Journal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles
Version préliminaire
42-1
(début : 27 novembre 2018)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version finale du Journal est publiée dans un délai de 2 à 4 mois suivant la date de la séance de la commission.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
martes 24 septembre 2019
-
Vol. 45 N° 12
Mandat d'initiative - Examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l’environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation, et ce en reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois
Aller directement au contenu du Journal des débats
10 h (version non révisée)
(Dix heures une minute)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, bonjour à tous et à toutes. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des
pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à
toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Donc, aujourd'hui, la commission est
réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative
visant à examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et
l'environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles
et à venir dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, et ce, en
reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.
Alors, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Tardif
(Rivière-du-Loup—Témiscouata) pour l'ensemble du mandat.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Alors, ce matin, nous entendrons Les Apiculteurs et Apicultrices du
Québec, l'Institut national d'agriculture biologique ainsi que Louise Vandelac,
duCollectif
de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives de
l'Université du Québec à Montréal.
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue
aux représentants des Apiculteurs et Apicultrices du Québec. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter
ainsi que la personne qui vous accompagne, et vous pourrez y aller avec votre
exposé. La parole est à vous.
Mme Fontaine (Julie) :
Bonjour. Julie Fontaine, Apiculteurs et Apicultrices du Québec, comité de
pesticides. Et je suis en compagnie de Raphaël Vacher, premier vice-président
des Apiculteurs et Apicultrices du Québec.
Je tiens à remercier tous les membres de
cette commission pour leur intérêt face aux pollinisateurs. Cette démarche est
l'aboutissement de 15 ans de revendications de la part des apiculteurs, 15 ans
pendant lesquelles nous avons lancé des cris d'alarme sur la dégradation de l'environnement
de nos pollinisateurs, sur l'impact direct sur nos colonies d'abeilles
mellifères et, par le fait même, la dégradation des conditions de travail des
apiculteurs.
De nombreux problèmes affectent les
ruchers québécois : les varroas, changements climatiques, maladies et
pesticides. Les varroas et les maladies font l'objet d'un contrôle efficace par
les apiculteurs. Les changements climatiques vont nous forcer à modifier la
régie de nos ruchers pour s'adapter à une nouvelle réalité que nous pouvons
difficilement contrôler. Les pesticides demandent de s'attaquer à un problème
créé par l'homme et qui affecte directement nos pollinisateurs.
Les apiculteurs n'ont jamais demandé
l'arrêt complet de l'utilisation des pesticides mais bien l'utilisation
raisonnée et justifiée de produits toxiques aux pollinisateurs. Une des
méthodes préconisées, la prescription agronomique, décriée par certains, nous
permet de mieux suivre l'utilisation des produits qui y sont soumis et de
prendre des décisions éclairées quant à leur utilisation future et leurs
répercussions sur l'environnement des pollinisateurs. En seulement un an, la
prescription imposée sur l'atrazine a permis une diminution de plus de 40 %
de son utilisation, une diminution importante et rapide qui démontre que le
produit était utilisé plus par habitude et réflexe que par un réel besoin.
Le Québec, par sa stratégie québécoise de
réduction des pesticides, a permis de faire une avancée dans la protection des
pollinisateurs, malgré le fait que l'instance fédérale, l'ARLA, manque à ses
devoirs et homologue des pesticides sans tenir compte de leur utilisation
réelle en champ, de leur impact à long terme sur les pollinisateurs et surtout
en se basant presque uniquement sur des études fournies par les fabricants de
pesticides eux-mêmes. L'homologation d'une molécule de pesticide par
l'ARLA ne doit pas justifier son utilisation irrationnelle et prophylactique en
champ. Le Québec doit garder son caractère distinct et mettre l'emphase sur sa
capacité de comptabiliser, d'orienter et de réglementer, parfois sévèrement,
l'utilisation des molécules homologuées par le gouvernement fédéral.
Les apiculteurs demandent que le Code de
gestion des pesticides soit non seulement maintenu, mais qu'il soit modifié
pour tenir compte de tous les pesticides, particulièrement ceux qui utilisent
la technologie systémique. La prescription agronomique doit s'appliquer à tous les
insecticides qui ont un impact sur nos pollinisateurs. L'introduction de
nouvelles molécules en remplacement des...
Mme Fontaine (Julie) : ...les
apiculteurs demandent que le Code de gestion des pesticides soit nous maintenu,
mais qu'il soit modifié pour tenir compte de tous les pesticides, particulièrement
ceux qui utilisent la technologie systémique. La prescription agronomique doit
s'appliquer à tous les insecticides qui ont un impact sur nos pollinisateurs.
L'introduction de nouvelles molécules en
remplacement des néonicotinoïdes, les diamides, qui ne sont pas soumis à la
prescription agronomique nous démontre l'incohérence de l'ARLA dans son
processus d'homologation. Dans sa révision des néonics, l'ARLA mentionnait que
ces produits posent des risques pour l'environnement dont l'acceptabilité n'a
pas été démontrée et que leur impact sur les invertébrés d'eau douce présentait
un risque aigu et chronique.
En même temps, l'ARLA homologuait le
chlorantraniliprole et le cyantraniliprole, deux molécules de la classe des
diamides, qui pourtant considérés comme extrêmement toxiques chez les
invertébrés d'eau douce et toxiques pour les abeilles dans le cyantraniliprole.
Devant un tel manque de raisonnement et de cohérence, il y a lieu de se poser
des questions sur le fondement même de l'ARLA et de se conforter dans
l'application de notre code de gestion des pesticides et de sa prescription
agronomique.
Un autre point que nous désirons soulever
est le rapport de force disproportionné entre les apiculteurs et les fabricants
d'intrants. La capacité financière des fabricants à faire la promotion de leurs
produits aux agriculteurs est immense et les quelque 200 apiculteurs
membres de notre association ne font pas le poids devant une telle machine qui
réussit à s'insinuer à tous les niveaux gouvernementaux. Un exemple est la
table apicole fédérale, la Bee Health Roundtable qui est composée de quelque
40 membres, mais dont seulement trois sièges sont occupés par des apiculteurs,
le reste des sièges étant occupé par les fabricants de pesticides, les
semenciers et les producteurs de grains et autres acteurs gouvernementaux.
Les fabricants de pesticides font la
promotion des pesticides comme étant une assurance vers un rendement fictif et
la tentation est forte pour les agriculteurs de céder à ce chantage. C'est le
principe du billet de loterie. Il n'y a aucune garantie de gagner, mais si on
n'achète pas le produit, c'est certain qu'on ne gagnera rien, et ce, même si de
nombreuses études démontrent que les pesticides ne sont pas la réponse magique
aux problèmes qui affectent nos champs.
Des efforts planifiés combinant la lutte
intégrée, le dépistage agressif en champs et des programmes de recherche et
développement permettraient de réduire considérablement l'utilisation de
pesticides sans pour autant diminuer la productivité ou bien affecter
négativement la rentabilité. Les apiculteurs du Québec souffrent d'un manque
chronique de financement pour soutenir des programmes de recherche indépendants
qui feraient un suivi adéquat de la situation des pollinisateurs à tous les
niveaux, environnement, santé et amélioration du cheptel.
Les apiculteurs apportent une contribution
bien spéciale au monde de l'agriculture. Les abeilles mellifères rapportent
quelque 200 millions de dollars annuellement en retombées de pollinisation
aux différentes productions agricoles qui les utilisent, et ce, avec seulement
une cinquantaine de producteurs apicoles spécialisés en pollinisation. Très peu
de productions agricoles peuvent se targuer d'avoir autant d'effets secondaires
positifs avec un nombre aussi restreint de producteurs et un financement aussi
faible, pour ne pas dire inexistant, de la part des différents paliers
gouvernementaux.
M. Vacher (Raphaël) : Donc,
moi, je vais vous parler de mon expérience d'apiculteur commercial. Donc, j'ai
un cheptel de 1500 ruches. Mon entreprise est située à Alma au
Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Donc, à chaque printemps, on constate des
pertes dans nos ruches. Bon an, mal an, là, au Québec, on a environ 25 %
de pertes au printemps. C'est très variable, 18 à 35 % selon les années,
c'est très variable aussi entre les différents apiculteurs. 25 % de pertes
à tous les ans, je ne sais pas si vous comprenez, mais moi, je ne connais
aucune autre production agricole qui serait capable de soutenir des pertes
aussi élevées année après année.
J'ai officiellement démarré mon entreprise
en 2006. J'ai été confronté à des premières grandes pertes dès 2010. J'ai eu 50
% de pertes. Ce printemps 2019, 40 % de pertes. Oui, il y a eu des
années... des meilleures années, à moins de 10 %, mais l'année que je me
souviens le plus, c'est l'année 2015. 80 % de pertes. J'avais
1000 ruches à l'automne 2014, au printemps 2015, il m'en restait
200. Je peux vous dire que j'ai mal feelé, j'ai mal dormi puis je me suis vraiment
posé la question si je n'arrêtais pas. On s'est retroussé les manches, puis on
a pris la décision de poursuivre.
J'ai... je me suis fait un petit plaisir
en calculant toutes les ruches que j'ai perdues depuis mon démarrage en 2006.
J'en suis arrivé à la somme de 2948 ruches. Si on calcule le prix moyen
d'achat d'une ruche au printemps qui est 350 $, j'ai assumé à peu près 1 million
de dollars de pertes. Ça, ça compte... c'est seulement l'actif que j'ai perdu,
là, ça ne compte pas la perte de revenus, puis ça ne compte pas non plus les
dépenses supplémentaires que j'ai dû faire pour racheter des abeilles.
• (10 h 10) •
Ce que je vis, je ne suis pas le seul. L'ensemble
des apiculteurs du Québec le vivent aussi, l'ensemble des apiculteurs de la
planète le vivent aussi. Les pertes, elles s'expliquent par plusieurs facteurs.
Ce qu'on dit, c'est...
M. Vacher (Raphaël) : ...temps
supplémentaire que j'ai dû faire pour racheter des abeilles. Ce que je vis, je
ne suis pas le seul, l'ensemble des apiculteurs du Québec le vit aussi, l'ensemble
des apiculteurs de la planète le vit aussi.
Les pertes, elles s'expliquent par plusieurs
facteurs. Ce qu'on dit, c'est multifactoriel. Le premier facteur d'importance,
c'est les maladies. Par contre, la recherche, ce qu'elle a démontré, c'est que
même de faibles doses de pesticides réduisent l'immunité de l'abeille. Donc,
qu'on le veuille ou non, les pesticides ont une influence sur le premier facteur.
Le deuxième facteur en importance, c'est les pesticides eux-mêmes. Le troisième
facteur, les cultures génétiquement modifiées. Donc, les cultures génétiquement
modifiées demandent des épandages d'herbicides, mais souvent aussi il y a des
fongicides qui sont les grains et même des insecticides. Le quatrième facteur
de pertes, c'est les monocultures souvent aussi associées à l'utilisation des
pesticides. Puis comment on peut expliquer que les monocultures engendrent des
pertes au niveau des abeilles? Ça s'explique très facilement, il y a une perte
de diversité végétale, donc il y a une carence alimentaire au niveau de
l'abeille, et ces carences-là font en sorte qu'il y a des pertes
supplémentaires. Donc, les pesticides, on les retrouve dans les quatre premiers
facteurs de pertes au niveau des ruches.
Les autres problèmes qui sont liés aux
pesticides en apiculture. La durée de vie des reines. Il y a 20 ans, la
durée de vie d'une reine était de quatre à cinq ans. Aujourd'hui, on parle de
un à deux ans. Il y a aussi une baisse de fertilité qui a été démontrée par les
recherches sur le faux bourdon qui est le mâle de l'abeille. Il y a aussi des
affaiblissements de ruches, mouvements désordonnés des abeilles, des paquets
d'abeilles en avant des ruches qui sont mortes. Il y a aussi un affaiblissement
du système immunitaire de l'abeille et par le fait même plusieurs maladies qui
peuvent profiter de la ruche à ce moment-là.
Maintenant, il y a des opposants. Il y a
certains groupes et entreprises qui soutiennent qu'il n'y a pas de problème de
pertes liées aux pesticides au Québec puisque de toute façon le nombre de
ruches a augmenté dans les 15 dernières années au Québec. Bien, ce qu'il faut
comprendre, là, c'est qu'effectivement on est passés d'à peu près 30 000 ruches
à 60 000 ruches au Québec dans les 15 dernières années. Mais pourquoi
qu'il y a eu une augmentation du nombre de ruches? C'est très simple, c'est
parce qu'il y a eu une augmentation fulgurante des surfaces en bleuets et en
canneberges. Et, par ricochet, ils ont voulu avoir des ruches pour polliniser
leurs cultures, et les apiculteurs ont tout simplement répondu présents. Puis
il y avait aussi un potentiel de croissance pour les apiculteurs.
Comment maintenant font les apiculteurs
pour subir, d'une part, des pertes de l'ordre de 25 % à tous les printemps
puis d'être capables de doubler le cheptel en 15 ans? C'est la grande
question, puis il y a plusieurs gens qui font des mauvaises analyses de cette
situation-là, mais c'est une des grandes questions, puis la réponse est
pourtant assez simple, c'est que les apiculteurs ont deux moyens de faire
progresser leur cheptel. Bien, soit ils font l'importation d'abeilles au
printemps au mois d'avril. Quand on regarde les statistiques, il y a énormément
de paquets d'abeilles qui rentrent de l'hémisphère sud, au Canada, au
printemps. Deuxième manière, c'est à partir de nos propres ruches vivantes. On
peut démarrer une nouvelle petite colonie à partir de nos propres ruches. Donc,
c'est les deux seules méthodes qu'on peut faire, puis c'est ce que les
apiculteurs ont utilisé pour être capables de répondre à la demande.
Le Président (M. Lemay) :
...
M. Vacher (Raphaël) :
Oui.
Le Président (M. Lemay) :
En conclusion.
M. Vacher (Raphaël) :
Parfait. Donc, l'apport de l'apiculture, 40 % de notre assiette
alimentaire. Les apiculteurs du Québec supportent, par leur service de
pollinisation, plusieurs productions agricoles : bleuets, canneberges,
pommes, fraises, canola, sarrasin, pour ne nommer que ceux-là. Par contre, les
apiculteurs sont les seuls agriculteurs à sublir les contrecoups de
l'utilisation des pesticides, puis on a trop peu d'aide. En résumé, notre
demande, elle est très simple. On demande qu'il y ait une réduction rapide et
très importance de l'utilisation des pesticides, puisque du poison, ça reste du
poison.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, monsieur. Est-ce qu'on dit M. Vacher ou M. Vacher?
M. Vacher (Raphaël) :
M. Vacher.
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher, parfait, et Mme Fontaine, merci pour votre exposé. Et nous
allons maintenant commencer la période d'échange avec le député de Bourget. La
parole est à vous.
M. Campeau : Merci,
Mme Fontaine et M. Vacher, très intéressant. C'est là qu'on voit que,
les abeilles, c'est un... à la fois, c'est grave comme situation, et c'est un
symptôme quand on regarde ce qui se passe en même temps dans les différentes
productions. Un tas de questions, vous m'avez appris énormément de choses que
je ne savais pas. Si j'ai bien compris, M. Vacher, quand vous dites qu'une
ruche, ça coûte 350 $, comment on fait, comme vous, pour dépenser
1 million? Est-ce que c'est votre travail principal ou c'est un travail
supplémentaire? Je veux dire, comment on fait pour avoir une rentabilité
là-dedans? C'est épouvantable.
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher (Raphaël) : La
question n'est vraiment pas facile à répondre. C'est l'apiculteur qui fait la
différence. On travaille plus fort. On est obligés de contrebalancer. Ça
demande plus de travail au niveau de nos entreprises, puis on l'assume parce
qu'on est gens passionnés, puis on croit... on a fait un choix de vie puis on
croit aux abeilles...
M. Vacher (Raphaël) : ...C'est
l'apiculteur qui fait la différence. On travaille plus fort. On est obligés de
contrebalancer. Ça demande plus de travail au niveau de nos entreprises, puis
on l'assume, parce qu'on est gens passionnés puis on croit... on a fait un
choix de vie puis on croit aux abeilles.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Est-ce qu'il y a
un pourcentage qu'on dit normal de pertes de ruches à cause de... l'hiver va
être plus froid, moins froid, il va pleuvoir puis tout ça. J'ai... quand vous
avez parlé de 25 % tantôt, je me suis demandé : Est-ce qu'il est en
train de nous dire que c'est un pourcentage normal? J'imagine que non, là, mais
c'est...
Une voix
: ...
M. Campeau : O.K. Ça fait que,
donc, il est normal un peu d'en perdre quelques-unes, mais jamais autant que
ça.
M. Vacher (Raphaël) :
Exactement. Donc, ce qui est reconnu, c'est qu'on devrait être en bas de
10 %. Donc, on est à 25 % maintenant, dépendamment des années. Donc,
il y a à peu près trois fois trop de pertes.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Vous avez parlé
du système immunitaire des abeilles. Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus?
Est-ce que c'est quelque chose qui a été réellement démontré? Comment on a pu
démontrer ça, là, je suis vraiment curieux de comprendre comment ça fonctionne.
M. Vacher (Raphaël) : Bon, je
ne suis pas chercheur, donc de vous expliquer comment ils ont pu procéder aux
recherches, ça, je ne peux pas nécessairement vous l'expliquer. Par contre, il
y a vraiment eu beaucoup d'études qui ont été faites sur l'immunité de
l'abeille. Donc l'abeille, c'est un insecte, mais aussi un animal, qu'on le
veuille ou non, puis il y a un coeur, il y a un système sanguin, il y a un
système immunitaire comme n'importe quelle espèce qui vit sur Terre. Donc, les
chercheurs ont fait des groupes types, puis des groupes qui étaient exposés aux
pesticides, puis c'est ce qu'ils ont pu constater dans leurs recherches.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. le député.
M. Campeau : Est-ce que vous
avez été à même de constater que, dans un endroit où on irait vers des cultures
bios, on voit vraiment une différence? Est-ce qu'on a pu mettre des données en
arrière de ça?
Le Président (M. Lemay) :
Mme...
M. Campeau : Je me rends
compte que je vous pose une question compliquée, là. Si vous n'avez pas la
réponse, c'est bien correct, là.
Le Président (M. Lemay) :
Aucun problème aussi, là, j'essaie de jauger ça, mais allez-y M. Vacher, je
crois comprendre que c'est...
M. Vacher (Raphaël) : Bien, il
faut comprendre que la mosaïque agricole au Québec est quand même assez
similaire, là. On a sensiblement de l'agriculture industrielle pas mal partout
au Québec. On a quelques petites zones épargnées, mais il n'y a pas vraiment eu
d'études là-dessus, là, au Québec, là, à savoir, est-ce qu'il y a des zones où
il y a des productions biologiques où est-ce qu'il y a moins de pertes, ça n'a
pas été fait au Québec, là, au niveau des études. Puis je n'ai pas d'études qui
me confirment ça ailleurs.
Mais on a des exemples de pays, je pense à
Cuba, entre autres, où pendant longtemps, à cause de l'embargo, ils n'ont pas
eu accès aux pesticides, même encore aujourd'hui, ils ont des pertes beaucoup
plus basses, ils ont des pertes en bas de 10 %.
` Mme Fontaine (Julie) : Mais on
le voit aussi par le mouvement naturel des apiculteurs. Les gens quittent les
régions où il y a beaucoup de cultures utilisant des pesticides et déménagent
les ruchers en montagne, en périphérie, pour justement éviter ce genre... ces
empoisonnements-là, qui sont devenus chroniques. Alors, on le voit par les
réflexes des apiculteurs eux-mêmes de quitter ces régions-là.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Je vais pouvoir
passer la parole à des collègues... Une dernière question. Je pense que c'est
Mme Fontaine en particulier, vous en avez parlé : le pouvoir des lobbys.
Vous ne l'avez peut-être pas dit de cette façon-là, mais je pense qu'on a
clairement compris et j'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus s'il vous
plaît, là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine (Julie) : Bien,
le plus bel exemple, c'est ce que je parlais, c'est la table apicole au niveau
fédéral, qui est composée d'à peu près 40 membres, et là-dessus, il y a
seulement trois apiculteurs. Le reste, c'est des membres entre autres de
CropLife et des semenciers.
On avait fait des représentations auprès
d'eux, et on a eu une fin de non-recevoir, comme quoi que la présence des
apiculteurs n'était pas requise plus que ça. Pourtant, pour les mêmes tables,
au niveau fédéral, la proportion des producteurs qui représentent la production
ciblée est d'à peu près 35 %, 40 %. Alors là, on est vraiment très
loin. Je pense qu'ils ne veulent juste pas nous entendre.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. le député de Bourget. Sur ce, je cède la parole à Mme la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : M.
le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Lorsque je vous écoute,
un mot me revient : résilience. Alors, je vous admire, il ne faut pas
lâcher. Les néonics ont été interdits en Europe en décembre dernier.
Considérant cette action, trouvez-vous que l'ARLA en fait assez?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M... Mme Fontaine, allez-y.
Mme Fontaine (Julie) : Non.
Clairement, non.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et
quels seraient les points?
• (10 h 20) •
Mme Fontaine (Julie) : Bien,
le problème, c'est que l'ARLA se fie à des recherches fournies par les
fabricants d'intrants eux-mêmes. Puis, comme je le disais, ils homologuent tout
et son contraire, parce qu'ils ont refait une révision des néonics en disant
qu'ils étaient dangereux pour les invertébrés aquatiques, et en même temps, ils
homologuent des molécules qui sont encore plus toxiques et sur lesquelles il
commence à avoir des recherches qui sortent, les diamines, pour dire que, oui,
il y a des effets néfastes sur nos insectes. Malheureusement, ils ne tiennent
pas en compte non plus les quantités...
Mme Fontaine (Julie) : ...des
néonics, en disant qu'ils étaient dangereux pour les invertébrés aquatiques, et
en même temps ils homologuent des molécules qui sont encore plus toxiques et
sur lesquelles il commence à avoir des recherches qui sortent, les diamines,
pour dire que oui, il y a des effets néfastes sur nos insectes. Malheureusement,
ils ne tiennent pas en compte non plus les quantités phénoménales de mélanges
qui se font en champ. Eux, ils homologuent une molécule, ils ne regardent que
la molécule. Mais le problème, c'est qu'en champ on mélange des fongicides, on
mélange des insecticides, et là ça décuple l'effet que ces produits-là ont sur
les abeilles, malheureusement, et ça, bien, c'est notre cheval de bataille, on
veut que l'ARLA regarde ce qui se fait vraiment en champ et fasse des études
basées sur les utilisations réelles.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Considérant la disparition de pollinisateurs, outre que le néonic, est-ce qu'il
y a autres insecticides qui sont aussi ravageurs?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fontaine.
Mme Fontaine (Julie) :
L'emphase a été mise sur les néonics, mais n'importe quel insecticide va
éventuellement affecter les abeilles. Le problème avec les néonics, c'est la
technologie systémique, c'est la plante qui boit l'insecticide et devient un
poison au complet. Alors là, l'abeille ramasse le pollen, ramasse le nectar,
ramène ça à la ruche, fait un beau petit pin de pollen et après ça nourrit son
couvain avec. Alors, c'est vraiment un problème. Ces produits-là sont aussi
hautement lessivables, alors ils se ramassent dans les flaques d'eau dans les
champs, et il n'y a rien qui attire plus une abeille qu'une belle flaque d'eau
boueuse dans le milieu d'un champ fraîchement semé. Elles vont y aller, elles
se jettent là-dessus, là, et puis là elles ramassent à peu près tout ce qu'il y
a de pesticide qui a été épandu dans le champ, dans cette flaque d'eau et
ramènent ça à la ruche.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Combien d'apiculteurs ont quitté leur profession depuis les cinq dernières
années?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fontaine.
Mme Fontaine (Julie) : Je n'ai
pas de chiffre exact là-dessus, mais c'est très aléatoire. Je ne sais pas si,
Raphaël, tu as...
M. Vacher (Raphaël) : Bien,
personnellement, j'en connais un qui vient de quitter cette année, un
apiculteur de plus de 1 000 ruches, puis l'année dernière, un
apiculteur de 1 500 ruches et plus qui a aussi quitté. Donc, oui,
oui, là, ça fait mal.
Mme Fontaine (Julie) : C'est
sûr qu'il y a eu un mouvement très sympathique envers les abeilles, et les gens
se sont dit : Je vais sauver les abeilles, je vais aller me chercher une
ruche que je vais mettre sur ma propriété. Le problème avec ça, c'est que, bon,
les gens ne font nécessairement des analyses de la nourriture qui est
disponible pour cette ruche-là, les ruches sont mal gérées et ce n'est pas avec
une ruche qu'on peut aller faire de la pollinisation dans les canneberges, ou
les fraises, ou les pommiers, malheureusement, ça prend des apiculteurs ruraux
avec des grandes quantités de ruches pour réussir à faire ça.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Je crois que M. le député de Dubuc a une brève question. Allez-y, M.
le député.
M. Tremblay : J'aurais une
question rapide. Dites-moi, est-ce qu'il existe un plan de zonage ou une
réglementation au niveau du territoire où vous êtes implantés par rapport... on
parle de bandes riveraines pour d'autres types de culture, mais là, dans ce
qu'on parle, au niveau de l'apiculture, ça peut être très large comme... Est-ce
qu'il y a du travail qui se fait actuellement pour protéger les zones précises?
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher (Raphaël) : Pas
vraiment. Donc, il n'y a pas grand-chose, il n'y a pas de loi. Oui, il y a...
le MAPAQ a certaines obligations qu'on doit respecter, comme une distance entre
le chemin public puis les ruches ou les résidences, mais il n'y a rien qui
définit, là, la répartition du territoire chez les apiculteurs.
Le Président (M. Lemay) : O.K.
Donc, je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bonjour, M. Vacher et Mme Fontaine. Ça me fait plaisir de vous
entendre. 15 ans pour l'homologation au niveau de l'ARLA, c'est-u trop
long?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine (Julie) : Bien
oui. Rendus au bout de 15 ans, les dommages ont été faits. Mais ce n'est
pas juste ça, c'est que les compagnies ont des brevets qui durent un certain
temps. Alors, c'est sûr qu'au bout de 15 ans il y a déjà d'autres
molécules qui sont en remplacement. Alors, c'est clair qu'il faut que les
études soient faites sur une base de temps beaucoup plus restreinte que
15 ans et je pense que le principe de précaution doit absolument
s'appliquer. Si on suspecte qu'un produit a une incidence néfaste sur les
pollinisateurs, il devrait être automatiquement mis à l'index.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Tremblay : Ça serait quoi,
dans un monde idéal, les délais de l'ARLA, selon vous?
Mme Fontaine (Julie) : Bien,
dans un monde idéal, ce serait de ne pas les utiliser, mais disons qu'on n'est
pas rendus là. Mais ça fait tellement longtemps qu'on sonne l'alarme là-dessus,
puis qu'il n'y a jamais personne qui a voulu nous écouter, et des recherches
sortaient de partout, sur la planète, pour dire que ces produits-là avaient une
incidence négative sur nos pollinisateurs. Alors, je pense que ce qui est
arrivé, c'est qu'ils ont fait vraiment la sourde oreille à ce...
Mme Fontaine (Julie) : ...l'alarme
là-dessus, puis qu'il n'y a jamais personne qui a voulu nous écouter, et les
recherches sortaient de partout sur la planète pour dire que ces produits-là
avaient une incidence négative sur nos pollinisateurs. Alors, je pense que ce
qui est arrivé, c'est qu'ils ont fait vraiment la sourde oreille à tous les
avertissements qui arrivaient de partout. Moi, je pense qu'à tous les trois ans
un produit de cette toxicité-là devrait être remis pour une révision
d'homologation.
Le Président (M. Lemay) :
Très bien. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci de votre réponse. Puis, quand vous dites, bien, justement, là, cette commission-là,
le mandat d'initiative est là justement pour vous écouter, quand vous parlez de
trois ans.
Mme Fontaine (Julie) :
Merci.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Je vais y aller un petit peu... Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
Environ trois minutes, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Moi, je vais y aller un petit peu plus au niveau de la pollinisation, je sais
qu'on dit que, s'il n'y a plus d'abeille, 70 %, on perd 70 % de toute
la biodiversité, les fruits et légumes, je pense que c'est ça. Je pense que
M. Vacher est plus connaissant là-dedans. M. Vacher, peut-être
m'expliquer un petit peu, je sais que la pollinisation est devenue une source
importante de revenus pour vous autres, hein, puis que vous travaillez en
collaboration, en étroite collaboration avec, entre autres, les producteurs
fruitiers, entre autres, exemple, dans le bleuet. Puis j'aimerais ça savoir un
petit peu comment ça fonctionne, parce qu'il y a des interventions qui se font,
et vous rentrez vos ruches à un moment donné, tout ça, puis savoir, avec les
producteurs de bleuets, entre autres, 10.26.15, puis c'est un peu la même chose
avec les autres producteurs, puis ils ont des cahiers de charges en passant. Je
sais que Bleuet boréal, on parle maintenant de CanadaGAP, tout ça, qui
sont assez... quand même qui ont une conscience, là. Mais expliquez-moi un peu
comment ça fonctionne dans les petits fruits, là, quand vous arrivez avec les
producteurs.
M. Vacher (Raphaël) : Il
faut que...
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher (Raphaël) :
Grosso modo, dans le fond, on prépare nos ruches pour la pollinisation. On a
des standards à respecter de force minimale pour que l'effet de pollinisation
soit optimal. Puis, quand on respecte ce standard-là, on est garanti d'avoir un
certain prix pour nos ruches. Donc, grosso modo, là, les prix varient de
130 $ à 150 $ pour la location d'une ruche pendant la période de
floraison. Donc, si la période de floraison, par exemple, dans le bleuet, est
de trois semaines, bien, on va être présents pendant trois semaines pour
justement faire en sorte qu'ils puissent avoir des bleuets en bout de ligne.
S'il n'y a pas de ruches, il n'y aura pratiquement pas de bleuets.
Le Président (M. Lemay) :
Très bien. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Durant cette période-là, les producteurs, qu'est-ce qu'ils font? Est-ce qu'ils
épandent? Ils épendent-tu des produits?
M. Vacher (Raphaël) :
Non. Bien, dans le fond, les producteurs de bleuets, ils ont quand même un
minimum de choses à respecter, entre autres de ne pas faire de traitements qui
pourraient porter atteinte aux abeilles. Donc, ça, c'est entendu, là, en temps
normal, soit par une entente orale ou par contrat écrit. Mais on a des contrats
de base, là, qui sont dans le marché, qu'on peut avoir accès pour ça.
Le Président (M. Lemay) :
Très bien.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Il y a une conscience, quand même une conscience éthique, là, de la part de
certains producteurs.
M. Vacher (Raphaël) :
Chez les producteurs de bleuets, assez bien, oui, on n'a pas trop de problèmes.
Mais on a d'autres difficultés dans d'autres productions où, là, on... c'est
plus difficile.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. le député. M. le député de Bourget, pour une dernière question.
M. Campeau : Ce que je
comprends, les néonics, on est lents. C'est clair. Deuxièmement, l'ARLA, vous
en avez assez abondamment parlé, mais ne soyons pas condescendants, là,
qu'est-ce que vous voulez? On aime beaucoup ça être distincts au Québec, là.
Qu'est-ce que le Québec devrait faire de plus?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine (Julie) :
Bien, tous les pesticides systémiques devraient être soumis à la prescription
agronomique parce que, pendant 15 ans de temps, on a chialé, il n'y a rien
qui s'est fait. On se faisait dire que les agriculteurs pouvaient s'autoréguler
et diminuer par eux-mêmes l'utilisation des pesticides. Clairement, ce n'était
pas le cas. Et ça a pris un instrument de coercition, la prescription
agronomique, pour prouver très rapidement, comme dans le cas de l'atrazine,
que, oui, ça se fait, diminuer les produits qui sont toxiques.
Mais, nous, c'est clair, là, on n'a jamais
demandé l'arrêt total de l'utilisation des pesticides. On ne veut juste pas que
soit utilisé en champ ce qui n'a pas à être utilisé en champ. Dans le cas des
enrobages de semences, dans 96 % des cas, il n'y avait pas l'insecte dans
le champ. C'était vendu comme une précaution. Alors, les gens, du temps...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fontaine, je dois vous interrompre, on est maintenant rendus à la
période de temps avec l'opposition officielle, et je cède maintenant la parole
à la députée de Maurice-Richard.
• (10 h 30) •
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. M. Vacher, Mme Fontaine, merci d'être avec
nous aujourd'hui. C'est très intéressant ce que vous venez de nous présenter,
puis j'ai beaucoup de questions puis je fais un petit caveat, j'ai une
affection particulière et je la dévoile, mon père était apiculteur quand
j'étais jeune, donc j'ai grandi entre des ruches dans une zone agricole et j'ai
pu constater, à l'époque, au début des années 1990 entre autres, comment
il y a eu des déclins des colonies d'abeilles hyper importantes en
Montérégie-Ouest. Donc, je suis... et puis je voudrais revenir sur votre
échange avec le député de Bourget, juste pour bien comprendre, parce que moi,
j'étais... je suis contente qu'on ait fait un premier pas au Québec dans les
dernières années sur justement l'encadrement des néonicotinoïdes, sur, bon, ce
qu'on appelle justement, en raccourci, les tueurs d'abeilles. Je pense que
c'est un premier pas très important. C'est un premier pas...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Montpetit : ...de Bourget,
juste pour bien comprendre. Parce que moi, j'étais... je suis contente qu'on
ait fait un premier pas au Québec dans les dernières années sur, justement,
l'encadrement des néonicotinoïdes, sur, bon, ce qu'on appelle justement, en
raccourci, les tueurs d'abeilles. Je pense que c'est un premier pas très
important. C'est un premier pas en Amérique du Nord notamment. C'est une
réglementation qui est audacieuse, dans la mesure où elle est respectée. Donc,
j'ai un peu de difficulté à comprendre le commentaire de «on est lents au
niveau des néonicotinoïdes». Est-ce que c'est parce que vous souhaitez qu'il y
ait des... Expliquez-moi exactement ce que vous souhaitez que la réglementation
fasse. Parce que vous dites que vous ne souhaitez pas que ce soit interdit
complètement. Il y a une réglementation qui est en place. Comment...
Puis ce que je souhaite souligner... Parce
qu'on a parlé beaucoup de l'ARLA, mais ce que ça a démontré, cette
réglementation-là, c'est qu'au Québec on a toutes les compétences et on a tous
les pouvoirs pour prendre toutes les décisions qu'on souhaite en termes
d'encadrement, d'herbicides et de pesticides. Que l'ARLA prenne ses décisions
sur les glyphosates ou sur les nics, au Québec... et ils sont venus nous le
présenter au printemps... on a toute l'autonomie de prendre des décisions qui
sont plus restrictives que ne le fait le reste du Canada. Donc, ça, je pense
que c'est rassurant. Moi, ce que je veux savoir, c'est : Est-ce que vous
jugez, donc, que le gouvernement du Québec doit poursuivre et doit aller encore
plus loin dans l'application de cette réglementation-là? Et, si oui, de quelle
façon exactement?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fontaine.
Mme Fontaine (Julie) : Bien,
pour renchérir... pour le député... ce que je disais au député de Bourget,
c'est surtout que l'ARLA est la porte d'entrée de ces produits-là. Alors, le
Québec se doit de continuer sa réglementation, qu'elle soit encore plus
efficace et plus restrictive parce que le fédéral ne fait pas sa job, puis
c'est nous qui en subissons les conséquences. Le Québec et l'Ontario, c'est les
provinces où il y a le plus d'utilisation de maïs et de soya enrobés aux néonics
présentement au Canada. C'est peut-être pour ça qu'on a beaucoup de problèmes
aussi avec les pertes de nos colonies.
Alors, la réglementation provinciale se
doit d'être encore plus restrictive à tous les niveaux, pour tous les
pesticides, comme je le disais, systémiques qui peuvent affecter les
pollinisateurs. Continuer la réglementation, continuer de faire aussi les
dépistages, que ce soit dans l'eau, que ce... et beaucoup plus efficaces, plus
rapides aussi de consultation, qu'on puisse, après ça, prendre les bonnes
décisions qui s'imposent selon les régions, parce que ce n'est pas toutes les
régions qui ont ces problèmes-là. Alors, il faut vraiment que ce soit ciblé.
Mais moi, je continue de dire, et les apiculteurs, apicultrices, c'est notre cheval
de bataille : La prescription agronomique est nécessaire, elle doit
demeurer et elle doit être étendue.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. C'est très clair comme réponse.
Je voudrais revenir au... Vous parliez de
25 % de pertes dans les dernières années au niveau de vos colonies
d'abeilles. Je sais qu'il y avait tout l'enjeu du varroa aussi qui était
présent. À combien vous attribuez... puis, je le sais, ce ne sera pas précis
comme réponse, mais vous, votre évaluation de l'impact des pesticides sur vos
pertes par rapport à... bon, à des pertes normales, par rapport au varroa,
c'est quoi exactement?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Vacher.
M. Vacher (Raphaël) : Il n'y a
malheureusement pas d'étude. Donc, ça va être l'impression de l'apiculteur.
J'ai parlé de ce sujet-là, justement, dernièrement, avec certains apiculteurs
pour avoir un peu une idée générale, puis ce qui ressortait, là, c'est le
tiers. Donc, le tiers de nos pertes serait en lien avec les pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Montpetit : Et est-ce que
vous êtes en mesure, justement, de nous informer sur... Est-ce qu'il y a eu une
progression, tu sais, si on remonte aux cinq, aux 10, aux 20, aux 30 dernières
années? Est-ce que vous êtes à même de nous informer? Est-ce qu'il y a eu une
progression? Est-ce que le déclin, justement, est de plus en plus accentué? Et
est-ce que vous êtes capables de faire, même si c'est une impression, parce
qu'il n'y a pas d'étude là-dessus... est-ce que vous êtes capables de faire des
corrélations entre, justement, des régions aussi? Il y a des régions où il y a
des agricultures plus grandes, qui utilisent plus de pesticides. Est-ce que les
apiculteurs font ces constats-là qu'en région, l'utilisation de pesticides il y
a plus de déclin que, par exemple, dans des régions où il y a une moins grande
utilisation?
Le Président (M. Lemay) : M.
Vacher.
M. Vacher (Raphaël) : Il n'y a
pas vraiment eu d'études là-dessus non plus. Par contre, dans les zones où il y
a... Par exemple, la Montérégie, il y a beaucoup plus d'utilisation de
pesticides et aussi de grandes cultures. Il y a habituellement plus de pertes,
mais surtout, moins de rendement en miel. Donc, les apiculteurs travaillent
pour reconstituer le cheptel, puis il y a une partie de l'énergie de la ruche
qui va dans bâtir une nouvelle colonie. Donc, la production de miel,
automatiquement, elle baisse. Donc, quand on regarde les différents rendements,
ce qu'on voit, c'est que, dans les régions où il y a une forte agriculture, les
rendements sont plus faibles. Donc, on voit des rendements plus élevés dans les
régions éloignées, là, au niveau agricole. Donc, c'est ça.
Et j'ai parlé des pertes printanières,
mais je ne vous ai pas parlé des pertes qu'on subit pendant...
M. Vacher (Raphaël) :
...baisse. Donc, quand on regarde les différents rendements, ce qu'on voit,
c'est, dans les régions, il y a une forte agriculture, les rendements sont plus
faibles. Donc, on voit des rendements plus élevés dans les régions éloignées,
là, au niveau agricole. Donc, c'est ça. Et j'ai parlé des pertes printanières,
mais je ne vous ai pas parlé des pertes qu'on subit pendant l'été. Or, ces
pertes-là ne sont pas répertoriées par le MAPAQ, donc on n'a pas beaucoup de
détails là-dessus puis les pertes liées aux pesticides se font souvent pendant
la saison.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Au niveau
de la productivité, est-ce que c'est des données qui sont disponibles ou que
vous pourriez fournir à la commission comme information?
M. Vacher (Raphaël) :
Oui, absolument. À l'Institut de la statistique, c'est très clair, là. Si on
prend les données de 2000, début des années 2000 jusqu'à aujourd'hui, on
voit très bien la baisse de rendement. Et aussi La Financière qui a des programmes
avec les apiculteurs puis on voit aussi qu'il y a une baisse année après année,
là, du rendement chez les apiculteurs.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme la députée.
Mme Montpetit : Ce
chiffre... Elle se chiffre à combien, un, la diminution puis, deux, vous me
dites s'il y a une variation d'une région à l'autre, ça peut être de quel ordre
de grandeur? En kilos, j'imagine?
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher (Raphaël) : On
parle de kilos, de livres, là. Mais le rendement moyen actuellement au Québec,
là, c'est 35 kilos par ruche, donc à peu près 75 livres. Avant, le
rendement était quand même pas mal plus supérieur que ça. On parlait de
rendement moyen, là, de 150 livres, donc presque le double.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Donc,
c'est des pertes économiques. Non seulement tout à l'heure on soulignait justement
la perte de cheptel, l'achat d'un essaim, dans le fond, mais en plus de ça, il
y a une perte directe sur la productivité.
M. Vacher (Raphaël) : Évidemment.
Mme Montpetit : Est-ce
que les apiculteurs ont des compensations, quelque compensation financière que
ce soit qui est reliée à cette perte de production?
M. Vacher (Raphaël) :
Bon. On a deux assurances récoltes. Donc, une qui est liée à la production de
miel, une qui est liée aux pertes d'abeilles pendant l'hiver. Il faut
comprendre par contre que ces assurances récoltes là sont sur un historique
individuel. Donc, si année après année, vous avez des pertes, bien, à un moment
donné, vos assurances ne fonctionnent plus.
Dans un autre côté, on a aussi accès à
tous les autres programmes fédéraux, que ce soit Agri-Stabilité,
Agri-Investissement, donc on a accès à ça, mais il faut encore là que
l'apiculteur décide d'y adhérer.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Parfait.
Puis vous avez mentionné au niveau des services des pollinisateurs, là, la part
de notre assiette qui est due ou qui nécessite, dans le fond, le travail des
pollinisateurs, vous avez mentionné 40 %. J'avais toujours entendu le
chiffre de 33 %, donc peut-être qu'il n'était pas à jour, est-ce que c'est
un chiffre, le 40 % pour le Québec?
M. Vacher (Raphaël) : Pas
nécessairement, là. Les chiffres varient beaucoup, là, quand on regarde la
littérature. On entend même des fois 80 % parce que, là, les gens vont
additionner ce que les animaux consomment au niveau des plantes qui peuvent
être en lien avec la pollinisation. Mais bon, tout le monde s'entend pour dire
que 40 %, c'est pas mal la moyenne, là.
Donc, c'est certain que l'apiculture,
écoutez, 40 % de notre assiette alimentaire, là, c'est énorme. Le travail
des pollinisateurs est extrêmement important et, malheureusement, les pollinisateurs
actuellement nous montrent des signes évidents de faiblesse que l'environnement
ne va pas bien puis on a vraiment des grosses études actuellement mondiales qui
démontrent l'effondrement des pollinisateurs partout sur la planète.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Moi,
j'aurais une dernière question. Encore là, sur la répartition géographique parce
que si je me souviens bien, une abeille parcourt un kilomètre au maximum, hein?
Sinon...
M. Vacher (Raphaël) : Ça
peut aller beaucoup plus que ça. Ça peut aller à cinq kilomètres.
Mme Montpetit : Ah! O.K.
parfait. Donc, est-ce qu'il n'y a pas une question de... je présume que les
apiculteurs comme mécanismes de défense ont un peu... n'installent pas leurs
ruches... essaient d'éviter à tout le moins d'être près de ce type de grandes
cultures ou est-ce que... je ne suis pas sûre que vous avez eu cette
discussion-là entre vous, entre apiculteurs, qu'est-ce qui est fait exactement
en termes de prévention?
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher.
M. Vacher (Raphaël) :
C'est sûr qu'il y a eu des discussions entre apiculteurs. Vous devez comprendre
qu'il y a quand même des apiculteurs un peu partout sur le territoire. Il n'y a
pas de territoire vierge où il n'y a pas d'abeilles. On couvre assez bien le
territoire. Écoutez, il y a des apiculteurs qui tentent de déplacer leurs
ruches, mais ça amène d'autres problèmes de partage de territoire. Donc, il
faut faire très attention à ça. Quand on a une ferme puis qu'on est déjà
installé dans un endroit, qu'on a une famille, écoutez, c'est rare que les gens
vont décider demain matin de déménager. Donc, les gens font de la résilience,
écoute, on n'a pas le choix, on est obligé de vivre avec l'agriculture qu'il y a
alentour de nous.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup.
• (10 h 40) •
Mme Fontaine (Julie) : Si
je peux me permettre de rajouter, c'est que les abeilles, quand on les amène en
pollinisation, entre autres, aux bleuets, aux canneberges, souvent on est
obligé de les nourrir. Il n'y a pas assez de nourriture là-bas. Alors, quand on
les ramène, il faut qu'elles soient mises dans des endroits où il y a de la
diversité florale. Il faut qu'elles puissent se nourrir et ramener du pollen
différent. Alors, c'est beau se dire : O.K. On va s'éloigner des endroits
où il y a l'utilisation des...
Mme Fontaine (Julie) : ...en
pollinisation, entre autres aux bleuets, aux canneberges, souvent, on est
obligé de les nourrir. Il n'y a pas assez de nourriture là-bas. Alors, quand on
les ramène, il faut qu'elles soient mises dans des endroits où il y a de la
diversité florale. Il faut qu'elles puissent se nourrir et ramener du pollen
différent. Alors, c'est beau, se dire : O.K., on va s'éloigner des
endroits où il y a l'utilisation des pesticides, mais les endroits où la
nourriture pour les insectes existe diminuent d'année en année. Les prairies
qui étaient laissées en floraison ont diminué de plus de moitié, puis ça,
c'était dans les derniers chiffres, je pense, c'était 2007...
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme Fontaine. Je dois vous interrompre à nouveau pour céder la
parole, maintenant, à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Bonjour. Très intéressant. J'ai vraiment peu de temps, mais j'aurais trois
petites questions. Je vous les défile, puis vous tenterez d'y répondre. J'étais
curieuse de savoir est-ce qu'il y a une différence de rendement au niveau des
abeilles exportées versus les abeilles de colonie quand vous disiez, vous aviez
des pertes, vos moyens de pallier à ça, c'est soit d'exporter... d'importer des
abeilles, c'est-à-dire, versus les abeilles de colonie?
Aussi, au niveau de l'application des
pesticides, on en entend beaucoup parler dans les cultures plus de céréales,
maraîchères, moins, peut-être, au niveau des petits fruits. Ça fait que, tu
sais, quel genre d'application ils sont faits dans ces cultures-là?
Et, finalement, dans votre mémoire, vous
parliez que les semences non traitées sont disponibles seulement sur demande,
et les agriculteurs doivent insister pour y avoir accès, donc il y a vraiment
une difficulté d'approvisionnement à ce niveau-là. Ça serait quoi vos
recommandations là-dessus?
Le Président (M. Lemay) :
Super. Donc, trois questions en 2 minutes.
Mme Fontaine (Julie) : Je peux
peut-être répondre pour le rendement en miel, c'est souvent la question de
génétique de la reine. Il y a certaines lignées d'abeilles qui sont beaucoup
plus portées à faire du miel que d'autres. Exemple, l'abeille africanisée ne
fait pas de miel ou très peu de miel, alors tandis que l'abeille mellifère
européenne va faire beaucoup plus de miel. Et on... les reines sont
sélectionnées en... c'est un des premiers caractères qui est sélectionné chez
les reines, c'est le rendement, entre autres, en miel, avec d'autres
caractères, là.
Pour ce qui est des semences non enrobées
difficilement accessibles, bien, ça, c'est... ça fait des années qu'on le dit,
les semenciers préconisaient d'avoir le moins, j'imagine, de stock possible,
alors ils préféraient fournir juste de l'enrobé, ça faisait moins de sacs à
garder en storage. Alors, c'est très difficile parce que le problème c'est que
les agriculteurs passent leurs commandes en novembre avant la prochaine saison,
et là, c'est difficile de prédire les printemps hâtifs, les printemps
mouilleux. Et là, bien, après ça, c'est la valse de : les semences ne sont
plus disponibles, alors la seule chose qui reste de disponible, c'est de
l'enrober. On l'a vu, justement, ce printemps. C'est exactement ce qui est
arrivé.
M. Vacher (Raphaël) : Moi
j'aimerais revenir sur les rendements des abeilles importées. Dans le fond, les
abeilles importées ne sont pas adaptées à notre climat, donc ce n'est pas nécessairement
un bon choix que d'importer des abeilles. Elles ont pu aussi importer des
maladies qu'on n'a pas ici, donc il y a un risque associé à l'importation.
C'est pour ça que depuis quelques années, là, chez les apiculteurs, on
préconise que ça soit le Québec, donc, qui produise plus de nucléi pour
répondre à la demande des autres apiculteurs. Donc on essaie de mettre en
place, là, une offre plus importante pour compenser les pertes.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Ceci complète la période d'échanges.
Je cède maintenant la parole au député de
Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Bonjour. Bon, il faut être vite, puis on n'a pas beaucoup de temps.
Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez des ententes verbales avec les
producteurs de bleuets qui respectaient, bon, les ruches, etc., qui
n'arrosaient pas pendant la pollinisation, mais vous avez dit que vous aviez
des troubles avec d'autres producteurs. On parle des producteurs de?
M. Vacher (Raphaël) : Bien,
essentiellement, les problématiques que les apiculteurs vivent, c'est plus au
niveau de la canneberge. Donc, il y a des produits qui sont... Dans le fond, à
un moment donné, les producteurs de canneberges dépassent certains seuils au
niveau des insectes nuisibles, et il peut arriver qu'ils font des traitements
sans que les ruches soient parties. Et, là, bien, c'est sûr que ça amène... ça
occasionne des pertes très importantes. Il y a... en temps normal, il est
spécifié qu'on doit être averti d'avance pour qu'on puisse avoir le temps de sortir
nos ruches, mais c'est arrivé, dans certaines situations, ça ne s'est pas fait.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Roy
: Est-ce que la
financière prend en considération ce genre de problématique là et vous
indemnise?
M. Vacher (Raphaël) : Pas du
tout. Absolument pas.
M. Roy
: Parce que tout
à l'heure, vous parliez, bon, de la financière, de l'assurance récolte. Vous
avez dit que certains apiculteurs vont adhérer aux programmes fédéraux et
d'autres non. Est-ce que ce sont des programmes accessibles et qui sont
équitables et qui vous aident, ou que ce n'est absolument pas accessible, puis
vous...
Le Président (M. Lemay) : ...
Vacher.
M. Vacher (Raphaël) : ... puis
c'est des programmes qui sont accessibles, qui nous aident, mais seulement
pendant un certain laps de temps. Donc, une fois qu'on a épuisé ces
systèmes-là, on n'a plus rien. Je veux dire, ça prend à peu près cinq ans, là,
parce qu'on subit des pertes à tous les ans, donc ça prend quelques années
seulement, puis, après ça, ça devient inefficace. Donc il y a vraiment une
problématique de ce point de vue là pour nous.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Roy
: Je le goût de
vous dire que si le fédéral ne fait pas son travail, si nous étions un pays, ça
serait beaucoup plus simple, mais là je fais de la politique.
Écoutez, l'effondrement, bon, des...
