Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42-1
(début : 27 novembre 2018)
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Le
lunes 26 août 2019
-
Vol. 45 N° 23
Mandat d'initiative - Avenir des médias d’information
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14 h (version non révisée)
(Quatorze heures six minutes)
Le Président (M. Ciccone) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de la culture et l'éducation ouverte. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques, s'il vous plaît.
La commission est réunie afin de procéder
aux auditions publiques dans le cadre des consultations particulières
concernant le mandat d'initiative portant sur l'avenir des médias
d'information. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements pour ce mandat?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. Mme Labrie (Sherbrooke) sera remplacée par Mme Dorion
(Taschereau) et Mme Hivon (Joliette) par M. LeBel (Rimouski).
Le Président (M. Ciccone) :
Est-ce qu'il y a consentement pour les remplacements suivants?
La Secrétaire
: M. Asselin
(Vanier-Les Rivières) serait remplacé par Mme Tardif
(Laviolette—Saint-Maurice), M. Chassin (Saint-Jérôme) par M. Lévesque
(Chauveau), Mme Grondin (Argenteuil) par M. Allaire (Maskinongé) et M. Skeete
(Sainte-Rose) par M. Provençal (Beauce-Nord).
Le Président (M. Ciccone) : Y
a-t-il consentement?
Des voix
:
Consentement.
Le Président (M. Ciccone) :
Consentement, merci. Aujourd'hui, nous entendrons Mme Marie-Ève Martel,
M. Patrick White, la Confédération des syndicats nationaux conjointement
avec la Fédération nationale des communications, le Syndicat des travailleurs
de l'information de La Presse et la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Cependant, nous commencerons avec M. Patrick...
Une voix
: Elle est là,
Madame...
Le Président (M. Ciccone) :
Ah! Elle est là. Elle est revenue. Formidable. Bon, je vous souhaite la
bienvenue, Mme Martel. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé...
Une voix
: ...
Le Président (M. Ciccone) :
Non. O.K. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole
est à vous.
Mme Martel (Marie-Ève) :
Bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, membres de la
commission. Mon nom est Marie-Ève Martel, je suis journaliste à La Voix de
l'Est et auteure d'Extinction de voix—Plaidoyer pour la
sauvegarde de l'information régionale. Je vous remercie de m'avoir invité à
témoigner dans le cadre de ce mandat d'initiative sur l'avenir des médias.
Il va sans dire que l'urgence d'agir n'est
plus approuvée. Au cours de la dernière décennie, au moins une cinquantaine de
médias d'information, particulièrement dans la presse écrite régionale, ont
disparu de l'écosystème médiatique québécois. On recense la perte de plus d'un
emploi de journalistes sur 10, mais aussi de près de la moitié de tous les
emplois dans les entreprises de presse. Il y a à peine une semaine, c'est mon
monde qui a failli s'écrouler. Cette hémorragie n'est pas en voie de s'arrêter,
bien au contraire. À l'heure actuelle, ce sont presque tous les médias
d'information québécois qui risquent de disparaître avec de lourdes et
irréversibles conséquences pour la démocratie si rien n'est fait pour les
soutenir. Le cas échéant, ce seront des villes, des MRC, des pans de vos circonscriptions
qui deviendront des déserts médiatiques, des lieux où se dérouleront tout plein
de choses dont personne ne parlera.
Aux prises avec une crise financière sans
précédent, ces entreprises de presse cherchent à se réinventer, à trouver une
manière de traverser la tempête avant de faire naufrage. Je peux personnellement
témoigner des nombreux efforts effectués par les artisans de Groupe Capitales
Médias, mais aussi d'autres journaux pour garder la tête hors de l'eau. Mais la
recette magique n'existe pas. Comme disait la célèbre publicité : Si ça
existait, on l'aurait.
Si les médias se trouvent à un carrefour
déterminant de leur avenir, leur pertinence, elle, n'a pas à être à nouveau
établie, et ce, bien que leur vocation mercantile entre en contradiction avec
leur mission de servir l'intérêt public. Dans les milieux respectifs, les
médias jouent un rôle social, démocratique, économique et culturel de premier
plan, le tout en étant les témoins de ce qui se déroule dans des centaines de communautés
réparties dans plusieurs régions du Québec.
• (14 h 10) •
Les nouvelles technologies d'information ont
permis l'avènement de ce qu'on appelle l'économie du savoir. Or, il est
rarement question, grâce à celle-ci, d'une démocratie par le savoir. En ce
sens, les médias d'information sont un rempart indispensable à la
désinformation pour remettre les pendules à l'heure et pour permettre aux
citoyens de faire un choix éclairé sur une pléthore d'enjeu public. Surtout,
afin d'obtenir un son de cloche équilibré, il est primordial que les citoyens
aient accès à une diversité de sources d'information qui ne traitent pas toujours
de ces enjeux de la même manière et qui font appel à des intervenants...
Mme Martel (Marie-Ève) :
...médias d'information sont un rempart indispensable à la désinformation pour
remettre les pendules à l'heure et pour permettre aux citoyens de faire un
choix éclairé sur une pléthore d'enjeux publics. Surtout afin d'obtenir un son
de cloche équilibré, il est primordial que les citoyens aient accès à une
diversité de sources d'information qui ne traitent pas toujours de ces enjeux de
la même manière et qui font appel à des intervenants différents.
Les retombées locales des médias ne se
mesurent pas toujours de manière tangible. Des études ont démontré que dans les
communautés où les médias se sont éteints, le coût des contrats publics
octroyés et le salaire des fonctionnaires sont plus élevés qu'ailleurs, signe qu'il
n'y a pas de chien de garde de la démocratie pour les surveiller ainsi que la
gestion des deniers publics, que le débat politique est davantage polarisé et
que moins de personnes s'impliquent activement dans la vie publique ou se
portent candidates à des postes électifs.
En région, ce constat est encore plus
frappant. Les grands médias n'ont pas les ressources et l'espace pour traiter
de tout ce qui se déroule hors des grands centres. Il faut donc qu'une nouvelle
soit hors normes pour qu'elle se fraie un chemin jusqu'à eux. Pourtant, de
nombreuses initiatives locales méritent d'être soulignées et de faire parler
d'elles. Des injustices et des drames doivent aussi être dénoncés, et c'est
plus souvent qu'autrement via les médias locaux que ces cris se font d'abord
entendre. N'oublions pas non plus que les médias sont des acteurs de
construction identitaire locale, des adjuvants à la cohésion sociale et une
agora populaire où s'échangent les idées. En décrivant les initiatives locales
et en laissant la place à des débats, en rappelant des moments et des
personnages marquants de l'histoire locale et en usant de référents propres à
la région, les médias posent les balises d'une identité et d'une culture qui
caractérisent leur communauté d'ancrage.
À la suite de la publication de mon essai Extinction
de voix, j'ai eu l'occasion de visiter plusieurs régions du Québec pour
parler d'information locale non seulement avec des journalistes, mais aussi
avec des citoyens qui se sentent concernés par l'avenir de leurs médias locaux.
Plusieurs constats ont émergé de ces rencontres, démontrant des constantes
d'une région à l'autre. En général, la population est certes attachée à ses
médias d'information, mais elle ne comprend pas nécessairement qu'il y a péril
en la demeure. Elle prend ses journaux et ses stations de radio et télévision communautaire
pour acquis et ne comprend pas que ceux-ci sont pris avec une crise économique,
et pour cause : les questions et les affirmations m'étant parvenues du
public m'ont fait réaliser que celui-ci comprend très mal notre métier et ses objectifs.
Il serait possible d'endiguer cette confusion grâce à des initiatives en
éducation aux médias qui permettraient aux citoyens d'apprendre à mieux
consommer ceux-ci. Une éducation aux médias doit aussi être offerte aux élus,
dont certains ont encore aujourd'hui une mauvaise perception ou une
méconnaissance du rôle du journaliste. Cela donne lieu à des entraves à la
liberté de presse, mais aussi au droit du public à l'information. La
transparence, dans certains lieux, est hermétique et vise d'abord à maintenir une
image plutôt que d'informer.
On pourrait se laver les mains et laisser
la loi du marché dicter l'avenir des médias d'information. Que les plus
innovants et ceux ayant le plus de moyens survivent, tant pis pour les autres.
