, de quelque nature qu'il soit. Nous, ce qu'on propose régulièrement a été conçu collectivement par le secteur faune... avec nous, le secteur faune, les gens en environnement, et il y a des délais administratifs qui peuvent être assez importants. Puis, comme on travaille toujours par financement des demandes de fondation ou extérieures, ça complexifie la livraison. Donc, c'est pour ça qu'on disait qu'il y a des...

Puis ce qu'on a constaté, pour vous donner un exemple, on a été, dans le passé, obligés de faire une étude d'impact d'une recommandation d'une étude d'impact. Donc, la mesure d'impact était : Bon, il faudrait restaurer un site. Quand venait le moment de restaurer le site, il fallait faire une deuxième étude d'impact. Donc, tu avais l'étude d'impact principale d'un immense projet, et les mesures d'atténuation de l'impact du projet étaient assujetties à la loi de l'environnement. C'est très lourd, c'est très long, puis, quand qu'on regarde l'action... Mais, en «termes allégés», on ne veut pas dire de s'exclure d'obligations ou de risques. C'est parce que, souvent, de réaliser un aménagement implique la construction d'un barrage, d'une retenue d'eau. C'est sûr que, là, il y a le régime hydrique qui exige d'avoir une responsabilité civile sur le barrage. Ça, c'est un type de risque à gérer obligatoirement, mais de restaurer... si on n'a pas besoin de faire un barrage, mais c'est de restaurer un milieu humide qui a été asséché par le passé, on peut-u alléger la version, l'impact positif? Donc, c'était ça qu'on mentionnait dans le rapport.

M. Heurtel : Alors, plus concrètement, alléger de... C'est parce qu'encore une fois les objectifs de cette commission parlementaire, c'est vraiment nous aider à avoir des exemples véritablement concrets. Alors, si vous pouvez aller plus loin, concrètement, s'il vous plaît.

• (14 h 30) •

M. Filion (Bernard) : Concrètement, Canards illimités, on possède un certain nombre de sites qui ont besoin de financement pour être restaurés, pour être créés. Donc, un promoteur qui, lui, après négociation, a un impact négatif de destruction de milieux humides et il doit faire une compensation de x hectares, nous, on dit : On est prêts à avoir les fonds nécessaires pour alléger le promoteur de la démarche environnementale de restaurer un habitat, lui permettre d'avoir un certificat d'autorisation plus rapidement, et, l'obligation de restaurer le site, nous sommes des experts là-dedans, et il y en a d'autres aussi, mais Canards illimités, c'est notre mission.

Mais il ne faut pas dissocier l'obligation de résultat du promoteur, parce que le promoteur a un impact sur un environnement et lui, il a besoin de restaurer trois, quatre, cinq, 10 hectares. Il y a des fonds. On peut estimer, selon une formule, combien ça coûte, il peut verser monétairement les fonds. Lui, il peut faire son projet, et nous, on peut restaurer des sites et contribuer à l'ensemble, pour la communauté, avec les fonds qui arrivent. Donc, tout le monde gagne. Le promoteur a pu avoir son certificat plus rapidement puis lui, plus il est rapidement en affaires, plus il récupère les fonds qu'il a nécessités pour concevoir le projet globalement, et, nous, bien, s'il y a des fonds qui circulent, ça nous permet d'aller restaurer des sites ou créer... Donc, on essaie de maintenir la base. On le mentionne, là, on est tous dans la vallée du Saint-Laurent. 80 % du monde reste là, il y a 6 millions de personnes. C'est un habitat incroyable pour la migration, pour la reproduction de la sauvagine, pour toute la faune et la flore, mais les impacts sont là aussi, donc, que ce soit dans les bassins versants pour des activités agricoles ou des activités industrielles ou urbaines.

Donc, il faut ouvrir, il faut arrêter d'essayer d'obtenir le résultat de restauration dans le site immédiat, de l'action. Et souvent on va tout détruire un habitat pour en restaurer un. Ce n'est pas logique. Il faut se donner de la flexibilité pour que tout le monde gagne. Puis comment gagner? C'est en accélérant le processus puis c'est des balises claires. On parle du monde municipal. Si les balises sont claires, ça va éviter les dérives, parce que, quand... C'est ce qui est arrivé puis c'est pour ça qu'il y a eu des procédures judiciaires. C'est que les balises n'étaient pas claires, puis il y a eu des demandes, certains ont perdu patience, et ça a coûté de l'argent à tout le monde, puis ça, ce n'est pas souhaitable.

M. Daigle (Guillaume) : Je compléterais peut-être. En fait, dans l'exemple, là, que M. Filion vient de nommer, à partir du moment qu'un promoteur peut confier, par exemple, à un autre organisme qui fait des aménagements fauniques le mandat de réaliser un aménagement, justement, disons un marais et que... en guise de mesure de compensation, pour nous, c'est un non-sens que cet organisme-là, à son tour, doive faire l'objet d'une demande d'autorisation en bonne et due forme et dans le même processus que le promoteur qui a eu, par exemple, un impact négatif sur l'environnement. Donc, c'est cette nuance-là qu'on souhaite apporter sur le processus allégé des projets que l'on dit bénéfiques pour l'environnement.

M. Heurtel : Merci. C'est très clair. Alors, si on complexifie l'exemple... puis ça arrive souvent, on le voit sur une base continuelle, il y a plusieurs intervenants dans le projet, alors il y a peut-être un... soit au niveau agricole, bon, vous avez parlé du monde municipal, un propriétaire privé ou au niveau forestier. Alors, dans ces exemples-là, comment on peut, justement, gérer les intérêts de tous ces joueurs-là tout en gardant en tête le même objectif? Parce que souvent puis...

Une voix : Premièrement...

M. Heurtel : ...je m'excuse, c'est parce que souvent ce qui arrive, c'est que, dans les délais, bien là il faut avoir un avis de tel ministère, tel ministère, tel ministère. Ça aussi, ça ajoute aux délais. Alors, dans cette perspective-là, comment vous voyez des cas concrets ou des balises qui nous aideraient justement à mieux gérer l'ensemble, là?

M. Filion (Bernard) : Bon. C'est sûr que nous, on va répondre au nom des milieux humides. Donc, on mentionne, il y a un certain nombre de milieux humides, au Québec, d'intérêt, d'intérêt global que tout le monde reconnaît leur importance. Ceux-là, on dit : Il ne faudrait pas intervenir. Donc, du moment que c'est clair qu'il n'y a pas d'intervention autour de, bien ça simplifie, là. Tu sais, tu dis : Il n'y en a plus, d'intervention. Donc là, il y a des acquisitions, il y a plein de choses qui peuvent être mises en place, mais c'est terminé.

Et, quand on émet le principe d'aucune perte nette sur la base qu'on en a perdu beaucoup, que nos paysages sont fragilisés, bien, là aussi, on réduit les négociations. Parce que ce qui est long, c'est les promoteurs de toutes les sortes, autant environnementaux que développeurs, qui essaient de trouver des avantages à gauche puis à droite. Si on dit : Aucune perte nette, puis que la séquence d'atténuation reconnue — éviter, diminuer et compenser — est appliquée et la résultante, c'est trois hectares qui disparaissent... puis, si le principe, c'est aucune perte nette qui est reconnue, puis, s'il y a un ratio... on en parlera plus tard, bien la conclusion, c'est : il y a un prix à payer, parce qu'il y a un avantage économique de détruire cet habitat-là. S'il n'y a pas d'avantage économique, je ne vois pas pourquoi que le promoteur s'acharnerait à vouloir aller construire dans un milieu comme ça. Donc, si les balises sont claires... Il y a des banques aussi de manque de compensation, à savoir qu'un promoteur pourrait verser un montant d'argent pour s'acquitter sa dette environnementale, permettre de faire son projet, et on met en réserve... On a des cas très pratiques.

Région de Terrebonne : on a fait le Ruisseau de feu. On a réussi à conserver 100 hectares. Il y a 40 hectares que c'est un marais qui était en maïs, qui était en soya, qui était sur terre privée, qui est maintenant un immense marais. Donc, si on avait eu une approche globale, bien les promoteurs qui avaient des petits impacts sur des petits milieux humides à gauche et à droite, mais qu'il ne vaut pas la peine de conserver parce qu'ils sont tous tellement fragmentés, ils t'émettent un chèque, les fonds s'accumulent, puis le 1,2 million qu'il a fallu investir pour restaurer le Ruisseau de feu, bien ça compenserait la perte de l'associé. Donc, on aurait permis de faciliter le développement, mettons, dans la région Terrebonne tout en s'assurant de développer un habitat de grande qualité, d'une centaine d'hectares que les citoyens sont en train de s'approprier présentement. Le projet est terminé. On l'a amélioré pour permettre la reproduction de la perchaude, donc c'est un site de qualité que les gens s'approprient.

Donc, c'est une approche globale, on essaie de garder un équilibre, puis ce qu'on dit : Dans la vallée du Saint-Laurent, on en a tellement perdu, on en a trop perdu. Je pense qu'il faut faire marche arrière, mais il ne faut pas dire qu'il faut transformer des champs de maïs en marais. Mais il y a des habitats qui pourraient être améliorés, qui pourraient être récupérés, qu'on peut... Essayons de... je dirais, de faire la bonne pratique au meilleur endroit possible, donc l'agriculture dans les places de qualité qui ont moins de contraintes, les milieux humides dans des habitats ou des endroits biophysiques qui conviennent pour les restaurer et les faire.

M. Daigle (Guillaume) : Je vais me permettre d'ajouter aussi un élément. Aux États-Unis, il y a un élément qui est très intéressant, en fait, de leur gestion des milieux humides, c'est qu'ils ont un plan d'action sur les milieux humides au niveau fédéral qui demande, en fait, lorsqu'on réalise un projet de compensation, que celui-ci soit aligné sur des besoins de restauration des bassins versants. Ça, c'est une information qu'on n'a pas beaucoup au Québec.

On a suggéré, dans le mémoire, dans notre présentation, d'augmenter notre niveau de connaissance sur où sont les milieux humides et quels sont leurs rôles. Il y a certainement des bassins versants où on voit les problématiques environnementales, mais on ne sait pas nécessairement où faire la restauration et de manière très pointue. Il y aurait lieu, dans une optique de gestion intégrée de l'eau par bassin versant, d'augmenter ce niveau de connaissance là. Et des organismes de bassin versant intègrent déjà des représentants de certains ministères. Donc, en identifiant des sites, des zones où est-ce qu'il serait pertinent de faire de la restauration, bien, en quelque sorte, on a un peu un avis de certains ministères justement sur la qualité de ces projets-là. Donc, si on identifie des zones où le besoin de restauration est criant et prioritaire, bien, à ce moment-là, on peut, lorsqu'on a le besoin de mettre en oeuvre des mesures de compensation, bien, les faire en les dirigeant vers ces besoins-là. Ça nous donne une assurance, en fait... ou, du moins, une meilleure assurance de la pertinence écologique de cette mesure de compensation là. Et ça aurait donné l'opportunité à certains secteurs, au secteur faune ou environnement d'émettre une opinion sur justement ces projets-là au sein du travail des organismes de bassin versant.

M. Filion (Bernard) : J'ajouterais que, dans le fond, ce qu'on souhaite, c'est que ce soit le bienvenu pour tout le monde. Il faut arrêter les chicanes de clocher à gauche puis à droite. Il faudrait que l'environnement soit reconnu comme étant un actif dans une municipalité et que c'est important de conserver de l'environnement parce que ça va coûter moins cher en gestion de cours d'eau, en érosion, en inondation de sous-sol, parce qu'on a un habitat puis un paysage puis un bassin versant plus robustes.

Donc, du moment que conserver l'environnement va prendre un sens économique en termes de société, donc c'est-à-dire moins d'argent dans les poches du citoyen qui vient pour les taxes pour réparer ce que la nature a brisé parce que, la nature, on l'a poussée à l'extrême, bien là je pense qu'on va être gagnants, tout le monde. Mais, tant que ça va être : Ah! il faut créer un milieu humide, je suis obligé parce que j'ai une compensation... Il y a une compensation parce que l'impact de le faire disparaître va amener un coût à la société. C'est ça qu'il faut comprendre. Ce n'est pas une compensation pour faire plaisir à Canards illimités, c'est une compensation parce que vous avez maintenant, M. le promoteur, accès à un territoire que personne n'a touché depuis 400 ans au Québec parce qu'ils sont allés sur les terres hautes puis les places faciles, mais ce qu'il reste à développer, c'est des endroits sensibles qui ont des impacts cumulatifs. Donc, il faut s'assurer que globalement les gens comprennent l'enjeu de dire que, si on continue, il va falloir grossir les tuyaux, il va falloir grossir les budgets d'asphalte, parce que ça érode, les pressions d'eau dans les précipitations.

Je suis de Charlevoix. Il y a eu 100 millimètres en deux heures, là, la semaine dernière. J'ai vu des dégâts en fin de semaine assez impressionnants dans des endroits où est-ce qu'il y a eu du développement, où ce que ça a été un petit peu contre nature. Ça fait qu'il y a un coût maintenant, là. Aujourd'hui, là, ils sont dans les camions de gravelle pour remplir les trous, et tout ça.

Ça fait que, du moment où est-ce qu'on est capables, avec les municipalités, avec le gouvernement, de bâtir une approche globale, gagnante des deux côtés, l'environnement mais aussi le développement... Puis c'est ça qu'il faut comprendre, là. C'est que, nous, ce qu'on dit, là : Si les balises sont claires puis qu'on sait comment la mécanique fonctionne, on fait tourner la roue plus vite, vous autorisez plus rapidement, parce que vos gens vont dire : Oui, effectivement, on a une perte là, mais on va avoir un gain parce que la perte qui occasionne un impact va être compensée. Si la roue tourne plus vite, si la roue tourne plus vite, c'est que tout le monde gagne. Puis plus vite on va aller restaurer, plus vite on va intervenir pour compenser l'impact de l'affaiblissement. Tu sais, quand on a un diagnostic de cancer, ce qu'on veut, c'est, le plus rapidement possible, passer à l'étape traitement. Bien, c'est la même chose en environnement. Quand il y a un diagnostic de perte de capacité de support d'un territoire, on peut-u passer à l'étape suivante, de le maintenir et de le restaurer?

• (14 h 40) •

M. Heurtel : Justement, quand on parle de donner une valeur, justement, la bonne valeur, parce que déjà on donne une certaine valeur, mais je crois qu'il faut aller plus loin, vous suggérez, particulièrement en matière d'adaptation aux changements climatiques, d'ajouter cette donnée-là plus concrètement, puis c'est une orientation du livre vert. Justement, quand on parle de mieux intégrer les principes de lutte contre les changements climatiques, c'est ça aussi.

Est-ce que vous avez des balises plus concrètes à proposer dans le contexte d'adaptation aux changements climatiques pour que la LQE justement reconnaisse... donne une valeur justement à la création de milieux humides, au niveau des changements climatiques?

M. Filion (Bernard) : Une valeur en termes de coûts à l'hectare?

M. Heurtel : Bien, c'est parce que, quand vous, vous parlez que la restauration et la création de milieux humides servent de compensation pour les émissions de carbone, bon — c'est ce que vous suggérez dans votre mémoire — bon, bien là, encore une fois, le comment dans... comment ça se reflète dans la LQE, ce genre d'effort là?

M. Filion (Bernard) : Présentement, ce qu'on connaît du côté des Provinces atlantiques, c'est que toute perte de milieux humides est compensée à l'hectare. Ça a commencé à 10 000 $, 15 000 $, c'est rendu à 30 000 $, 40 000 $ l'hectare. Chaque perte est compensée, puis là il y avait des ratios trois pour un, deux pour un. Donc, ça peut facilement aller entre 50 000 $ et 100 000 $ l'hectare, parce que la perte qui a lieu est à perpétuité. N'oublions pas ça, là, quand on enlève un milieu humide, c'est terminé, là. Donc, c'est pour ça qu'il y a des calculs, puis le montant de compensation aussi, il a une notion, il peut être dissuasif. Ce qu'on veut éviter, c'est que ce soit beaucoup plus le fun de payer la compensation pour continuer à détruire puis il n'y a pas assez d'argent pour restaurer.

Donc, les chiffres qu'on connaît, là, sur les études qui ont été faites, là, Weller, et tout ça, là, à quoi qu'ils arrivent?

Une voix : Sur?

M. Filion (Bernard) : Tu sais, les pertes au niveau des milieux humides, là, des carbones, et tout ça...

Le Président (M. Reid) : Peut-être les faire parvenir à la secrétaire de la commission, parce que le temps est écoulé pour le bloc gouvernemental. Donc, je passerais la parole maintenant au député de Jonquière pour le groupe de l'opposition officielle.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale encore une fois, il me fait plaisir de vous revoir, et j'ai beaucoup d'estime et de reconnaissance pour le travail que vous avez fait, d'autant plus que c'est en plein été. Le livre vert a été déposé le 11 juin. C'est quand même un document volumineux dans lequel il y a beaucoup de contenu. Vous êtes des groupes sans but lucratif. Souvent, bon, il faut gérer les vacances, tout ça. On est le 31 août. Votre mémoire est rentré quand même assez rapidement, alors, ça demande beaucoup de travail. Je veux vous dire toute la reconnaissance des parlementaires sûrement, là, pour cette capacité que vous avez à vous revirer de bord, comme on dit.

Maintenant, sur le fond des choses, je vais vous amener tout de suite sur la question du risque, de la gestion du risque, hein, c'est un élément important du livre vert, et à la page 5 de votre mémoire, en bas de la page, là, quand vous parlez de l'orientation 2, les principes du développement durable, vous dites que vous souhaitez intégrer les principes du développement durable dans la LQE, entre autres le principe de précaution, et là vous nous dites un petit peu plus loin : «...dans certains cas, le risque peut être subjectif et difficilement quantifiable.» Alors, moi, j'aimerais vous entendre un peu sur cette question-là, d'évaluation, je dirais, du risque. Comment vous voulez... ou comment vous nous suggérez de baliser, si d'aventure, par exemple, la réforme de la loi va vers justement cette notion du risque... il est où, l'équilibre entre une totale discrétion et un risque calculé et évalué?

M. Daigle (Guillaume) : C'est un peu une question qu'on posait aussi dans le mémoire, à savoir que le risque... puis là ça a été mentionné dans le livre vert, là, le critère de vulnérabilité du milieu récepteur. Mais en réalité, là, l'exemple qu'on donnait, c'est : je suis dans la plaine inondable du lac Saint-Pierre, qui n'a déjà, dans certains bassins versants, quasiment plus de milieux humides, qui connaît un état environnemental de forte dégradation, qui a déjà beaucoup de phosphore dans le lac. Je sais que les milieux humides ont une capacité de filtration puis de captation du phosphore.

Donc, si... moi, je me mets dans la peau d'un analyste, là, qui doit évaluer le risque environnemental, bien, si, par exemple, j'ai une demande de projet qui implique une toute petite superficie d'un marais qui serait à drainer, justement, pour faire place à un autre type de projet, je trouve difficile la question pour l'analyste de pouvoir dire en toute certitude : Moi, je trouve que le risque est, justement, soit faible ou de statuer sur le niveau de risque justement parce que le milieu récepteur, oui, c'est l'environnement immédiat où le projet peut se faire, où l'impact se fait, mais, quand on inclut là-dedans toute la dynamique de gestion de l'eau par bassin versant, on sait que ce risque-là peut voyager et s'accumuler en aval. Donc, c'est un peu ça qu'on voulait mentionner.

On sait qu'il existe des méthodes scientifiques rigoureuses pour évaluer ce risque-là, mais il reste que le contexte est tellement complexe, tellement changeant qu'il peut y avoir une difficulté et même, à la rigueur... et on peut parler de subjectivité lorsqu'on évalue le risque. Donc, c'est pour ça qu'on amène cet élément-là.

M. Gaudreault : Oui, mais vous l'amenez comment? Autrement dit, pour ne pas mettre trop de pression, entre guillemets, sur le dos du technicien qui doit faire l'évaluation dans le cas que vous parlez, vous dites : Application, à ce moment-là, la balise, d'une certaine manière, serait le principe de précaution. Est-ce que je comprends bien?

M. Filion (Bernard) : Bien, peut-être une nuance. Si on va sur les milieux humides... c'est pour ça que souvent on dit : Si tu as une perte, tu as une compensation, puis, la compensation, on parle d'un ratio de trois pour un régulièrement... des fois, ça termine à un pour un, là, mais trois pour un. Parce que de tout évaluer, là... est-ce que c'est pertinent de tout évaluer? À savoir que, si... on a quelques bonnes études qui démontrent... on les connaît, là, qui démontrent l'impact de perte de milieux humides, bien, si on a un programme qui permet de remplacer les pertes par des habitats qui vont jouer un rôle de captation... Ça fait qu'on peut prendre beaucoup, beaucoup de temps à étudier un impact, mais, si on prend le milieu humide, qu'on l'enlève puis on dit : La compensation amène la restauration puis la création de milieux humides, on essaie de déplacer le risque puis de maintenir dans ce bassin versant là les mêmes fonctions, mais ça n'exclut pas la nécessité d'avoir peut-être des études du Québec qui démontrent l'impact de la disparition des milieux humides ou la présence des milieux humides sur le phosphore, et d'autres.

Et pourquoi on parle du principe de précaution? C'est qu'on a enlevé les rangs de nos paysages. C'est simple, on est en dialyse à beaucoup d'endroits. Il n'y a plus de milieux humides qui filtrent, donc qui retiennent l'eau, qui diminuent les inondations, qui diminuent les sédiments qui arrivent soit dans des plans d'eau principaux ou le fleuve Saint-Laurent. Donc, quand on dit que le principe de précaution... c'est qu'on peut tout justifier, on peut tout rationaliser d'un bord ou de l'autre, là, mais on regarde fondamentalement, je veux dire, on a tellement perdu de ce type d'habitat là, de 70 % à 90 % des milieux humides, est-ce qu'on peut se permettre d'en perdre encore? Notre réponse, c'est non, sauf qu'on ne veut pas que ce soit un non bête et méchant puis on arrête le développement.

M. Gaudreault : Mais est-ce que je comprends que ce critère, que vous ne voulez pas que ce soit un non bête et méchant, pourrait aussi s'appliquer quand vous dites à l'orientation 6, page 9 : «Nous sommes favorables à l'élargissement du pouvoir de refus du ministre pour des motifs de non-conformité»? Bon. Puis là vous dites : «Nous sommes d'avis que l'éventuel projet de loi devrait stipuler clairement le pouvoir de refus du ministre en cas de non-acceptabilité environnementale...» C'est un peu ça aussi. Donc, cette balise sur la base, disons, du principe de précaution pourrait servir à baliser justement le risque mais aussi baliser le pouvoir de refus du ministre.

M. Filion (Bernard) : C'est ce que je répondais tout à l'heure à M. Heurtel : si les balises sont claires. Le problème : les balises ne sont pas claires présentement, les balises sont négociées à la pièce, de région en région. Ça fait que ça tourne à gauche, ça vire à droite, puis ce n'est pas toujours sur le même signe. Ça fait qu'automatiquement c'est là qu'on se ramasse dans des situations très conflictuelles, très émotives de promoteurs qui travaillent sur la Rive-Nord, sur la Rive-Sud puis qui ont des traitements différents dans les dossiers. Ça fait que, les balises, ils s'en sont rendu compte, qu'elles étaient négociables.

Ça fait que, du moment que les balises sont claires... Au Québec, on a assez perdu de milieux humides dans la vallée du Saint-Laurent. C'est aucune perte nette, aucune perte de milieu d'intérêt. Une fois que tu as établi ça puis qu'on établit le principe qu'effectivement il faut faire marche arrière, il faut récupérer des rangs... Un quart de rang, ce n'est pas assez; un demi non plus; un, c'est le minimum. Après ça, deux, ce serait l'idéal. Ça fait que, donc, si on met un ratio de récupération, bien on va finir par rebâtir, parce que nos paysages sont fragiles.

Ce n'est pas pour rien qu'on a des espèces en danger ou en danger d'être sur la liste des espèces en danger, parce que les habitats sont restreints. On est très concentrés, on est très efficaces pour l'utilisation du territoire dans la vallée du Saint-Laurent, mais ça a une pression sur l'environnement, ça a une pression sur la faune et sur la flore. Ça fait que c'est de là que vient le principe de précaution, parce que, si on dit : Ah! il est fragmenté, je peux le détruire... Il n'y a plus d'habitats non fragmentés au Québec, dans la vallée. Ils ont tous été fragmentés de différentes façons.

• (14 h 50) •

M. Gaudreault : Et c'est un peu dans ce sens-là aussi que vous recommandez à la page... 7, pardon, de votre mémoire : «Nous recommandons que l'éventuel projet de loi sur la modernisation de la LQE soit présenté de manière simultanée aux règlements — parce que vous voulez savoir un peu où on s'en va et les règlements vont dire quoi finalement concernant les milieux humides.» Sinon, vous avez l'impression que c'est un peu un chèque en blanc.

M. Filion (Bernard) : Bien, c'est pour ça qu'on dit la nécessité d'avoir une loi sur les milieux humides puis qu'on déplore le fait que, dans le livre vert, il n'y a pas beaucoup d'indications sur comment on va aborder le dossier des milieux humides globalement.

M. Gaudreault : ...la loi qui oblige le ministre à adopter la loi générale sur les milieux d'encadrement d'ici deux ans, là, mais vous avez peur que ça n'arrive pas.

M. Filion (Bernard) : Mais ce qu'on dit, c'est qu'avec ça ce n'est pas assez. Avec le livre vert, tel qu'il est présentement, il n'est pas assez vert. Moi, j'ai pris une fiche complètement verte, là, je voulais être sur que...

M. Gaudreault : Vous le trouvez vert pâle un peu.

M. Filion (Bernard) : Oui, pour les milieux humides, parce qu'il n'y a pas de balise. Ça fait que, si c'est ça, la loi qui va remplacer une loi, dans deux ans, sur les milieux humides, on n'est pas en affaires en termes de conservation, parce qu'il y a une réflexion à faire avec les milieux humides. Je le sais.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant...

M. Daigle (Guillaume) : Si vous permettez, M. Gaudreault...

M. Gaudreault : Oui.

M. Daigle (Guillaume) : ...l'idée d'avoir les règlements et le projet de loi ensemble, c'est simplement d'avoir un portrait global, là. On ne veut pas juste dire oui à une méthode, à une approche par niveaux de risque sans savoir quelle activité va être identifiée par règlement par la suite. Donc, on veut avoir simultanément le portrait global pour pouvoir commenter.

M. Gaudreault : Quand on sera rendus à la loi, là.

M. Daigle (Guillaume) : Tout à fait.

M. Filion (Bernard) : ...d'autorisation. C'est pour ça qu'on n'est pas arrivés les masses en l'air, on ne parle pas de la loi sur les milieux humides là-dedans, parce qu'on a bien compris que ça, c'est une étape, mais on insiste sur la pertinence d'une loi.

Le Président (M. Reid) : Rapidement, en quelques secondes.

M. Gaudreault : Bien, j'aimerais ça vous entendre un peu plus sur l'accès à l'information — c'est un pilier important, là, vous en parlez, entre autres, à la page 8 de votre mémoire, là — sur l'accès à l'information, peut-être, si vous avez quelques mots là-dessus.

Le Président (M. Reid) : 30 secondes.

M. Filion (Bernard) : Oui, on veut un registre. C'est quoi, le certificat d'autorisation? Qu'est-ce que le promoteur doit faire? Où qu'il doit le faire, quand il doit le faire? On va être capables de le savoir. C'est juste équitable pour tout le monde.

M. Gaudreault : ...public dès le départ. O.K.

M. Daigle (Guillaume) : On suggérait...

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Daigle (Guillaume) : Il me reste-tu 10 secondes? Parce que... Il me reste-tu 10 secondes, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Il en reste moins. Dépêchez-vous.

M. Daigle (Guillaume) : La CPTAQ a une très belle application cartographique qui permet de voir les décisions de manière... sur une carte. Bien, les projets de compensation, les projets qui font l'objet de demandes d'autorisation pourraient avoir le même type d'application cartographique. Ça permettrait à tout le monde de les voir sur le territoire.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la parole à M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Je vais continuer au niveau du même débat, au niveau du maintien des milieux humides. Alors, on a parlé de compensation tantôt. Vous avez mentionné qu'actuellement il y a un ratio d'à peu près trois pour un, il faudrait ramener à un pour un pour compenser, mais ce qui me préoccupe beaucoup, c'est la récupération. En fait, il y en a à récupérer.

Est-ce que vous avez un ordre de grandeur de ce qu'il y aurait à récupérer puis peut-être une proposition pour qu'on puisse, dans un certain laps de temps, les récupérer? Parce qu'évidemment il y a des conséquences importantes. Alors, il y a urgence, donc, d'agir. Est-ce qu'on pourrait demander aux gens actuellement de compenser non pas un pour un, mais un pour 1,2 ou 1,3? Comment vous voyez ça pour récupérer?

M. Filion (Bernard) : Peut-être une précision, c'est qu'on souhaite trois pour un; souvent, ça se termine à un pour un. Le ratio de trois pour un, c'est comme un minimum, parce qu'on sait souvent que l'habitat qui va être restauré ou créé va prendre un certain temps à devenir fonctionnel, à devenir en équilibre avec l'endroit. Puis souvent les habitats qu'on détruit, ils ont été là naturellement. Donc, la biophysique fait que c'est un meilleur endroit souvent que l'autre qu'on va aller restaurer ou créer. Ça fait que c'est pour ça qu'il y a des ratios, et il y a une loi fédérale là-dessus, puis le ratio peut monter jusqu'à sept puis à 10, en fonction qu'il y a des espèces menacées, fonction de la distance par rapport aux sites. Donc, les ratios, là, c'est quelque chose qui est très... C'est connu, c'est peu appliqué, mais c'est toujours dans le principe dissuasif. Donc, plus le ratio est élevé, si on parle de x milliers de dollars à l'hectare, tu multiplies par 10, ça commence à faire une bonne facture. Peut-être qu'on va trouver une solution différente puis mieux adaptée.

M. Surprenant : Mais, en plus d'être dissuasif... mon point est surtout de récupérer ce qui est perdu. Alors, si on va à trois ou à sept pour un, en combien de temps vous pensez qu'on pourra récupérer ce qui est perdu pour après, plus tard, le ramener à un pour un, simplement? C'est quoi, le besoin de récupération, là?

M. Filion (Bernard) : On n'a pas fait cet exercice-là. Tout ce qu'on sait, c'est qu'au Québec, depuis 1940, on a drainé trois fois les cours d'eau dans la vallée du Saint-Laurent pour les rendre plus acceptables au point de vue des contraintes de production agricole.

Donc, on ne pourra pas tout récupérer, mais il y a... C'est pour ça qu'on parle d'aménagement du territoire, c'est pour ça qu'on dit qu'il faut vraiment travailler collectivement, avec le monde municipal, le monde agricole, tout le monde, dans un schéma d'aménagement qui va permettre de dire où on fait le développement, où on fait la restauration, la conservation et d'enclencher un chantier. Quand je suis passé la dernière fois, ce printemps, ici, j'ai demandé 25 millions par année pendant 20 ans parce que c'est un immense chantier, il y a eu beaucoup de dollars investis pour drainer. Ça fait que, là, maintenant, il faut trouver un équilibre parce qu'on ne veut pas retourner à il y a 50 ans, où est-ce que l'agriculture n'est plus praticable.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci pour votre contribution. On va continuer de parler du projet de loi n° 32, pour lequel vous étiez venus au printemps, ainsi que bien, en fait, le cadre réglementaire que vous voudriez qu'il soit défini à l'intérieur. Vous avez dit : Dans le livre vert, présentement, bon, bien, c'est très simple, ce qu'il y a par rapport aux milieux humides. Vous avez parlé du rapport Lavallée, où est-ce qu'il y avait un cadre juridique. Est-ce que c'est ce que vous souhaitez qui soit inséré dans la Loi sur la qualité de l'environnement ou vous voulez véritablement une loi séparée?

M. Filion (Bernard) : Une loi qui va venir s'insérer, s'imbriquer dans la Loi sur la qualité de l'environnement, parce que les milieux humides, c'est un enjeu important, puis on ne pense pas qu'avec ce qu'il y a ici présentement c'est la place pour faire ce débat-là. On donne des pistes, on dit : On aurait aimé avoir des orientations pour dire : Pas de perte, pas de perte nette. Mais, comment qu'on rend ça fonctionnel, opérationnel, réglementaire, il y a du travail à faire. Donc, on dit : Non, il y a une loi... deux ans. Elle était due au printemps 2015, on est rendus en 2017 puis on tient à cet objectif-là.

M. Jolin-Barrette : Dans le cadre de la modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement, est-ce que vous trouvez que ça serait opportun d'inclure également les milieux humides à l'intérieur de la Loi sur la qualité de l'environnement plutôt que d'avoir une législation séparée?

M. Filion (Bernard) : Bien, c'est que présentement la LQE inclut les milieux humides, toute intervention en milieu humide nécessite un certificat d'autorisation, mais c'est la résultante qu'on n'aime pas, c'est que le certificat d'autorisation souvent amène une compensation, la plupart du temps, qui n'est pas une restauration ou qui n'est pas... Donc, présentement, la Loi de la qualité de l'environnement se résume en perte nette de milieux humides. C'est simple, mais c'est de même, parce que nous, on regarde les statistiques, puis, la plupart du temps, le travail qui est fait, c'est toujours pour appauvrir un système quelconque qui est fragmenté. Il y a une perte... on grignote, l'approche du grignotage. On agrandit le golf, on agrandit le développement industriel. Mais la résultante qu'il y a compensation au certificat est très rarement la création ou la restauration de milieux humides. On en souhaiterait, mais ce n'est pas le cas présentement.

M. Jolin-Barrette : Puis, sur cet élément-là, un peu plus tôt dans votre intervention, vous avez dit... au niveau de l'introduction, vous avez parlé des municipalités puis peut-être que ce n'est peut-être pas eux qui sont habilités le mieux à gérer la gestion des milieux humides, la gestion du développement durable sur leurs territoires. Pouvez-vous nous en parler, de la vision qu'il pourrait y avoir par rapport à ça?

M. Filion (Bernard) : Bien, ce que j'ai répondu tout à l'heure : C'est une question de balises et de ressources. Nous, on a amorcé un immense programme de cartographie détaillée parce qu'on s'est très bien rendu compte qu'en 2025 il n'y en aurait pas encore, de carte détaillée, au Québec, des milieux humides. Ça fait qu'on en a parti nous-mêmes, puis là les partenaires se sont joints... Le gouvernement du Québec nous supporte aussi maintenant pour avoir une cartographie détaillée, de façon à ce qu'elle soit insérée dans les schémas d'aménagement. Après ça, le développement, il faut qu'il s'articule autour de, mais il y a un trait d'union qui manque. On a une carte, il va y avoir un schéma, mais comment qu'on fait tourner ça pour s'assurer que le projet est bien intégré, qu'il fonctionne bien, tient compte de tout l'ensemble de la dynamique des bassins versants? Et ça, ce n'est pas là. C'est pour ça que je revendique mon programme, mon chantier sur 20 ans, 25 millions par année, parce qu'il y a beaucoup à faire.

C'est un immense territoire de grande qualité. C'est exceptionnel, le Saint-Laurent, qui est en plein centre. On est tous... de chaque côté, nos industries, l'agricole, le résidentiel, donc c'est beaucoup de pression sur un... Heureusement qu'il est immense et profond. S'il était un petit peu moins grand puis un petit peu moins profond, on aurait peut-être d'immenses problèmes écologiques.

Le Président (M. Reid) : Merci.

Une voix : ...

Le Président (M. Reid) : Il reste... Alors, merci beaucoup, M. Filion, M. Daigle, de votre présentation et de votre participation.

Je suspends les travaux pour quelques instants et j'invite l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec à prendre place.

(Suspension de la séance à 15 heures)

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Reid) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec. Nous allons vous écouter une dizaine de minutes et par la suite nous aurons notre période d'échange. Je voudrais que vous commenciez, s'il vous plaît, par vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association des professionnels de la construction
et de l'habitation du Québec (APCHQ)

M. Boutin (Stephen) : Oui. Merci, M. le Président. Alors, je me présente : Stephen Boutin. Il me fait plaisir d'être devant vous cet après-midi au nom du grand réseau de l'APCHQ. En plus du travail de promoteur et d'entrepreneur en construction, je suis également membre du conseil d'administration de l'APCHQ, région de Québec. J'ai eu aussi l'occasion à maintes reprises, là, de traiter de plusieurs dossiers impliquant les milieux humides et hydriques.

Alors, comme vous le savez peut-être, l'APCHQ est une association qui représente environ 17 000 membres, répartis au Québec, du milieu de la construction, principalement dans la construction résidentielle. Notre mission consiste d'abord à faire valoir et développer le professionnalisme de nos membres. Évidemment, nous souhaitons également qu'ils puissent oeuvrer dans un environnement d'affaires compétitif. Mais permettez-moi d'ajouter que les entrepreneurs en construction se sentent vraiment interpellés par les grands principes et de la protection de l'environnement.

Alors, je vous présente les gens qui m'accompagnent cet après-midi : à ma gauche, il y a Me Jessica Tremblay, de chez Crochetière Pétrin; M. Richard Bouchard, à ma droite, de chez WSP; et M. François-William Simard, directeur des communications de l'APCHQ, à qui je cède la parole pour la présentation de notre mémoire.

M. Simard (François-William) : Merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Mmes, MM. les parlementaires, merci beaucoup de nous permettre d'être présents cet après-midi.

Comme le disait mon collègue, c'est un projet de loi... en fait, c'est un projet de livre vert qui est très important, c'est le début, en quelque sorte, d'une grande étape qui doit nous mener éventuellement vers la future Loi sur la qualité de l'environnement, et, pour nous, c'est très important d'être ici pour vous dire que, oui, sur le terrain, il y a des enjeux, il y a des situations problématiques auxquels font face les entrepreneurs, et c'est important qu'on réussisse l'étape actuelle de modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement. On aura beaucoup, beaucoup de recommandations à vous faire, et, comme le disait mon collègue, c'est dans une démarche constructive qu'on veut vraiment le faire. On veut vraiment vous présenter des recommandations, là, qui vont vous permettre de bonifier surtout la réflexion dans laquelle vous êtes engagés.

D'entrée de jeu, M. le Président, il nous apparaît important de souligner que la vision présentée par le gouvernement dans son livre vert sur la modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement est pour le moins ambitieuse, et c'est tant mieux. Nous ne pouvons qu'applaudir lorsque le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques propose d'optimiser le régime d'autorisation environnementale en diminuant de 30 % le nombre d'autorisations. Il en va de même pour la réduction souhaitée des délais liés au processus d'autorisation des projets. Le gouvernement semble vouloir agir dans un véritable esprit de service à la clientèle. Nous verrons si cette intention se concrétisera, mais, en attendant, celle-ci nous ravit. À notre avis, la modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement s'inscrit dans une perspective de cohérence, de simplification et d'efficience, ce que nous saluons.

M. le Président, vous comprendrez qu'en dix minutes je ne peux faire le tour de l'ensemble des éléments et des recommandations qui sont contenus dans notre mémoire. Je vais donc me concentrer sur quelques éléments, et évidemment nous serons heureux de répondre aux questions des parlementaires qui porteraient sur d'autres aspects du mémoire.

D'abord, nous voulons vous faire part de quelques commentaires sur l'orientation 3 du livre vert, soit la nouvelle modulation du régime d'autorisation en fonction du risque environnemental.

Désormais, les projets seront classés selon quatre catégories : risque élevé, risque modéré, risque faible — une nouvelle catégorie — et risque négligeable. Nous ne pouvons qu'être en accord avec la création de différentes catégories, en autant que cela permette véritablement de traiter différemment un nombre significatif de projets afin d'en réduire les délais d'autorisation ou même d'éviter de les soumettre à un lourd processus qui n'est parfois pas requis. Si ce n'est pas le cas, M. le Président, nous voyons difficilement quel sera le gain pour une industrie comme celle de la construction résidentielle. D'ailleurs, il nous est difficile aujourd'hui de prendre position sur la nouvelle modulation, car l'assujettissement d'un projet à une catégorie ou à une autre dépendra de ce qui sera défini ultérieurement par règlement. Or, c'est uniquement là que nous pourrons juger si la nouvelle modulation est une bonne ou une mauvaise nouvelle. C'est pourquoi nous recommandons aux parlementaires d'intégrer dans la future loi un maximum d'éléments afin d'accroître la prévisibilité et de limiter la possibilité de décisions arbitraires. Il serait dommage que, lors du dépôt de la future loi, plusieurs éléments, comme la définition des catégories de risques, demeurent inconnus parce que ceux-ci devront être précisés plus tard par règlement.

