Journal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles
Version préliminaire
42-1
(début : 27 novembre 2018)
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Le
lunes 23 septembre 2019
-
Vol. 45 N° 11
Mandat d'initiative - Examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l’environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation, et ce en reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois
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14 h (version non révisée)
(Quatorze heures deux minutes)
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de
l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Aujourd'hui, la commission est réunie afin
de procéder aux auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative
visant à examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement,
ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans
les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, et ce, en reconnaissance de
la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Tardif
(Rivière-du-Loup—Témiscouata) pour l'ensemble du mandat.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Alors, je vous rappelle que le 28 mars dernier, la commission
adoptait ce mandat d'initiative, puis, le 30 mai dernier, l'ancienne
consultation générale. Tous les citoyens et les organismes préoccupés par ces
enjeux étaient invités à participer à la consultation. Nous avons reçu et
analysé 76 mémoires. Nous sommes allés sur le terrain le 9 septembre
dernier pour rencontrer des agriculteurs qui ont mis en pratique des solutions
innovantes pour réduire ou éliminer leur utilisation de pesticides. Nous en
sommes maintenant à une étape importante de ce mandat. Nous allons recevoir
cette semaine 26 personnes et organismes en auditions. Nous débuterons cet
après-midi par les remarques préliminaires, puis nous entendrons Équiterre, la
Fondation David-Suzuki, l'Ordre des agronomes du Québec, M. Jocelyn Michon
ainsi que La Coop fédérée.
Alors, nous en sommes maintenant rendus à
l'étape des remarques préliminaires, et je cède la parole au porte-parole du groupe
parlementaire formant le gouvernement et député de Lac-Saint-Jean. M. le
député, vous avez 7 min 30 s, la parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Alors, merci, M. le Président. D'entrée de jeu, j'aimerais saluer tous mes
collègues parlementaires qui sont ici dans le but d'écouter les gens tout au
long de la semaine, mais aussi d'en apprendre davantage sur le mandat
d'initiative au niveau des pesticides. Donc, ça me fait plaisir d'être avec
vous sur ce dossier-là. J'aimerais aussi saluer les gens qui sont ici en ce
moment, les gens qui sont ici aussi pour vous présenter leur mémoire et écouter
aussi ce que les gens ont à dire. Et ça me fait vraiment plaisir, là, de vous
entendre, et dans une démarche de collaboration tout au long de la semaine.
Alors, comme je le disais tout à l'heure,
je suis fier de constater qu'on s'est tous entendu pour parler d'un sujet qui
est très important, celui de l'impact des pesticides sur la santé publique. En
tant qu'agriculteur, c'est un sujet qui est extrêmement important et qui me
touche beaucoup, et aussi qui touche tous les Québécois et Québécoises... qu'on
fasse tout notre possible pour s'assurer que les aliments qui vont dans nos
assiettes et dans celles de nos enfants ne contiennent rien de dangereux pour
la santé.
Une des choses qui me tenait beaucoup à
coeur aussi quand on discutait de la possibilité de ce mandat, c'est qu'on
prenne en compte la situation des agriculteurs tout au long du mandat. Je le
sais parce que j'ai moi-même travaillé dans les champs. Aujourd'hui, bien, j'ai
mis mes bottes de côté pour venir ici à l'Assemblée nationale. Vous savez, ce
n'est pas un métier facile. Il y a beaucoup de risques autant au niveau de la
météo que de parasites qui peuvent attaquer les récoltes. Et vous savez...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
... parce que j'ai moi-même travaillé dans les champs. Aujourd'hui, bien, j'ai
mis mes bottes de côté pour venir, ici, à l'Assemblée nationale. Vous savez, ce
n'est pas un métier facile. Il y a beaucoup de risques autant au niveau de la
météo que de parasites qui peuvent attaquer les récoltes. Et vous savez qu'on
parle de 25 à 30 récoltes dans une vie d'un agriculteur. Alors une année
de perte, ça représente une année complète.
Je savais que si on allait parler des
pesticides, il fallait qu'on pense aux enjeux que les agriculteurs vivent à
tous les jours si on voulait accoucher de constats qui ont une chance réelle
d'être applicables.
Au cours des dernières années, on entend
de plus en plus parler de l'importance de manger local. On parle de plus
d'environnement. On sait que manger local, c'est couper aussi dans les GES et
du transport des aliments. J'ajouterais que c'est aussi une manière de
s'assurer que la nourriture qu'on consomme respecte les standards de qualité
qu'on se donne ici.
On veut manger local, on veut manger
propre. C'est pourquoi je suis content qu'on prenne en compte la compétitivité
du secteur agricole québécois au cours du présent mandat parce que c'est la
seule manière d'atteindre ces deux objectifs importants pour la santé des
Québécois, Québécoises comme pour l'environnement.
Ce que j'ai cru comprendre quand j'ai
commencé à lire sur la situation des pesticides au Québec et j'ai passé au
travers des mémoires et je peux vous dire que vous avez travaillé très fort.
Ils sont tous très intéressants les uns que les autres, et j'en ai appris
beaucoup. Et comme je le disais, je ne suis pas un spécialiste des pesticides.
On sait aussi qu'au Québec, on est dans
une période de transition. Ce qui se faisait il y a 10 ans, aujourd'hui
n'est plus applicable. Depuis mars 2018, on demande des prescriptions aussi
pour l'épandage de l'atrazine. Depuis mars 2019, la vente de néonicotinoïdes
est interdite aux consommateurs commerciaux et on demande une prescription pour
les utilisateurs agricoles. On l'a vu lors de notre visite des fermes, et je
tiens à saluer tous les groupes parlementaires qui ont participé aux visites et
aussi remercier les producteurs, les productrices agricoles qui nous ont ouvert
leurs portes aussi durant ces visites de ferme.
Il existe aussi et lors des visites de
ferme, on a vu aussi qu'il existe des solutions innovantes, des solutions de
remplacement qui peuvent remplacer certains pesticides dans les champs du
Québec. On pense, entre autres, aux fameuses mouches roses, aux mesures
innovantes absolument fascinantes. Ce qu'on observe, c'est que la transition
est en marche et ça me donne de l'espoir. On parle d'innovation,
recherche-développement, de formation aussi. On sait qu'on a une nouvelle cohorte
d'agriculteurs, des agriculteurs plus jeunes qui ont eu la chance d'aller à
l'école aussi, d'aller dans les milieux collégial, universitaire, qui ont
appris aussi les nouvelles façons de faire de l'agriculture plus durable,
écologique et biologique.
Ce qu'on veut avoir d'ici la fin du
mandat, c'est un portrait clair de la situation québécoise pour orienter les
actions du gouvernement en la matière dans l'avenir. Comme je le disais tout à
l'heure, c'est très important. C'est important pour nous, les parlementaires.
J'ai hâte d'entendre ce que tous les
groupes ont à dire. Encore une fois, je suis très heureux qu'on ait choisi de
prendre le temps de parler d'un sujet qui est si important, qui est important
pour les Québécois et les Québécoises, ce qu'ils mangent dans leur assiette, ce
qui est important pour l'environnement, la faune, c'est ce qui est important
aussi pour tous les agriculteurs et agricultrices, les familles agricoles qui
jardinent et qui cultivent aussi le territoire, les milieux ruraux. Et ces
gens-là, aussi, eux, ont le souci de qu'est-ce qu'y ont dans leur assiette soit
de qualité.
J'aimerais aussi mentionner qu'au Québec,
on a quand même aussi des leaders au niveau canadien. On a des organisations,
on est des gens qui sont innovants. On est des gens qui peuvent faire de
grandes choses.
Alors, j'aimerais vous remercier tous, les
intervenants qui vont se joindre à nous tout à l'heure et tout au long de la
semaine. Et je sais que vous êtes tous des spécialistes dans vos domaines et on
a bien hâte, nous, ainsi que, j'en suis sûr, tous mes collègues, de vous
entendre.
• (14 h 10) •
Alors, merci. Merci d'avoir pris le temps
aussi d'être là. Ça va me faire plaisir de vous entendre et de pouvoir échanger
avec vous...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...tous des spécialistes dans vos domaines, et j'ai bien hâte... et on a bien
hâte, nous, ainsi que, et j'en suis sûr, tous mes collègues de vous entendre.
Alors, merci, merci d'avoir pris le temps aussi d'être là. Ça va me faire
plaisir de vous entendre et de pouvoir échanger avec vous. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. le député. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition
officielle en matière d'agriculture et députée de Maurice-Richard
à faire ses remarques préliminaires pour une durée de cinq minutes.
Mme Montpetit : Bonjour,
M. le Président, et merci. Je vais être assez brève dans mes commentaires.
Comme cinq minutes, ce n'est pas très long, mais à tout le moins saluer
l'ensemble des collègues avec qui on fera les travaux, mais avec qui on a déjà
partagé quelques heures ensemble, non seulement au printemps pour rencontrer
les organismes réglementaires, mais aussi, dans la dernière semaine, pour aller
sur le terrain. Remercier les gens qui sont venus nombreux aujourd'hui parce
que c'est une commission qui est extrêmement importante, et qui seront nombreux
aussi au cours des prochains jours. Et je dois vous dire qu'au-delà du fait que
c'est un sujet qui est extrêmement important, ça me réjouit beaucoup qu'on ait
l'occasion de parler de toutes ces questions-là pour notamment deux raisons qui
sont assez personnelles en ce sens que j'ai le bonheur de venir d'une petite
région agricole de la Montérégie-Ouest et d'avoir pu constater, au cours des
30 dernières années, comment l'agriculture a particulièrement changé
souvent pour le mieux, mais parfois aussi pas nécessairement en ce sens-là, à
quel point il y a une perte de la biodiversité aussi qui est flagrante dans les
campagnes du Québec, notamment au niveau des pollinisateurs, mais également
aussi comment il y a un impact sur la santé des agriculteurs qui sont les
premiers concernés.
Donc, je suis heureuse que, non seulement
la population se préoccupe de plus en plus de ces questions-là, à savoir
qu'est-ce qui se retrouve dans son assiette, ce qu'elle mange. Et le coeur de
nos discussions, j'espère prendront cette direction-là de la santé de la
population en général, mais de la santé de nos agriculteurs qui sont les
premiers concernés, les premiers à manipuler les pesticides. Et je pense que,
comme parlementaires, on a le devoir de faire un travail extrêmement rigoureux
sur ces questions pour assurer leur sécurité et la sécurité de leurs familles
également et maintenir... tout en maintenant la compétitivité. On mentionnait
l'intérêt pour l'achat local, mais avec achat local vient beaucoup de défis
pour nos agriculteurs, et c'est certain qu'en réglementant, il faut s'assurer
qu'ils demeurent compétitifs à l'international. Donc, je sais que, dans les
groupes qui vont venir nous rencontrer, on abordera entre autres ces
questions-là de comment on peut s'assurer de venir soutenir nos agriculteurs
pour qu'il se fasse une transition vers une utilisation moindre de pesticides.
Je vous disais, M. le Président, ça me
réjouit pour, bon, deux... deux raisons, une qui est un constat personnel que
j'ai fait au cours des dernières années, mais aussi le fait qu'il y a une
dizaine d'années j'ai fait une maîtrise sur exactement ces questions-là de
santé environnementale et plus précisément tout l'impact des facteurs
environnementaux sur notre santé. Et donc je suis heureuse de voir qu'on a
choisi notamment des experts de différents volets, tant sur l'impact sur la
biodiversité que sur les écosystèmes, et aussi sur la santé humaine, qui vont
pouvoir venir mettre au grand jour les impacts de l'utilisation des pesticides,
de nous informer adéquatement et nous permettre de faire nos travaux pour la
suite.
Évidemment, je souhaite que ce soit un
travail que nous réussirons à faire en collégialité et que nous arriverons à
émettre des recommandations qui iront dans une direction qui viendra soutenir
l'ensemble des groupes que nous rencontrerons et l'ensemble des recommandations
qui seront faites par ces différents groupes car elles sont très, très
nombreuses, ces recommandations. Et je pense qu'on a une opportunité qu'on doit
saisir, non seulement de s'informer, mais d'agir par la suite. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième
groupe d'opposition en matière d'agriculture, de pêcheries et d'alimentation et
député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue à faire ses remarques préliminaires pour
une période de 1 min 15s.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Donc, je suis bien contente que les auditions
commencent ce matin. Je pense que votre présence ici à tout le monde témoigne
de l'importance que vous... qu'on accorde collectivement à l'enjeu des
pesticides. Donc, je souhaite qu'on puisse miser sur une collaboration entre
les différents partis pour donner un... se donner un second souffle au niveau
d'un plan de transition au niveau de notre agriculture au Québec. On a beaucoup
de leviers à notre disposition, autant au niveau de la demande pour des
produits qui sont plus écologiques, qui sont plus sains pour notre santé et
pour l'environnement, et on a aussi le pouvoir de mieux encadre l'offre de ces
produits-là en soutenant nos agriculteurs, et...
Mme Lessard-Therrien : ...notre
agriculture au Québec. On a beaucoup de leviers à notre disposition, autant au
niveau de la demande pour des produits qui sont plus écologiques, qui sont plus
sains pour notre santé et pour l'environnement, et on a aussi le pouvoir de
mieux encadre l'offre de ces produits-là en soutenant nos agriculteurs, et je
rejoins un peu le message de ma collègue que cette commission-là sert aussi
à... On ne la fait pas juste pour nos enfants, en fait, on la fait pour... et pas
juste pour l'environnement, mais on la fait aussi pour tous les travailleurs du
domaine agricole qui manipulent les produits pas au quotidien, mais assez
régulièrement durant toute une saison. Donc, c'est pour mieux protéger leur
santé aussi, à ces gens-là. Donc, on veut... on s'engage à ce que cette
transition-là ne se fasse pas à leurs frais, mais bien avec eux. Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe
d'opposition en matière d'agriculture et d'alimentation et député de
Bonaventure à faire ses remarques préliminaires pour une période de
1 min 15 s.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Salutations à tous mes collègues, et bravo. Je pense que c'est un
grand mandat que nous avons là, et pour moi c'est quelque chose qui est aussi
important que les discussions que nous avons eues au Québec sur l'amiante et le
tabac. Il y a une penseuse, une philosophe, Hannah Arendt, qui disait :
«La culture, c'est prendre soin de son âme, et l'agriculture, c'est prendre
soin de sa terre.» Et les agriculteurs aiment leur terre, et je tiens à
souligner ici que l'objectif de la commission, ce n'est pas de les sanctionner,
et d'aucune manière que ce soit. Nous sommes ici pour faire la lumière sur un
constat, sur beaucoup de publications qui ont été faites dans les médias
récemment sur la possible toxicité de l'utilisation des pesticides en
agriculture sur la santé et l'environnement. Donc, on est ici pour permettre à
tout le monde de nous exprimer leur réalité, et j'ose espérer que cette
commission va déboucher sur un plan d'action solide et ne sera pas un plan de
communication ou un exercice de relations publiques. Donc, merci à tout le
monde qui avez déposé des mémoires. C'est sûr que nous allons agir avec
objectivité et permettre que la voix de tout le monde soit entendue. Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. le député. Donc, débutons maintenant sans plus tarder avec le premier
groupe, et je souhaite la bienvenue aux représentants d'Équiterre. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne, et la
parole est à vous.
M. Worms (Ryan) : Bonjour, M.
le Président, Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir. Mon nom est Ryan
Worms, je suis le directeur des communications et de la mobilisation à
Équiterre et je suis accompagné de Mme Nadine Bachand, qui est notre chercheure
senior sur les questions agricoles à Équiterre. Donc, merci.
Équiterre, évidemment, se réjouit de
pouvoir participer aujourd'hui aux travaux de cette commission parlementaire
que nous attendions depuis très longtemps. Nous ne sommes pas les seuls, comme
le démontre le vif intérêt dans le débat public que suscite votre mandat. Pourquoi
tant d'intérêt? Eh bien, je crois que c'est parce que les parents, les
consommateurs, les scientifiques, les médecins, les producteurs agricoles et la
population en général sont inquiets. Oui, nous sommes préoccupés, tout comme
vous l'êtes sans aucun doute, M. le Président et Mmes et MM. les députés, de
l'impact potentiel de l'utilisation croissante des pesticides sur notre santé
et celle de notre environnement, et même sur la productivité des fermes et de
nos sols. Nous sommes également préoccupés des signes évidents de la perte de
contrôle de la gestion de l'utilisation des pesticides dans l'agriculture
québécoise au profit de l'industrie qui les vend. Il en va de même concernant
une large partie de la recherche sur ces enjeux.
Équiterre, comme vous le savez, travaille
depuis plus de 25 ans à promouvoir l'agriculture biologique à travers la mise
en place du Réseau des fermiers de famille. Aujourd'hui, ce sont plus de 130
fermes qui sont dans ce réseau et qui nourrissent des dizaines de milliers de
personnes, de familles partout à travers la province. Demain, nous soulignerons
d'ailleurs l'alimentation locale institutionnelle, notamment avec l'Hôpital CHU
Sainte-Justine et le CHUM, dans le cadre de la Fête des récoltes, septembre
étant le Mois de l'alimentation locale. Au-delà du type d'agriculture que notre
réseau pratique et promeut, c'est le rôle central des femmes et des hommes qui
nous nourrissent dans notre société que nous voulons revaloriser ainsi que
l'importance de l'agriculture locale pour notre alimentation, pour notre santé
et le dynamisme économique de nos régions.
M. le Président, Mmes et MM. les députés,
durant les prochains jours, certains voudront réduire le sujet sur lequel vous
vous penchez à un bras de fer opposant environnementalistes au mieux ignorants,
au pire insensibles aux réalités des producteurs et, en face, des agriculteurs
fermés aux changements et dont la survie serait irrémédiablement liée aux
intérêts économiques de l'industrie des pesticides. Il n'en est rien, je vous
l'assure. Et, pour vous le prouver, je vous rappelle que c'est conjointement
avec l'Union des producteurs agricoles qu'au mois de mars dernier, nous sommes
sortis pour demander la tenue de cette commission.
• (14 h 20) •
Je conclus cette...
M. Worms (Ryan) : ...serait
irrémédiablement lié aux intérêts économiques de l'industrie des pesticides. Il
n'en est rien, je vous l'assure. Et, pour vous le prouver, je vous rappelle que
c'est conjointement avec l'Union des producteurs agricoles qu'au mois de mars
dernier nous sommes sortis pour demander la tenue de cette commission.
Je conclus cette introduction en souignant
que les audiences de cette commission débutent avec en parallèle une semaine
d'actions cruciales dans la lutte aux changements climatiques, à New York, qui
culminera, comme vous le savez, partout dans le monde, vendredi, par une grève
mondiale pour une action à la hauteur de l'urgence à laquelle nous faisons
face. Hier encore, un rapport intitulé : Unis dans la science,
écrit en collaboration par des organismes respectés comme l'Organisation
météorologique mondiale 14, le Programme des Nations unies pour l'environnement
ou encore le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat,
soulignait qu'environ 23 % des émissions totales de gaz à effet de serre
proviennent de l'agriculture, de la foresterie et autres activité reliées à
l'utilisation du sol et des terres. M.
le Président, Mme et MM. les députés, les
changements profonds que nous appelons pour notre agriculture et qui passent
entre autres par la fin de la dépendance aux pesticides ont le potentiel non
seulement de garantir notre santé, celles de nos producteurs et de notre
environnement, mais en plus de participer en première ligne à la lutte aux
changements climatiques. Pour ce faire, nous avons besoin de réponses, nous
avons besoin de faits scientifiques indépendants, de recherches et de suivis
rigoureux, nous avons besoin d'accompagnement et d'appui dans la transition
pour nos producteurs. Et, peut-être, même, encore plus, nous avons besoin d'une
action politique audacieuse qui sera guidée, nous l'espérons, par le fruit de
vos travaux. Nous devons sans plus attendre nous doter d'outils, de processus,
et de moyens adéquats dont je laisse maintenant ma collègue, Mme Nadine
Bachand, vous présenter les enjeux prioritaires contenus dans le mémoire que
nous vous avons soumis. Merci.
Mme Bachand (Nadine) : Alors,
il me fait plaisir, M. le Président, Mmes et MM. les députés, de vous exposer
la vision d'Équiterre pour réduire notre dépendance envers les pesticides de
synthèse et notre vision d'une agriculture plus durable et plus résiliente à
long terme. Contrairement à il y a cinq à 10 ans, où la question des pesticides
était peu sur la place publique et qu'il nous fallait encore débattre à savoir
si les pesticides causaient des risques pour la santé et l'environnement,
maintenant, tous s'entendent généralement pour dire qu'il faut agir et que des
méthodes et pratiques agricoles permettant de réduire significativement les
pesticides de synthèse sont disponibles, efficaces, rentables et compétitives
après une période de transition, probablement, comme en témoignent les fermes
que vous avez visitées, Mmes et MM. les députés, et qui sont seulement quelques
exemples parmi de nombreux autres. L'heure est venue d'adopter des pratiques
agricoles qui à la fois vont permettre de réduire l'empreinte de l'agriculture
sur l'environnement et la santé humaine, incluant le climat, et d'augmenter la
résilience des fermes et de notre agriculture face aux changements climatiques.
Pour Équiterre, une agriculture basée sur des pratiques de régénération des
sols, donc visant à rebâtir et maintenir la santé des sols, serait l'outil de
choix en permettant de capter significativement plus de carbone, donc de passer
d'une agriculture émettrice de ... de gaz à effet de serre, actuellement, à une
agriculture qui capterait les gaz à effet de serre, et d'améliorer l'empreinte
carbone de notre agriculture de même que sa résilience aux impacts du
changement climatique. Donc, ce qui est à retenir, ici, notre agriculture peut
faire partie de la solution climatique, et on doit l'accompagner et l'appuyer
pour ce faire.
Et ça permettrait de faire d'une pierre
plusieurs coups parce que qui dit meilleure santé des sols dit aussi réduction
de pesticides. La science et l'expérience terrain le montrent, quand on
améliore la santé des sols, on améliore la santé des plantes, et celles-ci
deviennent beaucoup plus résistantes aux organismes nuisibles. Et qui dit
meilleure santé des sols dit aussi de nombreux co-bénéfices à moyen et long
termes pour la société, les entreprises, l'environnement et notre santé. Réduction
des coûts par la réduction des intrants, meilleure fertilité des sols, et donc
meilleure productivité, meilleur stockage en eau, réduction de la contamination
des cours d'eau, atteinte des engagements provinciaux et nationaux en matière
de réduction des émissions des GES pour ne nommer que ceux-là.
La recherche et les expériences terrain
montrent que les services-conseils indépendants influencent positivement
l'adoption de pratiques agricoles favorables à l'environnement, dont... les
pratiques agricoles favorables à l'environnement, dont la réduction de
pesticide est inclue là-dedans. C'est pourquoi on recommande de s'assurer que
le soutien-conseil auprès des producteurs... qu'il soit indépendant des
intérêts liés à la vente de pesticides, d'une part, et, d'autre part, que le
gouvernement se réinvestisse de manière très importante dans le transfert de
connaissance et de soutien-conseil sur le terrain, transfert de connaissance
des outils qui existent déjà et qui ne demandent qu'à être mieux diffusés, et
qu'il y ait également des investissements en recherche afin de développer de
nouveaux outils. Ce soutien-conseil doit s'appuyer sur une science
indépendante, c'est pourquoi nous demandons que le gouvernement cesse de
financer les recherches qui ne sont pas 100 % indépendantes de
l'industrie, et, en contrepartie, que soient soutenues les recherches
entièrement indépendantes pour documenter de manière indépendante les risques
des pesticides et continue de développer des solutions de rechange...
Mme Bachand (Nadine) : ...ce
soutien conseil doit s'appuyer sur une science indépendante. C'est pourquoi
nous demandons que le gouvernement cesse de financer les recherches qui ne sont
pas 100 % indépendantes de l'industrie et, en contrepartie, que soient
soutenues des recherches entièrement indépendantes pour documenter, de manière
indépendante, les risques des pesticides et continuer de développer des
solutions de rechange à ceux-ci. Le gouvernement doit aussi se doter de
systèmes de mesure et de surveillance des pesticides qui soient plus rigoureux
et transparents. Aucune étude actuellement n'est menée au Québec afin de
déterminer comment l'exposition aux pesticides est impliquée dans la survenue
de maladies chez les populations exposées aux pesticides, comme le parkinson,
par exemple, qui est reconnu comme maladie professionnelle chez les
agriculteurs exposés aux pesticides en France.
Le gouvernement doit s'assurer qu'un
registre de pesticides appliqué soit informatisé, géolocalisé, comme c'est le
cas, par exemple, en Californie, qu'il soit élargi pour inclure tous les
enrobages de semence, parce que ce n'est pas le cas actuellement, et qu'il soit
accessible publiquement pour permettre au milieu de la recherche de réaliser
des études sur les effets des pesticides sur la santé publique et
environnementale. Pour s'assurer d'atteindre la cible de 25 % de réduction
du risque de la stratégie phytosanitaire, le gouvernement doit établir un
calendrier, avec des outils, des cibles de réduction chiffrées et un échéancier
précis pour éliminer les pesticides plus à risque et prévoir l'ajout d'autres
substances, d'autres pesticides à la liste de pesticides les plus dangereux,
dont les herbicides à base de glyphosate, par mesure de précaution pour
protéger la santé de la population et, en particulier, celle des agriculteurs qui
sont les premiers à potentiellement être exposés et pallier les failles
majeures de l'évaluation des risques au niveau fédéral.
Le gouvernement doit également envoyer un
signal clair au milieu à travers les programmes de soutien agricole et
d'assurance du risque agricole, qui doivent être modifiés de manière à
encourager l'adoption de pratiques agricoles favorisant la santé des sols et la
réduction des pesticides et éviter que ceux-ci soient utilisés comme une
assurance contre les risques en bonifiant, par exemple, la couverture
d'assurance des producteurs qui mettent en oeuvre un plan d'action comprenant
des pratiques agricoles régénératrices des sols et de réduction des pesticides
démontrée et efficace avec le soutien d'un conseiller indépendant.
Alors qu'il y a une surestimation du
risque économique associée à ces pratiques, ça lancera un signal aux assurés en
les incitant à adopter des pratiques agricoles de rationalisation des
pesticides. De plus, considérant les coûts importants que la gestion des pesticides
représente pour l'État ainsi que leurs impacts sur la santé et l'environnement,
des mesures d'écofiscalité et d'écoconstitutionnalité des aides doivent être
mises en place.
Parallèlement, en n'utilisant aucun
pesticide de synthèse, l'agriculture biologique contribue aux objectifs de
réduction des pesticides et de nombreuses recherches ont montré que les
rendements de l'agriculture biologique peuvent être aussi bons que ceux de
l'agriculture conventionnelle suite à une période de transition.
Nous sommes d'avis que le gouvernement
investisse significativement pour soutenir le développement d'une agriculture
biologique reposant sur des pratiques régénératrices des sols ainsi que le
transfert de connaissances vers l'agriculture conventionnelle. Ces mesures
permettraient d'amorcer de manière résolue une transition de notre modèle
agricole vers une gestion qui dépend moins des pesticides comme premier outil
de choix et qui mise plutôt sur le développement maximal et une meilleure
application des connaissances agronomiques visant le recours à des pratiques
régénérateurs sols et favorables au développement d'une agriculture plus
résiliente.
M. le Président, Mmes et MM. les députés,
je vous remercie de votre écoute.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange avec la partie du gouvernement. M. le député de Lac-Saint-Jean, la
parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci de l'exposé. Pourriez-vous me rappeler votre nom?
M. Ryan...
M. Worms (Ryan) : Worms.
W-o-r-m-s.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Et c'est Mme...
Mme Bachand (Nadine) :
Bachand.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bachand. Bon. Merci beaucoup. Alors, écoutez, j'ai bien aimé vous parler de
santé des sols, parler de connaissances et de transfert aussi. Donc, la
formation, l'innovation, quand même intéressant. Et au niveau de la
connaissance, de la formation, transfert, pouvez-vous un peu... de quelle
façon, au niveau de la formation, entre autres, avez-vous une idée de quelle
façon on peut procéder ou de quelle manière au niveau des ITA, des universités,
tout ça, est-ce que vous avez quelque chose, là, à mentionner à ce niveau-là?
Mme Bachand (Nadine) :
Tout à fait.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, Mme Bachand.
• (14 h 30) •
Mme Bachand (Nadine) :
Donc, oui, pour la formation universitaire, je parlais tout récemment avec une
jeune agronome qui était à la base technicienne en agronomie. Elle me disait
que la formation sur les pesticides est obligatoire dans la formation
technique, mais qui est depuis tout, tout récemment une formation sur les
pesticides est obligatoire au niveau de la formation des agronomes à
l'Université Laval. On pense que c'est un pas dans la bonne direction. On pense
également qu'il faut renforcer cette formation-là pour approfondir les
connaissances des futurs agronomes sur les risques des pesticides sur
l'environnement et la santé et aussi sur les pratiques alternatives comme la
lutte intégrée, par exemple, donc vraiment de les outiller de manière
importante aussi sur la question de l'agriculture régénératrice des sols...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Bachand (Nadine) : ...pense
également qu'il faut renforcer cette formation-là pour approfondir les
connaissances des futurs agronomes sur les risques des pesticides, sur l'environnement,
et la santé, et aussi sur les pratiques alternatives, comme la lutte intégrée, par
exemple. Donc, vraiment de les outiller de manière importante aussi sur la question
de l'agriculture régénératrice des sols, qu'ils aient vraiment en main un
coffre à outils très complet, très approfondi pour faciliter la transition.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
M. le Président. Alors... Donc, c'est intéressant d'entendre que vous avez eu
des discussions et que maintenant, là, ils ont une formation au niveau des
cours en agronomie au niveau des pesticides. Je pense que c'est primordial et
c'est la prémisse de base.
Et est-ce que vous avez aussi été plus
loin au niveau... plus au niveau, là, de la base, au niveau de ceux, justement,
qui appliquent et qui doivent travailler avec ces produits-là? Est-ce que le...
vous avez été capables d'aller chercher un petit peu plus d'information, pousser
un petit peu plus au niveau des... Ils utilisent-u des équipements de
protection, tout ça? Est-ce que vous avez des... élaborés à ce niveau-là, au
niveau des utilisateurs?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : Sur les
équipements de protection, je ne suis pas la spécialiste des équipements de
protection, je vous le dis en passant.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K.
Mme Bachand (Nadine) : Ce
n'est pas ma tasse de thé en particulier.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Je comprends.
Mme Bachand (Nadine) : Par
contre, ce que j'entends, en parlant avec les milieux, c'est que, oui, il y a
de la formation qui est donnée davantage, particulièrement dans les dernières
années pour vraiment renforcer l'importance de bien s'équiper et de bien
s'habiller, mais que, bon, par contre, ce n'est pas encore pleinement... ce
n'est pas partout dans le milieu, où c'est les équipements de protection sont
portés, les étiquettes sont bien appliquées, tout ça. Donc, c'est certain que
nous, on prône et on continue de prôner vraiment d'aller dans une approche vraiment
de prévention du risque pour les agriculteurs, mais aussi pour l'ensemble de
l'exposition après l'application de pesticides aussi, une fois que les
pesticides se retrouvent dans le milieu, dans les sols, dans les rivières, dans
les aliments.
Une voix
: ...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Ah! excusez-moi. Alors, j'ai vu dans vos recommandations que vous parlez des
services-conseils, au niveau... J'aimerais ça peut-être vous entendre un petit
peu plus à ce niveau-là. Peut-être aussi me nommer certains... en tout cas, si
vous connaissez, vous avez entendu parler de certains services-conseils ou
des... J'aimerais ça vous entendre à ce niveau-là un petit peu plus.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Bachand.
Mme Bachand (Nadine) :
Question vaste, mais je vais essayer d'y répondre au mieux...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui.
Mme Bachand (Nadine) : Oui,
j'ai des discussions... on a des discussions régulièrement avec des
services-conseils, notamment des clubs conseils agroenvironnementaux, entre
autres. Puis ce qu'on entend, notamment, c'est qu'il y a plusieurs outils qui
existent, mais qui... pour lesquels ils n'ont pas du tout le soutien, le
mandat, le... Ils ont l'expertise pour le faire, mais ils n'ont pas le soutien
et l'argent pour pouvoir les diffuser. Donc, il y a beaucoup d'outils qui
permettraient de réduire les pesticides, mais qui ne sont pas actuellement...
pour lesquels ils ne sont pas soutenus pour en faire la diffusion auprès du
milieu. Donc, déjà ça, d'investir, même modestement, dans vraiment le transfert
de connaissances qui existent déjà, d'outils qui existent déjà, qui sont déjà
prêts à être diffusés, ça serait vraiment une option très rentable et efficace.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
M. le Président. Peut-être précisant ma question, mais vous savez que tous les
entrepreneurs agricoles, toutes les agricultrices, agriculteurs ont accès à ces
services-conseils là. Donc, vous êtes... Ça, vous êtes au courant de ça, qu'ils
ont accès à ces services-conseils là? Et qu'il y a une multitude de
services-conseils à ce niveau-là, mais peut-être... Est-ce que vous en
connaissez, connaissez? Pouvez-vous m'en cibler, me nommer des
services-conseils, entre autres des... oui, particuliers?
Mme Bachand (Nadine) : Je
pense, par exemple aux discussions...
Le Président (M. Lemay) : Mme
Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : Oui,
excusez-moi. J'attends mon tour de parole.