Mais l'entrée en jeu de nouveaux joueurs étrangers auxquels les règles ne
semblent pas s'appliquer a créé un déséquilibre important dont il faut se
préoccuper. Advenant la disparition des médias, dont les revenus publicitaires
ont été vampirisés par les fameux GAFA, ce ne sont ni Google, ni Facebook et
compagnie qui enverront des journalistes professionnels couvrir les séances des
conseils municipaux ou enquêter sur de nombreux sujets d'intérêt public.
Ajoutons à cela le fait que moins d'une personne sur 10 paie pour s'informer, ce
qui a effet d'occulter le fait que l'information a un coût à produire, mais a
aussi une valeur. Collectivement, nous avons oublié la valeur du journalisme et
nous nous sommes détournés de sa mission première, croyant à tort qu'ici au
Québec, la liberté de presse et l'accès à l'information étaient acquis pour
toujours. Le coeur du problème est un peu là : tout le monde est pour la
sauvegarde de l'information, mais personne ne veut payer pour. La situation se
résume pourtant bien simplement : désormais, les médias d'information
financent à grands frais la production de reportages d'intérêt public, mais ils
ne peuvent plus compter sur les revenus publicitaires ou les revenus
d'abonnement d'autrefois pour y parvenir. Connaissez-vous beaucoup
d'entreprises qui parviendraient à survivre dans de telles circonstances? Le
simple libre marché ne peut pas s'appliquer dans l'industrie de l'information,
car celle-ci n'est pas un produit qui peut être sous-traité ailleurs pour moins
cher. Le fruit du travail des journalistes n'est pas un simple produit de
consommation qui pourrait être remplacé s'il disparaissait, l'information est
un bien public dont bénéficie la société tout entière. S'il est donc une seule
chose que vous devez retenir de mon témoignage, c'est que la pérennité de ce
bien public dépend des efforts de la communauté tout entière pour le faire
survivre.
C'est donc pour vous demander, à titre
d'élus, de préserver l'information régionale québécoise que je m'adresse à vous
aujourd'hui. Le débat entourant la survie des médias d'information s'est
longuement attardé sur le virage numérique à entreprendre. Nous avons beaucoup
entendu parler du contenant transportant les nouvelles, mais très peu du
contenu lui-même. Je considère plutôt que le véhicule importe peu en autant que
les contenus qui s'y trouvent soient pertinents. Papier ou numérique, un média
d'information trouvera sa pertinence dans la qualité de ses reportages, de ses
enquêtes journalistiques et des analyses que ses artisans en tireront. Ainsi,
je recommande à la commission d'étudier la possibilité d'établir des crédits
d'impôt sur les masses salariales des médias qui pourraient encourager ceux-ci
à embaucher et investir dans leurs salles de rédaction plutôt que d'effectuer
des compressions, avec pour impact direct une augmentation de la couverture
journalistique, particulièrement au niveau local. La reconnaissance de
l'information journalistique en tant que produit culturel pourrait également
assujettir celle-ci aux différentes mesures fiscales qui existent déjà. Il ne
suffirait que de...
Mme Martel (Marie-Ève) : ...qui
pourraient encourager ceux-ci à embaucher et à investir dans leurs salles de
rédaction plutôt que d'effectuer des compressions, avec pour impact direct une augmentation
de la couverture journalistique, particulièrement au niveau local. La
reconnaissance de l'information journalistique en tant que produit culturel
pourrait également assujettir celle-ci aux différentes mesures fiscales qui
existent déjà. Il ne suffirait que de bonifier les enveloppes existantes pour
ne pas pénaliser les actuels bénéficiaires de ces programmes. Évidemment,
j'encourage le gouvernement du Québec à poursuivre ses investissements
publicitaires dans les médias d'information québécois afin de donner l'exemple
aux entreprises privées qui les ont délaissés au profit des GAFA. Il m'apparaît
contradictoire de prêcher pour l'achat local sans être conséquent à ce sujet.
Je lance aussi l'idée de créer un fonds
dédié au financement de reportages d'information d'intérêt public, un fonds
auquel auraient accès tous les médias généralistes québécois, tout en
respectant leur indépendance journalistique. Je propose par exemple que l'accessibilité
de l'aide financière issue de ce fonds soit proportionnelle au contenu original
et local produit par chaque média, sous forme de retour sur investissement. Le
fonds pourrait aussi être géré par un comité indépendant et chapeauté par la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec.
Membres de la commission, vous avez le
pouvoir, le devoir, dis-je, de maintenir l'un des piliers de notre démocratie.
Vous devez vous élever au-dessus du débat partisan à propos de la propriété de
la presse et mettre en place des mesures qui soutiendront les médias d'information,
peu importe à qui ceux-ci appartiennent, et surtout peu importe leur taille, en
autant qu'ils continuent leur mission de servir l'intérêt public. Car qui, à
l'heure actuelle, pourrait répondre à cette prérogative si les médias
disparaissent? Vous devrez toutefois agir vite. Plus le temps passe et plus la
précarité des médias s'accroît. Si rien n'est fait à court terme, cela
représenterait une atteinte importante au droit du public à l'information, au
droit du public à avoir accès à une pluralité de sources de points de vue. Ne
laissez pas des régions sombrer dans le noir.
Je vous remercie à nouveau de m'avoir
offert l'occasion de présenter ces quelques constats et je suis maintenant
disposée à répondre à vos questions.
Le Président (M. Ciccone) :
Je vous remercie beaucoup, Mme Martel. Nous sommes maintenant prêts à entendre
la partie gouvernementale pour une durée de 15 minutes, et je reconnais le
député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci beaucoup, M.
le Président. Vous me permettrez, Mme Martel, puisque nous sommes dans nos
premiers échanges dans le cadre de cette commission parlementaire, avant qu'on
puisse débuter notre discussion, de saluer mes collègues, évidemment, du gouvernement,
qui... chacun et chacune a un fort intérêt pour l'avenir de nos médias, bien
évidemment. Saluer également l'opposition officielle, les gens également des
autres oppositions. Très content de vous retrouver, parce qu'on attendait, vous
aussi, et nous aussi, cette commission parlementaire là. On a beaucoup de journalistes
qui sont dans la salle, alors ça démontre l'intérêt très prononcé envers cette
question-là, qui est vitale pour notre démocratie, qui est vitale pour l'avenir
de l'information que l'on donne à nos citoyens, que ce soit dans les grands
centres ou encore en région. Un problème qui, vous l'avez exprimé dans votre
livre, Extinction de voix, que j'ai eu un grand privilège de lire... qui
dit très clairement que ça n'a pas commencé la semaine dernière puis qu'il y a
une importance d'agir. Vous l'avez dit, si on avait la solution magique,
probablement que les précédents gouvernements... le gouvernement actuel
l'aurait mis en place, ça, c'est clair. Mais il y a des défis qui sont super
importants, et vous le relevez dans votre livre, et vous le relevez également
dans votre mémoire de façon assez claire. Avant de peut-être aller au fond des
solutions, j'aimerais que vous nous parliez un peu de vous puis peut-être de la
perception qu'il y a présentement dans une salle des nouvelles au Québec, de la
perception qu'il y a quand vous parlez avec les conseillers publicitaires, que
vous parlez avec les patrons des différents médias. Ils sont rendus où? Comment
ils se sentent? Comment ils ressentent l'avenir? Comment ils entrevoient
l'avenir? Quel est l'état d'âme? Vous, ça vous a poussé à écrire un livre, à
prendre la parole publiquement, à dire clairement ce qui va et ce qui ne va pas
puis à coucher des solutions, mais il y a beaucoup de gens qui sont dans
l'univers des médias qui n'ont pas la chance de venir s'exprimer devant nous
aujourd'hui puis de nous dire comment ils entrevoient l'avenir. Donc,
j'aimerais que vous dites, à l'interne, comment ça se passe et comment ça se
vit.
• (14 h 20) •
Mme Martel (Marie-Ève) : Je
porte un peu de vert, aujourd'hui, c'est l'espoir. On a tous espoir qu'on va
réussir. En fait, on se trouve devant une grande vague et on ne sait pas encore
ce qui va arriver de l'autre côté de cette vague-là. Certains pensent que le
salut va passer par un virage numérique, mais on a tous conscience, parce que,
de la nature de notre travail, ça amène un certain idéalisme, on a tous
confiance que la démocratie, le droit du public à l'information vont triompher.