M. Vacher (Raphaël) :
...Donc, il y a vraiment une problématique de ce point de vue là pour nous.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Roy
: Là, vous
dites que, si le fédéral ne fait pas son travail, si nous étions un pays ça
serait beaucoup plus simple, mais là je fais de la politique.
Écoutez, l'effondrement, bon, des
pollinisateurs peut-il être compensé par d'autres sortes d'insectes?
Le Président (M. Lemay) :
M. Vacher, allez-y.
M. Vacher (Raphaël) : La question,
elle est simple, et la réponse, elle est aussi très simple : non.
Mme Fontaine (Julie) : Il
faut dire que l'abeille...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fontaine.
Mme Fontaine (Julie) :
...est présentement responsable de 75 % de toute la pollinisation,
l'abeille mellifère, le reste étant fait par nos pollinisateurs sauvages. Sauf
que les pesticides n'affectent pas juste l'abeille mellifère, ils affectent
tous les pollinisateurs.
Et étudier les pollinisateurs sauvages,
c'est très difficile, c'est très compliqué pour les chercheurs. Il faut les
trouver. Ils ne s'affichent pas dans des ruches, ils ne s'affichent pas dans
des gros, gros nids, eux autres, ils sont sporadiques, ils sont un petit peu
partout. C'est très difficile. Alors, c'est beaucoup plus facile d'étudier
l'abeille mellifère.
Mais ce qui tue nos abeilles mellifères va
faire la même job sur les autres insectes.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme Fontaine, M. Vacher... Vacher, exactement. Je
vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends donc quelques instants afin de
permettre aux représentants de l'Institut national d'agriculture biologique de
prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 46)
(Reprise à 10 h 49)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à
l'Institut national d'agriculture biologique. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous poursuivrons
avec les échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez y
aller avec votre exposé. La parole est à vous.
M. Poniewiera (Normand) :
Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, chers membres de la commission.
Donc, je me présente, Normand Poniewiera.
Je suis le directeur de l'Institut national d'agriculture biologique du cégep
de Victoriaville. Les gens qui m'accompagnent, donc, à ma gauche, vous avez
M. Jean Duval, qui est le coordonnateur du Centre d'expertise et de
transfert en agriculture biologique et de proximité, le CETAB+. À ma droite,
vous avez M. Simon Dugré, coordonnateur du Centre d'innovation sociale en
agriculture, le CISA.
Pourquoi le cégep de Victoriaville est ici
aujourd'hui? Depuis sa fondation en 1969, il y a 50 ans, le cégep de
Victoriaville améliore son offre en réponse aux besoins du secteur agricole.
Cette année, plusieurs cégeps fêtent leur 50e anniversaire dans l'ensemble
des régions du Québec. C'est aussi le cas du cégep de Victoriaville. Chez nous,
ce que l'on fête, c'est le résultat d'un enracinement historique qui repose sur
une différence qui a fait sa personnalité unique, l'agriculture biologique.
• (10 h 50) •
Le cégep de Victoriaville se démarquait déjà
il y a de cela 35 ans par son offre de formation en agriculture
biologique. Nous...
M. Poniewiera (Normand) :
...cégep de Victoriaville. Chez nous, ce que l'on fête, c'est le résultat d'un
enracinement historique qui repose sur une différence qui a fait sa personnalité
unique, l'agriculture biologique.
Le cégep de Victoriaville se démarquait déjà,
il y a de cela 35 ans, par son offre de formation en agriculture biologique.
Nous étions les seuls. En cohérence avec notre orientation en agriculture
biologique, deux centres de recherche sont nés. Ils ont maintenant 10 ans
d'expertise. Le premier, plus technique, approfondit son expertise sur les
pratiques agricoles biologiques, et l'autre, à caractère social, accompagne
l'ensemble des acteurs dans leurs démarches sur les changements climatiques.
Depuis les années 2000, le cégep de
Victoriaville augmente la portée de son leadership mobilisateur au Québec sur
les questions importantes touchant la formation, la recherche et le transfert
technologique en agriculture, plus précisément en agriculture biologique.
Ce leadership basé sur l'excellence a
conduit le cégep à créer, en 2018, l'INAB, l'Institut national d'agriculture
biologique. La création de l'INAB a notamment donné l'occasion de regrouper
trois entités actives en agriculture afin de maximiser les synergies et leur
impact sur le milieu agricole, soit le département d'enseignement, le Centre
d'expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité, le
CETAB, et le Centre d'innovation sociale en agriculture, le CISA. Le cégep de
Victoriaville offre le diplôme d'études collégiales en gestion et technologies
d'entreprise agricole qui se décline en quatre profils : production
animale, production légumière biologique, production fruitière biologique et
agriculture urbaine depuis peu. Une des particularités de l'INAB réside dans
son concept de ferme-école. En effet, au-delà de la théorie, l'étudiant
applique les concepts sur le terrain. Ils sont actuellement plus de 180.
En tant que centre de recherche, le CETAB,
est actif en recherche appliquée, en aide technique et en diffusion de
l'information et de formation. La recherche appliquée est réalisée autant sur
les fermes que dans les aires consacrées à la recherche à l'INAB. Une trentaine
de projets de recherche sont en cours ou réalisés chaque année dans différents
domaines, dont la protection des cultures. Le CETAB offre des services-conseils
techniques en agroenvironnement et en gestion dans plusieurs régions du Québec,
à plus de 120 clients dans les grandes cultures, l'horticulture et la
production laitière. Le CISA s'est doté d'une équipe composée de chercheuses et
de chercheurs en agronomie, en anthropologie, en sciences biologiques, en
travail social, en développement territorial, en sciences de l'environnement et
en communication pour nourrir adéquatement les réflexions et l'accompagnement
des acteurs dans la mise en oeuvre des solutions innovantes. L'INAB, c'est plus
qu'un lieu, c'est un institut qui regroupe aujourd'hui une équipe de plus de 70
enseignants, chercheurs, professionnels de recherche, conseillers, se dédier à
temps plein à l'agriculture biologique et à l'amélioration de la durabilité des
systèmes alimentaires. À ce titre, l'INAB se permet de parler avec confiance
des questions que pose la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de
l'énergie et des ressources naturelles dans le cadre de ses audiences
publiques.
Les producteurs agricoles et le
gouvernement peuvent avancer avec confiance vers une diminution de
l'utilisation des pesticides. Des décennies d'expérience pratique et
scientifique en agriculture biologique permettent d'affirmer que les techniques
de production d'aliments sans pesticide sont aujourd'hui performantes de tous
points de vue : écologique, agronomique et financier. Ainsi, la diminution
de l'utilisation des pesticides n'est pas un saut dans le vide pour les
producteurs agricoles ou pour le gouvernement, au contraire, il s'agit d'un
progrès. L'INAB accompagnera le gouvernement et les producteurs agricoles dans
cette transition importante.
La CAPERN pose plusieurs questions sur la
nocivité et l'encadrement des pesticides de synthèse. L'INAB souhaite mettre
plutôt en évidence que des solutions de remplacement performantes existent.
Notre mémoire cite quelques exemples de résultats probants, très concrets et
d'évolution favorable pour les entreprises agricoles et la population du
Québec. Ces exemples permettent de tirer plusieurs constats; premièrement,
l'expertise et les compétences existent pour éliminer l'usage des pesticides
dans un grand nombre de situations courantes; deuxièmement, la recherche permet
de relever les défis dans les situations où les connaissances sont
insuffisantes à court terme pour diminuer ou éliminer les pesticides;
troisièmement, la diffusion et le transfert technologique peuvent être très
efficaces pour déployer les innovations et les approches probantes, et ainsi,
en généraliser l'usage; quatrièmement, pour terminer, l'innovation sociale
permet d'accélérer et de débloquer des transitions en apparence simple et de
favoriser l'adoption de pratiques...
M. Poniewiera (Normand) :
...technologique peuvent être très efficaces pour déployer les innovations et
les approches probantes et ainsi en généraliser l'usage.
Quatrièmement, pour terminer, l'innovation
sociale permet d'accélérer et de débloquer les transitions en apparence simples
et de favoriser l'adoption de pratiques durables.
Partant d'un terrain solide qui s'appuie
sur la formation en agriculture biologique et conventionnelle et sur deux
centres de recherche, le cégep peut affirmer avec confiance à cette commission
que la transition vers l'agroécologie repose maintenant sur un socle suffisamment
solide pour que nous puissions maintenant passer à l'action. Passer à l'action
signifie définir l'avenir. Nous y sommes presque, M. le Président. Il ne reste
qu'un pas à franchir pour nous donner les moyens de nos ambitions. Le gouvernement
doit profiter de cette occasion unique, à cette commission, pour soutenir une
expertise qui a pris une envergure nationale et qui appartient désormais à
l'ensemble des Québécoises et des Québécois.
C'est pourquoi l'INAB ose faire quatre recommandations
à la CAPERN à l'intérieur de son mémoire. À ce moment-ci, je désire attirer
votre attention aujourd'hui sur deux d'entre elles. La première :
Reconnaître l'expertise de l'INAB et de ses centres de recherche en lui
octroyant un mandat national et un financement y correspondant pour développer
et diffuser les pratiques de remplacement performantes tant au niveau de la
formation que pour l'ensemble des entreprises du secteur agroalimentaire québécois.
La deuxième : Poursuivre le développement et l'adaptation d'incitatifs gouvernementaux
au développement de solutions de rechange à l'utilisation des pesticides. Ces
incitatifs peuvent être conçus pour soutenir directement les producteurs, mais
aussi les organisations qui prennent en charge les processus d'innovation, de
transfert et de diffusion au bénéfice des producteurs et des collectivités qui
tirent profit de ces innovations.
La forte croissance de la demande pour des
produits biologiques et le fort intérêt pour le biologique chez les producteurs
actuels et futurs sont symptomatiques d'un mouvement de société appuyé à la
fois par des inquiétudes, mais aussi par un désir de faire autrement. Toutes
les conditions sont réunies pour réussir une transition. L'INAB dans son
entier, par ses centres de recherche et par ses activités d'enseignement,
continuera d'être proactif auprès du gouvernement, des conseillers et du
secteur agricole québécois pour améliorer la performance et la durabilité des entreprises
agricoles. Davantage de ressources vont permettre à l'INAB d'appuyer les
changements requis avec plus de vigueur et de rapidité et de demeurer un
leader.
En terminant, M. le Président, étant
moi-même copropriétaire d'une entreprise agricole, j'ai décidé de relever le
défi de devenir le directeur de l'INAB en acceptant de quitter temporairement
ma région du Lac-Saint-Jean, avec le député, pour contribuer au développement
de ce fleuron. Donc, c'est avec ma passion de l'agriculture et celle de toute
l'équipe, dont nous avons deux représentants ici, que nous avons accepté de
contribuer à cette commission pour l'avenir du secteur agroalimentaire québécois.
Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Poniewiera. Je cède maintenant la parole au député de Bourget pour
son échange.
M. Campeau : Bonjour à tous.
Merci de votre présentation. On a entendu parler encore une fois du Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Alors, je ne sais pas, je commence à être inquiet. Il y en a qui vont s'enfler
la tête à côté de... ici de la table avec ça, là. Bon.
Vous avez... Bio depuis 35 ans. Quand vous
avez commencé à en parler, ce n'était pas si populaire que ça, et je me
souviens qu'il n'y a pas si longtemps, quand on arrivait dans une épicerie, le
bio était tout petit, et ça, c'était la section chère. Et là, ça a beaucoup,
beaucoup changé, beaucoup évolué.
La première question que j'aimerais vous
demander, c'est : Au-delà de donner des cours, est-ce que vous faites du
coaching — désolé, je ne sais pas si le mot est... il y a un meilleur
mot pour ça — individuel avec des agriculteurs qui vont aller vous
voir faire la consultation?
Le Président (M. Lemay) : De
l'accompagnement personnalisé, peut-être, M. le député?
M. Campeau : Oui. Merci.
Le Président (M. Lemay) : M.
Poniewiera.
M. Poniewiera (Normand) : M.
Duval.
Le Président (M. Lemay) : M.
Duval, allez-y.
M. Duval (Jean) : Oui. Bien,
pour répondre à votre question, au CETAB on a une équipe d'agronomes qui
accompagnent des agriculteurs en production biologique ou en transition vers
l'agriculture biologique, qui leur donnent des conseils à propos des techniques
à utiliser sur leur entreprise, optimiser leur système de production. Donc, on
parle de plus de... environ 250 clients dans différentes régions du Québec qui
bénéficient de nos services, de services-conseils.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
• (11 heures) •
M. Campeau : Vous m'avez
mentionné deux recommandations principales, la deuxième étant de continuer à
avoir des incitatifs gouvernementaux. Est-ce que vous voyez ces incitatifs-là
comme directement reliés au cégep, directement reliés à l'INAB ou qui seraient
dans les mains des agriculteurs pour qu'ils aillent chercher vos services?
Est-ce que vous avez une idée du mécanisme qui serait le plus approprié...
11 h (version non révisée)
M. Campeau :
...ornementaux. Est-ce que vous voyez ces incitatifs-là comme directement
reliés au cégep, directement reliés à l'INAB ou qui seraient dans les mains des
agriculteurs pour qu'ils aillent chercher vos services? Est-ce que vous avez
une idée du mécanisme qui serait le plus approprié?
Le Président (M. Lemay) :
M. Poniewiera.
M. Poniewiera (Normand) :
Bien, je pense qu'on doit aider autant les producteurs, les chercheurs, les
centres de recherche parce que les sommes qu'on réussit à obtenir pour la
recherche ne sont jamais suffisantes. Et les producteurs, qu'on doit
accompagner dans un mode de transition, doivent aussi bénéficier d'incitatifs,
incitatifs qui existent déjà d'ailleurs, mais je pense qu'on doit continuer à
les maintenir, et voire les améliorer.
M. Campeau : Comme
commission, on a eu l'occasion d'aller visiter des fermes, et j'avoue que j'ai
appris beaucoup. Et c'est assez fascinant de voir à quel point la technologie a
fait une énorme avancée au niveau agriculturel. Je pense que ce n'est pas une
chose qui est vraiment très connue actuellement.
Vous avez parlé d'innovation sociale. Je
ne comprends pas trop, trop ce que vous voulez dire par là exactement.
Pourriez-vous élaborer un peu plus là-dessus?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Dugré.
M. Dugré (Simon) : Donc,
le Centre d'innovation social a été mis en place grâce à un financement du
ministère de l'Éducation supérieure en 2009, donc une reconnaissance de centres
collégiaux de transfert.
La définition d'innovation sociale, si
vous me permettez, c'est toute nouvelle idée, approche, intervention sociale,
service, produit, loi — ici, vous en connaissez bien la
chose — donc, pour tout type d'organisation, ça peut être des
organismes, des entreprises, des coopératives, pour une réponse adéquate et
durable à leur besoin social, une solution qui trouve preneur, aux bénéfices
mesurables par la collectivité pour une portée transformatrice et systémique.
Donc, en des mots plus clairs, je vous dirais qu'on répond aux besoins présents
sur le terrain.
Puis, dans la commission hier, que j'ai eu
la chance d'écouter, ça a été mentionné souvent, de répondre aux besoins des
agriculteurs et des organisations qui travaillent avec eux. Donc, l'innovation
sociale, c'est une approche qui permet l'intersectorialité pour répondre à ces
besoins-là, qui sont devenus systémiques.
Le Président (M. Lemay) :
... M. le député.
M. Campeau : Je ne suis
pas sûr de comprendre. Un exemple, là, je vous en lance un.
Une voix
: Allez-y.
M. Campeau : Ça veut dire
que, dans une certaine région, comment va-t-on procéder si les fermes sont
petites au niveau de la main-d'oeuvre? Vous pouvez l'accompagner au niveau
social. C'est un exemple de ça, vous croyez, par exemple?
M. Dugré (Simon) : ...bon
exemple, M. le député. M. le Président, le CISA, dans une de ses premières
expériences terrain au Centre-du-Québec travaillait sur la détresse
psychologique des producteurs, donc, un fait que vous avez sûrement entendu
parler par les producteurs. Pour y répondre, on a mis en place un nouveau
service à l'agriculture, qui est un service de remplacement.
Donc, on s'est basés sur une littérature
qui a été permis, je dois le souligner, d'être connue par des professeurs
chercheurs du cégep de Victoriaville et leurs étudiants pour aller visiter nos
partenaires et nos confrères français qui, eux, utilisaient ces services-là et
qui étaient toujours en développement depuis 40 ans. Le CISA, ce qu'il a
fait, c'est qu'il a fait une conception pour être... faite... mise en épreuve
test grâce à un financement ministériel du Développement économique pendant un
an. Donc, ce service-là maintenant crée 10 emplois temps plein au
Centre-du-Québec, O.K.? Il permet aux producteurs dans des aléas de la vie,
maladie, naissance, congé de paternité ou simplement d'aller chercher son fils
ou sa fille au karaté, au hockey, faire de la formation, s'impliquer dans la
vie syndicale, d'avoir des temps pour lui. Donc, on remplace le producteur.
C'est une réponse adéquate à un besoin par l'innovation sociale.
Le Président (M. Lemay) :
... M. le député.
M. Campeau : Je passe la
parole à l'autre collègue, s'il vous plaît.
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Alors, Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice, la parole est à
vous.
Mme Tardif : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Merci pour votre travail.
La possibilité de se passer complètement
ou, en tout cas, presque complètement, là, de pesticides varie d'une culture à
l'autre. Puis, selon votre rapport, cela semble envisageable dans les grandes
cultures. Cependant, qu'est-ce qu'on doit faire pour les cultures fruitières,
maraîchères, horticoles? Est-ce que c'est pensable?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Jean) : Oui, c'est
certain que c'est plus difficile pour tout ce qui est horticulture maraîchère,
fruitière, surtout les cultures fruitières. Maintenant, ce qu'on développe,
c'est beaucoup des moyens de lutte qui soient physiques, des... par exemple,
des filets de protection, dans les cultures fruitières, c'est quand même assez
utilisé, contre les insectes. Il y a aussi une approche qu'on pourrait dire
plus...
M. Duval (Jean) : ...maintenant,
ce qu'on développe, c'est beaucoup des moyens de lutte qui soient physiques,
des... Par exemple, des filets de protection dans les cultures fruitières,
c'est quand même assez utilisé contre les insectes. Il y a aussi une approche
qu'on pourrait dire plus écosystémique où est-ce qu'on essaie d'attirer les
insectes utiles ou les prédateurs, les parasitoïdes qui attaquent les insectes
ravageurs. Donc, on est beaucoup dans la prévention en agriculture biologique.
On essaie de construire un système qui prévient des problèmes. Ça ne marche pas
tout le temps. C'est sûr qu'il faut avoir recours parfois à des biopesticides.
Souvent, c'est des agents de lutte biologiques, ou ça peut être des fongicides
à base minérale. Donc... Mais on n'est pas dans les molécules qui n'existent
pas dans la nature. On n'est pas dans les xénobiotiques en agriculture
biologique. Donc, on... Les pesticides qui sont employés à l'occasion, ce sont
des biopesticides qui, disons, ont un impact mineur, là.
Le Président (M. Lemay) : ...
Mme Tardif : Est-ce que vous...
Quand on parle de pratique biologique, c'est sûr que, là, vous m'amenez sur un
terrain. Ça nous amène à devoir concevoir... il faut concevoir et il faut
mettre en place tout un système de production qui est différent. Et comment les
agriculteurs qui sont non biologiques... qu'est-ce que vous leur suggérez, et
comment ils vont réussir à rencontrer ça? Quel va être le soutien? Quel va être
les... Quelles sont les problématiques auxquelles ils vont faire face pour s'en
aller vers une culture biologique?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Jean) : C'est
certain que c'est tout un apprentissage. C'est une autre façon de penser de l'agriculture.
Ça ne se fait pas instantanément. Bon, il y a une transition obligatoire de
trois ans avant d'être certifié bio, mais le cheminement, il part souvent bien
avant ça dans la tête des producteurs et productrices, et puis ça peut se
poursuivre aussi.
Comment on les outille? Bien, nous, dans
l'équipe, au CETAB+, on a quand même 32 personnes dans l'équipe qui ont
différentes expertises. Il y en a qui sont plus en recherche, d'autres en
services-conseil. Donc, quand il y a des problèmes qui se présentent puis qu'il
n'y a pas nécessairement de solutions, bien là, on va mettre au point un petit
protocole expérimental, essayer de différentes façons. Mais on a de plus en
plus de connaissances en bio, donc il y a beaucoup de connaissances à
transférer, beaucoup de techniques qui existent depuis très longtemps...
Le Président (M. Lemay) :
Parfait.
M. Duval (Jean) : ...qu'il
faut surtout faire connaître.
Le Président (M. Lemay) :
Juste un instant, M. Duval. Mme la députée, vous avez une question complémentaire?
Mme Tardif : Donc, vous nous
demandez un mandat national et un budget qui va avec. Par rapport à ce
mandat-là, expliquez-moi concrètement comment vous feriez pour faire le
transfert de connaissances à ces agriculteurs-là qui ne sont pas bio.
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Jean) : Oui. Bon,
c'est sûr qu'on peut poursuivre avec du service-conseil, engager plus
d'agronomes expérimentés qui sont capables d'appuyer les producteurs. Il y a
différentes façons. On propose... On va déposer un projet de fermes témoins,
qui peut être très inspirant, donc des fermes qui réussissent bien en
agriculture biologique, qui peuvent servir de référence pour des producteurs
qui seraient intéressés à aller visiter ces fermes-là.
On est très actifs en diffusion de
l'information. On fait un colloque annuel en février, qui s'appelle Bio pour
tous!, qui est de plus en plus populaire. On a eu 500 personnes l'année
dernière. On a plein de moyens, puis c'est dans notre mission, comme centre collégial
de transfert de technologie, de faire ça, de la recherche appliquée, de la
diffusion d'information, de l'aide technique.
Donc, on en fait déjà beaucoup, on peut en
faire encore plus puis on peut aider aussi d'autres gens, outiller d'autres
organismes pour qu'ils puissent aussi appuyer le mouvement parce que... Oui,
c'est ça.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au député de
Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Alors, merci, M. le Président. Merci de votre présentation. C'est très
intéressant, puis je suis content parce que vous parlez beaucoup de solutions,
de solutions d'innovation, puis c'est un thème aussi qui est dans le mandat
d'initiative, et la recherche, le développement et la formation aussi. Vous en
avez tout à l'heure effleuré un peu au niveau de la formation.
Croyez-vous qu'au niveau des institutions
d'enseignement, tout ça, la formation est assez élevée là-dessus au niveau des
pesticides, au niveau des connaissances, au niveau aussi des transferts
technologiques et tout ce qui s'offre maintenant aux nouveaux producteurs et
productrices agricoles?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Poniewiera.
M. Poniewiera (Normand) :
Oui. Bien, je pense qu'au Québec on a quand même plusieurs cégeps qui sont
disséminés sur l'ensemble du territoire, dans lesquels on offre les programmes
en agriculture, et on a aussi également les instituts de technologie
agroalimentaire.
• (11 h 10) •
Pour notre part, à l'INAB, au fil des
années, la spécialité s'est faite dans le biologique. Donc, on a...
M. Poniewiera (Normand) :
...je pense qu'au Québec, on a quand même plusieurs cégeps qui sont disséminés
sur l'ensemble du territoire dans lesquels on offre les programmes en
agriculture. Et on a aussi également les instituts de technologie
agroalimentaire.
Pour notre part, à l'INAB, au fil des
années, la spécialité s'est faite dans le biologique. Donc, on a développé des
compétences et des outils pour justement donner une formation axée sur le côté
biologique. Nous, on y croit, c'est un travail de longue haleine évidemment, la
formation. Je pense qu'on est capable d'être un leader puis de faire un
transfert d'expertise pour l'ensemble des Québécois. Autant au niveau de la
formation qu'au niveau de la recherche. Puis ça, c'est le mandat que... c'est
pour ça quand on vous demande un mandat national, c'est qu'on est prêt à se
mettre à la disposition de l'ensemble des Québécois pour justement aller plus
loin, être capable de démontrer que le modèle biologique fonctionne.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Puis je voyais un petit peu à la page 12 de votre mémoire, là, on parle...
Vous rentrez dans l'aspect, dans l'aspect économique, dans l'aspect des
grandeurs d'entreprise, des tailles, et tout ça. Et vous apportez quand même
des... certains bémols que oui, effectivement dans certains cas, ça peut être
des fois difficile, il y a des particularités puis vous parlez aussi de
l'aspect, hein, on parle entre autres de l'aspect du climat qui parfois devient
difficile pour certaines entreprises, les plages de temps, mais il y a quand
même des choses... Est-ce que vous trouvez qu'il y a encore... il y a beaucoup
de réticence au niveau des producteurs et quelle est cette réticence-là au-delà
de financement et des équipements?
Le Président (M. Lemay) : M. Poniewiera.
M. Poniewiera (Normand) :
Bien, je pense que ce qui fait... je croirais... j'aurais tendance à penser que
c'est la peur du changement, faire autrement. Ce n'est pas évident quand on a
été producteur pendant plusieurs années puis que la méthode qu'on a apprise...
Je peux vous donner l'exemple chez nous sur mon entreprise. Dans le fond, mes
associés ont appris de leur père, de leur oncle, c'était la méthode
traditionnelle et... On l'appelle maintenant conventionnelle, on a des
représentants qui viennent sur l'entreprise, suggèrent d'utiliser tel et tel
produit pour justement lutter contre les mauvaises herbes.
Au lieu d'avoir un représentant qui vient
nous vendre des pesticides, on pourrait avoir aujourd'hui un représentant qui
vient nous expliquer qu'il existe un sarcleur qui est capable de faire le même
travail, donc qui va faire la lutte aux mauvaises herbes et on n'aura pas
besoin de mettre de pesticides. Donc, c'est un changement. C'est pour ça que ça
prend de la formation à la base, donc les jeunes de demain vont être encore
plus formés. Ils vont être plus conscientisés an de ce changement. Mais
j'aurais tendance à dire que c'est peut-être la peur du changement de la
méthode qu'ils ont apprise avec le temps.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Sentez-vous qu'avec la nouvelle génération qui s'en vient, est-ce que vous le
sentez sur le terrain, vous le vivez? C'est-u plus facile avec la nouvelle
génération?
Le Président (M. Lemay) :
Alors M. Poniewiera, environ 30 secondes.
M. Poniewiera (Normand) :
Oui. Oui, on le sent. On le sent beaucoup parce que... J'arrive justement d'un
voyage en France avec un groupe de producteurs puis, dans le fond, ce que les
producteurs nous disent souvent, bien, le voisin, lui n'est pas encore converti
au biologique, mais son garçon, lui, il est prêt puis il vient me voir puis il
se renseigne sur les nouvelles façons de faire, donc, oui. Je pense que la
nouvelle génération va être encore plus apte ou... «apte» n'est peut-être pas
le bon mot, mais plus sensibilisée à aller vers ça.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Donc, c'est ce qui complète cette première période d'échange. Je cède
maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, M. le Président.
Bonjour messieurs, merci d'avoir pris le temps aujourd'hui de venir nous
rencontrer et répondre à nos nombreuses questions. C'est un volet différent de
ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant.
J'avais... J'ai plusieurs questions en
fait pour vous, dont la première, on le voit, là, qu'il y a... tu sais, je veux
dire statiquement, on le voit, qu'il y a une augmentation importante, là, au
cours des dernières années du nombre de fermes biologiques au Québec. Il y a
eu, 2015-2018, la stratégie de croissance du secteur biologique, il y a la
politique bioalimentaire 2018-2025 qui a été mise en place également. Je
pense que, sans aucun doute, c'est venu soutenir justement cet accroissement de
fermes biologiques, on avait le sous-ministre du MAPAQ au printemps, là, qui
nous disait qu'on avait même dépassé les objectifs que notre gouvernement à
l'époque s'était donnés.
Comment on peut poursuivre encore
davantage dans cette voie-là? Comment l'État, comment le gouvernement peut
venir vous aider justement pour soutenir cette... soutenir dans le fond des
agriculteurs qui souhaitent faire la transition notamment vers le biologique?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
Mme Montpetit : C'est une
vaste question, j'en suis consciente.
M. Duval (Jean) : Oui, puis je
pense qu'il faut reconnaître d'abord que le gouvernement provincial fait
beaucoup déjà pour encourager la conversion à l'agriculture biologique, avec
des subventions associées aux...
Mme Montpetit : ...c'est une
vaste question, j'en suis consciente.
M. Duval (Jean) : Oui, puis je
pense qu'il faut reconnaître d'abord que le gouvernement provincial fait
beaucoup déjà pour encourager la conversion à l'agriculture biologique, avec
des subventions associées aux superficies qui sont en transition, les
subventions aussi sur l'achat de machinerie adaptée.
Qu'est-ce qu'on peut faire de plus? C'est
certain que la recherche, l'appui technique, c'est essentiel, c'est... Ça prend
ça. Ça prend aussi peut-être des formules innovantes, peut-être plus sociales,
de cellules d'innovation, de trouver des porteurs de flambeau dans des régions
qui sont capables de faire mousser le mouvement, je dirais. Il y a toutes
sortes de façons, là.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je...
Le Président (M. Lemay) : Ah!
M. Poniewiera, allez-y.
M. Poniewiera (Normand) :
Oui, excusez, M. le Président. En complément, je pense que, dans le fond, c'est
le consommateur qui nous le demande aussi. Donc, on a un devoir de répondre aux
besoins des consommateurs.
On est rendus à l'étape où on doit passer
d'un marché niche à un marché de grande consommation. Donc, pour faire cette
étape-là, bien, il faut, je pense, quant à moi, redoubler d'ardeur. Donc, les
programmes sont là, mais il faut aller encore plus... il faut aller un peu plus
loin, pour en donner plus à la recherche, à la formation, pour justement
quitter les marchés de niche, pour rejoindre le marché de masse.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée
Mme Montpetit : Bien, je suis
contente d'entendre que les stratégies qui ont été mises en place, dans le fond,
portent fruit, là. C'est ce qu'on retient. Il y a un bel avancement dans cette
direction-là. J'aimerais ça vous entendre, puis vous me direz si vous n'êtes
pas à l'aise de commenter sur ce sujet-là, mais c'est le gros sujet du jour,
Les Serres Lefort qui est une entreprise qui a décidé de faire une transition
vers le biologique, et... Puis, si vous ne voulez pas commenter, là, le dossier
particulier, mais je serais quand même curieuse de vous entendre là-dessus,
sur... il y a des difficultés à faire une transition vers du biologique, est-ce
que c'est plus long, est-ce qu'il y a un certain temps? Comment vous voyez ça à
la lumière de cette entreprise-là, comment elle doit être accompagnée
davantage?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
M. Duval (Jean) : Je ne suis
pas certain d'avoir... Les Serres Lefort sont en production biologique depuis
assez longtemps.
Mme Montpetit : Bien, ils ont
fait une transition, dernièrement, sur, notamment, les poivrons, les
concombres, là, qui est venue à amener certaines difficultés parce que ça amène
un certain temps, justement, faire cette transition-là.
J'aimerais ça que vous puissiez nous
expliquer, en fait, le temps de période que ça prend quand on souhaite faire
une transition, à quel point une entreprise, justement, doit être soutenue
davantage, là, pour pouvoir avoir des beaux jours une fois que la transition,
une fois que la certification, entre autres, est obtenue. Il y a quand même une
période qui demande des investissements majeurs sans avoir la rentabilité qui
incombe au fait d'être... d'avoir une certification biologique, notamment, là.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Duval.
M. Duval (Jean) : C'est effectivement
le cas. La période de trois ans de transition peut être assez difficile, autant
psychologiquement qu'économiquement, ça dépend des situations. C'est une
période qui demande vraiment un bon appui, mais ce n'est pas juste économique,
là. Je pense, c'est important de le dire, c'est une période de changement,
alors il faut s'entourer de personnes compétentes, d'un milieu... d'avoir un
milieu de soutien aussi. Je pense que le... ça l'a beaucoup évolué.
L'agriculture biologique, on peut dire, n'est plus marginale comme elle l'a
été. Donc, c'est plus facile de... c'est ça, d'avoir un soutien social aussi,
là, pour le faire. Je prends l'exemple de la région de Lanaudière où est-ce que
c'est vraiment très dynamique. Il y a des, je dirais, des personnes, des
entreprises assez importantes qui ont fait une transition bio, puis ça l'a un
effet vraiment important dans la région pour encourager plus de transition.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. Poniewiera en complément.
M. Poniewiera (Normand) : ...
pourrait peut-être mentionner la pire erreur qu'on pourrait faire, c'est de ne
pas accompagner les producteurs. Dans le fond, ça commence par une bonne
formation parce qu'on reçoit des téléphones, à l'INAB, presque quotidiennement,
de gens qui sont intéressés par le biologique, puis, des fois, ils
disent : Bon, bien, je suis chez nous, je fais du maïs, je veux m'en aller
dans du maïs bio. O.K., mais, là, tu viens d'où, c'est quoi ta formation, c'est
quoi ta connaissance? Est-ce qu'on va leur recommander...
• (11 h 20) •
On va commencer à la barre. On va faire de
la formation, puis après on va t'accompagner, on fait un service-conseil autant
dans la transition pour la certification, dans la transition pour changer les
méthodes de travail. Et tout commence par la formation, et ensuite avec...
M. Poniewiera (Normand) :
...est-ce qu'on va leur recommander... on va commencer à la barre. On va faire
de la formation, puis après on va t'accompagner, on va faire un service-conseil
autant dans la transition pour la certification, dans la transition pour
changer les méthodes de travail, mais tout commence par la formation. Et,
ensuite, avec une équipe, dans le fond, dans le mémoire, on vous mentionnait
qu'on est capable, avec la formation, de donner les outils de base. Ensuite,
avec les équipes de recherche puis le conseiller technique qu'on a, on est
capable de les accompagner. Et, si on rencontre des problématiques inconnues,
bien, là, à ce moment-là, on peut faire les projets de recherche, aller plus
loin et continuer à évoluer parce que, si on veut... excusez-moi l'anglicisme,
mais c'est un «work in progress» au niveau, là, de... sur une entreprise, pour
évoluer vers le biologique.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Bien, ce que
vous me dites, finalement, ce que j'en comprends, ce que plus il y a
d'accompagnement des producteurs qui souhaitent faire une transition, moins il
y a d'essai-erreur de leur part, donc moins il y a de pertes de productivité.
Donc, c'est vraiment de cette façon-là que vous l'envisagez, de venir pallier
à... Quand vous dites, un peu, de l'improvisation ou de l'essai-erreur, dans le
fond, c'est qu'il faut vraiment venir les accompagner parce que ce n'est pas
quelque chose qui s'improvise, et il y a une expertise derrière cette
transition.
M. Poniewiera (Normand) :
Exact.
Mme Montpetit : J'aurais juste
une dernière question parce que le temps file, mais on a entendu beaucoup, dans
nos échanges, que... Bon, vous avez dit : la production bio, elle est
rentable. Est-ce qu'à partir du moment où elle est rentable, parce que,
justement, et uniquement parce que le prix est plus élevé, des produits qui
sont vendus, est-ce que, si, justement, il y avait un élargissement du
nombre... Plus il va y avoir de fermes et de producteurs, dans le fond, qui
vont faire du biologique, on peut penser que ça pourrait avoir une incidence à
la basse sur le prix des produits biologiques. Est-ce que, de votre point de
vue, ça va demeurer quand même une production qui est rentable?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Poniewiera.
M. Poniewiera (Normand) : Eh!
Un jeu d'offre et demande, évidemment. Donc, si on continue d'augmenter l'offre
de produire, on pourrait s'attendre à une baisse du prix, et ça va dépendre si
la demande est toujours soutenue. Donc, est-ce que la rentabilité va être
rendez-vous même s'il y a diminution du prix, c'est votre question plus
précise? J'aurais tendance à vous dire que oui parce qu'on développe de plus en
plus des techniques performantes puis des façons de faire qui sont efficaces.
Si on reculait en arrière puis qu'on n'avait pas l'expertise qu'on a
aujourd'hui, on pourrait craindre, mais à ce moment-ci, avec toute l'expertise
qu'on a développée puis que les producteurs biologiques ont développée, je
pense qu'ils sont aptes à faire face à la situation.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Donc, je
comprends, vous n'y voyez pas un risque? Parce que certains ont souligné cet
effet-là sur l'impact que ça pourrait avoir. Je comprends que, si... c'est sûr
que, si on prend toute chose étant égale par ailleurs, la réponse pourrait être
oui, mais partons du principe que l'agriculture et les besoins des
consommateurs sont deux choses qui évoluent, et donc ça devrait évoluer dans un
rythme. Vous, vous n'y voyez pas de risque, dans le fond, là? On peut penser
que l'agriculture puis l'alimentation vont évoluer dans un sens où
l'augmentation du biologique, il faut continuer de la soutenir, dans le fond?
Le Président (M. Lemay) : M.
Poniewiera.
M. Duval (Jean) : Je dirais
que si on avait mis toute l'énergie puis tout l'argent qui a été mis au
développement de l'approche chimique depuis la Deuxième Guerre mondiale, là,
dans le fond, si on avait mis cette énergie-là à développer des méthodes
physiques, biologiques et tout, on serait évidemment rendus beaucoup plus loin
que maintenant, mais on est... on progresse très rapidement, il y a de la
recherche partout dans le monde en agriculture bio. Puis, oui, il y a un
risque, là, mais, je pense, c'est à long terme, là, on est encore dans un
marché en croissance. Ça fait que je pense qu'il n'y a pas de risque, là, à
court terme, là, pour que les prix chutent pour le bio, là. Les consommateurs
en demandent. Il va peut-être avoir des ajustements, là, mais, comme le disait
Normand, nos méthodes se perfectionnent, alors les coûts de production
diminuent.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Ceci complète la période d'échange avec l'opposition officielle.
Je cède maintenant la parole au deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, la parole
est à vous.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. C'est très intéressant, vous entendre. J'avais peut-être des
questions au niveau de la structure de financement de votre centre de
recherche. Est-ce que c'est juste par projet ou vous avez quand même un
financement de base substantiel?
Puis aussi... je vais poser toutes mes
questions parce que j'ai vraiment peu de temps... c'est quoi la relation entre
votre centre de recherche et le MAPAQ, le ministère? Comment se passe
l'information, la diffusion de l'information? En ce sens où, bon, je suis une
députée d'une région agricole qui est très éloignée des lieux où il y a
beaucoup de centres de recherche. Donc, comment on fait pour que tous les
agriculteurs sur le territoire du Québec aient accès à ces nouvelles
connaissances là...
Mme Lessard-Therrien :
...comment se passe l'information, la diffusion de l'information? En ce sens
où, bon, je suis une députée d'une région agricole qui est très éloignée des
lieux où il y a beaucoup de centres de recherche. Donc, comment on fait pour
que tous les agriculteurs sur le territoire du Québec aient accès à ces
nouvelles connaissances là puis... Bon, ça fait que le lien avec le MAPAQ... Je
vous laisse me répondre.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, allez-y, M. Duval, en premier.
M. Duval (Jean) : Oui.
Pour ce qui est du financement de base, comme centre collégial de transfert de technologie,
on a un financement de base, là, annuel. On a aussi un montant qui vient du
CRSNG au niveau fédéral aussi pour... comme montant de base. Et tout le reste, effectivement,
c'est de l'argent de projets. Donc, c'est parfois insécurisant, évidemment, de
faire fonctionner un organisme avec des projets, mais c'est la réalité des
CCTT.
Pour ce qui est de la couverture de notre
aide technique, évidemment, là, c'est un peu limité. On couvre, on peut dire,
cinq régions du Québec. Ce qu'on fait, c'est que, par le passé, on a formé des
cohortes d'agronomes dans d'autres régions, qui sont intéressés à fournir du
service-conseil en agriculture biologique. On aimerait le faire encore parce
que ce n'est pas notre ambition d'être partout, là, donc c'est vraiment de
former des gens pour le faire.
La relation avec le MAPAQ est très bonne.
On arrive quand même à avoir beaucoup de projets financés dans le progamme
Prime-vert, par exemple. Mais il n'y a pas de financement particulier pour le
Centre d'expertise et de transfert en agriculture biologique qui vient du
MAPAQ, comme pour les autres centres d'expertise qui existent au Québec en
agriculture. On n'a pas ce financement-là, qu'on a toujours souhaité, mais,
bon... Et puis... Mais, sinon, oui, c'est ça, ça va bien avec le MAPAQ.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Donc, ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant la
parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Écoutez... Bonjour, messieurs.
Hier, on a eu une bonne discussion avec un
agriculteur qui nous a dit que la production biologique en semis direct était
impossible au Québec sans l'utilisation de glyphosate. Et je lui ai
demandé : Bon, est-ce que vous pouvez nous valider ça avec d'autres
recherches et d'autres chercheurs? Et il n'a pas été capable. Vous en pensez
quoi?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Jean) : Alors,
c'est un sujet qui préoccupe de gens, particulièrement en Europe puis, je
dirais, en Amérique du Nord, de développer des méthodes d'agriculture
biologique avec le moins de travail de sol possible. En ce moment, c'est vrai
que c'est difficile, il n'y a rien de... il n'y a pas de système magique. Il y
a eu des bonnes avancées, mais on n'est pas rendus là. Effectivement, pour
appliquer la méthode, là, qui se fait en conventionnel de semis direct sans
glyphosate, ce n'est pas faisable. Mais on travaille là-dessus. On travaille
là-dessus, puis il y a beaucoup d'intérêt. Il y a eu un gros projet européen,
paneuropéen qui travaille là-dessus. Je pense qu'on avance, mais, bon, c'est
ça.
Le Président (M. Lemay) :
... M. le député, allez-y.
M. Roy
: Vous
allez rassurer le monsieur.
Deuxième question, vous avez... Bon,
budget de transition du conventionnel vers production biologique. Vous avez dit
que le budget était suffisant, ça allait bien. À ma connaissance, et vous
rectifierez, là, mais on parle de 40 000 $ pour une transition. Tu
n'as pas beaucoup d'équipement ou tu n'as pas grand-chose en termes
d'équipement pour faire une transition du conventionnel vers le biologique.
Donc, pouvez-vous me dire pourquoi le...
ce que vous affirmez est... Bon, selon vous, là, pourquoi c'est suffisant? Moi,
je pense que ce n'est pas suffisant. Mais sur quelle hypothèse vous allez?
Le Président (M. Lemay) :
M. Duval.
M. Duval (Jean) : ...je
pense, c'est du cas par cas. C'est difficile de généraliser pour toutes les
entreprises. Mais c'est certain, par exemple, que dans les grandes cultures, à
partir du moment qu'on n'achète pas les engrais et les pesticides qu'on achète
d'habitude, ça libère quand même un bon montant d'argent, qui est proportionnel
à la superficie cultivée. Donc, en plus des aides gouvernementales, je pense
que c'est quand même bien maintenant par rapport à ce que c'était, mettons,
voilà 10, 15 ans, quand les gens faisaient la transition qui prenait beaucoup
plus de champ.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Roy
: Mais il y
a beaucoup de choses à améliorer. Et, par rapport à votre mandat national que
vous demandez, donc, si je comprends bien, vous n'arrivez pas à avoir un mandat
qui reflète l'expertise que vous avez et qui pourrait amener vraiment une
évolution de l'agriculture biologique au Québec. Donc, ce que vous voulez,
c'est être reconnus comme un centre de recherche national pour avoir accès à
des budgets de financement de recherche. C'est ça, j'ai compris?
Le Président (M. Lemay) :
M. Poniewiera, là, en... oui ou non.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Roy
: Pas de
peut-être.
M. Poniewiera (Normand) :
Dans le fond, c'est un peu ce qu'on vous a mentionné dans ma présentation,
c'est qu'on veut se rendre disponible pour l'ensemble des Québécois et des
Québécoises parce qu'on a développé une expertise dans l'agriculture biologique
et on veut, justement, rejaillir dans toutes les régions du Québec.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Dugré, M. Poniewiera,
M. Duval. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission.
• (11 h 30) •
Je suspends quelques instants afin de
permettre à la représentante...
11 h 30 (version non révisée)
M. Poniewiera (Normand) : ...
ça fait qu'on veut se rendre disponible pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises
parce qu'on a développé une expertise dans l'agriculture biologique et on veut,
justement, rejaillir dans toutes les régions du Québec.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Dugré, M. Poniewiera et M. Duval. Je vous
remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends quelques instants afin de
permettre à la représentante du Collectif de recherche écosanté sur les
pesticides, les politiques et les alternatives de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 11 h 33)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les
politiques et les alternatives. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
faire votre exposé, puis nous procéderons avec les échanges avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que la personne qui
vous accompagne, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à
vous.
Mme Vandelac (Louise) : Je vous
remercie. Je m'appelle Louise Vandelac, professeure titulaire à l'Institut des
sciences de l'environnement et au Département de sociologie et directrice du
CREPPA, le Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques
et les alternatives, un des rares groupes qui travaillent essentiellement sur
ces questions-là. Et je ne suis pas ici à titre de représentante parce qu'on a
élaboré ce travail, je dirais, en s'alimentant dans l'ensemble des travaux du
groupe, mais le temps nous a manqué pour pouvoir finaliser les documents qu'on
a amorcés — il y en a au-delà de 100 pages. Et donc vous allez
comprendre pourquoi il va y avoir encore un tout petit délai avant qu'on puisse
vous les remettre. Marie-Hélène.
Mme Bacon (Marie-Hélène) :
Oui. Marie-Hélène Bacon. Donc, je suis sociologue et je suis chercheure et
coordonnatrice du CREPPA, donc je travaille en étroite collaboration avec Mme
Vandelac.
Mme Vandelac (Louise) : Alors,
très rapidement, de un, je tiens à remercier les instigateurs de cette
commission ainsi que l'ensemble de ses membres et je les remercie d'avoir
accepté de modifier le calendrier aussi pour nous entendre puisque je devais
prendre un vol d'avion ce soir même. Et je vous dirais que cette commission
arrive à point nommé, en cette semaine, particulièrement, avec le rapport qui
est sorti dimanche Tous unis, où on voit très bien l'élargissement des...
Mme Vandelac (Louise) : ...les
instigateurs de cette commission, ainsi que l'ensemble de ses membres, et je
les remercie d'avoir accepté de modifier le calendrier aussi pour nous
entendre, puisque je vais prendre un vol d'avion ce soir même. Et je vous
dirais que cette commission arrive à point nommé, hein, cette semaine particulièrement,
avec le rapport qui est sorti dimanche Tous unis , où on voit très bien
l'élargissement des écarts entre ce qui devrait être fait et l'ampleur des changements
climatiques notamment et de la dégradation de la biodiversité. Vous avez les
données sur l'effondrement sans précédent de la biodiversité qui sont sorties il
y a quelques mois. On a bon non nombre d'informations sur la biomasse des
insectes volants qui est disparue aux trois quarts depuis une quarantaine
d'années. On apprenait, cette semaine, que 30 % des oiseaux d'Amérique du
Nord étaient disparus depuis les années 70, c'est une perte avoisinant
3 milliards. Autrement dit, il y a vraiment une situation particulièrement
préoccupante. Je ne vous donne pas tous les chiffres, mais c'est un élément
important et, vendredi, il y aura évidemment la marche pour le climat.
On sait tout ça depuis, pourtant, des
années, hein, on a tous suivi les travaux de pionnier de Rachel Carson sur les
DDT, le Printemps silencieux au début des années 60, les limites à la
croissance dans les années 70, Our Stolen Future de Theo Colborn, qui
nous mettait en garde des menaces des perturbateurs endocriniens sur l'espèce
humaine elle-même, hein, sur l'ensemble de la biodiversité, mais sur l'espèce
humaine également. Et nous savons également maintenant, comme en témoigne un
large consensus scientifique international, je pense, entre autres au GIEC
récemment, mais la commission EAT-Lancet, que l'actuel modèle agrochimique a
une part importante de responsabilité dans l'amplification des crises
croissantes et sans précédent, la biodiversité du climat des événements extrêmes
et aussi de la sécurité alimentaire paradoxalement.
Donc, il y a un problème, pourtant, quand
on fait... je vous parlerais ici davantage d'un volet, mais d'un volet qui nous
préoccupe au Québec, puisque c'est plus que la moitié, les pesticides, c'est
les herbicides à base de glyphosate. Très rapidement, dans le monde, 825 000
tonnes par an, ça a été multiplié par plus de 140 fois, c'est
8,6 milliards de tonnes depuis 1974. Au Canada, ça a été multiplié à peu
près par 157, c'est 56 % des pesticides agricoles, ce qui veut dire
qu'avec les autres usages, c'est autour de 60 %. Au Québec, c'est
47 % des pesticides agricoles, si bien qu'avec les autres usages, c'est
autour de 50 %. Or, paradoxalement, dans la stratégie 2015‑2018 sur
l'agriculture, on ne dit pas un mot du glyphosate, complètement ignoré. Par
ailleurs, encore maintenant, dans un des documents importants de suivi et de
diagnostic SAgE Pesticides, les données n'ont pas été mises à jour depuis des
années et des années, si bien qu'on est complètement en retard et on ne tient
même pas compte des données du CIRC de l'OMS, le Centre international de recherche
sur le cancer, qui souligne qu'il y a des effets potentiellement...
probablement, en fait, cancérigènes et génotoxiques.
Ces problèmes, très souvent, on semble les
imputer aux agriculteurs eux-mêmes. Je pense qu'il faut comprendre que ce sont
des transformations structurelles qui ont été très largement non seulement
autorisées, mais encouragées par les instances publiques et notamment
fédérales. On voit, par exemple, que cette hausse est liée à l'introduction des
OGM, qui est multipliée par 15, l'usage des herbicides à base de glyphosate,
c'est pour une raison très simple, c'est que ces OGM ont pour fonction de ne
pas mourir en présence massive de ces herbicides. On a autorisé dans tous les
milieux et dans toutes les cultures, à toutes les époques de l'année, dans les
céréales, les légumineuses, les pâturages, etc. Or, maintenant, quand on
constate qu'on le fait à toutes les étapes, y compris pour la dessiccation,
c'est fort heureusement une intervention au Parlement européen qui nous permet
de limiter cette pratique puisque les acheteurs européens ne veulent plus
acheter, que les gens on va en Ontario, qu'il y a des modifications là, c'est
le marché qui... Donc, on a tout intérêt à être beaucoup, beaucoup plus
vigilants. Dans le cadre de l'atrazine, écoutez, ça a été interdit en Europe
depuis 2003, le chlorpyrifos, on pourrait parler de chacun d'eux, mais, comme
c'est 10 minutes, je vais faire ça le plus rapidement possible et sans
nécessairement vous donner l'ensemble des éléments qui portent sur l'ensemble
des impacts santé qui, pourtant, étant des domaines sur lesquels on travaille
pas mal.
• (11 h 40) •
J'aimerais attirer votre attention sur une
chose, on parle de glyphosate habituellement; or, toutes les données sur
l'importance du glyphosate et de ses usages, même celles que je vous ai
données, c'est sur ce qu'on appelle le principe actif. Or, le principe...
Mme Vandelac (Louise) : ...sur
lesquels on travaille pas mal. J'aimerais attirer votre attention sur une
chose. On parle de glyphosate habituellement. Or, toutes les données sur
l'importance du glyphosate et de ses usages, même celles que je vous ai
données, c'est sur ce qu'on appelle le principe actif. Or, le principe actif,
c'est environ, 30 %, 35 %, 40 % de la formulation commerciale.
