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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, October 20, 2015 - Vol. 44 N° 39

Special consultations and public hearings on the working paper on Québec’s greenhouse gas emission reduction target for 2030 entitled: “Cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030”


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Ville de Montréal

Vision Biomasse Québec

Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ)

Association canadienne de l'énergie éolienne (CANWEA)

Association québécoise de la production d'énergie renouvelable (AQPER)

Vivre en ville

Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ)

Intervenants

M. Pierre Reid, président

M. David Heurtel

M. Ghislain Bolduc

M. Mathieu Traversy

M. Mathieu Lemay

M. Marc H. Plante

M. Serge Simard

M. Claude Surprenant

Mme Manon Massé

*          Mme Hélène Lauzon, CPEQ

*          M. Jean-Luc Allard, idem

*          M. Denis Coderre, ville de Montréal

*          M. Roger Lachance, idem

*          Mme Amélie St-Laurent Samuel, Vision Biomasse Québec

*          Mme Marie-Paule Robichaud Villettaz, idem

*          M. John W. Arsenault, idem

*          M. Eugène Gagné, idem

*          M. André Tremblay, CIFQ

*          M. Pierre Vézina, idem

*          M. Jean-François Nolet, CANWEA

*          M. Jean-Frédérick Legendre, idem

*          M. Daniel Giguère, AQPER

*          M. Jean-François Samray, idem

*          M. Christian Savard, Vivre en ville

*          Mme Jeanne Robin, idem

*          M. Alexandre Turgeon, idem

*          M. David B. Lefebvre, APGQ

*          M. Mario Lévesque, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document de consultation intitulé Cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Reid) : Alors, voici l'ordre du jour pour ce matin : le Conseil patronal de l'environnement du Québec, d'abord, et, ensuite, la ville de Montréal avec son maire.

Auditions (suite)

Alors, vous connaissez la routine : vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, ensuite nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission.

Je vous demanderais de vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne, pour les fins d'enregistrement. À vous la parole.

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Mme Lauzon (Hélène) : Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, MM. les parlementaires — je regardais s'il y avait une dame — MM. les parlementaires. Merci de nous permettre de nous prononcer aujourd'hui sur la nouvelle cible à l'horizon 2030.

Je suis Hélène Lauzon, la présidente-directrice générale du Conseil patronal de l'environnement du Québec, le CPEQ, pour les fins de la discussion d'aujourd'hui, et je suis accompagnée, aujourd'hui, de M. Jean-Luc Allard, vice-président Environnement chez SNC-Lavalin et également vice-président du conseil d'administration du CPEQ. Donc, vous avez sûrement eu, jusqu'à maintenant, des gens qui sont venus vous dire qu'il pouvait y avoir une cible plus ambitieuse, d'autres personnes qui vous diront qu'elle est trop ambitieuse, et, nous, ce que nous tenterons aujourd'hui de vous dire, c'est que cette cible, qui est proposée par le gouvernement, de 37,5 % n'est pas adaptée à la réalité du Québec, elle est très, très exigeante, elle sera peut-être trop exigeante, elle sera très coûteuse et, selon nous, inatteignable en termes de réduction au Québec.

Donc, nous vous ferons part des réalités, impacts économiques, environnementaux, sociaux, mais aussi du peu de potentiel de réduction que nous estimons pour le secteur industriel, l'effort colossal qui sera requis du secteur des transports, puis on va quand même essayer d'imaginer peut-être des solutions pour amenuiser les impacts.

Alors, je vous ai fait préparer un PowerPoint qui va vous permettre de suivre. J'ai essayé de faire des tableaux aussi pour vous permettre... parce que ce n'est quand même pas un sujet si facile, mais espérons qu'on a réussi à vous présenter quelque chose de plus simple.

Pour vous former une opinion pour savoir quelle devrait être la cible à l'horizon 2030, il faut d'abord se demander où on en est, en ce moment, à l'horizon 2020. À l'horizon 2020, vous le savez, c'est une cible de réduction de 20 % que l'on doit atteindre, 20 % par rapport à nos émissions telles qu'elles étaient en 1990, et, cet objectif-là, on doit l'atteindre d'ici 2020. Donc, nous avions, au total, 84,4 mégatonnes en 1990 et, en l'horizon 2020, nous devons avoir 66,7 mégatonnes, ce qui correspond à une réduction de 17,7 — presque 18 — mégatonnes.

Quand on regarde les informations à jour — donc, le gouvernement a des informations à jour sur les émissions de gaz à effet de serre — nous sommes, en 2012, à moins 8 % sur moins 20 %, donc nous sommes rendus, à 78 mégatonnes, à seulement 6,4 mégatonnes. Donc, vous voyez qu'il y a un écart, il nous manque moins 12 % pour respecter notre cible. Ce moins 12 % correspond à un effort additionnel de 11,3 mégatonnes à atteindre d'ici 2020. Si on regarde l'évolution du prix, d'ici 2020, du coût carbone, le prix carbone est à 17,16 $, ce qui nous permet de penser que, d'ici 2020, nous serons obligés de sortir du Québec 193 millions de dollars vers les États-Unis. Pourquoi? Parce qu'on ne pourra pas faire nos réductions ici. Donc, nous devrons financer des réductions qui vont être faites à l'extérieur du Québec — pour l'instant, c'est la Californie, aux États-Unis — et on ne voit pas le potentiel de réduction additionnelle d'ici 2020, parce que, si vous prêtez attention à plusieurs graphiques qui se retrouvent dans le document de consultation — et, dans notre mémoire, je vous l'ai précisé — le gouvernement lui-même semble reconnaître que, d'ici 2020, il n'y a pas vraiment un potentiel additionnel de réduction. Donc, on resterait à moins 8 % ou à 77,7 mégatonnes d'ici 2020, lorsque vous regardez les graphiques.

Maintenant, comment on doit regarder la cible 37,5 %? Vous avez les mêmes chiffres que tantôt, mais on a ajouté à... à l'horizon 2030, vous avez un 24,8 mégatonnes d'additionnel qu'on nous demande comme effort. Ce que le gouvernement mentionne dans son document de consultation, c'est que 15 mégatonnes pourra être réalisé au Québec puis 9,8 mégatonnes devra être acheté, là aussi, pour l'instant, à l'étranger, là, tant que l'Ontario et d'autres provinces ou États ne se seront pas officiellement joints au SPEDE — Système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre. Vous me permettrez de douter qu'on puisse réduire de 15 mégatonnes au Québec en 10 ans, alors qu'en 30 ans on aura réussi à réduire de seulement de 6,7 mégatonnes.

Alors donc, même si on est optimistes puis qu'on croit ce que le gouvernement dit, à moins 15, il reste que, si on doit aller acheter 9,8 mégatonnes, on doit les acheter au prix mentionné dans le document de consultation, puisque le document de consultation prévoit autour de 33 $ mais, malheureusement, le coût du taux de change n'a pas été pris en compte. Donc, nous, on a pris en compte le taux de change à 1,30 $, on s'est placés au 14 octobre pour dire : Le taux de change à 1,30 $ fait en sorte que le coût carbone devrait être, d'ici 2030, minimum, à 43,38 $. Pourquoi minimum? Parce que minimum, c'est si le coût monte de façon linéaire. Mais, si les prix se mettent à augmenter considérablement parce qu'il va y avoir une demande importante sur le marché, ça pourrait être plus. Donc, c'est un exode appréhendé de 425 millions de dollars de capitaux. Les réductions ne seront pas faites au Québec, elles seront faites à l'extérieur du Québec, parce que ce sont des coûts que l'on devra assumer pour des réductions ailleurs parce qu'on ne sera pas capables de les faire ici. Le gouvernement reconnaît que le maximum qu'il pourrait peut-être faire, c'est moins 15, même si on en doute, et c'est moins de... c'est-à-dire, 3 000 pertes d'emploi. Donc, vous voyez — on vous a reproduit le graphique, je vais essayer d'y aller avec le petit pointeur, là — ici, vous voyez, là, en 2012 où nous étions, à, à peu près, 78 mégatonnes, et regardez comment la courbe avance tranquillement jusqu'en 2030. On n'augmente pas. Le gouvernement reconnaît dans son document de consultation qu'il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre pour l'instant, là, à baisser d'ici 2020 et encore moins 2030.

Donc, ce qu'on vous dit, c'est que c'est une cible qui n'est pas adaptée à la réalité du Québec. Pourquoi? Parce qu'au Québec on produit déjà notre énergie renouvelable à 99,5 %. Ce n'est pas comme la Californie ou d'autres États qui pourraient éventuellement se joindre qui ont du charbon, qui ont du mazout. Ils ont seulement à fermer des centrales, ils vont pouvoir réduire considérablement leurs émissions. Ce n'est pas le cas au Québec. Aussi, au Québec, nos émissions per capita, c'est les plus basses, à peu près, parmi les pays industrialisés, donc ce serait encore plus difficile pour nous que pour quiconque. Donc, c'est une difficulté, ça, je l'ai déjà mentionné.

Donc, en 2020, le Québec n'aura pas réussi à réduire plus que 8 % de ses émissions sur une cible de 20 %. En 30 ans, on pense que le Québec n'aura réduit que de 6,7 mégatonnes sur son territoire, puis, en 10 ans, le Québec croit pouvoir réduire de 29,5 % ses émissions, c'est-à-dire 24,8 mégatonnes, quatre fois plus que ce qu'il aura réalisé en 30 ans, alors que ce qui reste à parcourir, ce qui reste à faire, ce sont les réductions les moins manifestes, les moins évidentes. Celles qui ont déjà été faites, c'étaient les plus manifestes, les plus... oui, les plus manifestes, alors que ce qui reste à faire, c'est plus difficile.

• (10 h 10) •

Là, le document de consultation le dit, ce qui reste à faire, c'est le plus difficile. Donc, en d'autres termes, presque quatre fois plus de réduction de GES qui est demandé en deux fois moins de temps pour des réductions supplémentaires de plus en plus onéreuses, d'où le questionnement : Est-ce que c'est réaliste?

Pour ce qui est du secteur industriel, je veux vous mentionner que, le secteur industriel, il y a peu de potentiel de réduction. Comment fonctionne le tout? Les industries, elles émettent soit des émissions de procédés soit des émissions de combustion. Les émissions de procédés, c'est votre recette. Elle ne peut pas changer, la recette. Donc, on ne peut pas compresser les émissions de procédés, on a fait ce qu'on pouvait. Les émissions de combustion, ce sont les combustibles fossiles que vous utilisez pour alimenter vos fours, entre autres. Beaucoup pourraient changer avec des technologies, effectivement, nouvelles, mais à des prix très, très, très importants. Pour ce qui est de certains secteurs, cimenterie, par exemple, ou aciérie, les technologies n'existent pas, alors, même si on voulait le réduire, on n'y arriverait pas. Donc, ce qu'on s'est dit, c'est que le maximum que le secteur industriel pouvait faire, c'était 5,50 % de réduction, et je vous ai illustré la formule à l'intérieur de notre mémoire.

Faute de pouvoir réussir à réduire ses émissions au Québec, le secteur industriel, lui aussi, sera contraint d'aller acheter des crédits carbone sur le marché. Donc, un exode massif de capitaux, une augmentation massive de la demande, donc du prix aussi, avec un impact du taux de change. Il y a, par contre, des mesures d'atténuation possibles, et ça, je crois que vous pourrez être d'accord avec nous que ça pourrait être des idées intéressantes.

Le Fonds vert. Le Fonds vert, il pourrait y avoir un pourcentage important de l'argent du Fonds vert qui reviendrait à l'industrie. Après tout, c'est l'industrie qui alimente le Fonds vert, principalement. Donc, ça serait intéressant qu'il y ait un pourcentage important qui retourne à l'industrie afin qu'on puisse moderniser les procédés industriels, qu'on puisse moderniser les équipements, qu'on puisse financer des projets en efficacité énergétique majeurs, parce que tous les projets ont été faits. Les projets en efficacité énergétique qui restent à faire, ce sont les plus dispendieux. On pourrait élaborer de nouveaux protocoles, sauf que tous conviennent que les protocoles qui restent à élaborer ne nous procureront pas tant que ça de réduction, parce que le potentiel de réduction, si on comprend bien, n'est quand même pas si élevé.

Il pourrait être prudent pour le gouvernement de se préparer, de se prévoir un mécanisme de sortie du SPEDE au cas où, un jour, on s'aperçoive que pour notre économie ça pose des difficultés ou ça fait en sorte qu'on a des difficultés sur le plan économique. Donc, un mécanisme de sortie ou même un mécanisme de révision d la cible si c'était possible.

Alors...

Le Président (M. Reid) : En terminant. Il reste quelques secondes.

Mme Lauzon (Hélène) : Il ne reste que quelques secondes qu'on pourra continuer? Parce que l'effort colossal, c'est le transport. Le gouvernement estime que c'est neuf mégatonnes. Nous, de notre côté, comme l'industrie ne peut pas faire beaucoup plus, on estime que c'est 13 mégatonnes qui sortira là aussi, parce que, le transport, il ne faut pas se leurrer... ce n'est pas l'industrie, le transport, là, seulement, c'est tous, c'est M. et Mme Tout-le-Monde, on devra complètement transformer nos modes de vie, mais à quel coût?, puisque — je termine avec cette phrase — le plan d'action d'électrification qui nous a été annoncé prévoit 100 000 véhicules sur la route dans les cinq prochaines années, 150 000 de réduction de GES, mais, quand on fait le calcul, ça revient à 666 $ la tonne. Alors, si on veut éventuellement tout électrifier le Québec, il faut quand même aussi s'assurer qu'on ne dépasse pas les coûts raisonnables.

Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons commencer notre échange avec le côté gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Lauzon, M. Allard, merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Et je tiens quand même à reconnaître le travail de Me Lauzon au sein du Comité-conseil sur les changements climatiques. Vous avez assuré la coprésidence de ce comité-là jusqu'à maintenant, et ça continue, d'ailleurs, alors je tiens à vous remercier infiniment pour cet important travail.

Concernant votre présentation aujourd'hui, est-ce que vous reconnaissez l'impératif qui a été mis de l'avant notamment par le GIEC qu'il faut absolument limiter le réchauffement planétaire à 2 % d'ici... à 2°, pardon, d'ici 2050? Est-ce que c'est quelque chose que vous reconnaissez comme factuel?

Mme Lauzon (Hélène) : Oui, bien sûr. Nous ne sommes pas des... Comment on les appelle, ceux qui ne croient pas, là? Les climatosceptiques? Bien sûr, nous ne sommes pas de cette catégorie.

M. Heurtel : Non, non, mais je veux juste établir certains faits.

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. Oui, mais, par contre, il y a des pays qui vont devoir faire davantage de réduction, mais nous, on en a fait déjà beaucoup compte tenu d'un choix historique qu'on a fait en hydroélectricité. Mais, oui, on le reconnaît.

M. Heurtel : Alors, on comprend que c'est l'affaire de tout le monde, ce n'est pas juste la responsabilité d'un pays, ou d'une population, ou d'une certaine classe de citoyennes ou de citoyens ou d'une certaine classe d'entreprises. Alors, conséquemment, le mouvement global, si on suit la tendance scientifique actuelle, puis une tendance très, très lourde, il faut qu'on réduise sur une base planétaire l'émission per capita à deux tonnes. Ça, est-ce que vous reconnaissez ça comme étant factuel également?

Mme Lauzon (Hélène) : De le réduire à deux tonnes?

M. Heurtel : Per capita, pour se rendre à l'objectif de limitation. Alors, ce que le GIEC dit — puis ça, ce n'est pas moi, là, c'est le GIEC : Il faut réduire d'au moins 80 % à 95 % sur une base planétaire, d'ici 2050, pour atteindre l'objectif de moins 2°, et ça, ça se revient...

M. Allard (Jean-Luc) : ...

M. Heurtel : Bien, excusez-moi, monsieur, mais ça, c'est ce que le GIEC dit. Et une des conséquences de ça, et ça, c'est la Californie qui le dit, le Bade-Wurtemberg; des États fédérés à travers le monde disent que, pour atteindre ce 80 % à 95 % d'ici 2050, il faut notamment se limiter à deux tonnes per capita. Alors, ce que je veux savoir : Est-ce que c'est quelque chose auquel vous souscrivez également?

M. Allard (Jean-Luc) : Dans un monde idéal, c'est évident que oui. Et ce qui nous inquiète actuellement, et c'était indiqué dans vos documents, en fait, c'est l'aspect compétitivité du Québec par rapport aux autres États et provinces. Actuellement, on est deux en Amérique du Nord : en fait, le Québec et la Californie. Évidemment, l'année prochaine, probablement que l'Ontario va se joindre à nous. Mais, si on regarde les émissions per capita, on est déjà beaucoup plus bas, on est à la moitié de la moyenne canadienne, on est au tiers ou au quart de l'Alberta. On n'est pas en train de dire qu'on va prendre le modèle albertain au niveau des émissions. Par contre, ce qu'on aimerait, c'est qu'il y ait une proportionnalité, dans le sens que, si tout le monde, demain matin, visait le deux tonnes par habitant, on serait absolument d'accord que ce n'est certainement pas au Québec qu'on ne veut pas faire notre part là-dedans. On l'a déjà démontré, qu'on en fait plus que la moyenne, et à ce moment-là ce qui nous inquiète, c'est beaucoup plus le fait que, compte tenu qu'on est déjà en hydroélectricité, on a déjà des véhicules qui consomment moins que la moyenne en Amérique du Nord, ce qu'on est en train de faire, c'est de dire qu'on en fait déjà plus et qu'on veut continuer à en faire toujours plus, et, dans la mesure où les autres suivent — les autres États, les autres provinces — on ne verrait pas de problème. C'est : dans la mesure où il y a peu de joueurs en Amérique du Nord dans le domaine, là on s'inquiète du volet compétitivité.

Donc, on n'est certainement pas en train de dire qu'on ne veut pas faire des choses.

M. Heurtel : Bien, ce que j'ai du mal à suivre dans votre raisonnement, c'est que, de un, quand vous dites qu'on est seuls... bien, l'Ontario, ça va faire plus de 50 % de l'économie canadienne puis plus de 60 % de la population canadienne qui va avoir un marché du carbone. Puis, si on ajoute la Colombie-Britannique, qui a déjà une taxe carbone, c'est près de 75 % du Canada qui va avoir un système... un, ou un autre système de mécanisme de marché sur un prix carbone. Alors, votre notion de solitude, j'ai du mal à la suivre, surtout quand également le gouverneur Cuomo, de New York, a annoncé la semaine dernière son intention d'élargir l'implication de l'État de New York, qui a déjà un marché du carbone qui vise à peu près 20 % de ses émissions. Il a fait ça avec le vice-président Gore et il a mentionné nommément son intention d'explorer un lien avec le marché du carbone Québec-Californie. Puis on voit qu'il y a déjà un marché du carbone en Europe. La Chine en met un sur pied le 1er janvier prochain, la Corée du Sud... Alors, je crois que, d'ici le 1er janvier prochain, il va y avoir plus de 40 % de la planète qui va avoir une forme de marché de carbone, là.

Et, sachant qu'ultimement on doit éliminer nos émissions, il y a beaucoup de joueurs qui soutiennent la thèse qu'au niveau économique il y a un avantage de prendre les devants. Puis, encore là, ce n'est pas juste moi. Quand on lit les discours, par exemple, du gouverneur de la Banque d'Angleterre, un ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, qu'il a donnés il y a deux semaines à Londres, le rapport aussi de Citigroup sur justement la nécessité d'agir de façon agressive puis qu'il y a des avantages économiques, la commission canadienne d'écofiscalité, qui dit qu'il y a un avantage économique à aller de l'avant puis à être agressif, le rapport Calderón, remis aux Nations unies, qui dit encore une fois qu'il y a plutôt un avantage économique à avoir une posture offensive en matière de la lutte contre les changements climatiques, comment concilier toutes ces données-là avec votre position?

• (10 h 20) •

M. Allard (Jean-Luc) : C'est assez simple. Personnellement, ça fait plus de 15 ans, 20 ans que je... bien, ça fait 35 années que je travaille en environnement, ça fait plus d'une quinzaine d'années que je pousse et que j'aide mes clients à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Et, en pratique, si on retourne à ce qu'on voyait tantôt au niveau des émissions per capita, ça fait 30 ans que les pays, les États ont de bonnes intentions par rapport aux gaz à effet de serre. Malheureusement, si on regarde et qu'on fait l'historique des objectifs que les gens ont eus depuis les années 90, ils ne les ont jamais atteints. Et donc, dans ce sens-là, on n'est pas en train de dire qu'il ne faut pas atteindre les objectifs, on est en train de dire qu'en pratique, si on regarde les émissions per capita, si tout le monde signe et s'aligne pour aller vers le deux tonnes par habitant, on est tout à fait d'accord qu'on aimerait bien que le Québec y arrive dans les premiers. En pratique, les chiffres qu'on voit là, ce n'est pas ça, là, ce n'est pas ce que les gens promettent depuis 30 ans. Donc, on fait juste s'inquiéter que... Qu'on veuille aller là, aucun problème. Est-ce qu'encore une fois on va y aller tout seuls ou avec peu de joueurs? C'est l'inquiétude qu'on a. Et la constatation depuis 30 ans, c'est que les gens promettent beaucoup de choses et atteignent peu d'objectifs, malheureusement.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Il me fait plaisir de vous voir ce matin et d'entendre, comment je dirais ça, une certaine incertitude par rapport à l'atteinte des objectifs. Ce que moi, j'aimerais vous entendre, parce que vous parlez ici de quelque chose qui m'interpelle directement, qui est le cas de la tordeuse, puis vous parlez qu'il devrait y avoir une façon de regarder ça, là... Je voudrais juste comprendre ça, parce que — et je vous donne le tableau général — on a 750 000 kilomètres carrés de forêt au Québec, ce qui représente à peu près, si on a un taux de croissance faible, là... d'à peu près 16 millions de tonnes de carbone, la tordeuse, en éliminant les parties qui sont endommagées, naturellement, on replante et on réabsorbe le carbone. Donc, je ne comprends pas un peu votre commentaire ici. Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Lauzon (Hélène) : Alors, la façon d'essayer de reprendre le tout, puis je vais laisser M. Allard... mais c'est un protocole. Parce que, vous savez, il existe trois protocoles en ce moment au Québec, et on pourrait essayer d'imaginer un nouveau protocole qui viendrait aider à régler cette problématique-là puis à générer des crédits pour le dossier de la forêt. Mais là je vais laisser M. Allard expliquer plus techniquement ce que ça veut dire pour la tordeuse d'épinette.

M. Allard (Jean-Luc) : Ce qu'on souhaite, en fait, c'est qu'il y ait des protocoles additionnels qui permettraient de donner une certaine reconnaissance à ceux qui seraient proactifs au niveau de la séquestration du carbone. Et essentiellement la tordeuse de bourgeons d'épinette, c'est un exemple, mais il y en a d'autres au niveau de la foresterie. Et essentiellement il n'y a pas de protocole actuellement, au niveau des systèmes compensatoires, qui donne une reconnaissance des réductions ou de la séquestration de carbone. Et ça donnerait un signal, en fait, si on pouvait avoir un protocole forestier ou des protocoles forestiers qui encourageraient, en fait, des intervenants, que ce soit public ou privé, mais, enfin, qu'on puisse aller de l'avant avec ce volet-là au niveau de la réduction des émissions.

M. Bolduc : Merci. Et vous nous parlez que, sur le plan industriel, il n'y a pas beaucoup de possibilités. Je vais vous en nommer une couple, là, pour le plaisir de la chose. Mais il y a, en fait, le procédé Fischer-Tropsch — je suis sûr que vous avez déjà entendu parler de ça — qui, en fait, récupère le carbone pour en reproduire des hydrocarbures. On a eu une usine qui a été bâtie dans le sud des États-Unis en 2012. Il semble y avoir un élan qui est en démarrage à ce chapitre-là. Le deuxième, c'est l'hydrogène. Je nomme seulement que ces deux-là, il y en a d'autres.

Mais est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait prendre des énergies considérables à faire le tour de ces questions-là et de voir, si c'était juste pour l'exercice académique, à partir de quel prix le pétrole rend ces procédés-là très rentables, etc., ce qui aurait une image complètement différente du baril de pétrole à 43 $? Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Allard (Jean-Luc) : Oui. Bien, écoutez, vous avez absolument raison. Quand on dit qu'il n'y a pas de solution, c'est plus qu'il n'y a pas de projet à des coûts de revient au coût du carbone actuel. C'est évident que, si le prix du pétrole augmente, si le coût de la tonne de CO2 augmente, il y a plein de nouveaux projets. Un exemple extrêmement concret : l'Alberta a annoncé récemment qu'ils augmentaient leur coût carbone de 15 $ à 30 $ la tonne, et il y a plein de projets qui sont en train d'être établis, mis en place, en fait, parce qu'à 30 $ il y a de nouveaux projets qui sont possibles.

Donc, à mesure que le coût carbone va augmenter, vous avez absolument raison, ce n'est pas que ça ne peut pas... on ne peut pas réduire. Un bel exemple de ça, en fait, une centrale au charbon à SaskPower, SNC-Lavalin a construit le plus gros système de captage commercial au monde au niveau du CO2, plus de 1 million de tonnes par année.

Donc, des solutions, il y en a. Le coût est de 60 $, 75 $, 100 $ la tonne. Et c'est pour ça que, dans nos solutions, un des derniers acétates, on disait : Si une partie du Fonds vert était réinjectée par un fonds technologique ou un programme d'investissement ou un programme d'amélioration d'efficacité énergétique, ça permettrait aux industries... Juste pour donner un exemple : actuellement, une industrie, si le coût de revient ne se finance pas en deux ou trois ans, les gens n'iront pas de l'avant à cause de plein de facteurs, de l'incertitude, etc. S'il y avait un programme financier qui assistait les compagnies à prendre un projet qui est à deux ou trois ans et de l'amener jusqu'à six ans, bien, il y a déjà toute une série de projets qui seraient possibles.

Et donc ce n'est pas qu'il n'y a pas de solution, c'est toujours un rapport avec le coût.

M. Bolduc : Donc, vous nous dites puis vous confirmez qu'il y a une sensibilité extrêmement élevée au prix des hydrocarbures ou du pétrole, sur une base large.

M. Allard (Jean-Luc) : Le coût carbone en général, vous avez raison.

M. Bolduc : O.K. Donc, ça, c'est un point.

Le deuxième point, pour moi, c'est que, si on regarde... fait la comparaison, en fait, entre l'Amérique et l'Europe sur les récupérations d'énergie, en fait, en Europe, on le sait très bien, les entreprises, dans le sens large, sont généralement très intégrées avec leurs pertes énergétiques, même ce qu'on appelle la basse densité, là, O.K., puis ça, ça crée des opportunités qui, en Amérique du Nord, sont très peu développées. Est-ce que vous ne voyez pas, là aussi, une espèce de... comment je dirais ça, de mine d'opportunité pour, surtout dans les milieux urbains, où on a 80 % de la population, commencer à penser dans une nouvelle direction?

M. Allard (Jean-Luc) : Encore une fois, je peux juste vous donner raison. Et, en fait, je peux même donner un exemple. La Suède, qu'on voit, qui est, en deçà du Québec, à 6,3 tonnes — et donc, bien, c'est dans le bon sens — a, depuis les années 90, des programmes d'efficacité énergétique, subventionne des audits d'efficacité énergétique, etc. Donc, on met en place des programmes qui motivent, en fait, puis qui incitent soit au niveau fiscal ou autre et qui donnent des incitatifs pour que les compagnies, les individus, les commerces, etc., soient de plus en plus efficaces.

Même chose au niveau du coût de l'essence quand on donne un signal carbone en augmentant le coût des carburants. Ça aussi, si on donnait un signal d'augmentation du coût de carburant pour les prochains cinq, 10, 20 ans et continuellement à la hausse, c'est évident que les gens, avant de choisir un véhicule qui consomme beaucoup, feraient des choix probablement différents.

M. Bolduc : Merci. Donc, juste à suivre l'exemple de la Suède, vous nous donnez une opportunité de 30 %, là. Vous avez amélioré notre situation considérablement dans le débat, donc ça, c'est très bien.

Le Président (M. Reid) : Il reste quelques secondes, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Écoutez, je vous remercie pour le point de vue, c'était enrichissant, puis je vous souhaite une belle journée.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant à l'opposition officielle et à son porte-parole, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, Mme Lauzon, M. Allard, merci d'être avec nous en cette commission.

Vous avez dû avoir des bonnes discussions au niveau du comité-conseil, là. C'est ce que je me rends compte à force de voir les intervenants passer autour de cette table. Vous nous tracez un portrait quand même relativement très sombre de ce qui, dans le fond, s'en vient pour nos cibles en termes de réduction de gaz à effet de serre. Vous êtes, je vous dirais, le groupe le plus... je n'ose pas dire «pessimiste», mais le plus prudent sur la question, jusqu'à présent. Vous nous dites que le Québec se dote d'une cible trop ambitieuse. Certains recommandent au gouvernement du Québec d'aller jusqu'à 50 % de réduction d'ici 2030, évidemment, 100 % d'ici 2050, 90 %.

Et donc vous trouvez que c'est trop ambitieux, mais, en même temps, avez-vous une proposition réaliste, pragmatique à nous faire? Je n'ai pas entendu une cible ou peut-être que ça a passé rapidement.

• (10 h 30) •

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. Alors, oui, ça a peut-être passé rapidement. Une proposition réaliste est de dire : Compte tenu de ce qu'on sait du secteur industriel, il y a un potentiel peut-être maximal de réduction de 5,50. Mais les suggestions que l'on vous fait, c'est qu'il y a un pourcentage...

À l'instar du transport, peut-être que vous savez qu'en ce moment deux tiers des revenus qui proviennent des enchères doivent être consacrés au transport, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a un autre pourcentage important qui doit être consacré au secteur industriel provenant du Fonds vert pour permettre au secteur industriel de moderniser ses procédés, comme je le mentionnais, ses équipements, les projets en efficacité énergétique majeurs avec des retours sur investissement. On se faisait même dire il y a deux semaines par les entreprises : Maintenant, nos sièges sociaux, ce qu'ils nous demandent, c'est : retour sur investissement en moins de deux ans, ce qui est très, très rapide. Donc, on a besoin de financement important pour des projets comme ceux-là, l'élaboration de nouveaux protocoles, mais il y a sûrement des nouvelles, là... éventuellement, puis, bon, un mécanisme de sortie, mais ça, c'est plus pour la prudence. Ça, c'est pour le secteur industriel.

Pour le secteur de transport, je vous amène ici, là aussi, donc, sur le deux tiers des sommes qui proviennent des enchères et qui doit être consacré au transport, on croit qu'il y a un pourcentage de ce deux tiers qui doit aussi être retourné aux entreprises pour leur permettre, là encore, là, dans ce cas-là, à moderniser leurs parcs automobiles, favoriser le développement de biocarburants, convertir des véhicules lourds vers le gaz naturel, intégrer la fameuse logistique verte, qui fait qu'on a des parcours qui sont moins... qu'on consomme moins d'essence, on a des kilométrages évités, on améliore l'intermodalité puis on peut créer, avec l'intermodalité aussi, des synergies : plutôt que des camions repartent vides, ils pourraient repartir pleins en créant des synergies entre entreprises.

Donc, c'est des solutions que l'on propose autant pour le secteur industriel par rapport aux émissions du secteur industriel que par rapport à leurs émissions provenant de leurs transports.

M. Traversy : Oui, puis j'ai lu effectivement, donc, dans vos conclusions et dans votre présentation aussi, ces recommandations. C'est intéressant notamment au niveau, là, des nouvelles technologies, des retombées, de la prudence aussi avec laquelle vous amenez le gouvernement à dire : Écoutez, il faudrait penser à des mécanismes de révision ou encore possiblement de sortie. Donc, vous explorez toutes les alternatives. Vous êtes le premier groupe qui nous en fait part.

Est-ce que vous avez donc une cible qui serait réaliste et pragmatique à vos yeux, au-delà de toutes ces recommandations?

Mme Lauzon (Hélène) : Alors, pour nous, pour le secteur industriel, c'est, maximum, 5,50 %. Et puis je peux vous amener à la page du mémoire, là, où on fait notre formule de calcul. Pour l'ensemble du Québec, je crois que ça serait difficile de se prononcer, mais au moins, comme on représente le secteur industriel, on peut vous dire, si la cible est à 37,5 %, ce qu'on fait comme calcul : on part de 37,5 %, on déduit 21 %, puisque le secteur industriel a déjà réduit, lui, de 21 % — il a atteint la cible, il l'a même surpassée, il est à 21 % — ce qui nous amène à 16,5 %, et on multiplie par 31,6 %, qui est la part du secteur industriel selon l'inventaire des émissions de gaz à effet de serre, pour une réduction maximale, pour le secteur industriel, pour nous, de 5,50 %. C'est ce qu'on pense que le secteur industriel devrait assumer, au maximum.

M. Traversy : Parfait. Merci beaucoup. Maintenant, c'est beaucoup plus clair. Je vois que vous mettez, donc, beaucoup l'emphase, là, sur la transformation de biocarburants, se tourner vers le gaz naturel pour les transports lourds. Par contre, je n'ai pas entendu beaucoup parler de l'électrification des transports dans votre présentation.

Est-ce que vous êtes motivés aussi par cette avenue, qui a été amenée par plusieurs groupes, par le ministre lui-même, là, dans votre cahier de propositions et qui, dans le fond, là, fait l'objet de plusieurs débats au niveau de la loi zéro émission, bon, de différentes recommandations? Je voulais vous entendre également là-dessus.

Mme Lauzon (Hélène) : Pour ce qui est de l'électrification, oui, on ne peut pas être contre. Au contraire, je crois que c'est un début.

Ce qui nous préoccupe, c'est le coût carbone qui vient avec le plan d'électrification. On a vu, comme on le mentionnait, qu'il y a une estimation de 150 000 tonnes par année de réduction potentielle des émissions de gaz à effet de serre avec le plan d'électrification qui a été déposé. Nous, ce que l'on fait, c'est... si l'investissement du gouvernement ou l'investissement qui est escompté pour le plan d'action est de 500 000 $ avec des réductions projetées de 150 000 tonnes par année, ça représente seulement 1,6 % de l'objectif gouvernemental, ce qui est très, très peu, et ça équivaut à 666 $ la tonne, selon nos calculs. Si on voulait ramener le coût de la tonne à 33 $, là — le gouvernement pense que le prix carbone sera à 33 $ en 2030 — si on voulait ramener le coût des véhicules à ce coût-là, ça nous prendrait 1 million de véhicules électriques sur la route par année. C'est très, très ambitieux. Donc, c'est pour ça qu'on incite le gouvernement à la prudence, parce qu'on dit : Oui, il faut y aller, mais est-ce réaliste de penser qu'on peut y arriver aussi rapidement?

M. Allard (Jean-Luc) : En fait, on n'est certainement pas contre l'idée d'électrification des véhicules dans la mesure où le Québec, en fait, a des émissions carbone extrêmement faibles à cause de son hydroélectricité. Et, dans ce sens-là, bien le plus d'électrification des transports il y a, le mieux.

Notre seule inquiétude, encore une fois, ou la contrainte qui est associée à ça, c'est le coût par tonne de réduction des émissions. Donc, essentiellement, pour un budget donné qui est essentiellement le Fonds vert ou plus, on aimerait avoir le plus de réduction possible. Donc, premièrement, commencer par trouver les réductions qui sont à moindre coût, dans la mesure où c'est possible.

M. Traversy : Alors, je vois votre intervention aujourd'hui comme une espèce de signal d'alarme, de cri du coeur. Vous êtes des sonneurs de cloches, autrement dit, vous voulez ramener un peu le balancier en équilibre. Je comprends que, dans votre message, votre introduction, vous semblez laisser sous-entendre que le gouvernement n'est pas nécessairement dans le déni mais qu'il y a beaucoup de... qu'il est très optimiste, là, donc, dans sa façon de voir les choses, et vous sentiez donc le besoin de les ramener un peu plus au ras des pâquerettes. C'est donc le fond du message que vous nous lancez ce matin.

Mme Lauzon (Hélène) : Oui, on l'incite à la prudence, à la grande prudence.

M. Traversy : Je vous remercie beaucoup pour toutes ces réponses et pour votre présence aujourd'hui à Québec.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition avec son porte-parole M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Vous savez, dans votre présentation, j'ai très apprécié vos commentaires, parce qu'effectivement à la lecture, dans le fond, du document de consultation je trouvais personnellement que les moyens pour atteindre, faire la réduction, au Québec, des 15 mégatonnes semblaient insuffisants. Mais, bon, vous semblez dire qu'on devrait en faire plus. On fait juste regarder l'état du Fonds vert, vous en avez parlé, il y a des surplus mais qui ne sont pas encore... des sommes qui ne sont pas encore allouées. Donc, on voit dans vos pistes de solution un peu où on pourrait allouer les sommes.

Quelque chose qui m'intéresse particulièrement, vous en avez déjà discuté auparavant, c'est concernant les transports. Bon, vous en avez parlé beaucoup, l'électrification des transports, c'est trop peu... tu sais, ça coûte trop cher pour trop peu de réduction. On a eu d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer qui nous ont dit : Bien, on devrait aussi, si on veut y aller dans la conversion des véhicules lourds au diesel, les convertir vers le gaz naturel comprimé. Vous semblez mentionner que ça pourrait être une avenue intéressante. Moi, je fais juste penser, à Terrebonne, on a le groupe Enviro Progressive solutions, qui d'ailleurs ont gagné un Griffon d'Or en fin de semaine pour leur projet de leur usine de biométhanisation. Ils sont en mesure de fournir pour l'équivalent de 35 000 résidences en gaz naturel puis ils produisent même quatre mégawatts d'électricité, donc c'est un modèle à suivre. J'imagine que, si on avait quelque chose à faire, avec nos sites d'enfouissement, comparable au Québec, une alternative serait d'y aller dans cette idée-là et d'en profiter pour convertir les flottes des municipalités, bon, en fait, tous les camions, là, qui ont à faire du transport régional et, donc, de l'intermodal, là, j'imagine aussi. Ça peut être dans cet ordre d'idées.

M. Allard (Jean-Luc) : Ça ferait certainement partie... En fait, il y a déjà un programme au niveau réutilisation ou valorisation des matières résiduelles, et c'est un excellent programme. Malheureusement, on ne voit pas autant de projets qu'on aurait pu l'anticiper il y a plusieurs années. Et, dans ce sens-là, une des approches, c'est peut-être de faire un appel d'offres de réduction de gaz à effet de serre où à peu près n'importe quel serait projet serait invité, et un des critères serait le coût carbone, donc le coût par tonne de réduction, et, à ce moment-là, ça inciterait des intervenants avec de l'imagination où... Au Québec, on a toujours eu un faible pour créer ou améliorer des technologies. Bien, à ce moment-là, ça permettrait à quiconque qui a une bonne idée de la faire valoir et de voir dans quelle mesure, en fait, son projet pourrait contribuer à réduire les gaz à effet de serre mais à un coût de revient intéressant... plus intéressant, en fait.

M. Lemay : Bon. Parfait. Ça fait que, dans le fond, on va revenir à la perspective économique, parce que, dans le fond, dans votre message, c'est simplement de dire : Si nous, on y va de l'avant de façon trop ambitieuse, on va avoir un impact négatif sur notre économie, puis ça va avoir un impact sur les entreprises. C'est un peu le message que je comprends. Dans le fond, dans le document d'analyse, on sait... puis vous l'avez mentionné dans votre présentation, là, tu sais, il y a des impacts, là, négatifs sur l'économie, là, tu sais, moins 600 millions sur notre PIB, vous l'avez mentionné aussi, et des pertes d'emploi, environ 3 000 emplois, qui est associé à la réduction de 37,5 %. Maintenant, ça, c'est un portrait négatif pour l'économie.

Là, vous avez mentionné dans votre réponse précédente le facteur innovation technologique. Ça, c'est quelque chose qu'en fait je crois qu'on doit mettre de l'avant dans le développement de nouvelles technologies et créer de nouvelles occasions d'affaires. Ça fait que, selon vous, là, c'est quoi, là, les perspectives positives sur l'économie, là, dans le fond, qu'on devrait focusser?

• (10 h 40) •

Mme Lauzon (Hélène) : C'est certain qu'on pourrait avoir un facteur d'attraction pour des entreprises en disant : Les entreprises les plus performantes sur la planète pourraient être incitées à venir s'installer ici, et c'est ce qu'on tente de faire, d'ailleurs. Je crois qu'à chaque fois qu'on tente d'attirer de nouvelles entreprises au Québec on le vend, entre autres, en fonction de nos coûts d'énergie. Et là ça pourrait être un message de dire : Bon, bien, on tente d'attirer des entreprises performantes. Mais on va encore recevoir, je pense, des demandes pour avoir des entreprises qui vont s'installer ici qui vont utiliser l'énergie fossile, et c'est un des commentaires que l'on formule dans le mémoire en disant : Ne serait-ce que pour se stabiliser aux émissions actuelles, il va falloir travailler fort parce qu'il y a des nouvelles entreprises qui vont venir s'installer et qui vont générer des émissions additionnelles. Alors, juste ça, c'est un défi, mais il faut aussi continuer à attirer des entreprises innovantes, des entreprises qui vont venir favoriser l'apparition de nouvelles technologies pour venir aider les entreprises avec des nouveaux procédés.