On est tous motivés par un certain idéal qui passe par l'information. Je ne
vous cacherai pas qu'évidemment on sent par contre une grande méconnaissance de
notre travail au sein du grand public. Beaucoup de gens... Il y a encore des
gens qui pensent qu'il faut payer pour faire un article dans le journal, pour
passer dans le journal, il y a beaucoup de gens aussi, et ça, ça a été d'abord
mentionné par Éric-Pierre Champagne sur un billet de blogue qui était fort
intéressant, que les gens nous associent beaucoup aussi aux propriétaires,
hein? Jusqu'à la semaine dernière, moi, je travaillais pour les journaux à
Cauchon. Quelques années auparavant, je travaillais pour les journaux à
Desmarais. Et j'ai certains collègues, ici même et au Québec, qui travaillent
pour le journal à Péladeau. Pourtant, ce ne sont ni M. Desmarais, ni M.
Cauchon, ni M. Péladeau qui font les articles de journaux, ce sont des
journalistes passionnés qui travaillent jour après jour à faire de leur mieux.
Des fois, il y a des articles qui sont moins intéressants, qui sont peut-être
un peu plus...
Mme Martel (Marie-Ève) :
...certains collègues, ici même et au Québec, qui travaillent pour le journal à
Péladeau. Pourtant, ce ne sont ni M. Desmarais ni M. Cauchon, ni M. Péladeau
qui font les articles de journal, ce sont des journalistes passionnés qui
travaillent, jour après jour, à faire de leur mieux. Puis, des fois, il y a des
articles qui sont moins intéressants, qui sont peut-être un peu plus
divertissants, mais ça fait partie du produit qu'on a à offrir, hein, parce
que, nous, on ne peut pas créer de la nouvelle, on doit attendre qu'elle se
présente à nous. Et je pense que, justement, c'est pour ça que c'est important
d'éduquer aussi les Québécois à l'importance des médias parce que c'est pour
eux qu'on écrit, ce n'est pas pour M. Cauchon, M. Desmarais ou M. Péladeau,
c'est pour la population. Et, si la population comprend mal à quoi on sert, si
la population comprend comment interpréter et consommer un média, ça va mal les
servir. Donc, je pense qu'il faut qu'on soit à ce moment-là. Donc, oui, c'est
l'espoir.
M. Poulin : Oui, c'est
l'espoir. Et, quand on voit également l'évolution du métier, puis j'aimerais
vous entendre également là-dessus, parce que ça fait plusieurs années que vous
êtes dans la profession, ça a bougé, ça a évolué. Moi, j'ai fait de la radio,
j'ai été dans des journaux coopératifs, dans la radio privée, la radio
communautaire. J'ai eu à congédier des gens parce que, justement, on devait
faire certaines restructurations. Alors, tout ça ne date pas d'hier non plus.
Donc, comment votre métier a si changé, si évolué avec le temps? Puis quelle
est la meilleure façon de convaincre quelqu'un de faire du journalisme dans ces
conditions-là? Vous en parlez justement, comment le métier a évolué, comment on
fait du numérique, comment on fait du Web, comment on doit faire du vidéo,
Twitter, Facebook, être en ondes le plus rapidement possible pour livrer l'information,
écrire le texte le plus tôt possible, tout en préservant une qualité à titre de
journaliste aussi. Les salles de nouvelles fonctionnaient avec plusieurs
journalistes, il n'y a pas tellement longtemps, on les a restreints à son maximum.
C'est souvent le premier endroit où on coupe, on met plus de vendeurs sur la
route en disant : Ils vont nous ramener plus de revenus publicitaires,
mais, pendant ce temps-là, les journalistes, eux, doivent remplir les pages ou
encore remplir le temps d'antenne.
Alors, parlez-moi, un peu de l'évolution
de ce métier-là puis à quel point... des exemples très précis que vous avez
vécus dans des salles de nouvelles qui ont partiellement affecté la profession
journalistique.
Mme Martel (Marie-Ève) : Quand
j'ai commencé mes études universitaires, c'était en 2006, on commençait à peine
à parler de Facebook et de Youtube, on ne savait pas c'était quoi et on ne
savait pas dans quelle mesure ces outils-là allaient révolutionner la manière
de travailler. J'ai commencé ma carrière de journaliste en 2009‑2010 et, dans
les hebdomadaires, en fait, on était deux, et j'ai même été toute seule pour
alimenter un hebdomadaire chaque semaine. Je suis arrivée à La Voix de l'Est en fin
février 2013. À ce moment-là, on était 21 dans la salle de nouvelles, on est aujourd'hui
14, dont la moitié n'ont pas de poste permanent, ce sont des surnuméraires.
Donc, quand les employés sont moins nombreux, nous, on doit quand même publier
un journal à tous les jours. On m'a élevée en me disant : Si tu n'as rien
à dire, tu te tais. Malheureusement, dans un journal, ça ne fonctionne pas
comme ça, on publie pareil parce qu'on a une tombée.
Donc, on doit mettre les bouchées doubles,
je peux écrire, des fois, quatre textes par jour avec des brèves, des faits
divers. On peut aussi faire des «breaking news». On peut être amené à faire
autant un texte de sport, que de culture, un texte municipal, un organisme
communautaire, ça resserre beaucoup les liens aussi entre collègues parce qu'on
a le syndrome du survivant, hein, c'est vraiment prouvé qu'on a ça. Et on
continue parce qu'on y croit, des fois, on a des moments de découragements,
mais il y a toujours un collègue qui dit : Ça va aller, on va passer à
travers. C'est sûr que la charge de travail s'est décuplée. La mission reste la
même, mais il y a des limites à faire plus avec moins, puis on est rendus là.
M. Poulin : Vous en avez
abordé différentes solutions à l'intérieur du mémoire, qui sont super,
superintéressantes. Vous avez parlé, entre autres, d'éducation, l'importance
que nos jeunes comprennent le vrai du faux, de qu'est-ce que c'est, les médias
d'information. Alors, je veux vous entendre peut-être... je vais tout de suite
venir à la question des annonceurs et le fait que des entreprises doivent
prendre le réflexe davantage de se tourner vers les médias traditionnels pour
investir de la publicité. Vous dites, en 2005, les annonceurs canadiens avaient
dépensé 562 millions de dollars en publicité en ligne, 2,7 milliards
de dollars dans les journaux imprimés. 11 ans plus tard, la situation s'est
inversée, le numérique représentait des investissements publicitaires de
5,6 milliards de dollars, une hausse annuelle et soutenue de, plus ou
moins, 20 %, pendant que les publicités imprimées dans des médias écrits
ont dégringolé de 48 % pour atteindre 1,4 milliard de dollars, et ça,
vous le tirez d'un forum des politiques publiques qui a été dévoilé en 2017.
Quel est le meilleur outil, selon vous,
pour convaincre le concessionnaire, pour convaincre l'entreprise qui est dans
la municipalité ou est dans la région de depuis plusieurs années, d'investir
dans son média local? Je crois également que plusieurs éditeurs n'ont pas
manqué d'imagination, dans les dernières années, pour les convaincre. Je vous
raconte une anecdote très rapidement. Chez nous, il y a une éditrice qui a
dit : On ne publiera plus le journal dans cette municipalité-là parce
qu'il n'y a plus d'annonceurs qui font affaire. Et elle a reçu 700 messages de
citoyens qui lui disaient : Pourquoi je ne reçois plus mon journal? Alors,
elle est allée voir les annonceurs puis elle a dit : Voyez-vous, je suis
lue dans votre communauté et elle a pu recommencer à imprimer à l'intérieur de
la municipalité. Alors...
M. Poulin : ...il y a une
éditrice qui a dit : On ne publiera plus le journal dans cette municipalité-là
parce qu'il n'y a plus d'annonceurs qui font affaire. Et elle a reçu
700 messages de citoyens qui lui disaient : Pourquoi je ne reçois
plus mon journal? Alors, elle est allée voir les annonceurs puis elle a
dit : Voyez-vous, je suis lue dans votre communauté. Et elle a pu
recommencer à imprimer à l'intérieur de la municipalité. Alors, c'est la
solution qu'elle avait trouvée pour convaincre les gens que ça valait la peine
d'investir à l'intérieur de médias écrits. Moi, j'en suis convaincu. On fait de
la politique. On doit faire des choix publicitaires à l'occasion. Et j'y crois foncièrement
à ce journal-là en termes d'information puis en termes de communication avec le
public. Alors, oui, il y a l'aspect financier, où on se doit de convaincre les
gens d'investir dans nos médias locaux. Et qu'est-ce qu'on peut encore faire de
plus pour le faire? Il y a un volet éducatif, il y a un volet créatif
également, mais qu'est-ce qu'on doit faire de plus?