Autrement dit, il n'y a aucun agriculteur qui ne va répandre que du glyphosate
dans ses champs.
S'il n'y a aucun agriculteur qui répand du
glyphosate, le reste de la composition a des impacts sur l'environnement mais
aussi des impacts sur la santé. Bon nombre d'études ont mis en évidence que
c'est jusqu'à 1 000 fois plus toxique, et c'est une étude qui a été faite,
notamment, sur neuf des pesticides les plus utilisés au monde : trois
herbicides, trois fongicides, trois insecticides. Dans huit des neuf cas, c'est
jusqu'à 1 000 fois plus toxique que le principe actif.
Or, ce qui est calculé, ce qui est évalué,
c'est essentiellement le principe actif, ce qui pose un problème majeur, c'est-à-dire
que ça fait en sorte qu'on n'a pas les bonnes lunettes et donc on ne voit pas
l'ensemble des impacts.
C'est vrai aussi pour une partie des
instances réglementaires. Quand on dit que les... et c'est ce qui explique,
entre autres, que, dans le cas du Canada, on ait reconnu pour 15 ans les
herbicides à base de glyphosate sur la base d'études extrêmement limitées, c'est-à-dire
qu'on a tenu compte de moins de 1 % de la littérature récente des
dernières années, alors... et on a fait un mémoire qu'on mettra en annexe du
rapport qu'on va vous envoyer. C'est un avis d'opposition qu'on avait déposé au
gouvernement fédéral où on avait fait l'ensemble de ces calculs. Écoutez, on
était nous-mêmes étonnés qu'on ose dire que c'était «science based», alors
qu'on n'a pas examiné cette littérature.
Et actuellement on a un dialogue paradoxal
entre, d'une part, des instances réglementaires qui disent : Oui, mais
toutes les autres instances réglementaires dans le monde disent qu'il n'y a pas
de problème, et les évaluations qui ont été faites par le Centre international
de recherche sur le cancer, bien, ce qu'ils font, c'est... bien, écoutez, ils
sont un peu tout seuls dans leur coin et... alors que les études qui ont été
faites depuis, pour tenter de comprendre pourquoi il y avait de tels écarts
d'évaluation... et ce sont des éléments importants.
Quand on vous parle de la recherche, ce
n'est pas simplement de faire plus de recherche, c'est de voir quels sont les
facteurs responsables de la situation actuelle. Or, dans ce cas-là, on a des
évaluations qui sont des évaluations tronquées. Non seulement on n'évalue pas
la littérature récente... C'est pour ça qu'on a des réévaluations périodiques.
Alors, il faudrait que ce soit fait systématiquement. Ce n'est pas le cas.
D'autre part, ça s'appuie essentiellement
sur la littérature de l'industrie, et la littérature de l'industrie, c'est
de... ce sont des documents non publiés, des gens qui vont profiter de la
décision. Par conséquent, il y a là un problème assez sérieux.
Quand on regarde, par ailleurs, ces
herbicides à base de glyphosate... et, en fait, c'est parce qu'elles servent
d'exemple pour tout le reste. C'est à la fois un chélateur, d'où des problèmes
d'épidémie d'insuffisance rénale dans un certain nombre de pays où ça a été
retiré. Ça a été breveté comme... jusqu'en 1999, 2000, et c'est entre autres
pour ça que l'introduction des OGM a permis de relancer cet herbicide. Il y a
eu un brevet d'antibiotique en 1992. Ça a des effets sur le microbiote
intestinal, et ça, c'est très important. Il y a...
Le Président (M. Lemay) : Mme
Vandelac, est-ce que vous pouvez... est-ce que vous en avez encore pour un
petit bout? Ça serait le moment de la conclusion.
Mme Vandelac (Louise) : Oui.
Je vais tenter de réduire, réduire, mais... Bon. Je pense qu'il y a
actuellement un déplacement qui est en train de s'opérer, et on le voit à
l'échelle du monde, vers le recours aux tribunaux. C'est 18 400 recours
aux tribunaux aux États-Unis, actuellement, de gens qui souffrent d'un cancer
non hodgkinien et qui recourent aux tribunaux pour faire des poursuites contre
Bayer Monsanto.
Ces recours aux tribunaux, on les voit en
Europe, on les voit en France. Ce sont des recours maintenant contre les
instances réglementaires elles-mêmes ou pour faire modifier des décisions. Ce
sont des recours contre les pouvoirs publics. Bref, il y a une crise véritable,
actuellement, de confiance dans les instances d'évaluation et dans le processus
d'évaluation.
Il est vrai que dans certains cas... on a
vu, par exemple, en France et en Europe, les dernières évaluations qui ont été
faites en 2017‑2018, qui étaient du copier-coller. Ça a été publié dans les
journaux...
Mme Vandelac (Louise) :
...véritable actuellement de confiance dans les instances d'évaluation et dans
le processus d'évaluation. Et il est vrai que, dans certains cas, on a vu par
exemple en France et en Europe les dernières évaluations qui ont été faites en
2017-2018 qui étaient du copier-coller, ça a été publié dans les journaux, des
documents de l'industrie, ce qui était pour le moins gênant. Donc, on a une situation
où on assiste à un déplacement. Dans ce contexte-là, je... j'en arriverai tout
de suite à quelques-unes des conclusions.
Il nous semble important de revoir très
sérieusement les dispositifs d'évaluation, de revoir très sérieusement les
normes. Vous savez, au Québec, par exemple, nos normes sont 2100 fois
supérieures pour l'eau potable à ce qu'elles sont en Europe où on a pu observer
des effets très significatifs sur les foies et les reins d'animaux de
laboratoire qui ont été l'objet d'évaluations pendant un an.
On constate également qu'il y a une
nécessité pour le Québec de prendre pleinement ses responsabilités pour occuper
pleinement son champ de compétences au croisement de ses missions de santé,
d'environnement, d'agriculture et d'économie. De toute façon, nous en payons
indirectement les coûts.
Il est extrêmement important aussi pour
des raisons économiques, sanitaires et environnementales d'avoir les plus hauts
standards d'exigence en matière d'évaluation des pesticides, en reconnaissant
formellement dans la loi et en s'assurant de toutes les étapes nécessaires de
sa mise en oeuvre, du principe de précaution. Il faut mettre en oeuvre des
moyens de recherche et de suivi nécessaire pour s'imposer comme leader d'une
recherche interdisciplinaire, globale, concertée, autrement dit, c'est
extrêmement important de faire du travail terrain comme on l'a vu avec les gens
du CETAB un peu plus tôt. Mais il est extrêmement important de faire un travail
d'analyse aussi de l'ensemble des problématiques...
Le Président (M. Lemay) :
Alors, merci beaucoup Mme Vandelac, je vous interromps sur ce. Avant de
poursuivre, je veux juste demander aux membres de la commission si c'est
consentement pour poursuivre trois minutes au-delà de l'heure prévue. Oui?
Parfait.
Donc, et je vous invite aussi, vous avez
mentionné tout à l'heure que vous auriez possiblement de la documentation
supplémentaire à soumettre, donc je vais vous inviter à le soumettre au
secrétaire de la commission qui le rendra disponible à l'ensemble des membres.
Donc, poursuivons maintenant avec le député de Bourget.
M. Campeau : Merci pour votre
présentation, on est content que vous ayez un acronyme parce que le nom de
votre collectif est assez long, alors c'est très utile.
Savez-vous... juste un commentaire, là,
mais ça m'apparaissait tantôt, j'ai eu l'occasion de mettre ce qu'on appelle le
SIMDUT, le Système d'identification des matières dangereuses utilisées au
travail dans des usines. Dans le fond, les produits dont on parle, c'est ça ces
produits-là. J'imagine que je suis sur un tracteur dans un champ en train
d'étendre ça, on fait quoi? Tu sais, j'imagine comment un agriculteur peut se
sentir à ce moment-là et je ne m'étais jamais rendu compte de ça auparavant.
Mme Bacon, vous êtes sociologue.
Pouvez-vous nous dire qu'est-ce que le côté sociologique apporte de plus au CREPPA
s'il vous plaît?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Bacon.
Mme Bacon (Marie-Hélène) : On
s'occupe, donc, on s'occupe de voir au niveau social, là, notre société, en
termes de politiques publiques, en termes de bien commun de la population dans
le contexte avec les pesticides. Donc quelles sont les répercussions de notre
système agroalimentaire au niveau des agriculteurs, au niveau de la pollution?
En sociologie, on fait des liens entre toutes les dimensions, que ce soit les
dimensions politiques, économiques, culturelles et même santé et environnement.
Donc ça nous permet de faire des liens
finalement, d'avoir une optique qui est plus large que d'être dans un domaine
précis et de pouvoir dégager les enjeux, des grands enjeux qui sont liés au
système agroalimentaire et aux pesticides dans ce cas-ci.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : La plupart des
groupes qui sont venus nous voir... peut-être même la totalité, nous ont parlé
de réduire et non pas d'éliminer. Est-ce que vous embarquez dans le même
constat ou vous allez plus loin? Quelle est votre réaction par rapport à ça? Il
me semble que ça n'a pas été clairement dit.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Vandelac.
Mme Vandelac (Louise) : Oui.
Je pense qu'il serait particulièrement pertinent qu'on respecte les plus hauts
standards internationaux et ce que ça veut dire, notamment, c'est que du côté
de l'Europe, on commence à entrevoir une stratégie efficace de réduction et de
limitation de toutes les substances dangereuses, c'est-à-dire cancérogènes,
cancérogènes probables, reprotoxiques, mutagènes, neurotoxiques et autres
perturbateurs endocriniens.
• (11 h 50) •
Donc, je pense que c'est très sérieux,
parce que c'est aussi une question de marché. Et c'est important d'avoir les
meilleurs standards. Vous savez, il y a quelques années, dans tout le travail
qui devait être fait sur le Saint-Laurent...
Mme Vandelac (Louise) :
...probables, reprotoxiques, mutagènes, neurotoxiques et autres perturbateurs
endocriniens. Donc, je pense que c'est très sérieux parce que c'est aussi une question
de marché, et c'est important d'avoir les meilleurs standards.
Vous savez, il y a quelques années, dans
tout le travail qui devait être fait sur le Saint-Laurent, on a fait le travail
d'assainissement nécessaire, je dirais, du côté de certaines grandes entreprises,
par exemple, dans le secteur de pâtes et papiers, ça a permis de faire en sorte
qu'ils soient beaucoup plus compétitifs et aussi que la charge toxique soit beaucoup
moins grande. Dans le secteur de l'agriculture, malheureusement, ce travail n'a
pas été fait et on en subit les contrecoups maintenant et donc il faudrait
mettre les bouchées doubles de ce côté-là.
Ceci dit, je suis contente que vous ayez
ouvert par une question sur la santé, parce que les premiers concernés, ce sont
les gens des milieux ruraux. Alors, évidemment, les agriculteurs, même leurs
familles proches et les gens de la région... or en France on reconnaît, par
exemple, la maladie de Parkinson, on reconnaît les hémopathies malignes, hein, c'est-à-dire,
notamment, les cancers non hodgkiniens, comme maladies professionnelles, et je
pense que le travail doit être fait au Québec rapidement, en relation avec ce
qui se fait en France, je pense que c'est nécessaire pour les agriculteurs. Et
vous savez, une des choses qui, pour nous, est très claire, très évidente, il
faut que les agriculteurs soient soutenus et soutenus économiquement beaucoup
plus.
On a pu constater, à partir des données de
l'OCDE, que l'écart se creuse, hein, c'est 0,4 % pour les agriculteurs du
Canada, les producteurs agricoles du Canada, comparativement à 0,7 % pour
les autres agriculteurs de l'OCDE, et les aides publiques ont été réduites d'au
moins la moitié. Ce sont des données de l'OCDE de l'automne dernier. Je pense
que souvent les agriculteurs sont très pressurisés et qu'il faut absolument
qu'il y ait une stratégie mise en place de transition, mais qui les supporte.
Alors, les supporter, c'est à la fois dans le conseil indépendant, dans
l'éducation, on en a parlé un peu plus tôt, dans le travail de formation, de
suivi, etc., mais ça veut dire aussi d'avoir des politiques cohérentes.
Par exemple, il est significatif qu'on
investisse...
Le Président (M. Lemay) :
Permettez-moi simplement de vous interrompre un instant. Je vais céder la
parole à un autre collègue, qui a une autre question. Donc, le député de
Maskinongé, allez-y avec une nouvelle question.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. En fait, je remercie mon collègue d'avoir abordé le sujet de la
sociologie parce que je voyais là, un peu dans ce sens-là, moi aussi...
J'essaie toujours de me placer à la place de ma gang, sur mon territoire, de
mes agriculteurs, et j'en ai combien, sur mon territoire, M. le Président, des
agriculteurs, combien de fermes?
Le Président (M. Lemay) : Au
moins deux, trois qui écoutent.
M. Allaire : Au moins deux,
trois qui écoutent, mais 450 fermes, quand même ce n'est pas rien, donc
c'est significatif, puis, tu sais, on peut étendre, naturellement, à la
grandeur du Québec. On le voit, là, les études le démontrent clairement que de
plus en plus, là, il y a un lien avec l'exposition quotidienne de nos
agriculteurs, là, aux pesticides, entre autres, vous l'avez nommé tantôt, là,
au niveau du Parkinson.
À partir de ce moment-là, est-ce qu'il y a
un déni volontaire de nos agriculteurs? Puis je m'explique : en fait,
c'est comme si... tout le monde le sait, de plus en plus même, je dirais, il y
a une certaine conscience qui est là, qui est de plus en plus évidente... je me
répète un peu, mais je veux insister là-dessus, mais est-ce que ça se peut que
justement, volontairement, on choisit de privilégier la rentabilité pour justement
avoir une certaine... un portefeuille qui va être plus garni à la fin de
l'année, puis de faire un déni volontaire justement, qui dit : Bien,
regarde, je privilégie la rentabilité au détriment de notre santé?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac.
Mme Vandelac (Louise) :
Écoutez, on pourrait le demander, en tant que bonne sociologue, aux gens de
chez vous, et on pourrait faire le travail d'enquête. Ceci dit, je pense qu'il
est évident que quand on investit 180 millions pour l'exportation, mais
7 millions pour le biologique, alors on est loin du compte, on est loin
d'une stratégie de transition au Québec, et ça veut dire qu'il faut que les
signaux soient très clairs pour les agriculteurs et il faut qu'ils soient
véritablement soutenus. Je pense que très souvent ils se retrouvent, bon, de
un, conseillés par des gens qui sont à la fois agronomes et, dans un certain
nombre de cas, vendeurs de pesticides, une situation, je pense, qui devrait
arriver à sa fin, c'est à espérer. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'un
ensemble de services, d'un ensemble de supports et qu'ils se sentent vraiment
pris en compte à tous les niveaux. Et je pense que la reconnaissance des
problèmes de santé professionnels, c'est une partie de la réponse, ce n'est pas
du tout...
Mme Vandelac (Louise) : ...une
situation, je pense, qui devrait arriver à sa fin, c'est à espérer. Il faut
qu'ils puissent bénéficier d'un ensemble de services, d'un ensemble de supports
et qu'ils se sentent vraiment pris en compte à tous les niveaux. Et je pense
que la reconnaissance des problèmes de santé professionnels, c'est une partie
de la réponse, ce n'est pas du tout toute la réponse, et il faut développer
d'autres stratégies d'accompagnement. Ça, ça m'apparaît assez évident. Mais, je
dirais que le déni et l'aveuglement volontaire, il m'apparaît plutôt du côté
des instances publiques qui ont toutes les données pour pouvoir intervenir. Et
je comprends mal, par exemple, que le gouvernement fédéral ait reconduit pour
15 ans les herbicides à base de glyphosate, alors que l'Europe l'a fait
pour cinq ans et encore dans la controverse la plus totale, et que bon nombre
de pays abandonnent. Je ne dirais pas qu'il faut abandonner comme ça, les
choses ne sont pas aussi simples, mais il faut avoir un plan très clair, très
organisé, très précis pour pouvoir y arriver dans un horizon réaliste de cinq
ans. Je pense que ce serait bien.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Vandelac. M. le député de Maskinongé.
M. Allaire : Oui. En fait...
Puis ça m'amène une autre question, qui est encore, peut-être, un phénomène de
société, mais je fais juste regarder mon voisin, par exemple, son gazon, il est
vert. Il m'énerve, même, tellement que son gazon il est vert. Là, n'allez pas
voir sur Google où est-ce que reste, s'il vous plaît. En fait, est-ce qu'on
pourrait, à partir de ce moment-là, faire face aussi à un peu plus de
contrebande? Parce que je sais très bien, en fait, qu'il va chercher ses
produits aux États-Unis, qu'il les amène ici au Québec de façon illégale.
Est-ce qu'on pourrait faire face à ce phénomène de société là, ou nos agriculteurs,
par souci, encore une fois, de rentabilité, vont aller aux États-Unis puis vont
ramener des produits qui sont permis là-bas, mais qui ne seront pas permis ici?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac.
Mme Vandelac (Louise) : Ils
peuvent le faire depuis un certain temps déjà. Il y en a qui le font
d'ailleurs. Je ne pense pas que ce soit le problème le plus préoccupant. Mais
ce que vous soulevez indique qu'il faut un véritable travail de prévention et
de précaution. Il est tout à fait anormal que pour, je dirais, une conception
des choses selon lesquelles, par exemple, il faut que le gazon soit plus vert
que vert et plus vert que son voisin surtout, est-ce que... dans le contexte
actuel, si on voit l'ensemble des effets pervers, on va peut-être se
questionner, hein? On commence à faire ces remises en question par rapport à
tous les éléments du quotidien, hein? On voit, par exemple, qu'avec les
plastiques, c'est tout... puis bon nombre de produits chimiques, hein, les
PPDE, par exemple, qu'on a dans nos ordinateurs, dans les fauteuils ici, bien,
ce sont des perturbateurs endocriniens et on a une crise, par exemple, de la
fertilité masculine importante dans le monde, hein, de 1 % à 3 % de
moins par année, là où on a les données statistiques les plus solides et les
plus fiables. Et ces données-là sont là depuis une vingtaine d'années.
Donc, il y a des effets, hein? On ne peut
pas croire que nous, on est dans une bulle de verre et qu'on ne sera pas
touché. Et si on commence à le penser pour les pesticides, si on commence à le
penser pour le plastique, si on commence à le penser... Je pense qu'il y a une
évolution qui est en train de se faire, et il y a des jeunes dans la rue qui
vont accélérer cette transition. On les voit maintenant à l'ONU, on les voit
partout, et il m'apparaît important qu'elle se fasse le plus harmonieusement
possible, c'est-à-dire en intervenant sur les facteurs à l'origine des choses
et non pas en culpabilisant les agriculteurs.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Vandelac. Le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Écoutez, merci. Merci, M. le Président. C'est très intéressant. On soulève
plusieurs questions sociales, philosophiques. On parle beaucoup de
l'agriculture, de l'agriculture mondiale, on sait aussi que le monde agricole
sont ceux qui cultivent la terre, la bonne terre mère qu'on dit, hein? Donc,
c'est important d'en prendre soin. Et on sait aussi que la possibilité de terre
agricole potentielle est très faible. On a qu'à regarder au Québec, même pas
2 %, alors... pour nourrir quand même une grande population, alors d'autant
plus que l'enjeu est important. Et vous savez que... Je vous entendais parler
beaucoup que... dans votre mémoire, que le Québec a de la difficulté ou a du
mal à résister au fédéral sur la question des pesticides. Puis je reviens
souvent avec ça, puis c'est ressorti beaucoup, ça, à plusieurs endroits, et on
a vu la Fondation David-Suzuki, Équiterre qui l'ont soulevé. Est-ce que vous
pensez que l'ARLA ou Santé Canada ont des failles dans leur système
d'homologation? Et vous avez dit que 15 ans, c'est très long.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac, en vous rappelant que vous avez environ
30 secondes pour cette réponse.
• (12 heures) •
Mme Vandelac (Louise) : Alors,
je mettrai au moins le...
12 h (version non révisée)
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...Équiterre qui l'ont soulevé. Est-ce que vous pensez que l'ARLA ou Santé Canada
ont des failles dans leur système d'homologation? Et vous avez dit que 15 ans,
c'est très long.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac, en vous rappelant que vous avez environ 30 secondes pour
cette réponse.
Mme Vandelac (Louise) : Alors,
je mettrai au moins le document que nous avions déposé pour montrer qu'ils ne
respectent pas ce qu'ils prétendent faire, c'est-à-dire «science-based», donc
la littérature indépendante. Il y a des failles énormes, et je pense que ça
risque d'être pire encore, parce qu'ils sont en train de modifier leur
perspective actuellement, et je pense qu'il faudra être très attentif. Je
souhaite vivement que le Québec assume ses responsabilités pleinement dans ce
secteur-là, qu'on suive très attentivement ce que fait le gouvernement fédéral,
qu'on puisse intervenir sur un certain nombre de dossiers, ne serait-ce que par
exemple sur l'étiquetage. Vous savez, un des herbicides à base de glyphosate
qui est...
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme Vandelac. Je vais vous interrompre, désolé, mais je cède la
parole à la députée de Maurice-Richard, qui va poursuivre
avec ses échanges.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. On est toujours... Il manque... On manque toujours de temps dans ces
échanges passionnants. Bonjour, mesdames, merci d'être avec nous. Je vais
enchaîner directement sur certains éléments que vous avez mentionnés. Il y a
des réglementations qui ont été mises en place dans la dernière année sur tout
ce qui est... dans les deux dernières années sur tout ce qui est pesticides à haut
risque, donc les néonics, entre autres, l'atrazine aussi. Moi, je voudrais vous
entendre plus spécifiquement sur le glyphosate. Justement, vous l'avez
mentionné, vous avez parlé de l'ARLA, vous avez parlé de l'Europe, qui l'a
renouvelé aussi pour cinq ans. Qu'est-ce que la science... L'Europe, cinq ans. Qu'est-ce
que la science nous dit exactement là-dessus? Et vous, comme chercheur dans ce
domaine-là, est-ce que vous... à la lumière de la littérature scientifique, est-ce
que vous jugez que le glyphosate devrait être encadré et réglementé, comme on
l'a fait avec les néonics?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac.
Mme Vandelac (Louise) : Oui,
mais je dirais que c'est non seulement le glyphosate, mais les herbicides à
base de glyphosate, hein? Il faut vraiment faire la distinction, parce qu'il
faut analyser l'ensemble des coformulants. Il faut savoir que le glyphosate
est... c'est-à-dire les herbicides à base de glyphosate ont à la fois des
effets de chélateur, à la fois des effets de perturbateur endocrinien, ce qui
est un élément très, très important par rapport à l'explosion de maladies
chroniques dans nos sociétés. C'est à la fois un produit qui contient un
certain nombre de métaux lourds. Par exemple, le WeatherMAX — je
poursuis sur ce que je venais d'amorcer — le Wettermax, qui est très
largement utilisé, bon, on y retrouve des quantités très, très importantes
d'arsenic — je pense qu'il n'est pas tout à fait normal qu'on retrouve
de l'arsenic dans les pesticides — et il y a bon nombre d'autres
métaux lourds. On a les illustrations, on a les articles scientifiques qui
portent là-dessus. Je pense qu'au plan de la santé, l'ensemble des études
récentes au plan scientifique mettent en évidence qu'il y a des risques de
cancer, je dirais, et ce n'est pas nous qui le disons, c'est l'INSERM depuis
2013, hein? Donc, il y a un certain nombre d'hémopathies malignes, dont le
cancer non hodgkinien. Je veux dire, qu'il y ait 18 400 personnes aux
États-Unis, qu'il y en ait à peu près 150 au Canada, c'est un peu anormal que
les gens se retournent d'abord et avant tout devant les... face aux tribunaux,
pardon, plutôt que d'être protégés par les instances censées protéger la santé.
Il y a des effets, je dirais, associés à
ces types de pesticides. Le problème auquel on est confrontés, c'est le
suivant : c'est qu'il faut pouvoir disposer d'analyses solides, sérieuses,
et ces analyses qui sont prises en compte par les instances réglementaires, ce
sont souvent des analyses dites OCDE, c'est-à-dire qui coûtent au moins
3 millions de dollars, donc ce sont les firmes qui se les paient. Et il y
a peu d'études indépendantes qui peuvent satisfaire à ces critères-là, alors
qu'en fait, quand on regarde les critères, il faut que ce soient des études,
par exemple, qui soient faites sur la vie entière des animaux de laboratoire,
sinon on ne voit rien, on ne voit pas les effets à long terme comme certains
effets cancérigènes.
Donc, je vous dirais, pour répondre
rapidement à votre question, oui, il y a un certain nombre d'évidences. Est-ce
qu'il faut poursuivre la recherche? Oui, sauf que le principe de précaution
nous dit que, quand il y a des substances déclarées par des instances
indépendantes comme le Centre international de recherche sur le cancer, qui a
fait l'objet littéralement de campagnes de... je dirais, de presse assez
agressives de la part de l'industrie... C'est un euphémisme de dire ça comme
ça, hein? Ça a été des campagnes de dénigrement, ils ont investi
16 millions là-dedans. Et, encore cette semaine on voyait qu'il y avait un
autre 16 millions qui avait été investi dans des campagnes de
communication...
Mme Vandelac (Louise) : ...je
dirais de presse assez agressive de la part de l'industrie. C'est un euphémisme
de dire ça comme ça, hein? Ça a été des campagnes de dénigrement, ils ont
investi 16 millions là-dedans. Et, encore cette semaine, on voyait qu'il y
avait un autre 16 millions qui avait été investi dans des campagnes de
communication en Europe.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Vandelac, alors nous avons une nouvelle question. Donc, Mme la députée, la
parole est à vous.
Mme Montpetit : Moi, je sais
que ce n'est pas un exercice facile. Je vais vous demander de faire des
réponses courtes parce que j'ai encore plusieurs questions. Est-ce que, justement,
à la lumière de ce que vous me dites, est-ce que le Québec gagnerait... c'était
souligné par un groupe qui était présent, entre autres... gagnerait à faire une
recherche spécifique sur les impacts des pesticides, au Québec, chez les
agriculteurs nommament, chez la population plus largement? Mais est-ce qu'il y
a... est-ce que ça devrait être fait?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Vandelac?
Mme Vandelac (Louise) : Oui.
Mais je pense aussi que le Québec dispose de tous les moyens pour devenir un
centre d'excellence sur ces questions-là et devrait profiter de l'occasion pour
avoir une approche globale concertée interdisciplinaire, intersectorielle sur
un sujet aussi important. C'est fondamental. Et de le faire avec une capacité
de prospective également. Autrement dit, oui, voir les effets concrets, mais
voir aussi quels sont les facteurs à l'origine de tout cela et où ça peut nous
mener et quels sont les moyens pour pouvoir amorcer une transition.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Est-ce que, au
niveau de la recherche... je vous pose la question à vous, mais plus largement
les chercheurs du Québec... est-ce que vous avez suffisamment accès, justement,
à l'ensemble de données, ou vous souhaiteriez avoir accès à davantage de
données, c'est-à-dire le type de pesticide utilisé, la quantité, à quel
endroit? Est-ce qu'il y a... Il y a certainement un intérêt, je présume, pour pouvoir
poursuivre des recherches, d'avoir une plus grande transparence au niveau de
l'utilisation des pesticides?
Le Président (M. Lemay) :
Est-ce que Mme Vandelac ou Mme Bacon, je ne sais pas...
Mme Montpetit : Je vous vois
hocher beaucoup de la tête toutes les deux.
Mme Bacon (Marie-Hélène) :
Oui, tout à fait. Bien, écoutez, c'est absolument fondamental. Je pense que si
on veut aller de l'avant, tant en termes de santé, de protection de
l'environnement, protection de la population, fondamentalement, il nous faut
avoir un accès, une banque de données publique facilement accessible avec...
comme celle qu'on retrouve en Californie, par exemple, où on a absolument tous
les pesticides avec les... les pesticides, quand, comment, où, à quel moment
ils ont... quels usages, et qu'il est possible de consulter publiquement. Donc,
pour la recherche, c'est précieux et c'est fondamental si on veut avoir des
études épidémiologiques, notamment.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Est-ce qu'il y
a d'autres sociétés qui l'ont fait à part la Californie?
Mme Vandelac (Louise) : Oui,
oui, oui.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Vandelac.
Mme Vandelac (Louise) : Bien,
oui. En France, on a des données puis on a des cartes géographiques, et tout ça
est compilé maintenant, y compris par effet des substances. Et on vient de voir
une autre carte qui est sortie la semaine dernière de la part de l'Anses dont
il y a vraiment un travail sérieux qui se fait.
Ici, écoutez, je pense que je vous ferais
pleurer si je vous disais comment les données sont compilées. On change d'année
de référence deux, trois fois sur 20 ans, on a des données de zéro à
10 000, de 10 000 à 100 000, de 100 000 à un million, et à un
million et plus. Essayez d'y comprendre quelque chose, hein? On fait... On
additionne tout ça, et donc ça peut nous donner du simple au double en termes
de quantité globale. Et, encore là, on ne calcule pas les ventes totales, on ne
calcule que le principe actif. Donc, oui, pour l'instant, il y a un travail
colossal à faire de ce côté-là.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Je comprends
que, si on veut répondre au premier item de notre mandat qu'on s'est donné,
c'est-à-dire d'évaluer l'impact des pesticides sur la santé, vous nous
recommandez fortement non seulement une plus grande transparence au niveau des
données. Pas juste une transparence, une transparence complète des données pour
pouvoir faire des études épidémiologiques et que ces études soient également
soutenues, c'est ce que je comprends.
Mme Vandelac (Louise) : Oui.
Mme Montpetit : M. le
Président, il ne doit pas me rester beaucoup de temps, hein?
Le Président (M. Lemay) : 3
minutes.
Mme Montpetit : 3 minutes,
c'est parfait. Alors, j'aurais une question. Mme Vandelac, je sais que vous
avez fait beaucoup de recherche entre autres sur toute la santé reproductive
puis sur les perturbateurs endocriniens aussi. Je sais que c'est très, très
court, comme temps, puis je vous laisserais le reste du temps qu'il nous reste
pour vraiment nous tracer un portrait au niveau de la santé, qu'est-ce que ça a
comme impact, qu'est-ce que la littérature nous dit, exactement, sur l'impact
des pesticides sur la santé, précisément sur ces deux aspects-là?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Vandelac.
• (12 h 10) •
Mme Vandelac (Louise) : Oui.
Alors, du côté des herbicides à base de glyphosate, si on reprend cet
aspect-là. On a des effets de perturbation endocrinienne quand on analyse
l'entièreté du pesticide. C'est des études qui ont été faites notamment sur des
cellules humaines de petits garçons décédés et qui permettent de voir que ces
impacts sont souvent plus significatifs pour les produits qu'on pense inoffensifs,
hein? Par exemple, je me souviens, j'étais au laboratoire, dans une équipe de
recherche, à ce moment-là, c'était le petit jardin qui était...
Mme Vandelac (Louise) :
...décédés et qui permettent de voir que ces impacts sont souvent plus
significatifs pour les produits qu'on pense inoffensifs, hein? Par exemple, je
me souviens, j'étais au laboratoire dans une équipe de recherche à ce
moment-là, c'était le petit jardin qui était trois fois plus nocif que grandes
cultures. C'est intéressant de voir que, dans les procès aux États-Unis, c'est,
d'une part, quelqu'un qui utilisait quotidiennement des herbicides à base de
glyphosate dans le cadre de son travail pour arroser les cours d'école, alors
on se demande ce qui se passe pour les enfants, et, d'autre part, c'étaient des
jardiniers amateurs qui, au bout de 30, 40 ans, on des problèmes. Donc, il
faut voir la question globalement.
Est-ce que ça a des effets sur les reins,
sur le foie? Oui, au niveau animal. On voit que ces effets-là sont des effets
qui peuvent être troublants dans la mesure où nos normes sont jusqu'à
2 100 fois supérieures. C'est important aussi de respecter ce que le CIRC,
Centre international de recherche sur le cancer, demande de plus en plus, c'est
de faire en sorte que ce soient des études qui soient faites sur le terrain et
qui tiennent compte des conditions réelles. On a vu, par exemple, une étude
récente mettre en évidence que ceux qui étaient exposés directement avaient 41 %
plus de chances d'avoir un diagnostic ou, en tout cas, des effets cancérigènes,
ce qui serait plus juste.
Donc, on voit que... Et je pourrais
aligner toute une série d'études qui mettent en évidence que, pour bon nombre
d'effets... Je pense au microbiote, par exemple. On a été très étonnés.
Écoutez, on a répertorié près de 200 études sur le microbiote intestinal.
Et ça, ça nous fait dire que, bien, il faudrait peut-être regarder beaucoup
plus attentivement qu'on l'a fait jusqu'à présent la question des résidus. Les
résidus, il y a... Le gouvernement fédéral a été amené...
Le Président (M. Lemay) :
...vous interrompre...
Mme Vandelac (Louise) :
Je m'excuse.
Le Président (M. Lemay) :
...puisque le temps est écoulé. Je cède maintenant la parole à la députée de
Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Merci, mesdames, d'être là.
Vous venez de dire, dans un échange
précédent, que le Québec a tous les moyens pour une approche globale,
intersectorielle, multidisciplinaire. Moi, j'aimerais ça vous entendre sur ces
moyens-là.
Puis j'aimerais ça aussi vous entendre sur
le dialogue que devraient avoir les différents ministères qui sont concernés
par la problématique, la Santé, l'Économie, l'Agriculture, l'Environnement.
Et où est votre place, à vous, là-dedans?
Est-ce que... Là, je suis contente, on vous entend en commission, mais est-ce
que c'est monnaie courante que vous interagissiez avec les autres instances
gouvernementales sur ces sujets-là?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac.
Mme Vandelac (Louise) :
Plusieurs questions.
D'une part, est-ce qu'il est fréquent
qu'on interagisse? Je vous dirais que j'ai été assez étonnée il y a trois ans
de constater que, dans la stratégie québécoise, on ne parlait pas du tout du
glyphosate et qu'aucun groupe n'en parlait non plus. On était les seuls à
souligner que c'était plus de la moitié des pesticides, et qu'il fallait
vraiment s'en occuper, et qu'il y avait un ensemble d'impacts.
Le problème, je dirais, c'est aussi notre
frilosité collective, parfois, hein, y compris au niveau des instances. Et il
serait absolument essentiel qu'il y ait, d'une part, création de centres de
recherche et d'équipes intersectorielles larges qui permettent d'inclure à la
fois des universitaires, à la fois des chercheurs étrangers, etc.
Mais je dirais qu'une des choses qui
pourraient être faites actuellement, c'est d'avoir un BAPE générique sur les
pesticides. Je pense que ce serait très bienvenu. Ça permettrait de faire un
véritable travail d'enquête, parce qu'il y a un mandat d'enquête du côté du
BAPE, il y a des moyens. Je pense à la commission sur l'uranium, qui a eu un
budget de 2 millions, qui a eu un an de travail. Donc, il y a une
possibilité de faire un travail beaucoup plus conséquent, beaucoup plus cohérent
et de voir l'ensemble de la problématique. Ce serait sans doute une très bonne
chose.
Chose certaine, c'est que nous avons la
possibilité, parce que nous sommes, je dirais, davantage sensibles, du côté de
ce qui se passe en Europe. Nous sommes sensibles à la réalité nord-américaine.
Nous avons une population qui actuellement est en transition, littéralement. Et
je pense que l'acceptabilité sociale pour les pesticides, elle est de plus en
plus réduite, avec un certain malaise parce que les gens veulent faire attention
à leur agriculteurs, en même temps. Donc, il y a... On ne veut pas de
pesticides, mais on veut faire en sorte que la transition se fasse...
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme Vandelac. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure
pour sa période d'échange.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Bonjour, mesdames. Je vais être rapide. Trois questions.
Première question. Tout à l'heure, vous
avez dit que l'ARLA...
Mme Vandelac (Louise) :
...faire attention à leurs agriculteurs en même temps. Donc, il y a... on ne
veut pas de pesticides, mais on veut faire en sorte que la transition se
fasse...
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme Vandelac. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure
pour sa période d'échange.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames. Je vais être rapide. Trois questions. Première question.
Tout à l'heure, vous avez dit que l'ARLA allait modifier ses... bon, sa
perspective, et... bon, je n'ai pas trop compris dans quel sens. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Deuxième question. Vous avez parlé d'une judiciarisation
des processus, de recours devant les tribunaux. Est-ce qu'un recours contre
l'ARLA serait quelque chose qui pourrait exister? Je pose des questions, on est
tout seuls ici, là.
Et troisième question. Les glyphosates
seraient un antibiotique. Est-ce que cela pourrait avoir un effet sur l'efficacité
des antibiotiques sur l'être humain en cas de problèmes de santé?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac, en vous rappelant que nous sommes entre nous, ainsi que tous
les autres citoyens du Québec.
Mme Vandelac (Louise) : Tout à
fait. Écoutez, loin de moi l'idée de lancer des actions en justice ici, mais je
dirais que d'une part, du côté de l'ARLA, il y a actuellement quelques
présupposés, le premier étant qu'il y a trop de travail, que c'est trop lourd,
qu'il faudrait que l'industrie paie pour ce travail et que ça donnerait un
temps précis. Il y a eu une consultation au printemps dernier... j'avais
l'impression qu'ils vous en parleraient puisqu'ils sont venus ici, il y avait
une consultation en cours, qui permettrait d'assurer qu'il y ait un montant qui
soit donné par l'industrie. Les gens de l'ARLA font le travail dans un délai
prescrit. À mon avis, c'est très, très problématique et il faudrait que ce soit
étudié en profondeur d'une part, parce que ça veut dire se priver de la
recherche indépendante puisque les délais seraient trop courts. C'est un
premier problème de taille. D'autre part, que l'industrie paie pour les
pesticides qu'elle va utiliser, oui, mais dans la mesure où il y a un vrai
travail d'évaluation indépendante et où on tient compte de la recherche
indépendante. C'est, à mon avis, tout à fait essentiel.
En ce qui concerne le caractère
antibiotique, oui, le dossier du microbiote intestinal est étroitement lié à ce
caractère antibiotique des herbicides basés glyphosate, et s'il y a autant de
littérature depuis deux ou trois ans sur ces questions-là, c'est bien parce que
c'est très préoccupant. Alors, il y a eu des... je dirais, on ne peut pas
parler de liens ici encore, mais il y a des pistes de recherche, disons ça
comme ça, du côté des effets neurotoxiques, par exemple...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Vandelac, je vais vous interrompre à nouveau. Mme Bacon,
Mme Vandelac, merci. Je vous remercie pour votre contribution à nos
travaux. La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes.
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des
pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Je
demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Cet après-midi, nous allons entendre l'Institut
national de santé publique du Québec, l'Institut Jean-Garon ainsi que
l'Association des producteurs maraîchers du Québec.
Avant de poursuivre, j'aimerais savoir s'il
y a consentement pour que nous puissions poursuivre nos travaux jusqu'à
18 heures maximum. Consentement?
Une voix
: ...
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Institut national
de santé publique du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les
personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La
parole est à vous.
Mme Damestoy (Nicole) : M. le
Président, membres de la commission, je suis Nicole Damestoy, présidente-directrice
générale de l'Institut national de santé publique du Québec, et cet après-midi
je suis accompagnée par M. Onil Samuel, conseiller scientifique au sein de
notre Direction de santé environnementale et de toxicologie, de même que par Dr
Stéphane Caron, médecin en santé au travail. Alors, tous deux sont ici pour
répondre à vos questions tout à l'heure.
Nous vous remercions de l'invitation à
participer à vos travaux et nous saluons l'intention de la commission de
dresser un portrait à jour des impacts des pesticides sur la santé publique et
l'environnement ainsi que des pratiques de remplacement innovantes.
L'INSPQ est un centre d'expertise et de
référence en santé publique au Québec. Notre mandat est de produire et de
transférer les connaissances scientifiques les plus à jour pour soutenir les
décideurs et les autorités de santé publique lors de l'élaboration de
stratégies qui peuvent avoir un impact sur la santé de la population.
L'institut est impliqué depuis longtemps
dans le domaine des risques sanitaires associés aux pesticides, tant pour la population
générale que pour les travailleurs agricoles. Nos experts ont été impliqués
dans les travaux d'élaboration et de suivi de la Stratégie phytosanitaire
québécoise en agriculture. Nous avons aussi participé aux différentes
consultations menées par le gouvernement lors de la rédaction du Code de
gestion des pesticides ou, plus récemment, de la nouvelle Politique
bioalimentaire québécoise.
Notre mémoire apporte une perspective de
santé publique aux enjeux soumis en délibération. L'approche de santé publique
propose une analyse structurée de l'ampleur d'un phénomène, de ses impacts et
des pistes de solution pour amoindrir le risque sur la santé de la population,
des travailleurs ou de certains groupes plus vulnérables.
Si on prend cette perspective
populationnelle, il reste des pas très significatifs à franchir dans le domaine
de l'exposition aux pesticides en dépit des efforts et des innovations
prometteuses qui ont été décrites récemment dans les médias.
D'abord, abordons l'état des connaissances
sur les effets sur la santé de l'exposition aux pesticides. Il existe peu de
données épidémiologiques québécoises pour documenter les effets de l'exposition
aux pesticides sur la santé dans la population ou chez les travailleurs
agricoles. Cependant, ces risques ont été documentés ailleurs dans le monde, et
ces constats peuvent être transposables au contexte québécois dans la mesure où
ce sont habituellement les mêmes pesticides qui sont utilisés ici.
• (15 h 50) •
Les pesticides sont associés à différents
degrés à des effets sanitaires à court et à long terme. Les effets sanitaires à
court terme ou immédiats d'une exposition aux pesticides sont relativement bien
connus. Il en est tout autrement des effets de l'exposition répétée, peu
importe la dose, sur une longue période de temps. Les pathologies les...
Mme Damestoy (Nicole) : ...sont
associés, à différents degrés, à des effets sanitaires à court et à long terme.
Les effets sanitaires à court terme ou immédiats d'une exposition aux
pesticides sont relativement bien connus. Il en est tout autrement des effets
de l'exposition répétée, peu importe la dose, sur une longue période de temps.
Les pathologies les plus étudiées regroupent les cancers, les maladies et les troubles
neurologiques ainsi que les atteintes liées à la reproduction ou au développement.
Ainsi, principalement chez les utilisateurs professionnels, les cancers du sang
et des ganglions tels que lymphome non hodgkinien, le myélome multiple ou la
leucémie, de même que le cancer de la prostate ou certaines tumeurs cérébrales
sont les néoplasies pour lesquelles le poids de la preuve ou la présomption
d'un lien sont les plus forts. Aussi, sur le plan des effets neurologiques à long
terme, une forte présomption a été observée pour la maladie de Parkinson qui,
comme le lymphome non hodgkinien d'ailleurs, a été reconnue comme une maladie
professionnelle liée à l'exposition aux pesticides en France.
Notre mémoire présente une analyse
détaillée des dernières données disponibles dans ce domaine. Par ailleurs, de
nombreuses incertitudes persistent. Ainsi, il faudrait en savoir davantage sur
les effets endocriniens ou neurodéveloppementaux qui pourraient survenir suite
à l'exposition prolongée à de faibles doses d'une même substance, des doses
bien inférieures à celles utilisées lors des études expérimentales citées dans
les processus d'homologation. Aussi, l'effet additif de l'exposition à un
mélange de différents pesticides, tous à des doses largement inférieures au
seuil de toxicité, est peu documenté à ce jour. Devant l'étendue du mandat de
cette commission, nous avons choisi de regrouper nos recommandations autour de
trois grands blocs, le premier est celui qui concerne le fait de baser les
décisions sur des données fiables indépendantes et de soutenir la recherche; le
deuxième qui consiste à séparer le conseil phystosanitaire des intérêts
commerciaux et d'encourager plus activement encore les pratiques de
remplacement; et le troisième qui vise la prévention et la prise en charge des
risques d'exposition professionnelle aux pesticides.
Commençons par le premier bloc, celui qui
aborde la notion de baser les décisions sur des informations fiables
indépendantes et de favoriser la recherche. Afin de réduire les risques
sanitaires des pesticides pour la population et pour les travailleurs, il faut
d'abord mieux documenter l'exposition. Quand on parle de la population générale
en particulier, nous avons fait état plus tôt des incertitudes sur les effets à
la santé, mais l'information est aussi déficiente au niveau de l'exposition aux
pesticides. La principale source d'exposition de la population générale est par
l'alimentation. Les programmes de surveillance des résidus de pesticides des
aliments et de l'eau devraient être bonifiés. Les données ainsi produites
devraient être divulguées et facilement accessibles aux chercheurs et aux
autorités sanitaires. Elles permettraient une surveillance active et continue
de l'exposition de la population aux résidus de pesticides et permettraient de
répondre à des questions telles que : À quoi la population est-elle
exposée au juste? À quelle dose? À quelle combinaison de produits? Comment cela
évolue-t-il dans le temps ou selon les régions? Aussi, les données complètes de
vente des pesticides devraient être rendues disponibles par le ministère de
l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques afin
d'optimiser nos indicateurs de risque.
Dans un autre ordre d'idées, mais toujours
dans le domaine des données, si on regarde le processus d'homologation des
produits, il existe certaines lacunes au niveau de l'information utilisée pour
étayer les décisions. Ainsi, puisque Santé Canada consulte actuellement sur le
processus d'homologation, nous croyons nécessaire d'insister afin que
l'ensemble des données probantes disponibles soient prises en compte. Ceci
inclut spécifiquement les données issues de la recherche indépendante de
l'industrie. De plus, toujours dans le cas des exigences de l'homologation, il
y aurait lieu d'inclure les effets chroniques de l'exposition à la formulation
commerciale, pas seulement l'ingrédient actif.
Finalement, dans ce premier bloc, quand on
parle des recherches, puisque la réalité de l'utilisation des pesticides sur le
terrain varie des conditions de laboratoire, il faudrait supporter la
réalisation d'études chez les travailleurs agricoles pour connaître les risques
sanitaires associés à leur pratique professionnelle; deuxième bloc, celui qui
aborde la notion de séparer le conseil phytosanitaire des intérêts commerciaux
et d'encourager plus activement encore la pratique de remplacement. La
Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture énonce la base d'une
intervention intégrée qui vise à réduire l'exposition de la population et des
travailleurs aux pesticides. C'est un cadre solide auquel il faudra apporter
des ajustements pour s'assurer d'atteindre les objectifs initiaux.
La réduction des risques sanitaires
associés aux pesticides nécessite une action concertée entre les différents
partenaires, que ce soit les ministères, les producteurs et leurs
représentants, l'industrie agrochimique, les établissements d'enseignement.
Cependant, l'influence de l'industrie doit être reconnue. Il est démontré que
la mise en place de services-conseils indépendants est souvent associée à une
réduction de l'utilisation des produits. Or, au Québec, l'offre actuelle de
service-conseil est principalement associée à la vente de pesticides. Il en
résulte une situation d'apparence de conflit d'intérêts ou d'absence de
neutralité qui est accentuée par certaines pratiques promotionnelles et
publicitaires qui encouragent l'achat et l'utilisation de pesticides...
Mme Damestoy (Nicole) : ...une
réduction de l'utilisation des produits. Or, au Québec, l'offre actuelle de
services-conseils est principalement associée à la vente de pesticides. Il en
résulte une situation d'apparence de conflit d'intérêts ou d'absence de
neutralité, qui est accentuée par certaines pratiques promotionnelles et
publicitaires qui encouragent l'achat et l'utilisation de pesticides.
Cette situation a aussi pour effet de
nuire considérablement aux efforts visant à promouvoir l'utilisation des outils
développés au Québec pour faciliter la substitution des pesticides plus toxiques
vers des alternatives moins nocives.
Il est possible d'assurer la mise en place de
services-conseils en phytoprotection plus neutres à l'instar de ce qui prévaut
dans d'autres pays ou pour d'autres produits potentiellement dangereux.
D'autres pays ont aussi encadré davantage les pratiques promotionnelles et
publicitaires de l'industrie des pesticides.
Si le besoin de réduire l'utilisation des
pesticides semble faire consensus, l'atteinte de cet objectif passera par un
plus grand soutien à la recherche et à l'évaluation de technologies innovantes
permettant d'éliminer, de réduire ou de substituer les produits moins toxiques.
La gestion intégrée des ennemis des cultures et l'agriculture biologique
doivent prendre plus de place dans l'éventail des méthodes utilisées.
Finalement, en ce qui concerne la
prévention et la prise en charge des risques d'exposition professionnelle aux
pesticides, les travailleurs agricoles doivent faire l'objet d'une attention
particulière en matière de prévention des risques d'exposition aux pesticides parce
qu'ils manipulent les produits, en font l'application et circulent dans les
champs. De plus, parce que la ferme est aussi un milieu de vie, une meilleure
gestion des risques est susceptible de limiter l'exposition des familles, des
voisins et des populations limitrophes.
La priorisation du secteur agricole par la
CNESST aurait certainement des impacts positifs sur la prise en charge de la
prévention, sur le développement de la recherche, sur la formation, ainsi que
sur la reconnaissance des maladies professionnelles en lien avec l'exposition
aux pesticides. Afin de favoriser cette prise en charge, il faudrait aussi
revoir la définition d'établissement et de travailleur, au sens de la Loi sur
la santé et la sécurité du travail, et rendre accessible à ce secteur
d'activité l'ensemble des mécanismes de prévention prévus dans cette même loi.
Alors, en espérant que ces propositions,
appuyées sur notre expertise, ainsi que les connaissances scientifiques les
plus récentes vous soient utiles et éclairent votre décision, il nous fera
maintenant plaisir de répondre à vos questions.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme Damestoy, c'est bien prononcé?
Mme Damestoy (Nicole) : C'est
ça.
Le Président (M. Lemay) : Excellent.
Donc, je cède maintenant la parole au député de Bourget pour la période
d'échange avec la partie du gouvernement.
M. Campeau : Merci, M. le
Président. Je suis vraiment content que vous ayez eu l'occasion de donner le
nom de madame, comme ça, ça m'évite de me tromper. C'est bon, ça. Vous avez...
vous parlez de l'effet chronique, et je comprends très bien ce que c'est que
l'effet chronique, dans le sens que quand on regarde le long terme, c'est
beaucoup plus dur à évaluer que quand on regarde le court terme. Si on se met
le nez dans notre chaudière de chlore avant de le mettre dans la piscine, on le
sait qu'on étouffe. Si on a un tout petit de chlore dans l'air, on ne s'en rend
pas compte, on a peut-être un effet à long terme puis on ne le sait pas. Mon
exemple n'est peut-être pas très bon, mais ça donne une idée. Mais quand vient
le temps de mélanger plusieurs produits dans l'air avec un effet chronique,
est-ce qu'il y a des études en cours là-dedans? Est-ce que c'est possible de
trouver ça? Ça me semble extrêmement compliqué.
Le Président (M. Lemay) :
...la parole à un de vos collègues, il n'y a aucun problème. M. Samuel,
allez-y.
M. Samuel (Onil) : O.K.
Lorsqu'on parle de l'évaluation de la toxicité des mélanges, il faut être très
conscient que la toxicologie moderne est encore très mal outillée pour réaliser
ce type d'exercice là. Si on prend, par exemple, l'exposition de faibles doses
de produits mélangés via les aliments, on est capable de le faire jusqu'à un
certain point en considérant des molécules ayant des mêmes modes d'action.