Oui, je pense, par exemple, aux
discussions que j'ai eues. C'était très, très intéressant avec SCV, qui est un
service-conseil qui s'est démarré. C'est un ancien agronome d'un club-conseil
agroenvironnemental qui a démarré son propre service et qui s'occupe de
dizaines de producteurs à travers 10 régions au Québec, dans toutes les
productions et qui met de l'avant des pratiques régénératrices des sols, des
bonnes pratiques agricoles et qui voit des baisses importantes de pesticides
chez ces agriculteurs. Puis une discussion, entre autres, très intéressante que
j'ai eue avec lui, c'est qu'il me disait : Les agriculteurs ne connaissent
pas leurs coûts de production. Ils vont beaucoup prendre leurs décisions, par
exemple, sur le prix des grains sur le marché. Ça va avoir une influence à
peut-être tendre lorsque...
D'ailleurs, ça a été dénoté dans la
littérature économique. Lorsque le prix des grains augmente, l'indice de
pression à l'hectare, donc l'utilisation de pesticides à l'hectare, augmente.
Ça suit vraiment la courbe de prix des grains. Donc, on peut voir un petit peu
la tendance à utiliser davantage de pesticides pour protéger une marge
bénéficiaire, qui est certainement petite. Donc, lui disait : Si on allait
plutôt dans la logique que les agriculteurs évaluent leurs coûts de production,
on est capables de voir qu'en les soutenant dans une période de transition,
vraiment, ils sont capables d'avoir des gains, des gains mêmes
économiques — parce que ça coûte quand même un coût, les
intrants — ils sont capables d'augmenter leur productivité avec des
sols plus fertiles. Donc, c'est un exemple très intéressant. Il y en aurait
d'autres.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Mais vous êtes conscients...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député, allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Ah! excusez-moi, M. le Président, je vais prendre le... Je suis désolé de vous
couper
Mme Bachand (Nadine) : ...de
transition, vraiment ils sont capables d'avoir des gains, des gains même
économiques parce que ça coûte amendement un coût, les intrants, ils sont
capables d'augmenter leur productivité avec des sols plus fertiles. Donc, c'est
un exemple très intéressant. Il y en aurait d'autres.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Mais vous êtes conscients...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député, allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Ah! excusez, M. le Président, je vais prendre le... Je suis désolé de vous
couper la parole. Mais vous avez que les... quand même qu'au niveau des
producteurs, c'est des preneurs de prix, hein, donc qui sont aux prises avec
les prix qui sont offerts sur le marché. Donc, ça, c'est... Et moi, là... vous
aviez une recommandation, vous parlez de réduction chiffrée et d'un échéancier
pour l'élimination, mais d'un échéancier. Avez-vous une période de temps? Un
délai? Un nombre d'années? On fait-u ça demain matin ou...
Mme Bachand (Nadine) : ...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : Pardon.
Mon Dieu, je m'excuse. On est enjoué de discuter.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Non, ça va bien, ça va bien.
Mme Bachand (Nadine) : La
Stratégie phytosanitaire a elle-même une date butoir, vise elle-même à réduire
de 25 % les risques pour la santé et l'environnement avant 2021. Donc...
Mais d'ici là, il n'y a pas de jalon chiffré pour se rendre là. Il n'y a pas de
cible progressive et d'échéancier pour se rendre là. On a cette cible-là. On en
a eu depuis 1992. On sait qu'on les a ratées, c'est ce que le Vérificateur
général nous a confirmé en 2017. Donc, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait
vraiment des jalons temporels pour se rendre à notre objectif, avec des moyens
assortis. C'est ça, l'idée.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bien, je vous remercie beaucoup. Moi, M. le Président, je pense que je vais
laisser la parole à mes collègues.
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Donc, à cette étape-ci, Mme la députée d'Abitibi-Ouest, pour votre
question.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. le Président. Merci pour votre belle présentation. Alors,
j'aimerais... Pouvez-vous préciser davantage sur le rôle du fédéral et les
changements souhaités? Ils sont d'une grande responsabilité dans les dossiers d'homologation.
Que devrons-nous dire aux agriculteurs et aux parties prenantes qui souhaitent
que nous conservions la recherche appliquée, justement pour assurer le
transfert des connaissances? Au Québec, nous avons environ 30 partenaires
qui travaillent à plus de 125 initiatives de transition en agriculture
durable. Cette initiative est appuyée par les agriculteurs et elle est
complémentaire à la recherche fondamentale. Pourquoi les opposer?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) :
...pourquoi les?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Pourquoi les opposer?
Mme Bachand (Nadine) : Les
opposer?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui.
Mme Bachand (Nadine) : Vous
voulez dire les opposer à...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Les opposer. Pourquoi les opposer au niveau de cette façon de faire?
Mme Bachand (Nadine) : O.K. Je
vais commencer par répondre à la première question... sur la question des
failles dans le processus d'évaluation fédérale. Au niveau du fédéral, on sait,
vous avez vu aussi dans la présentation qui a été faite au mois de mai, le
gouvernement fédéral prend majoritairement les études des promoteurs, des
industries qui proposent les pesticides. Et, pour nous, c'est un problème
important. On a vu, par exemple, pour ne donner que cet exemple-là, dans le
dossier de la réhomologation du glyphosate, pour 15 ans encore, là, qui a
été réhomologué en 2017, que la réhomologation s'est faite sur la base d'une
littérature scientifique à 80 %, fournie par l'industrie, une littérature
scientifique qui datait de plusieurs années. Et on sait que la littérature
scientifique, au cours des toutes récentes années, a vraiment foisonné sur les
risques potentiels, là, du glyphosate pour la santé, et que la majorité de la
littérature indépendante qu'on consulte met en lumière un risque potentiel du
glyphosate pour le cancer, alors que la littérature scientifique, les données
de l'industrie sur laquelle s'est fondé majoritairement l'ARLA pour faire la
réhomologation, conclut plutôt... minimise plutôt les risques de cancer. Ça,
c'est un exemple.
Il a été mis de côté, par exemple, aussi,
tout l'impact de ce pesticide-là sur le microbiote, donc tous les
microorganismes digestifs dans le système digestif de l'humain et dans les sols
également, alors qu'on connaît le glyphosate pour être homologué comme un
antibiotique. Donc, ça, ça a été écarté également. Ça, c'est des exemples.
Donc, ça, c'est des failles très, très importantes.
Également, il n'y a pas d'études qui sont
faites pour voir quels sont les impacts des synergies qui pourraient avoir
lieu, donc on exposé au quotidien à... on ne sait pas combien, mais
certainement plusieurs produits chimiques simultanément, puis plusieurs
pesticides simultanément, probablement, dans la même journée et ceci n'est pas
pris en compte, entre autres quand on établit les doses journalières
acceptables. Donc, il y a plusieurs, plusieurs failles, là, qui sont mises en
lumière, là. Je ne sais pas si ça répond bien à votre question, Mme la députée.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Qu'est-ce qu'une dose journalière acceptable?
Mme Bachand (Nadine) : C'est
la dose qui est déterminée pour être présumément sans impact sur la santé
lorsqu'on le consomme d'une manière quotidienne.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. À ce stade-ci, je vais céder la parole au... M. le député de Maskinongé,
allez-y.
• (14 h 40) •
M. Allaire : Merci, M. le
Président. C'est un plaisir de vous rencontrer...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
...acceptable?
Mme Bachand (Nadine) :
C'est la dose qui est déterminée pour être présumément sans impact sur la santé
lorsqu'on le consomme d'une manière quotidienne dans un aliment.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. À ce stade-ci, je vais céder la parole au... M. le député de Maskinongé,
allez-y.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. C'est un plaisir de vous rencontrer. Merci pour votre mémoire,
c'était très intéressant.
Naturellement, on est au Québec, ici.
Quand on met en place une commission comme celle-ci, on espère que les
observations qu'on va faire vont nous amener à un autre niveau, mais on espère
surtout qu'ils vont nous faire adopter les meilleures pratiques sur le marché.
J'imagine que, dans votre mémoire, vous
avez pris le temps peut-être d'explorer ce qui se faisait ailleurs dans le
monde. Si on aurait à se coller sur un autre pays parce qu'ils ont les
meilleures pratiques, et que, nous, ça nous permettrait un peu de s'améliorer,
en fait, naturellement, ça serait quel pays puis pourquoi?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : Je
peux donner une réponse peut-être à plusieurs niveaux. Si on regarde juste par
la lorgnette des pesticides, il y a plusieurs pays européens qui ont pris
action rapidement.
Donc, par exemple, la famille des
pesticides... la famille des néonicotinoïdes, l'Europe les a interdits depuis
décembre dernier, la France depuis un an, la majorité des usages en
agriculture, là, pas tous, tous les usages mais la majorité. L'atrazine, par
exemple, est interdite en Europe depuis 15 ans. Donc, il y a davantage une
mentalité, je dirais, des processus qui sont un peu plus de tendance du
principe de précaution du côté européen.
L'Autriche, l'Allemagne sont en mouvement
aussi, ont déclaré l'interdiction du glyphosate dans les prochains mois. La
France est en mouvement vers ça. Bon, il y a des pays comme le Vietnam, qui les
ont déjà interdits.
Du côté des pesticides, les pays, en fait,
d'Europe, notamment... bien, principalement, vont aller davantage rapidement
pour interdire les pesticides jugés à plus haut risque. Ça, c'est une approche
qu'on trouve, bien sûr, intéressante.
Puis, du côté des pratiques agricoles
elles-mêmes, là, on pourrait en parler très longtemps, mais il y a aussi des
initiatives très intéressantes qui se font du côté des pays européens. Du côté,
par exemple, des pratiques agricoles bios mais aussi, de manière générale, du
côté des bonnes pratiques agroenvironnementales, il y a du soutien, en fait,
très intéressant qui se donne.
Notamment, l'Autriche est championne, là,
du côté du soutien à l'agriculture bio. Leurs superficies sont à 24 %
actuellement. C'est une entreprise sur cinq qui est certifiée biologique. La
Suède est à 18 %, alors que la moyenne européenne est à 7 %. C'est
déjà plus élevé qu'ici. Ici, on est à 3 % des superficies. Le Danemark
aussi a doublé son objectif, est rendu à 9 %.
Donc, il y a place ici beaucoup, beaucoup,
beaucoup avec la demande des consommateurs aussi à augmenter cette offre-là.
Peut-être que mon collègue voudrait compléter du côté de la demande.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Est-ce que, M. Worms, vous voulez rajouter quelque chose?
M. Worms (Ryan) :
...peut-être également... Je pense qu'on a parlé de la Californie sur le suivi
et l'indépendance. Ça serait un exemple à suivre.
Mais, quand vous posiez, Mme la députée,
la question sur la problématique avec le fédéral, je pense... ce que je
voudrais souligner, c'est le principe de précaution. À partir du moment où nous
avons des doutes sur le processus au niveau fédéral pour homologuer ou
réhomologuer les pesticides, nous croyons que le gouvernement du Québec a le
devoir de mettre en place toutes les mesures pour protéger les producteurs,
bien sûr, en premier, tout en garantissant la performance de notre agriculture
mais aussi la santé de la population.
Et, si je peux me permettre juste une
petite parenthèse plus personnelle, ma jeune nièce Ilona de 11 ans est atteinte
d'autisme, d'un autisme d'une forme assez grave. Et ce que je peux aujourd'hui
vous dire que cette maladie...
Le Président (M. Lemay) :
...interrompre un instant, M. Worms, je sais...
M. Worms (Ryan) : Pardon?
Le Président (M. Lemay) :
C'est très intéressant pour votre nièce, mais, par contre, nous tombons sur le
temps de l'opposition officielle.
M. Worms (Ryan) : Excusez-moi.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Je suis sincèrement désolé, M. Worms.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président, mais continuez sur ce que vous disiez.
Le Président (M. Lemay) :
Continuez, M. Worms.
M. Worms (Ryan) : ...ce que je
vous disais, je ne peux absolument pas certifier aujourd'hui de liens entre la
maladie qui afflige ou le syndrome qui qui afflige ma nièce et l'utilisation
des pesticides, du glyphosate en particulier. Mais, par contre, j'aimerais
avoir ces réponses. J'aimerais vraiment qu'une science indépendante appuyée par
le gouvernement puisse venir fournir ces réponses à moi, et aux parents, et aux
dizaines de milliers de parents qui vivent ces situations-là.
Donc, quand on parle de principe de
précaution, quand on parle de faille au niveau fédéral, c'est aussi en pensant
à toutes les personnes qui sont affligées et les producteurs en premier. On le
sait aujourd'hui, on l'a entendu, le lien avec la maladie du Parkinson. Il y a
un certain doute sur l'utilisation d'un nombre de pesticides avec les liens
avec certaines maladies. Faisons les études qu'il faut pour avoir les réponses.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Worms. Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, puis merci de nous livrer ce témoignage parce que c'est certainement
au cours des réflexions qu'on doit faire, puis le groupe...
M. Worms (Ryan) : ...
l'utilisation d'un nombre de pesticides avec les liens avec certaines maladies,
faisons les études qu'il faut pour avoir les réponses.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Worms. Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, puis merci de nous livrer ce témoignage, parce que c'est certainement
au cours des réflexions qu'on doit faire puis un autre groupe qu'on reçoit cet après-midi,
la Fondation David-Suzuki a entre autres souligné ces questions-là la semaine
dernière entre autres sur les liens avec le parkinson qui est relativement bien
démontré dans la littérature scientifique, mais avec l'autisme aussi, qui n'est
pas clairement démontré encore, mais sur lequel on doit certainement se
questionner tous ici.
J'ai plusieurs questions à la lecture de
votre mémoire, mais avec ce que vous nous apportez aussi, une première qui
est... Je ne voudrais pas mal vous citer, mais vous parlez bien de réduction
des pesticides et non d'abolition des pesticides. Est-ce à comprendre que vous
ne suggérez pas d'abolir et d'interdire totalement l'utilisation des pesticides
en terre agricole au Québec?
Le Président (M.
Lemay) :Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : Oui,
tout à fait. Je suis contente que vous posiez la question, ça va permettre de
faire une clarification importante, là. Non, on ne demande pas, on n'a jamais
demandé l'interdiction totale de tous les pesticides. On a demandé, et on
continue de le faire, de demander par contre du moins la réduction drastique ou
l'interdiction des pesticides les plus à risque, vraiment ceux pour lesquels,
dans la littérature scientifique, les doutes sont fort importants et de manière
générale une réduction significative, parce que, plus largement que le débat
sur telle maladie ou tel pesticide, il faut reculer d'un pas, puis vraiment, il
y a suffisamment de drapeaux rouges dans la littérature scientifique et au fil
de l'histoire aussi.
On a vu avec le DDT dans les
années 40, 50, où on s'est rendu compte finalement que c'était trop toxique.
On l'a interdit, ça a été remplacé par une autre famille de produits chimiques,
les organophosphorés, entre autres le chlorpyriphos qu'on utilise
encore. On s'est rendu compte que c'était trop... qu'il y avait des impacts
importants au niveau neurotoxique pour le développement du cerveau des enfants.
On en a interdit les usages en milieu résidentiel au début des
années 2000. On commence à aller vers ça en agriculture. On les remplace
par une autre famille de pesticides, etc.
Donc la roue tourne comme ça,
on remplace des produits chimiques par d'autres, et finalement, le temps que
les études se fassent, on se rend compte que peut-être qu'ils n'étaient pas si
bénins que ça, ces produits-là. Donc, il faut sortir de cette... de l'ornière,
je dirais, dans laquelle on... la dépendance envers les pesticides pour
vraiment aller... par ailleurs, et c'est ce qu'on dit, avec les programmes de
soutien à l'agriculture, insuffler vraiment de nouvelles... une nouvelle
pratique et faire cette transition-là vers une moins grande dépendance envers
les pesticides.
Le Président (M.
Lemay) : Mme la députée.
Mme Montpetit : J'aimerais
vous entendre aussi plus précisément quand vous parlez de réduction drastique
des pesticides à haut risque. J'aimerais vous entendre plus précisément sur le
glyphosate, dont on a entendu beaucoup parler au cours des dernières semaines
aussi.
Vous l'avez mentionné, là, au cours des
dernières années, la nouvelle réglementation vient vraiment encadrer
l'utilisation de cinq pesticides, dont le néonics, dont l'atrazine, vient
l'interdire, à moins qu'il y ait une prescription par un agronome. Ce n'est pas
le cas pour le glyphosate. On a reçu l'ARLA, l'agence d'évaluation à ce
niveau-là, qui ne partageait pas nécessairement la même position que celle de
l'Europe.
J'aimerais vous entendre. Est-ce que vous
considérez, vous, que le glyphosate fait partie de ce que vous qualifiez de
pesticides à haut risque? Et est-ce que ça devrait être un pesticide qui
devrait être encadré davantage, sinon interdit?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : Merci.
Oui, on pense qu'il devrait être encadré davantage. En ce moment, il ne fait
pas partie, et c'est un des absents, là, de... effectivement des pesticides
restreints. Actuellement, dans l'évaluation du risque, l'indice de risque qu'on
lui a attribué au Québec, on a des beaux indicateurs de risque développés au Québec
qui sont très innovateurs. Par contre, cet indice-là, actuellement, ne tient
pas compte de la littérature récente.
• (14 h 50) •
Notamment, par exemple, la semaine passée,
je voyais un tout récent article scientifique qui est paru en mai 2019 des
chercheurs de l'INSERM, qui n'est pas... qui est une institution française très
reconnue — elle a reçu notamment deux prix Nobel en médecine — qui
montraient des effets majeurs de perturbation endocrinienne chez des rats exposés
in utero à faible dose, en dessous des doses permises, là, les limites
permises, donc : altération de la morphologie des testicules, diminution
de la testostérone, baisse radicale du nombre de spermatozoïdes, donc, et le
glyphosate est entre autres fortement soupçonné d'être un perturbateur
endocrinien qu'on dit donc un perturbateur du système hormonal, qui n'agissent
pas selon un modèle classique d'augmentation des effets avec l'augmentation de
la dose — on appelle ça «l'effet dose-réponse» — et n'agissent
pas de cette façon-là, ils peuvent avoir des effets importants à très, très,
très faibles doses. Donc, c'est très difficile d'établir des seuils qui sont
sans danger, donc. Et, parallèlement à ça, une autre méta-analyse qui était
sortie en février qui montrait que les personnes les plus exposées, donc les
travailleurs...
Mme Bachand (Nadine) :
...n'agissent pas de cette façon-là, ils peuvent avoir des effets importants à très,
très faibles doses, donc c'est très difficile d'établir des seuils qui sont
sans danger.
Et parallèlement à ça, une autre
métanalyse qui était sortie en février, qui montrait que les personnes les plus
exposées, donc les travailleurs agricoles, aux herbicides à base de glyphosate
avaient 41 % plus de risque de développer un cancer de type lymphome non
hodgkinien, pour ne nommer que ceux-là. Donc, on ne veut pas crier au loup, là,
mais il y a la littérature scientifique qui, sans parler de causalité
absolument démontrée parce que c'est très difficile à faire, du côté
épidémiologique, de démontrer une causalité, mais il y a un poids de preuves
qui s'accumulent et qui s'accumulent, je vais vous expliquer tout à l'heure
comment il avait été évalué au fédéral.
Donc, nous, on pense que... et en ce
moment, même si, ce que je disais tout à l'heure, au Québec les indices de
risque, ils l'ont classé... il est classé très faible. Actuellement, malgré que
son état de risque ne tient pas compte de la littérature scientifique récente,
il est classé dans les 10 pesticides au palmarès des 10 pesticides
les plus importants au niveau des risques pour la santé et l'environnement au
Québec parce qu'il est très utilisé, c'est le plus utilisé au Québec au monde.
Donc, sachant ça, je pense qu'il faut se diriger vers une réduction
progressive, c'est ce qu'on a demandé, dans notre mémoire, et en commençant par
les usages qui ne sont pas essentiels, comme, par exemple, il est utilisé pour
dessécher des récoltes, dessécher les cultures avant les récoltes, même pas
pour ses effets herbicides en tant que tels. Donc, il y a des usages qui, dès
le début d'un plan d'action pour, à terme, en éliminer l'usage, pourraient être
faits très rapidement.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Ça répond très clairement à ma question. Vous avez écrit... dans
votre mémoire, vous avez cité à deux reprises que... bon, qu'en 2003 le Québec
est devenu un leader en réglementation des pesticides quand il y a eu une
vingtaine — si je ne me trompe pas — d'ingrédients actifs
qui avaient été interdits en zone urbaine, et vous réitérez en disant qu'en
novembre 2015, avec la Stratégie québécoise sur les pesticides, c'était la
stratégie la plus ambitieuse en matière de pesticide en Amérique du Nord.
Qu'est-ce qui, selon vous, à ce stade-ci
aujourd'hui, a fait qu'on pourrait aller plus loin précisément ou qu'est-ce qui
fait qu'au niveau de cette réglementation-là... est-ce qu'il y a des failles?
Est-ce que c'est parce qu'elle n'est pas appliquée? Est-ce parce qu'il y a un
encadrement qui devrait être plus restreint, dans le fond, parce que c'était la
stratégie 2015-2018? Donc, on arrive à un moment où justement il peut y
avoir une prochaine étape.
Mme Bachand (Nadine) :
Oui, tout à fait. Cette réglementation-là, nous, on aurait demandé d'abord et
avant tout un plan pour éliminer les matières les plus dangereuses, les plus à
risque. Bon, en ce moment, elles sont permises, mais sous prescription d'un
agronome. On peut voir quand même qu'il y a eu des baisses qui ont été
annoncées, là, par le ministère de l'Environnement, quand vous les avez
entendus au mois de mai.
Ceci dit, je pense qu'il faut se doter
d'un plan pour vraiment viser une réduction plus costaude que ça, parce que ce
qui arrive, en ce moment, c'est qu'on voit des produits de remplacement prendre
la place. Entre autres, du côté des néonicotinoïdes, on voit que les
concentrations des produits de remplacement, par exemple, le
chlorantraniliprole, le cyantraniliprole, d'autres insecticides, là, qui sont
utilisés à la place des néonics, augmentent dans les rivières et bien qu'ils
n'aient pas l'impact de très haute toxicité sur les abeilles, pour ne parler
que de ces deux-là, ils sont extrêmement ou très toxiques pour la faune
aquatique. Donc, est-ce qu'on n'est pas en train de déplacer le problème? C'est
pour ça que nous, on parle d'avoir une vision globale et de vraiment y aller de
manière systémique en envoyant un signal clair aux producteurs par les programmes
de soutien, par les programmes d'assurance du risque pour vraiment qu'il y ait
une démarche globale qui soit faite vers se passer... aller vers la prévention,
donc au lieu d'aller chercher le médicament, plutôt agir en prévention des
problèmes, des problématiques qu'on rencontre dans les...
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée, environ une minute.
Mme Montpetit : Il me me
reste pas beaucoup de temps, il me restait deux questions, mais je vais en
revenir à l'ARLA qui, quand on les a rencontrés, nous disait deux choses quand
même assez, assez... en tout cas qui, si vous avez suivi, étaient assez
questionnables, justement le fait qu'ils ne se basaient pas sur le paradigme du
principe de précaution pour prendre leurs décisions, mais aussi sur le fait
qu'ils ne mesuraient pas l'effet cumulatif des pesticides. J'aimerais peut-être
vous entendre sur cette dernière partie comme on n'a pas beaucoup de temps.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) :
Oui. Donc... et tout à fait. Donc, le principe de précaution est en fait
enchâssé dans la loi canadienne sur les produits antiparasitaires, mais on voit
que, dans l'application, ça ne percole pas. Donc, c'est une des raisons pour
lesquelles on dit aussi que le Québec fait bien actuellement d'aller vraiment
vers... avec la tenue de cette commission-ci... notamment, d'aller vraiment
vers une restriction plus grande, là, et le Québec a la compétence pour le
faire. Donc, c'est vraiment très important qu'on aille au-delà de ce que le
fédéral fait.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Sur ce, je cède la parole à la députée de...
Mme Bachand (Nadine) :
...bien actuellement d'aller vraiment vers... avec la tenue de cette commission-ci...
notamment, d'aller vraiment vers une restriction plus grande, là, et le Québec
a la compétence pour le faire. Donc, c'est vraiment très important qu'on aille
au-delà de ce que le fédéral fait.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Sur ce, je cède la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. À la... Bien, à vous entendre, je pense qu'on comprend très
bien beaucoup d'arguments en faveur de la réduction des pesticides, notamment
pour la santé et pour l'environnement.
Mon collègue ici a soulevé par contre à
quel point les producteurs sont dépendants des prix et comment l'utilisation
des pesticides... vous l'avez abordé dans votre mémoire, mais est utilisée
comme un outil de gestion du risque, donc pour s'assurer, là, de, justement,
obtenir les marges qu'on souhaite avoir. Avez-vous des arguments peut-être plus
économiques pour les gens qui seraient plus sceptiques de réduire l'utilisation
des pesticides, sur leur rentabilité, par exemple?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Bachand.
Mme Bachand (Nadine) : En
fait, pour parler avec plusieurs agriculteurs qui font autrement sur le
terrain, pour parler avec plusieurs agronomes aussi qui soutiennent ces
producteurs-là, ce qu'on entend, c'est que c'est rentable, en fait, d'employer
d'autres pratiques qui permettent de prévenir les pesticides. Donc, on veut
avoir une agriculture qui permet d'agir en mode préventif que curatif. Et ça
devient rentable parce qu'on enrichit les sols. Comme je le disais d'entrée de
jeu, qui dit sols en santé dit moins d'intrants, moins de pesticides, dit plus
grande fertilité, plus grande résilience aussi aux variations du climat. En ce
moment, le climat, on est dans une position de vulnérabilité, et ça va aller en
croissant, on ne se le cachera pas.
Donc, avec vraiment... une agriculture
basée vraiment sur la santé des sols, c'est vraiment la base. Parlez aux
agriculteurs qui font, qui ont des pratiques alternatives, ils vont vous le
dire vraiment. La santé du sol, c'est primordial parce que c'est ce qui permet,
après ça, d'être plus résilient face aux mauvaises herbes, face aux insectes.
D'avoir cette diversité-là permet vraiment... Une diversité dans
l'agroécosystème permet vraiment d'être plus résilient.
Notre modèle agricole, actuellement, est
basé sur la monoculture intensive, et donc qui est très demanderesse en
pesticides, en fertilisants, qui ont aussi des impacts importants, bon, sur les
cours d'eau, sur... en termes de pression de gaz à effet de serre, là. L'oxyde
nitreux qui est émis est 300 fois plus puissant en termes d'effet de serre que
le monoxyde ou le bioxyde de carbone. Donc... j'ai perdu mon fil... donc, oui,
c'est très, très, très important, là, de... Et c'est ce qu'on entend sur le
terrain, c'est que c'est possible de faire autrement.
Oui, mon idée revient. Donc, notre modèle
agricole est fondé en ce moment sur, je disais, la culture intensive. Et pour
l'exportation. Donc, elle va principalement à nourrir les porcs, qui sont à
70 % exportés. Donc, je pense qu'il faut se tourner vers une agriculture
locale...
Le Président (M. Lemay) : Mme
Bachand, je dois vous interrompre, le temps étant écoulé avec la deuxième
opposition. Le temps, maintenant, est rendu au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. On va aller directement à la question ou aux questions. Bon, dans
votre mémoire, là, vous soulignez, bon, les différentes initiatives du
gouvernement du Québec. Vous parlez, entre autres, en 1992, de la Stratégie
phytosanitaire, qui visait à réduire de 50 % l'usage des pesticides avant
l'an 2000. On parle de la stratégie québécoise des pesticides en 2015-2018.
Mais pourquoi ça n'a pas fonctionné? Pourquoi on a une augmentation quand même
importante de l'utilisation des pesticides au Québec, dans un contexte où on a
voulu se doter de politiques ou de toutes sortes de plans, mais... Voilà la
question.
Le Président (M. Lemay) : M.
Worms.
M. Worms (Ryan) : Écoutez,
vous verrez les recommandations, M. le député, que nous avons mises dans notre
rapport. Je crois qu'il faut avoir un réinvestissement du gouvernement, un
réinvestissement de l'État dans l'accompagnement de ces transitions. C'est
peut-être là où il y a eu un manque. Entre autres, hein, dans les dernières
années, on le voit, la capacité des ministères concernés, notamment aux
ressources humaines, pour accompagner le monde agricole et aussi le type
d'accompagnement au niveau financier n'ont peut-être pas été suffisants.
• (15 heures) •
Et pour prendre un autre aspect par
rapport à cette question, le développement aussi des filières locales. Je vous
parlais que ce mois-ci, c'est le Mois de l'alimentation locale. Comment est-ce
que le gouvernement, les ministères concernés pourraient appuyer nos
producteurs à travers, notamment, l'appui des institutions, hôpitaux, écoles,
universités et autres, à aller acheter, s'approvisionner de manière locale?
Donc, ça, c'est peut-être des pistes qui n'ont pas été suffisamment explorées.
Et, comme on le dit, un réinvestissement massif du gouvernement, que ce soit
dans le service-conseil indépendant, que ce soit dans la...
15 h (version non révisée)
M. Worms (Ryan) : ...institutions,
hôpitaux, écoles, universités et autres à aller acheter, s'approvisionner de
manière locale. Donc, ça, c'est peut-être des pistes qui n'ont pas été suffisamment
explorées. Et comme on le dit, un réinvestissement massif du gouvernement, que
ce soit dans le service-conseil indépendant, que ce soit dans la recherche
indépendante, bien, c'est nécessaire pour pouvoir atteindre les cibles qui ont
été fixées.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Roy
: À la
page 10, vous dites qu'il y a des provinces qui nous ont dépassés par
rapport au plan de 2003, quelles provinces?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Bachand.
Mme Bachand (Nadine) :
Par rapport au plan de 2003?
M. Roy
: Oui.
Mme Bachand (Nadine) : On
parle ici du Code de gestion des pesticides. En fait, oui, le Code de gestion
des pesticides s'adresse au milieu urbain, et d'ailleurs s'il y a un lieu où on
parle de pesticides ici à des fins moins essentielles, peut-on dire, à des fins
souvent esthétiques. Donc, le Québec a été vraiment un pionnier en adoptant le
code de gestion. Ça a insufflé un mouvement dans les autres provinces. Il y a
l'Ontario qui a adopté une réglementation qui va encore plus loin à toutes fins
pratiques tous les pesticides de synthèse à des fins esthétiques en milieu
urbain. Il y a d'autres provinces comme la Nouvelle-Écosse aussi qui ont été
plus loin.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme Bachand. Ceci complète cette période. M. Worm,
merci beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution. Je vais suspendre les
travaux quelques instants pour permettre aux représentants de la Fondation
David-Suzuki de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 1)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants
de la Fondation David-Suzuki. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi
que la personne qui vous accompagne, et la parole est à vous.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés, c'est vraiment un honneur
d'être reçues ici aujourd'hui pour être entendues.
J'ai commencé mon doctorat en sciences de
l'environnement il y a déjà 10 ans. Je travaillais sur le lessivage des
pesticides dans les champs de maïs et de soya génétiquement modifiés. Donc,
j'étais amenée à aller échantillonner directement dans les champs avec...
courir après l'eau de pluie pour aller chercher des carottes de sols, et il
m'est arrivé un jour de pénétrer dans un champ pour aller préparer le terrain
avant la vaporisation aux herbicides à base de glyphosate, et quand je suis
rentrée le soir, j'ai appelé l'agriculteur pour lui dire que tout était en
place pour l'arrosage du lendemain. Malheureusement, l'agriculteur m'a dit que,
contrairement au plan, son sous-contractant était passé le matin même avant que
j'arrive dans le champ pour vaporiser le champ. Je suis donc pénétrée, il n'y
avait pas de pancarte qui m'indiquait que le champ venait d'être traité. Je
n'avais aucun équipement de protection personnelle. Quelques semaines plus
tard, j'ai rencontré mon médecin, le coeur du foetus que j'avais dans le ventre
avait cessé de battre. Il y a des études scientifiques qui démontrent que
l'exposition au glyphosate peut causer des fausses couches. C'est une anecdote.
Je n'ai pas de preuve de lien de causalité. Je suis scientifique. Je suis
biologiste. Si le bébé ne s'est pas accroché, c'était probablement mieux ainsi.
Mais il persiste un doute dans ma tête, je vais toujours avoir ce
doute-là : Est-ce que mon exposition involontaire, accidentelle au
glyphosate aurait pu causer cette perte-là? Je ne le saurai jamais. Mais ce qui
m'inquiète encore plus, ce n'est pas la question par rapport à moi-même, c'est
la question par rapport à notre société...
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...si le bébé ne s'est pas accroché, c'était probablement mieux ainsi. Mais il
persiste un doute dans ma tête. Je vais toujours avoir ce doute-là. Est-ce que
mon exposition involontaire, accidentelle au glyphosate aurait pu causer cette
perte-là? Je ne le saurai jamais.
Mais ce qui m'inquiète encore plus, ce
n'est pas la question par rapport à moi-même, c'est la question par rapport à
notre société. Combien de nos concitoyens sont exposés au quotidien à des
pesticides à leur insu, que ce soit dans leurs aliments, dans leurs eaux ou
encore dans leurs milieux de vie? Et c'est ce qui me motive à travailler,
encore aujourd'hui, sur les pesticides. J'ai donc fait mon examen synthèse en
science de l'environnement, mon examen de doctorat, sur les processus
d'évaluation de la toxicologie des pesticides. J'ai participé à de nombreuses
revues de littérature scientifique, je communique régulièrement dans les médias
pour vulgariser cette question complexe là auprès des décideurs et je fais maintenant
partie du comité de suivi de la justification et de la prescription des
pesticides qui a été mis sur pied après la récente refonte réglementaire.