M. Lemay : Alors, selon vous, est-ce que ça serait par le Fonds vert qu'on pourrait le faire ou Investissement Québec? Admettons, on prend, par exemple, on dit... on donne un exemple, là, c'est fictif, là, mais, admettons, je parle de Tesla, en Californie, puis on dit : Bien, nous autres, on est prêts à les accueillir en sol canadien, au Québec, leur tout premier centre d'innovation technologique, tu sais, création des batteries, tout le kit. Est-ce qu'on devrait ouvrir le tapis rouge puis dire : Venez-vous-en, parce que justement vous allez contribuer à l'atteinte de cibles de nos réductions de gaz à effet de serre?

M. Allard (Jean-Luc) : Dans la mesure où on crée de la richesse et on amène des volets technologiques peu émetteurs, c'est 100 % compatible avec l'objectif dont on discute aujourd'hui. Il y a des cas où ce seront des industries qui sont émettrices, mais, dans la mesure où ils utilisent la meilleure technologie au niveau planétaire, les meilleurs combustibles au niveau planétaire, on est d'avis qu'il ne faudrait pas nécessairement leur dire non, parce qu'en fait au niveau... Moi, ce que j'ai bien aimé du document, en fait, qui expliquait les objectifs, c'est qu'on rappelait, en fait, que c'est un enjeu planétaire. Et donc on enlevait le fait de dire : Est-ce qu'il faut juste regarder le Québec comme un tout?, et la réponse, c'est non. C'est que, si un projet, au Québec, augmente les émissions du Québec mais réduit celles au niveau planétaire, je pense qu'on devrait le considérer comme projet. Et, dans ce sens-là, si on a des projets avec Tesla qui sont peu émetteurs, bravo. Si on a des projets qui sont les meilleurs au monde mais qui sont quand même émetteurs, il ne faudrait pas nécessairement dire non, et, dans ce sens-là, il faut se donner une flexibilité.

C'est pour ça que ça devient difficile, à un moment donné, de dire : Notre objectif est de réduire les émissions à deux tonnes par habitant dans un contexte où tous les États, tous les pays ne vont pas dans le même sens, d'une part, et, d'autre part, dans le sens que, si on réduit nos émissions considérablement, en fait, on ne veut pas s'empêcher d'avoir des projets qui pourraient être émetteurs.

M. Lemay : Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Alors, Mme Lauzon, M. Allard, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux pour quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 43)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. J'attends le...

Une voix : ...

Le Président (M. Reid) : Oui. Alors, nous pouvons reprendre nos travaux.

Je souhaite la bienvenue au maire de Montréal et aux personnes qui l'accompagnent. Vous connaissez la routine : vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation, par la suite nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demande, pour les fins d'enregistrement, même si tout le monde vous connaît, de vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Ville de Montréal

M. Coderre (Denis) : Merci, M. le Président. Alors, je suis en compagnie de M. Lionel Perez, membre de mon comité exécutif, et M. Roger Lachance, membre du Département d'environnement à la ville de Montréal. Ça va?

Le Président (M. Reid) : Oui.

M. Coderre (Denis) : Merci beaucoup. Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, merci de m'accueillir parmi vous ce matin.

À l'aube de la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, il importe plus que jamais d'établir des mécanismes de collaboration efficaces entre les différents acteurs de la société québécoise afin que nous puissions, à Paris, en décembre prochain, porter un message commun relativement à l'importance d'agir pour lutter contre les changements climatiques. La discussion d'aujourd'hui est également propice pour aborder les principaux aspects qui rendront possible et surtout efficace cette collaboration entre le gouvernement du Québec et la métropole en matière de lutte aux changements climatiques.

La ville de Montréal appuie la cible de réduction de 37,5 % d'ici 2030 proposée par le gouvernement avec la recommandation du Comité-conseil sur les changements climatiques. Cette cible est à la fois ambitieuse et réalisable et elle s'inscrit en cohérence avec les actions que la ville de Montréal a elle-même entreprises en ce sens depuis maintenant plus d'une décennie.

Comme vous le savez, la ville de Montréal est proactive en matière de lutte contre les changements climatiques. En fait, toute son action est guidée par les principes de développement durable, ce qui inclut évidemment la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Plus particulièrement, l'île de Montréal s'est dotée d'objectifs clairs en matière de réduction d'émissions de GES. Au niveau corporatif, c'est-à-dire les actions de la ville et des villes de l'agglomération elle-même, elle avait déjà en 2009 atteint une réduction de 28 %. Cela dit, les émissions corporatives comptent pour seulement 2 % du total des émissions de la collectivité montréalaise. L'agglomération a beau dépasser ses propres objectifs, le vrai défi est ailleurs. Dans ce domaine, nous avons avancé, mais il reste du chemin à faire. En 2009, les émissions de la collectivité montréalaise avaient été réduites de 6 %, ce qui est encourageant, mais nous sommes encore loin de notre objectif de 30 % visés d'ici 2020. On doit maintenant travailler à influencer les comportements afin d'agir sur la collectivité. Ceci ne pourra se faire sans un partenariat étroit avec le gouvernement du Québec. Cela va au-delà d'un réflexe Montréal. En matière de lutte aux GES, la Québec ne peut se passer de la contribution de la métropole, et la métropole ne peut se passer de l'appui du gouvernement. L'atteinte de nos objectifs communs en dépend.

Montréal, je le mentionnais plus tôt, a pour objectif de réduire d'ici 2020 ses émissions de GES de 30 % par rapport à leur niveau de 1990. Aujourd'hui, nous discutons d'une cible québécoise de réduction de 37,5 % d'ici 2030. Certains discutent même de cibles pour 2050. Le fait de fixer des cibles de meure, en ce qui me concerne du moins, la partie la plus facile de l'exercice. Il est maintenant temps de faire un pas de plus, c'est-à-dire qu'il faut se concentrer sur l'atteinte des résultats. Pour y arriver, toutes les parties prenantes devront mettre l'épaule à la roue et s'entendre sur des actions communes. Montréal est proactive, mais encore faut-il avoir les moyens de nos ambitions.

Ce n'est pas un secret, le secteur des transports est le principal émetteur de CO2 dans l'agglomération montréalaise. C'est donc dans ce domaine où nous devons agir le plus rapidement et le plus efficacement, puisque c'est là que les résultats seront les plus importants. Pour diminuer de manière substantielle les émissions du secteur des transports, il est impératif de procéder à des changements structurels et d'inverser la tendance qui consiste à développer nos milieux de vie en fonction de l'automobile. Montréal s'est également engagée, notamment avec la mise en oeuvre du PMAD, le Plan métropolitain d'aménagement et de développement, dans la voie du TOD, c'est-à-dire le Transit-Oriented Development, un aménagement du territoire qui s'effectue désormais dans le sens d'une densification des quartiers autour des pôles de transport collectif. De plus, la ville souhaite travailler de concert avec le gouvernement du Québec afin de poursuivre sur la voie de l'électrification des transports. Montréal compte s'appuyer concrètement sur la stratégie québécoise d'électrification des transports notamment en migrant sa flotte corporative vers des véhicules électriques, en mettant en place un vaste réseau de bornes de recharge, en plus de développer l'électrification des autobus de la STM.

• (10 h 50) •

En matière de transport collectif, je le rappelle, les besoins sont criants. Le MTQ évalue que, d'ici 2031, la croissance combinée de la population et des emplois dans la région métropolitaine se traduira par une augmentation de près de 1 million de déplacements quotidiens. Ceux-ci ne pourront s'effectuer selon le mode traditionnel de l'auto solo. Le réseau routier est déjà saturé. Heureusement, le nouveau modèle de gouvernance du transport en commun qui sera bientôt proposé pour la région métropolitaine permettra aux élus de la région d'avoir les coudées franches pour faire avancer le transfert modal vers le transport collectif et le transport actif.

De plus, les projets d'envergure qui seront financés par la Caisse de dépôt et placement du Québec nous permettent d'entrevoir l'avenir avec optimisme. Ceux-ci auront, bien évidemment, des bénéfices environnementaux concrets, mais ils contribueront également à l'essor économique de la métropole ainsi qu'à l'amélioration de la qualité de vie des citoyens. La contribution de la métropole à la réduction des émissions de GES passera principalement et nécessairement par le développement du transfert modal de l'auto solo vers les autres modes de transport.

Il est clair que la cible de réduction des émissions de GES fixée pour 2030 pour le Québec ne pourra être atteinte sans cette contribution de la métropole. Nous devons donc dès à présent concentrer nos efforts vers l'atteinte de ces résultats.

La ville de Montréal a entrepris de poursuivre la transition vers une économie sobre en carbone, c'est-à-dire, en conjuguant la réduction des émissions de GES à une croissance économique responsable avec une stratégie que nous avons baptisée Transition Montréal 21. En misant sur l'innovation et la mobilisation des acteurs, Montréal entend soutenir le déploiement d'une économie circulaire où les rejets et les sous-produits des différents secteurs économiques alimentent et servent d'intrants à d'autres activités de production. Ainsi, la mise en place de notre réseau d'usines de biométhanisation permettra de réintroduire le biogaz dans le réseau Gaz Métro. Cette même approche permettra également de développer un nouveau secteur de la chimie verte qui pourra bénéficier d'étroites synergies avec le secteur plus traditionnel de la pétrochimie, basé dans l'est de Montréal et en Montérégie. Encore là, une action concertée du gouvernement du Québec, de la ville de Montréal et de l'industrie a le potentiel de donner des résultats probants à la fois au plan environnemental et à celui de la diversification économique.

La mobilisation des citoyens. Par ailleurs, si le partenariat entre le Québec et la métropole est un élément nécessaire d'une lutte efficace contre les changements climatiques, la mobilisation citoyenne l'est tout autant. L'atteinte de nos objectifs de réduction des émissions de GES passe nécessairement par l'évolution des comportements individuels. Ceci demeure une condition centrale de la réussite. Voilà pourquoi la ville de Montréal accorde une si grande importance à la consultation publique sur la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles qui s'entamera sous peu sous l'égide l'Office de consultation publique de Montréal. Cette démarche, issue d'une initiative citoyenne, vise à mobiliser les Montréalais quant aux choix qu'ils posent quotidiennement.

M. le Président, en tant que président moi-même de la Communauté métropolitaine de Montréal, j'ai aussi demandé à notre commission de l'environnement de tenir des consultations sur le Projet d'oléoduc Énergie Est de la compagnie TransCanada, consultations qui viennent de se terminer et dont le rapport sera bientôt déposé. Au total, près de 160 organisations, municipalités et citoyens se sont exprimés sur le projet d'oléoduc, et huit séances publiques ont eu lieu dans l'ensemble de la région métropolitaine. Ce rapport sera porté au BAPE ainsi qu'à l'Office national de l'énergie. C'est toute la question du transport de pétrole et de notre dépendance aux énergies fossiles qui est en jeu dans cette consultation. Par ces démarches, la ville souhaite connaître les préoccupations des citoyens pour ensuite être à même de jouer son rôle de gouvernement de proximité et de porter leur parole. Je compte le faire auprès du gouvernement du Québec comme je le fais aujourd'hui. Je le fais également à l'échelle fédérale avec mes collègues du caucus des maires des grandes villes du Canada et aussi à l'échelle internationale en tant qu'ambassadeur de Metropolis à la COP21 en décembre prochain.

En guise de conclusion, permettez-moi de vous soumettre trois recommandations qui, à mon avis, offrent une contribution concrète pour rendre possible l'atteinte de la cible fixée par le gouvernement du Québec en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

Un, d'abord, que le gouvernement du Québec et la métropole portent un message commun dans le cadre de la COP21 et que ce message reconnaisse le rôle des villes comme chefs de file dans la lutte aux changements climatiques.

Deux, ensuite, qu'au retour de la COP21 soit conclu un partenariat entre le gouvernement du Québec et la métropole autour des enjeux relatifs au transport de personnes. Ce partenariat aura pour pivot une stratégie conjointe en matière d'électrification de transport. Montréal souhaite également saisir pleinement les possibilités de développement qui seront générées par la réforme de la gouvernance du transport collectif et par les projets financés par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Finalement, trois, que des dispositions soient incluses dans le statut de métropole pour soutenir les stratégies de transition de l'économie montréalaise vers une économie sobre en carbone, incluant le développement d'une économie circulaire, le développement d'un secteur de la chimie verte, le soutien à un centre-ville vert et d'autres initiatives visant à réduire les gaz à effet de serre occasionnés par la production de biens et services dans la métropole.

Sur ce, je vous remercie puis je suis prêt à répondre à vos questions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le maire. Nous commençons notre échange avec le côté gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. le maire, M. Perez, M. Lachance, merci beaucoup de vous être déplacés personnellement pour cet échange très important et merci pour votre mémoire également.

Première question. Je sais que vous êtes ici en tant que maire de Montréal, mais vous avez mentionné la CMM également. J'aimerais ça, d'entrée de jeu, avoir votre sentiment... puis je comprends que vous ne parlez pas au nom de la CMM, mais quand même un sentiment, en tant que président de la CMM, un sentiment... le sentiment que vous avez ou l'impression que vous avez de la position de l'ensemble des membres de la CMM par rapport à ce dont vous avez parlé ce matin.

M. Coderre (Denis) : Merci pour la question. On en discute continuellement, évidemment, au niveau de la CMM. Le fait qu'on a le PMAD, le fait qu'on protège les milieux humides, le fait qu'on pose des gestes très concrets au niveau de la trame verte et la trame bleue, je pense que ça va de pair qu'on doit nécessairement combattre les gaz à effet de serre. Donc, pour moi, c'est réaliste, et, déjà depuis très longtemps, même mes prédécesseurs, quand on parlait au niveau de la CMM, là, c'était quelque chose où on avait une sensibilité.

Aujourd'hui, je pense qu'en ayant des objectifs réalistes et le fait qu'on tire tous dans le même sens ça va nous donner une capacité de résultats encore plus grands. Donc, c'est pour ça que je vous parle des gouvernements de proximité. On a un gouvernement du Québec qui a une entente de partenariat avec les municipalités. Ça doit se faire aussi au niveau d'une stratégie verte, donc, nécessairement tant en termes de densification, en termes de planification de la mobilité, le cocktail de transports collectifs, puis on le sait, là, l'impact au niveau des gaz à effet de serre, le plus grand impact, ça va être sur la question des transports. Donc, nécessairement, toute cette gouvernance, avec le ministre Poëti, qu'on est en train de redéfinir, on a comme objectif évidemment de réduire la capacité de la voiture, augmenter donc le transport collectif et d'avoir un impact direct sur le gaz à effet de serre. Donc, que ça soit de la couronne nord, Laval, Longueuil ou de la couronne sud avec l'agglomération de Montréal, je pense qu'on est tous dans le même sens.

M. Heurtel : Parce que, dans ce sens-là — puis vous l'avez dit, puis, bon, on l'a vu, vous avez parlé de ce que mon collègue le ministre des Transports veut faire avec, justement, les municipalités de la grande région de Montréal — il y a également le tout récent pacte fiscal aussi qui traite d'une réforme ou d'une révision assez fondamentale de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et de la stratégie d'aménagement, puis nécessairement, si on parle d'une stratégie agressive pour, justement, revoir la façon dont on pense les transports dans la grande région de Montréal, ça va nécessairement passer par une réflexion en profondeur sur l'aménagement aussi.

M. Coderre (Denis) : Totalement. Puis je dirais qu'il y a un élément qui est important dont vous avez contribué, c'est toute la notion de cran d'arrêt, je dirais, là, sur la relation entre le ministère de l'Environnement versus les municipalités, parce qu'évidemment, quand on parle au niveau de la CMM comme à Montréal, il y a une réalité agricole, il y a une réalité de boisés publics, il y a une réalité aussi de la gestion des transports, et tout ça. Donc, c'est pour ça qu'on ne peut plus parler... Si on veut combattre les gaz à effet de serre, c'était nécessaire qu'on puisse avoir le transport qui est de facto avec l'aménagement du territoire. Donc, cette relation, cette simplification, je dirais, entre le gouvernement de proximité et puis le gouvernement du Québec est nécessaire, mais elle est aussi nécessaire dans une nouvelle culture de gouvernance en termes, je dirais, de processus sur le plan décisionnel, parce que, bien souvent, là, quand on se renvoie la balle et qu'on n'aboutit pas, bien ça peut avoir un impact autant au niveau de la trame bleue, de la trame verte au même titre que dans certains secteurs qui touchent le transport ou bien au niveau de l'occupation du territoire.

Donc, c'est pour ça que, que ça soit avec le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire — ça le dit, l'occupation du territoire — avec le ministre des Transports puis avec votre aide, en se parlant tous ensemble, en ayant ce réflexe de cran d'arrêt sur certaines décisions pour qu'on puisse s'assurer qu'on est tous à la même page puis en simplifiant le processus, ça nous permet d'être beaucoup plus efficaces. Bien souvent, vous le savez, l'administratif, la gestion en termes administratifs, c'est des irritants supplémentaires qui peuvent provoquer plus de problèmes que de réaliser des objectifs. Et puis je pense que vous êtes dans la bonne mouvance au niveau de votre réforme présentement.

M. Heurtel : Alors, sur ce point-là, puis nous sommes tout à fait à la même page au niveau de la collaboration puis justement d'arrimer tant au niveau des messages que des stratégies, puis je crois qu'on est déjà sur cette voie-là concrètement, on a fait une commission parlementaire très récemment, justement, sur la... bien, plus tôt cette année, sur la prochaine stratégie de développement durable du gouvernement, et d'ailleurs votre responsable de l'environnement au comité exécutif, Réal Ménard, est venu présenter la position de la ville de Montréal lors de cette commission parlementaire.

• (11 heures) •

On a parlé beaucoup, durant cette commission parlementaire, de l'exemplarité de l'État et de la nécessité que l'État change ses façons de faire pour démontrer une cohérence. Vous avez parlé de moyens concrets que la ville de Montréal est en train de mettre en place ou a mis en place pour justement s'arrimer, là, dans une optique de cohérence. Moi, ma question serait plus sur... Parce qu'on a entendu beaucoup parler, bon, des choix que le gouvernement fait en termes d'investissement, dans les choix de dépenser, dans les choix de subventionner. La ville est un acteur important, elle subventionne, elle est un partenaire économique, elle est un entrepreneur, elle construit.

Qu'est-ce que la ville envisage faire ou a déjà fait pour justement s'assurer qu'il y ait une cohérence dans l'ensemble des actions? Parce que vous êtes un acteur important tant en transport qu'en construction d'infrastructures, qu'en choix d'investissement. Parce que nous, on se dirige vers ça comme gouvernement, d'amener une cohérence dans l'ensemble. On l'a fait avec la politique d'électrification des transports. La prochaine politique énergétique va également témoigner d'un objectif de cohérence avec la cible de réduction, puis l'ensemble de l'action gouvernementale va vouloir le faire. Alors, de ce côté-là, j'aimerais vous entendre davantage — vous avez donné quelques exemples — mais davantage, j'aimerais ça en entendre plus sur les exemples concrets où la ville s'inscrit vraiment dans une démarche concrète dans ses actions à elle.

M. Coderre (Denis) : En termes de principes, je vous dirais qu'on ne peut plus parler de développement durable sans parler de développement économique et de développement social puis on ne peut pas parler de développement économique sans parler de développement durable, et le reste. Donc, tout ça, c'est interrelié.

Dans un premier temps, je pense que la ville doit montrer son exemple : on est en train de changer le matériel roulant; si on pense à l'électrification, on veut augmenter le nombre de bornes, on est en train de se donner une stratégie du centre-ville, on croit à un institut de l'électrification de l'autre gouvernement auparavant, là, qu'il voulait mettre de l'avant. C'est de se donner une stratégie de recherche et d'innovation sur le plan concret, que ça soit en matière de politique du stationnement, que ça soit au niveau de l'électrification, les taxis électriques, que ça soit les voies réservées pour... et l'électrification des autobus, parce qu'on est là-dessus également. Ça, c'est un élément. Vous avez toute la question de la chimie verte. Donc, c'est de le développer aussi, parce qu'on a fait quand même un travail énorme en termes de biométhanisation, et puis vous avez vu, avec le Complexe environnemental Saint-Michel, que vous connaissez bien — c'est dans votre comté — récupération des biogaz pour des fins énergétiques mais revitalisation du quartier en même temps. Ça, c'est des gestes qui sont concrets. Mais on peut développer en même temps un secteur comme la chimie verte, le fait qu'on va avoir une autre usine de biométhanisation dans l'est de Montréal, prendre ça au vol et de développer un secteur économique en matière de chimie verte. Il y a toute, aussi, la question de la décontamination, évidemment la revalorisation des parcs industriels qu'on doit prendre en considération.

Tout ça — puis je vous ai parlé des plans tantôt, là, des programmes qui existaient déjà, là, pour atteindre des objectifs — tout ça, je pense, aussi dans un cadre de gouvernance où on négocie présentement un statut de métropole, et ce statut de métropole va nous permettre une plus grande efficacité, je le fais sur le plan interne. Exemple, on a 19 arrondissements, on n'a pas besoin de 19 politiques en matière de gestion de matières résiduelles. On se donne des coudées franches et une politique avec une sensibilité, évidemment, par quartier, mais ça se fait quand même dans une cohérence. Ça va être vrai aussi dans la négociation du statut de métropole, le partenariat entre le gouvernement du Québec et sa métropole. Donc, ça, c'est des gestes qui vont, je dirais, compléter notre capacité de réaliser des objectifs. Donc, vous allez avoir des secteurs tant en matière de développement économique — je vous ai parlé de décontamination, recherche et développement, électrification et chimie verte — qu'en matière de développement social aussi, parce qu'il y a des gestes qu'on doit poser qui vont avoir un impact sur non seulement le comportement, mais sur la qualité de vie des gens.

Donc, ça, là, c'est des choses qui sont très concrètes ou bien qui sont déjà en marche ou dont l'objectif pour 2016... comme le statut de métropole, où on devrait déposer un projet de loi dans votre processus législatif, selon l'entente de partenariat signée entre les municipalités et Québec pour le statut de métropole et de la capitale, qui va avoir lieu dès février 2016, et, pour l'ensemble de l'autonomie municipale, pour les autres municipalités, qui auront un rôle à jouer aussi sur le plan du développement durable concrètement, d'ici l'automne 2016.

M. Heurtel : Un autre point que vous avez souligné dans votre présentation, puis on a beaucoup discuté de ça avec d'autres organisations, c'est la nécessité de faire un meilleur travail pour influencer les changements de comportement. J'aimerais voir avec vous, bon, quelles sont les mesures actuelles que la ville met en place et plus particulièrement voir, pour l'avenir, qu'est-ce que vous voyez comme étant les moyens les plus efficaces, parce qu'on se retrouve devant certains paradoxes. Parce que, d'un côté, si on regarde la STM, on fracasse des records d'utilisation, d'achalandage, mais en même temps on achète de plus en plus de véhicules, puis ces véhicules ont des grosses cylindrées. Alors, on semble, tant d'un côté, vouloir faire plus en matière de transport collectif, puis il faut investir davantage, et, d'un autre côté, par contre, on semble aussi utiliser notre voiture. Puis ça, c'est un exemple parmi tant d'autres, là.

Qu'est-ce qu'on peut faire davantage puis qu'est-ce qu'on peut faire ensemble davantage pour justement changer les comportements comme vous le préconisez?

M. Coderre (Denis) : Bien, évidemment, je pense que vous avez déjà une oeuvre utile et une sensibilité en matière de développement durable. Il y a une pédagogie puis une campagne de sensibilisation qui va se faire. Vous avez les écoquartiers, je pense, qui jouent un rôle de premier plan en ce sens. Le fait qu'on est passé à une autre étape... puis, de façon très concrète, le projet de loi avec la Caisse de dépôt nous permet d'avoir d'autres projets structurants qui vont avoir un impact sur la qualité de vie des gens.

L'autre élément que je veux vous dire, c'est que je vais mettre de l'avant, d'ici quelques semaines, une politique du stationnement. Ça a l'air de rien comme ça, mais d'avoir une politique de stationnement permet justement d'avoir un impact direct sur la gestion du mobilier roulant, là, la gestion des voitures. On peut se donner un centre-ville beaucoup plus convivial où, comme dans certaines grandes villes comme Boston ou les autres, vous pouvez mettre votre voiture à un endroit puis passer la journée dans le centre-ville. Le centre-ville, déjà, trois transports sur quatre, c'est du transport collectif. Donc, il y a des gestes à réorganiser, je dirais, en ce sens-là. L'autre élément, c'est la question aussi de la science. Il faut aussi qu'on envoie des messages, parce qu'il y a des images qui peuvent frapper, mais il y a la contribution du milieu institutionnel, du milieu académique avec la population, et, de passer des campagnes de sensibilisation, ça, je pense que c'est important. Je ne vous cacherai pas que, la question des eaux usées, là, il y a des gens qui ont eu des images à gauche puis à droite, là, mais, quand on s'en tient à la science, puis on a dit beaucoup de choses qui ne sont pas exactes... Alors, si on se sert de la science puis qu'on explique aux gens que, oui, peut-être la symbolique... ou on se donne une symbolique forte quand en réalité il y a des gestes qui doivent être faits, mais tout ça ne doit pas rester lettre morte. C'est dans un contexte où on va augmenter un plus grand traitement ou bien on va poser des gestes encore plus grands. Et le dernier point mais non le moindre, c'est la question des infrastructures. Il faut qu'on se donne aussi des outils, parce que tout ça va avoir un impact sur la qualité de vie environnementale en termes de développement durable.

Mais c'est sûr que je pense qu'à notre niveau la question de la décontamination, la possibilité d'avoir, en même temps, des campagnes de sensibilisation, de pédagogie puis des gestes concrets, c'est une question de culture également. À l'époque, on mettait tout dans une poubelle, puis on ramassait les vidanges comme ça. Maintenant, plus personne ne peut pas penser qu'on ne peut pas faire du recyclage. Puis on travaille maintenant au niveau du compost également. Donc, tout ça mis ensemble, là, je pense que ça va nous donner une stratégie globale où chaque petit geste dans la quotidienneté va faire aussi une différence. Mais, en termes de gaz à effet de serre, le gros problème présentement, c'est au niveau des transports, donc il faut vraiment gérer la question de l'automobile.

M. Heurtel : Donc, pour continuer là-dessus, si je comprends bien, on pourrait explorer, justement, des campagnes de sensibilisation communes, parce que je crois qu'une des problématiques, c'est que le message est très diffus puis tout le monde fait son affaire. Il y a beaucoup de joueurs qui ont beaucoup de bonne volonté, mais, en même temps, si on rassemblait nos ressources puis qu'on faisait un message qui serait, d'abord et avant tout, basé sur des faits et basé sur la science, je crois qu'on pourrait commencer avec ça.

• (11 h 10) •

M. Coderre (Denis) : Un des éléments, M. le ministre, c'est de se dire... Ban Ki-moon a dit quelque chose d'assez exceptionnel, c'est qu'il n'y a pas de plan B à la planète, O.K.? Ça, c'est une réalité. La deuxième, c'est que les Anglais disent : «Think global, act local.» Ça veut dire qu'on est dans un grand village global et que présentement tous les gestes sont importants, il doit y avoir une synergie puis une communion dans l'action, dans les gestes et dans la sensibilisation.

Ça, ça veut dire aussi que les gouvernements de proximité que constituent les villes ont un rôle extrêmement important à jouer. Pourquoi? Parce que, d'ici les 20 prochaines années, 75 % de la population mondiale va se retrouver dans les villes. On n'a peut-être pas la même réalité dans certains secteurs, mais, qu'on soit à Dakar, qu'on soit à Paris, qu'on soit à Hiroshima, qu'on soit à Montréal ou à Québec, il y a des objectifs qui doivent être communs, il y a des enjeux qui sont communs, puis la question du développement durable va se régler aussi par la quotidienneté. Donc, où est-ce qu'on peut aller pour avoir le plus d'impact? Donc, on a besoin de politiques nationales, on a besoin de politiques macros qui vont envoyer le message global, mais il faut aussi, en même temps, avoir une relation d'action, sur le terrain, qui va nous permettre d'augmenter l'efficience et d'assurer une plus grande efficacité.

Donc, nécessairement, ces partenariats, je dirais, entre les municipalités, entre les villes et les gouvernements sont nécessaires. C'est pour ça que je serai là comme ambassadeur de Metropolis. Metropolis est l'organisme qui représente 141 métropoles à travers le monde. Vous avez le CGLU, qui est un regroupement des gouvernements locaux. Avec Anne Hidalgo, on arrive de l'AIMF, à Tunis, où on se dit : Il va y avoir un sommet de 1 000 maires à Paris en même temps que la COP, dans le cadre de la COP, avec Bourget, et tout ça. Donc, il va y avoir comme une communion entre les États membres, parce que c'est l'ONU, donc, nécessairement, les pays, les États qui seront présents. Mais on doit avoir un «one–two punch», permettez-moi l'expression, là, entre les municipalités et puis les gouvernements pour que ce traité et cette Déclaration de Paris... si on veut qu'elle soit réaliste et réalisable, il faut nécessairement s'assurer qu'on puisse, à tous les niveaux, poser des gestes concrets.

M. Heurtel : Merci, M. le maire.

M. Coderre (Denis) : Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant à l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. le maire, merci à votre équipe d'être présents à Québec avec nous aujourd'hui.

Vous nous lancez un message assez fort de résultats tangibles, d'actions immédiates et concrètes, vous parlez effectivement qu'il n'y a pas de plan B à la planète et qu'il y a une obligation de résultat dans le débat qui nous concerne. Vous avez également, donc, parlé beaucoup, là, d'exemples qui se passent au niveau de la communauté internationale. On a eu l'occasion de se rencontrer à quelques reprises. Vous êtes beaucoup inspirés par ce qui se passe dans d'autres villes, dans d'autres métropoles un peu partout à travers la planète. Vous nous avez donné quelques exemples tout à l'heure.

Est-ce qu'il y a un exemple sur lequel Montréal se penche plus particulièrement dans le cadre du débat qui nous concerne pour la réduction des gaz à effet de serre? Est-ce que vous avez une inspiration plus spécifique à travers...

M. Coderre (Denis) : ...tous gouvernements confondus. C'est pour ça que j'ai salué Mme Marois lorsqu'on parlait de l'institut de l'électrification. 98 % de notre énergie, c'est de l'énergie renouvelable. Tu sais, Montréal, c'est un peu la capitale de l'hydroélectricité. On serait bien fous de ne pas l'utiliser. Et nécessairement il faut commencer par montrer l'exemple.

Donc, cette stratégie d'électrification, nonobstant ce que j'entendais des témoins auparavant, cette stratégie d'électrification est un changement de culture. La voiture, elle peut toujours exister. C'est par quoi qu'elle est mue? Est-ce qu'on a vraiment besoin que ça soit... on parle de gaz naturel ou on passe à l'électricité? Nous, on a cette capacité électrique. Donc, dans une reconfiguration d'aménagement de territoire... parce que, comme j'ai dit au ministre... puis le ministre en parle également, que l'aménagement du territoire va de pair avec le transport, alors, si on se donne une politique de stationnement mais avec des voitures plus électriques, qu'on montre l'exemple à partir de notre propre matériel roulant, hein, deuxièmement, que, si on parle de voitures libres-services, je suis bien d'accord, mais venez avec des voitures électriques, tu sais, ça va contribuer, là. Le parc de matériel roulant, je pense, ça va avoir un impact.

L'autre élément, c'est que toute la maximisation de l'exploitation de notre hydroélectricité ou des moyens d'énergie renouvelable, bien ça aussi, c'est une source de développement économique important, là. On le sait, l'impact d'Hydro-Québec, mais c'est plus que ça, là. Quand je vous parlais, en plus, d'économie circulaire, de la récupération de certains moyens pour renouveler notre propre énergie, ça, c'est aussi une autre façon de faire pas juste au niveau des voitures, mais au niveau de notre propre énergie pour nos chaumières. Tu sais, il y a des choses qu'on peut faire en ce sens-là.

Donc, on est inspirés par plusieurs, mais je dois vous avouer que, depuis que je suis maire de Montréal puis que j'ai signé plusieurs ententes, puis on a des ententes avec plusieurs grandes villes... J'arrive de Dakar, ils sont là-dessus aussi. Tout le monde est là-dessus. Puis nous, on a une chance, c'est qu'on a cette ressource. Donc, on s'inspire des autres, mais on peut être inspirants, c'est ça que je veux dire. Et puis Anne Hidalgo, Gérard Collomb à Lyon, ils font tous exactement la même chose. Il y a un phénomène de métropolisation, de réaménagement du territoire, de redéfinition du partenariat, parce que la gouvernance est tout aussi importante que le choix de société que tu veux faire, et en même temps, bien, on se donne des balises puis des paramètres très précis.

Alors, quand tout le monde embarque dans le même bain... L'électrification, je dois vous dire que c'est ce qui pogne le plus, que ça soit à Los Angeles, Indianapolis. On connaît tous Bloomberg, évidemment, à New York, qui a fait exactement la même chose. Donc, ça, ça nous permet justement d'avoir un impact direct sur les gaz à effet de serre.

M. Traversy : Génial! Écoutez, vous avez tout à fait raison que Montréal peut être un exemple dans bien des domaines pour d'autres villes à travers le monde, puis c'est intéressant aussi de voir que vous prenez la peine de vous inspirer de certaines pratiques qui existent déjà. Vous voulez donc sortir le Québec, là, de... bien, en fait, Montréal, pas de sa dépendance au pétrole, mais vous voulez diminuer, donc, la consommation d'énergies fossiles sur votre territoire de municipalité.

D'ailleurs, ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, je vais porter une attention particulière à votre rapport, qui devrait sortir prochainement, sur TransCanada. Vous savez que c'est un dossier qui touche beaucoup de gens de la Communauté métropolitaine de Montréal. J'ai senti, donc, que vous...

M. Coderre (Denis) : Je salue votre maire de Mascouche.

M. Traversy : Oui, mon maire voisin, effectivement, de Terrebonne, de Laval. Donc, vous savez que c'est ça préoccupe beaucoup de gens et... Alors, nous serons pendus, évidemment, à vos lèvres pour voir les résultats de toutes ces...

M. Coderre (Denis) : Si vous le permettez, M. Traversy, là-dessus, là. La CMM a fait un combat de titan sur la question du transport des matières dangereuses en appui avec le gouvernement du Québec, quel qu'il soit. Il y a la réalité d'Enbridge puis il y a la réalité d'Énergie Est. Enbridge avait déjà un pipeline, on parlait d'inversement. C'est grâce à la CMM s'il y a eu une entente avec l'Office national de l'énergie. On a la politique du «oui, mais», mais le «mais» est mauditement important. Ça veut dire qu'il y a un monitoring, il y a une grille d'analyse puis, si vous ne vous y soumettez pas, bien vous n'aurez pas notre appui.

Donc, oui, puis c'est plus qu'une question de développement économique, c'est une question d'intégrité des structures, c'est une question aussi... puis c'est là que le bât blesse avec TransCanada, parce qu'on parle de trajet, on parle d'utilisation de techniques, on parle de clauses de confidentialité. Enbridge a vu la lumière; pour une première fois, vous avez un citoyen corporatif qui ne gère pas son dossier puis ne nous regarde pas comme s'ils étaient des propriétaires. On a fait sauter les ententes de confidentialité, on s'est assuré qu'il y a des plans de contingence, on a fait notre devoir, puis en plus l'Office national de l'énergie... Puis je suis un ancien gars du fédéral, je sais ce que certaines institutions fédérales de l'Ouest... comment ils nous traitaient. Bien là, en plus, on a une franchise à Montréal avec une expertise puis un plan de com. Donc, autrement dit, tout le monde se parle.

Alors, moi, ce que j'ai voulu faire, comme président de la CMM, deux choses. Un, comme maire de Montréal, j'ai provoqué une commission, à l'Office de consultation publique de Montréal, sur les énergies fossiles. C'est important. Au lieu d'avoir des pétitions, j'ai dit : Oui, je suis d'accord, on le fait, on va arrêter de s'embarquer dans le processus. Deuxièmement, au niveau de la CMM, au niveau de la commission de l'environnement, on a dit à la population : Parlez-nous concrètement de comment vous voyez ça, TransCanada. Je peux vous dire qu'il n'y a pas grand monde qui sont d'accord, en passant, mais on va attendre le résultat final. Mais, encore une fois, on se donne une grille d'analyse, et c'est là qu'on peut être un plein partenaire comme municipalité avec le gouvernement du Québec, puis avec le ministère, puis avec tous partis confondus. Ce n'est pas grave, là. Il n'y a pas de partisanerie en environnement, en autant que je suis concerné.

Donc, c'est ce genre de geste là concret qui nous permet justement de démontrer qu'on est au ras des pâquerettes et qu'on peut devenir un plein partenaire et jouer un rôle de premier plan dans cette foulée d'un nouveau partenariat qui émane aussi de la signature de l'entente Québec avec les municipalités. Donc, en termes de développement durable, c'est le genre de choses concrètes qu'on peut faire.

M. Traversy : Bon. Je trouve que ça vous va bien, le message un peu du Maîtres chez nous, et en même temps j'ai hâte de voir le rapport, là, que...

M. Coderre (Denis) : ...M. le député, moi, je suis maître chez nous, peu importe d'où je viens, tant d'Ottawa que de Montréal.

M. Traversy : Mais tout à fait, tout à fait. Vous êtes un incontournable, ça, je pense que les gens le savent très bien.

Au niveau de votre politique de stationnement, vous ne voulez pas évidemment nous vendre tous les punchs aujourd'hui, c'est ce que j'ai compris, mais, déjà là, vous nous lancez quelques indices pour inspirer peut-être le gouvernement dans ses décisions qui s'en viennent. Vous savez que nos auditions se terminent cette semaine. Est-ce qu'il y a quand même certains éléments majeurs sur lesquels vous voulez qu'on se penche? J'ai compris que votre approche n'est pas celle de la carotte et du bâton, là, en ce qui concerne cette politique. Plusieurs sont venus nous parler de péage, de hausse de tarification de stationnement. Vous êtes dans une autre dynamique.

• (11 h 20) •

M. Coderre (Denis) : Quand on parle en termes de... puis c'est une des raisons que je suis très heureux du résultat des élections, j'imagine qu'il n'y aura pas de poste de péage sur le pont Champlain, là, on ne doit pas parler de péage pour payer des infrastructures... en fait, ça doit être pour des infrastructures, c'est pour ça que j'étais contre.

Si on parle en termes de comment on doit financer les transports collectifs, ça faisait trois ans que... Moi, je suis président de la CMM depuis deux ans, puis ça faisait trois ans qu'on n'avait même pas de cadre financier pour diviser la facture. Je veux dire, avant de se donner comment on va financer le transport en commun, on peut-u s'entendre comment que... qui paie quoi? Donc, au niveau de la CMM maintenant, on a une entente qui a été signée avec la couronne nord, la couronne sud, Laval, et Longueuil, et Montréal.

À partir de là, on doit réfléchir sur comment on doit financer le transport en commun. Et c'est l'affaire de tous, hein? Je veux dire, le gouvernement canadien a un rôle à jouer là-dedans, le gouvernement du Québec met déjà de l'argent dans son PQI. Donc, on a à développer une façon de faire, mais, avant de commencer à parler de l'utilisateur-payeur... je sais que Montréal en a payé pas mal, alors, il faut juste s'entendre sur un cadre financier pour que les gens, par exemple, des couronnes qui viennent, et tout ça... comment on s'organise. Alors, je pense que la prochaine étape, c'est ça. On pourra parler de financement, mais, quand je parle en termes de politique de stationnement, c'est un peu dans la gestion du territoire. Donc, en gérant le territoire, en en assurant un plus grand achalandage, ça, tu as un impact économique, mais tu es là aussi en même temps pour gérer les congestions. Ça fait qu'au lieu d'avoir une voiture qui tourne en rond vous allez avoir un endroit, vous la laissez là. Je pense à une nouvelle réglementation, on pourrait faire des condos-stationnements, là, par exemple, dans le Vieux-Montréal. Tu marches dans le Vieux-Montréal, mais tu as un endroit stratégique à périmètre, parce que, s'ils font des emplettes, ils ne peuvent pas se promener avec les sacs tout le temps, là, donc, à proximité puis qui nous permet de mieux gérer le territoire. Tu sais, c'est le genre de chose que... ça, ce n'était pas caché, là, je l'ai dit depuis le début, mais ça s'en vient.

Le Président (M. Reid) : Merci. Il reste quelques secondes.

M. Traversy : Bien, je vous remercie, M. le maire, et j'ai des idées pour votre usine de biométhanisation, je vous en reparlerai dans un autre contexte.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. le maire, d'être ici, merci, messieurs, d'être avec nous. Bien, justement, en parlant d'usine de biométhanisation, moi, c'est un sujet qui m'intéresse particulièrement. Vous en parlez à la page 5 de votre mémoire. Vous savez, au gouvernement, on a repoussé les exigences en 2022 au lieu de 2019.

M. Coderre (Denis) : À notre demande.

M. Lemay : Bon. Parfait. Ça fait que, dans le fond, vous, là, à votre demande, qu'est-ce que ça implique, là, en termes d'investissement, d'attendre 2022?