D'ailleurs, l'EFSA en France vient de déposer un rapport pour lequel elle a,
avec une méthodologie d'analyse de risque, réussi quand même à évaluer les
risques, théoriquement, les risques à mélange de certains produits ayant des
mêmes modes d'action.
Or, quand on parle des produits qui n'ont
pas des mêmes modes d'action, c'est pratiquement impossible, à l'état actuel des
connaissances, de faire ce type d'exercice là du fait qu'on est exposé à une
multitude de produits, on parle de centaines et de centaines de produits, et
d'essayer d'évaluer ça expérimentalement, c'est pratiquement impossible.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Bourget.
M. Campeau : Moi, je suis très
sensible à ce que vous avez mentionné sur les travailleurs agricoles. Ce que
vous souhaitez, c'est qu'on fasse une étude pour les travailleurs agricoles ou
est-ce que vous avez déjà eu des études qui ont été faites sur les travailleurs
agricoles? Peut-être est-ce que c'est les deux?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
• (15 heures) •
M. Samuel (Onil) : Il existe
actuellement, dans la littérature, une multitude d'études chez les travailleurs
agricoles. J'ai travaillé, au cours des quatre dernières années, avec un groupe
d'experts scientifiques qui regardaient spécifiquement la question de
l'exposition des travailleurs agricoles en Europe et en Amérique, et il y a une
multitude d'études qui existent pour les travailleurs agricoles...
16 h (version non révisée)
M. Samuel (Onil) : ...il existe
actuellement dans la littérature une multitude d'études chez les travailleurs
agricoles. J'ai travaillé, au cours des quatre dernières années, avec un groupe
d'experts scientifiques qui regardaient spécifiquement la question de
l'exposition des travailleurs agricoles en Europe et en Amérique, et il y a une
multitude d'études qui existent pour les travailleurs agricoles.
Lorsqu'on parle des études, on parle
surtout d'études dans le contexte québécois, des études épidémiologiques, pour
avoir une bonne idée des impacts sanitaires, de mesurer des effets sanitaires
dans la population agricole. Et ça, ça se fait bien par des études
épidémiologiques. Des études d'exposition, on en a quelques-unes et elles vont
toutes dans le même sens, à savoir que lorsqu'il y a des bonnes pratiques de
travail, les expositions ne sont pas nulles mais quand même réduites. Mais au niveau
des effets à la santé à long terme, on est très peu outillés au Québec. On sait
que dans d'autres pays, aux États-Unis, par exemple, il y a eu beaucoup d'études,
il y a des bonnes démonstrations de certains effets, mais c'est toujours
important d'avoir des données propres à notre milieu de travail, ne serait-ce
que pour orienter les politiques ou les stratégies de prévention pour nos
travailleurs.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Bourget.
M. Campeau : Vous avez... je
pense que vous ne l'avez pas dit dans ces mots-là, mais vous parliez de changer
les règles à l'intérieur de l'Ordre des agronomes pour que les gens qui vendent
des produits ne soient pas les gens qui les recommandent. C'est ce que vous
voulez dire, essentiellement?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : On
parlait... On n'a pas abordé la thématique sous l'angle de l'Ordre des
agronomes, et bien du service-conseil. Pour nous, il est extrêmement important
que les gens qui donnent des conseils agronomiques soient... ne soient pas liés
par la pression de la vente des pesticides. Et cette réflexion-là n'a pas été
faite qu'ici. Je parlais tout à l'heure d'un vaste travail comme a réalisé...
avec un rapport de 1 400 pages, et c'était une des conclusions
principales. Et la même réflexion a été faite dans beaucoup de pays. Un des
éléments qui favorise la vente des pesticides, l'utilisation des pesticides, et
qui vient inhiber souvent les efforts de faits pour réduire l'utilisation de
pesticides, c'est le fait que les agronomes soient autant des prescripteurs de
pesticides que... des vendeurs de pesticides que des prescripteurs de services
agronomiques.
Le Président (M. Lemay) : O.K.
M. le député.
M. Campeau : Il y a certaines
organisations qui ont fait des liens entre pesticides et autisme. Vous n'en
parlez pas. Est-ce que vous avez une opinion? Est-ce que... plus, qu'on n'a pas
assez de connaissances actuellement à ce sujet-là pour en être sûr?
M. Samuel (Onil) : O.K.
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : O.K. Dans
notre évaluation, on a essayé de faire une étude... une évaluation assez
exhaustive des risques, mais on a dû se limiter, faute de temps, aux
pathologies les mieux connues. On a regardé aussi l'aspect de l'autisme et,
selon l'état des études aujourd'hui, on pense qu'effectivement, c'est une
thématique à regarder de près, mais on n'est pas certain que les données
actuelles permettent de conclure sur cette pathologie-là. Je vous explique
pourquoi.
Lorsqu'on parle d'autisme, on va parler,
d'une part, de différentes sortes d'autisme, différents niveaux d'autisme, on
va parler d'impacts génétiques sur l'autisme, et la plupart des études
disponibles n'en discutent pas. Donc, les études existantes lèvent un drapeau
rouge. On doit pousser les études pour évaluer cette pathologie-là, mais je ne
suis pas certain, en fonction de l'état des connaissances actuelles, qu'on
puisse conclure sur un risque évident.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Merci de cette
précision-là. En terminant, peut-être une question commentaire. Vous ne l'avez
pas mentionné comme ça, mais est-ce que vous n'êtes pas aussi en train de nous
dire que, quand le côté santé parle au côté agriculture, il faut faire
attention à ne pas travailler en silos?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Campeau : Avec ou sans jeu
de mots, là. J'avoue, là, je n'ai pas fait exprès.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Samuel. Je ne sais pas...
Une voix
: C'est beau,
allez-y, oui.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait.
M. Samuel (Onil) :
Effectivement, on a intérêt à ne pas travailler en silos. Dans le cadre de nos
travaux, on collabore avec différentes organisations, que ce soit le MAPAQ, le
ministère de l'Environnement, l'IRSST, la CSST, on a des interactions assez
fréquentes, mais d'avoir une structure plus permanente qui rejoint différents
intervenants, que ce soit des universitaires ou autres, ça pourrait être
grandement intéressant, justement, pour discuter de toute cette question des
pesticides, qui est un sujet vaste, complexe et où ça demande vraiment un tas
d'expertises différentes.
M. Campeau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Donc, sur ce, je cède la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. le Président. Merci pour la présentation. Vous demandez
l'amélioration de la formation pour les agronomes sur le risque des pesticides,
alors que le mémoire de l'Université Laval... plus que la moitié des cours...
M. Samuel (Onil) : ...expertise
différente. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait, donc sur ce je cède la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. le Président. Merci pour la présentation. Vous demandez
l'amélioration de la formation pour les agronomes sur les risques des
pesticides alors que le mémoire de l'Université Laval, plus que la moitié des
cours obligatoires du baccalauréat en agronomie concernent cette question.
Hier, l'Ordre des agronomes soulignait la présence des cours généraux dans le
cursus scolaire ainsi que la formation continue. Croyez-vous que la formation
additionnelle aux niveaux bacclauréat et maîtrise soit nécessaire?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel
M. Samuel (Onil) : Les gens
ont une certaine formation agronomique, mais lorsqu'on manipule des produits
qui peuvent avoir un impact sur la santé et l'environnement, ça implique aussi
qu'on ait des connaissances de ces risques associés là. Et malheureusement,
cette formation-là manque.
Le seul cours obligatoire actuellement au Québec
sur les risques sanitaires des pesticides est donné à l'Université Laval et
n'est obligatoire que depuis cette année. Et donc, de savoir qu'on peut traiter
des ennemis des cultures avec des pesticides, c'est une chose. Mais nous, on
croit aussi que les gens doivent en connaître davantage sur les impacts sanitaires
et environnementaux de ces produits-là.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci. Dans votre mémoire, vous parlez de formation efficiente auprès des
agriculteurs. Pourquoi, puis quelle serait la solution selon vous?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : Pouvez-vous
répéter s'il vous plaît?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Dans votre mémoire, on parle de formation efficience auprès des agriculteurs.
Pourquoi? Et quelle serait la solution, la solution idéale?
Le Président (M. Lemay) :
Peut-être que...
M. Samuel (Onil) : De
formation efficiente?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Efficiente, oui.
M. Samuel (Onil) : Bien, ça
allait rejoindre un peu ce que je viens de dire. On a besoin que les gens qui
appliquent les pesticides, qui vont donner du service-conseil en termes de
pesticides, aient une meilleure formation générale sur l'ensemble de la problématique
liée aux risques. Mais liée au risque, mais liée aussi d'un point de vue santé
au travail par exemple, à la prévention des travailleurs, à leur... à la façon
de se protéger lorsqu'on applique les champs. Et on croit que les conseillers
agricoles notamment pourraient avoir un rôle important en termes d'approche
préventive auprès des utilisateurs de pesticides.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, je laisse la parole à un collègue.
Le Président (M. Lemay) : Bien
sûr, donc M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
M. le Président. Combien il nous reste de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
Environ six minutes.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon. Merci, merci d'être là du mémoire déposé. J'ai vu... Il y a plusieurs
choses que vous abordez dans le mémoire, hein? Vous parlez entre autres de
l'homologation au niveau des matières actives, tout ça, mais qu'il n'y a rien
qui se fait au niveau quand une fois qu'ils sont tous ensemble, avec les
adjuvants aussi.
Puis moi, écoutez, est-ce que Santé Canada
devrait investir davantage dans la recherche? Parce qu'on parle d'effets au
niveau des expositions au niveau des pesticides. On connaît très bien tous les
effets aigus, ça, c'est documenté, les effets à long terme, tout ça, par
contre...
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) :
Excusez-moi, est-ce que vous voulez répondre?
Une voix
: Non,
allez-y.
M. Samuel (Onil) : Santé
Canada comme toutes les organisations qui sont responsables de l'homologation
font à peu près tous le même travail de la même façon. Donc, c'est un cadre,
c'est un bon modèle d'évaluation, d'analyse de risques, là, qui est une
approche quantitative et tous le font de la même façon, mais il y a des bogues
dans tout ce processus-là.
D'une part, les données proviennent
uniquement de l'industrie. Je ne veux pas sur le fait que toutes les
entreprises qui produisent des pesticides peuvent fausser des données et tout
ça, mais on a eu quand même dans les dernières années des exemples où il y a eu
de la manipulation de données et tout ça. Et dans d'autres milieux, comme dans
les médicaments par exemple, dans d'autres produits dangereux, on s'est donné
des outils pour avoir un cadre d'analyse où on va avoir des données qui... pour
lesquelles on est assuré que ça a été fait de façon très éthique. Et comment le
faire? Je ne sais pas.
Est-ce qu'on devrait continuer à faire
payer l'industrie pour faire les études, mais les faire faire par des experts
complètement indépendants? Peut-être. Est-ce que Santé Canada doit faire les
études? Je n'en suis pas certain. Ce qui est important, c'est qu'il y ait un
cadre complètement indépendant pour faire les études qui sont utilisées pour
évaluer les risques.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc, ce que je comprends, c'est qu'au niveau de l'ARLA, tout ça, au niveau
fédéral, il n'y a pas de cadre indépendant. Puis là, on a... il y a des cahiers
de charge et les entreprises qui homologuent les produits doivent remplir le
cahier de charge et par la suite, c'est évalué?
• (16 h 10) •
M. Samuel (Onil) : C'est ça,
les... Ils vont utiliser les données générées par l'industrie pour faire des
évaluations de risques, pour...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...ce que je comprends, c'est qu'au niveau de l'ARLA, tout ça, au niveau
fédéral, il n'y a pas de ... indépendant. Il y a des cahiers de charges et les
entreprises qui homologuent les produits doivent remplir le cahier de charge,
et, par la suite, c'est évalué?
M. Samuel (Onil) : C'est
ça. Ils vont utiliser les données générées par l'industrie pour faire des évaluations
de risque pour décider si, oui ou non, le produit respecte des quotas de...
sécurité et qu'on peut effectivement les utiliser. Il est clair que dans
certaines situations ça nécessite de faire des études plus poussées.
Et vous m'avez parlé de la question des
mélanges de pesticides, de l'évaluation des produits commerciaux, et effectivement
c'est une autre des problématiques associées au processus d'homologation, que
ce soit au Canada ou ailleurs : on évalue une matière active qui n'est pas
le produit utilisé sur le terrain. Et on a des exemples. Le glyphosate est
celui qui a été le plus cité au cours des dernières années parce que c'est un
produit qui a été beaucoup utilisé, où on a vu que les surfactants, par exemple,
pouvaient être en cause dans la toxicité.
Actuellement, on n'évalue pas le produit
commercial, on n'évalue que la matière active.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député, allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
La longueur, 15 ans, c'est-u trop long? Et qu'est-ce que vous
recommanderiez... le 15 ans, processus d'homologation, de révision?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : C'est
long. C'est long. Je proposerais, moi, personnellement, un processus intermédiaire
où on va, après une dizaine d'années, par exemple, voir s'il y a des nouvelles
études et, dépendamment des résultats, essayer d'accélérer le processus. 15
ans, c'est long. Des fois, on dit 15 ans, et, si on regarde les périodes
exactes où il y a eu l'évaluation, ça peut même s'étendre jusqu'à 20 ans
et c'est très long. Il faudrait avoir un processus qui permette de suivre la
littérature, de voir les nouvelles données. Et, lorsqu'il y a des indications
d'un risque potentiel, bien, qu'on accélère le processus d'évaluation.
Le Président (M. Lemay) :
Très bien. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon. Et, plus loin aussi dans votre mémoire, quand... vous parlez aussi des
mesures, d'alternatives, tout ça. Et j'aimerais vous entendre au niveau de la Stratégie
phytosanitaire, parce que vous en parlez. Qu'est-ce que vous en pensez, de
cette stratégie-là qui a été mise en place?
Le Président (M. Lemay) :
M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : Personnellement,
je pense que la Stratégie phytosanitaire est un beau cadre de référence pour
initier un ensemble d'activités pour réduire l'utilisation des pesticides. On a
développé, par exemple, des outils d'aide à la décision pour favoriser la
substitution des produits les plus dangereux. On a initié un paquet d'études
pour essayer de mieux comprendre des choses. Il y a eu des projets de mis en
place pour essayer de trouver des alternatives. Donc, c'est un cadre qui est,
somme toute, assez intéressant, et d'autant plus que, pour nous, c'est la première
fois que, dans une stratégie phytosanitaire, on parlait des aspects santé,
alors qu'autrefois on ne parlait que d'environnement.
Donc, c'est un processus assez global,
mais qui mérite d'être bonifié, qui mérite d'aller vers peut-être plus plus de
recherche, d'initier plus de recherche. Et c'est un processus aussi qui a
encore des freins. Le fait que l'industrie... le service-conseil soit beaucoup
lié à l'industrie, bien, il y a beaucoup d'outils qu'on a développés pour
réduire l'utilisation de pesticides ou, tout au moins, les plus dangereux, et l'industrie
n'y accorde aucune confiance en disant : Bien, les produits sont
homologués par Santé Canada, on n'a pas à utiliser des outils alternatifs.
Le Président (M. Lemay) :
... puisque cette période d'échange est terminée. Et maintenant je cède la
parole à la députée de Maurice-Richard pour sa période.
Mme Montpetit : Merci, M.
le Président. Madame, messieurs, merci de vous être déplacés aujourd'hui pour
venir répondre à nos questions. C'est très, très apprécié, fort intéressant.
Je commencerais en revenant sur un des
éléments que vous avez mentionnés dans la période d'échange sur la formation
des agronomes. Quand vous dites qu'il n'y a... Juste pour être certaine, là,
d'avoir bien compris. Vous dites que, sauf un cours à l'Université Laval sur
les risques sanitaires des pesticides, il n'y a aucun cours précisément qui se
donne à cet effet-là aux agronomes du Québec, où vous... Mais, outre le fait, en
fait, qu'il n'y a aucun cours, est-ce que ces notions-là sont abordées dans
d'autres cours ou pas du tout?
M. Samuel (Onil) : Je ...
à dire très peu. Je vous donne un exemple. La prise en charge de la formation
des conseilleurs agricoles, des travailleurs agricoles en matière de prévention
de risque des pesticides, ça a beaucoup été assumé au cours des dernières
années par la Stratégie phytosanitaire. On a formé 400 conseillers
agricoles, que je vais appeler non liés — même si le terme parfois
fait sauter des gens — donc, non liés à la vente de pesticides, et on
les a formés sur les risques à la santé et les risques à l'environnement ainsi
que les outils d'aide à la décision, comme SAgE Pesticides, par exemple, pour
les aider à choisir des pesticides moins toxiques. On est en train de préparer
une formation aussi pour les...
M. Samuel (Onil) : ...donc non
liés à la vente de pesticides, et on les a formés sur les risques à la santé,
les risques à l'environnement ainsi que les outils d'aide à la décision, comme
SAgE Pesticides par exemple, pour les aider à choisir des pesticides moins
toxiques.
On est en train de préparer une formation
aussi pour les producteurs agricoles. On a des actions de la Stratégie
phytosanitaire, qui visent à mieux informer les travailleurs agricoles sur les
risques à la santé et sur les approches préventives, les mesures préventives,
mais c'est fait en dehors du cadre de l'enseignement classique et c'est un peu
de la substitution de mandat, mais on le fait pour remplir un vide.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Donc, ce que
vous tirez comme conclusion, c'est que les agronomes ne sont pas... n'ont pas nécessairement
cette formation-là ou cette sensibilité-là de l'impact sanitaire, de l'impact
toxicologique des pesticides, et ils sont quand même dans une situation où...
Est-ce que vous remettez en question, dans
le fond, le rôle qui leur est confié, notamment de prescrire des pesticides, ou
ce que vous suggérez, c'est vraiment de les former davantage, ou vous suggérez
les deux avenues? Juste pour que je comprenne bien, là.
M. Samuel (Onil) : ...avenues
très différentes. Oui, les agronomes devraient être impliqués davantage dans la
prescription, dans la recommandation, et actuellement on a cinq produits pour
lesquels on exige des prescriptions, et, comme ce sont souvent des produits
dangereux, il y aurait intérêt à ce que des professionnels soient plus
impliqués dans la recommandation et la prescription de produits. Ça, c'est une
chose.
La formation sur les risques sanitaires,
sur les mesures préventives, sur les approches pour réduire les risques, c'est
une autre chose, et, encore une fois, je dis : Oui, on devrait en faire davantage.
Le Président (M. Lemay) : ...
Mme Montpetit : ...vous
avez... Deux autres questions en lien avec la recherche. Vous avez mentionné,
c'est ça, que les risques spécifiques à l'exposition des travailleurs québécois
aux pesticides... il demeure encore beaucoup d'inconnu autour de ces
questions-là. Vous dites : Même si c'est bien documenté, là, dans la
littérature scientifique, il apparaît difficile de dresser un portrait réaliste
de la situation pour les agriculteurs du Québec.
Est-ce que... Parce qu'on a eu plusieurs
échanges depuis hier sur la reconnaissance de la maladie de Parkinson pour les
travailleurs agricoles. Est-ce que vous pensez qu'à la lumière de la
littérature scientifique internationale cette littérature, elle est assez
précise pour penser qu'elle pourrait être appliquée à la situation du Québec ou
on est vraiment dans une situation qui ne... différente, un monde agricole
différent qui ne nous permettrait pas, dans le fond, d'utiliser les conclusions
de ces études?
Le Président (M. Lemay) : M.
Samuel ou peut-être M. Caron.
Mme Damestoy (Nicole) : Un peu
des deux.
M. Samuel (Onil) : On a
récemment regardé la littérature sur le parkinson, comme d'autres pathologies,
et le poids de la preuve est assez fort. C'est rare qu'on a un poids de la
preuve aussi évident pour une pathologie chronique, et effectivement, dans la
littérature internationale, qui nous vient beaucoup des États-Unis, en passant,
le poids de la preuve est fort, et moi, je ne crois pas, avec l'expérience que
j'ai pu... que j'ai, que la situation peut être très différente ici.
On a régulièrement des gens qui viennent
nous voir avec la problématique, mais ce sont des cas individuels. On n'a pas
d'étude épidémiologique qui nous permette de faire le portrait au Québec, et
ça, c'est important pour une chose surtout, c'est que, dès qu'on a fait le
constat dans un milieu propre, après, on est capable d'orienter des stratégies.
On a des éléments de sensibilisation pour les travailleurs, parce que ce sont
les premiers visés, et ces gens-là sont difficiles à convaincre, parfois, de se
protéger, malgré tous les messages qu'on essaie de passer.
Donc, d'avoir des données de recherche
propres au milieu, souvent, ça constitue un élément de sensibilisation et
d'orientation des politiques assez fort du fait que ça provienne du milieu.
Oui, on peut probablement transférer les constats qui sont faits ailleurs pour
le parkinson, mais ça serait drôlement intéressant qu'on puisse le documenter
au Québec.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Toujours sur
des questions de recherche, parce qu'on a eu ces échanges-là aussi avec des
chercheurs un petit peu plus tôt dans la journée sur l'accès aux données, je
présume... je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je présume
que, comme institut de recherche, vous seriez favorable à une plus grande
accessibilité, transparence, disponibilité sur la totalité des données
d'utilisation des pesticides au Québec.
• (16 h 20) •
M. Samuel (Onil) : Tout à fait.
Je pense que c'est important qu'on ait accès à toutes les données probantes,
là, que ce soient les données de résidus de pesticides dans les aliments. On a
développé des outils, des cadres méthodologiques pour être capables de faire
des analyses de risques, sauf qu'on utilise les données fédérales du
programme...
M. Samuel (Onil) : ...je pense
que c'est important qu'on ait accès à toutes les données probantes, là, que ce
soient les données de résidus de pesticides dans les aliments. On a développé
des outils, des cadres méthodologiques pour être capables de faire des analyses
de risques, sauf qu'on utilise les données fédérales, du programme de
surveillance fédéral, pour lesquelles on n'est pas capables d'extraire les
données québécoises. Donc, je pense que le gouvernement québécois pourrait
essayer de faire des pressions ou du moins avoir des ententes avec l'ACIA,
l'agence d'inspection des aliments, pour avoir les données québécoises.
Le MAPAQ génère un programme de
surveillance aussi, mais les seules données auxquelles on a accès, ce sont des
résumés de quelques pages très généralisés, alors que nous, on a besoin
davantage des données brutes, donc quel produit en contenait quel échantillon,
combien il y en avait, tout ça, pour quel légume, quel fruit, et tout ça. On a
besoin de ces données-là. On a besoin de bonifier ces programmes-là aussi parce
que souvent, statistiquement, on n'a pas suffisamment de données, mais on n'y a
pas accès actuellement.
Pour ce qui est des données dans les
fruits et légumes au Québec, on est en discussion avec le laboratoire au MAPAQ,
et c'est des échanges qui sont cordiaux, tout ça, puis je pense qu'on va finir
par avoir, nous, à l'institut, ces données-là, mais je garde une prudence,
parce que c'est le troisième mémoire dans lequel on le demande.
Autre chose, rapidement, on a des données
de vente des pesticides qu'on peut mettre en lien, en relation avec nos
indicateurs de risques : SAgE Pesticides, l'IRPeQ, l'indicateur de risque
des pesticides du Québec, et on aurait le plus bel indicateur de suivi temporel
du risque si on pouvait avoir des données de vente liées aux régions, aux
familles de pesticides, aux groupes de production, alors qu'actuellement on a
des données globales qui englobent tout ça. Et il y a beaucoup même des secteurs
d'activité où il s'est fait des belles choses, qu'il y a eu beaucoup de travail
de fait pour réduire l'utilisation, puis on ne le voit pas parce que tout est
noyé dans les grandes cultures du fait que c'est 85 % de l'utilisation
d'herbicides dans les grandes cultures, de tous les pesticides, et nos
indicateurs ne nous permettent pas de les utiliser à leur plein pouvoir du fait
qu'on n'a pas accès aux données.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Samuel. Mme la députée, environ deux minutes.
Mme Montpetit : Si vous
aviez... je vais la faire très brièvement pour vous laisser le temps de
répondre, mais, si vous aviez justement accès à toutes ces données, donc au
niveau vraiment de l'utilisation des pesticides, des quantités, des régions,
tout ça, qu'est-ce que ça pourrait faire comme différence pour vous, comme
institut de recherche, mais pour l'ensemble des chercheurs, pour la population
du Québec? Quel type de recherche ça vous permettrait de faire au niveau des
risques toxicologiques notamment, là?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Samuel.
M. Samuel (Onil) : Au niveau
des risques des aliments, par exemple, on pourrait répondre à plein de
questions : Est-ce qu'effectivement les craintes qui sont observées dans
la population ou même auprès des scientifiques, est-ce qu'effectivement les
niveaux mesurés, c'est à craindre? Tu sais, on aurait une... on serait capables
de faire des analyses de risques pour répondre en partie, il demeure des
incertitudes, on ne peut pas répondre à tout.
Pour ce qui est des indicateurs de risque,
les indicateurs de vente de pesticides, on pourrait mieux orienter les
stratégies soit par type de culture, par exemple. Si j'observe que dans la
pomme — et je ne veux pas incriminer la pomme, là, c'est un exemple — il
y a une problématique liée à un produit, que le risque est en montée... bien,
on peut, avec les intervenants du MAPAQ, les intervenants de l'Environnement,
les intervenants agronomiques, les services-conseils, développer des stratégies
pour essayer de réduire ce risque-là. Mais actuellement, on n'est pas capables
d'avoir un indicateur qui peut être éclaté en fonction de différentes
problématiques, différents groupes de producteurs.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Damestoy, pour le mot de la fin, 30 secondes.
Mme Montpetit : Bien,
j'aimerais juste savoir...
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, Mme la députée.
Mme Montpetit : ...parce que
c'est une question qui est ressortie beaucoup, là, dans les derniers jours, sur
les liens entre les pesticides puis l'autisme : Est-ce que c'est le genre
d'étude épidémiologique que l'INSPQ pourrait faire pour voir si les cas quand
même en augmentation d'autisme... est-ce que c'est le genre d'études auxquelles
vous vous consacrez comme institut ou pas du tout?
Le Président (M. Lemay) :
Rapidement.
Mme Damestoy (Nicole) :
...dans l'analyse de la littérature, de recherches qui ont déjà été publiées
ailleurs. Vous utilisez souvent le terme «institut de recherche», nous ne
sommes pas un institut de recherche, on est un institut de santé publique qui
collige les données issues de différents types de recherches scientifiques
partout dans le monde pour essayer d'avoir une idée précise d'un enlignement ou
d'une orientation.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup pour la précision. Je cède maintenant la parole à la députée de
Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. À la lecture du mémoire, j'ai beaucoup de préoccupations puis
j'aimerais revenir sur le tableau où vous présentez le Bilan des principales
associations positives entre l'exposition aux pesticides et certaines
pathologies chez les adultes et les enfants, c'est votre tableau... le tableau
1. Et, dans le fond, ce qu'on constate là-dedans, c'est qu'il y a beaucoup de
présomptions fortes entre l'exposition aux pesticides et les maladies. On a
parlé du lymphome non hodgkinien, la leucémie, les tumeurs cérébrales, le
cancer de la prostate, bref, il y a matière à...
Mme Lessard-Therrien : ...les
enfants. C'est votre tableau... le tableau 1. Et, dans le fond, ce qu'on
constate, là-dedans, c'est qu'il y a beaucoup de présomptions fortes entre
l'exposition aux pesticides et les maladies. On a parlé du lymphome non...
hodgkien, la leucémie, les tumeurs cérébrales, le cancer de la prostate. Bref, il
y a matière à être passablement inquiets, puis quand on regarde toutefois vos recommandations
au niveau de la limitation de l'exposition, les mésusages des pesticides pour
ainsi réduire les risques sanitaires de ces produits, vos propositions vont vraiment
dans le sens de, bon, déployer des efforts supplémentaires pour faciliter
l'imprégnation, promouvoir davantage auprès des producteurs agricoles les
outils d'aide à la décision, développer des activités de formation. Bon, il y a
toute une série de mesures, mais, à la hauteur de ce qu'on peut voir des
preuves qui sont faites au niveau des liens avec la santé, ça ne me semble pas
des mesures très ambitieuses. Concrètement, qu'est-ce qu'on fait avec les
pesticides? Lesquels seront jugés prioritaires?
Tu sais, pour la population, l'INSPQ,
c'est le gardien de la santé publique. Donc, je me demande pourquoi être si
frileux dans vos recommandations?
Et beaucoup d'intervenants nous ont parlé
préalablement du principe de précaution. Vous n'en faites pas mention. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Donc, M. Samuel, environ en une minute.
M. Samuel (Onil) : On n'a pas
parlé du principe de précaution dans le mémoire, mais on l'a mis en application
souvent, notamment dans le code de gestion des pesticides, où on a clairement
indiqué que, pour l'utilisation des pesticides en milieu urbain, on devrait
appliquer le code... le principe de précaution. Principe de précaution a été un
petit peu galvaudé de gauche à droite, là, mal utilisé, dans le temps, et le
principe de précaution doit s'appuyer entre autres sur la recherche puis sur
la... il faut être capable d'avoir des données assez probantes pour
l'appliquer, sinon on va l'appliquer à tous les... pour des raisons, des fois,
qui vont être nuisibles plus qu'autre chose. Donc, nous, on pense que si la
recherche qu'on préconise pour mieux documenter certains effets nous amène à
voir des données assez probantes, bien, on va pouvoir éventuellement aller vers
le principe de précaution si c'est justifié, mais il faut que ça soit justifié
aussi.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Ceci complète cette période d'échanges. Je cède maintenant la
parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Madame, messieurs, bonjour. Écoutez, il y a un mot qui me vient en
tête : «Opacité», «manque de transparence». Parce que, là, je vous écoute,
là, sur le besoin d'avoir accès à des données et je n'arrive pas à comprendre
que le MAPAQ, soit que les données n'existent pas ou ils ne veulent pas que
vous les transférez, ou la méthode de collecte est faite d'une certaine manière
que tu... vous ne pouvez pas extraire des, bon, des choses qui vous
permettraient de proposer des, bon, des... ou de recommander des modifications
réglementaires. Et pouvez-vous... Là, vous nous dites, vous n'avez pas accès à
vos données. Est-ce qu'elles existent et vous n'y avez pas accès parce qu'on
vous refuse l'accès ou le modèle de collecte des données est tout croche et
vous ne pouvez rien faire avec?
Le Président (M. Lemay) : M.
Samuel.
M. Samuel (Onil) : Bon, on a
parlé de deux types de données qui sont existantes, là. De documenter les
pathologies, puis tout ça, là, c'est une autre chose parce que les études vont
souvent évaluer des effets pour un ensemble de produits, puis ce n'est pas
spécifique à des produits. C'est pour ça qu'on n'a pas voulu embarquer dans les
produits. Mais, dans les données existantes qui pourraient nous servir, les
données en lien avec la vente des pesticides, ce sont des données qui existent
au ministère de l'Environnement, sauf qu'en raison d'ententes ou d'ententes de
confidentialité avec l'industrie, ces données-là ne peuvent pas nous être
rendues disponibles, et ça fait longtemps qu'on les demande.
Pour ce qui est des données pour les
résidus de pesticides dans les aliments, c'est la même chose. Bon, il manque de
données, on devrait en faire davantage, mais les données rendues publiques, le
dernier rapport date de 10 ans. Celui qui est sorti il y a deux jours, ça
faisait 10 ans qu'on n'en avait pas vu. Nous ça fait longtemps qu'on les
demande aussi, mais on n'y avait pas eu accès.
Le Président (M. Lemay) : ...
une question complémentaire, ici, par M. le député de Bonaventure.
M. Roy
: Quand vous
nous parlez d'ententes confidentielles qui font en sorte que vous ne pouvez
avoir accès aux données, est-ce qu'on parle de secret industriel ou des
choses... cette nature-là?
M. Samuel (Onil) : Oui, c'est
de cette nature-là.
M. Roy
: Au même titre
que l'ARLA refuse l'accès aux études en prétextant le secret industriel par des
chercheurs indépendants pour valider la pertinence et la scientificité des
études.
M. Samuel (Onil) : Bon,
regardez, nous, on a fait des demandes à quelques reprises au ministère de
l'Environnement pour avoir accès à ces données-là, et la réponse qu'on a eue,
c'est qu'on n'est pas capable en raison des ententes de confidentialité qu'on a
avec l'industrie. Donc, je crois que ces données-là existent. Effectivement, on
les présente d'un point de vue global, là, toutes dans le même plat, mais on
n'a pas accès à ces données-là.
Le Président (M. Lemay) : ...
M. Samuel, Mme Damestoy, M. Caron pour vos contributions à ces travaux.
• (16 h 30) •
Je suspends maintenant quelques instants
afin de permettre aux représentants de...
16 h 30 (version non révisée)
M. Samuel (Onil) : ...avec l'industrie.
Donc, je crois que ces données-là existent effectivement. On les présente d'un point
de vue global, là, tout dans le même plat, mais on n'a pas accès à ces
données-là.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, M. Samuel, Mme Damestoy, M. Caron, pour vos contributions à ces
travaux. Je suspends maintenant quelques instants afin de permettre aux représentants
de l'Institut Jean-Garon de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons les travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants
de l'Institut Jean-Garon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui
vous accompagne, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à
vous.
M. Saint-Pierre (Michel) :
Bonjour et merci de nous recevoir. Nous allons présenter, si vous permettez, en
duo le sommaire de notre mémoire. Mon nom est Michel Saint-Pierre, je suis
coprésident de l'Institut Jean-Garon. J'ai oeuvré pendant... — comme
la plupart des gens qui sont membres de l'institut, des gens qui ont une longue
carrière en agriculture — j'ai été sous-ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation. Et je vous présente Guy Debailleul.
M. Debailleul (Guy) : Alors,
je suis Guy Debailleul, coprésident de l'Institut Jean-Garon et professeur
associé au Département d'économie agroalimentaire de l'Université Laval, où
j'ai fait l'essentiel de ma carrière en enseignement et en recherche.
M. Saint-Pierre (Michel) :
L'Institut Jean-Garon est un groupe d'analyse et de réflexion, ce qu'on appelle
communément et le plus souvent, même en français, un think tank, sur les grands
enjeux de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois. Contrairement au nom
que porte notre institut, nous sommes apolitiques. Personne n'a jamais pensé
que Jean Garon était apolitique. Alors, dans notre cas, c'est le cas. Nous
sommes à la fois apolitiques, nous sommes à but non lucratif et nous avons des
positions neutres, et d'ailleurs c'est ce qui nous amène aujourd'hui.
Notre but, c'est d'apporter un éclairage
dans un débat qui se situe dans le temps depuis quelques mois, on devrait dire,
avec un certain nombre d'éléments qui sont venus alimenter ce débat-là. Il y a
longtemps, c'était Monsanto qui faisait les manchettes, et plus récemment c'est
un agronome du MAPAQ. Mais, dans tout ça, il y a eu une série d'événements qui
ont mis les pesticides sur la sellette, et, dans cette avalanche
d'informations, il nous apparaissait, nous, à l'Institut Jean-Garon, important
d'apporter un éclairage sur ce que ça... où est-ce qu'était la problématique.
Et est-ce qu'il y a des pistes de solution à la question des pesticides? Parce
que, sans vouloir nier la problématique, il y a peut-être également des pistes
de solution, puis certaines, peut-être, d'entre elles sont très vieilles,
d'ailleurs.
Donc, notre... Comment dire? Ce qu'on a
voulu apporter, c'est une position qui est celle... à la fois neutre, mais qui
amène à la prudence et à la modération en ce qui concerne ce produit-là. Parce
que c'est un poison, ça, c'est clair, c'est un poison pour un être quelconque
ou une plante, en tout cas, quelconque, alors donc on ne peut pas nier cette
réalité-là. Donc, il faut le traiter de façon très particulière. Et on a voulu
apporter une image qui nous apparaissait être la plus près de notre réalité de
tous les jours : les pesticides sont un médicament. Pourquoi on dit ça?
Parce qu'à l'instar des médicaments sous prescription, ils ont des buts très
précis...
M. Saint-Pierre (Michel) :
...réalité-là, donc il faut le traiter de façon très particulière.
Et on a voulu apporter une image qui nous
apparaissait être la plus près de notre réalité de tous les jours. Les
pesticides sont un médicament. Pourquoi on dit ça? Parce qu'à l'instar des
médicaments sous prescription, ils ont des buts très précis, ils ont dans le
temps également une vie et il y a une ordonnance qui suit ça, il y a des façons
également de l'utiliser, et l'abus de ça, à l'instar d'éliminer les pesticides,
crée une problématique.
Cette image-là, pour nous, elle est forte
parce qu'à la fois on y trouve le côté positif, les pesticides ne sont pas
juste une nuisance pour la société, ils servent à produire des aliments.
L'usage excessif, lui, devient, à l'instar également des médicaments, un
danger. Mais on ne dit pas... quand des gens utilisent de façon excessive des
médicaments ou se droguent carrément, on ne dit pas : Bannissons un
médicament. Mais on a entendu souvent l'expression «Bannissons les pesticides»
au cours des dernières semaines à tout le moins. Alors, c'est ce qui a nous a amenés
à vouloir dire : Holà, il y a des pistes de solution, il y a une réalité,
oui, à ne pas nier.
Et c'est le non-respect de ces règles-là
qui nous amène aujourd'hui à dire : Bon, où est-ce qu'on se situe? Et de
fait, la première question que je voulais... qu'on voudrait adresser,
c'est : Où est-ce que se situe le Québec, dans la question ou la
«problématique», entre guillemets, des pesticides? Guy va nous en parler.
M. Debailleul (Guy) : Lorsque
l'on cherche à situer le Québec, on est amené à le faire en particulier par
rapport au reste du Canada, par rapport aux autres provinces, et quand on
consulte les statistiques, on peut avoir, d'un côté, des images relativement
favorables pour le Québec et d'autres qui sont plus préoccupantes.
Lorsqu'on consulte les données de
Statistique Canada, par exemple, on voit que la proportion des terres qui
reçoivent effectivement des pesticides au Québec est sensiblement inférieure à
la proportion que l'on observe dans les autres provinces et en particulier dans
les provinces des Pairies. En gros, on dirait, entre 50 % et 60 % des
terres au Québec reçoivent des pesticides alors que la proportion peut
atteindre 70 %, 80 %.
Lorsque l'on regarde du côté des terres
effectivement cultivées, on constate le même écart, sinon encore plus
important. Alors, on peut penser aussi que cette différence est liée aux types
de cultures qui sont pratiquées et qui sont probablement plus homogènes, plus
réduites dans les provinces canadiennes... dans les provinces du reste du
Canada.
Maintenant, lorsqu'on observe les dépenses
en pesticides par hectare cultivé, là les écarts sont sensiblement plus réduits
et quelquefois on est amené à constater qu'il se dépense davantage d'argent en
pesticides par hectare cultivé recevant des pesticides que dans le reste du
Canada. Alors, je parle de dépenses, parce qu'on n'a pas les données sur les
quantités effectivement utilisées, donc on se réfère aux dépenses telles que
les enregistre Statistique Canada.
Par ailleurs, ce que l'on doit aussi
constater, c'est que les données sur l'utilisation des pesticides au Québec
sont aussi fragmentaires. Ça, ça a été évoqué dans l'intervention précédente,
mais ces données sont, comme cela a été dit, colligées par le ministère de
l'Environnement, mais on se rend compte qu'une partie des pesticides ne sont
pas comptabilisés parce qu'ils sont, par exemple, les pesticides qui sont
associés aux semences enrobées et ne sont pas comptabilisés dans de telles
données.
Et le Commissaire au développement
durable, en 2016, a attiré l'attention là-dessus, comme il a attiré l'attention
sur le fait que, depuis 30 ans, on a... pratiquement 30 ans, on a
essayé de mettre en place des stratégies phytosanitaires visant la réduction de
l'utilisation des pesticides. On avait été très ambitieux, au début des
années 90, en visant une réduction de 50 %. En réalité, lorsque l'on
collige les données, on s'aperçoit que l'utilisation n'a pas sensiblement
baissé sur toute la période. Donc, c'est relativement préoccupant et le
commissaire en concluait que l'agriculture du Québec est toujours aussi
dépendante de l'utilisation des pesticides.
• (16 h 40) •
Alors, on peut rajouter à ce point le fait
que si on regarde l'évolution en longue période de l'utilisation des
pesticides, on ne peut pas dissocier cette évolution de l'évolution de
certaines grandes cultures au Québec. En quelque sorte... bon, il faut rappeler
aussi, ça a été mentionné, mais 70 %, 80 % de l'utilisation des
pesticides, il s'agit d'herbicides...
M. Debailleul (Guy) : ...des
pesticides. On ne peut pas dissocier cette évolution de l'évolution de
certaines grandes cultures au Québec. En quelque sorte, bon, il faut rappeler
aussi, ça a été mentionné, mais 70, 80 % de l'utilisation des pesticides,
il s'agit d'herbicides. Et l'herbicide, les produits herbicides sont
essentiellement utilisés par quelques grandes cultures, dont le maïs et le
soya. Et lorsque vous regardez et vous mettez en perspective l'évolution des
superficies en maïs, par exemple, puis ensuite du soya et l'évolution des dépenses
en pesticides, les deux évolutions sont sensibles, assez rapides depuis la fin
des années 70 et sont relativement corrélées.
Donc, on peut aussi... Ça nous... On
reviendra sur ce point-là un peu plus tard, mais on ne peut pas ne pas évoquer,
dans cette problématique, le fait qu'on ait eu des politiques qui ont largement
encouragé le développement de certaines grandes cultures, grandes utilisatrices
de pesticides.
M. Saint-Pierre (Michel) : Si
vous le permettez, regardons un peu les pistes d'avenir, s'il y en a. D'une
part, et je vais redonner la parole à Guy parce que c'est son domaine, le
domaine de la formation. On n'y échappe pas... comme dans beaucoup d'autres
domaines, les grands enjeux tournent autour d'une formation qui est souvent
inadéquate. C'est le cas actuellement ainsi que la recherche.... Guy.
M. Debailleul (Guy) : Alors,
sur ce plan-là, alors vous aurez évidemment plus de détails avec la
présentation du doyen de la faculté des sciences de l'agriculture demain, mais
j'ai tendance à dire que la formation des agronomes, les grandes orientations,
la philosophie même de la formation n'a pas beaucoup changé depuis une
trentaine d'années, même plus, depuis que moi-même j'ai reçu une formation
d'ingénieur agronome il y a là pas mal de temps. C'est toujours un peu la même
vision des relations par exemple plantes-environnement, c'est toujours une
sorte d'approche en silo, puisque ça a été évoqué, cette expression, où on
juxtapose des disciplines les unes à côté des autres.
Or, depuis un certain nombre d'années, la
FAO a invité les pays membres à revoir complètement leurs programmes de
vulgarisation, leurs programmes de formation et leurs programmes de recherche à
la lumière d'un concept dont le terme n'est pas si nouveau — ça
remonte à plus d'un siècle — mais qui est de plus en plus... qui sert
de plus en plus de référence, c'est l'agroécologie.
Le Président (M. Lemay) : Je
vous invite à la conclusion, s'il vous plaît puisque la période de
10 minutes étant déjà terminée. Est-ce que vous pouvez conclure?
M. Saint-Pierre (Michel) :
J'aimerais conclure sur le fait qu'il y aussi des pistes, autres pistes
porteuses. Il y a eu des choses dont on n'a pas parlé beaucoup, des réseaux
d'avertissements phytosanitaires, qui depuis 30, 40 ans, on fait des
merveilles au niveau réduction dans certains domaines. Des luttes biologiques
également qui sont des avenues à explorer. Il y a... l'agriculture biologique
nous enseigne des choses, mais il y a aussi l'agriculture réseaunique qui est
un peu en rapport à ça.
Et peut-être une dernière chose, la plus
vieille des pratiques pour le contrôle des, en fait, des problèmes, des pestes
ou des ennemis de culture, la rotation. Les rotations de culture, la diversité
des cultures, chose que malheureusement, on ne pratique pas assez. Alors, c'est
simple, il existe des pistes.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Sur ce, nous allons y aller avec des questions par la partie du
gouvernement. M. le député de Bourget, la parole est à vous.
M. Campeau : Merci, M. le
Président. Merci pour votre présentation. Je veux juste être sûr de bien
comprendre. Je vais vous le répéter dans mes mots. On a moins de surfaces
d'agriculture, là, il y a moins de surfaces qui reçoivent des pesticides, mais
dans les surfaces qui reçoivent des pesticides, on est plutôt généreux.
M. Debailleul (Guy) : C'est ce
qui ressort de... du... quand on consulte les dépenses par hectare en
pesticides, telles qu'elles sont colligées et publiées par Statistique Canada,
oui.
M. Campeau : Ceci est
peut-être dû au fait que certaines cultures en demandent plus ou bien non, que
l'habitude a été prise d'en mettre plus?
Le Président (M. Lemay) :
M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
Oui, la réponse, c'est : Certaines cultures en demandent plus. Ce sont,
pour les nommer, les grandes cultures qu'on retrouve généralement dans la
région de la Vallée du Saint-Laurent, Montérégie, ce sont les plus grandes
utilisatrices de pesticides.
Et comme Guy le mentionnait tout à
l'heure, quand on parle de pesticides, on parle surtout d'herbicides. C'est
celui qui a fait monter la donnée, si on veut, de façon plus importante au
fil... au cours des dernières années, en particulier depuis l'avènement des
plantes OGM, maïs et soya, et évidemment de son...
M. Saint-Pierre (Michel) :
...c'est celui qui a fait le... qui a fait monter la donnée, si on veut, de
façon plus importante au cours des dernières années, en particulier depuis
l'avènement des plantes OGM, maïs et soya, et évidemment de son corollaire, le
Roundup ou glyphosate, qui est... qui va de pair, évidemment.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Quand vous parlez
d'herbicide, ça veut dire qu'un désherbage mécanique pourrait le remplacer ou
au moins aider.
Le Président (M. Lemay) : M.
Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
Techniquement, bien sûr, oui, tout à fait. Bien sûr, mais là il y a d'autres
théories qui vont vous être présentées. Ils vont dire : Bon, le coût, le
coût mécanique du désherbage mécanique, le temps qu'on y prend... Bon, c'est un
peu le dilemme dans lequel se trouvent les gens qui font cette pratique-là. Ils
ne le font pas de façon méchante et sans égard aux problèmes éthiques, mais ils
savent également qu'ils sont dans un secteur... Il y a une économie, il y a un
coût à ça.
Des voix
: ...
M. Debailleul (Guy) : Si vous
me permettez...
Le Président (M. Lemay) : Oui,
allez-y, M. Debailleul.
M. Debailleul (Guy) : ...dans
le département de... Dans certains départements de génie rural, il y a eu des
travaux qui se sont menés ou qui continuent à se mener sur des alternatives à
l'utilisation des herbicides, telles que le désherbage mécanique ou même le
désherbage thermique, c'est-à-dire le fait de passer avec des rampes qui
brûlent les mauvaises herbes à un stade où elles sont les plus fragiles alors
que la plante cultivée n'est pas encore trop exposée, mais jusqu'à présent, en
fait, c'est... il semble que ces alternatives ne se soient pas révélées aptes à
concurrencer l'utilisation des herbicides du point de vue des coûts...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député...
M. Debailleul (Guy) : ...et
puis certaines cultures se prêtent mal à un désherbage mécanique.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. le député de Bourget.
M. Campeau : Vous avez aussi
insisté sur le fait que la formation a peu changé, n'a peut-être pas suivi les
besoins. Si vous aviez à la changer, avez-vous des... quelque chose à nous
proposer là-dessus?
M. Debailleul (Guy) : ...
Le Président (M. Lemay) : M.
Debailleul.
M. Debailleul (Guy) :
Excusez-moi, M. le Président. Je faisais allusion au principe ou au concept
d'agroécologie, qui a amené, par exemple, les... le gouvernement français par
exemple, à prescrire à l'ensemble de ses lycées agricoles de réviser leur
programme de formation à la lumière de ce concept. L'INRA, qui a revu
complètement ses programmes de recherche, aussi. Vous avez en ligne un
classement des 40 universités américaines qui ont les meilleurs programmes de
maîtrise en agroécologie.
Alors, qu'est-ce qu'on entend par
l'agroécologie? C'est une façon d'envisager les relations entre la plante et
l'environnement sous l'ensemble de ces dimensions, pas seulement l'interaction
d'un intervenant extérieur comme un pesticide ou un engrais, mais l'ensemble
des fonctions, en quelque sorte, qui sont mobilisées par la croissance de la plante.
Et il faut bien reconnaître qu'au Canada
on a, pour le moment, un seul programme de premier cycle, au Manitoba, qui est
fondé sur l'agroécologie, et puis, à l'Université Laval, il y avait simplement
une école d'été de cinq jours, jusqu'à présent. Alors, je pense que le doyen va
vous annoncer demain qu'il y a en préparation un programme de maîtrise en
agroécologie, mais peut-être qu'on pourrait penser qu'avant d'aller à la
maîtrise en agroécologie il faudrait commencer par les programmes de premier
cycle et puis aussi les programmes du collégial.
Le Président (M. Lemay) : Sur
ce, M. le député de Bourget.
M. Campeau : Une dernière
question, commentaire, là, c'est... Peut-être la formation n'a pas changé, mais
les acheteurs sont beaucoup plus sensibilisés. Alors, la formation des gens...
Ce n'est pas de la formation, dans ce cas-là, mais ce sont les gens qui se
préoccupent beaucoup plus de ce qu'ils mangent, et je pense que les médias
jouent un grand rôle là-dedans en nous donnant de l'information.
On critique parfois les médias, mais il y
a des fois... On devrait quand même reconnaître que, s'ils n'avaient pas mis
ces sujets-là de l'avant, on ne serait peut-être pas aujourd'hui ici pour en
parler.
Le Président (M. Lemay) : M. Saint-Pierre,
peut-être?
M. Saint-Pierre (Michel) :
Non. Je trouve que la remarque est très pertinente, effectivement. La société
change, les attentes des consommateurs changent également, et il y a des
tendances aussi qu'on observe. Il y a une agriculture qui... en fait, qui
travaille fort pour développer à côté de ce qu'on fait maintenant.
• (16 h 50) •
Je dirais... J'ajouterais : Depuis 50
ans, on n'a pas changé notre modèle, là. C'est surtout ça, la question, c'est
qu'on a mis en place des politiques, il y a une cinquantaine d'années, et ces politiques-là
nous amènent là actuellement, et la dernière fois qu'on a porté un regard sur
l'avenir, c'était à la Commission sur l'avenir de l'agriculture, qu'on a vite
fait d'enterrer. Alors, le rapport, entendons-nous, là...
M. Saint-Pierre (Michel) :
...on n'a pas changé notre modèle, là. C'est surtout ça, la question, c'est
qu'on a mis en place des politiques, il y a une cinquantaine d'années, et ces
politiques-là nous amènent là actuellement, et la dernière fois qu'on a porté
un regard sur l'avenir, c'était à la Commission sur l'avenir de l'agriculture,
qu'on a vite fait d'enterrer. Alors, le rapport, entendons-nous, là, mais c'est
la dernière fois qu'on a fait un exercice qui était justement pour dire :
Où allons-nous? Et si je regarde un peu du côté éducation, j'ai encore
l'impression qu'on enseigne ce qu'on fait et non pas ce qu'on devrait faire.