Mme Martel (Marie-Ève) :
Je pense que c'est une question de sensibilisation. C'est donnant donnant.
C'est l'achat local. C'est aussi simple que ça. Je veux dire, la plupart des
gens qui travaillent dans un média à l'heure actuelle se font dire que, le
papier, c'est fini, par exemple, qu'il faut aller sur Facebook parce que c'est
là que les gens se trouvent. Ce n'est pas ça, la solution. C'est un peu
hypocrite de dire : Achetez local, achetez à ma boutique, allez dans mon
commerce parce que j'ai pignon sur rue, je crée des emplois, je paie mes
impôts, je paie mes taxes, alors que ces mêmes personnes là ont choisi de ne
plus annoncer dans leur média local pour aller donner leur argent à une
multinationale américaine qui avale tout ce qu'il y a de revenus publicitaires
au Canada en ce moment. Là, on parle de 80 %. Un journal... À La Voix
de l'Est, là, c'est presque une quarantaine d'employés. Donc, c'est
40 familles qui vivent grâce à ça, c'est 40 familles qui paient des
taxes foncières, c'est 40 familles qui consomment localement, c'est
40 familles qui interagissent dans le milieu. Donc, si un annonceur
choisit de ne plus s'annoncer dans un média, bien, ça fait aussi
40 familles qui n'iront peut-être pas dépenser chez lui. Donc, c'est une
roue qui tourne. Ça fait partie du réseau local. On est un acteur qui témoigne
de la vitalité de cette localité-là, mais on doit aussi être alimenté par cette
localité-là. C'est aussi simple que ça.
M. Poulin : Merci
beaucoup. Je vais laisser la parole à mon collègue.
Le Président (M. Ciccone) :
Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Martel.
Mme Martel (Marie-Ève) :
Bonjour.
M. Lemieux : Vous
terminez votre mémoire, pas votre présentation, mais votre mémoire, en disant
qu'il importe d'agir avant que le Québec ne devienne un immense désert
médiatique. Je pense que vous avez raison. Et je voudrais vous entendre par
rapport à l'urgence qui a pris toute la place sur la scène publique depuis une
dizaine de jours. Le groupe qui vous engage, le Groupe Capitales Médias qui a
saisi un peu la place publique avec une urgence. Mais je voudrais vous
entendre, je ne veux pas vous suggérer la réponse, mais je veux savoir
comment... même si c'est de vous un peu dont il s'agit, comment vous voyez ça
par rapport au reste du Québec. Vous avez dit le mot «local» et «régional» très
souvent dans votre présentation, vous l'avez écrit énormément, c'est de la
musique à mes oreilles, mais maintenant qu'on est en train de réagir, on est en
réaction à ce qui s'est passé, est-ce qu'on ferait une erreur si on ne lisait
pas la dernière ligne de votre mémoire?
Mme Martel (Marie-Ève) : En
fait, c'est ça, cette semaine, la semaine dernière, il y a une dizaine de
jours, c'était l'entreprise qui m'emploie qui était sous les projecteurs, mais
il y en a tellement d'autres au Québec qui sont dans la même situation puis qui
n'ont pas nécessairement mis leurs problèmes sur la place publique, parce que,
justement, d'aller sur la place publique puis de dire : Ça ne va pas très
bien, ça peut faire peur à des gens, qui décident de nous lâcher au lieu de
nous soutenir. On a été très chanceux d'avoir une vague de soutien aussi forte,
et j'espère que cette vague de soutien là va s'étirer dans le temps pour nous permettre
d'arriver à une solution, là, pérenne sur la survie de l'entreprise Groupe
Capitales Médias, peu importe la forme qu'elle aura. Mais cette vague-là doit
aussi s'étendre aux autres médias, parce que nous, on est un groupe de six
journaux, on a beaucoup, beaucoup de ressources, mais imaginez un hebdomadaire
qui a un, peut-être deux journalistes, peut-être autant de représentants
publicitaires. Et des fois c'est dans des municipalités ou des régions où ils
sont tout seuls pour couvrir une dizaine de municipalités avec des maires pas
toujours sympathiques et collaborants, on va dire. Donc, c'est important, parce
qu'il n'y aura jamais assez de journalistes pour couvrir l'ensemble des
municipalités du Québec, alors qu'il y a des choses qui se passent qui doivent
être mises au grand public. Et souvent, quand on entend parler des régions dans
un média national, un média montréalais ou peut-être même des médias de la
ville de Québec, c'est souvent parce que ça a eu écho localement avant. Donc,
je pense qu'il faut prendre ça, là, en considération, c'est tout le monde qui a
besoin d'aide en ce moment.
M. Lemieux : On a beaucoup
entendu parler de tout plein de propositions de solutions. Dans votre livre,
effectivement, il y en a encore plus. Bien, en fait, c'est les mêmes, mais vous
les avez synthétisées là-dedans. Mais tout le monde a l'impression qu'il n'y a
pas un coup de baguette magique, un levier qui va tout régler. Il y a
énormément de travail et, au-delà de l'aide d'urgence et au-delà d'un programme
d'aide, il y a beaucoup de ménage à faire, entre guillemets.
• (14 h 30) •
Mme Martel (Marie-Ève) : Tout
à fait. La solution, ce n'est pas une recette magique, c'est un florilège de
mesures. Effectivement...
14 h 30 (version non révisée)
M. Lemieux : ...coup de
baguette magique, un levier qui tout régler. Il y a énormément de travail et,
au-delà de l'aide d'urgence et au-delà d'un programme d'aide, il y a beaucoup
de ménage à faire, entre guillemets.
Mme Martel (Marie-Ève) : Tout
à fait. La solution, ce n'est pas une recette magique, c'est florilège de
mesures. Effectivement, en tant qu'élus, vous avez votre rôle à jouer, parce
que, comme je vous dis, je pense que l'information doit être reconnue comme un
bien public et, en tant qu'élus représentant les Québécois, c'est votre rôle de
vous assurer que ce bien public là survit à la crise.
Néanmoins, comme citoyens, on a aussi un
rôle à jouer, que ce soit en s'abonnant, en... Il y a des dons des fois, il y a
des médias aussi qui récoltent des dons. En continuant de consommer
l'information, mais en ayant aussi la volonté de vouloir devenir un meilleur
d'information, donc en devenant un lecteur plus avisé, en faisant le tri dans
les différentes informations qui nous sont présentées. Donc... d'où
l'Importance de l'éducation aux médias, ne serait-ce que, justement, pour
lutter contre la désinformation. Ça, c'est très important et on parlait, bon,
beaucoup des jeunes, mais je pense aussi que les plus vieux doivent s'y mettre.
D'ailleurs, il y a une étude qui disait que c'étaient les baby-boomers qui
partageaient le plus de «fake news», mais...
Et aussi, évidemment, en tant
qu'annonceurs, bien c'est de contribuer à la vitalité économique locale en
annonçant. Il y a plusieurs manières, mais chaque Québécois en ce moment a le
pouvoir de contribuer à la solution.
M. Lemieux : ...de vous
l'entendre dire... (Interruption)... woups! C'est terminé, je pense.
Le Président (M. Ciccone) :
Je suis prêt à reconnaître la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour 30
secondes.
Mme Tardif : 30 secondes?
Alors, rapidement, une question. Vous parlez de la création d'un fonds qui
serait dédié à l'information et, je suspecte aussi, comme vous l'avez laissé
sous-entendre ou comme vous l'avez dit, que ce ne serait pas géré par les
patrons, mais que ça pourrait être géré par les journalistes. Pouvez-vous en
dire un peu davantage par rapport à ça?
Mme Martel (Marie-Ève) : En
fait, le...
Le Président (M. Ciccone) :
En cinq secondes.
Mme Martel (Marie-Ève) : Le
fonds ne devrait pas être géré par des journalistes, mais par une entité
indépendante à la fois du gouvernement et des entreprises de presse.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup. Nous sommes maintenant prêts à entendre un membre de l'opposition
officielle pour une durée de 10 minutes et je reconnais la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Merci
beaucoup, M. le Président. À mon tour, je vais prendre quelques secondes, mais rapidement,
parce qu'on n'aura pas beaucoup de temps ensemble, pour saluer l'ensemble des
collègues qui sont là aujourd'hui, parce que, rappelons-le, c'est quand même un
mandat d'initiative que nous nous sommes tous donné ensemble. Alors, très
heureuse de pouvoir vous accueillir, Mme Martel.