En plus des catégories de risques, la... les définitions, pardon, des milieux humides et hydriques, des séquences d'atténuation et des compensations devraient se retrouver dans la future loi. Nous rappelons d'ailleurs dans notre mémoire l'étude menée par la Pre Sophie Lavallée, de l'Université Laval, qui nous a amenés à proposer deux définitions d'un milieu humide qu'on pourra vous présenter dans quelques minutes. Je vous invite donc, sinon, à consulter la page 6 de notre mémoire pour avoir plus de détails.

La quatrième orientation du livre vert prévoit notamment d'accroître l'information disponible sur les autorisations accordées en créant un registre des évaluations environnementales. Nous sommes en accord avec la volonté de favoriser une plus large diffusion et un accès plus facile à l'information disponible. Toutefois, nous recommandons aux parlementaires de s'assurer qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord du demandeur initial avant de divulguer une telle information, cela afin de protéger l'aspect commercial et stratégique des projets de développement.

M. le Président, le troisième aspect du livre vert que nous voulons commenter concerne les municipalités. Dans un premier temps, nous comprenons que le gouvernement souhaite établir un partenariat significatif avec les municipalités. C'est pourquoi, semble-t-il, il est proposé d'établir un processus d'autorisation différent ou allégé pour les villes. Or, nous nous expliquons mal qu'il pourrait être possible que deux projets identiques reçoivent un traitement différent selon qui est le demandeur. Nous recommandons donc au législateur de, certes, évaluer les allégements possibles du processus mais en fonction des caractéristiques environnementales du secteur concerné et non du demandeur. Toujours en ce qui a trait aux municipalités, nous reconnaissons la volonté de plusieurs d'entre elles de favoriser le développement tout en s'assurant du respect de l'environnement, mais, en l'absence de balises provinciales sur les milieux humides et en adoptant leurs propres normes, les municipalités risquent de créer une disparité importante au niveau des normes à respecter pour obtenir l'autorisation de développer un projet. D'ailleurs, cette situation est déjà observée. Le résultat, M. le Président : les promoteurs immobiliers se trouvent dans une zone d'incertitude et peuvent avoir à composer avec des normes inadéquates.

Puisque la réglementation provinciale sur les milieux humides qui sera définie aura légalement préséance sur les règlements municipaux, nous recommandons au législateur de définir précisément en quelles circonstances particulières et pour quels objets précis une municipalité pourrait déroger à la réglementation provinciale. De cette façon, nous croyons que nous pourrons éviter une sorte de surenchère. De plus, dans l'immédiat, nous recommandons d'imposer un moratoire sur le développement de règlements locaux sur les milieux humides et hydriques, ce qui permettra de mettre fin à la situation que nous venons de décrire.

Finalement, M. le Président, nous comprenons que le gouvernement est engagé dans un long et complexe processus de modernisation de la loi. Il s'agit d'une démarche importante pour laquelle de grandes consultations sont essentielles, il est donc normal qu'elle prenne un certain temps. Mais, tout en comprenant cette réalité, nous sommes d'avis que cela ne doit pas empêcher le gouvernement de poser certains gestes à très court terme pour améliorer la situation sur le terrain. Voici une recommandation que nous formulons et qui est destinée à une application rapide — elle touche à l'orientation 6 du livre vert : nous applaudissons certes que le ministère entend mieux accompagner les initiateurs de projet notamment par la tenue de rencontres de démarrage, mais nous recommandons de ne pas attendre et de le faire immédiatement. Le succès de la réforme, lorsqu'elle viendra, ne s'en trouvera que plus probable. Je souligne également que la reconnaissance de l'expertise, lorsqu'un entrepreneur fournit un rapport d'experts, est tout aussi primordiale.

En terminant, M. le Président, je réitère que le livre vert représente une étape importante d'une grande démarche qui vise à moderniser la Loi sur la qualité de l'environnement, le temps presse. Les tentatives précédentes de réformes ont échoué, ce qui a eu pour effet, vous le devinez, de détériorer la situation. Les recommandations concrètes que nous avons effectuées dans notre mémoire visent à s'assurer que la nouvelle réglementation soit claire et simple en plus de permettre la prévisibilité des projets, des éléments qui devraient caractériser la future loi.

Je vous remercie de votre attention. Évidemment, on est disponibles pour répondre à vos questions. Je suis entouré d'experts tant au niveau juridique que technique, également d'un entrepreneur qui connaît très bien la réalité du terrain, donc je vous invite à en abuser.

• (15 h 10) •

Le Président (M. Reid) : On va essayer de ne pas trop abuser, mais on va vous poser des questions, c'est certain. Alors, nous allons commencer cette période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Bonjour. Avant de commencer, juste peut-être un point d'information pour mon collègue de Jonquière, qui semblait se plaindre qu'il n'avait pas accès à certains rapports, juste lui dire que le Comité sur la modernisation de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et du processus de participation publique, ce rapport-là, il est sur le site du ministère, alors, pour son information.

Alors, pour revenir à nos invités, bonjour, merci beaucoup d'être présents et merci pour votre mémoire ainsi que votre participation aujourd'hui. Quand vous parlez de la modulation du risque, les catégories de risques, je comprends votre point. Le but du livre vert, c'est justement d'avoir une conversation avec des intervenants comme vous sur de quoi ça devrait avoir l'air. On n'est pas dans une commission parlementaire qui étudie un projet de loi. L'idée, c'est de, avant d'arriver à un projet de loi, dire : Bon, généralement parlant, on explore l'idée, pour moderniser le régime d'évaluation environnementale, de catégoriser les risques. On propose quatre catégories. Vous posez très bien la question, vous dites : Bon, de quoi ça va avoir l'air? Nous, ce qu'on voudrait savoir, ma première question, c'est : Vous, de votre côté, quand vous voyez ça, bien, qu'est-ce que vous avez à proposer? Que proposeriez-vous, justement, pour justement préciser la notion?

M. Bouchard (Richard) : Merci beaucoup, M. le ministre. Ce qui est important, dans un cadre d'un projet de développement résidentiel, dans la situation actuelle, on est relativement, généralement, assujettis aux articles 32 et 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, que ça soit un développement de quatre résidences ou de 400 unités. Donc, il y aurait, dans le contexte d'une réforme du régime, à s'assurer de faire un lien concret avec le nombre d'unités qui peut être développé et la localisation de ces dites unités là. Donc, on comprend que, si on a 400 unités, on a un risque plus élevé d'avoir un impact sur l'environnement que de développer, sur un point de vue théorique, quatre unités, quatre unifamiliales, ou quatre bifamiliales, ou peu importe. Donc, on comprend que cette notion-là serait véhiculée en termes de nombre d'unités qui est développé.

Deuxièmement, cette même notion serait reliée également avec la localisation de ces 10 unités là. Si on est dans un milieu terrestre et qu'on demeure assujetti à une autorisation reliée aux aqueducs, égouts pluviaux, à ce moment-là on devrait avoir sensiblement un risque faible, dans la mesure où on est dans le périmètre urbain et on est déjà dans un secteur zoné résidentiel. Donc, l'exercice de nous recevoir en termes de quatre ou cinq unités aurait déjà été fait au préalable dans le cadre d'un plan directeur de gestion des eaux, par exemple. Donc, c'est dans cette notion-là que la notion de risque peut être interreliée avec le type d'activités que l'APCHQ réalise.

M. Heurtel : Est-ce que vous voulez ajouter, vous voulez aller plus loin? Parce qu'encore une fois l'idée de la consultation, c'est vraiment d'avoir le son de cloche des intervenants de tous les niveaux. Alors, la catégorisation des risques, c'est vraiment l'avenue que nous privilégions, mais, encore une fois, oui, il faut définir. Alors, je ne sais pas si vous avez d'autres exemples plus concrets. Ça nous aide beaucoup, là, ce que vous venez de dire, mais, si vous vouliez aller plus loin, est-ce que vous avez d'autres cas plus concrets qui nous amèneraient justement à bien définir les quatre types de risque?

M. Bouchard (Richard) : Un exemple concret : on fait un développement résidentiel en bordure d'un cours d'eau intermittent, et, le cours d'eau intermittent, tout en reconnaissance... on reconnaît son importance de le maintenir, peut-on le déplacer? Donc, en termes de risque, on pourrait avoir un impact significatif sur l'environnement en déplaçant un cours d'eau intermittent, mais de maintenir la possibilité de déplacer ce dit cours d'eau intermittent là... Donc, en termes de risque, est-ce qu'on crée un risque de déplacer le cours d'eau intermittent? Voyez-vous, ce type de question là. Un cours d'eau régulier, même chose. Si on déplace un cours d'eau régulier, justification apportée au niveau environnemental, aménagement du territoire... D'ailleurs, l'APCHQ adore l'approche de l'esprit du développement durable de pouvoir combiner ces trois options-là, ces trois composantes, lorsqu'une décision est prise. Dans ce contexte-là, pour un cours d'eau régulier, si on le déplace, avec la même valeur écologique à l'intérieur du nouveau qu'on relocalise, on pense que c'est un faible risque, toujours en maintenant la quantité d'eau, et la qualité d'eau, et l'habitat faunique qu'on retrouve à l'intérieur également. Au niveau des milieux humides, si on a un milieu humide qui est de valeur écologique faible et on sous-entend qu'il y a des critères pour élaborer ça, est-ce qu'on peut se poser la question qu'on a, à ce moment-là, un risque faible et je laisse à ce moment-là — on discutera tantôt de la compensation — le choix ou pas? Mais, s'il y a un milieu humide de valeur écologique élevée, on désire aussi la possibilité qu'on puisse en détruire une partie, en perturber une partie puis le compenser.

Donc, en termes de risque, tout ça est relié toujours à la valeur écologique, selon nous, versus la possibilité de modifier le paysage urbain. On est toujours à l'intérieur du périmètre urbain, on sous-entend nos propos dans ce contexte-là.

M. Heurtel : Sur la notion d'accompagnement, il y a un lien entre l'accompagnement, je crois, puis plus tôt l'accompagnement débute, puis aussi, dans toute la question d'acceptabilité sociale, le projet, et, dans cette optique-là, on a aussi proposé dans le livre vert toute la notion d'internalisation des coûts, et donc d'être capable de voir au sein du ministère tout un processus justement qui reflète tous les coûts qui sont associés au régime d'évaluation environnementale au Québec, qui sont importants. La question, c'est : Justement, au niveau des délais puis au niveau justement de l'accompagnement, quand on parle de ces notions-là, quelle est la position de votre organisme par rapport à justement faire en sorte que les coûts réels rattachés à un processus d'évaluation soient comptabilisés et que, justement, vos clients, ultimement, soient mis à contribution pour justement assurer les frais générés par les processus d'évaluation?

Mme Tremblay (Jessica) : En fait, ça, nous en avons traité dans le mémoire à la page 5... 16, pardon. Nous sommes, jusqu'à un certain point, d'accord pour assumer ces responsabilités-là. Cependant, nous croyons qu'il est primordial de ramener les délais à ce qu'ils étaient il y a sept ou huit ans, puisque, là, tout le traitement administratif fait en sorte que le cheminement est beaucoup plus long qu'il était et les coûts sont beaucoup plus importants, de là la première recommandation qu'on a faite, d'avoir une rencontre en tout début de dossier pour pouvoir bien s'aligner, pour savoir quels documents seront nécessaires, de savoir quelle compensation pourrait être exigée. Donc, nous pensons que le processus serait de beaucoup simplifié, abrégé, et là on pourra se rasseoir pour discuter des coûts à ce moment-là. Mais il faut faire un travail en premier lieu : de ramener les délais à ce qu'ils étaient.

• (15 h 20) •

M. Heurtel : Pour poursuivre dans cette veine-là, sur la question de l'accessibilité des documents, au niveau des objectifs de transparence additionnelle, le ministère est aux prises avec 14 000 demandes d'accès à l'information par année, et, nous, ce qu'on recherche, c'est voir comment on peut être plus transparents, puis on croit non seulement que pour le principe même de la transparence c'est sain dans une société libre et démocratique de donner l'accès au plus d'informations possible à tous les justiciables, toutes les citoyennes, tous les citoyens, mais également dans un processus aussi on pense que ça peut aussi alléger les délais, parce que plus tôt on a l'information dans le processus, plus ça laisse à l'ensemble des intervenants la chance d'analyser puis d'être prêts pour le processus d'évaluation.

Lorsque vous dites que, pour l'ensemble d'informations, bon, vous voudriez avoir le... bien, le promoteur devrait avoir un droit d'autoriser les informations qui seraient diffusées, j'aimerais que vous précisiez votre pensée. Est-ce qu'il y a des types d'information spécifique? Parce qu'il y a beaucoup d'informations, puis, encore une fois, quand on parle de développement, particulièrement dans les développements urbains, ou plusieurs types de projet de construction, bien les citoyens, les municipalités, beaucoup de gens qui veulent intervenir n'ont pas l'information ou ont du mal à obtenir l'information, doivent passer par la Loi sur l'accès, ça crée des délais.

Alors là, encore là, je crois qu'en termes d'acceptabilité sociale, de réduction des délais, d'efficacité il y a une piste, là, à regarder, de voir : Bon, bien, une fois qu'un avis de projet est déposé, bien, dès le départ, on met un maximum d'informations disponibles sur un... ce serait sur le site du ministère, reliées au projet pour justement favoriser, je crois, l'étude plus efficace du projet. Alors, dans ce que vous proposez, j'aimerais ça... Comment vous réconciliez ce que vous proposez avec ce que je viens de dire?

M. Boutin (Stephen) : Je vais répondre à la question. Juste peut-être préciser deux choses. Premier élément, rendre disponible l'information, à notre point de vue, c'est pour être aidant, pour bonifier de futurs projets de compensation environnementale. L'idée en arrière, c'est qu'actuellement, lorsqu'on veut comprendre qu'est-ce qui se fait en compensation au Québec, mis à part de parler avec les gens qui ont fait les projets puis nous donner un peu d'information, chaque membre ou promoteur, constructeur n'est pas en mesure d'améliorer ou de bonifier des projets qui se sont déjà faits, donc on recommence toujours à la case départ. C'est sûr que les professionnels nous aident à l'intérieur de ça, mais l'idée, à la base, de mettre en communauté l'information, c'est pour permettre aux gens de bonifier des projets.

L'aspect que vous amenez par rapport à rendre disponible l'information pour la population, à notre point de vue, devrait se faire à la fin du processus et non pas durant le processus. Vous savez, c'est déjà complexe de faire une relation entre, je dirais, le ministère et nos membres, et on ne verrait peut-être pas d'un bon oeil de mettre en place de l'information durant le processus, je dirais, d'organisation ou d'aménagement des projets. Donc, ça, c'était juste pour peut-être placer un peu à quel endroit. Donc, à la fin, de mettre de l'information générique... quand on parlait tantôt qu'on a une réticence par rapport à de l'information, il y a des informations qui ont un impact sur les entreprises qui font ces demandes-là. L'important, ce n'est pas trouver de l'information qu'on va avoir à l'intérieur de ces demandes-là, mais qu'on précise la nature de la demande d'un point de vue environnemental. Je ne pense pas qu'il y ait d'enjeu à ce niveau-là de diffuser l'information.

Donc, c'est comme ça qu'on voyait l'information, d'être prudent, en même temps, de servir à bonifier des projets. Je pense que ça, ça peut être aidant pour tous. Donc, éviter de recommencer à inventer quelque chose de nouveau à toutes les fois. L'idée, c'est de l'améliorer, de le bonifier.

Je ne sais pas si ça précise un petit peu...

Le Président (M. Reid) : Vous voulez ajouter quelque chose?

M. Bouchard (Richard) : Oui, s'il vous plaît. Je peux?

Le Président (M. Reid) : Allez-y, oui.

M. Bouchard (Richard) : Ce qui est intéressant dans la question, c'est la notion de pendant l'élaboration de la demande au ministère de l'Environnement et, une fois l'autorisation obtenue, l'après-autorisation. Après l'autorisation, l'APCHQ a déjà offert dans une consultation antérieure de donner au complet toute l'information informatique qu'elle possédait, exemple les fichiers informatiques et de caractérisation, le rapport de caractérisation, de tout donner l'information technique en version informatique disponible pour permettre au ministère de l'insérer dans une base de données publique. Ça fait que, de ce coté-là, l'après... même chose pour le lotissement, et tout, donc, l'après-autorisation, l'APCHQ a déjà tout offert cette possibilité de rendre l'information. Pendant l'élaboration, tant et aussi longtemps qu'on demeure à l'intérieur du périmètre urbain, qu'on est dans un zonage approprié à l'usage qu'on veut faire versus la compétition, à ce moment-là l'APCHQ est un petit peu plus réticente à fournir l'information, parce qu'on sait qu'au niveau... même actuellement, si on est conforme au zonage municipal, le projet va évoluer avec la municipalité et avec la direction régionale. Donc, on appelle ça des projets évolutifs, chez nous. Donc, dans cette optique-là, si on fournit quelque chose de public, il est possible que, dans un mois, cette information soit désuète, et ainsi de suite. C'est pour ça qu'en cours de route il va y avoir plusieurs modifications sur l'aménagement possible en termes de lotissements ou de parcs, espaces verts, et ainsi de suite, puis il est possible que, dans trois mois, il y ait un changement.

Lorsqu'il y a un changement de zonage en cours de route, l'information est automatiquement publique, dans la mesure qu'on participe au changement de zonage et on discute avec les citoyens sur le genre d'alternative possible qu'il peut y avoir en termes d'aménagement de la propriété.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic, vous avez deux minutes.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, madame, il me fait plaisir de vous avoir ici aujourd'hui. Dans votre mémoire, vous nous parlez, à quelques reprises, d'une espèce de résistance envers le contrôle des municipalités. Puis j'aimerais vous entendre... Pourquoi et quels sont les éléments qu'il faudrait corriger pour leur permettre, finalement, d'intervenir plus efficacement à l'intérieur, si on veut, de vos demandes ou de vos besoins?

Le Président (M. Reid) : ...à peu près.

Mme Tremblay (Jessica) : Dans un premier temps, le ministère est l'autorité en matière de milieux humides, et nous passons à travers le processus pour obtenir un certificat 22 sous les conditions qui sont émises par le gouvernement... par le ministère, pardon. Suite à cela, la ville peut arriver avec un règlement qu'elle va mettre en place pour demander des conditions supplémentaires. Par exemple, on l'a vu avec Gatineau et, je crois, Sherbrooke aussi, où on demande un certain montant d'argent par mètre carré de milieux humides qui va être détruit. Ça vient ajouter aux conditions que le ministère a déjà mises en place. Quelquefois, le certificat 22 est émis sans condition, ce n'est pas nécessaire de l'obtenir, et la municipalité va venir exiger une certaine compensation. Donc, il y a un dédoublement à ce moment-là, ce fardeau-là est supporté par les promoteurs, mais aussi par les citoyens qui vont ensuite acquérir ces unités-là. Et, malheureusement, ça rend le processus encore plus lourd.

Donc, pour notre part, on pense que le ministère a l'autorité dans ce domaine-là et devrait la conserver. Dans la mesure où vous autorisez un projet, la municipalité devrait s'y soumettre aussi.

Autre chose qu'on retrouve aussi, une autre difficulté...

Le Président (M. Reid) : Rapidement.

Mme Tremblay (Jessica) : Pardon?

Le Président (M. Reid) : Rapidement. Il reste quelques secondes.

Mme Tremblay (Jessica) : Oui; c'est tout ce qui est des bassins versants. La municipalité va souvent demander à ce qu'on compense dans sa municipalité, alors que ça fonctionne par bassin versant beaucoup plus que par région administrative. Donc, ça, il faudrait venir mettre un certain moratoire là-dessus.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole à l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue ici, à l'Assemblée nationale.

Je voudrais vous entendre sur un élément quand même que je considère assez important dans le livre vert. Dans l'orientation 6, il est mentionné clairement que le ministère souhaite responsabiliser davantage les initiateurs de projet — je suis à la page 59, là — et, par exemple, une demande incomplète serait irrecevable. Donc, moi, j'aimerais ça vous entendre davantage, là, sur cet aspect-là d'une responsabilisation plus importante, considérant qu'on vous a devant nous, là, et que vous êtes souvent, justement, des promoteurs ou vous êtes... vous faites partie, justement, des initiateurs de projet. Alors... comment je pourrais dire, c'est comme un renversement de la pyramide, là. Autrement dit, au lieu que ce soit comme toujours le ministère qui est la cible ou qui est d'abord et avant tout le responsable, là on inverse la pyramide pour faire en sorte que les promoteurs soient responsables. Comment vous réagissez face à ça?

• (15 h 30) •

M. Bouchard (Richard) : C'est qu'on voit ça comme étant un partenariat avec deux parties : vous avez le ministère qui est responsable, en tant que législateur... responsable de l'application du ou des articles de loi appropriés, mais vous avez aussi effectivement le promoteur immobilier qui est responsable de faire un projet correspondant aux lois et règlements. Et il y a toute l'approche sociale qu'il peut y avoir à l'intérieur du ou des quartiers qu'il développe. Dans ce contexte-là, en termes de responsabilité, vous avez mentionné dans votre question également l'aspect : Est-ce que le ministère pourrait être, dans l'éventualité qu'il y ait un refus que le projet... vous avez mentionné cet aspect-là, dans l'éventualité que le ministère fait un refus au projet, comment que le promoteur peut se sentir, en tant que corporation, responsable?

Ce qu'il faut retenir de toute la démarche de l'OPCHQ, c'est l'expression «opérationnelle». Si le ministère émet un refus, ça veut dire que la démarche est opérationnelle, il y a une réponse claire, nette et précise qui se fait à un processus connu. Ça, c'est important de le retenir dès le départ. De l'autre côté, en termes de responsable, le promoteur étant généralement une entreprise privée... mais ça peut être une municipalité aussi qui fait du développement résidentiel, mais, dans le cas présent, parlons de l'APCHQ, qui fait un développement, en tant que promoteurs, ils sont déjà responsables de l'aspect du financement, des opérations, et ainsi de suite. Mon promoteur est prêt à être responsable de son projet, être responsable des conséquences de l'ensemble de son projet jusqu'à tant que chacune des propriétés est vendue à des particuliers, notamment.

Ça fait que, dans ce contexte-là, pour répondre à votre question : Est-ce que l'APCHQ, les promoteurs membres sont prêts à être davantage responsables?, la réponse, c'est oui, mais en partenariat avec le ministère qui doit appliquer la loi et/ou les articles qui seraient applicables dans le cadre d'une réforme.

M. Gaudreault : O.K. Et vous dites, dans votre recommandation 1, d'intégrer un maximum d'éléments pour accroître la prévisibilité et limiter la possibilité d'arbitraire. Donc, vous pourrez me détailler ça davantage, mais, d'abord et avant tout, est-ce que ça veut dire que... Ce que vous dites, au fond, c'est : Pourvu que ça soit clair, là. On va clarifier les affaires, au ministère, entre les différentes directions, même entre les différents ministères, comme les Affaires municipales, puis le promoteur privé, lui, il va s'ajuster à ça. Mais présentement c'est comme si ce n'était pas clair, puis là, après ça, on accumule les demandes, puis les promoteurs ne savent plus trop où se diriger.

Alors, est-ce que vous êtes en train de dire : Mettez les balises que vous voulez, clarifiez les choses comme vous le voulez, mais, au moins, ça sera clair puis ça va être applicable à tout le monde?

Mme Tremblay (Jessica) : ...exactement ça. Depuis le tout début, l'APCHQ marche main dans la main avec le ministère pour arriver à un régime qui est clair. Ce qu'on veut, c'est que nos promoteurs, nos entrepreneurs puissent savoir à quoi ils vont faire face en début de projet, ce qu'ils ne peuvent pas savoir actuellement. Donc, les balises, on doit les mettre, on doit les mettre dans un cadre réglementaire. Et les balises qu'on croit essentiel qu'elles se retrouvent à l'intérieur de la loi se retrouvent en résumé à notre page 17 de notre mémoire. On pense que c'est le minimum qui doit se retrouver pour être capables d'évaluer notre risque, la faisabilité du projet en début de projet.

M. Simard (François-William) : Si, M. le Président, je peux me permettre, et ça me fait plaisir de répondre à la question d'un de mes anciens professeurs, si je peux me permettre, ce qu'on... Puis on entendait il y a quelques minutes les gens qui étaient de Canards illimités dire que c'était important que le règlement soit... les règlements, en fait, qui découlent de la future loi soient déposés en même temps que la future loi justement, donc le projet de loi qui modernisera la Loi sur la qualité de l'environnement.

C'est une demande qu'on formule également, donc s'assurer qu'on puisse vraiment avoir le débat lorsqu'il y aura un projet de loi qui sera présenté — et on espère évidemment qu'on sera invités en commission parlementaire — qu'on puisse faire le débat également sur les règlements, parce que c'est important qu'on sache dès le départ qu'est-ce qui sera contenu dans les règlements. Si, on sait très bien, il y a une consultation qui est faite en lien avec les règlements, mais c'est une consultation qui est beaucoup plus... comment dire, qui est beaucoup plus isolée, si je peux dire, donc le gouvernement émet un règlement, par la suite les associations, les organisations peuvent faire leurs commentaires, mais ce n'est pas la même chose que venir en commission parlementaire et vraiment discuter que ce soit d'un projet de règlement ou d'un projet de loi.

M. Gaudreault : Alors, je vois que vous avez eu d'excellents professeurs, M. Simard. Donc, j'aimerais aussi vous entendre sur votre recommandation n° 8, là, parce que... en tout cas, je l'ai lue, je l'ai relue, j'ai lu le chapitre 10, là, qui l'explique, mais, pour moi, ce n'est pas clair, là, quand vous dites : «Évaluer les allégements possibles du processus en fonction des caractéristiques environnementales du site concerné et non des demandeurs.» Alors, pouvez-vous nous repréciser ça plus clairement, s'il vous plaît?

M. Boutin (Stephen) : C'est assez simple. Actuellement, ce qu'on disait tout à l'heure, c'est qu'indépendamment du demandeur, le projet lui-même qui fait face à un projet de compensation, l'important, c'est de s'entendre sur quel est le meilleur projet de compensation pour ce projet-là indépendamment de qui va le demander. Et c'est à cette notion-là qu'on fait référence. Donc, que ça soit un promoteur privé, que ça soit une municipalité, une ville ou quelconque organisme, on pense que de traiter sur la même base, indépendamment de qui est le demandeur, les projets, c'est la recommandation qu'on en fait. Donc, ne pas avoir un poids, deux mesures, dire : Si c'est la ville ou une municipalité... d'avoir des résultats différents pour un même projet. C'est ça, l'essence de...

M. Gaudreault : Parce que présentement vous sentez cette... ce déséquilibre, disons.

M. Boutin (Stephen) : On a vu, dans nos membres, des gens qui ont vécu, justement... un peu ce que Mme Tremblay mentionnait tantôt, dans certaines villes, bien, qu'il y a eu, justement, des demandes supplémentaires par rapport à d'autres villes où le même projet avait été présenté et on n'aurait pas eu ces demandes-là. Alors, c'est à ce niveau-là, là, qu'on aimerait que ça soit traité de la même façon.

M. Gaudreault : O.K. Est-ce que c'est un peu pour ça aussi qu'à votre recommandation suivante, la 9, là, vous proposez un moratoire, là, sur le développement de normes et de règlements qui visent à donner un cadre d'autorisation en présence de milieux humides ou hydriques, là? Donc, autrement dit...

M. Boutin (Stephen) : C'est une conséquence où, finalement, il y a beaucoup d'initiatives municipales aujourd'hui qui sont prises, qu'il y en a qui sont bonnes, d'autres, plus discutables, et qui fait en sorte que les gens veulent s'en sortir. Le fait que les délais sont plus longs aujourd'hui fait en sorte que ça stimule les gens à aider, je dirais, les promoteurs, constructeurs à essayer d'avancer, mais les initiatives qui sont prises ne sont pas toujours en lien avec les attentes qu'on pourrait avoir, c'est-à-dire de traiter sur le même pied les projets en tant que tels.

M. Gaudreault : Donc, vous dites : Jusqu'à l'adoption d'une vaste réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement en fonction des travaux qu'on vient d'amorcer, il devrait y avoir un moratoire, autant du côté du ministère de l'Environnement que des Affaires municipales, sur les nouvelles normes. Donc, on garderait celles... on gèlerait, d'une certaine manière, celles qui sont déjà en application, puis là on attendrait que la nouvelle loi soit en vigueur avant d'aller plus loin avec des nouvelles normes.

M. Boutin (Stephen) : On parlait tantôt de l'application, justement, de ces règles-là, où, finalement, la loi provinciale a préséance par rapport aux initiatives municipales. L'important, c'est qu'il y a des initiatives municipales actuellement, je pense, qui sont positives. Je pense qu'il ne faut pas renier ça et les mettre de côté. Il y en a d'autres qui sont plus discutables. Notamment, ceux qui vont charger en extra de ce que le ministère va demander, je pense que ça peut être discutable. C'est ce qu'on veut mentionner.

Donc, on ne veut pas freiner les élans pour les gens qui veulent être aidants et collaborer au niveau des villes et municipalités, mais en même temps on veut s'assurer qu'il n'y ait pas d'exagération, parce qu'il y en a qui voient peut-être, je dirais, une opportunité.

M. Gaudreault : O.K. Bon. Alors, merci. Le président m'indique que mon temps est quasi terminé. Donc, merci beaucoup de votre présence ici. Ou, si vous avez un petit mot pour compléter, monsieur... Oui.

M. Bouchard (Richard) : Oui, en fonction de la recommandation n° 8, où qu'on disait : «Évaluer les allègements possibles du processus en fonction des caractéristiques environnementales du site concerné...» Elle fait référence également à la recommandation n° 11, dans laquelle on dit : «Favoriser immédiatement un meilleur accompagnement des demandeurs, notamment par des rencontres de démarrage et de travail sur le terrain — avec le ministère de l'Environnement.» Dans cette optique-là : si on chemine en équipe, tout le monde ensemble. Je vous remercie.

Le Président (M. Reid) : On a compris le message. Merci. Alors, je passe maintenant la parole au député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci. Bonjour à tous. Merci de votre présence. Peut-être, si vous voulez continuer sur ce point-là, sur la recommandation 11 pour les rencontres de démarrage, si vous avez d'autres commentaires...

M. Bouchard (Richard) : Dans cette optique-là, l'idée, c'est si on revenait à la façon dont on procédait avant 2006‑2007, où qu'avec le ministère de l'Environnement, dans les différentes directions régionales, où c'est une équipe qui se fait... tu as une équipe avec le promoteur, avec les consultants et le personnel de la fonction publique, et, de cette façon-là, lorsqu'on rencontre tout le monde sur le terrain dès le départ, on voit et on peut déterminer les grandes lignes directrices du projet en termes d'enjeux environnementaux. Il reste des éléments à raffiner, évidemment, mais ça permet, déjà dès le départ, de clarifier si on va traiter des éléments au niveau de la faune, de la flore ou au niveau hydrique ou d'acceptabilité sociale de par la connaissance de tout le monde qui est mise en commun lors d'une visite sur le terrain. C'est une façon de démarrer le projet pas en termes de positionnement, mais en termes de connaissances et d'orientation générale du projet.

M. Jolin-Barrette : ...travailler en collaboration. C'est le message que je comprends de votre organisme.

M. Bouchard (Richard) : Différemment que celle qui se fait actuellement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis ce qu'on constate aussi à la lecture de votre mémoire, c'est la nécessité de connaître la prévisibilité, d'avoir un cadre clair au niveau des attentes du ministère puis des normes.

Mais je reviens sur vos recommandations 8 et 9 au niveau de la législation qui a été développée, la réglementation municipale, tout ça. Ce qu'on entend beaucoup, c'est qu'avec les gouvernements les municipalités vont devenir des gouvernements de proximité. Le gouvernement a déjà annoncé dans le cadre qu'il est en train de négocier... le collègue des Affaires municipales souhaitait peut-être donner davantage de responsabilités. Comment vous voyez ça, le fait que les municipalités pourraient s'occuper davantage du domaine de l'environnement?

Mme Tremblay (Jessica) : Dans la mesure où on a un cadre clair qui est déterminé par le gouvernement par réglementation, on n'a aucun problème à ce que la municipalité puisse prendre plus de place, mais il ne faut pas un chevauchement des deux. Il faut avoir un cadre en premier lieu et que la municipalité ensuite puisse appliquer ce cadre-là par le biais de réglementation municipale.

• (15 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Donc, vous ne voudriez pas que, par la Loi des compétences municipales, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on donne un certain pouvoir en matière environnementale... bien, pas discrétionnaire, mais une habilité législative aux municipalités. Vous voulez vraiment que ça provienne du ministère de l'Environnement et que la ville ne soit qu'un exécutant réglementaire, si je peux dire.

Mme Tremblay (Jessica) : Je crois qu'actuellement on a un grave problème avec le pouvoir discrétionnaire dans tout ce qui est milieu humide. Donc, il nous faut en premier lieu venir mettre un régime clair, et, ensuite de ça, on pourra revoir les pouvoirs qui sont donnés aux municipalités, mais il faut faire le premier travail.

M. Boutin (Stephen) : Peut-être, juste pour préciser, mettre une petite clarté sur cet élément-là. Ce qui est important, c'est que le processus soit clair, indépendamment de qui va donner l'autorisation. Si on prend l'exemple, par exemple, des permis de conduire, c'est clair, aujourd'hui, si vous respectez telle règle, vous vous rendez à une société de l'assurance automobile, vous avez votre permis de conduire. Aujourd'hui, ce processus-là est tellement clair qu'on pourrait donner cette démarche-là à... n'importe quel organisme pourrait le faire. Aujourd'hui, on n'est pas en contrôle du processus d'autorisation au point de vue que ça soit aussi clair que ça, donc de chevaucher des demandeurs pour l'instant, c'est un petit peu tôt, mais qu'après ça qu'il y ait des... je dirais, des pouvoirs délégués lorsque le processus sera clair. Je ne pense pas qu'il y ait là un enjeu... là, il y a des enjeux, là, budgétaires, etc., mais, au niveau du principe, il n'y a pas vraiment d'enjeu.

M. Simard (François-William) : Et, si je peux me permettre également... J'étais à la Fédération des chambres de commerce avant, et on tenait le même discours, exactement le même discours. L'élément le plus important pour permettre qu'il y ait un développement, c'est vraiment la prévisibilité. Et, si on en arrive à laisser un certain pouvoir aux municipalités, on reconnaît la légitimité et la volonté des municipalités de vouloir intervenir sur différents dossiers, dont l'environnement, et c'est tout à fait normal. Par contre, si on laisse place à de multitudes réglementations qui peuvent varier d'une municipalité à l'autre parce que les balises provinciales ne sont pas suffisamment claires, suffisamment fortes, c'est là qu'on va arriver avec des disparités importantes selon la région où il y aura du développement. Et ça, c'est vraiment important. Il faut qu'il y ait prévisibilité mais également une certaine uniformité. Sans que tout soit exactement pareil, il faut qu'il y ait une certaine uniformité, et c'est pour ça qu'on dit : Prévoyez des balises qui vont être fortes et, oui, permettez que les municipalités peuvent avoir une certaine patinoire, si je peux dire, mais il faut que ce soit prévu clairement, comment qu'elle se définit, justement, cette patinoire-là.

M. Bouchard (Richard) : Et j'amènerais un complément d'information : juste la notion de bassin versant. Lorsqu'on discute avec une direction régionale, le lien de discuter d'un bassin versant est de loin beaucoup plus approprié que de discuter avec certaines municipalités qui sont très petites en termes de superficie à l'intérieur du bassin versant versus l'impact potentiel qu'on pourrait avoir en aval avec le projet qu'on réaliserait.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez mentionné, durant le processus d'autorisation, que vous ne souhaitiez pas que les documents soient divulgués publiquement, mais qu'ils le soient uniquement à la fin, parce que vous disiez tout à l'heure que, bon, bien, au cours d'un projet, il peut y avoir plusieurs modifications et on ne souhaite pas notamment divulguer ces documents-là. Quelle est votre crainte de divulguer les documents aux différentes étapes? Parce qu'ultimement le processus va s'enclencher. Le projet va se développer. Mais est-ce que c'est parce que vous ne souhaitez pas de contestation citoyenne dans le cadre d'un projet de développement immobilier, supposons, ou vous voulez que ça soit vraiment clair : Bon, bien, à la fin, le projet va être celui-ci, et on donne l'information à partir du moment où tout est canné, si je peux dire?

M. Boutin (Stephen) : Oui. Effectivement, vous avez raison, parce que, toute l'acceptabilité d'un projet, on travaille actuellement... les membres travaillent avec les villes et municipalités pour s'assurer justement que les citoyens qui vont recevoir ce projet-là soient contents et heureux de le faire.

Maintenant, lorsqu'on travaille spécifiquement le volet environnemental, de le faire durant le processus, je vous dirais, c'est un peu laborieux. C'est déjà laborieux pour les gens qui sont impliqués, imaginez-vous si on rajoute des gens pour lesquels on va être obligés de donner de l'information et revenir sur de l'information, leur expliquer pourquoi on a changé, etc. Je pense qu'on n'y gagne pas. On va y gagner à la fin, de donner cette information-là. Les gens vont être capables de comprendre comment on a fait le projet et de bonifier, comme on disait tantôt, les prochains projets. Donc, c'est un peu dans cette optique-là.

M. Jolin-Barrette : Mais pour vos...

Le Président (M. Reid) : Merci. Le temps est écoulé. Alors, madame, messieurs, merci de votre contribution à nos travaux.

Je suspends la séance pour quelques instants et j'invite le Barreau à prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 44)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Reid) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Barreau du Québec. Vous avez une dizaine de minutes pour nous faire part de votre point de vue, et par la suite nous aurons une période d'échange. Je vous demande, s'il vous plaît, de commencer par vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc) : Alors, merci, M. le Président. Mon nom est Marc Sauvé, je suis le directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec. Et je suis accompagné, pour la présentation du Barreau, de Me Jean Piette, qui préside le comité du Barreau sur le droit de l'environnement depuis 25 ans. Il est connu comme Barabbas dans la Passion, dans le milieu de l'environnement, et est considéré comme un des pères de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le Barreau remercie la commission pour cette opportunité qui lui est faite de présenter ses observations et commentaires au sujet du livre vert sur la modernisation du régime québécois d'autorisation environnementale. Les objectifs du Barreau sont d'assurer la sécurité juridique des justiciables, la prévisibilité de la règle de droit et ainsi que la protection du public par un régime juridique adéquat de protection de l'environnement.

Je cède la parole à Me Piette pour la présentation du mémoire du Barreau.

M. Piette (Jean) : Alors, bonjour, M. le Président, MM. et Mmes membres de la commission parlementaire des transports et de l'environnement. Il me fait plaisir de vous présenter le mémoire du Barreau du Québec sur le livre vert déposé par le ministre David Heurtel au sujet du régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Comme mon collègue Me Barreau l'a souligné, le Barreau est un organisme qui a été constitué pour assurer la protection du public. Le Barreau réunit des membres qui représentent et défendent tous les acteurs de la société civile à l'égard des questions d'environnement comme à l'égard de toute autre question qui intéresse notre société. Le Barreau est attaché au respect de la règle de droit et au respect des libertés fondamentales et des principes qui régissent la vie dans une société démocratique.

Le droit de l'environnement est un droit qui fait largement appel à l'intervention de l'État, qui est le gardien de l'intérêt public et qui est chargé de développer et de mettre de l'avant des politiques publiques et des règles qui doivent traduire une vision de ce que devrait être la qualité de l'environnement à laquelle les citoyens du Québec ont droit. Ces règles et ces politiques publiques font appel aux individus, aux entreprises, aux municipalités et même aux ministères et aux sociétés de l'État, qui doivent respecter ces règles et contribuer à atteindre les objectifs des politiques publiques mises de l'avant par les dirigeants politiques élus par la population. Le défi est de taille. Comment concilier la qualité de l'environnement, les aspirations des citoyens en ce qui concerne les questions d'environnement et la présence même de l'être humain... en fait, la présence de plus en plus d'êtres humains sur notre territoire et leurs activités économiques, qui sont créatrices de richesse pour notre société et qui sont essentielles pour assurer le bien-être et la qualité de vie de ces citoyens?

• (15 h 50) •

La communauté internationale a, au cours des années, développé un certain nombre de règles et de principes qui visent à encadrer les rapports entre l'homme et l'environnement. C'est ainsi que sont nées les règles, ou principes, du droit international de l'environnement, dont certaines, comme le principe de prévention, ont été codifiées dans la loi québécoise sur le développement durable. Les États de la communauté internationale ont traduit ce principe, ce principe dit de prévention, par des régimes d'autorisation préalable et des régimes d'évaluation environnementale. En fait, c'est la façon par excellence dont les États ont traduit le principe de prévention — comme je vous dis, qui est d'abord, à l'origine, un principe de droit international de l'environnement — comment ils l'ont traduit dans leur droit national. Or, c'est précisément là les sujets qui sont visés par le livre vert du ministre.