M. Coderre (Denis) : C'est-à-dire — puis là je vous parle un peu comme membre de l'UMQ puis de la Fédération québécoise des municipalités — c'était que... comment on peut trouver un équilibre, sans dire que ce n'est pas pour fuir de nos responsabilités environnementales, mais en ayant une plus grande capacité d'efficacité puis de réalisation? En fait, c'est ça. Évidemment, moi, j'ai hérité de quelque chose, là, dans les plans. On avait un problème, par exemple, à Saint-Michel, où ça n'avait pas de bon sens, la réglementation faisait que la biométhanisation était presque à proximité des résidences. Il fallait changer ça, les changer. On a trouvé une autre place dans l'est de Montréal en expliquant tout, mais c'est sûr qu'en termes de réalisation, parce qu'on parle de quatre usines, dont deux de biométhanisation, le fait de dire «2022» peut nous donner plus de chances pour tout finaliser, là, je dirais. Peut-être que, Roger, tu voudrais rajouter à ça?

M. Lachance (Roger) : Bien, au mois d'août, il y a eu une stratégie, je dirais, d'implantation au niveau de la collecte des matières organiques qui a été annoncée. Donc, même si l'échéance, je dirais, là, du programme de financement a été, je dirais, déplacée en 2022, il y a quand même des gestes qui se posent dès maintenant pour desservir la population puis d'implanter, justement, là, la collecte de matières organiques, je dirais. Il y a déjà 100 000 portes à Montréal qui sont desservies, et, d'ici 2019, on prévoit en implanter 100 000 portes additionnelles par année. Alors, tout ça est attaché, tout ça est cohérent.

M. Coderre (Denis) : Il y a des gestes qui se font entre-temps, pareil.

M. Lemay : O.K. Merci beaucoup. Et puis vous avez parlé tantôt du pont Champlain, puis on parle beaucoup de l'électrification des transports puis on dit : On veut se doter d'un réseau. Mais, vous savez, tout récemment encore, il s'est formé une coop pour le monorail, là, communément appelé le TransQuébec, là. Vous, votre positionnement sur le TransQuébec, c'est-u un projet que vous disiez : Bien, écoutez, si on veut vraiment se doter d'une infrastructure électrique, allons-y de l'avant avec le monorail, ou vous rejetez cette idée? Parce qu'il me semble que, quand on regarde le projet...

M. Coderre (Denis) : Vous parlez du monorail entre la couronne nord et Montréal? Vous n'avez pas un train de l'Est, vous autres?

M. Lemay : Bien là, principalement, c'est sur la couronne sud, là, plus, là.

M. Coderre (Denis) : Oui, oui, je sais.

M. Lemay : Mais, je veux dire, il faut commencer à quelque part, donc...

M. Coderre (Denis) : J'ai bon espoir. En termes de projets structurants, on s'est tous entendus pour le système léger sur rail, donc, un dans l'ouest, pour faire finalement une navette entre l'aéroport puis le centre-ville, mais très certainement au niveau de la couronne sud. Le fait qu'on avait un projet structurant, qui était le Train de l'Est, c'était... il fallait revitaliser, en quelque part, la... c'est-à-dire, il fallait, dans un premier temps, revitaliser la couronne sud, mais aussi assurer une fluidité jusqu'au centre-ville. Donc, à la lumière de ce que je comprends, parce que, comme diraient les Anglais, avec la Caisse de dépôt, ça va être «on budget, on time», alors, on va avoir un système léger sur rail. Donc, on parlait de monorail, mais je pense que, déjà, leur choix en termes de SLR s'est fait. Je dois vous avouer que j'aime autant quelque chose de réalisé que commencer à repartir d'autres projets. Et puis ça, à mon avis, non seulement ça va fonctionner, mais ça a déjà fait ses preuves ailleurs, comme à Vancouver par exemple.

M. Lemay : O.K. Donc, ce que vous dites, c'est : On a fait notre choix, on va y aller avec le SLR, il faudrait...

M. Coderre (Denis) : ...aussi, là, je veux dire, la question de l'électrification, elle est là, elle va se faire au niveau des voitures, et tout ça, puis même en termes... je parlais de stationnement, tantôt, on donne des vignettes pour les voitures libres-services si elles sont électriques. Mais le SLR est essentiel, là, dans le transport des personnes, mais on a aussi le SRB, le système rapide par bus, pour Pie-IX. Tu sais, il y a quand même... quand on parle de cocktail de transports collectifs, là, vous en avez des exemples, là.

M. Lemay : Et puis, au niveau des autobus électriques à Montréal, est-ce que vous... J'ai entendu parler, là, de bornes de recharge, là, de, genre, 10 secondes, là, pendant qu'on est en train de faire l'embarquement, débarquement des passagers. Ça, vous prévoyez...

M. Coderre (Denis) : ...ça là-dedans.

M. Lemay : C'est en R&D présentement ou vous avez un échéancier pour un déploiement?

M. Coderre (Denis) : Ça, il faudrait demander à la STM, mais il y a déjà des échéanciers, là, qui sont prévus au niveau de l'électrification des autobus. Mais, nous aussi, il va y avoir des... Quand on parle en termes de bornes de recharge, ce n'est pas strictement pour les taxis ou bien les voitures libres-services, c'est qu'avec le gouvernement du Québec on a fait une annonce et on va en faire d'autres pour assurer... on parlait de 1 000 bornes, je crois, électriques pour le centre-ville et les environs, là. Donc, ça, c'est des gestes qui sont très, très concrets et à court terme.

M. Lemay : Merci beaucoup, M. le maire. Très apprécié de pouvoir avoir des éclaircissements.

M. Coderre (Denis) : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, M. le maire, nous avons bien travaillé. Si jamais vous voulez faire un commentaire de quelques instants, je vous laisse la parole.

M. Coderre (Denis) : Bien, je veux vous remercier. Je pense que, déjà, d'avoir la capacité, comme maire de Montréal et président de la CMM, de pouvoir venir m'exprimer encore une fois sur les enjeux importants, le message que je vous envoie, c'est cette volonté de travailler en partenariat et que les municipalités font partie de la solution. Et je retiens : communion d'esprit, stratégie commune, et puis travaillons ensemble pour assurer qu'on puisse faire ce qu'on doit faire pour la COP21, mais on est d'accord avec les objectifs et on veut les réaliser pleinement.

Le Président (M. Reid) : M. le maire, M. Perez, M. Lachance, merci pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 28)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document de consultation intitulé Cible de réduction de gaz... d'émissions — pardon — de gaz à effet de serredu Québec pour 2030.

Cet après-midi, nous entendrons d'abord Vision Biomasse Québec, suivi du Conseil de l'industrie forestière du Québec et de l'Association canadienne de l'énergie éolienne.

Alors, bienvenue à nos invités de Vision Biomasse Québec. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demande, pour les fins de l'enregistrement, de vous nommer, au départ, de vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent, et c'est à vous la parole.

Vision Biomasse Québec

Mme St-Laurent Samuel (Amélie) : Parfait. Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Je me présente, mon nom est Amélie St-Laurent Samuel, je suis chargée de projet forêt-biomasse chez Nature Québec. Je suis aussi coordonnatrice du regroupement Vision Biomasse Québec.

Je vous présente donc, directement à ma gauche, M. John W. Arsenault, directeur du Groupe granules au Bureau de la promotion des produits du bois du Québec, aussi appelé QWEB; directement à ma droite ou plus loin, Mme Marie-Paule Robichaud, qui est conseillère en recherche et développement au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité; et directement ici, à ma droite, M. Eugène Gagné, qui est directeur adjoint et directeur du développement à la Fédération québécoise des coopératives forestières. Il est aussi co-porte-parole de Vision Biomasse Québec.

• (15 h 10) •

Je tiens d'abord à vous remercier de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui de présenter notre mémoire. Nous apprécions beaucoup, nous avons beaucoup de choses à vous dire. Vision Biomasse Québec, tout d'abord, c'est un regroupement d'organisations de tous les horizons, donc organisations issues des milieux coopératifs, des milieux municipaux, des affaires, de l'environnement et du développement rural. L'objectif du regroupement, qui a été créé officiellement il y a un peu plus d'un an, est la promotion d'une filière exemplaire et performante de chauffage à la biomasse forestière résiduelle. Petit point de mise en contexte : filière du chauffage à la biomasse, donc, on parle de chauffage des bâtiments, on parle aussi de production de chaleur pour les procédés industriels; «biomasse forestière résiduelle», un autre terme important, donc les résidus de récolte forestière, effectivement, les résidus de l'industrie forestière et aussi tout ce qui est résidu postconsommation, le bois notamment à la construction, rénovation et démolition.

Donc, le regroupement compte, au jour d'aujourd'hui, 16 membres, 16 membres assez importants, je vous les nomme — je pense que c'est intéressant pour la mise en contexte, donc : le Bureau de promotion des produits du bois du Québec... D'ailleurs, vous pouvez me suivre, en annexe du mémoire, à l'annexe 1, vous allez trouver la brochure... à la fin de la brochure, vous trouverez nos membres, qui ont été actualisés depuis. Donc : le Bureau de promotion des produits du bois du Québec; le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité; la Coop Carbone; La Coop fédérée; la Fédération des producteurs forestiers du Québec; la Fédération québécoise des coopératives forestières; la Fédération québécoise des municipalités; Fondaction CSN; le Fonds Biomasse Énergie; Innofibre, centre de recherche; Nature Québec; le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec; le Réseau d'expertise et de valorisation en biomasse forestière; Solidarité rurale du Québec; l'Union des municipalités du Québec; et l'Union des producteurs agricoles. Comme vous pouvez voir, on a un éventail assez important puis une diversité aussi d'organisations qui nous appuient, là, dans cette promotion de la filière.

Donc, à travers le temps, les partenaires ont développé une vision commune du développement de la filière à un horizon 2025. Cette vision-là a été basée sur des études, puis les études technicoéconomiques du Québec ont été aussi basées sur des avis d'experts mais aussi sur des consultations qui ont été nommées avec des partenaires et acteurs du milieu, notamment les acteurs environnementaux et sociaux. Donc, on s'est assurés d'avoir le réel pouls au Québec et puis la situation, là, plus précise. La vision qu'on vous présente, la vision Biomasse 2025, elle est aussi dans le document, la brochure, en annexe, elle est basée sur sept cibles dont je vais vous donner les plus importantes dans notre contexte aujourd'hui : la production de 4 000 gigawattheures d'énergie renouvelable, comme je vous disais, pour le chauffage des bâtiments et puis pour les procédés industriels; la substitution de 400 millions de litres de combustibles fossiles — ici, on parle de mazout lourd, on parle de mazout léger et de propane; la réduction de 1 million de tonnes de CO2 équivalent; la création de 16 000 emplois notamment en construction et en opération, dont le quart serait récurrent, donc non négligeable; et puis l'amélioration de la balance commerciale du Québec à hauteur de 225 millions de dollars.

Très rapidement, les acteurs de la filière ont montré un désir de s'engager aussi envers l'environnement et les communautés, c'étaient des conditions d'acceptabilité qui étaient incontournables, donc, pour baliser le développement de la filière. Ces engagements-là sont aussi dans la brochure, concernent les émissions de GES, la santé, la qualité de l'air, les écosystèmes forestiers mais aussi l'intégration dans les communautés d'accueil. Notre participation d'aujourd'hui, plus spécifiquement, vise à démontrer que la filière du chauffage à la biomasse forestière peut contribuer significativement à la cible qui sera retenue par le Québec, parce qu'on croit que c'est une réelle perspective de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans différents secteurs : oui, le secteur de l'industrie, mais aussi celui du bâtiment, de l'agriculture, des matières résiduelles et de la production d'électricité — on parle ici de réseaux autonomes, plus particulièrement.

Rappelons que la filière a été vraiment identifiée d'un point de vue scientifique comme outil de contribution à la lutte aux changements climatiques notamment par le GIEC à l'international mais aussi par un comité scientifique au Québec en 2012.

Développée selon le principe de la bonne énergie au bon endroit, c'est-à-dire l'utilisation de la biomasse forestière résiduelle qui crée un maximum de bénéfices, c'est-à-dire la filière de la chauffe, la filière se démarque non seulement par la création des 16 000 emplois dont on vous a parlé un peu plus tôt mais aussi par sa maturité, qui lui confère un excellent bilan GES et un excellent bilan énergétique, des économies générées pour les utilisateurs liées au bas coût du combustible, la flexibilité, qui permet de répondre au gros enjeu des pointes hivernales connues au Québec, et la consolidation des activités forestières.

Pour sa part, Nature Québec a très rapidement joint le regroupement... en fait, a participé à sa création, parce qu'elle croit que la filière du chauffage à la biomasse forestière résiduelle est structurante pour le Québec, c'est une énergie qui est renouvelable, qui est locale et qui permet de contribuer à réduire la dépendance du Québec aux combustibles fossiles lorsque développée selon les critères élevés, innovateurs des critères environnementaux, ce qui est le cas ici.

Je laisse la parole à Mme Robichaud, qui va nous parler du point de vue du CQCM.

Le Président (M. Reid) : Il vous reste un peu moins de trois minutes.

Mme Robichaud Villettaz (Marie-Paule) : D'accord. Donc, je vais être brève. Le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, nous — Marie-Paule Robichaud — on appuie nos membres, la Fédération québécoise des coopératives forestières et La Coop fédérée, dans le développement de la filière biomasse depuis plusieurs années. En fait, là, ça s'inscrit directement dans notre plan stratégique. On croit que la biomasse va avoir des retombées financières importantes pour le Québec, elle a un effet de consolidation aussi au niveau des emplois en région, et ça consolide la filière forestière pour le Québec. Donc, c'est un projet d'avenir, de notre point de vue.

Mme St-Laurent Samuel (Amélie) : Je passe la parole à M. Arsenault.

M. Arsenault (John W.) : Oui. Je représente l'ensemble des producteurs de granules au Québec, qui sont répartis géographiquement dans plusieurs régions, du Pontiac à aller sur la Côte-Nord. Il existe déjà une infrastructure pour produire des granules en quantité. Actuellement, nos producteurs sont tous exportateurs, on cherche à développer des marchés à l'interne, on fait profiter actuellement le reste du monde des avantages de réduction de gaz à effet de serre des granules puis on se fait à l'idée qu'il y aurait un marché local qui devrait être preneur de ça aussi.

Mme St-Laurent Samuel (Amélie) : M. Gagné.

M. Gagné (Eugène) : Bien, merci, M. le Président. Je comprends qu'il n'y a pas beaucoup de temps. Je devais vous présenter le mémoire, je vais essayer de faire ça très vite.

La Fédération québécoise des coopératives forestières, on est dans le dossier depuis 2008. On a plusieurs projets de réalisés avec nos coopératives. On travaille beaucoup sur l'approvisionnement en plaquettes forestières et, en fait, on a contribué, avec Fondaction et Investissement Québec, à la mise en place du Fonds Biomasse, que votre gouvernement a appuyée. On vous en remercie.

Alors, pour ce qui est de nos recommandations sur les quatre questions, je vais aller tout de suite à la principale. On a compris... en fait, on apprécie, là, que le gouvernement ait cette initiative-là de réduction puis d'avoir une cible, là, 2030. On l'appuie. Par contre, on est un peu déçus, on doit vous avouer, de voir que, dans le document de consultation, la biomasse était quasi absente, sauf à la page 40, où elle faisait partie d'une possibilité de réduction pour l'industrie. Nous, on veut vous porter le message qu'on peut faire beaucoup plus que ça, comme l'a dit Amélie, dans le bâtiment, dans l'agriculture, dans les réseaux autonomes d'Hydro-Québec. D'ailleurs, le ministre Lessard nous a confié un mandat de trouver des solutions dans le cadre du Plan Nord. Les minières ont des besoins énormes en énergie, on peut faire quelque chose. Et puis on invite finalement le gouvernement à faire sienne notre première recommandation, qui est la vision Biomasse 2025. On a la capacité de réduire d'au moins 1 million de tonnes... puis ça, c'est juste 1 million de tonnes de biomasse utilisées. On en a 4 millions de disponibles. Ça fait que je veux juste vous dire qu'il y a un potentiel important à ce niveau-là.

Dans le document, on vous a parlé de quelques initiatives intéressantes. On pense qu'il faut des cibles pour chaque secteur d'activité puis idéalement aussi par région. On a des exemples. Comme dans les producteurs en serre, il y a eu vraiment beaucoup de développement dans l'utilisation de la biomasse dans les producteurs en serre, puis ça fait boule de neige. Tous les gens qui produisent en serre savent que ça existe puis ils veulent poursuivre dans cette veine-là. C'est possible avec les minières — on a un beau projet dans le Nord-du-Québec — puis c'est possible dans le bâtiment aussi — il y a plusieurs projets dans les hôpitaux. Alors, voilà.

Le Président (M. Reid) : On aura l'occasion d'en parler, puisqu'on a une période d'échange. Alors, nous allons passer au côté gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

• (15 h 20) •

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Merci beaucoup pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Filière très intéressante que celle de la biomasse forestière. Notre gouvernement, vous l'avez souligné, notre gouvernement a déjà soutenu, et par le biais du Fonds vert, le développement de cette filière puis entend certainement en faire plus.

Première question. Les objectifs que vous nous proposez en termes d'utilisation de la biomasse forestière sont très ambitieux, puis ça, on n'a aucun problème avec l'ambition, loin de là. Cela dit, est-ce qu'au moment où on se parle on a l'infrastructure, on a les granules pour justement couvrir toute cette demande-là qui serait générée, là, par le genre de cible que vous proposez?

M. Gagné (Eugène) : En termes de ressources, là, on a vraiment toute la ressource disponible, ce n'est pas un problème. C'est sûr qu'il y a une question de structuration de la filière.

Nous, on le répète, puis on le dit dans notre document de vision et dans ce document-ci, c'est important de mettre les énergies qu'il faut pour bien structurer la filière, puis ça, ça part, pour nous, du début à la capacité de préparer un combustible de qualité pour des équipements performants pour obtenir des performances dans différents projets. Il y a eu plusieurs projets qui se sont réalisés au Québec. Il y a de grands succès, il y a des petites difficultés à certains endroits puis souvent associées au fait qu'il y a un projet, généralement petit, quelque part puis il n'y a pas la structure, la chaîne d'approvisionnement, qui a la capacité de faire le travail. Le plus bel exemple qu'on a, c'est dans La Matapédia, un beau projet qui a débuté avec l'hôpital et la coopérative forestière du coin. Il doit y avoir au moins 10 projets actuellement de concentrés dans la vallée de la Matapédia, avec une entreprise qui s'est spécialisée à préparer un combustible. Si la chaudière demande 20 % d'humidité, il livre le combustible à 20 %. Si c'est une chaudière industrielle qui peut prendre du 40 %, c'est possible.

Vous voyez, en fait, ce qu'on tente de vous recommander, c'est qu'il y a un potentiel énorme, il faut faire un petit effort pour décoller la roue. On pense que le programme, c'est très bien, il devrait être là pour plus de sous. On remercie aussi le ministre Leitão, qui a remis 10 millions l'an passé dans la mise à jour économique. Mais il y a énormément d'engouement pour ça, puis on se distribue peut-être un peu trop, ça fait que... On a l'exemple des producteurs en serre, on vous en a parlé; on a l'exemple des hôpitaux, ça fonctionne bien. Dans les écoles, on a très peu de projets de réalisés. Dans les commerces, c'est à peu près zéro. On a identifié dans des études qu'il y avait 375 millions de litres de consommés de mazout et de propane dans le bâtiment institutionnel et commercial au Québec, une étude qui a été réalisée d'une façon indépendante. Ça fait qu'il y a vraiment du potentiel pour faire des choses.

Dans les minières, c'est un peu la même affaire. On a un beau projet actuellement avec Alouette à Sept-Îles. Eux, ils veulent utiliser de la poudre de bois pour refondre les résidus d'aluminium, ils veulent l'utiliser peut-être dans les anodes. Bien, si ça décolle, ça, on pense qu'Alcoa ou Rio Tinto peuvent faire leur cette technologie-là, cette avancée-là. Moi, je pense qu'il y a la possibilité, il y a le potentiel puis il y a des entreprises qui sont prêtes à le faire. Puis nous, on est là pour les appuyer. On a plusieurs coopératives impliquées là-dedans, on a le cas de Groupe Forestra à Saguenay, là, qui a un beau projet avec une minière aussi, qui ont une infrastructure de préparation de la biomasse.

Pour ce qui est des granules, il y a plusieurs producteurs puis, si on structure ça bien, il y a de l'intérêt. John vous l'a dit, il y a vraiment de l'intérêt pour faire de l'approvisionnement en vrac, mais ça prend une masse critique de projets, ça prend un effort, disons, concentré. Puis là, dans les initiatives, on vous a suggéré que des crédits d'impôt à l'investissement pourraient être une solution dans la partie industrielle et aussi pour des fournisseurs d'énergie comme nos coopératives. Nos coopératives, elles sont prêtes à le faire, parce qu'entre nous c'est plus compliqué un peu... un peu pas mal, opérer une chaudière à la biomasse qu'un truc électrique qu'on fait «on-off». Les gens ont un petit peu peur de ça, tu sais, donc il faut démystifier ça. Puis il y a des gens qui vont dire : Ce n'est pas notre business. Nous, on est prêts à le faire avec l'appui du Fonds Biomasse, c'est pour ça qu'il est en place.

Alors, je dirais, les portes sont grandes ouvertes, il y a de la volonté de la part du milieu, des entreprises. Ça prend un petit coup de pouce. Puis, dans le mémoire, on vous dit que simplement prendre une cible pour de la biomasse forestière, de la part de votre gouvernement, déjà, ça, c'est énorme : même s'il n'y a pas de moyens financiers énormes qui vont l'appuyer, on va dans cette direction-là. Ça envoie un signal aux gens qui sont des fabricants d'équipement, des gens qui sont des entreprises pour donner des services que, oui, on veut aller à développer cette filière-là, puis ça change la dynamique immédiatement.

Votre collègue le ministre Lessard nous a confié un mandat de trouver des solutions pour le Nord avec une enveloppe, somme toute, restreinte, de 5 millions. Puis, juste d'avoir dit ça, dans les communautés nordiques, il y a plein de projets qui veulent se mettre en branle, tu sais, c'est comme : Le gouvernement veut nous soutenir, bien nous, on va regarder qu'est-ce qu'on peut faire. J'espère de vous avoir convaincus.

M. Heurtel : Bien, encore une fois, notre gouvernement n'a pas besoin d'être convaincu sur l'importance de développer la filière de la biomasse forestière. Je crois qu'on l'a démontré. Vous en faites état. Là, ce qui est intéressant, alors, un, nous, de notre côté, on est convaincus qu'il faut la développer, on a déjà investi des sommes importantes pour justement la développer. Vous venez de dire, bon...

M. Gagné (Eugène) : Oui, oui, absolument.

M. Heurtel : Parce que mon collègue le ministre des Forêts a justement lancé un signal très clair puis a financé un projet pour développer, dans le Nord, la filière, vous voyez l'effet de levier que ça crée, vous décrivez l'effet de levier. Là, vous me parlez, vous utilisez... bon : On a besoin de mieux structurer. Moi, c'est simplement... Moi, je suis dans le comment, là, vraiment, là, parce qu'encore une fois on a vu des cas concrets, vous en avez fait état, vous en parlez également dans votre mémoire. Des fois, on a un frein, par exemple, en région éloignée. Des fois, la ressource ne se rend pas nécessairement au projet ou c'est un obstacle pour faire en sorte qu'on utilise la biomasse.

Puis, vu que le temps est limité, je voudrais juste vous entendre plus concrètement sur quels sont les gestes concrets, là, qu'il faudrait poser. Vous dites, bon : Plus d'argent. J'ai entendu ça, mais, en termes de moyens, là, plus concrets, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour mieux structurer, comme vous le demandez, la filière? Puis, également, quand vous parlez de mesures fiscales... bon, vous avez parlé d'un crédit d'impôt, j'aimerais ça vous entendre davantage sur ça au niveau de la fiscalité qui devrait entourer le développement de la filière.

M. Gagné (Eugène) : D'accord. Juste pour illustrer peut-être davantage, là, qu'est-ce que ça peut vouloir dire, structurer la filière... Bon, ça fait longtemps, je vous ai dit, que je suis dans le domaine. On est dans des endroits comme Saint-Tite-des-Caps ou Mont-Laurier. Nous, de notre point de vue, on est au milieu du bois. Les gens, ils se demandent s'ils vont en avoir, de la biomasse. Ça fait que, tant qu'il n'y a pas une concentration de projets... C'est pour ça que nous, on vous dit, on vous recommande d'avoir des mesures adaptées à chaque secteur d'activité.

Je vais prendre un exemple concret. Par exemple, les producteurs acéricoles, il y a beaucoup d'intérêt de leur part, ils utilisent énormément l'huile encore. Tous les gros producteurs, ils sont à l'huile. Il y a des évaporateurs développés pour fonctionner aux granules, il y a de l'intérêt des producteurs. Ça fait qu'un programme qui serait ciblé sur ce besoin-là permettrait rapidement d'avoir 10, 15, 20 projets, puis là la démonstration est vraiment concrète. Puis on réduit, jusqu'à un certain point, la fabrication de ces équipements-là, parce que, dès qu'il y a une volonté d'aller quelque part, il y a plus de marché; plus de marché, on est plus structurés, on est moins coûteux. Puis c'est la même chose à toutes les échelles.

Je vous ai donné l'exemple de Matapédia. Bon, eux, bon, c'est normal, ils se battent avec le Québec pour avoir des sommes du 50 millions, qui avait été promis sur quatre ans, maintenant qu'il y en a 10 de plus. Mais là ils ont des beaux projets, tu sais, ils ont un projet avec Natrel, par exemple. Il n'y a pas d'enveloppe, bon, là, ils sont en attente. Puis, bon, s'il y avait le crédit d'impôt, on est moins dépendant de programmes, on a moins de structures administratives. Puis, actuellement, le crédit d'impôt à l'investissement, on l'a expérimenté, là, avec... le gouvernement fédéral a des critères, notre projet avec la minière du Nord s'est qualifié pour le crédit d'impôt fédéral et provincial. L'interprétation du provincial a été difficile, mais on l'a accepté.

Donc, cette mesure-là, qui serait adaptée ou adéquate, là, actuellement, il y a des régions qu'il n'y en a pas ou on a réduit beaucoup. On pourrait cibler un crédit d'impôt spécifique pour la production d'un produit manufacturé qui est de l'énergie renouvelable puis on pourrait faire un grand bout de chemin avec ça puis être beaucoup plus efficaces. On a eu le crédit d'impôt en tant qu'entreprise qui vend de l'énergie à quelqu'un. Les entreprises elles-mêmes pourraient aussi en bénéficier si elles veulent réaliser le projet elles-mêmes.

• (15 h 30) •

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup. Écoutez, j'écoute attentivement les réponses aux questions de mon collègue, et il y a quelque chose que je vais revenir sur sa première question, O.K., sur la disponibilité de la ressource ou de la matière, parce que vous expliquez, avec brio et connaissance, le fait que, tout dépendant dans quels domaines ou dans quelles industries ou institutions la technologie est utilisée, la matière est différente. Donc, vous parliez tantôt de 20 %, 40 %, etc.

La question, et où je n'ai pas eu de réponse complète, là, c'est : Vu le nombre de diversités de technologies, vu la différence de besoins d'adaptation de la matière pour répondre aux besoins soit de l'industrie ou des institutions, est-ce que et comment, outre... Parce que, là, vous venez de faire la démonstration qu'en mettant un crédit d'impôt spécifique on va aider un secteur particulier, oui, mais on n'aidera pas les autres, puisque la technologie peut être très différente, puis l'adaptation des technologies peut ne pas fonctionner dans certains cas. Selon vous, quel serait le meilleur moyen de susciter l'adhésion d'un plus grand nombre, de permettre le développement de technologies, bien, plus ou moins uniformes mais qui pourraient servir dans plusieurs cas où on pourrait dire : Bien, c'est tel cas, voici ce que tu as besoin, et comment ça coûte et comment ça te redonne? Quelle serait, selon vous, la réponse à ces deux questions?

M. Gagné (Eugène) : C'est une grande question, on va essayer de faire ça court.

Les technologies varient, puis c'est adéquat que ce soit ainsi. Dans du petit bâtiment, on doit aller dans des équipements, disons, d'une conception plus commerciale, puis c'est différent dans l'industriel, alors on est équipés plus robustement, je vais dire, pour être capables d'accepter une plus grande variabilité de combustibles biomasse. Bon. Alors, comment on peut répondre à ça, si j'ai bien saisi votre question? Nous, après avoir analysé ça, on a dit : Il faut mettre en place des centres de transformation et de conditionnement de la biomasse forestière, il faut faire ça au Québec. Puis d'ailleurs, le Fonds Biomasse, sa principale raison d'être, elle est là. Puis, pour être capables de faire ça, ça prend des projets. C'est comme la poule et l'oeuf : pas de projet, pas de centre; pas de centre, pas de projet.

Donc, la technologie, elle est connue. On a fait beaucoup de recherche. On travaille encore avec le CRIQ pour des techniques de séchage actif, des techniques de séchage biologique, séchage naturel, dimension des copeaux. Ça existe, on sait comment faire. Ce n'est pas ça, le problème. Puis il faut vraiment faire le petit copeau, puis, à un moment donné, le copeau, il ne fait plus la job, c'est la granule. Puis la granule, elle est bien spécifique, là, elle a telle densité, elle a telle humidité. C'est plus facile à opérer avec une granule. Il y a des conditions que c'est le combustible, mais, vu qu'il est un peu plus cher, on essaie d'aller vers le copeau ou la plaquette, qu'on appelle dans le jargon, puis il faut vraiment faire le produit... D'ailleurs, les normes environnementales pour les émissions, les bons fabricants, ils disent : Moi, je garantis ma machine en termes de performance technique, efficacité et environnementale avec le bon combustible dans la machine. Puis, pour mettre le bon combustible dans la machine, ils ont leurs spécifications en termes d'humidité et de granulométrie, de taux de cendres, etc. Bien, il faut qu'on spécialise la production du combustible.

Dans certaines conférences, je m'amusais à dire : Les gens qui consomment du pétrole dans leur auto, ils font la différence entre le mazout lourd, le diesel puis l'essence. Il faut réussir à faire ça. Dans un centre, ce n'est pas aussi sophistiqué qu'une raffinerie, mais quand même on a de la matière brute, il faut la préparer adéquatement pour fournir le bon combustible dans l'équipement performant qui est sur le marché.

M. Plante : Oui. On a encore du temps? Oui. Donc, si je comprends bien ce que vous nous expliquez, c'est que les technologies sont développées, la matière est adaptée aux différentes technologies. Parce que, là, vous avez dit : Si on a les bons fabricants — oui, vous avez mentionné «les bons fabricants» — avec la bonne matière, on atteint les objectifs, si on veut, voulus. Dans ces cas-là, donc dans tous les cas différents, vous nous dites que, peu importent l'appareil ou la technologie installés dans l'institution, si on a le bon combustible ou la bonne technologie, ça répond aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre mais aussi aux objectifs énergétiques qu'on demande. C'est ce que vous nous dites.

M. Gagné (Eugène) : Bien, je dirais, peu importe l'équipement des bons fabricants, on peut faire ça sans problème, on peut atteindre des hauts rendements en termes d'efficacité et de conversion, parce qu'on vise à atteindre peut-être 80 %. D'ailleurs, plus la matière est sèche, plus le taux d'efficacité de l'équipement est élevé, donc on a un meilleur rendement. Autrement dit, on va être meilleurs en GES aussi, parce qu'on prend moins de matières, donc on émet moins de CO2. Alors, oui, c'est possible, absolument.

Mme St-Laurent Samuel (Amélie) : En fait, un centre de transformation va être capable de connaître les besoins très spécifiques de ses clients, va être organisé de manière à gérer l'approvisionnement de chacun et de livrer aussi selon les besoins. Donc, à la demande, la biomasse, dans les conditions souhaitées, est apportée tout simplement, c'est simplement un bon service à la clientèle. Donc, en ayant cette structure-là de centre d'approvisionnement, on arrive à bien faire rouler la filière, finalement. Donc, c'est effectivement un point très important.

M. Gagné (Eugène) : C'est un peu la même chose pour les granules, si vous me permettez. Il y a beaucoup de potentiel de faire des projets avec les granules. La difficulté, c'est qu'au Québec on travaille avec les sacs puis, pour être efficaces, il faudrait être en vrac. Et puis, pour être efficaces en vrac, bien, ça prend des camions adaptés, ça prend des systèmes de livraison pneumatiques. Mais, quand on a un projet de 100 tonnes, bien c'est difficile de justifier l'investissement du camion en question. Ça fait que c'est là que ça prend un petit effort, une petite poussée, là, un peu d'énergie pour mettre en place toute la chaîne de services et d'approvisionnement. Puis je pense que la filière est capable de se débrouiller par la suite, parce que le coût de la biomasse n'est réellement pas cher : on parle de 0,025 $, 0,03 $ du kilowattheure dans la plaquette, le coût du combustible, puis peut-être 0,05 $ dans la granule, environ. Donc, on est capables de compétitionner même le gaz, c'est le coût d'investissement qui nous nuit. Puis c'est un peu, dans le fond, la même logique dans le gaz : si on n'investit pas pour amener le tuyau, le gaz, il coûterait cher, là, tu sais, il faut se rendre.

Donc, le combustible, il est capable de faire son chemin seul, mais il faut lancer la question. Puis les Européens ont quand même réussi à le faire, là, dans des conditions peut-être plus favorables, vu leur coût d'énergie, mais, enfin, c'est un autre...

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer au groupe de l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Gagné, M. Arsenault, Mme Robichaud et Mme St-Laurent Samuel. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez une belle délégation pour venir nous rencontrer en cette commission, et j'apprécie le travail que vous avez fait dans le cadre de votre mémoire. On a de la couleur, des détails, des recommandations, bref, assez pour avoir des bonnes discussions avec vous au cours des prochaines minutes.

Vous posez tout d'abord une question des échanges qui est venue avec le gouvernement. M. Arsenault, vous sembliez nous dire tout à l'heure que le marché local pour les granules était peut-être actuellement moins important qu'au niveau international. J'aimerais ça, juste à titre d'information, savoir c'est quoi, les chiffres, à l'heure actuelle, du marché local et international, à ce niveau-là.

M. Arsenault (John W.) : Le marché local pour les granules de bois est d'environ 100 000 tonnes, 110 000 tonnes de consommation locale. Nos producteurs en produisent 350 000, comme je disais, réparties un peu partout dans la province, et par conséquent on exporte au-dessus de 200 000 tonnes actuellement, principalement vers le marché du nord-est des États-Unis, en remplacement de l'huile à chauffage, justement.

Il faut comprendre que le problème de la biomasse, ce n'en est pas un d'approvisionnement, il y a des millions de tonnes, comme Eugène l'a mentionné, et l'industrie forestière a déjà démontré qu'elle était capable de manipuler des millions de tonnes de biomasse en faisant du papier, en faisant du bois. Ce n'est pas l'approvisionnement qui pose problème, c'est : on n'a pas assez de brûleurs pour consommer la biomasse dans nos commerces, dans nos industries, dans nos institutions. On a besoin d'encouragement pour créer une masse critique de demande qui va faire sortir les entrepreneurs pour remplir cette demande, pour combler cette demande-là.

Les producteurs de granules du Québec ne demandent rien de mieux que d'avoir deux fois plus de consommateurs au Québec puis de les desservir. Ça les protégerait des aléas des taux de change, etc., qui leur ont fait vivre des montagnes russes au fil des derrières décennies.

• (15 h 40) •

M. Traversy : Excellent. Merci beaucoup pour cette information. Vous nous avez, donc, parlé, dans le cadre de votre présentation, des retombées financières importantes que votre industrie peut apporter au Québec, donc des retombées financières significatives. J'ai lu à l'intérieur de votre mémoire, là, qu'on parlait même de création d'emplois, là, assez intéressants, des emplois qui seraient récurrents, dans la plupart des cas. Je pense que, de mémoire, c'est autour de 16 000 emplois dont vous nous faisiez référence. Juste pour bien figurer — c'est des emplois qui peuvent aller, j'imagine, là, dans toutes sortes, là, de professions — on parle de quel genre d'emplois, plus précisément?

M. Gagné (Eugène) : Bien, il y a une portion qui est dans la construction des chaufferies puis la préparation des équipements. Donc, ça, c'est la partie importante, là. Le chiffre, je ne me souviens pas exactement si c'est 12 000 ou 13 000 dans la construction, puis c'est 3 000 environ qui est le chiffre, là, qui sont récurrents. Donc, dans ce qui est récurrent, c'est les services, parce qu'il y a plus d'entretien. Tantôt, je vous ai dit que le combustible ne coûtait pas cher, mais l'entretien est plus cher que dans les autres filières, et il y a toute la biomasse qu'il faut préparer. On vous a parlé d'un centre de transformation et de conditionnement de biomasse, préparation du combustible, mais il faut le récolter en forêt. Donc, tout ça vient ajouter, là, la partie récolte. Bien, 1 million de tonnes, c'est l'équivalent d'à peu près 2 millions de mètres cubes, là, si on met ça en bois. Ça fait que récolter 2 millions de mètres cubes, c'est quand même pas mal d'emplois, là. C'est associé à ça.

M. Traversy : C'est bien noté. Donc, entre 12 000 et 13 000 pour la construction, 3 000 récurrents en lien avec l'entretien et la gestion, donc, des biomasses.

Vous avez parlé, tout à l'heure, du financement qui provient du Fonds vert. Je sentais que c'était une préoccupation que vous aviez. D'ailleurs, le ministre a mentionné dès le départ, là, qu'il était prêt à en faire plus, d'ailleurs qu'il y avait des actions mais qu'il était prêt à aller un peu plus loin. Certains groupes sont venus nous voir à l'intérieur de cette commission pour lancer peut-être quelques signaux par rapport à la gestion du Fonds vert. Vous, est-ce que je comprends, de votre côté, que vous êtes satisfaits de la manière dont les choses se déroulent, qu'il y a de la transparence, simplement que vous aimeriez y voir un peu plus de financement du côté de votre secteur? C'est ça que j'ai entendu?

M. Gagné (Eugène) : Bien, c'est plus que ça, mais c'est sûr que le financement, c'est le nerf de la guerre, comme on dit. L'enveloppe... en fait, à la fin du PACC I, puis le PACC II, là... on a été pratiquement un an, un an et demi avec l'expectative de sommes dans le PACC II, mais ce n'était pas là, il y a eu le changement de gouvernement. Tout ça, ça a traîné très longtemps.

Bon, on a annoncé l'enveloppe... Mme Marois avait fait l'annonce à Saint-Félicien, de mémoire, en novembre 2013. Bien, le budget de l'année en cours et de l'année qui suivait, là, dans le fond, 2014‑2015... Attends. C'est-u bien ça? Non, c'est 2013‑2014. Il était épuisé complètement au mois de septembre. En fait, depuis septembre dernier, pas septembre qui vient de passer, l'autre d'avant, le programme est suspendu, parce que le gouvernement veut revoir les normes, les paramètres de l'allocation du programme. Puis nous, on l'appuie à 100 % là-dessus, parce qu'on avait une enveloppe de 10 millions annuellement puis le programme permettait d'attribuer jusqu'à 5 millions par projet, 75 % de financement du projet. Vous comprenez que deux projets, ça règle le problème. Puis on ne structure pas une filière avec ça. Nous, on pense que les paramètres du programme doivent être bâtis de façon à favoriser la structuration du programme en visant des secteurs, des programmes adaptés aux secteurs et en visant peut-être des régions... peut-être moins de régions, c'est peut-être... En tout cas, nous, on ne se met pas dans la peau du gouvernement, là, mais on vous dit qu'à saupoudrer partout, des fois, ça ne fonctionne pas vraiment, tu sais.

M. Traversy : Donc, vous, vous êtes plus dans le ciblage, vous en avez parlé tout à l'heure, donc industries, bâtiments... en tout cas, vous en avez déployé quelques-uns. Ces paramètres-là qui sont à revoir, donc, depuis, là, que vous êtes en train de les étudier avec le gouvernement, est-ce que vous continuez à recevoir au moins certains fonds ou c'est de là, dans le fond, votre cri d'urgence, là, où vous nous dites : Le temps qu'on trouve les nouveaux paramètres, là, pour cette négociation, on aimerait recevoir davantage de fonds pour accomplir notre mission?

M. Gagné (Eugène) : On aimerait que le programme, qui est suspendu, soit annoncé le plus tôt possible. On espérait que ce soit avec le nouveau budget du 1er avril dernier. Bon, bien, pour toutes sortes de raisons que je ne connais pas les explications, ce n'est pas fait encore, au moment où on se parle. Alors, on souhaiterait connaître ces paramètres-là, parce que ça aussi, ça fait un frein, on ne sait pas trop à quoi s'en tenir. De là l'idée d'aller sur des crédits d'impôt, qui est beaucoup plus souple qu'un programme où c'est plus difficile. Tu sais, un crédit d'impôt ciblé sur certaines industries ou qui donne une certaine souplesse, les gens dynamiques, ils vont de l'avant, puis c'est plus facile à travailler. Ça ne veut pas dire qu'il faut enlever l'autre, là, mais on pourrait travailler sur les deux plans puis il me semble qu'on avancerait plus positivement pour atteindre les objectifs.