Moi aussi, j'ai eu la chance de lire votre
livre et je l'ai dit à quelques reprises dans les dernières semaines :
Tous ceux qui s'intéressent à la chose actuellement devraient lire votre livre.
Moi, il y a différentes choses qui m'ont vraiment marqué. Je vais sortir même
un peu de votre mémoire, si vous me le permettez d'entrée de jeu, parce qu'il y
a des passages qui m'ont fait peur, je vais le dire comme, notamment toute la
problématique que vivent actuellement des journalistes dans des régions pour
entrer dans les conseils municipaux ou, voire même de se voir bloquer l'accès à
des conseils municipaux.
J'aimerais ça juste que vous puissiez nous
en parler, parce que je suis très d'accord avec le collègue de Beauce-Sud
lorsqu'il dit que le métier a changé. Vous êtes devenue une femme-orchestre
lorsque vous êtes journaliste : il faut faire de la vidéo, il faut écrire,
il faut essayer de faire aussi la photo puis, pendant qu'on n'est là, on peut
envoyer, sur les réseaux sociaux, des informations, mais encore faut-il que
vous ayez accès à la source, accès à l'information.
Juste vous entendre quelques minutes à
peine là-dessus, parce que, par la suite, j'ai d'autres questions pour vous.
Mme Martel (Marie-Ève) : En
fait, il y a certains maires — on va y aller au niveau municipal,
parce que c'est là où le bât blesse — qui comprennent mal notre rôle
de journalistes. Ils pensent qu'on est des empêcheurs de tourner en rond, des
fauteurs de troubles, alors qu'on devrait plutôt être des courroies de
transmission qui ne remettent pas en question le message. Évidemment, on n'est,
ni un ni l'autre.
Au Québec, à l'heure actuelle, il y a une
cinquantaine de villes et municipalités qui ont des règlements adoptés en
vigueur, qui interdisent la captation d'images et de son lors des séances
publiques. Je considère que c'est contraire à l'esprit de la Loi sur les cités
et villes et au Code municipal. Il y a également parfois des maires qui
expulsent des journalistes, avec l'argument qu'ils nuisent au décorum. Donc,
ça, c'est un dossier qui est mené de front par la Fédération professionnelle
des journalistes du Québec et des changements législatifs pourraient
s'appliquer, là, pour en venir à ça, parce qu'à l'heure actuelle, un citoyen
qui conteste les règlements qui empêchent l'enregistrement, parfois, ça permet
les journalistes, parfois, pas, c'est vraiment au cas par cas.
On peut faire une plainte au ministère,
mais malheureusement, le commissaire aux plaintes n'a aucun pouvoir pour forcer
une ville à modifier son règlement. Ainsi la ville a le... le libre arbitre, en
fait, d'empêcher à des gens d'enregistrer les séances. Il peut les sortir aussi
pour cette raison-là.
Mme Melançon : On a vu, donc,
à quelques reprises, là, je me rappelle d'avoir vu des articles, justement, où
on en faisait mention. Je voulais vous entendre, parce que, bien...
Mme Martel (Marie-Ève) : ...à
modifier son règlement. Ainsi, la ville a le libre arbitre, en fait, d'empêcher
à des gens d'enregistrer les séances. Il peut les sortir aussi pour cette
raison-là.
Mme Melançon : On a vu, donc,
à quelques reprises, là... Je me rappelle d'avoir vu des articles, justement,
où on en faisait mention. Je voulais vous entendre parce que, bien entendu, on
le sait, là, on fait de la sensibilisation aussi avec la commission qu'on est
en train de tenir, tout le monde ensemble, là, auprès du public. On vous a
entendue, tout à l'heure, parler de votre métier, qui a changé au fil des
années.
J'aimerais que vous puissiez me parler du
lectorat. Parce qu'on a vu un peu partout que le lectorat a augmenté. Donc, ce
n'est pas un problème où vous devez aller vous battre pour dire aux gens :
Voici, lisez l'information que nous venons de vous transmettre. Pouvez-vous
parler un peu du lectorat, ce que vous sentez actuellement sur le terrain?
Mme Martel (Marie-Ève) : En
fait, les médias québécois, je dirais, toutes catégories confondues, n'ont
jamais été autant consommés. C'est grâce aux médias sociaux, aux médias sociaux
que je suis venue pourfendre devant vous aujourd'hui. Ça permet le partage, là,
des nouvelles plus que jamais. En fait, on est convaincus que, si on n'était
pas sur les médias sociaux, on n'aurait pas la même situation qu'à l'heure
actuelle. Le problème, c'est que ces partages sur les médias sociaux ne nous
apportent aucun sou. Donc, on continue de financer l'information, et celle-ci
est diffusée, mais on n'en fait pas de redevances.
Mais effectivement, à travers toute cette
situation-là, le positif, c'est que les gens sont encore au rendez-vous, les
gens veulent savoir ce qui se passe chez eux.
Mme Melançon : Donc, le fruit
de votre travail, où il y a des gens qui vous paient un salaire, le fruit de
votre travail est repris sur les plateformes en numérique, disons-le, là, sur
les Google, Facebook de ce monde, et eux ne versent pas un dollar en droits
d'auteur, disons ça comme ça. Et souvent, je fais le parallèle avec la musique,
hein? Les gens de la musique ont vécu cette même problématique-là, en
disant : On crée de la musique. Malheureusement, il n'y a comme plus de
valeur. Personnen ne va payer maintenant pour obtenir notre musique, qui peut
être téléchargée de façon illégale. Alors là, c'est fait en toute illégalité
parce que, finalement, il n'y a pas de législation. C'est ce que vous dites,
n'est-ce pas?
Mme Martel (Marie-Ève) : Tout
à fait.
Mme Melançon : Alors, si on va
un petit peu plus loin. Si on parle de la problématique de publicité, vous
parliez de 80 % actuellement, là, de l'argent de la publicité qui s'en va
vers la Californie, vers les Google, Facebook de ce monde. Si on veut être dans
l'exemplarité de l'État, est-ce que vous avez été en mesure de définir quel
devrait être, dans le fond, le pourcentage qui provient, par exemple, de la
publicité gouvernementale sur les médias traditionnels? Et est-ce qu'il y a une
partie... Parce qu'on ne veut pas non plus se couper d'une génération, hein? On
le sait, les jeunes sont beaucoup plus réseaux sociaux. Est-ce que vous avez
regardé le pourcentage qui pourrait être intéressant ou qui pourrait faire
basculer le tout?
Mme Martel (Marie-Ève) : En
fait, je n'ai pas de pourcentage à suggérer, mais c'est sûr que le gouvernement
du Québec doit donner l'exemple. Je vous cite des chiffres qui ont été
rapportés par Le Devoir. Pour l'année 2017‑2018, le gouvernement du
Québec avait investi au moins 120... pardon, 6 millions de dollars en
publicité chez GAFA. C'est une hausse de 120 % en un an. La SAQ, plus
600 % en un an. Emploi, Travail et Solidarité sociale, plus 566 % en
un an. Ministère de l'Éducation, plus 271 %. Revenu Québec, plus 272 %.
Et doit-on rappeler que Facebook et Google ne paient pas d'impôt au Québec?
Placements Québec, 44 % du budget destiné à l'achat de publicité en ligne
est allé uniquement chez Google et Facebook. Donc, je pense que c'est à vous
d'en tirer vos conclusions, mais je crois effectivement qu'un virage doit être
fait pour revenir vers des sources d'information et des annonces plus
traditionnelles.
Mme Melançon : Bien,
d'ailleurs, en ce sens-là, on a proposé une motion, qui a été adoptée à
l'unanimité...
Mme Martel (Marie-Ève) : Qui a
été appréciée.
Mme Melançon : ...le 2 mai
dernier. Alors, c'est en ce sens-là où on veut, nous aussi, continuer, bien
sûr, à travailler.
Rapidement, la diversité des voix, hein,
on en parle beaucoup actuellement. Il y a des groupes de presse qui ont aussi
levé la main. Moi, j'ai toujours dit qu'il fallait sauver les six journaux, là,
parce qu'on parlait de quotidiens dans les régions. Parce que d'en fermer un,
ça voulait dire qu'on n'était pas capable de redémarrer les presses par la suite.