Le Barreau n'a pas pour mission de s'immiscer dans les choix politiques des personnes qui sont élues pour gouverner. Par contre, le Barreau a toujours tenu au respect de certaines préoccupations, notamment le balisement des pouvoirs discrétionnaires, la prévisibilité et la raisonnabilité des systèmes de délivrance de permis environnementaux.

Dans son livre vert, le ministre dit que le régime d'autorisation environnementale en vigueur depuis 1972 s'est alourdi et complexifié au gré des nombreuses modifications législatives apportées au cours des 43 dernières années et des différentes interprétations qui en ont été faites par les fonctionnaires, d'une part, et par les tribunaux, d'autre part. Le Barreau prend acte et est d'accord avec l'intention exprimée par le ministre d'unifier, de clarifier et de simplifier ce régime d'autorisation environnementale. Le Barreau considère qu'un régime d'autorisation environnementale doit être convivial et crédible pour les justiciables, il doit s'articuler autour de délais raisonnables, il doit offrir une sécurité juridique aux détenteurs des autorisations et offrir des recours raisonnables aux demandeurs d'autorisation qui peuvent être frustrés dans une demande.

Alors, c'est dans cet esprit que le Barreau a procédé à sa réflexion sur le régime québécois d'autorisation environnementale et que nous vous présentons notre mémoire sur ce sujet, mémoire qui vous a été distribué vendredi dernier, je crois. Alors, voilà, c'était ma présentation à ce moment-ci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant à la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, maître; bonjour, maître. Merci beaucoup pour votre présentation ainsi que votre mémoire, votre participation à nos travaux.

Sur la question de transparence, d'accessibilité aux informations qui sont fournies dans le processus d'évaluation, si je comprends bien votre mémoire, vous parlez du fait que le Barreau est d'avis que les renseignements d'intérêt public devraient être rendus accessibles mais, en même temps, il faut essayer de concilier ça, si je comprends bien votre position, avec la protection de renseignements de nature commerciale. Alors, concrètement, parce qu'on pourrait dire tout de suite que les renseignements d'intérêt public peuvent aussi couvrir des renseignements de nature commerciale, il serait d'intérêt public de connaître ces renseignements-là dans certains cas, alors, comment réconcilier ces deux concepts-là dans un objectif d'acceptabilité sociale qui est maintenant une composante essentielle de n'importe quel projet, la nécessité que nous avons aussi en matière de délai de pouvoir rendre le plus d'informations possible... la rendre accessible puis de la rendre accessible le plus tôt possible pour permettre un processus qui se déroule bien et aussi dans un objectif de nécessité d'agir en toute transparence?

M. Piette (Jean) : Effectivement, la question que vous posez est très pertinente, on parle de renseignements d'intérêt public. Il est évident que les choses qui sont d'intérêt public, ce sont généralement des choses qui touchent les ressources ou les éléments qui appartiennent... ou qui sont utilisés par le public, par exemple les éléments qui touchent la qualité de l'air, qui touchent la qualité des eaux, qui touchent la qualité des sols, qui touchent donc tout ce qui touche à l'environnement. Ces éléments-là, nous semble-t-il, sont des éléments d'intérêt public. Et, quand une entreprise a des impacts qui touchent toutes ces composantes de l'environnement, bien ces éléments-là devraient être des éléments d'intérêt public.

Maintenant, qu'est-ce qui est d'intérêt non public, d'intérêt privé? Alors, il est évident que, quand il est question d'entreprises privées, il y a des... ce sont des entreprises qui sont en concurrence les unes avec les autres, il y a des renseignements commerciaux effectivement, il y a des secrets d'entreprise, il y a des choses, comme par exemple... prenons les plans et devis de construction d'un établissement industriel ou commercial. Ça, ce sont des choses qui sont d'intérêt privé. Le public n'a pas d'affaire à savoir comment s'articulent le fonctionnement et l'aménagement intérieur d'une raffinerie de pétrole ou d'une usine de fabrication de pâtes et papiers. Ça, ce sont des renseignements qui concernent l'entreprise. Mais, quand on parle d'impact de cette entreprise à l'extérieur de son terrain, d'impact sur les ressources, comme je vous dis, utilisées, respirées ou bues par l'homme ou sur la nature, là on tombe dans les choses qui sont d'intérêt public.

Alors, c'est un petit peu la distinction, je crois, qu'il faut faire et c'est la distinction que les tribunaux ont tendance à faire respecter. La jurisprudence, par exemple, de la Commission d'accès à l'information protège et a protégé des informations de nature confidentielle et considérées comme étant confidentielles par les entreprises. La commission a dit : Non, ce sont des informations confidentielles, et la commission a protégé cette confidentialité. Alors, je crois que la Commission d'accès à l'information a rendu plusieurs décisions qui font assez bien la distinction entre ce qui est d'intérêt public et ce qui est d'intérêt privé et qui doit être conservé comme étant confidentiel pour des raisons de sécurité, pour des raisons de concurrence entre entreprises, et autres raisons commerciales.

M. Heurtel : Une des préoccupations aussi par rapport à la divulgation de ces renseignements, si on vous suit dans la notion d'intérêt public, c'est le moment de divulgation. On a beaucoup de demandes, au ministère, dans les processus d'évaluation, relatives au fait que l'information, elle n'est pas nécessairement rendue publique en temps utile pour favoriser justement... plus particulièrement si on regarde dans un contexte d'évaluation de l'article 31.1, mais dans d'autres cas également. Nous, ce qu'on voit comme piste, c'est, justement le plus tôt possible, rendre le plus d'informations publiques possible par rapport à ça plutôt que d'avoir ça juste avant une période d'audiences publiques, par exemple, ou peu de temps après qu'une demande de certificat d'autorisation soit autorisée ou pas, là, ou après que tout le processus soit fait.

Alors, nous, si on proposait d'arriver beaucoup plus en amont, quelle serait votre réaction à ça?

M. Piette (Jean) : Dans une perspective de débat démocratique, effectivement la divulgation d'informations relatives à un projet le plus en amont possible est quelque chose de tout à fait concevable et souhaitable. Et d'ailleurs, quand on regarde les processus d'évaluation environnementale dans d'autres pays du monde, des pays industrialisés, ou les provinces canadiennes, ou aux États-Unis, on se rend compte qu'il y a effectivement beaucoup d'informations qui sont diffusées au départ. On n'attend pas, par exemple, le déclenchement d'une audience publique pour diffuser toute cette information. Alors, on pourrait facilement concevoir — et c'est la position qu'on a prise dans notre mémoire — qu'au moment où il y a un avis de projet de déposé, avant que la directive d'étude d'impact ne soit émise par le ministre, à ce moment-là il y ait davantage d'informations qui soient rendues publiques, peut-être sur le site Internet du ministère, pour susciter des commentaires, des suggestions. On parle toujours d'informations de nature quand même... puis d'intérêt public, qu'on se parle, là. On ne parle pas de choses qui sont de nature confidentielle. Mais des informations de nature environnementale devraient... enfin, on pense que c'est tout à fait souhaitable que ce soit diffusé de façon hâtive dans le processus, avant même que la directive d'étude d'impact ne soit émise à l'endroit de l'initiateur du projet.

M. Heurtel : J'aimerais approfondir maintenant la notion de fractionnement de projet. Alors, ça, c'est quelque chose qu'on voit beaucoup dans certains cas d'évaluation environnementale où ce qu'on voit, c'est qu'un promoteur va, disons, diviser son projet en plusieurs plus petits projets pour éviter d'être assujetti à des procédures d'évaluation environnementale, parce que les plus petits projets sont sous les seuils. Alors, il y a toute la notion d'activité principale, d'activité accessoire.

Alors, sur ce cas-là, j'aimerais bien avoir vos idées sur comment, législativement parlant, on pourrait mieux encadrer cette pratique-là pour s'assurer que des projets qui normalement devraient être assujettis le soient et qu'on évite ou qu'on limite le plus possible le recours à cette tactique, mettons.

• (16 heures) •

M. Piette (Jean) : Oui. Ce n'est pas facile de répondre à cette question-là. Il est évident qu'une distinction qu'on doit faire, c'est : on doit parler de projets qui relèvent d'un même initiateur de projet. Par exemple, on peut imaginer un projet minier ou autre qui est, donc, conçu par une entreprise minière mais qui va peut-être entraîner la construction d'une ligne de transport d'énergie électrique ou la construction d'une voie d'accès par route qui vont relever d'autres promoteurs, d'un ministère, d'une municipalité ou d'une société d'État, ou que sais-je.

Il est évident que le promoteur du projet va assumer les responsabilités et les défis qui concernent le projet qui relève de lui. Les autres projets, disons, accessoires à ceux-là, s'ils relèvent d'autres promoteurs, s'ils sont en deçà des seuils d'assujettissement, devraient-ils être inclus dans le projet principal? Je pense qu'on peut en douter, que ce soit... parce qu'à ce moment-là on se trouve à faire échec à l'intention du législateur, qui assujettit certains projets à la procédure, mais il dit, par exemple — je prends un exemple, là — que les lignes de transport d'énergie électrique inférieure à tant de kilowatts, elles n'y sont pas assujetties. Alors, si on les assujettit automatiquement, on se trouve à faire par la bande ce qui ne respecte pas la volonté du législateur délégué qui a dit dans le règlement : Les projets de moins de 750 kV ou 315 kV, eux, ne sont pas assujettis. Alors, c'est peut-être une nuance, là, que je... ou une distinction, là, que je pense qu'on peut faire, là, à ce stade-ci.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Vous mentionnez aussi que le Barreau est favorable à une approche fondée sur les objectifs et non sur les moyens employés. Une des problématiques qu'on retrouve à l'intérieur de ce débat-là, c'est la robustesse d'un système qui ne serait... En le faisant de votre façon dont vous décrivez ici, on ne peut pas évaluer, si on veut, la robustesse de ce système-là. Pourriez-vous nous clarifier un peu votre texte ici?

M. Piette (Jean) : Bon. Moi, je pense que dans ce domaine-là il ne faut pas agir de façon trop dogmatique. La façon qu'on pense qu'on doit privilégier, que le ministère devrait privilégier, c'est effectivement les résultats que vont donner les différentes technologies mises de l'avant par les différents promoteurs, par les différents industriels, et autres. On s'attend à un résultat environnemental, à des rejets qui ne dépasseront pas, dans l'eau, dans l'air ou dans le sol, tel niveau, tel autre. Le promoteur est tenu à atteindre ces résultats-là, mais il a le choix des moyens pour le faire. Il est évident que, si, après cinq ans, son système n'est pas assez robuste et qu'il a une défaillance, qu'il ne respecte pas la norme à laquelle il s'est engagé ou qu'il doit respecter, bien c'est lui qui va être pénalisé lui-même, puisqu'il va faire face à des sanctions qui pourraient aller jusqu'à l'interruption de son projet.

Alors, moi, je pense qu'en insistant sur les objectifs à atteindre, sur le résultat, en d'autres mots, au bout du tuyau, il y a un gros incitatif pour le promoteur à prendre les moyens requis pour respecter ces résultats, surtout s'il y a des suivis à faire, des vérifications à faire à toutes les années, à tous les deux ans ou à tous les six mois, selon le cas, pour s'assurer du respect des normes. Bien, je pense qu'il y a là autant d'éléments d'incitation à avoir les systèmes avec la robustesse requise et qui sont entretenus de façon correcte pour que ça donne le résultat attendu année après année.

M. Bolduc : Merci. Vous mentionnez aussi que la lutte contre les changements climatiques doit être évaluée de façon globale et non projet par projet. Ici, il y a une espèce de risque. Par exemple, si c'est du gaz naturel qui vient du Dakota du Nord, est-ce qu'on doit considérer l'impact en amont, dans une région étrangère ou dans un autre environnement, de cet impact-là sur nos activités d'un projet x, y?

M. Piette (Jean) : Autre très belle question et qui est inhérente à toute la problématique des changements climatiques.

La problématique des changements climatiques, c'est une problématique d'envergure planétaire. C'est l'effet global de toutes les émissions de gaz carbonique des 195 pays de la planète qui produisent les changements climatiques. Ce n'est pas un phénomène régional, ce n'est pas un phénomène continental ou national, c'est planétaire.

Le problème qu'on a, c'est que les niveaux de conscientisation et les niveaux de volonté d'action sur cette planète Terre, ils sont très inégalement répartis, parce que c'est la souveraineté de l'État qui est la règle. Il y a 190 ou 195 États nationaux avec des systèmes de droit différents, des États, des systèmes démocratiques différents ou, dans certains cas, non démocratiques, des niveaux d'éducation et de conscientisation de la population extrêmement variables et des niveaux de développement économique et matériel extrêmement variables. Alors, c'est extrêmement difficile d'ajuster tous ces 195 joueurs là et de les faire jouer dans un même concert et de les faire avancer ensemble.

Alors là, on est pris avec ça aujourd'hui et on regarde tous les efforts de la communauté internationale depuis les 25 dernières années. Ils demandent aux États d'agir parce qu'on est dans une règle où c'est la souveraineté de l'État qui prime. Donc, la souveraineté des 195 États doit être respectée. Il faut donc demander à tout le monde de participer à cet effort-là, et puis on a beaucoup de difficultés à s'ajuster. Puis, quand on fait des calculs de bilan d'émissions, on fait tout ça par État national, et là il y a des endroits où on est plus conscientisé, on fait des gros efforts, il y a d'autres endroits où le niveau de conscientisation ou de développement économique n'est pas là, bien les efforts ne se font pas. Et, si on se met à dire : Bien, il ne faut absolument pas que nos émissions augmentent ici, bien on peut se trouver dans des situations où ici on pourrait augmenter nos émissions de 1 million de tonnes au Québec, et l'effet induit de cette augmentation de 1 million de tonnes au Québec pour une industrie particulière qui a un niveau de production puis un niveau d'intensité particuliers va faire en sorte que cette usine-là va remplacer trois usines ailleurs qui, elles, émettent 3 millions de tonnes de gaz carbonique. Alors donc, 1 million de tonnes va pouvoir remplacer 3 millions de tonnes de gaz carbonique. Le désavantage de ça, c'est que ça augmente le bilan du Québec de 1 million de tonnes, mais, à l'échelle planétaire, il y a un avantage parce qu'on va couper 2 ou 3 millions de tonnes ailleurs, et le bilan global, le bilan planétaire, va être positif. Mais, au Québec, ou en Ontario, ou l'endroit où il y aura cette augmentation de 1 million de tonnes, parce qu'on a une industrie qui est plus performante qui respecte des meilleures règles d'intensité, donc qui produit moins de gaz carbonique par tonne de matières produites, bien, à ce moment-là, on se trouve à se pénaliser.

Alors, on est là devant un problème, un problème sérieux, puis nous, on dit dans notre mémoire : Bien, il faut faire attention à la façon dont on impose des obligations de changements climatiques à nos entreprises québécoises. Je pense que tout le monde doit faire un effort. Par contre, cet effort-là doit être raisonnable. On insiste sur le terme «raisonnabilité». Puis on a notre système de plafonnement et d'échange ici, au Québec, les 25 kilotonnes et plus sont assujetties à ce régime-là, c'est un choix de société qui a été fait, et tous les partis politiques, le Parti québécois autant que le Parti libéral et toutes les autres formations politiques ont toujours appuyé cette approche-là parce que ça reflète une sorte de consensus social au Québec.

Alors, on veut l'avoir, ce système-là, on fait un gros effort ici. Par contre, il faut éviter non plus de se tirer dans le pied de façon indue en nuisant, de façon, je dis bien, indue, à notre développement économique. Il faut qu'on cherche à trouver notre épingle du jeu et jusqu'à...

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Piette (Jean) : O.K. D'accord.

Le Président (M. Reid) : Oui. Alors, on va continuer avec les questions de l'opposition. Je passe la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Merci, MM. Piette et Sauvé, d'être ici aujourd'hui. Je voudrais vous entendre davantage sur les évaluations environnementales stratégiques, qui font quand même l'objet d'une portion importante du livre vert. Le ministre propose d'intégrer des dispositions dans une législation pour encadrer, selon certains critères, l'évaluation et l'examen des stratégies, donc encadrer législativement, là, les EES. C'est à la page 22 du livre vert.

De votre côté, vous dites, quant aux évaluations environnementales stratégiques... vous dites qu'une reconnaissance législative est souhaitable, mais les modalités de déroulement de celles-ci pourraient être fixées par arrêté ministériel dans chaque cas. Alors, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur les évaluations environnementales stratégiques et ce que vous nous suggérez de faire quant à l'encadrement législatif de ça, parce qu'on dirait que vous dites oui à un encadrement législatif, mais garder une certaine marge de manoeuvre à la pièce. Je ne sais pas si je comprends mal votre mémoire.

• (16 h 10) •

M. Piette (Jean) : Bon. Quand on parle d'évaluations environnementales dans le cadre du livre vert ou d'une façon générale, on parle de deux cas d'application, soit des évaluations environnementales qui se font sur des projets qui sont proposés par des initiateurs de projet ou encore cet autre concept d'évaluation environnementale qu'on appelle l'évaluation environnementale stratégique, où, là, ce n'est pas le promoteur qui dépose un projet, mais c'est plutôt les autorités environnementales ou gouvernementales qui se disent : Il y a une problématique environnementale émergente dans tel ou tel domaine, il y a des préoccupations qui sont évoquées à gauche et à droite, et nous, on pense qu'il y aurait lieu de jeter un regard plus large, non pas un regard ponctuel sur un projet particulier, mais sur une filière particulière ou sur une problématique. Ça peut être sur l'exploitation de la forêt boréale au Québec, ça peut être sur l'exploitation des gaz de schiste, ça peut être sur l'exploitation de certains types de gisement minier ou certains types d'agriculture. Alors, il peut y avoir toutes sortes de problématiques économiques qui méritent un regard plus large, et, à ce moment-là, donc, il y a une initiative qui vient non pas du promoteur, qui peut être peut-être suscitée par certains promoteurs, mais l'initiative est prise par le gouvernement qui dit : Moi, je pense qu'il y a une problématique suffisamment importante et préoccupante, on veut avoir cette préoccupation large, on veut avoir un grand débat social là-dessus... social, environnemental, et économique, alors donc on déclenche une évaluation environnementale stratégique sur tel ou tel type de projet ou filière, ou problématique environnementale, ou problématique économique, ou autres. C'est une initiative de l'État.

Maintenant, dans la Loi sur la qualité de l'environnement, c'est une loi qui vise beaucoup les initiateurs de projet, les gens qui vont mettre de l'avant des projets qui vont perturber l'environnement. Alors, on pense, nous, qu'avoir un régime élaboré comme celui des articles 31.1 à 31.9 actuels, qui pourrait être modifié, là, selon des nouvelles modalités... mais, en fait, avoir un type qui s'applique à ça, c'est important d'avoir ça, que ça soit bien encadré, parce que ce sont des initiateurs de projet qui vont être assujettis à ça, et les citoyens vont avoir des droits d'accès, d'information puis de participation puis de s'exprimer, etc. Mais, à côté de ça, les évaluations environnementales stratégiques, à cause du fait que c'est une initiative du gouvernement ou du ministre... bien, en tout cas, je pense que ça peut être le gouvernement ou le ministre... que, là, on pense que ça devrait être reconnu qu'effectivement le ministre a le pouvoir de lancer ces évaluations environnementales stratégiques, ce qui n'existe pas dans la loi actuelle.

À l'heure actuelle, le ministre utilise l'article 6.3 de la loi, qui est un article qui permet de confier certains mandats ad hoc au BAPE. Là, on reconnaîtrait le concept d'évaluation environnementale stratégique officiellement dans la loi, on donnerait le pouvoir au gouvernement d'en déclencher et on dirait : Les modalités de fonctionnement de cette évaluation-là seraient fixées par arrêté ministériel, et là, donc, la durée de l'évaluation, qui interviendrait, à quel moment le BAPE va-t-il être effectivement l'instrument... on peut prévoir que c'est toujours le BAPE qui va intervenir comme étant l'organisme d'audiences publiques, on peut prévoir un certain nombre de modalités comme celles-là, mais on pense que le ministre devrait, dans son arrêté ministériel, prescrire ces modalités-là. Ça ne doit pas être dans la loi elle-même. Ça permet de la flexibilité, ça permet d'adapter, entre autres, l'évaluation environnementale stratégique et ses paramètres d'évolution au problème à gérer. Ça peut être, des fois, un problème régional, un problème rien qu'en Gaspésie ou rien que dans le Nord-Est du Québec, ou que sais-je. Alors, moi, je pense que ça donne plus de flexibilité.

Et puis il faut prévoir l'autre chose aussi, c'est que, s'il y a eu un grand débat social pendant six mois ou un an, ou un an et demi, ou deux ans sur une question donnée, une fois que le débat a eu lieu, le gouvernement va prendre des décisions. Il est élu pour prendre des décisions, lui. Puis, s'il dit : Oui, nous, on est favorables à cette filière-là, etc., bien là il va falloir trouver une façon d'éviter de reprendre le même débat une deuxième fois lors de la procédure d'évaluation environnementale classique, qui devrait peut-être s'appliquer, ou d'une autre évaluation. Il faut, en d'autres mots, si on a vidé les questions et les enjeux au moment de l'EES, trouver un mécanisme pour que ça soit prévu au niveau de l'étape de la délivrance des certificats d'autorisation.

M. Gaudreault : Oui. Je vous amène sur un autre sujet, là. Je ne peux pas avoir le Barreau devant mois sans poser la question sur la compétence constitutionnelle en matière d'environnement, qui n'était pas prévue évidemment lors de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, en 1867, et qui pose un certain nombre de questions très d'actualité. Qui, en bout de ligne, décide de l'autorisation de projets comme PipeLines TransCanada, comme Belledune, comme les rénovations ou les aménagements sur le port de Québec, par exemple, qui est de compétence fédérale?

Est-ce que vous pensez que le livre vert devrait aborder de front cette question-là en affirmant que seul et seulement le Québec peut et doit prendre les décisions en ce qui concerne des projets qui ont un impact en matière d'environnement sur son territoire?

M. Piette (Jean) : Deux commentaires. D'abord, la Cour suprême du Canada est intervenue à plusieurs reprises au cours du dernier quart de siècle pour établir comment se répartissaient les compétences constitutionnelles en matière d'environnement, puisque la Loi constitutionnelle de 1867 n'a pas effectivement attribué l'environnement à l'un ou à l'autre niveau de gouvernement. Et la Cour suprême a dit que l'environnement, c'est un accessoire des compétences constitutionnelles attribuées aux deux ordres de gouvernement dans la Loi constitutionnelle de 1867. C'est ce qu'a dit la Cour suprême.

Nous, comme Barreau, vous comprendrez qu'on représente souvent toutes sortes d'intérêts. S'il y a des débats présentement devant les tribunaux sur ces questions-là, comme tel, on n'est pas en mesure de vous donner des opinions juridiques, là, à ce moment-ci, donc je vais m'abstenir d'aller au-delà de ce que la Cour suprême a déjà décidé dans l'arrêt Oldman River, par exemple, qui est certainement l'arrêt-phare de la répartition de la compétence constitutionnelle en matière d'environnement.

M. Gaudreault : Il me reste un peu de temps? Oui. Mais la Cour suprême est quand même sensible aussi aux initiatives du législateur qui visent à clarifier ces questions constitutionnelles, donc, à un moment donné, il faut aussi... et c'est, je pense, le rôle du législateur de faire un pas de plus pour justement clarifier ce qui n'est pas ou moins clair sur le plan strictement de l'interprétation de la Loi constitutionnelle de 1867.

Est-ce que vous pensez, considérant le nombre d'enjeux qui se multiplient et qui interpellent justement le gouvernement du Québec à cet égard et le gouvernement canadien, qu'il ne devrait pas y avoir une clarification ou, à tout le moins, un geste posé clair de la part d'un gouvernement québécois?

M. Piette (Jean) : Ce que je peux dire, c'est qu'il n'appartient pas évidemment au législateur d'un ordre de gouvernement de légiférer par une de ses propres lois sur le partage des compétences constitutionnelles entre les deux ordres de gouvernement au Canada. Alors, ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement du Québec ne peuvent unilatéralement décider du partage des compétences constitutionnelles, et une loi à cet égard ne pourrait pas avoir grand effet.

M. Gaudreault : En tout cas, elle se retrouverait en Cour suprême, selon vous.

M. Piette (Jean) : C'est évident. C'est la Cour suprême qui est l'arbitre ultime de ce que dit la Constitution et qui interprète la Loi constitutionnelle de 1867 et les lois constitutionnelles qui l'ont suivie. C'est la Cour suprême qui est l'arbitre final, et la Cour suprême a souvent dit que des lois fédérales étaient anticonstitutionnelles et que des lois de province étaient également anticonstitutionnelles. Alors donc...

M. Gaudreault : ...du Québec aurait certainement des prétentions à faire valoir pour dire qu'en matière de ressources naturelles, en matière de transport, d'affaires municipales, qui sont des compétences clairement, par exemple, de nature provinciale... en vertu du principe que vous avez évoqué tout à l'heure, en matière d'environnement, le gouvernement du Québec devrait, en bout de ligne, certainement avoir aussi, en vertu du principe de subsidiarité, le dernier mot.

Le Président (M. Reid) : Le temps est terminé. Vous avez un commentaire? Il faudrait que ce soient quelques secondes à peine.

Une voix : Pardon?

Le Président (M. Reid) : Si vous avez un commentaire, il faudrait se limiter à quelques secondes, parce que le temps est terminé.

M. Piette (Jean) : Simplement que ce sont des prétentions effectivement que le gouvernement du Québec exprime régulièrement devant tous les tribunaux judiciaires et même les tribunaux quasi judiciaires quand il est question de partage des compétences constitutionnelles.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas.

• (16 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Merci. Bonjour, Me Piette. Bonjour, Me Sauvé. Merci pour votre contribution.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous entendre sur la question de l'accès à la justice en matière environnementale, parce que souvent, dans le cadre de débats qui touchent la Loi sur la qualité de l'environnement ou dans le cadre de débats constitutionnels sur l'autorisation à être donnée, ce sont des groupes environnementaux bénéficiant de peu de ressources qui saisissent les tribunaux. Donc, j'aimerais connaître le point de vue du Barreau par rapport à ce domaine de droit qui est en évolution, parce qu'on voit de plus en plus de groupes qui saisissent les tribunaux.

M. Piette (Jean) : Le Barreau comme tel n'a pas réfléchi ou ne s'est pas penché sur cette question-là, à savoir le financement, par exemple, et les recours par les citoyens. On sait qu'il existe des programmes de financement au ministère de la Justice, par exemple, pour les recours collectifs, par exemple, il y a un fonds d'aide aux recours collectifs qui existe. Je sais qu'auparavant le gouvernement fédéral donnait des subventions à des organismes pour des contestations judiciaires, mais, comme tel, le Barreau ne s'est pas penché, ne s'est pas prononcé à savoir s'il favorisait une approche plutôt qu'une autre approche en matière de financement de recours des citoyens dans le domaine de l'environnement.

M. Jolin-Barrette : O.K. En matière environnementale, puis c'est le cas dans l'application de l'ensemble de la législation québécoise, vous conviendrez avec moi que l'important, c'est l'équité devant la loi, l'égalité, puis le Barreau est là pour protéger l'intérêt public, devant la loi, de tous et chacun, et, dans le fond, le régime qui est prévu par la Loi sur la qualité de l'environnement, il doit s'appliquer à tous.

On a eu un cas, à la dernière session, où le gouvernement est intervenu de façon directe avec une législation particulière afin de soustraire à l'autorité des tribunaux et au processus judiciaire entamé une industrie pour décréter quel régime, dans le cadre de la Loi sur la qualité de l'environnement, s'appliquait. Est-ce que le Barreau a des commentaires par rapport à une telle action du gouvernement au niveau de soutenir la règle de droit?

M. Piette (Jean) : Bon. Le Barreau ne s'est pas penché sur ce projet de loi en particulier, de sorte que je ne peux pas aujourd'hui exprimer un avis sur le projet de loi en question.

M. Jolin-Barrette : Et, au niveau du processus pour les justiciables, dans le fond, parce que c'est une loi d'intérêt public, la Loi sur la qualité de l'environnement, est-ce qu'un traitement particulier devrait être donné lorsqu'il y a une contestation ou lorsque la loi est contestée?

M. Piette (Jean) : Un traitement en particulier?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, est-ce qu'on devrait respecter l'autorité des tribunaux lorsque les tribunaux sont saisis d'un projet de loi...

M. Piette (Jean) : Bien, normalement...

M. Jolin-Barrette : ...d'une contestation, d'une contestation?

M. Piette (Jean) : Effectivement, disons, le Barreau a toujours été préoccupé par le respect de l'autorité des tribunaux, a toujours invité l'Assemblée nationale à respecter... et tous les intervenants de la société, à respecter l'autorité des tribunaux. Alors, c'est la position que le Barreau a exprimée déjà, même devant cette commission parlementaire et d'autres commissions parlementaires de cette Assemblée nationale, à l'égard de projets de loi particuliers qui portaient sur des jugements rendus par les tribunaux judiciaires, notamment par la Cour supérieure du Québec.

M. Jolin-Barrette : O.K. À la page 5 de votre mémoire, vous traitez de la question de la frivolité, vous donnez l'exemple du Code de procédure civile où une requête peut être rejetée pour question de frivolité ou dans la loi ontarienne sur les évaluations environnementales.

Est-ce que vous pouvez définir un petit peu plus ce que vous entendez par la frivolité en matière d'environnement, de la Loi sur la qualité de l'environnement puis comment ça pourrait être abordé, comment ça pourrait être traité puis l'élargissement du pouvoir que vous envisagez?

M. Piette (Jean) : Effectivement, la notion de frivolité est une notion qui s'est posée dans le cadre de la reconnaissance du droit à une audience publique. On remonte ici au projet de loi 69 en 1978. Le ministre de l'époque avait dit... à la commande qu'il avait posée, il a dit : Je veux que notre loi québécoise reconnaisse un droit à l'audience publique, on veut que les citoyens soient titulaires de ce droit de demander une audience publique quand il y a un projet, là, qui les préoccupe.

Quand on a approfondi cette chose-là, on s'est rendu compte que, oui, le droit, c'est bien beau dans l'absolu, c'est un droit qui est souhaitable; par contre, dans la pratique, on s'est dit : S'il y a une personne qui s'oppose à un projet qui intéresse des milliers d'autres personnes, est-ce que cette personne-là va pouvoir, elle, exiger une audience publique pour écouter son problème personnel à lui? Et on s'est rendu compte qu'il fallait mettre un peu plus de souplesse dans cette question de la reconnaissance du droit à l'audience publique, et la petite porte qui a été ouverte, c'est la porte de la frivolité, qui est une porte qu'on trouve dans le Code de procédure civile, qu'on trouve également dans la loi ontarienne sur les évaluations environnementales.

Au Québec, on a pris... puis il y a d'autres lois provinciales et des lois d'États américains aussi qui le prévoient, on dit que, quand une demande est frivole ou vexatoire... On a gardé la porte de la frivolité comme petite porte ouverte dans la loi québécoise. Dans la loi ontarienne, ils y ont été beaucoup large que ça, ils ont dit : Si la demande est frivole ou pour toute autre raison jugée bonne par le ministre. Alors, on voit, là, que c'est la discrétion totale et qu'il n'y a pas de véritable droit à une audience publique en Ontario, alors qu'au Québec on reconnaît le droit à l'audience publique et une petite porte qui est ouverte, la porte de la frivolité, et c'est un petit peu cette porte-là qui a permis au ministère de mettre de l'avant la procédure de médiation où on demandait au Bureau d'audiences publiques d'agir un peu comme médiateur pour trouver une solution qui répondrait aux préoccupations véhiculées par ce demandeur unique ou ces deux, trois personnes qui demandent une audience publique, et puis, en pratique, ça a permis de régler beaucoup de problèmes et d'éviter de déclencher une grande procédure qui va durer au moins quatre mois, qui va mobiliser beaucoup de ressources pour peut-être rien qu'un petit problème qui peut être réglé de façon beaucoup plus simple. Alors, en pratique, c'est ce qui s'est fait.

Puis là la proposition du ministre, c'est de dire : On voudrait reconnaître même législativement cette option de la médiation dans la mesure où la partie demanderesse accepte une médiation et puis qu'on trouve une médiation qui va permettre de résoudre le problème local ou le problème individuel qui est soulevé par quelqu'un qui voudrait demander une audience publique et mettre en branle la grande procédure d'audiences publiques.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup, Me Piette et Me Sauvé, de votre contribution à nos travaux.

Je lève la séance pendant quelques instants pour permettre à nos prochains invités, le Centre québécois du droit de l'environnement, de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 27)

(Reprise à 16 h 29)

Le Président (M. Reid) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation et, par la suite, nous aurons une période d'échange. Je vous demanderais de commencer par vous présenter et ainsi que présenter les personnes qui vous accompagnent. À vous la parole.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

M. Bélanger (Michel) : Bonjour, M. le Président. Bonjour, messieurs mesdames, membres de la commission. Mon nom est Michel Bélanger, je suis président du Centre québécois du droit de l'environnement. Je suis accompagné aujourd'hui de Jean Baril, administrateur, et Mario Denis, membre du comité de travail qui a planché sur le mémoire qu'on vous a présenté.

Le thème abordé par le livre vert est probablement un des plus importants, et c'est ce qui a justifié l'ampleur du travail qu'on y a mis. On a réuni, autour d'une même table, outre les administrateurs du centre, des professeurs de quatre universités, également deux juristes, deux avocats procureurs, qui cumulent à eux deux 40 années au sein du ministère de l'Environnement, dont Mario Denis, qui était légiste au ministère.

• (16 h 30) •

D'entrée de jeu, je voudrais simplement souligner — on ne repassera pas, là, les recommandations qu'on fait — peut-être quelques thèmes. En introduction, on rappelle un élément très important qui devrait inspirer les travaux du ministère sur l'éventuelle loi. Ce dont il est question ici, le régime d'autorisation, découle principalement d'une mécanique de la loi en général, mécanique à l'intérieur de laquelle il y a probablement un des principes cardinaux... cardinal, en fait, qui est d'accorder à tout citoyen un droit à l'environnement. On s'est étonnés un peu de ne pas le voir en introduction du projet de loi, parce que c'est majeur. Et on n'a pas dans la loi un droit à l'autorisation. Alors, beaucoup de demandes qui vont être faites par beaucoup d'usagers du ministère, c'est-à-dire des clients, ceux qui demandent des permis, c'est une chose, mais le seul droit qui existe, c'est le droit à la protection de l'environnement, donné aux citoyens, 19.1 et 46.1 de la charte. On n'a pas beaucoup de droits dans la charte qui sont reconnus à toute personne, et celui-là, il l'est. Et chacun de ces droits-là sont balisés par différentes mesures, puis probablement que la plus importante mesure, ce sont les autorisations qui sont délivrées par le ministre. Et donc, à chaque autorisation délivrée, donc ce dont il est question ici, on enlève un peu du droit qui a été conféré par la charte et en introduction à la Loi sur la qualité de l'environnement, d'où les recommandations importantes qu'on fait en termes de transparence, d'égalité et de traitement au niveau des droits, là-dedans et de participation des citoyens, parce que ce sont leurs droits qu'on retire à chaque fois qu'on émet une autorisation comme ça.

Donc, je vais, d'entrée de jeu, laisser la parole à Jean Baril, qui va aborder certains aspects plus particuliers.

M. Baril (Jean) : Oui. Merci. Merci de l'invitation. On a remis un volumineux mémoire, volumineux parce qu'il touche le coeur de la mission du Centre québécois du droit de l'environnement. Je voudrais rappeler aux parlementaires — tantôt, on a parlé de droit international de l'environnement — la Déclaration de Rio, de 1992. Son principe 10 dit que la meilleure façon de protéger l'environnement, c'est de permettre l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement, trois piliers fondamentaux. Et c'est rare qu'en droit international on dise «la meilleure façon». On ne dit pas «une des bonnes façons», on a insisté. Et, en Europe, la déclaration d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement a rendu ces principes-là contraignants pour plus de 47 pays qui l'ont ratifiée ainsi que l'Union européenne.

Nous, notre angle d'approche du livre vert, c'est d'essayer de retrouver ces trois principes-là, développés par le droit international, dans les modifications. Et certaines sont nécessaires. On reconnaît des avancées dans le livre vert, mais, particulièrement sur la question de l'accès de l'information, ça nous semble assez timide. Je vais vous épargner l'ensemble des recommandations, on en a beaucoup, mais, si je veux, particulièrement sur l'accès à l'information, en montrer une principale, ce serait d'avoir une... et qui n'est pas mentionnée au livre vert, une définition d'«information environnementale» comme il existe dans le code de l'environnement français, comme il existe dans une directive européenne et comme il existe dans la déclaration d'Aarhus. Dans notre mémoire, vous pouvez retrouver cette définition. Et tout renseignement, tout document qui tombe sous le coup de cette définition-là doit — et c'est ça, les enseignements du droit international — être rendu public sans nécessiter de faire une demande d'accès à l'information. Ça réglerait plusieurs problèmes qui ne sont pas mentionnés au livre vert, malheureusement. Mais en 1978, quand on a donné le droit à la qualité de l'environnement pour qu'il soit assuré, on a créé deux dispositions dans la loi : les articles 118.4.5, 118.5 sur les contaminants et sur le registre des autorisations. Et, pendant toute la décennie des années 80, au Québec, les citoyens, les groupes, tout le monde, on avait le droit d'accéder à l'ensemble des autorisations environnementales qui étaient mentionnées au décret d'autorisation ainsi que sur les documents qui sont mentionnés dans un décret d'autorisation.

Dans toute la décennie des années 80, c'était la position du ministère, c'était la position de la Commission d'accès à l'information. L'ensemble des citoyens québécois avaient accès à la totalité des renseignements qui concernaient les contaminants, qui étaient remis au ministère avant même qu'ils soient émis. C'était l'application du principe de prévention. Si on a des renseignements sur les contaminations seulement une fois qu'on est contaminé, on est très loin du principe de prévention, dont il a été fait mention tantôt. Donc, ça, c'était très beau pendant la première décennie des années 80, mais en 1990, sans que le législateur change quoi que ce soit à ces dispositions-là, il y a eu des décisions des tribunaux administratifs qui ont fait en sorte qu'aujourd'hui on n'a plus accès à ces informations-là. Et c'est un problème grave pour les citoyens et les groupes environnementaux. Une définition d'«accès à l'information» ferait en sorte qu'on réglerait ce problème-là.

Sur la participation du public, une des recommandations principales, ce sera qu'au niveau des consultations publiques, que ce soit pour les EES particulièrement... que ce soit le BAPE qui fasse ces consultations publiques. Le BAPE est un organisme crédible reconnu qui a de l'expérience. On l'a vu, heureusement, le Québec a commencé à faire des évaluations environnementales stratégiques depuis quelques années, mais les modalités ont varié énormément. Il y a eu des organismes privés qui ont fait de la consultation, on a sous-contracté les méthodes de consultation. Nous, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait... on adhère tout à fait à l'idée du registre d'évaluation environnementale, mais que, dans tous les cas, que ce soient des évaluations environnementales stratégiques... la partie publique, la partie consultation du public, ça soit le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement qui la fasse. Sur ce, je vais laisser la parole à Michel pour compléter.

M. Bélanger (Michel) : Oui. Il y a des quelques chapitres de notre mémoire qui vont à l'extérieur un peu du cadre des recommandations ou des orientations du ministère, mais on ne pouvait faire autrement, parce que c'est fondamental.

On termine sur un des aspects qu'il nous apparaît très important pour le ministère de regarder, c'est la question du droit d'appel des autorisations. Je l'ai mentionné en introduction, à partir du moment où on reconnaît que ces autorisations-là limitent le droit à l'environnement des citoyens, c'est difficile de comprendre que, lorsque le ministre délivre une autorisation, il y a un droit d'appel prévu dans la loi mais seulement lorsque le ministre le refuse ou modifie la demande telle que formulée par le promoteur. Lorsqu'il accorde l'autorisation, donc, laquelle autorisation limite le droit des citoyens à l'environnement, ces citoyens-là n'ont pas un processus similaire dans la loi. Or, en droit, il est difficile de comprendre que, si le ministre peut se tromper en refusant un permis, il ne puisse pas se tromper en le délivrant. Et c'est ce qu'on appelle un principe de justice fondamentale ici et, si on se remet à réécrire ce chapitre-là, c'est fondamental de pouvoir rééquilibrer un peu à ce niveau-là.