Mme Le Berre (Mélanie) :
Alors, bonjour. Je suis Mélanie Le Berre, analyste de politique climatique à la
Fondation David-Suzuki. J'ai une maîtrise en environnement et développement
durable de l'Université de Montréal, et mon mémoire de maîtrise portait sur les
systèmes alimentaires durables nécessaires vis-à-vis de la transition
socioécologique à laquelle nous devons... dans laquelle nous devons s'engager
pour faire face aux changements climatiques et au déclin de la biodiversité.
Depuis, je me suis spécialisée dans l'analyse des politiques publiques face aux
changements climatiques, dont l'agriculture fait partie, comme l'ont expliqué
nos collègues d'Équiterre.
Rapidement, la Fondation David-Suzuki,
depuis 1990, a pour mission de protéger les générations actuelles et futures à
travers la science. Et, plus particulièrement concernant les pesticides, nous
faisons de la vulgarisation, auprès des décideurs et du grand public, sur les
travaux scientifiques les plus à jour qui documentent les conséquences des
pesticides sur la santé humaine et l'environnement. Entre autres, nous avons
aidé à faire connaître le déclin des populations d'insectes, des pollinisateurs
en particulier, et les enjeux liés aux néonicotinoïdes.
Dans le cadre de cette commission
parlementaire cruciale, tout d'abord, nous voulons mettre de l'avant que Québec
a le pouvoir de mieux encadrer, restreindre et interdire la vente des
pesticides homologués par l'ARLAde Santé Canada. Et c'est tant mieux car plusieurs
failles ont été démontrées dans les processus d'homologation des pesticides,
comme les conflits d'intérêts des études financées par les industries qui,
elles, profitent de la mise en marché de ces pesticides. Les municipalités,
elles aussi, peuvent adopter des règlements encore plus contraignants. À ce
jour, 144 municipalités ont déjà adopté des règlements pour restreindre
l'usage des pesticides sur leurs territoires. Dans ce contexte, Québec pourrait
donc interdire la vente de pesticides sur le territoire de celles-ci.
Par ailleurs, il faut savoir que le bilan
des ventes et le suivi des pesticides dans les cours d'eau du gouvernement du
Québec sont vus comme des modèles à l'échelle canadienne. Malheureusement,
leurs constats sont inquiétants. On y observe une maigre diminution des risques
pour la santé humaine de 3 % entre 2006 et 2017 avec un objectif de moins
25 % d'ici 2031 tel que nous venons de le mentionner avec Équiterre.
Deuxièmement, on constate une hausse de
plusieurs ingrédients actifs dans les rivières en milieux agricoles avec
plusieurs dépassements des critères destinés à protéger la vie aquatique, et
une des conséquences visibles de ceci, c'est la perte des moucherons et des
éphémères dans nos ruisseaux qui ne vous émeut peut-être pas aujourd'hui, mais
plusieurs ont pourtant pleuré la perte des 3 milliards d'oiseaux en
Amérique du Nord depuis 1970 annoncée la semaine dernière.
La récente refonte réglementaire néglige
certains aspects prévus dans la Stratégie québécoise sur les pesticides, entre
autres le fait de favoriser économiquement l'utilisation de pesticides les
moins à risque par l'introduction d'incitatifs économiques. Ainsi, malgré sa
position avant-gardiste, Québec a échoué dans l'atteinte de ses objectifs.
Bref, la longue tradition québécoise de sensibilisation ne suffit pas à
atteindre des résultats. Cependant, les justifications et les prescriptions
agronomiques, malgré leurs imperfections, montrent déjà des résultats tangibles
avec, par exemple, la baisse de 40 % dans l'usage de l'atrazine en 2017.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Les impacts de santé des pesticides sont nombreux. Le Collège ontarien des
médecins de famille avait une méta-analyse portant sur 142 études en
Ontario et leur conclusion était formelle, les pesticides nuisent à la santé
reproductive. Pourtant, l'humanité vit une baisse de sa fertilité. Les
pesticides nuisent au neurodéveloppement, les scientifiques indiquent aussi que
l'humanité est en proie avec une épidémie mondiale de troubles
neurodéveloppementaux. En France, même constat, on reconnaît maintenant le
lymphome non hodgkinien et la maladie de Parkinson comme maladies
professionnelles. Vous entendrez nos collègues de Parkinson Québec venir
témoigner cette semaine. Ce qu'il s'est passé dans le cas du Parkinson, c'est
que ça a pris trois décennies à transformer des corrélations scientifiques en
lien de cause à effet avec une certitude. Maintenant, il faut agir à ce
niveau-là.
• (15 h 10) •
Comme on le mentionnait tout à l'heure, au
niveau de l'autisme, on n'a pas encore la causalité avec certitude, mais on a
les mêmes drapeaux rouges, les corrélations qu'il y avait déjà une trentaine
d'années au niveau du parkinson. Est-ce qu'on va attendre encore...
Mme Hénault-Ethier (Louise) : ...corrélation
scientifique en lien de cause à effet avec une certitude, maintenant, il faut
agir à ce niveau-là. Comme on le mentionnait tout à l'heure, au niveau de
l'autisme, on n'a pas encore la causalité avec certitude, mais on a les mêmes
drapeaux rouges, les corrélations qu'il y avait déjà une trentaine d'années au
niveau du parkinson. Est-ce qu'on va attendre encore 30 ou 40 ans avant d'agir,
ou si Québec va exiger des études avancées de neurotoxicité développementale
dans l'évaluation de ces pesticides-là? L'ARLA ne l'exige pas, c'est peut-être
à Québec d'y pallier.
Les pesticides persistent très longtemps
dans l'environnement. Ils sont donc toxiques plusieurs années après qu'on les
ait retirés du marché. Et on est exposé à un cocktail de pesticides au
quotidien, ça peut être jusqu'à huit herbicides en même temps dans nos
rivières, selon le ministère de l'Environnement, plus de cinq pesticides en
même temps, selon les récents chiffres du MAPAQ, sur les pesticides dans nos
aliments. Pourtant, plusieurs scientifiques disent qu'il y a des effets de
synergie dans certains cas, c'est-à-dire que deux pesticides ensemble sont plus
toxiques que la somme de leur toxicité individuelle. Il faut donc agir parce
que l'ARLA ne les évalue qu'un par un.
Pour atteindre les réductions, les
résultats qu'on souhaite vraiment, la Fondation David-Suzuki a mis de l'avant
21 recommandations. Je tiens à dire que nous appuyons l'ensemble des recommandations
qui ont été mises de l'avant par Équiterre, qui vous ont été présentées et, par
souci d'efficacité, nous allons donc sauter à ce qui n'a pas encore été
discuté. Il faut restreindre significativement ou interdire complètement l'utilisation
des pesticides toxiques pour la reproduction et le neurodéveloppement. Vous
cherchez à le faire, à hausser l'âge légal pour la consommation de cannabis,
parce que vous êtes inquiets sur le neurodéveloppement de nos enfants, faites la
même chose pour les pesticides. Il faut continuer à sensibiliser le public et
aussi faire la formation des médecins parce que les médecins n'ont aucune idée
comment reconnaître les symptômes d'intoxication aux pesticides à court ou à long
terme. Il faut interdire les publicités. C'est inadmissible de rentrer dans une
quincaillerie, et qu'on voit une pancarte qui dit : Achetez un insecticide
à 20 $ aujourd'hui et recevez 20 $ de rabais en magasin dans un mois.
Ce sont des incitatifs qui ne sont pas admissibles. Pensez au tabac, c'est
maintenant interdit de faire des publicités sur le tabac, c'est interdit
d'avoir des placements de produits avantageux, ça devrait être la même chose
pour les pesticides.
Au niveau du bilan des ventes, il faut
être plus transparents, révéler le nom précis des ingrédients actifs et leur...
réel, permettre des cartographies qui permettront aux médecins épidémiologistes
de réellement voir qu'est-ce qui se passe au niveau de la santé publique par
rapport à l'endroit où les pesticides sont utilisés. Un bilan aux deux ans,
c'est insuffisant et inefficace pour avoir des bonnes mesures de prévention. Il
faut changer le règlement, mettre la liste des pesticides qui ont été intégrés
dans le règlement, les cinq pesticides les plus à risque, dans une annexe qui
va être revue périodiquement, chaque deux ans, et bonifiée au fur et à mesure
que les avancées scientifiques se concrétisent. Il faut éviter le conflit
d'intérêts. Il est inadmissible que des agronomes qui bénéficient
économiquement de la vente des pesticides puissent les prescrire. Les
pharmaciens et les médecins sont deux professions distinctes, ça devrait être
la même chose dans le cas de l'agriculture. Il faut favoriser l'indépendance de
la recherche et s'assurer que ce qu'on va faire va être en réponse aux
changements climatiques qui s'en viennent à très court terme.
En fait, il faut favoriser l'économie
locale, les fruits et les légumes québécois sont moins contaminés aux
pesticides, c'est un levier économique important. Il faut mettre en application
le principe de précaution, ce n'est pas vrai qu'un pesticide est innocent
jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable. Si on a des doutes, on applique le
principe de précaution et on évalue ensuite, on ne maintient pas les usages.
Mme Le Berre (Mélanie) :
Alors, pour conclure, il faut se rappeler que l'idée de l'indispensabilité des
pesticides pour nourrir l'humanité est un mythe avéré. Malheureusement, les
mécanismes en place pour garantir la protection de l'homme et de la nature à
leur égard sont aujourd'hui largement suffisants. Pourtant, tel que l'a
souligné le Vérificateur général du Québec en 2016, le gouvernement a une
obligation de résultat face à ses propres règlements et non une obligation de
moyens. Alors, notre mémoire détaille beaucoup plus d'enjeux, notamment
relatifs à l'environnement, mais ce qu'il faut retenir, c'est que les enjeux
pour la société québécoise sont grands, ce pour quoi, Mmes et MM. les députés,
vous avez aujourd'hui la possibilité et l'immense responsabilité de marquer le
coup et d'influence le Québec de demain, tout en accompagnant les agriculteurs
dans cette transition.
Le momentum est, bel et bien, là pour
considérer sérieusement les alternatives aux pesticides qui se déploient,
d'ores et déjà, partout au Québec, tout en se démontrant compétitives et
bénéfiques aux producteurs et aux inventeurs d'ici et qui prouvent qu'économie
peut parfaitement rimer avec écologie.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme Le Berre, Mme Hénault-Ethier. Maintenant, nous allons passer la
parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Thouin : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Ethier, ainsi que Mme Le Berre, pour votre exposé. Et je
pense aussi que vous, vous avez travaillé ça en collaboration avec Équiterre et
aussi l'UPA dans vos travaux.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Oui, effectivement, donc la Fondation David-Suzuki et Équiterre ont une longue
tradition de collaboration dans les dossiers des pesticides, et on a aussi
participé à la demande de la tenue de cette commission-là avec...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...avec Équiterreet aussi l'UPA dans vos travaux? O.K.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Oui, effectivement. Donc, la Fondation David-Suzuki et Équiterre ont une longue
tradition de collaboration dans les dossiers des pesticides et on a aussi
participé à la demande de la tenue de cette commission-là avec l'Union des
producteurs agricoles.
D'ailleurs, dans les dernières semaines,
quand on a vu le contenu du mémoire de l'Union des producteurs agricoles, ont
s'est rendu compte qu'ils étaient très inquiets pour la santé de leurs
producteurs et aussi très inquiets parce que le gouvernement fédéral a autorisé
des outils pour le travail des agriculteurs, et, pendant longtemps, on leur a
dit que ces outils-là, ils étaient parfaitement sécuritaires, et on se rend
bien compte aujourd'hui que ce n'est pas le cas. Les agriculteurs doivent donc
être accompagnés vers d'autres méthodologies.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Justement, dans votre mémoire, vous parlez beaucoup du
fédéral, puis... versus le provincial, le Québec. Puis vous l'avez dit tout à
l'heure, au Québec, je... c'est ça que j'ai cru entendre, produire des aliments
de qualité... et vous dites... en tout cas, moi, ce que j'ai cru comprendre de
votre mémoire, on est des leaders par rapport au fédéral. On a une expertise, quand
même... il faut quand même voir qu'il y a de l'innovation qui s'est faite, il y
a de l'avancée qui s'est faite aussi et il y a des efforts aussi qui se font énormément
sur le terrain. On sait aussi que le ministère de l'Agriculture, le ministère
de l'Environnement aussi quand même a apporté de grandes modifications dernièrement
dans la dernière stratégie 2015‑2018. Il y a des analyses aussi de
l'échantillonnage qui se fait avec le ministère de l'Environnement, qui est une
très bonne chose au niveau, là... au niveau des pesticides.
Mais j'aimerais vous entendre un petit peu
plus au niveau du fédéral. Ce que je comprends, là, c'est que... vous êtes-tu
en train de dire... ou croyez-vous que l'ARLA ne fait pas bien son travail?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
En fait, c'était une des questions centrales dans mon examen synthèse doctoral.
Donc, c'est certain que c'est un dossier sur lequel j'ai une expertise assez
grande.
J'ai analysé beaucoup ce qui se passe au
Canada en parallèle avec ce qui se passe aux États-Unis et en Europe et je vous
dirais que le Canada, à l'échelle mondiale n'est pas un cancre en termes
d'évaluation des pesticides, loin de là. Il y a des pays qui n'ont aucune
capacité d'évaluation des pesticides. Donc, on n'est pas là. Le Canada est aussi
un leader au niveau de l'OCDE dans le développement de protocoles standardisés
pour l'évaluation des pesticides, comme vous l'a dit l'ARLA lors de leur
témoignage.
Cependant, il y a énormément de failles
dans nos modes d'opération. De un, on évalue principalement l'ingrédient actif
pour tout ce qui est des études de toxicité à court, moyen, long terme, des
études avancées de neurotoxicité et de cancérogénicité. Les formulations
commerciales que l'on trouve sur le marché ne sont que très peu évaluées. On va
les évaluer entre autres pour savoir s'ils sont irritants pour la peau. Mais,
pour tout ce qui est cancérogénicité ou neurodéveloppement à long terme, on ne
l'évalue pas.
Au niveau fédéral, il y a énormément de
failles aussi parce qu'on voit... Équiterre le mentionnait tout à l'heure, les
études qui sont utilisées sont fournies par l'industrie, donc il y a un conflit
d'intérêts apparent. Ce conflit d'intérêts apparent là se maintient et se
concrétise dans la mesure où les scientifiques indépendants n'ont même pas
accès aux données de l'industrie pour les contrevérifier. Donc, c'est... L'ARLA
vous a mentionné qu'il y avait toujours l'accès à une salle de lecture. C'est
faux. Elle n'est pas accessible tout le temps, elle est accessible seulement en
période de consultation, et on ne peut pas y amener un ordinateur pour faire
des analyses statistiques sur les données qui y sont présentées.
Le Président (M. Lemay) :
...Mme Hénault-Ethier. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
... Puis là je comprends, les ingrédients actifs, puis, tout à l'heure... En
tout cas, j'aimerais ça vous entendre aussi sur tous les... le produit, là, les
adjuvants qui sont rajoutés, hein, tout ça, la réaction.
Mais le fédéral, il vous répond quoi
lorsque vous leur dites ces choses-là? Parce que vous leur... vous intervenez
au niveau du fédéral. Ils vous répondent quoi?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Bien, le fédéral a accepté plusieurs des recommandations qu'on avait mises de
l'avant dans l'importance de faire l'évaluation des risques cumulatifs des
pesticides, donc cumuler l'exposition dans l'eau, dans les aliments de
différents pesticides qui ont un mode d'action similaire. Donc, on a une bonne
relation avec le fédéral. Je vous dirais qu'on exige plusieurs choses de leur
part, dont le retrait des néonicotinoïdes. On se plaint énormément des longs
délais injustifiés pour retirer ces substances-là du marché, qui ont déjà été
bannies en Europe. Donc, au niveau fédéral, on continue d'intervenir. On a...
ce qui...
Le défi qu'on a en ce moi-même, c'est
qu'il faut intervenir sur une substance à la fois. Dans la loi canadienne, on
oblige de réévaluer, de faire une évaluation spéciale des pesticides qui ont
été retirés du marché dans d'autres pays de l'OCDE. Et il a fallu que la
Fondation David-Suzuki avec Équiterre poursuive le gouvernement fédéral pour
qu'il applique sa propre loi et procède à la révision de deux dizaines
d'ingrédients actifs qui avaient été bannis ailleurs dans les pays de l'OCDE,
dont notamment l'atrazine.
Donc, le gouvernement fédéral, on les aide
à bien faire leur travail puis à respecter leur propre loi en étant, en quelque
sorte, des chiens de garde de la bonne marche des évaluations des pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
• (15 h 20) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, effectivement. Bien, de toute façon...
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...d'ingrédients actifs qui avaient été bannis ailleurs dans les pays de l'OCDE
dont notamment la l'atrazine. Donc, le gouvernement fédéral, on les aide à bien
faire leur travail puis à respecter leurs propres lois en étant, en quelque
sorte, des chiens de garde de la bonne marche des évaluations des pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. Effectivement, bien, de toute façon, je sais, en tout cas, comme vous
venez de le dire, vous avez une grande formation, vous avez fait une étude à ce
niveau-là, puis tout à l'heure je parlais aussi des... vous parlez des
ingrédients actifs, il y a aussi toute la... quand on parle des adjuvants, des
fois, on dit : Ce n'est pas réactif. Mais là, une fois que tu fais le
mélange, bien, en tout cas... Il y a toute cette question-là. Et vous voudriez
donc, au Québec... est-ce que vous voudriez qu'au Québec on interdise des
produits qui sont... est-ce que vous voudriez qu'au Québec... qu'on utilise
partout au Canada... qu'on interdise certains produits, ici, au Québec, mais
qu'on laisse les utiliser ailleurs au Canada?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Le Québec a la responsabilité de protéger son économie et ses concitoyens. Oui,
le Québec doit interdire l'utilisation des pesticides les plus à risque.
L'atrazine, le chlorpyrifos et les néonicotinoïdes devraient être totalement
restreints. Maintenant, nous travaillons de concert avec le gouvernement dans le
comité de suivi de la justification agronomique et des prescriptions, et on
voit déjà des résultats tangibles intéressants de cette approche-là, mais,
sérieusement, il y a trop d'études scientifiques qui émanent de partout dans le
monde qui montrent que ces produits-là auraient dû être retirés du marché il y
a longtemps. Le Québec aurait des gains économiques, probablement en santé et
en agriculture, majeurs, à se détourner de ces substances-là qui sont
dangereuses.
Vous avez abordé, déjà, à deux reprises,
la question des adjuvants et des additifs qu'on met dans les ingrédients...
dans les pesticides. En fait, on évalue seulement l'ingrédient actif, celui qui
a des propriétés pour tuer des insectes ou tuer des mauvaises herbes, par
exemple. Mais, les coformulants ne sont pas tous étudiés un coup qu'ils sont en
synergie avec les ingrédients actifs. On dit que le plus toxique... l'ARLA vous
a confié que le plus toxique, c'était l'ingrédient actif et que le reste,
c'était nettement moins toxique. Alors, pourquoi est-ce que l'industrie dépense
énormément d'argent pour ajouter des coformulants dans les produits commerciaux
de pesticides si les coformulants n'ont aucune forme de toxicité? Les adjuvants
peuvent permettre une meilleure pénétration des pesticides à l'intérieur des
tissus des plantes, et, par le fait même, à l'intérieur du tissu de la peau
humaine. C'est faux de dire que ces produits-là n'ont pas de toxicité
intrinsèque.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Intéressant. C'est intéressant, je suis content que vous m'ayez répondu cette
question-là. Mais je veux revenir un petit peu, là, ce que vous venez de me
dire tout à l'heure, auparavant, que oui, au Québec, on devrait interdire
l'utilisation de certains pesticides de synthèse à base, exemple, de tel et tel
produit. Mais, pour le reste du... tu sais, le reste... vous savez, on est dans
un marché libre, puis le reste du Canada, les produits voyagent, hein, entre
eux autres, les aliments voyagent. Et moi, tu sais, je veux m'assurer aussi que
ma population, que notre population, ce qu'ils consomment, ce qui arrive de mon
voisin, bien, ça a été produit, aussi, comme chez nous, là, au Québec. Vous ne
croyez pas qu'il n'y aurait pas de la... une place à, justement, avoir un juste
milieu au niveau, là, parce que je trouve... vos êtes quand même assez
catégorique sur l'interdiction? Je voudrais vous entendre un petit peu
là-dessus, par rapport, tu sais, le marché, les produits, tout ça.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Merci. La même précision que ma collègue Nadine Bachand a amenée à Mme
Montpetit en réponse à sa question. La Fondation David-Suzuki n'a jamais milité
pour l'interdiction totale de tous les pesticides de synthèse, c'est faux. Par
contre, les pesticides n'ont pas tous la même toxicité. Il y en a qui sont
reconnus comme étant plus toxiques. Prenons par exemple le chlorpyrifos.
L'Agence américaine pour la protection de l'environnement a déposé, il y a
quelques années, un bilan qui disait que c'était trop dommageable pour le
développement du cerveau des enfants, qu'on devrait le retirer du marché. Peu
après, ils ont sorti un autre bilan qui disait que ce produit-là était trop dommageable
pour la faune et la flore et menaçait plusieurs espèces qui sont en danger
d'extinction, qu'on devrait le retirer du marché. Il y a eu des élections
fédérales aux États-Unis et une nouvelle nomination à la tête de l'EPA, et, ce
qui était dans les cartons, donc ils devaient bannir le chlorpyrifos depuis
longtemps, n'a pas été fait. L'agence européenne vient d'émettre un avis
défavorable à la réhomologuation du chlorpyrifos. Il est temps qu'on fasse la
même chose ici. Quand on parle de compétitivité du maché, ça va dans les deux
sens. C'est sûr qu'on veut que tous les produits québécois soient compétitifs
sur l'échelle internationale, et certains vont argumenter qu'il faudrait
peut-être ou pas des pesticides. Mais pensez à l'Italie qui ne veut plus rien
savoir du blé canadien parce qu'il y a trop de glyphosate à l'intérieur. Donc,
ça fonctionne dans les deux sens. Et, au niveau du Québec, on est des leaders
en termes de suivi des pesticides dans les rivières et en termes des bilans de
vente de pesticides, et on doit maintenir ce leadership-là, on doit montrer aux
autres à travers le Canada comment faire d'aussi bons suivis. D'ailleurs,
l'ARLA s'inspire, et l'Environnement Canada s'inspire très fortement de ce que
le Québec fait...
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...et, au niveau du Québec, on est des leaders en termes de suivi des
pesticides dans les rivières et en termes des bilans de ventes des pesticides,
et on doit maintenir ce leadership-là, on doit montrer aux autres à travers le Canada
comment faire des aussi bons suivis. D'ailleurs, l'ARLA s'inspire, et
Environnement Canada s'inspire très fortement de ce que le Québec fait pour
prendre des décisions à l'échelle nationale.
Le Président (M. Lemay) :
...député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Je suis content d'entendre, là, votre position au niveau du Québec par rapport
à l'ARLA et je comprends très bien, là, ce que vous voulez dire. Il y a du
travail à faire au niveau de l'ARLA énormément.
Alors, je vais laisser la parole à mon
collègue. Je pense, M. Tremblay voulait prendre la parole.
Le Président (M. Lemay) :
...excusez-moi. M. le député de Dubuc, la parole est à vous.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Bonjour aux collègues. Bonjour à vous. Je suis honoré de partager la
réflexion avec la fondation, nombreux militants à l'échelle canadienne, au Québec.
Dites-moi, pour mieux comprendre, tantôt,
vous avez évoqué une trentaine d'années pour des corrélations entre les
conséquences de pesticides. Je comprends, historiquement, que la Fondation
David-Suzuki travaille sur le dossier au niveau scientifique depuis une dizaine
d'années.
Plus précisément, quels ont été les
éléments déclencheurs qui ont fait en sorte que vous entriez en scène... bien,
en tout cas, avec des budgets de recherche puis peut-être aussi des
collaborations comme on peut le voir? Qu'est-ce qui a été les éléments plus
précis?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...une précision au niveau de la question. Quels sont les éléments qui ont fait
que la Fondation David-Suzuki s'est intéressée aux enjeux des pesticides?
M. Tremblay : Oui.
Mme Hénault-Ethier (Louise) : O.K.
Bien, la mission même de la Fondation David-Suzuki, c'est de protéger
l'environnement et la santé des humains maintenant et pour les générations
futures. Donc, de par la base de notre mission, on se doit de s'y intéresser.
La Fondation David-Suzuki travaille aussi beaucoup
avec les évidences scientifiques. Donc, on s'intéresse à la recherche de
pointe. On est en contact régulier avec une vaste diversité de chercheurs. On
réalise nous-mêmes des études scientifiques. Des fois, on va travailler de pair
avec d'autres organisations, comme dans le cas de l'étude sur l'autisme, qui a
été faite en collaboration, entre autres, avec Autisme Montréal, dont l'étude
sur le parkinson, qui a été publiée récemment en partenariat avec Parkinson
Québec. On travaille aussi en partenariat avec les médecins pour
l'environnement, que vous allez recevoir aussi un peu plus tard cette semaine.
Donc, la Fondation David-Suzuki travaille aussi avec l'UPA dans plein d'autres
dossiers, dont notamment la protection du territoire agricole.
On ne travaille pas en vase clos et on
cherche vraiment à savoir : Comment est-ce qu'on peut utiliser les
évidences scientifiques les plus à jour et les plus complexes, et les
vulgariser à l'attention des décideurs du grand public et de la communauté en
général?
Ce sont donc des questions qui sont très
difficiles et qui demandent beaucoup de nuances, et c'est mon métier justement
d'expliquer et de simplifier la science mais, en faisant la vulgarisation, de toujours
s'assurer qu'il y a une intégrité scientifique derrière le message qui est
véhiculé.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Dubuc.
M. Tremblay : Merci. Oui.
Autre question. Vous travaillez de façon ponctuelle avec plusieurs partenaires,
en tout cas, qui ont été ciblés, Québec, entre autres, autisme... la société de
l'autisme sur des mandats précis. Est-ce qu'il y a toujours un travail comme ça
qui est ponctuel sur des mandats précis?
Ou je prends l'exemple de... Au niveau de
la santé mentale, on a formé un groupe de recherche ici, à Québec, où des
psychiatres et un différent nombre de scientifiques ont créé un groupe
d'intervention ou une structure de travail qui est permanente puis qui peut
même permettre maintenant d'être comme groupe-conseil auprès de la ministre de
la Santé.
Est-ce que vous avez une structure qui est
présentement existante, qui documente en collectif ou sinon est-ce que c'est en
chantier, et est-ce qu'il y a des mandats précis sur lesquels vous souhaiteriez
plancher ou si ce n'est pas déjà le cas, puis que ça impliquerait... en tout
cas, il y a peut-être deux, trois sous-questions, puis quel ministère, parce
qu'on voit que c'est très interministériel aussi? Comment vous voyez l'avenir
par rapport au travail plus scientifique, plus collectif?
Le Président (M. Lemay) :
...M. le député, si vous voulez qu'ils puissent répondre... Environ 20
secondes.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...qui doivent venir en ce moment au Québec, c'est d'inclure le ministère de la
Santé et le ministère de l'Éducation dans tout ce qui entoure les enjeux sur
les pesticides, ce n'est pas seulement à l'environnement et au MAPAQ.
Et on collabore aussi avec des chercheurs
de façon permanente, par exemple le collectif de recherche écosanté sur les
pesticides, les politiques publiques et les alternatives, qui va aussi venir
présenter, et on collabore à toutes les tables auxquelles on est invités de la
part du gouvernement, dont le suivi des registres des prescriptions et des
justifications agronomiques des pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Donc, je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président, Mme Le Berre, Mme Hénault-Ethier. Merci
beaucoup pour ce vibrant témoignage et surtout pour tout le travail que je sais
qu'il y a derrière tout ça.
• (15 h 30) •
Mme Hénault-Ethier, je me...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...des pesticides.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, donc je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Mme Le Berre, Mme Hénault-Ethier, merci beaucoup
pour ce vibrant témoignage et surtout pour tout le travail que je sais qu'il y
a derrière tout ça. Mme Hénault-Ethier, je me permettrais un petit mot en
commençant pour vous remercier pour ce témoignage très personnel que vous nous
avez fait. Je suis certaine que perdre un bébé, ce n'est jamais quelque chose
qui est facile, mais quand on a des questions résiduelles qui demeurent, à
savoir si oui ou non, il y a une cause, j'imagine que ça doit être d'autant
plus troublant.
Et malheureusement, vous n'êtes
certainement pas la seule au Québec à avoir ce genre de questionnement là...
des agriculteurs, entre autres, qui ont le cancer, des agriculteurs, vous
l'avez mentionné, qui ont la maladie de Parkinson et qui doivent se poser les
mêmes questions que vous, qui doivent certainement avoir les mêmes doutes que
vous. Et je pense qu'on doit... de faire tout le travail qui est nécessaire
pour trouver des réponses pour ces gens-là et s'assurer que, le cas échéant,
s'il y a des liens de causalité, qu'on s'assure justement de mettre les
réglementations en place pour que ça n'arrive plus.
Je voulais d'entrée de jeu vous demander
plusieurs choses, là. Je sais que vous êtes des chercheures bien aguerries.
Vous aviez... évoquiez la nécessité d'avoir des études avancées sur la
neurotoxicité des pesticides. J'ai fait cette demande-là publiquement aussi
pour appuyer votre sortie la semaine dernière, que je trouvais fort pertinente,
parce que clairement c'est un grand manque et je pense que pour pouvoir
faire... prendre des décisions éclairées, encore faut-il qu'on ait cerné comme
il faut le problème. Et il y a certainement des manques au niveau de la
littérature scientifique au Québec là-dessus.
Vous avez parlé, puis je veux juste être
certaine, vous avez parlé d'interdire les pesticides qui ont une incidence
reliée précisément au... une incidence, donc, neurodéveloppementale et, vous
avez dit, au niveau de la santé reproductive, hein, c'est bien ça que vous
cernez. Je ne pense pas que dans votre mémoire, à moins que je... je ne pense
pas que dans votre mémoire, vous faites référence en fait beaucoup au DDT, qui
n'est pas utilisé, qui est interdit au Québec, mais vous n'avez pas indiqué une
liste précise des pesticides auxquels vous faites référence plus précisément.
Donc, quand vous dites : qui ont une incidence au niveau de la santé
reproductive, au niveau développemental, est-ce que vous avez une base de
pesticides auxquels vous faites référence plus précisément?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Merci, Mme Montpetit pour la réponse entre autres à mon témoignage. En effet,
on a des listes, notamment dans l'étude sur le lien potentiel entre les
pesticides et l'autisme. La raison qui nous a motivés à faire cette revue de
littérature scientifique là, c'était qu'on avait vu, dans quelques études
disparates, des mentions entre... des corrélations entre pesticides et autisme
et on s'est donc intéressés à dresser une liste exhaustive de tout ce qu'on
pouvait trouver dans la littérature. Cette étude-là contient donc un tableau
d'une dizaine de substances qui sont nommées dans des études où est-ce qu'il y
a des corrélations.
J'aimerais énormément que des
scientifiques du Québec se saisissent de ce dossier-là, prennent cette liste de
pesticides là et l'évaluent plus en profondeur. Peut-être pourriez-vous faire
appel à Mme Maryse Bouchard, qui va venir témoigner un peu plus tard, qui est
une spécialiste des enjeux neurodéveloppementaux. Au niveau de la santé
reproductive, un des éléments qui est derrière cette requête-là portait aussi
sur les pesticides, les pyréthrinoïdes, qui sont une autre famille de
pesticides qui sont considérés à l'heure actuelle comme étant relativement
faiblement toxiques. Donc, c'est les ingrédients actifs qu'on va retrouver dans
le Raid, par exemple, que vous pouvez acheter sur les tablettes des
quincailleries, là, sans prescription. J'avais fait une revue de littérature
scientifique sur ce dossier-là en 2016 et on voyait qu'il y avait énormément de
conséquences au niveau de la santé reproductive, par exemple, une baisse de
motilité du sperme, peut-être des dommages au niveau de leur ADN, etc.
Comme on vit au Québec, en ce moment, on
voit des enjeux de baisse de fertilité. Le ministère de la Santé doit déployer
des investissements massifs pour s'assurer qu'on puisse avoir des bébés, pour
avoir une nouvelle génération. Je crois qu'on devrait se poser ces questions-là
aussi. Donc, c'est vraiment prioritaire. Et c'est difficile à obtenir comme
liste, mais par SAgE Pesticides, on peut voir tous les pesticides qui sont liés
à la santé reproductive et en faire une liste exhaustive.
En ce moment, Santé Canada n'exige pas des
tests avancés de toxicité reproductive ou de toxicité neurodéveloppementale, à
moins que leurs tests préliminaires ne leur suggèrent des indications en ce
sens-là, c'est-à-dire que si, dans les études à court terme ou à moyen terme,
on voit qu'il y a peut-être un effet sur le fonctionnement des neurones, qu'il
y a des perturbations dans les comportements, peut-être qu'on va demander les
tests avancés de neurotoxicité, mais ce n'est pas fait systématiquement.
Pourtant, les insecticides fonctionnent en majorité en perturbant...
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...par des indications en ce sens-là, c'est-à-dire que si, dans les études à
court terme ou à moyen terme, on voit qu'il y a peut-être un effet sur le fonctionnement
des neurones, qu'il y a des perturbations dans les comportements, peut-être
qu'on va demander les tests avancés de neurotoxicité, mais ce n'est pas fait systématiquement.