Alors, c'était important de pouvoir sauver ces six journaux. Pour la diversité
des voix, comme journaliste, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Martel (Marie-Ève) : C'est
d'une importance capitale. En fait, on peut couvrir une nouvelle d'une façon,
mais on peut être un autre journaliste et couvrir la nouvelle d'autre façon. On
parle beaucoup de l'objectivité journalistique, qui, en fait, devrait être plus
l'impartialité journalistique. Mon travail, comme journaliste, c'est de
rapporter une situation sans prendre parti pour l'une ou l'autre des personnes
que j'interroge.
• (14 h 40) •
Cela étant dit, le choix du titre, le
choix des citations, le choix des intervenants, tout ça, c'est très subjectif
parce que ça représente ce que moi, j'ai trouvé le plus important, ce que moi,
je pense que mes...
Mme Martel (Marie-Ève) : ...mon
travail comme journaliste, c'est de rapporter une situation sans prendre parti
pour l'une ou l'autre des personnes que j'interroge.
Cela étant dit, le choix du titre, le
choix des citations, le choix des intervenants, tout ça, c'est très subjectif, parce
que ça représente ce que moi, j'ai trouvé le plus important, ce que moi, je
pense que mes lecteurs devraient retenir de cette situation-là. Donc, si on
avait une concentration de la presse, tous les médias rapporteraient la
nouvelle de la même façon, et ça, ça peut poser un risque, je dirais, qu'on
manque une certaine partie de la nouvelle, parce que ce qui est merveilleux,
dans le monde de journalistes, c'est qu'on est des drôles de bibittes et des
fois on ne voit pas les choses de la même façon.
Mme Melançon : Je tiens à vous
remercier beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour l'essai, qui est
une réussite. Et pour moi, pour la suite des choses, je vais quand même laisser
la parole à ma collègue. J'espère qu'on pourra, encore une fois, compter sur
vous, parce que c'est des éclairages comme ceux-ci qui nous permettent
d'avancer. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ciccone) :
...maintenant la députée de Saint-Laurent pour 1 min 15 s.
Mme Rizqy : Mme Martel,
je vais prendre votre 1 min 15 s pour aller directement vers les
GAFA en matière d'impôt, vous avez parlé d'un fonds. Si je vous dis que
Facebook, par exemple, en 2016, quand je me suis penchée sur les recettes
publicitaires de Facebook, c'était environ 1,2 milliard déjà qu'ils
faisaient partout au Canada, qui ne sont pas imposés. Pensez-vous que justement
on pourrait faire comme la France, puis avoir une taxe GAFA, qui pourrait venir
aider directement, entre autres, les journaux et la démocratie?
Mme Martel (Marie-Ève) : Tout
à fait. En fait, s'il y avait une redevance qui pouvait être versée aux médias
traditionnels à partir de ce que Facebook engrange comme revenus en raison de
nos contenus, ça pourrait être une manière d'alimenter la roue, si on veut.
Pour citer Jean-Hughes Roy, je pense que c'était...
Mme Rizqy : D'ailleurs, sur
certaines études. J'aimerais vous poser une deuxième question, si vous
permettez, parce que le temps file. En 2018, le gouvernement libéral avait
instauré ce que les gens appellent communément la taxe Netflix. Vous êtes au
courant qu'au niveau fédéral ils ne l'ont pas fait. En mars dernier, le Vérificateur
général du Canada a annoncé une perte de 62 millions. Pensez-vous que justement
le gouvernement fédéral, et aussi une campagne électorale qui se dessine devant
nous, devrait justement agir immédiatement pour assurer l'équité fiscale pour
tous les GAFA versus aussi les journaux?
Mme Martel (Marie-Ève) : Le
gouvernement... En fait, on est ici pour... au niveau...
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant.
Mme Martel (Marie-Ève) : Oui.
Bien, on est au niveau provincial aujourd'hui, donc je viens m'adresser à vous
pour ces questions-là. Si le gouvernement fédéral est ouvert à m'entendre,
j'irai me présenter.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant un membre du deuxième
groupe d'opposition pour une durée de 2 min 30 s. Je reconnais
la députée de Taschereau.
Mme Dorion : Bonjour, tout le
monde. Je vais y aller rapidement, j'ai 2 min 30 s. Je vais vous
poser mes deux questions, puis vous répondrez selon ce qui vous stimule le
plus. Votre avis sur le fait que, dans cette commission, on ne pourra pas
entendre des spécialistes, des experts de la question de l'imposition des
GAFAM, qui aurait pu être une source de long terme pour financer les médias.
Donc, ça, c'est la première question.
Deuxième question. Vous disiez tantôt,
dans votre présentation, que le but mercantile des médias entrait en
contradiction avec la qualité de l'information. Puis donc, une deuxième
question : Votre avis sur l'idée que Québecor devienne propriétaire de la La Voix
de l'Est, lui qui est déjà avec ces journaux, dans la région de Granby.
Votre avis là-dessus.
Mme Martel (Marie-Ève) : Bien,
M. Péladeau n'a pas de journaux dans la région de Granby, là.
Mme Dorion : Non,
effectivement, mais ces journaux se rendent là.
Mme Martel (Marie-Ève) : Bien,
c'est sûr que s'il y avait des représentants des GAFA qui s'étaient présentés
devant vous, ils auraient peut-être été en désaccord avec ma position et
peut-être celle de d'autres témoins qui vont défiler après moi. C'est sûr que,
quand on a le gros bout du bâton, c'est difficile de vouloir en laisser, ne serait-ce
qu'un pouce ou deux, mais je pense que ces entreprises-là, sur la place
publique, se disent en faveur de l'information, se disent en faveur de la
transparence. Leur collaboration sera la preuve que les bottines suivent les
babines. Pour l'instant, on n'en a pas eu la preuve.
Par rapport à la possibilité que les
journaux soient achetés par Québecor, pour l'instant, c'est une hypothèse, je
préfère attendre de voir les scénarios qui vont se dessiner. Il y a beaucoup de
choses qui sont sur la table, beaucoup de projets, des acheteurs potentiels
aussi, un projet de coop de travailleurs actionnaires. Donc, je serai ravie de
commenter le scénario qui sera réalisé, mais pour l'instant, le reste, ce ne
sont que des suppositions.
Mme Dorion : Parfait. Il reste
45 secondes. Dans le fond, ce que je vous demandais, ce n'était pas
nécessairement qu'est-ce que vous pensez du fait que Facebook n'envoie pas de
représentant ici, mais des gens, des experts de la taxation des GAFAM, par
exemple, comme ceux qui ont conseillé le gouvernement français dans l'idée
d'imposer une taxe Google à tous les GAFAM de 3 % sur leurs revenus en
France. Ça, c'est... dans la plupart des mémoires, en fait, on fait mention de
cette idée-là de s'inspirer de ça pour faire ça ici. Et je veux savoir, c'est
ça, ce que vous pensiez par rapport au fait que la commission, on ne va pas se
pencher là-dessus et il n'y aura pas d'experts en la matière qui vont venir
nous parler de ça.
Mme Martel (Marie-Ève) : Bien,
j'imagine qu'après coup vous allez pouvoir les solliciter pour complémenter
l'information.
Mme Dorion : J'espère aussi.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant un membre du troisième
groupe d'opposition pour une durée de 2 min 30 s. M. le député
de Rimouski, la parole est à vous.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. Commencer par dire...
Mme Martel (Marie-Ève) :
...pour complémenter l'information.
Mme Dorion : J'espère aussi.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant un membre du groupe
d'opposition pour une durée de 2 min 30 s. M. le député de Rimouski,
la parole est à vous.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. Commencer par dire : Le mandat de la commission, ici,
c'est de trouver des pistes de solution. C'est un mandat qui est important,
puis on l'entend, là, depuis un bout de temps, le monde attendent après ce que
la commission va dire, mais je veux juste réitérer que le gouvernement a toujours
une responsabilité. Il y a encore un comité ministériel qui est là, qui devrait
déposer des solutions aussi. J'espère que tout le monde n'est pas sur le neutre
en regardant ce qui se passe dans la commission, qu'il y a d'autre monde aussi
qui travaille à trouver des solutions, parce que sinon...
Moi, je ne veux pas faire partie d'un jeu
où on se dit : On attend, on attend ce que la commission va nous dire.
Non, non. Nous, on va accueillir les gens, mais il faut qu'il y ait du monde
qui travaille aussi puis qui nous propose des choses au gouvernement. Ce n'est
pas le temps de se déresponsabiliser, surtout là, il y a des urgences.