La question également de la protection de la liberté d'expression des scientifiques. C'est drôle d'être obligé de le demander ou de dire que ça... et l'idée ne nous est pas venue de nous, honnêtement, l'idée nous est venue en préparation du mémoire en avril dernier, lorsqu'on a vu que les fonctionnaires fédéraux le demandaient. Et, honnêtement, les dossiers qu'on a vécus dans les derniers mois... années témoignent de la richesse, en fait, de l'expertise interne mais de la nécessité que cette expertise-là puisse s'exprimer.

On a d'autres recommandations un peu partout dans le rapport. Une chose importante au niveau de l'orientation 5, deux éléments, c'est la seule place où on a trouvé à le mettre, mais c'est une recommandation qui est transversale. Dès lors que le gouvernement veut investir des énergies dans les changements climatiques — on a parlé des milieux humides, là, on parle des espèces menacées — c'est clair qu'il faut... il va falloir s'atteler sur l'encadrement du pouvoir discrétionnaire du ministre, parce que ça, ça implique... on parle beaucoup de prévisibilité pour les promoteurs, mais ça implique que la loi effectivement balise cette discrétion-là pour les changements climatiques ou d'autres éléments, puis on le mentionne ici, en préservant les acquis que la loi donnait déjà. Et peut-être une piste de solution, on le reconnaît, difficile de mise en oeuvre mais qui est dans la Loi sur le développement durable et dont le concept est absent du livre vert, c'est la question de la capacité de support des milieux. J'écoutais quelques questions tout à l'heure, notamment comment tenir compte des changements climatiques extraterritoriaux dans le cadre d'un projet. Un des éléments, c'est, dès lors qu'on doit tenir compte de la capacité de support du milieu, le milieu, particulièrement quand on parle de changements climatiques, ça ne peut pas se limiter à l'impact sur le Québec, mais c'est une piste à explorer.

Sur ce, on va vous laisser nous poser des questions.

Le Président (M. Reid) : Bien, merci. Nous allons passer à cette période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci. Bonjour, maître. Bonjour, messieurs. Sur justement votre dernier point, les impacts cumulatifs, une question assez fondamentale qui est ressortie beaucoup lors des préconsultations qu'on a faites — d'ailleurs, je vous remercie d'y avoir participé : Comment, concrètement, dans un éventuel projet de loi, on pourrait justement s'assurer de bien évaluer, de bien considérer les impacts cumulatifs d'un projet?

M. Bélanger (Michel) : C'est une très bonne question au niveau de la mise en oeuvre. Un des éléments qu'on soumet... D'abord, ça doit s'appliquer à l'ensemble des processus d'autorisation. En fait, on ne fait pas beaucoup de nuances, nous autres, entre le processus des projets autorisés au BAPE, et tout ça, parce que les principes devraient s'appliquer, même chose pour les changements climatiques.

Donc, une des suggestions qui est faite ici, et ça vaut aussi pour le fractionnement des projets, c'est qu'il faut effectivement prévoir dans la loi un mécanisme permettant à l'autorité décisionnelle, quelle qu'elle soit, que ce soit le gouvernement sous 31.1 ou le ministère sous 22, de pouvoir «upgrader» au niveau de l'évaluation, là, un projet dont les impacts s'avéreraient plus importants, notamment au niveau des impacts cumulatifs. Autrement dit, un projet simplement soumis à 22 pourrait devoir être soumis à 31.1, le cas échéant. C'est une façon en cours de route... C'est vrai, on va vous répondre : Oui, mais la... Ça va choquer au niveau de la prévisibilité, ce genre de mesure là, mais, des fois, on se trouve devant des situations où... D'abord, la prévisibilité, c'est que la loi le prévoit. Ça, on a fait la moitié du chemin pour pouvoir annoncer les couleurs, mais il n'y a pas beaucoup d'autres mécanismes qui le permettent.

• (16 h 40) •

M. Heurtel : En tout cas... Oh! pardon. Allez-y, allez-y.

M. Denis (Mario) : En fait, oui — je suis assez d'accord avec la position de Michel — c'est le problème qu'on a, parce que vous allez avoir des listes comme on a actuellement, des listes réglementaires, pour définir des catégories de projet qui sont visées, c'est du cas par cas. Ça a le défaut de sa qualité, c'est que c'est des dispositions à caractère général et impersonnel, ce qui fait que, comme le mentionnait tout à l'heure Me Piette, les mécanismes d'intervention en environnement se doivent d'être à la fois réglementaires — c'est ce qu'on a — mais aussi et, je dirais, surtout, également, basés sur la discrétion ministérielle. Par exemple, on parlait, tout à l'heure, de la question des fractionnements, les mécanismes pour un peu parer au fractionnement.

À partir du moment où, par réglementation, on fixe des seuils d'assujettissement, on n'a pas le choix, il faut que la loi donne à quelqu'un quelque part, soit au ministre ou au gouvernement, dépendamment de la nature des projets, la possibilité, le pouvoir basé selon les circonstances, selon les caractéristiques du projet, par exemple une capacité de production qui s'approche de beaucoup du seuil d'assujettissement. Et ça, pour avoir été au ministère de nombreuses années, on a vu tellement de fois cette situation-là. Malheureusement, on n'avait pas ce mécanisme-là, ce qui fait que, comme le projet passait en dessous, même parfois assez près, c'était manifeste que c'était volontaire. Finalement, la volonté du législateur ne s'y retrouvait pas. Alors, je pense que c'est certainement un des mécanismes, d'attribuer au gouvernement... Personnellement, je favoriserais le ministre, parce que c'est lui qui est responsable de l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement. À mon avis, c'est une question qui devrait relever davantage du ministre que du gouvernement. Même si ça a pour effet de transmettre à la procédure d'évaluation environnementale, dont le résultat est une autorisation gouvernementale... je pense que ça devrait quand même incomber au ministre qui est responsable à la fois du Développement durable et de la Loi sur la qualité de l'environnement.

M. Heurtel : Merci. Un autre point. Vous parlez, dans votre mémoire, d'une procédure de tri préliminaire pour structurer les enjeux d'un projet en termes d'impact. Sur ce point-là, encore une fois, au niveau opérationnel, là, au point de vue législatif, comment ça pourrait fonctionner, cette notion-là?

M. Baril (Jean) : Bien, on pourrait donner l'exemple du Canada. Jusqu'en 2012, au moment de la modification de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ce mécanisme-là de tri existait, ce qui permettait, et c'est ça, l'objectif, là... Les mécanismes, c'est clair... et ça, on a omis de le mentionner en l'ouverture, mais on a déposé un mémoire très volumineux avec beaucoup de recommandations, mais nous, on offre notre totale collaboration au service du ministère pour poursuivre les discussions à l'ensemble des partis politiques parce que c'est quelque chose de très important et que souvent le diable se cache dans les détails, là. C'est plus facile à dire : On va tenir compte des changements climatiques, mais le trouver, c'est plus compliqué.

La question du tri préliminaire, ce qu'on appelle en anglais le «scooping», c'est un peu cette idée-là aussi, c'est de donner le pouvoir au ministre, dans certaines conditions, par exemple, comme Mario a dit tantôt, quand c'est tout près des seuils d'assujettissement, quand il y a des impacts sociaux, parce que la Loi sur la qualité de l'environnement ne tient pas compte de ça... des façons de faire en sorte qu'un projet qui passerait sous la barre des évaluations environnementales, qui ne permettrait pas des mécanismes d'information puis de participation du public, alors que les enjeux sociaux sont importants puis qu'il y a une demande sociale importante pour ça, de pouvoir le faire, ce qui au Québec... notre loi, depuis 1978, malgré toute la bonne volonté qui avait été affichée à l'époque... ça, ça n'avait pas été prévu. Et c'est clair que c'est une chose qu'on pourrait, qui... et l'intention est louable de le proposer.

M. Heurtel : Sur le BAPE, vous proposez d'élargir... Ah! vous vouliez poursuivre? Excusez-moi, je ne vous avais pas vu.

M. Denis (Mario) : Juste, M. le Président, M. le ministre, pour éclairer peut-être davantage le propos de Jean. C'est effectivement un des problèmes très importants qu'on a actuellement avec l'application de l'article 22, où le ministre doit considérer les impacts biophysiques. Mais, à partir du moment où... et ça, on l'a vécu à de nombreuses reprises, à partir du moment où il y a un problème d'acceptabilité sociale important, c'est là que le ministre est un petit peu coincé. Et l'expérience nous a révélé qu'il faudrait effectivement que le ministre, par toutes sortes... enfin, pas d'artifices, mais de mécanismes, on a... le ministre a réussi à transmettre le dossier au BAPE pour une enquête sous 6.3. Mais c'est un bricolage, disons-le, c'est un bricolage. Généralement, les promoteurs s'y prêtent. Heureusement, parce que ça pourrait être de nature à être contesté judiciairement, et je pense que, dans le cadre d'une réforme, il faudrait absolument que le ministre ait également le pouvoir, face à des impacts sociaux avérés où la population demande, veut s'exprimer, est inquiète et préoccupée... que le ministre puisse plus facilement, dans le contexte de 22, demander une consultation publique par le BAPE ou autrement.

M. Heurtel : C'est beau? Pour le BAPE, justement, vous proposez d'élargir ou de donner plus de mandats au BAPE. Justement, vous avez donné beaucoup d'exemples d'autres juridictions. Dans ce cas-ci, est-ce que vous avez d'autres exemples où, justement, un organisme de consultation publique, là, similaire au BAPE s'est fait conférer le titre d'élargissement de mandat? Si vous pouviez approfondir là-dessus... Et comment ça s'opérationnalise, également?

M. Baril (Jean) : ...je pourrais parler de la France, avec l'équivalent du BAPE, d'ailleurs, qui s'appelle la Commission nationale du débat public, qui se dit souvent... qui a été très influencée par le BAPE. Dans leurs documentations, ils mentionnent ça. Eux, on leur a accordé des pouvoirs, on appelle ça les pouvoirs de saisine, donc, de se saisir eux-mêmes de certains dossiers qui font l'objet de débats sociaux jugés majeurs par les membres de la Commission nationale de débat public, ce qui n'existe pas au Québec. Mais l'ancêtre du BAPE... avant 1978, il y avait le conseil de coopération environnementale, ça existait...

Une voix : Conseil consultatif.

M. Baril (Jean) : ...le Conseil consultatif de l'environnement — excusez, je me mélange avec l'autre — qui, lui, avait ce propre pouvoir-là de déclencher lui-même des audiences publiques, qui n'avait pas la formalité du BAPE, là, mais pour aller plus loin sur des questions, des enjeux jugés majeurs.

En France, la même chose, la Commission nationale du débat public peut être saisie par un certain nombre de parlementaires, il y a une mécanique qu'un certain nombre de parlementaires... On pourrait penser ici, par exemple, en application du principe de subsidiarité, qu'une MRC ou plusieurs MRC ensemble puissent faire une demande au ministre sur un sujet qui touche cette région-là pour qu'il y ait un examen public, une consultation publique sous la gouverne du BAPE, selon les règles de participation et d'information qui ont été élaborées par le BAPE depuis près de 35 ans, et que ça soit prévu que ça soit encadré. Ce serait prévisible, mais ça permettrait... À l'heure actuelle, tous les mandats du BAPE reposent sur vos épaules, c'est seulement vous qui pouvez donner un mandat du BAPE. C'est beaucoup de responsabilités, et il y a d'autres parlementaires... et, depuis le temps — vous avez demandé un exemple — en France, on a prévu d'autres modalités pour enclencher le travail de la Commission nationale du débat public.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour. Il me fait plaisir de discuter, puis vous avez un mémoire intéressant, beaucoup de bagages, par exemple. Mais je voudrais vous entendre sur une couple de sujets qui me rejoignent un peu. Le premier, c'est la liberté d'expression des scientifiques. Il y a, selon moi, là-dedans toutes sortes de trappes, là, puis j'aimerais comprendre ce que vous voulez dire par ce commentaire-là.

M. Bélanger (Michel) : On a cherché des exemples. D'ailleurs, chaque recommandation qu'on fait, on a tenté de trouver des exemples. Il y a deux volets possibles : il y a, en matière de relations de travail, la protection des emplois pour permettre à un fonctionnaire de pouvoir... puis ça s'applique aussi à des tiers employés, c'est une... ils ont tout le volet des relations de travail, une protection contre le congédiement pour insubordination, par exemple, dès lors que ces gens-là ont des connaissances scientifiques et qu'ils sont appelés à devoir les exprimer, donc, essayer de permettre cette expression-là; et le deuxième volet tributaire à ça, c'est la question des... dans l'intérêt public, on donne quelques exemples dont le Code civil le donne également en termes de responsabilité civile, mais c'est de permettre à quelqu'un qui a de l'information sur un enjeu d'intérêt public de pouvoir en saisir la communauté en général. Donc, c'est finalement permettre à ce que le discours scientifique puisse s'exprimer plus librement, sans contrainte.

• (16 h 50) •

M. Bolduc : Vous parlez aussi de limiter... ou le droit d'accès à l'environnement par la population ou les citoyens mais que le ministre ne travaille pas sur cet élément-là mais travaille à délivrer des permis qui, eux, limitent l'accès à l'environnement. Toute activité anthropique, selon moi, limite l'accès à l'environnement ou l'affecte d'une forme ou de l'autre. J'aimerais ça que vous éclaircissiez un peu ce que vous dites dans cet état de fait là.

M. Bélanger (Michel) : Bien, c'est-à-dire que c'est un principe juridique qu'on pose. C'est que, dans la charte, il y a une mesure qui dit : Toute personne a droit à un environnement dans la mesure prévue par la loi. La loi, c'est la Loi sur la qualité de l'environnement. On a le même principe à l'article 19.1 : Toute personne a droit à l'environnement, dans la mesure prévue par les différentes autorisations. Et ce qu'on dit simplement, c'est qu'à partir du moment où ce principe-là est posé dans deux textes de loi, dont un très fondamental qui est la charte, ça devrait être en toile de fond de toute cette procédure-là d'autorisation.

Donc, autrement dit, lorsqu'on dit dans notre mémoire que, lorsqu'une demande d'autorisation est déposée, que cette demande-là soit faite à l'insu même des gens qui vont découvrir qu'on est en train de porter atteinte au droit qu'on leur a concédé dès lors que le bulldozer va débarquer... parce qu'à l'heure actuelle, tout projet sous 22, il n'y a aucune prépublicité qui est donnée. Donc, autrement dit, tu te trouves à la dernière minute à... Si tu veux défendre ton droit parce que tu estimes que tu aurais voulu être entendu sur cet enjeu-là, bien tu es obligé de prendre une injonction en catastrophe, et la balance des inconvénients... et là tout déboule. C'est des choses qu'on a vécues dernièrement. Et y compris pour la transparence... Donc, du début du processus jusqu'à la fin, dès lors qu'on a comme souci que ce qu'on est en train de faire maintenant, ce n'est pas de limiter les promoteurs dans le droit de développer, c'est de limiter les gens dans le droit de protéger la qualité de leur environnement... Et c'est un paradigme qu'on doit avoir en... Oui, vous avez raison. Dès lors qu'on pollue, on est en train... Mais, quand on pollue, c'est que c'est un privilège qui est donné à quelqu'un parce qu'en matière civile... On va faire un parallèle : deux voisins ont chacun le droit d'être propriétaires chez eux, donc toute la question des troubles de voisinage... Mais la fiction juridique, c'est : Moi, je suis chez moi, j'ai le droit de faire ce que je veux chez moi. Dès lors que je prends de l'air et que, cet air-là, je le souille et que je le libère, mon voisin à côté, qui, lui, a le droit au même air, lui, il peut se plaindre que : Tu m'enlèves une partie de mon droit à l'environnement ici. Et ce même droit là est balisé par des permis.

Alors, c'est un rôle extrêmement important que le ministre a dès lors qu'il émet autant de permis qu'il peut émettre. Je ne dis pas que c'est un tort, mais c'est que la procédure dans laquelle ça s'insère doit permettre aux gens aussi à qui on a donné des droits de défendre ce droit-là, dans l'hypothèse où effectivement il pourrait y avoir un accroc, ne serait-ce que de le connaître.

M. Baril (Jean) : Si j'ai le temps de... pour compléter sur cette question-là. L'article 19.1 est suivi par l'article 19.2, et ce n'est pas une coïncidence, c'est le droit à l'injonction qui a été accordé en 1978 pour faire respecter le droit qui est accordé à 19.1 dans la mesure des autorisations. Et ce qu'on fait, ça rejoint la question de l'accès à l'information. Si vous n'êtes pas capable de connaître le contenu des autorisations qui ont été délivrées par le ministère de l'Environnement comme municipalité, parce que ce droit-là n'existe pas pour les municipalités — vous irez en parler à de nombreuses municipalités qui se sont fait rabrouer devant la Commission d'accès à l'information — si vous n'avez pas accès aux autorisations qui ont été décidées, délivrées en toute justice, en toute bonne foi par le ministère de l'Environnement, votre droit de prendre une injonction pour faire respecter les conditions d'autorisation, ça devient un droit très, très théorique, votre droit à la qualité de l'environnement, dans la mesure des autorisations; vous n'êtes pas au courant des autorisations. Et ça, ça s'est vérifié même à la suite de projets qui ont passé devant des procédures devant le BAPE.

La rivière Magpie, il n'y a jamais personne au Québec qui a été au courant du débit réservé qui avait été accordé par le ministre de l'Environnement de l'époque sur la quantité d'eau que devait laisser s'écouler la petite centrale hydroélectrique, et ça, ça avait des impacts sociaux, parce qu'il y avait des gens qui faisaient du kayak... mais sur la faune, la flore, etc. C'est anormal. Il y avait des avis et des recommandations du BAPE sur cette question-là. Il y avait eu des engagements publics du promoteur. Quand les gens ont fait une demande d'accès à l'information, ils n'ont jamais été capables de retrouver l'autorisation sur les débits réservés parce que c'était mentionné à un document fourni par un tiers sur le certificat d'autorisation. Et les règles de la Loi sur l'accès, malheureusement, s'appliquent dans ce temps-là. Et ça, ça va à l'encontre du droit de 19.1. C'est une illustration concrète.

Le Président (M. Reid) : Merci. On a épuisé cette partie-là. Nous allons passer maintenant à l'opposition officielle. Je donne la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, je veux saluer MM. Bélanger, Baril et M. Denis, merci beaucoup de votre présence, et on reconnaît bien le CQDE, là, avec un mémoire de plus de 90 pages extrêmement fouillé en pleine période estivale. Alors, je veux vous remercier pour cet apport très, très important.

Je voudrais vous entendre davantage sur la question des impacts versus les risques parce que c'est quand même un pilier important du livre vert de faire un régime fondé sur les risques. À la page 38 de votre mémoire, vers le bas, là, vous dites : «Compte tenu de ce qui précède, il est difficile de comprendre en quoi la réforme proposée est essentielle ou porteuse de changements significatifs à l'égard du risque environnemental.» Autrement dit, vous dites : C'est déjà, au fond, sur la base du risque. Vous ne voyez pas ce que ça va changer. Et, à la page 40, oui, vous dites : «Par ailleurs — avant les recommandations, là — le recours à la notion de "risques" plutôt que "d'impacts" nous apparaît problématique, car il introduit un aspect de sensibilité moins objectif — qu'en matière d'impact — tout en s'écartant de ce que prévoit le droit international.»

Alors là, je veux être sûr de bien comprendre ce que vous nous proposez. Est-ce que vous proposez de renverser complètement la vapeur quant au fondement même du livre vert, qui est basé beaucoup sur les risques, pour davantage fouiller les impacts? Pourtant, dans le livre vert, on nous fait référence à des exemples extérieurs, là, d'autres juridictions. Et là vous faites référence au droit international. Donc, allez-y un peu plus là-dessus.

M. Bélanger (Michel) : ...morceaux. On pourrait être très honnêtes avec vous, et c'est un sujet qu'on a discuté beaucoup, puis on était partagés parce qu'on ne comprend pas ce qu'on... et d'où... Quand on dit : On souhaiterait avoir la réflexion, bon, notamment, les règlements avant mais également la mécanique qui nous amène à discriminer de l'un ou l'autre des projets, c'est qu'on comprendrait à ce moment-là qu'est-ce qui sous-tend le jugement derrière une approche plutôt que l'autre. De prime abord, on a d'importantes réserves, parce qu'on a fonctionné par impacts jusqu'à ce jour, donc par la qualification de projets en fonction des impacts. À partir du moment où ce qu'on rentre la notion de risque, on trouve que, quand on dit... ou on ajoute du subjectif, c'est qu'on est sur un autre terrain.

M. Gaudreault : ...de discrétion, autrement dit. Vous trouvez que ça laisse un peu trop place à la discrétion.

M. Bélanger (Michel) : Non. C'est-à-dire qu'on pourrait penser qu'un projet qui a beaucoup d'impacts mais qui n'entraîne pas de risque pour des usagers, ce n'est pas la... on n'aurait pas le même traitement. Le risque environnemental implique que quelqu'un se plaint d'une situation plutôt qu'un impact objectif qui est mesurable. Ça, il y a cette composante-là et qu'on pourrait éventuellement mieux comprendre par après, dès lors qu'on aurait le raisonnement qui sous-tend les risques.

M. Gaudreault : O.K. Et, ce raisonnement-là, vous déplorez qu'on ne puisse y avoir accès, au fond. Oui?

M. Denis (Mario) : Bien, en fait... si vous permettez, oui, en fait, je pense qu'on... et c'est demandé dans le mémoire, il faudrait, à tout le moins, que, parvenus à l'étape législative du projet de loi, on puisse disposer des divers projets de règlement, des propositions de réglementation et également de l'argumentaire, le justificatif, pour chacune des catégories de projet pour bien comprendre de quoi on parle, il faudrait disposer également du justificatif dans le... Parce qu'à prime abord, effectivement, on ne voit pas tellement... en tout cas, personnellement, je n'ai pas tellement compris la différence entre ce qui est proposé par rapport au système actuel, où on retrouve, je veux dire, les... et c'est énoncé dans le mémoire, là, les... à risque élevé, bon, ça correspond aux impacts importants à 31.1 et suivants; risques modérés, la catégorie résiduaire, c'est déjà ce qu'on a. On a des exclusions réglementaires de 22 pour les projets de moindre impact ou des projets qui sont déjà réglementés par d'autres législations — je pense, en milieu forestier, par exemple, ils sont exclus de l'autorisation ministérielle parce que c'est déjà couvert par d'autres législations — et finalement les risques faibles par la jurisprudence et également par une directive ministérielle, et ça, je trouve que c'est un plus, parce que, là, la directive ministérielle, c'est toujours un petit peu vasouilleux. Je m'excuse, là, mais, enfin, c'est... il y a peu... alors que, là, au moins, on va le fixer par voie réglementaire. Là-dessus, on trouve ça intéressant.

M. Bélanger (Michel) : Et ça, dans la mesure où on comprend ce qui sous-tend les listes, parce que, même les listes actuelles, il y a quand même des... on en parlait juste en s'en venant tout à l'heure, mais il y a le règlement qui exclut de l'application de l'article 22 une série de projets. Donc, on a là-dedans des barrages de castor, l'enlèvement d'un... mais on a aussi les projets immobiliers, et là on ne parle pas du tout de la même chose. Et il y a eu un jugement de valeur qui a été porté il y a quelques... il y a très, très longtemps, pourquoi on a écarté les... Alors, le jour où on va comprendre ça...

Et d'ailleurs la recommandation qu'on fait qui permettrait éventuellement de monter de catégorie... il va falloir qu'effectivement qu'on comprenne bien ce qui sous-tend chacune des catégories, ne serait-ce que pour permettre de comprendre pourquoi le ministre, éventuellement, déciderait de monter un projet d'une autre catégorie, parce que, là, on n'est plus du tout dans ce qui a justifié, au départ, de mettre ces projets-là à cet endroit-là.

• (17 heures) •

M. Gaudreault : Mais c'est quand même gros, ce que vous dites, parce que c'est une mesure importante qui est annoncée dans le livre vert, et, si vous, au CQDE, vous dites que vous n'êtes pas sûrs de bien comprendre, ça ne va pas bien.

M. Bélanger (Michel) : Bien non, mais quand on passe de... on dit, on passe de 5 000 à 3 000, là, bon... les 2 000 qu'on laisse de côté, il y a bien quelqu'un qui a fait cette réflexion-là au départ, là, on les laisse de côté pourquoi? Parce qu'ils sont trop petits, trop gros? Ils passent à un autre régime? Pourquoi passer à un autre régime sur ceux-là? Autrement dit, ce n'est pas une révolution qu'on demande, on demande juste de comprendre ce qui va sous-tendre chacune des listes.

M. Gaudreault : O.K. Et, pour comprendre ça, vous voudriez avoir, même dès maintenant, un peu plus la logique qui est derrière ça et qu'on n'a pas présentement entre les mains. Mais cette logique-là, elle serait où?

M. Denis (Mario) : Bien, la logique, j'imagine qu'au ministère... d'ailleurs, il y a eu plusieurs travaux de faits, ce n'est pas une génération spontanée. Comme le disait le ministre dans les documents rendus publics, ça repose sur un certain nombre d'études préalables auxquelles j'ai eu le bénéfice de participer, d'ailleurs, et on a déjà des listes. Ce n'est pas tout à fait dans la même approche, mais ça devrait pouvoir servir. On est certains qu'on dispose déjà, au ministère, de... on a déjà une bonne idée de ce qui devrait rentrer dans une ou l'autre des catégories, sauf que, en tout cas, on demande à voir. Et, quand on parle de déclaration de conformité, par exemple, pour certains risques plus faibles, on veut le régime actuel, qui est déjà dans la loi mais qui... il est là depuis 20 quelques années, puis ce n'est pas encore en vigueur. Moi, je sais pourquoi. Parce qu'on a essayé de le mettre en vigueur pour plusieurs types d'industrie réglementée où on n'aurait simplement qu'à déposer une déclaration de conformité.

Le problème, comme je le mentionnais tout à l'heure, la réglementation, elle a le défaut de sa qualité, c'est que, oui, il y a plusieurs activités qui se trouvent à rentrer dans les normes réglementaires, et il suffirait généralement d'une déclaration de conformité, ça pourrait aller, mais le problème... je pense, entre autres, aux carrières et sablières, le problème, c'est que, dans plusieurs situations, il y a des problématiques particulières, ce qui fait qu'on n'a pas osé aller de l'avant parce qu'on risque d'avoir trop de problèmes particuliers. Là, on est tiraillés : Est-ce qu'on va de l'avant, on n'y va pas de l'avant? J'ai hâte de voir comment le ministère va s'en... dans les prochaines listes, là, ce n'est pas évident. Par contre, dans le domaine agricole, il y a beaucoup de succès. Un avis de conformité, pour des tas de fumier ou des tas de matières fertilisantes, ça fonctionne bien.

M. Gaudreault : Donc, ça serait éclairant pour tout le monde d'avoir ces références-là avant la fin des auditions.

M. Denis (Mario) : Sûrement. J'imagine que c'est l'intention, probablement, du ministère.

M. Gaudreault : O.K. Bien, j'espère, oui. On va questionner là-dessus. Écoutez, il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais je ne peux pas faire autrement que vous questionner aussi sur la... vous étiez là tout à l'heure quand on était avec le Barreau, sur la question de la compétence québécoise en matière d'environnement. Je voudrais vous entendre un peu plus là-dessus, avec le peu de temps que nous avons, genre une minute, j'imagine.

Une voix : ...

M. Gaudreault : Oui, 1 min 30 s, là, donc... Parce que c'est des enjeux importants, TransCanada, Belledune, Port de Québec. Je vous nomme juste ces trois-là. Je veux vous entendre un peu plus.

M. Bélanger (Michel) : On l'a regardée, on regarde encore beaucoup cette question-là. Et, selon nous, oui, effectivement, il y a des problèmes, il peut y avoir des problèmes sérieux de compétence, dépendant des décisions qui pourraient être prises, mais, selon nous, il y a une compétence qui doit être assumée par le gouvernement du Québec, ne serait-ce que... Constitutionnellement, en théorie, un projet relevant du fédéral comme on l'entend relève également du provincial. Des fois, on pourrait même penser, à l'inverse, que le fédéral se permet d'évaluer des impacts qui sont strictement de compétence provinciale. Ça pourrait soulever un problème, aussi, à l'envers. On ne le voit pas souvent comme ça. Et donc, oui, il y a une place à prendre.

Là où on peut reconnaître qu'il y a une difficulté, c'est... bon, d'abord, un, au niveau de l'évaluation environnementale, ça nous semble évident que Québec doit exercer sa compétence pleinement. Quand on est rendus à la seconde étape, pour laquelle on nous dit : Vous n'avez pas d'affaire à ne rien dire, non, ça, ce n'est pas vrai. Au niveau de l'émission d'une autorisation quelconque, il y a un champ énorme qui doit être occupé. La façon de l'occuper peut être effectivement délicate dès lors qu'on... puis c'est comme ça qu'on le comprend jusqu'à maintenant, mais c'est possible aussi que ça évolue dans un avenir très prochain. Il y a même une cause... Puis c'est des sujets qui montent à la Cour suprême, vous l'avez souligné tout à l'heure, mais tu peux réglementer. Tu peux ne pas dire que ton pipeline ne passera jamais. Tu peux dire : Ton pipeline ne passera jamais ici, par contre. Ou tu peux dire : Ton pipeline devra avoir telle valve en amont de la municipalité puis à telle distance de ces... Donc, il y a un exercice qui peut être fait au niveau de la mise en oeuvre sans nécessairement bloquer la... ou l'exercice d'un projet qui relèverait, par exemple, du fédéral. Et, les terres agricoles, la façon de les protéger... Il y a une foule de sujets qui doivent être exercés par Québec.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je vais passer maintenant la parole au député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci. Bonjour à vous. Merci pour votre contribution. En lien avec la question du député de Jonquière, est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir une révision de l'entente Canada-Québec en matière environnementale?

M. Baril (Jean) : Bien, pour avoir travaillé un peu... à l'époque, j'ai eu la chance de faire mon stage de Barreau au BAPE, et c'était au moment de la négociation de la première entente Canada-Québec sur l'évaluation environnementale, entente qui a été modifiée ultérieurement, on... Il y a eu des changements involontaires, d'une certaine façon, parce que, cette entente-là, par exemple, le fameux projet Énergie Est, en 2012, avec les changements qui ont été apportés par le gouvernement Harper... on a enlevé l'évaluation des oléoducs de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. L'entente signée entre le Québec et le fédéral, c'est entre l'Agence canadienne d'évaluation environnementale... Il n'existe aucune entente entre l'Office national de l'énergie et le ministère de l'Environnement. Donc, cette entente-là, elle pourrait s'appliquer et elle devrait s'appliquer. Les projets où la compétence conjointe... et il y en a eu dans l'histoire, où on a eu des rapports, des mémoires conjoints, il y avait deux commissaires du BAPE, un commissaire de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale qui, chacun selon son partage de compétence — c'est une compétence partagée — rendait public son rapport et dans le respect des deux lois. Le texte de l'entente le dit expressément, il faut que ça respecte — et c'est normal dans un État de droit — les exigences de la loi québécoise sur la qualité de l'environnement et les exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Le problème qu'on a présentement dans l'actualité, c'est que les projets d'hydrocarbures ne relèvent plus maintenant de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Le Port de Québec est un exemple différent qui nous préoccupe grandement aussi. Mais les projets d'hydrocarbures ont été transférés en 2012 à un autre organisme fédéral : l'ONE. Donc, l'ONE n'est absolument pas lié par l'entente québécoise canado-Québec sur l'évaluation environnementale des projets.

M. Jolin-Barrette : En lien avec le BAPE, à votre recommandation 23 à la page 14, vous parlez de démocratisation au niveau du processus de nomination. Pouvez-vous nous en dire davantage?

M. Baril (Jean) : Encore là, et ça, c'est une demande de très longue date, je pense que... pas je pense, je suis convaincu, le rapport Lacoste de 1988...

Vous savez que, 10 ans après qu'on ait établi la procédure d'évaluation et d'examen, on avait mandaté un comité externe qui était présidé par le recteur Lacoste de l'Université de Montréal, rapport Lacoste qui avait émis un certain nombre de recommandations — on en reprend plusieurs dans notre mémoire — mais qui parlait déjà, après 10 ans d'expérience, du processus de nomination. Et on a vu, ces dernières années, d'un côté comme de l'autre, des nominations qui... on pouvait questionner, questionnables, et, pour nous, le CQDE, on est des partisans du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et on considère que les responsabilités de cet organisme-là nécessiteraient que ça soit l'Assemblée nationale qui nomme les gens, minimalement le président du BAPE et le vice-président du BAPE, idéalement l'ensemble des commissaires à temps complet, et qu'il y ait même des mécaniques aussi pour faire en sorte... des critères, des appels d'offres pour nommer... Parce qu'il y a beaucoup de commissions du BAPE où c'est des commissaires adjoints, qu'on appelle, et qu'on... il n'y a pas de procédure, il n'y a pas de compétence minimale exigée. Vous pouvez vous ramasser commissaire à temps plein du BAPE sans jamais avoir été commissaire à temps partiel ni même avoir aucune expérience. Et on sait que les audiences du BAPE, ça prend un certain doigté, une certaine expérience pour garder le décorum. Ce que nous envient nos petits cousins français quand ils viennent assister à des audiences du BAPE, c'est le décorum qui préside aux audiences, où ce n'est pas une foire d'empoigne.

Donc, oui, nous, on favorise que ça soit sous l'exemple un peu de l'ombudsman ou de la Commission d'accès à l'information, que ça soit une nomination de l'Assemblée nationale qui nécessiterait les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale. Donc là, on aurait des gens dont l'impartialité et la compétence seraient plus crédibles que des nominations qu'on peut souvent, à tort ou à raison, nommer de partisanes.

M. Jolin-Barrette : Et donc ça assurerait une totale indépendance du Bureau d'audiences publiques.

M. Baril (Jean) : Ça améliorerait grandement l'indépendance.

M. Jolin-Barrette : Voulez-vous rajouter? Non? J'aimerais aborder le sujet de la définition du secret commercial, où vous en traitez un peu dans votre mémoire, mais on constate qu'il y a une problématique au niveau de l'accès à l'information lorsqu'on invoque le secret commercial. Donc, pouvez-vous nous dire l'impact? Et puis, parfois, est-ce qu'il est invoqué à juste titre ou on invoque le secret commercial pour dire...

• (17 h 10) •

M. Baril (Jean) : Dans toutes les législations de la planète, la question du secret commercial ou du secret industriel fait l'objet de vastes débats et est un enjeu au niveau de l'environnement, mais, dans plusieurs des législations les plus modernes, on restreint l'utilisation du... parce qu'il y a une différence entre un renseignement de nature commerciale puis un renseignement de nature industrielle. Ce n'est pas un secret industriel ou un secret commercial.

Malheureusement, au Québec, la Commission d'accès à l'information, sur ces questions-là, a fait en sorte maintenant — et ça allait à l'encontre de ce qui avait été exprimé par les législateurs, l'ancien ministre Marcel Léger en 1978 — que c'est les entreprises qui ont le droit de veto sur les informations de nature commerciale, industrielle, financière. Tantôt, je donnais l'exemple du débit réservé. Pour l'entreprise qui a refusé de lever son veto sur ça, le débit réservé, la quantité d'eau, selon elle, c'est un renseignement de nature commerciale, parce que son compétiteur, s'il sait la quantité d'eau qu'il laisse passer, va savoir sa rentabilité. Donc, pour lui, c'est un renseignement de nature commerciale, financière, technique ou industrielle. Pourtant, l'eau, c'est une ressource commune — res communes, en droit — c'est inappropriable. Personne ne peut s'approprier de l'eau, mais, dans notre pays, on peut s'approprier de l'information sur l'eau, ce qui est une contradiction.

Et aussi, en 2009, le gouvernement de l'époque a voté une loi sur l'eau qui fait de l'eau un patrimoine commun de la nation. C'est un peu absurde, illogique que ce qui est un patrimoine commun de la nation peut être affecté dans le plus grand total des secrets. Me Piette en a parlé tantôt, par exemple, des législations au New Jersey, là. Ce n'est pas des communistes. Du moment qu'une industrie sort de son cadre à l'intérieur de l'usine... l'intérieur d'une usine, ça ne regarde pas les autorisations environnementales, mais l'air et l'eau, les sols, oui, ce qui en sort, le secret commercial ne tombe plus.

Le Président (M. Reid) : Merci de votre présentation, messieurs, merci de votre contribution à nos travaux.

Alors, je vais lever la séance pendant quelques instants pour permettre au Commissaire au développement durable de s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Reid) : Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue à nos invités du Vérificateur général et aussi le Commissaire au développement durable.

Alors, vous avez évidemment, je vous rappelle, 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange. Et je vous demanderais, Mme la vérificatrice, de commencer par... bien, vous présenter, je pense que ce n'est pas nécessaire, mais enfin présenter les gens qui vous accompagnent.

Bureau du Vérificateur général et Commissaire
au développement durable

Mme Leclerc (Guylaine) : Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, c'est avec grand plaisir que je participe à la séance concernant le document Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement, le livre vert.

Le Commissaire au développement durable, M. Jean Cinq-Mars, qui m'assiste dans l'exercice de mes responsabilités relatives à la vérification législative en matière de développement durable, m'accompagne; de même que Mme Marie-Claude Ouimet, directrice principale; Mme Caroline Rivard, directrice de vérification; M. Gérard Croteau, conseiller en développement durable; et Me Pierre Morissette, conseiller juridique.

Puisque le rapport dont nous discutons aujourd'hui résulte des travaux du Commissaire au développement durable, je lui cède, donc, la parole.

M. Cinq-Mars (Jean) : Merci, madame. Mesdames et messieurs, bonjour. À titre de Commissaire au développement durable, la protection de l'environnement fait partie intégrante de mes préoccupations. Ainsi, plusieurs éléments soulevés dans le livre vert ont fait l'objet de constats et de recommandations formulés à la suite des travaux que j'ai effectués au fil des ans. Mentionnons notamment la vérification de l'optimisation des ressources concernant la mise en application de la Loi sur la qualité de l'environnement dans le secteur industriel ainsi que celle sur le contrôle et la surveillance de l'assainissement des eaux usées municipales. Vous trouverez d'ailleurs dans l'annexe 2 du mémoire qui vous a été fourni des recommandations et des extraits de vérification contenus dans mes rapports.

J'accueille favorablement l'intention du ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques de moderniser le régime d'autorisation environnementale. Cette modernisation lui permet de privilégier une approche fondée sur le risque et un processus d'autorisation plus efficace ainsi que des façons de faire plus claires et prévisibles pour les personnes qui initient des projets. Les résultats escomptés sont l'allègement du traitement des demandes, la réduction du nombre d'autorisations délivrées annuellement et la diminution des délais qui y sont associés.

Les propositions du livre vert sont intéressantes. Cependant, il aurait été utile que le ministère s'appuie sur un bilan de l'impact sur le régime d'autorisation environnementale sur l'état de l'environnement. Or, il n'y a pas de bilan dans les rapports et les travaux qui ont alimenté les réflexions sur le livre vert. Notons que plusieurs portent sur l'allégement du processus réglementaire. Un bilan afférent au régime d'autorisation environnementale, qui est en vigueur depuis près de 40 ans, aurait apporté un éclairage sur les points forts et les lacunes du processus actuel et les éléments qui auraient avantage à être renforcés. À titre d'exemple, une étude récente du ministère établit la superficie des milieux humides qui ont été perturbés dans les basses-terres du Saint-Laurent à un peu plus de 567 kilomètres carrés au cours de la période de 1990 à 2011, soit 19 % de la superficie des milieux humides de cette région. Un bilan aurait aussi donné de l'information pertinente aux parties prenantes afin qu'elles puissent faire des commentaires sur les activités qui sont présentées par catégories de risque dans l'annexe 5 du livre vert.

Selon mes travaux de vérification, le suivi des exigences liées aux certificats d'autorisation n'est pas toujours adéquat. De même, lors de situations de non-respect des exigences, les actions du ministère n'entraînent pas systématiquement un retour rapide à la conformité. Il ne suffit pas de mener une bonne analyse en amont du projet et de formuler des exigences à remplir, il est aussi impératif de se doter de moyens et de mécanismes pour assurer leur respect. La capacité d'intervention du ministère lors de situations de non-conformité est un élément crucial pour le régime d'autorisation environnementale, cependant le livre vert n'aborde pas véritablement ces aspects.