Pourtant, les insecticides fonctionnent en majorité en perturbant le fonctionnement
des neurones du cerveau. Donc, les messagers chimiques, dans notre cerveau,
sont perturbés. Et il y a aussi des pesticides qui fonctionnent en perturbant
le système endocrinien. Donc, on va déranger le fonctionnement des hormones de
notre corps, et ça, ça se passe à des doses très, très, très faibles. On sait
que les hormones, dans le corps, entraînent des changements biologiques majeurs
au niveau du développement du cerveau ou au niveau de la reproductivité à des
doses qui sont tellement faibles qu'elles correspondent aux doses qu'on peut
retrouver dans l'environnement en fait. Donc, ces produits-là devraient en
priorité faire l'objet d'études plus avancées.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Merci.
Vous, dans vos recommandations, vous recommandez que la maladie de Parkinson
soit reconnue comme une maladie professionnelle pour les agriculteurs qui ont
été exposés, si je ne me trompe pas, plus de cinq ans, avec des pesticides
comme c'est le cas en Europe depuis... en France depuis maintenant plusieurs
années. Est-ce que, encore là, comme chercheure, comme scientifique, vous
évaluez que la littérature scientifique est à ce point claire pour prendre
cette direction-là?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Merci. Dans le cas du Parkinson, oui, la littérature scientifique est très,
très claire, le gouvernement du Québec pourrait aller de l'avant et ça serait à
l'avantage de ses concitoyens. Dans le cas du Parkinson, le lien avec les
agriculteurs est très bien défini. Ce qui est dommage, c'est que c'est très
bien défini dans le cas des travailleurs professionnels qui sont exposés au
quotidien. Mais, pour tous les autres qui sont exposés de façon indirecte, on
n'est pas capable de faire ces corrélations-là, d'où l'importance d'avoir un
meilleur bilan des ventes, une meilleure cartographie de quels pesticides sont
utilisés à quel endroit pour pouvoir faire des études épidémiologiques
conséquentes.
Et, dans votre question précédente, vous
avez évoqué le DDT qui est banni depuis déjà de nombreuses années au Québec.
Pourquoi est-ce qu'on en parle encore dans notre mémoire? C'est que le DDT est
encore présent à des concentrations toxiques chez les femmes. Donc, dans leur
lait maternel ou dans leur sang, il y a suffisamment de DDT pour altérer les
paramètres de développement de leurs bébés. Aujourd'hui, en 2019, c'est le cas,
il y a encore suffisamment de DDT dans les sédiments de nos lacs pour être
toxique pour les poissons qui y vivent aujourd'hui encore.
Et ce pourquoi j'insiste là-dessus, c'est
que les décisions qu'on prend aujourd'hui avec l'état de la science qu'on a, on
n'a aucune garantie qu'on ne va pas découvrir qu'un produit qui est utilisé
aujourd'hui qui est considéré étant sécuritaire ne sera pas vu comme étant
particulièrement toxique dans 20, 30 ou 40 ans. Donc, il faut utiliser le
principe de précaution quand on a des doutes par rapport à la toxicité d'un
produit, s'il y a des substances de remplacement, on devrait l'éviter. Et je
crois qu'on devrait prioriser les usages... les alternatives et les meilleures
pratiques agronomiques avant de permettre l'utilisation des pesticides. Il
devrait y avoir une hiérarchie, un peu comme le gouvernement du Québec l'a fait
dans les modes de gestion des matières résiduelles. C'est très clair, il y a
une hiérarchie, on réduit avant de réutiliser, avant de recycler, avant
d'éliminer. Il y a une hiérarchie comme ça. Ça devrait être la même chose, et
c'est probablement une contribution importante que votre comité peut faire,
c'est de hiérarchiser et de dire : Il faut d'abord voir les alternatives
non toxiques, mécaniques en premier lieu et, en dernier recours, avoir droit
d'utiliser les pesticides de synthèse qui restent dans le coffre à outils tant
et aussi longtemps qu'on n'a pas décidé de les retirer du marché parce qu'ils
étaient trop toxiques.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Vous avez
fait mention, tout à l'heure, de la décision de l'Italie de bannir... de bannir
le blé du Canada entre autres. On a vu, là, il y a eu des reportages là-dessus
assez explicites, entre autres, sur l'arrosage au glyphosate pour faire sécher
le blé plus rapidement. C'est évidemment des conséquences économiques très
importantes. On a parlé beaucoup des conséquences sanitaires, mais il y a aussi
des conséquences économiques. Est-ce qu'à votre connaissance il y a d'autres
pays qui ont pris des décisions similaires sur leurs importations? Parce que je
pense que c'est important aussi dans notre mandat, on le sait, c'est des choses
sur lesquelles on va se questionner, sur la compétitivité. Oui, de réduire
l'utilisation de pesticides, mais de maintenir la compétitivité. Mais il faut
aussi être conscient que le fait de permettre l'utilisation de certains
pesticides a aussi un enjeu qui est important sur notre compétitivité puis sur
les importations et les exportations à l'étranger, là.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Ethier.
• (15 h 40) •
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Merci. En fait, je ne sais pas s'il y a d'autres pays. Mais, en général, on
sait que les pesticides sont au coeur des discussions de tous les accords de
libre-échange, particulièrement ceux avec l'Europe. Les Européens ne veulent
pas de produits alimentaires qui contiennent des pesticides qui, eux, ils ont
déjà interdits dans leur juridiction. Donc, ça fragilise nos partenariats
économiques avec l'Europe de continuer à utiliser des substances qui sont
interdites là-bas...
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...de tous les accords de libre-échange, particulièrement ceux avec l'Europe.
Les Européens ne veulent pas de produits alimentaires qui contiennent des
pesticides qui... eux, ils ont déjà interdit dans leurs juridictions. Donc, ça
fragilise nos partenariats économiques avec l'Europe de continuer à utiliser
des substances qui sont interdites là-bas. D'ailleurs, pour des fins de négociation
économique, on voit même qu'il risque d'y avoir des sanctions à l'égard de
l'Europe parce qu'ils interdisent des pesticides qui sont toujours autorisés
ici. C'est incroyable que des négociations de nature économique fragiliseraient
les mesures de précaution qui ont été mises en place par des juridictions
autonomies comme l'Europe par rapport aux pesticides.
Maintenant, par rapport aux enjeux
économiques, on s'entend pour dire qu'en ce moment la façon qu'on fait de l'agriculture
intensive, la façon dont on produit tellement de maïs et de soya, souvent
destinés à l'exportation, avec de très faibles marges de profit, on s'entend
que la majorité de ce maïs et de ce soya génétiquement modifiés est destinée à
l'alimentation animale...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Éthier, je dois vous interrompre pour céder la parole au deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
J'aurais bien envie de vous laisser finir, mais j'ai 2 min 30 s,
à peu près, pour vous poser des questions.
Merci infiniment de votre témoignage.
C'est très clair, bien vulgarisé, c'est très intéressant.
On sent que vous... Il y a beaucoup
d'enjeux, en fait, qui sont liés à la santé dans ce que vous nous avez
présenté, on y revient abondamment, l'environnement également et l'agriculture.
En fait, moi, je me questionnais : Pour vous, dans votre monde... dans un
monde idéal, comment on s'assure de la concertation entre ces différents
joueurs là, qui ont tous des intérêts en commun de protéger la population mais
tous aussi des intérêts peut-être divergents quant à la façon d'y arriver? À
qui revient le leadership? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Éthier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Merci, c'est une excellente question.
En effet, on a parlé beaucoup d'enjeux de
santé, un peu moins d'enjeux environnementaux. Ce n'est pas qu'on ne suit pas
ces causes-là, c'est qu'on sait que les enjeux de santé humaine préoccupent particulièrement
le gouvernement. On s'inquiète toujours plus de la santé des membres de notre
famille que, justement, des moucherons dans le fond d'un ruisseau en milieu
agricole. Quoique, pour une écologiste comme moi, bien, je me préoccupe énormément
de la santé environnementale parce qu'au final l'environnement, les processus
écologiques qui se passent, c'est ça qui nous maintient en vie sur terre. Donc,
si on ne maintient pas le fonctionnement de nos écosystèmes, bien, on n'aura
plus un environnement qui est propice à la survie de l'humanité. Donc, ces deux
enjeux là sont importants.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Le Berre, peut-être, si elle voulait faire un complément d'information.
Mme Le Berre (Mélanie) :
Oui. Je ne voulais pas te couper, Louise. En fait, aussi en complément de ce
que Louise vient de dire, j'irais aussi dans le même sens qu'il ne faut pas
oublier que l'agriculture représente quand même un gros enjeu par rapport au
contexte de la lutte aux changements climatiques. Si ce n'est pas déjà fait,
je vous inviterais tous, en fait, à aller voir le dernier rapport que la chaire
de l'énergie de HEC Montréal a sorti la semaine passée sur la nécessaire
réduction... en fait, l'impact des émissions de GES dans le secteur industriel
au Québec, qui représente plus de 40 % des émissions de GES. Donc, on
parle souvent du problème lié au transport, mais l'agriculture, au sein du
secteur industriel, représente en fait une bonne partie des émissions de GES
que le Québec doit combattre.
Et, notamment, ce qui a été identifié dans
ce rapport, c'est que l'agriculture au sein de différents... par rapport... par
exemple, par rapport à des procédés industriels qui sont plus difficiles à
aller mettre, les... à aller réduire les émissions de GES, l'agriculture est un
secteur qui est plus facile à aller chercher dans un premier temps.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. C'est ce... période. Je cède maintenant la parole au député de
Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Écoutez, lorsque nous étions à nos discussions avec l'ARLA et le
ministère de l'Agriculture, j'ai posé la question au ministère de
l'Agriculture, à savoir : Est-ce que vous considérez comme crédibles les
stratégies d'homologation des produits? Et ils m'ont dit : On n'a pas à
remettre en question les décisions de l'ARLA.
Est-ce qu'il y a d'autres provinces ou
d'autres ministères de l'Agriculture au Canada qui ont fait des actions pour
elles-mêmes prendre en charge une certaine forme d'homologation des produits
sur leur territoire?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Hénault-Éthier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
Bien, on sait que, dans le cas de l'Ontario, ils avaient, même avant le Québec,
agi au niveau des néonicotinoïdes qui enrobaient les semences. Donc, l'Ontario
pourrait être une source d'inspiration à ce niveau-là. Personnellement, je
m'intéresse surtout aux enjeux qui se passent au Québec. C'est mon homologue
d'Ottawa qui s'intéresse aux enjeux pancanadiens, donc je ne pourrais pas vous
en dire davantage au niveau de savoir qui, au Canada, a les meilleures
pratiques.
Par contre, très régulièrement, quand on
lit les dossiers qui découlent d'Environnement Canada ou de l'ARLA, on voit
qu'ils se basent sur les études qui sont faites au Québec, sur les bilans de
vente du Québec. Donc, quelque part, on se dit que, peut-être, bon, ce n'est
pas totalement mauvais, qu'est-ce qu'on fait comme études. En fait, on n'est
pas... On est très, très bien vus à ce niveau-là. Il y a toujours à parfaire
les choses.
Ce qui m'inquiète, par contre, c'est
qu'au...
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...qui découlent d'Environnement Canada ou de l'ARLA, on voit qu'ils se basent
sur les études qui sont faites au Québec, sur les bilans de vente du Québec.
Donc, quelque part, on se dit que peut-être, bon, ce n'est pas totalement
mauvais, qu'est-ce qu'on fait comme études. Enfin, on n'est pas... on est très,
très bien vus à ce niveau-là. Il y a toujours à parfaire les choses. Ce qui
m'inquiète, par contre, c'est qu'au Québec on suit ces données-là...
Une voix
: Bien oui.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
...et cruellement on se rend compte que les pesticides augmentent dans notre environnement,
mais on n'a pas encore trouvé le moyen de les faire diminuer.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Roy
: O.K. Une autre
question... Bon, je veux valider une information. Est-ce que la réglementation
sur la vente des pesticides dans les différents marchés est légale, entre
autres du Roundup sur des tablettes dans un marché quelconque?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Hénault-Ethier.
Mme Hénault-Ethier (Louise) :
C'est une excellente question. À ma connaissance, oui, c'est tout à fait légal
de vendre du Roundup sur les tablettes. Les gros formats doivent être
cadenassés, et ce n'est pas toujours le cas, j'ai des photos que je pourrai
vous déposer, preuve à l'appui, si vous le souhaitez, mais il y a souvent les
cadenas qui sont absents des étagères qui servent à recueillir ces
pesticides-là.
Mais c'est seulement les gros formats qui
sont barrés. Les petits formats sont placés de façon très avantageuse. À
l'entrée des magasins, vous tournez la tête à droite et à gauche, il y a des
piles de pesticides; vous entrez, la première rangée, il y a des grosses
publicités qui vous disent que les mères protègent leur famille en utilisant du
Raid, par exemple. Ensuite, vous marchez un peu plus loin, il y a des
pesticides près de la caisse, si jamais vous avez oublié d'en acheter avant de
sortir. C'est à la même hauteur que les palettes de chocolat qu'un enfant
pourrait saisir.
Les pesticides devraient être dans
l'arrière-magasin et seulement accessibles quand vous avez vraiment une bonne
raison de les vouloir. Ce n'est pas vrai qu'on devrait les placer de façon
avantageuse, au vu et au su de tout le monde. Dans les dépanneurs maintenant,
les cigarettes ne sont plus derrière...
Le Président (M. Lemay) : Mme
Hénault-Ethier, je dois vous interrompre sur ce, en vous rappelant que, si vous
voulez déposer de la documentation supplémentaire, je vous invite à le faire
via le secrétaire de la commission, qui rendra la documentation disponible à
l'ensemble des parlementaires. Merci pour votre contribution, Mme Le Berre, Mme
Hénault-Ethier.
Je vais suspendre les travaux quelques
instants afin de permettre aux représentants de l'Ordre des agronomes du Québec
de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 49)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Ordre des agronomes du Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. Duval (Michel) : Merci, M.
le Président. Mmes, MM. les députés, membres de la commission. Mon nom est
Michel Duval, agronome, président de l'Ordre des agronomes du Québec. Je suis
accompagné aujourd'hui de M. Pascal Thériault, qui est agronome et économiste,
qui est aussi vice-président de l'ordre, de Mme Louise Richard, qui est ici à
ma gauche, qui est avocate et directrice générale de l'ordre, de Mme Isabelle
Dubé, agronome, experte en production végétale et membre du conseil d'administration
de l'ordre, et, à l'arrière, M. Abdenour Boukhalfa, qui est chargé des affaires
professionnelles de l'ordre, qui pourra répondre à certaines questions si on a
des questions plus pointues.
Alors, la mission de l'Ordre des l'Ordre
des agronomes du Québec est de protéger le public en matière d'agronomie, en
matière de la profession d'agronome, pardon. Les agronomes, au nombre d'un peu
plus de 3 000 au Québec, sont des scientifiques qui oeuvrent en
agriculture et en production alimentaire. Un peu plus du tiers travaille en
production végétale, 435 en protection des cultures.
• (15 h 50) •
L'ordre est conscient que le fait de
concilier différents rôles chez les agronomes est une...
M. Duval (Michel) : ...en
matière de la profession d'agronome. Les agronomes, au nombre d'un peu plus de
3 000 au Québec, sont des scientifiques qui oeuvrent en agriculture et en
production alimentaire. Un peu plus du tiers travaillent en production
végétale, 435 en protection des cultures. L'ordre est conscient que le fait de
concilier différents rôles chez les agronomes est une préoccupation pour cette
commission et pour le public. Le dossier d'indépendance professionnelle occupe
la priorité numéro un de notre ordre depuis mon élection à la présidence en
2017. Je traiterai de ce sujet-là plus tard. Alors, l'utilisation des
pesticides est un sujet complexe et controversé, et nous comprenons que nos
citoyens s'interrogent sur leur utilisation. Ils exigent que nous protégions
l'environnement et leur santé. Ces exigences sont légitimes et, comme ordre
professionnel, nous les partageons.
Les pesticides ont façonné le développement
de l'agriculture, ils ont contribué à augmenter le rendement des cultures, à
stabiliser la production agricole et assurer une sécurité alimentaire.
Cependant, au fil des années, leur utilisation a engendré des impacts négatifs
sur la santé humaine, sur l'environnement et sur les pollinisateurs. Pour
plusieurs producteurs agricoles, c'était mentionné plus tôt, les pesticides
sont devenus une méthode de gestion du risque, une assurance protégeant le
rendement des cultures et le revenu de l'entreprise. Il est donc crucial de
revoir les stratégies d'intervention phytosanitaires afin que notre agriculture
soit davantage agroécologique et intègre des méthodes de lutte aux ennemis des
cultures, de façon à être plus intégrée, en tenant compte de facteurs
économiques.
Dès la première mouture du Code de gestion
des pesticides, l'Ordre des agronomes a prôné la nécessité de mieux encadrer
leur utilisation. Or, au Québec, 1 200 produits, 370 matières actives sont
en vente libre. Depuis mars 2018, seulement quatre pesticides... quatre
insecticides, pardon, et un herbicide sont réglementés et requièrent
l'élaboration d'un diagnostic, d'une justification et d'une prescription d'un
agronome. C'est insuffisant, une de nos principales recommandations vise
l'encadrement de tous les pesticides par le biais d'un plan annuel élaboré en
concert avec l'agronome et le producteur. Ce plan justifiera l'ensemble des
pesticides utilisés. De cette façon, il sera possible de diminuer et de
contrôler les risques associés aux pesticides, de limiter l'impact sur
l'environnement, la santé et tout en produisant une nourriture saine.
Vos visites à la ferme, les dernières semaines,
nous ont permis de constater les efforts déployés par plusieurs producteurs
pour implanter des méthodes de lutte nouvelles contre les ennemis des cultures.
Les outils sont variés, mais ne sont pas toujours accessibles ou aussi
efficaces que souhaité. L'utilisation de prédateurs, ici, on parle d'insectes,
de bactéries, de champignons, autres, le dépistage, l'agriculture de précision,
les rotations de culture sont tous des outils de la lutte intégrée, ils
permettent de réduire l'utilisation des pesticides. Dans une optique de
réduction des risques, l'ordre s'engage à promouvoir l'importance du diagnostic
et d'une recommandation réalisée par un agronome. Les ministères concernés et
les organisations, impliquant la phytoprotection, devraient aussi s'y joindre. Nous
inciterons les agronomes, oeuvrant en phytoprotection des cultures, à utiliser
systématiquement des outils comme SAgE Pesticides pour choisir les pesticides
efficaces ayant le plus faible indice de risque pour la santé et
l'environnement.
L'utilisation de la ligne directrice et
l'outil d'aide à la décision pour l'utilisation de l'atrazine a donné des
résultats sans précédent cette année. Pour la saison 2018, le ministère de
l'Environnement rapportait plus tôt, au mois de mai, une réduction... un
constat préliminaire, pardon, d'une réduction de 40 % d'utilisation de
l'atrazine. C'est le premier herbicide à être encadré par cette réglementation.
Entièrement engagé dans l'importance de réduire l'utilisation des pesticides,
l'ordre met actuellement au point deux autres outils du même type destinés à
d'autres pesticides. Le gouvernement du Québec, quant à lui, doit s'engager à
mettre en place les ressources nécessaires pour soutenir une utilisation
raisonnée et sécuritaire des pesticides. Il doit aussi prévoir des mesures
incitatives financières pour l'adoption de pratiques de protection des cultures
encadrées par un agronome. Les producteurs agricoles, quant à eux, doivent, à
leur tour, s'engager à adopter et appliquer les recommandations des agronomes.
L'agriculture biologique présente de
nombreux défis, nous saluons les producteurs qui s'y investissent. Ce type
d'agriculture requiert des investissements importants en termes financiers de
main-d'oeuvre ou faire de la transition. Et cette transition-là ne n'effectue
pas instantanément, ça demande des modifications en profondeur, des pratiques
et des façons de faire l'agriculture. Nous recommandons que le gouvernement
appuie les productions biologiques de diverses façons : financière, en recherche
et en service. Toutefois, l'agriculture conventionnelle continuera à occuper
une place importante encore pour plusieurs années. Et nous devons absolument
accroître les efforts pour s'assurer de l'engagement de tous afin d'améliorer
les méthodes culturales et la gestion des pesticides. Soyez assurés que l'Ordre
des agronomes continuera d'y contribuer.
Je passe maintenant la parole à Mme Louise
Richard, la directrice générale, qui vous entretiendra des mécanismes de
surveillance de l'ordre.
Mme Richard (Louise) : Merci,
M. Duval. M. le Président, Mmes et MM. les députés, je commencerais, tout
d'abord, en vous disant que tout agronome doit exercer sa profession en
favorisant les intérêts de son client sans tenir compte des siens ou de ceux de
tiers. Pour répondre à son mandat de protection du public, l'ordre utilise
différents mécanismes qui lui permettent de s'assurer de la compétence de ses
membres et du respect des lois et de la réglementation par ces derniers.
Certains des mécanismes sont de nature de soutien et de prévention, alors que
d'autres...
Mme Richard (Louise) :
...favorisant les intérêts de son client sans tenir compte des siens ou de ceux
de tiers. Pour répondre à son mandat de protection du public, l'ordre utilise
différents mécanismes qui lui permettent de s'assurer de la compétence de ses
membres et du respect des lois et de la réglementation par... Certains des
mécanismes sont de nature de soutien et de prévention alors que d'autres sont
de nature plus curative. Les campagnes annuelles d'inspection professionnelle
sont l'un de ces mécanismes et ils s'appliquent à l'ensemble des membres de
l'ordre.
De plus, l'entente conclue avec le ministère
de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques prévoit
que tous les agronomes oeuvrant en phytoprotection seront inspectés d'ici 2022.
Le processus a déjà débuté et il a permis à l'ordre d'identifier certaines
problématiques et d'apporter des améliorations aux outils d'encadrement, à la
formation et à la sensibilisation sur les meilleures pratiques à mettre de
l'avant. L'ordre investit et investira davantage de ressources en inspection
professionnelle afin de répondre à son obligation.
Le bureau du syndic a de son côté une
approche disciplinaire. La syndic a le pouvoir de mener des enquêtes dès qu'une
information suffisante lui est transmise afin de vérifier si l'agronome a
commis ou non une infraction. Si cela s'avère, une plainte sera déposée devant
le conseil de discipline qui prendra des décisions qui s'imposent après avoir entendu
les parties.
Nous tenons à rassurer les membres de la
commission et les élus qu'il est de la ferme intention de l'ordre de dissiper
les doutes quant au membre... manque, pardon, apparent d'indépendance
professionnelle des agronomes.
Je cède de nouveau la parole à
M. Duval. Merci.
M. Duval (Michel) :
Merci, Mme Richard. Alors, l'ordre a entrepris plusieurs actions en lien
avec l'indépendance professionnelle. Nous avons commandé une enquête
indépendante sur les modes de rémunération des agronomes qui a révélé
l'existence de différentes formes de rémunération variable. Par la suite, nous
avons demandé à un comité d'experts indépendants formé d'éthiciens et pour
analyser les résultats de cette enquête afin d'obtenir des recommandations
éclairées. Le rapport sera remis d'ici la fin de l'année.
L'ordre de l'Office des professions est
tenu à jour dans nos démarches dans ce dossier. Entre-temps, notre
détermination à apporter une des solutions nous a amenés à entreprendre
plusieurs actions. Par exemple, nous sommes en discussion actuellement avec les
employeurs, les membres de l'industrie pour corriger et modifier certaines
pratiques de rémunération des agronomes. Nous incitons aussi les employeurs à
mettre en place des mesures nécessaires pour assurer la traçabilité, la
transparence et l'imputabilité de tous les actes agronomiques. Nous aidons les
employeurs à identifier les programmes de rémunération inadéquats, nous
préparons une formation pour assurer la compréhension commune des concepts
d'indépendance professionnelle et de conflit d'intérêts.
Je passe maintenant la parole à
M. Pascal Thériault qui présentera nos recommandations sur la recherche.
M. Thériault (Pascal) :
Merci, M. Duval. La recherche joue un grand rôle dans l'application des
meilleures pratiques agronomiques. Certains centres ou institutions en
phytoprotection sont rattachés aux universités alors que d'autres sont
majoritairement financés par le MAPAQ. Ces derniers sont mis en concurrence et
obtiennent leur financement par appel de projets ciblés. L'ordre recommande
plutôt que ces centres et instituts collaborent afin d'optimiser et d'accélérer
leurs recherches et que leur financement soit assuré sur le long terme.
Nos outils et nos règles de l'art en
agronomie sont continuellement mis à jour en utilisant les travaux de
recherche. Il serait d'ailleurs pertinent que les gouvernements mettent à
contribution leurs scientifiques en chef. Ils pourraient assumer un rôle
central en innovation en tenant compte du volet économique très important en
agriculture et en agroalimentaire.
Aussi, il est nécessaire de se doter de
ressources humaines pour assurer efficacement le transfert des connaissances
scientifiques aux agronomes et aux producteurs agricoles. À cet effet, les
agronomes qui travaillent au sein du gouvernement réalisent des essais aux
champs et transmettent leurs connaissances. Toutefois, depuis les années 1990,
nous comptons 44 % moins d'agronomes au gouvernement. Ils sont passés de
623 à 351.
Aussi, nous recommandons le financement
nécessaire pour développer une formation très avancée pour les agronomes
portant sur l'utilisation des herbicides dans les grandes cultures. Nous devons
travailler ensemble et les instances municipales font aussi partie de
l'équation en matière de respect des bandes riveraines qui dans bien des cas ne
sont pas respectées. Certaines municipalités réussissent à faire appliquer le
règlement, mais d'autres, non. La réglementation établit une largeur minimale à
respecter le long des cours d'eau et des fossés de drainage. Des experts font
consensus pour dire que de nombreux bénéfices découlent des bandes riveraines.
Ils sont de nature agronomique, écologique et économique.
L'ordre recommande que le gouvernement de
concert avec les municipalités prévoit des incitatifs financiers pour valoriser
le respect des bandes riveraines en compensant la perte de revenus pour les
parcelles non cultivées. En revanche, l'État doit sanctionner le non-respect de
la réglementation.
Je cède maintenant la parole à
M. Duval pour la conclusion.
M. Duval (Michel) :
Merci, M. Thériault. En résumé, la réduction de l'utilisation des
pesticides demande de la part du gouvernement un leadership renforcé et
structurant en recherche, en transfert de connaissances, en formation. L'appui
de l'État doit s'accompagner d'un cadre réglementaire plus rigoureux. La
réduction de l'utilisation des pesticides est une question de protection du
public. L'ordre assumera ses responsabilités comme il l'a toujours fait.
L'engagement de toutes les parties prenantes est indispensable pour atteindre
cet objectif.
Finalement, nous demandons au gouvernement
du Québec de remettre à jour les travaux pour actualiser la Loi sur les
agronomes qui est tombée au feuilleton deux fois depuis 2013. Sachez que la
description actuelle de l'exercice de la profession d'agronome date de la
Deuxième Guerre mondiale. Notre loi devrait refléter l'avancée de la science
agronomique du XXIe siècle indispensable à une agriculture davantage
agroécologique.
• (16 heures) •
Merci de nous avoir donné l'occasion de
contribuer à cette commission. Nous sommes...
16 h (version non révisée)
M. Duval (Michel) : ...depuis
2013. Sachez que la description actuelle de l'exercice de la profession d'agronome
date de la Deuxième Guerre mondiale. Notre loi devrait refléter l'avancée de la
science agronomique du XXIe siècle indispensable à une agriculture
davantage agricologique.
Merci de nous avoir donné l'occasion de
contribuer à cette commission. Nous sommes à votre disposition pour répondre à
vos questions. Merci.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup. Donc, sur ce, je cède la parole au député de Maskinongé.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. Merci pour votre présentation très structurée, c'est très apprécié.
Dans votre mémoire, à la page 8, vous mentionnez une de vos
recommandations que vous souhaitez que le gouvernement encadre davantage les
pesticides. Et là, je fais un lien avec d'autres recommandations qu'on a eues
dans d'autres mémoires.
En fait, on est en 2019, ça peut être très
facile de développer des nouveaux outils de traçabilité. Est-ce que vous pensez
qu'on aurait avantage à développer un outil public, donc un certain registre
pour être capable, là, vraiment d'identifier tout le cheminement des pesticides
au Québec? Ça veut dire du fabricant au détaillant et ensuite chez le
producteur.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : ...assurer
une plus grande traçabilité de l'utilisation des pesticides, puis ça pourrait
être un des moyens utilisés pour assurer la traçabilité des pesticides au
Québec, oui.
M. Allaire : Là, je pose la
question, puis en même temps j'ai 450 fermes sur mon territoire. Puis là
il y en a peut-être deux, trois qui nous écoutent actuellement. Et je me dis,
est-ce qu'on va alourdir un peu d'une certaine... lourdeur administrative
finalement pour nous producteurs qui seraient comme un peu pas, tu sais, bref,
ils ne mettraient leur énergie à la bonne place, là, si on veut.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : C'est...
Écoutez, dans tous les domaines où on demande un peu plus de contrôle, de
structure, de suivi, il y a une certaine lourdeur administrative qui s'ajoute.
Maintenant, vous savez qu'il y a des moyens électroniques très avancés qui sont
mis à la disponibilité des gens, l'utilisation de tablette par exemple qui
permet de faire beaucoup de choses et c'est facile maintenant avec courriels,
tablettes et compagnie d'aller vers... à des résultats de traçabilité ou d'un
suivi de l'information presque en temps réel, avec peu de travail.
Les producteurs maintenant sont évolués.
On a mentionné tantôt, on arrive maintenant avec une nouvelle génération
d'agriculteurs qui sont beaucoup plus... et informés, qui ont accès à ces
outils-là. Je pense que... bon, il y a un côté... oui, il y a un peu de
lourdeur administrative, mais il y a des moyens maintenant pour accélérer
l'utilisation de cette information-là pour la rendre plus efficace et plus
conviviale pour les utilisateurs.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député. Merci.
M. Allaire : Ça va, je n'ai
pas d'autres questions.
Le Président (M. Lemay) : Ah!
parfait. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif : Bonjour, merci.
J'avais préparé des questions puis, au fil du temps, vous en avez répondu à
quelques-unes. J'aimerais vous relancer sur une polémique quelques mois, vous
le savez, quand c'est sorti qu'il y avait sept rivières sur 10 dont le critère
de qualité de l'eau pour les néonicotinoïdes était dépassé d'au moins
93 %. C'est quand même assez alarmant d'entendre ça, surtout qu'on pense
que nous bandes riveraines sont protégées puis qu'on entend qu'ils le sont plus
ou moins.
Mais ce qui est d'autant plus sinon plus
inquiétant, c'est de voir — parce que je connais et je reconnais
l'expertise des agronomes et de l'Ordre des agronomes — mais de voir
que les prescriptions sont données majoritairement par des agronomes qui
travaillent pour des firmes, pour des vendeurs, pour des entreprises qui
fabriquent des pesticides, qui conçoivent des... C'est, c'est préoccupant pour
nous, c'est préoccupant pour la population, et je lisais dans votre rapport,
là, que vous... que vous vous engagez donc à assumer vos responsabilités. Vous
avez donné des exemples, là, au niveau des inspections professionnelles, des
enquêtes indépendantes. Est-ce qu'on ne devrait pas tout simplement dissocier
l'agronome des prescriptions de pesticides, dans un premier temps?
Et vous avez parlé... Parce que les gens
sur le terrain constatent, les agriculteurs constatent que depuis 20 ans,
il y a une diminution de visites d'agronomes sur le terrain. Et pour eux,
c'était sécurisant aussi, qu'il y ait un agronome, pas un agronome qui vend des
pesticides, mais un agronome qui va les voir, qui va les rencontrer et qui
discute et qui connait leurs cultures, qui connait leurs enjeux.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : Bon,
plusieurs volets à votre intervention. D'abord, premièrement, je voudrais
préciser qu'actuellement au Québec, il y a très peu d'agronomes qui travaillent
pour les fabricants de pesticides, il y en a quelques-uns.
Mme Tardif : ...
M. Duval (Michel) : Ah! non,
ça, écoutez, ça, c'est des agronomes qui travaillent pour des distributeurs de
produits de pesticides, alors ils ne travaillent pas pour un fabricant.
C'est... je vais faire la nuance. Le fabricant, c'est des grandes compagnies
comme Monsanto ou Bayer. Oui, les agronomes travaillent dans... avec les
producteurs. Vous parlez de visites à la ferme de gens qui sont indépendants.
Au Québec, il y a des agronomes qui sont membres de clubs, il y a des agronomes
qui sont consultants indépendants, il y a des agronomes...
Dans le passé, il y avait plusieurs
agronomes qui travaillaient à l'emploi du MAPAQ, ça a été souligné par
M. Thériault tantôt. Depuis les années 90, une baisse de presque
50 % des agronomes qui sont à l'emploi de l'État, ça a commencé dans les
années 80, et depuis ce temps-là, ça n'a pas...
M. Duval (Michel) : ...au Québec,
il y a des agronomes qui sont membres de clubs, il y a des agronomes qui sont
consultants indépendants, il y a des agronomes...
Dans le passé, il y avait plusieurs
agronomes qui travaillaient à l'emploi du MAPAQ, ça a été souligné par
M. Thériault tantôt. Depuis les années 90, une baisse de presque 50 %
des agronomes qui sont à l'emploi de l'État, ça a commencé dans les
années 80, et depuis ce temps-là, ça n'a pas changé, écoutez, il y a des
contraintes.
Maintenant, dire que les agriculteurs
n'ont pas de visites, de consultations d'agronomes pour les aider à faire des
choix stratégiques...
Mme Tardif : ...
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif : Pas, pas de
visites, moins de visites.