Je réitère aussi la volonté d'aller en
région. On a pris une décision ici ensemble, là. Ça retarde, mais il faut absolument
aller en région. On ne peut pas parler de l'avenir des médias, notamment en
région, sans aller voir ce qui se passe en région, et j'y tiens. Il faut absolument
aller au moins deux ou trois fois en région, aller rencontrer les artisans de
l'information dans les régions.
Si vous demandez aux gens du Québec
qu'est-ce qui s'est passé dans le Bas-du-Fleuve puis en Gaspésie la dernière
année, ils vont vous dire : Vous avez des problèmes de traversier. Tout le
monde sait... le traversier à Matane-Godbout, ça ne marchait pas. Un peu tout
le monde au Québec le sait. Mais ils ne savent pas bien, bien d'autre chose
parce qu'on n'a pas parlé de rien d'autre du Bas-du-Fleuve puis de la Gaspésie.
C'est un gros problème.
Si on n'est pas capables... dire qu'on
existe puis dire qu'est-ce qui se passe dans nos régions dans le reste du
Québec, bien, c'est la démocratie qui en souffre. C'est aussi les décideurs qui
sont ici, à Québec, qui disent : Bon, il n'y a pas de problème dans le
Bas-du-Fleuve puis en Gaspésie. On va régler leur problème de traversier, puis
tout est beau. C'est... Ça fait qu'il y a un... C'est hyperimportant, là, qu'est-ce
qui se passe avec la... les besoins de nos médias régionaux.
On a parlé beaucoup des quotidiens.
J'aimerais ça que vous nous parliez des hebdos. Les hebdos sont importants, et
c'est encore des... beaucoup de choses que les gens consultent, les hebdos.
Votre solution de la... crédit d'impôt sur la masse salariale, est-ce que ça
pourrait être aussi une façon d'aider nos hebdos dans nos régions?
Le Président (M. Ciccone) :
En 30 secondes, s'il vous plaît.
Mme Martel (Marie-Ève) : Tout
à fait. En fait, les mesures que je suis venue vous proposer aujourd'hui
devraient s'appliquer à tous les médias. On parle des quotidiens, des hebdos,
radio, télé. L'important, c'est la production de nouvelles locales. La
structure autour importe peu s'il faut soutenir la production d'information.
C'est ce que j'ai à vous dire.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci, M. le député. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup, Mme Martel, pour votre engagement et également pour votre travail de
sensibilisation. Vous en avez fait état à de nombreuses reprises dans votre
présentation, vous parlez d'une méconnaissance du travail des journalistes par
le public. On sait aussi qu'il y a quand même un certain effritement de la
confiance de la population à l'égard des médias de façon générale, puis j'ai...
cru comprendre, pardon, que vous évoquez l'éducation aux médias en guise de
piste de solution.
Je serais curieuse de voir comment est-ce
que vous la voyez. Est-ce que c'est dans le cadre d'un cours d'éducation à la
citoyenneté au secondaire? Est-ce que ça pourrait se déployer auprès de
l'ensemble du grand public? Donc, comment, concrètement, on pourrait appliquer
ça?
Mme Martel (Marie-Ève) :
Actuellement, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a
développé la formation 30 secondes avant d'y croire, qui vagabonde d'une école
secondaire à l'autre grâce à des journalistes bénévoles. Ça a un franc succès.
D'autres mesures seront à venir effectivement,
là, pour une clientèle adulte, mais je crois qu'un... l'intégration d'un volet
sur la consommation des médias, sur l'information, au sein d'un cours en
éducation civique, pourrait être une piste de solution, et ça devrait se
commencer dès le secondaire et puis... bien, en fait, intégrer aussi les médias
dans le cursus scolaire, dans les cours. Il y a déjà beaucoup de professeurs
qui le font, mais c'est une manière de se familiariser avec cette bibitte-là
qui est un journal papier, entre autres, ou sur Internet, peu importe. C'est
une manière de prendre connaissance de son monde, de ce qui nous entoure,
finalement.
Mme Fournier
: Puis
est-ce que vous le sentez sur le terrain justement, cette baisse de la
confiance de la population à l'égard du travail que vous exercez?
Mme Martel (Marie-Ève) : Bien,
ça dépend, en fait. C'est sûr que les gens normalement qui prennent la peine de
nous contacter sont soit très contents soit très mécontents. Donc, ça se situe
un peu entre les deux, mais je sens que souvent on ne pense pas à tout ce qu'il
y a de travail derrière, ne serait-ce que le coût de production d'une nouvelle,
parce qu'on ne paie plus pour la consommer. On oublie qu'elle coûte quelque
chose puis on oublie sa valeur. Donc, je pense que c'est des choses qui sont
prises pour acquises puis qui se sont un peu effacées au fil du temps.
Mme Fournier
: Merci.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, Mme Martel, pour votre contribution aux travaux de cette
commission. Je suspends les travaux pour quelques instants pour permettre à M.
White de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 14 h 51)
Le Président (M. Ciccone) :
Nous reprenons nos travaux, et je réitère, s'il vous plaît, le fait de fermer
la sonnerie de vos appareils électroniques. Merci beaucoup.
Je souhaite maintenant la bienvenue à
M. Patrick White. Je vous rappelle, M. White, que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. White (Patrick) :
Alors, j'ai apporté les deux journaux de Québec pour vous montrer à quel point
c'est important de continuer à appuyer nos médias locaux ici, dans la capitale,
et partout au Québec, dans la province. Je tiens à remercier la commission de
m'avoir invité pour exprimer mes opinions sur l'avenir des médias.
Mon nom est Patrick White, je suis
professeur de journalisme à l'École des médias de l'Université du Québec à
Montréal depuis le 1er juillet. Auparavant, j'étais l'éditeur et le
rédacteur en chef du Huffington Post Québec, et mon poste a été aboli
pour des raisons budgétaires en octobre 2018. Et donc je suis à même de vous
parler de la crise des médias de l'intérieur.
Je tiens à féliciter le gouvernement pour le
sauvetage d'urgence de Groupe Capitales Médias la semaine dernière. C'était la
bonne solution dans les circonstances, c'est-à-dire ne pas laisser fermer la
moitié des quotidiens du Québec. On ne peut pas accepter ça. La démocratie et
la diversité des voix en dépendent.
Groupe Capitales Médias, ce qui est arrivé
la semaine dernière, donc, la protection de la faillite, c'est le début de
cette crise-là et ce n'est pas la fin parce que la crise n'est pas... la crise
des médias n'est pas temporaire, elle est permanente. Ça touche tous les
médias, les radios du Québec, les télévisions du Québec, les sites Internet
comme Vice Québec, qui vient de fermer il y a quelques mois, les hebdos,
évidemment, et les agences de presse comme La Presse canadienne et l'Agence
QMI, et les pigistes, qu'il ne faut surtout pas oublier.
Il ne faut pas se leurrer, à chaque fois
que le gouvernement, un député, un organisme, un ministère dépense un sou sur
Facebook, ou Google, ou une autre plateforme numérique internationale, ce sont
des revenus qui sont enlevés aux médias québécois. Chaque dollar donné à
Facebook contribue à précipiter la fermeture d'un média au Québec.
Mais je suis en mode solution aujourd'hui.
Qu'est-ce que les médias peuvent faire? Premièrement, développer des contenus
spécialisés. Je donne juste l'exemple de New York Times. Ce qui marche
très fort au New York Times... Oui, c'est un journal avec
1 400 journalistes et 150 ans d'histoire, mais ce qui marche
très fort de leur côté en ce moment, c'est l'application des mots croisés et
les recettes. Bon. Alors, eux, ils se sont beaucoup diversifiés au fil des
années. Et les revenus numériques, c'est l'essentiel de leurs revenus, donc ils
ont compris quand même que c'est important de faire un virage, mais un virage
complet.
Le sociofinancement aussi est très
important à travers les diverses applications, comme La Ruche, par exemple, qui
existe au Québec. La philanthropie. Et je pense beaucoup... je pense que les
médias québécois, les journaux en particulier doivent en arriver à offrir des
contenus payants, c'est-à-dire d'avoir un mur payant, ce qu'on appelle un
«paywall», pour que les gens paient 3,99 $ par mois, ou 5,99 $, ou
12 $, parce qu'évidemment c'est important que ce contenu-là soit monétisé.