Mme St-Laurent Samuel (Amélie) : J'ajouterais que, du point de vue de la création d'emplois dont on a parlé tantôt, on parlait de l'importance de... en fait, de l'économie verte, des nouveaux emplois verts, des nouveaux emplois à valeur ajoutée, on a peut-être peu parlé de tout ce qui était emploi, les équipementiers. Oui, il y en a, on parle beaucoup de la technologie européenne, mais il y a des équipementiers au Québec, de bons équipementiers. On parlait aussi des gens qui s'occupent... en fait, les consultants qui s'occupent de concevoir les projets, qui s'occupent de concevoir des projets qui sont justement efficaces, qui sont performants. Donc, il y a un secteur qui s'est bâti et qui s'est bâti justement avec le fameux programme de financement, qui a été un peu victime de son succès, finalement. Pour être en contact, justement, avec les acteurs de cette filière-là, c'est très difficile pour eux d'avoir à surpasser toutes ces montagnes russes, finalement, ces arrêts et ces retours du programme. Bon, à chaque fois, l'annonce d'argent nouveau est célébrée, je dirais, mais quand même, entre-temps, il y a des périodes où les entrepreneurs — c'est souvent le cas — doivent finalement avoir les reins très solides et ils doivent passer à travers ces périodes-là.

Donc, c'est ça, d'un point de vue, là, d'économie verte ou de création d'emplois porteurs à valeur ajoutée, je pense que ça peut être difficile aussi.

M. Traversy : Donc, d'avoir aussi un peu plus de stabilité pour avoir plus de prospérité, c'est le message que vous nous lancez aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à ces quelques questions et je laisserais maintenant la parole à la deuxième opposition. Merci.

Le Président (M. Reid) : Alors, nous allons passer au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson, c'est vous qui prenez la parole?

M. Lemay : Oui.

Le Président (M. Reid) : À vous la parole.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous savez, dans la région de Lanaudière, on a un beau projet, là, qui est toujours en discussion, là, le projet de La Granaudière. J'imagine, vous en avez entendu parler, puis ça, comme vous l'avez mentionné, c'est un projet qui est principalement pour l'exportation vers l'Europe à cause du manque de brûleurs sur place au Québec. Donc, j'imagine que, pour vous, là, ça fait juste démontrer que, dans le fond, la biomasse est quelque chose qui est là et qu'on devrait utiliser davantage au Québec. Donc, j'imagine que vous êtes totalement favorables à l'installation d'une nouvelle usine.

M. Arsenault (John W.) : En fait, le problème, ce n'en est pas un, comme je le mentionnais, de capacité de production ou de livrer la marchandise, c'est : on n'a pas de marché local. Mais il y a plusieurs projets européens qui ont été annoncés dans plusieurs régions, dans le Bas-Saint-Laurent aussi, dans Lanaudière, mais actuellement les taux de change ne sont pas favorables pour ces affaires-là. Et eux aussi font face à un problème de marché européen qui plafonne, jusqu'à un certain point. Donc, de là l'intérêt pour les producteurs locaux de se développer un marché local et beaucoup plus substantiel que celui-là qui est là actuellement, alors qu'on a un potentiel énorme en termes d'approvisionnement.

Mme St-Laurent Samuel (Amélie) : J'ajouterais que le marché local ou l'utilisation locale de biomasse permet aussi de maximiser les réductions d'émissions de gaz à effet de serre. On fonctionne le plus possible en circuit court, c'est le souhait des gens aussi autour... en fait, des membres du regroupement, ce qui crée... donc, avoir un circuit court, avoir un maximum d'emplois, finalement, dans les régions ou un peu partout au Québec. Donc, c'est de là, toute l'importance, effectivement, de consolider l'utilisation locale, comme on a déjà beaucoup de défis au Québec.

M. Arsenault (John W.) : Je voudrais aussi souligner le fait que les projets d'exportation sont très intéressants parce qu'ils amènent de l'argent neuf au Québec, mais les projets de biomasse ont l'effet semblable en réduisant les importations de produits pétroliers qui sont à l'extérieur du Québec. Donc, une consommation qu'on crée à l'intérieur du Québec a le même effet que d'exporter, dans le sens qu'on n'importera pas de l'huile, on va dépenser cet argent-là ici. En termes de balance commerciale, on a parlé de centaines de millions de dollars, un potentiel.

M. Lemay : Centaines de millions. Est-ce que vous savez combien coûte la tonne de CO2 évité, là? Parce que vous parlez, là, que, dans le fond, on remplace le combustible par la biomasse. Est-ce que vous avez chiffré un peu le coût qu'on pourrait mettre au CO2 là-dessus?

• (15 h 50) •

M. Gagné (Eugène) : Bien, on a regardé un peu le document de consultation, là, on a fait une projection avec le système de plafonnement, il y a une valeur de la tonne de CO2 qui est appliquée à ça. Les programmes actuellement sont basés, dans les grands consommateurs, à 50 $ la tonne de CO2. Le prix, actuellement, selon le système de plafonnement, c'est 15 $, 16 $ la tonne. Puis, dans les plus petits projets, plus petits consommateurs, le programme donnait 125 $ la tonne de CO2 évité. Bon, est-ce que c'est adéquat? Moi, je pense que 50 $ la tonne, dans la grande industrie, c'est adéquat, tu sais, il n'y a pas de problème avec ça.

M. Lemay : Merci. Je veux juste vous demander, vous en parlez à la page 11 de votre mémoire, au niveau de la production d'électricité, puis là je pense à un cas précis : la communauté attikamek à Manawan, qui ont souvent des pannes électriques. Je comprends que la biomasse forestière, c'est principalement pour la génération de chaleur, bon, on s'entend, mais vous en parlez vous-mêmes, qu'on peut faire de la cogénération ou de la microcogénération.

Est-ce que c'est quand même une communauté assez éloignée, selon vous? Tu sais, là, vous parlez de réseaux autonomes plus dans le Grand Nord, mais, tu sais, je veux dire, il me semble, un projet... bien, admettons, on parle qu'on veut faire de quoi dans Lanaudière, La Granaudière, mais, proche de là, il y a la communauté attikamek à Manawan, il n'y aurait pas moyen de pouvoir aller faire là la génération de chaleur, utiliser la cogénération? Je ne sais pas si on peut vous entendre un peu à cet effet.

M. Arsenault (John W.) : Effectivement, là, les réseaux autonomes sont une opportunité pour utiliser la biomasse. Il y a des technologies européennes qui y sont développées maintenant pour faire de la microcogénération, c'est-à-dire qu'on fait de l'électricité en termes de kilowatts plutôt qu'en termes de mégawatts et on produit aussi de la chaleur qui peut être utilisée pour le chauffage. Et on a peut-être des opportunités, par exemple, pour faire des démonstrations de cette nature-là aux Îles-de-la-Madeleine avec des projets qui nous permettraient l'accès. Et le transport de la biomasse peut se faire par des voies navigables ou par le train dans certaines communautés dans le Nord — je pense aux mines, par exemple — ou par camion.

Je vais vous donner un exemple qui est typique, là : dans l'Ouest canadien, dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a des communautés qui sont isolées, qui ont seulement des chemins d'hiver et qui se chauffent maintenant aux granules, en transportant les granules sur les chemins de glace, durant l'hiver. Et ils ont remplacé, de façon efficace, l'utilisation de gaz naturel, qui s'était épuisée sur leur site, et d'huile à chauffage. Ça fait qu'il y a moyen d'utiliser la biomasse dans ces applications-là et ça crée encore une consommation interne : on cesse d'importer des produits qu'on ne produit pas ici.

M. Lemay : Parfait.

M. Gagné (Eugène) : Un élément important dans les réseaux autonomes, c'est qu'Hydro-Québec, dans plusieurs communautés des Premières Nations... c'est des communautés en croissance, puis elles sont au maximum de leur capacité de fournir avec leurs génératrices, qui fonctionnent au diesel. Alors, si on installe, comme le disait John, des unités qui produiraient et de l'électricité et de la chaleur, on vient donner une chance à Hydro, qui n'est pas obligée de faire une nouvelle installation, d'une part; d'autre part, dans tous ces réseaux-là, Hydro subventionne l'huile, parce qu'il faut que les citoyens restent à l'huile, là : on n'est pas pour leur fournir l'électricité faite à partir de l'huile, avec une perte d'efficacité. Ça fait que la génératrice, elle est efficace à 30 %, puis la chaudière dans... pas la chaudière, mais la fournaise dans la maison, elle est efficace peut-être à 70 %, 75 %. Donc, ça serait illogique de fonctionner à l'électricité.

Donc, on gagne deux fois, là : on gagne sur le chauffage, on gagne sur l'électricité, c'est bon pour Hydro-Québec, c'est bon pour les communautés, elles sont moins dépendantes, donc...

Une voix : Il y a moins de risques environnementaux.

Mme St-Laurent Samuel (Amélie) : C'est ça, exactement. J'ajouterais qu'il y moins de risques environnementaux beaucoup. On connaît les déversements, là, beaucoup dans le Nord. Plus il y a de transport, plus il y a de risques de déversement. Comme on s'amuse à le dire, un déversement de granules, c'est beaucoup moins problématique qu'un déversement de combustible fossile.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci à tous les quatre pour votre contribution à nos travaux.

Les travaux de la commission sont suspendus quelques instants pour permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

(Reprise à 15 h 58)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange.

Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez la parole.

Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ)

M. Tremblay (André) : Bonjour, M. le Président. Merci de nous recevoir. Je suis accompagné de M. Pierre Gingras, de la compagnie Arbec, qui est aussi président du comité environnement au CIFQ et membre du conseil d'administration, ainsi que de M. Pierre Vézina, qui est responsable des dossiers environnement au sein de notre association.

On a déjà déposé notre mémoire, mais, sommairement, j'aimerais peut-être vous dresser les grandes lignes, là, de ce que nous croyons important dans le cadre de la présente consultation, d'abord, vous rappeler que le secteur forestier est un secteur important : on parle de 60 000 emplois, dont à peu près 23 000 dans l'industrie spécifique des pâtes et papiers. On génère autour de 8 milliards de chiffre d'affaires, dont 5 milliards d'exportation, donc des revenus intéressants pour le Québec. Secteur dans lequel — le secteur des pâtes et papiers — il se fait encore des investissements.

Malgré les perceptions qu'on peut avoir, c'est un secteur dans lequel il y a encore beaucoup d'avenir. Et, à titre d'exemple, je pourrais citer l'usine de Thurso, qui appartient à Fortress, qui a été modernisée récemment; l'usine de Tembec au Témiscamingue; l'usine de Kruger : le gouvernement du Québec vient d'annoncer un partenariat avec Kruger récemment, il y a à peu près deux ou trois semaines. Toutes des usines qui sont situées dans des régions, des régions qui... et souvent des régions éloignées, là, et où l'industrie crée des emplois, des bons emplois, des emplois rémunérateurs. Il y a aussi d'autres investissements qui se font par des compagnies québécoises ailleurs, dans d'autres juridictions, mais tout ça pour dire qu'il s'investit encore plusieurs centaines de millions dans la modernisation, dans la recherche de nouveaux procédés et de nouveaux produits dans cette industrie-là.

• (16 heures) •

Toutefois, c'est un secteur qui est extrêmement compétitif, c'est un secteur où les entreprises se battent au quotidien pour conserver leurs parts de marché. On est sur des marchés internationaux où ce n'est pas en dizaines de dollars, c'est souvent en dollars et même en cents que les commandes vont s'arracher d'un client à l'autre. Donc, la notion de compétitivité pour nos entreprises est absolument essentielle. Ça fait que vous comprenez que ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est notre structure de coûts, comment s'assurer d'avoir une structure de coûts qui nous permette d'aller sur ces marchés et de pouvoir vendre nos produits, vous rappeler aussi que l'énergie représente, grosso modo, dépendant des procédés que les pâtes et papiers utilisent, de 15 % à 30 % de nos coûts. Donc, vous comprenez que cet aspect-là nous interpelle au plus haut point.

Ce n'est pas d'hier que l'industrie des pâtes et papiers a commencé à faire ses devoirs en ce qui concerne le réchauffement de la planète. Si on regarde le bilan de notre industrie depuis 1990, on a réduit de près de 70 % nos émissions de gaz à effet de serre. Vous allez me dire : Il y a des usines qui ont fermé. M. Tremblay, vous vous appropriez des mérites qui ne vous appartiennent pas. Je vais dire : Oui, vous avez raison, en partie. Mais la grande partie des réductions qui se sont produites, c'est des réductions qui sont dues au changement, à l'amélioration de nos procédés, à l'utilisation plus efficace de notre énergie dans nos usines. Ce qu'on appelle notre intensité carbone, là, a été... ce qu'on émet par tonne de carbone produite... excusez, par tonne de papier produit a diminué aussi de 67 %. Donc, pour faire une même tonne de papier, on émet 67 % moins de carbone, de CO2. Et c'est venu en grande partie dû au fait de l'utilisation de la biomasse à des fins énergétiques puis, comme je vous disais tout à l'heure, à l'économie d'énergie. Donc, on a fait nos devoirs, on a fait nos devoirs au point où, aujourd'hui, on est assez fiers de dire que, par rapport à l'objectif qui est dans votre document de consultation, que le gouvernement a dévoilé, de 37,5 %, vous voyez qu'on a à peu près fait, comme secteur industriel, le double de diminution d'émissions de carbone. Mais ceci nous amène à avoir quelques inquiétudes sur comment cette performance-là passée va être reconnue dans la réflexion puis dans le futur et, deuxièmement, comment aussi on devra assumer le fardeau des réductions prochaines qui s'en viennent. Est-ce que vous comprenez que, ce qui était... en vertu de la règle du 80 %-20 %, là, ce qui était facile à faire comme réductions, on les a faits?

Les réductions qu'on peut faire maintenant dans nos usines, c'est des réductions qui demandent des investissements importants, très importants. On a fait faire des études par FPInnovations — Pierre pourra donner plus de détails s'il y a des questions là-dessus — mais qui démontrent que c'est toujours la courbe, hein, que, de façon exponentielle, là, le dernier 20 % a un coût exponentiel par rapport à ce qu'il en a coûté de faire les réductions du premier 80 %. Donc, tout l'exercice qu'on est en train de voir, vous comprenez que ça nous interpelle beaucoup.

À partir de là, il y a un élément plus spécifique sur lequel je voudrais attirer votre attention, qui est toute la question de la taxe, des coûts qui sont inhérents à la mise en place du système. Actuellement, vous savez que le secteur forestier est un secteur où on utilise beaucoup de transport. De la récolte de l'arbre jusqu'à la livraison de nos produits, il y a une partie de notre processus industriel qui est intimement liée à des activités de transport, au point où on calcule, grosso modo, là, qu'on doit, juste dans les activités de récolte, de transport du bois de la forêt à l'usine, les transports des sous-produits, dépenser à peu près 300 millions de litres, comme industrie, comme secteur industriel. Ça, depuis qu'on a institué la redevance sur le carburant, ça nous impute une facture autour de 14 millions de dollars, comme secteur industriel, puis là je ne compte pas les coûts de construction de chemins, je ne compte pas les coûts de livraison de nos sous-produits de l'usine chez le client. Donc, c'est une facture, là, autour de 0,047 $ le litre, grosso modo, qui fait en sorte que, quelque part, ça a un impact sur notre capacité d'aller sur des marchés américains compétitionner des entreprises qui sont déjà installées.

Donc, selon nous, ce que l'on vous soumet, c'est que le gouvernement doit se préoccuper de cette situation-là, pour laquelle on est particulièrement affectés en raison de la nature de nos opérations. Il nous apparaît aussi un peu illogique qu'au moment où le gouvernement du Québec vient de mettre en place une cellule d'intervention pour réfléchir sur la situation de l'industrie forestière, sur les moyens qu'on doit utiliser pour aider sa transformation, d'un côté, cette cellule-là réfléchisse sur des moyens pour aider l'industrie et que, d'un autre côté, par une législation différente, on vienne imposer une facture, des coûts additionnels, de l'ordre de 15... enfin, de l'ordre d'à peu près 15 à 20 millions, là, si on compte l'ensemble des activités reliées au transport qui sont générées par l'industrie. Donc, on reconnaît la nécessité d'agir puis on désire le faire de manière responsable, dans la mesure de nos capacités financières.

Malgré ses succès passés, l'industrie forestière possède encore un certain potentiel de réductions de GES, mais, comme je vous disais tout à l'heure, celles-ci vont être onéreuses. C'est pourquoi on pense qu'on devrait, si on veut réussir à les réaliser, avoir accès à des programmes, à un support financier via des programmes d'efficacité énergétique et via des programmes d'aide relativement au transport de marchandises.

Il y a cet aspect-là puis il y a aussi l'aspect, je vous dirais, de politiques publiques. J'entendais, tout à l'heure, les conférences des coopératives parler...

Le Président (M. Reid) :...si vous voulez, rapidement, terminer.

M. Tremblay (André) : O.K. Excusez-moi. Donc, je vous disais que toute la question des politiques publiques est importante. Si on veut avoir une filière du biocarburant au Québec, je pense qu'il va falloir qu'il y ait une volonté politique de nous amener là.

Donc, écoutez, oui, on encourage le gouvernement à maximiser la séquestration du carbone. On est aussi une solution. Là, je vous ai parlé de nos problèmes, mais on est aussi une solution...

Le Président (M. Reid) : Très rapidement, parce qu'on pourra prolonger au niveau des échanges, mais je dois protéger le temps des membres de la commission.

M. Tremblay (André) : Parfait. Merci, M. le Président. J'arrête. Au niveau des solutions, le bois, la fibre est une réponse à nos problématiques. On pourra exposer comment tout à l'heure. Merci de votre attention.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, nous passons au bloc gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

• (16 h 10) •

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Bien, parlons-en, des solutions. Alors, lorsque vous parlez d'investissements importants pour entamer la prochaine phase de réduction d'émissions puis que vous parlez, bon, d'investissements importants, vous parlez qu'il faut des programmes, juste comprenons déjà, dans le cadre du plan d'action sur les changements climatiques, qu'il existe déjà des programmes puis des fonds pour justement investir puis aider les entreprises à opérer une conversion vers soit des nouvelles technologies, au niveau des transports également.

Alors, j'aimerais ça approfondir, quand vous parlez, là, justement de la prochaine phase qu'il faudra faire au niveau de l'industrie forestière, quels sont ces moyens-là. Alors, tu sais, vous parliez du transport, qui coûte cher, mais l'idée de soumettre les distributeurs de carburants fossiles au marché du carbone, c'est justement pour créer l'incitatif économique justement aux entreprises, au secteur industriel à investir dans d'autres types de combustibles, d'autres modes de transport, puis, de l'autre côté, bien, le plan d'action sur les changements climatiques finance des mesures pour faire ça. Alors, déjà dans le secteur du transport, ça commence, on le voit au niveau de l'utilisation du gaz naturel, on le voit dans l'utilisation de technologies au niveau électrique.

Je comprends que ce n'est pas encore au point nécessairement dans votre industrie, mais j'aimerais savoir quelles sont les solutions que vous envisagez et comment on peut travailler ensemble pour arriver à les mettre en oeuvre.

M. Tremblay (André) : ...répondre rapidement peut-être dans un premier temps, puis je vais laisser Pierre compléter ma réponse.

Si je reviens au niveau des programmes d'efficacité énergétique, je pense qu'on a déjà bénéficié de programmes intéressants, et je vais donner un simple exemple : on avait un programme de coordonnateur à l'énergie qu'on faisait en collaboration avec Gaz Métro et qui, dans chacune des usines, permettait à une personne désignée d'être responsable et de s'assurer que l'usine était optimale en termes d'utilisation énergétique sous toutes ses formes; ça allait de la modernisation au chauffage de l'usine. Et ces programmes-là, qui étaient des programmes peu coûteux, ont donné des succès absolument très intéressants en termes de résultats. Ce n'est plus disponible. C'est un exemple.

Mais ce qu'on constate de façon plus générale, c'est que les programmes de transformation énergétique... Je vais vous donner un exemple. On avait un programme qui était financé à hauteur de 5 millions pour chacun des projets de transformation qui amenait une réduction de l'utilisation énergétique, qui aujourd'hui a été réduit de... l'enveloppe a été réduite de 5 millions à 1 million pour chacun des projets. Donc, c'est ce genre de chose là auquel on n'a plus accès qui, je pense, pourrait être remis en place et nous permettre, là, d'améliorer notre bilan énergétique.

Pierre, si tu veux compléter?

M. Vézina (Pierre) : Oui, j'aurais peut-être, si vous permettez, quelques pistes.

M. Heurtel : Bien sûr.

M. Vézina (Pierre) : Alors, bien, du côté des usines, hein, je pense qu'il faut différencier, il y a deux aspects, hein, l'aspect de l'opération, je dirais, industrielle de l'usine elle-même. Dans le cas des programmes qui existent, bien, ils sont relativement limités. Ce qu'on observe, c'est que les budgets diminuent continuellement. On en a fait état dans le mémoire : nos membres se présentent pour faire une demande, et puis, rendus au mois de juillet, les budgets sont épuisés. L'approche, souvent, est «premier rentré, premier servi», et on ne cherche pas toujours la plus grande, je dirais, efficacité ou le meilleur rendement dollar-tonne de carbone. Donc, il y a peut-être des aspects de ce côté-là. Je pense qu'André a mentionné... la gestion de l'énergie est un élément quand même important, et il faut continuer à travailler sur, naturellement, le volet biomasse.

Par ailleurs, du côté des opérations forestières elles-mêmes, ce n'est pas simple, puisqu'on dépend d'un ensemble de décideurs là-dedans, dont tout ce qui touche la planification, quel peuplement on va aller couper. Les opérateurs qui font ce travail-là sont des petites entreprises qui sont sous contrat avec nous autres, sauf que, naturellement, les conditions des dernières années ont été difficiles, et ils n'ont pas été en mesure d'investir là-dedans. Donc, il faut trouver des moyens qui vont faire en sorte qu'on peut les inciter à investir dans des meilleures technologies.

Vous l'avez mentionné, il y a certaines avenues qui commencent à poindre dans le transport, je dirais, des marchandises, produits finis. Hein, quand on va sur des grands axes, oui, le gaz naturel, l'électricité, c'est peut-être intéressant; quand on est dans le fin fond du bois, par exemple, c'est pas mal plus compliqué. Donc, on a beaucoup de difficultés à comprimer ces coûts-là. Donc, c'est là un petit peu, là, que c'est difficile pour l'industrie. On se retrouve avec une facture de 14, 15 millions par année, et, pour nous autres, elle est pratiquement incompressible.

Alors, oui, vous donnez un signal de prix, peut-être, en théorie. Sur le plan économique, oui, ça marche, ça fonctionne, mais, quand ça n'arrive pas à descendre, là, au point des entreprises... parce qu'elles ne peuvent pas faire des changements dans, je dirais, tout le mode de gestion de la collecte en forêt puis du transport vers l'usine, alors on est un petit peu coincés là-dedans, là. En termes de potentiel de réduction, là, ce n'est pas simple.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Dubuc.

M. Simard : Merci, M. le Président. J'aimerais savoir, M. Tremblay — je ne sais pas si vous, vous allez être en mesure... mais il y a peut-être un de vos invités avec vous qui va nous donner ça — combien d'usines à papier ou autre, dans le domaine, je vous dirai, forestier fonctionnent, au moment où on se parle, totalement à la biomasse. Est-ce que vous savez ça?

M. Tremblay (André) : Bien, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'usine qui fonctionne à la biomasse en totalité. Dans le cadre du programme de cogénération, il y a beaucoup d'usines qui ont installé des bouilloires importantes avec lesquelles ils font la vapeur puis, souvent, elles turbinent une partie de mégawatts, là, qui va de 12, 13, 14, 15 mégawatts. Mais c'est sûr qu'au-delà de ça il y a une consommation qu'ils sont sur le «grid» d'Hydro-Québec, là, pour une grande partie.

Pierre, je ne sais pas si tu as les chiffres plus précis.

M. Vézina (Pierre) : Oui. Bon, c'est sûr qu'il faut différencier l'énergie thermique de l'énergie électrique. Naturellement, on est des très gros consommateurs électriques. Je pense qu'on consomme à peu près 13 térawattheures, ce qui représente à peu près 8 % de l'énergie produite par Hydro-Québec. Donc, c'est significatif. Par contre, si on regarde vraiment, là, où on peut changer du côté des gaz à effet de serre, des usines qui opèrent presque exclusivement, je dirais, là, à la biomasse, il y en a probablement, à peu près, une quinzaine sur 35.

M. Tremblay (André) : Pour la vapeur.

M. Vézina (Pierre) : Pour ce qui est de la production d'énergie thermique, c'est ça. Donc, il y a à la fois celles qui ont, comme a mentionné André, des centrales de cogénération, mais d'autres aussi qui ont essentiellement de très grosses chaudières industrielles qui opèrent à la biomasse avec des écorces principalement puis des résidus, là, de bois de déconstruction, des choses comme ça.

M. Simard : Je peux continuer, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Oui.

M. Simard : Merci. Croyez-vous que, si — je mets ça entre guillemets, là — il y avait des aides gouvernementales pour essayer tout au moins de maximiser la transformation de l'utilisation de la biomasse dans les différentes usines, question de diminuer les gaz à effet de serre, parce que c'est de ça qu'on parle ici, là, et puis par la même occasion, ça pourrait permettre à des travailleurs forestiers, à des travailleurs dans le domaine de la forêt, là, justement de maximiser les retombées soit par des granules spéciales... Parce que, on sait, on parle même d'exporter de la granule industrielle à l'extérieur, mais peut-être qu'on pourrait l'utiliser dans nos usines. Pensez-vous honnêtement qu'on pourrait nécessairement développer une expertise au Québec qui pourrait servir véritablement à l'industrie forestière et bien sûr être en mesure de diminuer d'une façon importante... Parce que tantôt les gaz à effet de serre... c'est-à-dire, le prix du carbone va être tel qu'il faut se trouver des moyens de, là. Et pensez-vous que cette façon de travailler là pourrait nécessairement nous aider à plus de compétitivité lorsque le prix du carbone sera exorbitant?

M. Tremblay (André) : On est convaincus que la filière de la biomasse est une filière qu'il faut qu'elle soit développée au Québec. On a la ressource. Tout à l'heure, les gens des coops l'ont expliqué, ils l'ont donné en détail, je pense. On a la ressource, et c'est une filière qui n'a pas de raison qu'on ne soit pas en mesure de la développer. Il faut la développer intelligemment, il faut la développer dans le respect de la structure industrielle dans laquelle on évolue actuellement. Vous savez qu'il y a des... certains d'entre vous ont des usines de panneaux dans leurs comtés, et, des fois, on se bataille pour le même approvisionnement. Il ne faut donc pas avoir de programmes qui vont indûment créer une concurrence artificielle, mais des programmes qui vont supporter l'ensemble de la filière, l'ensemble du développement de ces filières-là de façon conjointe.

Donc, en allant peut-être plus à la source, c'est-à-dire en aidant les gens qui récoltent la biomasse en forêt, je pense que c'est là qu'on devrait intervenir : au niveau de la récolte en forêt et non pas au niveau de la mise en place des immobilisations, où, là, je pense qu'il y a un jeu de libre concurrence qui doit se jouer. Donc, ça, c'est assez important en termes de vision. Mais vous avez parfaitement raison, M. Simard, qu'une fois ça dit on a, comme société, à réfléchir et à mettre des énergies nécessaires pour développer cette filière-là.

• (16 h 20) •

M. Vézina (Pierre) : Bien, je peux peut-être juste ajouter un commentaire. Il faut comprendre que ce que les usines de pâtes et papiers utilisent, ce sont des résidus de transformation des scieries, donc, principalement, les écorces, et la valeur de cette biomasse-là est quand même relativement faible.

S'il s'agissait de développer des programmes de récupération de biomasse en forêt, il faut faire attention. Ce qu'on a observé... Déjà, on a tenté ces expériences-là dans l'industrie, et, malheureusement, en tout cas, pour l'instant, l'économique n'est pas là. Alors, pour l'industrie de pâtes et papiers, cette approche-là ou cette avenue-là, là, ne présente pas, dans le contexte économique qu'on connaît actuellement, là, de l'intérêt.

M. Tremblay (André) : Mais, si on la fait de façon intégrée, avec des opérations de sciage... donc, on récolte la biomasse en même temps qu'on récolte le bois qui est destiné à l'usine de sciage, à l'usine de panneaux, etc., là on commence à avoir une équation de business qui tient la route.

M. Simard : Donc, si je comprends vos propos, c'est que, si on travaille en fonction justement d'une chaîne de production qui nous amène à l'utilisation et, par la même occasion, à des économies concurrentielles versus le prix du carbone, on va être nécessairement... puis toutes ces équations-là sont calculées, on serait en mesure, nécessairement, de développer un marché intéressant par rapport à la biomasse.

M. Tremblay (André) : On pense que oui, effectivement.

M. Simard : Bon. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Oui. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous voir aujourd'hui.

Vous mentionnez à la page 4 que, pour les usines de papier émettant plus de 100 000 tonnes, les coûts pour réduire de 15 % les émissions dépassent les 45 millions, soit un coût de 233 $ la tonne, et vous parlez d'un potentiel additionnel qui vous coûterait 120 millions, et donc un coût de 315 $ la tonne.

Est-ce que vous pourriez élaborer un peu sur ce potentiel-là? Parce que je ne le vois pas, là, mais vous devez le connaître mieux que moi.

M. Vézina (Pierre) : Oui, je pense que je peux essayer d'expliquer un peu plus en détail.

En fait, ces études-là sont des études vraiment globales de l'ensemble du fonctionnement de l'opération de l'usine. Ce qu'on fait principalement, ce sont des analyses de pincement qui étudient l'ensemble des flots de circulation de l'énergie dans l'usine de manière à ce qu'on puisse mettre en place des échangeurs de chaleur qui permettent d'optimiser l'utilisation de la chaleur dans tous les réseaux de l'usine. Donc, ce sont des approches quand même, là, qui sont, je dirais, très exigeantes en capital comparativement à des approches, je pense, qui sont plus privilégiées aujourd'hui, dans les programmes de support, qui visent plutôt la gestion de l'énergie. On est à deux approches complètement différentes. Donc, pour obtenir quand même des gains importants, structurels, il faut faire des investissements importants. Je pense que c'est à peu près ça qu'on peut retirer, là, de la démarche.

M. Bolduc : Et vous nous parlez du 0,047 $ le litre. J'imagine que c'était l'équivalent de la taxe de carbone, ça, hein? C'est ça que vous avez calculé.

Une voix : Oui.

M. Bolduc : Je voulais juste être certain que c'est bien ça. O.K.

M. Vézina (Pierre) : Oui, oui. On l'a calculé puis on a fait même plus que ça, on a demandé à nos membres de faire le tour... on a fait le tour de nos membres pour savoir qu'est-ce que ça représentait. Ce qu'on observe, là, c'est qu'il y a un calcul théorique en disant : Bon, bien, une tonne de carbone... c'est-à-dire qu'un litre de mazout n° 6, ça émet... ou du diesel, là, ça émet telle quantité de carbone puis ça vaut tant dans le régime, sauf que les distributeurs, eux, approchent ça différemment dans le marché, hein? Il faut comprendre qu'il y a un marché dans lequel ici le joueur dominant, c'est Valero, puis il prend toutes ses décisions au Texas, principalement sur le marché de la Californie. Donc, ses stratégies d'achat, il va couvrir une partie de ses émissions de cette année, mais possiblement qu'il va acheter aussi des millésimes des années ultérieures, et ce qui fait en sorte que, la valeur globale au net qui nous est refilée, là, on la voit sur notre facture, mais elle n'est pas exactement celle qui est calculée à partir, là, de l'émission de carbone, de la valeur du CO2 elle-même.

M. Bolduc : Donc, la valeur de ces émissions-là, vous dites, elle est totalement hors de votre contrôle.

M. Vézina (Pierre) : Bien, c'est-à-dire que ce qu'on reçoit effectivement comme facture, on n'est pas capables...

Une voix : On n'a pas d'impact dessus.

M. Vézina (Pierre) : ...de la réduire, je vous dirais, là.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant au groupe de l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Tremblay, M. Vézina et M. Gingras, d'être avec nous cet après-midi pour ces discussions qui touchent la lutte aux changements climatiques, et évidemment l'industrie forestière a sa part de discussions à faire avec nous sur le sujet. Vous avez fait une belle présentation, et je vous remercie pour ce mémoire bien ficelé. J'y reviendrai dans quelques instants, parce que vous avez quand même des questionnements très légitimes, à l'intérieur de ce document, que j'aimerais éclaircir avec vous.

Je vais sauter tout de suite à la conclusion, parce que, bon, d'entrée de jeu, vous nous dites que c'est une cible, celle qui est proposée par le gouvernement, à l'heure actuelle, de 37,5 %, «une cible trop ambitieuse et aux risques de [...] surenchère des cibles de réduction». Vous semblez être prudents sur les objectifs que le gouvernement propose dans sa démarche pour lutter contre les changements climatiques. Je voulais vous entendre un peu sur cette prudence, parce que, lorsqu'on lit votre mémoire, on sent que vous plaidez pour un équilibre, là, entre environnement et économie puis qu'il y a une sensibilité importante à cet égard. J'aimerais que vous puissiez nous la clarifier. Il y a le Conseil du patronat qui est venu également lancer, évidemment, un signal d'inquiétude à ce niveau-là. Je voulais savoir si c'était du même ordre et un peu ce qui vous agace plus particulièrement avec une cible que certains disent très audacieuse, que d'autres trouvent très modeste. Alors, je tenais à vous entendre plus particulièrement à ce sujet.

M. Tremblay (André) : Écoutez, si on peut essayer de résumer notre pensée là-dessus, je pense qu'on est aussi, comme secteur industriel... comme secteur industriel, on vit sur une planète et on est confrontés aux mêmes types de problèmes que l'ensemble de la société. Donc, le réchauffement de la planète, le réchauffement climatique nous préoccupent, et on est conscients qu'il faut faire un effort collectif pour réussir à trouver des solutions.

Ce qu'on dit par contre, c'est que, comme secteur industriel, on a déjà fait beaucoup, on a déjà réduit de façon importante, et je l'ai dit en début de présentation, nos émissions de plus du double... près du double de la cible que le gouvernement veut se donner. Donc, la question qui nous préoccupe, quand on parle d'un 37,5 % : Quelle est la portion que nous, comme secteur industriel, on devra assumer dans le futur, et quels seront les coûts, et quel impact ça aura sur notre capacité de compétitionner des entreprises qui ne sont pas assujetties à ce genre de règles? Parce qu'on compétitionne sur l'ensemble des marchés, autant américains qu'internationaux... que tout autre pays. On vend dans au-delà de 132 pays à travers le monde. Donc, c'est un peu le questionnement qu'on a, M. le député, par rapport aux problématiques que vous soulevez.

M. Traversy : Donc, sans proposer une autre cible, vous émettez ces inquiétudes. Vous, bon, plaidez, dans le fond, la question de la compétitivité, qui est effectivement une question primordiale, dans le secteur qui vous alimente. Et à cet égard, donc, j'ai cru voir en lisant votre mémoire qu'il y a beaucoup d'incertitudes sur déjà plusieurs enjeux dans votre industrie. Vous rappelez probablement qu'il y a des négociations à avoir au niveau de l'accord du bois d'oeuvre. J'ai vu également, dans votre mémoire, à une autre page — je pense que c'est la page 6 — que vous attendiez avec impatience le résultat des élections fédérales d'hier pour être capables d'éclaircir aussi certaines prises de position quant aux enjeux qui vous touchent.

Quel message vous voulez lancer au gouvernement du Québec par rapport à ce qui s'en vient autour du marché du carbone et de la compétitivité de votre entreprise? J'aimerais vous laisser la chance de faire ce plaidoyer, parce que vous l'avez un peu mentionné, mais, je pense, ça mériterait d'être plus clair, dans les circonstances, maintenant libérés de toute campagne fédérale.

• (16 h 30) •

M. Tremblay (André) : Écoutez, je pense que le message fondamental qu'on veut livrer, c'est que, comme secteur industriel, on veut comprendre et bien mesurer les impacts que l'engagement du Québec peut avoir sur nos opérations et sur notre capacité industrielle et quelles seront les conséquences financières qui nous seront imputées.

Et, à partir de modèles, là... et il y a des modèles économétriques qui sont dans le document gouvernemental, et c'est sûr que, ça, on est sur des projections de 15, de 20 ans, on est sur des projections à long terme. C'est toujours, je dirais, un peu dangereux... ou on se méfie toujours un peu des évaluations qui sont sur de longues périodes de temps, parce que les hypothèses, des fois, qu'on prend au départ, si elles varient quelque peu, ça donne de drôles de résultats à l'autre bout. Ça fait que, ça aussi, il y a des choses qu'il faut... Il faut se donner des mécanismes de révision et des mécanismes de suivi et de contrôle qui vont nous permettre de faire des ajustements dans le temps pour s'assurer qu'on est toujours capables, comme société, d'assumer ce genre de processus. Pierre, je ne sais pas si tu veux...

M. Vézina (Pierre) : Bien, peut-être un commentaire complémentaire par rapport à des enjeux fédéraux, je dirais, puisqu'on en a mentionné deux. C'est sûr que, bon, il y a eu effectivement conclusion hier. Maintenant, lorsqu'on a écrit ça, on avait trois... bien, en tout cas, dans le cas des principaux partis, on avait trois plateformes qui étaient quand même assez différentes l'une de l'autre. Donc, il y avait là, je dirais, une certaine méconnaissance, là, de l'avenir.

Le Parti libéral a avancé un petit peu certaines choses, mais il faut bien comprendre qu'actuellement on est déjà en discussion avec des fonctionnaires fédéraux pour un encadrement réglementaire particulier, au niveau des GES, complètement différent de celui-là du Québec, et là on fait face à ça, et je vous avoue que ça nous désarme un peu, d'une part. D'autre part, c'est pour ça qu'on mentionne que c'est important qu'il faut qu'il y ait des ententes fédérales-provinciales, et, par ailleurs, il faut que le Québec aussi, même s'il a une cible très ambitieuse... c'est intéressant de voir l'Ontario, qui est à peu près à la même place, puis probablement que la Colombie-Britannique y sera également, mais que le fardeau soit réparti quand même, aussi, équitablement entre les provinces et ceux qui ont le plus de croissance et les émissions les plus importantes, pour ne nommer que l'Alberta, fassent leur part eux autres aussi, là, tu sais.

M. Traversy : ...concordance, là, entre les différents paliers de gouvernement. Vous voulez évidemment éviter les dédoublements, qui pourraient être coûteux, qui pourraient amener, donc, à de la paperasserie inutile ou à des coûts contre-productifs — je pense que c'est comme ça que vous le mentionnez dans votre cahier — et ça, c'est par rapport au marché du carbone, notamment, des cibles qui nous sont fixées. Puis, par rapport à l'Accord du bois d'oeuvre, ce que je comprends, c'est que vous êtes inquiets aussi de voir peut-être, là, des situations où des quotas ou des taxes puissent avoir un impact négatif sur vos industries ou, en tout cas, du moins, au niveau de votre compétitivité avec vos employeurs. Donc, je voulais souligner le fait qu'il fallait avoir un dialogue rapide sur cet effet et je vous remercie d'avoir pris le temps de le mentionner.

Il y avait également un point intéressant à l'intérieur de vos recommandations, mais, premièrement, je dois mentionner que vous aussi, vous trouvez que le Fonds vert manque un peu de transparence. C'est une autre critique qu'on retrouvait à l'intérieur de votre mémoire. Vous n'êtes pas le premier groupe à nous le dire. Il y a une particularité par rapport à votre regroupement, vous vous questionnez sur la provenance, dans le fond, de certains fonds.

Est-ce que vous pouvez nous parler de votre recommandation à cet égard-là, puisque plusieurs groupes semblent partager également, là, cette inquiétude?

M. Vézina (Pierre) : D'abord, oui, effectivement, mais on n'est pas les premiers, comme vous avez mentionné, même le vérificateur du Québec l'a quand même mentionné. Mais notre principale problématique, puis elle est en lien avec... On a parlé beaucoup du transport puis des coûts qu'on associait au transport. Vous savez, il y a quand même 40 % de la facture du transport, là, où... c'est-à-dire 40 % des émissions du transport qui sont du transport de marchandises. Nous autres, on est quand même des émissions assez significatives, on parlait de 300 millions de litres, plus certaines autres émissions associées. Et ce qu'on observe, c'est qu'il y a eu des choix faits par le gouvernement où les deux tiers quand même du Fonds vert, des revenus, s'en vont vers le fonds des transports et sont dédiés, exclusivement pratiquement, au transport en commun. Je n'ai rien contre le transport en commun, sauf que nous, on se retrouve à payer, on met 14 millions là-dedans, à toutes fins pratiques. Et ce que je comprends, c'est que cet argent-là s'en va essentiellement pour les fins de supporter le transport en commun ou le développement de nouvelles filières.

Je pense que, dans le document, vous mentionnez un certain nombre d'entreprises qui ont vu le jour puis qui sont dans le développement de nouvelles technologies, mais le problème, c'est que, si on déshabille Jean pour habiller Paul, bien là nous, on perd sur notre compétitivité puis — on est des exportateurs — on perd des parts de marché.