M. Duval (Michel) : Écoutez,
moins de visites, ça dépend des régions.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : Écoutez,
les visites... les agronomes vont actuellement aller rencontrer les producteurs
quand les producteurs souhaitent les rencontrer aussi.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice, ça va?
Mme Tardif : Je n'ai pas eu...
je n'ai pas entendu de réponses claires par rapport à mes questions. Vous ne
m'avez pas sécurisé comme citoyenne.
M. Duval (Michel) : Si vous
voulez préciser votre question, s'il vous plaît.
Mme Tardif : C'était par
rapport à... C'est par rapport aux agronomes, à leur implication et au rôle de
l'ordre par rapport à l'implication des agronomes versus les ventes des
pesticides.
M. Duval (Michel) : De
pesticides. Alors...
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : Alors, je
vais essayer de préciser. Écoutez, c'était clair dans notre énoncé. Nous, maintenant,
ce qu'on demande à l'entreprise qui emploie un agronome, qui va faire un
conseil... soit un conseil ou soit une recommandation avec une prescription,
c'est la transparence. Dans le sens que nous, ce qu'on veut, c'est qu'on soit
capable, à partir de la facturation, de différencier la vente du produit de la
vente du service-conseil qui a été donné, et d'être capable de faire le
retraçage à partir de la transaction qui est faite avec M. le producteur
agricole, parce que, sur sa facture, il y aurait une vente d'atrazine, par exemple,
et un conseil en phytoprotection, que ça soit détaillé et qu'on soit capable de
retracer dans le dossier jusqu'à la justification agronomique pour que, nous,
quand on va faire notre inspection professionnelle, qu'on soit capable... un
côté ou de l'autre, d'arriver à la même réponse, d'être capable d'imputer cette
recommandation à une personne. Actuellement, au Québec, les pesticides sont
vendus par les entreprises avec une facture, point. Il n'y a pas de
différenciation. On ne sait pas qui, à partir de la facture, a fait la
recommandation. Et nous, il faut qu'on fasse... pour avoir le détail, on est
obligé de faire une enquête chez les agronomes individuellement à partir de
leur dossier.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup.
M. Duval (Michel) : Je ne sais
pas si ça répond à votre question.
Mme Tardif : Oui, c'est
clair...
M. Duval (Michel) : Alors,
merci.
Mme Tardif : ...et c'est plus
sécurisant, je vous remercie.
M. Duval (Michel) : Merci,
madame.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Merci du travail aussi,
là, qui était fait à ce niveau-là. Moi, j'aimerais m'entretenir avec vous un
peu... On parle toujours que, normalement, les agronomes, on prône toujours
l'utilisation raisonnable d'intrants, et j'aimerais que vous m'expliquiez
qu'est-ce que c'est la notion de raisonnable selon un agronome.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
M. Duval (Michel) :L'utilisation,
dans les annales, c'est l'utilisation quand c'est justifié. Par exemple, on
sait qu'il y a eu, dans le passé, et c'est noté dans notre mémoire, il y a des
utilisations qui sont faites en prévention. Par exemple, on avait peur d'avoir
du d'avoir du ver fil-de-fer dans une culture de maïs, et on utilisait des
néonics pour prévenir. C'était peu dispendieux, mais quand on compare le coût
de l'ajout de ce pesticide-là avec le coût de... versus le coût de la semence,
c'est relativement petit.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc, ça arrivait... c'est juste, avoir une petite échange, là. Donc, de façon
préventive, on savait à telle date, exemple, fin juin, début juillet, peu
importe, O.K., c'est le temps d'appliquer, on applique, la météo est bonne. Ça
fait que c'était ça, hein?
M. Duval (Michel) : Ça s'est
fait beaucoup dans... Si vous me permettez de préciser, ça s'est fait beaucoup,
par exemple, en production des pommes, par exemple, où on savait, par exemple,
s'il y avait de la pluie, il fallait appliquer un pesticide pour contrôler la
tavelure, par exemple. Et si on ne l'appliquait pas, on se ramassait avec des
problèmes. Et dans certains cas, il y avait des applications qui se faisaient
deux, trois, quatre fois par semaine s'il y avait de la pluie. Maintenant, ces
gens-là, dans les cultures de pommiers, ils vont faire peut-être... les
interventions vont être réduites à, peut-être, sept, huit, dix par année au
lieu de trois à quatre par semaine. Alors...
Le Président (M. Lemay) :
Alors... O.K., M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc, c'est intéressant. Et aussi, moi, je vais aller du niveau de la
formation. Quand on parle, on sait que les, tu sais, les agronomes, les
techniciens agricoles aussi suivent des formations, tout ça. Moi, ça fait quand
même... je suis plus jeune, ça fait un bout de temps, j'ai suivi d'autres
formations. Mais moi, je voudrais savoir, là, vraiment, là, est-ce que vous
êtes assez formés au niveau des pesticides? Est-ce qu'il y a assez de formation
au niveau des pesticides, au niveau des institutions? Quand vous suivez vos
cours, on vous... Est-ce qu'il y a assez de formation à ce niveau-là?
M. Duval (Michel) : Si vous
permettez, je vais transférer la question à M. Thériault qui est élu
responsable de notre comité de formation.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui.
Le Président (M. Lemay) :
...oui, allez-y.
M. Thériault (Pascal) : Au
niveau de la formation universitaire, le cours sur les pesticides est
obligatoire maintenant, puis, bon, ce n'est pas un cours sur comment épandre,
là, c'est un cours sur qu'est-ce qu'un pesticide puis quels sont les effets de
ces pesticides-là et quelles sont les méthodes alternatives qui sont couvertes
en même temps. Donc, les deux facultés d'agronomie au Québec ont ce cours à
l'intérieur de leur cursus.
• (16 h 10) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Est-ce que... Puis on sait qu'il y a beaucoup de pesticides sur le marché, et
tout ça. Vous, votre formation, est-ce que ça ratisse large? Est-ce que vous y
allez... vous touchez à pas mal tous les pesticides ou plus ceux utilisés au
Québec...
M. Thériault (Pascal) :
...quelles sont les méthodes alternatives qui sont couvertes en même temps.
Donc, les deux facultés d'agronomie au Québec ont ce cours à l'intérieur de
leur cursus.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Est-ce que... Puis on sait qu'il y a beaucoup de pesticides sur le marché, et
tout ça. Vous, votre formation, est-ce que ça ratisse large? Est-ce que vous y
allez... vous touchez à pas mal tous les pesticides ou plus ceux utilisés au
Québec dans votre formation?
M. Thériault (Pascal) : Bien,
c'est un cours qui couvre quand même assez large. Il faut dire que c'est un
cours de trois crédits, donc c'est un 15 heures de cours magistraux, plus les
travaux pratiques qui viennent avec. Donc, c'est un cours qui offre quand même
une bonne base. Ceci étant dit, les pesticides ne sont pas couverts que dans le
cours de pesticides. Les étudiants qui vont prendre des cours en grande
culture, qui vont prendre... bien, même en santé et sécurité au travail,
d'ailleurs... Les pesticides sont couverts sous différents aspects à travers
les programmes d'études.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Tout dépendamment de la spécialisation de l'agronome, s'il s'en va plus en
production végétale, production animale, donc. Mais est-ce que vous, vous
trouvez que vous en avez assez? Est-ce que ça en prendrait plus, de la
formation, à ce niveau-là?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
M. Duval (Michel) : Écoutez,
l'ordre révise régulièrement des formations continues pour maintenir ses
agronomes à jour. Et d'ailleurs, ça fait partie de notre politique de formation
d'exiger que nos membres maintiennent leur formation à jour. C'est dans notre
code de déontologie. Et, écoutez, en 2018, avec la collaboration du ministère
de l'Agriculture et du ministère de l'Environnement, on a organisé une
session... c'est... On a une tournée de sessions de formation à la grandeur de
la province, où plus de 250 agronomes ont participé à la formation. Il y avait
aussi des technologues professionnels qui ont assisté à ces formations-là, des
formations beaucoup plus pointues sur l'utilisation des pesticides, les
problématiques rencontrées aux champs, les méthodes alternatives, ces
choses-là. Ça fait partie du travail.
On travaille encore actuellement à
développer des formations à venir. On a mentionné tantôt qu'on voulait
développer des formations beaucoup plus pointues, par exemple, aller dans...
beaucoup plus spécialisées. Il s'en donne à l'extérieur du Québec. On aimerait
importer cette technologie-là ou cette information-là ici. Alors, c'est pour ça
qu'on présente cette information-là à la commission parce qu'on va devoir...
peut-être être obligés de demander un peu d'aide de la part de notre
gouvernement du Québec pour organiser ces formations-là.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Il me reste comment de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
Environ 2 min 30 s.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Deux minutes? Écoutez, je ne vous cacherai pas que, hein, dans les dernières
semaines ou dans les derniers mois, vous vous êtes quand même fait... on va se
le dire, vous avez été... vous vous êtes fait brasser, et tout ça, avec toute
la situation au niveau des pesticides. Et moi, j'aimerais savoir un peu comment
que... L'Ordre des agronomes compte-t-il changer ses méthodes en matière de
services-conseils ou... Avez-vous une idée à ce niveau-là ou... vos méthodes en
services-conseils?
Le Président (M. Lemay) : M.
Duval.
M. Duval (Michel) : Écoutez,
plutôt, de la façon que nous, on envisage de travailler, hein, on traite les
agronomes sur le même pied d'égalité, peu importe le travail ou le type
d'employeur. L'ordre, les règles du jeu, le code de déontologie est le même,
les règles de pratique sont les mêmes. On est conscients que ceux qui
travaillent dans l'industrie de fournitures de pesticides, de fournitures
d'intrants ont un risque un peu particulier, et ça fait partie des engagements
qu'on a pris de s'assurer que ces gens-là ou les entreprises qui les emploient
mettent des pratiques en place pour les aider à avoir un jugement professionnel
de façon indépendante et... Parce que ce n'est pas parce qu'on a un employeur X
ou Y que notre jugement professionnel va être affecté. Nous, c'est la façon
qu'on aborde le dossier. Et je vous ai expliqué un peu plus tôt les barèmes
qu'on veut mettre en place pour assurer beaucoup plus de transparence, de
traçabilité puis d'imputabilité.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...je crois, dans le code de déontologie, l'article 28.2, qui vient encadrer,
là, cette situation-là? O.K.
M. Duval (Michel) : Eh bien,
écoutez, ça fait partie de la formation qu'on veut donner de préciser un peu
les interprétations qu'on fait du code de déontologie. On sait que, dans
certaines situations, les gens ont tendance à peut-être déformer un peu
l'interprétation. Alors, l'ordre a ça aussi dans ses cartons dans les semaines
puis les mois à venir.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Donc, c'est intéressant parce que... C'est ça, j'ai quand même pris le
temps de regarder le code de déontologie, qui est quand même un code assez
long. Il y a des articles, tout ça, puis, comme vous avez vu, tout
dépendamment, dans les dernières semaines, il y a tout l'aspect, hein, au
niveau de ceux qui travaillent et qui sont les représentants. Mais c'est
intéressant de vous entendre à ce niveau-là.
M. Duval (Michel) : Comme je
l'ai mentionné, on est conscients que la situation de ces agronomes-là peut
poser certaines questions à la commission et au public, et c'est pour ça qu'on
a mis en place, nous, un comité sur l'indépendance professionnelle, pour
arriver avec des réponses, des solutions pratiques. Et, comme on l'a mentionné,
on devrait avoir notre rapport, nous, d'ici la fin de l'année, et ça va nous
faire plaisir de le communiquer aux gens de la... aussitôt qu'il va être
disponible.
Le Président (M. Lemay) : Et
donc merci. Ceci complète les échanges avec cette partie. Je cède maintenant la
parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, messieurs, madame... mesdames.
Bien, écoutez, je... avec toutes les informations qui sont sorties au cours des
derniers mois, vous comprendrez qu'il y a de quoi être inquiet. Puis au niveau
du grand public, certainement, il y a plusieurs questionnements et plusieurs
inquiétudes. Puis je fais référence notamment à un article qui est sorti
récemment, là, au mois d'août, qui soulignait que, selon votre bilan de 2018,
40 % d'erreurs chez les agronomes... il y avait 40 % d'erreurs chez
les agronomes qui avaient été inspectées par votre ordre. Et sur ces 40 %
là, donc, il y en avait six qui présentaient des lacunes mineures, trois qui
avaient des lacunes majeures et cinq qui...
Mme Montpetit : ...au mois
d'août qui soulignait que, selon votre bilan 2018, 40 % d'erreurs
chez les agronomes, il y avait 40 % d'erreurs chez les agronomes qui
avaient été inspectés par votre ordre. Et, sur ces 40 % là, donc il y en
avait six qui présentaient des lacunes mineures, trois qui avaient des lacunes
majeures, et cinq qui présentaient des lacunes majeures graves entraînant des
doutes sur leur compétence. J'aimerais que vous puissiez, dans un premier temps,
nous éclairer sur la nature des erreurs qui ont été détectées lors de ces
inspections.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval, ou si c'est quelqu'un d'autre, il n'y a pas de problème.
M. Duval (Michel) : Je
vais demander à M. Boukhalfa qui est responsable du dossier, à
l'inspection professionnelle chez nous, de venir préciser.
Le Président (M. Lemay) :
Veuillez prendre place.
M. Duval (Michel) :
Pendant que M. Boukhalfa s'installe, je voudrais préciser, Mme la députée,
que dans les erreurs qu'on a rapportées, certaines... ça peut être... nous, on
va les considérer comme graves, mais ça ne met pas nécessairement la santé du
public en danger ni la santé des producteurs. Une mauvaise tenue de dossiers,
ce n'est pas une mauvaise recommandation. Mais, une mauvaise tenue de dossiers,
dans notre livre, c'est aussi grave parce que c'est comme ça qu'on sert pour
faire le retraçage de l'activité du professionnel. Je vais passer la parole à
M. Boukhalfa.
M. Boukhalfa (Abdenour) :
Effectivement, au niveau de l'inspection professionnelle donc on a eu, en
phytoprotection, une deuxième année d'inspection professionnelle, en
phytoprotection particulièrement, qui a concerné 36 agronomes. Sur les
36 agronomes, il y a eu 40 % de non-conformités qui ont été trouvées
par le comité d'inspection.
Ce qu'il faut savoir, c'est que les
inspections ont été orientées essentiellement sur la nouvelle réglementation
pour l'atrazine qui venait à peine de sortir. Donc, à partir de là, les
non-respects de la réglementation et également non-respect de certains éléments
qui ont été jugés non conformes par le comité, donc il y en avait une série, ça
a donné suite donc à des... à une poursuite dans le processus. Ça, ça veut dire
que, sur les 14 agronomes qui ont été... auxquels on a identifié des
non-conformités, il va y avoir des suivis qui vont se faire l'année prochaine.
Il va y avoir des inspections particulières qui pourraient mener donc soit à
une exigence de formation continue.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, bien. Est-ce qu'on a une question complémentaire par Mme la députée?
Allez-y.
Mme Montpetit : Juste
être sûre de bien comprendre ce que vous venez de me dire. Dans les erreurs qui
ont été notées lors des inspections, il y avait la non-conformité, le
non-respect de la réglementation qui a été mise en place pour l'atrazine. C'est
bien ce que vous venez de dire?
M. Duval (Michel) : Je
confirme.
Mme Montpetit : Si je
comprends bien, M. Duval, que, comme président de l'Ordre des agronomes,
vous venez de me dire que, dans les erreurs qui ont été soulevées par des
inspecteurs, il n'y a rien qui touche la santé de la population québécoise.
Est-ce que c'est-à-dire que vous jugez que la réglementation qui a été mise en
place pour encadrer l'atrazine, pour vous, il n'y a pas de conséquence sur la
santé publique?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : Vous
me permettrez de préciser, je me suis peut-être mal exprimé, mais, parmi les
non-conformités, il y en a certaines qui sont de nature administrative que,
nous, on considère importantes. Mais ce que M. Boukhalfa souligne, c'est
que, dans certains cas, quand c'est la réglementation qui n'est pas respectée,
ça fait partie de notre travail de vérifier pour que ça soit appliqué
correctement, que ce soit fait correctement dans le travail des agronomes au
jour le jour. Et ça, c'est le travail des ordres... de l'ordre professionnel.
On fait ça avec ça avec la phytoprotection, on fait ça avec les autres types de
productions où est-ce que les agronomes interviennent. Je me suis peut-être mal
exprimé tantôt, je m'en excuse, Mme la députée.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Non, mais
juste que je pense que c'est important de clarifier ça parce que...
M. Duval (Michel) : Je
vous remercie.
Mme Montpetit : ...ce je
comprends dans ce que vous nous dites, c'est que vos inspections, vous êtes en
mesure d'identifier, en ce moment, des agronomes, au Québec, qui n'ont pas
respecté la nouvelle réglementation sur l'atrazine.
M. Boukhalfa (Abdenour) :
Quand ils ont été inspectés.
Mme Montpetit : Quelles
ont été les mesures qui ont été prises par l'ordre suite à ces inspections, par
rapport à ces agronomes précisément?
M. Boukhalfa (Abdenour) :
Alors, on a trois niveaux. Au niveau des non-conformités, on a trois niveaux de
suivi. On un suivi de dossiers qui va être fait au cours de cette campagne qui
débute au mois d'octobre. Donc, on communique les non-conformités aux agronomes
concernés, et ils nous envoient un dossier au cours de la prochaine campagne
pour vérifier si les non-conformités ont été réglées. Ça, c'est une première
étape. Un deuxième niveau, c'est une visite de suivi qui se fait directement
sur les lieux de travail de l'agronome. Un troisième niveau, ce sont des
inspections particulières qui vont se faire directement sur les lieux de
travail et qui vont être données. Possiblement, si les lacunes ne sont pas
réglées, à une formation, un stage exigé ou encore jusqu'à une suspension du
permis d'exercice.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Donc, à
ce stade-ci, ce que je comprends par là, c'est que, malgré les manquements, ces
agronomes sont toujours en pratique, ils sont toujours libres de faire les
prescriptions qu'ils souhaitent jusqu'à ce que vous puissiez les identifier,
mais il n'y a pas d'accompagnement, il n'y a pas de formation et il n'y a eu
aucune sanction d'aucune façon qui a été donnée par l'Ordre des agronomes.
Le Président (M. Lemay) :
M. Boukhalfa.
• (16 h 20) •
M. Boukhalfa (Abdenour) :
Oui. Le processus d'inspection professionnel est régi par le Code des
professions. C'est exactement le même pour toutes les professions. Dans notre
processus d'inspection professionnelle...
Mme Montpetit : ...il n'y a pas
de formation et il n'y a eu aucune sanction d'aucune façon qui a été donnée par
l'Ordre des agronomes.
Le Président (M. Lemay) : M.
Boukhalfa.
M. Boukhalfa (Abdenour) : Oui.
Le processus d'inspection professionnel est régi par le Code des professions.
C'est exactement le même pour toutes les professions. Dans notre processus
d'inspection professionnel, c'est vraiment la procédure, donc il y a des
étapes, il y a des... une certaine période où l'agronome est avisé, où
l'agronome ou le professionnel doit apporter des correctifs. Et, par la suite,
il y a des vérifications qui se font. On est rendus à cette étape-là.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Sur les 36
agronomes qui ont été inspectés, est-ce que c'est les... est-ce que ce sont les
cinq agronomes qui ont des manquements majeurs qui sont dans cette
situation-là?
Le Président (M. Lemay) : M...
Mme Montpetit : Est-ce qu'on
peut penser que si on fait une proportion sur l'ensemble des agronomes du
Québec, on se retrouve avec la même proportion? Est-ce que vous avez... En
fait, ma question, c'est : Est-ce qu'à partir du moment où vous identifié,
vous aviez des agronomes membres de votre ordre qui ne respectent pas la réglementation
du Québec, est-ce que vous avez poussé le nombre d'inspections plus loin?
Est-ce qu'en 2019 vous avez jugé pertinent, comme ordre, de s'assurer que
l'ensemble des agronomes du Québec soit bien au fait de la réglementation et
l'applique?
Le Président (M. Lemay) : M.
Duval.
M. Duval (Michel) : ...
permettez de répondre, oui, nous, dans... Mme la, Mme Richard l'a mentionné précédemment,
l'intensité de...la pression de l'inspection, si vous le permettez, va
augmenter l'an prochain en fonction de l'entente qu'on a avec le ministère de
l'Environnement d'inspecter tous les professionnels qui font de la
phytoprotection. D'ailleurs, on a une entente d'échange d'information avec le ministère
de... le ministère de l'Environnement là-dessus, où ils vont nous communiquer
tous les dossiers qu'eux considèrent comme non conformes, et ces dossiers-là
sont transmis à notre Bureau de syndic qui, lui, fait l'évaluation si c'est un
dossier de non-conformité avec la réglementation ou c'est un dossier de pratique
professionnelle. Si... professionnelle, ça s'en va à l'inspection, mais, si
c'est un dossier de non-conformité réglementaire ou déontologique, le syndic ou
la syndique de l'ordre, le Bureau du syndic de l'ordre entreprend déjà les
enquêtes. Il y a des enquêtes qui sont déjà en cours suite à de l'information
qui nous a été communiquée en juin dernier, et notre processus est déjà en
place.
Le Président (M. Lemay) : Oui,
Mme la députée.
Mme Montpetit : ... parce que
mon collègue a plusieurs questions aussi. Pourquoi vous me dites attendre à
l'année prochaine? Parce que le bilan dont il est question, c'est le bilan de
2018. On est 2019. Est-ce que vous avez augmenté, en 2019, le nombre
d'inspections que vous avez faites à la lumière de ces résultats-là? On est
presque à la fin de l'année, avez-vous un nombre d'inspections que vous pouvez
nous communiquer qui ont déjà été faites, et est-ce que vous avec un bilan
partiel du respect de la réglementation pour l'année 2019, parce que la
réglementation, elle est encore plus large qu'elle l'était l'année passée?
Est-ce qu'on doit s'inquiéter encore de l'application de la réglementation par
les agronomes?
Le Président (M. Lemay) : M.
Duval.
M. Duval (Michel) : Écoutez,
on n'a pas de réponse définitive parce que, nous, l'information, on a eu de
l'information... Nos campagnes d'inspection, c'est de septembre ou octobre...
octobre, aller au 31 mars, en fait, pour produire notre rapport parce que
ça, c'est publié à chaque année dans notre rapport annuel. C'est déjà
disponible si vous en faites la demande. Et, oui, l'an prochain, on va avoir
des données qui vont être différentes parce qu'on va travailler avec les
données de la saison 2019... 2018‑2019.
Le Président (M. Lemay) : Je
comprends que je cède la parole au député de Marquette.
M. Ciccone :
Merci beaucoup. Merci beaucoup d'être là avec nous aujourd'hui et de nous
transmettre votre expertise. Cependant, j'ai relevé quelques mots. Moi,
vraiment, je mets le poids sur les mots, vous avez dit que l'agronome doit
servir les intérêts des citoyens et des agriculteurs. Vous avez parlé également
d'un... vous avez demandé un rapport. Je veux savoir pourquoi vous avez senti
le besoin, justement, de demander un rapport indépendant? Parce que le mot
«conflit»... mots «conflit d'intérêts» sont revenus à plusieurs reprises, sont
revenus, également, sur... Les deux groupes qui vous ont précédé l'ont
mentionné. Pourquoi vous avez senti le besoin, justement, de demander un
rapport indépendant alors que, dans votre code de déontologie, l'article 31
stipule qu'il est interdit tout avantage, ristourne ou commission relatifs à
l'exercice de ses fonctions, alors que c'est écrit noir sur blanc dans votre
code de déontologie? Pourquoi ce rapport?
Le Président (M. Lemay) : Oui.
Allez-y, M. Duval.
M. Duval (Michel) : Si vous le
permettez, en 2017, quand on a lancé l'enquête avec... on a commencé à
travaillé, faire le travail sur la rémunération puis les programmes de
rémunération des agronomes, on avait beaucoup de commentaires qui nous
arrivaient d'un peu partout avec des qu'en-dira-t-on, et vous savez qu'un ordre
professionnel ne peut pas travailler avec des qu'en-dira-t-on. Alors, nous,
l'enquête indépendante, ça a été dans le but d'aller chercher de l'information
factuelle. C'est une enquête qui a été réalisée au Québec, c'est des
entreprises qui ont accepté de collaborer. On a enquêté dans tous les secteurs,
non pas uniquement en phytoprotection, on a enquêté autant dans le domaine des
banques, en... chez les gens qui sont dans les clubs-conseils, les gens qui
sont dans l'industrie de l'alimentation animale, chez les gens qui sont en
phytoprotection. On a couvert l'ensemble des secteurs. On a choisi des
entreprises de toutes les dimensions, de très petits... très grands employeurs.
C'est documenté dans notre mémoire, parce que, là, en annexe, vous avez une
copie du rapport qu'on a transmis, et on a trouvé des informations qui nous on
permis de travailler beaucoup plus précisément avec notre comité d'indépendance
professionnelle.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Marquette.
M. Ciccone :
Combien de cas, justement, de conflit d'intérêts avez-vous relevé dans ce
rapport?
M. Duval (Michel) : Dans les
cas de... avec notre enquête?
M. Ciccone :
Oui.
M. Duval (Michel) : Notre
enquête n'avait pas le but de récupérer des cas de conflit d'intérêts. Ce qu'on
a ramassé, dans notre enquête... puis c'est une enquête qui a été faite de
façon confidentielle, puis les employeurs ont accepté de partager l'information
de façon confidentielle, d'où l'intérêt de travailler avec la firme de sondage
SOM qui était l'entreprise indépendante...
M. Ciccone :
... conflit d'intérêts avez-vous relevé dans ce rapport-là?
M. Duval (Michel) : Dans
des cas... Avec notre enquête?
M. Ciccone :
Oui.
M. Duval (Michel) : Notre
enquête n'avait pas le but de récupérer des cas de conflit d'intérêts. Alors,
ce qu'on a ramassé dans notre enquête, on a... Puis c'est une enquête qui a été
faite de façon confidentielle, puis les... ont accepté de partager l'information
de façon confidentielle, d'où l'intérêt de travailler avec la firme de SOM, qui
était l'entreprise indépendante. Ils nous ont relevé le cas d'une entreprise où
il y avait des employés, deux agronomes qui était, eux, à 100 % à la
commission, qui étaient à l'extérieur un peu de notre mandat, de notre code de
déontologie.
La question des ristournes, écoutez, on
n'a pas... n'a pas été identifiée comme tel. Mais on sait qu'il y a eu des
dossiers, par exemple...
Le Président (M. Lemay) :
...interrompre. Maintenant, c'est rendu le tour de la députée de
Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. C'est très éclairant, tout ça.
Moi, j'aimerais vous réentendre par
rapport aux recommandations des agronomes par rapport à leurs clients. Vous
avez parlé tantôt d'avoir un système à deux factures, donc on facture pour le
service-conseil, on facture pour le pesticide à utiliser. On fait souvent le
parallèle avec ce qui se fait dans le domaine de la santé, de la médecine, donc
on a un médecin qui prescrit puis on a un pharmacien qui va vendre le
médicament. On fait souvent le parallèle, pourquoi ce n'est pas comme ça que ça
se passe en agriculture.
Donc, moi, j'aimerais avoir votre opinion
là-dessus, pourquoi vous ne pensez pas que ça serait une meilleure solution.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) : Dans
un monde idéal, peut-être que ça pourrait être la solution parfaite, mais
actuellement on ne vit pas dans un monde idéal, on travaille avec des
contraintes, comme vous le savez, d'organisation de marché.
Dans les années 80, quand le ministère de
l'Agriculture a décidé de laisser le service-conseil pour se départir
graduellement de sa main-d'oeuvre, les entreprises ont trouvé que c'était une
opportunité pour eux d'avoir des professionnels qui connaissaient l'agronomie
et pour aussi expliquer la complexité des produits utilisés à la ferme parce
que, pour les producteurs agricoles, les pesticides, là, c'est des outils, mais
c'est assez complexe à utiliser, donc ils cherchaient des professionnels pour
les outiller. Et c'est de cette façon-là que le service-conseil s'est
accompagné de la vente au niveau des intrants.
Est-ce qu'on peut les séparer? Nous, on
préfère pour l'instant d'aller à une étape, qui est la séparation sur la
facture parce que, tant que la réglementation provinciale ne nous permettra pas
d'aller... de façon plus rigide avec notre travail au niveau de l'ordre, on ne
peut pas appliquer cette alternative-là. Les pesticides, comme je l'ai
mentionné, sont en vente libre, et, demain matin, si j'interdis aux agronomes
qui sont dans l'industrie de vendre des pesticides et de les prescrire, les
pesticides comme... étant en vente libre, le producteur agricole peut se présenter
à n'importe quel comptoir de vente et acheter ce qu'il veut à la quantité qu'il
veut et le faire... l'application qu'il en a de besoin.
Alors, la situation actuelle n'est
peut-être pas parfaite, mais la situation actuelle avec une traçabilité de l'acte
professionnel, ça va nous permettre de contrôler la série des transactions et
la série des actes professionnels pour qu'on puisse intervenir pour corriger
les choses qui sont faites de façon inadéquate, qui... pourraient mettre la
santé du public en danger.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien :
Sur un autre sujet, dans votre mémoire, une de vos recommandations, c'est de
prévoir des budgets récurrents nécessaires en recherche et en développement en
phytoprotection pour accélérer le développement des méthodes de rechange aux
pesticides.
On se fait souvent poser la
question : Combien? Combien d'argent le Québec devrait investir pour
soutenir la recherche? Vous êtes des agronomes, vous savez ce que vous... votre
expertise. Est-ce que vous avez chiffré cette recommandation-là?
M. Duval (Michel) : ...on
n'a pas chiffré le montant, mais on sait que c'est des montants énormes parce
que les besoins sont importants. On sait aussi que... et vous savez comme nous
que les saisons changent et...
Le Président (M. Lemay) :
... C'était tout le temps qu'on avait avec notre parti de deuxième opposition.
M. le député de Bonaventure, la parole est à vous.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Écoutez, messieurs, je vais poser trois questions, et vous
répondrez par la suite.
Première question : Combien de
suspensions de permis d'exercice depuis cinq ans?
Est-ce que la formation des agronomes au
MAPAQ est à jour?
Et dernière question : On parle des
dangers pour les agriculteurs qui utiliser des pesticides, mais qu'en est-il
des agronomes? À ma connaissance, ils sont aussi dans le champ.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Michel) :
Alors, je vais commencer par la dernière, les dangers. On sait que les dangers
sont là. On sait aussi que, dans certains cas, les producteurs sont... ils ont
tendance à minimiser, hein, l'utilisation des pesticides, le danger quand ils
s'exposent eux-mêmes. Certains ont des réticences à mettre des gants ou des
outils de protection. C'est des choses qui se mettent en place de plus en plus.
Au MAPAQ, vous avez parlé de la compétence
ou de la formation?
M. Roy
: De la
formation.
M. Duval (Michel) : De la
formation. Écoutez... demander au ministère de l'Agriculture, nous, on... Mais,
écoutez, ici, nous, avec les agronomes, avec notre politique de formation
continue, on les encadre. On leur demande un minimum de formation continue à
chaque année. Maintenant, est-ce que c'est des gens qui sont tous...
suffisamment de gens qui sont spécialisés en phytoprotection au niveau du
ministère de l'Agriculture? On pense que non, il devrait y en avoir beaucoup
plus que ce qu'il y a maintenant.
Et les suspensions, je n'ai pas la réponse
avec moi. Si ça vous intéresse, on pourra avoir les informations un peu plus
tard pour les transmettre à cette commission, mais je ne les ai pas avec moi
présentement.
M. Roy
: Ça serait
apprécié.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Roy
: Bien,
écoutez, en ce qui a trait à la formation continue des agronomes, je pense que
c'est un enjeu qui est extrêmement important. Donc, vous nous dites qu'au MAPAQ
il y aurait des améliorations à avoir en termes de formation continue et de
mise à jour en ce qui a trait à l'utilisation des pesticides?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
• (16 h 30) •
M. Duval (Michel) :
...manque de ressources...
16 h 30 (version non révisée)
M. Roy
: ...ça serait
apprécié.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Roy
: Ça serait
apprécié. Bien, écoutez. En ce qui a trait à la formation continue des
agronomes, je pense que c'est un enjeu qui est extrêmement important. Donc,
vous nous dites qu'au MAPAQ il y aurait des améliorations à avoir en termes de
formation continue et de mise à jour en ce qui a trait à l'utilisation des
pesticides.
Le Président (M. Lemay) : M.
Duval
M. Duval (Michel) : ...un
manque de ressources et pas nécessairement de formation. On manque de
ressources. Les gens qui sont là, dans certains cas, sont très compétents. Les
gens qui sont dans le Réseau d'avertissements phytosanitaires sont très
compétents, mais est-ce qu'il y en a suffisamment?
Le Président (M. Lemay) :
...député.
M. Roy
: Merci beaucoup.
M. Duval (Michel) : C'est moi
qui vous remercie.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup. Donc, merci beaucoup à vous d'avoir participé aux travaux de la
commission.
Je vais suspendre quelques instants afin
de permettre à M. Jocelyn Michon de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 31)
(Reprise à 16 h 34)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à M. Jocelyn
Michon, en vous rappelant que vous avez 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc,
vous pouvez y aller, la parole est à vous, M. Michon.
M. Michon (Jocelyn) : Merci, M.
le Président. Bien, bonjour à tous. Je suis agriculteur à La Présentation,
près de Saint-Hyacinthe. Cela fait plus de 40 ans que je m'efforce d'éliminer
tout travail du sol. J'ai collaboré en tant que formateur en semis direct dans
presque toutes les régions du Québec. J'ai même été appelé à partager à plusieurs
reprises mon expérience en Ontario, en France et même en Ukraine.