Le Président (M. Lemay) :
Alors...
M. Campeau : ...un vocabulaire
adapté. «Enterrer un rapport», c'est vraiment très bien.
M. Saint-Pierre (Michel) :
Bien oui.
Le Président (M. Lemay) :
Donc, sur ce, M. le député de Bourget, je cède maintenant la parole au député
de Dubuc. La parole est à vous.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Bonjour. Je vous salue... messieurs, à vous et l'organisation.
Dites-moi, première question, on parle d'éducation, d'enseignement, on a un
certain retard, est-ce que vous croyez qu'on aurait le potentiel pour déployer
des formations sur des niches, mais en région aussi? Ma collègue députée a fait
allusion à... cet avant-midi, à... j'oublie le terme, mais, en fait, à toute
l'information pertinente pour monter une formation en question.
Le Président (M. Lemay) :
M. Debailleul.
M. Debailleul (Guy) : Alors,
je pense que, quand on parle de formation, effectivement, on... ça ne nous
concerne pas seulement, les agronomes ou les chercheurs, ça concerne les agriculteurs,
ça concerne tous les intervenants. Donc, effectivement, ça doit s'envisager à
tous les niveaux de formation, et, en particulier, ça ne doit pas être limité
aux facultés d'agriculture, mais à toutes les institutions en région qui
contribuent à la formation des intervenants en agriculture.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Dubuc.
M. Tremblay : Dites-moi, sur
le volet apiculture, vous signifiez que les larges zones de type monoculture
ont des incidences. On en a parlé cet avant-midi. Est-ce que vous croyez...
Tantôt vous avez fait allusion à du génie rural. Est-ce qu'il serait une
priorité d'accentuer l'encadrement? Est-ce que c'est aussi une possibilité,
d'accentuer l'encadrement de zonage ou territorial pour davantage protéger les
apiculteurs?
Le Président (M. Lemay) :
M. Debailleul.
M. Debailleul (Guy) : Alors,
je ne suis pas un spécialiste de l'apiculture, puis on a beaucoup raisonné sur
les liens entre l'utilisation des pesticides et la disparition des abeilles. On
sait qu'il y a un certain nombre d'années, on mettait aussi en cause la
diffusion d'un virus, le varroa, qui était responsable d'une bonne partie de la
mortalité. Il y a un certain nombre d'études qui établissent... qui tentent
d'établir des liens entre l'utilisation des pesticides et la diminution du
nombre d'insectes pollinisateurs. On peut aussi... indirectement, on y a fait
allusion, on peut aussi se demander si une partie de la disparition n'est pas
liée à la disparition de leur alimentation. C'est-à-dire, si vous trouvez des
zones dans lesquelles vous ne trouvez que du maïs ou du soja, ça ne donne pas
grand-chose à manger aux abeilles. Donc, là encore, on revient à la nécessité
de revoir notre modèle agricole.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Tremblay : Dites-moi, vous
présentez un portrait chronologique, statistique, historique peu reluisant au
Québec par rapport aux autres provinces, dans le mémoire. Le plaidoyer est
assez expéditif aussi. Vous faites allusion, à quelques reprises, des
monocultures, soja, maïs, sans nécessairement vous avancer sur d'autres
contraintes majeures. Est-ce que vous pourriez aller un petit peu plus loin
dans ce qui est une incidence, ou plutôt une réalité contraignante par rapport
à nos résultats en matière d'utilisation de pesticides au Québec?
Le Président (M. Lemay) :
M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
L'agriculture qu'on a aujourd'hui est celle qu'on a orientée, que les
programmes gouvernementaux... On a voulu, par exemple, développer ces
productions-là à un certain moment avec un incitatif très fort qui était
l'assurance stabilisation. Et on y est allé dans cette direction-là. Le
problème, c'est que ça fait 40 ans que ça... et là notre production ne
s'est pas diversifiée. Il n'y a pas eu d'incitatif, non plus, très, très fort à
diversifier ces productions-là. Donc, on retrouve véritablement comme deux
agricultures. Et l'autre jour j'en parlais, de la Montérégie, il y a comme deux
Montérégie. Il y a celle du maïs, soja qu'on voie quand on se promène sur la
route 20, puis il y a également celle du jardin, de Montréal, qui se
trouve à l'ouest avec Sherrington. C'est deux réalités tout à fait différentes.
Mais entre les deux, il y aurait peut-être eu possibilité, puis encore
aujourd'hui, de faire un peu plus de variété, de diversité. Il y a d'autres
productions...
M. Saint-Pierre (Michel) :
...qui se trouve à l'ouest avec Sherrington, c'est deux réalités tout à fait
différentes. Mais, entre les deux, il y aurait peut-être eu une possibilité,
puis encore aujourd'hui, de faire un peu plus de variété, de diversité, il y a
d'autres productions qui existent ailleurs et pour lesquelles l'industrie
mondiale est en grande demande, les lentilles, les pois, les fèves blanches, le
canola, évidemment, ça demande des infrastructures, mais on a mis des infrastructures
qu'il fallait pour le maïs, on pourrait peut-être aussi commencer avec les infrastructures
pour faire autre chose. Alors, c'est véritablement les politiques qui nous
amènent dans cette situation-là, mais le grand problème, c'est qu'elles n'ont
jamais été révisées.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
M. le député de Dubuc. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
M. le Président. Bien, j'ai aimé la dernière intervention, vous parlez d'un
modèle de 40 ans, une monoculture intensive, vous parlez... on n'a pas
travaillé, ou il ne s'est pas fait de développement au niveau des autres...
essayer de trouver des niches d'autres cultures. Mais, moi, en région et pour
avoir fait le tour de beaucoup de régions, puis je parle des régions plus au
nord, des régions que je dirais boréales, tiens, hein, c'est à la mode, il
s'est quand même développé, entre autres des petits fruits, beaucoup de
nouveautés. Il s'est quand même développé des cultures en termes... au niveau
du lin, il y a bien des choses, la gourgane, qui se sont développées.
Là, vous y allez avec un modèle, mais
j'aimerais vous entendre, avez-vous été un petit peu plus ailleurs en région?
Parce qu'il semble y avoir une distorsion dans le Québec, on parle beaucoup de
concentration dans certains secteurs, puis là je l'entends depuis hier, mais il
y a tout le reste des régions aussi qui sont plus au nord, où est-ce qu'il y a
aussi de la production animale. J'aimerais vous entendre là-dessus, quand on a
des productions animales, ça n'a pas juste des inconvénients, ça, ça a des
avantages sûrement.
Le Président (M. Lemay) : M.
Debailleul.
M. Debailleul (Guy) : Je suis
tout à fait content de votre observation, parce que, d'une part, ça permet de
mettre un peu plus l'accent sur le fait que la problématique des pesticides,
c'est la problématique d'un certain type d'agriculture, enfin, surtout si on
parle des herbicides en tant que tels, c'est la problématique de certaines
grandes cultures. Dans certaines régions, effectivement, on a développé un
certain nombre de cultures différentes, bon, parce qu'entre autres on ne
pouvait pas faire de maïs. Et il faut bien reconnaître que ces cultures, les agriculteurs
les ont lancées sans beaucoup de soutien de la part des programmes agricoles...
ils n'étaient pas dirigés vers la diversification.
Et c'est d'autant plus important de
signaler ça que ces régions, si on se place dans une perspective de changements
climatiques, vont probablement être aussi des régions dans lesquelles la
diversification des productions agricoles va être encore plus possible et...
mais encore faut-il qu'on s'y prépare. On a tendance à dire, l'agriculture
québécoise pourrait être une de celles en Amérique du Nord qui pourrait tirer
le mieux son épingle du jeu dans la perspective de ces changements, si on se
réfère au scénario climatique d'Ouranos, par exemple.
Le Président (M. Lemay) : M.
Debailleul, je dois vous interrompre puisque cette période d'échange est
maintenant terminée. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président, Messieurs, mais si vous voulez terminer votre
phrase, n'hésitez pas.
M. Debailleul (Guy) : Mais,
alors, si on veut s'y préparer, il faut le faire dès maintenant, c'est-à-dire
qu'il faut penser, dès maintenant, au type de culture que l'on va pouvoir
promouvoir dans 20 ans ou 25 ans. Il faut préparer les programmes de formation à
la destination de l'ensemble des intervenants, etc.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Je vais aller sur des points spécifiques de vos recommandations, en
fait, puis vous en avez parlé beaucoup de la question de la formation
agroécologique. À qui, selon vous précisément, devrait s'adresser cette formation?
Quand vous dites «ajouter de la formation au niveau des collèges, au niveau des
universités», vous parlez de quel corps...
M. Debailleul (Guy) : ...se
destinent à l'activité agricole et de ceux... à devenir des agriculteurs et
puis de ceux qui vont intervenir dans le conseil agronomique à quelque niveau
qu'il soit.
Mme Montpetit : Donc, on parle
des agriculteurs, des producteurs et des agronomes, c'est ce que je comprends
si on le résume. Parfait. Vous avez, dans vos recommandations aussi, une recommandation
qui se lit comme suit, là, que «le MAPAQ ouvre ses programmes de soutien
financier à d'autres productions agricoles afin de ramener une plus grande
diversité de culture dans les régions de monoculture plus grandes utilisatrices
de pesticides». Votre recommandation, quelle est-elle exactement? Comment
vous... parce qu'elle n'est pas déclinée, on n'a que cette phrase-là. Qu'est-ce
que vous entendez par cette recommandation?
• (17 heures) •
Le Président (M. Lemay) : M.
Saint-Pierre...
17 h (version non révisée)
Mme Montpetit : ...afin de
ramener une plus grande diversité de culture dans les régions de monoculture,
plus grandes utilisatrices de pesticides.
Votre recommandation, quelle est-elle exactement?
Comment vous la... Parce qu'elle n'est pas déclinée, on n'a que cette
phrase-là. Qu'est-ce que vous entendez par cette recommandation?
Le Président (M. Lemay) :
M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
Les programmes de soutien gouvernementaux, jusqu'à présent, ont été axés sur
des productions très définies, et c'est... ça a donné un résultat très précis,
ce sont les productions qui ont connu un essor particulier. Ce qu'on voudrait à
cet égard-là, c'est qu'on répartisse différemment les soutiens et qu'on
encourage à la fois des nouvelles productions qui occuperaient... qui occupent déjà,
parce que vous en avez parlé tout à l'heure, certaines parties, mais évidemment
pour lesquelles des développements sont possibles, et qu'on fasse un peu aussi
un soutien qui est beaucoup plus global à l'agriculture, et non pas sur une production
définie. C'est un... J'ai écrit un rapport sur le sujet. Quand on soutient une production,
elle se développe. Mais, si on n'arrête pas de la soutenir, elle va faire de
l'embonpoint un peu, c'est un peu ce qu'on fait nos productions actuellement en
grandes cultures, un peu d'embonpoint. Et tout ça parce qu'évidemment les
argents, et des fortes sommes étaient destinées.
Alors, lorsqu'on parle de réorienter
certains soutiens, ça peut être aussi pour des périodes de transition vers une
autre production. On l'a fait, mais, je pense, assez modestement, du côté
biologique, ça a été... c'est un exemple. Mais décloisonnons le soutien à
l'agriculture. Le Québec n'a pas été avare du côté des soutiens en dollars, le
Québec a soutenu l'agriculture plus que n'importe quel autre... en fait,
gouvernement pancanadien, d'est en ouest. Alors, on a été, donc, un...
historiquement, une des provinces qui a... la province, en fait, qui a le mieux
soutenu son agriculture. Maintenant, le constat que j'ai fait, c'est : On
ne l'a pas nécessairement bien soutenu. Voilà.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Parfait.
Vous avez abordé dans votre présentation aussi toute la question des
dénonciations qui ont été faites par M. Louis Robert sur les questions
d'indépendance de la recherche, ce qui a été beaucoup au coeur des débats des
derniers mois. Est-ce que, de votre point de vue à vous, là, de votre lecture,
vous évaluez que la recherche qui est faite à l'heure actuelle, elle est
teintée, justement, par des acteurs externes?
M. Debailleul (Guy) :
Écoutez, il y a, d'une part, la recherche qui est menée dans le cadre
universitaire et qui, pour une bonne part, est financée à même les grands fonds
de financement de la recherche. On peut dire que, là, l'influence, j'allais
dire, du secteur privé est peut-être plus limitée, encore qu'elle n'est pas
totalement absente. Puis il y a la recherche qui se mène dans les centres de
recherche appliquée mis en place par le ministère de l'Agriculture dans le
cadre des années 90. On a évoqué le CEROM, on a évoqué l'IRDA.
Il y avait un souci de la part du MAPAQ à
l'époque dans la mise en place de ces centres, c'est, d'une part, de rapprocher
en quelque sorte ces centres du milieu agricole, de s'assurer que les
recherches qui se menaient répondaient aux besoins des producteurs agricoles,
et puis aussi éventuellement le constat que... enfin, ou l'idée que, puisque
les agriculteurs étaient les principaux bénéficiaires des résultats de la
recherche, ils pouvaient être aussi associés à son financement. À mon avis, ça
procède peut-être un peu d'une erreur dans le sens où la recherche agricole
n'est pas seulement une recherche visant à répondre aux problèmes des
agriculteurs, mais c'est aussi un bien public, ça concerne l'ensemble de la
société. Et on a cru bon, pour ce faire, de faire entrer dans les conseils
d'administration de ces centres des représentants du secteur privé.
Moi, j'ai eu l'occasion de siéger sur
certains de ces conseils d'administration quand j'étais vice-doyen de la
faculté et j'ai pu effectivement noter que, bon, certains représentants du
secteur privé se montraient très véhéments vis-à-vis de certaines orientations.
Ce qui m'amène à penser que c'est important que ces centres de recherche
restent à l'écoute des préoccupations et des besoins du milieu, mais ça ne
passe pas forcément, pour moi, par la présence d'effectifs, éventuellement,
même à des postes décisionnels...
M. Debailleul (Guy) : ...ce qui
m'amène à penser que c'est important que ces centres de recherche restent à
l'écoute des préoccupations et des besoins du milieu, mais ça ne passe pas
forcément pour moi par la présence effective, éventuellement même à des postes
décisionnels, dans les conseils d'administration des représentants du secteur
privé.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. C'est très clair. Puis je suis bien contente d'avoir votre opinion
là-dessus, parce que c'est un des volets, justement, auxquels on s'adresse dans
notre mandat d'initiative, sur toute la question de l'indépendance de la
recherche.
J'aurais une dernière question, que j'ai
posée aussi à l'ensemble des groupes qui se sont présentés, à savoir :
Est-ce que, un, vous... Est-ce que nous disposons de l'information complète sur
les effets des pesticides sur la santé au Québec? Est-ce qu'on a cette
information-là, à votre avis? Est-ce qu'on est capables de prendre les
décisions nécessaires avec l'information dont on a? Et, si votre réponse est
non, est-ce que, justement, vous jugez qu'il serait nécessaire de faire une
étude épidémiologique sur les risques toxicologiques des pesticides?
Le Président (M. Lemay) : M.
Debailleul.
M. Debailleul (Guy) : Je pense
que les citoyens du Québec sont actuellement bénéficiaires d'une quantité
importante d'information, mais je ne suis pas sûr qu'ils aient la capacité de
départager le plus sérieux et le moins sérieux dans l'ensemble de ces études,
parce qu'il y a en fait encore un certain nombre de recherches qui devront être
poursuivies.
Permettez-moi de dire qu'à titre
personnel, par exemple, étant grand-père d'un petit enfant autiste, je réagis
très violemment à des études qui semblent établir un lien entre autisme et
utilisation des pesticides. On le fait comme on l'a fait il n'y a pas si
longtemps entre l'autisme et le recours à certains vaccins. Simplement pour
dire que, finalement, peut-être qu'on a beaucoup d'informations, mais on a
encore aussi beaucoup de prudence à avoir avec l'utilisation de certaines de
ces informations. J'ai entendu les représentants de l'institut de la santé
publique dire qu'effectivement ils ne menaient pas de recherches eux-mêmes,
mais il y a beaucoup de recherches qui se mènent un peu partout. Le tout, c'est
de départager, en fait, les résultats de ces recherches entre ce qui reste
incontestable et ce qui ne l'est pas encore, tout à fait établi.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée, ça va? Parfait. Merci beaucoup. Donc, nous allons maintenant céder
la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci à vous d'être là, c'est extrêmement
intéressant. Vous êtes les premiers à nous parler... J'aimerais revenir aussi
sur la diversité des cultures, parce que vous êtes les premiers à nous amener
ça comme élément de solution à l'utilisation des pesticides. On sent, là aussi,
un peu l'esprit du rapport Pronovost, que vous avez évoqué tout à l'heure, de
diversifier notre agriculture et avoir une agriculture qui est plus plurielle.
Puis j'aimerais encore vous entendre entre, justement, le lien qu'on peut faire
de l'application des pesticides dans les monocultures... Ce que je comprends,
c'est qu'avec une agriculture plus plurielle puis plus diversifiée, il y aurait
moins d'utilisation de pesticides, à votre avis?
Le Président (M. Lemay) : Alors,
M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
L'utilisation des pesticides n'est pas égale d'une production à l'autre, loin
de là. Et ce que je mentionnais au début, c'est que la plus vieille pratique
pour réduire l'utilisation des pesticides — et à l'époque, on ne la
connaissait même pas — c'était la rotation des cultures. On ne
faisait pas 10 années de suite de pommes de terre sur le même lot, parce qu'on
savait que le doryphore était pour s'en emparer instantanément. Il fallait donc
trouver des moyens de faire ça. Et donc ce n'est pas une solution magique, mais
c'est une façon importante de réduire l'utilisation, ne pas... On ne niera pas
qu'il existe encore des moments où, de façon très précise, on va pouvoir les
utiliser, mais on sait par ailleurs, parce que les informations sont beaucoup
plus à jour, qu'on n'est plus comme auparavant dans l'approche : On va le
faire au cas où.
Le Président (M. Lemay) :
Simplement, Mme la députée, allez-y, poursuivez avec une autre question.
• (17 h 50) •
Mme Lessard-Therrien : Bien,
au niveau de la rotation des cultures, on a visité une ferme qui est certifiée
biologique, et qui faisait beaucoup de lutte intégrée, puis qui faisait la
rotation des cultures, mais en restant encore entre la rotation maïs, soya, blé
et une autre culture de couverture, là, soit des pois ou quelque chose comme
ça, mais...
M. Saint-Pierre (Michel) :
...au cas où.
Le Président (M. Lemay) :
...simplement... Mme la députée, allez-y, poursuivez avec une autre question.
Mme Lessard-Therrien : ...au
niveau de la rotation des cultures, on a visité une ferme qui est certifiée
biologique et qui faisait beaucoup de lutte intégrée puis qui faisait la
rotation des cultures, mais on restait encore entre la rotation maïs, soya, blé
et une autre culture de couverture, là, soit des pois ou quelque chose comme
ça, mais, à ce que j'entends, c'est qu'il faudrait se diversifier, même dans le
type d'agriculture qu'on fait, non seulement dans la rotation, mais aussi dans
le type de culture.
Le Président (M. Lemay) : M.
Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) : Absolument.
Je pense qu'il faudrait regarder ça. Dans ce secteur-là, par exemple, le côté
légumes de transformation est une alternative intéressante, pas largement
utilisée, mais quand même il y en a qui le font, et c'est une voie d'amener un
peu plus de diversité.
Il y a, bien sûr, je dois mentionner également,
tout le côté lentilles, pois, fèves, qui... Quand on va dans l'Ouest canadien,
on s'aperçoit que ça devient des productions extrêmement importantes et qui se
destinent à des marchés... Notamment, le marché du Maghreb est un grand
utilisateur de lentilles. Donc, il y a des avenues, là. On peut arrêter d'être
campé sur ce qu'on faisait hier et on va faire demain. Nous...
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
...qu'on dit, c'est : Essayons de trouver des façons de faire autre chose.
Le Président (M. Lemay) : Je
dois vous interrompre à ce stade-ci pour céder maintenant la parole au député
de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Ce n'est pas toujours évident de passer le dernier, hein? Ça prend
de l'imagination.
Vous avez soulevé tout à
l'heure — je vais le dire en mémo, là — une forme de
favoritisme en termes d'investissements pour soutenir certains types de
production où l'État priorisait certains types de... bon, de production
agricole. Lesquels et pour quel marché?
Le Président (M. Lemay) : M.
Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre (Michel) :
...lorsqu'on a créé des programmes, on a voulu... On appelait ça un programme
de soutien, mais ça a été aussi largement utilisé comme programme de développement.
On était à une époque, si on remonte presque 50 ans en arrière... en tout cas,
40, au moins, on était à une époque où on sortait de la ferme mixte, de la
ferme familiale, et le mot d'ordre, c'était : Spécialisons-nous.
Dans le domaine des grandes cultures, la
priorité a été mise rapidement sur le maïs, grain... bon, un maïs
d'alimentation animale pour lequel on était dépendant des marchés extérieurs.
Ça a été, on peut dire, la première avec un succès assez phénoménal. Il y a eu
un développement extraordinaire de cette production-là dans la zone qui le
permet, une zone où les unités thermiques sont assez élevées.
Par la suite, on s'est dit : Oh! ça a
marché, on va le faire sur autre chose également. On a introduit — et
heureusement — le soya ou le soja, selon qu'on est Français ou
Québécois. On a introduit ça, heureusement, pour avoir une culture alternative
et éviter le compactage des sols, qui devenait très problématique.
Mais ces programmes-là ont été mis en
place à peu près à chaque fois pour développer quelque chose. On l'a fait dans
la production bovine également, et le succès a été là. Le problème, c'est qu'on
était il y a 40 ans, puis on est encore à la même place.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Roy
: ...on n'a pas
évolué à ce niveau-là. Question... bon, ou une inquiétude, le ministre
Fitzgibbon, via un projet de loi, va probablement rapatrier une partie de la
recherche dans son ministère et associer les objectifs de la recherche à des
impératifs économiques.
On parle d'indépendance des groupes de
recherche, on parle de l'autonomie des chercheurs et là... Bon, j'ouvre une
autre discussion, mais éventuellement il va falloir regarder ça de très près pour
protéger l'indépendance des chercheurs au niveau universitaire via les
pressions du marché ou de certaines institutions... organisations, je dirais,
de production de pesticides, entre autres.
Le Président (M. Lemay) :
C'est... Je ne sais pas si on peut répondre très brièvement. Le temps est déjà
écoulé. Peut-être cinq secondes. Allez-y.
M. Debailleul (Guy) : Bien, je
pense qu'effectivement il faut être très sensible à ça et surveiller ça de
près.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux, M. Saint-Pierre, M.
Debailleul.
Je suspends maintenant quelques instants
pour permettre aux représentants de l'Association des producteurs maraîchers du
Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 16)
Le Président (M. Lemay) :
alors, nous reprenons les travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Association des producteurs maraîchers du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent,
puis vous pourrez procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. St-Denis (Jocelyn) : Merci,
M. le Président, mesdames et messieurs les députés et membres de la commission.
Je suis Jocelyn St-Denis, directeur général de l'Association des producteurs
maraîchers du Québec. Je travaille depuis près de 20 ans auprès de
producteurs maraîchers. Je suis accompagné de Mme Elisabeth Fortier, agronome
pour l'APMQ, responsable pour la phytoprotection. Fille de producteurs
horticoles, elle détient une maîtrise en biologie végétale. M. Guillaume
Cloutier, agronome et copropriétaire d'une entreprise maraîchère en Montérégie
qui depuis 2008 a diminué de 81 % l'indice de risque pour l'environnement
dans sa production d'oignons et d'échalotes françaises.
L'APMQ regroupe les principaux producteurs
maraîchers et horticoles du Québec. Elle constitue une force notable, puisque
plus de 80 % de la production maraîchère du Québec provient de ses membres. Le
rôle de l'APMQ est d'offrir des services relatifs à la production. Parmi ces
services, on compte de l'appui à la recherche et au développement
technologique, de la représentation en vue d'influencer de manière positive et
efficace la mise en marché et l'instauration de programmes de promotion des
fruits et légumes du Québec, entre autres à travers notre campagne
mangezquebec.com.
D'entrée de jeu, nous souhaitons saluer le
travail des membres de cette commission qui, à leur initiative, ont décidé
d'examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l'environnement,
tout en maintenant la compétitivité du secteur agroalimentaire. En ce sens,
l'APMQ est d'avis que l'utilisation des pesticides doit faire partie d'un
programme complet de lutte antiparasitaire basé sur les trois étapes de la
lutte intégrée, soit : Prévenir : en utilisant des techniques simples
et éprouvées. Cette étape est la clé afin de devancer les problèmes.
Suivre : suivre son champ afin de dépister les menaces à temps. Et guérir
: en utilisant des techniques alternatives lorsque disponibles et, en derniers
recours, en utilisant des pesticides.
Afin d'introduire les recommandations de
l'APMQ, permettez-nous de vous présenter brièvement les caractéristiques de
notre secteur de production, les raisons de l'utilisation des pesticides et les
pratiques agricoles innovantes déjà en place grâce à la recherche. Nous
terminerons notre présentation par sept propositions de solution visant à
réduire les risques liés à l'utilisation des pesticides.
Le Québec est la deuxième province
productrice de fruits et légumes en importance au Canada après l'Ontario.Le secteur opère
dans un environnement de marché ouvert, sans protection commerciale. Ainsi,
nous souhaitons faire valoir aux membres de la commission l'importance pour les
producteurs maraîchers du Québec de pouvoir demeurer compétitifs face à leurs
principaux concurrentsnationaux
et internationaux. C'est en effet primordial pour assurer la production
d'aliments locaux dans le but d'approvisionner les marchés.
L'APMQ croit qu'il importe de maintenir un
équilibre le maintien de la sécurité alimentaire du Québec, c'est-à-dire
l'innocuité, le coût et la disponibilité des produits, et les mesures visant à
réduire l'utilisation de pesticides en production maraîchère. M. Cloutier.
M. Cloutier (Guillaume) : Les
pesticides sont des outils essentiels pour lutter contre les ennemis des
cultures. Du semis jusqu'à la récolte, un producteur maraîcher doit suivre
plusieurs insectes et plusieurs maladies qui ont la capacité de détruire un
champ entier, en plus des mauvaises herbes qui compétitionnent la culture.
Certains de ces ravageurs sont présents durant toute la saison et il ne suffit
que d'une erreur dans la surveillance ou le contrôle pour observer des
conséquences.
• (17 h 20) •
Heureusement, la prévention, un
dépistage...
M. Cloutier (Guillaume) : ...du
semis jusqu'à la récolte, un producteur maraîcher doit suivre plusieurs
insectes et maladies qui ont la capacité de détruire un champ entier en plus
des mauvaises herbes qui compétitionnent la culture. Certains de ces ravageurs
sont présents durant toute la saison, il ne suffit que d'une erreur dans la
surveillance ou le contrôle pour observer des conséquences. Heureusement, la
prévention, un dépistage rigoureux, l'expertise des conseillers agricoles, des
pratiques agroenvironnementales exemplaires et l'utilisation de pesticides en
dernier recours permettent d'assurer l'atteinte d'un rendement acceptable et
d'une qualité commercialisable. Je vais passer la parole à M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) : Les
pesticides représentent des risques, et un mauvais usage peut entraîner des
problèmes de santé et environnementaux et les rendre inefficaces dû au
développement de la résistance. Pour toutes ces raisons, les producteurs
maraîchers sont proactifs depuis déjà plusieurs décennies. Un usage approprié,
soit la bonne dose au bon moment et seulement lorsque nécessaire, est de plus
en plus la norme dans le secteur maraîcher.
Aussi, les producteurs maraîchers ont
contribué, il y a plus de 25 ans, à la création des clubs d'encadrement
technique, précurseurs des services-conseils indépendants aujourd'hui reconnus.
Récemment, ils ont aussi mis en place à leur initiative le Pôle d'excellence en
lutte intégrée. En fondant ce pôle, les producteurs et intervenants du secteur
maraîcher ont concrétisé le souhait de travailler dans un climat de
collaboration et de faire de la lutte intégrée une priorité sectorielle. Mme
Fortier.
Mme Fortier (Elisabeth) :
Comme vous le savez, le Canada et le Québec disposent déjà de nombreuses règles
encadrant l'homologation et l'utilisation des pesticides. Le Québec est une
province progressiste en ce qui a trait à la gestion de la phytoprotection,
avec de nombreux outils à la disposition des conseillers et des producteurs, on
peut penser notamment au registre d'utilisation des pesticides, au Réseau d'avertissements
phytosanitaires, aux services-conseils indépendants en partie subventionnés, à
des logiciels d'aide à la décision, tel que SAgE Pesticides et IRIIS
phytoprotection, et à la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture.
En plus de cet encadrement, l'APMQ
encourage l'adoption de pratiques agricoles limitant le recours aux pesticides
en utilisant des approches de prévention à la ferme et des solutions
alternatives, comme par exemple l'utilisation des mouches stériles et le
développement de plantes résistantes aux ravageurs.
Ces pratiques et solutions alternatives et
innovantes sont cependant le résultat d'efforts financiers importants de la
part des producteurs maraîchers. De nombreuses autres problématiques
nécessiteraient davantage de recherches, mais les moyens financiers sont
malheureusement insuffisants.
M. St-Denis (Jocelyn) : S'il
demeure toujours difficile de réduire le recours aux pesticides chez les
producteurs maraîchers, c'est notamment dû au manque de disponibilité de produits
et de méthodes alternatives et efficaces, au manque de soutien financier et
agronomique ainsi qu'aux modes de production établis mondialement pour répondre
à la volonté des détaillants et des consommateurs.
Actuellement, la Stratégie phytosanitaire
québécoise en agriculture est un pas dans la bonne direction, mais elle ne
dispose pas, à notre avis, de moyens suffisants. Il faut passer en deuxième
vitesse. Pour aller plus loin et plus vite, l'APMQ présente sept pistes de
solution.
Premièrement, l'APMQ recommande d'investir
davantage en recherche publique dans le secteur maraîcher. Il existe plus de 80
cultures différentes, et chaque culture fait face à des dizaines d'ennemis
potentiels. La recherche actuelle ne couvre qu'une faible partie des besoins.
Deuxièmement, il est nécessaire que les
producteurs aient accès à tous les nouveaux produits plus efficaces et moins
impactants pour la santé et l'environnement. À cet effet, le gouvernement du
Québec doit interpeller les autorités fédérales afin qu'elles harmonisent les
protocoles d'homologation des pesticides et biopesticides avec ceux des
États-Unis.
Troisièmement, il faut pouvoir accroître
l'offre de services-conseils indépendants. Il faut non seulement la
subventionner davantage, mais aussi s'assurer qu'elle soit disponible.
Quatrièmement, il faut étendre la
disponibilité des biopesticides et pesticides à faibles risques à d'autres
cultures. Les efforts consentis ces dernières années doivent être maintenus à
long terme pour garantir l'accès aux producteurs à de nouveaux produits. L'aide
financière accordée par le MAPAQ au secteur horticole doit être pérennisée en
ce sens.
Cinquièmement, il faut pouvoir se donner
les moyens de soutenir financièrement l'adoption de techniques de lutte
alternative et les pratiques innovantes. Le coût d'achat, d'installation, de
services-conseils et l'accompagnement financier dans la gestion du risque
doivent être inclus dans ce soutien.
Sixièmement, l'APMQ recommande aussi de
mettre en place des plans d'action pour circonscrire les deux ou trois risques
les plus importants. À ce sujet, il faut utiliser la règle du 80-20 et
déterminer les actions qui auront le maximum d'impact. Par exemple, selon le
conseil de défense des cultures de la Grande-Bretagne, de 40 % à 70 %
de la contamination des eaux de surface par les pesticides provient des
lieux...
M. St-Denis (Jocelyn) : ...les
plus importants. À ce sujet, il faut utiliser la règle du 80-20 et déterminer
les actions qui auront le maximum d'impact. Par exemple, selon le conseil de
défense des cultures de la Grande-Bretagne, de 40 % à 70 % de la
contamination des eaux de surface par les pesticides proviennent des lieux où
les utilisateurs préparent les bouillies et remplissent le matériel de
pulvérisation.
Enfin, il faut poursuivre l'amélioration
des pratiques agricoles de conservation des sols. En effet, l'amélioration de
ces pratiques réduit l'impact de la production agricole sur la qualité de l'eau
et sur la biodiversité.
L'APMQ est convaincue que la mise en
place en place de ces sept propositions permettra de diminuer les risques liés
à l'utilisation des pesticides. Elle favorisera également un environnement
propice et concurrentiel dans lequel les producteurs maraîchers du Québec
pourront satisfaire les besoins des consommateurs pour des produits locaux,
abordables et sécuritaires.
Nous sommes maintenant disposés à répondre
à vos questions. Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup pour votre exposé. Donc, je cède maintenant la parole au député
de Bourget pour cette intervention.
M. Campeau : Merci, M. le
Président. Merci de votre présentation. M. St-Denis, j'ai bien aimé comme vous
avez parlé de prévenir, suivre et guérir, là. Je pense que, si tout le monde
fait ça, on va déjà utiliser moins de produits. Vous avez aussi parlé
d'homologation. Pouvez-vous m'en parler un petit peu plus, là, qu'est-ce qu'il
y a de différent dans une homologation québécoise? Est-ce que vous parlez d'une
homologation québécoise, est-ce que vous parlez au niveau canadien?
L'harmonisation avec les États-Unis, qu'est-ce que ça veut dire exactement?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. St-Denis, en vous rappelant que vous pouvez céder la parole à
quelqu'un d'autre, il n'y a aucun problème. Allez-y.
M. St-Denis (Jocelyn) : Merci.
Il y a deux processus... Quand un producteur un... dans l'industrie veulent
présenter une nouvelle molécule pour mettre en marché dans un... pour répondre
à une solution, il y a... le processus ou... pour aux États-Unis et au Canada,
c'est deux processus parallèles différents et distincts. Donc, la personne de
l'industrie doit mesurer l'impact économique de passer à travers le processus.
Donc, ça coûte des millions pour mettre en place des nouvelles molécules, et
ils doivent mesurer le retour économique qu'ils ont. Alors, aux États-Unis, on
comprend bien que la population est plus grande, que les surfaces de culture
sont plus grandes, donc c'est un marché qui est très attrayant pour l'industrie
des pesticides. Par contre, au Canada, bien, on est beaucoup plus petits, on a
moins de clients potentiels, si on veut, et, pour cette raison, des produits,
nouvelle technique, nouvelle technologie bien développée aux États-Unis ne
passent pas le processus d'homologation au Canada parce que le producteur de
l'industrie ne veut pas investir ces fonds-là pour le Canada, alors ces
produits-là ne nous sont pas disponibles à nous.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Ce qui
sous-entend qu'il faudrait partager l'information avec les États-Unis, ce qui
n'est peut-être pas une mauvaise chose à partir du moment où ils veulent bien
le faire.
M. St-Denis (Jocelyn) :
C'est... Ce sont les demandes du secteur horticole pancanadien de regarder à
des moyens pour que l'homologation soit plus facile dans les deux parties, les
deux côtés de la frontière.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Vous avez aussi
mentionné que, comme association, vous appuyez la recherche et développement,
ce qui sous-entend que vos membres donnent un appui financier, dans certains
cas, de recherche et de développement. Est-ce que j'ai bien compris?
Le Président (M. Lemay) : M.
St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) :
Présentement, notre association n'est pas impliquée financièrement à grande
échelle dans la recherche et développement. On l'appuie par le transfert de
l'information, par le transfert des résultats, par l'information à nos membres.
On est en train de mettre sur pied un fonds d'innovation maraîcher, donc, qui
serait... où on aurait les contributions des producteurs pour créer un fonds
d'innovation dans le milieu horticole. Alors, ce fonds-là... on l'estime à peu
près à 400 000 $ par année... pourrait servir de contribution de
l'industrie sur une période récurrente pour aller appliquer sur des projets
qu'ils existent. On travaille actuellement sur trouver les priorités de
recherche pour le secteur horticole, donc on consulte nos membres, on consulte
tous les producteurs de légumes de champ du Québec pour savoir c'est quoi,
selon eux, les priorités, et ce fonds va gérer les priorités et va orienter la
recherche en fonction des besoins sur le terrain.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Campeau : M. Cloutier, une
baisse de 81 % d'utilisation de pesticides, qu'est-ce qui fait qu'un jour,
on dit : je m'en vais dans cette direction-là? Qu'est-ce que qui vous a
motivé au départ?
Le Président (M. Lemay) : M.
Cloutier
• (17 h 30) •
M. Cloutier (Guillaume) :
Bien, il faut dire que c'est une vision d'entreprise qui ne date pas d'hier.
Dans le fond, moi, je suis... comme vous pouvez le voir, je suis assez jeune,
donc je suis sur la relève de l'entreprise, et c'est mon oncle, donc, qui a
vraiment commencé, là, à se poser des questions sur l'utilisation des
pesticides. Et ce qui a amené la région, là... nous, on vient de la région de
Napierville, donc les Les Jardins-de-Napierville... c'est ce qui a fait que l'a
mobilisé... ils se sont mobilisés, entre producteurs, là, pour réussir à se
dissocier un petit peu de...
17 h 30 (version non révisée)
M. Cloutier (Guillaume) : ...à
se poser des questions sur l'utilisation des pesticides, et ce qui a amené la
région... nous, on vient de la région de Napierville, donc Les
Jardins-de-Napierville, c'est ce qui a fait que ça a mobilisé... ils se sont
mobilisés entre producteurs, là, pour réussir à se dissocier un petit peu de l'utilisation
des pesticides et trouver des moyens alternatifs.
Et ça ne date pas d'hier, dans le fond, le
Phytodata ou le PRISME qui a été visité, là, et que vous avez fait la visite
ici, date de 1990, et c'est les capteurs de sport, les mouches stériles qui ont
permis, là... qui nous ont grandement permis de diminuer, là, ces pesticides-là
sur notre entreprise.
On a complètement éliminé l'application
d'insecticides directement aux semis de Lorsban et on a diminué de quatre à six
traitements de fongicides durant l'année de croissance, là, de la culture de
l'oignon, qui avant était faite, là, systématiquement à chaque semaine. Donc,
c'est des avancées extrêmement majeures qui ont été réalisées en raison de
notre club-conseil et de la recherche qui y est étroitement associée.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député.
M. Campeau : Dernière question.
Mme Fortier, vous parlez de services-conseils indépendants, je pense qu'on
est tous d'accord, on l'a entendu assez souvent. J'avais l'impression que vous
n'avez pas de difficulté à avoir du service-conseil indépendant. Est-ce que
c'est le cas ou j'ai mal compris?
Mme Fortier (Elisabeth) : Dans
notre secteur, on est quand même relativement chanceux, le service-conseil
indépendant est assez présent, donc il y a beaucoup de clubs-conseils. Comme M.
Cloutier le disait, en 1990, il y a, en fait, plus de 25 ans, beaucoup de
producteurs maraîchers et horticoles à travers le Québec ont décidé de
s'associer entre eux pour engager des agronomes, pour avoir quelqu'un qui
puisse faire le suivi des champs. Donc, on est un petit peu à l'origine des
services-conseils indépendants, qui sont aujourd'hui... partent dans tous les
secteurs agricoles.
Donc, oui, il y a une certaine
disponibilité, il y en a de présents, mais on manque tout de même d'agronomes
sur le terrain qui sont indépendants, il en faudrait beaucoup plus, la demande,
elle est présente, les producteurs ont besoin d'un encadrement pour être
capables d'aller plus loin, pour avoir un transfert... de la formation en
transfert technologique. Donc, il y en a, mais il faudrait aller encore plus
loin, là, on a besoin de davantage.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme Fortier. Avant de céder la parole au député de
Maskinongé, parce qu'il aime ça savoir les gens qui nous écoutent... en fait,
on a reçu un commentaire de Mme Monique Bisson, que... on tient en
considération qu'on pourra... je ferai de quoi là-dessus à la fin de nos
travaux. Mais bref, M. le député, sachez que nous sommes écoutés par plus que
juste deux, trois agriculteurs dans votre comté. Allez-y.
M. Allaire : Merci pour la
précision, M. le Président. Je vais faire du pouce sur quelques questions de
mon collègue aussi, mais avant, je tiens à vous dire que j'ai bien aimé votre
mémoire, puis... En fait, ce que j'ai aimé, c'est que je l'ai trouvé très
équilibré, puis je trouve que ça me rejoint, moi, dans mes valeurs, dans ce que
je suis comme personne, puis ça rejoint aussi beaucoup ce qu'on veut faire
comme gouvernement aussi. Je pense que les mesures qu'on veut mettre en place
sont beaucoup équilibrées, tempérées, je dirais même, modérées. Ça donne
beaucoup de crédibilité à votre mémoire, puis ça donne beaucoup de crédibilité,
à mon sens, aux solutions que vous voulez mettre en place.
Et ça m'amène à dire que, tu sais, on va
se donner un plan de match collectif, là, veux veux pas, là, avec cette
commission naturellement. Et vous voyez ça comment dans le temps? Est-ce que
l'ensemble de vos propositions... vous pensez que ça doit s'échelonner sur une
période de combien de temps? Et quel accompagnement qu'on doit... qu'on devra
faire de nos producteurs? Parce que, quand on parle de gestion de changement,
je pense que c'est important d'avoir un encadrement qui est efficace. Vous
voyez ça comment, l'encadrement, là, qu'on devra faire dans ce contexte-là?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, on y va avec M. St-Pierre... M. St-Denis, excusez-moi.
M. St-Denis (Jocelyn) : Merci.
La période temps, c'est sûr que ça ne se fait pas du jour au lendemain, on
n'allume pas une switch puis on dit : On s'en va dans un autre mode de
pensée, un autre mode de travail. Ça va se faire sur une longue haleine, mais
il faut prendre... si une décision de société se prend, bien, il faut prendre
les moyens et se rendre surtout jusqu'au bout des moyens, parce que ce n'est
pas après trois, quatre ans, où on regardera les résultats qui seront arrivés,
puis qu'on ne sera pas satisfaits trop, trop des résultats, mais c'est un
chemin qui va être long.
On faisait état de 80 cultures
différentes en maraîcher avec des dizaines d'ennemis de culture. Il y a
beaucoup de problèmes à adresser un à un et la recherche ou la solution trouvée
pour un élément n'est pas nécessairement applicable demain matin à un autre
élément. D'autres enjeux vont arriver, il faut les découvrir au fur et à
mesure, et tout ça dans un contexte d'incertitude face aux changements
climatiques qui s'en viennent.
Côté encadrement, certainement que ça
prend de l'encadrement, on en faisait état, de services-conseils, que ce soient
des ingénieurs en agronomie, des agronomes, des chercheurs, pour travailler
avec le secteur, pour trouver des alternatives, et surtout, après ça, les
transmettre et les transférer et les mettre en application.
Une nouvelle méthode, on a parlé des
mouches stériles tantôt, bien, ça a pris 10 ans à développer, les mouches
stériles, ça a pris beaucoup d'énergie...
M. St-Denis (Jocelyn) : ...des
ingénieurs en agronomie, des agronomes, des chercheurs pour travailler avec le
secteur, pour trouver des alternatives, et surtout, après ça, les transmettre
et les transférer et les mettre en application.
Une nouvelle méthode, on a parlé des mouches
stériles tantôt, bien, ça a pris 10 ans à développer, les mouches
stériles. Ça a pris beaucoup d'énergie. C'est sûr que s'il y avait eu une bonne
contribution à la recherche au niveau des fonds, on aurait peut-être pu
accélérer. Mais culture d'oignons, par exemple, ça se fait une fois par année.
Si on veut faire cinq années de tests, bien, ça prend au moins cinq ans, parce
que la culture ne se répète pas trois ou quatre fois dans une année. Donc, ça
prend des délais, de l'encadrement et du support. Un producteur maraîcher,
c'est son entreprise, ce sont des entrepreneurs qui sont en agriculture, ont
besoin d'être accompagnés parce qu'il y a des éléments d'incertitude. Quand il
y a une incertitude, quand il y a un risque, bien, ils ont besoin d'être supportés
là-dedans, parce qu'il y a beaucoup d'entreprises maraîchères qui sont petites,
qui sont moyennes, il y en a qui ont plus de moyens. Ceux qui ont plus de
moyens vont s'en sortir beaucoup mieux que les plus petits qui ont plus de difficultés.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député de Maskinongé.
M. Allaire : Justement, dans
les mesures que vous proposez, là, vous avez proposé une aide financière, là,
pour cette transition-là vers les biopesticides. L'avez-vous chiffrée? Puis, tu
sais, allez plus dans le détail, là, l'aide va se traduire comment exactement,
là?
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) : On n'a
pas chiffré, mais quand un producteur décide de s'en aller dans des changements
au niveau de sa culture qui peut impliquer des pertes de rendement, des pertes
de productivité, des coûts supplémentaires, bien, à quelque part, c'est des
risques financiers qu'il doit assumer, et on ne croit pas qu'il doit les
assumer seul, que c'est une décision de société. Et le partage de ce risque-là
qu'il assume doit être réparti à travers l'ensemble de la population.
M. Allaire : ...une dernière
année assez difficile, il ne faudrait pas rajouter en plus une couche sur leur
fardeau financier, là. Là-dessus, là, j'abonde dans votre sens.
Je reviens sur le fonds, là, que vous avez
créé par votre industrie. Est-ce qu'à votre connaissance, il y a d'autres
industries qui font à peu près la même chose?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fortier.
Mme Fortier (Elisabeth) : Oui.
Petite rectification, il n'est pas encore créé, il est en processus de
création. Donc, on est à l'étude en ce moment. Dans notre secteur, dans le
secteur horticole, non, il n'y a pas d'autres fonds qui existent de la sorte,
même en production végétale, en fait. C'est plus en production animale qui
existent d'autres... En fait, je me rectifie : pommes de terre. Pommes de
terre puisqu'ils ont un plan conjoint. Via le plan conjoint, il y a des
prélevés qui peuvent être faits, et historiquement aussi avec différents
programmes qu'ils ont eus. Ils ont eu quelques fonds de recherche qui ont été
développés, mais c'est précurseur.
M. Allaire : ...je me permets
de vous le dire. Dernière question. Vous avez... bien, vous avez parlé, dans
votre mémoire, là, de la possibilité, puis on l'a effleuré tantôt, là, de
s'arrimer avec l'homologation des États-Unis. Mme Vandelac l'a abordé un
peu ce matin. Vous n'avez pas peur que ça... en fait, ça freine le commerce
avec nos amis européens? Oui, ça peut peut-être le faciliter avec nos amis du
sud, mais au niveau de l'Europe, vous n'avez pas peur que ça mette une barrière
à l'entrée?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Fortier ou M. St-Denis? M. St-Denis, allez-y.
M. St-Denis (Jocelyn) : Quand
on regarde la production maraîchère de fruits et légumes, il y a peu
d'exportations vers l'Europe. Donc, c'est surtout un commerce qui est nord-sud
du côté de la production maraîchère, horticole. Donc, on ne croit pas que ça
pourrait avoir un impact significatif côté de l'Europe.
M. Allaire : Parfait, merci.
Je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Lemay) : Je
cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence, d'avoir pris le temps aussi de
bien présenter votre mémoire, tout ça. Puis on sait aussi que vous avez un
contact privilégié avec les citoyens, ça fait quand même longtemps, et vous
êtes les précurseurs au niveau des kiosques à la ferme. Comment ça se passe
avec les citoyens ces temps-ci, avec le mandat d'initiative? Ils vont chez vous
acheter des légumes, tout ça?
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) : Les
citoyens sont très consciencieux de ce qu'ils mangent, ils le sont de plus en
plus. La nouvelle génération pose beaucoup plus de questions. On était aux
portes ouvertes de l'agriculture, là, au Stade olympique, au début septembre,
et puis on a participé à un kiosque d'explication sur l'enjeu phytosanitaire et
les pesticides. Les gens étaient dans la salle, étaient très attentifs, ont
posé des questions, mais c'est beaucoup de l'éducation, ce que nous faisons par
rapport aux perceptions. Il y a beaucoup de méthodes alternatives qui existent,
qui sont développées et qui sont utilisées. On dit qu'il y a 81 % des
fermes qui utilisent des techniques de lutte intégrées, donc ce n'est pas
100 %, mais c'est quand même un bon mouvement qui est fait de ce côté-là.
Un producteur agricole est conscient de la
santé, il nourrit la population, il nourrit sa famille avec ses produits, donc
à partir de là, il est aussi très ouvert à communiquer et à partager avec les
consommateurs. Mais les consommateurs, ils sont curieux, ils posent des
questions, puis, quand on leur explique, ça ouvre des lumières...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
• (17 h 40) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
On parle beaucoup d'innovation, de recherche, de formation, formation au niveau
des techniciens, des agronomes. Mais là je vous entends parler puis, en fait,
de la formation au niveau...
Une voix
: ...avec les
consommateurs. Mais les consommateurs, ils sont curieux, ils posent des
questions. Puis, quand on leur explique, ça ouvre des lumières...
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
On parle beaucoup d'innovation, de recherche, de formation, formation au niveau
des techniciens, des agronomes, mais là je vous entends parler puis, en fait,
de la formation au niveau des citoyens aussi, autrement dit, plus de l'information.
Parce que je sens, là, qu'il y a un manque, hein, entre les gens urbains,
les... Au niveau rural, c'est plus facile, les gens restent proche des fermes.
Mais, quand on arrive avec les gens des villes, ils ont besoin d'information.
Et ce que je comprends, c'est qu'ils ne veulent pas juste savoir la qualité de
leurs aliments, mais ils veulent savoir comment ça pousse, une tomate, comment
ça pousse, une carotte.
M. St-Denis (Jocelyn) :
Absolument.
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) :
On est... L'APMQ est gestionnaire et propriétaire du Marché des Jardiniers à La
Prairie. Donc, c'est un endroit qui est connu, là, pour les gens de la région
de Montréal, et, tu sais, les consommateurs y vont, ils sont avares de savoir,
ils posent beaucoup de questions, et les gens qui vendent leurs produits aussi
sont très ouverts à expliquer.
Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de
gens dans la population qui pensent que, pour produire un légume, tu plantes
une graine au printemps puis tu la récoltes à l'automne, puis «that's it»,
c'est fini. C'est très, très loin d'être ça. C'est un métier qui est très
technique, très technologique, qui s'en va avec l'agriculture de précision.
C'est complexe et c'est très développé.
Alors, oui, l'éducation est importante,
tant au niveau du consommateur que des décisionnaires dans le milieu de la société.
Je pense qu'il y a beaucoup à apprendre, et cette commission-là pourrait servir
à donner un volet éducatif à l'ensemble de la population.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député, en conclusion.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...il ne reste presque plus de temps. Donc, j'aurais aimé vous entendre parler
aussi comment qu'on fonctionne quand c'est le temps d'appliquer un pesticide.
On ne s'improvise pas comme ça puis on n'arrive pas comme ça : Tiens, je
mets le produit puis je pars avec ça. Il y a des processus, il y a des règles.
J'aurais aimé vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Ça sera pour une autre fois, M. le député. Alors, Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Mme Montpetit : Je vous remercie,
M. le Président. Madame, messieurs, bonjour.
Petite question, par curiosité :
Est-ce que... Parce que j'étais vendredi dernier aux Fermes Lufa. Est-ce que
les serres font partie également de vos membres, les maraîchers qui font de la
production en serre?