Ce livre propose de répartir les activités en fonction de quatre catégories de risque. Pour que ce classement reflète vraiment le risque, je suggère d'y intégrer la prise en compte de la capacité du milieu récepteur à recevoir un stress environnemental additionnel. Par exemple, une activité à risque faible ou à risque négligeable pourrait être considérée comme à risque élevé si elle se réalisait à proximité d'une rivière à saumon ou dans l'habitat d'une espèce menacée. Une telle préoccupation à l'égard du milieu récepteur devrait, à mon avis, être au coeur de la modernisation du régime d'autorisation environnementale. En effet, c'est en répondant à cette préoccupation que le nouveau régime peut concrètement contribuer au développement durable.

• (17 h 20) •

Il m'apparaît important de revoir périodiquement les conditions d'autorisation liées aux activités afin que ces conditions tiennent compte des caractéristiques changeantes du milieu. Dans certains cas, des initiatives de restauration pourraient concourir à améliorer le milieu récepteur. La révision périodique contribuerait de plus à minimiser les problèmes d'équité pour les personnes qui initient de nouveaux projets par rapport à ceux qui bénéficient déjà d'autorisations pour le même milieu.

Le fait de mener des évaluations environnementales stratégiques permettant de prendre en compte les préoccupations relatives au développement durable est une avenue prometteuse. Les modalités quant à l'encadrement des évaluations environnementales stratégiques doivent toutefois être précisées. Il faudra tenir compte de la portée, l'ampleur et le moment de la réalisation de ces évaluations. De plus, le ministère devrait avoir le rôle de définir les modalités, et le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, la responsabilité de les réaliser en collaboration avec le ministère concerné.

La considération des changements climatiques dans le régime d'autorisation environnementale est une avancée du livre vert compte tenu de l'importance de cet enjeu à l'échelle planétaire et québécoise et des engagements du Québec en la matière. Le mémoire soumis à la commission présente différentes mesures pour la mitigation des gaz à effet de serre et l'adaptation aux changements climatiques. Lors de l'évaluation des activités, il est important de tenir compte de l'impact additionnel des émissions quant aux engagements que le Québec a pris. Par ailleurs, pour l'autorisation de nouvelles activités, les incidences potentielles des changements climatiques devraient être considérées, notamment la modification de l'intensité des précipitations, qui peut provoquer un dépassement des capacités des infrastructures existantes ou des écosystèmes environnants. Dans certains cas, de nouvelles infrastructures pourraient même être planifiées pour diminuer le risque associé à ces changements.

Le livre vert propose d'internaliser les coûts des autorisations environnementales en tarifant davantage les services offerts par le ministère. Je suis généralement favorable à l'idée de faire assumer les frais associés aux actes administratifs par les demandeurs plutôt que par l'ensemble de la société. Pour l'orientation du livre vert qui vise à accroître l'information disponible sur les autorisations, j'invite le législateur à être proactif. En effet, le public devrait être en mesure de connaître la nature des activités autorisées et la charge polluante qu'elles peuvent rejeter dans l'environnement selon les certificats d'autorisation. Il devrait aussi savoir quels sont les résultats des inspections effectuées par les représentants du ministère et les cas de non-conformité. Selon l'OCDE, la diffusion d'une information contribue de manière significative à promouvoir la conformité, elle augmente la probabilité de détecter les infractions, elle a un effet dissuasif et elle réduit le coût administratif des actions mises en oeuvre pour faire respecter les dispositions environnementales.

Voilà l'essentiel des constatations qui découlent de ma lecture du livre vert. Je suis maintenant disponible pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant à cette période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci. Bonjour, Mme la vérificatrice, M. le commissaire, mesdames. Merci pour le mémoire ainsi que la présentation.

J'ai une seule question : Au niveau de l'élaboration de votre rapport, est-ce que vous avez évalué les impacts financiers de vos recommandations sur les effectifs du ministère ou les besoins additionnels en financement que le ministère aurait besoin pour suivre vos recommandations?

M. Cinq-Mars (Jean) : Non, on n'a pas évalué l'impact financier pour le ministère. Habituellement, quand les ministères proposent des modifications législatives — dans certaines administrations, du moins — les ministères fournissent un aperçu de ce que ça pourrait coûter ou ce que ça pourrait exiger comme expertise additionnelle. Alors, ça, ce n'est pas un aspect qu'on a examiné.

M. Heurtel : Alors, au niveau de vos travaux, quand vous évaluez, quand vous faites des recommandations, vous ne tenez pas du tout compte de l'impact financier de vos recommandations sur le ministère.

M. Cinq-Mars (Jean) : Non.

M. Heurtel : O.K. Merci. C'est tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames messieurs. Il me fait plaisir de vous avoir ici avec nous aujourd'hui pour comprendre un peu mieux, finalement, les enjeux dont vous nous avez entretenus dans votre mémoire.

Vous dites ici qu'il y a trop peu de liens qui sont faits entre le livre vert et les processus de contrôle. Pourriez-vous élaborer un peu sur quel type de contrôle vous envisageriez par le ministère de l'Environnement pour faire du développement durable à l'intérieur de tous les ministères du gouvernement?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, lorsqu'on parle de la nécessité d'avoir un contrôle accru, c'est que, lorsqu'un  certificat d'autorisation est donné, lorsqu'on a fait, par exemple, des vérifications antérieures, on s'est aperçus que, le suivi des conditions qui étaient stipulées dans le certificat d'autorisation, il n'y avait pas un suivi, si on peut dire, assidu de la part du ministère, si bien que, si on permettait à une entreprise de rejeter telle quantité de polluants dans l'eau ou dans l'air, par exemple, le suivi pour mesurer ce qui était relâché dans l'environnement n'était pas fait de façon régulière, si bien qu'on n'avait pas d'indication si les conditions étaient respectées ou non.

Alors, c'est la raison pour laquelle on dit : C'est bien d'analyser en amont un projet, on fait des analyses vraiment approfondies, mais, lorsqu'on donne un certificat, il faudrait faire des vérifications pour s'assurer que les conditions du certificat sont respectées lorsque l'entreprise est en opération.

M. Bolduc : O.K. Vous dites aussi qu'il est préférable de tenir compte des 16 principes de développement durable mais qu'il n'apparaît pas nécessaire de légiférer là-dessus. Ça devient un peu paradoxal, parce que, si on veut que la loi soit suivie, généralement, il faut avoir une loi, là. Je voudrais entendre qu'est-ce que vous voulez dire par...

M. Cinq-Mars (Jean) : On est entièrement d'accord à renforcer la prise en compte des principes du développement durable, mais il existe déjà une loi sur le développement durable dans laquelle les principes sont écrits, sont inscrits. Alors, on estime que ce ne serait pas nécessaire d'avoir l'inscription des principes du développement durable dans la Loi sur la qualité de l'environnement, puisque la Loi sur le développement durable s'applique à l'ensemble de la fonction publique actuellement, de l'Administration. Donc, pour nous, ce n'est pas nécessaire de les répéter, finalement, dans la loi elle-même.

M. Bolduc : O.K. Donc, les recommandations qu'on a entendues aujourd'hui sur... d'inscrire, finalement, le développement durable dans le préambule est un peu caduc, selon votre perception.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, ce ne serait pas nécessaire d'inscrire les principes, de les lister de façon identique à ce qu'on retrouve dans la loi. Par contre, si la loi faisait une référence à la... dans un article liminaire, si la loi faisait une référence à la Loi sur le développement durable, c'est certain que ça serait très bien accepté. Mais on ne croit pas que ce soit exigé ou absolument nécessaire que les 16 principes soient répétés dans la loi elle-même.

M. Bolduc : Vous parlez, à la page 11 : «À eux seuls, les réseaux de la santé et des services sociaux et de l'éducation représentent 40 % du budget du gouvernement. [Et] j'en déduis que le champ d'application de la loi se limite à certaines entités, alors que seulement un peu plus de la moitié de l'enveloppe budgétaire du gouvernement leur est allouée.»

Est-ce que vous pourriez élaborer un peu sur ce commentaire-là, qui me semble un peu obscur?

M. Cinq-Mars (Jean) : O.K. C'est un commentaire que j'ai déjà fait. C'est que la loi actuellement s'applique à des ministères et des organismes mais ne s'applique pas encore au réseau de la santé ni au réseau de l'éducation. Alors, lorsque je lis qu'on veut inscrire les principes de développement durable dans la Loi sur la qualité de l'environnement, ce que je décode, c'est qu'on veut que les principes soient pris de façon encore plus rigoureuse par l'Administration. Alors, moi, j'émets le souhait — je répète, finalement, ce que j'ai souhaité l'hiver dernier — qu'on étende l'application de la Loi sur le développement durable au secteur de la santé et au secteur de l'éducation, puisqu'à eux deux ces deux secteurs consomment environ 40 % du budget.

M. Bolduc : Merci. À ce chapitre-là, je vais aller un peu plus loin avec la question, quelle est votre position à l'égard, par exemple, de soumettre aussi les organismes parapublics, par exemple les municipalités du Québec, aux principes de développement durable?

M. Cinq-Mars (Jean) : Oui. Bien, c'est une recommandation... ou une suggestion que j'avais faite également l'hiver dernier, c'est d'appliquer la Loi sur le développement durable également aux municipalités, malgré qu'il y a certaines municipalités qui se sont donné des codes de développement durable. Alors, on voit de plus en plus des municipalités adopter certains des principes qu'on a dans la Loi sur le développement durable.

M. Bolduc : O.K. À la page 17, vous mentionnez ou vous faites des références à l'agence de protection de l'environnement des États-Unis et celle de l'Ontario, qui, selon vous, sont un peu des modèles. Donc, je voudrais vous entendre là-dessus : Quels sont les éléments de ces modèles-là qu'il faudrait rapatrier ou inscrire dans notre projet de loi?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, dans ces deux organisations, on donne beaucoup plus d'informations sur les certificats d'autorisation, sur les suivis qu'on fait sur le respect des conditions des certificats d'autorisation puis dans certains cas de poursuite, par exemple. Alors, comme je le mentionnais plus tôt, lorsqu'on donne un certificat d'autorisation, on a étudié l'entreprise, on a étudié le milieu, etc., mais il faut faire un bon suivi pour s'assurer que les conditions qui sont dans le certificat soient respectées. Alors, ça fait partie, en tout cas, de certaines organisations, de l'approche de certaines organisations.

C'est de mettre ces informations-là sur un site Web pour que la population, particulièrement celle qui est affectée par les rejets de polluants dans le milieu, soit au courant de ce qui se passe, parce que finalement, quand on donne un certificat, on rejette les polluants dans l'environnement, dans l'eau, dans l'air. Alors, les gens qui demeurent, disons, en aval de ces entreprises devraient être à même de savoir si les conditions qui ont été déterminées comme étant les meilleures sont respectées. Alors, eux utilisent leur site Web pour donner cette information à leurs citoyens.

• (17 h 30) •

M. Bolduc : Merci. Vous parlez aussi de l'internalisation de vos coûts et vous parlez d'une tarification d'analyse, et le tarif payé devrait correspondre à 100 % des coûts. Est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait être un problème si on arrivait à dire : On veut faire l'implantation où il y a une demande pour des nouvelles technologies où le Québec possède peu de compétences, ce qui pourrait créer un coût exorbitant pour donner un permis à une économie qui au départ est peut-être petite, minuscule mais qui a un potentiel immense?

Donc, je voudrais vous entendre un peu là-dessus, parce qu'un peu plus loin vous parlez du principe d'augmentation du ratio d'autofinancement et de l'analyse, donc, je suis un peu mêlé là-dedans.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bon. Le principe général, c'est le principe d'utilisateur-payeur, finalement, que vous connaissez bien, alors c'est les gens qui utilisent les services publics qui, à mon avis, devraient payer pour les services qu'ils obtiennent.

Vous suggérez, là, peut-être d'avoir un régime d'exception pour une nouvelle technologie. Je vous signale qu'il y a quand même déjà des exceptions dans d'autres lois. La Loi sur la fiscalité municipale, par exemple, dispose de certaines exceptions pour des organismes à but non lucratif qui ont une vocation communautaire, par exemple. Donc, il y a moyen de trouver des accommodements. Alors, ce sera au législateur de préciser ces conditions-là. Moi, je dis : Au départ, on devrait respecter le principe de pollueur-payeur, mais, s'il y a des conditions, par exemple celle que vous mentionnez, ou s'il y a des organismes à but non lucratif qui ont des fonctions communautaires, bien on peut peut-être s'inspirer de principes qui existent déjà dans d'autres lois pour des situations particulières. Mais, de façon générale, je pense qu'on devrait viser à appliquer le principe de pollueur-payeur.

M. Bolduc : Merci. Dans le cas des municipalités, entre autres, on a eu quelques mémoires qui nous ont mentionné qu'on devrait avoir ou ne pas avoir un statut particulier pour des organismes, en fait, parapublics comme les municipalités parce qu'en les assujettissant à un coût, bien, en fait, on taxe les citoyens une deuxième fois, parce qu'on paie déjà nos employés pour faire la vérification et il y a un coût additionnel qui est chargé par la municipalité. Quelle serait votre proposition à l'égard de...

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, si, par exemple, on décidait de soustraire le paiement des tarifs à une entreprise dans une municipalité, par exemple, alors, c'est bien entendu à ce moment-là que c'est parce que l'entreprise a un rôle communautaire, elle a un rôle bénéfique pour la société. Alors, lorsqu'on permet à cette entreprise de ne pas payer les tarifs, c'est un peu comme lorsqu'on permet à une société à but non lucratif de ne pas payer les taxes, ça veut dire que l'ensemble de la communauté en bénéficie, donc, on lui permet d'avoir un régime spécial.

M. Bolduc : Une autre question, c'est : vous nous parlez, définitivement, qu'il est préférable de légiférer aux seules fins des processus d'autorisation. On parle des moyens vs les résultats. En termes de Commissaire au développement durable, qu'est-ce que vous voyez là-dedans qui est important? Est-ce qu'on devrait mettre un focus uniquement sur le résultat final ou si on ne peut pas éviter d'aller dans, si on veut, le processus lui-même?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, je pense qu'au départ il faut bien préciser quels sont les résultats qu'on vise parce que ça peut fournir de l'information ou de l'inspiration aux gens qui sont affectés par cette législation. Si on penche trop pour réglementer ou légiférer sur les moyens, on peut avoir un effet négatif sur l'innovation. Alors, moi, je pense qu'il faut avoir un équilibre entre les deux. Dans certains cas, c'est peut-être utile d'avoir une réglementation sur les moyens spécifiques. Lorsque ces moyens sont approuvés, par exemple, par l'ensemble de la communauté scientifique, par exemple, là, à ce moment-là, on peut le faire, mais par contre il faut avoir un équilibre entre les deux.

M. Bolduc : Maintenant, vous parlez aussi, jusqu'à un certain point, de la capacité des systèmes récepteurs ou des écosystèmes. Une des contraintes fondamentales, c'est que c'est parfois très difficile d'évaluer la capacité d'un système, par exemple quelle est la capacité en DBO d'une rivière, puis est-ce que la troisième, ou la quatrième, ou la cinquième usine émettrice est celle qui vraiment crée le problème ou pas. Là, ça devient un peu subjectif, ce type d'évolution là.

Est-ce qu'il y a un principe là-dedans, là, ou comment vous voyez cette gestion d'écosystème?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, l'évaluation des capacités d'un milieu récepteur, à mon avis, c'est vraiment crucial pour cette loi-ci, là, finalement. J'ai donné un exemple dans mon mémoire, un exemple qui est assez simple, par exemple, qui disait que, si on avait une usine qui s'installait à Montréal, par exemple... si l'usine s'installe, elle rencontre les normes du ministère en termes de bruit, par exemple, mais, si c'est la cinquième usine qui rencontre les normes de bruit dans le même quartier, bien peut-être que le bruit va être rendu infernal. Alors, à ce moment-là, on est capable simplement d'évaluer la somme des dB émis par l'usine pour établir si finalement le bruit est rendu infernal.

Quand on arrive dans le milieu naturel, c'est un peu la même chose. Vous donnez l'exemple, disons, de la DBO. Moi, j'ai souvent donné l'exemple, là, je me rappelle, probablement même ici : on a cinq papetières qui rencontrent toutes les normes. La sixième qui vient s'installer sur la même rivière... bien, moi, j'ai dit souvent : Finalement, on va être capable de traverser la rivière sans se mouiller les pieds, parce que finalement il faut quand même considérer la capacité. Alors, il y a des techniques pour le faire. C'est certain que, dans certains cas, c'est peut-être plus difficile que d'autres. Aussi, les milieux changent. On peut avoir un milieu qui est très fragile. J'ai donné aussi l'exemple, tout à l'heure, d'avoir des opérations sur une rivière à saumon. C'est certain qu'une rivière à saumon, c'est quand même beaucoup plus fragile qu'une rivière qu'on peut retrouver dans la plaine du Saint-Laurent, ici, entre Montréal et Québec.

Alors, il y a des moyens qui existent, c'est certain, il y a des moyens qui sont peut-être plus complexes que d'autres, mais, dans certains cas, il y a des moyens qui sont quand même accessibles.

Le Président (M. Reid) : ...

M. Bolduc : Encore du temps? O.K. Une question très fondamentale puis qui est, je dirais, globale, dans le monde de l'industrie, c'est que les entreprises qui ont, je dirais, des permis qui sont très structurés, très réglementés ont tendance à changer leurs opérations pour aller vers des produits non réglementés, O.K.? On pourrait prendre le cas du tétraéthyle de plomb qui a été changé par du MEKP ou, par exemple, les CFC, les fréons, qui ont été transférés dans des HFC qui, eux, n'étaient pas réglementés. Je vous donne ces deux exemples-là. Un, ce problème-là fait que les entreprises migrent de régions réglementées à régions non réglementées et de produits réglementés à produits non réglementés, ce qui leur donne des temps, et généralement une génération au moins, à pouvoir produire avec des produits non réglementés.

Est-ce que vous avez une perception, dans la vision du développement durable, qui nous permettrait, si on veut, de regarder comment mieux contrôler ce type de mouvement là, qui est global, qui est large, qui est, je dirais, difficile?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, mon observation par rapport à ces produits, c'est qu'il y a des produits qui deviennent réglementés. Par exemple, les CFC, à un moment donné, sont devenus réglementés parce qu'on a dit : Ils affectent la couche d'ozone. Alors, il y a eu une migration, comme vous dites, vers les HCFC. Les HCFC, à ce moment-là, c'est... ce n'est pas nécessairement qu'ils n'étaient pas réglementés, mais c'est que la communauté scientifique les considérait comme étant inoffensifs. Mais, bon, il y a de la recherche qui se fait, puis on s'aperçoit qu'à un moment donné, oh! peut-être qu'ils ne sont pas aussi inoffensifs qu'on pensait. Donc, à ce moment-là, il y a une réglementation. Alors, c'est sûr que les entreprises vont migrer vers des produits non réglementés parce que c'est plus facile, mais, parallèlement à ça, la recherche scientifique continue, on fait des tests, les impacts sur l'environnement, sur la santé humaine et on trouve des choses qu'on ne connaissait pas, alors on devient dans une position où on doit réglementer ces nouveaux produits.

Alors, il y a deux courants : c'est qu'il y a une migration de réglementer vers non réglementer, mais il y a également une recherche scientifique qui se fait, et ça nous permet à ce moment-là d'avoir une meilleure connaissance de l'impact de ces produits. Les CFC, ça a été découvert à peu près en 1937, puis, à ce moment-là, c'était un produit miracle, mais on ne savait probablement même pas à ce moment-là que la couche d'ozone existait. Alors, c'est les connaissances qu'on acquiert qui font qu'on doit prendre les mesures pour contrôler des produits qui sont maintenant considérés comme plus nocifs.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole à l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci beaucoup d'être ici, mesdames, et M. Cinq-Mars. Je voudrais vous entendre sur la question de la gestion des risques. C'est quand même assez fondamental.

Le livre vert pivote beaucoup autour de cette notion de gestion des risques en nous montrant comme bon exemple le cas de l'Ontario, alors que vous, dans les paragraphes 34 et suivants de votre mémoire, vous êtes assez critiques par rapport à l'Ontario. Entre autres, dans le paragraphe 34, vous dites que, dans son rapport 2007‑2008, le Commissaire à l'environnement de l'Ontario a fait part de ses craintes quant aux résultats obtenus par le régime des risques adopté par l'Ontario.

Dans le paragraphe 35, vous dites : «Le Commissaire à l'environnement de l'Ontario a noté que le ministère responsable de l'Environnement ne jouait pas suffisamment son rôle de gardien du processus d'évaluation environnementale, [...]qui a comme conséquence une perte de crédibilité quant à l'ensemble du processus.»

Alors, moi, ça m'a énormément interpellé, venant quand même du Commissaire au développement durable du Québec, de faire ressortir ces critiques, alors que nous, avec la présentation du livre vert, on semble s'aligner vers un régime basé sur la gestion de risques. Alors, je veux vous entendre davantage là-dessus.

• (17 h 40) •

M. Cinq-Mars (Jean) : O.K. Bien, tout d'abord, l'approche par gestion basée sur le risque, c'est une approche avec laquelle on est confortables. On a souvent cité dans nos rapports... on a fait des recommandations à l'effet que le ministère ou les ministères qui ont été vérifiés devaient prendre des approches basées sur le risque pour planifier des opérations d'inspection pour des fins de sécurité. Donc, à mon avis, c'est une bonne approche au départ. Ce que j'ai fait ici, j'ai tenté de faire ressortir les faiblesses du système qui avait été mis en place en Ontario. Je n'ai pas dit que le système en Ontario était mauvais.

J'ai un collègue en Ontario, Gordon Miller, qui était jusqu'à tout dernièrement Commissaire à l'environnement, qui a fait des études : il en a fait en 2007 et en 2008, il en a fait une autre en 2014. Alors, j'estime qu'on est quand même privilégiés d'avoir accès à ces informations. Ils ont mis un système basé sur le risque et se sont aperçus dans le cas de deux études que le système avait des failles. Donc, je pense qu'on est placés maintenant dans une position privilégiée, c'est-à-dire qu'on doit reconnaître que c'est un bon système au départ, mais il faut faire attention à certains aspects, et c'est les deux aspects ici que j'ai soulignés. Mais par contre l'approche de gestion sur une base de risque, à mon avis, c'est une bonne approche. J'ai suggéré dans mon mémoire qu'il faudrait y accoler cependant la notion capacité de support du milieu. C'est qu'on peut avoir les quatre degrés de risque tels qu'ils sont mentionnés dans le livre vert, mais, si on ne met pas à côté le milieu récepteur où va s'installer l'usine, par exemple, ça peut avoir un effet, à ce moment-là, assez néfaste. C'est-à-dire que, si on retient seulement les quatre niveaux de risque sans considérer la capacité de support du milieu, à ce moment-là, je ne crois pas qu'on va réussir à avoir un système qui va être vraiment rigoureux qui va vraiment permettre la protection de l'environnement.

M. Gaudreault : Donc, dans votre recommandation, sur la base, si on veut, de l'enseignement tiré de l'exemple de l'Ontario, vous dites oui à un système sur la gestion des risques mais modulé, si on veut, par une évaluation de l'impact potentiel, un, et, deux, de la capacité de réception du milieu.

Comment on peut, par exemple, sur la question des impacts, définir ça un peu plus tout en évitant aussi le piège du fractionnement, l'enjeu de l'impact cumulatif?

M. Cinq-Mars (Jean) : O.K. Bien, l'enjeu de l'impact cumulatif, c'est vraiment au coeur, disons, de la notion de milieu récepteur. Ici, dans le livre vert, on a quatre catégories de risque. Moi, ce que je suggère, c'est qu'on puisse mettre à côté une autre colonne qui est l'évaluation de la capacité du milieu récepteur. À ce moment-là, on est capable de voir ce qui arrive. Comme, l'exemple que je mentionnais, si on installe une usine sur une rivière dans la plaine du Saint-Laurent, une rivière qui a quand même une capacité de support assez bonne, il n'y a peut-être pas de problème. Si on installe la même usine sur une rivière à saumon, il y a peut-être des problèmes beaucoup plus aigus. Donc, il s'agit de comparer le milieu récepteur avec chacune des catégories, et ensuite on pourra prendre une décision, disons, éclairée.

Alors, c'est ce que je préconise comme système, c'est qu'on garde les quatre niveaux mais qu'on y accole à ce moment-là une colonne qui tient compte de la capacité du milieu récepteur.

M. Gaudreault : Un peu dans le même sens, au paragraphe 39 de votre mémoire, là, vous parlez de l'approche de l'évaluation environnementale allégée et, là aussi, vous vous inspirez de votre collègue de l'Ontario à l'effet que, bon, il y a peut-être eu justement des «conséquences néfastes», là, puis je pense que c'est carrément votre expression, là. Donc, pouvez-vous nous en parler aussi, de cette approche d'évaluation environnementale allégée? Qu'est-ce que vous nous suggérez, à la lumière des recommandations de votre collègue de l'Ontario, pour ne pas tomber dans le même piège?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, le livre vert allume une lumière par rapport au fractionnement, il pose une question : Comment éviter le fractionnement? C'est ce que le commissaire en Ontario a vu. C'est qu'il y a des projets qui ont été présentés, mais il y a eu du fractionnement de projets, si bien que les projets ont été considérés à un risque moins élevé qu'ils auraient dû l'être si la totalité du projet avait été évaluée.

Donc, c'est l'avertissement qu'on a ici, il faut vraiment mettre en place des mesures pour éviter qu'on fractionne les projets. À ce moment-là, on peut fractionner des projets, puis chacun des projets n'aura pas d'impact majeur, mais, pris dans sa totalité, l'impact peut quand même être important. Donc, il faut prendre des mesures pour l'éviter.

M. Gaudreault : O.K. Par exemple, un projet minier assez isolé dans le Nord mais qui doit acheminer sa matière première dans un port de mer, il faut le... il peut y avoir le promoteur du projet minier, d'une part, et, d'autre part, avoir un promoteur séparé pour le port de mer, alors là, dans ce cas-là, vous dites : Il faut avoir une vision d'ensemble, non pas juste le port puis, dans un autre silo, pour reprendre l'expression consacrée, l'exploitation de la mine comme telle.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, ça se présenterait... Par exemple, si on avait une exploitation minière à un endroit puis si on avait, un peu plus loin, la construction d'un port dédié à cette mine, bien, bien entendu, si la mine n'existait pas, le port n'existerait pas. Donc, il faudrait quand même considérer l'ensemble, puisque ça serait un projet qui ferait un tout.

M. Gaudreault : Il y a le projet d'Arianne Phosphate, là, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, qui est exactement ce type-là, là : il y a un projet minier assez isolé au lac à Paul, puis ça prend un port pour expédier la matière dans le fjord du Saguenay. Alors, votre éclairage est intéressant.

Autre élément. Je vous ramène un petit peu en avant dans votre mémoire : les paragraphes 11 et suivants sur la question des changements climatiques. Au fond, ce que je décode de vos propos, c'est que vous nous recommandez, dans le livre vert, sur la question des changements climatiques, de tenir compte des émissions de gaz à effet de serre en amont, donc pas juste sur l'exploitation d'un projet sur le territoire du Québec, mais, si c'est pour, par exemple de l'exportation de pétrole qui a été extrait ailleurs au Canada, mais là c'est de tenir... je dis ça par hasard, là... vous dites : C'est de tenir compte justement de l'émission des GES en amont du projet.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, les gaz à effet de serre sont considérés un peu équivalents à des gaz polluants, si on peut dire. Si on émettait du benzène, par exemple, c'est sûr qu'on examinerait l'ensemble des phases pour l'émission du benzène. Alors, lorsqu'on prend une approche d'examen, on prend une approche habituellement basée sur le cycle de vie, alors, on essaie d'avoir les phases antérieures pendant et après dans l'ensemble du projet.

M. Gaudreault : Sur cette question-là, sur tenir compte, par exemple, des GES en amont, est-ce que vous avez des suggestions à faire aux parlementaires sur d'autres expériences internationales, par exemple, de législation?

M. Cinq-Mars (Jean) : Pas d'autres exemples internationaux. Cependant, la considération de l'émission des GES en amont, à mon avis, peut apporter des effets bénéfiques. C'est que, lorsqu'on regarde un projet et on examine finalement le type de combustion, on peut examiner les produits, les combustibles qui sont utilisés, on est à même à ce moment-là d'intervenir puis peut-être rediriger l'entreprise vers un processus plus efficace, plus moderne qui réduirait les gaz à effet de serre. Alors, à mon avis, c'est important de les considérer au début parce qu'on peut réaligner des projets pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et respecter, bien entendu, les engagements du Québec à cet effet.

Le Président (M. Reid) : 30 secondes pour un commentaire.

M. Gaudreault : Bien, 30 secondes... Écoutez, j'aurais évidemment eu 10 000 questions, là, à vous poser, mais peut-être plus rapidement, là, en quelques secondes, sur la question de l'internalisation des coûts, êtes-vous capable de nous chiffrer un peu plus... Parce que vous parlez — je pense, c'est au paragraphe 52°, là — de votre recommandation. Êtes-vous capable de nous préciser un petit peu plus ce que vous nous suggérez? «Il serait, à mon avis, indiqué de majorer ces tarifs pour récupérer l'ensemble des coûts.»

Le Président (M. Reid) : Rapidement. Il reste quelques secondes.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, j'ai répondu un peu à cette question-là plus tôt, quand j'ai dit qu'on devrait autant que possible respecter le principe de l'utilisateur-payeur, à la suggestion que, s'il y avait une nouvelle usine avec une nouvelle technologie, il y aurait peut-être certains bénéfices. Alors, j'ai dit à ce moment-là que ça serait intéressant peut-être de s'inspirer de la Loi sur la fiscalité municipale puis peut-être prévoir des cas d'exception, mais, de façon générale, on devrait tendre à faire payer les utilisateurs du système. Mais je peux certainement concevoir qu'on puisse avoir des situations où des sociétés à but non lucratif, par exemple... ou des situations exceptionnelles où on pourrait avoir des situations d'exception.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, je passe maintenant la parole au député de Borduas.

• (17 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Merci pour votre contribution.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous poser la question — le centre québécois sur l'environnement, avant vous, avait abordé la question dans son mémoire — au niveau du droit d'appel qui est en vigueur pour... quelqu'un qui demande un certificat d'autorisation peut aller en appel de la décision du ministre, tandis que la population en général — puis on rejoint, là, les articles 19.1 et suivants — n'ont pas ce droit d'appel là. Est-ce que le Vérificateur général s'est penché sur cette question-là?

M. Cinq-Mars (Jean) : Je regrette, mais on ne s'est pas penchés sur cette question. On s'est penchés sur les autres éléments du mémoire. On s'est fiés sur le fait que le centre québécois et le Barreau étaient ici, donc on s'est fiés sur l'expertise de ces deux organisations.

M. Jolin-Barrette : Au niveau de l'internalisation des coûts, vous proposez dans le mémoire à la page 19 qu'un principe d'utilisateur-payeur... et puis la majorité des groupes qui sont venus depuis cet après-midi sont en faveur également de la notion d'utilisateur-payeur. On a entendu aussi le fait qu'il y a un organisme qui nous a mentionné, pour les organismes à but non lucratif, peut-être de ne pas charger la notion d'utilisateur-payeur parce qu'ils contribuent à la société par leur mission, et tout ça.

Est-ce que, selon l'expertise du Vérificateur général, ça se fait déjà dans certains autres domaines de l'État québécois de ne pas charger les organismes à but non lucratif qui bénéficient d'un service?

M. Cinq-Mars (Jean) : ...tout à l'heure qu'avec la Loi sur la fiscalité municipale il y a des organismes à but non lucratif dans les municipalités qui peuvent être exempts de taxes municipales lorsqu'on reconnaît finalement leur rôle communautaire. Alors, ça existe déjà. Ça existe peut-être dans d'autres lois aussi, mais je connais, disons, la situation pour la fiscalité municipale.

M. Jolin-Barrette : ...supposons...

M. Cinq-Mars (Jean) : Possiblement, là. Je ne connais pas...

M. Jolin-Barrette : ...ou religieux. O.K. Vous avez joint, dans les annexes, dans le fond, vos rapports antérieurs, tout ça.

En lien avec les différentes catégories du livre vert, vous proposez à de multiples reprises que les institutions se dotent de moyens, ou qu'elles développent des politiques, ou qu'elles développent des pratiques de gestion, des mécanismes de contrôle de qualité. Qu'est-ce qu'on entend par là? Parce que je sais que, dans de nombreuses organisations, il y a peut-être des lacunes, mais est-ce que, concrètement, en lien avec le livre vert, si on développe la Loi sur la qualité de l'environnement puis, pour les municipalités, supposons, pour l'application concrète... Tout à l'heure, je vous entendais dire : C'est important que, quand le certificat d'autorisation est émis... bien, c'est important que les critères du certificat d'autorisation soient appliqués, puis il y a peut-être parfois un manque où est-ce qu'il n'y a pas de vérification qui est faite.

Comment est-ce qu'on donne les moyens, puis quels sont ces moyens-là pour les municipalités ou pour tout autre organisme?

M. Cinq-Mars (Jean) : Ce qu'on a souligné, c'est que c'est important, lorsque, par exemple, un certificat d'autorisation est donné... c'est de faire le suivi. Donc, les ministères doivent se donner les moyens pour faire un suivi périodique en fonction du risque, bien entendu, et également de fournir l'information aux citoyens. Alors, il y a deux éléments qui nous apparaissent importants : c'est le contrôle à la suite de l'autorisation et également la reddition de comptes, c'est-à-dire, en publiant les rapports d'inspection pour informer la population. Alors, ce sont les deux aspects sur lesquels les ministères et organismes devraient se donner des moyens accrus pour faire un travail rigoureux.

M. Jolin-Barrette : Et, dans le cadre de vos audits, est-ce que vous avez constaté, dans le fond, que les certificats d'autorisation, les critères menant aux certificats d'autorisation n'étaient pas respectés... les conditions? Est-ce que ça arrive fréquemment lors des audits du Vérificateur général?

M. Cinq-Mars (Jean) : On a fait une vérification sur la Loi de la qualité de l'environnement dans le secteur industriel en 2013, et on avait noté justement qu'il y avait des suivis qui étaient lacunaires, et on a fait des recommandations au ministère. Alors, la situation actuelle, je ne peux pas vous dire ce qu'elle est, mais, à ce moment-là, on s'est aperçus que finalement il y avait certainement des améliorations à apporter au suivi au niveau des certificats d'autorisation dans le secteur industriel.

M. Jolin-Barrette : Et est-ce que c'était par un manque de personnel, de disponibilité au niveau du ministère ou c'était au niveau de l'organisation du travail?

M. Cinq-Mars (Jean) : Ce qu'on avait noté à ce moment-là, c'était que les suivis n'étaient pas faits sur une base de gestion de risques et il y avait peut-être des secteurs qui auraient dû être vérifiés plus fréquemment, puis les secteurs ne l'étaient pas. Alors, on n'a pas déterminé si c'était un manque de personnel ou un manque de ressources, mais nous, on était surtout axés sur la question, disons, de la gestion sur une base de risque.

M. Jolin-Barrette : Globalement, dans le cadre du livre vert, vous amenez plusieurs recommandations, vous analysez en détail le livre vert. Si le ministère avait à retenir trois recommandations principales qui sont les priorités du Vérificateur général et du Commissaire au développement durable, quelles sont-elles si vous pouviez les hiérarchiser?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, la première, puis celle que je considère au coeur du livre vert, c'est la considération de la capacité du milieu récepteur. Puis, comme je vous mentionnais, en considérant le milieu récepteur, on se met toujours dans une position pour donner un certificat qui correspond à la capacité du milieu à recevoir une charge additionnelle, un stress environnemental additionnel. En disant ça, je dis également dans le mémoire que ça pourrait amener le ministère à revoir les certificats périodiquement, admettons, aux 10 ans par exemple, et ça pourrait également amener la société à faire des interventions dans le milieu pour renverser la dégradation de l'environnement. Il y a des gens de Canards illimités qui sont ici, là — c'est des experts dans les milieux humides — ils font des travaux de restauration. Il pourrait y avoir des gens qui pourraient faire d'autres genres de travaux de restauration de l'environnement. Alors, si on savait qu'aux 10 ans on revoit les certificats d'autorisation, ça pourrait amener la société à améliorer l'environnement de façon à ce que les certificats qui ont déjà été donnés ne soient pas rendus plus restrictifs, finalement. Alors, ça, c'est la première question.

La question des changements climatiques est très importante. Je mentionnais qu'on doit considérer les émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie d'un projet et de façon à ce qu'on réduise nos émissions, mais également considérer les changements climatiques sur la question de l'adaptation. Sur la question de l'adaptation, je vous ai mentionné que le régime pluviométrique change énormément, si bien que nos infrastructures ne sont plus capables parfois de subir des coups d'eau. On a des inondations, on en a pratiquement à chaque mois maintenant. On en a eu plusieurs cette année. Alors, il s'agit de prévoir maintenant des nouvelles infrastructures qui vont être capables de prendre ces coups.

Il s'agit également de prendre l'opportunité de nouveaux projets pour peut-être mettre en place des infrastructures qui vont nous protéger contre des coups d'eau. Par exemple, si, dans la ville de Québec ou dans d'autres endroits au Québec, il y a des bretelles d'autoroute qui servent comme retenues d'eau, si jamais on a un coup d'eau important, des inondations importantes, ça sert à contenir l'eau puis à ralentir son écoulement dans les égouts de façon à ce que les infrastructures qui ont été bâties soient protégées. Donc, il y a moyen de faire des choses avec les nouvelles technologies.

Le Président (M. Reid) : Je dois vous arrêter, parce qu'on a déjà dépassé le temps. Alors, écoutez, merci, Mme la vérificatrice, M. le commissaire, et à toute votre équipe, pour la contribution que vous apportez à nos travaux.

Je suspends les travaux jusqu'à 19 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 19 h 2)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce soir, nous entendrons d'abord la Fédération des producteurs forestiers du Québec, suivie de l'organisme Idénergie et de l'Association des producteurs de canneberges du Québec.

Donc, bienvenue aux producteurs forestiers du Québec. Vous allez avoir 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais de vous présenter, pour commencer, et de présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.

Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ)

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : Merci. Pierre-Maurice Gagnon, président à la Fédération des producteurs forestiers du Québec. Et, j'aime bien le rappeler, vous savez, les producteurs forestiers, c'est des propriétaires privés : des tout petits puis des très grands. Ça fait que, regardez, il y a des gens dans notre organisation qui ont seulement un boisé, 40 hectares puis il y en a qui ont 100 000 acres, mais on les aime tous puis on travaille pour tout le monde. Et je suis producteur forestier à La Baie, et, si je suis président de la fédération, c'est parce que j'aime la forêt, et on aime la protéger et on travaille dans ce sens-là. Ça fait que c'est pour ça qu'on est ici aussi ce soir.

Notre fédération regroupe quand même 130 000 propriétaires de partout au Québec et regroupe 13 syndicats et associations régionales qui administrent des plans conjoints, des plans conjoints un peu comme dans le lait. Je le dis souvent, parce que les gars, ils pensent toujours qu'il y a seulement rien que dans le lait qu'il y a des plans conjoints de mise en marché et de la mise en marché collective. La superficie, je vous l'ai dit, moyenne de nos propriétés, c'est environ 40 hectares. Ça, c'est des petits. C'est-à-dire, quand je vous dis ça, on est ici ce soir parce qu'on est touchés par ça, là, la qualité de l'environnement, et c'est toujours dans ce sens-là que nos propriétaires travaillent. Vous allez dire : Des fois, ils avaient une mauvaise image, mais je pense que l'image de nos propriétaires est tellement, là... Toutes les actions qu'on pose, tous les gestes qu'on pose, c'est toujours dans le sens qu'on sait que les boisés, ça nous appartient et c'est une richesse collective. C'est dans ce sens-là qu'on travaille.

Là-dessus, je m'arrête, je vais laisser la parole à mon directeur général, Marc-André Côté, de vous faire quand même un bref résumé de notre mémoire. Je pense que vous en avez pris connaissance. On va être assez courts là-dessus. Merci.

Le Président (M. Reid) : M. Côté.

M. Côté (Marc-André) : Bonjour. J'aimerais intervenir sur trois points exprimés dans notre mémoire, là, bon, que vous avez sans doute déjà lu. Le premier point, c'est que les interventions dans les milieux naturels ne comportent pas le même risque environnemental. Par exemple, la sylviculture — nous, on pratique de la sylviculture, culture de la forêt — peut difficilement être comparée à la construction résidentielle, qui modifie à jamais la vocation des terres. Nous souscrivons donc à l'approche du livre vert qui propose un régime d'autorisation basé sur le risque environnemental.