Je vous remercie de me donner cette
opportunité de parler de sols vivants et performants qui nous conduisent à une
réduction remarquable de l'utilisation des pesticides.
Nous, les producteurs en grandes cultures,
faisons face à plusieurs défis qui nécessitent notre attention. En voici quelques-uns :
la dégradation des sols fait la manchette régulièrement, alors qu'on parle très
peu des sols vivants et performants, les changements climatiques sont
perceptibles, ce qui nous oblige maintenant à anticiper plutôt qu'à réagir, la
réduction des gaz à effet de serre implique que l'agriculture doit...
M. Michon (Jocelyn) : ...défis
qui nécessitent notre attention. En voici quelques uns : la dégradation
des sols fait la manchette régulièrement, alors qu'on parle très peu des sols
vivants et performants. Les changements climatiques sont perceptibles, ce qui
nous oblige maintenant à anticiper plutôt qu'à réagir; la réduction des gaz à
effet de serre implique que l'agriculture doit y contribuer de façon significative;
l'utilisation rationnelle et raisonnée des pesticides et des fertilisants;
l'effritement du pouvoir de négociation des producteurs agricoles face aux
supermarchés, qui est à un tel point qu'aujourd'hui, nous devons nous contenter
d'un maigre 4 % du prix affiché en épicerie sur certains produits.
Au travers de tous ces enjeux,
l'agriculteur est bien conscient que le développement durable ne peut se faire
qu'en conservant un bon équilibre entre la rentabilité de son entreprise, la
protection de son environnement et sa qualité de vie.
Au cours des 50 dernières années,
l'augmentation de la production céréalière a fait en sorte que beaucoup de
champs en culture annuelle ont été soumis à des excès de travail du sol et à
l'augmentation démesurée de la grosseur des équipements. C'est là le plus grand
malheur de notre agriculture moderne, très loin devant les pesticides, qui
sont, en fait, des produits de protection de la santé des cultures.
Malgré toutes les nouvelles technologies
et les équipements sophistiqués offerts aux agriculteurs, il y a une
conséquence malheureuse qu'on n'a pas su évaluer : la santé des sols. Un
sol déstructuré et compacté réduit l'infiltration de l'eau, l'annulant dans
plusieurs cas, ce qui provoque le ruissellement vers les cours d'eau, en
entraînant, par le fait même, des pertes en fertilisants, des pertes de
pesticides, des pertes de sols et, encore plus important, des pertes en eaux
précieuses, essentielles à la croissance des plantes. En conséquence directe,
les sols dégradés perdent une bonne partie de leurs capacités nourricières et
les plantes cultivées deviennent plus susceptibles aux attaques des ravageurs.
Alors, pour contrer la dégradation des
sols, le semis direct permanent et des cultures de couverture deviennent la
solution à privilégier. Ce système de culture se distingue par l'absence totale
du travail du sol entre la récolte et le semis. Le sol est couvert en
permanence par des résidus de culture et les cultures de couverture. Parce
qu'elles ne sont pas enfouies, les cultures de couverture protègent le sol
contre les intempéries et leurs racines activent la flamme microbienne du sol,
améliorent la structure et recyclent les minéraux.
En l'absence de travail du sol, on assiste
à un rétablissement phénoménal de l'activité biologique du sol, exactement
comme on peut la retrouver dans un écosystème forestier. Il en va de même pour
les qualités physiques du sol, qui s'améliorent grandement : augmentation
de matière organique, séquestration du carbone, meilleure stabilité structurale,
meilleure agrégation des particules de sol, plus grande capacité d'absorption
et de rétention de l'eau. Un sol vivant est un sol performant. Par le fait
même, les plantes sont plus aptes à se défendre contre les ravageurs, que ce
soient des maladies ou des insectes. Il est même possible d'en arriver à se
passer entièrement des applications de fongicides et d'insecticides sur une
culture en croissance.
Un sol vivant est un sol performant. Voici
trois indicateurs de performance qui mettent en valeur tout ce que j'ai cité
précédemment. Le premier tient compte du rendement maïs par hectare. En
utilisant les données de La Financière agricole, le rendement moyen en maïs sur
mon entreprise est de 11 % supérieur à la moyenne de mon secteur et se classe
dans les premiers 7 % des meilleurs rendements au Québec.
En second lieu, la fertilisation azotée
est un élément important pour obtenir de bons rendements. Selon l'industrie, un
kilogramme d'azote devrait produire 56 kilogrammes de maïs. Chez moi, sur mes
sols vivants, chaque unité d'azote appliquée permet une production de 95
kilogrammes de maïs, soit une augmentation de 70 % par rapport à la norme
reconnue.
Le troisième facteur, celui que je
préfère, met en évidence la productivité par rapport à la consommation de
carburant, en faisant le lien avec la réduction des gaz à effet de serre qui
proviennent de l'utilisation d'énergies fossiles et de l'oxydation du carbone
contenu dans la matière organique. Dans une rotation maïs-soya, la consommation
moyenne de carburant est de 92 litres par hectare. Chez moi, c'est 32 litres
par hectare, 92 contre 32. Et en tenant compte du rendement moyen en maïs au
Québec, on établit que chaque litre de carburant est relié à une production
d'environ 100 kilogrammes de maïs; chez moi, c'est quatre fois plus, 410
kilogrammes de maïs par litre de carburant utilisé.
• (16 h 40) •
Cela signifie que le maïs, que le
semi-direct permanent, combiné aux cultures de couverture, permet d'améliorer
la santé des sols, d'atteindre des niveaux élevés de productivité, de réduire
les émissions de gaz à effet de serre et de favoriser la rentabilité.
Cependant, sur un sol fertile et non perturbé par les outils de travail de sol,
la bataille contre les vivaces, telles que le pissenlit, chiendent, laiteron,
prêle et asclépiade nécessite l'utilisation d'un herbicide efficace. Le
glyphosate est actuellement le seul et unique outil à notre disposition pour
répondre à cette exigence. De plus, en se fiant au calculateur SAgE pesticides,
créé...
M. Michon (Jocelyn) :
...travail de sol. La bataille contre les vivaces telles que le pissenlit,
chiendent, laiteron, prèle et asclépiade nécessitent l'utilisation d'un
herbicide efficace. Le glyphosate est actuellement le seul et unique outil à
notre disposition pour répondre à cette exigence. De plus, en se fiant au
calculateur SAgE Pesticides, créé conjointement par les ministères de
l'Agriculture et de l'Environnement, ainsi que par l'Institut de santé publique
du Québec, le glyphosate est considéré comme l'un des produits les plus
sécuritaires et dont les indices de risques pour la santé et pour l'environnement
sont parmi les plus bas, incluant les biopesticides.
Advenant le retrait éventuel du
glyphosate, tel qu'exigé par certains groupes écologistes, la seule
alternative, pour ceux qui ont mis tant d'efforts afin d'améliorer la santé de
leur sol, serait de retourner au travail du sol. En quoi cela répondrait-il aux
objectifs d'une agriculture durable? Pourquoi faire reculer un modèle qui cadre
parfaitement dans la définition même de l'agroécologie?
Par ailleurs, il est possible de faire un
lien entre les pesticides et les médicaments, alors qu'on trouve aussi des
résidus de médicaments dans les cours d'eau. S'il fallait exiger de la population
qu'elle réduise drastiquement sa consommation de médicaments, les conséquences
seraient néfastes si rien n'était fait au préalable pour qu'elle améliore sa
santé physique. Et, même en parfaite santé, on ne peut mettre de côté les
progrès réalisés par la médecine afin de nous aider à maintenir une bonne santé
physique. Nous ne sommes jamais à l'abri d'infections de toutes sortes. Il en
va de même pour nos sols.
Si nous voulons collectivement réduire
l'utilisation des pesticides en agriculture, il faut d'abord et avant tout
mettre en place des pratiques culturales qui vont permettre de remettre les
sols en santé, favorisant ainsi une plus grande résistance des plantes face aux
insectes et aux maladies. C'est d'autant plus important quand les changements
climatiques feront en sorte qu'il faudra accentuer la lutte contre de nouveaux
ravageurs des cultures.
Il est primordial qu'en élaborant des
politiques et réglementations, les ministères de l'Environnement et de
l'Agriculture mettent au premier plan des outils qui reconnaissent les
résultats plutôt que des manières de faire, les résultats en premier lieu.
Avant d'établir les politiques de réduction des pesticides, il faut d'abord
cibler des politiques de remise en forme de nos sols pour les rendre plus
résilients, plus en santé. Il faudrait aussi retrouver, dans les programmes de
soutien de revenu et d'aide à l'investissement une volonté d'assurer une
continuité à long terme des pratiques de régénération des sols.
Aujourd'hui, cette hystérie collective
dirigée contre l'utilisation des pesticides est devenue source d'affrontements
entre citadins et agriculteurs, qui se sentent délaissés face à ces critiques
venues de toutes parts, alors qu'ils respectent les homologations ainsi que la
longue liste des règlements.
Il m'arrive souvent de me demander où nous
en serions maintenant si 25 ans plus tôt nos gouvernements, notre syndicat
agricole, nos coopératives et nos institutions financières avaient mis de
l'avant des politiques qui encouragent la régénération des sols. Une chose est
certaine, dans mon esprit, c'est que je n'aurais certainement pas eu à
intervenir devant cette commission, puisqu'on aurait déjà démontré à la
population non agricole les bienfaits, pour la santé et l'environnement, des
pratiques liées à la santé des sols, plutôt qu'à être... plutôt que d'être
confronté à devenir calmer la tourmente qui nous afflige actuellement. Merci.
M. Lemay : Merci beaucoup, M.
Michon, pour votre exposé. Je cède maintenant la parole au député de
Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Alors, merci, M. le Président. Merci à M. Michon. En... d'entrée de jeu,
j'aimerais ça vous féliciter, vous faites partie du temple de la renommée du
Conseil de conservation des sols du Canada, et vous féliciter aussi pour l'expertise
que vous avez au niveau de la formation. Vous avez été en France et en Ukraine,
donc vous avez vu des choses là-bas.
Et, oui, effectivement, le travail minimum
du sol, on sait très... on sait que c'est très, très important. Et ça contribue
justement à l'amélioration, à la qualité des sols. Ça contribue aussi au niveau
de plantes... plus en santé, tout ça... Excessivement intéressant. Je ne veux
pas tout prendre la parole, parce que je sais que mes collègues ont beaucoup de
questions à vous poser, mais... puis vous avez démontré aussi, puis c'est des
faits que vous avez diminué aussi vos applications d'intrants pour arriver au
même résultat. Donc, on a la preuve, vous avez des faits...
C'est sûr et certain qu'il y a une
impasse, hein, la fameuse impasse, quand on dit : travail minimum du sol,
on ne travaille plus le sol, donc, on ne peut pas faire des faux semis, entre
autres, pour se débarrasser du fameux chiendent, des plantes vivaces, qui se
multiplient par rhizomes. Alors, vous devez intervenir avec un produit de
synthèse, qui est quand même bien contrôlé, parce que vous avez des sols en
santé, donc les plantes sont plus en mesure de résister, plus en mesure de
sortir du sol, faire un meilleur... couvrir plus rapidement, donc minimiser
l'impact aussi au niveau de mauvaises herbes. Et entre autres, quand on parle
des mauvaises herbes, bien on sait... les herbicides, qui constituent 70 %
de l'utilisation des pesticides.
J'aurais aimé calculer votre
carboneutralité, à ce niveau-là, en passant. Je ne sais pas si vous avez fait
le... vous avez été jusque-là, parce que vous parlez beaucoup de réduction des
GES.
M. Lemay : Non, là. Alors, M.
Michon, allez-y.
M. Michon (Jocelyn) : Au
niveau des GES, c'est certain qu'un des facteurs les plus importants au niveau
de la réduction des gaz à effet de serre, c'est ce qui vient de la matière
organique. Le carbone qui...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...je ne sais pas si vous avez fait... vous avez été jusque là. Parce que vous
parlez beaucoup de réduction des GES.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Michon, allez-y.
M. Michon (Jocelyn) : Au
niveau des GES, c'est certain qu'un des facteurs les plus importants au niveau
de la réduction des gaz à effet de serre, c'est ce qui vient de la matière
organique, le carbone qui est compris dans la matière organique. Et à chaque
fois qu'on brasse le sol, on oxyde le carbone qui est dans le sol et ça fait
des CO2. Et il y en a beaucoup. Justement,
quand je suis allé en Ukraine, j'en ai vu des immensités de sols laissés à nu
et je trouvais ça vraiment triste. Ici, au Québec, il y a quand même un certain
engouement des producteurs à couvrir leurs sols. Il y a du travail à faire
énormément, là, mais je pense qu'on est quand même assez bien ici. Il y aurait
moyen de faire mieux.
Il y a le fait aussi qu'on n'est pas
tellement... pas aussi appuyés que d'autres peuvent l'être. Je pense entre
autres aux Américains dans le «farm bill» qui ont des montants alloués, ils
signent des contrats à long terme pour faire du semis direct, semer des plantes
de couverture, des bandes riveraines et aussi des bandes engazonnées. Puis ils
sont même payés pour ne pas cultiver des sols qui sont érodables. Ici au
Québec, on n'a pas vraiment ça pour nous inciter à aller plus loin.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...la parole. Seriez-vous capable à l'heure qu'on se parle de vous passer de
pesticides de synthèse?
M. Michon (Jocelyn) :
Actuellement, sur la planète, il n'y a personne qui peut ne pas faire de
travail de sol et ne pas utiliser de pesticides. Ça n'existe pas. C'est
impensable.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est tout pour moi.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait, alors Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour votre question.
Mme Tardif : C'est très
intéressant, effectivement. Merci beaucoup d'être ici avec votre expertise. Ça
nous fait voir un volet qu'il faut qu'on regarde aussi. Et vous avez
parfaitement raison, et c'est important que les gens le sachent que la nature
du sol et un sol en santé, c'est la clé d'une bonne culture. Donc, de là et les
semis... la culture de couverture est par contre aussi utilisée en agriculture
biologique.
Et de semer directement comme vous le
dites, le semis direct permanent, je crois que c'est ce qu'on fait dans la
culture de la laitue aussi. Parce qu'ils vont laisser les laitues un peu
rouillées. Moi, je trouvais qu'elles étaient belles, étaient bonnes, mais
disons que rendu sur le marché, on ne les aurait pas choisies. Et c'est ça
aussi qui fait que... le consommateur est tellement exigeant par rapport aux
fruits et aux légumes qu'on veut avoir, qu'il faut qu'ils soient toujours
parfaits, donc c'est difficile d'enlever le glyphosate ou d'enlever les
phytocides.
Par contre, en culture biologique, vous
nous dites qu'on reviendrait à quelque chose d'ancestral, que ce ne serait pas
rentable. C'est ce que je comprends. Alors, moi, ce que je... nous, ce qu'on a
constaté, c'est qu'il y a quand même au Québec des modèles de ferme de
600 hectares, de 3000 hectares biologiques qui sont rentables et dont
les sols sont en santé.
Donc, ça se peut. Oui, ça a nécessité de
l'investissement et il y a aussi un mélange de ces cultures-là qui sont, je
vous dirais semi-biologiques. Parce qu'à certains moments, on trouve des moyens
pour diminuer l'utilisation des phytocides, un peu comme les exemples que vous
apportez, avec des plantes, avec... en semant des plantes qui vont pousser
moins hautes que la compétition qu'on ne veut pas avoir. Peut-être que la
productivité diminue un peu, mais je vous dirais que ces fermes-là sont très
rentables.
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon, pour votre réponse.
• (16 h 50) •
M. Michon (Jocelyn) : Au
niveau de la rentabilité, c'est possible que ce soit rentable, mais puisqu'ils
ont le double prix, même deux fois et demie le prix du conventionnel. Enlevez
ce prix-là et ils ne sont pas rentables. La baisse de prix en... La baisse de
rendement en grandes cultures à l'échelle mondiale joue de 30 % à
70 % de baisse de rendement. De 30 à 70. C'est bien difficile d'arriver
avec ça. En France, le blé conventionnel est sept tonnes à l'hectare et le blé
bio est à trois tonnes à l'hectare, mais je ne suis pas ici pour parler de
biologique.
J'ai des amis bio, je vois qu'ils font,
j'en rencontre qui sont plutôt téméraires même. J'en connais un qui est en
semis directs, mais en bio, avec des cultures de couverture pour contrôler les
mauvaises herbes, ils sont toujours à risque de ne pas récolter. Et le
rendement baisse. Plus on s'approche du non-travail de sol en bio, plus on est
à risque de baisser nos rendements. Alors que moi — je disais ça à
mon ami Sébastien — je disais alors qu'avec un petit peu de
glyphosate, juste un petit peu...
M. Michon (Jocelyn) : ...en
bio, avec des cultures de couverture pour contrôler les mauvaises herbes, ils
sont toujours à risque de ne pas récolter, et les rendements baissent. Plus on
s'approche du non-travail de sols en bio, plus on est à risque de baisser nos
rendements, alors que... moi, je disais ça à mon ami Sébastien, je lui
dis : alors qu'avec un petit peu de glyphosate, juste un petit peu, tu
t'éviterais du travail de sol puis tu réussirais à faire des belles choses.
Parce qu'il fait des belles choses, c'est vraiment intéressant.
Mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est
d'avoir un sol en santé, puis ça, un sol en santé, on l'a en absence de travail
de sol. Puis en bio, ça ne se fait pas, du semis direct, en continu puis de
façon rentable, ça ne se fait pas. Puis pour...
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon, je crois que Mme la députée, elle avait une question complémentaire.
Mme Tardif : C'est correct,
merci. Je vais lancer la chance à quelqu'un d'autre. Merci.
Le Président (M. Lemay) : Ah!
parfait. À ce moment-ci, je cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci. M. Michon, lorsque j'ai lu votre mémoire, ça me rappelle de beaux
souvenirs, je me rappelle mon enfance. Alors, j'ai vécu sur une ferme, et
c'était dans les années 60, 70. Alors, sols en santé... Quand j'ai vu votre
mémoire parlant des vers lombrics, ça me rappelait beaucoup de mon enfance. Et
je veux savoir... Dans le fond, on retourne à nos racines, on n'invente pas la
roue, on retourne à nos racines. Et ce que j'aime bien, c'est un sol vivant, un
sol en santé. Par contre, dans tout ce que vous dites, moi, je veux
savoir : Chez vous, est-ce que vos sols sont drainés? Parce qu'en Abitibi,
on n'a pas beaucoup de drainage. On a des sols qui sont drainés, mais pas comme
en Montérégie ou à...
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon.
M. Michon (Jocelyn) : Dans la
région de Saint-Hyacinthe, pratiquement tous les champs sont drainés. On est
dans des sols plats chez nous, et l'égouttement de surface se fait par des
fossés qui ont été creusés. Ce n'est pas des cours d'eau naturels, pas
beaucoup, et puis... Non, tous les champs sont drainés.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
...les terres, ce sont des terres...
M. Michon (Jocelyn) : De
quel... Quel type?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : De
quelle qualité, la terre?
M. Michon (Jocelyn) : J'ai de
tous les types de sols : j'ai principalement un loam argileux; j'ai aussi
des argiles assez lourdes puis un sable léger aussi.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Mais là, ce que vous dites, avec l'hiver qui est difficile, il faut par la
suite mettre du «glycophosate», c'est ça?
M. Michon (Jocelyn) :
Glyphosate.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Glyphosate, excusez-moi.
M. Michon (Jocelyn) : On peut
dire Roundup aussi, c'est plus facile.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Roundup, oui, j'aime mieux. Alors, est-ce que vous en mettez régulièrement
annuellement? Combien de fois par année?
M. Michon (Jocelyn) : J'en
mets à tous les ans. J'en mets à tous les ans, puis on pourrait l'appliquer une
seule fois, mais, moi, je coupe les doses en deux, je l'applique deux fois.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Deux fois?
M. Michon (Jocelyn) : Oui,
deux petites doses.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y. Vous pouvez poursuivre, Mme la députée, il n'y a pas de problème.
M. Michon (Jocelyn) : Bien,
pour compléter, il y a beaucoup d'autres herbicides que je ne mets pas à la
place, là.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui?
M. Michon (Jocelyn) : Oui, le
Roundup remplace beaucoup de produits qui sont beaucoup plus à risque. On
parlait tantôt du calculateur SAgE Pesticides. Je l'ai fait, ce calcul-là, je
peux vous le présenter, là. Le glyphosate, la quantité que j'applique, il y a
un indice de risque pour la santé, au taux que j'applique, de 38, et pour
l'environnement, de 4. Et, si j'ajoute un autre produit avec lui, pas un
antigraminée, bien là, je monte à 145 et 134. Et, si on m'enlevait le
glyphosate, je devrais prendre un produit qui est à 114,33 $ et en
utiliser deux autres qui monteraient à 758 $ et 170 $, ce qui ferait
que je serais à 872 $ et 203 $, selon le calculateur SagE Pesticides,
contrairement au glyphosate seul. Mais ce n'est pas une bonne chose de l'utiliser
seul, parce qu'il y a un danger de résistance des plantes, et on est mieux de
l'accompagner. Puis dans mes régions... dans mon secteur à moi, il y a une
pression forte de sétaire géante et de morelle noire. Alors, il faut que
j'accompagne le glyphosate d'un autre produit.
Ça fait que 38,04 $ contre 872 $
et 203 $, c'est le choix qu'on a à faire. Je pense qu'il est assez facile
à faire.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Vous avez vu, depuis les 40 ans, au niveau de la... au niveau de votre...
M. Michon (Jocelyn) : 46.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Pardon?
M. Michon (Jocelyn) : 46 ans.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : 46
ans, une évolution de votre sol ou une rétrogradation. Pouvez-vous m'en parler?
M. Michon (Jocelyn) : Non, une
évolution...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Une évolution.
M. Michon (Jocelyn) : ...une
évolution. D'ailleurs, au départ, je n'aurais jamais pensé que ça pourrait
arriver à tel point... à ce point-là. Tout est facile aujourd'hui. Les semis se
font facilement. Le sol... Bien, l'augmentation de la matière organique... La
matière organique, c'est vraiment le point fort là-dedans, parce qu'on
n'enfouit pas les résidus, et ils ne sont pas brûlés, ils se décomposent et se
transforment en matière organique. Et je suis passé d'un taux de 1,6 % de
matière organique à 3 %, 3,5 %, puis même du 4 % de matière
organique. Donc, ça rend le sol beaucoup plus souple, et les semis sont
beaucoup plus faciles. Et, en ne travaillant pas le sol, bien, les mauvaises
herbes qui réussissent à passer, bien, les semences tombent au sol et elles
pourrissent à la surface du sol plutôt qu'être enfouies puis être mises dans un
milieu où est-ce qu'elles pourraient revenir plusieurs années plus tard.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
C'est fini?
Le Président (M. Lemay) : Non,
non, allez-y.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
O.K. Et, si on enlève le Roundup, on passe une loi : Plus de Roundup au
Québec, ça vous met dans quel état?
M. Michon (Jocelyn) : Je vais
vous le dire. On m'enlève le glyphosate, je retourne au travail de sol. C'est
ça qu'on a dit. Ça me coûterait 500 000 $ en machinerie, pour
commencer. Au niveau du carburant, ce serait une augmentation de
20 000 $ par...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
...on passe une loi, plus de Roundup au Québec, ça vous met dans quel état?
M. Michon (Jocelyn) : Je vais
vous le dire. On m'enlève le glyphosate, je retourne au travail de sol. C'est
ça qu'on a dit. Ça me coûterait 500 000 $ en machinerie pour
commencer. Au niveau du carburant, ce serait une augmentation de 20 000
litres... 20 000 $ par année, 20 000 litres. En entretien
machinerie, ce serait 15 000 $ de plus. Plus de machinerie, plus
d'entretien, c'est normal.
Au niveau des fertilisants, je devrais
augmenter de 20 000 $... au moins 20 000 $ par année parce
qu'actuellement mon sol est tellement en santé que j'ai coupé de moitié ma
fertilisation. Au niveau de la phyto, bien, les produits de remplacement me
coûteraient 30 000 $ par année de plus, c'est quand même beaucoup,
puis j'aurais besoin d'un employé saisonnier qui me coûterait
20 000 $.
Ça fait que j'en suis à
105 000 $ par année d'augmentation de frais et de l'augmentation de
machinerie de 500 000 $ par... pas par année mais en une fois, ça
fait que c'est beaucoup d'argent quand même. Il faut y penser. Puis, si on
ajoute à ça l'indice de risque pour la santé, bien, moi, je pense que je
quitterais le travail.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
...votre méthode est-elle applicable dans plusieurs cultures du Québec?
M. Michon (Jocelyn) : Dans
plusieurs cultures?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Dans plusieurs cultures au Québec.
M. Michon (Jocelyn) : Toutes
les grandes cultures.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Toutes les grandes cultures?
M. Michon (Jocelyn) : Toutes
les grandes cultures. Je fais du maïs en semis direct, du soya en semis direct,
des légumes de conserverie, comme des haricots et des pois sont faits en semis
direct. Il n'y en a pas beaucoup, on est juste deux dans les pois, puis je
pense que je suis le seul à faire des haricots en semis direct, et mes
rendements sont toujours parmi les meilleurs.
Parce que je n'ai pas de coup de chaleur,
mon sol conserve plus l'humidité et répond mieux aux excès d'eau et aux manques
d'eau. Le fait d'avoir augmenté la matière organique de deux points ou presque,
chaque pour cent de matière organique me permet d'avoir l'équivalent d'une
pluie de 25 millimètres d'eau en réserve.
Donc, je peux économiser... je peux
conserver 50 millimètres de pluie dans mon sol, dans ma matière organique pour
passer les périodes sèches pendant l'été. Ça, là, c'est beaucoup. C'est pour ça
que mes rendements sont parmi les meilleurs...
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup. Je laisse la place à mes collègues.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député de Lac-Saint-Jean, pour environ 1 min 30 s.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon. O.K. Combien d'acres possédez-vous? Combien d'hectares cultivez-vous?
M. Michon (Jocelyn) : 236.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
236. Donc, on parle de 600, 650 acres. O.K.
M. Michon (Jocelyn) : Je suis
un peu en bas de la moyenne des producteurs.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
236... 600 acres. J'ai...
M. Michon (Jocelyn) : 700
arpents.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. J'ai lu aussi que vous travaillez avec les réseaux d'avertissements
phytosanitaires.
M. Michon (Jocelyn) : Oui, je
regarde ça un peu, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Puis vous faites affaire avec des clubs-conseils en agroenvironnement.
M. Michon (Jocelyn) : Oui,
j'ai un club-conseil en... Oui, je suis membre d'un club, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. Bien...
M. Michon (Jocelyn) : Bien,
mon...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Allez-y.
M. Michon (Jocelyn) : Bien,
pour mon PAEF, mon Plan agroenvironnemental de fertilisation, il est fait à ma
coop. Mon bilan phosphore est fait à ma coop, et pour le club c'est seulement
des... pour des points particuliers comme du dépistage justement de vers
fil-de-fer pour savoir si j'ai besoin de néonics, et le dépistage a dit que je
n'en avais pas besoin.
Le Président (M. Lemay) : ...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Donc, le service de réseau phytosanitaire est quand même... fait le
travail parce qu'on s'en sert pour... au niveau de... ce que vous me dites, au
niveau des seuils de tolérance, des seuils d'intervention.
M. Michon (Jocelyn) : Bien, je
reçois...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : À
tous les... Comment ça fonctionne?
M. Michon (Jocelyn) : Bien, je
reçois par courriel l'information et je la lis ou je ne la lis pas. C'est...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : À
tous les jours?
M. Michon (Jocelyn) : Bien, je
ne sais pas, peut-être. Ça revient souvent, je trouve, oui, beaucoup. Je n'ai
pas remarqué mais au moins deux, trois fois par semaine, je ne sais pas,
peut-être... environ.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Mais c'est un outil intéressant. Est-ce que c'est intéressant?
M. Michon (Jocelyn) : Oui,
oui, oui, je le regarde, je regarde les titres. Ce n'est pas toujours des
sujets qui m'intéressent, là, mais, ce qui m'intéresse, je le lis.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Donc, c'est intéressant.
Le Président (M. Lemay) : Ceci
complète la période avec la partie du gouvernement. Je cède maintenant la
parole à députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : ...M. le
Président. Bonjour, M. Michon. Merci d'avoir pris le temps de venir nous
rencontrer. Bien, d'entrée de jeu, je voudrais vous dire que moi, je partage
vos inquiétudes sur toute la question de la perte de fertilité des terres au
Québec. C'est un sujet dont, malheureusement, on parle trop peu, et j'espère
que cette commission va nous donner l'occasion d'en parler davantage.
Ceci dit, j'ai beaucoup de questions à la
lumière du témoignage que vous venez de nous faire. Premièrement, là, on a
établi l'espace de votre culture. Vous cultivez quoi exactement, précisément?
Le Président (M. Lemay) :
...M. Michon.
M. Michon (Jocelyn) : Des
cultures?
Mme Montpetit : Oui.
M. Michon (Jocelyn) : Du maïs,
du soya en production de semences — je suis multiplicateur de
semences — et des haricots de conserverie. Les beaux haricots
extrafins, là, que vous mangez, que vous prenez en surgelé, là, ils peuvent
provenir de chez moi... et des pois aussi.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : ...je suis
heureuse que vous puissiez venir témoigner devant nous parce qu'avec... du haut
de vos 46 ans comme agriculteur, vous pouvez certainement répondre à plusieurs
de nos questions, dont une, moi, qui... puis ce sera l'occasion de l'adresser,
mais vous avez dû, j'imagine, comme agriculteur, vous...
J'imagine que vous êtes capable de
témoigner sur la perte de biodiversité si ça fait 46 ans que vous êtes dans les
champs. Je présume qu'en termes de... On a parlé beaucoup des espèces aviaires
mais aussi des pollinisateurs qui sont quand même responsables de 33 % de
notre agriculture. Qu'est-ce que vous en pensez de ça?
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon.
• (17 heures) •
M. Michon (Jocelyn) : C'est
une bonne question. Je suis content que vous me la posiez parce que, chez moi,
je suis impressionné par la biodiversité que je peux avoir. J'ai des... J'ai
plein...
17 h (version non révisée)
Mme Montpetit : ...on a parlé beaucoup
des espèces aviaires, mais aussi des pollinisateurs qui sont quand même
responsables de 33 % de notre agriculture. Qu'est-ce que vous en pensez de
ça?
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon.
M. Michon (Jocelyn) : C'est
une bonne question, je suis content que vous me la posiez, parce que, chez moi,
je suis impressionné par la biodiversité que je peux avoir. J'ai plein de vers
de terre chez moi, c'est entre 400 puis 900 vers par mètre carré, c'est beaucoup
de monde. 400 vers, ça représente une tonne à l'hectare de vers de terre. Et
puis les vers de terre sont à peu près toujours... ils représentent toujours
environ 20 % à 22 % de l'ensemble des micro-organismes qui vivent
dans le sol, ce qui fait que j'aurais entre cinq et neuf tonnes de
micro-organismes dans mon sol. Ça fait que c'est pour ça que ça fonctionne bien
aussi.
Et, dans mes champs, j'ai beaucoup de nids
d'oiseau. C'est certain que, s'ils viennent nidifier avant que je passe le
semoir, la probabilité qu'ils passent à travers les roues du semoir sont
minimes. Après que je sois passé avec le semoir, avec mon fils qui passe avec
le semoir, bien là, ils peuvent s'installer, puis j'ai beaucoup de nids
d'oiseau dans mes champs. Et, dans mes couverts végétaux qui fleurissent, bien,
j'ai beaucoup aussi de pollinisateurs...
Le Président (M. Lemay) :
Merci.
M. Michon (Jocelyn) :
...beaucoup de pollinisateurs.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Donc, vous,
comme agriculteur, en 46 ans, vous ne constatez aucune perte de biodiversité
sur le terrain.
M. Michon (Jocelyn) : Chez
moi?
Mme Montpetit : Oui, juste par
curiosité, parce que ça m'étonne un peu dans la mesure où on s'entend, vous
êtes probablement le seul au Québec à nous dire ça aujourd'hui. Donc, c'est
juste... est-ce qu'il y a un microcosme autour de votre terre, ou c'est de la
façon dont... vous ne constatez aucune perte de biodiversité?
M. Michon (Jocelyn) : Bon.
Premièrement, ce que je fais, moi, là, semis direct il n'y a personne qui vend
ça. Il n'y a pas de vendeur de machinerie qui vend de semis direct. Il n'y a
pas de vendeur intrant qui vend de semis direct. C'est nous, les producteurs,
qui avons décidé de le faire. Puis on est environ 10 % à faire de semis
direct, entre 8 % et 10 % à faire de semis direct permanent, sans
travail de sol, ce qu'on pourrait appeler sol vivant. Ce n'est pas unique, ça.
Je suis peut-être celui qui est ici aujourd'hui, j'ai écrit un mémoire, moi,
pour un peu me défouler, et vous l'avez bien accepté, je suis content d'être
venu vous le montrer, et puis j'espère qu'il va y avoir des répercussions.
Mais, en tout cas, chez moi, j'ai une haie
brise-vent aussi, que je prends ma marche régulièrement, puis je suis
accompagné de beaux monarques, j'aime bien ça, des libellules. C'est
magnifique, c'est magnifique.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
M. Michon (Jocelyn) : Le
problème... Oui.
Mme Montpetit : Je comprends,
vos terres sont sur le bord de l'eau, à certains égards...