M. Traversy : Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole à M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. Effectivement, la... voyons, excusez-moi, la compétitivité est un élément très important, là, au niveau du secteur manufacturier, et puis, donc, je voudrais un petit peu parler de ça tantôt. Donc, en fait, vous, en fait, vous critiquez le fait qu'une part majeure du Fonds vert finance des programmes de transport en commun alors que les transports de marchandises, vous venez d'en parler un petit peu tantôt, sont la plus grande source d'émissions.

Alors, vous avez raison, le plan d'action sur les changements climatiques 2013‑2020 prévoit des investissements de 1,64 milliard pour le transport en commun d'ici 2020, donc, et seulement 109 millions pour le transport de marchandises, donc 3 % des sommes pour 35 % des émissions. Alors — vous avez commencé à en parler un petit peu tantôt, là — pouvez-vous élaborer un petit peu plus là-dessus, qu'est-ce qui pourrait être fait?

M. Tremblay (André) : Ça nous donne... si on revient à la discussion qu'on avait d'entrée de jeu tout à l'heure quand M. le ministre nous a demandé comment on pouvait améliorer et quelles étaient les solutions qu'on pouvait trouver pour améliorer le rendement énergétique de nos parcs d'équipements, entre autres, des équipements routiers, bien, il faut faire de la recherche, il faut travailler sur les nouvelles technologies, et ce qu'on voit actuellement, c'est qu'on n'a pas les sources de financement nécessaires qui nous permettraient d'aller vers ces nouvelles avenues-là, qui sont déviées vers des avenues plus de transport en commun.

Je pense qu'essentiellement, si on veut réussir à migrer vers des technologies moins polluantes, entre guillemets, là, il faut avoir un support qui va nous permettre d'y accéder. Et on voit que les argents qu'on met dans le fonds ne nous reviennent pas pour permettre d'aller vers ces avenues, qui demandent de la recherche et du développement.

M. Surprenant : Est-ce qu'en fait la recherche et le développement seraient trop lourds pour arriver à des solutions? Qu'est-ce que vous pensez qui justifie le fait que l'argent ne va pas là où il y a le plus de pollution? Est-ce que c'est parce qu'il y a une problématique au niveau de trouver des solutions ou...

M. Tremblay (André) : Bien, écoutez, essentiellement — ce n'est pas moi qui fais les choix politiques — je pense qu'il y a clairement un choix, au Québec, là, qui était d'aller vers l'électrification des transports et je pense que, quand on parle d'électrification des transports, il m'apparaît évident qu'on pense plus au transport en commun puis au transport de personnes, des voitures que des camions en forêt qui... Parce que, tu sais, il me semble que, quand on parle d'implanter une nouvelle technologie puis qui est basée sur l'électrification, on vient de choisir le secteur dans lequel on devrait investir.

M. Surprenant : Mais ma question est : Est-ce que vous pensez qu'il y a une... peut-être pas une impossibilité, mais une grande difficulté d'en arriver à des solutions qui soient... peut-être pas complètes, mais qui soient importantes au niveau de la réduction des gaz à effet de serre au niveau du transport de marchandises? En fait, si le gouvernement décide d'aller vers l'électrification des transports de particuliers au lieu d'investir là où ça pollue le plus, au niveau des marchandises, est-ce que vous, vous voyez là un constat qu'il y a peu à faire pour trouver des solutions qui soient économiquement viables au niveau du transport de marchandises ou...

M. Tremblay (André) : On pense qu'il y a des...

M. Surprenant : ...d'allouer l'argent là où ça pollue le plus. Y a-tu quelque chose qui fait que ça...

M. Tremblay (André) : Non. On pense qu'il y a des moyens simples, et je vais vous donner l'exemple des biocarburants : les technologies existent, les biocarburants de deuxième génération, on peut les mettre en production, il y a des usines pilotes qui le font actuellement. Donc, on pourrait, avec une aide, là, puis une vision, réussir à développer... et des politiques publiques qui obligent la consommation d'un pourcentage de biocarburant dans nos équipements actuels, on pourrait déjà avoir un impact relativement important sur la consommation d'énergies fossiles et évidemment d'émissions de CO2. C'est un exemple, là, où je pense qu'avec une volonté d'aller... qui pourrait venir soutenir, évidemment, l'effort d'électrification des transports, du transport en commun, etc., mais qui, parallèlement à ça, pourrait s'appliquer dans des endroits où on ne peut, malheureusement, pas parler demain matin de transformer à l'énergie électrique l'ensemble de son parc d'équipements. Je pense que ça pourrait être une solution alternative et parallèle intéressante.

• (16 h 40) •

M. Surprenant : Donc, si je regarde du côté de la Côte-Nord en particulier, on... bon, vous êtes très conscients qu'il y a la tordeuse d'épinette qui fait ses ravages.

Alors, ce que j'en fais comme lecture, c'est qu'il y aurait à peu près 7 millions de tonnes qui seraient là qui vont être en décrépitude éventuellement, là, donc qui pourraient être utilisées pour faire des copeaux, pour servir de biomasse, mais que les technologies ne sont pas encore à point au niveau de brûler les biomasses, en fait, pour faire peut-être du chauffage au niveau institutionnel, disons.

Est-ce que vous pensez que ça serait quelque chose où il faudrait investir? Avez-vous entendu des choses à cet égard-là, au niveau de problématiques pour en arriver à une finalité au niveau de l'utilisation de ces matières-là?

M. Tremblay (André) : Si on parle, de façon plus spécifique, de la Côte-Nord, on a un de nos membres, Pierre le connaît bien, Arbec, qui a déjà une usine pilote ou un projet pilote de biocarburant qui produit déjà à une échelle plus que... pas commerciale, mais à une échelle importante des biocarburants utilisés à des fins industrielles, non pas à des fins de transport, mais à des fins industrielles. Donc, il y a déjà là un projet qui est très concret qui utilise une partie de la biomasse disponible.

Il y a eu, je pense, des discussions pour utiliser une partie de la biomasse à des fins industrielles de chauffage, de remplacement de «bunker» lourd soit dans des alumineries ou dans des... et je pense que c'est une filière qui devrait être regardée à nouveau, parce qu'il y a un potentiel là intéressant.

Le Président (M. Reid) : Merci. C'est terminé. Alors, M. Tremblay, M. Vézina, M. Gingras, merci pour votre contribution à nos travaux. Je suspends les travaux quelques instants pour permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Association canadienne de l'énergie éolienne. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demande de commencer par vous présenter, pour les fins de l'enregistrement, et de présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.

Association canadienne de l'énergie éolienne (CANWEA)

M. Nolet (Jean-François) : Excellent. Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés du gouvernement et des groupes d'opposition, bonjour. Très heureux d'être ici avec vous aujourd'hui. Mon nom est Jean-François Nolet, je suis vice-président de l'Association canadienne de l'énergie éolienne et je suis accompagné ici par Jean-Frédérick Legendre, qui est directeur de l'association pour le Québec.

Avant de débuter, j'aimerais brièvement présenter l'organisme pour lequel je travaille et ainsi que l'industrie éolienne au Québec.

CANWEA représente plus de 250 membres partout au Canada. Nous représentons l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement : manufacturiers, fabricants de pièces et composantes, fournisseurs de services. Donc, l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement est représenté chez nous. Plus spécifiquement, l'industrie éolienne au Québec est issue de la volonté de diversifier les sources d'approvisionnement en électricité, alliée à une vision de développement industriel et régional.

Aujourd'hui, près de 3 000 mégawatts sont en service, et un objectif de 4 000 mégawatts sera atteint d'ici quelques années. Une étude récente de KPMG-Secor a démontré que l'industrie a créé 5 000 emplois au Québec et provoqué des investissements de 10 milliards de dollars. Le Québec compte maintenant sur la chaîne d'approvisionnement la plus développée au Canada. De ces 5 000 emplois, environ 1 200 se retrouvent en Gaspésie grâce à trois pôles industriels établis à Matane, Gaspé et New Richmond. Et, fait moins connu, près de 1 000 emplois se situent dans la grande région de Montréal. Montréal est aujourd'hui un pôle d'importance en Amérique du Nord dans l'industrie éolienne, et c'est sûrement le plus important dans le Nord-Est. C'est là aussi qu'on y retrouve une concentration de sièges sociaux et d'expertises dans le développement, la construction et l'opération de parcs éoliens. Donc, l'industrie éolienne est bien implantée au Québec, elle est structurante pour notre économie, elle offre une électricité abordable et complémentaire à notre hydroélectricité.

Traitons maintenant du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Donc, CANWEA est d'avis que le Québec doit poursuivre les plus hauts standards en termes de lutte aux changements climatiques. Tout objectif doit être basé sur la science et les faits. C'est pourquoi CANWEA suggère que le Québec poursuive un objectif de 40 % de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2030.

Bien sûr, nous ne sommes pas sans savoir que le Québec fait face à des défis uniques. À bien des égards, le Québec se retrouve déjà dans une position dans laquelle plusieurs économies envisagent de se retrouver en 2030, puisque plus de 98 % de notre électricité provient de sources renouvelables. C'est pourquoi nous sommes d'avis que le Québec doit assumer son rôle de leader en Amérique et qu'il doit se doter des outils qui lui permettront d'atteindre ses objectifs en aidant les voisins également à atteindre les leurs. Ainsi, nous invitons le gouvernement du Québec à démontrer un souci de cohérence dans son action, une cohérence entre ses politiques climatiques et environnementales, sa politique énergétique, sa politique industrielle.

Nous sommes donc très fiers d'amener certaines propositions à cette commission dont vous pourrez trouver le détail dans le mémoire qui vous a été remis.

Premièrement, inclure l'éolien dans les exportations d'électricité québécoise. Dans tous les scénarios décrits dans le document de consultation, peu importe la cible qui sera adoptée, une portion significative des réductions du Québec devra être réalisée dans le cadre du marché du carbone ou grâce à des mesures additionnelles à déterminer. Le constat est donc simple : le Québec devra établir des partenariats avec ses voisins pour atteindre son objectif. L'énergie éolienne peut y contribuer grandement. L'ajout d'éolien aux produits offerts par le Québec à l'exportation ne peut que relever l'intérêt des juridictions voisines envers l'électricité québécoise. Rappelons-le, la grande hydroélectricité ne se qualifie pas comme énergie renouvelable dans la plupart des États américains. C'est donc dire que, pour l'instant, l'importation d'électricité en provenance du Québec n'aide pas les États américains à atteindre leur objectif en matière d'énergies renouvelables ou potentiellement de réduction de gaz à effet de serre. L'association américaine de l'énergie éolienne évalue à plus de 20 000 mégawatts le potentiel éolien créé par les initiatives des différents États. À ce chiffre il faut ajouter le marché de quelque 100 000 mégawatts susceptibles d'être créés par le Clean Power Plan du président Obama. À ce sujet, la version finale du texte proposé par l'agence environnementale américaine mentionne spécifiquement la possibilité d'inclure de l'électricité importée du Canada pour atteindre les objectifs.

Alors que le Québec cherche des marchés pour son électricité et que la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle‑Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada s'est dotée d'un objectif régional de réduction des GES, le gouvernement du Québec doit tout faire en sorte pour bonifier l'intérêt de nos voisins envers notre électricité. Inclure de l'éolien dans l'électricité exportée ne peut qu'avoir des effets bénéfiques sur cet intérêt.

Deuxièmement, des opportunités de substitution se situent également dans d'importants secteurs de l'économie québécoise. Pensons évidemment au secteur des transports, qui compte à lui seul pour près de 45 % des émissions au Québec et 80 % des importations de pétrole. L'électrification des transports représente un avantage économique et environnemental pour le Québec, et CANWEA soutient les objectifs du gouvernement émis dans le cadre du Plan d'action en électrification des transports en octobre 2015.

D'importantes opportunités d'électrification s'offrent également au secteur du chauffage de bâtiments, de l'industrie. Les bâtiments sont responsables à eux seuls de 9,7 % des émissions de GES sur le territoire du Québec. Les énergies fossiles représentent encore une source d'énergie très utilisée dans la production de la chaleur pour les immeubles commerciaux, institutionnels et industriels. Il y a encore un potentiel important d'électrification dans ces secteurs. C'est pourquoi CANWEA recommande que le gouvernement du Québec se dote de cibles sectorielles en... pardon, en termes de substitution de sources d'énergies fossiles dans les secteurs de l'économie du Québec. Enfin, CANWEA recommande que de telles cibles soient également incluses pour les réseaux autonomes d'électricité. Si la production d'électricité ne compte que pour 0,3 % des émissions de GES sur le territoire du Québec, d'importants progrès peuvent être encore réalisés dans les communautés et chez les industries qui ne sont pas desservies par le réseau principal d'Hydro-Québec. Le potentiel de remplacement par les énergies renouvelables y est donc important, et l'éolien peut y jouer un rôle majeur.

Le remplacement de combustibles fossiles par l'énergie éolienne représente un avantage non seulement environnemental, mais également économique. L'installation d'une éolienne à la mine Raglan, par exemple, dans le Nunavik, permet à la société Glencore d'économiser des millions de litres de diesel et de diminuer drastiquement son bilan carbone. Ce projet spectaculaire suit celui de la mine Diavik, aux Territoires du Nord-Ouest, où quatre éoliennes ont été intégrées en 2012 au réseau autonome de la mine.

En juillet dernier, Hydro-Québec annonçait son intention de lancer un appel de propositions pour un parc éolien de six mégawatts aux Îles-de-la-Madeleine. L'énergie ainsi produite serait couplée à celle de la centrale au diesel et permettrait de réduire autant les coûts globaux de production d'électricité que leur empreinte environnementale. CANWEA se réjouit de cette ouverture d'Hydro-Québec et est convaincue que cet appel de propositions générera un intérêt substantiel qui démontrera la fiabilité, la faisabilité et la rentabilité d'un tel projet.

En conclusion, nous désirons réitérer l'appui de l'industrie envers les efforts soutenus du gouvernement pour diminuer les émissions de GES et rappeler l'importance que la cible choisie soit accompagnée de politiques cohérentes qui seront appliquées par tous les ministères. La prochaine politique énergétique du Québec doit s'insérer dans cette vision cohérente de réduction des GES, et nous souhaitons que le gouvernement du Québec saisisse l'opportunité qui lui est offerte par cette politique énergétique. L'industrie éolienne québécoise est prête à relever le défi. Merci.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. Nous commençons par le bloc gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Évidemment, un des grands enjeux qui revient à chaque fois qu'on parle d'énergie éolienne, c'est la question de l'acceptabilité sociale des projets. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, bon, nous, on en voit beaucoup, surtout au ministère de l'Environnement. Et donc, au cours des dernières années, j'aimerais avoir votre son de cloche, de votre côté, là, de la clôture, pour voir qu'est-ce qui se fait mieux peut-être qu'il se faisait avant, et qu'est-ce qui reste à faire, et quels sont les principaux arguments qu'on peut mettre de l'avant lorsque des populations ont des réticences qui, dans bien des cas, souvent, paraissent justifiées.

Quels sont les principaux arguments que vous avez vus sur le terrain qui fonctionnent? Ou qu'est-ce qu'on ne voit pas ou sur quoi devrait-on mettre plus d'accent?

M. Nolet (Jean-François) : En fait, évidemment, on entend parler des projets auxquels il y a une plus grande réticence, d'une part. Les citoyens ont des préoccupations qui sont tout à fait légitimes, je pense, et on a appris beaucoup, comme industrie, depuis les 10 dernières années. Je pense que les promoteurs, les développeurs de projet engagent les communautés bien en amont des projets, et ça, on le voit de plus en plus au Québec mais également au Canada, parce que les joueurs, les industries et les entreprises qui développent des projets ici développent ailleurs également.

Je pense que, dans les grands progrès qu'on a faits, ce sont d'impliquer les communautés également dans le développement de ceux-ci et également dans différentes formes de partenariat qu'il peut y avoir entre les développeurs et les communautés. On l'a vu dans le dernier appel d'offres, où les communautés d'accueil, dans l'appel d'offres de 450 mégawatts, vont contrôler à un minimum de 50 % du projet. Plusieurs d'entre elles seront impliquées financièrement également dans les projets, et on voit là des avancées importantes où à la fois l'industrie et les communautés ont appris à travailler encore plus ensemble. Je pense qu'il est important de mentionner également qu'il y a 10 ans l'énergie éolienne était considérée alternative, un peu marginale, c'était assez récent, assez nouveau pour le Québec. 10 ans après, on peut dire qu'on fait partie du paysage dans plusieurs régions et, une fois le projet construit et développé, on voit que la population soutient encore plus ce type de développement.

M. Heurtel : Vous avez parlé, tout à l'heure, de l'exemple du projet éolien qui fournit de l'énergie à la mine Raglan. En effet, ça, c'est clairement un bel exemple d'approvisionnement, de projet, là, en territoire nordique.

J'aimerais vous entendre davantage sur comment l'industrie éolienne verrait son développement dans le Nord, parce qu'il y a la question, oui, de lier ça à un projet industriel important, mais on a un gros enjeu dans le Grand Nord, qui, malheureusement, doit, pour le moment, être approvisionné presque entièrement par des carburants fossiles pour tous les besoins en énergie. Alors, je me demande si, de votre côté, vous avez réfléchi à ça et à quel genre de piste de solution l'éolien pourrait apporter dans un avenir rapproché.

M. Nolet (Jean-François) : En fait, il y a deux éléments. Donc, d'une part, le projet Raglan, dans le Nunavik, le projet de la mine Diavik, en Territoires du Nord-Ouest, je pense, sont deux exemples probants où on peut réduire la consommation de diesel sur place, donc là où on a des infrastructures industrielles qui ne sont pas connectées au réseau d'Hydro-Québec, d'une part, et ce, avec grand succès. Je pense qu'une première leçon, c'est d'entamer la discussion avec le secteur minier, notamment dans ce cas-ci, bien en amont des projets, parce que ce sont des projets qui se développent sur une longue période. Il faut s'assurer de faire partie de la solution énergétique de la mine, en fait, bien en amont. Je pense qu'avec le cours des prix des métaux, qui... c'est un petit peu plus difficile, c'est plus ralenti, je pense que c'est une bonne période pour engager cette conversation-là, d'une part.

Il y a d'autres défis qui s'ajoutent au développement en milieu nordique, notamment dans le cas du Québec, où on a le secteur minier qui est dans des régions plus au Nord, où il y a des investissements qui seront nécessaires à faire en recherche et développement pour s'assurer, par exemple, de la gestion du givre sur les pales des éoliennes, la construction en terrain plus complexe, en terrain peut-être où on peut avoir des conditions de gel, dégel, et autres. Et là on a une expertise proprement québécoise, notamment avec le Technocentre éolien, où on fait la recherche en développement au niveau de l'éolien nordique, en climat nordique, donc, pour se développer dans ces contextes-là.

Donc, à la fois travailler avec l'industrie bien en amont, travailler également en recherche et développement pour s'assurer que la technologie demeure la plus productive possible pour ces entreprises-là.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Ça me fait plaisir de vous recevoir ici puis d'entendre, finalement, des commentaires que je trouve à la fois intéressants et un peu, je dirais, innovateurs dans le sens où vous nous dites que, fondamentalement, on pourrait produire de l'énergie au Québec qui pourrait être exportée et servir à réduire, si on veut, la consommation de gaz à effet de serre à l'extérieur du Québec. La problématique que j'ai avec ça, c'est : si on ne sait pas trop ce qui se passe avec le transfert, si l'on veut, là... si on l'envoie exactement en transfert d'hydrocarbures, ça va relativement bien, par exemple, une centrale thermique ou des choses comme ça, mais, si on l'envoie dans des segments d'opération où il y a déjà des consommations électriques ou des procédés qui consomment de l'énergie électrique puis la source de ces électricités-là est, disons, là, mixte, ça peut nous créer des problèmes.

Est-ce que vous avez réfléchi à ce genre de schéma là, comment on contrôle ça, là, puis comment on se donne des crédits qui sont réels et non des crédits fictifs où qu'on se met à se discréditer nous-mêmes?

M. Nolet (Jean-François) : Bien, d'une part, dans un marché, tout comme le marché de carbone, hein, c'est l'émetteur, donc, qui souhaite avoir les crédits qui les achète. Donc, d'une part, c'est lui qui dirige l'électricité là où doit être dirigée.

On se rappelle que le Clean Power Plan du président Obama, à l'heure actuelle, demande, de façon générale, aux États-Unis que le secteur d'électricité réduise ses émissions de 32 % par rapport au niveau de 2005 d'ici 2030. C'est colossal, ça représente, en équivalent éolien, 100 000 mégawatts. Donc, c'est les centrales au charbon à travers les États-Unis qui devront trouver d'autres modes de production, de relève, donc, d'une part. En exportant notre électricité, donc, à valeur ajoutée, c'est-à-dire on exporte l'éolien avec l'hydroélectricité — donc, on vend l'électricité et on a un prix pour cette électricité-là — on peut avoir un prix pour les crédits environnementaux qui sont donnés à cette électricité-là et on peut aller chercher des crédits également de réduction de gaz à effet de serre, donc, qui sont bénéfiques pour le Québec qu'on aura besoin pour réduire nos propres émissions, mais qu'eux devront se procurer quelque part également, parce que les objectifs au sud de la frontière sont colossaux.

Donc, le marché va dicter où l'électricité va aller et où elle permettra de réduire les émissions.

M. Bolduc : Pour moi, le président Obama a fait un bon calcul, parce que, si vous considérez qu'on doit changer nos centrales de charbon ou de pétrole au gaz naturel, rien que ce changement-là va générer une économie de 30 %. Donc, son 100 000 mégawatts, il a juste dit : Je fais un transfert du charbon et hydrocarbures au gaz naturel, donc je suis aussi bien de prendre les crédits tant qu'à le faire, de toute façon ils s'en vont tous au gaz naturel. Donc, il faut faire attention sur la traduction, là. Comment vous voyez ça?

• (17 heures) •

M. Nolet (Jean-François) : En fait, si on parle d'un horizon de 2015‑2030, donc l'horizon qu'on couvre ici, c'est très tentant d'aller vers un futur tout gaz, hein, parce que le prix du gaz, évidemment, alléchant à l'heure actuelle, pour l'instant permet des réductions qui sont substantielles, vous l'avez mentionné. Cependant, lorsqu'on regarde les prévisions et les projections des émissions du secteur de l'électricité, si on va dans un futur tout gaz, dans une région qui est, à l'heure actuelle, au charbon, on va à une réduction rapidement, dans les premières années, substantielle des émissions, vers les 30 %, mais, avec la croissance économique, au fil des années, on peut se retrouver dans une situation où on est en deçà du niveau actuel, et c'est là que le plan américain a certaines dispositions qui empêchent justement d'aller chercher une situation dans ces situations-là où on pourrait se retrouver en 2030 avec un niveau d'émissions supérieur au niveau actuel en étant dans un futur tout gaz.

C'est pour ça qu'il y a certaines dispositions, justement, pour inclure des énergies renouvelables et permettre l'importation d'électricité propre du Canada.

M. Bolduc : Maintenant, vous nous avez parlé, en fait, de certaines utilisations d'éoliennes dans le Nord. Un des problèmes qu'on rencontre, en fait, c'est l'arrimage entre le vent pour produire de l'électricité et l'utilisation de la mine ou des opérations qui sont en place. J'aimerais vous entendre sur la possibilité, par exemple, de prendre cette électricité-là, de la mettre en hydrogène, de la compresser et, donc, une fois qu'on a un réservoir, on peut le consommer, disons, au fur et à mesure des besoins. Donc, on découple, autrement dit, la production et la consommation par un inventaire entre les deux.

Est-ce que c'est quelque chose que vous avez regardé? Est-ce que c'est quelque chose, pour vous, qui n'a aucun sens? Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Nolet (Jean-François) : C'est quelque chose sur lequel il y a énormément d'effort de recherche et développement qui est mis, à l'heure actuelle. Que ce soient des batteries ou du «storage» à hydrogène ou autre, c'est quelque chose qui se fait beaucoup dans d'autres juridictions du monde. La Corée du Sud, par exemple, a l'équivalent de 3 500 mégawatts, donc, en batteries, là, à grande échelle. Donc, c'est quelque chose qui est fait ailleurs et qui peut être fait ici.

Ce qu'il est important de savoir, c'est que le système électrique mondial, incluant celui d'Hydro-Québec, va changer plus dans les cinq à 10 prochaines années qu'il a changé dans les 100 dernières années. Les innovations technologiques d'accumulation d'électricité, de batteries, et autres, d'arrimage d'énergies renouvelables intermittentes avec les différentes possibilités techniques vont amener des changements colossaux, et c'est pour ça que c'est important d'y penser maintenant, d'investir en recherche et développement dans ces secteurs pour être capables de faire bénéficier nos industries.

M. Bolduc : Merci. Dans un autre ordre d'idées, à la page 6 de votre mémoire, vous avez un graphique qui nous dit... qui nous donne le vent, en fait, et le coût des éoliennes en fonction du temps, qui nous donne une pente de réduction, typiquement, que vous avez décrite comme étant linéaire, à 18 $ par année en fonction du volume qui est produit. Est-ce que vous avez évalué où la droite se redresse et finalement qu'on atteint ce que j'appellerais le seuil minimal?

M. Nolet (Jean-François) : C'est une excellente question. Le dernier appel d'offres au Québec a donné lieu à un appel d'offres historiquement compétitif, là, à 0,063 $. On produit, à l'heure actuelle, de l'énergie éolienne, dans certains États américains, à 0,022 $, 0,025 $, donc c'est très compétitif. Où ça va arrêter? On ne le sait pas. C'est sûr que ça va arrêter avant le zéro, c'est bien clair. Mais ce qu'on voit, c'est qu'il s'est installé plus d'énergie éolienne aux États-Unis l'an dernier que n'importe quel type de forme de production d'électricité, et ça, ça parle, et c'est le marché qui parle, c'est ce vers où les utilités des différents États américains vont parce que c'est là où est l'électricité la moins chère, la plus compétitive et qui émet zéro de gaz à effet de serre. Donc, c'est là que le marché va.

M. Bolduc : C'est absolument un élément critique que vous nous mentionnez là, parce que, si on peut descendre à 0,02 $, 0,03 $, en fait, on est très compétitifs avec les centrales hydrauliques et on en arrive à un point où finalement les éoliennes pourraient faire partie de notre réseau sur une base large. Actuellement, le problème qui nous tue, c'est le facteur de charge puis l'utilisation. Tant qu'on a suffisamment de barrages électriques pour absorber l'inventaire, ça va bien, mais, on le voit en Europe, il a atteint un niveau d'instabilité où le réseau s'effondre.

Est-ce que vous avez fait des évaluations? Est-ce que vous pouvez nous dire à quel niveau ça se situerait, ce problème-là?

M. Nolet (Jean-François) : Premièrement, on n'a vu en aucun temps, là, des réseaux s'effondrer à cause des énergies renouvelables et de l'éolien. On a des taux de pénétration en Europe sur des réseaux hyperrigides, donc des réseaux thermiques, là, jusqu'à 35 %.

Il faut savoir qu'au Québec on a 40 000 mégawatts de capacité installée d'hydroélectricité. C'est probablement la plus grande batterie... à part la Chine, la plus grande batterie au monde. On est capables d'intégrer, au Québec, de l'énergie éolienne beaucoup plus même qu'on en a besoin. On a fait une étude récente qui démontre qu'on peut intégrer 8 000 mégawatts d'énergie éolienne supplémentaire, donc, en ajout des 4 000 qu'on a, sans aucun problème et sans aucune difficulté. Donc, on n'est absolument pas dans ce cas de figure au Québec et ni même nulle part au Canada à l'heure actuelle.

M. Bolduc : Est-ce qu'il me reste du temps, oui?

Le Président (M. Reid) : Il vous reste deux minutes.

M. Bolduc : Deux minutes? O.K. Donc, ma dernière question, elle se situe au niveau du 37,5 %, puis je reviens à ma question originale : Est-ce qu'il y aurait moyen, selon vous, de réduire... ou d'atteindre nos objectifs de 37,5 % de réduction de gaz à effet de serre d'ici 2030 sans recourir à l'exportation et au déplacement, si on veut, de bourses de carbone à l'extérieur du Québec ou, si, d'après votre évaluation, là — c'est un peu le thème de votre mémoire — il va falloir absolument exporter pour aller chercher des crédits à l'externe?

M. Nolet (Jean-François) : Je pense qu'un des objectifs de la cible de réduction de 37,5 %, c'est d'aller chercher les réductions au meilleur coût, je pense que tout le monde s'entend, d'en faire bénéficier l'économie.

Le message qu'on souhaite passer également, c'est que la réduction de gaz à effet de serre, c'est bon pour l'économie, ça permet de transformer l'économie en économie du XXIe siècle. L'énergie éolienne fait partie de la solution, l'électrification des transports fait également partie de la solution. Maintenant, les gens qui étaient ici avant nous... donc, on peut électrifier les transports : transports publics, transports personnels; transport routier lourd, c'est sûrement faisable, à quel coût?, et c'est là qu'il faut voir où sont les réductions à meilleur coût. Et on pense, nous, qu'il y a un avantage pour le Québec d'exporter notre électricité renouvelable, notamment de l'éolien avec de l'hydroélectricité, pour, d'une part, aller chercher les crédits, donc se faire payer pour, mais également vendre notre électricité avec la plus-value environnementale qui est donnée aux États-Unis. Donc, ce seront des décisions politiques qui seront faites, et on pense qu'une partie des réductions à bon coût se fera également en vendant notre électricité aux Américains.

M. Bolduc : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant au groupe de l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Legendre, merci, M. Nolet, d'être avec nous aujourd'hui. Vous êtes donc enthousiastes dans votre présentation pour les discussions qui touchent, là, donc, à la lutte aux GES, là, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois. Vous vous voyez comme un partenaire d'avenir, là, pouvant contribuer, à votre façon, à nous aider à atteindre ces objectifs.

Vous parlez beaucoup de cohérence, et pas sans être en contradiction avec les groupes qui vous ont précédés, mais je dois vous avouer que, si certains étaient craintifs des objectifs ambitieux du Québec, vous nous dites que, loin de là, ces objectifs sont réalistes, et vous poussez même un peu l'audace en disant : Écoutez, on devrait même être cohérents avec ce qui se passe en Europe et dans d'autres pays du monde et plutôt suggérer une cible de 40 %.

Qu'est-ce que vous dites à ceux qui sont un peu frileux? Pourquoi qu'on devrait aller un petit peu plus haut que la proposition initiale?

M. Nolet (Jean-François) : Je pense que ce qui est important de rappeler — c'est la raison pour laquelle on est ici à regarder les possibilités de réduire les émissions de GES — je pense qu'il y a une nécessité scientifique de réduire les émissions et ultimement il faut arriver à l'objectif de 2050, d'avoir réduit à 80 %, 95 %, et ultimement, vers 2100, donc, à une économie zéro carbone. Donc, on pense que de commencer le plus tôt possible permet de nous donner un avantage économique comparatif aux autres régions, de transformer notre économie et d'être capables d'en faire bénéficier également nos entreprises pour aider d'autres régions, là, qui n'auront pas été aussi rapides que les nôtres. On pense également que le Québec a un rôle à jouer de leader en Amérique tant avec son marché de carbone mais également auprès des autres juridictions, que ce soit au niveau de la fédération, mais des États américains également.

• (17 h 10) •

M. Traversy : Donc, pour réussir à être performants puis, donc, à atteindre les objectifs qu'on se fixe, vous, vous dites : Vaut mieux prendre plus d'avance que trop de retard, ce qui est tout à fait logique. Vous mentionnez, donc, que, pour y parvenir, ça prendrait des cibles claires.

Dans différents secteurs, vous avez beaucoup parlé, avec le gouvernement, des marchés d'exportation ou d'une politique de marché d'exportation, donc, qui est ambitieuse, mais il y a également deux autres secteurs que vous ciblez, qui est celui des... bon, le secteur industriel et des réseaux autonomes. Puis là je feuilletais dans votre mémoire, puis, bon, vous donnez des cibles quand même assez précises, là, pour les marchés d'exportation d'électricité, mais, pour les deux autres secteurs que vous ciblez, on sent qu'il n'y a pas encore vraiment, là, de point déterminant ou, en tout cas, il n'y a pas de point définitif.

Est-ce que vous pouvez nous donner quand même un certain aperçu des cibles que vous aimeriez voir établies dans ces secteurs : industriel et réseaux autonomes?

M. Nolet (Jean-François) : Dans la cible industrielle, on a fait des études avec une firme qui s'appelle ÉcoRessources et on avait un potentiel de réduction qui allait jusqu'à... on en discutait tantôt, on pourra vous donner le chiffre, mais on a, en termes de mégatonnes, donc, les possibilités, également en nombre de térawattheures, les possibilités que ça peut amener également au niveau de la nouvelle demande d'électricité. Donc, on peut vous fournir ces chiffres-là, on va les trouver dans nos documents, mais on a identifié ces chiffres-là avec des différents scénarios à pénétration «faible», «moyenne» et «forte». Donc, on a ces cibles-là également au niveau du transport avec un objectif du gouvernement d'ici 2020. Et, si on se porte vers un objectif de 2030, un objectif très agressif, par exemple, à 1 million, 1,2 million de véhicules, or, combien de mégatonnes on va chercher en réduction et combien de nouvelle électricité on a besoin pour alimenter ces nouveaux secteurs là... Donc, on va être capables de vous les donner dans quelques instants. Donc, je suis désolé, je n'ai pas les chiffres sous la main, mais on a identifié ces cibles-là également.

M. Traversy : Super. Excellent. Vous parliez également de l'électrification des transports avec notre collègue de Mégantic, donc, qui est une voie à suivre, évidemment, de prédilection, pour vous. Vous voyez les avantages que ça peut nous apporter, là, dans le cadre, là, du sujet qui nous concerne. Est-ce que vous seriez favorables à... Plusieurs groupes sont venus avant vous nous faire la proposition de mettre en place une loi zéro émission au Québec. Est-ce que vous pensez que, dans le cadre de l'électrification des transports, ce seraient des recommandations acceptables?

M. Nolet (Jean-François) : En fait, ce qu'on dit, nous, c'est que le plan-cadre qui sera déterminé ici, l'objectif 2030 qui sera identifié doit... on doit s'assurer qu'il y a une cohérence de la part de tous les ministères, et des différentes politiques qui sont mises en place, et des différentes lois qui sont appliquées également au Québec, donc, pour tendre vers... bien, en fait, vers la rencontre de l'objectif.

Je vous dirais, ce qui est le plus difficile pour un secteur comme le nôtre, ce qu'on souhaite, c'est à la fois une cohérence, mais également une prévisibilité et une stabilité dans les politiques publiques en place. Donc, si on se donne un objectif ambitieux de réduction de 37,5 %, on doit s'assurer que cet objectif reste le même sur la période pour s'assurer d'attirer les capitaux. Donc, si ça passe par une loi pour les véhicules zéro émission, et autres, je pense que ce sont des messages nécessaires et des signaux nécessaires à envoyer à l'industrie, qui va permettre d'attirer les capitaux, d'attirer les investissements et de créer les emplois dans le secteur approprié. Donc, que ce soit cette loi-là ou une autre loi qui permettrait d'atteindre l'objectif, je pense que ça fait partie des signaux dont le secteur industriel, au Québec, a besoin.

M. Traversy : Pour atteindre les cibles d'émissions de GES que le gouvernement veut se fixer, vous nous rappelez qu'il serait précieux d'avoir également en main, peut-être, une politique énergétique pour les prochaines années. Ça nous permettrait, donc, d'avoir peut-être, là, une certaine perspective sur ce qui s'en vient. Vous dites que ça pourrait concrétiser nos ambitions par des mesures concrètes pour l'industrie que vous représentez.

Est-ce que vous pouvez, donc, nous préciser davantage, là, cette importance de vouloir mettre en commun, dans le fond, ces deux objectifs et pourquoi ils sont, dans le fond, conciliables, là, dans l'atteinte, là, des motivations qui font l'objet de nos débats?

M. Nolet (Jean-François) : Je vous donnerais un exemple. Je vous parlais, au début, des possibilités au niveau de l'exportation d'électricité et d'inclure l'énergie éolienne dans l'exportation pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre mais également permettre aux États américains d'atteindre les leurs. Si cette option était adoptée, elle doit nécessairement se retrouver quelque part dans la politique énergétique, parce que c'est ce document qui enverra... je parlais justement des signaux aux investisseurs, donc, pour attirer des entreprises ici, pour permettre le développement de projets éoliens mais également de pièces et composantes du secteur manufacturier. Donc, les deux documents doivent se parler, doivent être nécessairement reliés pour assurer une cohérence, en fait, que ce soit avec la stratégie énergétique ou avec la politique industrielle. Donc, ce sont des documents qui font un tout et qui permettent, ultimement, d'attirer les investissements et de permettre de réaliser réellement les économies et les réductions de GES.

M. Traversy : Rapidement, parce que mon temps passe assez vite. J'aimerais, dans le fond, vous demander : Lorsque vous aurez les chiffres des cibles du secteur industriel et des réseaux autonomes, si vous voulez juste nous les faire parvenir à la commission, je pense que ça serait très apprécié, ça serait pris en considération.

Et mon autre question, c'est un peu ce qui touche un peu les discussions de la journée. Il y a eu beaucoup de personnes qui ont parlé du Fonds vert. Je voulais voir si vous, vous aviez une opinion par rapport à ce fonds et si ça pouvait être une utilité intéressante dans le cadre, là, de l'éolienne, si vous y êtes, dans le fond, là, affiliés d'une quelconque façon.

M. Nolet (Jean-François) : Ce n'est pas les discussions que nous avons eues avec nos membres. Donc, évidemment, on soutient le Fonds vert, mais on n'a pas de position particulière sur les questions du Fonds vert.

M. Traversy : Sur la question comme telle. Bien, je vous remercie beaucoup pour ces réponses puis je vous laisse continuer avec la deuxième opposition.

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Nolet (Jean-François) : ...faire parvenir les chiffres sur...

Le Président (M. Reid) : D'accord, les faire parvenir à la secrétaire de la commission. Alors, nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole à M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Alors, tantôt, le ministre a parlé, en début, là, de tour de table, d'acceptabilité sociale. C'est un élément qui est très important lorsqu'on parle d'éoliennes. Alors, on a eu connaissance, par le passé, de projets qui étaient plus ou moins acceptés et certains d'entre eux ont quand même eu lieu. Pourriez-vous d'abord refaire une perspective un peu de cette notion d'acceptabilité sociale et comment ça en est aujourd'hui dans les projets qui ont été mis en place? Est-ce qu'il y a encore des échanges à ce niveau-là? Est-ce que tout va bien?

M. Nolet (Jean-François) : En fait, un projet d'énergie éolienne n'est pas différent que n'importe quel type de projet dans une communauté. Vous le savez, vous êtes impliqués dans votre milieu, auprès de vos communautés. Certaines personnes, à juste titre, peuvent avoir des préoccupations ou des questions par rapport notamment au développement éolien.

Je pense que ce qu'on voit au Québec, c'est qu'on a une quarantaine de projets, à l'heure actuelle, développés et en opération, à terme... à terme, de la politique énergétique actuelle. Je pense que c'est un nombre assez important. Effectivement, il y a certaines tensions dans quelques projets, mais la vaste majorité des projets, ça va quand même très bien au niveau de la communauté.

Ce qu'on voit et selon certains sondages qu'on a faits par le passé : plus les gens habitent près des éoliennes, plus ils les apprécient parce que plus ils les connaissent. Donc, c'est normal que les gens aient des préoccupations, souvent avant que le projet arrive dans leur communauté, parce que c'est quelque chose qui est méconnu, c'est quelque chose qu'ils n'ont pas nécessairement vu avant. Mais je pense que, de plus en plus que les projets font... et que les éoliennes font partie du paysage québécois, l'acceptabilité de ces projets-là et le fait que l'industrie... et je dois le mentionner, l'industrie a appris beaucoup à engager la discussion et à engager et à encourager la participation des communautés dans le développement de projets. Donc, je pense qu'on peut dire qu'on a fait des progrès là-dessus et on a appris beaucoup. On ne développe plus des projets éoliens au Québec en 2015 comme on le faisait au début des années 2000, ça, c'est certain.

M. Surprenant : Au niveau, là, des besoins énergétiques du Québec, ce qu'on entend, c'est que les projets d'éoliennes, finalement, ne sont pas nécessairement essentiels aux besoins énergétiques du Québec, donc, c'est de l'énergie qui est produite en surplus. Alors, c'est l'énergie... donc, en fait, ce qu'on essaie de faire, c'est de la vendre à l'extérieur. Mais pourriez-vous me dire, au niveau de l'impact ici, au niveau de l'émission des GES, qu'est-ce qu'il est réellement, finalement?

M. Nolet (Jean-François) : En fait, il y a deux aspects peut-être à votre question. On a parlé beaucoup de la question des surplus à ce moment-ci, donc : Est-ce que l'énergie éolienne que l'on produit au Québec... est qu'elle était nécessaire ou est superflue, et comment on se situe à ce niveau-là, et comment l'énergie éolienne permet de réduire les GES, à l'heure actuelle?