Le deuxième point, c'est : actuellement, l'obtention d'un certificat d'autorisation est nécessaire pour les interventions sylvicoles dans toutes les catégories de milieux humides. Donc, peu importe le milieu humide ou hydrique, il faut avoir le certificat d'autorisation. Dans la majorité des cas, les propriétaires forestiers ignorent les délimitations du milieu humide sur leurs lots, ne font pas de demande de permis, s'exposent à des pénalités et doivent faire appel à un professionnel pour des interventions à faible risque environnemental, dans la majorité des cas. Nous croyons donc que les interventions sylvicoles dans les milieux arborés devraient être catégorisées à faible risque ou à risque négligeable dans la future réglementation, comme vous l'avez défini, là, dans le livre vert.

Mon troisième point, c'est que le ministère de l'Environnement gagnerait à s'allier les propriétaires forestiers et à s'allier en les renseignant sur les saines pratiques d'intervention à privilégier dans des milieux plus sensibles. Par exemple, les interventions d'hiver sur des sols gelés réduisent l'impact environnemental. En proposant des définitions ne portant pas à interprétation... actuellement, les définitions dans la loi sur les milieux humides, les milieux hydriques varient, dépendant avec qui on fait affaire sur le territoire.

Troisièmement, on devrait également maintenir le pouvoir d'administrer le régime d'autorisation au ministère. On devrait le maintenir au ministère plutôt que le transférer aux municipalités. Notre expérience, c'est que plusieurs municipalités ne disposent pas de toute l'expertise pour gérer ce type de réglementation. On pourrait s'allier les propriétaires également en réduisant les frais, les délais pour obtenir une autorisation — ce qui sera le cas si la sylviculture est associée à un risque négligeable ou faible — et en fournissant des incitatifs financiers aux propriétaires qui doivent protéger plus intensément une partie de leur propriété. Nous, on comprend qu'il y a des milieux qui méritent une surveillance qui sont moins à risque, il y en a d'autres qui méritent une protection particulière. Il faut des incitatifs pour encourager les propriétaires à les protéger. Et également, en finissant, en misant sur les conseillers forestiers visitant déjà des propriétaires forestiers. On a déjà un réseau qui visite environ 60 000 propriétaires au Québec, ça vaudrait la peine que le ministère de l'Environnement mise sur cette expertise, qui est déjà sur le terrain.

Donc, on est disponibles pour répondre à vos questions plus spécifiques sur notre mémoire. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer à la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Votre mémoire parle de mettre en place une plus grande collaboration — vous venez d'y faire référence — une plus grande collaboration entre l'industrie et le ministère particulièrement par rapport aux autorisations environnementales. J'aimerais voir si vous êtes en mesure de me donner des exemples concrets de problématiques que vos membres ont vues, ont vécues et aussi voir, quand vous parlez, bon, d'une meilleure collaboration, concrètement, ça voudrait dire quoi. Encore une fois, je cherche des exemples concrets.

M. Côté (Marc-André) : Premièrement, la majorité des propriétaires ne demandent pas de certificat d'autorisation lorsqu'ils interviennent dans les milieux humides, hydriques. Ils ignorent dans beaucoup de cas qu'ils sont dans ce type de milieu et ils ignorent leurs obligations réglementaires à cet égard, donc il y a déjà un problème. Et par ailleurs, si tout ce beau monde là décidait de faire des demandes au ministère de l'Environnement, le ministère de l'Environnement serait probablement débordé. Les interventions, dans une année, uniquement de récoltes pour l'industrie, c'est chez environ 15 000 propriétaires, par année, différents. Donc, nous, les gens qui gèrent, là, c'est leurs terres, donc ils n'ont pas un intérêt à détruire leur environnement.

Je crois qu'une première action du ministère de l'Environnement serait de bien les renseigner sur les milieux qui composent leurs propriétés. Ils ne peuvent pas protéger quelque chose dont ils ignorent l'existence. Donc, des guides de saines pratiques, des approches de saines pratiques, c'est déjà des approches qui ont été préconisées avec le ministère de l'Environnement, on était associés avec eux, mais on pense qu'il faut poursuivre ça. Ça n'empêchera jamais les garde-fous pour les contrevenants majeurs, mais on pense qu'une approche déjà de guide de saines pratiques permettrait d'établir une collaboration entre le ministère et les regroupements de propriétaires forestiers. C'est un exemple, là.

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : J'aimerais rajouter, en parlant de guide de saines pratiques — bonjour, Mme Goulet— ça fait quand même plusieurs fois qu'on en fait un, en fait, et on le distribue à tous les nouveaux propriétaires. Le guide de saines pratiques est distribué. Et, dans ce guide-là, il y a une partie qui est quand même une manière de travailler en forêt, mais le volet environnement, protéger l'environnement, installer un ponceau, n'importe quoi, traverse de cours d'eau, c'est tout indiqué là-dedans, et on s'en fait un devoir, aux nouveaux propriétaires, de leur expliquer, de le présenter lors de journées d'information. On tient beaucoup de journées d'information, beaucoup de rencontres de formation, d'activités, journées forestières, et c'est des choses qu'on fait tous les jours dans nos régions assez souvent. Dans ma région, d'ailleurs, on en fait une la semaine prochaine.

Ça fait qu'on est près de nos propriétaires là-dessus, et ce n'est pas une difficulté de leur vendre ça. Ça arrive, c'est presque automatique. Les gens, là, ils en mangent, de leurs forêts, ils mangent de leurs propriétés. Ça fait que ce n'est pas...

• (19 h 10) •

M. Côté (Marc-André) : Peut-être également pour compléter votre commentaire, M. Gagnon... Le ministère de l'Environnement n'a pas eu tendance à travailler avec tous les conseillers forestiers qu'on a sur le territoire qui vont chez les propriétaires. On a déjà un réseau, il est là, il va chez les propriétaires. Il réalise des plans d'aménagement forestier principalement, là, pour le compte, là, du ministère des Forêts aujourd'hui, mais il y aurait une logique à ce que, lorsqu'un professionnel se déplace chez quelqu'un — puis là c'est la que ça coûte quelque chose, le déplacer chez cette personne-là — il puisse vérifier ou le renseigner sur d'autres aspects qui sont couverts par un autre ministère, comme le ministère de l'Environnement.

M. Heurtel : Maintenant, au niveau des risques puis des risques négligeables ou faibles, avez-vous des exemples concrets d'activités sylvicoles qui pourraient être classifiées?

M. Côté (Marc-André) : Regardez, dans le mémoire — j'imagine que vous l'avez tous — on a mis une annexe, on a mis trois photos, et c'est trois milieux humides. Et, dans certains milieux humides, quand on pose la question, on intervient auprès d'un propriétaire puis on lui parle de milieux humides... ou même auprès de députés, ce que vous voyez, généralement, c'est un étang avec quelques arbres, donc un milieu qui est humide. Dans les définitions, ça englobe beaucoup plus large. On arrive dans des milieux qui sont forestiers mais qui sont catégorisés sur les cartes comme étant humides. Donc, vous êtes au milieu de la forêt, et on vous dirait : Vous êtes un... Puis là vous pouvez être propriétaires forestiers, là, tout le monde, M. et Mme Tout-le-monde est propriétaire forestier, on vous dirait : Vous êtes dans un milieu humide, et les gens sont un peu surpris.

Donc, nous, dans le fond, les catégories de milieux humides, il y en a quelques-unes, il y en a certaines qui sont davantage arborées, là, donc les milieux humides arborés, les tourbières arborées. Nous, on croit que, sous certaines conditions, comme par exemple les interventions d'hiver, il n'y a pas un risque environnemental, ça devrait se retrouver dans les risques faibles ou négligeables, là, à discuter lors de l'adoption du futur règlement qui va concerner ça. C'est sûr que l'idée, ce n'est pas d'intervenir dans un marais, là. Il n'y a pas de bois, mettons, dans un marais, là, qui mérite ou qui justifie une intervention, mais c'est vraiment plus au niveau, là, des tourbières arborées, des marécages arborés, qui sont des milieux qui aujourd'hui n'apparaissent pas nécessairement comme milieux humides aux profanes.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs, il me fait plaisir de vous voir ici ce soir. Écoutez, avant de se perdre dans le bois, pour ne pas dire autrement, ça vaudrait peut-être la peine de juste considérer certains éléments en regard du livre vert. Je ne sais pas si vous avez lu tout ça, là, parce que... c'est avec du bon papier, à part de ça, hein, qu'il a été fait, mais les principes de développement durable, là.

Comment vous voyez l'intégration des principes de développement durable dans la forêt au Québec?

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : Les principes de développement durable, moi, je pense que c'est un... comment je dirais bien ça?, c'est un engagement que le propriétaire doit avoir, là. Moi, c'est de même que je le vois. Puis, ce que je veux vous dire, moi, là, là, je pense que demander aux propriétaires forestiers d'être des alliés au lieu que des adversaires, là, ça, c'est très facile, c'est comme naturel. Ça fait que moi, pour moi, le principe de développement durable... Regarde, je pense bien qu'on peut dire bien des choses, là, mais ça ne serait pas si compliqué que ça pour que nous autres, on embarque avec ça, parce que c'est déjà ça, ce qu'on fait, le développement durable. Je vous dis, dans des régions comme le Saguenay—Lac-Saint-Jean... Il a parlé de la coupe en forêt, là, l'hiver, là. Moi, je parle à mes chums du Sud du Québec, qui est votre région, là, et notre barbu, André Roy, je lui dis : Regarde, nous autres, il y a beau y avoir quatre pieds de neige, on bûche l'hiver, il n'y a pas de dommage. Ça fait que, regarde, les interventions l'hiver, on les fait. Souvent, on fait ça parce que c'est naturel à nous autres.

Ça fait que, le principe de développement durable, je pense que c'est comme acquis. Il y a peut-être des choses, des fois, des écarts de conduite, puis je pense qu'il faut les encadrer. Je suis d'accord avec ça, par exemple, O.K.?

M. Côté (Marc-André) : Également, M. Bolduc, ce que je dirais, c'est que la majorité des boisés se transfèrent des parents aux enfants. Et ça, ça affecte toute la gestion que tu as d'un boisé. Donc, les pratiques que tu vas avoir sont beaucoup moins... bien, visent à préserver le milieu que tu veux transmettre à tes enfants. Donc, ça, c'est un premier élément, là, donc, la transmission se fait vraiment directement. Tu sais, on parle des générations futures dans le développement durable, bien la génération future, elle est connue du propriétaire, c'est ses enfants ou ses petits-enfants, ses neveux et nièces. Ça, c'est la première chose. Dans la majorité des cas, là, les sondages qu'on fait... près de 70 % des propriétaires visent à transmettre à leurs enfants.

La deuxièmement chose que j'ajouterais, c'est que — vous avez entendu tous les concepts de certification forestière — on parle du FSC, on parle de SFI, on a environ près de 20 % de la forêt privée qui est certifiée selon une de ces normes-là. Puis pourquoi qu'on n'en fait plus? C'est vraiment une question de demande sur les marchés, mais c'est la même gestion, là, pour le 100 %, là. On ne certifie pas le 20 % parce qu'ils sont meilleurs. C'est une gestion qui est très semblable sur le 100 %. Donc, on est capables de démontrer sur les marchés que nos pratiques répondent aux normes de développement durable.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Côte-du-Sud.

M. Morin : Salut bien. Bonjour... bien, c'est-à-dire, bonne soirée. Vous regardez le transfert des pouvoirs aux municipalités; non favorables à un transfert aux municipalités, mais, à ce que je connais, c'est les MRC qui font la réglementation, qui engagent un ingénieur forestier. Est-ce qu'au niveau de la province c'est différent de coins de pays, donc ce n'est pas les municipalités qui réglementent, mais la MRC qui fait une réglementation sur la coupe en forêt, qui, pour certains, est très contraignante; pour d'autres, c'est l'ingénieur qui est moins permissif que d'autres régions? C'est quoi, la problématique au niveau des municipalités?

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : C'est que... regardez, je vais vous amener la pratique qu'on a à vivre, là. C'est que je n'ai rien contre les municipalités, je pense que vous leur en avez donné pas mal, elles en ont pas mal à faire, là, mais ce n'est jamais facile. Quand on a affaire à une réglementation municipale, ça a beau être les MRC... puis normalement ça serait assez uniforme, là, mais ce n'est jamais uniforme. Ça fait que ce qu'on à vivre, comme propriétaires, là, c'est pas mal contraignant. Ça fait qu'on n'a rien... on est d'accord à se conformer, puis tout ça, là. Un règlement municipal, d'ailleurs, dans l'abattage qu'on a à vivre, les règlements d'abattage, tout ça, là, ce n'est pas toujours facile, là. Quand tu dis, là : Regarde, ta scie mécanique le matin... puis le camionneur va chercher ton bois, là, avant 7 heures, tu n'y vas pas, là, puis, avant telle heure, tu n'y vas pas, puis telle journée, là... Ça fait que c'est contraignant. Ça fait que, regarde, c'est un peu ça. Ça fait qu'on voulait avoir quelque chose qui est plus facile à vivre.

C'est ça, notre expérience. On n'a rien contre toute cette gang-là de maires, là, il y en a des bons au travers, là. C'est comme je dis : Dans les partis politiques, il y en a des bons, il y a du bon monde partout, mais ça serait plus facile.

M. Morin : Attention, monsieur, on a quelques maires autour de la table.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Côté (Marc-André) : Ce que je pourrais également ajouter, c'est que, quand on émet ce commentaire-là, c'est qu'on se base sur l'expérience qu'on a vécue avec les réglementations municipales qui ont été transférées par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme aux municipalités locales, et ça a amené des très bonnes réglementations et également une espèce d'abus réglementaire à certains endroits, et un précédent gouvernement avait tenté... ou, enfin, avait déposé un projet de loi pour modifier la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, et ce pouvoir-là, là, des municipalités locales de réglementer l'abattage d'arbres était transféré, dans ce projet de loi, aux MRC. Puis là c'est mort au feuilleton parce que ce gouvernement-là, dans le fond, a déclenché les élections, et le projet n'a pas été adopté.

Nous, au niveau des milieux humides puis hydriques, c'est quelque chose qui est très complexe et c'est sûr qu'il y a des municipalités qui ont de l'expertise. Mais, quand on rentre dans... vous le savez, là, dans les petites municipalités rurales, où ces choses-là vont s'appliquer, il y a moins de personnel : il y a moins de personnel pour l'appliquer, le contrôler et répondre aux questions. Puis, là-dedans, il y a tellement... Actuellement, on essaie de réduire, là, le nombre d'interprétations là. Donc, notre commentaire se base un peu sur cette expérience-là. Donc, on n'est pas contre le milieu municipal ou cet échelon-là de gouvernance, là, ce n'est pas ça, là, c'est vraiment la particularité de gérer cette réglementation-là.

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : D'ailleurs, on l'a dit à M. Richard Lehoux, qu'on ne voulait pas qu'il en prenne plus, là. Ça fait qu'on est bien francs avec, on est quand même... puis c'est du monde avec qui on travaille, là, mais on aimerait mieux que ça, ça resterait au ministère. Puis c'est important que le ministère de l'Environnement et le ministère des Forêts ils se parlent aussi, là. C'est quand même dans les mêmes gangs, ça peut être bon.

M. Morin : Oui. C'est parce que j'ai de la misère à vous suivre, parce que chez nous ce n'est pas la municipalité, c'est les MRC qui se regroupent, même deux, trois MRC, pour faire un règlement d'abattage d'arbres, et c'est appliqué par un ingénieur forestier qui est engagé par les municipalités. Mais la difficulté qu'on a, c'est que parfois l'ingénieur responsable prend acquis du règlement et, des fois, surpasse son pouvoir de réglementation. C'est ça, la problématique qu'on a. Mais là on n'est pas aux municipalités, on est à la MRC. Je comprends que, une municipalité, s'engager un ingénieur forestier puis réglementer la forêt, je ne vois pas ça de...

M. Côté (Marc-André) : ...ce pouvoir-là, il est à la municipalité. Donc, une municipalité... même si la MRC a adopté un règlement, la municipalité, un beau matin, pourrait décider... changement de conseil, pourrait décider : Je vais réglementer de façon plus sévère.

M. Morin : Il se retire. Bon, il peut se retirer de ...

M. Côté (Marc-André) : Il peut se retirer. Donc, c'est une entente actuellement, là, administrative entre ces municipalités-là.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic, il vous reste trois minutes.

• (19 h 20) •

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Mon collègue de Côte-du-Sud adresse une situation qui est relativement importante, parce qu'est-ce que le ministère de l'Environnement devrait mieux encadrer? Puis je ne parle pas nécessairement des municipalités, peut-être les MRC, on pourrait même parler de régions. Mais le fait important, c'est qu'effectivement il y a beaucoup de variabilité d'une municipalité à l'autre puis, des fois, d'un inspecteur à l'autre. Mais, si cet encadrement-là devenait, comment je dirais ça, homogène ou uniforme, est-ce que ce serait gérable ou acceptable?

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : C'est gérable. Oui, ce serait gérable, mais, comme mon collègue disait tout à l'heure, on a beaucoup de conseillers forestiers qui viennent sur le terrain, chez les propriétaires, des conseillers forestiers qui travaillent pour les syndicats de producteurs de bois, des groupements, des conseillers indépendants. On pourrait-u travailler en collaboration avec ce monde-là, ne pas en remettre trop, trop sur le chemin? C'est un peu ça que je voulais vous dire. Ça serait gérable, là, le ministère de l'Environnement, tout ça, là, mais on pourrait-u se servir de ce monde-là pour leur donner de la formation? Vous allez me dire : Légalement, ça ne se fait pas, là. Moi, je voudrais avoir quelque chose qui est simple, quand même. Je comprends que des fois il y a la loi, mais au-delà de ça, là...

M. Côté (Marc-André) : L'autre élément qu'on pourrait rajouter, c'est que — il y a l'ancienne ministre des Ressources naturelles autour de la table — en forêt publique, il y a un règlement pour toute la province, il touche toutes les régions puis il est administré de façon convenable, là, ça s'appelle le Règlement des normes d'intervention... enfin, ils ont changé le nom récemment, mais il est encore appelé, je pense, comme ça, là... bien, en fait, compris comme ça.

M. Bolduc : Effectivement, vous devez comprendre que ça devient un peu difficile d'utiliser des groupements forestiers ou des syndicats qui ont des intérêts particuliers pour gérer des politiques et des lois. Mais est-ce que vous avez des solutions à nous proposer pour organiser, si l'on veut, l'intégration de développement de structures homogènes, uniformes qui feraient l'affaire de tout le monde dans la gestion de la forêt? Qu'est-ce que vous nous suggérez, là? Le ministre est là, là. Donc, c'est quoi, vos idées, pour pouvoir régler ce problème-là?

M. Côté (Marc-André) : Mais par rapport à la Loi sur la qualité de l'environnement? Pour bien comprendre votre intervention; par rapport au régime d'autorisation dans la loi...

M. Bolduc : Oui, par rapport au fonctionnement efficace de la gestion de nos forêts.

M. Côté (Marc-André) : Bon. Bien, actuellement, le ministère de l'Environnement délivre des certificats d'autorisation, ne fait pas de distinction sur la nature de l'intervention et propose quelque chose qui nous apparaît très intéressant, c'est-à-dire baser ses autorisations selon un risque environnemental. On pense que ça va simplifier la procédure, ça va permettre de se concentrer sur les interventions qui ont des impacts majeurs sur le milieu. On pense que la sylviculture devrait être classée comme risque négligeable ou faible, tu sais, répondant sous certaines conditions, là, à discuter, là, avec le ministère de l'Environnement et que, de cette façon-là, il y aurait un bon équilibre, là.

Ça ne signifie pas qu'il y a des milieux qui ne doivent pas avoir une protection particulière, mais le ministère de l'Environnement a d'autres moyens pour encourager la protection de ces milieux-là, qui demandent une protection particulière.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant à l'opposition officielle, et je donne la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, je veux souhaiter la bienvenue à M. Côté et à M. Gagnon, de fiers représentants de ma région. Alors, bienvenue encore une fois à l'Assemblée nationale.

J'ai plusieurs questions, mais il y a un chapitre important du livre vert qui porte... en fait, c'est l'orientation 6, là, qui porte, entre autres, sur la question de la responsabilisation des initiateurs de projet : «Le ministère — à la page 59, là, du livre vert — souhaite responsabiliser davantage les initiateurs de projet...» Par exemple, une demande d'autorisation qui serait incomplète serait immédiatement recevable. J'aimerais savoir comment vous réagissez à ce principe, là, de plus grande responsabilisation de la part des initiateurs de projet.

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : Je vais te laisser répondre, Marc-André, mais un initiateur de projet, ça peut être un propriétaire forestier. C'est un peu ça, votre question.

M. Gaudreault : Oui. Bien, à mon sens à moi, oui.

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : O.K. C'est beau. Ça fait que, regarde, je te laisse... Ça me fait plaisir que ça soit ça. Je voulais être clair.

M. Côté (Marc-André) : Mais, en fait... je vais me répéter, mais les projets n'ont pas tous le même impact environnemental, ou portée, ou ampleur.

Nous, dans notre cas, on représente des gens qui ont, je dirais, des petits projets, on n'installe pas un barrage hydroélectrique avec un énorme réservoir, une centrale d'énergie ou, tu sais, un quartier résidentiel dans un milieu naturel. C'est des gens qui viennent récolter des arbres dans leurs boisés, pour lesquels on leur demande un certificat d'autorisation. Donc, ces gens-là sont chez eux, veillent à transmettre ce boisé-là à leurs enfants, peuvent avoir des mauvaises pratiques, et, c'est ça, là, on dit : Il faut les renseigner, il faut les former, ces gens-là, pour qu'ils aient des bonnes pratiques, mais ils ont déjà une responsabilité, ils sont dans leurs biens, ils sont sur leurs propriétés, donc ils n'ont pas un grand intérêt à en détruire la valeur écologique ou la valeur environnementale, là.

Moi, je pense que le ministère de l'Environnement n'est pas capable de traiter un si grand nombre de demandes qui émaneraient, là, de milliers de propriétaires disant : Moi, tout d'un coup, je dois me conformer à cette loi-là. Et là ça entraînerait des délais pour des interventions qui sont somme toute mineures, puis je ne pense pas que c'est les interventions que l'État visait lorsqu'il a mis en place la réglementation qui est en cours, là. Mais là je ne veux pas interpréter ce que le législateur disait à l'époque, là, mais, nous, c'est parce qu'on est comme pris par la bande là-dedans, là.

M. Gaudreault : Mais, les propriétaires privés, là, les membres de votre association, je comprends qu'il y en a beaucoup, de petits propriétaires privés de lots, mais est-ce qu'il y a aussi des propriétaires privés qui sont davantage des plus grosses entreprises ou est-ce que vous constatez depuis quelques années qu'il y a une concentration... qu'il peut y avoir des entreprises plus grosses qui vont acheter des petits propriétaires et qui vont devenir, à ce moment-là, des grands propriétaires, là? Donc, je peux comprendre l'aspect un peu plus... puis là je fais attention à ce que je dis parce que je ne veux pas avoir l'air condescendant, mais l'aspect un peu plus artisanal, par exemple, d'un lot familial, depuis quelques générations, qui est assez réduit. Il y a ça, mais il peut y avoir aussi des propriétaires privés. Dans le Bas-Saint-Laurent, si on compare au Saguenay—Lac-Saint-Jean, il y a beaucoup plus de lots privés, la forêt privée est beaucoup plus importante dans le Bas-Saint-Laurent qu'au Saguenay, par exemple, bon. Mais est-ce que, dans le Bas-Saint-Laurent, il y a des grands propriétaires de lots privés?

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : O.K. Bon, bien, regarde, au Bas-Saint-Laurent, il y a de très grands propriétaires puis il y a beaucoup de petits propriétaires — vous avez raison, M. Gaudreault — c'est une des régions du Québec où il y a le plus grand nombre de propriétaires privés. Mais, dans toutes les régions du Québec, il y a des grands propriétaires qui ont plus de 50 000 acres ou 20 000, 25 000 hectares. Ça fait que, dans toutes les régions, ma région, l'Abitibi-Témiscamingue, le Sud du Québec, l'Estrie, la Beauce et le Bas-Saint-Laurent — ça fait que le portrait est partout — la région de Québec...

Mais, c'est ça, les grands propriétaires, c'est sûr que c'est plus planifié, mais c'est une intervention à grande échelle. Le petit propriétaire, il est là souvent partout, tout le temps, puis il ne sait jamais, le matin, là, s'il va aller dans le bois ou il va aller ici, il va aller ailleurs, là. Ça fait que, tu sais, regarde... Ça fait qu'il faut avoir... C'est ça que je disais, là. Si tu es pris à... ça te prend un permis, comme exemple, dans l'abattage des arbres, à un moment donné, là, tu demanderais ton permis tous les jours, tu sais, je veux dire? Ça prend quelque chose de simple. Puis, au niveau des grands propriétaires, ça se gère aussi, ces choses-là. On sait quelle intervention qu'on fait puis quelle conséquence qu'elle va avoir sur le terrain, c'est ça que je veux dire, même pour un grand propriétaire. Ça fait que, s'il y a des zones à risque ou il y a des zones qui peuvent... bien, si c'est identifié, on va faire pour.

M. Côté (Marc-André) : Mais également ce que j'ajouterais, c'est que, si on prend les propriétaires qui ont le statut de producteur forestier, il y en a peut-être au-dessus de 90 % qui possèdent moins de 100 hectares. Donc, ça, ce sont ces gens qui disent : Moi, là, sur les 130 000, il y en a 35 000 qui disent : Moi, je suis un producteur actif du point de vue forestier, puis, sur ce 35 000 là, il y en a 90 % qui possèdent en bas de 100 hectares, donc une petite propriété.

Les quelques grands propriétaires, je vous dirais qu'eux ont beaucoup plus de planification forestière, ils ont des plans, mais ils ont une autre chose : ils sont, pour ainsi dire, presque tous sous enregistrement d'une norme de certification forestière. Donc, ils sont beaucoup plus surveillés parce qu'ils ont accepté d'être sous ces normes-là, volontaires, qui viennent rajouter une autre couche de surveillance qui ne doit pas être négligée par le législateur. Mais, des abus, il peut y en avoir, mais les abus ne seront pas le fruit de la taille du propriétaire. Ça peut être un très petit qui vient détruire un milieu qui était unique au Québec, comme un très gros qui peut faire la même chose, mais ce n'est pas en fonction de sa taille, c'est fonction de toutes sortes d'autres raisons. Nous, ce qu'on dit, on dit : Bien, on a besoin de garde-fous, mais, entre les deux garde-fous, là, le monde savent à la vitesse qu'il faut... tu sais, qu'on peut rouler, puis là ça n'a peut-être pas besoin d'être surveillé de la même façon partout.

• (19 h 30) •

M. Gaudreault : Donc, vous plaidez un peu pour une flexibilité, je dirais, d'une certaine manière, selon les circonstances, là, petits propriétaires, grands propriétaires, qui n'ont pas les mêmes ressources, nécessairement.

M. Côté (Marc-André) : Puis également, les milieux à protéger, les milieux qui demandent une protection particulière, là, on sait où est-ce qu'ils sont. Tu sais, il y a des cartes, le personnel du ministère sait exactement où sont les milieux exceptionnels, donc il y aurait moyen de rentrer en contact avec ces gens-là, puis l'État dispose de mesures pour les accompagner. Donc, il y aurait moyen de miser là-dessus. Donc, il existe toutes sortes de programmes, réserves naturelles, là, des trucs, là, que vous... enfin, que l'État administre, là. Donc, c'est ce qu'on plaide, là. S'il y a des éléments à protéger plus particulièrement, allons-y, voir ces propriétaires-là, mais, pour les autres, là, qui sont dans les milieux qui ne présentent pas un intérêt écologique exceptionnel, particulier, bien est-ce qu'on doit mettre le même niveau de protection?

Puis, nous, ce qu'on comprend du livre vert, c'est la direction dans laquelle va le ministère. Puis, je vous dirais, c'est assez particulier. Moi, habituellement, je suis habitué de venir ici pour dire qu'un des ministères erre puis s'en va dans une direction qui n'est peut-être la bonne. Là, nous, on trouve que le ministère de l'Environnement, dans ce cas-ci, a pris une direction qui est intéressante.

M. Gaudreault : Il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Il reste 2 min 30 s.

M. Gaudreault : O.K. Sur la question des coûts des certificats, à la page 7, au paragraphe 5 de votre mémoire, vous en parlez passablement — je pense que c'est un élément important de votre présentation — quand vous dites : «...il nous apparaît impensable que le futur coût d'un certificat d'autorisation soit haussé pour tenir compte des dépenses engendrées par l'étude du dossier. Les frais de permis risquent d'exploser — alors que, dans le livre vert, aux pages 66 et 67 du livre vert, il y a quand même des positionnements assez importants qu'on pourrait qualifier du principe, là, de pollueur-payeur, là, visant un plus grand autofinancement.»

Alors, j'aimerais ça vous entendre puis que vous me donniez des exemples des coûts, là, qui paraissent, à vos yeux, exorbitants.

M. Côté (Marc-André) : Bon. Je vais employer un langage familier, là, mais sortir une van de bois, tu sais, ce n'est pas quelque chose qui génère énormément d'argent, là. Puis là le coût du permis peut coûter 800 $, là... le traitement d'un certificat d'autorisation, toute la procédure, engager un professionnel, tout ça, donc d'où ce qu'on lisait là. On disait : Ce coût-là va augmenter, parce que le ministère de l'Environnement dit : Je n'y arrive pas, je n'arrive pas, avec les frais que j'impose, à couvrir les frais. Le coût du permis va coûter plus cher que la coupe de bois. Donc, nous, pour nous, c'est, comme ça paraissait abusif ou... le profit que le propriétaire peut espérer sur une van de bois.

Puis là ça amène une autre question qui est plus fondamentale : Est-ce que le législateur, dans toutes les lois qu'il regarde... ou est-ce que le gouvernement, ou l'État même, l'État du Québec, souhaite mettre en production les terres privées québécoises, souhaite mettre en production les ressources des terres privées québécoises? S'il dit oui... s'il récolte du bois et ça fait vivre toute une industrie sylvicole et de transformation, il doit être conséquent dans ses lois et règlements. Si, au contraire, il dit oui, mais toutes ces lois et règlements deviennent de plus en plus contraignants pour un producteur de bois, bien ça va arrêter. Puis c'est ce qu'on constate, là, c'est de plus en plus difficile de faire du bois pour les propriétaires forestiers en raison des coûts rattachés à toutes les exigences. Chaque exigence n'est peut-être pas si chère que ça, mais, quand on les additionne puis on compare aux revenus du bois... en fait, le monde serait très surpris des revenus du bois qu'un propriétaire peut en tirer, là, ils diraient : Bien, voyons donc! Je ne peux même pas imaginer qu'ils le fassent.

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : ...voyage. Excusez. Le gars a décidé de faire un voyage de bois, une van de bois...

Le Président (M. Reid) : Le temps est écoulé. Je vais laisser la parole maintenant au député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Si vous voulez continuer votre réponse.

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : Merci. Le propriétaire a décidé, bon, il dit : Je vais faire une van de bois. Il vient voir l'organisation, ça fait que, ça, là, l'organisation... Les organisations, il y en a 13 dans la province. Elles sont toutes très proches de leurs propriétaires, beaucoup d'assemblées d'information, ça fait que, là, regarde, elles sont en contact, c'est facile. Ça fait que le propriétaire, il dit : Regarde, moi, je vais faire une van de bois, bon, bien, ça va me donner 1 500 $, 2 000 $, peu importe le... une couple de 1 000 $, et je suis obligé d'y aller, il dit : Regarde, il n'y a rien que de la taxe sur ce lot à bois là, là, puis c'est le seul boisé qu'il y a, ça me coûte 800 $ ou 900 $. C'est ce qu'il va clairer, c'est son profit, ça, puis il le prend pour payer ses taxes. N'allez pas lui recharger d'autre chose, tandis qu'on a moyen de se parler, d'encadrer ça sans avoir des frais exorbitants. Ça fait que c'est ça que je trouve.

Il faut avoir quelque chose de vivable. Et notre monde, on est continuellement en contact, on a des organisations pour ça, des assemblées de secteur, n'importe quoi, notre monde, ils sont ouverts à ça. Ça fait que, je m'excuse, vous m'avez dit : Continuez. C'est pour ça. Mais ça me fatiguait, je veux vous le dire. Ça fait que moi, j'ai cinq boisés, cinq lots à bois, il faut que j'en fasse cinq par année. J'en fais plus que ça, là, mais en tout cas, bon...

M. Jolin-Barrette : Mais on va continuer dans cette veine-là. Je comprends qu'actuellement le coût du certificat d'autorisation délivré, c'est un fardeau pour les gens de la forêt, mais, concrètement, de quelle façon est-ce qu'on pourrait organiser ça de façon à ce que ça ne soit pas l'ensemble des contribuables qui soutiennent, dans le fond, financièrement l'émission des certificats d'autorisation? Parce que, si ce n'est pas vos membres qui paient, supposons, pour le coût du traitement, bien ça va être le reste de la société ou les autres secteurs qui vont avoir des frais plus élevés.

M. Côté (Marc-André) : Bien, en fait, votre problème est à l'inverse, là, c'est la société qui demande quelque chose aux propriétaires forestiers. La société, elle dit : Moi, là, ton bien, ton bien privé, là... je voudrais que tu préserves telle chose et telle chose pour le bien commun. Puis les propriétaires disent : O.K. Mais là, en plus de ça, je voudrais que tu le préserves, mais j'aimerais ça que tu paies aussi pour le préserver. Tu sais, il faut le prendre sur cet angle-là, là. Tu sais, si je viens chez vous, là — vous êtes tous propriétaires, autour de la table — puis je vous demande d'utiliser une partie de votre propriété pour le bien commun... vous avez tous une piscine, tout le quartier aimerait ça l'utiliser, vous allez dire : Bien, il y a un frai. Non, il n'y a pas un frai, on va même te charger un montant, là, pour que... tu sais. Tu demandes l'autorisation d'avoir une piscine pour tout le monde, tu sais.

Ça fait qu'on n'est pas... en fait, il y a des frais qui sont associés à l'émission de permis, mais il faut que vous compariez des projets comparables. Il y a des projets de plusieurs millions de dollars qui vont demander un certificat d'autorisation. Ici, on vous parle de projets, là, qui vont rapporter des profits, là, de quelques centaines à... tu sais, 2 000 $, 3 000 $ de profit. Si les permis coûtent... Parce qu'il n'y a pas rien que le permis de l'environnement. Il faut aller chercher aussi le permis municipal aussi. Donc, il y a comme ces frais qui peuvent s'ajouter. Ça, c'est sans compter l'ingénieur forestier du propriétaire qui va venir pour autoriser les coupes. Ça fait que, là, là, tout d'un coup, tu as besoin de trois niveaux de signature, là. Le propriétaire, il dit : Moi, je n'ai aucune rentabilité, il faudrait que je paie pour qu'il se passe quelque chose en activité économique chez moi. Ça, c'est la réalité. Tu sais, ce n'est pas : ça se passe une fois de temps en temps. C'est ça qui se passe à la grandeur du Québec actuellement. Si vous revenez 10 ans, 15 ans en arrière, la moitié de ces frais-là n'existaient pas... bien, la moitié; bien plus que la moitié de ces frais-là n'existaient pas.

Donc, c'est pour ça que, lorsqu'on dit : L'État souhaite avoir une activité économique qui est générée par ce potentiel-là, là, cet actif-là forestier, bien il faut qu'il soit conséquent dans ses réglementations.

M. Jolin-Barrette : Puis une réglementation conséquente, ça pourrait être par le volume exploité?

M. Côté (Marc-André) : La réglementation conséquente, c'est ce qui est proposé dans le livre vert — c'est pour ça qu'on est contents — c'est de dire : Si ton intervention est caractérisée à impact environnemental faible ou négligeable, tu n'auras pas à... si j'ai bien compris le livre vert, là, vous n'aurez pas à demander de certificat d'autorisation. Si vous tombez dans, je pense, le risque modéré, il y a un certificat qui est demandé. Donc, nous, dans le fond, la majorité de toutes les interventions vont tomber dans le négligeable et faible. Donc, des gens qui actuellement ne demandent peut-être même pas le permis puis qui peuvent s'exposer à des pénalités, tout d'un coup, ils vont redevenir légaux parce que, pour leur catégorie d'intervention, ils n'ont pas besoin d'un permis. Ils ont besoin de faire une déclaration... ou, en tout cas, donc, il y a différentes choses, là, qui sont prévues dans le livre vert. Mais on ne peut pas accepter des hausses de permis pour des choses mineures, vous n'allez rien qu'arrêter cette activité économique là. Puis je ne veux rien que vous rappeler que la forêt privée, cette année, a fourni 16 % des approvisionnements des usines du Québec. Donc, les usines qui tournent, là, il y en a 16 %, de leur bois, qui vient des forêts privées. En fait, l'amalgame de toutes les petites interventions, là, ça génère, au bout du compte, l'équivalent de 75 000 vans de bois, puis c'est ce qui fournit 16 % des usines de papier puis de sciage à travers le Québec.

M. Gagnon (Pierre-Maurice) : Dans toutes les régions du Québec, on ne dépasse jamais notre possibilité forestière. Jamais, jamais on ne l'a dépassée, puis on la respecte, notre possibilité forestière, on est... Et ça, c'est important, il faut le faire. Mais c'est facile, regarde... Puis, si avec les plans qu'on voit, qu'on administre, puis la mise en marché collective... si une région ou un territoire d'agence, ils ne respectent pas leur possibilité, on les diminue, les contingents qu'on accorde. Les volumes de coupe, là, on les diminue en conséquence.

Ça fait qu'on respecte notre possibilité forestière. Ça, c'est important. Parce que la forêt, c'est une affaire qui se renouvelle, même si tu coupes du bois. Il va toujours y en avoir. Mais il faut le faire intelligemment. Ça fait que ça, c'est un point important qu'on fait, c'est le rôle qu'on a dans nos organisations.

• (19 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Je comprends. À la page 7, votre recommandation n° 6, «fournir des incitatifs financiers aux propriétaires forestiers», vous donnez l'exemple d'un programme d'établissement de servitudes au niveau de la protection environnementale puis le maintien de l'activité sylvicole sur un lot privé. Pouvez-vous définir plus clairement en quoi ça constitue, les incitatifs financiers que vous souhaitez?

M. Côté (Marc-André) : Donc, au Québec, un propriétaire peut dire : Je vais mettre une servitude de conservation sur... Sur sa propriété, il dit : Moi, je prends une partie de ma propriété ou la totalité, je mets une servitude de conservation. Il y en a beaucoup dans le comté de M. Reid qui font ça, et l'État leur accorde des rabais sur les taxes foncières, et il y a également un don écologique qu'on peut faire, le fédéral vient mettre de l'argent. La seule chose, c'est que ce programme de servitudes là, au Québec, dit : Tu ne pourras pas faire d'exploitation forestière... puis là, «exploitation», là, ne voyez pas, là, le... tu sais, on est en train de pleumer le lot, là, mais tu ne pourras plus venir couper du bois. C'est la façon que ça fonctionne, que les règlements sont appliqués. Il y a des groupes environnementaux qui commencent à dire : Hé! aux États-Unis, ils ne procèdent pas comme ça, ils disent : Bien, tu peux... L'idée : Tu vas protéger les fonctions de ton boisé, mais tu vas permettre de récolter... selon certaines règles, O.K., des éclaircies d'aménagées, puis voilà, donc, puis les programmes s'appliquent tout de même... les programmes de soutien financier. Puis il y a des représentations qui ont été faites par les groupes environnementaux au ministère de l'Environnement, puis c'est là. Ça va peut-être aboutir à quelque chose à un moment donné. On appuie ça. Voilà.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci beaucoup, M. Gagnon, M. Côté, merci de votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux pour quelques instants et j'invite le prochain groupe, Idénergie, à prendre place.

(Suspension de la séance à 19 h 42)

(Reprise à 19 h 44)

Le Président (M. Reid) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à nos invités d'Idénergie. Je pense qu'ils vont nous expliquer qu'est-ce que ça veut dire. Alors, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation — je pense que vous allez utiliser la présentation sur ordinateur — et ensuite on aura un échange. Et j'aimerais que vous commenciez par vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne.

Idénergie inc.

M. Blanchet (Pierre) : Parfait. Bon. Je vous remercie de nous avoir invités. Mon nom est Pierre Blanchet, je suis le président et cofondateur de l'entreprise d'hydroliennes québécoises d'énergie et je suis accompagné de ma collègue Claire Holzer, qui s'occupe de tout ce qui est réglementation autour du produit innovant qu'on veut vous présenter aujourd'hui.