M. Michon (Jocelyn) : Non.
Mme Montpetit : ...vous n'avez
pas du tout... vous n'avez pas de bord d'eau.
M. Michon (Jocelyn) : Non, je
n'ai pas de rivière. Non, moi, je suis à la mi-chemin entre la Yamaska et la
Richelieu. J'ai une partie de mes terres qui s'en vont dans la Richelieu puis
une autre partie... de l'eau de mes terres qui s'en vont dans la Richelieu,
puis l'autre dans la Yamaska.
Mme Montpetit : Parfait. Donc,
vous n'êtes pas concerné du tout par la question du maintien des bandes
riveraines, là.
M. Michon (Jocelyn) : Ah!
c'est une bonne question aussi. Un sol en semis direct non travaillé, on peut
le considérer comme une bande riveraine à la grandeur du champ. J'en ai, des
bandes riveraines aussi, parce que je trouve ça joli, ça me permet de circuler
quand je vais voir mes champs l'été, j'ai des bandes de trois mètres, quatre
mètres, cinq mètres. Et puis, cet automne, on en fait une, une spécialement,
une bande fleurie de 800 mètres de long, qui va prendre quatre mètres de large
pour la beauté de la chose.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je suis
assez... il me reste trois questions, en fait, là, plus précisément, mais
j'étais assez surprise de vous entendre dire qu'il est impossible de faire de l'agriculture
biologique, là, les membres de cette commission sont tous allés visiter... je
pense qu'il est écrit, noir sur blanc, dans votre mémoire qu'il est impossible
de faire de l'agriculture dans pesticide, c'est bien ça?
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon.
M. Michon (Jocelyn) : C'est
impossible de faire du non-travail de sol et sans pesticide, c'est ce que j'ai
dit, parce que des producteurs en bio, en principe, n'utilisent pas de
pesticide, ils ont droit à des biopesticides. Puis même là-dessus, aux
États-Unis, il y a 20 pesticides de synthèse qui sont homologués en bio.
Mme Montpetit : Juste pour
être clair, est-ce que vous convenez qu'il est possible de faire... puis vous
avez répondu à une collègue aussi de l'autre côté, peut-être que c'est moi qui
erre dans mon interprétation, est-ce qu'il est possible, oui ou non, de faire
de l'agriculture sans pesticide?
M. Michon (Jocelyn) :
Actuellement, sur la planète, il n'y a personne qui réussit à faire du
non-travail de sol sans pesticide, ça ne se fait pas.
Mme Montpetit : Mais est-ce
qu'il est possible de faire de l'agriculture sans pesticide? Oui, c'est juste,
je ne veux pas mal vous citer.
M. Michon (Jocelyn) : En bio,
en bio, ils en font, avec les inconvénients avec, surtout ce qu'on parle de
santé de sol, bien, ça s'aggrave de ce côté-là et puis la productivité qui
s'aggrave aussi. On le sait...
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée, allez-y avec votre prochaine question.
Mme Montpetit : J'étais un peu
surprise, parce qu'on est allé visiter, entre autres, la ferme Agri-Fusion, qui
est quand même une terre qui a plus de 3 000 hectares, hein, qui est la
plus grande ferme biologique au Québec, une des plus grandes au Canada aussi,
qui réussit très bien, pas que notre mandat est vers le biologique, mais, comme
on voulait voir une grande surface, une grande culture qui avait réussi à faire
une transition en utilisant moins de pesticides, je suis un peu surprise, mais
ça vient clarifier ce que vous dites.
Et vous avez parlé, c'est ça, vous avez
évoqué beaucoup la question de la fertilité des sols, mais qu'est-ce que vous
proposez exactement? Parce que je comprends bien l'enjeu, comme je vous dis, je
partage vos inquiétudes...
Mme Montpetit : ...j'étais
un peu surprise, mais ça vient... ça vient clarifier ce que vous dites. Et vous
avez parlé... c'est ça, vous avez évoqué beaucoup la question de la fertilité
des sols. Mais qu'est-ce que vous proposez exactement? Parce que je comprends
bien l'enjeu, comme je vous dis, je partage vos inquiétudes. Mais, une fois
qu'on a dit ça, au niveau des réglementations, au niveau de l'encadrement que
le gouvernement peut donner, comment vous pensez que les agriculteurs doivent
être accompagnés ou sensibilisés, ou éduqués, pouvez-vous nous expliquer plus
spécifiquement, parce que vous êtes un des seuls, dans les prochains jours, qui
allez vraiment... qui nous parlez vraiment de cette question-là, pouvez-vous
nous en dire plus sur ce qui doit être fait pour que les agriculteurs portent
une attention particulière à ça?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Michon.
M. Michon (Jocelyn) :
Bon, moi, je n'ai pas eu besoin d'incitatifs pour le faire. J'ai voulu le faire
et je l'ai réalisé. On a évalué les choses, puis, moi, c'était plus facile pour
moi, parce que je détestais labourer. Ça a bien commencé. Puis je n'aimais pas
me promener dans les champs puis je n'aimais pas dépenser pour des opérations
qui étaient inutiles. Maintenant, ceux qui tardent à adopter, il en reste quand
même... en tout cas, il y a 35 % des agriculteurs qui mentionnent faire
une certaine forme de semis directs. Puis, pour augmenter le nombre ou
l'intérêt, moi, je pense qu'il y a besoin d'incitatifs positifs. Le principe du
bâton ou la carotte, là, moi, je plus du côté carotte que du côté bâton.
Et puis on a quand même... dans le passé,
j'ai réfléchi à qu'est-ce qui pourrait être fait, et puis on a un outil ici, au
Québec, qui est La Financière agricole qui garantit des prêts agricoles et
qui pourrait tenir compte, dans les taux d'intérêt, du facteur santé des sols,
sols vivants sous condition que l'agriculteur soit accompagné par un agronome,
qu'il ait suivi une formation sur la santé des sols ou assistée à des journées
caravane des sols. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose les journées
caravane des sols. C'est organisé par Odette Ménard, Louis Robert que
vous allez voir demain, et aussi Bruno Garon, le spécialiste en
compaction. Et puis, si on veut aller voir dans les champs ce qu'ils font,
leurs journées de champs avec les producteurs, c'est vraiment exceptionnel,
c'est vraiment beau à voir. Ça fait que, ça, ça pourrait être une chose. Quand
les producteurs vont demander un prêt, bien, il pourrait un avantage sur celui
qui... pour celui qui a déjà commencé à prendre soin de son sol.
Il pourrait y avoir aussi des rabais sur
les tarifs d'assurance récolte. Moi, je paie... pour mes haricots et mes pois,
je paie un montant exorbitant parce que c'est des cultures de courte saison, de
six... huit semaines, et puis elles sont souvent sujettes à la météo pour... au
niveau des rendements. Et puis souvent c'est des coups de chaleur, trop d'eau,
pas assez d'eau qui font en sorte que les producteurs réclament de l'assurance
alors que, chez moi, je ne réclame jamais. Je m'assure pour la grêle ou pour le
gel, mais je ne réclame jamais. Alors, là aussi, il pourrait y avoir un
avantage au niveau des taux d'assurance.
Puis, il y a d'autres choses qui se font
ailleurs pour évaluer... pour aider les producteurs à améliorer leur situation,
là, au niveau des sols. On travaille plus sur la finalité que sur le moyen.
Puis, là-dessus, il y a deux exemples que je voudrais vous donner. En Suisse,
c'est une recherche qui est faite par le Dr Matthias Stettler qui, lui, a
établi que la charge maximale à la roue, pas à l'essieu, mais pour chaque roue,
devrait être de 3,5 tonnes, et un 4 tonnes maximum par roue pour
obtenir le maximum des aides financières des gouvernements.
Aussi en Suisse, il y a un autre projet
qui est étudié, c'est qu'on veut réaliser... on cherche un rapport de 1/17
entre la matière organique puis le taux d'argile. C'est plus difficile de...
les argiles, c'est plus à risque de les abîmer, donc il faut qu'il y ait plus
de matières organiques dans ces sols-là. Ça fait que, pour avoir droit aux aides
financières, parce qu'en Europe il y a beaucoup, et puis ici on n'a rien, bien,
il faut qu'il y ait un rapport 1/17, et puis un minimum, par exemple, à
40 % d'argile, il faudrait qu'il y ait 2,35 % de matières organiques.
S'ils ne l'obtiennent pas, bien, faites des choses pour le monter.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Michon. Ceci termine l'échange avec l'opposition officielle. Je
cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
• (17 h 10) •
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. Michon. Le semis direct, c'est quand même quelque chose que je
connais bien, on en a beaucoup qui en font dans ma région. Et je constate avec
votre discours que l'idée que les gens font souvent d'opposer le semis direct à
l'agriculture biologique, c'est bien présent. Moi, j'aimerais savoir, depuis
que vous utilisez le semis direct, est-ce que vous avez été capable d'établir
le pourcentage de réduction de l'utilisation de vos pesticides?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Michon...
Mme Lessard-Therrien : ...font souvent
d'opposer le semis direct à l'agriculture biologique. C'est bien présent. Moi,
j'aimerais savoir, depuis que vous utilisez semis direct, est-ce que vous avez
été capable d'établir le pourcentage de réduction de l'utilisation de vos
pesticides?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Michon.
M. Michon (Jocelyn) : Ce n'est
pas quelque chose que j'ai tenu, mais je n'utilise plus d'insecticide ni de
fongicide sur la culture en croissance, et je n'ai pas de néonics. C'est déjà
pas mal. Au niveau des herbicides, j'utilise le glyphosate et je l'accompagne
d'un antigraminées... la plus faible dose d'un antigraminées résiduel.
Le Président (M. Lemay) : ...
Mme Lessard-Therrien : ...
utilisez plus de glyphosate en quantité, ou je ne sais pas comment il faudrait
le chiffrer, versus tous les autres insecticides, fongicides que vous utilisiez
auparavant?
Le Président (M. Lemay) : ...
Michon.
M. Michon (Jocelyn) : Ça n'a
rien à voir, le glyphosate, avec des fongicides et insecticides. Le glyphosate,
en fait, ce qu'il me permet, c'est de ne pas travailler le sol. C'est déjà une
bonne chose.
Mme Lessard-Therrien : Je
comprends, mais, en termes de quantité, est-ce que vous notez une amélioration quand
même significative de l'utilisation de ces intrants-là l'un versus l'autre? Est-ce
que vous en utilisez plus ou moins? C'est ça ma question.
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon.
M. Michon (Jocelyn) : Le
glyphosate, il y a une dose recommandée, et on le fait depuis toujours. On ne
peut pas diminuer la dose glyphosate. Avant le glyphosate, j'utilisais des
herbicides. J'avais pris pour habitude de faire des doses réduites
fractionnées. Malheureusement, ça ne peut pas être recommandé par un agronome parce
que ce n'est pas sur l'étiquette. Mais moi, je le faisais. Je faisais deux fois
25 % de la dose, deux applications de 25 %, pour faire 50 % de
l'application. Je faisais ça avant. C'était déjà... j'avais déjà commencé à
réduire l'utilisation des pesticides avant d'en arriver au glyphosate
maintenant qu'il y a des cultures OGM.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien : Oui.
Tantôt, vous parliez des outils. Parce que j'ai un petit peu de difficulté, là,
dans votre mémoire, vous parliez que les évaluations les plus optimistes
prévoient une baisse de rendement de l'ordre de 35 %. Il y a quand même...
On a entendu d'autres intervenants, précédemment, qui disaient qu'il n'y avait
pas vraiment d'incidence sur le rendement des cultures, même que, plus souvent
qu'autrement, il y avait des gains, et surtout quand on peut vendre notre
production beaucoup plus cher. Et ces intervenants-là nous sensibilisaient
aussi sur le fait d'ajouter, peut-être, une assurance, ou de bonifier les
assurances qui sont déjà sur le marché auprès de la financière où, si vous
utilisez les méthodes de lutte intégrée, vous n'utilisez pas de pesticide, vous
cautionnez un fonds d'assurance qui vous assure que, si jamais vous avez les
pertes escomptées, bien, vous serez compensé. Est-ce que ça ne serait pas là un
facteur réconciliant, pour vous, pour vous tourner vers de l'agriculture sans
pesticide?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Michon, je suis désolé. Vous pourrez peut-être transmettre votre
réponse au secrétaire, mais je dois céder la parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. M. Michon, en lisant votre mémoire, je trouvais ça intéressant, le
souci de la qualité du sol. Mais je trouve ça... Bon, je trouve que vous avez
des affirmations un peu catégoriques, entre autres, qu'on retournerait à une
époque de grande famine si on arrêtait d'utiliser les pesticides. Moi,
j'aimerais savoir, par rapport avec... à votre paradigme, à vos hypothèses,
est-ce qu'il y a d'autres groupes ou des chercheurs qui corroborent vos dires
par rapport au fait que c'est impossible de faire de la production bio sans
travail du sol?
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon.
M. Michon (Jocelyn) : Vous
voulez savoir quoi, au juste? Que s'il y a des chercheurs qui corroborent ce
que je dis?
M. Roy
: Vous nous
dites que c'est impossible de faire de l'agriculture biologique...
M. Michon (Jocelyn) : Sans...
M. Roy
: ... sans
travail du sol.
M. Michon (Jocelyn) : Sans
travail de sol.
M. Roy
: Oui. Est-ce
qu'il y a d'autres groupes qui appuient cette hypothèse?
M. Michon (Jocelyn) : Bon,
ici, au Québec, on a nos conditions climatiques. Si j'étais à cinq heures plus
au Sud, avec trois semaines de printemps de plus et trois semaines de l'automne
de plus, je pourrais établir des couverts végétaux plus intéressants que ce
qu'on peut faire ici, au Québec. Et c'est avec les couverts végétaux que les
biologiques, les producteurs biologiques, tentent de réduire le travail de sol,
et c'est avec ça aussi que je tente de réduire l'utilisation des pesticides.
Mais on n'y arrive pas, personne. Et la production biologique, plus on
s'approche du non-travail de sol, plus on est à risque de ne pas récolter. Je
pourrais vous donner des exemples, on a un de mes bons amis qui a fait... qui
s'approche semis direct, avec une fertilisation, avec du fumier du poulet, qui
a réussi à sortir trois tonnes à l'hectare. Moi, avec le même exercice, en
non-travail de sol, sur sol vivant, avec 50 unités d'azote qui provient de
fumier de dindon, j'ai sorti 12 300 kilos. On est là.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député, allez-y.
M. Roy
: Ma question,
est-ce qu'il y a d'autres groupes, des chercheurs, des scientifiques qui
corroborent vos hypothèses à savoir qu'on ne peut pas faire d'agriculture
biologique sans travailler le sol?
Le Président (M. Lemay) : M.
Michon.
M. Roy
: Donc, je
cherche une validation par les pairs. C'est comme ça que ça fonctionne en
science.
M. Michon (Jocelyn) : Oui, je
sais, je comprends. Mais vous savez que les agriculteurs, ce qu'ils font chez
eux, ça passe avant la recherche...
M. Roy
:
...groupes, des chercheurs, des scientifiques qui corroborent vos hypothèses, à
savoir qu'on ne peut pas faire d'agriculture biologique sans travailler le sol.
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon.
M. Roy
: Donc, je
cherche une validation par les pairs, c'est comme ça que ça fonctionne en
science.
M. Michon (Jocelyn) :
Oui, je le sais, je comprends. Mais vous savez que les agriculteurs, ce qu'ils
font chez eux, ça passe avant la recherche. Les chercheurs confirment ce que
les agriculteurs ont trouvé, c'est beaucoup... dans beaucoup de cas.
Et il y a des chercheurs, je pourrais vous
nommer des noms, il y a des personnes importantes, il y a Lucien Séguy, qui est
un Français qui a fait le tour du monde et puis que, lui, il donnerait à
glyphosate... à Monsanto pour avoir sorti le glyphosate, qui a permis à 170 millions
d'hectares sur la planète de ne pas être travaillés... de ne pas avoir de
travail de sol, pour améliorer la santé de ces sols-là. Lui, il va vous le dire
qu'on est mieux d'avoir un petit peu d'herbicide. Lucien Séguy...
Le Président (M. Lemay) :
M. Michon, je dois vous interrompre. Ceci... Merci pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux représentants de La Coop fédérée de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de La Coop fédérée en vous rappelant que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, nous procéderons avec la période
d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vais vous inviter à vous
présenter ainsi que les gens qui vous accompagnent, puis vous pourrez y aller
avec votre exposé. La parole est à vous.
M. Desroches (Gaétan) :
Merci, M. le Président. Mme la vice-présidente, Mmes, MM. les membres de la commission,
je me présente, Gaétan Desroches, je suis chef de la direction de La Coop
fédérée depuis cinq ans. Je suis accompagné par M. Sébastien Léveillé, qui
est vice-président exécutif de La Coop fédérée et chef de la direction de
Sollio Agriculture, qui est notre division agricole. Nous sommes tous deux
agronomes de formation et travaillons à La Coop fédérée depuis respectivement
39 ans et 17 ans. Nous sommes aussi accompagnés de M. Alexandre
Mailloux, agronome et directeur de la recherche et du développement des
productions végétales chez Sollio Agriculture, qui travaille notamment à notre
ferme de recherche située à Sainte-Rosalie.
D'entrée de jeu, je tiens à remercier les
membres de la commission de l'opportunité qui est donnée à La Coop fédérée de
faire connaître son point de vue sur le sujet complexe qu'est l'utilisation des
produits de protection des cultures au Québec.
L'organisation que je représente existe
depuis près de 100 ans, et, depuis près de 100 ans, nous travaillons
à la prospérité des familles agricoles. Nous sommes une fédération de
coopératives agricoles et agroalimentaires canadiennes qui compte
57 coopératives, lesquelles regroupent 120 000 membres. Nous
travaillons au développement d'une agriculture québécoise rentable et durable
par-dessus tout. Notre mission est de contribuer à nourrir le monde.
Nous tenions à être ici aujourd'hui, car
nous savons que, si nous faisons partie du problème, nous faisons forcément
partie de la solution. Le débat des derniers mois a polarisé la société, certes,
mais il a aussi pavé la voie à une réflexion plus que nécessaire. Cette
réflexion, nous, La Coop fédérée et sa division agricole, Sollio Agriculture,
nous l'avons aussi entreprise à l'automne 2018, en continuité avec nos
premiers gestes posés en ce sens en 1995.
• (17 h 20) •
L'agriculture est maintenant plurielle, et
toutes les agricultures, qu'elles soient de niche, bio, de proximité ou
conventionnelle seront...
M. Desroches (Gaétan) : ...La
Coop fédérée et sa division agricole, Sollio Agriculture, nous l'avons aussi
entreprise à l'automne 2018, en continuité avec nos premiers gestes posés
en ce sens en 1995.
L'agriculture est maintenant plurielle, et
toutes les agricultures, qu'elles soient de niche, bio, de proximité ou
conventionnelle, seront nécessaires pour répondre aux attentes de chacun et
relever le défi de nourrir une population croissante dans des conditions
climatiques de plus en plus volatiles.
Je cède maintenant la parole à mon
collègue, M. Sébastien Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
Merci, M. le Président. Je trouve qu'il y a quelque chose de rassurant dans
l'intérêt renouvelé pour la réalité agricole. Le débat nous amène cependant à
réaliser qu'il semble exister deux solitudes au Québec, celle des ruraux et
celle des urbains. D'un côté, nous retrouvons les producteurs agricoles. Comme
ils le disent eux-mêmes, ils empruntent la terre à la génération qui suit. Les
impacts des produits de protection des cultures sur leur santé et l'environnement
les préoccupent. Je vous mets au défi de trouver un producteur qui gaspillerait
son argent et sa terre léguée de ses parents et héritage pour sa propre
famille.
L'autre, nous avons les urbains, soucieux,
comme nous tous, de leur alimentation, leur santé et de l'environnement, et
animés d'une vision souvent romantique de l'agriculture. Les producteurs
agricoles savent qu'il existe trois impératifs. Premièrement, la santé de leur
famille, deuxièmement, l'environnement, et enfin, troisièmement, des aliments
sains de qualité à coûts abordables pour les Québécois. Le coût des aliments
est en fait le grand défi, car nous sommes dans un contexte de concurrence
internationale. Une offre alimentaire de qualité et abordable permet d'acheter
des produits du Québec plutôt que ceux importés où il est bien souvent
impossible de bien connaître les pesticides utilisés.
À travers les années, nous avons anticipé
les changements. Nous avons su nous moderniser et prendre des décisions pour
demeurer pertinents auprès de nos producteurs agricoles et de la société
québécoise. Nous le faisons pour développer une agriculture prospère et pour
contribuer à réduire l'angoisse des producteurs quant à leur avenir et celui de
leur famille. La transition vers une agriculture plus durable est déjà amorcée
mais nous devons être prudents afin qu'elle ne se fasse pas au détriment de la
productivité. Une approche scientifique est à privilégier pour relever ce défi.
Notre présence quotidienne sur le terrain nous permet d'identifier les avenues
les plus porteuses pour l'avenir de l'agriculture, c'est notre profonde
conviction.
L'innovation caractérise chacune de ces
avenues. Les nouvelles technologies nous amènent à transformer nos pratiques.
Un exemple concret : notre plateforme AgConnexion, qui compte
11 600 fermes connectées au Canada. Cette plateforme est un outil
diagnostic de santé des sols qui permet la transparence des actes agronomiques.
À l'aide de photos satellites, elle rassemble les données relatives à la
fertilisation et à la protection des cultures, la présence de ravageurs, les
diagnostics de compaction de sols ou d'irrigations, les résultats d'épandage de
produits en fonction d'une foule de facteurs. Notre plateforme numérique
constitue un premier pas envers ce qu'on appelle l'agriculture de précision.
Appliquer un traitement uniformément sur
un champ n'a aucun sens lorsque seulement une partie devrait être traitée, tant
d'un point de vue économique qu'environnemental. Il existe cependant des freins
au développement de l'agriculture de précision. Si la technologie permet
d'accumuler de plus en plus de données sur l'utilisation des produits, le
changement des pratiques au champ se fait attendre. Pour accélérer
l'implantation d'agriculture de précision, il faut accélérer la numérisation de
l'agriculture. Nous croyons que la création d'un programme de crédits d'impôt
favoriserait cette action.
Il faut ensuite faciliter l'application
localisée de produits. Pour y parvenir, il faut attirer les fabricants de
machinerie agricole de précision pour que le Québec devienne un marché
intéressant pour eux. La création d'un programme incitatif visant la mise à
niveau des équipements pour les producteurs agricoles est aussi un facteur de
succès pour les encourager à prendre ce virage. Une agriculture précise,
intelligente, le bon produit, la bonne dose au bon endroit et au bon moment,
pour nous, c'est à la base d'une agriculture de précision et durable.
Vous pouvez constater que l'innovation est
essentielle, mais pour innover, il faut d'abord comprendre la réalité agricole,
et pour comprendre la réalité agricole, il faut être sur le terrain.
Ceci nous amène à parler du statut de
l'agronome, qui joue un rôle clé dans l'innovation. Nous croyons qu'il existe
une seule catégorie d'agronomes. Qu'ils travaillent pour un distributeur
d'intrants agricoles ou non, tous les agronomes reçoivent une formation
universitaire équivalente, sont encadrés par le même ordre et sont soumis au
même code de déontologie. La présence d'agronomes oeuvrant dans nos entreprises
est vitale pour l'industrie agricole, puisque c'est la réalité des producteurs
agricoles... qu'émergent les réelles innovations à la ferme.
Nous sommes ensuite les mieux placés pour
influencer les manufacturiers dans le bon sens, puisque nous distribuons leurs
produits. Ce transfert de connaissances se fait également vers nos chercheurs
ainsi que les institutions scientifiques qui sont nos partenaires. Nos
agronomes sont une courroie de transmission. Ils sont des catalyseurs du
transfert technologique à la ferme en appliquant une...
M. Léveillé (Sébastien) :
...les mieux placés pour influencer les manufacturiers dans le bon sens,
puisque nous distribuons leurs produits. Ce transfert de connaissances se fait également
vers nos chercheurs ainsi que les institutions scientifiques qui sont nos
partenaires. Nos agronomes sont une courroie de transmission. Ils sont des
catalyseurs du transfert technologique à la ferme en appliquant une méthode
d'essais pratiques des produits utilisés par leurs clients, et ce, grâce à la
confiance qu'ils ont développée avec eux.
Sollio Agriculture approvisionne la ferme
en intrants de culture. En tant que plus grand joueur au Québec, nous avons à
pratiquement toutes les gammes de produits de tous les fournisseurs, produits
biologiques, produits de protection des cultures, nouvelles technologies,
plateformes numériques, objets connectés. Ainsi, nos agronomes ont la liberté
d'écouter les producteurs agricoles tout en conservant une totale liberté face
aux fabricants.
Cela dit, nous sommes d'accord avec le
principe que l'acte agronomique doit se faire en toute indépendance. La R&D
est nécessaire et fondamentale et elle devient toutefois efficace lorsque le
transfert de connaissances quitte le laboratoire pour la réalité de la ferme.
Si nous coupons ce lien entre la recherche et le terrain, nous freinons
l'innovation et augmentons l'angoisse des producteurs, tout simplement.
M. Desroches (Gaétan) : Depuis
plus de 20 ans, les enjeux entourant la protection des cultures ont été l'objet
de réflexions constantes, d'investissements, de protocoles d'entente,
d'ateliers et de conférences. La Coop fédérée est convaincue que la solution
passe par les progrès scientifiques, tant au chapitre des solutions
agronomiques qu'à l'intégration de nouvelles générations de biotechnologie, par
la robotisation et par le développement d'applications et d'outils d'aide à la
prise de décisions utilisant l'intelligence artificielle, et des conseils
agronomiques de grande qualité.
L'innovation nous permettra d'aller dans
le bon sens pour continuer le développement d'une agriculture québécoise
rentable et durable pour tous. Celle-ci ne saurait toutefois se concrétiser
sans trois conditions nécessaires : la familiarité entre les agronomes
oeuvrant chez nous, les producteurs et les manufacturiers, pour concrétiser le
transfert technologique, l'appui du gouvernement pour le respect des
réglementations existantes et pour le développement de l'innovation et le
soutien des Québécois à leurs producteurs agricoles en privilégiant leurs produits
dans leur panier d'épicerie.
M. le Président, Mme la Vice-Présidente,
Mmes, MM. les membres de la commission, je vous remercie.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Donc, nous entamons la période d'échange avec la partie du gouvernement
et je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci pour votre exposé. Merci aussi d'avoir déposé un
mémoire et de participer aux audiences. D'entrée de jeu, je regardais un petit
peu, dans votre mémoire, bien, quand je l'ai lu, que vous avez 14 000
emplois... employés. C'est à la grandeur du Canada?
M. Desroches (Gaétan) : On a
14 000 employés à travers le Canada pour dans les trois divisions,
c'est-à-dire Olymel, qui est la division transformation des viandes, BMR, qui
est les quincailleries, et Sollio Agriculture.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Au Québec, combien d'employés au Québec?
M. Desroches (Gaétan) :
Environ 10 000.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Et sur les 10 000, est-ce que... combien d'agronomes?
M. Desroches (Gaétan) : On va
laisser monsieur...
M. Léveillé (Sébastien) : Chez
Sollio Agriculture, on a 75 agronomes, mais il faut comprendre, M. le député,
que c'est l'ensemble des coopératives locales qui sont... qui emploient beaucoup,
beaucoup d'agronomes. Donc, on augmente à près de 300 agronomes au Québec, lorsqu'on
compte tous nos réseaux au Québec.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K.,
O.K. Et... Bon, écoutez, bien, êtes-vous en mesure un peu de m'expliquer le système
de rémunération de vos agronomes?
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : Je
peux commencer, M. le Président, par vous parler de la rémunération de chez
Sollio Agriculture, à La Coop fédérée. Il n'y a aucun agronome qui a une
rémunération basée, par exemple, sur les volumes de vente ou par bonification
sur des volumes ou des augmentations de quantités de produits ou quoi que ce
soit.
Par contre, actuellement, ce qu'on fait,
c'est qu'on fait un inventaire de l'ensemble de la rémunération des coopératives.
Il faut comprendre qu'une coopérative locale est une entreprise indépendante,
qui est dans notre réseau, mais qui est une entreprise indépendante. Mais ce
qu'on fait présentement, c'est faire un recensement de l'ensemble de la
rémunération. On a fait aussi l'embauche d'un groupe d'éthiciens qui va nous
donner un coup de main avec l'information qu'on va recevoir de ce
recensement-là. Il va y avoir un plan d'action qui va être déposé. On va être
capables de l'adresser, là, dans les prochaines semaines, là, suite à ça.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Mais... non mais on convient quand même tous que le chiffre d'affaires et
important, donc il faut quand même avoir des revenus pour la coop et quand même
vendre aussi.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Desroches.
M. Desroches (Gaétan) : Je
voudrais juste faire une précision. Je comprends ce que vous dites, mais la...
les ventes de pesticides, chez nous, sur le chiffre d'affaires de
6,3 milliards, ce n'est pas beaucoup, c'est moins de 1 %.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Est-ce que vous faites... vos agronomes aussi, font du... des bilans
phosphore, des PAF?
• (17 h 30) •
M. Léveillé (Sébastien) : Oui,
tout à fait, ça fait partie des services que les coopératives locales offrent.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Donc, vous comprendrez que...
17 h 30 (version non révisée)
M. Léveillé (Sébastien) :
...ce n'est pas beaucoup. C'est moins de 1 %.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Est-ce que vous faites, vos agronomes aussi font des bilans phosphore? Des
PAF.
M. Léveillé (Sébastien) :
Oui, tout à fait. C'est fait à partir des services que les coopératives locales
offrent.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc, vous comprendrez que tout à l'heure, on a eu... l'ordre des agronomes qui
sont venus et, entre autres, la question était justement les agronomes, là, qui
sont liés au niveau des entreprises, toute la question de l'apparence de
conflit d'intérêts qui est soulevée à ce niveau-là et on en parle énormément,
là, au cours des dernières semaines, des derniers mois de cette situation-là,
alors, c'est là pourquoi.
Est-ce que vous avez... il y a un code
d'éthique au niveau des agronomes. Mais vous, chez vous, au niveau de la coop,
avez-vous aussi un code d'éthique différent ou supplémentaire pour encadrer vos
agronomes?
M. Lemay : Parfait.
M. Desroches.
M. Desroches (Gaétan) : À
la Coop fédérée, on a un code d'éthique pour tous nos employés. À chaque année,
il y a une révision puis lorsqu'ils sont embauchés, ils signent le code
d'éthique et puis, à chaque année, il y a une évaluation en fonction du code
d'éthique.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. Léveillé en complément.
M. Léveillé (Sébastien) :
...M. le Président. J'ajouterais que le code de déontologie de l'agronome pour
tous nos agronomes est non négociable. C'est-à-dire que les agronomes se
doivent de respecter le code de déontologie en premier lieu. On prône très certainement
que la relation entre un conseiller agronome et son client est une relation de
conseil.
Maintenant, comme je vous ai dit un peu
plus tôt, ce qu'on a tenté de faire, là, pour bien comprendre le modèle ou
l'apparence de conflit dont vous parlez, M. le député, bien, présentement, avec
l'aide de ce groupe d'éthiciens là, on va tenter de faire un bilan de ce qui se
passe en termes de rémunération notamment puis être capable de bien comprendre
le lien que les agronomes peuvent avoir avec les agriculteurs pour qu'on
réaffirme avec notre monde que c'est un mandat de conseil qu'on veut que les
agronomes puissent avoir avec les agriculteurs.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci. Est-ce que vous offrez de la formation annuellement, quotidiennement à
vos agronomes?
Le Président (M. Lemay) :
Oui, est-ce que... M. Léveillé, allez-y.
M. Léveillé (Sébastien) :
On a de la formation à plusieurs moments de l'année pour nos agronomes pour
leur donner les meilleures pratiques de toutes sortes de sujets, effectivement.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci. Je vais y aller un petit peu plus au niveau de l'ARLA. Je vais changer
de sujet, mais ça se ressemble quand même, là. Il y a beaucoup de groupes tout
à l'heure qui... on en a parlé au niveau du fédéral... l'homologation.
J'aimerais avoir votre opinion, votre point de vue, là, on veut avoir le point
de vue de la coop là-dessus au niveau de l'homologation, au niveau de l'ARLA.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
L'opinion que je peux vous donner à ce stade-ci, c'est qu'on respecte les
instances fédérales en place. Et on n'est pas là pour donner des leçons à
l'ARLA ou aux instances gouvernementales sur leur efficacité d'homologation de
produits, ce qu'on dit, c'est qu'on fait confiance aux instances fédérales,
tout simplement, là, pour l'instant...
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci. La coop ne fabrique pas de produits de pesticides.
M. Léveillé (Sébastien) :
Oui. La coop est un distributeur de pesticides. Donc, la coop ne fait pas de
molécules de pesticides. Cependant, ce qu'on a, on a une petite entreprise qui
est basée dans le Canada anglais, à Winnipeg, qui fait des génériques, en fait.
Mais c'est que donc la Coop fédérée ne fabrique pas de molécules de pesticides
du tout.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Et, je reviens à l'ARLA, au niveau de l'homologation des produits, tout
dépendamment avec les cahiers de charge, vous en pensez quoi?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé, allez-y.
M. Léveillé (Sébastien) :
Encore une fois, ce que je peux vous dire là-dessus, c'est dans le contexte
actuel, on a confiance aux instances du fédéral parce que c'est le moyen pour
nous de répondre aux questions sur l'homologation. Donc, on a confiance
actuellement à ce qui se passe à l'ARLA jusqu'à preuve du contraire. Mais pour
le moment, la Coop fédérée a toujours respecté ce que faisait l'ARLA en termes
d'homologation de produits.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Et d'un point de vue provincial, vous vous situez où au niveau de la province
par rapport à l'ensemble des autres provinces en termes de respect, en termes
d'application, en termes de prescription?