Je laisserais peut-être mon collègue répondre sur la question des surplus, qu'on a entendue beaucoup dans les derniers mois au Québec.

• (17 h 20) •

M. Legendre (Jean-Frédérick) : Oui. La première chose à mentionner sur les surplus, c'est qu'on parle de prévisions énergétiques. Présentement, il y a des projets éoliens qui entrent en ligne qui sont issus d'appels d'offres émis en 2009, qui sont issus d'une situation économique qui était peut-être différente, on l'admet. La demande a baissé... ou a stagné au Québec suite à la crise économique de 2008. Et ça, le Québec n'est pas tout seul, je pense qu'il y a plusieurs juridictions en Amérique qui ont vécu la même situation. Cependant, donc, ce que... et, encore la semaine dernière, le P.D.G. d'Hydro-Québec le mentionnait, comme quoi c'était une prévision qui était faite à long terme, et à ce moment-là il y avait des besoins en énergie clairement identifiés, et l'éolien avait été identifié comme énergie parce qu'il était concurrentiel avec l'hydroélectricité. Ça a été mentionné par le président d'Hydro-Québec la semaine dernière.

Donc, quand on parle de planification d'énergie, il faut toujours voir à long terme. Et ce qui coûterait très cher aux Québécois, ça serait la situation inverse, c'est-à-dire d'être en déficit énergétique, où, là, il faudrait importer de l'électricité, possiblement de sources fossiles et à fort prix, des juridictions voisines. Donc, une marge de manoeuvre, c'est toujours préférable, on s'entend, à un déficit. Et là-dessus, la marge de manoeuvre, là, les dernières prévisions d'Hydro-Québec ont un peu changé, mais on parlait un peu, là, de 3 % dans les 10 prochaines années. 3 %, ce n'est pas beaucoup. Je suis certain que vous gérez votre budget personnel avec une marge de manoeuvre comme ça. 3 %, c'est quoi? C'est une aluminerie au Québec. Ça pourrait changer rapidement. Alors, ce qu'on invite toujours le gouvernement, c'est de voir à long terme. La situation énergétique, elle peut changer rapidement, et, franchement, la planification énergétique, ce n'est pas en regardant demain matin, c'est en regardant la prochaine décennie, la prochaine génération.

Le Président (M. Reid) : Merci. Vous avez encore une question? Rapidement. 1 min 30 s.

M. Surprenant : O.K. Est-ce que vous ne pensez pas, donc, que, si on parle que, pour l'instant, c'est de l'excédent par rapport aux besoins, ce qui peut être produit... est-ce qu'on ne pourrait pas établir une mesure où on pourrait inciter le gouvernement à prendre une partie des revenus qui sont générés par l'exportation de l'électricité qui provient de l'éolienne à créer de l'emploi ici, à créer une économie qui est plus structurante? Je ne suis pas convaincu qu'on crée beaucoup d'emplois actuellement au niveau de l'éolienne. On est des distributeurs. Est-ce qu'on ne pourrait pas investir, peut-être, dans le secteur manufacturier puis créer un...

M. Nolet (Jean-François) : On investit déjà. Notre secteur a investi 10 milliards dans les 10 dernières années au Québec, a créé 5 000 emplois à plein temps, à l'heure actuelle, et pas juste à Montréal, mais également en Gaspésie et dans toutes les régions du Québec, des emplois qui sont de haut niveau, très compétitifs avec les autres secteurs, d'une part.

Vous parliez d'investir et de créer des emplois. C'est exactement ce qu'on propose de faire, donc, avec la politique énergétique, mais également avec la politique, avec l'objectif de 2030, c'est de lancer ces signaux à long terme. C'est la seule chose que notre secteur a besoin, c'est de prévisibilité et de stabilité dans les politiques publiques et dans les objectifs que le gouvernement mettra en place. Donc, une fois ça fait, les investissements arrivent, et les emplois sont créés, en lien avec le secteur, comme on a vu dans le passé avec la politique énergétique 2006‑2015.

M. Surprenant : Merci.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci, M. Nolet et M. Legendre. Merci pour la contribution que vous apportez à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 17 h 30 ce soir. On peut laisser notre matériel...

Des voix : ...

Le Président (M. Reid) : Pardon. 19 h 30. Pardon.

(Suspension de la séance à 17 h 24)

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document de consultation intitulé Cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030.

Ce soir, nous entendrons l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable, Vivre en ville et l'Association pétrolière et gazière.

Je souhaite donc la bienvenue à notre premier groupe d'invités, l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez la parole.

Association québécoise de la production
d'énergie renouvelable (AQPER)

M. Giguère (Daniel) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Daniel Giguère, moi, je suis président du conseil d'administration de l'association de la production d'énergie renouvelable et je suis en compagnie du président-directeur général de notre association, M. Jean-François Samray. Donc, on vous remercie beaucoup de nous recevoir en ce début de soirée. Je tiens d'abord à remercier les membres de la commission et les parlementaires de nous offrir ainsi l'occasion d'être ici pour cette importante consultation sur les cibles de réduction d'émissions de gaz à effet de serre au Québec d'ici 2030.

L'AQPER, comme on l'appelle sous son acronyme, a été fondée en 1991 à l'époque par des opérateurs de petites centrales hydroélectriques. Depuis 2010, elle a aussi intégré dans son champ d'action les acteurs de la filière éolienne, du secteur des bioénergies — biomasse, biométhane, gaz naturel, également biocombustibles — ainsi que de l'énergie solaire. Porte-parole de l'industrie au Québec, l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable regroupe toutes ces filières sous une centaine d'intervenants du domaine des énergies renouvelables.

M. le Président, nous ne le répéterons jamais assez, la réduction des gaz à effet de serre se doit d'être considérée comme une urgence, et ce, pour tous les gouvernements de la planète, et nous sommes heureux de voir que celui du Québec veut jouer un rôle de leader de premier plan dans ce domaine, car, véritablement, on ne peut pas attendre. L'AQPER réitère donc son appui à la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre proposée par le gouvernement du Québec, à savoir une baisse de 37,5 % sous le niveau de 1990 d'ici 2030. Cette cible nous place parmi les sociétés qui ont compris l'enjeu le plus important du siècle actuel et qui veulent agir de façon positive et décisive pour y parer. Pour y parvenir, la communauté scientifique s'entend pour dire que ce sont les actions posées aujourd'hui, dès maintenant, qui seront garantes de notre succès et de l'avenir. D'ailleurs, une analyse préparée par le bureau du président des États-Unis en juillet 2014 estime que chaque décennie pour laquelle nous reportons la mise en place d'actions qui visent à limiter à 2° le réchauffement climatique augmente de 40 % les coûts qui y sont associés. Donc, la remise à plus tard n'a pas sa place, et l'inaction a un coût important.

Nous avons le plaisir de vous déposer un mémoire, et, pour vous en présenter les grandes lignes, je cède la parole à Jean-François Samray.

• (19 h 40) •

M. Samray (Jean-François) : Oui. Merci. Alors, bonsoir à toutes et tous. Alors, notre organisation est d'avis que la réduction des gaz à effet de serre et la prochaine politique énergétique du Québec sont indissociables.

Dans son mémoire présenté dans le cadre de la prochaine politique énergétique du Québec, l'AQPER présente sa vision 30-30, qui propose 26 mesures pour réduire de 14 millions de tonnes équivalent de CO2 nos émissions de gaz à effet de serre et qui permettrait au Québec d'accroître de 8 % la part de ses énergies renouvelables, dans son portefeuille énergétique, pour la porter à 52 %. À ceux et celles qui douteraient de la viabilité d'un tel objectif nous tenons à rappeler qu'entre 1978 et 1996 le Québec a réduit de 25 % son recours aux produits pétroliers tout en ajoutant 19 000 mégawatts de puissance électrique. C'est à la figure 3 de la page 11. Je vous invite à regarder cette image-là, ça dit tout.

Alors, le marché du carbone et des politiques de substitution des produits pétroliers par des énergies renouvelables produites localement permettront de réaliser une seconde phase de substitution au cours des 15 prochaines années. En agissant de la sorte, nous sommes convaincus que le Québec a tout ce dont il a besoin pour rencontrer la cible de réduction proposée par le gouvernement dans le cadre de la présente consultation. Dans cet effort collectif, visant à contraindre le réchauffement climatique sous la barre des 2°, des actions seront également requises dans d'autres secteurs. Les actions préconisées en efficacité énergétique réduiront de 48 térawattheures équivalent la quantité d'énergie perdue et de 12 % la quantité d'énergie consommée dans l'ensemble de l'économie québécoise. Pour ce faire, des initiatives musclées en substitution énergétique seront requises afin de réduire de 30 % la quantité de pétrole consommée, par exemple, en électrifiant les transports ou en adoptant rapidement la norme «Zero Emission Vehicle», appliquée notamment en Californie; en valorisant du biométhane, un gaz naturel renouvelable, dans les transports et les procédés de chauffage industriels; en utilisant de la biomasse pour répondre aux besoins de chaleur au lieu d'avoir recours au mazout; en établissant une teneur minimale en biocombustible produit au Québec dans l'essence et le diesel consommés; en remplaçant les centrales et unités de production encore alimentées au mazout lourd ou au diesel par des énergies renouvelables.

La participation des consommateurs dans cette conversion de notre économie sera essentielle. Leur procurer une information pertinente, compréhensible et commercialement neutre le sera tout autant. Bien que le signal de prix soit le plus efficace moyen de communication, l'AQPER est d'avis que le gouvernement du Québec devra cependant prévoir des moyens d'accompagnement et de soutien pour les clientèles fragilisées s'il décidait d'aller dans ce sens. Aucune conversion ne se réalisera si les consommateurs et les contribuables ont l'appréhension qu'il n'y ait pas suffisamment d'énergie renouvelable pour répondre à leurs besoins ou que le coût de cette énergie soit disproportionné par rapport à celle qu'ils utilisent actuellement. C'est pourquoi nous encourageons fortement le gouvernement à poursuivre ses initiatives fixant un prix pour le carbone. Ne pas agir de la sorte reviendrait à laisser croire aux Québécois que l'accumulation croissante du carbone dans l'atmosphère est sans impact et sans coût et que cet effort est le problème des autres.

Finalement, l'AQPER estime à quelque 6 350 mégawatts la puissance additionnelle électrique requise pour répondre aux besoins de substitution du marché local et de ceux des juridictions avoisinantes au cours des 15 prochaines années. Bien que cette nouvelle capacité ne représente que le quart de celles installées durant les années 70 à 75 ou 80 à 86, elle devrait s'avérer suffisante, sachant que les actions de conversion les plus faciles ont déjà été réalisées. En réalisant la vision 30-30, le gouvernement du Québec obtiendra des investissements non étatiques de l'ordre de 30 milliards de dollars, le maintien, voire l'accroissement des emplois dans le secteur des énergies renouvelables ainsi que des retombées économiques et financières pour l'ensemble des régions de la province. Nous avons donc le pouvoir de vitaliser le Québec aux niveaux économique, social et environnemental à long terme tout en rendant possible l'atteinte des cibles de réduction de GES proposées par le gouvernement du Québec.

Le Québec se distingue de nombreux États comparables, particulièrement en Amérique du Nord, en raison de sa plus faible empreinte carbone. Ceci tient principalement au fait que la quasi-totalité de sa production d'électricité provient de sources d'énergie renouvelable peu émettrices de GES, tels l'hydroélectricité, l'éolien et la biomasse. Nous pouvons être fiers de ce leadership, et nous devons continuer à être des précurseurs en la matière en poursuivant notre substitution du pétrole par des énergies renouvelables. Le temps n'est plus aux remises en question et aux débats sur les besoins d'intervenir drastiquement pour réduire les GES. Nous devons agir immédiatement et éviter de payer le prix économique, social et environnemental de la procrastination dans ce domaine.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, je vous remercie pour votre écoute.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant à la période d'échange. D'abord, du côté gouvernemental, M. le ministre, à vous la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Giguère, M. Samray. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Le mémoire propose énormément de mesures à prendre pour contribuer à atteindre l'objectif proposé par le gouvernement. J'aimerais ça si vous pourriez nous faire une hiérarchie. En tout cas, parmi ces mesures-là, lesquelles il faudrait prioriser et lesquelles seraient les plus susceptibles d'aller chercher un maximum de retour sur l'investissement en termes de réduction?

M. Samray (Jean-François) : Oui. Merci pour la question, M. le ministre. Écoutez, je pense que, dans un premier temps, il y en a dans les différentes filières et que le Québec est choyé d'avoir tout ce potentiel dans toutes les différentes filières. Je vous dirais que ça peut aller de l'électrification des transports et la norme «Zero Emission Vehicle» pour venir réduire la quantité de produits pétroliers consommés. Votre document l'énonce très bien, 45 % des émissions de GES proviennent de ce secteur-là. Mais il y a également l'établissement d'une norme de biocarburants, donc biodiesel, éthanol de deuxième génération, biométhane, qui doivent contribuer, qui ont un très grand potentiel de réduire les émissions de GES, et, donc, la création d'un marché québécois. Le PTMOBC, c'est bien, mais ça ne remplace pas la mise en place d'un marché québécois mis en place et créé par une teneur minimale dans les combustibles utilisés par les consommateurs et les industriels. Donc, pour nous, ces deux mesures-là sont parmi les premières à mettre de l'avant.

Par la suite, il est évident qu'il reste encore beaucoup d'électrification à faire dans l'économie, et la substitution du mazout dans le chauffage, et également des actions sur le territoire du Plan Nord et des réseaux autonomes non alimentés, notamment la centrale des Îles-de-la-Madeleine avec ses 36 millions de litres de mazout lourd.

M. Heurtel : Donc, vous n'êtes pas sans ignorer que, lors de l'annonce, par le gouvernement, de la politique d'électrification des transports il y a quelques jours, j'ai eu le privilège d'annoncer notamment notre intention de mettre sur pied une norme VZE, ce que vous appelez «Zero Emission Vehicle». Alors, déjà ça, on est à l'oeuvre là-dessus.

Là, si je comprends bien, une norme biocarburant, ça, dans votre liste de priorités, c'est votre numéro deux. Puis, bon, remplacer, bon, dans les habitations, dans les industries, le chauffage par le mazout. Alors, j'aimerais ça vous entendre davantage sur ce que ça voudrait dire, dans un contexte québécois, une norme biocarburant, concrètement. Et, deuxièmement, au niveau de remplacer les édifices qui sont chauffés au mazout... remplacer le système de chauffage, pardon, j'aimerais ça savoir, bien, par quel moyen. Parce qu'on a entendu les représentants de la filière de la biomasse forestière dire que, pour épauler tout ce travail-là... ou presque tout le travail qu'il y a à faire là-dessus, il y a d'autres options qui s'offrent à nous. Alors, ça serait quoi, d'après vous, l'option à privilégier, de ce côté-là?

M. Samray (Jean-François) : Je pense, dans un premier temps, il faut que ça soit des mesures qui fassent du sens et qui sont socialement acceptées localement. La biomasse fait partie des filières d'énergie renouvelable que représente l'AQPER, et il est évident que, dans une région forestière, l'utilisation et la valorisation de la biomasse forestière dans le remplacement du mazout pour le chauffage va être une mesure qui va faire du sens, puisque localement elle va créer une économie circulaire. Donc, pour nous, c'est quelque chose qui va de soi, l'utilisation.

• (19 h 50) •

Donc, par la suite, à votre autre question, sur : Comment est-ce qu'on le ferait?, il est évident que le marché américain, lui, est allé avec des RINs, donc des crédits verts pour les produits pétroliers, qui ont facilité énormément... qui ont abaissé le coût aux consommateurs et qui ont permis de valoriser les biocombustibles.

Je pense qu'au Québec, d'une part, en ayant le marché du carbone, qui donne un signal clair et prévisible à l'industrie, c'est un élément fondamental, la prévisibilité donne un signal clair d'où s'en va le marché; en même temps, permettre la substitution de ces biocombustibles-là par une norme d'une teneur minimale, donc un «blending» de ces biocombustibles, ou du biogaz, le biométhane, dans le réseau gazier va être une façon d'accroître le modèle. La Suède, notamment dans la région de Göteborg, utilise autant le biométhane que le gaz naturel produit à partir de biomasse qui est transformée en gaz naturel. Donc, tout ça a été fait par une teneur minimale locale, et, donc, c'est une façon d'accroître et de stimuler le marché. À l'AQPER, nous croyons fortement qu'un marché créé va donner le meilleur signal, un signal prévisible et un signal sur lequel autant les décideurs que les investisseurs vont pouvoir prendre des décisions éclairées, tout ça chapeauté par un marché du carbone qui, lui, presse les gens d'agir et que les premiers acteurs sont les bénéficiaires.

Le Président (M. Reid) : ...le député de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup. Donc, bonsoir, messieurs. J'aurai une seule et unique question mais bien complexe ou très à développement. Écoutez, on a entendu d'autres groupes qui avaient une crainte, sur le développement économique, au niveau de la cible, qui la trouvaient trop élevée et ils pouvaient considérer qu'il y aurait pu avoir des atteintes à l'économie du Québec en ayant une cible aussi élevée. Vous, bien au contraire, vous trouvez que la cible est justifiée et que, contrairement à ce que d'autres groupes disent, elle va engendrer du développement économique, et ce, dans toutes les régions du Québec, ce qui m'a beaucoup plu et ce que j'ai bien aimé entendre de vous, et j'aimerais que vous nous donniez des exemples de type de développement et dans diverses régions du Québec qu'il peut y avoir grâce à l'émission d'une cible de 37,5 %.

M. Samray (Jean-François) : Écoutez, effectivement, nous, on croit que l'énergie et le développement, la vitalité des régions vont de pair. À titre d'exemple, la grande région de Montréal ou la région de Québec a plusieurs attraits, plusieurs attributs, mais elle a de la population, et donc des matières putrescibles. Ces matières putrescibles là peuvent être transformées en biométhane et valorisées dans des flottes de véhicules. C'est une des énergies. Tant qu'il y a des humains, il y a des matières putrescibles, et, l'agriculture, il y a des matières putrescibles.

D'autres régions, on va avoir l'écoulement de l'eau qui va permettre d'avoir de l'hydroélectricité. Dans d'autres régions — j'étais, M. Simard, justement dans votre région la semaine dernière — il y a de la foresterie, et, avec la foresterie, une foresterie durable, on peut, également, avec les écorces, les résidus de coupe, et tout, faire du chauffage, on peut également faire des biocombustibles qui peuvent être utilisés localement et qui peuvent créer une économie circulaire également dans la foresterie. Imaginez, le secteur de la foresterie québécois, une certification durable qui, en même temps, utilise des biocombustibles diesels durables, donc ça fait vraiment une économie circulaire. Il y a l'utilisation du vent pour également la production éolienne. Il y a le soleil qui est là dans toute la vallée du Saint-Laurent, c'est peut-être une chose qu'on oublie, mais il y a plus de rayonnement solaire là qu'il y en a à Paris ou à Berlin. Et donc ce sont des formes d'énergie qui sont présentes.

Donc, il y a des énergies renouvelables sur l'ensemble du territoire québécois, et chaque région, chaque municipalité, chaque MRC peut y trouver quelque chose qui peut lui permettre d'avoir une économie locale dynamique et qui permet d'également créer des emplois locaux et du développement économique durable.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci. Vous nous montrez un tableau, votre diagramme de Sankey, à la page 12, avec les économies, et, dans le bas de la page, on peut y noter plusieurs changements significatifs, par exemple «l'énergie perdue est réduite de 48 térawattheures», «l'énergie renouvelable représente 52 %», etc.

Est-ce que vous avez un estimé du coût et de l'échéancier? Parce que, oui, on est bien d'accord, mais, premièrement, est-ce qu'on a les ressources financières? Est-ce qu'on a les ressources humaines? Parce qu'il y a beaucoup de projets dans l'affaire, là. Si on regarde votre diagramme, là, on a beaucoup de projets. Est-ce qu'il est humainement possible de réaliser l'ensemble de ces paramètres-là, d'économiser les 48 térawattheures d'énergie perdue, etc., et d'arriver, en 2030, avec le 37,5 %? Puis, si oui, est-ce qu'on sait comment ça va nous coûter, tout ça, là?

M. Samray (Jean-François) : On a fait une simulation très poussée des actions qui sont là. La réponse, c'est que, si on commence au 1er janvier 2016, si on a les politiques claires et les signaux clairs pour l'investissement, la réponse, c'est : Oui, c'est possible, c'est faisable. Et il s'agit d'un plan d'investissement de 30 milliards, 2 milliards par année, qui équivaut à environ 2 % de GES qu'il faut réduire annuellement. Donc, ça, c'est une chose.

D'autre part, bon nombre de ces énergies renouvelables là sont à coût compétitif avec la grande hydroélectricité qu'on produit aujourd'hui, mais il y a une chose qui est certaine qui est dans le mémoire préparé par la Maison-Blanche pour le président américain et qui induit que, le coût social du carbone, il ne faut pas l'oublier. Donc, ne pas agir aujourd'hui, ça a un coût. Dire combien ça va coûter, c'est une chose. Comme je vous dis, l'électricité est à coût comparable. Pour les biocombustibles, 35 $ le gigajoule, c'est le prix auquel doit sortir le biodiesel, et c'est faisable avec les technologies d'aujourd'hui dans la mesure où on peut obtenir des approvisionnements de long terme sur la biomasse forestière, mais, oui, c'est possible. Mais j'y reviens, là-dessus, quand on fait l'analyse du coût — c'est vraiment ce que le département de la Maison-Blanche identifie — c'est qu'il y a une dysfonction dans le marché sur les combustibles fossiles qui enlève les externalités, donc le coût sur la santé, le coût sur le climat, et tout ça est complètement retiré de l'analyse.

Or, pourtant, l'Assemblée nationale, le budget, et tout, le coût des infrastructures, la politique de résilience, sur le long terme, d'adaptation aux réchauffements climatiques, ce n'est pas gratuit. Il va y avoir des programmes d'infrastructure pour refaire des égouts, des aqueducs, des ponceaux. La région de Rivière-au-Renard, par exemple, en 10 ans, ils ont refait deux fois le pont, parce qu'il est parti par des crues... une fois en 200 et une fois en 500 ans. Ils les ont eues deux fois en 10 ans. Donc, ça a un coût social, ça, également, et il ne faut pas le perdre de vue.

Donc, la réponse, c'est : ça se fait, ça se fait à coût compétitif, mais, dans votre analyse de coûts, il faut également prendre en compte que l'inaction n'est pas gratuite.

M. Bolduc : Ce que vous nous dites, en français, c'est que 40 % du PIB du Québec, c'est 150 milliards; retarder de 10 ans, c'est 15 milliards par année. Donc, pourquoi ne pas mettre 2 milliards puis éviter le problème?

M. Samray (Jean-François) : Ce que je vous dis, c'est que, par le plan qu'on amène là, c'est faisable à des coûts qui sont présents, ça stimule l'économie, et donc, oui, ça peut être fait.

M. Bolduc : Mais vous entendez ce que je dis. Vous dites qu'aux États-Unis ils ont estimé à 40 % du PIB le coût d'un retard de 10 ans. Au Québec, le PIB est de 375 milliards, 40 %, c'est 150. Donc, c'est 15 milliards par année, sur 10 ans. Donc, on choisit le 2 au lieu du 15.

Une voix : Oui. Voilà.

M. Bolduc : O.K. J'ai bien compris ce que vous me dites, là? Oui? Non?

Une voix : Voilà.

M. Giguère (Daniel) : Mais, si vous me permettez, en complément à ce que Jean-François vient de mentionner : les investisseurs, par définition, aiment pouvoir prévoir les choses à moyen puis à long terme, donc, pour investir des sommes parfois importantes, et, dans ce cadre-là, le domaine des énergies renouvelables est prêt.

Les producteurs privés d'énergie renouvelable de différentes filières sont prêts à investir et à s'engager dans des plans dans la mesure où les cibles et les engagements d'un gouvernement sont clairs en la matière. Et ça, vous allez trouver des gens prêts à investir. D'ailleurs, la simple filière éolienne, au cours des 10 dernières années, au Québec, a généré plus de 5 000 emplois directs. Donc, ça, c'est des centaines de millions, des retombées économiques locales et régionales très importantes. L'énergie renouvelable, c'est à géométrie variable. On en a mentionné il y a quelques instants. Que ce soit dans le domaine de la forêt, dans le domaine de l'éolien, des petites centrales hydroélectriques, du biométhane, du biogaz, la beauté de ces filières renouvelables, c'est qu'elles s'adaptent à la réalité communautaire et, avec des investisseurs, permettent un développement durable qui, ma foi, a fait ses preuves et le fait de plus en plus à différents endroits au Québec. Donc, ces investisseurs-là veulent être des partenaires de la réussite des objectifs du gouvernement.

• (20 heures) •

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant au bloc de l'opposition officielle. J'invite M. le député de Terrebonne à poser ses questions.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Giguère, M. Samray, d'être présents avec nous aujourd'hui, merci aussi surtout pour le nombre de recommandations que vous avez à l'intérieur de votre mémoire.

C'est assez exhaustif et c'est très intéressant. Certaines d'entre elles sont surprenantes — on aura l'occasion d'en parler dans quelques secondes — d'autres sont plus traditionnelles, en tout cas, si on constate, là, le nombre de discussions que nous avons eues avec d'autres groupes auparavant. Je suis très content de voir que vous accueillez avec enthousiasme, là, une cible audacieuse pour le Québec. J'ai compris que 37,5 % pour vous semblait suffisant. Certains sont plus craintifs, d'autres, plus optimistes, et ça nous permet de nous faire une tête. Et j'ai compris que vous étiez également, là, pour une loi zéro émission qui a été aussi largement discutée, donc, pour que les concessionnaires automobiles puissent valoriser la vente de véhicules électriques notamment, dans vos recommandations par rapport au transport.

Ceci dit, vous avez également d'autres propositions qui sont assez surprenantes. On a dans votre mémoire une proposition qui m'a fait bien sourire, et j'aimerais savoir s'il existe des comparatifs dans d'autres pays. Vous dites, à la page 21, pour réussir à se substituer de différents combustibles en matière de transport, que le Québec pourrait se doter d'une politique afin de bannir certains combustibles de ses eaux territoriales, donc de mettre comme objectif, dans la Stratégie maritime du Québec, bon, des politiques qui pourraient, donc, interdire certains combustibles qui sont polluants. Je voulais savoir sur quoi vous vous êtes basés pour faire une telle proposition.

M. Samray (Jean-François) : Écoutez, nous nous sommes basés une... d'étude que nous avons réalisée en Suède et la Suède, qui, finalement, a énoncé qu'elle veut être libre de tout combustible fossile pour 2050. Parmi ses actions, il y a tout le secteur du maritime, où là on va remplacer le mazout lourd, le diesel maritime, par du gaz naturel liquéfié. Et, quand on parle gaz naturel en Suède, il faut réaliser que le pipeline arrête à la ville de Göteborg, tout le reste de la Suède n'est pas alimenté par le pipeline, et donc tout ça pour stimuler la production de biométhane. Donc, c'en est un exemple.

Dans le mémoire qu'on a déposé au ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie, on indique qu'il y a une alliance des ports hanséatiques, donc de la mer du Nord, qui a mis une série de politiques, de recommandations. Une d'elles est fort simple, elle revient également à faire en sorte que, lorsqu'un bateau arrive à quai, il est tenu d'arrêter son moteur et d'avoir un approvisionnement électrique directement de par le port. C'est meilleur pour l'ouïe, on peut mieux entendre les cornes de brume, mais c'est également meilleur pour la population locale, puisqu'il n'y a pas les émissions de GES et les particules fines. Donc, ce sont des exemples qui se font.

M. Traversy : Merci. J'ai trouvé cette proposition très intéressante, puisque vous êtes la première organisation qui nous la propose depuis le début de nos conversations.

Également, une autre proposition que j'ai trouvé fort intéressante, c'est à la page 20 de votre document. Vous parlez, dans le fond, des stations-services à fort volume. Vous recommandez que... toujours en vous inspirant, je pense, de la Suède, vous recommandez, donc, d'essayer d'offrir davantage de diversité au niveau des carburants disponibles dans ces stations-services à large volume. Je voulais voir un peu de quelle façon vous voyez, dans le fond, l'implantation de cette recommandation. Est-ce que c'est par projet de loi ou dans une politique énergétique ou de... Je voulais voir un peu comment vous voyez l'atterrissage d'une telle mesure.

M. Samray (Jean-François) : Bien, en Suède, ça s'est fait énormément dans la région Göteborg, qui est le fief de Volvo. Il y a eu l'utilisation du biométhane dans les transports et là il y a eu un début avec trois stations-services qui ont commencé à large volume. Quand on parle de stations-services à large volume, on parle nécessairement de stations-services qui sont en bordure d'une autoroute et d'un grand axe de parc de transports. Et là il y a été rapidement constaté que, pour qu'on nouveau combustible soit adopté, il doit être disponible et il doit avoir également les bons incitatifs pour ce faire.

Mais la disponibilité était d'abord et avant tout une préoccupation importante, et donc ça a été le fait d'amener les stations-services à fournir ces énergies-là. Donc, on va avoir autant de l'essence que du diesel, que du biodiesel, que du gaz naturel et biogaz liquide et gazeux et également, maintenant, on commence à y ajouter également des stations de recharge, parce que, l'autre élément des stations de recharge, c'est bien d'avoir une borne quand on a 10 autos, 20 autos, 30 autos, mais, quand on en a 50, 100 ou 300 et qu'il n'y a qu'une borne, c'est comme si on n'en avait pas. Vous comprenez qu'à un moment donné il faut ajuster l'offre de recharge énergétique avec la demande et faire en sorte qu'il y ait une adéquation, parce que, sinon, n'en avoir qu'une, c'est comme ne pas en avoir.

M. Traversy : Et donc est-ce que c'est une obligation, dans l'exemple que vous me donnez, toujours par rapport à la Suède, pour ces stations-services à grand volume ou c'est des incitatifs qui sont donnés aux commerçants pour diversifier le style de carburant qui est offert, là, sur leurs lieux de travail?

M. Samray (Jean-François) : Ça a été incitatifs, mais également ça a pris du travail du côté des municipalités, parce que comprenez qu'un chef-pompier, au tout départ, ça trouve que son schéma de sécurité, il est toujours le plus parfait du monde, et, dès qu'on y change quelque chose, c'est dangereux.

Donc, il y a eu un travail de sensibilisation également avec l'ensemble des parties prenantes, et, derrière ça, la sécurité civile a été présente pour expliquer les nouvelles technologies, toutes les mesures de sécurité qui étaient implantées. Mais il est clair que, quand c'est énoncé dans une politique énergétique d'une nation, quand c'est présenté comme étant un objectif de long terme, qu'on veut obtenir d'ici 2050 une indépendance complète par rapport aux produits pétroliers, le signal est donné, et l'industrie et les citoyens suivent.

M. Traversy : Parfait. Et j'ai compris que votre association aussi, bon, souhaitait voir le Québec devenir leader en énergie renouvelable, rien de moins, donc être un phare. J'ai senti l'enthousiasme, dès le début de votre présentation, là, de cette volonté de vouloir peut-être se diriger vers des efforts plus substantiels.

À l'intérieur de votre mémoire, vous nous parlez d'instaurer une politique cohérente avec, bon, les autres engagements qui peuvent avoir recours avec la lutte aux changements climatiques. Vous dites que ça pourrait améliorer la balance commerciale, ça réduirait, évidemment, les émissions de GES, ça tonifierait l'économie en créant des emplois sur l'ensemble du territoire.

Cette politique cohérente, est-ce que vous pouvez me la clarifier un petit peu juste pour qu'on puisse bien la visualiser?

M. Samray (Jean-François) : Je vous dirais que, cette vision 30-30, les diagrammes de Sankey la résument d'une certaine façon, là, mais, quand on indique dans une politique que, d'ici 2030, on veut réduire de 30 % les produits pétroliers, et que c'est tout ce qu'on dit, et qu'il n'y a pas de mesure d'accompagnement, il n'y a pas de marché du carbone, il n'y a pas de teneur minimale en biocombustibles qui doivent être présents, bien on a émis un voeu. Et, quand on parle de cohérence, c'est-à-dire par le marché du carbone, par une politique de l'électrification, par une politique qui va permettre la production d'énergie renouvelable tant pour les besoins locaux que pour l'exportation, qui va rendre les lignes électriques disponibles à l'exportation et également mettre un marché pour les biocombustibles, voici une politique cohérente qui permet simultanément d'améliorer les réductions de GES mais également d'améliorer la création d'emplois ainsi que la balance commerciale, parce que, l'énergie, en 2012, c'était 54 % du solde négatif de la balance commerciale, l'importation énergétique. Donc, la cohérence veut que tout se tienne.

Le Président (M. Reid) : Il reste 10 secondes.

M. Giguère (Daniel) : Oui, puis je peux rajouter rapidement que nos membres de l'association ont pris l'exercice très au sérieux. Pour la première fois de son histoire, les différents comités de l'association ont fait un travail en profondeur dans chacun de leurs domaines d'activité pour pousser au maximum la réflexion qui a donné la vision 30-30 de l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable et tous ces comités-là sont en concertation vers le même objectif qu'on vous présente. Donc, vraiment, vous avez toute une filière renouvelable pas seulement dans un domaine, mais dans différents domaines.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition, M. le député de Masson.

• (20 h 10) •

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être ici avec nous ce soir. Vous savez, votre mémoire, il est très bien construit, et puis vos 26 mesures sont très intéressantes les unes des autres. En fait, je trouve qu'une approche scientifique, là, c'est quand même... Ce que vous avez fait, c'est... bien, je dois vous dire, là, moi, j'achèterais ce plan-là.

Bref, ceci étant dit, j'aimerais qu'on parle... On va aller vers la fin, tout de suite, des mesures, la mesure 24. Vous avez parlé, dans le fond, que vous aimeriez, là, qu'on regarde à avoir les normes d'urbanisme afin de prévoir l'installation de concentrateurs solaires ou de panneaux photovoltaïques sur les toits des édifices. J'imagine, vous n'avez pas chiffré chaque mesure individuellement, là. Mais, je veux dire, ça, selon vous, au niveau du Québec, c'est une priorité qui nous permet de... en fait, tu sais, cette mesure-là, elle compte pour combien? Vous n'avez pas chiffré chaque mesure individuellement ou...

M. Samray (Jean-François) : On pourrait vous revenir là-dessus, là, mais c'est faisable. On peut vous revenir là-dessus. Mais ce qu'il faut comprendre derrière ça, c'est que le rôle des municipalités va être très important dans l'atteinte des réductions de GES mais également dans la conversion de l'énergie au Québec, là. Et, dans plusieurs municipalités, il y a des règles qui font en sorte que la maison doit être présentée... la porte doit être perpendiculaire à la rue ou qui font en sorte que les panneaux solaires ne sont pas permis sur les toits, parce qu'il y a un schéma d'aménagement, et ainsi de suite. Et donc, là, il y a vraiment un travail de réflexion à faire. Et, quand on parle de cohérence à votre collègue, c'en est un élément également, qu'il y ait une certaine cohérence, que, quand on veut réaliser cet apport-là des énergies renouvelables, bien il va falloir faire des ajustements à certains endroits. Ce ne sont pas des ajustements qui coûtent quelque chose. Ça n'a pas un coût pour l'État de dire : Nous permettons l'installation dans telle et telle condition, mais par contre ça amène une formation professionnelle, ça amène toute une grappe industrielle qui va se charger de faire l'installation de ces panneaux-là, l'inspection, et tout ça. Mais pour l'État ce n'est pas une mesure qui coûte quelque chose, au contraire, c'est créateur d'emplois, c'est un effet multiplicateur.

M. Lemay : Parfait. Si je reviens aux transports puis à l'électrification des transports, on le sait, présentement c'est 100 000 véhicules d'ici 2020, mais on veut aller jusqu'à 300 000 véhicules électriques d'ici 2026. Selon vous, là, est-ce que c'est réalisable? Est-ce que ça prend absolument une norme zéro émission, tu sais, comme la Californie a fait, un peu qu'est-ce que le ministre a dit qu'il est dans son intention, qu'il veut instaurer ici, au Québec?

Pour atteindre 300 000 véhicules, est-ce qu'on fait seulement l'électrification des transports ou ça nous prend une norme zéro émission?

M. Samray (Jean-François) : Bien, moi, je vous dirais que, quand on y va avec une telle norme, ce qu'on impose... et ça a fait l'objet de nombreuses discussions en Californie par le Clean Air Group, mais, enfin, ce qu'on impose, c'est l'obligation d'avoir des véhicules dans les salles de montre. Et, quand il y a des véhicules qui sont dans les salles de montre, ils sont vendus et, quand ils sont vendus, il y a... Ils vont briser à un moment donné, et donc ça sous-entend qu'il va falloir qu'il y ait des mécaniciens, mécaniciennes, de la formation qui soit faite. Et donc c'est l'ensemble de cette économie également qui doit se mettre en place, et ne pas avoir une telle norme revient tout simplement à aller sur le bon vouloir mais n'amènera pas de formation professionnelle, et, là encore, ce sont des nouveaux emplois qui sont créés.

M. Lemay : Mais en Californie ce n'est pas plutôt qu'ils ont imposé un quota de vente? Tu sais, vous autres, vous venez parler, là, d'avoir des véhicules disponibles en salle de montre, et, il me semble, moi, je vois une nuance ou une différence, en voulant dire : Si on impose d'avoir certains véhicules disponibles, ça veut... dans le fond, on n'impose pas la vente, on fait juste imposer un inventaire, puis, à ce moment-là, par le fait même, on s'entend que le commerçant, il va vouloir le vendre, parce qu'il ne veut pas supporter l'inventaire. Mais, je veux dire, moi, je vois une nuance entre imposer un quota de vente et puis imposer une disponibilité.

M. Samray (Jean-François) : Je pense que, dans un premier temps, il faut qu'il y en ait pour les ventes, et avoir un certain pourcentage de ventes, c'est également... mais, avec les bons signaux, avec les bons incitatifs, avec le fait de... On a rendu disponible le jugement de la cour européenne par rapport à la Norvège sur la politique d'électrification des transports. C'est un document que je vous invite à lire qui est très éclairant. Je pense qu'avec des politiques publiques qui sont sans véritable coût on rend attrayant le véhicule électrique, et donc, ce faisant, on peut progressivement y mettre un quota minimal, tout comme la Californie, dans la ville de San Francisco, a donné trois ans à l'industrie du taxi pour virer au complet la flotte puis la rendre, la convertir électrique ou hybride, là. Ils ont donné trois ans pour ce faire.

Le Président (M. Reid) : Il reste quelques secondes.

M. Lemay : Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Alors, nous passons maintenant au dernier bloc. J'invite la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques à poser ses questions.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Je pense que vous avez été clairs d'entrée de jeu qu'on ne peut plus se permettre d'attendre, hein, qu'il y a une nécessité d'agir dès maintenant et que chaque année où on attend, c'est une année où soit nous, si on a la chance d'être encore là, ou nos enfants vont se trouver à le payer pas mal plus cher. Cette urgence d'agir là, je pense qu'elle est partagée par l'ensemble des gens qui viennent nous rencontrer et je pense que vous proposez une multitude de solutions.

Vous avez parlé... et vous avez des propositions sur toute la question des matières putrescibles. On apprenait dernièrement qu'on va retarder encore de trois ans les usines de biométhanisation, si je ne m'abuse. Est-ce que, pour vous, ça fait partie de la cohérence que vous vous attendez?

M. Samray (Jean-François) : Je vous dirais que, derrière ça, notre recommandation, elle est très claire sur le fait qu'il faut établir un marché pour les bioénergies — et le biométhane en est un — et que de mettre un programme comme le PTMOBC, qui subventionne la capitalisation, c'est une chose, mais développer un marché qui va lui-même permettre à l'infrastructure de s'autofinancer et à la municipalité ou à l'opérateur d'assumer ses frais et ses frais de financement, c'est la solution idéale. La Suède a fait le virage à la biométhanisation en créant un marché avec des sommes très peu importantes. Et donc l'important, c'est de créer un marché.

Mme Massé : ...fait ça, au Québec? En deux secondes, j'imagine?

M. Samray (Jean-François) : On impose une norme pouvant aller jusqu'à 5 % de biométhane, énergie renouvelable, dans le gazoduc de distribution, on passe un règlement, et, lorsque les distributeurs gaziers vont à la Régie de l'énergie, ils vont être tenus de rencontrer cette norme-là et devront se procurer à un prix d'appel ce gaz-là pour l'inclure dans leur réseau de distribution.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 18)

(Reprise à 20 h 19)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à nos prochains invités, il s'agit des représentants de Vivre en ville. Alors, vous avez 10 minutes — vous connaissez la routine — ensuite, nous allons procéder à une période d'échange. Et je vous demanderais de vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement. À vous la parole.

Vivre en ville

M. Savard (Christian) : Bonsoir, M. le Président. Bonsoir à tous. D'abord, merci de l'invitation de la commission pour cet important exercice. Mon nom est Christian Savard, je suis directeur général de Vivre en ville. Je suis accompagné, à ma gauche, d'Alexandre Turgeon, président exécutif et fondateur de Vivre en ville, et, à ma droite, de Jeanne Robin, directrice générale adjointe chez nous.