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) :
Il y a une association, un syndicat des producteurs en serre, qui est une
association spécifique à la production serricole, tant au niveau de fruits et
légumes que le l'horticulture ornementale. Par contre, certains de ces gens-là
font aussi... sont aussi membres de notre association de par le rayonnement
qu'on a au niveau de la mise en marché, par exemple.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Je continuerais peut-être sur les questions par rapport au grand
public puis aux consommateurs. On l'a vu, là, il y a encore eu... puis ce n'est
pas la première fois que ça arrive, mais il y a encore eu des articles
dernièrement justement sur toute la question des résidus de pesticides sur les
différents aliments.
Est-ce que le grand public, est-ce que la
population a raison d'être inquiète, justement, sur ces résidus qui sont
retrouvés fois après fois, chaque fois qu'il y a des analyses qui sont faites?
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) :
Il y a deux phases à ma réponse.
La première, c'est qu'il y a des règles
qui sont établies par Santé Canada. Quand on regarde les résultats qui sont
sortis le week-end dernier, 96 % plus des produits, des fruits et légumes
du Québec qui ont été testés sont en deçà des règles, des normes. Donc, je
pense que, côté sécurité, quand on regarde les règles qui sont là et les
normes, la production maraîchère et horticole québécoise respecte les règles à
96 %, ce qui se compare à l'Europe, qui a un protocole d'analyse qui était
beaucoup plus volumineux au niveau de l'échantillonnage. Donc, de ce côté-là,
il y a beaucoup de produits importés, on le voit que l'importation, les
produits importés sont moins respectueux des règles et des normes.
Donc, pour moi, la population québécoise,
tant que les normes sont respectées, à tout à fait raison d'avoir confiance
entre la production de fruits et légumes qui est faite au Québec.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Parfait,
merci. On a abordé beaucoup, dans les dernières consultations, toute la
question de l'accès des chercheurs aux différentes données sur l'utilisation
des pesticides, mais là je voudrais vous poser un petit peu le même type de
question, mais pour le grand public, pour les consommateurs. Je voudrais savoir
si vous êtes... comme association, si vous êtes favorable, justement, à... je
ne sais pas si ça passerait par la création d'un registre, mais à une plus
grande transparence sur l'utilisation, justement, que ce soit des herbicides,
des pesticides. Je trouve toujours ça un peu questionnable, justement, que,
comme consommateur, on ne puisse pas prendre des décisions éclairées sur ce que
l'on mange parce qu'on n'est pas capable de savoir exactement avec certitude
qu'est-ce qui est utilisé dans les différentes productions.
Est-ce que vous seriez favorable,
justement, à une plus grande transparence de ces informations-là pour les
consommateurs québécois?
Le Président (M. Lemay) :
M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) :
Notre association est en faveur d'une plus grande transparence. On travaille
déjà, on réfléchit déjà à comment acheminer l'information pour avoir... que les
décisionnaires, que ça soit la santé publique, que ça soit le consommateur,
que...
Mme Montpetit : ...favorable justement
à une plus grande transparence de ces informations-là pour les consommateurs québécois?
Le Président (M. Lemay) : M.
Saint-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) : Notre
association est en faveur d'une plus grande transparence, on travaille déjà, on
réfléchit déjà à comment acheminer l'information pour avoir... que les
décisionnaires, que ce soit la santé publique, que ce soit le consommateur, que
ce soit les organismes, puissent avoir accès à l'utilisation réelle. Et un
intervenant, ce matin, disait : Le fait que c'est tout amalgamé et
ensemble, ça ne nous permet pas de voir les avancées qui sont faites dans un
type de culture ou d'une autre parce que l'information n'est pas disponible.
Donc, notre association est en faveur de
voir de l'information qui sera très transparente pour le consommateur et tous
les décisionnaires.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Parfait. Puis
j'imagine, encore là, je suis curieuse d'avoir votre réponse là-dessus, mais si
d'aventure un tel registre ou une telle information devenait disponible, est-ce
que vous pensez justement que ça n'amènerait pas une certaine pression sociale
sur la façon d'utiliser par les agriculteurs ou par les maraîchers justement
les herbicides, les pesticides, le fait de rendre transparente cette
information?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) : Je
dirais que l'information, quand elle sera disponible, bien, les gens feront
l'analyse de ces données-là et en prendront les décisions. Ce qui est très,
très... ce que le milieu fait beaucoup attention, c'est de respecter les
règles. Donc, à ce moment-là, le respect de règles, et on le voit dans
l'analyse des résidus à 96 %, donc, à partir de là, si les règles
modifient, bien, le travail va modifier. S'il y a des alternatives disponibles,
les alternatives vont être utilisées. Mais, comme on disait, c'est un choix, on
est prêts à y aller, on est prêts à collaborer là-dedans. C'est un choix de
société, c'est un choix dans lequel on veut travailler, mais il faut avoir
beaucoup... il faut savoir que ça va être un processus ardu, long, qui va
nécessiter beaucoup de deniers publics.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Parfait.
J'avais une question aussi sur... justement, vous parlez de prévention, là,
vous avez abordé la question des techniques de prévention, des types, là, de
techniques qui peuvent être utilisées, est-ce que vous pourriez nous en dire davantage
sur ces techniques-là? Vous l'avez assez peu abordé, là, dans le mémoire, mais
juste pour qu'on puisse comprendre clairement à quoi vous faites référence.
Le Président (M. Lemay) :
Est-ce que vous voulez que M. Cloutier prenne la parole? Allez-y.
M. St-Denis (Jocelyn) : La question,
si je peux me permettre, donc c'est la technique, par exemple, de la mouche ou
le développement des nouvelles alternatives ou... c'est de ça, vous voulez
parler?
Mme Montpetit : Oui, exactement.
M. St-Denis (Jocelyn) : Ce
n'est pas des techniques de prévention, ce sont des techniques alternatives à l'utilisation
des pesticides. M. Cloutier.
M. Cloutier (Guillaume) : Je
peux répondre. Certainement, c'est sûr qu'au PRISME, comme les techniques qui
ont été développées, là, au PRISME, depuis les 10 dernières années, là, qu'on
parle de la mouche stérile de l'oignon qui a pris une dizaine d'années à faire.
Il y a la mouche stérile du chou qui est en utilisation seulement sur notre
entreprise et une ou deux autres, puisqu'on a soutenu la recherche avec le
PRISME pour être capable de développer cette technique, mais il faut savoir que
cette technique-là n'est pas encore à point puisque la mouche n'est pas... ne
se comporte pas du tout comme la mouche de l'oignon, donc l'élever, et tout,
c'est vraiment extrêmement compliqué, son alimentation, et tout.
On a aussi l'utilisation de filets
insecte, les biofiltres. On utilise beaucoup de biopesticides dans nos champs
contre le Pythium à l'aide du PRISME, ou encore avec des biomarqueurs qu'on
est capable de savoir, dans le sol, exactement le nombre de spores de
champignons qui se trouvent dans les sols afin de, justement, là, d'améliorer
nos rotations de culture puisque, si jamais j'ai beaucoup de spores de Pythium,
bien, je n'irai pas mettre... semer de la salade dans ce champ-là puisque je
sais, nécessairement, que je vais avoir beaucoup de pertes. Donc, ça, c'est des
moyens qu'on réussit à sauver beaucoup, là, sur l'utilisation des pesticides, l'utilisation
des engrais verts, le compostage, les planches permanentes, l'utilisation des
mycorhizes, l'utilisation des robots cercleurs. Ce sont toutes des techniques,
là, qui sont utilisées, là, sur notre entreprise en ce moment.
Mais ce qui est important de parler, on
utilise, comme je vous parlais, des biopesticides qui coûtent extrêmement cher.
En ce moment, c'est une entreprise, on a pris la décision de traiter seulement...
d'utiliser seulement les biopesticides, sauf où qu'ils ne fonctionnaient vraiment
pas. Et cette décision fait qu'à la place de payer 20 $ à l'hectare pour
l'utilisation du pesticide, il nous en coûte 150 $. Donc, c'est un coût
environnemental d'une cinquantaine de mille dollars pour notre entreprise.
C'est des gros sous, donc c'est... le virage, si on veut prendre ce virage-là,
il faut aider les producteurs.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. C'est non négligeable, effectivement. Mme la députée de Maurice-Richard.
• (17 h 50) •
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Je voudrais revenir, vous avez parlé des changements climatiques tout
à l'heure, puis j'aimerais ça profiter de votre présence ici, puis il y a un
lien avec les pesticides, mais ma question est plus large que ça, c'est quand
même très lié. Moi, j'ai le privilège d'être porte-parole en agriculture et en
lutte aux changements climatiques, parce que je pense que...
Mme Montpetit : ...vous avez
parlé des changements climatiques tout à l'heure puis j'aimerais ça profiter de
votre présence ici, puis il y a un lien avec les pesticides, mais ma question,
elle est plus large que ça. On... Parce que... C'est quand même très lié. Moi,
j'ai le privilège d'être été porte-parole en agriculture et en lutte aux
changements climatiques parce que je pense que c'est deux enjeux qui sont extrêmement
reliés. J'aimerais ça savoir comment vous percevez justement les conséquences
des changements climatiques sur la culture maraîchère au Québec, mais aussi
dans un deuxième temps, justement comment, l'incidence que ça va avoir sur
l'utilisation des pesticides ou pas, là.
Le Président (M. Lemay) : Est-ce
que c'est Mme Fortier, peut-être? Allez-y.
Mme Fortier (Elisabeth) :
Donc, pour connaître l'impact des changements climatiques sur la culture
maraîchère, il y a Ouranos qui nous a appuyés dans des différents projets et
ainsi que l'IRDA qui a aussi fait un projet exhaustif sur quel est l'impact des
changements climatiques en production agricole. Pour le secteur maraîcher, on
voit clairement qu'il va y avoir de nouveaux ravageurs. Il va y avoir aussi peut-être
de nouveaux prédateurs, donc il y a un équilibre aussi entre les ravageurs et
les prédateurs, donc on doit se préparer.
Au niveau pesticides, qu'est-ce qu'on
devra faire? C'en est encore inconnu malheureusement. On sait exemple la
punaise diabolique, on en beaucoup parlé au cours des dernières années, elle
s'en vient. Elle est présentement présente sur l'île de Montréal, elle... On
sait que si elle vient dans les champs agricoles, elle va faire d'énormes
ravages. Donc oui, d'un point de vue pesticides, et bien, on essaie de se
préparer à l'avance, d'obtenir des homologations pour que le jour où elle sera
pour présente, bien on aura un outil, on aura quelque chose pour réussir à la
combattre le jour où elle sera présente.
Donc, c'est malheureusement un peu de
l'inconnu. On essaie de se préparer, on essaie de savoir quels insectes seront
davantage présents, quelles seront les problématiques, on essaie d'anticiper
tous ces problèmes-là, mais c'est malheureusement de l'inconnu.
Il y a certaines régions témoins qu'on
peut utiliser aux États-Unis, des régions analogues qu'on utilise, donc, pour
prédire un petit peu : voici notre climat dans cinquante ans, comment il
ressemblera à la région de New York, par exemple. Donc, c'est ce qui est
utilisé pour prédire pour le moment, mais il faut s'y préparer, on va y faire
face, c'est certain.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Fortier.
Mme Montpetit : Quand vous
dites justement il faut s'y préparer, là, vous mentionnez les ravageurs, les
prédateurs, vous dites : on va s'y préparer, je pense que ce n'est pas
dans une optique de 30 à 40 ans, là, c'est quelque chose qui risque
d'être... C'est ça, d'être assez près de nous. Est-ce que vous, vous avez... Est-ce
que vous êtes suffisamment accompagnée justement dans cette préparation-là? Parce
que ça pourrait venir bouleverser assez drastiquement la productivité du Québec
au niveau agricole, là.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Fortier, en vous rappelant qu'il reste environ 30 secondes à
cette période d'échange.
Mme Fortier (Elisabeth) : Oui,
merci. On a quand même la chance d'être accompagnés avec Ouranos et avec
l'IRDA. Cependant, les différentes études plus pointues ont été faites
dernièrement dans la production fruitière, donc le secteur maraîcher a été mis
de côté, donc oui, il serait intéressant, surtout que notre secteur, comme
M. St-Denis le mentionnait, on a plus de 80 cultures. Donc, il y a
80 scénarios différents, donc c'est très, très, très varié. Donc oui, un
appui plus précis serait apprécié, c'est certain.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup Mme Fortier, c'est ce qui complète cette période d'échange et je cède maintenant
la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. Merci à vous d'être là aujourd'hui. J'aimerais revenir sur
l'harmonisation des protocoles d'homologation des pesticides avec les États-Unis.
Je n'ai peut-être pas bien compris c'était quoi l'objectif d'harmoniser ça. Est-ce
que c'est... Bien, vous avez parlé tantôt de... qu'il y avait plus d'échanges
nord-sud au niveau de production maraîchère. Et j'ai comme un petit doute, vous
pouvez me rassurer là-dessus, à quel point on exporte de notre production
maraîchère avec les États-Unis? Puis j'imagine que c'est dans un objectif de
rester concurrentiel, parce que quand on va sur les tablettes de nos épiceries,
on peut constater qu'il y a quand même beaucoup de produits américains qui sont
sur nos tablettes, donc j'aimerais vous entendre un peu davantage là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) : Quand
on parlait d'harmonisation des protocoles, c'est qu'il y a le producteur d'une
molécule doit faire deux processus. Un au Canada et un aux États-Unis. Le
marché du Canada n'étant pas assez gros, il choisir de ne pas homologuer son
produit au Canada, donc on n'a pas le droit de l'utiliser. Par contre, aux États-Unis,
ils ont le droit. Ce sont des nouvelles molécules, ce sont des nouveaux
produits qui sont moins dommageables pour la santé, moins dommageables pour
l'environnement pour lequel pourrait contribuer à une réduction du risque
d'utilisation des pesticides au Québec ou au Canada, mais qu'on n'a pas accès parce
que les protocoles ne sont pas harmonisés. On ne pourrait pas dire, on en
ferait un seul, puis ce qui est homologué d'un côté comme de l'autre de la
frontière passe un seul processus. Là, on aurait accès à un plus grand
portefeuille de produits qui sont moins dommageables pour la santé et
l'environnement.
Quand on parlait de compétitivité, on
exporte près de 50 % de notre production de fruits et légumes du Canada ou
du Québec sont exportés vers les États-Unis. Donc oui, il y a énormément de
commerce entre les deux provinces. C'est certain que, l'hiver, on consomme
beaucoup plus de produits qui viennent des États-Unis, malgré qu'au Québec on a
encore nos légumes racines, on a nos productions en serre, qui... excellent,
qui continuent, mais il y a énormément de commerce qui se fait des deux côtés
de la frontière.
Donc, ce n'est pas nécessairement... C'est
un danger de compétitivité, mais c'est aussi, comme on est concurrent, il faut
jouer sur...
M. St-Denis (Jocelyn) :
...entre les deux provinces. C'est certain que, l'hiver, on consomme beaucoup
plus de produits qui viennent des États-Unis, malgré qu'au Québec on a encore
nos légumes-racines, on a nos productions en serre, qui excellent, qui
continuent, mais il y a énormément de commerce qui se fait des deux côtés de la
frontière.
Donc, ce n'est pas nécessairement... C'est
un... de compétitivité, mais c'est aussi... Comme on est concurrents, il faut
jouer sur le même terrain de jeu, et, si un adversaire a de l'équipement qui
est plus adéquat pour aller en guerre, bien, celui qui a le moins d'équipement,
habituellement, il ne sort pas du bon côté.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien : Merci.
Ça répond très bien à ma question. Au niveau des changements climatiques, vous
réclamez... Ce que j'ai cru comprendre à la fin de l'échange, là, avec ma
collègue... dans le fond, il y a beaucoup plus de recherche effectuée actuellement
au niveau des petits fruits qu'au niveau des légumes maraîchers.
Mme Fortier (Elisabeth) : En
fait, le dernier rapport qu'il y a eu sur, justement, l'impact des changements
climatiques sur la production horticole a été fait principalement sur la
production fruitière. Donc, la production maraîchère ne faisait pas partie du
projet de recherche, et il serait souhaitable qu'un volet maraîcher puisse être
ajouté à ce projet de recherche qui a été fait, là.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Fortier. Ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant
la parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président, madame, messieurs. Je vais partager une observation. Bon, moi, ma
famille cherche toujours à acheter des produits du Québec, hein, mais on a
observé récemment, puis ma collègue ici présente a pris des photos... Bon, on
voit que c'est... pour indiquer un fruit ou un légume, c'est : Du Québec
et/ou du Mexique. Ça, je ne sais pas c'est quoi, là, mais ça crée une confusion
chez le consommateur, chez le citoyen, et je ne sais même pas si c'est légal.
Est-ce que vous pouvez m'expliquer c'est quoi, cette affaire-là?
Le Président (M. Lemay) : M.
St-Denis.
M. St-Denis (Jocelyn) : Le
nouveau règlement du gouvernement du Québec sur l'étiquetage ou l'affichage au
niveau des fruits et légumes nous oblige à identifier la provenance, Québec ou Canada,
mais, si un détaillant — donc l'enjeu est au niveau de l'affichage au
détaillant — si un détaillant a des produits, par exemple des tomates
qui viennent et du Mexique et du Canada, ils doivent être... bien être séparés
et ils doivent être bien identifiés.
Donc, on ne peut pas dire un ou l'autre
sur un étalage. Il faut bien identifier ce qui est un et ce qui est l'autre.
Donc, quand on voit ça, un ou l'autre, c'est contraire au règlement.
Le Président (M. Lemay) :
...député.
M. Roy
: Est-ce qu'il y
a des sanctions? C'est parce qu'on le voit. Moi, c'est ça, mon problème, et je
m'aperçois qu'on n'applique pas la réglementation et on crée une confusion chez
le consommateur.
Donc, on lève encore un autre enjeu, mais
est-ce que vous avez... Est-ce que vous êtes déjà intervenus? Parce qu'en même
temps c'est de protéger votre label, votre...
M. St-Denis (Jocelyn) : Le
nouveau règlement qui... mis en place il y a un an, c'était suite à des
représentations que... entre autres, que l'Association des producteurs
maraîchers avions faites pour être certains de pouvoir connaître et bien
identifier en magasin les produits qui viennent du Québec. On est tous des
consommateurs et on veut... Quand on dit : On voit un label qui vient du
Québec, on veut être certain qu'il vient du Québec.
Et on se promène tous dans les magasins,
et, depuis que je suis dans le milieu maraîcher, depuis près de 20 ans, ma
conjointe, elle va se promener dans les autres allées, puis moi, je reste dans
les fruits et légumes puis je regarde, et il y a des enjeux d'identification en
magasin.
À la défense des détaillants, bien, il y a
une rotation de personnel, la main-d'oeuvre est très volante, et les formations
plus ou moins à point. C'est pour ça qu'on a mis en place et qu'on met en place
un projet de visite en magasin, donc qui s'est fait il y a deux ans, et qu'on
reprend cette année pour une période de deux ans, où on va rencontrer 250
détaillants de toutes les bannières, de toutes les... les gros et les petits
pour leur présenter les produits du Québec, pour prendre un échantillonnage de
l'étiquetage, de l'identification et ensuite de comprendre les campagnes de
promotion ou d'identification des produits.
Donc, c'est un projet qu'on met de
l'avant, qui est financé en partie par le MAPAQ, pour être capable d'avoir une
collaboration et de parler aux gérants de fruits et légumes dans les magasins.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. St-Denis, M. le député de Bonaventure. Ceci termine cette période
d'échange.
Avant de suspendre les travaux, j'aimerais
simplement rappeler aux membres de la commission que nous avons un horaire
quand même chargé ce soir. Donc, nous reprendrons les travaux à précisément
19 h 30.
Donc, merci beaucoup, M. Cloutier, M.
St-Denis et MmeFortier, pour votre contribution aux travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
19 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 19 h 31)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend
ses travaux. Alors, je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. Ce soir, nous
entendrons le Centre de recherche sur les grains, Mme Denise Proulx, sociologue
de l'environnement et chargée de cours de l'Institut de science de
l'environnement de l'Université du Québec à Montréal, ainsi que M. Louis
Robert.
Alors, pour le moment, je souhaite la
bienvenue aux représentants du Centre de recherche sur les grains. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, ensuite il y
aura un échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter ainsi que la personne qui vous accompagne, puis vous pourrez procéder
à votre exposé. La parole est à vous.
M. Pageau (Denis) : Bonjour, M.
le Président, membres de la commission. En mon nom personnel, puis au nom du
C.A. du CEROM, je tiens à vous féliciter, à vous remercier de vous pencher sur
l'importante question que représente l'utilisation des pesticides en
agriculture au Québec.
Mon nom est Denis Pageau, je suis depuis quelques
semaines seulement président du conseil d'administration du CEROM. Je possède
une formation en agronomie bien que je ne sois pas membre de l'Ordre des
agronomes du Québec. Je suis accompagné de Mme Gabriela Martinez, qui est la
nouvelle directrice générale de l'organisation depuis le printemps dernier.
Elle possède un doctorat en science avec une vingtaine d'années d'expérience en
recherche, dont plus d'une dizaine à titre de gestionnaire et de directrice de
recherche. Vous pouvez constater que nous sommes tous les deux très récents au
niveau de l'organisation. Il y a eu beaucoup de changement à l'intérieur du
CEROM depuis les derniers 12 mois, alors je vais vous en parler.
Juste un bref rappel, le CEROM est un
centre de recherche qui a été créé il y a une vingtaine d'années. C'est une
initiative conjointe du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec, des producteurs de grain du Québec et de la
Coopérative fédérée, et la raison, à l'époque, c'était pour pallier au manque
de recherche qui sévissait dans le secteur vital de l'agriculture québécoise à
ce moment-là.
Aujourd'hui, les chercheurs du centre
consacrent leurs efforts dans les domaines variés et ont réalisé des centaines
de projets, au cours de 20 dernières années, en phytogénétique, soit
l'amélioration génétique des semences, la phytoprotection, la phytopathologie,
la malherbologie et la régie des cultures, pour ne nommer que ceux-là. Le CEROM
offre l'expertise de son équipe de chercheurs et de professionnels de
recherche, 200 hectares de terre, des équipements pour mener à bien la
recherche aux champs et en laboratoire, et aussi quelques dizaines d'ouvriers
agricoles qui oeuvrent dans les champs. Le CEROM n'est pas un centre de
recherche sur les pesticides, bien qu'on utilise des pesticides au niveau de la
recherche en matière de témoins quand on fait différentes parcelles. Alors,
c'est pour comparer ce qu'on fait, ce qui ressemble à ce qui se passe dans la
vraie vie des producteurs. Les projets que mènent les chercheurs visent la
lutte intégrée aux ennemis des cultures et l'utilisation rationnelle et raisonnée
des pesticides, avec rigueur, intégrité et indépendance. Le CEROM ne fait pas
la promotion des pesticides, ni la commercialisation, ni la vente. C'est un
centre de recherche. Mme Martinez pourra répondre mieux que moi aux questions
spécifiques à la recherche et à la science, qu'on parle de la présentation de
projets par nos chercheurs aux différentes instances, au financement ou aux
différents partenariats qu'on peut avoir avec des universités entre autres.
J'aimerais prendre un petit moment pour
vous parler de la gouvernance du CEROM. Vous avez tous entendu parler, au cours
de la dernière année, de certaines activités qui auraient pu se passer ou ne
pas se passer. Depuis plusieurs mois, l'organisation travaille à se
restructurer. Le conseil d'administration, aujourd'hui, comporte 11 membres,
dont six membres indépendants. Le président est de ce nombre, moi-même. Une
nouvelle directrice générale, Mme Martinez, est en place depuis le printemps,
depuis le mois d'avril plus précisément. Nous sommes maintenant à la recherche
d'un directeur...
M. Pageau (Denis) :
...travaille à se restructurer. Le conseil d'administration aujourd'hui
comporte 11 membres, dont six membres indépendants. Le président est de ce
nombre, moi-même. Une nouvelle directrice générale, Mme Martinez, est en place
depuis le printemps, depuis le mois d'avril plus précisément. Nous sommes maintenant
à la recherche d'un directeur scientifique pour encadrer et supporter les
chercheurs, ce que nous n'avons pas, puis ce serait essentiel de l'avoir.
Alors, on est à la recherche d'un professionnel pour ce poste-là. Un comité
aviseur devrait être complété sous peu. Son mandat sera de suggérer au conseil
d'administration les orientations de la recherche, d'évaluer périodiquement la
pertinence de ces orientations et de valider la qualité du processus de
diffusion des résultats de la recherche, qui sont essentiels. On ne fait pas de
la recherche pour garder ça dans des boîtes, c'est pour diffuser, que les
producteurs aient l'information. Enfin, un comité scientifique formé de
quelques chercheurs émérites, pas nécessairement provenant du monde agricole,
sera mis à contribution pour, de façon ponctuelle, assurer, valider les
protocoles de recherche de nos chercheurs et s'assurer que tout ça soit fait
dans les meilleures façons possible.
Par ailleurs, au cours du prochain mois,
nous allons amorcer un exercice de planification stratégique qui permettra de
discuter de notre mission et des orientations de recherche pour les cinq
prochaines années. Les conclusions de cette commission pourront également nous
servir de référence dans le cadre de cet exercice-là. Cet exercice se fera de
façon très ouverte. Nous voulons consulter de façon très large les acteurs du
secteur et nous souhaitons inclure et non exclure dans cette démarche. Nous en
profiterons également pour discuter de l'opportunité d'élargir notre
membership. L'organisation est une organisation sans but lucratif, donc la
structure de ça fait en sorte qu'on a des membres. Aujourd'hui, les membres
sont les Producteurs de grains du Québec, la Coopérative fédérée. Ce sont les
deux seuls membres. Il y a une intention de notre côté de regarder cette
situation-là pour agrandir... élargir le membership. C'est un projet ambitieux
qui, nous l'espérons, clarifiera notre mandat et éliminera les mauvaises
perceptions sur le rôle du CEROM.
Dans le mémoire que nous vous avons
présenté, nous avons avancé l'idée d'une grappe de recherche en agriculture de
précision et en gestion de — vous m'excusez
l'anglicisme — «big data» qui permettrait des interventions ciblées
contre les ravageurs ou les mauvaises herbes sans avoir à traiter des champs
entiers. Il y a plusieurs technologies qui sont en jeu dans un projet comme
celui-là, mais on voudrait vraiment, au niveau du CEROM, au niveau du Québec,
prendre le leadership de quelque chose comme ça, en incluant peut-être même les
provinces voisines de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick pour aller encore plus
loin. Mme Martinez pourra vous expliquer plus tard en plus de détails en répondant
à vos questions de quoi il en retourne plus précisément.
Nous proposons aussi de solliciter
l'intérêt des chercheurs en sciences sociales pour comprendre la résistance de
certains producteurs à adopter les pratiques de remplacement durables. Ceci pourrait
être utile aux stratégies de communication pour diffuser les résultats de
recherche aux utilisateurs et les convaincre d'adopter de nouvelles et
meilleures pratiques. Et les nouvelles pratiques existent, sont communiquées,
mais ne sont pas nécessairement utilisées. Il y a des raisons pour ça qui ne
sont pas nécessairement qu'économiques ou financières, mais on pense qu'en
incluant les chercheurs d'autres sphères, on pourrait aller un peu plus loin
pour comprendre pourquoi on ne peut pas... on n'y parvient pas comme on
voudrait.
En conclusion, nous avons au Québec les
ressources pour comprendre les enjeux liés à la gestion optimale des
pesticides. La solution devra tenir compte des enjeux scientifiques,
technologiques, économiques est humains tout en répondant aux besoins des agriculteurs
et des consommateurs. C'est un enjeu de société, mais dans un environnement
global. Nous croyons sincèrement pouvoir continuer à contribuer à l'intérieur
de nos moyens et de nos compétences à la vulgarisation de la recherche sur des
pratiques innovantes pour une agriculture durable. Des ressources
additionnelles seront requises pour communiquer, diffuser et informer les
producteurs de nos recherches, de nos résultats. Je vous remercie.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Pageau. Donc, je comprends que Mme Martinez répondra aux questions
des membres de la commission. Pas de problème. Donc, sur ce, je cède maintenant
la parole au député de Bourget.
M. Campeau : Merci, M. le
Président. On a souvent entendu parler de l'indépendance de la recherche.
Évidemment, 10 minutes, c'est beaucoup trop court pour comprendre tout ce que
vous avez fait au niveau gouvernance, mais vous semblez avoir au moins tenté,
sinon réussi, de contourner cet écueil. Alors, c'est une chose qui est
extrêmement... que je veux souligner, parce que c'est très, très, très
important.
• (19 h 40) •
Quel est l'avantage... Je pense que j'en
ai une petite idée, mais vous en avez...
M. Campeau : ...semblez avoir
au moins tenté, sinon réussi de contourner cet écueil. Alors, c'est une chose
qui est extrêmement... je veux le souligner parce que c'est très, très, très important.
Quel est l'avantage... je pense que j'en
ai une petite idée, mais vous en avez sûrement, une bien meilleure idée.
Pourquoi aller vers les autres provinces immédiates comme ça? Qu'est-ce que
vous voulez aller chercher comme information à ce sujet-là? Donc, je pense
qu'on vient de donner l'occasion à Mme Martinez de nous adresser la
parole.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Vous allez avoir l'opportunité d'écouter mon accent et si ce n'est pas clair, s'il
vous plaît, n'hésitez pas à me demander de répéter. Pourquoi est-ce qu'on veut
aller vers les autres provinces? C'est parce que construire une base des
données en imagerie, autant des ravageurs que des mauvaises herbes, c'est quelque
chose de très coûteux, de très lourd comme travail et c'est sûrement en mettant
ensemble les efforts de tout le monde, c'est qu'on peut réussir. Qu'est-ce
qu'on propose, c'est donner au Québec l'opportunité d'être les leaders. Ce
n'est pas que tout le Québec, les mauvaises herbes ne sont pas les mêmes, elles
n'ont pas le même aspect, mais de l'Est c'est sûr que oui : Ontario, Nouveau-Brunswick,
Québec sont semblables. Pourquoi pas que le Québec prend le leader là-dedans?
On ne peut pas arrêter la technologie. La
technologie... l'industrie 4.0, toute l'agriculture de précision, c'est quelque
chose qui est déjà à nos portes. Donc, pourquoi, pour première fois, ne pas
être... bien, pas pour première fois, mais pourquoi pas, dans ce cas
particulier, être en avant, être un pas en avant et se dire : Nous, on
développe cette grappe de recherche, on travaille tous ensemble, on met les
efforts publics et privés pour pouvoir développer ces bases de données,
qu'elles puissent profiter les producteurs gratuitement?
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Est-ce que vous
allez même parler d'homologation, comme certains ont parlé?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Pourriez-vous m'expliquer un peu qu'est-ce que vous voulez dire, dans ce cas,
en particulier?
M. Campeau : Comment je
dirais? Il y en a qui ont mentionné qu'on pourrait aller chercher une
homologation avec les États-Unis mêmes, aller travailler avec les États-Unis
vers des protocoles, comme...
Mme Martinez (Gabriela) : En
fait, qu'est-ce que j'aimerais ou qu'est-ce que le CEROM propose, c'est plutôt
intégrer les données. Présentement, les compagnies privées, chacune a sa base
de données à géolocalisation, mais aussitôt que vous changez de marque de
tracteur, la technologie ne se parle plus, là. Donc, qu'est-ce qu'on veut,
c'est quelque chose intégré. Si pour l'homologation vous parlez de ça, je vous
dirais oui, on cherche quelque chose ou est-ce que la technologie des
différents appareils puisse se parler de façon que les producteurs ne soient
pas pris en otage. Aujourd'hui, vous savez, un tracteur x de même, vous voulez
aller au tracteur y, bien, vous pouvez passer au tracteur y sans
problème parce que vos données ne sont pas perdues, vous allez les récupérer et
les utiliser dans le nouveau tracteur. Et vous allez être capable de vous
promener avec votre cellulaire, prendre la photo de la mauvaise herbe qui vous
inquiète ou que, selon vous, c'est une mauvaise herbe ou un ravageur, et vous
allez être capable de consulter une base de données publique, où est-ce qu'il
va vous dire : Oui, c'est un ravageur ou non. Ça ne l'est pas? Restez
tranquille. Et si c'est une, bien, on pourrait vous envoyer des liens où est-ce
que vous pourrez voir : Est-ce que c'est grave si j'ai un, si j'ai deux?
Ça va dépendre de votre historique, ça va dépendre du type du sol, ça va
dépendre de beaucoup de choses. Mais vous pouvez avoir de l'information pour
pouvoir dire : C'est grave, il faut que j'aille voir mon agronome.
Ou : Ce n'est pas grave, je peux continuer et je surveille.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Vous parlez, dans
votre rapport, d'une baisse de productivité si on élimine les pesticides, et je
vois un chiffre de 35 %. Ça me semble extrêmement élevé. Est-ce que je
comprends bien? Parce que certaines personnes qu'on a rencontrées lors des
visites de fermes, par exemple, ne semblaient pas nous dire que c'était aussi
important que ça et, dans certains, négligeable.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Moi, je vous dirais que ça va dépendre à combien de temps est-ce qu'on est en
train de parler. Si on interdit aujourd'hui probablement pour des mêmes, le
producteur va avoir une perte importante, parce que son sol n'est pas prêt. On
l'a entendu hier avec le producteur qui nous a bien expliqué son processus.
Donc, à ce moment-là, je vous dirais, oui, ça peut être un problème.
Nous, qu'est-ce qu'on propose, c'est
aussi, avec cette information, de créer une grappe de recherche...
Mme Martinez (Gabriela) :
...on l'a entendu hier avec le producteur qui nous a bien expliqué son
processus. Donc, à ce moment-là, je vous dirais, oui, ça peut être un problème.
Nous, qu'est-ce qu'on propose, c'est
aussi, avec cette information, de créer une grappe de recherche, d'unir les
efforts, c'est pouvoir aller avec des drones et pouvoir utiliser les quatre b,
utiliser la bonne dose, les bons produits au bon moment et à la bonne
concentration.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : On a parlé aussi
d'un support en sciences sociales. Si je comprends bien, c'est pour que les
pratiques que vous allez recommander soient présentées d'une façon qui soit
plus acceptable aux gens pour permettre une adaptation plus rapide...
Mme Martinez (Gabriela) : ...
M. Campeau : ...une
acceptation plus rapide, oui.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : On
a besoin de comprendre c'est quoi la perception de l'agriculteur. Pour une
raison quelconque, les messages ne se rendent pas. Et ça, ce n'est pas une
bonne affaire. Nous, on fait la recherche. On ne l'a fait pas pour nous, on l'a
fait pour les producteurs, c'est notre premier client, et on veut une
amélioration et on veut qu'elle soit positive pour lui. Mais la seule façon
d'arriver, c'est en comprenant c'est quoi leur langage. Si je lui parle dans un
langage que lui ne comprend pas, ou ce n'est pas utile pour lui, ce n'est pas
très efficace. Donc, on veut aller avec des collègues en sciences sociales,
qu'ils puissent nous faire comprendre il est où le problème, pourquoi notre
message ne se rend pas, pourquoi il y a une mauvaise perception de la nouvelle
pratique, qu'est-ce qu'on peut faire pour les améliorer.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Martinez. Sur ce, je cède maintenant la parole au député de
Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Bonsoir.
Mme Martinez (Gabriela) :
Bonsoir.
M. Tremblay : Je salue
d'abord vos ambitions d'organisation, ça respire, clairement. Je veux saluer
aussi vos ambitions pour les producteurs du Québec. Dites-moi, première
question, chaque année, vous faites mention de 500 champs qui sont
dépistés avec l'objectif de suivre finalement les principaux ennemis des
grandes cultures. Est-ce que vous croyez que cet échantillonnage-là est
suffisant dans le contexte actuel de réflexion puis de virage? Est-ce que vous
croyez que l'échantillonnage pourrait être ventilé vers les régions sur des
cultures plus marginales? J'aimerais votre opinion.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Présentement, comme vous venez dire, on a 500 champs... ont 75 % des
suivis. Tout ça, c'est un rapport très positif. On nous permet de donner les
alertes pour mettre... vérifier et identifier même des ravageurs qui commencent
à arriver à cause des changements climatiques. C'est sûr que, plus on est
capable d'élargir le nombre de champs, plus représentatif c'est, et mieux on
peut pouvoir, après, diffuser l'information.
Le Président (M. Lemay) : Le
député.
M. Tremblay : Merci...
l'expertise dans le domaine commence à se faire valoir au Québec. Vous parlez
du... évidemment, du 4.0, là, des attaques ciblées de ravageurs, puis vous
signifiez, néanmoins «la nouveauté du sujet requiert que certains problèmes
ponctuels soient explorés davantage». Vous ouvrez une porte. Maintenant, ma
question, moi, c'est : est-ce qu'on pourrait dire... Croyez-vous que le
gouvernement est partenaire, à l'heure où on se parle, de cette démarche-là?
Mme Martinez (Gabriela) :
...qu'on propose, c'est que le gouvernement devienne partenaire, qu'il offre
des subventions à laquelle on puisse appliquer, et qu'il crée cette grappe. Je
crois que, comme je vous dis, c'est une belle opportunité pour me démontrer le
leadership qui existe au Québec. On a tout pour le faire.
• (19 h 50) •
Il existe aussi le centre de recherche
Computer Research Institute of Montréal, toutes les connaissances pour nous
aider, pour pouvoir travailler ensemble. Au CEROM, on croît à la synergie.
Personne n'arrive à rien en travaillant toute seule. On a besoin de combiner
les efforts et les connaissances de chacun. Probablement, cette personne ne
connaît rien malherbologie, mais j'en ai une et elle est très bonne. Donc, si
on prend cette chercheuse, qui est excellente en malherbologie, on fait un
match avec les gens qui travaillent dans tous les processus et la formation...
la création d'algorithmes, pardon. On combine aussi les gens qui... en
entomologie. J'ai des bons chercheurs en entomologie, qui sont déjà très
avancés dans la création des applications pour que les producteurs puissent les
utiliser. Pourquoi ne pas unir tous ces efforts ensemble et créer quelque chose
de plus grand...
Mme Martinez (Gabriela) :
...la formation... la création d'algorithmes, pardon. On combine aussi les gens
qui... en entomologie. J'ai des bons chercheurs en entomologie, qui sont déjà
très avancés dans la création des applications pour que les producteurs
puissent les utiliser. Pourquoi pas unir tous ces efforts ensemble et créer quelque
chose de plus grand et qui ne sert pas juste à nous? On est ... Canada. On ...
l'est, tout ensemble, parce qu'on a des problématiques communes, et travaillons
ensemble pour le bénéfice commun de tout le monde.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : J'ai peut-être
une autre question. Dites-moi, on parle beaucoup de formation. Vous jouez un
rôle de synergie, vous travaillez avec plusieurs partenaires. On voit plusieurs
projets de recherche, des comités. Votre champ d'intervention est très large
dans la mesure où on a déjà parlé de l'importance d'accélérer la formation au
Québec au niveau universitaire, collégial, à la limite, où on a parlé de
plateformes plus conventionnelles, un petit peu avant le souper. Est-ce que le
CEROM... En page 7, vous parlez d'une refonte puis de vouloir revoir vos
axes d'intervention.
Est-ce que CEROM pourrait être un joueur
majeur dans cet établissement-là de nouvelles réalités de formation au Québec?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Absolument. Absolument. J'ai des chercheurs qui ont les connaissances. Donc, je
crois que c'est le moment que ces gens-là donnent à la société toutes ses
connaissances qu'ils se sont acquis. Ce sont des jeunes, ils connaissent toutes
les nouvelles technologies, ont des superbonnes idées qu'on peut utiliser pour
pouvoir atteindre les différentes personnes. Ce n'est pas toutes les personnes
qui communiquent de la même manière, donc pourquoi ne pas les utiliser pour
pouvoir faire des formations pertinentes?
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Martinez. Maintenant, je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
Environ quatre minutes.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Quatre minutes. Bon... Bonsoir, bonsoir. Merci du travail, merci du mémoire. Beaucoup
de travail de fait à ce niveau-là.
On a un mandat d'initiative qui parle au
niveau des pesticides, la santé, l'impact, qui parle aussi de l'innovation et
qui parle aussi du secteur de compétitivité au niveau agricole. Et j'ai
remarqué que vous en faites mention dans votre mémoire, le secteur de compétitivité.
Là, vous avez dit que le Québec est bien positionné pour les mesures d'innovation.
On est des leaders, tout ça.
Mais vous faites un parallèle. Vous
mentionnez qu'il y a un problème parce que les agriculteurs sont des preneurs
de prix, en majorité, et on est dans un marché libre, où est-ce qu'il n'y a pas
de frontières. Et vous soulevez l'impact... comment qu'on va faire pour réussir
à être compétitifs face aux marchés extérieurs. J'aimerais ça vous entendre.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Martinez, sur la compétitivité.
Mme Martinez (Gabriela) :
Moi, je crois que la compétitivité, on peut la réussir, justement, en étant
innovants. Il faut trouver de quelle façon le producteur peut travailler en
préservant sa santé et en améliorant le rendement.
Au CEROM, j'ai trois chercheurs qui
travaillent dans l'amélioration génétique. Ils trouvent des nouvelles variétés
qui sont plus résistantes aux différents ravageurs. On a mis au point des
techniques pour infecter nous-mêmes... rendre les cultures malades pour pouvoir
vérifier si nos cultures arrivent à résister.
Donc, je pense qu'avec ces développements
de semences qui vont être plus compétitives, bien, c'est une belle opportunité
pour les producteurs. On le fait pour les producteurs, on ne le fait pas pour
nous, là. Et tous les aspects à un niveau malherbologique... est en train
d'étudier, il y a un niveau de ravageurs, c'est justement pour que le
producteur puisse détecter très rapidement qu'il y a un problème dans son champ
et pouvoir prendre une action qui peut-être va être moins drastique
qu'appliquer un pesticide mur à mur dans tout son champ.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Donc, vous pensez que les producteurs appliquent mur à mur des pesticides?
Mme Martinez (Gabriela) :
Il y a... Je ne dis pas que tous, mais il y a certains qui utilisent, oui, de
façon préventive les pesticides. Nous, on est en train de proposer... on a ...
VFF QC, c'est une application qui a été développée au CEROM, en collaboration
avec des partenaires, bien sûr, qui permet justement pouvoir vérifier est-ce
qu'on est à risque ou on n'est pas à risque, qu'est-ce qu'on peut faire.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Qu'est-ce que vous pensez du producteur M. Michon, qui est venu nous
présenter son dossier basé sur des faits avec des données... des vraies
données, des données qu'il a comptées, là, assis, parce que vous savez que les
entrepreneurs agricoles sont des gestionnaires. Qu'est-ce que vous pensez de
son dossier? Travail minimum du sol, mais...
Mme Martinez (Gabriela) :
...qu'est-ce qu'on peut faire?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Qu'est-ce que vous pensez du producteur M. Michon, qui est venu nous présenter
son dossier basé sur des faits avec des données... des vraies données, des
données qu'il a comptées, là... Parce que vous savez que les entrepreneurs
agricoles sont des gestionnaires. Qu'est-ce que vous pensez de son dossier? Travail
minimum du sol, mais quand même qu'il nous a dit qu'il ne peut pas faire un
travail minimum du sol sans utiliser un pesticide de synthèse. Il dit qu'il
fermerait l'entreprise.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : Je
l'écoute et je pense que je peux me baser seulement sur des données
scientifiques. Là, on parle d'un producteur. Est-ce que c'est représentatif de
tout le Québec? Est-ce que c'est représentatif à la région de la Montérégie,
qu'est-ce qui passe dans la Côte-Nord? Je ne le sais pas. Je n'ai pas réponse
pour ça.
Le Président (M. Lemay) : 15
secondes.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Mais il y a des données qui démontrent que de plus en plus de producteurs
utilisent des semis directs, tout ça.
Mme Martinez (Gabriela) : Le
semis direct, je suis tout à fait d'accord et je vous dis aussi... J'ai un
autre de mes chercheurs qui travaille en... Il préconise aussi le semis direct.
Je ne suis pas contre le semis direct. Je ne suis pas contre l'idée d'arrêter
ou garder les pesticides. Je ne suis pas là.
Moi, mon seul objectif, mon travail
consiste...
Le Président (M. Lemay) :
...je vais devoir vous interrompre.
Mme Martinez (Gabriela) :
...à avoir les données nécessaires.
Le Président (M. Lemay) :
Puisque cette période d'échange avec la partie du gouvernement étant terminée,
je cède maintenant la parole à l'opposition officielle. Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Bonjour à tous les deux. Merci de vous joindre à
nous à cette heure quand même tardive pour un mardi.
Mme Martinez, je vais faire du pouce sur
la réponse que vous venez de donner. Vous dites : Je ne peux que me baser
sur la science pour répondre à des questions. Et vous comprendrez, moi, je veux
aller vraiment dans le coeur de ce qui a habité l'actualité, là, dans les
derniers mois, donc vraiment au niveau de l'indépendance de la recherche.
Je sais que vous avez fait beaucoup,
beaucoup d'ajustements au niveau de la gouvernance du CEROM, mais j'ai besoin,
moi, d'entendre qu'on doit être rassuré des changements qui ont été faits. Il y
a beaucoup de questions qui sont... qui demeurent encore sans réponse. Il y a
encore beaucoup... Vous savez que la confiance de la population a été très
ébranlée. Donc, je pense que vous avez une chance ici d'apporter des réponses à
toutes ces questions.
Vous nous avez dit que, sur 11 membres du
conseil d'administration, il y en a six qui sont indépendants. C'est bien ça?
Les sept autres postes sont occupés par qui?
M. Pageau (Denis) : Les cinq
autres postes...
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Pageau, allez-y.
Mme Montpetit : Les cinq
autres postes, oui, pardon.
M. Pageau (Denis) : Mme la
députée, il y a trois membres qui représentent les Producteurs de grains du
Québec, et deux membres du conseil d'administration qui sont de la Coopérative
fédérée.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Est-ce que le
fait, justement, d'avoir des membres de La Coop fédérée, est-ce que ça ne va
pas à l'encontre... à l'inverse un peu de ce qui vous a été recommandé dans le
rapport de gouvernance? Comment vous voyez ça d'avoir des gens justement qui
sont présents et qui ont des intérêts sur le conseil d'administration, encore
aujourd'hui, de votre centre de recherche?
Le Président (M. Lemay) : M.
Pageau.
M. Pageau (Denis) :
...permettez, je vais y répondre. Écoutez, je ne vois pas ça comme une
contradiction, dans la mesure où on a fait les changements nécessaires pour que
les membres indépendants soient en plus grand nombre. Ça, c'est la chose la
plus importante.
Ce qui intervient aussi dans ça, c'est
qu'on a mis sur pied une politique à l'égard de... comment on appelle ça? Je
m'excuse.
Mme Martinez (Gabriela) :
Politique d'éthique et politique de harcèlement.
M. Pageau (Denis) :
Excuse-moi. Oui, pour faire en sorte que, si jamais certains chercheurs, par
exemple, recevaient des appels ou avaient de la pression sur eux pour... quelle
que soit la raison, bien, il y a une procédure pour eux de venir nous voir, de
suivre une certaine hiérarchie pour parler de la situation si elle se
présentait.
Malgré tout, comme je disais tout à
l'heure, dans les révisions de la gouvernance, on a aussi un comité aviseur, un
comité scientifique, un nouveau... je m'excuse, j'ai oublié... le nouveau
directeur scientifique que nous voulons embaucher, qui va être la première
personne à côté des chercheurs.
Alors, je ne pense pas que l'influence de
membres non indépendants peut jouer un grand rôle pour influencer les décisions
ou les choses qui se font. On ne veut vraiment pas ça.
Personnellement, quand j'ai... je me suis
porté volontaire pour être membre du conseil d'administration, et puis j'ai été
choisi par les gens autour de la table pour devenir président, et j'ai accepté,
c'est parce que j'ai été interpellé personnellement, honnêtement, pour les
mêmes raisons que vous, vous l'êtes. Vous vous êtes interrogée sur cette
affaire-là.
• (20 heures) •
Moi, j'ai entendu ça. Je suis agronome de
formation. Je suis un citoyen comme tout le monde puis je me suis dit : Il
y a quelque chose qui ne marche pas, et ce n'est pas possible que tout ce qui
se passe là-bas soit mauvais. Et je me suis dit : On peut aller jouer un
rôle là-bas, on peut modifier des choses puis on peut s'assurer qu'on va gérer
ça correctement. Et, en même temps, comme tout le monde, je pense qu'on
recherche des solutions pour de l'agriculture durable, pour les bienfaits de
tout le monde...
20 h (version non révisée)
M. Pageau (Denis) : ...que tout
ce qui se passe là-bas soit mauvais. Et je me suis dit : on peut aller
jouer un rôle là-bas, on peut modifier des choses, puis on peut s'assurer qu'on
va gérer ça correctement. Et, en même temps, comme tout le monde, je pense
qu'on recherche des solutions pour de l'agriculture durable, pour les bienfaits
de tout le monde, pour toute la population québécoise. En même temps, il faut
aider les producteurs à passer à travers leur situation qu'ils vivent à tous
les jours et le stress financier, économique qu'ils peuvent avoir. Mais tout ça
pour dire que, qu'on ait, sur le conseil d'administration, des gens qui
représentent la Coop fédérée, dans ce cas-ci, ou les producteurs de grain, je
ne vois pas ça comme un problème majeur, pas aujourd'hui.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Pageau. Mme la députée.
Mme Montpetit : Si vous aviez
mis des mécanismes en place, justement, pour permettre aux membres de dénoncer
des situations d'influence, est-ce que c'est parce que vous avez été avisé
qu'il y a déjà eu ce genre d'influence par le passé au CEROM?
M. Pageau (Denis) : Moi, je ne
suis pas là depuis longtemps, comme je vous disais tantôt, je n'ai pas eu la
chance de parler avec grand monde, mais le tour de table que j'ai pu faire avec
les gens avec qui j'ai parlé, il n'y a personne qui me dit que c'est... qu'il
se passe quelque chose.
Mme Martinez (Gabriela) : Si
je me permets...
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : ...
qu'est-ce qu'on va briser, c'est la perception. Je crois que le CEROM,
qu'est-ce qu'elle ne fait pas correct, c'est la communication. Donc, les gens,
ils ne savaient qui on était, qu'est-ce qu'on fait et de quelle manière. Donc,
qu'est-ce qui vise toute cette documentation, c'est pouvoir dire :
Maintenant, on a toutes les preuves, on a tout fait pour prouver cette indépendance.
Avant, on ne pouvait pas la prouver, donc tout le monde pouvait rester dans sa
perception, et c'est qu'est-ce qui a fait mal.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Merci. Combien
vous avez de chercheurs, à l'heure actuelle, sur le conseil d'administration?
Le Président (M. Lemay) : M.
Pageau.
Mme Montpetit : Il y en a...
Suite à la recommandation du rapport de gouvernance, est-ce qu'il n'y a pas une
indication d'avoir un nombre de chercheurs... je pourrais retrouver la page,
là, je lisais un petit peu plus tôt... d'avoir un nombre optimal de chercheurs
non employés du CEROM pour s'assurer, justement, que la mission du CEROM, qui
est vraiment la recherche scientifique, soit mise à l'avant au niveau du
conseil d'administration?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Pageau, allez-y.