Alors, ce que vous voyez à l'écran, bien c'est notre version, chez Idénergie, d'une hydrolienne. Donc, en fait, ce qu'on a développé depuis cinq ans, mes associés et tout le reste de nos employés, c'est une petite hydrolienne qui fait à peu près 4,5 pieds de large et un générateur électrique, au centre, 100 % étanche — une innovation québécoise — et puis on a une turbine à gauche et à droite, et puis on place ça dans le fond de l'eau, et, en tournant, les turbines vont générer de l'électricité pour une maison. Il y a cinq ans, vous avez peut-être vu cette annonce-là qui avait passé à la télévision, c'était avec notre premier prototype de l'époque, et puis on livrait un message, là, d'espoir aux Québécois en leur disant qu'on voulait développer le futur des énergies renouvelables, là, dans ce qui était hydraulique puis ça passait par l'hydrolienne. Donc, eh bien, plusieurs années plus tard, on a continué, on n'a pas lâché, et puis aujourd'hui on arrive avec une version de machine qui est prête à vendre. Et puis 2015, bien, c'est notre année n° 1 de commercialisation, et je dois dire que ça va très bien jusqu'à date. Donc, vous la voyez un petit peu quand le niveau de l'eau est très bas, là. On a choisi ces images-là parce qu'on ne pouvait pas la voir sinon, étant donné qu'elle est invisible. Et puis ce que vous voyez là, bien c'est des vidéos, par exemple, promotionnels qu'on fait pour développer notre chaîne de distribution, nos distributeurs certifiés qui vont faire les installations un peu partout en Amérique du Nord, dans le reste du monde, jusqu'en Inde. Partout où on a besoin d'électricité, Idénergie va être là. Donc, c'est une machine qui est très simple à assembler, à la IKEA, et puis on assemble les pattes sur le générateur. Ça se monte en une heure puis ça se démonte en une heure. Donc, ce n'est pas une machine qui... contrairement à un barrage, il n'y a pas vraiment de séquelle sur l'environnement parce que c'est quelque chose qui laisse la rivière, à toutes fins pratiques, intacte lorsqu'on a fini de l'utiliser, et puis c'est fait en aluminium et puis c'est recyclable. Donc, c'est une énergie qui est très verte, c'est la plus recyclable de toutes les énergies vertes et c'est fait au Québec. Donc, vous voyez, les gens s'en vont installer la machine avec le support. C'est très, très simple, et puis je dirais même que c'est plaisant. Et puis voilà.

Donc, aujourd'hui, pour notre année 1 de commercialisation, on a eu diverses activités. On a participé à C2 Montréal, on a eu des articles sur nous dans La Presse, on a fait des vidéos qui ont fait le tour de la province. Et puis, bien, aujourd'hui, l'équipe d'Idénergie est contente, parce qu'il y a cinq ans on nous demandait : Y a-tu un marché pour ce genre de technologie là?, bien, maintenant, on le sait, qu'il y a un marché puis on est prêts à aller le chercher, puis voilà.

Donc, jusqu'à date, ça s'est très bien passé. On a fait différents salons aussi, depuis le début de l'année, au Québec. Et puis il y a un de nos vidéos qui est devenu viral sur Internet grâce au site Buzzbonin.com. Ça a fait le tour de la province : 90 000 «views» en deux semaines, 600 demandes d'information, en moins de deux semaines, qui venaient du Québec. Après ça, ça a été la France, tout ça. Donc, on avait le vent dans les voiles. On a mis à peu près 2 millions jusqu'à date, là, en investissement dans notre entreprise, et puis je suis ici pour vous rappeler aussi qu'il y a là-dessus 500 000 $ qui ont été investis par le gouvernement québécois par des crédits d'impôt R&D et par le programme PAIE à l'époque, O.K.? Donc, c'est important de ne pas perdre ça puis c'est important qu'il y ait des succès aussi au Québec. On a présentement un projet qui est en démo, là, à la zec Petawaga puis on a des projets, en ce moment, dans le reste du Canada. On en a en Colombie-Britannique, en Alberta, Terre-Neuve-et-Labrador et puis on aimerait ça en avoir au Québec.

Maintenant, je vais vous expliquer. Ces gens-là nous ont appelés, et puis on avait prévu le coup. Donc, on voulait savoir, au Québec, en l'année 1 de commercialisation, quelles sont les barrières réglementaires, qu'est-ce qu'il y a dans la loi présentement quand on va nous le demander. Et puis Claire avait fait un travail, justement, décortiquer les lois, et puis, en début d'année, on a été rencontrer les fonctionnaires pour se faire dire finalement que, pour ce qui était des particuliers, c'était, malheureusement, impossible, il y avait juste les établissements commerciaux qui pouvaient le faire. Donc, on vient de prendre 90 % de notre marché puis on ne peut pas en profiter. Et puis, pour le reste, bien, c'est interprété dans la loi comme un barrage. Donc, on a des frais, par exemple, avoisinant les 2 000 $ et puis aussi des frais d'ouverture de dossier, là, de 500 $ pour le certificat d'autorisation, ce qui fait que ça rajoute au prix de vente 2 500 $ puis bien de la paperasse. Donc, pour un usager normal, entre choisir une hydrolienne faite au Québec puis une génératrice chez Canadian Tire, c'est bien plus facile d'aller chez Canadian Tire, pas besoin de permis. Tu pollues, mais ce n'est pas grave, puis ce n'est pas cher à court terme. Ça, c'est la réalité des énergies renouvelables, O.K., puis c'est ce contre quoi on se bat, nous. Moi, j'ai une maîtrise en génie des énergies renouvelables puis je passe ma vie justement à valoriser que, sur le long terme, c'est toujours plus rentable et dans vos poches et aussi côté environnement.

Et puis, bon, bref, un peu plus tard, on a demandé aux fonctionnaires : Est-ce que ce serait possible d'avoir une dérogation, par exemple... pas une dérogation, mais qu'on puisse installer 25 machines temporairement, juste pour trois ans, par exemple — ce qui était, je crois, la limite permise pour des permis temporaires — le temps qu'on ait quelques clients valideurs puis que peut-être on ait le temps d'étudier la loi, que les fonctionnaires puissent aussi en apprendre un peu sur cette technologie-là? Parce qu'on ne peut pas condamner une technologie comme ça sans au moins lui laisser une chance, la connaître, l'étudier. Puis malgré tout, bien, on s'est fait répondre la même chose. Et puis, pendant ce temps-là, bien, au Canada, on a reçu une lettre de Pêches et Océans Canada, qui nous donne la permission de l'installer d'un océan à l'autre sans problème.

• (19 h 50) •

Donc, je vais revenir à notre présentation aussi. Il n'y a pas longtemps, je vous rappelle que le Québec s'apprêtait à investir 80 millions dans un projet d'hydrolienne, et puis je pense qu'il y en avait déjà pas loin de 10, millions qui avaient été investis... Investissement Québec, je ne sais plus trop, là. Que ça ait fonctionné ou pas, ce n'est pas ça, la question. Je veux juste vous parler que... puis les gens qui étaient pour ou contre ça, peu importe, il y avait quand même un intérêt du Québec — c'est ce que je veux souligner — un intérêt du Québec. Et puis, cette machine-là qui est là, bien, une fois l'argent investi, bien il aurait bien fallu, eux autres aussi, qu'ils aient des permis pour la commercialiser, tout ça, puis les mêmes choses auxquelles on fait face présentement. Et puis bien, nous, bien, ce qu'on a eu, c'est un demi-million du Québec, sauf qu'on est prêts à donner au Québec cette technologie-là puis on est prêts à la bâtir ici. Donc, ce qu'on demande, c'est : Donnez-nous une chance de commercialiser ici puis ne pas qu'on soit obligés de faire un «stretch» puis tout de suite aller s'exporter ailleurs quand on a le bassin de clients ici.

Donc, je vais laisser Claire poursuivre, pour tout ce qui est la réglementation, vous expliquer ce qu'elle avait déjà vu auparavant et identifié dans les lois et puis qu'est-ce qu'elle suggère sur les changements de loi qui s'en viennent. Merci.

Mme Holzer (Claire) : Donc, merci, Pierre. Donc, rapidement. Effectivement, la réglementation se trouve inadaptée à l'hydrolienne de rivière, à l'hydrolienne domestique sur deux volets : à la fois le volet environnemental, donc relevant du ministère du Développement durable — c'est pour ça qu'on est là — mais également — et ce n'est pas à négliger et c'est à lier à ce processus de demande d'autorisation — il y a aussi le volet relié au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles qui touche à l'électricité et au droit hydrique.

Et la requête d'Idénergie vis-à-vis, donc, du livre vert et de la modernisation du régime d'autorisation environnementale porte principalement sur le fait de clarifier la place de l'hydrolienne Idénergie dans le paysage réglementaire québécois parce que vraiment l'hydrolienne actuellement est absente de la réglementation, il y a vraiment un flou juridique autour de ça et une complexité des démarches, qui sont, donc, longues, pas forcément simples à comprendre et aussi beaucoup dispendieuses pour un particulier. Et donc un futur utilisateur de l'hydrolienne Idénergie et même de la petite puissance en général va se buter, en fait, à cette réglementation inadaptée. C'est pour ça que ce serait... il est important, en fait, de réussir à inclure l'hydrolienne dans la réglementation mais également de réussir à catégoriser ce qui relève de la pico-hydroélectricité pour justement laisser place à la petite puissance, ce qui permettrait d'aller vers le verdissement de l'économie du Québec, de soutenir l'innovation verte, de soutenir vers... de soutenir, oui, la transition verte. Et aussi ce qui est important vis-à-vis de ça, c'est de considérer l'hydrolienne à petite puissance comme une activité à risque environnemental négligeable, ce qui permettrait son utilisation, son installation et son usage.

Et je vais terminer sur un autre point important qui est de vraiment lier entre elles l'ensemble des procédures et des démarches d'autorisation reliées à l'ensemble des ministères impliqués dans l'usage, l'installation et l'utilisation de la petite puissance parce que c'est aussi là-dessus que ça bute.

Le Président (M. Reid) : Vous voulez conclure? Non, ça va?

Mme Holzer (Claire) : C'était la...

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant à la partie d'échange de notre rencontre. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, monsieur. Bonsoir, madame. Merci beaucoup pour ce mémoire et cette présentation, qui donnent un exemple très concret... Et, pour tous ceux qui se demandent pourquoi on fait cet exercice de modernisation du processus d'autorisation de la LQE, je crois que ce que vous venez de nous raconter ce soir illustre bien la nécessité de revoir nos façons de faire.

Je comprends qu'on parle spécifiquement de l'hydrolien puis je tiens également à vous féliciter pour tout ce que vous avez accompli jusqu'à maintenant — ce n'est pas rien — pour votre persévérance, puis il y a de quoi être fier de voir ce que vous avez réussi à accomplir malgré certains obstacles.

Ce que je voudrais vous demander d'approfondir, c'est... On va partir de votre exemple bien concret. Je crois que l'important, c'est de regarder qu'est-ce qui arrive justement lorsqu'au Québec on développe une nouvelle technologie qui, oui, a un certain impact sur l'environnement mais comment on peut rapidement s'adapter à cette nouvelle technologie là, tu sais, pour ne pas l'étrangler, mais plutôt voir comment on peut l'accompagner tout en s'assurant qu'au point de vue environnemental ça respecte les standards. Alors, si on parle d'intégrer dans le processus la capacité au ministère d'autoriser des projets pilotes, par exemple — c'est un peu vers ça qu'on s'en va, là, à votre présentation — je vous demanderais peut-être d'approfondir quels genres de critère concret... Parce que, là, vous nous avez donné vraiment quelque chose de très concret au niveau, mettons, des lacunes du régime actuel, mais là, dans un nouveau régime, un projet pilote, est-ce qu'il y a des conditions spécifiques ou des critères spécifiques que vous seriez prêts à nous recommander?

Mme Holzer (Claire) : Alors, bien, en termes de critères spécifiques, ce serait justement de réussir à catégoriser une activité en fonction de son gabarit, définir des critères de puissance, des critères de dimension, d'utilisation dans un périmètre défini, un seuil minimum en termes d'impact environnemental, est-ce que l'activité pollue ou pas, justement. Ce serait aussi de prendre en compte les bénéfices environnementaux de l'activité, de l'innovation vertes, prendre en compte les bénéfices sociétaux aussi et aussi économiques, voilà, ce genre de choses, montrer vraiment qu'il n'y a pas de détérioration et, si... et là, voilà, ce côté négligeable sur l'environnement en termes de critères de puissance, de dimension, de catégoriser, en fait, une activité vis-à-vis de son gabarit, de son importance et de son impact proportionnel à son effet sur l'environnement.

M. Heurtel : Une autre partie éloquente de votre présentation, justement c'est par rapport au fait qu'à cause, disons, des obstacles que vous avez vécus le résultat final, c'est que c'est plus avantageux pour un particulier d'aller, comme vous dites, se procurer une génératrice au diesel que de s'équiper d'une hydrolienne ou d'une nouvelle technologie qui serait, au final, beaucoup moins polluante.

Alors, moi, ça m'amène tout de suite à notre orientation qui propose de mieux intégrer la lutte contre les changements climatiques au processus d'autorisation de la Loi sur la qualité de l'environnement et, là, de voir comment on pourrait justement bien quantifier. Alors, êtes-vous bien en mesure de quantifier? Et est-ce que ça pourrait être un critère, justement, lorsqu'on évalue, on met à l'essai une nouvelle technologie, pour justement lui permettre de connaître son essor puis, dans un esprit de cohérence avec l'ensemble de nos mesures en matière de lutte contre les changements climatiques, d'être capables de dire : Bon, démontrez-nous aussi l'impact positif, particulièrement en matière de changements climatiques? Donc, dans votre cas... mais j'essaie en même temps de vous demander de peut-être reculer, mais, pour les nouvelles technologies, de voir ça comme un critère aussi pour justement permettre d'autoriser, justement, les projets pilotes qui ressemblent au vôtre. Votre opinion là-dessus.

• (20 heures) •

M. Blanchet (Pierre) : Je pense que, tu sais, un des bons critères faciles, là, ce serait par rapport à la quantité d'énergie produite directement, parce que ça va un peu donner le ton à la taille de la machine, ça va un peu donner le ton à la vitesse de l'eau qui passe là. Ça donne une espèce de marge dans laquelle on peut avoir un impact, là. Puis, par exemple, je ne sais pas, moi, tu sais, s'il y aurait dans... par exemple, dans une rivière, on en met 40, là peut-être qu'il va commencer à y avoir un impact. Mais, si, en toute logique, c'est... on va prendre dans la nature juste ce qu'on a besoin puis on n'exagère pas, bien il n'y a pas de problème. Puis, si la rivière est large puis on peut en mettre, O.K., allons-y, mais il faut juste s'assurer de ne pas retirer une quantité d'énergie dans le fluide que, là, ça peut commencer à avoir un impact.

Mais je pourrais vous dire que, quand on place cette machine-là, dans les exemples de vidéos que vous avez vus, là, il n'y a pas énormément d'impact sur l'écoulement du fluide 1,5 mètre plus loin, là, on ne s'en rend pas compte, là. Donc, c'est une machine qui a été vraiment développée justement dans un souci de l'environnement. Moi, c'est pour ça que je suis allé en maîtrise en génie des énergies renouvelables, là. J'étais dans le militaire avant, là, tu sais, je voulais sauver la planète, je voulais aller dans l'autre sens, et puis c'est ce qu'on a fait.

Et puis je rappellerai qu'en ce moment, là, dans les énergies renouvelables, là, côté panneaux solaires, on est un peu en retard, on n'en a pas beaucoup produit. Je pense, il y a peut-être une compagnie au Québec qui en produit. Côté éolien aussi, on a un peu manqué ça. Mais je pense que l'hydrolien, avec ce qui se passe en ce moment... puis il y a la chaire de recherche TERRE aussi, là, au cégep de Jonquière aussi qui s'intéresse beaucoup à ces technologies-là, qui veut développer... une entreprise au Saguenay qui s'appelle Jamec, Nordest Marine, tu sais, il y a beaucoup de petits joueurs qui travaillent aussi. Il n'y a pas seulement Idénergie. On est bien organisés, mais il y en a d'autres. Puis il y a 50 projets dans le monde, là, qui sont en compétition contre ça. Puis nous, on a visé les petites machines parce que ça se transportait mieux dans la jungle, par exemple, démontées dans une boîte, tout ça, une solution versatile, facile; s'il y a des pièces à changer, ça va bien, là.

Donc, c'est une solution qui ne prend pas trop de place, puis qui se déploie bien, et puis qui s'enlève bien. Donc, c'est ce qu'on propose. Là, je suis en train de faire la promotion. Ce n'est pas ça que je... Je ne sais pas s'il y a d'autres questions. Je répondais bien...

M. Heurtel : Bien, c'est parce que le point, c'est donc le... dans l'évaluation du projet, c'est juste de bien être capable aussi d'utiliser comme critère l'impact positif en matière de lutte contre les changements climatiques d'un projet.

M. Blanchet (Pierre) : ...ça, ça se quantifie bien, parce que l'énergie produite par une hydrolienne ou par des panneaux solaires, par des éoliennes, ça peut tout être quantifié watt par watt, puis on peut ensuite de ça comparer ça avec ce qui va être produit en CO2 par une génératrice à essence qui ferait la même chose, là.

Là, on est sur la zec Petawaga, par exemple. Eux autres, ça leur coûte 4 000 $ à 5 000 $ de fuel par année. Donc, si on regarde combien ça coûte de fuel par année, bien, on prend le nombre de litres qui est là puis on est capables d'à peu près calculer assez simplement la quantité de tonnes de CO2 qui sont libérées. Donc, en fonction de l'énergie produite, on a juste à transférer ça en tonnes de CO2, puis l'impact est direct, là. On a toutes les données là-dessus aussi, là, on est prêts à les partager, il n'y a pas de problème.

Mme Holzer (Claire) : Exactement. C'est réussir à démontrer l'impact, les bénéfices environnementaux d'un produit de petite puissance, d'un produit renouvelable de petite puissance, de montrer l'aspect positif des innovations vertes en démontrant comment ces innovations vertes permettent de répondre aux objectifs des stratégies environnementales fixés par le gouvernement en permettant d'atteindre les objectifs des plans d'action contre les changements climatiques. Et principalement, donc, comme Pierre l'a dit, ça se quantifie en termes d'émissions de gaz à effet de serre et de réussir à... enfin, de quantifier ces émissions et de montrer comment l'innovation verte permet d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est un peu, bien, le fer de lance des politiques environnementales actuelles, que ce soit ici, au Québec, mais d'un point de vue même plus global, plus général et international.

Le Président (M. Reid) : Merci. Mme la députée de Laviolette.

Mme Boulet : Bonjour. Alors, bonjour, M. Blanchet. Mme Holzer, bonjour. Je vais vous poser, moi, des questions plus pratiques pour nous aider à comprendre. Dites-moi, c'est quoi, le coût d'un appareil comme ça, quelqu'un...

Une voix : ...

Mme Boulet : ...un propriétaire qui voudrait s'acheter ça parce qu'il croit à cette énergie verte là, là? Est-ce que c'est possible de nous le donner pour qu'on puisse se mettre une image dans la tête, là?

M. Blanchet (Pierre) : Absolument, absolument. Cette machine-là, O.K., elle est faite pour remplacer huit à 12 panneaux solaires, là, de 250 watts, pour se donner une idée de la taille, là, et puis avec l'avantage qu'elle va retirer autant d'énergie l'été, le printemps, l'automne, peut-être un peu moins en été parce que le débit de l'eau va ralentir un peu. Mais, pour couvrir le printemps puis l'automne, ça fait beaucoup d'énergie, puis c'est justement là que des technologies comme les panneaux solaires en produisent moins parce qu'il y a moins de soleil, O.K., donc une très bonne énergie complémentaire.

La machine est aux alentours de 12 000 $, et puis quelqu'un qui voudrait s'équiper en panneaux solaires, bien avec... en installant un poteau, une base en béton puis en mettant un rack ou... sur le toit, tout ça, c'est un prix qui revient à peu près le même. Des fois, c'est moins cher, le solaire; des fois, c'est plus cher, dépendamment de comment on installe ça.

Maintenant, généralement, les gens vont dépenser entre 30 000 $ et 50 000 $ dans une installation, là, sérieuse d'énergie. Il y a deux marchés : il y a celui où on veut une installation sérieuse où on vit là presque tous les jours ou un poste d'accueil de zec, de parc, quelque chose comme ça, et puis il y a l'autre marché où c'est juste des gens qui veulent un ou deux panneaux solaires, une batterie pour avoir un peu de lumière le soir dans leur chalet, O.K.? Donc, c'est deux marchés séparés un petit peu, ça. Nous, on est dans le marché où on veut produire beaucoup de puissance puis, en ce moment, on regarde beaucoup des pays comme l'Inde à en mettre plusieurs dans une rivière pour alimenter un petit village en électricité, là. Donc, on est dans la gamme un peu plus chère, si on veut.

Mme Boulet : Mais moi, j'ai une zec, dans le réservoir Gouin, qui vient de se convertir en énergie solaire, puis ça lui a coûté à peu près ça, 50 000 $. Dites-moi, ça produit combien de... donc, combien de mégawatts? Puis ça peut alimenter un chalet, deux, trois, une zec qui a, quoi, quatre, cinq chalets? Combien?

M. Blanchet (Pierre) : C'est ça. La quantité d'énergie, là, qui est produite de ça, là...

Mme Boulet : De mégawatts ou de kilowatts, là.

M. Blanchet (Pierre) : C'est ça. Par exemple, à Petawaga, il y a 300 watts «steady» qui sortaient là, puis on ne voulait pas en sortir plus parce que les batteries étaient pleines puis ça finissait en chauffage, O.K.? Donc, on va chercher qu'est-ce qu'on a besoin. On pourrait aller tirer jusqu'à 500 watts, là. Il y a ça. Mais l'avantage de ça, c'est que c'est 24 heures sur 24. Donc, généralement, en énergie renouvelable, on y va par le kilowattheure produit par jour parce que ça se place mieux dans des batteries quand on fait nos calculs.

Donc, ça pourrait faire entre deux et 12, O.K., si on fait les calculs, entre deux et 12 kilowattheures, dépendamment de la vitesse de la rivière.

Mme Boulet : Ça alimente combien de... tu sais, combien de chalets unitaires, mettons, là?

M. Blanchet (Pierre) : C'est ça. Bien, il y a le chalet qui va consommer deux kilowattheures par jour, qui a un petit frigidaire, de l'éclairage, tout ça, puis il y a des chalets où est-ce qu'ils veulent le même confort que leur maison en banlieue. Eux peuvent consommer beaucoup plus que 12 kilowattheures. Ça dépend toujours. Je dirais, un chalet moyen, là, un six kilowattheures, ça ferait du bon sens, là. Tu sais, quelqu'un qui ne regarde pas à la dépense énergétique, qui veut écouter plusieurs heures de télévision par jour, il y a un frigidaire qui fonctionne, tout ça, là... Ça ressemble à ça.

Mme Boulet : J'aurais une autre question, M. le Président. L'hiver, il faut la retirer ou elle peut rester sous la glace puis avec... Est-ce qu'il faut la retirer de la rivière?

M. Blanchet (Pierre) : Moi, je la retirerais, mais ça dépend de la rivière. Ça dépend de la rivière, O.K.? Donc, si c'est une rivière qui coule à l'année puis qui coule bien, ce n'est pas le froid qui l'empêche de tourner. Mais on a déjà été dans des rivières qui coulaient à l'année puis qui ont gelé cette année-là, puis c'était la première fois en 20 ans, O.K.? Ça nous est arrivé, et puis, bien, à ce moment-là, il y a eu deux tonnes de glace sur la machine puis là il a fallu attendre quelques mois avant que la glace s'en aille, puis là, bien, après ça, on a pu la récupérer, là.

Mme Boulet : Et mon autre question... bien, peut-être que vous avez répondu tantôt, mais en quoi, là, le ministère, là... C'est parce que, là, vous ne pouvez pas procéder, vous n'avez pas toutes les autorisations pour vendre ce genre d'installation là?

M. Blanchet (Pierre) : Bien, je vais vous donner un exemple. Dans votre comté, justement, on...

Mme Boulet : Oui. Bien, c'est pour ça que je...

M. Blanchet (Pierre) : Sur la zec Wessonneau, c'est clair qu'ils avaient fait, justement, les démarches, puis là-bas ça s'est soldé... Par exemple, ils nous disaient que la vitesse de l'eau à cet endroit-là était exactement une vitesse qui préconisait la ponte de poissons, là, puis ils avaient pris des photos, puis tout ça. Puis donc on voulait l'installer juste pour quelques mois pour un test, puis il aurait pu y avoir une frayère, là, à cet endroit-là, et puis il fallait surtout pas comme endommager le milieu qui était là.

Mme Boulet : ...que l'environnement peut nuire, là, finalement, à l'expansion ou à la vente de...

M. Blanchet (Pierre) : Puis ça, ça a pris quelques mois avant d'être rendue, cette décision-là. Puis avant ça, bien, il a fallu demander la permission, bien, évidemment, du propriétaire, avoir une lettre du propriétaire, de la MRC, de la municipalité, faire une demande de renseignements fauniques, puis, quand tout ça, c'est prêt, on peut passer à la deuxième étape, envoyer notre demande de certificat d'autorisation, puis ça, c'est en remplissant un gros rapport d'une quarantaine de pages. Et, après ça, ça prend quelques mois, on a notre réponse, et puis c'est généralement juste temporaire, O.K.? Puis, quand on a notre réponse, ça arrive tard en automne. D'ailleurs, à la zec Petawaga, on était supposés l'installer l'année passée, puis ça a tellement pris de temps qu'on s'est repris un an après. Mais, en tout cas, c'est un exemple. C'est un exemple, là.

• (20 h 10) •

Mme Holzer (Claire) : ...j'ajouterai qu'en parallèle, donc, des démarches auprès du ministère du Développement durable et de l'Environnement il faut faire aussi des démarches auprès du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles pour tout ce qui touche à l'électricité, aux droits hydriques et à la gestion du domaine hydrique de l'État. Donc, il y a vraiment tout un processus de démarche vraiment long, complexe, dispendieux pour une activité qui fait un mètre de haut, même pas deux mètres de large et qui occupe moins de 2 % de la rivière, et voilà.

Donc, c'est vraiment cette disproportionnalité entre les démarches, et vraiment les démarches dans leur globalité en termes de coût, en termes de complexité de ce qui l'entoure, et le produit en soi, et le but aussi du projet, de l'activité qui a vraiment été pensée dans un aspect de protection de l'environnement et tout à fait louable mais qui est, comme l'a dit Pierre au début, comparé à une génératrice à essence où le but est... enfin, le but, c'est un substitut, en fait, à une génératrice à essence, mais la génératrice ne demande pas de permis. Voilà. Il y a un peu cette opposition et ce gros paradoxe entre ce qu'a voulu faire Idénergie en développant son projet, son innovation verte... et concrètement la réalité du terrain fait qu'on ne peut pas l'utiliser. Et, quand je dis «on», c'est un utilisateur, un particulier, mais également, donc, des gros projets municipaux qui pourraient être mis en place par du public. C'est ce paradoxe entre l'envie derrière la... vraiment, l'aspect protection de l'environnement et la réalité concrète du terrain, d'un point de vue réglementaire, qui bute.

M. Blanchet (Pierre) : Et puis...

Le Président (M. Reid) : Merci. On va passer, si vous voulez, aux groupes d'opposition, qui auront aussi des questions à vous poser. Alors, je donne la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci de votre présence ici. Effectivement, je vous entendais parler des hydroliennes puis j'avais encore en image la chaire de recherche TERRE du cégep de Jonquière. Je suis heureux de savoir que vous travaillez avec, parce que je suis allé les visiter, justement, en juin... fin juin peut-être, là, après la session, et ils m'ont fait une belle démonstration de leur hydrolienne aussi et de leurs projets d'expansion, puis de recherche, puis de développement. Alors, je pourrai, la prochaine fois, échanger encore plus avec eux en faisant davantage le lien avec vous, si c'est possible.

Ce que je veux savoir, maintenant. Dans votre mémoire, à la page 20, vous parlez de, dans la proposition 3.4, là, l'allègement de la procédure, vous dites qu'il faudrait supprimer des échelons décisionnels selon le risque environnemental de l'activité et là vous proposez de déléguer plus de pouvoir de gestion aux échelons décisionnels inférieurs pour des activités à risque faible ou négligeable, ce qui est complètement le contraire de ce que disait, entre autres, le groupe qui vous a précédé pour les forêts privées, qui eux préfèrent que ce soit géré à partir du ministère de l'Environnement à Québec parce qu'ils considèrent que les municipalités, parfois... pas toutes, mais parfois n'ont pas nécessairement les ressources ou les compétences nécessaires pour bien gérer justement ou pour bien prendre les décisions sur la question des risques.

Alors, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus. Vous, votre expérience démontrerait le contraire, que les municipalités auraient davantage de ressources ou... pas nécessairement davantage, mais auraient les ressources suffisantes ou les compétences nécessaires?

Mme Holzer (Claire) : Alors là, ça a été plus pensé, en fait, dans le sens où le processus de démarche actuel, c'est avoir l'autorisation du propriétaire quand un particulier veut installer son hydrolienne sur une propriété ou dans le lit du cours d'eau pour lequel il n'est pas propriétaire. Après ça, une fois que le propriétaire a donné son accord, son feu vert, il faut qu'il passe par la municipalité. La municipalité délivre un certificat de non-contravention à la réglementation de la municipalité. Après ça, on peut aller vers la MRC, qui délivre également un certificat de non-contravention à la réglementation de la MRC, et après on s'en vient au ministère.

L'idée, c'était plus de rester au premier échelon, qui est la municipalité, qui connaît son territoire, qui connaît les terrains et qui s'arrêtait, en fait, à ce processus-là, à cette première étape ou cette deuxième étape d'autorisation et de ne pas faire le gros processus jusqu'à l'autorisation ministérielle pour une activité que l'on considérait comme à risque négligeable pour l'environnement parce que, bien, l'hydrolienne ne demande pas autant, entre guillemets, d'efforts d'analyse de demande vu le projet, en fait.

M. Gaudreault : Mais, quand même, mettons que je suis votre raisonnement, là, et qu'on installe une hydrolienne dans une rivière sur un vaste territoire d'une municipalité, comme ça arrive souvent au Québec, là... Il y a des municipalités qui ont des très vastes territoires avec des rivières, mais souvent c'est des petites municipalités non pas sur le plan du territoire, mais sur le plan de l'administration. Ça peut être une municipalité de 500 à 1 000 habitants mais qui a un très grand territoire avec des rivières, et tout.

Qu'est-ce qui me dit, moi, que la municipalité va avoir les ressources ou les compétences suffisantes pour savoir qu'il n'y a pas une frayère à poisson là exactement où vous voulez mettre l'hydrolienne ou que, justement, la glace n'est pas assez épaisse, ou quoi que ce soit? Donc, la municipalité elle-même aura justement à aller chercher des compétences ailleurs ou au ministère. Donc, comment on peut trouver le bon équilibre là-dedans?

Mme Holzer (Claire) : Bien, déjà, d'un point de vue environnemental, il y a la demande d'information faunique qui est forcément jointe à une demande d'autorisation. Donc là, ça serait de conserver ces documents de preuve de non-impact environnemental et aussi de parler... de faire connaître, en fait, l'hydrolienne Idénergie ou les énergies, les innovations de petite puissance, de les faire connaître et d'expliquer comment ça fonctionne pour un peu former les futurs receveurs de demande pour faciliter après l'analyse dans le processus de demande.

M. Blanchet (Pierre) : Je pense, ce serait bien qu'on travaille de concert avec les fonctionnaires du gouvernement pour qu'ils viennent voir notre machine, l'analysent puis au moins, comme, puissent prendre des décisions sur quelque chose qu'ils connaissent — ce serait la première étape — puis ensuite de ça qu'on dédramatise un peu, là, cette machine-là, là, et puis qu'on la reconnaisse comme une belle machine, là, qui fait de l'énergie verte, un objet qui va être connu, tu sais, un objet commun comme le quatre-roues, le seadoo, ou peu importe, là, qui est un objet commun de la vie courante. Puis après ça, bien, dans quelques années, les municipalités vont savoir c'est quoi, une hydrolienne, parce que ça va être quelque chose de connu et puis : Vous voulez en installer une?, bon, on sait c'est quoi, on sait qu'est-ce que ça mange en hiver, et voilà.

Là, je pense que c'est peut-être très, très nouveau, O.K., et puis les gens n'ont pas vu souvent fonctionner... Puis c'est normal, la société change, le monde change. On n'avait pas d'iPhone il y a 10 ans, puis maintenant tout le monde en a, puis voilà. Puis, si on veut se sortir de notre dépendance au pétrole, bien il va falloir qu'on commence à être un peu plus flexibles sur des solutions comme ça. Et puis moi, je vous le dis, là, dans mes rêves, je rêve du jour où on s'en va chez Canadian Tire s'acheter une génératrice à essence puis qu'on a besoin de faire des demandes de permis — ça, j'aimerais ça — puis qu'on ait besoin de justifier au ministère combien de tonnes de CO2 ça va générer et puis qu'on paie des redevances pour pour avoir brisé l'environnement. Ça, j'aimerais ça. Ça, j'aimerais ça voir ça un jour. On n'est pas rendus là, mais, au moins, qu'on mette d'égal à égal les technologies, parce que, si on veut faire de l'énergie propre puis s'en sortir, on a besoin de changer notre manière de voir le monde puis on a besoin de changer pour survivre en tant qu'espèce.

M. Gaudreault : Je pense que vous soulevez des points extrêmement intéressants, effectivement, mais vous faites appel à toute une culture, hein, à changer aussi.

Je voudrais revenir, si on sort un peu de l'hydrolienne, là... je comprends que c'est votre exemple puis il est très bon puis c'est le produit que vous connaissez le plus, mais vous plaidez aussi, dans votre proposition 5.3, pour la réalisation de projets pilotes et la délivrance d'autorisation temporaire. Alors, pouvez-vous nous en parler un peu plus? Comment vous voyez ça? Est-ce que vous avez, dans votre industrie de l'énergie renouvelable, outre l'hydrolienne, d'autres types, par exemple, d'innovation qui se butent un peu à ce labyrinthe kafkaïen, là, des autorisations environnementales? Alors, comment vous voyez cette procédure de... Est-ce qu'elle devrait être remise en question au bout d'un certain temps? Un projet pilote, par définition, ce n'est pas du long terme, là.

• (20 h 20) •

Mme Holzer (Claire) : Donc, c'est que l'idée du soutien des projets pilotes, c'est justement pour permettre aux innovations... c'est vraiment un moyen d'appuyer les innovations et, dans notre cas, les innovations vertes, c'est vraiment un moyen de favoriser le déploiement des nouvelles technologies, parce que ce qui compte... C'est qu'on ne peut pas réussir à améliorer une technique, une technologie si on n'essaie pas, et, en l'absence de ces essais en conditions réelles pour avoir vraiment des retours concrets de comportement de l'innovation dans ces conditions réelles d'utilisation, on n'est pas capable à la fois, d'évaluer les effets, bénéfices, ou... enfin, bénéfiques ou pas, et de savoir où et comment améliorer.

M. Blanchet (Pierre) : Quand on a demandé notre autorisation pour 25 hydroliennes pour trois ans, le but, c'était de laisser justement le temps aux gens des différents ministères de se familiariser avec ça, d'aller chez des clients valideurs voir quelle est la technologie, les impacts pour vrai, pas juste se fier à des vidéos ou à quelques papiers universitaires, là, sur la reproduction des poissons, mais vraiment comme aller sur le concret, sur le terrain. Moi, c'est ça que je fais. C'est pour ça que la machine fonctionne aujourd'hui. C'est parce que je me suis mis les mains à la pâte puis j'ai essayé de faire ce que je voyais en théorie puis l'amener dans la réalité.

Mais j'aimerais ça que le ministère fasse la même chose, travaille avec nous. Puis ça aurait été une bonne occasion, justement, de placer 25 machines à l'essai chez des clients, tout ça, et puis comme ça on aurait pu en connaître plus puis mieux encadrer ça. Mais ça a été, malheureusement, un refus, puis on n'en a pas vraiment... On a attendu longtemps après cette réponse-là puis on a vraiment été... vraiment déçus, là, toute la gang, là, puis on s'attendait à un peu plus de collaboration. Et puis l'offre est toujours là, là, présentement, et puis ça vaut pour n'importe quelle nouvelle technologie de renouvelable qu'il va y avoir. Si, au lieu qu'un entrepreneur s'enlise dans la paperasse puis arrive avec de l'innovation... De l'innovation, quand on arrive avec ça dans les lois, ça ne fonctionne jamais dans les lois, là. Les lois n'ont pas été faites pour ça, elles ont été faites pour le monde d'avant. Maintenant, on arrive avec quelque chose qui n'est pas là-dedans qui va accrocher à telle, telle place, puis il faut montrer une certaine souplesse pour permettre à ça d'éclore puis aussi ne pas enliser l'entrepreneur dans de la paperasse, puis de la paperasse, puis des permis, puis tout ça, parce que, de l'autre côté, l'entrepreneur, il a besoin de trouver de l'argent, il a besoin de trouver les investisseurs, il a besoin de faire fonctionner sa technologie, il a besoin de développer son marché, faire du marketing, développer son réseau de distribution.

C'est titanesque, les efforts qu'on fait présentement. Il y en a beaucoup dans notre équipe qui ne dorment pas beaucoup durant la semaine, dont moi le premier, et c'est des efforts sans arrêt, tout le temps, et puis, quand on est là-dedans, c'est très difficile. C'est correct qu'on la fasse, cette démarche-là, parce que c'est nouveau, mais ce qui est moins bien, c'est que ça occupe une trop grande place dans notre développement technologique, donc, d'où la nécessité des essais temporaires, démonstrations, et tout ça.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Bonjour. Bienvenue à l'Assemblée. Vous parliez de l'innovation et lorsqu'on démarre un projet comme ça. Est-ce que ça a été compliqué, trouver du capital de risque pour vous financer? Tout à l'heure, vous disiez que vous aviez eu 500 000 $ du gouvernement du Québec, comparativement à l'annonce qui avait été faite. Au niveau du montage financier, au niveau de votre parcours, est-ce que ça a été difficile de trouver du...

M. Blanchet (Pierre) : C'est épouvantable, c'est épouvantable, mais, je vous dirais, les premières années, c'était plus facile.

Quand on démarre un projet comme ça, on a accès à des petites bourses, tout ça, tu sais, puis on n'est pas beaucoup de monde dans l'équipe, et puis, bien, on découvre le crédit d'impôt R&D, qui est un levier incroyable pour développer des technologies, là. Puis je voudrais dire que, si on a comme associé un bon CFO, là, un «chief financial officer» — excusez-moi le terme anglais — qui est dédié justement à la recherche d'argent, à remplir des demandes de subvention, puis à monter des bons budgets, puis surtout les tenir serrés, ça se fait, on est capables de livrer la marchandise. Ce qui est difficile, c'est quand on arrive dans la commercialisation. Parce que, là, en ce moment, on est dans une période très creuse d'entre élections, et tout ça. Des organismes, MEIE, Développement économique Canada... il y a beaucoup moins d'argent qui est disponible d'avant, puis c'est des aides souvent pour des entreprises déjà établies, O.K.? Donc, dans la «start-up» innovante, c'est assez difficile à ce moment-là.

Les fonds de capitaux de risque au Québec, je ne veux pas les juger, parce qu'on a quand même un petit marché ici, là. Si on s'en va en Californie, il va y avoir beaucoup plus de capitaux de risque en énergie verte qu'ici, donc ça va faire en sorte que peut-être que le produit, par exemple, qu'on développe, bien, va avoir un «match» parfait avec ce que cherche un fonds de capital de risque dans son portefeuille. Ici, c'est un marché beaucoup plus réduit, donc c'est très difficile d'en trouver. Puis souvent on va demander, pour accéder au capital de risque, d'avoir déjà des ventes et puis d'avoir déjà, tu sais, comme une entreprise qui a déjà commencé, là, à opérer son côté commercial, O.K., et puis c'est ce qui coûte le plus cher à développer, ça, justement. Les beaux vidéos que vous voyez là, le marketing, tout ça, là, c'est très coûteux, donc, puis ça prend du temps, établir aussi des relations commerciales de confiance avec tout le monde.

Donc, généralement, les capitaux de risque vont plus apparaître dans cette zone-là. Sinon, en attendant, on essaie de trouver ce qu'on appelle des anges investisseurs, donc, quelqu'un qui va être prêt à mettre quelques centaines de milliers de dollars dans le projet, qui croit à ça, qui aime beaucoup le projet puis qui est prêt à le porter puis prendre des parts d'une compagnie prometteuse, là, en début de vie. Mais c'est sûr que nous, on l'a vécu, ça, puis on est très satisfaits, on est très contents de ça, on a des bons «partners», mais c'est certain qu'à un moment donné il faut aller prendre la liane, le plus gros investissement, parce que généralement la commercialisation, là, d'une technologie va coûter deux, trois, quatre fois plus cher que qu'est-ce que ça a coûté en R&D, là. Donc, si nous, on dit qu'on a mis 2 millions tout à l'heure, bien c'est parce que la prochaine ronde de financement va être assez coûteuse.