Je ne sais pas si c'est bon signe ou mauvais signe quand vous me dites : Vous connaissez la routine. Je ne sais pas si je suis trop souvent ici...

• (20 h 20) •

Le Président (M. Reid) : ...cette commission.

M. Savard (Christian) : Oui. Donc, d'entrée de jeu, ce qu'on aimerait dire, c'est : Féliciter le gouvernement et les différents derniers gouvernements pour le leadership du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques. C'est quelque chose qui a été débuté en 2006 et qui se maintient maintenant depuis 10 ans. Donc, c'est quelque chose qu'on tient à saluer.

Sur la question principale de la consultation, il semble qu'il y ait un consensus assez fort pour une cible ambitieuse. Vivre en ville propose, dans les trois options, de prendre la cible la plus ambitieuse, qui nous mettrait à égalité avec notre principal partenaire dans la bourse du carbone, qui est la Californie, donc une diminution de 40 % des gaz à effet de serre à l'horizon de 2030. Mais, puisque nous avons la chance d'être avec vous ici, on aimerait vous parler de comment on peut y arriver. C'est le gros de l'enjeu, parce que, quand on se donne une cible, il faut voir si on est capables d'y arriver. On croit évidemment que oui et nous croyons qu'il y a différentes stratégies qu'on peut mettre en place. Je passerais la parole à Jeanne pour continuer.

Mme Robin (Jeanne) : Merci. Alors, quand on regarde l'évolution des émissions de gaz à effet de serre au Québec secteur par secteur, on comprend tout de suite l'importance de travailler dans le secteur des transports.

On n'est pas les premiers à passer aujourd'hui, ça fait que j'imagine que ça a déjà été décrit beaucoup, beaucoup pour vous, mais, rapidement, depuis 1990, les émissions dans le secteur des transports ont augmenté de 26 %, et on a néanmoins réduit nos émissions depuis 1990 à la hauteur d'à peu près moins 8 %. Ça veut dire que, si on avait ne serait-ce que maintenu équivalentes les émissions dans le secteur des transports, on aurait déjà atteint la cible que le Québec vise pour 2020. Donc, on pourrait être d'autant plus ambitieux pour celle de 2030. Donc, ça donne une idée de l'ampleur des efforts à faire porter sur ce secteur-là, d'autant plus que, selon ce qu'on a vu dans le document de consultation, d'ici 2030, entre 2012 et 2030, ce qui est proposé, c'est de réduire de 45 % les émissions dans le secteur des transports. Donc, on voit que c'est énorme et c'est une évolution qui est tout à fait inverse à celle qu'on a observée pour le moment.

Le portrait des émissions de gaz à effet de serre en transport, il dépend, en gros, de quatre déterminants : le mode de transport, le kilométrage parcouru, la performance énergétique des véhicules et puis le type d'énergie utilisé, bien sûr. Jusqu'ici, ce qu'on voit, vous le savez, vous l'observez, c'est une prépondérance de la voiture parmi les modes de transport utilisés et de plus en plus de kilomètres parcourus en voiture. On roule de plus en plus dans des véhicules qui sont de plus en plus lourds, donc de plus en plus consommateurs, et, même s'il y a beaucoup d'ingénieurs qui travaillent très fort à améliorer la performance énergétique des véhicules, cette réelle amélioration de la performance ne suffit pas à compenser l'augmentation du kilométrage parcouru. C'est pour ça qu'on propose une diminution du kilométrage parcouru. Pour le diminuer, il y a un consensus sur le fait que c'est vraiment sur le mode de développement urbain qu'il faut agir. On sait que la densité, la mixité des activités, la perméabilité des rues, un meilleur accès au transport en commun et de bons choix de localisation sont tous des éléments qui permettent de réduire les besoins de transport et de faire en sorte que les déplacements soient faits davantage en transport en commun, à pied et à vélo.

Étant donné l'ampleur des efforts à faire en matière de transport pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on pense qu'il ne faut négliger aucun de ces déterminants-là et travailler, au Québec, à les améliorer.

M. Savard (Christian) : La stratégie principale qu'on propose, dans le document, dans la section 4, c'est... on propose une croissance... en fait, une croissance démographique, avec la croissance économique, qui y est liée, qui a un faible impact climatique pour inverser la tendance. On sait qu'actuellement, lorsqu'un nouveau ménage s'installe au Québec, on va avoir une moyenne d'environ... par exemple, dans la couronne de Montréal, pour ses transports, une moyenne de 4,5 tonnes de gaz à effet de serre.

Nous, ce qu'on veut, c'est que les futurs ménages... toute la future croissance économique du Québec, les croissances urbaines se fassent à plus faible impact climatique. Et, juste pour vous donner des chiffres, on parle, à l'horizon de 2030, selon les chiffres de 2011 — c'étaient les plus récents qu'on avait — de 600 000 nouveaux ménages. Donc, il y a là une croissance urbaine à gérer. Comment cette croissance-là va agir, va émettre de gaz à effet de serre? Et, nous, ce qu'on propose, c'est d'essayer de diminuer immédiatement et de diriger immédiatement cette croissance-là pour faire en sorte que les émissions sont diminuées à la source. Et, en faisant ça, on contribue aussi à réparer, à reconstruire la ville sur la ville actuelle, donc également les ménages actuels vont voir également leur bilan s'améliorer à travers une forme urbaine moins émettrice de gaz à effet de serre. Donc, bref, grosso modo, c'est un développement économique à faible impact climatique.

Cette approche-là est une approche, justement, assez reconnue mondialement. Notamment, on peut penser à Michael Bloomberg, l'envoyé spécial des Nations unies pour les villes et le climat, qui préconise justement une gestion de l'urbanisation; on peut penser aussi à la Global Commission of Economy and Climate, codirigée par Nicholas Stern et Felipe Calderón. Leur première priorité, c'est d'aller dans ce sens-là, puisque c'est nos villes qui sont les plus grandes émettrices de gaz à effet de serre. Donc, on n'est pas seuls à le dire, c'est vraiment une stratégie qui est mondialement reconnue. Donc, Jeanne, je te laisse continuer.

Mme Robin (Jeanne) : Oui. Le fait de développer une croissance à faible impact climatique, ça a aussi l'avantage d'être la mesure de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui comporte le plus d'avantages, par ailleurs. En construisant mieux les villes, en faisant en sorte que les activités s'installent à des endroits où elles vont être bien desservies en transport en commun, plus proches de la population, on va aussi améliorer la santé de la population, par exemple, en permettant aux gens de marcher davantage — on sait, c'est important, l'activité physique. Donc, en fait, on va aussi améliorer la protection de l'environnement, faire en sorte que l'économie soit plus stable, plus solide, diminuer les coûts de transport pour les ménages, notamment, et également, bien sûr, diminuer le coût des infrastructures. En faisant en sorte que les ménages s'installent dans des endroits qui sont déjà partiellement urbanisés mais sous-utilisés, on fait en sorte de mieux utiliser les infrastructures existantes. Ça évite d'avoir à construire des nouveaux réseaux d'aqueduc, d'eau, des infrastructures routières, donc c'est des économies qui sont à portée de main pas seulement en émissions de gaz à effet de serre, mais aussi des vraies économies en argent pour le budget du Québec et pour le budget des municipalités et des ménages.

Ça, ça veut dire qu'en travaillant sur une croissance urbaine à faible impact climatique on peut faire en sorte que les investissements qui sont nécessaires dans l'atteinte de la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce soient aussi des investissements dans l'amélioration de la qualité de vie de la population en général et dans l'équilibre des finances publiques.

M. Savard (Christian) : C'est, selon nous, une des stratégies les plus porteuses pour faire en sorte que les objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de développement durable du gouvernement se combinent. C'est mutuellement bénéfique pour les deux objectifs comparativement à certaines solutions technologiques qui sont importantes mais qui sont plus limitées en ce qui concerne les retombées. D'ailleurs, à noter que les pays qui ont les meilleures pratiques dans le domaine sont des pays qui ont aussi une très grande compétitivité économique. L'Allemagne, la Suède, les exemples que nous citons à Vivre en ville, sont des pays qui sont très solides économiquement qui ont une très grande résilience, et on pense que c'est parce qu'ils construisent bien leurs milieux de vie, bien leurs villes et ils gèrent bien leurs territoires.

La bonne nouvelle, c'est que c'est déjà une orientation qui a été prise par le gouvernement. Dans le plan d'action sur les changements climatiques, le PACC 2013-2020, l'aménagement du territoire est identifié de manière très importante, très solide. Ça a été adopté il y a deux gouvernements. On est dans le nouveau groupe parlementaire, on a tenu à revenir porter ce message-là, mais on a progressé, là, depuis 2009. Donc, la stratégie proposée, puis on aura le temps d'en discuter un peu plus, repose sur trois piliers, donc : éviter des déplacements notamment avec des mesures en aménagement du territoire, transférer des déplacements avec l'amélioration du transport collectif et améliorer l'efficacité énergétique des véhicules à travers l'électrification.

Donc, là-dessus, je vous remercie. J'aimerais prendre quelques instants pour remercier l'équipe qui a travaillé sur le mémoire à Vivre en ville — ça s'ajoute toujours à la pile — donc, merci à Jeanne Robin, Christian Petit, Pierre-Yves Chopin, Catherine Boisclair et Alejandra De La Cruz. Je vous remercie.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer à la période d'échange. On va commencer avec le groupe gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

• (20 h 30) •

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Savard, M. Turgeon, Mme Robin. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Prendre quelques minutes pour remercier M. Savard pour sa participation aux travaux du Comité-conseil sur les changements climatiques, un travail très apprécié et, j'espère, qui se poursuivra, d'ailleurs.

Sur la question de la gestion de l'urbanisation, Vivre en ville a participé à l'annonce de la création de l'Alliance Ariane, qui réclame, entre autres, une stratégie nationale d'urbanisation... bien, d'aménagement et d'urbanisme, là, plutôt, et moi, j'aimerais ça faire un lien, parce qu'on en est à un point où on doit faire une révision en profondeur de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on doit revoir la stratégie, parce qu'il y a déjà une stratégie d'urbanisme qui existe. On doit la revoir également. Puis ça, ça a été mis de l'avant notamment dans le cadre du pacte fiscal qui a été annoncé récemment par mon collègue le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire. Et donc, dans ce contexte-là, concrètement, j'aimerais ça qu'on aille vraiment, là, dans des mesures, là, qui illustreraient, là, qu'est-ce que ça veut dire. Parce qu'on a discuté, ce matin, avec le maire de Montréal; justement, on a parlé d'aménagement. Vous vous concentrez plus, justement, sur les grands centres, les grandes villes.

Et donc qu'est-ce qu'on a à faire concrètement, qu'est-ce qu'on doit changer dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, dans nos façons de faire, dans nos mécaniques de planification urbaine pour arriver, là, à des vrais gains en termes de réduction d'émissions de gaz à effet de serre? Puis est-ce que dans vos travaux vous avez été capables de quantifier? Est-ce qu'il y a des mesures qui sont capables... vous allez être capables de dire : Bien, si on fait ça, on peut s'attendre à aller chercher x en termes de réduction?

M. Savard (Christian) : En ce qui concerne la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, actuellement, cette loi-là est conçue d'une manière... c'est assez procédural, qu'est-ce qu'elle fait. Elle n'a pas beaucoup d'objectifs, elle n'a pas beaucoup de vision, elle est faite surtout pour dire : Bon, bien, voilà comment on doit faire les étapes administratives, d'adoption d'un schéma, d'adoption d'un plan d'urbanisme, d'un changement de zonage, mais il n'y a pas vraiment d'objectif à atteindre. Lors d'une éventuelle réforme qui n'a pas eu lieu qui est morte au feuilleton il y a quelques années de cela, par exemple, l'objectif de diminuer les gaz à effet de serre était dedans, dans un des projets. Ça n'a jamais été plus loin, mais, dans ce cas-ci... Donc, la loi en tant que telle n'est pas une fin en soi, c'est pour ça que l'Alliance Ariane parle d'une politique nationale d'aménagement du territoire et d'urbanisme pour donner une vision à qu'est-ce qu'on veut faire.

On a, dans le mémoire, quelques propositions notamment de mesures. Et justement, en ce qui concerne les relations avec les municipalités, nous, on considère que le gouvernement doit jouer un rôle d'arbitre, par exemple, sur les périmètres d'urbanisation. Il doit continuer à gérer, de manière assez serrée, les paramètres d'urbanisation, sinon on va se lancer dans une espèce de fuite en avant ou de plus petit dénominateur commun où est-ce que toutes les municipalités vont se battre entre elles pour aller chercher la croissance, vont s'étaler à peu près, excusez-moi, mais n'importe comment, ça va allonger les distances, on va augmenter nos gaz à effet de serre. Voilà une mesure : continuer à maintenir l'arbitrage de l'État sur les périmètres d'urbanisation.

Je dirais qu'un autre exemple encore plus concret, c'est les choix de localisation que l'État fait, par exemple, à travers ses édifices publics. L'État, c'est presque la moitié de l'économie au Québec si on prend toutes ces choses. La ville de Sherbrooke s'est battue avec le ministère du Revenu, parce qu'elle voulait mettre ses bureaux au centre-ville pour faire en sorte que, bien, toute la population soit proche, que ça soit lié au transport en commun. Le ministère du Revenu tenait à aller mettre ça au nord de la ville, sur le bord de l'autoroute. Ça coûtait un peu moins cher au pied carré. La ville de Sherbrooke s'est battue avec le ministère du Revenu pour avoir une bonne localisation qui diminuait les distances parcourues et les gaz à effet de serre. C'est un deuxième exemple, il y en a beaucoup, mais la première chose que je dirais, c'est : Avoir une vision et que la diminution des gaz à effet de serre soit dedans. Après ça, toute notre planification qui en découle va suivre.

En ce qui concerne les indicateurs, je ne peux pas vous en dire un là, mais, par exemple, la Communauté métropolitaine de Québec, lors de la révision de son Plan métropolitain d'aménagement et de développement, avait fait des scénarios. Si on prend tel scénario de développement — consolidation; si on prend tel scénario de développement — étalement; qu'est-ce que ça va faire sur les distances parcourues, sur la part modale du transport en commun? Vous avez ce tableau-là en page 24. Ça démontre un peu, là, des exemples de mesures qu'on peut y avoir.

On pourrait faire une étude macroéconomique sur le Québec. Nous, on a quelques simulations qu'on aimerait bientôt sortir notamment, mais toute la littérature sur le sujet va dans le même sens : une bonne gestion de l'urbanisation diminue les gaz à effet de serre.

M. Turgeon (Alexandre) : Si vous me permettez, en complément, juste pour illustrer. Vous faites le lien avec les négociations entourant le pacte fiscal. Moi, je vous dirais que, d'un point de vue de réduction de gaz à effet de serre, il faut être extrêmement vigilant, il faut certainement continuer, qu'il y ait une responsabilité partagée, sur les questions d'aménagement du territoire, entre le gouvernement et les municipalités. Je dirais même qu'il faut renforcer le rôle de gardien du gouvernement pour s'assurer d'un aménagement durable du territoire.

Et — pour compléter également, si vous demandez un exemple concret — il faut réussir à bâtir et à offrir des milieux de vie à la population où on les sort de la dépendance à l'automobile. L'objectif, c'est de donner des choix à la population en matière d'aménagement du territoire. Aujourd'hui, bien souvent, un jeune ménage qui veut s'acheter une maison pour la première fois, là, il est obligé de s'en aller de plus en plus loin des centres urbains, et la maison qui va être à la portée de leur portefeuille va être une maison qui va les obliger à avoir au moins une, voire deux autos pour satisfaire les besoins de la famille. Et c'est comme ça qu'on rentre dans le cercle vicieux de la dépendance à l'automobile. Alors, il faut faire exactement l'inverse, et on a plein de places sur nos territoires de nos agglomérations pour réurbaniser et construire des milieux de vie de plus grande qualité et qui nous permettent à la fois, en même temps, de réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

M. Heurtel : En matière de transport maintenant, on a eu, bon, plusieurs conversations avec plusieurs différents groupes, puis on revient toujours à la question de changement de comportement. Vous y touchez, là, quand on parle d'aménagement puis d'urbanisme. Bien là, en donnant ce choix-là, évidemment ça conditionne un changement de comportement. Mais j'aimerais aller plus loin que ça, dans le sens que, nécessairement, ce changement de comportement va aussi devoir être accompagné de mesures en écofiscalité, par exemple, qui ne sont pas toujours, à prime abord, populaires, parce que ça veut dire un coût au niveau du portefeuille. Et on a un travail — puis ça, nous sommes les premiers à le reconnaître — de sensibilisation, d'éducation à poursuivre. Parce qu'évidemment, puis ce n'est pas la première fois qu'on a cette discussion-là, là — dans les derniers mois, dans la dernière année, on s'est vus à plusieurs reprises dans le contexte des travaux de la commission et dans d'autres contextes — je veux dire, quand on lit vos travaux, je veux dire, c'est difficile d'être complètement contre, là, je veux dire. Il y a une logique, c'est soutenu, c'est recherché, c'est fouillé, c'est appuyé scientifiquement, il y a des bases, il y a des meilleures pratiques internationales qui sous-tendent le travail également.

Comment on réussit à atteindre ce point de bascule là pour vraiment qu'il y ait ce changement au niveau des mentalités? Parce que présentement on est encore confrontés à une approche d'étalement urbain. On est encore confrontés à des projets de grandes autoroutes, on est encore confrontés à créer, là, de plus en plus de banlieues, et les questions de densité ne sont pas nécessairement en tête de liste quand on réfléchit, là, au développement. Alors, dans l'ensemble, j'aimerais ça avoir votre opinion sur comment on réussit à changer ces mentalités-là puis qu'on puisse véritablement passer à une autre étape, là, dans notre réflexion collective.

• (20 h 40) •

M. Turgeon (Alexandre) : Je vous dirais qu'à notre sens le problème n'est pas un problème de demande de la population, mais un problème d'offre à la population pour des milieux de vie différents. Offrons-les, ces milieux de vie là un peu plus denses qui offrent des opportunités pour se déplacer à pied vers des commerces de proximité, d'avoir accès à du transport en commun puis de n'être pas obligé de posséder de véhicule, même, puis de se contenter d'une Communauto, une voiture de location pour des besoins atypiques, et les gens vont sauter là-dessus, et la population va y trouver son compte d'un point de vue économique, là.

Ça coûte cher d'avoir une automobile. Ça coûte 10 000 $ par véhicule, c'est l'équivalent d'une hypothèque de 150 000 $ par année. Ça coûte cher aux municipalités et en infrastructures. Le mémoire l'aborde sur les cobénéfices économiques. Mais la ville de Québec nous a demandé, il y a quelques années, de comparer six quartiers de banlieue type de Québec à un quartier modèle d'Allemagne, le quartier Vauban, à Fribourg, puis on est arrivés avec des coûts de trois à sept fois inférieurs en infrastructures. C'est majeur. C'est le citoyen qui le paie, ce coût d'infrastructure là, quand il achète sa maison.

Alors, il y a un incitatif économique extrêmement grand à mieux faire notre aménagement du territoire, et nous, on pense que le défi, c'est juste de l'offrir. Quand il y a des milieux de vie de qualité, les gens vont juste en demander encore et encore.

M. Savard (Christian) : Le point de bascule est, selon nous, prêt d'être atteint. Il y a un changement de mentalité, et on le voit, je dirais, notamment dans la jeune génération, pour qui, par exemple, la possession d'une voiture est moins intéressante, le fait d'avoir des services de proximité, de pouvoir marcher est plus important. Également dans les mises en chantier, dans les mises en chantier dans le Grand Montréal, le multilogement, c'est à peu près 60 % à 65 %, année après année. On ne construit plus uniquement de la maison unifamiliale comme on l'a déjà fait dans les années 70. Dans le reste du Québec, on est pas mal à 45 %, 50 %. Donc, il y a là une opportunité à saisir et à se servir de ce que fait le marché et de qu'est-ce que les mentalités ont pour atteindre ce point de bascule là. Mais ce n'est pas quelque chose qui va être facile, mais, dans la mesure où est-ce que les transports sont si importants, il faut le faire.

La ville de Copenhague n'a pas changé... n'est pas devenue la ville modèle qu'elle est maintenant. Il y avait des autos partout, leurs places publiques étaient des stationnements à ciel ouvert, mais ils ont pris des mesures de manière déterminée, une par une, année après année, de manière continue, et, oui, en plusieurs années, le travail a été fait. Mais ça a pris plusieurs années. C'est un travail de longue haleine, mais la lutte contre les changements climatiques, c'en est un, aussi. Donc, c'est pour ça que plus tôt qu'on va commencer, plus tôt qu'on va atteindre nos objectifs.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Maskinongé. Il reste deux minutes.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, j'écoute attentivement vos réponses au niveau de l'aménagement du territoire ou, si on veut, de l'aménagement urbain plus facilitant pour éliminer la pétrodépendance, O.K., et je comprends bien et je suis d'accord avec vous, dans un milieu urbain dense où est-ce que ça s'applique beaucoup plus facilement.

Je vais vous poser la question un peu inversée. Vous vous imaginez bien que je suis député de Maskinongé et ma circonscription fait 3 h 15 min en voiture, et déjà les municipalités qui veulent densifier la population doivent répondre à des critères différents, soit la CPTAQ, soit des milieux de zonage agroforestiers ou simplement touristiques ou des zones inondables différentes tout le long de leurs territoires, ce qui cause une certaine complexité de l'aménagement du territoire en soi, en plus d'assurer des services de proximité dans chacune des municipalités. Et, je vous dirais, la partie la plus à l'ouest de ma circonscription devient une des banlieues de Montréal, là. Quand on passe à Maskinongé, on est rendus dans des aménagements assez urbains où est-ce qu'il se construit à peu près une quarantaine de maisons annuellement qui sont à des gens qui travaillent à Montréal.

Quel serait, selon vous, l'effort que nous pourrions faire pour contribuer sans non plus créer un facteur de dévitalisation des milieux ruraux?

M. Savard (Christian) : Merci de votre question, parce qu'on y a pensé. Je vous amènerais à la page 22 du mémoire.

D'abord, la bonne nouvelle, c'est qu'assez souvent, en région, les gaz à effet de serre émis par le transport des personnes ne sont pas aussi grands que, par exemple, dans les couronnes de Montréal. Ça peut avoir l'air contre-intuitif, mais la vérité, c'est que les choses ne sont souvent pas si loin que ça, il n'y a pas de grande distance domicile-travail à faire. C'est moins une grande mégalopole de 4 millions comme Montréal, où est-ce que, là, les gens se mettent à faire des très grandes distances. C'est pour ça que c'est les couronnes excentrées de Montréal qui sont les plus émettrices de gaz à effet de serre. Je vous donnerais quand même l'exemple de la page 22, où vous avez — il y a des solutions — un exemple de deux types de développement qu'il pourrait y avoir dans une petite ville de 5 000 habitants. En haut à droite, vous avez le nouveau développement excentré. Vous savez, on voit ça, hein, des fois, quand on passe sur une route régionale, là : on voit un panneau, là, avec «50 lots à vendre». Tu es au milieu du champ, tu ne sais pas trop pourquoi, il n'y a rien à proximité, mais il y a 50 terrains à vendre, tu n'es pas proche de l'épicerie, tu n'es pas proche de l'église...

Le Président (M. Reid) : En terminant.

M. Savard (Christian) : Oui, excusez. Et, si on revient, par contre, à proximité du village, il y a souvent aussi des terrains à vendre, et souvent, justement, dans les arbitrages qui se font à la CPTAQ, qui se font avec le ministère des Affaires municipales, c'est souvent ça, la question, c'est : Bien, vous avez de la place près du village, il faut prioriser cet endroit-là. En plus, en ce qui concerne la dévitalisation, bien, tu rapproches des ménages.

Le Président (M. Reid) : Je dois vous arrêter, vous aurez peut-être l'occasion de continuer. Alors, je passe maintenant au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup d'être présents avec nous. M. Savard, on se croise à quelques reprises, là, depuis quelques semaines, ainsi que toute votre équipe.

Alors, nous parlions justement des banlieues émettrices de la couronne de Montréal nord-sud. Nous avons une certaine expertise ou connaissance du terrain, et heureusement vous nous avez dit qu'il existe des solutions pour faire face aux défis, bon, du développement des régions en pleine croissance comme celle de la Rive-Nord, des régions qui sont, vous le savez, de plus en plus fréquentées par des jeunes familles qui viennent s'établir, donc, sur les couronnes. Vous avez parlé de solutions, vous avez parlé de votre idée maîtresse, qui semble être un peu le vaisseau amiral, soit celle d'un aménagement à croissance à faible impact, qui semble être... C'est donc la pièce principale de votre mémoire. Il y a plusieurs aspects, mais, entre autres, celui-là.

Donc, parlez-moi donc des solutions que vous voyez pour les différentes couronnes. Est-ce qu'il y a une priorisation à faire? Et, de ce que je comprends de votre point de vue, c'est évidemment dans une perspective de temps à moyen et long terme que vous voyez des améliorations pour atteindre certains objectifs. J'étais curieux de voir votre avis là-dessus.

M. Savard (Christian) : Il manque, sur la couronne nord de Montréal, un solide plan de développement du transport collectif, je suis obligé de le dire d'entrée de jeu. C'est plus jeune et ça a été beaucoup structuré autour de la 640 et de la 15, qui ont été et qui ont joué le rôle de vecteur de développement et sur lequel tout repose. Il n'y a pas de... à part quelques boulevards, là, mais c'est plus structuré autour des autoroutes. Ça rend la situation plus difficile. Donc, il commence à y avoir des éléments, par contre.

Il y a le train de banlieue, il y a les deux trains de banlieue maintenant et il y a aussi des efforts. Je vous donnerais — vous êtes dans Terrebonne, si je ne me trompe pas — ...

M. Traversy : Exact.

M. Savard (Christian) : ...le projet Urbanova, qui a quand même beaucoup de qualités et qui a encore quelques défauts. À titre d'exemple, la concentration des emplois ne semble pas très proche du transport en commun. Dans le projet, c'est une des choses qui auraient été intéressantes.

Je vous donnerais l'exemple de Longueuil, plus proche de Montréal, qui s'est articulée autour de quelques terminus de transport collectif, le métro Longueuil : là, bientôt, ça va être le terminus Panama, à la frontière de Longueuil et de Brossard, là où est-ce que se concentrent des emplois, du développement économique. Des entreprises s'installent là, et c'est très bien. Ce n'est pas au centre-ville de Montréal, mais c'est desservable en transport collectif. Il manque ce genre de pôle là, qui vient à des noeuds urbains sur la couronne nord, qui pourrait faire en sorte de réduire... On ne fera pas le détail de la couronne nord, mais juste pour vous donner des exemples d'éléments qui viendraient structurer et diminuer les gaz à effet de serre.

M. Traversy : Et donc, dans cette perspective, bon, c'est ça, vous parlez, exemple, d'Urbanova, qui est un TOD, bon, il y a des améliorations qui se font continuellement. Il y a également, donc, des incitatifs qui peuvent être mis en place, vous en faites quelques mentions à l'intérieur de votre mémoire. Vous parlez notamment, là, donc, de différentes stratégies pour essayer, justement, de faciliter la reconstruction de villes ou, en tout cas, de villages déjà existants. Évidemment, tout ça est accompagné d'incitatifs financiers.

Est-ce que vous avez une idée du type de financement que ça pourrait avoir et de quelle façon vous compteriez peut-être le ramasser ou, en tout cas, du moins, le distribuer?

M. Savard (Christian) : Il y a actuellement une mesure prévue, au plan d'action sur les changements climatiques, de soutien aux municipalités, autant de soutien technique que de soutien à des projets d'urbanisme durable, une enveloppe, si je me souviens bien, d'environ 90 millions. Elle pourrait être plus importante, mais ça serait déjà un début, parce que, selon nous, on est près du point de bascule dont on discutait avant, il y a une demande pour ça. Et, souvent, les municipalités, on n'est pas... On n'est pas habituées, les municipalités québécoises, à faire de la reconstruction de la ville sur la ville. Pourtant, on commence à en voir, des terrains en friche, là. Tu sais, des anciens «strips» commerciaux du type boulevard Taschereau, il y en a aussi sur la Rive-Nord, avec des centres d'achats un peu moribonds. Ça, c'est des endroits qu'on devrait requalifier qui sont des terrains déjà viabilisés.

Mais nos municipalités ne sont pas habituées de faire ça. Nos municipalités, qu'est-ce qu'elles sont habituées de faire, c'est d'ouvrir des lots dans des terres, dans du «greenfield», là, dans des terres vierges, là, et de continuer comme ça avec une espèce de politique de la terre brûlée qui fait en sorte qu'on s'éloigne tout le temps mais qu'on ne s'occupe pas de l'ancien. Donc, il faut reprendre ce réflexe-là, de s'occuper de l'ancien, et des programmes incitatifs tels que celui dans le PACC, qui pourrait être bonifié, selon nous, seraient très bienvenus, parce que, si tu donnes la carotte aux municipalités... Tu ne peux pas juste leur donner le bâton puis leur dire : On va stopper vos périmètres d'urbanisation. Il faut aussi la carotte, donc ce type d'incitatif là est important.

• (20 h 50) •

M. Traversy : Merci. Bien, je vous posais la question sur le financement, parce que, de l'autre côté, j'entends aussi des membres de municipalités qui souhaitent améliorer, dans le fond, justement, la façon avec laquelle ils font l'aménagement urbain de leurs territoires. Mais c'est une question de coûts, bien souvent. Au lieu d'avoir des grands stationnements, certains seraient, exemple, très ouverts à avoir des stationnements étagés qui utilisent beaucoup moins de terrain, qui concentrent davantage, là, donc l'utilisation du pied carré. Mais, bon, c'est des fonds et, des fois, ces fonds ne sont pas toujours disponibles, alors j'étais curieux de voir les solutions. Je comprends que vous seriez ouverts à une bonification de ce genre de programme, qui pourrait faciliter un meilleur aménagement urbain, notamment de TOD et d'autres.

Et je vous pose la question d'un autre fonds que vous avez mentionné dans votre mémoire, celui du Fonds vert, pour investir dans le développement des transports collectifs. Je pense, M. Savard, vous avoir croisé avec d'autres groupes auparavant. Le Fonds vert, quand vous nous faites cette recommandation, c'est pour des nouveaux projets ou c'est pour supporter des projets déjà existants?

M. Savard (Christian) : C'est pour évidemment des nouveaux projets pour améliorer l'offre de services. En 2006 — c'est ma deuxième, hein, commission où est-ce qu'on parle de ça, donc, j'étais là aussi en 2006, je commence à être un vétéran, comme je le disais — il y a eu une politique de transport collectif. Elle a été annoncée une semaine après l'annonce du plan d'action sur les changements climatiques 2006‑2012.

Actuellement, on est encore en attente de cette politique-là, on ne sait pas comment on va faire pour encore améliorer l'offre de transport collectif. Et l'ancienne politique a été relativement... en fait, pas relativement, a été un grand succès, ça a relancé le transport en commun. Il y a eu, la semaine passée, la politique d'électrification des transports. Elle était claire, on voyait c'était quoi, c'est : il y a telle mesure, telle mesure, telle manière, telle chose, et on la voit. En transport collectif, la situation nous semble plus floue, et on ne comprend pas encore comment on va arriver avec le 1 milliard quelques qui est mis en transport collectif pour améliorer l'offre de services. Il y a encore des absences de réponse, selon nous, dans ce domaine-là.

M. Traversy : Donc, vous seriez ouverts à plus de transparence aussi, donc, pour avoir davantage de réponses à vos questions.

M. Savard (Christian) : Oui. Il n'y a pas de politique claire, en ce moment, dans ce dossier-là.

M. Traversy : Parfait. Le message a été entendu. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Une minute.

M. Traversy : Une minute. Parfait. Rapidement, une dernière question. En page 39, à votre recommandation n° 6, vous demandez l'instauration d'une redevance au niveau du développement pour tout projet qui induit une artificialisation... voilà, artificialisation des sols. J'aimerais donc savoir un peu par rapport à cette redevance comment elle fonctionnerait et est-ce qu'il y a des exemples comparables dans le monde, là, sur une telle proposition.

M. Savard (Christian) : Il y a des hybrides. Je n'ai pas toute la mécanique de comment ça se ferait, mais j'allais venir à ça justement, vous dire comment que les villes peuvent se financer. En voilà une, manière de comment elles pourraient se financer pour faire certains aménagements.

L'artificialisation des sols est un problème mondial probablement moins grand au Québec parce qu'on a plus de territoire, mais le territoire où est-ce qu'on est urbanisé, c'est du territoire agricole ou du très bon milieu naturel. Ce milieu naturel là ou ces territoires agricoles là, des fois, quand ils sont dans la zone blanche, là, qu'ils sont dans la zone développable, bien, on les développe, puis ça ne coûte rien. Il y a une valeur écologique à ça, et, selon nous, on devrait donner une valeur écologique à ces terrains-là pour aller chercher des revenus pour financer, justement, les projets de requalification qui demandent davantage d'efforts de la part des municipalités. Merci, M. le Président.

M. Traversy : Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci. On se comprend bien par signaux. Alors, je voulais protéger le temps de la députée indépendante de Sainte-Marie—Saint-Jacques. À vous la parole.

Une voix : C'est intéressant.

Le Président (M. Reid) : Ah! excusez. Pardon. Je suis allé un peu vite. Je voulais protéger votre temps, en fait. M. le député de Masson, c'est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Donc, on va vous laisser du temps, inquiétez-vous pas.

Bien, en fait, vous proposez, dans le fond, une cible plus ambitieuse que celle qui est proposée dans le livre, en mentionnant que vous vouliez avoir une cible de 40 % de réduction des GES. Parfait. Donc, ce 2,5 % là supplémentaire, là, ça représente, là, 2,1 mégatonnes de réduction supplémentaire. Puis, on le sait, présentement, dans le plan, on inclut, là, de l'achat, là, pour à peu près 10 mégatonnes en crédits carbone. Ça fait que ça, cet achat de 2,1 là, ça représente à peu près 70 millions en crédits. Est-ce que vous proposez, dans le fond, d'aller à 40 % puis d'acheter des crédits ou, avec vos mesures, vous croyez qu'on pourrait réduire de 2,1 mégatonnes en suivant vos recommandations?

M. Savard (Christian) : On pense qu'on peut se permettre d'être ambitieux, parce qu'on a quand même davantage de temps. On fait l'exercice plus tôt cette fois-ci et on pense qu'on est capables d'en faire encore plus à l'interne, il suffit de prendre les mesures tôt et d'être... effectivement, d'utiliser autant la carotte et le bâton. Donc, on pense être capables d'en faire un maximum à l'interne et même dépasser... On pense aussi que l'enjeu... mais l'enjeu des changements climatiques mérite ce type d'objectif là.

M. Lemay : Donc, ce que vous dites, c'est qu'au lieu de faire des actions pour réduire à l'interne, au Québec, de 15 millions de mégatonnes, on devrait être en mesure de réduire de 17,1 millions de mégatonnes au Québec puis d'acheter le reste, le 9,8, à l'extérieur. C'est ce que vous dites?

M. Savard (Christian) : Il faut faire le maximum à l'interne. C'est pour ça que nos stratégies sont relativement agressives et sont relativement... On demande des changements qui sont des changements de paradigme et qu'on pense qu'on est capables d'aller plus loin dans nos réductions de gaz à effet de serre, mais ça peut vouloir dire, à la fin, peut-être acheter davantage de crédits à l'extérieur, mais on pense que l'enjeu mérite ce type d'objectif là.

M. Lemay : Parce que, si je regarde d'autres groupes qui sont venus parler avant vous, ils nous mentionnaient qu'on avait déjà pas mal fait de mesures puis que, selon eux, ça serait plus par l'achat de crédits qu'on réussirait à atteindre nos cibles. Ça fait que, quand vous dites : On devrait être capables, est-ce que — d'abord, je vais pousser l'audace — ça veut dire... est-ce que, dans ce qui est proposé, de réduire de 15 mégatonnes, dans le fond... Supposons qu'on reste à 37,5 %, la cible, ce que vous dites, c'est qu'on ne devrait pas acheter pour 9,8 mégatonnes à l'extérieur, là. On devrait être capables, nettement, même avec une cible à 37,5 %, de faire beaucoup mieux puis d'économiser à peu près 327 millions que ça coûte pour acheter des crédits à l'extérieur.

M. Savard (Christian) : Je pense que tout le monde souhaite ça. J'aime souvent nous comparer. Il y a des gens, juste avant, qui nous comparaient à la Suède. La Suède a un mixte énergétique moins favorable que nous et qui ont, malgré tout, des émissions de gaz à effet de serre par personne moins élevées que nous. Donc, avec des mesures volontaristes, je pense qu'il y a moyen de faire énormément de réduction de gaz à effet de serre à l'interne, mais, s'il le faut, afin de remplir nos obligations, qui sont autant morales que juridiques, bien, oui, ça peut vouloir dire acheter des crédits à l'extérieur.

M. Lemay : O.K. Puis une dernière question. J'aimerais savoir, votre mémoire, là, ou vos idées, là, parce que vous êtes venus aussi pour le livre vert, là... est-ce que vous l'avez déjà présenté au MAMOT ou au ministre qui s'occupe des Affaires municipales puis de l'Occupation du territoire? Parce qu'il y a beaucoup de choses là-dedans, dans le fond, qui le visent directement, son ministère.

M. Savard (Christian) : Tout à fait. C'est : Oui, on a des contacts fréquents avec le MAMOT. Évidemment, tout ce qu'on peut faire, on leur transmet. Et on est sur des groupes de travail, notamment sur la révision des orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire. Donc, on est autour de la table, on est consultés, puis je pense qu'on influence positivement.

M. Lemay : Oui, parce que, dans le fond, quand on regarde le principe de développement durable, là ce n'est pas juste dans notre commission que ça se passe, là, tu sais, il faut impliquer tous les acteurs, et puis, si tout le monde sont persuadés du plan, bien c'est beaucoup plus facile de mettre en place les mesures. Mais merci beaucoup pour votre présentation, c'est très enrichissant. Je vais céder la parole à ma collègue.

M. Savard (Christian) : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, oui, c'est à votre tour, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Merci d'avoir essayé que je passe avant mon collègue, mais ça ne marche pas de même. Bonsoir. Merci d'être là.

En fait, j'aimerais vous entendre. La semaine dernière, le premier ministre, en Islande, disait qu'il ne voyait pas, lui, de contradiction entre l'étalement urbain et la réduction des gaz à effet de serre puis, notamment, à cause de sa politique d'électrification. S'il était ici, qu'est-ce que vous aimeriez lui dire? Parce que vous ne semblez pas du tout dire ça, vous.

• (21 heures) •

M. Savard (Christian) : Bien, on est favorables à l'électrification des transports et on propose, dans le mémoire, des mesures pour l'accélérer, parce qu'on considère qu'il va falloir pousser un peu plus le marché pour que l'électrification des transports aille plus vite, notamment avec une loi zéro émission, notamment avec le bonus malus. Donc, là-dessus, on est tout à fait d'accord.

Par contre, effectivement, je dirais que le premier ministre, dans sa déclaration, a sous-estimé le potentiel immense de la gestion de l'urbanisation afin de réduire les gaz à effet de serre mais aussi afin de faire du Québec une société plus durable avec tous les cobénéfices qui viennent avec. Si c'étaient juste les gaz à effet de serre, peut-être qu'on pourrait se montrer un peu moins enthousiastes, mais, à cause de tous les bénéfices qui viennent avec, c'est un incontournable. Il ne peut pas y avoir une société durable qui fait face à tous les enjeux qui sont devenus très importants sans aller dans ce sens-là. Et les documents que je vous ai présentés, qui sont faits par des grosses pointures de la scène mondiale, ils ne font pas juste mentionner ça, là. Comme dans le plan d'action sur les changements climatiques actuel du gouvernement du Québec, c'est souvent mis comme... on le met en numéro un. On dit qu'il n'y a pas d'ordre, mais, quand on met quelque chose en premier, là, et, quand on mentionne les villes en premier, quand on mentionne la gestion de l'urbanisation en premier, c'est parce que c'est important et c'est incontournable.

Les cobénéfices sont tellement importants en termes de compétitivité économique, en termes de réduction des coûts en infrastructures qu'il faut le faire de toute manière, même au-delà des gaz à effet de serre. Donc, si on ne croit pas à ce bout-là, il faut le faire pour les autres bouts. Donc, je pense que c'est très important. Puis, dans le PACC, c'est bien identifié.

M. Turgeon (Alexandre) : Et, si vous me permettez, je dirais que c'est notre défi de la prochaine année de convaincre le premier ministre de la pertinence et de lui montrer comment on peut changer nos milieux de vie et avoir des solutions qui sont extrêmement gagnantes non seulement sur la question des changements climatiques comme Christian vient de le dire, mais, sur le plan économique, les coûts astronomiques qu'on met en infrastructures qu'on pourrait économiser en faisant mieux nos milieux de vie. Sur les questions sociales, le mémoire parle des cobénéfices en matière de santé, notamment.

Or, ce sont des mesures qui sont gagnantes, gagnantes, gagnantes, et c'est notre défi de la prochaine année de convaincre le plus grand nombre de décideurs possible que c'est la voie à suivre.