M. Pageau (Denis) : Excusez.
En ce moment, on a un membre indépendant qui, effectivement, qui correspond à
ce profil-là. Mais je ne peux pas... Honnêtement, je ne me souviens pas
exactement de la recommandation de gouvernance à l'effet de combien de
personnes devraient avoir ce profil-là, mais nous en avons une.
Mme Martinez (Gabriela) :
Est-ce que je peux me permettre?
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : On
a créé une grille pour sélectionner les gens dans le conseil d'administration.
On a sélectionné 10, 11 catégories qu'on considère que ça serait important que
dans notre C.A., l'ensemble du C.A. a ces compétences. Et, qu'est-ce qu'on a
fait, c'est, par personne, on marque c'est quoi les compétences de cette
personne, et on cherche à une synergie. Avec les 11 membres, on couvre cette...
je ne me souviens pas exactement, 70, 71 critères...
M. Pageau (Denis) : Oui.
Mme Martinez (Gabriela) : On
couvre tous ces critères, et, l'ensemble, on arrive avec l'information nécessaire.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Oui, je veux
juste... Je vous invite peut-être à aller le relire, là, mais dans le rapport
de gouvernance, il y a vraiment une recommandation qui est très, très claire,
qui se lit ainsi, là : C'est avoir un nombre optimal de chercheurs non
employés du CEROM sur le conseil d'administration justement pour s'assurer
d'une certaine indépendance au niveau de la recherche et une orientation en ce
sens-là.
Par rapport... Vous parliez du directeur
scientifique, je comprends qu'il n'est pas embauché encore. Est-ce que... Ça,
c'est une recommandation du rapport de gouvernance aussi qui date de novembre
2018. On est un an plus tard, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle il n'y
a toujours pas de directeur scientifique en place au CEROM?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : On
va pour le troisième ou quatrième affichage. C'est ça la raison. Je crois que
tous les mauvais commentaires nous ont fait très mal, il n'y a personne qui
veut venir. C'est la seule raison que je peux vous dire.
Mme Montpetit : Et donc vous
cherchez activement, là.
Mme Martinez (Gabriela) : On
cherche très activement. On est rendu à prendre des mesures un peu plus fortes.
Mais, juste pour être sûre, vous... est-ce que c'est le conseil
d'administration ou c'est le comité aviseur? Parce que, dans le comité aviseur,
c'est sûr qu'on demande d'avoir trois chercheurs indépendants.
Mme Montpetit : Non, c'est
bien sur le C.A., mais j'allais vous demander de toute façon, justement, vous
avez fait mention du comité comité aviseur un petit peu plus tôt. Est-ce que
vous pouvez nous indiquer également qui siège sur ce... pas nominativement, là,
mais quel profil de gens siège sur le comité aviseur en ce moment?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Dans le comité aviseur, on va chercher des gens de l'industrie, des gens des
universités ou des chercheurs, si vous voulez, avec un profil chercheur.
Participent aussi certains des non-chercheurs...
Mme Montpetit : ...profil de
gens siègent sur le comité aviseur en ce moment?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : Dans
le comité aviseur, on va chercher des gens de l'industrie, des gens des
universités ou des chercheurs si vous voulez, avec un profil chercheur.
Participent aussi certains de nos chercheurs pour pouvoir être à l'affut de
tout ce que c'est nouveau sur le secteur.
M. Pageau (Denis) : Et des
membres du conseil d'administration.
Mme Martinez (Gabriela) : Si,
si, bien sûr.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme la députée.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Je vais revenir avec une phrase qui est dans votre mémoire, bien, ça
va faire un lien avec la réponse que vous m'avez donnée aussi. Puis je me
permets d'insister beaucoup là-dessus parce que je pense que c'est important
qu'on clarifie, puis on a l'occasion de le faire avec vous. On a un besoin, si
on veut prendre des décisions éclairées, comme législateurs, comme
parlementaires, comme gouvernement également, d'avoir des informations et des
données qui sont robustes et de s'assurer justement que l'information, la
recherche qui est faite, elle est libre complètement de tout intérêt.
Vous avez mentionné dans votre mémoire,
vous recommandez de développer un lien étroit en matière de recherche avec les
entreprises. Donc, je comprends que pour vous, c'est souhaitable, souhaité, que
l'industrie soit impliquée au niveau de la recherche sur les... la recherche.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : Je
vous dirais que ce n'est pas juste pour moi, pour le gouvernement aussi. Parce
que pour n'importe quelle subvention qu'on demande, on nous demande minimum
20 % d'apport financier de l'industrie. Donc, c'est souhaitable évidemment
pour tout le monde.
Je crois que si les choses sont faites
correctement, il n'y a pas de dommages à ce que l'industrie collabore à
l'élaboration de la connaissance. Parce qu'eux aussi peuvent en tirer bénéfice.
Qu'est-ce qu'on fait allusion dans le mémoire, on cite le RGCQ que c'est un
groupe de recherche où est-ce que les différents semenciers, de façon très
volontiers, paient et offrent leurs semences pour qu'elles soient testées avec
un protocole standardisé et normalisé dans toutes les différentes régions du
Québec.
C'est... Qu'est-ce qu'on obtient comme
résultat de cette culture, tout est noté, tout est tabulé et c'est publié dans
des guides qui sont disponibles pour tous les producteurs. Donc, vous allez
voir les différents semenciers les uns après les autres, où est-ce que leurs
semences sont comparées pour sa résistance à différentes maladies, pour son
niveau de productivité, et ça se fait parfaitement dans l'ordre. C'est le CEROM
qui coordonne la RGCQ...
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme Martinez. Je dois vous interrompre sur cette réponse
pour céder la parole maintenant à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. J'aimerais revenir sur les pratiques de remplacement que vous
abordez dans votre mémoire à la page 8
Vous dites que le Québec devra investir
davantage pour valoriser les pratiques innovantes pour une agriculture durable.
Il faudra aussi mettre en évidence les avantages économiques et l'évaluation
des risques de ces pratiques pour les comparer avantageusement aux méthodes de
contrôle conventionnelles. Et là, vous parlez de développer des outils d'aide à
la décision qui répondent à ce besoin, mais vous insistez aussi sur le fait que
le développement de tels outils nécessite souvent plusieurs années de collecte
de données pour obtenir des analyses-bénéfices/coûts robustes, et surtout dans
un contexte de changements climatiques. Et vous poursuivez en disant : En
ce sens, les solutions faciles, rapides et économiques que font miroiter
certains sont plutôt théoriques qu'une réalité concrète.
Puis, moi, je me demande... Je pense que
personne ici ou en tout cas chez les producteurs qu'on a visités qui font de
l'agriculture biologique quand même à grande échelle, là, on a visité la ferme Agri-Fusion
qui cultive quand même 3000 hectares. Je pense qu'il n'y a personne
vraiment qui s'entend sur des solutions faciles, rapides et économiques. Et
moi, je me demandais : Est-ce que le CEROM fait encore partie de la
solution pour une transition d'une agriculture vers quelque chose de plus
écologique?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : Je
vous dirais que la plupart, pour ne pas dire tous, de nos projets ont une
tendance à une utilisation plus raisonnée et rationnelle des pesticides. On
pratique le semis direct. On parle de la culture en relais de soya et de blé
d'automne. On utilise... on développe des outils pour l'identification des
ravageurs, c'est en place. C'est le producteur va avec son téléphone pour
essayer de détecter qu'est-ce qu'il y a dans son champ.
• (20 h 10) •
Qu'est-ce qu'on essaie de dire avec ça, c'est
qu'on ne peut pas, avec les tests qu'on fait en une année dans une parcelle,
prendre des décisions. Il faut faire des tests à la grandeur du Québec. Les
climats sont différents, on a des changements. L'année dernière était très
sèche, cette année...
Mme Martinez (Gabriela) :
...c'est qu'on ne peut pas avec les tests qu'on fait en une année, dans une
parcelle, prendre des décisions. Il faut faire des tests à la grandeur du Québec,
les climats sont différents, on a des changements. L'année dernière, c'était
très sec, cette année, c'est plus humide. Le printemps de l'année dernière et
le printemps de cette année ne sont pas égaux. On n'arrive pas à avoir deux
années de suite qui se ressemblent. Donc, c'est très difficile prendre des
décisions en se basant sur les données recueillies une seule année.
Mme Lessard-Therrien : Bien,
les intervenants qu'on a rencontrés nous parlaient beaucoup de la
hiérarchisation des moyens utilisés pour faire notamment la lutte intégrée,
pour utiliser, en ultime dernier recours, les pesticides. Moi, je comprends que
vous vous dirigez vraiment vers une agriculture de précision, mais on est
encore toujours dans l'application de pesticides. Vous le voyez où, ça, dans la
hiérarchisation des moyens?
Mme Martinez (Gabriela) :
C'est le dernier recours...
Le Président (M. Lemay) : En
10 secondes, Mme Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
...dernier recours.
Le Président (M. Lemay) : Dernier
recours. Parfait. Merci beaucoup. Donc, M. le député de Bonaventure, la parole
est à vous.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Madame, monsieur, bonjour. Écoutez, l'écosystème de la recherche sur
les pesticides, ce n'est pas évident, hein, moi, je suis nouveau là-dedans,
puis j'essaie de démêler tout ça. Je regarde votre mémoire et il y a certaines
choses là-dedans qui sont intéressantes, bon, entre autres, quand vous nous
dites : Le Québec aurait intérêt à développer des liens étroits en matière
de recherche et de développement. Bon. Je mets ça en parallèle avec, et c'est
dans l'actualité actuellement, là, sur l'homologation de l'ARLA où c'est
80 % des recherches qui est fourni par les entreprises et ce n'est même
pas vérifiable par l'ensemble de la communauté scientifique. Là, on a ce
contexte-là et, dans le mémoire, vous nous dites : Bien, il faudrait que
Québec investisse. Bon. On veut bien, là, mais je trouve qu'il y a comme des
contradictions dans le sens où c'est que l'ensemble de la recherche qui est
autorisée à être... bon, autorisée pour homologuer — je viens des
entreprises privées — ça fait que la portion de recherche que le
Québec devrait financer, ça servirait à quoi exactement?
Et l'autre question, c'est : Qui
définit les orientations de recherche? Est-ce que c'est le conseil
d'administration? Est-ce que ce sont les chercheurs eux-mêmes qui... oh!, il y
a une bonne idée, ça fait qu'on devrait aller là? Écoutez, ça a de l'air
«basic», mes questions, mais c'est parce que je veux juste comprendre.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) : On
va essayer de vous démêler. C'est le gouvernement qui nous donne les orientations
les plus grandes, parce que, si vous voulez appliquer à une demande de fonds,
il faut que votre recherche soit orientée avec qu'est-ce que le gouvernement
veut. Je peux bien investiguer comment la fourmi marche, mais, s'il n'y a pas
d'argent pour... comment la fourmi marche, je ne vais pas avoir l'argent pour
pouvoir l'investiguer.
M. Roy
: Et quelles
sont les grandes orientations que le gouvernement vous donne?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Martinez.
Mme Martinez (Gabriela) :
Bien, vous avez toute la politique bioalimentaire, vous avez toute la planification — attendez
un peu que je me rappelle tous les beaux noms, là — la Stratégie
phytosanitaire du Québec. Elles existent, ces stratégies que le gouvernement
nous donne. Le but, c'est la lutte intégrée, tout le monde travaille pour la
même chose. Maintenant, ça nous demande tous les efforts qu'on est en train de
faire en recherche pour se rendre aux producteurs et que le producteur croit. Il
y a certains, comme vous l'avez dit, sont plus avancés, sont rendus, super, ils
ne sont pas la majorité. Il faut aider le reste.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député, le mot de la fin.
M. Roy
: Bien, en
conclusion, ce qu'on a pu voir, la Stratégie phytosanitaire a du plomb dans
l'aile un tantinet, étant donné que les voeux qui ont été émis par le gouvernement
ne se sont pas réellement concrétisés par des actions de réduction de l'utilisation
des pesticides, c'est exactement le contraire qu'on a eu, constat.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, merci, M. le député pour ce mot de la fin. M. Pageau, Mme Martinez, je
vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant suspendre les travaux quelques
instants pour permettre à Mme Denise Proulx de prendre place. Désolé...
(Suspension de la séance à 20 h 14)
(Reprise à 20 h 16)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à Mme Denise
Proulx, sociologue de l'environnement et chargée de cours à l'Institut des
sciences de l'environnement de l'Université du Québec à Montréal. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je
vous invite donc à débuter votre exposé. La parole est à vous.
Mme Proulx (Denise) : Bonsoir
à tous. Bonsoir, mesdames, bonsoir, messieurs. Alors, je vous remercie du
privilège que vous m'accordez de venir vous présenter mon analyse des
conséquences et des impacts sociologiques environnementaux et sanitaires de l'usage
systémique des pesticides en agriculture. Je m'appuierai sur mes expériences et
recherches empiriques et scientifiques, sur ma connaissance approfondie du milieu
agricole où je suis née, que j'habite et que j'observe depuis toujours, sur mon
engagement de citoyenne auprès d'organismes de mise en valeur et de soutien en agriculture
pour vous instruire.
À titre indicatif, je suis
secrétaire-trésorière de l'organisme Écoute agricole des Laurentides, qui
finance et soutient le travail essentiel d'une travailleuse de rang dans la
région des Laurentides et bientôt en Outaouais. Je suis la mentore d'un organisme
qui s'appelle École-O-Champ, qui préconise une éducation relative à l'agriculture
et à l'alimentation écologique auprès des enfants, et dorénavant installé dans
les anciens locaux de l'Abbeye d'Oka.
Je suis également une citoyenne engagée
pour la préservation des milieux naturels et boisés dans la région des
Laurentides pour le maintien d'une connectivité d'un territoire boisé entre le
sud et le nord, et ainsi préserver des espaces essentiels pour le déplacement
de la faune. Comme scientifique, j'enseigne les enjeux de l'agriculture et de
l'environnement à l'l'Institut des sciences de l'environnement depuis 2010. Je
participe à diverses recherches sur les impacts socioenvironnementaux de l'agriculture
moderne. Je suis également, en parallèle de tout cela, un journaliste depuis
plus de 40 ans, dont 30 années passées à couvrir les questions agricoles,
environnementales et économiques.
Alors, ce soir, je voudrais focaliser mon
sujet et attirer votre attention tout particulièrement sur les enjeux
sociologiques de la situation actuelle en agriculture. Je vous parlerai de
l'évolution de la représentation sociale que la société se fait de
l'agriculture québécoise, du contrôle et de la manipulation de l'information
qui est diffusée auprès des agriculteurs, des producteurs agricoles de toutes
sortes, des professionnels et des consommateurs, les multiples conséquences
croisées et cumulatives de cette manipulation de l'information sur la
représentation sociale actuelle de l'agriculture et du fossé vraiment
inquiétant qui se creuse entre les producteurs et les consommateurs, entre les
producteurs et les néoruraux.
Je vous présenterai des recommandations
qu'il me fera plaisir, par la suite, de discuter avec vous.
Alors, la représentation sociale de
l'agriculture n'a jamais cessé d'évoluer depuis 60 ans. Aujourd'hui, elle est
plus que jamais négative dans une couche importante de la société à cause de la
prise de conscience de cette population et dorénavant des médias de masse, des
conséquences de la priorisation des valeurs économiques en agriculture sur
celle de la santé publique et de l'environnement.
• (20 h 20) •
Je vous résume cette évolution le plus
brièvement possible. Alors, jusqu'au milieu des années 60, au Québec,
l'agriculture était majoritairement multifonctionnelle, traditionnellement un
mode de vie consensuel, et, selon la représentation sociale qu'on s'en faisait,
c'était le lot de cultivateurs, d'agriculteurs conservateurs, généralement peu
instruits et peu ambitieux, bien que soucieux d'améliorer leur sort. Diverses
politiques publiques...
Mme Proulx (Denise) :
...multifonctionnel, traditionnellement un mode de vie consensuel. Et, selon la
représentation sociale qu'on s'en faisait, c'était le lot de cultivateurs, d'agriculteurs
conservateurs, généralement peu instruits et peu ambitieux, bien que soucieux
d'améliorer leur sort.
Diverses politiques publiques adoptées
durant le grand chantier de la Révolution tranquille ont fait en sorte que le
milieu agricole a été fortement invité, incité à se moderniser, à se
spécialiser et à adopter des techniques de production et d'élevage inspirées
par les succès reconnus du côté des États-Unis et de l'Europe. Les fermes qui
ne soutenaient pas cette vision de la modernisation sont tombées en grand
nombre. C'était l'époque, on se rappelle, de l'émergence des banlieues et de
toute une génération de baby-boomers qui jugeaient avec un certain mépris le
travail harassant de la terre pratiqué par leurs parents et leurs ancêtres.
Dans les années 1970, le ministère de
l'Agriculture est devenu un acteur de premier plan dans cette transformation de
l'agriculture québécoise. Même si le nombre de fermes était en baisse
constante, des agronomes et des scientifiques soutenus par des centres de
recherche publics créés par le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral ont développé des expertises avant-gardistes qui sont devenues des
joyaux canadiens, voire même à l'international. Dès lors, la représentation
sociale qu'on s'en faisait était que le secteur était capable de créativité,
d'audace, d'affirmation et d'ambition. Cette vision de la modernité de
l'agriculture a été soutenue fortement par une personnalité très forte de
l'agriculture, M. Jean Garon, qui a fermement défendu les valeurs rurales,
les valeurs de... et la fierté de se hisser comme chefs de file dans plusieurs
domaines.
À partir des années 1980, alors ce...
et dans les années suivantes, la tendance à aller vers la migration vers les
milieux plus urbanisés a connu un mouvement inverse. Ce sont souvent des
résidents urbains qui choisissent... qui ont choisi alors de s'installer en
milieu rural, appelons-les les «rurbains» ou les «néoruraux», selon les données
scientifiques que l'on a développées, avec le rêve d'une tranquillité de la
ferme bucolique, en conservant une activité urbaine dans la majorité des cas.
Alors, les zones de mixité sociale se sont multipliées et souvent grâce à
certaines règles de la Loi de protection du territoire agricole.
Et c'est là qu'on a vu arriver les
problèmes de... Les conflits de voisinage, bruits, odeurs, circulation de
véhicules agricoles lourds en heure de pointe, pollution de l'air, des puits de
surface par les intrants chimiques, l'épandage de pesticides sans tenir compte
des heures d'épandage ni des vents dominants, détérioration du paysage par la
coupe de boisés, nivellement des sols, une gestion déficiente des déjections
animales ont détérioré grandement l'image de l'agriculture complice de son
voisinage et de cette nature tranquille tellement recherchée. On découvre alors
une campagne polluée, alors qu'on se l'imaginait calme, saine, préférable pour
y vivre et pour y élever des enfants.
Alors, durant mes travaux de recherche
comme chercheuse en maîtrise... lors de ma maîtrise en sociologie de
l'environnement portant sur les conflits de cohabitation sociale dans le
secteur du domaine porcin dans les années 90 et 2000, il est clairement
ressorti que ces perceptions négatives avaient un impact majeur sur la... et
les tensions avaient un impact majeur sur l'expansion des projets en
agriculture. En 2008, la commission de l'avenir et de l'agriculture de
l'agroalimentaire du Québec, la commission Pronovost, a soumis des
recommandations pour améliorer les relations de voisinage entre les milieux
urbains et ruraux et les producteurs agricoles et... c'est-à-dire les néoruraux
et les producteurs agricoles. Laissée sans suite, bien, la... représentation
des milieux agricoles a continué à se détériorer.
Au point qu'au tournant des
années 2010 des études ont démontré que de plus en plus les citoyens se
tournaient vers l'agriculture biologique et de proximité, une croissance de
10 % à 20 % par année selon certains secteurs, et aujourd'hui on
constate que des jeunes et des moins jeunes ne croient plus au discours
promotionnel vantant la qualité des aliments produits à partir de la technologie
et des méthodes agricoles intensives qui s'apparentent à l'industrie
manufacturière. Avec l'arrivée des réseaux sociaux, nombreux sont les adeptes
qui critiquent sans gêne les pratiques agricoles modernes basées sur l'usage
intensif d'équipements énergivores, d'intrants chimiques, de pesticides de
toutes sortes, de semences génétiquement modifiées, l'administration préventive
de médicaments, les méthodes d'élevage et d'abattage des animaux et la
maturation de récoltes à partir du glyphosate. On constate aujourd'hui une
montée fulgurante du végétalisme, dont les militants ne...
Mme Proulx (Denise) :
...chimique, de pesticides de toutes sortes, de semences génétiquement
modifiées, l'administration préventive de médicaments, les méthodes d'élevage
et d'abattage des animaux et la maturation de récoltes à partir de glyphosate.
On constate aujourd'hui une montée
fulgurante du végétalisme dont les militants ne manquent pas une occasion de
dévaloriser les productions laitières, les élevages de toutes sortes, sans
égard pour les efforts réels qui sont entrepris par les producteurs agricoles.
Si vous êtes passés par Montréal, métro Berri-UQAM, il y a une vaste campagne
actuellement des véganes qui est vraiment, vraiment, vraiment axée sur
justement une détérioration de la représentation sociale de l'agriculture.
Alors, depuis 40 ans, l'agriculture
québécoise a perdu beaucoup de lustre et pourtant, en 2019, pendant que cette
acceptabilité sociale de l'agriculture industrielle intensive est en chute
libre...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx, je vais vous demander d'arriver à votre conclusion, s'il vous
plaît.
Mme Proulx (Denise) : Alors,
on continue à vouloir plus que jamais à mener les agriculteurs vers les
technologies numériques en leur disant que c'est le nouvel Eldorado. Alors,
j'aurais voulu vous en dire plus, mais je vais vous parler de mes
recommandations.
Alors, dans mes recommandations. À la
suite de ce constat et au fait que l'agriculture, l'alimentation est à la base
de la santé humaine et de la santé... de notre énergie à tous, je
recommande :
Que le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation devienne un ministère senior qui permette de
rehausse le leadership en matière indépendante de recherche et d'innovation
agroalimentaire;
Qu'il embauche une nouvelle génération de
professionnels dédiée à travailler de matière transversale et
multidisciplinaire aux enjeux de la préservation et de la priorisation de la
santé humaine par une agriculture saine;
Qu'une fois son parti-pris en faveur de la
nature, que le MAPAQ prépare un plan de transition vers un système québécois
d'agriculture écologique sur une période de 10 ans et que le ministre soit
un leader pour obtenir les investissements requis en ce sens...
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Je vous interromps, cette fois-ci, sur vos recommandations, on les voit
ici, à la page... je crois, c'est la page 22 de votre mémoire. Et puis je
cède maintenant la parole au député de Bourget pour une période de questions
avec la partie gouvernementale.
M. Campeau : Bonjour,
Mme Proulx. Merci de venir nous voir ce soir. C'est vraiment une vision
qui me semble extrêmement négative, je suis très, très, très surpris. Je ne dis
pas que vous n'avez pas raison, là, il y a des gens qui agissent et qui pensent
comme ça, je n'ai pas de doute. Mais moi, dans les agriculteurs que j'ai eu
l'occasion de rencontrer, et il n'y en a pas beaucoup, j'avoue, que j'ai
rencontrés dans des fermes, je n'en ai pas vu un qui s'est levé en disant «comment
je pourrais polluer plus ce matin», les gens sont assez consciencieux, ils
essaient de faire leur possible.
Dans les visites qu'on a vues, dans les
visites de ferme, et ce que vous décrivez, est-ce que c'est les années 70-80,
ou voyez ça encore aujourd'hui? Parce que, dans les visites de ferme, moi, j'ai
vu des gens ambitieux, des gens qui voulaient vraiment bien faire, qui
voulaient appliquer les nouvelles techniques, qui pensaient, à long terme, à
minimiser la quantité d'agents chimiques qu'ils mettaient. Je suis un peu
surpris, est-ce que vous avez vu cette évolution-là ou vous pensez encore que
la vision que vous nous décrivez est encore actuelle?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Proulx.
Mme Proulx (Denise) : La
représentation sociale que les consommateurs, que les gens se font et la
réalité de l'agriculture, c'est deux choses différentes d'une part. Je pense
que les visites de ferme que vous avez faites, c'étaient des fermes justement
qui étaient avant-gardistes, innovantes, qui n'est pas nécessairement à l'image
d'une agriculture plus régulière. Alors, je pense que cette innovation-là n'est
probablement pas assez diffusée dans le grand public, bien que les médias de
masse commencent à le faire et que ce n'était pas suffisant pour... parce que
ce que les gens, ce que les consommateurs, ce que les opposants à ce type
d'agriculture intensive demandent, c'est qu'on change un paradigme de
production pour prendre en compte une multitude d'autres aspects de santé, non
seulement publique, mais aussi environnementale.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Campeau : D'accord, je
comprends, et c'est vrai que les fermes qui ont été choisies étaient plus
avant-gardistes, vous avez complètement raison. Est-ce que, dans les analyses
que vous avez faites, est-ce que vous tenez compte de la productivité du coût
de ce que ça peut impliquer aussi, parce que je ne vous ai pas entendu parler
de coûts comme tels?
• (20 h 30) •
Le Président (M. Lemay) :
Madame...
20 h 30 (version non révisée)
M. Campeau : ...est-ce que,
dans les analyses que vous avez faites, est-ce que vous tenez compte de la
productivité, du coût de ce que ça peut impliquer? Aussi, parce que je ne vous
ai pas entendu parler de coûts comme tels?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Vous me
parlez de coûts de production?
M. Campeau : Coûts de
production, oui.
Mme Proulx (Denise) : Bien,
moi, je vous parle de coûts sociaux et environnementaux. C'est deux calculs
différents. Dans les coûts de production, actuellement, je pense que ce que les
consommateurs et ce que les gens qui réclament une agriculture biologique, une
agriculture plus saine, réclament, c'est que ces coûts environnementaux et
sociaux soient pris en compte. Et malheureusement, quand les gens sortent de la
ville ou se promènent dans les campagnes, ils constatent qu'il y a beaucoup de
manque à ce niveau-là. Et les coûts de production... ils doivent dorénavant
prendre en compte les coûts sociaux et environnementaux. C'est essentiel pour amener
une reprise de confiance, à mon avis, des consommateurs.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Et par coûts
sociaux et environnementaux, ça veut dire aussi bien que, si on met moins de
pesticides, qu'il va y avoir une baisse de coûts dans ces cas-là, mais la
productivité peut faire agir dans le sens inverse aussi. Mais vous parlez de
coûts sociaux, dans le sens que la réaction des gens au fait d'avoir de la
nourriture bio, est-ce que les gens sont prêts à payer plus pour ça? C'est ça
que vous voulez dire par les coûts sociaux?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Par
coûts sociaux, moi, je vous parle de... le vivre ensemble. Dans beaucoup de...
Moi, je peux vous parler des régions périphériques, périurbaines de Montréal et
Québec. Moi, j'habite la région de Montréal, les grandes régions périphériques
de Montréal où j'ai vu beaucoup évoluer l'agriculture.
Je pense qu'aujourd'hui, il y a beaucoup
de néoruraux qui cohabitent dans les mêmes milieux que les agriculteurs, mais
une majorité d'agriculteurs continuent à considérer que le territoire leur
appartient, que leur droit de produire est prioritaire sur le vivre-ensemble
entre voisinages. Ça, c'est un coût social, ça, dans le sens qu'à ce moment-là,
vouloir aborder avec le conseil municipal de sa localité, de sa municipalité,
d'améliorer la protection des cours d'eau, de sensibiliser sur l'épandage des
pesticides, ça devient des questions taboues, et on est vite identifiés, les
citoyens — je dis «on» parce que j'ai participé à ces demandes de
questions là, notamment — comme étant des gens qui ne comprennent
rien et qui veulent les empêcher de gagner leur vie. Ce n'est pas le cas du
tout, là. C'est des gens qui ont la préoccupation de vivre ensemble, et les
néoruraux et les agriculteurs.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Bourget.
M. Campeau : Vous mentionnez
quelque chose qui me semble fort intéressant, c'est : formation d'une
alliance entre ministère de la Santé et Services sociaux, ministère de
l'Environnement et le MAPAQ. C'est un peu... Ça va un peu avec les
considérations sociales, autant qu'économiques, autant qu'agriculturelles.
C'est un peu ça que vous voulez dire, ne pas avoir... ne pas travailler en silo
mais avoir une approche beaucoup plus large. C'est ce que je comprends.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Proulx.
Mme Proulx (Denise) : En fait,
dans mes recommandations, ce que je dis, c'est que dorénavant il faut
travailler beaucoup de ministères ensemble pour la question de l'agriculture.
Il faut intégrer des équipes multipartites, multisectorielles...
multidisciplinaires, je veux dire, en agriculture.
Il faut autant des gens qui ont la
préoccupation sociale, la préoccupation sanitaire que la préoccupation
environnementale dans les équipes de recherche agricole parce que
l'agriculture, ce n'est pas juste une question d'économie, c'est une question
sociale, c'est une question de manger pour être en santé, pour être plein
d'énergie, pour être des gens qui participent pleinement parce qu'on est des
gens en santé, autant psychologiquement que physiquement, que notre
environnement est en santé. Tout ça, ça fait partie d'un tout.
On a divisé, depuis l'entrée du Canada, du
Québec dans les accords de libre-échange, depuis, disons, 25 ans... Depuis que
les accords ont été clairement définis par l'ALENA, par les autres traités
qu'on a signés dans les dernières années, on a tout focalisé autour de
l'économie, alors que plus que jamais, avec les questions environnementales qui
se parlent tous les jours, avec les questions sociales, les questions de santé,
il faut réintroduire dans l'agriculture ces enjeux-là.
Le Président (M. Lemay) :
...Mme Proulx. Sur ce, je cède maintenant la parole à la... ma collègue députée
de Laviolette—Saint-Maurice. La parole est à vous.
Mme Tardif : Merci, monsieur.
Bonjour, madame. Merci...
Mme Proulx (Denise) : ...se
parle tous les jours avec les questions sociales, les questions de santé. Il
faut réintroduire, dans l'agriculture, ces enjeux-là.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Sur ce, je cède maintenant la parole à ma collègue député de
Laviolette—Saint-Maurice. La parole est à vous.
Mme Tardif : Merci, monsieur.
Bonjour, madame, merci. C'est ébranlant, entendre ce que vous nous amenez ce
soir. C'est sûr que nous, on a peut-être une vision différente, là, que l'étude
que vous nous apportez. C'est triste aussi de voir, si on vous écoute, là, que
votre perception, en tout cas, ou la perception des gens que vous avez sondés
est une perception qui est très négative par rapport à l'agriculture
conventionnelle.
D'une part, il y a cette perception-là qui
est très négative, et, d'autre part, il y a la consommation et les achats qui
sont faits par les consommateurs. Jusqu'où pensez-vous que les consommateurs sont
prêts à aller pour acheter bio, manger local, modifier leurs modes de
consommation aussi en fonction de ce qui est produit, en fonction des saisons,
quand on sait que, malheureusement, un sac de chips puis de la liqueur, ça
coûte moins cher que de la nourriture qui est saine? Et, quand on connaît aussi
la réalité, je ne parle pas que de mon comté, mais à Montréal aussi et à Québec
aussi, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas les moyens de s'acheter des fruits
et des légumes, et c'est la réalité des Québécois. Alors là, on se place où par
rapport à ça, en tant que société, parce qu'il y a cette perception négative
là, mais il y a aussi la réalité des gens.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Je vous
dirais que là où il faut se placer, c'est en éducation. Il faut, dès le CPE
maintenant, de l'école primaire, à tous les niveaux, il faut faire de
l'éducation à l'alimentation. On n'a plus aucune éducation en alimentation dans
nos milieux scolaires, et c'est essentiel que ça revienne à mon avis. Vous me
parlez de l'accès au biologique, je pense que les Québécois sont ouverts à
l'accès au biologique. Actuellement, ils sont en phase où ils sont d'abord les
privilégiés de l'accès local. L'accès local, c'est une forme de complicité avec
le milieu agricole, il dit : Si tu m'amènes un produit, produit
localement, je peux avoir observé, je peux observer comment ça se fait, et il y
a une confiance qui s'établit où il y a une volonté de participer à cette
économie de l'agriculture localement.
S'il y a vraiment, par le ministère de
l'Agriculture, par les autres ministères qui vont participer de façon
pluridisciplinaire à changer ce paradigme de l'agriculture basé uniquement sur
l'économie, en y intégrant les enjeux sociaux environnementaux, je pense, ça va
être beaucoup plus facile de demander aux producteurs agricoles d'embarquer
dans une transition vers une agriculture de plus en plus écologique, parce que
tout le système va se mettre en branle pour les instruire, pour faire de la
recherche, pour donner aux consommateurs des informations sur ce sens-là aussi.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Tardif : C'est intéressant,
et vous amenez dans votre rapport aussi le volet de dépendance ou le volet de
mainmise des multinationales au niveau de l'agroalimentaire et de l'emprise que
ces multinationales-là ont sur notre agriculture. Comment faire pour se sortir
de cette emprise-là? Est-ce que c'est faisable, est-ce que c'est pensable?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Est-ce
que les multinationales vont se laisser mettre à terre? Les multinationales
vont se transformer, elles sont en train de se transformer en offrant aux
consommateurs des biocides, des biopesticides de plus en plus. Elles se
transforment en offrant une viande synthétique, non à base de chair animale,
elles se... Les multinationales vont suivre les tendances sociales qui s'établissent
dans... on le voit actuellement, qu'est-ce qui est derrière les grands
changements au niveau de l'offre, de l'offre qui est faite pour tous les gens
qui veulent manger végétalien, bien, ça vient par la transformation de ces
grandes multinationales là.
• (20 h 40) •
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean
pour...
Mme Proulx (Denise) : ...qui est-ce
que qui est derrière tous les grands changements, au niveau... qui... de
l'offre, de l'offre qui est faite pour tous les gens qui veulent manger
végétalien, bien, ça vient par la transformation de ces grandes multinationales
là.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Je cède maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean
pour cette dernière période d'échange avec la partie du gouvernement.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci de cette présentation, merci du travail
concernant votre mémoire. Je sais que vous mettez beaucoup de temps là-dedans.
Et vous faites un parallèle au niveau de l'agriculture du passé, tout ça. Vous
me faites penser un peu à la chanson Mon arrière grand-père de Mes Aïeux, un
peu, dans votre... à la page huit, là, dans le paragraphe en haut.
Et comment allons-nous faire, avec tantôt
près de 9 milliards, je ne le sais pas, de personnes sur la Terre, afin de
réussir à nourrir tout ce monde-là. Avec les terres qu'on a, arables, juste au
Québec, on n'est même pas à 2 % au niveau du territoire agricole. Comment
allons-nous faire pour réussir tout ça? J'aimerais ça vous entendre un peu,
parce que, tu sais, on est dans un point de vue social, et l'agriculture à mon
avis est un enjeu excessivement grand. Et là, je suis content, on prend le
temps de parler justement, là, aussi, de nos agriculteurs, puis de la santé
psychologique de nos agriculteurs, parce qu'ils travaillent du matin jusqu'au
soir puis ils ne savent plus où donner de la tête en ce moment.
Le Président (M. Lemay) :
Alors Mme Proulx a environ 1 min 30 s.
Mme Proulx (Denise) : Alors,
comment on va faire pour nourrir 9 milliards de gens sur la Terre? Bien,
je pense que... on nous a rentré dans la tête que la souveraineté alimentaire,
c'était un concept dépassé, que la sécurité était préférable. Pourquoi est-ce
qu'on a parlé de sécurité? C'est parce que... il faut parler de sécurité
alimentaire, donc la sécurité, ce n'est pas la sécurité nécessairement
sanitaire, mais c'est la sécurité d'approvisionnement.
Alors, pourquoi est-ce qu'on parle de
sécurité? C'est parce que c'est la façon de répondre à l'ouverture des marchés
de libre-échange. On peut difficilement parler de libre-échange agroalimentaire
où c'est d'abord les grandes entreprises qui en profitent plus que les petites
et... entreprises familiales. Les petites entreprises familiales, on s'entend
là, je ne parle pas des grandes entreprises familiales.
Je pense qu'on a vu depuis 25 ans que la
sécurité alimentaire avait un coût. Je pense qu'il faut revenir à la
souveraineté alimentaire. La souveraineté alimentaire peut nourrir beaucoup
plus les peuples qu'on le pense.
Le Président (M. Lemay) : ...
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Vous savez qu'au Québec, au niveau mondial, on est encore l'endroit où est-ce
qu'il y a encore des entreprises à dimension humaine. On parle de l'entreprise
familiale. Qu'est-ce que vous en pensez, de ce modèle-là?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Proulx, rapidement.
Mme Proulx (Denise) : Les
entreprises familiales... on a des entreprises familiales effectivement en
agriculture, mais on a des entreprises familiales qui agissent maintenant comme
un modèle économique de très grandes entreprises en étant propriétaires de 25
terres dans une municipalité, de...
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Je dois vous interrompre pour céder maintenant la parole à
l'opposition officielle. Mme la députée de Maurice-Richard,
la parole est à vous.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Bonjour à... bonsoir à Mme Proulx. Merci d'être là
aussi tardivement avec nous. Mais je vais continuer de toute façon sur
l'échange que vous aviez, vous allez pouvoir continuer, parce que je ferais
écho à des commentaires qui ont été faits par des collègues précédemment sur...
Moi aussi, je suis assez surprise du portrait que vous tracez de l'agriculture
au Québec. Puis je pense que la question était très pertinente de vous demander
tout à l'heure si c'était une agriculture des années 70-80 ou si vous
considérez vraiment que c'est une agriculture d'aujourd'hui, parce que vous
donnez...
Premièrement, au Québec, essentiellement,
c'est des fermes familiales... Et vous... puis je ne veux pas vous mettre des
mots dans la bouche, mais je lisais dans votre mémoire... vous semblez opposer
tout ce qui est technologie, productivité, à... comme si ça ne pouvait pas être
compatible avec une agriculture qui est écologique ou qui est biologique. Puis
je m'explique par ça qu'on a eu l'occasion, nous, d'ailleurs, d'aller voir des
fermes, notamment Agri-fusion, qui est la plus... 3 000 hectares, si je me
rappelle bien, qui est la plus grande ferme biologique au Québec, une des plus
grandes fermes biologiques au Canada aussi, qui met au coeur de toute son
activité tout ce qui est innovation, technologie, machinerie également. Donc, à
mon avis, c'est très conciliable.
Est-ce que... comme je vous dis, je ne
veux pas mal vous citer, mais vous donnez l'impression que c'est deux... c'est
une antithèse, dans le fond, la technologie, l'innovation et l'écologique ou le
biologique?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Oui. Je
vais répondre à deux... Vous avez deux questions dans votre question.
Concernant la représentation négative... moi, j'enseigne à des étudiants de
niveau de maîtrise, qui ont entre 20 et 25 ans, 30 ans. Je vais vous donner un
exemple très concret. Il y a cinq ans, lorsque j'enseignais mes cours en
agriculture et environnement, j'avais dans ma classe à peu près cinq étudiants
qui s'affichaient végétariens, véganes...
Mme Proulx (Denise) : ...moi,
j'enseigne à des étudiants de niveau de maîtrise qui ont entre 20 et
25 ans, 30 ans.
Je vais donner un exemple très concret. Il
y a cinq ans, lorsque j'enseignais mes cours en agriculture et environnement,
j'avais dans ma classe à peu près cinq étudiants qui s'affichaient végétariens,
véganes. Avec les années, le pourcentage a augmenté. L'an dernier, dans mon
cours de sociologie de l'environnement, j'avais 50 % de mes études qui
s'affichaient, qui militaient véganes, au point que pour eux, si tu ne l'étais
pas, tu avais un problème. Donc, cette croissance-là, elle est vraiment
générationnelle et elle est aussi suivie par des gens qui ont peut-être une
conscience de la santé plus importante, qui ont vu autour d'eux des gens
malades et qui se disent : Il faut que je change mon alimentation. Qui
eux-mêmes trouvent des... un meilleur bien-être de changer leur façon de
manger, de s'alimenter.
Et donc, je pense que ce mouvement, cette
représentation négative du type d'agriculture qui se fait, il est bien réel, il
fait peur, je suis d'accord avec vous. On le trouve excessif, mais moi, si je
parle, je regarde les jeunes avec qui j'enseigne et les jeunes qui m'entourent,
mes enfants et tout, ce mouvement est très, très, très fort. Je peux vous le
dire. Maintenant, est-ce que la technologie est incompatible avec l'agriculture
biologique? Non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je disais, là.
Je pense que, et je vous l'ai dit, vous
avez visité des fermes avant-gardistes qui étaient des modèles, qui sont des
modèles qui j'espère vont vous inspirer et qui sont à suivre. Maintenant, ça
reste des fermes, les expériences qui, à mon avis, demeurent encore dans la
marginalité. Dans le sens qu'il n'y en a pas partout, elles sont... les
programmes sont sous-financés, ils ne sont même pas assurés d'une continuité
après trois, quatre ans de rechercher. Alors, je pense qu'il faut élargir ce
type de recherche et si effectivement, les technologies qu'ils ont développées
sont bonnes, bien utilisons-les.
Je vais vous donner l'exemple, un des plus
gros... un des plus bels exemples des changements qui peuvent se faire, c'est
le CETAB du côté du cégep de Victoriaville qui fait de la recherche en
agriculture écologique et biologique, qui forme des cohortes d'étudiants et qui
travaille avec les producteurs du milieu. Alors, je pense qu'il y a énormément
de choses intéressantes qui doivent se faire et qui se font, sauf
qu'actuellement, c'est au niveau de toute l'agriculture qu'il faut établir ça,
parce que l'agriculture est dans un processus où il fait face à une réalité
socioenvironnementale qui est en immense mouvement. Socialement, il y a une
forte population de plus en plus jeune qui dit : Je ne veux pas ce type
d'agriculture.
Et environnementalement, nous sommes dans
les changements climatiques, nous sommes dans une chute de biodiversité, nous
sommes dans une crise d'accessibilité aux ressources. Alors, je pense
qu'actuellement, on ne prend pas les moyens de préparer nos fermes, de leur
donner les outils, si on ne fait pas plus de recherche et de pas plus d'actions
pour favoriser une agriculture biologique, une agriculture de proximité. Pour
les uns, pour certains c'est paysan, pour d'autres en utilisant des
technologies très modernes, mais il faut faire ces virages-là, à mon avis,
c'est urgent.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Dans votre
mémoire, vous proposez une transition vers — encore là, je ne veux
pas mal vous citer — pas vers le biologique, mais vers une
agriculture écologique sur 10 ans. Un, est-ce que c'est un paramètre,
10 ans, qui vient d'où? Il arrive quoi au bout des 10 années, est-ce
que vous visez que la transition soit complètement complétée? Puis, pour en
revenir vraiment au sujet qui nous occupe, les pesticides, pour rester bien sur
le mandat, vous, vous recommandez quoi exactement? Est-ce que vous recommandez
l'abolition? Est-ce que vous recommandez la diminution? Est-ce que vous
recommandez une augmentation de la réglementation? Qu'est-ce que vous
recommandez aux membres de cette commission-là pour nos travaux?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Je
recommande d'avoir l'éducation des agriculteurs. Je pense que les agriculteurs,
on les a départis de la connaissance de leurs terres, la connaissance de la
nature. Vous allez peut-être trouver que j'exagère, peut-être que j'exagère
aussi, mais je ne suis pas certaine qu'un agriculteur est capable de nommer 10
à 15 plantes qui sont considérées comme étant des mauvaises herbes et être
capables aussi de nommer des avantages de ces plantes-là, tels qu'ils ont déjà
été connus comme étant...
• (20 h 50) •
En herboristerie par exemple, O.K.? Parce
qu'une plante, si elle existe, ce n'est pas juste parce qu'elle...
Mme Proulx (Denise) : ...10 à
15 plantes qui sont considérées comme étant des mauvaises herbes, et être
capables aussi de nommer des avantages de ces plantes-là, tels qu'ils ont déjà
été connus comme étant... en herboristerie, par exemple, O.K.? Parce qu'une
plante, si elle existe, ce n'est pas juste parce qu'elle a un effet négatif,
elle a aussi un effet positif.
Alors, moi, je pense qu'il faut sortir de
l'agriculture intensive productiviste qui est basée sur les pesticides. Est-ce
qu'on serait capable d'éliminer complètement les pesticides? Je pense que
l'industrie va proposer des biopesticides. Est-ce que c'est mieux? Et ça
prendra 15, 20 ans de recherche pour voir si ce n'est pas un trompe-l'oeil.
Mais assurément, si on focalise davantage sur un type d'agriculture qui prend
encore de la connaissance réelle de la nature chez les agriculteurs, bien, ils
ne sentiront pas nécessairement le besoin de régler leur problème avec la
solution des pesticides. Actuellement, bien, ils ne sont pas capables de savoir
comment faire, parce que tous les services, bien souvent, ou même l'éducation
qu'ils ont eus, nos agriculteurs, maintenant, les nouvelles générations sont
formées. Tous ceux qui ont 50 ans et moins ont tous un diplôme, la plupart
d'entre eux ou d'entre-elles, ils sont formés, et sauf qu'on les a formés dans
une seule direction, dans la direction en agriculture productive qui leur
disait : Il y a un produit de synthèse qui va régler ton problème, alors
que peut-être une meilleure connaissance de la nature, une meilleure
application de cette connaissance de la nature aurait réglé le problème en soi
en partant.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée?
Mme Montpetit : Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Donc, ceci complète la période d'échange avec la partie de l'opposition
officielle. Je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci, M.
le Président. J'aimerais revenir sur un sujet que vous abordez dans votre
mémoire par rapport aux technologies. Quand vous dites : Les
applications... bien, vous parlez de l'intégration, les applications misant sur
l'intelligence artificielle : «Les données de la robotisation renforceront
encore cette logique de concentration des géants de l'agriculture
industrielle.» On a entendu différents groupes, on a visité différentes fermes.
Une des premières fermes que nous avons visitée n'était pas nécessairement
tournée vers la technologie et préconisait davantage beaucoup l'autosuffisance
à la ferme, donc de développer des moyens qu'ils peuvent gérer eux-mêmes sans
nécessairement être dépendants d'une autre forme de technologie. Mais vous avez
entendu le groupe précédent, le CEROM, qui misait beaucoup sur
l'industrie 4.0, agriculture de précision, développer vraiment nos bases
de données, tout ça, l'intelligence artificielle. Ça fait que j'aimerais
peut-être vous entendre développer cette idée-là, en quoi c'est... comment vous
jugez ça. J'ai l'impression que c'est négatif de la manière que vous le
présentez.
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : La
technologie telle qu'elle est développée actuellement, si je me rappelle les
recherches que j'ai faites, qui développe actuellement les technologies
majoritairement accessibles? C'est beaucoup les multinationales. Et avec une...
les technologies... Comment je vous dirais ça? Les technologies en soi, c'est
encore une dépendance d'une certaine façon. Je comprends que... Ça fait peur de
dire qu'on devrait connaître... pratiquer une agriculture sans travailler avec
les technologies, mais les technologies ont un coût social aussi. Les
technologies, nous les avons, nous, ici, au Québec, Amérique du Nord, pays
privilégié, parce qu'il y a d'autres gens sur la planète qui travaillent de
peine et de misère à trouver les matériaux pour ça. O.K.?
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Lessard-Therrien : Ça
serait quoi votre modèle idéal de développement de l'agriculture?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Je
dirais véritablement rééduquer les agriculteurs face à la nature, qu'ils
comprennent beaucoup mieux comment fonctionne la nature, quelle est la nature qui
l'habite autour. Comprendre la biodiversité, travailler avec la biodiversité,
travailler avec sa science qui se développe, la connaissant, la biodiversité.
Moi, je suis chez moi, dans mon verger, je fais de la lutte intégrée avec toute
la technologie qui a été développée en pomiculture, je trouve ça fantastique,
parce que je découvre qu'il y a des couloirs d'insectes, je découvre qu'il y a
des... quel type de...
Mme Proulx (Denise) : ...la
lutte intégrée avec les... toutes le... la technologie qui a développé en
pomiculture, je trouve ça fantastique parce que je découvre qu'il y a des
couloirs d'insectes, je découvre qu'il y a des... la... que le type d'oiseau
s'installe parce que j'ai amené tel type de fleur, j'ai fait des plantations,
que j'ai installé des moutons dans mon verger. J'ai pris toutes sortes de
technologies, là, toutes sortes d'expériences qui ont été développées en
Europe, aux États-Unis, j'ai tout mis ça. J'essaie, moi... Chez moi, c'est
comme un petit laboratoire, là, et je mets tout ça chez moi, et je vois que ça
fonctionne. Moi je suis à toute petite échelle. Alors, c'est possible. Il faut
retrouver la nature.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Je dois vous interrompre sur ce propos pour maintenant céder
la parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci. Dans...
Écoutez, un peu dans la même veine que ma collègue ici, là, bon, l'agriculture,
c'est des agriculteurs, et le groupe qui était ici, avant vous, le CEROM, nous
disait : Bon, il y a une problématique d'acceptation sociale chez les
agriculteurs et ils ne sont pas enclins à modifier leurs pratiques. O.K. Vous
avez amené quelques explications, mais, plus globalement, quels sont les déterminants
de la résistance à adhérer à des recommandations? Puis vos recommandations sont
excellentes, là, mais, sur le plancher des vaches, si vous me permettez
l'expression, ces gens-là, qu'est-ce qui fait qu'ils résistent? Est-ce que
c'est juste parce qu'ils ne connaissent pas, un peu... et là j'ai de la misère
à saisir qu'ils ne connaissent pas leur environnement parce que ce que vous
venez de dire c'est que, bon, peut-être qu'il faut les rééduquer sur les
écosystèmes. Je n'irais pas jusque là, mais, globalement, quels sont les
déterminants de la résistance?
Le Président (M. Lemay) : Mme
Proulx.
Mme Proulx (Denise) : Je vous
dirais que les déterminants sont d'abord leur fort endettement. Ils sont... Les
agriculteurs sont très endettés, ils ont peur de ne pas être capables de
rencontrer les exigences de leurs banques. La résistance au changement. Je
pense que la résistance au changement, ce n'est pas juste les agriculteurs, je
pense que c'est universel. Un sentiment qui a été beaucoup soutenu, entretenu
par différentes lois, le droit de produire qu'on a donné aux agriculteurs leur
a inscrit dans l'esprit que les campagnes leur appartiennent, alors je pense
que c'est cette mentalité-là aussi qui fait partie du problème, et cette
difficulté du dialogue, je pense, aussi. C'est difficile, pour un agriculteur,
d'entendre quelqu'un qui n'est pas agriculteur lui dire : Bien, tu ne
penses pas que tu pourrais utiliser moins de pesticides, essayer des... Des
fois, le... Souvent, là, c'est la façon dont la communication est établie qui
fait en sorte que c'est difficile de communiquer, alors... Et moi, je pense,
c'est tout ça aussi. Mais la... je pense que le fort endettement... Et ils se
sentent, je pense, vulnérables parce qu'ils sont attaqués de tout bord, tout
côté maintenant.