Donc, ça ressemble à ça. Mais, au Québec, est-ce qu'il y en a assez? Je dirais non. Je connais énormément de «start-ups» technologiques vertes qui tirent le diable par la queue présentement puis qui ont vraiment des technologies prometteuses. Allez voir sur Écotech, la grappe des technologies propres, là, au Québec, là, vous allez voir plein, plein, plein de compagnies là. Puis c'est très, très prometteur, ce qu'on développe au Québec, mais ce qui est plate, c'est que, quand ils n'ont pas accès à du financement, bien là, bien, ça peut n'importe quand s'écrouler, là. C'est la loi de la jungle, là. Donc, je ne sais pas quoi répondre à ça. Est-ce que c'est bon? Est-ce que ce n'est pas bon? Est-ce que c'est une sélection naturelle? Je ne le sais pas.

M. Jolin-Barrette : O.K. À la page 25 de votre mémoire, à la proposition 5.4, vous proposez de mettre des critères pour soustraire à un certificat d'autorisation. Je me demandais : Dans le cas, supposons, de votre hydrolienne, est-ce que ça émet un contaminant au sens de l'article 22, supposons, en termes de bruit, en termes de perturbation, ou tout ça? Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous voulez que ça ne soit pas assujetti, dans le fond, ou qu'il y ait une exemption?

Mme Holzer (Claire) : Oui, tout à fait. C'est que justement, en prenant, donc, les articles de loi et en prenant vraiment ce que dit la loi pour tout ce qui touche aux rejets des contaminants, aux dépôts, à la modification de la qualité de l'environnement, on se rend compte que l'hydrolienne Idénergie, elle ne correspond pas à ces impacts environnementaux.

Donc, l'idée, c'est, voilà, de vraiment inclure l'hydrolienne dans la catégorie des activités à risques environnementaux négligeables de façon à ce qu'il n'y ait pas besoin d'autorisation, d'avoir soit, donc, une exemption d'autorisation, ou qu'une simple déclaration... comme c'est dit dans le livre vert, une simple déclaration de conformité ou alors une déclaration sous serment comme il existe dans d'autres pays ou d'autres États, provinces, pour ces petites activités qui répondent à des critères vraiment précis, et notamment, donc, ce fait qu'il n'y a aucune... je prends aussi d'autres articles de loi comme la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune... aucune modification d'éléments biologiques, aucune destruction ou modification de la couverture végétale de la rive, ce genre de choses auxquelles l'hydrolienne Idénergie mais aussi d'autres innovations vertes, aussi d'autres activités de petite puissance... auxquelles elles ne répondent pas, de les inclure, de faire en sorte que ce soient un peu les critères, entre autres... en plus, comme je disais précédemment, des critères de dimension, de puissance, ce genre de choses, de faire en sorte que ces différents critères fassent que ce sont des activités à risque environnemental négligeable et qu'on puisse... qui permettent leur installation, leur utilisation, leur usage beaucoup plus facilement pour faciliter l'accès à la technologie.

M. Jolin-Barrette : Donc, concrètement, pour l'attestation, si vous faites référence aux professionnels, ça serait une attestation qui est donnée par le professionnel par le biais de sa profession, par ses qualifications, son opinion professionnelle plutôt que de passer par le ministère. Donc, ça simplifierait les délais associés à l'obtention d'un certificat d'autorisation.

Mme Holzer (Claire) : Voilà.

M. Jolin-Barrette : C'est un peu ça. O.K. À la page...

Le Président (M. Reid) : Malheureusement, le temps est très terminé. Alors, Mme Holzer, M. Blanchet, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux pour quelques instants, le temps que le prochain groupe, qui est l'Association des producteurs de canneberges du Québec, prenne place.

(Suspension de la séance à 20 h 30)

(Reprise à 20 h 33)

Le Président (M. Reid) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Association des producteurs de canneberges du Québec. Comme vous avez vu, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et, par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission, qui pourront poser des questions. Je vous demanderais de commencer par vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Alors, à vous la parole.

Association des producteurs de
canneberges du Québec (APCQ)

Mme Thomas (Monique) : Alors, je suis Monique Thomas, je dirige l'Association des producteurs de canneberges du Québec.

M. Decubber (Luc) : Luc Decubber, l'ancien président de l'Association des producteurs de canneberges et toujours producteur de canneberges.

M. Asselin (Rémi) : Rémi Asselin, producteur de canneberges. Anciennement, j'étais ingénieur au ministère de l'Agriculture et j'ai participé à l'élaboration de plusieurs projets de canneberges.

Le Président (M. Reid) : Merci.

Mme Thomas (Monique) : Alors, mes premiers mots, les membres de la commission, c'est de vous remercier de nous avoir invités à échanger avec vous sur le livre vert, sur notre régime d'autorisation environnementale.

Quelques mots sur notre association, que je dirige depuis plus de six ans. Alors, elle compose 75 membres des 83 producteurs recensés au Québec. Ce sont des producteurs membres sur une base volontaire qui sont principalement répartis dans trois régions du Québec, mais c'est au Centre-du-Québec qu'on retrouve la grande majorité des fermes. Notre bureau est situé à Notre-Dame-de-Lourdes, au coeur de la région du Centre-du-Québec, au coeur des activités du secteur canneberges, où l'on retrouve 80 % du volume total des canneberges récoltées et trois usines de transformation de la canneberge.

Soulignons que le Québec est la seule province au Canada qui produit et transforme la canneberge. Ainsi, les deux tiers de notre production qui est récoltée est transformée au Québec. Atocas, Citadelle et Fruit d'or exportent leurs produits dans plus d'une trentaine de pays dans le monde. La production de canneberges est somme toute réellement implantée depuis les années 80 pour s'intensifier au cours des années 2000, passant de 44 cannebergières à 83 en 2015. Le Québec se classe maintenant au deuxième rang mondial pour son volume total de canneberges et au premier rang mondial pour sa production de régie biologique. En 2015, ce sont plus de 9 000 acres qui seront en production, dont 15 % de ces superficies seront en régie biologique.

Nous avons, au Québec, des conditions favorables pour la condition de la canneberge. C'est une plante indigène qui supporte très bien les hivers rigoureux et les changements de climat. La canneberge pousse bien dans les sols très pauvres en phosphore et très riches en acide, là où aucune culture maraîchère n'a réussi à s'établir véritablement.

Une étude d'impact économique réalisée par la firme Zins Beauchesne en 2012, avec des chiffres de 2010‑2011, démontre qu'ensemble les activités de production et de transformation de la canneberge au Québec ont généré et génèrent 126 millions de dollars entre 2007 et 2011. Ensemble, les producteurs et les transformateurs totalisent 90 millions annuellement de dépenses en exploitation, représentant des retombées annuelles d'une valeur de 60 millions de dollars dans l'économie du Québec. L'industrie est responsable de 1 200 emplois directs et indirects. Parallèlement au développement des canneberges, des manufacturiers d'équipement ont émergé afin de répondre à l'industrie et aux besoins de l'industrie. Un savoir-faire québécois s'est développé au fil des années, notamment pour doter les cannebergières d'ingénieux systèmes d'eau à circuits fermés et autres équipements spécifiques au besoin de la récolte, de l'implantation et de la culture, un secteur important de l'activité économique dans plusieurs municipalités, particulièrement dans le Centre-du-Québec. Depuis que cette étude-là a été réalisée en 2010‑2011, notre industrie a connu une croissance favorable depuis les quatre dernières années avec l'ajout de quelques cannebergières, l'ajout de congélateurs, l'ajout de nouvelles constructions d'usine de transformation. Alors, on prévoit faire une mise à jour de notre impact économique au cours de l'année prochaine.

Voici, je vous présente Luc Decubber, qui va poursuivre sur notre mémoire.

M. Decubber (Luc) : Permettez-moi de vous faire un portait de la situation actuelle.

Donc, l'Association des producteurs de canneberges du Québec se réjouit du dépôt du livre vert visant à moderniser le régime d'autorisation environnementale, et qui apportera un changement de philosophie au sein du ministère, et qui permettra une meilleure collaboration avec les analystes qui viennent sur nos fermes.

Depuis déjà depuis plusieurs années, notre association collabore avec les différentes instances du MDDEP afin de documenter nos pratiques culturales et tenter d'apporter des solutions aux différents problèmes. Soulignons que tous les producteurs de canneberges doivent préalablement détenir un certificat d'autorisation, un CA, avant de débuter des travaux d'aménagement d'une cannebergière, ceci en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, puisque nous bâtissons des réservoirs d'eau, des lacs afin de pouvoir conserver les eaux de pluie et de la fonte des neiges pour répondre entièrement aux besoins de notre culture.

La très grande majorité des fermes possèdent des systèmes d'eau à circuits fermés permettant la conservation et le recyclage de l'eau année après année de façon à économiser cette précieuse ressource. Nous avons besoin d'eau pour l'irrigation en été, prévenir les gels d'automne et inonder nos bassins lors de la récolte. Et, contrairement au mythe véhiculé, la canneberge ne pousse pas dans l'eau, et ses besoins en eau ne sont pas plus grands que pour les fleurs de votre jardin.

Nous sommes heureux de constater que le livre vert viendra classifier les niveaux de risque engendrés par les différentes activités. La culture de la canneberge s'est toujours développée dans le respect de l'environnement et avec le souci de protéger nos ressources. Nos diverses pratiques en témoignent, et les divers projets de recherche menés sur nos fermes depuis les 30 dernières années ont amélioré nos pratiques et nos connaissances. Notre activité représente peu, voire pas de risque sur l'environnement. Et, en plus de 30 ans de cultures de canneberges au Québec, aucun incident ayant un impact négatif sur l'environnement ou sur les populations habitant à proximité des cannebergières n'est venu assombrir notre histoire. La culture de la canneberge est relativement jeune au Québec, et nous sommes confrontés à des délais déraisonnables pour l'obtention de nos certificats d'autorisation. Nous sommes soumis à diverses interprétations des analystes, et des études très coûteuses sont demandées.

• (20 h 40) •

Le livre vert vient corriger une partie des problèmes que nous vivons. La problématique des milieux humides représente un autre dossier où nous subissons des irritants déraisonnables et démesurés. Cela fera partie d'un autre mémoire dans le cadre d'un prochain dépôt de projet de la loi sur la conservation des milieux humides et hydriques. Mais concentrons-nous actuellement, aujourd'hui, sur les remarques sur le livre vert portant sur le régime d'autorisation environnementale.

L'APCQ est en faveur des points suivants : la simplification du processus d'autorisation, des façons de faire plus claires et prévisibles pour l'initiateur d'un projet; la simplification du processus d'autorisation pour les activités dont les risques sont moindres et l'optimisation du processus d'autorisation en réduisant les délais; un processus d'autorisation plus simple et prévisible de manière à assurer une plus grande uniformité dans les analyses de demandes. L'élaboration des guides et la formation des analystes du ministère répondent à une demande depuis longtemps exprimée par notre secteur. L'accompagnement, avant que le projet ne démarre, résoudra les problèmes à la source et instaurera un niveau de confiance avec l'interlocuteur plutôt que d'être dans l'imprévisibilité. Le partage d'information entre les bureaux régionaux du ministère et d'autres ministères concernés par le projet ainsi que par les MRC est essentiel. L'instauration d'un guichet unique ferait gagner du temps, énergie et argent aux initiateurs de projet.

Ça fait que l'Association des producteurs de canneberges considère que les orientations 3 et 7 de la réforme sont importantes pour la culture de la canneberge, la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque environnemental — élevé, modéré, faible et négligeable — et la simplification du processus d'autorisation et d'analyse sont fondamentales; appuie l'intention du MDDELC de moduler le régime d'autorisation en fonction du risque environnemental et de déplacer les efforts d'analyse de nouveaux projets vers ceux qui représentent les risques plus importants pour l'environnement. À cet égard, l'APCQ demande à ce que les projets de cannebergière et les activités qu'elles entraînent — prélèvements d'eau, récoltes par inondation, travaux de profilage des sols — soient classés comme étant des activités sans risque, au même niveau que les autres secteurs de l'agriculture, pour les raisons suivantes : l'industrie de la canneberge fait partie des activités agricoles les moins dérangeantes pour l'environnement; l'utilisation de systèmes d'eau en circuit fermé permet de conserver l'eau des pluies et de la fonte des neiges et de la recycler année après année selon les besoins de la ferme — ce procédé minimise l'empreinte environnementale; un plan de gestion des eaux accompagne toujours la demande de certificat d'autorisation, qui est la condition première pour l'aménagement d'une cannebergière.

En recréant des milieux humides, plusieurs espèces de faune et de flore revivent en symbiose avec le milieu. Des aigrettes, des tortues des bois, des oies blanches sont notamment des espèces qui ont réapparu dans les régions accueillant les cannebergières.

Le Président (M. Reid) : En terminant.

M. Decubber (Luc) : Donc, la culture de la canneberge nécessite peu d'intrants, peu de fertilisation. Les producteurs de canneberges se sont dotés d'un service-conseil, et en plus l'APCQ a élaboré une certification environnementale. Celle-ci a été offerte aux producteurs pour la première fois en 2012. C'est Concert, une filiale d'Écocert, qui fut mandatée pour faire les audits. Un cahier de charges comprenant l'intégration des bonnes pratiques en matière de salubrité, traçabilité et environnement fut élaboré dans le but d'établir les normes et la certification et ainsi guider les producteurs dans leurs démarches.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons nous arrêter là pour passer à la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, madame. Bonsoir, messieurs. Merci pour votre contribution à nos travaux ce soir.

Moi, je chercherais plus particulièrement des exemples concrets que vos membres ont vécus ou que vous avez vécus personnellement, là, des cas où ce qui est proposé par le livre vert vous aiderait. Je vous en ai entendus parler de façon générale, mais, si vous pouviez, s'il vous plaît, concrétiser ça, nous donner des exemples plus concrets par rapport à la réalité de vos membres, ça nous aiderait beaucoup.

M. Asselin (Rémi) : Bien, pour répondre de façon très spécifique. Disons, de mon expérience passée, quand j'aidais les producteurs à faire leurs plans d'aménagement, à présenter leurs demandes de certificat d'autorisation — ça, on recule, là, au début des années 2000, fin 90 — à ce moment-là on avait une très bonne collaboration des officiers du ministère de l'Environnement, on amenait les gens sur place avant de faire notre élaboration de projet, et je leur posais carrément la question : Comment tu vois ça, là, cet aménagement-là, ici, là? Dis-moi qu'est-ce qui est faisable puis qu'est-ce qui a de l'allure pour ne pas qu'on s'empêtre pour rien. Et, généralement, on réussissait à sortir un terrain de... pas nécessairement d'entente, mais une ligne directrice pour présenter notre projet, puis ça allait rondement.

Malheureusement, au cours des années, ce genre de collaboration là s'est estompé, voire a disparu. Et je constate avec joie que, dans votre livre vert, on fait référence à ramener un peu plus de collaboration avec les gens pour savoir comment guider les projets, faire connaître aux promoteurs des avenues de solution. C'est sûr que, si on regarde actuellement, dans les dernières années... les demandes exigent beaucoup de temps, exigent beaucoup de compétences, et ça finit par faire une facture qui est énorme aux promoteurs. On convient qu'il y a des choses à produire, mais disons que c'est nettement beaucoup plus difficile aujourd'hui, là, que c'était au début. Et c'est pour ça que, les recommandations qu'on présente dans le livre vert, là, on les voit d'un bon oeil, parce qu'on va simplifier. Premièrement, on va caractériser des catégories de risque, et les études seront en conséquence. Et, comme on l'a dit, notre secteur d'activité, comme tout autre secteur agricole, n'est pas un secteur à risque, dans ce sens-là.

M. Decubber (Luc) : Alors, au Centre-du-Québec, où la majeure partie des cannebergières sont situées, nous sommes gâtés, nous avons des belles cartographies : nous avons la cartographie de Canards illimités, nous avons la cartographie du MAPAQ, nous avons la cartographie de l'Environnement.

La seule problématique, c'est que ces trois cartographies-là ne sont pas les mêmes, ça fait que ce n'est pas toujours facile quand il y a un promoteur qui arrive et dit : Tiens, je veux partir une cannebergière. Ça fait qu'il va voir le MAPAQ, il fait l'acquisition de terrain, et là il arrive au MDDEP : Non, mais ça ne marche pas, il y a un milieu humide, tu ne peux pas partir là-bas. Ça fait que, là, il faut retourner en arrière. Ça fait que, là, on va engager des biologistes, des ingénieurs pour recommencer le processus. Et c'est là que ça devient difficile. Et là on se retrouve avec des demandes de CA qui peuvent s'éterniser; pas rien que 30 jours, pas 60 jours. Moi, je connais des producteurs que ça fait un an qu'ils attendent leur CA.

M. Heurtel : Très bon exemple. Oui, allez-y.

M. Asselin (Rémi) : ...concret. J'ai eu à intervenir sur un dossier en début des années 2006‑2007, et c'était un dossier assez particulier, je vous dirais, c'était la première fois que je voyais ce genre d'installation là, puis, le promoteur, on avait beau lui dire : Écoute, ça va être difficile de passer ça pour telle, telle raison, mais il tenait à son projet. Nous avons présenté une solution, une proposition d'aménagement, et ça a été carrément rejeté, ils ont dit : Non, il nous manque trop de données, il manque trop de détails. Finalement, le promoteur, on a engagé une firme-conseil, un hydrologue, on a fait faire des mesures environnementales sur des sources d'eau, beaucoup de choses, de délimitation de zones supposément humides, et tout ça a coûté aux alentours d'une trentaine de mille dollars. Ça a pris une couple d'années, puis essentiellement on est arrivé, à toutes fins pratiques, à peu près à la proposition initiale qu'on avait faite, mais avec moult détails techniques.

M. Heurtel : Merci. Il y a une notion aussi qui revient souvent, en tout cas, on en a beaucoup entendu parler dans soit des rencontres individuelles ou les préconsultations, la notion, dans certains cas, de pouvoir regrouper certaines demandes de certificat d'autorisation vu que c'est en continu puis vu l'exploitation et ses conditions, là. Puis souvent ce qui arrive, c'est qu'il y a une demande de CA suivie d'une autre, suivie d'une autre, suivie d'une autre, puis là c'est de voir est-ce qu'il y a possibilité de regrouper l'ensemble d'éléments plutôt que d'avoir à recommencer le processus en même temps. Je ne sais pas si c'est quelque chose... nécessairement, votre industrie, est-ce qu'elle est confrontée à ça?

• (20 h 50) •

M. Asselin (Rémi) : À l'occasion. Si on prendrait l'exemple d'un producteur qui a... exploitation de cannebergière, production de fruits puis qui voudrait faire de la transformation, là, il va devoir avoir une certification... c'est-à-dire, une autorisation pour son usine, le nettoyage des fruits, le traitement des eaux usées. Donc, ça va nécessiter une autre autorisation. C'est bien sûr que, dans un cas comme cela, c'est plutôt rare que le projet en double va démarrer dans un seul bloc. Généralement, ce qu'on a vu, c'est que la production, elle démarrait, puis ensuite il y a eu ajout d'usine de transformation.

Mais, pour d'autres secteurs d'activité, je crois que c'est très bienvenu de regrouper dans un seul certificat d'autorisation toutes les autorisations nécessaires par chacun des départements de vos ministères, là, que ce soit le traitement des eaux usées, l'approvisionnement en eau potable, etc. Ça, je pense que c'est très bienvenu, ça.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames messieurs. Si je comprends bien la structure de vos opérations, c'est que la culture de la canneberge se fait d'une façon traditionnelle, mais c'est la récolte qui est problématique avec le besoin d'avoir des quantités d'eau... appelons ça astronomiques, là, et après de recycler ces eaux-là.

Est-ce que la problématique environnementale puis les permis sont reliés uniquement à ce fait-là ou il y a d'autres enjeux pour la culture, là, je parle?

M. Asselin (Rémi) : Ils sont principalement reliés à l'autorisation de pomper de l'eau dans une rivière pour l'approvisionnement et aussi aux constructions de nos réservoirs, s'assurer que nos réservoirs sont conformes et construits de façon à résister.

En fait, nous croyons que les autorisations demandées par le ministère devraient s'appliquer uniquement à ce qui touche le domaine hydrique et à la protection de l'environnement. Par contre, on peut voir, dans certaines applications des règlements du ministère, des inspecteurs qui vont intervenir pour dire... si moi, je décide de... j'ai programmé des champs de, disons, un hectare de surface puis je décide, pour des raisons tout à fait techniques puis économiques, de les faire à 1,2 hectare, je tombe en dérogation avec le plan que j'ai initialement soumis, et ça, lorsque ça ne change rien sur le régime hydrique, sur la protection de l'environnement, je pense que cette façon de faire là est à revoir. Au cours d'une application, d'un développement d'entreprise... Si je prends, personnellement, la mienne, entreprise, ce n'est pas une entreprise que j'ai développée du jour au lendemain, je l'ai développée avec un petit budget, je suis encore en construction. Mais, vous savez, un plan, moi, je considère que c'est fait pour être modifié à un moment donné, là. Partir avec un plan puis dire : On s'en va avec ça puis... on peut faire des grosses erreurs.

Donc, dans cette raison-là, je pense que les certificats d'autorisation doivent répondre prioritairement à la protection de l'environnement, au fait que, si on a besoin d'aller installer une prise d'eau dans la rivière, on convient qu'il y a des règles à suivre, c'est important qu'il y ait des connaissances qui soient acquises, mais, au-delà de ça, la dimension des bassins, la disposition, l'orientation, je pense que c'est quelque chose qui peut être malléable, d'une certaine façon, là.

M. Bolduc : Est-ce que les contraintes sont principalement à la prise d'eau ou... Puis je vais vous poser la question un peu plus précise : Combien de surfaces de lac ou d'étang, là — classifiez-les comme vous voulez — avez-vous besoin pour, mettons, un 100 acres de cultures?

M. Asselin (Rémi) : Pour un 100 acres, la dimension maximale des réservoirs qu'on a le droit de construire est de cinq hectares, je crois, Luc, hein?

Une voix : ...

M. Asselin (Rémi) : 50 000 mètres carrés de surface.

M. Bolduc : Avec quelle profondeur moyenne?

M. Asselin (Rémi) : Des profondeurs qui ne dépassent pas, généralement, deux à 2,4 mètres, huit pieds d'eau.

M. Bolduc : Huit pieds.

M. Asselin (Rémi) : Oui, à peu près. Bien, question d'ingénierie aussi, sinon on devient, là, des... Il faut que les barrages tiennent, il faut que nos digues tiennent aussi, là. Pour une surface de 100 acres, je vous dirais que ça en prend, minimum, deux, de ça.

M. Bolduc : Donc, ça fait de l'eau, ça fait de l'eau pour le vrai.

M. Asselin (Rémi) : Je ne sais pas si Luc...

M. Decubber (Luc) : Une des problématiques que vous dénoncez aussi, c'est : Il est où, le problème pour obtenir les certificats ou les choses? Je vais vous répondre : Ça dépend de l'analyste qui va étudier le dossier.

M. Bolduc : Ça dépend?

M. Decubber (Luc) : Ça dépend de l'analyste qui va étudier le dossier.

M. Bolduc : ...avec l'analyste.

M. Decubber (Luc) : Oui. Dépendamment, l'analyste, de c'est quoi qu'il voit l'importance, si c'est la prise d'eau ou c'est la grosseur du lac. C'est là que la problématique va arriver.

M. Bolduc : Donc, je pense que ça nous aide, parce que vous parliez de 8 000 acres de cultures. Il y a une croissance. Donc, la problématique de récolter de l'eau, de bâtir des lacs, cette problématique-là, elle a grandi, puis c'est de plus en plus difficile... si j'ai bien compris ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est de plus en plus difficile de faire des nouveaux projets puis d'agrandir, etc.

M. Asselin (Rémi) : ...oui, c'est...

M. Bolduc : Pourquoi? Encore à cause de l'analyste ou...

M. Decubber (Luc) : Comment dirais-je? Au niveau des analystes, il y a une méconnaissance du milieu aussi.

M. Bolduc : O.K.

Mme Thomas (Monique) : Bien, tu sais, la culture de la canneberge est quand même, somme toute, nouvelle puis elle s'est concentrée beaucoup dans la région du Centre-du-Québec, puis les cannebergières se sont toutes à peu près développées dans la même période. Pour les analystes, là, puis tout le monde qui regardent les cannebergières, ça a doublé en l'espace de cinq, six ans, O.K.? Aujourd'hui, on est plus stables, le développement se fait beaucoup moins rapidement, les acres se développent aussi moins rapidement, mais il reste quand même que ça a été rapide. Et il y a une mobilité de main-d'oeuvre aussi au ministère, ce n'est jamais les mêmes analystes qui viennent dans les cannebergières, ce n'est jamais la même interprétation d'une région à l'autre.

M. Bolduc : O.K.

M. Asselin (Rémi) : Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais rajouter un point — on n'en a pas parlé — mais avant que la question soit posée : dans le mémoire, on parle de circuits d'eau fermés. Permettez-moi peut-être d'élaborer davantage.

Premièrement, la plupart des producteurs ont une surface de terrain beaucoup plus grande que l'exploitation directe. Je veux dire, personnellement, mon entreprise, elle a 400 acres de terrain, puis je vais cultiver 50 acres de terrain, alors j'ai huit fois plus grand de terres que ma culture, et j'ai la possibilité de capter, sur cette surface-là, toute la précipitation et la fonte des neiges et pouvoir la récupérer et l'envoyer dans nos réservoirs. Et, la majorité des fermes, c'est à peu près le portrait. Généralement, on a de quatre à cinq fois une surface de terrain plus grande que la surface en culture, ce qui permet d'éviter, pour beaucoup de cas, des prises d'eau à la rivière. Et, quand on parle de circuits fermés, c'est que l'eau qu'on récupère le printemps est relevée dans nos réservoirs pour être utilisée en cours de saison. Après la récolte, elle est retournée aux réservoirs pour le glaçage d'hiver, et ainsi de suite. Au printemps, on récupère et...

M. Bolduc : Si...

Le Président (M. Reid) : Très rapidement, parce que c'est presque fini.

M. Bolduc : Si j'ai bien compris, les pluies, la neige, etc., peuvent remplir votre réservoir. Avec ce que vous avez retourné dans le réservoir, vous n'avez pas besoin d'eau additionnelle si le travail se fait normalement.

M. Asselin (Rémi) : Si on a une plus grande surface de cultures. Si vous avez 100 acres de terrain puis vous avez 80 acres de cultures, là, vous ne réussirez pas à le faire.

Le Président (M. Reid) : Nous allons passer maintenant au groupe de l'opposition. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présence ici. Je vous avoue que je fais la 20 souvent puis, à chaque fois, je suis assez intrigué par effectivement les productions de canneberges. Ce n'est pas quelque chose que je connais beaucoup, en tout cas, dans ma région. Éventuellement, j'arrêterai...

Une voix : ...

• (21 heures) •

M. Gaudreault : ...c'est ça, exactement, j'arrêterai en cours de route pour aller voir vos productions et connaître ça davantage.

Je veux revenir sur évidemment le livre vert et sur ce que vous proposez.

Bon. On a eu un groupe précédent, les producteurs de bois en forêt privée, qui, eux, disent : Bon, bien là, les règles devraient être davantage centralisées au ministère de l'Environnement. Le groupe précédent, la compagnie précédente, Idénergie, disait : Bien, les municipalités pourraient avoir un rôle plus grand, par exemple, dans l'émission des règles ou des certificats d'autorisation, en tout cas, peu importe, là, mais dans les autorisations d'exploitation.

Vous, de votre côté, parce que, dans le fond, vos productions sont situées sur des territoires municipaux, forcément, est-ce que vous croyez qu'il pourrait y avoir un niveau plus efficace de décision en ce qui concerne les autorisations?

M. Decubber (Luc) : C'est parce que la majeure partie des cannebergières sont situées au Centre-du-Québec et la majeure partie sont situées dans des petits villages où on parle de moins de 500 habitants. Ces municipalités-là n'ont pas les ressources pour analyser un dossier. C'est pour ça que nous travaillons beaucoup avec les MRC actuellement. Donc, on a une très belle collaboration avec les MRC pour essayer d'établir des normes constantes pour toutes les municipalités qui sont incluses.

M. Gaudreault : C'était justement ma deuxième question, en vous entendant parler des normes communes, si on veut, entre MRC : Est-ce que, pour l'instant, c'est en train de se construire?

Vous avez parlé, dans votre mémoire, de normes... en tout cas, je ne le retrouve pas, là, mais il y avait un processus de normalisation via le Club environnemental technique Atocas Québec, c'est ça? Donc, est-ce que présentement c'est en train de se répandre, je dirais, d'une MRC à l'autre? Est-ce que le ministère reçoit ça aussi comme ligne directrice, considérant, comme vous disiez tout à l'heure, madame, que c'est une production assez émergente, je dirais, les canneberges et qu'il n'y a peut-être pas nécessairement toutes les connaissances ou les compétences requises au sein du ministère?

M. Decubber (Luc) : La certification comme telle a été bâtie, a été établie en collaboration avec des personnes-ressources du ministère de l'Environnement et du MAPAQ. Donc, ça a été des normes qui ont été établies en collaboration avec les instances gouvernementales. Et actuellement on est à peu près une dizaine de producteurs qui sont certifiés?

Mme Thomas (Monique) : Ça va être entre 20 puis 25 cette année.

M. Decubber (Luc) : Donc, un tiers des producteurs vont déjà être certifiés cette année.

Mme Thomas (Monique) : Sans compter les 15 cannebergières qui sont déjà certifiées biologiques.

M. Gaudreault : Donc, je comprends que, pour vous, quand même, au niveau des autorisations, les municipalités et même les MRC ne sont pas suffisamment outillées, si on veut, là, pour... Il faut quand même travailler avec le ministère, là, davantage.

M. Asselin (Rémi) : Bien, je peux peut-être... Si on... actuellement, là, l'association, même depuis plusieurs années, on a des contacts très fréquents avec les aménagistes des MRC impliquées, surtout la MRC de l'Érable, Arthabaska puis Bécancour, et je pense qu'avec ces gens-là, si on élabore le niveau de risque comme on le propose dans le livre vert, à savoir si on pense qu'on peut être classé dans un risque minime, donc, à ce moment-là, ça facilite beaucoup la tâche à des gens déjà en place dans les MRC pour s'entendre sur des critères à respecter. Mais il faudrait que ces critères-là soient élaborés d'un commun accord, là, j'imagine. Mais je pense qu'on pourrait facilement travailler avec les MRC pour avoir une plus grande uniformité.

M. Gaudreault : Et vous semblez dire dans votre mémoire qu'il y a aussi un problème au niveau du partage de l'information entre les directions régionales du ministère.

Mme Thomas (Monique) : ...le problème.

M. Gaudreault : Allez-y, madame.

Mme Thomas (Monique) : 67 des 83 cannebergières existantes sont situées dans le Centre-du-Québec. Dans le Centre-du-Québec, il y a cinq MRC. Dans deux MRC, on retrouve les trois quarts des cannebergières du Centre-du-Québec, alors, ce qui fait que notre lien avec les directions des MRC est proche, puis ils connaissent notre culture. Maintenant, des cannebergières, il y en a cinq dans la région de Lanaudière, il y en a cinq dans la région du Saguenay, après ça on parle d'une ou deux réparties en Mauricie, une en Outaouais, Côte-Nord.

Or, la responsabilité, les permis, c'est assez facile avec la MRC, mais la MRC, ils vont vous dire aussi que c'est difficile de travailler avec le ministère de l'Environnement parce que, de toutes les régions, il n'y en a pas un qui a la même interprétation. Les interprétations sont différentes, les gens changent. Alors, c'est ce qui vient augmenter le niveau de difficulté.

M. Asselin (Rémi) : Mais, il faut dire aussi, j'ai eu à travailler dans toutes les régions agricoles parce que j'étais... au niveau du ministère dans le temps, j'étais ingénieur là, c'est moi qui m'occupais de la canneberge, qui étais supposé être l'expert de la canneberge au Québec... bon, en tout cas, «expert», c'est un bien grand mot, là. Mais j'ai eu à rencontrer les gens de toutes les régions et je me rappelle d'un cas à Lanaudière, c'est un des premiers cas que l'analyste qui avait le dossier était confrontée, et, pour elle, elle semblait démunie. Ça fait que je l'ai invitée à venir dans la région du Centre-du-Québec et de voir, lors d'une journée où j'avais invité plusieurs représentants du ministère de l'Environnement... à venir voir de visu qu'est-ce qu'une cannebergière, puis comment ce qu'on fait ça, puis comment ce qu'on cultive ça. Et elle m'avait dit en revenant : Bien là, elle dit, je me sens pas mal plus en forme, là, pour ce genre de dossier là, parce qu'elle dit : Avant, là, une cannebergière, elle dit, c'est quoi, pour moi? Et disons qu'il y a cette collaboration-là, là, qui était aidante dans le temps, là, et j'espère qu'on pourra la retrouver aussi dans le futur. La formation et l'information...

M. Gaudreault : La formation n'est pas juste chez les producteurs, mais chez les membres du ministère.

M. Asselin (Rémi) : C'est dans les deux sens, c'est dans les deux sens.

M. Gaudreault : Oui. C'est ça. Maintenant, que dites-vous des propositions du livre vert sur une plus grande responsabilisation des producteurs ou des promoteurs, des initiateurs de projet et notamment cette idée d'augmenter le ratio d'autofinancement de certains services pour mieux internaliser les coûts? Donc, est-ce que ça signifierait pour vous une croissance importante de coûts? Comment vous avez interprété ce passage du livre vert sur un plus grand autofinancement?

M. Decubber (Luc) : ...les coûts sont menés au niveau du ministère de l'Environnement pour le faire. Par contre, ce que nous, on doit payer, toutes les recherches, toutes les études qu'on doit payer avec les ingénieurs, les biologistes, ce sont des coûts qui sont quand même astronomiques avant de commencer. Donc, pour élaborer un CA, en général, à un producteur ça peut coûter facilement 25 000 $, 30 000 $, 50 000 $ et, des fois, 100 000 $. Donc, si en plus il faut rajouter un coût supplémentaire pour obtenir le CA... La grande partie des dossiers de l'analyse a été faite déjà à nos frais. Ça fait que rajouter un coût? Tout dépend comment ça peut être.

M. Asselin (Rémi) : Bien, disons que c'est sûr qu'au niveau responsabilisation du promoteur on comprend aussi que, comme promoteurs, on a des règles à suivre dans la réalisation de notre projet et dans la poursuite aussi. C'est sûr qu'au niveau du coût qu'on doit financer pour le dépôt de la demande, on convient que, comme tous les autres secteurs d'activité, ça fait partie des règles, là, que le promoteur a des coûts à rencontrer. Il s'agit d'avoir une fixation des coûts qui est raisonnable.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons maintenant passer au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Merci pour la présentation de votre mémoire. Sur la première page de votre mémoire, vous indiquez que vous êtes l'une des seules cultures du Québec qui doit demander un certificat d'autorisation. Donc, on comprend que pour votre industrie ça vous demande des exigences supplémentaires. C'est quoi, l'impact pour vos producteurs, en termes de démarrage?

M. Asselin (Rémi) : Bien, en termes de démarrage, actuellement, c'est peut-être les délais, là. On a des demandes qui peuvent prendre jusqu'à deux ans avant de se régler. Donc, ça enlève un peu le goût, là, aux promoteurs à ce moment-là, là. Mais c'est surtout les délais. Il y a les coûts des études aussi qui sont... si on parle de 30 000 $ à 50 000 $, c'est quand même un coût qu'il faut considérer dans notre financement, dans l'élaboration du projet.

• (21 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Dans le marché de la canneberge... je ne parle pas du territoire québécois, mais les compétiteurs, supposons, canadiens, ou américains, ou internationaux, est-ce qu'il y a une analyse qui a été faite entre les exigences qui sont demandées aux producteurs québécois versus leurs compétiteurs sur le marché dit international? Est-ce que c'est plus lourd à l'étranger, c'est moins lourd?

M. Decubber (Luc) : ...récemment par un avocat environnementaliste qui a analysé les différentes analyses, les demandes d'analyse aux États-Unis puis au Canada, puis les délais... je pense qu'ici, au Québec, nous sommes la province qui a la palme au niveau des délais. Donc, ils garantissent, entre autres, aux États-Unis, au Wisconsin, au Massachusetts, où il y a des cannebergières... en dedans de 60 jours, ils ont une réponse. Et, dépendamment de la grosseur de l'entreprise et du risque, le délai peut être encore raccourci.

M. Jolin-Barrette : Donc, il n'y aurait pas de raison pour laquelle, au Québec, on ne pourrait pas aller aussi rapidement que les compétiteurs.

Dans votre mémoire, vous soulignez également que les cannebergières posent un faible risque pour l'environnement. Est-ce que vous avez envisagé... Certaines autres industries nous ont présenté des mémoires pour ne pas l'assujettir à un certificat d'autorisation. Est-ce que c'est quelque chose qui est envisagé? Est-ce que c'est une recommandation que vous faites de ne pas assujettir l'industrie à un certificat d'autorisation?

Mme Thomas (Monique) : Ça va faire partie de la deuxième partie quand on va parler des milieux humides, parce que ça, c'est la grosse partie de nos irritants : c'est l'intervention dans les milieux humides. Et on disait qu'on aménageait des bassins de circuits d'eau à circuits fermés, mais, via nos bassins, on crée aussi des milieux humides puis on est en train de documenter combien d'espèces qui étaient en voie de disparition qu'on retrouve maintenant sur nos cannebergières. Alors, ça, ça va faire partie, là, d'un deuxième mémoire qu'on viendra vous présenter quand on va étudier le projet de loi sur la conservation des milieux humides et hydriques.

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, on vient d'adopter le projet de loi n° 32 lors de la dernière session, qui repousse à 2017 le dépôt du projet de loi par le gouvernement. Est-ce que vous croyez que le projet de loi régissant les milieux humides devrait être intégré dans la Loi sur la qualité de l'environnement en même temps? Parce que c'est un délai supplémentaire de deux ans encore.

M. Decubber (Luc) : Je pense qu'on a encore beaucoup de travail à faire au niveau des milieux humides. Ce n'est peut-être pas facile de l'intégrer d'ici deux ans.

M. Jolin-Barrette : ...dire que vous ne pensez pas que...

Mme Thomas (Monique) : Bien, c'est sûr que le plus vite qu'on va statuer sur la situation, plus vite qu'on va être capables d'arriver avec une définition des milieux humides. Je pense qu'on ne commencera pas le débat ce soir à savoir c'est quoi, le milieu humide, parce qu'on ne sortira pas d'ici, là. Il n'y a pas personne qui a une définition commune de ce que c'est, un milieu humide. Alors, quand on va avoir... on va y travailler, on veut collaborer. Vous allez venir sur nos cannebergières pour voir ce qu'on fait. On va faire nos devoirs là-dessus. On collabore déjà avec les gens du ministère, là, de façon régulière.

M. Jolin-Barrette : L'adoption du projet de loi sur les mesures de compensation notamment pour les milieux humides faisait suite à la décision de la Cour supérieure, Atocas de l'érable. Suite à ça, tout à l'heure vous nous avez dit : Il y a une disparité au niveau de l'analyse par l'analyste au niveau du ministère de l'Environnement dans le cadre des différents dossiers. Suite au jugement, est-ce que c'est toujours le cas? Est-ce qu'il y a une politique qui a été donnée à la grandeur des directions régionales ou c'est toujours...

M. Decubber (Luc) : Il n'y a pas encore de politique générale qui a été établie. Donc, il peut encore y avoir des disparités. Des compensations de un pour un, un pour 10, un pour 50, ça existe encore.

Mme Thomas (Monique) : Il y a encore beaucoup de demandes déraisonnables et des projets qui ne peuvent pas se faire.

M. Jolin-Barrette : Dans une cannebergière moyenne, typique, il y a combien d'emplois qui sont créés?

M. Asselin (Rémi) : Un travailleur par 20 acres de surface.

M. Jolin-Barrette : O.K.

M. Asselin (Rémi) : Mais, il faut s'entendre, là, on a quand même... c'est des emplois saisonniers pour... mais on a le propriétaire, souvent, il y a deux ou trois personnes à temps plein dans l'année, et, selon la surface, les emplois sont plus saisonniers, là.

Le Président (M. Reid) : Mme Thomas, M. Decubber, M. Asselin, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au jeudi 3 septembre prochain, donc, où elle va poursuivre son mandat.

(Fin de la séance à 21 h 15)

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