Mme Massé : On va vous aider.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, Mme Robin, M. Savard, M. Turgeon, merci pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends la séance quelques instants pour permettre à notre dernier groupe d'invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 21 h 2)

(Reprise à 21 h 5)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Association pétrolière et gazière. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Ensuite, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission.

Je vous demanderais, dans un premier temps, de vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne, pour les fins de l'enregistrement. La parole est à vous.

Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ)

M. Lefebvre (David B.) : Merci, M. le Président. Je vous présente M. Mario Lévesque, qui est sur le comité exécutif de l'Association pétrolière et gazière du Québec. Je suis David Lefebvre, directeur des affaires publiques et des communications de cette même association. M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, M. le ministre, merci beaucoup de votre invitation.

Tout d'abord, je tiens à préciser que l'APGQ est d'avis que les ressources énergétiques du Québec peuvent être développées de manière sécuritaire et dans le respect de l'environnement tout en contribuant à la croissance économique et au développement social du Québec. Nous saluons la volonté du gouvernement de mener une consultation en lien avec la réduction des gaz à effet de serre. L'APGQ se fait un devoir aujourd'hui de vous présenter son avis sur le document proposé par le gouvernement. Je pense que le mémoire vous a été transmis aujourd'hui ou hier.

Bon. Les hydrocarbures au Québec représentent toujours environ 50 % de l'énergie utilisée. Le Québec se dit souvent une mégapuissance en matière d'hydroélectricité, ce qui est vrai, mais il reste que la moitié de nos besoins sont encore comblés principalement par le gaz et le pétrole. Et c'est comme ça, parce que ce sont de bons produits mis en marché par une industrie fiable et c'est des produits qui ont une utilité incomparable pour les consommateurs, tant individuels, commerciaux, qu'industriels. Lors de la présentation du plan d'action sur les hydrocarbures le 31 mai 2014, le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles et le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques avaient annoncé les grandes lignes des efforts du Québec en matière de lutte aux changements climatiques.

Dans le document de consultation, le Québec dit viser une réduction des GES de 37,5 % d'ici 2030, donc 37,5 % d'ici 2030. Entre 2003 et 2012, le Québec a réduit d'environ 11,6 % ses émissions de gaz à effet de serre. Et donc l'ensemble de l'effort, de 1990 à 2012, ça a été 11,6 %. Et on remarque que, jusqu'à 2003, il y avait principalement une augmentation, à tout le moins, une stabilisation d'émissions de GES et que la diminution a seulement commencé environ en 2003. Et donc la diminution de 11,6 % représente, grosso modo, 1,3 % par année. Ceci donne une idée de l'ampleur de la tâche qui est ici proposée. Et on tient à préciser aussi qu'une partie de l'amélioration du bilan de réduction des gaz à effet de serre au Québec est survenue à la suite de la fermeture d'usines ou d'installations qui étaient de gros émetteurs. On peut penser à la raffinerie Shell dans l'est de Montréal ou encore à Norsk Hydro à Bécancour. Et, de toute évidence, ce n'est pas une manière économiquement viable à long terme d'atteindre les cibles qui sont proposées.

L'APGQ considère que le Québec doit aller de l'avant en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et, par contre, qu'il y a peut-être certaines questions sur la faisabilité de la chose dans le délai qui est prescrit.

Un concept qui a été introduit relativement récemment et dont il faut prendre conscience, c'est le dossier des fuites de carbone, parce qu'on dit souvent que, bon, on veut avoir un impact planétaire, on veut avoir un impact global au niveau de la lutte aux changements climatiques par la diminution des gaz à effet de serre, mais il ne faudrait pas que le projet devienne simplement une délocalisation des émissions par une délocalisation de la production ou de l'activité économique. On peut prendre un exemple très simple qui n'est pas basé dans la réalité québécoise comme telle, mais une usine d'aluminium qui aurait une certaine quantité d'émissions de gaz à effet de serre qui, en raison de cibles de réduction ou quoi que ce soit, déciderait de délocaliser sa production, par exemple, au Nouveau-Mexique, et nous, on rachèterait l'aluminium en arrière comme produit fini qu'on utiliserait dans différents processus industriels. Bien, à ce moment-là, c'est sûr que le bilan du Québec en matière de réduction des gaz à effet de serre s'améliorerait, mais l'impact planétaire ou sur les changements climatiques serait absolument neutre étant donné que l'émission aurait simplement été exportée à l'extérieur, et, en plus, on doit rajouter à ça les coûts d'émissions de gaz à effet de serre dus au transport, de réimporter le produit et de le réacheminer au Québec.

Pour l'Association pétrolière et gazière du Québec, une des parties de la solution à la réduction des gaz à effet de serre, c'est la production locale d'hydrocarbures. Dans le monde de la production et de la distribution du pétrole et du gaz, un adage dit que l'énergie la plus efficace est l'énergie qui est produite à proximité des marchés. Faire fonctionner les usines, les véhicules et l'ensemble de la production du Québec demande des ressources énergétiques colossales. Malheureusement, nous ne produisons ici aucun de nos hydrocarbures, à l'heure actuelle, que nous consommons, ce qui fait que le Québec importe, bon an, mal an... Le document de consultation parle de 10 à 12 milliards de dollars d'hydrocarbures. Dans certains cas, ça peut aller jusqu'à 14 à 18 milliards.

• (21 h 10) •

Donc, on importe ces produits-là, et évidemment l'émission de gaz à effet de serre du pétrole qu'on consomme et du gaz qu'on consomme au Québec est faite à l'extérieur, donc il n'y a absolument aucune réduction, là-dessus. Et, pire encore, on augmente les distances de transport, on augmente les temps de transport, que ce soit par oléoduc, que ce soit par train ou que ce soit par bateau, principalement en raison de notre dépendance aux hydrocarbures étrangers, et ce, autant pour le pétrole que pour le gaz.

L'APGQ tient à préciser que le Québec consomme beaucoup d'hydrocarbures — on a parlé d'à peu près 50 % du bilan énergétique — et, même sous les scénarios les plus optimistes de conservation et de substitution, continuera de le faire encore pour de nombreuses années. Par exemple, la Régie de l'énergie estime que la consommation de gaz au Québec va augmenter d'environ 2 % en moyenne par année, jusqu'à environ 2035. Et on parlait récemment de l'approvisionnement en gaz naturel de certains villages, principalement, des Premières Nations dans le Nord-du-Québec, qui pourrait représenter une augmentation d'utilisation de gaz d'environ 6 %. Et c'est un projet justement relié au Plan Nord aussi qui est important pour le gouvernement du Québec. Simplement vous préciser, le mémoire le dit au haut de la page 8, que la tendance générale est à sous-estimer l'usage des hydrocarbures, que ce soient du pétrole et du gaz, dans le développement des modèles. On peut prendre les exemples des chiffres de consommation qui étaient projetés pour 2016, dans des travaux du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles du Québec, qui ont été publiés en 2005, qui avaient estimé, pour 2016, des consommations au Québec à la fois en gaz et en pétrole qui ont été dépassées ou, à tout le moins, atteintes aux alentours de 2012. Donc, c'est simplement pour faire attention au fait que les modèles à long terme ne sont pas toujours valables.

Autre objectif : en plus d'avoir de la production locale qui permettrait de réduire le transport des hydrocarbures, bien, aussi de dire qu'il y a beaucoup de processus d'usage de pétrole, que ce soit de pétrole lourd ou de mazout brut, dans des usines où on pourrait avoir un impact direct sur la réduction de l'émission de gaz à effet de serre en utilisant plutôt du gaz naturel. Et d'ailleurs on sait que c'est un projet que le gouvernement du Québec a à coeur, que ce soit à travers sa Stratégie maritime ou que ce soit à travers le développement du Plan Nord. Donc, on considère que la conversion d'usines ou d'autres installations de production qui utilisent du mazout lourd vers le gaz naturel serait définitivement un pas dans la bonne direction et une mesure concrète que le gouvernement pourrait encourager. Bien sûr — puis ça, peut-être pour faire le lien avec les gens de Vivre en ville qui ont fait la présentation précédemment — bien, effectivement, le gouvernement a aussi toute une série de bâtiments qui utilisent différentes méthodes de chauffage, et tout ça, ou d'électricité et qui pourraient améliorer leurs processus.

L'Association pétrolière et gazière du Québec est en faveur des programmes d'efficacité énergétique. Nous-mêmes, en tant qu'industrie, voulons utiliser l'énergie que nous produisons et que nous consommons de la manière la plus efficace. Et sachez que pour l'industrie toute perte énergétique est également une perte financière. Donc, il est absolument faux de dire que l'industrie de l'énergie n'est pas une industrie qui est, sur le plan de l'énergie, efficace.

Sur le plan de la compétitivité économique, si je peux me permettre, le capital investi est de plus en plus mobile, et la délocalisation de la production est de plus en plus facile. On ne voudrait pas que, par des cibles qui seraient... pas tellement trop ambitieuses, mais peut-être trop ambitieuses sur le plan temporel, sur le délai de temps qui est alloué... menacent des projets ou fassent en sorte que des usines qui voudraient augmenter leur production, qui voudraient développer leur compétitivité ou qui voudraient développer des nouveaux produits soient ainsi pénalisées.

De plus, la plupart des mesures législatives et réglementaires qui sont présentées sont à la merci, pour leur pérennité, des décideurs politiques. Donc, quand on parle d'un horizon de 2030, et même vous avez parlé d'un horizon de 2050 dans certains... le gouvernement en parle dans certains documents, ça serait intéressant aussi de voir que le plan à long terme soit aussi respecté et que ce ne soit pas quand il y a nécessairement des changements au niveau de l'appareil administratif qu'il y a automatiquement des changements de cibles ou des ajustements qui font qu'on perd un peu de vue, des fois, les objectifs globaux.

Une voix : ...

M. Lefebvre (David B.) : En terminant? Bien, en terminant, simplement vous remercier d'avoir écouté l'Association pétrolière et gazière du Québec. Vous pouvez aussi porter attention à certaines mises en garde qu'on a faites à partir de la page 12, que ce soient, par rapport aux entreprises, l'importance du fardeau administratif, le fait de ne pas charger indûment une nouvelle industrie et de prendre en cause aussi qu'une des demandes de l'association, c'est la nécessité d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui pourrait justement enchâsser différentes choses qui sont à la fois importantes pour l'industrie et à la fois, aussi, importantes pour le développement environnemental et social du Québec.

Le Président (M. Reid) : Exactement 10 minutes, à la seconde près. Merci. Alors, nous allons passer à la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. M. Lefebvre, M. Lévesque, merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Bon. Alors, évidemment, si on parle d'énergies fossiles dans un contexte de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, c'est un peu l'éléphant dans la pièce. Puis, durant votre présentation, je pensais, j'ai ressorti... je ne sais si vous êtes familiers avec le rapport qui a été produit par Citigroup, et qui a été rendu public au mois d'août 2015, intitulé Energy Darwinism, mais, bon, c'est un rapport qui a fait le tour de la planète et qui reprend, entre autres, plusieurs conclusions, là. Il y a une espèce de consensus scientifique que, si nous voulons atteindre, comme planète, une cible de réduction d'émissions d'ici 2050 qui va nous permettre de limiter le réchauffement planétaire à 2°, ce qui est considéré, là, comme étant le minimum nécessaire pour permettre à l'espèce de poursuivre sa lancée, il va falloir laisser les énergies fossiles dans le sol, il va falloir... Puis, bon, il y a certaines études qui disent qu'il faut laisser 70 % de tout ce qu'il y a dans le sol en termes d'énergies fossiles, il va falloir les laisser là. Ici, on parle que certaines études parlent... puis là je traduis, là, librement, là, mais on parle du tiers des réserves de pétrole, de la moitié des réserves en gaz naturel, et plus de 80 % des réserves en charbon, entre 2010 et 2050, devront être inutilisés si on veut même avoir une chance d'atteindre l'objectif de 2050.

Donc, ma question, c'est que... Dans ce contexte-là, vous préconisez qu'on exploite davantage au Québec et qu'on fasse plus, donc, d'exploration et d'exploitation d'énergies fossiles ici, au Québec. Comment ça peut être conciliable avec un consensus assez éloquent, scientifique qui nous dit qu'il faut plutôt aller plus vers le développement d'énergies renouvelables, de réduire notre dépendance aux hydrocarbures? Parce que, si on veut se donner une chance d'y arriver, il faut de toute façon laisser la grande majorité des énergies fossiles dans le sol.

M. Lévesque (Mario) : Je vais répondre à la question. En partant du fait qu'on utilise les énergies fossiles, on devrait avoir, comme société, l'objectif de s'en aller vers l'élimination de l'importation de ces énergies-là. Ce n'est pas parce qu'on ne les produirait pas au Québec qu'on ne les utiliserait pas. Tant et aussi longtemps qu'on va les utiliser... mais, en produisant localement, on aurait un effet direct et immédiat sur les gaz rejetés, à cause du transport.

Je vous donne un exemple. On importe, grosso modo, pour environ 2,5... excusez, 250 bcf de gaz naturel annuellement. L'importation de ce gaz-là, grosso modo, ça coûte environ 2 %... pour les stations de compression, on utilise 2 % de ce gaz-là pour le compresser pour l'envoyer dans le pipeline. En produisant localement, en utilisant la même quantité de gaz, on aurait une réduction immédiate de 2 %, ce qui équivaut à environ 5 bcf de gaz annuellement. Si on transpose ça en nombre de véhicules, en produisant localement ici, au Québec, ça serait l'équivalent, sans changer nos habitudes de vie, d'ôter 70 000 véhicules de sur les routes du Québec. Ça fait que ça, c'est déjà un pas. Quand on importe du pétrole du Venezuela ou quand on importe du pétrole de l'extérieur, on n'a aucune mainmise, on ne peut absolument pas savoir comment ça a été produit, on ne peut pas mettre les standards de production. En le produisant ici, localement, premièrement, ce serait bénéfique pour notre économie, mais, pour notre environnement, on peut utiliser les meilleurs standards.

Puis on préconise aussi de s'en aller vers la réduction, au maximum, de l'utilisation des hydrocarbures pour le transport, mais on va quand même avoir besoin de cette molécule-là autant au niveau pharmaceutique, au niveau des plastiques, de la plasturgie. Dans la plupart des industries, on utilise cette molécule-là. Pourquoi, en tant que société, qu'on n'aurait pas le contrôle sur notre propre ressource en diminuant ces importations-là puis, advenant même, un jour, en développant certaines... On peut développer dans le pharmaceutique, après ça on peut vendre nos molécules à l'extérieur, mais on devrait tendre vers s'en aller vers la production locale.

• (21 h 20) •

M. Lefebvre (David B.) : Si je peux me permettre, rapidement, effectivement, juste peut-être en complément à ce que M. Lévesque disait : il n'y a pas de lien entre un État qui produit des hydrocarbures et nécessairement son bilan d'utilisation ou quoi que ce soit.

Comme par exemple, au Québec, on importe 100 % des hydrocarbures qu'on consomme. La Norvège, qui est un immense producteur essentiellement de pétrole et un immense exportateur de pétrole, a un relativement bon bilan environnemental, que ce soit sur les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur la pollution de l'air, sur la pollution de l'eau sur son territoire. Et on pense effectivement qu'en ce moment le problème, du fait de ne pas avoir de production locale, c'est qu'on est tributaires des conditions dans lesquelles sont produits ces produits-là. Et, en même temps, il faut bien comprendre qu'une tonne de gaz à effet de serre qui est produite par l'extraction de pétrole qu'on utilise et que le pétrole viendrait du Dakota du Nord, par exemple, c'est exactement la même tonne qu'ici, et, à ce moment-là, sur l'émission des gaz à effet de serre et de la lutte aux changements climatiques, c'est ce qui s'appelle la fuite de carbone, il n'y a aucune différence de base sur l'objectif du 2° C.

M. Heurtel : Je comprends votre réponse, puis ça reprend essentiellement ce que vous avez présenté lors de votre présentation principale.

Le point et le but de la question, c'est de faire réagir au fait que le vaste consensus scientifique, c'est qu'on est au début de la fin de l'ère pétrolière. Personne ne dit que c'est demain, personne ne dit que c'est dans 10 ans, tout le monde est d'accord pour dire qu'on a plusieurs décennies devant nous à avoir à composer avec les énergies fossiles mais que, si on veut... et ce n'est pas juste le Québec, là, si la planète veut réussir à atteindre ce qui scientifiquement est un consensus, c'est-à-dire un taux de réchauffement inférieur à 2° d'ici 2050, il ne faut pas exploiter plus de pétrole, il ne faut pas exploiter plus de gaz, il ne faut pas exploiter plus de charbon. Au contraire, ce qu'on connaît, il faut le laisser dans le sol. Alors, j'ai du mal à réconcilier cette idée-là, parce que, vous, ce que vous nous proposez, c'est dire : Non, au contraire, on doit aller plus loin dans l'exploitation. Je comprends l'argument, puis on le fait, d'ailleurs. On dit dans certains cas... et, dans certains cas d'exploitation d'hydrocarbures au Québec, l'argument qu'on utilise, dire : Bien, c'est bien mieux d'exploiter ce qu'on a ici plutôt que de l'importer, comme vous dites, de l'international, il y a un argument de réduction de gaz à effet de serre.

Là où j'ai du mal à réconcilier, c'est que vous semblez nous proposer de dire : Bien, il faut aller encore plus fort puis en extraire encore plus, puis vraiment, comme, de devenir presque, justement, un grand producteur de pétrole, ce qui... je ne suis pas sûr que c'est prouvé qu'on a toutes les réserves, là, de un, alors que la tendance, c'est plutôt dire : Bien non, au contraire, oui, on comprend qu'on a des besoins maintenant, mais il faut aller vers une réduction puis même s'empêcher d'exploiter du pétrole.

M. Lefebvre (David B.) : Si je peux me permettre. Par exemple, produire du gaz naturel au Québec, même si c'était seulement — je dis des chiffres complètement au hasard, là — 5 % ou 6 % de notre consommation, plutôt que de faire venir ce 5 % de consommation là ailleurs, serait une mesure d'efficacité énergétique d'autant plus utile qu'une conversion de bâtiments ou d'autre chose ou quoi que ce soit, ça aurait un impact aussi sur le développement des gaz à effet de serre. Et, nous, à l'APGQ, ce qu'on dit, c'est que la production locale permettrait, étant donné qu'on réduirait les distances de transport, qu'on pourrait avoir des mesures d'efficacité énergétique au niveau de la production qui seraient beaucoup mieux ici, au Québec, que ce qui peut se faire ailleurs. Ce qu'on dit, c'est que, pour la même utilisation du même nombre de pieds cubes de gaz, on aurait à moins en produire avec moins d'émissions qu'en ce moment étant donné qu'on est obligés d'avoir ces immenses distances là de transport pour 100 % de la consommation qui est faite au Québec.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Il me fait plaisir de vous recevoir et d'écouter un peu votre point de vue, qui, je dirais, est un peu différent de ce qu'on a entendu dans le reste de la journée.

Une des problématiques que je vois dans le développement de votre stratégie... je comprends très bien l'économie et la réduction de la charge de génération de gaz, mais une des problématiques que moi, je vois, c'est notre capacité de transformation. Donc, actuellement, on a deux raffineries de pétrole au Québec, comme vous le savez très bien, on importe beaucoup de produits que je qualifierais de raffinés. Donc, il faudrait redévelopper toute une infrastructure en allant dans ça, puis... peut-être que oui, peut-être que non, là, mais je voudrais vous entendre sur quels types d'investissement on devrait faire et est-ce que les technologies qu'on mettrait en place seraient beaucoup plus efficaces que les technologies qu'on utilise actuellement ailleurs, etc. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Lévesque (Mario) : Au niveau des technologies qui sont actuelles, on préconise beaucoup le transfert de l'utilisation du diesel vers le gaz naturel. Pourquoi? Parce que la technologie est là et efficace. Elle est facile à faire, puis on a déjà les infrastructures de gaz naturel avec Gaz Métro, avec le gaz compressé et avec le gaz liquide aussi. Le gaz compressé est très efficace en milieu urbain pour remplacer le diesel dans les autobus, dans les camions de livraison, dans les camions de transport. Le gaz liquéfié est très efficace sur les longues distances. Cette technologie-là est ici, immédiate, et on peut l'utiliser, elle est très efficace. Ça fait qu'en encourageant les gens on n'aurait pas à investir dans des infrastructures de raffinage. On est déjà équipés pour pouvoir faire ça. Bien entendu, là, ça prendrait un réseau de distribution peut-être un petit peu plus élaboré pour, quand on va... Je viens de la Gaspésie, les camions de chez Robert Transport ne peuvent pas nécessairement se rendre là-bas, parce qu'on n'a pas l'infrastructure, mais Rimouski pourrait être un endroit où on va en avoir. Puis, à regarder comment ça se développe présentement avec des projets comme Bourque, avec des projets comme Haldimand, il va y avoir du gaz naturel qui va être produit en Gaspésie, parce qu'on le voit avec qu'est-ce qui s'en vient. Ça fait que ça devrait être une avenue vers où on s'en va. Tout le transport maritime devrait s'en aller vers le gaz naturel aussi : immédiat, on a de l'efficacité.

Puis, l'électrification des transports, on est 100 % en faveur de ça aussi. Au point de vue de l'utilisation de la molécule du pétrole, encore une fois, pour la brûler dans des véhicules, c'est de plus en plus ridicule, puis l'industrie, on est tout à fait conscients de ça, mais cette molécule-là devra être utilisée pour les plastiques, on va encore en avoir de besoin. Mais est-ce qu'on doit continuer à brûler pour faire du transport du pétrole? Non. On doit utiliser, dans les hydrocarbures, les formes les moins polluantes pour avoir l'effet immédiat puis on doit s'en aller de plus en plus vers des choses qui vont être propres, soit l'hydrogène soit l'électricité. Il y a différentes méthodes de le faire. Puis je vois très bien, à court terme, changer les parcs d'autobus, modifier les moteurs des autobus, dans les villes, pour pouvoir s'en aller vers le gaz naturel puis un gaz naturel qui serait produit au Québec, d'où on aurait, encore une fois, une efficacité accrue à cause qu'on le produirait puis on n'aurait pas le transport pour le faire.

M. Bolduc : Donc, vous nous dites que...

Le Président (M. Reid) : Il reste une toute petite minute, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Combien?

Le Président (M. Reid) : Une toute petite minute et... même pas.

M. Bolduc : O.K. Bon. Donc, fondamentalement, vous nous dites que, si on s'en va vers une orientation qui serait beaucoup plus gaz naturel local, etc., les infrastructures nécessaires pour faire la distribution ne représentent pas un changement significatif dans la direction dans laquelle on est actuellement, si j'ai bien compris.

Maintenant, est-ce que vous pourriez nous parler un petit peu de la croissance des parcs automobiles mondiaux? Est-ce que la croissance du parc automobile s'en va dans la mauvaise direction vs nos objectifs?

Le Président (M. Reid) : ...

M. Lefebvre (David B.) : En fait, rapidement, si je peux me permettre. Il y a une étude du Pr Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, qui mentionnait que, pendant que la population du Québec, environ depuis 1990, a crû de 14 %, le parc automobile, lui, a augmenté de 41 %. Donc là, c'est clair qu'il y a une adéquation entre l'augmentation de la population et plus de voitures. Il parlait aussi de véhicules avec une plus grosse cylindrée plus énergivores. Il y a une partie de ça qui est due à l'étalement urbain, mais il y a une partie aussi qui est due aux comportements du consommateur. Et on a longtemps pensé que l'augmentation des prix ou que des pénalités sur les prix de l'essence auraient une différence. Bien, quand le prix du pétrole à la pompe était à 1,50 $, c'est l'année où il y a eu le plus d'achats de VUS et de véhicules de grosse cylindrée au Québec. Et aujourd'hui j'ai entendu un animateur de radio dire que le prix de l'essence à la pompe était à 0,985 $ à Québec. Donc, est-ce qu'on peut penser qu'on va augmenter le prix à la pompe de 0,50 $ puis, même là, il n'y aurait pas vraiment un immense changement?

Donc, nous, ce qu'on invite à faire, c'est, oui, des changements au niveau de véhicules, transport, mais aussi de réfléchir à des questions plus macros, long terme, donc utilisation de meilleurs hydrocarbures dans certains procédés et la production locale, qui pourrait aussi avoir un impact. Là, on ne parle pas juste de 1,2 %, 1,3 %.

• (21 h 30) •

Le Président (M. Reid) : Merci. Je dois vous interrompre. Nous passons maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Lefebvre, merci, M. Lévesque, de votre présentation.

Si je comprends bien la position que vous lancez au gouvernement, c'est que vous dites que vous êtes préoccupés par les émissions de gaz à effet de serre. Par contre, vous semblez ne pas être très chauds à l'idée de vouloir se fixer une cible de 37,5 % dite audacieuse. Vous avez beaucoup de craintes au niveau du développement économique. Vous nous dites que des entreprises pourraient quitter le Québec, qu'il peut y avoir du fardeau administratif supplémentaire, que le scénario qui est proposé à l'heure actuelle est quelque peu alarmiste, parce que, selon ce que vous nous dites dans votre mémoire, on pourrait utiliser des données plus réalistes, et donc l'objectif temporel pourrait être plus éloigné. Vous êtes donc surtout préoccupés au niveau de la question économique.

J'essaie de voir un peu la proposition réaliste, là, que vous voulez nous faire pour essayer d'atteindre une amélioration au niveau du Québec. Dans le fond, la proposition que vous nous avez émise dans votre présentation, c'est de dire qu'en créant, dans le fond, de l'exploitation locale on diminuerait les gaz à effet de serre de par le transport d'exportation. Mais là j'avais de la difficulté un petit peu à vous suivre, et, comme vous êtes les experts en la matière, vous allez peut-être pouvoir m'éclairer un peu. Quand vous nous parlez d'un scénario d'exploiter du pétrole au Québec localement pour sauver des gaz à effet de serre, c'est dans une optique où le pétrole ne serait utilisé qu'au Québec? Ce pétrole-là ne pourrait pas être exporté à l'étranger, ne serait pas soumis à une loi du marché ou à d'autres exportations?

Et qu'est-ce qui nous dit que, dans votre scénario également, parce que le Québec décide d'exploiter du pétrole, les autres pays qui en exploitent actuellement ne feraient pas de l'exportation en Chine ou ailleurs à travers le monde qui dégagerait autant de gaz à effet de serre dans le transport pétrolier ou dans le transport de gaz? Je voulais avoir des éclaircissements un peu sur votre exemple.

M. Lefebvre (David B.) : M. le député, je vais essayer de répondre à votre présentation en peut-être trois points principaux.

Premièrement, au niveau des modèles de prix de choses, bien, on parle, dans le document, pour 2030, d'un prix du baril de pétrole à 148 $ US. Donc, ça, c'est le triple d'en ce moment. Donc, en fait, techniquement — puis je vais utiliser un argument un peu fallacieux — en ce moment, on pourrait juste prendre l'argent, le placer dans du pétrole, le garder puis, en 2030, faire un «cash down» complet pour justifier les émissions du Québec pour arriver à atteindre nos objectifs, ce qui n'a, de toute évidence, pas de sens. Donc, il faut faire attention à ces modèles-là. Il y a beaucoup de gens de l'industrie qui pensent qu'ils ont une boule de cristal au niveau des prix, et c'est rarement vrai. Donc, on invite simplement à faire un peu attention à ça.

On ne dit pas qu'on est contre les cibles et contre les objectifs, absolument pas, mais par contre qu'en tant que citoyens corporatifs responsables ou en tant que gouvernement il faut aussi voir, au niveau du délai de temps, qu'est-ce qui est possible. Et il faut bien comprendre aussi que plus on avance dans la réduction des gaz à effet de serre et l'atteinte de cibles, plus ça coûte cher. Au début, c'est quand même relativement rapide. Mais nous, on pense qu'au Québec, malgré qu'on soit un gros producteur d'hydroélectricité qui est très propre, il y a une possibilité, par la production locale et aussi par la conversion de certaines installations davantage au gaz naturel, de faire un pas, sur le plan industriel, qui serait intéressant.

M. Traversy : Je comprends donc que vous êtes plus nuancés par rapport à l'objectif qui est proposé dans le cahier de consultation qui vous a été remis, vous dites : On est d'accord pour essayer de diminuer... sauf que, bon, la façon dont les cibles sont montées devrait tenir compte, donc, d'alternatives, comme le gaz naturel par exemple.

M. Lefebvre (David B.) : Peut-être, si je peux me permettre un dernier point aussi. Vous avez parlé de si d'autres pays font des émissions ou produisent, et quoi que ce soit. C'est bien mentionné dans le mémoire qu'on encourage le Québec à continuer de travailler et à développer les partenariats, qu'ils soient nationaux ou internationaux, justement, parce que, quand on a une émission de gaz à effet de serre, on peut dire qu'elle est québécoise, on peut dire qu'elle est ontarienne, on peut dire qu'elle est nigériane ou russe, mais, à la base, ça reste la même molécule qui se ramasse dans l'atmosphère, et le Québec pourrait avoir un excellent bilan de gaz à effet de serre en exportant ses émissions, en faisant produire — que ce soient des produits pétroliers, gaziers ou autres produits industriels ou manufacturiers — ailleurs.

M. Traversy : Juste pour bien comprendre. L'Association pétrolière et gazière, est-ce que vous représentez toutes les compagnies corporatives ou juste les plus grosses, les plus petites?

M. Lefebvre (David B.) : Les entreprises membres, ce sont des entreprises qui ont des intérêts au Québec, donc, communément appelés des claims, des entreprises qui ont des claims d'exploration et/ou de production au Québec, qu'elles soient québécoises, canadiennes de l'Ouest canadien. Et on a aussi à peu près six ou sept entreprises de services, que ce soient bureaux d'avocats, groupes d'ingénieurs, quoi que ce soit. La liste complète est disponible sur le site Web de l'association.

M. Traversy : Donc, c'est des entreprises de toutes tailles, là, il n'y a pas de...

M. Lefebvre (David B.) : C'est ça. Essentiellement, des entreprises qui sont intéressées par l'exploration et la production d'hydrocarbures.

M. Traversy : Puis donc vous nous mettez en garde également contre un système... pas hypocrite, parce qu'hypocrite, c'est un peut trop dur, mais vous nous dites que l'achat de carbone pour se donner... Vous avez dit tantôt qu'on pouvait mettre de côté l'argent pour réussir, pendant quelques années, à cumuler un fond qui nous permettrait d'acheter un peu, là, notre pardon à la fin du parcours puis qui, évidemment, là, ne réglerait pas l'émission des gaz à effet de serre.

Vous trouvez que ce genre de système n'est pas tout à fait au point. J'aimerais juste que vous éclaircissiez un peu, là, cette mention que vous nous avez faite. Là, je dis «des bons du pardon», mais on s'entend que, là, c'est le marché du carbone.

M. Lefebvre (David B.) : O.K. Première chose, ce n'est pas la spécialité de l'association, là, de traiter de cette question-là, mais il est déjà évoqué à la fois dans le document et dans certaines positions gouvernementales — mais aussi je pense qu'il y a des gens de l'opposition qui en ont parlé aussi — qu'une partie de l'atteinte de l'objectif pourrait être faite par un achat de crédits. Ça, je pense que ça a déjà été présenté.

L'autre chose que je vous mentionnais, c'est simplement pour faire une illustration qu'il faut faire attention avec l'extrapolation de ce que les prix seront en 2030, ou en 2040, ou en 2050. C'est vraiment pour dire que, si le prix du baril de pétrole était le triple de ce qu'il est maintenant, bien, je veux dire, ça serait un autre calcul comme tel. C'est juste de faire attention à comment les modèles sont construits. Je veux dire, encore il y a quatre ans, au Canada, il y a des économistes très sérieux d'institutions réputées qui disaient que le prix du baril de pétrole en 2020 serait de 200 $ US, et, en ce moment, je n'ai pas lu ce type de prédiction là récemment. Donc, c'est simplement de faire une petite mise en garde.

M. Traversy : Puis finalement, bien, je suis content de voir que, dans votre cahier, vous dites que l'acceptabilité sociale est une responsabilité collective et qu'elle fait partie, dans le fond, des équations pour vos projets. Donc, je suis content de voir que vous la prenez en considération.

Je vous remercie, M. le Président, là, pour ce temps de parole que vous m'avez accordé.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être avec nous ce soir. Vous savez, ce que vous proposez, c'est quand même audacieux puis ce n'est pas quelque chose qu'on a entendu auparavant. Si je regarde d'autres groupes, là, comme Équiterre ou Greenpeace, ils nous ont dit carrément, là, tu sais : Il faut... puis même le ministre tantôt l'a dit, c'est le début de la fin de l'ère du pétrole.

Donc, moi, je salue votre audace, là, puis j'aimerais avoir un peu plus d'informations, parce que, quand vous dites que, si on favorise la production locale de nos hydrocarbures, on va venir lutter aux changements climatiques... Puis là, dans le fond, ma question que j'ai aujourd'hui après avoir pris connaissance de votre mémoire, c'est, je me dis : Bon, si on considère que l'électrification des transports, là, pour les... chaque unité coûte à peu près 500 $, tu sais, si on regarde, dans les pâtes à papier, l'achat d'unités, tu sais, c'est à peu près 300 $, les mesures pour réduire les gaz à effet de serre... Bon, le système... le SPEDE, là, dans le fond, on met dans notre guide qu'on le projette qu'il va être à peu près à 33,67 $ l'unité. Ça veut-u dire, dans le fond, là, que, si on produit notre propre pétrole puis notre propre gaz en sol québécois, est-ce qu'on aurait assez d'argent, si on veut, de retombées économiques pour s'acheter entièrement nos crédits carbone en Californie pour compenser, dans le fond, l'émission qu'on va faire quand on va faire l'extraction? Puis est-ce qu'on serait encore rentables?

M. Lefebvre (David B.) : Ça, bien honnêtement, puis je vais le dire devant vous, le calcul n'a pas été fait par notre association ou quoi que ce soit, mais c'est quelque chose qui pourrait être intéressant à mesurer. On ne dit pas que c'est une des solutions que le Québec devrait retenir, mais c'est un calcul qui pourrait être fait et qui pourrait être amené au niveau de... Malheureusement, je n'ai pas la donnée avec moi.

M. Lemay : Si vous aviez cette donnée-là puis que ça serait rentable, on pourrait dire : Ah! bien, dans ce cas-là, nos 37,5 % de réduction de GES, on va 100 % les acheter à l'extérieur, en Californie, on va extraire notre propre pétrole local, on va réduire nos émissions de gaz à effet de serre, puis toutes les autres mesures qu'on va faire vont être du bonus. Mais là vous n'avez pas le chiffre, ça fait que c'est difficile.

Extraire un baril de pétrole ou de gaz de schiste; est-ce que vous savez combien de CO2 ça peut émettre, l'extraction d'un baril? Est-ce que vous avez ça?

• (21 h 40) •

M. Lévesque (Mario) : Quand on arrive au niveau du travail, ça va tellement dépendre des pratiques de l'entreprise qui va le faire que, si tu fais de l'extraction en Asie, si tu fais...

M. Lemay : ...

M. Lévesque (Mario) : Non, mais, c'est ça, mais, le chiffre exact, je ne l'ai pas, parce qu'on ne fait pas d'extraction au Québec, on n'a pas de production présentement.

M. Lemay : O.K. Puis, si on se fie à ce qu'on fait en Alberta, est-ce que vous avec cette donnée-là?

M. Lévesque (Mario) : Bien, même à ça, en Alberta, ils ne sont pas optimalisés comme qu'on pourrait l'être.

M. Lemay : O.K. Puis, si d'abord on se fie au gisement Utica, en Pennsylvanie, là — on est peut-être plus proches de ce gisement-là — vous n'avez pas cette donnée-là non plus?

M. Lévesque (Mario) : Bien, en Pennsylvanie, si vous allez, les différentes compagnies vont avoir des différents modèles de production aussi. Ce qui est important au Québec, quand on va arriver à la production, puis si on arrive à une production, c'est d'avoir des modèles qui vont permettre de maintenir au minimum ces émissions-là.

M. Lemay : O.K. Parce que moi, j'ai fait un calcul vite, vite, là, pendant que vous parliez avec les autres, là, puis j'arrivais qu'à chaque fois que tu produis un baril mon calcul disait que ça donne à peu près une demi-tonne de GES que tu émets. Ça fait que, là, dans le fond, à chaque deux barils, dans le fond, tu émets une tonne de GES, tu sais? Ça fait que, là, dans le fond, je me disais : Bon, bien là, c'est quoi, le prix du baril, puis c'est quoi, le coût de l'extraction pour justifier que je vais acheter mes crédits, puis, dans le fond, je vais être à nul, tu sais, je vais être à effet nul? Le carbone que j'émets, je me le compense par des mesures qui sont faites ailleurs.

Ça fait que, là, moi, j'essayais de visualiser un peu si c'était rentable, votre proposition. Peut-être, si vous avez cette information-là, je serais intéressé de l'obtenir. Je pourrais vous laisser ma carte ou vous pouvez communiquer à la commission, il n'y a pas de problème, là.

M. Lefebvre (David B.) : Ça pourrait être intéressant, c'est quelque chose qu'on pourrait développer. Puis, de toute façon, dites-vous qu'à procédé égal, dans une situation égale, en sauvant le transport puis en sauvant le transport de la ressource, là il va y avoir une efficacité au plan des émissions planétaires.

C'est sûr qu'on parle ici des cibles du Québec, mais le Québec aurait beau émettre deux fois moins de gaz à effet de serre, si ça fait en sorte qu'il y en a six fois plus qui est émis par une autre juridiction, est-ce qu'on est gagnants en bout de ligne pour l'objectif du 2°?

M. Lemay : Puis, tu sais, rapidement, là, parce que je veux laisser le temps à ma collègue, là... mais on n'a même pas parlé, en plus, de puits de carbone, de pouvoir après ça remettre nos GES dans le sol, puis de... Parce que, si on décide qu'on fait de l'exploitation, bien on est aussi, hein, capables de les retourner dans le sol. Donc, tu sais, il y a plusieurs...

M. Lefebvre (David B.) : Avec le captage de carbone, par différentes techniques.

M. Lemay : ...il y a plusieurs mesures qui peuvent être faites qui feraient qu'on réduit notre empreinte. Mais, bref, ça serait intéressant d'avoir plus de détails.

M. Lefebvre (David B.) : Ça nous fera plaisir.

M. Lemay : Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant à la dernière intervention. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. J'étais contente d'entendre le ministre, qui soulevait le consensus international sur la nécessité d'agir dès maintenant pour assurer que nos petits-enfants vont avoir quelque chose à manger, quelque chose à vivre puis qu'ils ne vivront pas toutes les intempéries qu'on commence à vivre de plus en plus.

J'entends vos mots, j'entends ce que vous dites, que l'énergie est plus efficace, qu'il y a moins de GES, mais, en même temps, vous me permettrez, quand j'entends, d'une part, les scientifiques et, d'une autre part, l'entreprise... oui, mais vous êtes des représentants de ce type d'entreprises là qui n'hésitent pas à nulle part à travers la planète à poursuivre les États parce qu'on met des lois environnementales puis on met des cadres clairs. Alors, ce qui m'inquiète dans votre présentation, et je pense notamment à Lone Pine, là, qui poursuit pour la question de la fracturation de l'estuaire... Je n'ai pas vraiment une question, j'ai un sérieux malaise, parce que, dans les faits, ce que les scientifiques nous disent, c'est qu'il ne faut pas que ça sorte du sol. Alors, je ne vois pas comment vous arrivez... L'objectif que nous avons ici, c'est de dire comment on va le réduire de façon durable, et, si on met une empreinte majeure en l'exploitant... en l'exploitant, qui n'arrivera pas demain matin, entre vous et moi, là, ça va arriver en cours de route, hein, le projet que vous avez nommé, ça fait longtemps qu'ils sont sur la ligne de course...

Alors, je veux vous transférer ce malaise-là, parce que c'est sûr que c'est difficile pour des citoyens de voir qu'en même temps que vous nous dites : C'est ça, le chemin, bien, de l'autre bord, quand on ne le prend pas, vous poursuivez nos États. Je suis mal à l'aise.

Le Président (M. Reid) : Il vous reste une minute pour réagir.

M. Lefebvre (David B.) : O.K. Rapidement, je veux dire premièrement qu'à l'APGQ, nous, on a une approche collaborative et non une approche de confrontation — c'est une des raisons pour lesquelles on est ici ce soir — et on encourage tous nos membres à avoir ce même type de comportement.

Maintenant, c'est sûr qu'on parle en tant qu'association. Nous, on n'est pas responsables des comportements de chacun des membres comme tels dans différents dossiers. Et, nous, ce qu'on dit, par exemple : Que ce soit le pétrole ou le gaz, tant qu'on en utilise, tant qu'il y a une utilisation qui est faite, que ce soit au Québec ou ailleurs, et qu'on en sorte du sol, il pourrait être intéressant, sur le plan du bilan des gaz à effet de serre et de la lutte aux changements climatiques, d'en sortir davantage du sol québécois plutôt que de le faire sortir ailleurs, et de l'importer, et de, justement, payer les gaz à effet de serre sur le plan du transport.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, M. Lefebvre, M. Lévesque, merci pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 21 octobre — demain — 2015, donc, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 21 h 46)

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