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
Je vous dirais le Québec pour notre réseau à nous, pour le réseau de
Sollio-Agriculture, quand on parle du réseau de Sollio-Agriculture, pour vous
situer, là, c'est le réseau des coopératives au Québec, le réseau des
agrocentres qui est aussi un réseau de Sollio-Agriculture. À l'extérieur du
Québec, c'est un réseau de partenaires, donc c'est un réseau de coentreprises
que l'on possède. Mais au Québec, on a beaucoup plus de services qu'à
l'extérieur du Québec. Donc, on a des accompagnements pour les PAEF, les bilans
phosphore. On a plus de possibilités en fait de services auprès... pas des
producteurs, auprès de nos membres. Évidemment, c'est nos membres fondateurs.
Si on est à l'origine, on est au Québec. Par contre, de plus en plus à l'extérieur
du Québec, on tente effectivement d'amener des services à valeur ajoutée aux
agriculteurs pour les aider de toutes sortes de facettes de leur entreprise.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Monsieur...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Comme j'avais des collègues, M. le Président, je passerais la parole à...
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Donc, à ce moment-ci, je cède la parole au député de Dubuc...
M. Léveillé (Sébastien) : ...de
plus en plus, à l'extérieur du Québec, on tente effectivement d'amener des
services à valeur ajoutée aux agriculteurs pour les aider sur toutes sortes de
facettes de leur entreprise.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Monsieur le...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...je pense que j'avais des collègues... M. le Président, je passerais la
parole à...
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Donc, à ce moment-ci, je cède la parole au député de Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Bonsoir, messieurs. La Coop fédérée a bientôt 100 ans.
Spectaculaire. Vous aurez sans doute droit aux segments de téléroman sous peu.
Dites-moi, vous faites allusion à des efforts accrus qui devraient être
consentis par Québec pour évaluer les bandes riveraines à risque de pollution
des cours d'eau par les pesticides, puis vous le placez dans un contexte de
topographie par rapport, probablement, aux bassins versants. On a parlé un
petit peu plus tôt aussi de 140 municipalités qui s'impliquent, et puis vous
faires référence au fait de le vivre avec la collaboration des municipalités.
Dans le fond, ma question est assez simple : Est-ce que les municipalités
sont outillées, à l'heure où on se parle, pour être partenaires dans cette
démarche-là?
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé, allez-y.
M. Léveillé (Sébastien) :
Merci, M. le Président. En fait, ce qu'on dit, c'est qu'il y a probablement
place à resserrer un peu la réglementation, resserrer surtout, peut-être, les
contrevenants, s'assurer qu'on encourage aussi les agriculteurs. Je suis assez
d'accord aussi à apporter plus le modèle de la carotte que du bâton. Donc, si
les producteurs agricoles pouvaient obtenir de l'aide pour compenser... Vous
savez, dans la région de Saint-Hyacinthe, les terres peuvent coûter jusqu'à
20 000 $ de l'acre, hein? Donc, c'est certain que ces arguments-là,
qui sont tout le temps sur la table... Tu sais, il faut appeler un chat, un
chat. C'est toujours ces arguments-là qui sont sur la table. Donc, c'est dans
cet esprit-là qu'on parlait des mesures pour aider les producteurs agricoles à
respecter davantage les bandes riveraines. Et pour nous, c'est essentiel. On
pense que c'est une bonne pratique, une bonne mesure, qu'il faut faire
respecter.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Autre question. Vous faites allusion, en début, mais aussi en
conclusion, aux conditions climatiques plus volatiles dans notre contexte.
Est-ce que vous pourriez préciser davantage quel type d'impact que ça a? C'est
un... Vous faites allusion à l'élément. Ça doit être un indicateur quand même
reconnu aussi, là? Comment c'est documenté?
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé ou M. Desroches? Allez-y, M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : En
fait, M. le Président, on a l'impression qu'on n'a plus... Des fois, on se
dit... en agriculture, on se dit : Bien, cette année, ce n'est pas une
année normale. On a l'impression qu'il n'y en a plus beaucoup, des années
normales. On a la chance de voir l'agriculture dans l'ensemble du Canada et on
voit que la pression sur les agriculteurs pour faire leurs semis au printemps
est de plus en plus importante, donc. Et pour des détaillants comme nous, des
détaillants qui doivent être auprès des producteurs, être proches d'eux, leur donner
les intrants nécessaires aux cultures, on sait que, souvent, les printemps, là,
ils nous laissent six, sept, huit jours, là, pour être capables de faire les
semis à la grandeur du territoire du Québec, là. Donc, c'est à ça qu'on fait
référence, hein? Ça met énormément de pression sur les agriculteurs, puis c'est
vrai ici au Québec. Je vous assure, pour avoir la chance d'être un peu partout
au Canada, c'est vrai partout.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député.
M. Desroches (Gaétan) : Rappelez-vous,
ce printemps, au Québec...
Le Président (M. Lemay) : Oh!
M. Desroches, allez-y.
M. Desroches (Gaétan) :
Excusez, je voulais juste dire : Rappelez-vous le printemps, au Québec,
qu'on a eu.
M. Léveillé (Sébastien) :
C'était très humide. Supersec au moins de juillet.
M. Desroches (Gaétan) : C'est
ça.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : Autre question.
Vous venez de parler des détaillants. Vous proposez de les faire auditer. Qui,
selon vous, pourraient être les mieux placés à procéder?
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
Bien, c'est une bonne question. Dans le mémoire, on vous propose un comité
multipartite. Évidemment, ce sera peut-être à préciser, mais on pense que, si
on avait un comité multipartite dans lequel on pourrait impliquer des
universités là-dedans... Il y a quelques exemples qui existent à l'extérieur du
Québec. Mais ça permettrait, entre autres, aux détaillants de se discipliner aussi,
dans la mesure où ils font notamment de l'arrosage à forfait, mais ils font
aussi de la recommandation pour les agriculteurs. Et puis s'assurer que les
détaillants comprennent bien ce qu'ils font en termes de recommandation de
pesticides et, dans plusieurs cas, d'application de pesticides aussi.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Tremblay : Comment voit
l'Ordre des agronomes, cette perspective-là, selon vous?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : Je
ne veux pas répondre au nom de l'Ordre des agronomes, mais cependant, je pense
qu'il pourrait certainement y avoir une discussion avec l'ordre, qui pourrait
jouer un rôle central dans les échanges pour amener cette notion-là d'auditer
les détaillants.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député.
M. Tremblay : J'ai peut-être
une autre question. Dites-moi, vous avez parlé avec passion et intensité de
l'agriculture de précision. On a pu le ressentir, je pense, aussi sur le
terrain. L'évolution technologique, c'est assez incroyable. Est-ce qu'on est
outillés? Puis est-ce qu'on est en mesure de concurrencer ce qui se fait à
l'étranger? On voit qu'il y a beaucoup de machineries qui sont réalisées en
Europe, mais à partir des observations terrain de chez nous, est-ce qu'on
pourrait être en mesure d'adapter puis de développer des marchés plus
potentiels au Québec, selon vous?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
...M. le Président. En fait, c'est une excellente question. Oui, c'est vrai que
ça nous tient à coeur. Ça a paru qu'on était émotifs ou, disons, convaincus de
ça. C'est sûr que l'agriculture ne fait pas exception au reste de la société,
là. La technologie va nous amener des gains, c'est clair.
• (17 h 40) •
On a maintenant 11 600 fermes au
Canada qui ont souscrit à l'utilisation de notre plateforme à connexion, qui,
essentiellement, sert à recenser les recommandations...
M. Léveillé (Sébastien) : ...ça
a paru qu'on était émotifs ou, disons, convaincus de ça. C'est sûr que l'agriculture
ne fait pas exception au reste de la société, là, la technologie va nous amener
des gains, c'est clair.
On a maintenant 11 600 fermes au
Canada qui ont souscrit à l'utilisation de notre plateforme à connexion, qui
essentiellement sert à recenser les recommandations agronomiques, mais aussi
qui est un très bon outil d'agriculture de précision. Plus on va réussir à
numériser les fermes, plus on va être capables d'apporter une précision.
Écoutez, appliquer des pesticides de clôture à clôture, là, en 2019, là,
probablement qu'on n'est plus là, parce qu'on veut réduire le taux
d'application de pesticides absolument, c'est ce qu'on aimerait être capables
de faire avec cette... avec toute l'arrivée de la technologie.
Maintenant, un point que vous soulevez,
c'est : Est-ce que la machinerie est là? Est-ce que les équipements sont
là? Non. La réponse est non. On le voit, à l'extérieur du Québec, à l'extérieur
du Canada. Le Québec est un petit marché agricole, si on est honnêtes, donc on
devra intéresser ces équipements entiers là à venir s'installer au Québec, puis
faire en sorte que l'application géopositionnée de pesticides soit possible
chez nous.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, onc, sur ce, je cède la parole au député de Maskinongé.
M. Allaire : Il reste combien
de temps, s'il vous plaît?
Le Président (M. Lemay) :
Environ deux minutes.
M.
Allaire : Bien. Merci. On le sait, là, il y a eu un changement de
réglementation, au cours des dernières années, par rapport aux pesticides,
entre autres, la tenue... l'obligation de tenir un inventaire, l'obligation
aussi pour le producteur de demander une prescription pour l'utilisation de
certains pesticides. Je me questionne sur l'impact sur le producteur. Ça, là,
c'est vos membres, là, vous avez 120 000 membres, dont plusieurs
producteurs. Ils en ont pensé quoi de ce changement-là? Puis, veux veux pas, on
ne peut pas penser qu'avec les travaux de la commission on va davantage
augmenter la réglementation à ce niveau-là. Vous pensez qu'ils vont réagir
comment?
Le Président
(M. Lemay) : M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Je vais vous donner juste quelques informations. Je vais
demander peut-être à mon collègue, Alexandre, de compléter, Alexandre qui est
vraiment meilleur que moi d'un point de vue technique. Mais on a vu quand même
nos ventes baisser substantiellement, hein, dans les produits sensibles,
notamment l'atrazine, on a vu les ventes baisser substantiellement. Maintenant,
de quelle façon c'est reçu dans le champ et de quelle façon c'est travaillé
dans le champ? Si vous me permettez, M. le Président, je demanderais à
M. Mailloux.
Le Président
(M. Lemay) : ...environ à une minute.
M. Mailloux
(Alexandre) : Vous voulez parler... juste répéter le sens de votre
question.
M.
Allaire : ...à partir du moment où on fait un changement de
réglementation, c'est... veux veux pas, c'est le producteur qui est impacté
ultimement très souvent. Ils réagissent comment à ce changement de
réglementation là et, probablement, le changement à venir aussi?
M. Mailloux
(Alexandre) : Bien, un peu comme on a dit tantôt, moi, je pense qu'il
faut regarder ça vers le futur, et puis, vers le futur, l'agriculture de
précision, il y a toute la gestion de données. Les jeunes producteurs, ils ont
tous des téléphones, puis anciennement, c'était un calepin que l'agriculteur
avait dans sa pochette ici, et aujourd'hui c'est le téléphone. Et puis c'est...
je pense que c'est là qu'il faut regarder pour vraiment se développer.
C'est sûr que si
on numérise les observations, comme là, présentement, nos agronomes qui ont...
les producteurs qui sont déjà sur cette plateforme-là peuvent prendre la photo
de la mauvaise herbe et géoréférencer la photo. Donc, c'est facile, après ça,
d'en discuter avec l'agriculteur durant l'hiver puis faire des plans d'action.
Là, qu'est-ce qu'il nous manque? C'est un peu plus de faire des plans d'action
avec de l'équipement puis de traiter seulement que la portion du champ qui est
attaquée ou qui est... Et puis souvent, l'objection qu'on va a voir de
l'agriculteur, c'est : Oui, mais là, je vais-tu perdre de l'argent
ailleurs si je n'en mets pas? Tu sais, il y a gestion de risque.
Donc, quand on
est dans des cultures à valeur ajoutée, c'est plus facile pour l'agriculteur de
bien cerner puis de documenter, mais quand on a des...
Le Président
(M. Lemay) : Je vais devoir vous interrompre, M. Mailloux, sur
ce, désolé. On est rendus à la période d'échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, messieurs. Mon
collègue faisait référence à la question des bandes riveraines, là, je vais
aller directement là-dessus, parce que c'est une des recommandations que vous
faites. Je comprends que... Bon, d'un point de vue, vous suggérez d'encourager
les producteurs, donc les encourager financièrement, compenser, c'est ce que je
comprends, et d'un autre côté, vous dites aussi réaffirmer, rendre plus
restrictive encore la réglementation. J'aimerais savoir, un, à quel niveau vous
suggérez de la rendre encore plus restrictive, de quelle façon?
Et j'ai une
question qui est un petit peu plus pointue : Comme vous êtes sur tout le
territoire québécois, j'imagine que vous êtes capables d'avoir une lecture de
ça, à savoir qu'en ce moment c'est les municipalités qui appliquent cette
réglementation-là, donc souvent des petits villages, où tout le monde se
connaît, est-ce qu'il n'y a pas un enjeu ou est-ce que ça devrait être le rôle,
selon vous, des municipalités, dont le frère, la soeur... Comme je disais, moi,
je viens d'un petit village de 900 habitants, tout le monde se connaît.
Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu fondamental, à l'application de cette
réglementation-là, de donner la gouvernance au niveau des municipalités?
Le Président
(M. Lemay) : Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé
(Sébastien) : Merci, M. le Président. Vous avez raison, Mme la
députée. Tantôt, ce que je voulais dire par plus restrictive, c'est beaucoup
par rapport à la surveillance, comme vous en faites référence. Ce qu'on pense,
c'est que s'il n'y a pas de surveillance, c'est une réglementation qui ne
s'appliquera pas, là. S'il n'y a pas de surveillance ou il n'y a pas une espèce
de changement ou de modification dans la façon de suivre ou de surveiller les
bandes riveraines, bien, ça va être difficile de l'appliquer, selon nous, donc
c'est exactement ce qu'on fait référence, resserrer un peu plus la surveillance
des bandes riveraines pour la faire respecter, parce que, pour nous, c'est une
bonne mesure...
M. Léveillé (Sébastien) :
...s'il n'y a pas de surveillance, c'est une réglementation qui ne s'appliquera
pas, là. S'il n'y a pas de surveillance ou il n'y a pas une espèce de
changement ou de modification dans cette... dans la façon de suivre ou de
surveiller les bandes riveraines, bien ça va être difficile de l'appliquer selon
nous. Donc, c'est exactement ce qu'on fait référence, resserrer un peu plus la
surveillance des bandes riveraines pour la faire respecter, parce que pour nous
c'est une bonne mesure qui devrait être, en fait, respectée tout simplement.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Quand vous
dites resserrer, est-ce que vous parlez d'ajouter des inspecteurs au niveau
provincial ou est-ce que... c'est pour ça... ma question est assez précise.
Est-ce que l'application et la surveillance, par exemple des bandes riveraines,
devraient être portées pe au niveau des MRC pour enlever ce facteur de
proximité entre les gens qui doivent faire appliquer la réglementation et la
surveillance et les agriculteurs?
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : Je
serais bien mal placé pour me mettre à juger des juridictions, mais une chose
qu'on sait que présentement, là, elle n'est pas surveillée. La bande riveraine
n'est pas surveillée. On ne se sent pas nécessairement à l'aise de vous dire
quelles juridictions devraient prendre la prendre charge de la surveillance des
bandes riveraines, mais on sait que présentement, là, elles ne sont pas assez
surveillées.
Ce qu'on aimerait, c'est qu'elles soient
plus surveillées. Est-ce que vous pensez que ça devrait être une juridiction
des MRC? Pour être bien honnête, on aimerait pouvoir vous donner une réponse à
ce stade-ci, mais on est plutôt mal à l'aise de vous donner la juridiction.
Cependant, pour faire les campagnes, on voit qu'elles ne sont pas suffisamment
respectées, les bandes riveraines et on sait qu'elles ne sont pas non plus
surveillées adéquatement.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Non, non, mais de toute façon, votre réponse nous éclaire
certainement pour les recommandations qu'on aura à faire par la suite, parce
que... Je pense que c'est très clair que l'enjeu des bandes riveraines est un
problème. Si ce n'est que pour la protection des écosystèmes, donc il y a
certainement quelque chose à faire. Je suis contente que vous veniez nous
éclairer à ce niveau-là.
J'ai beaucoup de respect pour votre
profession comme agronome. Et j'aimerais qu'on... j'aimerais profiter de
l'occasion où vous êtes présent pour vous entendre sur les échanges qu'on a eus
avec l'Ordre des agronomes, à savoir entre autres qu'il y a un... Bon, l'Ordre
des agronomes venait nous éclairer sur le fait qu'il y avait un nombre quand
même assez important d'agronomes qui ont été inspectés et pour lesquels il y
avait des erreurs au dossier, dont des erreurs graves qui remettaient en cause
les compétences de ces agronomes, hein, c'est la terminologie qui a été
utilisée, et à savoir plus précisément des agronomes qui n'ont pas respecté la
nouvelle réglementation du Québec sur l'utilisation de l'atrazine. Ça ne
m'apparait pas seulement déplorable, ça m'apparait très grave, ce qu'on a
appris aujourd'hui. Et j'aimerais vous entendre comme agronome commenter cette
situation.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
Merci, M. le Président. En fait, c'est sûr, pour nous, le code de déontologie,
l'application de la réglementation, c'est non négociable. Puis c'est plus que
non négociable, c'est obligatoire. Et on fait confiance aux... habituellement
aux offices, en fait à l'Ordre des agronomes pour faire ses inspections. Puis
si l'Ordre des agronomes juge que l'agronome a manqué à son code de
déontologie, a manqué à la réglementation, l'agronome doit en subir les
conséquences. On en est tout à fait conscient.
D'ailleurs, ça fait partie intégrante de
la réalité. Quand un agronome vient travailler chez Sollio Agriculture ou dans
le réseau des coopératives aussi est très, très au courant le code de déontologie
n'est pas négociable et que la réglementation n'est pas négociable non plus.
Donc, lorsqu'il ya eu l'entrée en vigueur de la recommandation, notamment de
l'atrazine, comme vous en faites mention, bien, les agronomes se devaient...
nous sommes agronomes, les trois, et on est très conscients que la
réglementation doit être respectée à la la lettre, surtout dans un cas comme
ça. C'est extrêmement important.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Léveillé. Sur ce, je cède la parole au député de Marquette.
M. Ciccone :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Vous avez... la
profession d'agronome est sûrement la profession la plus populaire depuis les
dernières années. On en a parlé amplement, vous avez fait les manchettes à tort
ou à raison. Cette confiance-là, des citoyens, des Québécois, est effritée un
petit peu, parce que vous avez un impact directement dans nos assiettes chez
nous, ici, les Québécois.
Cependant, je reviens encore au conflit
d'intérêts, parce que M. Duval, le président de l'Ordre des agronomes,
disait que le conflit d'intérêts n'est pas avec les compagnies, mais avec les
distributeurs. Vous avez dit un peu plus tôt que vous étiez des distributeurs.
Alors, avez-vous déjà donné des redevances, des ristournes à des agronomes avec
qui vous faites affaire?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
C'est une bonne question. Dans notre... chez Sollio Agriculture, la réponse est
non. Maintenant, comme je vous dis, dans la façon de rémunérer nos agronomes présentement,
il y a des choses... Comme les coopératives locales sont des entreprises
indépendantes, on fait un recensement présentement de quelle façon ils sont
rémunérés et on veut s'assurer de bien comprendre avant de vous dire que ça a
été fait ou que ça n'a pas été fait, de bien le comprendre pour pouvoir vous
donner un diagnostique clair.
• (17 h 50) •
Ceci étant dit, c'est... Dans le passé, il
y avait des opportunités de voyage ou ce genre de choses là, d'études avec les
agronomes. C'est une réalité, ça ne serait pas très honnête de dire le
contraire. Ceci étant dit...
M. Léveillé (Sébastien) : ...de
vous dire que ça a été fait ou que ça n'a pas été fait, de bien le comprendre
pour pouvoir vous donner un diagnostic clair. Ceci étant dit, c'est... dans le
passé, il y avait des opportunités de voyage ou ce genre de choses là, d'études
avec les agronomes. C'est une réalité, ça ne serait pas très honnête de dire le
contraire. Ceci étant dit, pour nous, les choses ont changé, puis je vous
dirais que la génération a changé aussi. Les choses ne se passent plus comme
elles se passaient il y a 15 ou 20 ans, ça, je vous assure une chose.
Le Président (M. Lemay) :
Député de Marquette.
Une voix
: ... pardon.
M. Ciccone :Est-ce que j'entends que la Coop fédérée ne fait plus ça, mais
l'a déjà fait dans le passé?
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : La
Coop fédérée, là, on est distributeurs de produits. Puis, là, je vais être bien
clair, on est un phytopharmacien. Les manufacturiers de chimie, on les a en
inventaire, et les agronomes qui vont voir les agriculteurs voient la
problématique qu'il y a aux champs et recommandent le meilleur produit, au
meilleur moment, dans les meilleures conditions, peu importe le produit. C'est
comme un pharmacien, quand vous allez à la pharmacie, là, puis vous avez un
problème de santé, là, va choisir le bon produit. C'est exactement ce qu'on
fait. Ce qu'on... Ce que je vous dis, c'est que c'est vrai qu'on a déjà eu des
relations avec ces fournisseurs-là, exactement, dans le passé, ça, c'est clair,
puis ce n'était pas nécessairement par rapport à des volumes de ventes, c'était
des... pour être capable d'avoir de la formation ou d'être capable d'avoir des
relations avec ces gens-là, mais...
M. Ciccone :
... ma question est très claire.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député, allez-y.
M. Ciccone :
Pourtant, ma question est très claire. Allez-vous donné des redevances
monétaires à des agronomes?
M. Léveillé (Sébastien) : Pas
chez nous.
M. Ciccone :
Pas chez vous. Parfait.
Maintenant, je vais aller un peu dans ce
que vous m'avez dit, de donner les meilleurs conseils possibles aux
agriculteurs, puis je vais me faire le porte-parole, justement, de certains
agriculteurs. M. Dulude, qui cultive du chou, du concombre, du poivron... des
poivrons, du maïs, à Saint-Rémi, a dit que mon agronome... a dit : Mon
agronome me disait de mettre des pesticides même quand je n'en avais pas
besoin. Ça, c'est... Un autre agriculteur a économisé 20 000 $ par
année depuis qu'il fait affaire avec un agronome indépendant, puis lui, il n'a
pas voulu s'identifier par crainte de subir frondes des compagnies... les
frondes des compagnies de pesticides. Est-ce qu'il y a un régime de peur dans
le monde des agronomes et des distributeurs et des compagnies de pesticides?
Parce que, pour moi, là, je trouve ça très grave qu'il y a des agriculteurs qui
travaillent à la sueur de leurs fronts, qui nous amènent nos aliments dans nos
assiettes... aient peur.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Desroches.
M. Desroches (Gaétan) : Là, il
faut comprendre qu'on est une coopérative. On appartient aux producteurs
agricoles. Je ne veux pas parler pour les autres, mais, chez nous, les
producteurs, là, qui ont des... qui ont ce genre de redevances ou de critiques
là, ils les font à leur conseil, puis ça remonte chez nous directement. Puis on
n'en a pas beaucoup, ça. En tout cas, moi, je n'ai pas eu... entendu de ce
genre de réplique là, là, mais c'est ce qu'on vit chez nous.
Le Président (M. Lemay) : ...
député.
M. Ciccone :
Mais ce sont des faits, M. le Président, ce n'est pas moi qui les ai inventés.
Maintenant, je veux parler, un peu, des
mesures fiscales. Dans vos conclusions, propositions et recommandations, vous
parlez... mettre en place des mesures fiscales dédiées de soutien des efforts
de recherche et de commercialisation des méthodes ou de produits innovants
comme solution de remplacement à l'utilisation traditionnelle des produits
chimiques. J'aimerais que vous me donniez des exemples, justement, de mesures
fiscales, crédit d'impôt ou autre, quelques exemples.
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : ...
agriculture de précision, là, est un élément central. Là, tout à l'heure, on en
a parlé un peu, mais, si on était capable de pouvoir aider les agriculteurs à
adopter l'agriculture de précision pour numériser davantage leurs champs puis
aller un peu plus loin pour empêcher l'application des pesticides clôture à
clôture, c'est un bon exemple de ce qu'on voulait dire par «mesure fiscale
d'aide à l'adoption».
M. Ciccone :
Sous forme... Sous quelle forme? Parce que, quand vous citez ce genre de mesure
fiscale là, c'est, vous voulez un chèque, vous voulez des crédits d'impôt?
Juste nous donner un peu... des exemples, un peu.
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) : On
pensait surtout aux producteurs agricoles, pour un crédit d'impôt, par exemple.
M. Ciccone :
O.K.
M. Léveillé (Sébastien) : Du
producteur.
M. Ciccone :
Merci.
Le Président (M. Lemay) :
C'est bon?
M. Ciccone :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Excellent, merci. Ceci complète l'échange avec l'opposition officielle.
Maintenant, je cède la parole à la députée
de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Oui.
Bonjour, messieurs, merci d'être là. J'avais des petites interrogations par
rapport à une affirmation, là, dans votre mémoire, quand vous dites : La
science du vivant est évolutive, et les remèdes d'hier ne sont pas suffisants
pour répondre aux nouveaux enjeux. Le statu quo est impuissant et l'innovation
incontournable. On avait, juste avant vous, un producteur agricole, aussi, qui
semblait plutôt négatif par rapport aussi à l'utilisation des méthodes de
culture ancestrales. Je me demande à quoi vous faisiez référence, quand on
parle de remèdes d'hier, si, pour vous, les méthodes mécaniques, le sarclage ou
encore la rotation de cultures, les cultures de couverture, ça fait partie...
qui sont des éléments forts de la lutte intégrée... si ça fait partie des
remèdes d'hier?
Le Président (M. Lemay) : M.
Léveillé?
M. Léveillé (Sébastien) : En
fait, les remèdes... je pourrais difficilement commenter les remèdes d'hier. Je
pourrais quand même vous dire que le désherbage mécanique, l'application de
bioproduits, toutes les mécaniques d'agriculture de précision, la régie de
culture les plantes de couverture, maintenant, là, ça fait partie intégrante de
ce qu'on fait comme service auprès des agriculteurs. Donc, on... nous, ce qu'on
va faire, et ce qu'on va continuer de faire, c'est de s'assurer que la
prospérité des familles agricoles est bonne et qu'elle réponde aux besoins du
marché. C'est-à-dire que s'il y a une demande de plus en plus importante pour
l'agriculture biologique, soyez sûrs d'une chose, on va les accompagner de plus
en plus...
M. Léveillé (Sébastien) :
...les plantes de couverture, maintenant, là, ça fait partie intégrante de ce
qu'on fait comme services auprès des agriculteurs.
Donc, on... nous, ce qu'on va faire et ce
qu'on va continuer de faire, c'est de s'assurer que la prospérité des familles
agricoles est bonne et qu'elle réponde aux besoins du marché. C'est-à-dire que,
s'il y a une demande de plus en plus importante pour l'agriculture biologique,
soyez assurés d'une chose, on va les accompagner de plus en plus vers l'agriculture
biologique, c'est clair.
Mme Lessard-Therrien :
Mais, la... tu sais, la demande actuellement, elle est là, elle est en
constante croissance. Donc, moi, je me demandais aussi un peu qu'est-ce que
vous entendez par «maintenir un statu quo»? C'est quoi pour vous, le statu quo?
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé.
M. Léveillé (Sébastien) :
Vous faites référence à quoi exactement? Excusez-moi.
Mme Lessard-Therrien :
C'est dans votre mémoire, dans le fond : «Le statu quo est impuissant et
l'innovation, incontournable.»
M. Léveillé (Sébastien) :
Ce qu'on voulait dire, c'est... En fait, le modèle actuel grande culture, lorsqu'on
a fait de l'application de pesticides de clôture à clôture lorsqu'on fait une
détection de mauvaise herbe dans un champ, c'est beaucoup à ça qu'on fait
référence.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien :
Excellent. Puis peut-être nous partager un peu plus... de façon... de manière
plus détaillée où se situe la lutte intégrée dans votre agriculture de
précision.
Le Président (M. Lemay) :
M. Léveillé. Ah!
M. Léveillé (Sébastien) :
Je passerais la parole à mon collègue.
M. Mailloux (Alexandre) :
...c'est... Ce que j'allais dire tantôt, c'est exactement ça, que c'est plus
facile de documenter. Quand qu'on a plus d'informations, on prend des
meilleures décisions, donc l'agriculture de précision permet de faciliter la
lutte intégrée.
Et je rajouterais aussi qu'une des choses
qu'il faut considérer, c'est qu'en grande culture la profitabilité, comme vous
l'avez entendu, est plus faible, donc il faut vraiment documenter la
rentabilité pour l'agriculteur. Donc, il y a toujours une question de risques,
puis, quand que la lutte intégrée peut... se documenter par les données qu'on a
du champ, bien, ça... après ça, c'est plus facile de convertir l'ensemble de la
ferme vers l'agriculture plus intégrée ou plus ciblée... je pourrais aussi
utiliser ce mot-là.
Le Président (M. Lemay) :
...période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Je cède maintenant
la parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Bonjour, messieurs.
Écoutez, une question simple :
Comment percevez-vous la multiplication des articles scientifiques qui
démontrent une possible corrélation entre l'utilisation des pesticides et
l'émergence de certaines maladies?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Léveillé?
M. Léveillé (Sébastien) :
C'est une question... Bon. Nous autres, tout à l'heure, M. Desroches vous
l'a dit, là, les agriculteurs, c'est nos propriétaires. On est extrêmement préoccupés
par la santé de nos propriétaires, c'est évident.
Par contre, actuellement, ce qu'on veut
être capables de faire pour enlever le plus possible d'émotivité dans le
discours, c'est de faire confiance à la science. Puis c'est certain que ce
qu'on regarde, c'est que, s'il y a des organismes officiels qui effectivement
recensent l'ensemble des études puis qui prennent position, je parle des
organismes officiels, c'est sûr qu'on va être... on va respecter ces instances
officielles là, c'est évident.
Je le répète, là, notre objectif, là,
c'est la prospérité des familles agricoles. On est une coopérative, c'est nos
propriétaires. Donc, on veut que les enfants reprennent la ferme en toute
sécurité puis qu'ils puissent continuer d'opérer, avoir de la rentabilité sur
leur entreprise, faire vivre leur famille.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Roy
: Bien,
écoutez, vous ne vous êtes pas positionnés sur la polémique qui... bon, par
rapport à l'ARLA, qui ne semble pas prendre en considération les études
indépendantes dans l'homologation des produits. Je comprends qu'en tant
qu'entreprise vous ne pouvez le faire. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y
un nombre d'études qui démontrent une certaine — je dis bien «une
certaine» — toxicité de l'utilisation des pesticides, qui n'ont pas
leur place dans l'évaluation et l'homologation.
Donc, ce qui m'amène à vous demander,
éventuellement, advenant une législation ou que la commission parlementaire
arrive sur des constats de plus en plus clairs par rapport à une toxicité,
est-ce que vous seriez en mesure d'investir dans recherche et développement
pour trouver des alternatives mécaniques? Parce que mon collègue a soulevé tout
à l'heure le fait qu'on est obligé d'aller en Allemagne ou au Danemark chercher
de l'équipement pour faire une agriculture plus respectueuse de la santé et...
de la population puis de l'environnement.
Est-ce que vous seriez en mesure de
dégager des sommes pour vous orienter vers ces choses-là?
Le Président (M. Lemay) :
M. Desroches, en vous rappelant qu'il reste environ 30 secondes.
Une voix
: Vas-y,
vas-y.
M. Léveillé (Sébastien) :
M. le Président, si vous me permettez, la... On a présenté à notre conseil
d'administration ce printemps la décision de modifier complètement la vocation
de notre ferme de recherche pour aller vers le développement de produits
alternatifs. Donc, c'est une décision qu'on a prise avant les événements de la
commission ou, du moins, avant toutes les discussions qu'on a présentement.
Mais on a pris, donc, la décision de
modifier complètement, là, la vocation de notre ferme de recherche dans les
plus belles terres du Québec pour aller vers des produits alternatifs pour des
régies de cultures alternatives.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Donc, en...
M. Desroches (Gaétan) :
...je voulais juste préciser, on peut tout faire ça, mais il faudrait aussi
que, quand les produits importés rentrent au Québec, qu'on analyse comme il
faut pour pas que... ce que vous avez lu probablement dans les journaux, là,
que les produits qui viennent du Chili, qui viennent de tous les pays de
l'Amérique du Sud, qui sont en toxicité beaucoup plus élevée... et qu'ils
rentrent dans les marchés du Québec parce que c'est moins cher.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Donc, merci, M. Desroches, M. Léveillé,
M. Mailloux, pour cette belle journée. Je vous remercie pour votre
contribution à nos travaux. Ça complète cette première journée des auditions.
La commission ajourne ses travaux au mardi
24 septembre, à 10 heures, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 18 heures)
18 h (version non révisée)
M. Desroches (Gaétan) : ...moins
cher.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup. Donc, merci, M. Desroches, M. Léveillé, M. Mayeu, pour cette belle
journée. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Ça complète
cette première journée d'auditions.
La commission ajourne ses travaux au mardi
24 septembre, à 10 heures, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 18 heures)