Les agriculteurs et les traités de
libre-échange, ils voient bien qu'ils vont perdre du terrain et ils ne savent
pas trop. Les distributeurs, les transformateurs, tout le monde veut toujours
avoir le plus bas prix possible. Le consommateur va aller acheter chez Costco
avant d'aller acheter au marché du coin. Alors... Et Costco, bien, là, oui, il
y a du produit québécois, mais il y a du produit américain aussi, et l'argent
s'en va du côté des États-Unis, vous le savez. Alors, je pense que c'est tout
ça qui fait qu'il y a une résistance, il y a une agressivité aussi. Alors,
voilà.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Proulx. Ceci complète cette période d'échange. Je vous remercie pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre à Louis Robert, conseiller expert en grandes cultures, les
témoins qui l'accompagnent, de prendre place.
(Suspension de la séance à 20 h 59)
21 h (version non révisée)
(Reprise à 21 h 1)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à M. Louis
Robert, conseiller en... expert grandes cultures, ainsi que les témoins qui
l'accompagnent.
Je vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour faire votre présentation. Suite à cette période, il y aura des
échanges avec les membres de la commission. Et je vous invite maintenant à vous
présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. Robert (Louis): Merci, M. le
Président. Louis Robert, agronome, conseiller expert en grandes cultures au
MAPAQ, Montérégie. Je suis accompagné de Mme Odette Ménard, ingénieure et
agronome spécialiste de la conservation de la santé des sols, et possédant une
grande expérience de vulgarisatrice et des stratégies pour l'adoption de
méthodes alternatives de culture, et M. Yves Dion, agronome spécialiste des
céréales, chercheur au CEROMpendant 20 ans et maintenant au MAPAQ à
Saint-Hyacinthe également.
Je vous remercie d'avoir accepté de
m'entendre ce soir. Comme mes collègues, je ne suis pas doctrinaire. Je ne suis
ni anti ni propesticides, ni anti ni probio. Je ne suis pas en croisade contre
qui que ce soit. Je ne suis pas motivé par aucun esprit de vengeance, que ce
soit envers le MAPAQ ou envers les représentants des compagnies d'intrants. Peu
importe leur formation ou leur compétence, je ne leur porte aucun blâme. La
plupart sont de bonne foi et sont convaincus de travailler pour le meilleur
intérêt de... client.
Ma participation à la commission s'inscrit
plutôt, comme celle de mes collègues, d'ailleurs, en continuité, une sorte de
prolongement de mon travail, de notre travail au MAPAQ. J'y vois une très belle
occasion de reprendre pour une audience plus étendue l'essentiel de notre
message aux producteurs et aux agronomes depuis au moins 30 ans,
c'est-à-dire : Bien qu'il reste des travaux de recherche à faire ou à
compléter sur certains aspects techniques de la lutte aux ennemis de culture,
nous pouvons compter sur une multitude de techniques et méthodes déjà
développées en recherche et validées en transfert, méthodes de la lutte
intégrée, qui non seulement peuvent réduire considérablement l'usage de
pesticides sur les fermes du Québec, mais qui s'intègrent sans coût important
pour le producteur et même, dans la majorité des cas, sont même rentables à
court terme.
Personnellement, je ne me rappelle pas
d'une seule technique, une méthode ou une innovation dont nous faisions la
promotion et qui allait à l'encontre d'une meilleure protection de
l'environnement, tout en gardant comme premier objectif, évidemment, une
amélioration de la rentabilité des entreprises, par exemple les pratiques qui
améliorent la santé des sols, l'optimisation des engrais de ferme, le choix des
cultures de couverture, le semis direct, les diagnostics de drainage, etc.
Depuis au moins 1992 que le MAPAQ
travaille officiellement dans le sens d'une réduction de l'usage des
pesticides. Nous, au MAPAQ, dans les bureaux régionaux, nous l'avons pris au
sérieux, cet objectif, cette démarche, mais on est peut-être les seuls, malheureusement.
Il faut bien le reconnaître, nos efforts, dont les moutures successives de la
Stratégie phytosanitaire, n'ont rencontré que des résultats mitigés, pour dire
le moins, et pourquoi ça? Pour deux raisons.
La première, c'est que nous, c'est-à-dire
les mandataires de la défense de l'intérêt public, nous avons laissé les
intérêts corporatistes, incluant l'UPA et les compagnies de pesticides,
s'ingérer, interférer avec nos efforts à toutes les étapes de la diffusion de
l'information, c'est-à-dire dans chacun des trois maillons de la chaîne de
transfert des informations que sont la recherche, le transfert technologique et
le service-conseil.
Deuxième raison, les ressources humaines
que le MAPAQ a allouées au transfert technologique, historiquement et encore
aujourd'hui, encore plus, sont insuffisantes.
Mon but ici, qu'on soit bien clairs, n'est
pas de faire un procès ou de trouver des coupables, mais, si on se refuse
d'analyser ce qui ne marche pas et ce qui n'a pas marché, jamais on ne va
arriver à améliorer la situation et atteindre nos objectifs. La mise en place
de solutions à cette problématique de pesticides doit absolument être précédée
de diagnostics sans complaisance et rigoureux.
Pour illustrer la première raison que je
mentionnais tantôt, là, les ingérences du privé dans l'intérêt public, je vais
me servir de l'épisode des semences traitées aux insecticides, un exemple qui
est, sur le plan agronomique, très simple. Dans ce cas-là, on avait assez de
ressources en transfert, et le message de la recherche était très simple. La
recherche québécoise dit — et elle est très solide sur le plan
scientifique, en passant, là — que dans un champ de maïs au Québec...
M. Robert (Louis): ...je vais me
servir de l'épisode des semences traitées aux insecticides, un exemple qui est,
sur le plan agronomique, très simple. Dans ce cas-là, on avait assez de
ressources dans le transfert et le message de recherche était très simple. La
recherche québécoise, et elle est très solide sur le plan scientifique, en
passant, là, que dans un champ de maïs au Québec, la probabilité de trouver des
insectes ravageurs des semis est inférieure à 4 % et elle est tout près de
0 % dans un champ de soya. Ça, c'est le message de la recherche.
Ce qui a été véhiculé, ce qui aurait dû
être véhiculé en transfert technologique, c'est tout simplement ne pas
recommander d'utiliser des semences traitées aux insecticides, peu importe leur
type, en passant. Ce n'est pas spécifique aux néonicotinoïdes, tous les
insecticides sur les semences.
Et finalement, en troisième lieu, le
service-conseil aurait dû être que les agronomes de première ligne disent à
leurs clients... recommandent à leurs clients producteurs de commander de la
semence non traitée à l'avance. Mais, vous le savez comme moi, ce qui est
arrivé est... ce qui effectivement arrivé est bien loin de ça. D'abord, en
recherche, on a remis en question les résultats de recherche, payés par les
fonds publics, et ça, ça a été fait par l'UPA et les compagnies, les deux
siégeant au conseil d'administration de CEROM. Il y a eu une certaine
complaisance aussi de la part du MAPAQ.
En transfert, les compagnies ont dénigré
les résultats de recherche publique. Il y a eu des hésitations et de la
confusion à l'Ordre des agronomes, qui a réagi en formant un comité, encore une
fois. Et en service-conseil, bien l'Ordre des agronomes a refusé d'intervenir
pour séparer les services-conseils de la vente de pesticides.
Finalement, il y a eu une réglementation
qui aurait été complètement inutile en temps normal et qu'on a toutes les
misères du monde à respecter. Donc, ça, c'est l'exemple des traitements de
semences avec insecticides. Imaginons une seconde ce qui va arriver dans le cas
du glyphosate, qui est une problématique agronomique pas mal plus complexe. Je
n'ai absolument rien contre le fait que les compagnies de pesticides exercent
leurs activités librement. Ce contre quoi je m'oppose fermement est l'idée
qu'il faille absolument qu'elles soient partie prenante des efforts publics
visant la réduction des aires de pesticides, ou des engrais, ou de tout
objectif lié à la conduite des affaires d'intérêt public.
Comme on dit, on ne peut pas demander à un
chameau d'être un cheval de course. De même, on ne peut pas céder, même en
partie, au secteur privé la responsabilité de l'intérêt public. Les compagnies
de fournitures d'intrants devraient être en aval des besoins de leurs
consommateurs, des producteurs agricoles, alors que maintenant, on les a laissé
opérer en amont dans le service-conseil, dans le transfert et même dans la
recherche. Ils conditionnent ainsi les besoins du consommateur. Or, la
compétence en lutte intégrée ne se trouve pas au privé, mais beaucoup plus du
côté de MAPAQ et des clubs conseil en agroenvironnement.
Est-ce que les lobbys sont trop puissants?
Je ne crois pas. Les lobbys ne sont pas si forts que ça. C'est que nous n'avons
affirmé aucune opposition; nous avons été faibles. Le dicton «Ils ne sont
puissants que parce que nous sommes à genoux» s'applique à la situation
parfaitement. Nous n'avons pas résisté aux lobbys; nous sommes devenus leurs
complices. Si on arrivait à débarrasser le système de ces interférences, et ce
serait assez simple, on réaliserait d'énormes progrès en termes de réduction
d'usage des pesticides, par exemple, par le dépistage; les suivis aux champs;
l'accompagnement; la rotation des cultures; les traitements localisés; les
causes réduites; contrôles mécaniques; biopesticides; etc.
Voyons maintenant les solutions et en
commençant par les solutions, d'après moi, qui ne fonctionneront pas. D'abord,
les subventions, la recherche et la conversion forcée vers le bio. Moi, je ne
suis pas un partisan des subventions pour régler cette problématique-là, parce
que l'adoption de lutte... des méthodes de lutte intégrée se font à coût à peu
près nul. Le retrait des néonicotinoïdes ou de traitements de semences
insecticides, ça ne coûte absolument rien; même, ça permet de sauver des
frais : les cultures de couverture, les céréales d'automne, rotation des
cultures, etc.
Les plus beaux succès de transferts
technologiques sur les fermes se font généralement sans subventions. On le
sait, en tout cas parmi nous, les vulgarisateurs présents sur le terrain, les
producteurs qui n'essaient une méthode que parce que'il y a une opportunité
d'aller chercher quelques dollars sont les premiers à abandonner ladite
méthode, car ce n'est pas un échec avant même l'adoption. Il faut savoir aussi
que tout nouveau programme d'aide financière mobilise les quelques
professionnels qui restent au MAPAQ à gérer de la paperasse, plutôt que de
faire ce pourquoi ils étaient payés, c'est-à-dire du transfert technologique.
Et remarquez aussi qu'à toutes les fois où le MAPAQ a dû faire des choix difficiles
entre ses budgets de transfert et ses effectifs — ses coûts de
fonctionnement, autrement dit — on a cédé souvent aux pressions de
l'UPA pour couper des les effectifs, parce que l'UPA ne voulait absolument pas
qu'on touche aux budgets de transfert traditionnellement, jusqu'à récemment.
• (21 h 10) •
Je ne suis pas favorable à augmenter le
financement de la recherche, parce que... bien, d'abord, au cours de ces
audiences, certainement, il y en a qui vont vous recommander, ou qui vont
recommander au gouvernement, d'investir davantage en recherche...
M. Robert (Louis): ...l'UPA ne
voulait absolument pas qu'on touche au budget de transfert traditionnellement, jusqu'à
récemment.
Je ne suis pas favorable à augmenter le financement
de la recherche parce que... Bien, d'abord, au cours de ces audiences, certainement,
il y en a qui vont vous recommander ou qui vont recommander au gouvernement
d'investir davantage en recherche sur les alternatives aux pesticides. Je
parierais personnellement une assez grosse somme d'argent que ceux qui vont
réclamer ça ne sont même pas au courant de ce qui a été et de ce qui se fait en
recherche. Il y a actuellement plus de résultats de recherche applicables à la
réduction de pesticides que ce que nous sommes en mesure de vulgariser pour les
producteurs.
Je ne suis pas favorable à une obligation
pour les producteurs de se convertir à l'agriculture bio de façon obligatoire.
Si plusieurs pourraient se convertir sans trop de conséquences, la majorité
n'est pas prête, et cela imposerait un risque économique trop grand aux
producteurs. Et par ailleurs il y a tellement de progrès réalisable à court
terme sur les fermes dites conventionnelles — à un point tel qu'elles
ne sont vraiment pas conventionnelles, dans le fond — que certains
ont concrétisé déjà et présentent un bilan environnemental très intéressant.
Maintenant, les solutions qui, selon moi,
vont marcher, puis je vais terminer avec ça. Les faits récents parlent par
eux-mêmes. Si les instances ont le courage nécessaire pour poser un diagnostic
sans complaisance et rigoureux, les pistes de solution sautent aux yeux.
Un, l'Ordre des agronomes devrait faire
respecter la lettre et l'esprit de son code de déontologie et interdire aux
agronomes à l'emploi des sociétés impliquées dans la vente de pesticides, peu
importe la forme de leur rémunération, de produire toute forme de
recommandation pour l'usage des pesticides, ce qui aurait dû être fait aussi il
y a 20 ans dans le cas de la fertilisation.
Deux, les mécanismes de surveillance et de
contrôle de l'indépendance et de l'intégrité des gestionnaires gouvernementaux
devraient être appliqués et/ou renforcés pour assurer un meilleur respect du
devoir de défense de l'intérêt public... (Interruption) Pardon.
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert, je vais profiter de cette courte interruption pour céder la
parole à mon collègue député de Lac-Saint-Jean puisque... votre période de
10 minutes étant écoulée depuis quelque temps déjà. Donc, M. le député de
Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Ça va vite.
Bonjour... bonsoir. Bonsoir. Bonsoir,
M. Robert. Merci d'être là et merci aussi du travail de votre mémoire,
d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire.
J'ai lu le mémoire. Vous êtes... Je vois
que vous êtes quand même... Tu sais, vous êtes beaucoup plus spécialisé que moi
au niveau agronomique... quand même un agronome. Et je vois aussi que vous
reconnaissez l'importance du transfert technologique dans le domaine de
l'agriculture, de la recherche appliquée vers les agriculteurs.
M. Robert, j'aimerais ça que vous
m'expliquiez rapidement les différences et les bienfaits entre la recherche
appliquée et la recherche fondamentale.
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis): Les
différences entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, s'il vous plaît.
M. Robert (Louis): Moi, je
suis à peu près à 100 %, ce n'est pas 98 %... je transfère des
résultats de la recherche appliquée. Ce qui se fait au CEROM, mais à l'IRDA et
dans les différents centres, c'est très, très, très appliqué, il n'y a pas
beaucoup de fondamental. On n'a pas beaucoup... À part des fois quelques
échanges avec des professeurs chercheurs dans les facultés d'agronomie, où il
peut y avoir des recherches plus fondamentales... Je pense en particulier,
admettons, au collège Macdonald, il y avait des recherches sur les initiateurs
de nodulation dans le soya, c'est plus... c'est biochimique, là, à ce
moment-là. Donc, c'est beaucoup... C'est plus loin de la pratique.
Mais en général, là, presque tout le
temps, c'est de la recherche appliquée. Quand on parle de comparer différentes
techniques de travail du sol, par exemple, c'est un dispositif expérimental
rigoureux qu'on met en place, mais c'est très, très, très pratique. D'ailleurs,
moi, j'ai participé... j'ai même coordonné un projet où on avait une dizaine de
sites répartis dans quatre régions puis on comparait le semis direct au travail
conventionnel avec différentes rotations sur plusieurs années, là. Mais c'était
situé... les sites étaient sur des fermes commerciales, là, de producteurs
réels. Donc, ça, on parle de recherche, absolument, très appliquée.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc, bien, toujours en reconnaissance de l'importance de la recherche
appliquée, tu sais, dans vos propos, du même coup, là, bien, c'est ça, vous
émettez un peu l'opinion que la recherche devrait être exclusivement publique.
On sait que plusieurs secteurs agroalimentaires... les agriculteurs réclament
aussi qu'on poursuive l'implication au niveau du privé dans la recherche
appliquée, tu sais, parce qu'elle permet quand même d'apporter des solutions
pratiques quand même assez rapidement et cibler à des problèmes aussi qui sont
concrets.
Et, M. Robert, tu sais, en nous
assurant, là, de la mise en place des meilleures pratiques gouvernementales ou
des meilleures pratiques en gouvernance et d'une politique robuste, là, en
matière de recherche responsable, ne croyez-vous pas que ces modèles-là ont
leur place au Québec?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert. Et en vous rappelant qu'en tout temps vous pouvez céder la
parole à M. Dion ou à Mme Ménard, il n'y a aucun problème.
Une voix
: Oui...
Une voix
: ...est une politique
robuste, là, en matière de recherche responsable. Ne croyez-vous pas que ces
modèles-là ont leur place au Québec?
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert, et en vous rappelant qu'en tout temps vous pouvez céder la parole à M.
Dion ou à Mme Ménard, il n'y a aucun problème. Mais allez-y, M. Robert.
Une voix
: ...
Le Président (M. Lemay) : Ah!
Monsieur...
M. Robert (Louis): J'ai un élément
de réponse que je peux fournir aussi puis tu compléteras. C'est que, moi, mon
principe est très simple, c'est qu'il y a la recherche privée sans les intérêts
privés. Donc, quand ils investissent 1 $, il faut que ce dollar-là
rapporte, l'intérêt public n'est pas dans leur priorité. Je n'ai absolument,
comme je l'ai dit, aucun problème à ce qu'il y ait de la recherche du secteur
privé, mais c'est le mélange des deux surtout, et dans le cas qui nous
concerne, un des cas qui nous a concernés, c'est le CEROM où c'était administré
par le privé, alors que c'était financé publiquement, avec des objectifs
publics, d'intérêt public, disons. Donc, c'est... en séparant les deux, il y a
beaucoup moins de confusion.
M. Dion (Yves) : Concrètement,
en fait, la recherche publique, on sait ce que c'est, on sait qui la finance et
les résultats sont aussi largement diffusés, on l'espère. Dans le cas de la
recherche privée, elle pourrait aussi se faire dans des institutions comme le
CEROM ou les universités, mais elle devrait, à mon avis, être complètement
couverte, tous les frais devraient en être couverts par le privé justement et même
avec une marge pour assurer un certain bénéfice, là. Et ces résultats-là aussi
appartiennent au privé et ils doivent être clairement séparés et connus que ce
sont des résultats qui ont été financés par des sources privées. Donc, on ne
peut pas les amalgamer avec des résultats de recherche qui ont été complètement
financés par le public.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Dion. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Mais c'est sûr, évidemment, tu sais, en soulignant l'importance et la
complémentarité de la recherche fondamentale. Mais, M. Robert, si vous me
permettez, avez-vous mesuré l'impact financier du retrait complet du privé dans
la recherche appliquée, au niveau de l'impact financier?
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert.
M. Robert (Louis): Bien oui, on
avait... le financement du CEROM était en bas de, je crois, le financement
privé au CEROM était en bas de 6 %, 7 %, là, et il y avait, au moins,
trois ou quatre sièges au conseil d'administration. Est-ce que c'est, dans ce
sens-là, que vous voulez une réponse ou...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
En fait, oui, mais vous répondez en partie à la question, là, mais vous avez...
M. Robert (Louis): Parce qu'en
réalité le financement privé...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...allez-y, je vous laisse... je vous écoute.
M. Robert (Louis): ...en recherche
publique, il y en a très peu, l'exemple du CEROM est parlant, mais il y en a très,
très, très peu. C'est plutôt le contraire, il bénéficie des résultats de
recherche du public, financés par le public.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
On a beaucoup... les médias ont beaucoup suivi quand même... Il y a quelques
jours, vous avez affirmé que les agronomes du secteur public ont de la difficulté
à rejoindre les agriculteurs, que le message des compagnies vendant les
pesticides est mieux entendu dans les champs du Québec, moi, j'aimerais ça que
vous précisez votre pensée un petit peu à ce niveau-là.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Robert.
M. Robert (Louis): Bien, c'est...
j'ai moi-même était témoin, là, quelques jours après la divulgation des
résultats du CEROM sur les traitements de semence à base d'insecticide — on
était une vingtaine d'agronomes — quelques jours plus tard, on était
sur une ferme, et il avait une journée organisée conjointement, un club, une
compagnie de pesticides et l'UPA, puis il y avait au-dessus de 100 producteurs
dans la salle... en fait, dans le bâtiment. Et le message de l'agronome
représentant la compagnie était pour défaire le message de la recherche
publique, complètement opposé. Donc, vous voyez un peu la différence, là, on
a... c'est juste une anecdote, si on veut, mais ça illustre très bien un peu la
disparité qu'il y a. Puis ça, c'est une occasion, mais évidemment les journées
d'information organisées par... le privé est très, très, très présent sur le
terrain, mais il ne manquait jamais une occasion de rabrouer, disons, les
résultats de la recherche publique.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Une question, mais je ne sais pas si vous allez être en mesure de me le dire,
puis ça m'intrigue, aujourd'hui, en date d'aujourd'hui, est-ce que vous êtes en
mesure de me dire combien qu'il y a d'agronomes qui sont directement à l'emploi
du MAPAQ?
M. Robert (Louis): Bien...
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert.
M. Robert (Louis): Oui, pardon,
bien, je crois que ça a été dit, là, agronomes, pardon, agronomes, dans la
fonction publique, je crois que c'est au-dessus de 300, mais agronomes au MAPAQ,
à ma connaissance, c'est entre 120 et 140, quelque chose comme ça, à ma
connaissance.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Vous n'est pas loin, 145.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député, en vous rappelant qu'il y a aussi un collègue qui veut prendre la
parole.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. O.K.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y.
• (21 h 20) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
On sait que lors...
M. Robert (Louis): ...agronomes
dans la fonction publique, je crois que c'est au-dessus de 300, mais agronomes
au MAPAQ, à ma connaissance, c'est entre 120 et 140, quelque chose comme ça, à
ma connaissance.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Vous n'êtes pas loin, 145.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député, en vous rappelant qu'il y a aussi un collègue qui veut prendre la
parole. Allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. O.K. On sait que lors des premières auditions à la commission, le MAPAQ
est venu nous rencontrer, il est venu nous présenter aussi un peu les services
qu'il offre, on sait, des services, au niveau des services-conseils, hein? On
peut aller jusqu'à 70 % de subventions et le programme a été bonifié,
85 %, si on utilise des services en agroenvironnement, des
services-conseils transfert biologique, ainsi de suite.
Ils sont de première ligne, puis vous
l'avez dit tout à l'heure, d'autre part, on sait qu'il y a 145 agronomes
que le MAPAQ emploi, en plus des autres employés qui ont une formation universitaire
et qui ne sont pas nécessairement membres de l'ordre, mais ils sont impliqués quand
même dans le dossier de phytoprotection et dans bien sûr dans la réduction de
l'usage des pesticides et toute la question aussi du transfert technologique.
Au niveau des services-conseils, dans les
réseaux, on parle de près de 160 agronomes quand même qui sont là pour
accompagner les agriculteurs, puis dont la tâche, bien je l'ai dit tantôt,
c'est toujours la réduction des pesticides et l'accompagnement aussi du
transfert technologique au niveau de l'agriculture. Mais, selon vous, là, est-ce
que le nombre d'agronomes est insuffisant? Est-ce que ça en prendrait plus?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis): J'aimerais...
Je vais répondre en pensant que ce que vous vouliez dire, est-ce que le nombre
d'agronomes...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...services-conseils.
M. Robert (Louis): Au niveau des
services... dans le service-conseil, bon, ça, c'est le service de première
ligne offert aux entreprises agricoles sur une base individuelle. Là-dedans, il
y a des agronomes qui sont du secteur privé, il y a des consultants, il y a des
agronomes des clubs conseils en agroenvironnement. Je pense qu'il pourrait y en
avoir plus, certainement, surtout des clubs conseils en agroenvironnement, il
pourrait y en avoir plus. Nous, au MAPAQ, on ne fait pas de services-conseils,
vous le savez. On est en deuxième ligne, comme on dit, en support, en transfert
technologique beaucoup, en encadrement.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Puis au MAPAQ, est-ce qu'il y en a assez, des agronomes?
M. Robert (Louis): Bien non. Comme
je l'ai dit, là, c'est une des lacunes que je mentionne dans mon mémoire puis
que je vous ai répétées tantôt, je pense que le nombre d'agronomes qui sont...
surtout dont leur responsabilité première est le transfert technologique, ils
sont largement...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Juste une dernière question. Est-ce que vous avez fait l'évaluation de ça?
Le Président (M. Lemay) :
...je vais céder la parole... M. le député, dernière réponse M. Robert,
ensuite je vais cède la parole à mon autre collègue. Allez-y, M. Robert.
M. Robert (Louis): Je ne sais pas.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Donc, sur ce, je cède la parole au député de Bourget.
M. Campeau : Dans une émission
radio matinale, il n'y a pas si longtemps, il y a quelqu'un qui vous avait posé
une question : Est-ce que vous allez aller en commission parlementaire?
Vous aviez répondu quelque chose comme : Je ne sais pas si je vais être
invité, mais oui, j'aimerais y aller. Et j'apprécie ce ton clair, simple, avec
une volonté évidente d'améliorer l'agronomie, point. Autrement dit, je suis
très content que vous soyez là ce soir.
L'Ordre des agronomes, vous en avez
beaucoup parlé et puis tant mieux. Je ne le connais pas vraiment l'Ordre des
agronomes, mais je connais l'Ordre des ingénieurs. Puis le principe en arrière,
c'est la protection du public de toute façon. Alors... Pourquoi ça arrive avec
les agronomes que c'est différent d'avec les autres? Est-ce que c'est parce
qu'ils ne font un assez bon salaire s'ils ne font que du service-conseil?
C'est-u... C'est quoi? Pourquoi est-ce qu'ils sont obligés de vendre des
grains? Est-ce qu'il y a un problème salarial à ça? Si jamais ils ne faisaient
que du service-conseil, ils ne seront pas assez occupés puis ils vont aller
ailleurs? Comment vous voyez ça?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Robert.
M. Robert (Louis): ...pardon.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y.
M. Robert (Louis): C'est une
question qui relève en partie de la culture agricole au Québec puis, sans
mauvais jeu de mots, parce que traditionnellement, bon... Les producteurs
agricoles n'accordent pas assez une grande valeur aux produits ou aux
services-conseils, c'est-à-dire que le service-conseil d'un agronome
professionnel n'est pas reconnu à sa juste valeur. Et pourquoi ça? Bien, ça
fait... Ça n'a jamais été reconnu, ça a toujours été mêlé, ou à peu près, et à
l'époque, dans les années 50, 60, c'était l'État qui fournissait
l'ensemble des services-conseils aux entreprises.
Et par la suite aussi, les compagnies se
sont mêlées de ça, puis elles ont, disons, elles ont maintenu les coûts très
bas. La valeur des services-conseils est maintenue est bas, durant toutes ces
années-là, entre autres parce qu'ils se rentabilisaient avec la vente de
produits, autrement dit. Donc ça, ça a nui beaucoup au développement du
service-conseil.
Là, aujourd'hui, on a de plus en plus, et
j'en suis assez content, là, de services-conseils de la part de consultants. La
plupart des services-conseils au Québec actuellement a besoin de l'aide de
l'État et malgré tout ça, je pense qu'on a encore... on traîne de la patte
quant à la reconnaissance du service-conseil, comme en fait, comme de la reconnaissance
du transfert technologique d'ailleurs.
Très peu de producteurs sont au courant de
ce qu'on fait en transfert technologique et quant à moi, qui est essentiel. Il
manque encore plus d'agronomes en transfert technologique qu'en
services-conseils, selon moi, mais...
M. Robert (Louis): ...on traîne de
la patte quant à la reconnaissance du service-conseil, comme de... en fait...
comme de la reconnaissance du transfert technologique, d'ailleurs. Très peu de
producteurs sont au courant de ce qu'on fait en transfert technologique, qui
est... quant à moi... qui est essentiel. Il y a... Il manque encore plus
d'agronomes en transfert technologique qu'en service-conseil selon moi. Mais
c'est une bonne question. Ce n'est pas très valorisé, le service-conseil, et
donc je pense que ça stimulerait plus d'agronomes à offrir des
services-conseils indépendants si c'était davantage reconnu, justement.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Campeau : Si je comprends
bien, ça veut dire qu'actuellement c'est plus valorisé, maintenant,
temporairement, mais s'il n'y a pas de changements légaux ou... peut-être le
mot «légal» est exagéré... s'il n'y a pas un changement de structure comme
telle on va juste retomber là-dedans. Il y a cette... Vous avez cette
crainte-là.
Le Président (M. Lemay) :
Absolument. D'ailleurs, il y a des gens qui quittent l'Odre des agronomes en
partie à cause de ça. L'image de l'agronome n'est pas la meilleure qu'elle a
déjà été, là. Elle a déjà été bien meilleure que ça en partie à cause de ça. Ce
sont toutes des conséquences de ça, de ce laxisme-là, du refus de séparer le
service-conseil de la vente de produits, en ce qui me concerne.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Campeau : Vous avez aussi
parlé des... que vous n'étiez pas très en faveur des subventions. Je peux très
bien comprendre que si on attend d'avoir une subvention pour faire un
changement, ce n'est peut-être pas parce qu'on y croit tant que ça. Ça, je peux
comprendre ça. Par contre, la subvention, parfois, ça correspond au risque qui
est pris par un agriculteur qui, par exemple, veut devenir bio et qui a une
période de trois ans avant de devenir bio. Alors, comme il se demande qu'est-ce
que qui va arriver au cours de ces trois prochaines années, puis qu'on sait
qu'avec les aléas de la température chaque année est différente, je... ne
voyez-vous pas que la subvention, dans ce cas-ci, pourrait aider à vaincre le
risque, la résistance au changement, à tout le moins, quitte à ne pas la
maintenir, la subvention, ad vitam aeternam?
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert, en environ trente secondes.
M. Robert (Louis): D'abord, je
vais laisser la parole à ma collègue Odette pour fournir un élément de réponse là-dessus.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Ménard.
Mme Ménard (Odette) : Ça me
fait plaisir de répondre à ça. La grande problématique, à mon avis, des
subventions, c'est qu'elles sont souvent attachées à une technique
particulière, à une portion du système particulier en agriculture, ce qui fait
qu'on fait des petits bouts de chemin à l'intérieur du système qui ne sont
souvent pas assez efficaces pour permettre au système de se mettre à rouler par
lui-même. Alors... Et donc ce sont de petits bonbons qui sont appétents, qui...
qu'on... Tu sais, quand il y a 20 $ qui traîne à terre, tu les ramasses.
Alors, c'est un petit peu dans cette optique-là que, à mon avis, la subvention
nuit souvent davantage qu'elle aide à la prise en charge et à la mise en place
de systèmes agricoles hautement performants.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, Mme Ménard. Sur ce, je cède la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Mme Ménard, M. Robert, M. Dion, merci d'être avec
nous aussi tardivement ce mardi soir. J'ai plusieurs questions pour vous. Puis,
M. Robert, sans revenir nécessairement sur ce qui vous est arrivé, je veux
simplement vous dire que je suis très contente que vous ayez réintégré votre
poste. C'est une belle nouvelle, et c'est... justice a été faite et j'en suis
fort heureuse. Et je suis aussi contente que vous continuiez de participer
activement à tous ces dossiers-là, à être présent, d'avoir décidé de vous
présenter ce soir pour répondre à nos questions. Je l'apprécie vraiment
beaucoup.
Et j'avais... j'aimerais ça vous entendre
réagir, j'ai... il y a plusieurs choses qui ont été mentionnées. On est déjà à
la fin de notre deuxième journée, j'imagine, vous avez suivi certaines
interventions qui ont été faites. On avait le CEROM qui était là un petit peu
plus tôt. Je sais que vous avez souligné à plusieurs reprises des inquiétudes
sur toute la question des... d'une brèche au principe de l'indépendance sur
leur conseil d'administration, et il y a encore deux membres de La Coop fédérée
qui siègent sur le CEROM. Est-ce que vous pouvez nous livrer votre opinion par
rapport à ça?
Le Président (M. Lemay) : Oui.
Alors, M. Robert.
• (21 h 30) •
M. Robert (Louis): Merci. D'une
part, le principe, dans le cas des agronomes et le code de déontologie, c'est
la situation de conflit d'intérêts qui est une infraction, hein? C'est-à-dire
qu'il ne fait pas attendre qu'il y ait des conséquences. La situation de
conflit d'intérêts fait référence aux valeurs en cause dans un mandat, dans ce
cas-ci dans deux mandats. Le conflit d'intérêts comme tel, c'est les
conséquences, c'est le contrat qui a été octroyé de façon biaisée, par en
dessous, des choses comme ça. Donc, ça, c'est un élément. Il y a aussi
l'élément que... Il faut se poser la question, qu'est-ce que La Coop fédérée
retire de cette participation-là? Parce que je suis à peu près certain que
toute activité d'une société impliquée dans le commerce d'intrants ne dépense
pas son argent, ses salaires...
21 h 30 (version non révisée)
M. Robert (Louis): ... Donc, ça,
c'est un élément. Il y a aussi l'élément qu'il faut se poser la question :
Qu'est-ce que La Coop fédérée retire de cette participation-là? Parce que je
suis à peu près certain que toute activité d'une société impliquée dans le
commerce d'intrants ne dépense pas son argent, ses salaires, ses contributions
pour le bien public, en passant. J'ai des petits doutes là-dessus, en tout cas.
Donc, je ne sais pas trop. Je ne veux pas aller plus loin, mais je trouve que,
comme instance publique qui avons le mandat de défendre l'intérêt public, on
devrait empêcher ces situations-là, c'est sûr, et j'insiste sur la nuance entre
situations et conflits d'intérêts comme tels.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Non, mais je
pense que c'est... votre réponse est très claire. Vous avez eu l'occasion de
lever plusieurs drapeaux rouges au cours des dernières années, même. Je pense
qu'on en a encore une, à tout le moins, sur laquelle il faut se questionner,
demander des réponses, mais je comprends que vous recommandez que ce genre de
situations là se terminent une fois pour toutes au niveau des centres de
recherche du Québec.
M. Robert (Louis): Ce serait très
facile, hein? D'ailleurs, qu'est-ce qui nous empêche de le faire? C'est aussi
une question qui me triture un petit peu, là. Je vais la laisser ouverte, là.
Mais ce serait très simple à régler.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Montpetit : Bien, c'est
une excellente question à laisser ouverte, puis je me rends compte qu'on a
beaucoup de journalistes avec nous. Je suis certaine qu'ils prendront la balle
au bond pour aller la poser au ministre de l'Agriculture dès demain.
J'avais une autre question pour vous par
rapport à ce qu'on a appris avec le témoignage de l'Ordre des agronomes hier,
qui est venu nous parler des infractions qui avaient été faites, des erreurs
qui avaient été notées lors des inspections de l'ordre, et notamment certaines
fautes majeures en lien avec le non-respect de la nouvelle réglementation sur
l'atrazine. Je ne vous cache pas que, moi, j'ai été extrêmement choquée
d'apprendre qu'on a mis une réglementation en place... Puis vous l'avez noté,
là, on a essayé à plusieurs reprises, il y a des politiques qui ont été mises
en place, elles n'atteignent pas toujours les objectifs qu'on souhaiterait. La
réglementation, on a quand même vu qu'il y a eu une diminution, je pense, de 40 %
au niveau de l'atrazine. Mais force est de constater qu'on a encore des
agronomes qui, sur le terrain, ne respectent pas la réglementation. J'aurais
aimé ça, vous entendre à ce sujet-là.
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert.
M. Robert (Louis): Oui. Je ne suis
pas au courant exactement des griefs ou des problèmes qu'ils ont connus dans
leurs recommandations, ou justifications, ou prescriptions, là, je ne peux pas
m'avancer trop, trop là-dessus. Mais c'est clair que, comme je le disais, dans
une recommandation d'agronome qui touche le contrôle des mauvaises herbes, la
règle de l'art indique qu'il faut considérer d'autres méthodes avant de
considérer l'utilisation d'herbicides. Ça, c'est les principes de lutte
intégrée. C'est ce qu'on préconise au MAPAQ depuis des années, d'ailleurs, et
ce que l'Ordre des agronomes endosse aussi. Et, comme j'en ai fait allusion un
petit peu tantôt, ces compétences-là... ça demande des compétences, évidemment,
parce que c'est plus compliqué de trouver une rotation, par exemple, contre une
mauvaise herbe que d'appliquer un produit ou appliquer une recommandation d'un
produit sur une étiquette, et ces compétences-là ne sont pas du côté des
compagnies de pesticides, c'est clair, et je pense qu'on nuit un peu au
développement de ces compétences-là, qui sont déjà dans les clubs-conseils et
au MAPAQ, on nuit au développement de ces compétences-là tant et aussi
longtemps qu'on endure des situations comme celles-là. Ça fait que les
infractions, c'est malheureux, mais je pense qu'il fallait s'y attendre un
petit peu, là.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Merci, M. le
Président. Une autre question. Je m'excuse, je suis sur des cas très, très
précis, mais je pense que c'est des questions qu'on s'est posées et auxquelles,
malheureusement, on n'a pas eu de réponses encore, puis, comme vous avez une
longue expertise au sein du MAPAQ, peut-être que vous pouvez éclairer nos
lanternes. Sur la question aussi des semences enrobées, on le sait, il y a des dérogations
qui ont été données au printemps, parce que ça a été un printemps tardif, pour
permettre l'utilisation de semences enrobées avec des néonicotinoïdes. Donc, on
est encore dans une utilisation de néonics, alors qu'on souhaiterait diminuer.
Qu'est-ce qui... pas qu'est-ce qui explique ça, mais ce que... qu'est-ce qui
pourrait régler cette situation-là? Parce que la réponse qu'on nous fait,
c'est : Écoutez, il n'y avait pas d'autres semences disponibles. Est-ce
que c'est une question vraiment de disponibilité ou c'est une question de
volonté?
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert.
M. Robert (Louis): Bien, c'est sûr
que c'est... Je crois que c'est un problème réel de disponibilité de semences.
Ça, je ne mets pas de doute, il y a une partie de ça qui vient de là, c'est
sûr. Mais, vous savez, je vous rappelle un peu ce que je disais tantôt, à
savoir que la réglementation est venue parce qu'on a failli à la tâche, hein,
c'est-à-dire que le message... Moi, c'est... je suis un peu découragé de voir
ça, parce que, pour une fois, c'est une problématique simple. Le message de la
recherche au Québec, très solide, était très clair, limpide. La conséquence de
ça, ça aurait été qu'on n'aurait pas eu besoin de réglementation, parce qu'on a
sorti tous les revêtements insecticides, incluant les néonicotinoïdes. Donc, on
n'aurait pas eu ce problème-là, là, puis on n'aurait pas eu de réglementation.
On aurait pu... Probablement qu'on aurait commandé...
M. Robert (Louis): ...message de la
recherche au Québec, très solide, était très clair, limpide. La conséquence de
ça, ça aurait été qu'on n'aurait pas eu besoin de réglementation parce qu'on
aurait sorti tous les traitements insecticides, incluant les néonicotinoïdes.
Donc, on n'aurait pas eu ce problème-là, là, puis on n'aurait pas eu de
réglementation.
On aurait pu... Probablement qu'on aurait
commandé des nouvelles semences, puis il y aurait eu des produits dessus, oui,
et des néonics aussi dessus, mais ça aurait été un moindre mal parce qu'on n'en
applique pas. On n'en aurait pas appliqué de façon générale partout.
Comprenez-vous? Je ne sais pas si c'est
clair, mais, je pense, c'est... Le problème, on arrive avec une réglementation,
alors que ce n'est pas ça du tout que... Si on avait suivi la chaîne de
transfert, d'où mes deux raisons, là... C'est-à-dire qu'il y a eu de
l'ingérence à tous les niveaux, recherche, transfert, service-conseil. Comment
on peut arriver... passer... arriver à une recommandation?
C'est assez décourageant pour un agronome
d'expérience, des agronomes d'expérience comme nous, de constater ça, qu'on est
devant une évidence scientifique aussi claire et limpide, là, puis que c'est
tout bousillé, qu'on se ramasse avec les... une réglementation qui ne peut pas
s'appliquer parce qu'en plus les produits changent. Ça fait que la
réglementation s'attaque à des... trois néonicotinoïdes, alors que là déjà ils
ont commencé à changer. Puis de toute façon on n'a pas besoin d'insecticides
sur les semences.
Donc, tout ça est un peu absurde, le...
C'est vraiment désolant de voir ça. Et, moi, comme je le disais, ça me fait
peur d'essayer d'imaginer de temps en temps qu'est-ce qui va arriver si on veut
venir à bout de la réduction de la dépendance au glyphosate, par exemple, qui,
ça, est une problématique superpassionnante pour un agronome. Mais, dans le
système actuel, là, je ne suis pas optimiste trop, trop. Ça va prendre une
autre réglementation. On va marcher à coups de réglementations. Ça ne fait pas
de sens.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Qu'est-ce que
vous suggérez justement plus spécifiquement pour le glyphosate? Parce que c'est
certain que ça va faire partie des échanges qu'on va avoir. On a eu quand même
plusieurs indications sur la nécessité d'encadrer... en tout cas, plusieurs
drapeaux rouges, encore là, qui ont été levés sur l'utilisation du glyphosate.
Si ce n'est pas par la réglementation,
comment vous voyez qu'on peut améliorer la situation... en tout cas, à tout le
moins, réduire l'utilisation du glyphosate?
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert.
M. Robert (Louis): Par le recours
aux méthodes de lutte intégrée, c'est-à-dire le dépistage, la rotation des
cultures, l'utilisation de cultures alternatives. C'est relativement simple,
mais c'est déjà un peu plus compliqué de tout simplement arroser Roundup puis
ne pas se casser la tête, mais ça, c'est une question d'éducation puis de
transfert technologique.
Parce qu'on en a déjà, hein, des travaux
de recherche, des dépistages. On connaît des rotations qui ne laissent à peu
près pas de mauvaise herbe au printemps et donc on sait déjà que, si on
avait... on envoyait un agronome dans le champ pour constater ça, on n'aurait
même pas besoin d'appliquer de Roundup ou tout autre herbicide, dans le fond.
Ça fait que c'est des méthodes de lutte
intégrée qu'on connaît depuis longtemps, mais on a dû reculer parce que, c'est
ça, on est arrivés sur le marché des OGM. Les compagnies ont voulu... ont
poussé... D'ailleurs, moi, je me rappelle très bien quand les OGM sont arrivés.
Les compagnies nous vantaient les avantages de rendement, puis on avait en même
temps de la recherche publique qui nous disait : Ce n'est pas tant que ça,
les avantages de rendement, là. Et, quand on mettait en... dans l'évaluation,
l'impact des rotations et des méthodes de lutte intégrée, le bilan était pas
mal différent, là. Le choix des OGM puis du Roundup mur à mur était moins
intéressant déjà, mais vous savez ce qui est arrivé, là.
En plus, les programmes, à l'époque, les
programmes d'ASRA étaient largement... étaient très, très généreux envers les
monocultures de maïs et de soya, en plus. Donc, ça a encouragé... C'est tout un
contexte, finalement, là. Puis le producteur qui ne voulait pas se casser la
tête, qui voulait aller assez rapidement...
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Je pense qu'il
ne me reste pas beaucoup de temps, hein, M. le Président? Bon, bien, juste en
terminant, parce qu'on a eu l'occasion de voir des modèles justement de fermes
très, très innovantes, là, sur le terrain. Donc, de toute évidence, ça peut se
faire.
Est-ce que, de votre lecture terrain,
vous, les agriculteurs sont prêts à aller dans cette direction-là? Est-ce que
c'est vraiment une question... Parce que vous avez bien mentionné que vous ne
privilégiez pas la voie des incitatifs financiers. Est-ce que, bien
accompagnés, il y a une ouverture des agriculteurs à prendre cette direction?
M. Robert (Louis): Bien...
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert, en 30 secondes.
M. Robert (Louis): Oui. Je suis
content, ça me donne l'occasion de mentionner un élément très important. C'est
que, comme la démonstration est faite que des fermes sont capables de le faire,
hein, ce n'est même pas question d'utopie, ou de recherche, ou de transfert,
c'est déjà transféré sur des fermes, il faut juste le diffuser, il faut juste
le faire adopter par un plus grand nombre, puis c'est comme ça qu'on va réussir
à réduire beaucoup la dépendance aux pesticides.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Robert. Ceci complète cette période d'échange. Et maintenant je cède
la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. Je suis très contente de vous entendre ce soir, M. Robert.
J'en profite aussi pour vous remercier du combat que vous avez mené...
M. Robert (Louis): Merci.
Mme Lessard-Therrien : ...dans
les derniers mois. Je pense que ça en valait vraiment la peine.
Écoutez, je viens du Témiscamingue. Vous y
avez passé en juin dernier. Je vous ai manqué. Les agriculteurs, chez nous, ils
disent que maintenant, quand ils rentrent dans les bureaux du MAPAQ, c'est eux
qui doivent ouvrir les lumières tellement il n'y a plus de personnel.
J'aimerais savoir : Comment vous vous sentez, vous, au MAPAQ, depuis la
diminution d'à peu près 50 % des effectifs depuis 10 ans?
Le Président (M. Lemay) : M.
Robert.
M. Robert (Louis): Bien, je
trouve...
Une voix
: ...
M. Robert (Louis): Pardon?
Une voix
: Tu te sens
seul.
• (21 h 40) •
M. Robert (Louis): Je me sens seul
dans l'ombre, pas de lumière, mais...
Mme Lessard-Therrien :
...savoir comment vous vous sentez, vous, au MAPAQ depuis la diminution d'à peu
près 50 % des effectifs depuis 10 ans.
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis): Bien, je
trouve...
Une voix
: ...
M. Robert (Louis): Pardon?
Une voix
: ...seul.
M. Robert (Louis): Je me sens seul
dans l'ombre, pas de lumière, mais... Pardon. C'est sûr que ça fait ressortir
encore plus de façon flagrante le manque d'effectif. Moi, personnellement, j'ai
eu une... Disons, j'ai changé de région et je suis passé du
Chaudière-Appalaches où les grandes cultures étaient peut-être moins une
priorité et j'arrive en Montérégie où il y a plus de ressource, des
professionnels, ingénieurs, agronomes, personnel de soutien et tout ça. Et donc
les grandes cultures sont un secteur très important. Et on fait beaucoup de
transfert technologique. Donc, je suis dans le milieu d'une équipe très
dynamique à ce sujet-là. Donc, ça, ça aide à, disons, à pallier un petit peu le
sentiment qu'on pourrait avoir d'isolement, là, mais c'est vrai. Donc, avec la
diminution d'effectif et la fermeture des bureaux, c'est très, très dommage,
mais ça nous amène à aller dans d'autres régions aussi, dont le Témiscamingue,
l'Abitibi et puis un peu partout.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien :
J'ai envie de vous entendre. Quand même ce désengagement-là de l'État au niveau
de la réduction de ses effectifs, ça envoie quoi comme message pour
l'agriculture?
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis): Je ne sais
pas trop comme... Je pense que ce n'est pas un message positif évidemment, mais
aussi c'est relié au fait qu'on ne valorise pas le transfert technologique. Et
puis, quant à moi, c'est un travail de casse-tête qu'on fait un peu en résumé,
là. C'est-à-dire on prend les résultats de recherche qui sont des morceaux de
casse-tête isolés et puis on les assemble pour donner un ensemble qui veut dire
quelque chose pratiquement parlant. Et donc je pense qu'il faut... C'est
essentiel de le faire parce que j'ai vu des... J'ai connu des exemples de
transfert de la recherche au producteur directement en by-passant le transfert
technologique qui a donné des résultats complètement négatifs. Je pense par
exemple à la période d'épandage des engrais de ferme qui a été très, très mal
comprise aux services-conseils parce que peu de personnes assumaient le
transfert technologique. La recherche disait un message beaucoup plus nuancé.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Robert. Donc, je cède maintenant la parole au député de
Bonaventure pour sa période d'échange.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Bonjour, madame, messieurs, M. Robert.
M. Robert (Louis): Bonjour.
M. Roy
: On peut
dire, vous nous avec donné de l'ouvrage, vous, hein? Bien, bravo! Parce que
vous avez soulevé un débat extrêmement important. Moi, je le considère aussi
important que celui du tabac ou de l'amiante à une certaine époque. Je ne sais
pas où on va aboutir avec tout ça, mais j'ose espérer que ce n'est pas juste
une campagne de marketing ou de communication. Ceci étant dit, vous venez de
déboulonner un mythe, là. Pas besoin de budget de recherche supplémentaire pour
trouver des stratégies de remplacement des pesticides. Ça, je trouve ça
extrêmement intéressant. Et ce que je comprends de votre exposé, c'est que le
problème, il est dans le transfert, dans la communication, dans la
sensibilisation. Et là, bien, la question, c'est qui devrait être le porteur de
cette stratégie-là d'information, de diffusion et de sensibilisation.
Le Président (M. Lemay) :
M. Robert.
M. Robert (Louis): Le MAPAQ,
parce que ce n'est vraiment pas commercialisable, là. Présentement, le MAPAQ a
tenté de privatiser une section du transfert qui est la diffusion de
publications, par exemple, par le Centre de référence en agriculture et
agroalimentaire au Québec, là, le CRAAQ, là, le fameux CRAAQ. Et on se rend
compte que même la diffusion, la vente de véhicules de diffusion n'est pas
rentable. C'est difficile de rentabiliser ça. Donc, c'est... Puis ça, c'est
juste la partie la plus commercialisable du transfert. Imaginez le travail que
je parlais tantôt, d'assembler les pièces du casse-tête, de faire le lien avec
la recherche pour les services de conseils de première ligne, il n'y a pas
personne qui va voir de la rentabilité là-dedans. Et pourtant, c'est aussi
essentiel que la recherche parce qu'en l'absence de transfert technologique, ça
ne marche pas. Ça ne marche pas, le message est mal perçu. On demande aux
chercheurs d'assumer le, comme on dit, le service après-vente, d'aller dans les
conférences présenter aux producteurs, dans les journées de formation,
présenter leurs résultats de recherche. Pendant qu'ils préparent les conférences,
ils ne font pas leur travail de chercheurs. Et en plus de ça ils n'ont pas le
temps d'aller fouiller, de mettre leurs... Bien, je généralise, il y a des
exceptions, mais trop souvent ils ne peuvent pas mettre en contexte par rapport
à d'autres recherches et aussi par rapport au contexte pratique de la ferme. Et
donc, ça, c'est un autre élément essentiel du transfert qui est négligé et puis
qu'on devrait réinvestir selon moi. Puis pour répondre à votre question
directement, c'est carrément le MAPAQ selon moi.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député, pour le mot de la fin.
M. Roy
: Bien,
écoutez, qui au MAPAQ, des agronomes, des techniciens, des agents de
communication?
M. Robert (Louis): Oui, des
professionnels. Des professionnels, mais évidemment avec du personnel de
soutien pour les aider et les soutenir là-dedans, là. C'est tout un effort de
groupe, là.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Robert, je peux vous assurer que la commission a pris en note
l'importance de la valorisation des transferts technologiques. Et, sur ce, je
vous remercie, M. Robert, M. Dion et Mme Ménard, pour la
contribution à nos travaux. La commission ajourne...
M. Robert (Louis): ...des professionnels,
mais évidemment avec du personnel de soutien pour aller les aider, les soutenir
là-dedans, là. C'est tout un effort de groupe, là.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Robert, je peux vous assurer que la commission a pris en note l'importance
de la valorisation des transferts technologiques. Et, sur ce, je vous remercie,
M. Robert, M. Dion et Mme Ménard, pour la contribution à nos travaux.
La commission ajourne ses travaux au
mercredi 25 septembre 2019, après les affaires courantes, où elle poursuivra
son mandat.
(Fin de la séance à 21 h 45)