Ensuite, l'avenir pour les médias, c'est
les nouveaux formats, les balados, qu'on appelle les podcasts en anglais, la
vidéo sur les téléphones, TikTok , WhatsApp. Et la réalité immersive, la vidéo
en réalité virtuelle, le journalisme de données, le journalisme d'enquête, les infographies
et les infolettres, qui font un grand retour en force en ce moment, les alertes
transmises sur les téléphones cellulaires. Il ne faut pas oublier les progrès
de l'intelligence artificielle, qui font des bonds incroyables en ce moment.
Mais je demeure convaincu que les citoyens, plus que jamais, ont besoin des
journalistes pour comprendre le monde, faire le tri des grands événements du
jour et aider les citoyens à prendre des décisions éclairées.
Du côté des gouvernements, qu'est-ce qu'on
peut faire ici, à Québec? Bien, c'est... l'idée fédérale existe déjà, c'est
l'idée de la création d'un crédit d'impôt de 35 % sur la masse salariale
de tous les journalistes et producteurs de contenu de tous les médias québécois
sans exception...
M. White (Patrick) :
...les citoyens à prendre des décisions éclairées.
Du côté des gouvernements, qu'est-ce qu'on
peut faire, ici, à Québec? Bien, c'est peut-être... l'idée fédérale existe
déjà... c'est l'idée de la création d'un crédit d'impôt de 35 % sur la
masse salariale de tous les journalistes et producteurs de contenu de tous les
médias québécois sans exception enfin d'être équitable envers tous avec
évidemment probablement une collaboration de la FPJQ pour la reconnaissance du
statut officiel de journaliste.
La fin des aides ponctuelles et des
subventions et des prêts sur mesure pour des groupes de presse et des médias
précis en particulier, la même aide doit être offerte à tous et à toutes sous
la même forme. Donc, pas d'aide en particulier pour un groupe mais pour tous,
même les petits médias, même les médias communautaires.
On pourrait penser à des idées comme une
participation financière du gouvernement du Québec au Fonds québécois du
journalisme international qui existe déjà depuis deux ans, je crois. Peut-être
une réflexion du côté de Revenu Québec avec l'Agence de revenu du Canada
également pour regarder qu'est-ce qu'on peut faire, quelles sont les options de
l'Agence de revenu du Québec concernant le fait que les multinationales Google,
Netflix, Apple, Amazon, Facebook et Spotify
ne paient pas d'impôt au Québec et ne paient pas
d'impôt au Canada.
Dans les autres réflexions, je crois qu'on
pourrait envisager de permettre aux médias d'émettre des reçus de charité pour
tous les dons reçus. Cesser ou limiter les dépenses gouvernementales
publicitaires au Québec sur Facebook et Google. On pourrait limiter peut-être à
25 % de chaque ministère et chaque dollar est remis à Facebook, à Google
est un dollar qui ne va pas à nos médias.
Revenu Québec, on en a parlé. Revenu
Québec donc va devoir statuer éventuellement sur cette assiette fiscale là en
collaboration avec l'Agence de revenu du Canada pour que des éventuelles
redevances aux médias québécois soient distribuées pour assurer l'équilibre des
choses.
En ce moment, Facebook fait
35 millions de dollars par année avec le contenu des médias québécois.
C'est un calcul scientifique qui a été établi par Jean-Hugues Roy, professeur à
l'École des médias de l'UQAM. On pourrait pense à ce que le gouvernement du Québec
double son aide aux médias communautaires. Moi-même, j'ai été longtemps à CKRL,
à CHYZ-FM et d'autres radios communautaires à Montréal et je pense que nos
médias communautaires méritent beaucoup plus d'attention.
Est-ce qu'on pourrait bonifier le programme
d'aide aux médias du ministère de la Culture et des Communications du Québec
qui est limité à 400 000 $ en ce moment? Pourquoi ne pas augmenter le
cap à 1 million de dollars?
Quelque chose qui a été demandé à de
nombreuses reprises, éliminer la taxe sur le recyclage pour les magazines, les
hebdos, les journaux. En ce moment, c'est des subventions temporaires qui
règlent le problème en raison des coûts élevés. Donc, ça pourrait être
permanent. Ça serait très, très bien. Est-ce qu'on pourrait également, je
crois, je propose qu'on redonne un nouveau mandat d'information à Télé-Québec,
créer une division d'informations régionales au sein de Télé-Québec. Ça
pourrait être en regroupant des bureaux régionaux qui existent déjà depuis la
fin des années 1960, des bureaux qui seraient amenés à produire du contenu
quotidien pour le site telequebec.tv. Évidemment, on ne veut pas que
Télé-Québec vampirise ce que fait déjà Radio-Canada en région et TVA et
d'autres médias. Donc, il faudrait que ce soit éducatif également et dans le
cadre de diverses émissions d'affaires publiques. Et le budget de Télé-Québec
pourrait être bonifié d'environ 15 millions par année.
Le gouvernement pourrait contribuer
également à un fameux fonds, un fonds annuel pour les grands reportages locaux
des hebdos régionaux qui en ont bien besoin pour les sites Web d'information
hyperlocale. Il y en a d'ailleurs deux à Montréal qui ont fermé récemment.
Donc, il faut endiguer la dégradation des contenus en région et partout.
Le ministère de l'Éducation pour augmenter
l'éducation civique effectivement pour informer les jeunes dans les écoles
primaires et secondaires sur l'importance de combattre les fausses nouvelles,
comprendre comment les médias fonctionnent et peut-être financer mieux les
facultés de communication et de journalisme à l'extérieur de Montréal et de
Québec.
Également, peut-être confier
éventuellement un mandat régional à La Presse canadienne pour
l'ouverture de mini-bureaux dans les 14 régions administratives hors de
Montréal et de Québec afin de faire mieux circuler les informations régionales
partout au Québec avec évidemment contributions gouvernementales.
La viabilité des modèles d'affaires à
l'ère du numérique, moi, je pense que le gouvernement pourrait allouer au moins
50 % de ses dépenses en publicité aux sites d'information numérique
québécois qui sont actifs, peu importe la plateforme. Crédit d'impôt pourrait
également mis sur pied pour les initiatives numériques des médias dans les
secteurs importants de la «block chain», recherche et développement,
l'intelligence artificielle, la vidéo en réalité virtuelle, la réalité
immersive et la production vidéo de plus de 30 minutes, donc l'équivalent
d'un mini-documentaire.
Et possiblement, en concertation avec
l'Agence de revenu du Québec, faire comme en France, une baisse des impôts
temporaires pour les médias québécois dans un contexte de crise sans précédent.
L'objectif de tout ça, en gros, c'est
d'assurer le droit du public à l'information. La démocratie québécoise est
directement menacée par la faiblesse des médias et leur disparition éventuelle
serait un déni de démocratie. Le gouvernement doit agir cet automne
parce que je crois qu'il sera peut-être trop tard en 2020 ou en 2021.
Merci d'avoir pris la peine de me recevoir
et je suis très heureux de répondre à vos questions.
• (15 heures) •
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup pour votre exposé, M. White. Je suis maintenant prêt à
reconnaître un membre...
15 h (version non révisée)
M. White (Patrick) : ...et leur
disparition éventuelle serait un déni de démocratie.
Le gouvernement doit agir cet automne
parce que je crois qu'il sera peut-être trop tard en 2020 ou en 2021. Merci
d'avoir pris la peine de me recevoir, et je suis très heureux de répondre à vos
questions.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup pour votre exposé, M. White. Je suis maintenant prêt à
reconnaître un membre du parti gouvernemental, M. le député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci, M. White, pour votre exposé, un mémoire encore une
fois hyper intéressant dans des mots simples, clairs, directs qui nous permet
de bien saisir certaines problématiques. Merci de parler des médias
communautaires aussi qui sont très importants pour le Québec. J'ai été, moi,
dans les médias communautaires pendant trois ans, j'ai même animé un bingo le
mardi soir pour financer les salaires des journalistes, mais je lisais les
boules trop vite, ça fait que là, les gens se plaignaient, ça fait qu'il a
fallu que je ralentisse mon débit de voix. Mais ça a été hyper rentable et ça
l'est encore aujourd'hui, de moyens créatifs, pour financer nos médias communautaires
qui sont très, très importants.
Je veux vous amener sur la confiance parce
que vous nous avez parlé de la confiance envers les médias. Vous dites :
On aime bien se moquer du président américain qui adore qualifier à peu près
tous les médias de «fake news», mais force est de constater que son discours
rejoint bien des gens. Même de ce côté-ci de la frontière, seulement 37 %
des Canadiens feraient confiance aux médias selon les résultats d'un sondage
léger publié en mars 2019 dans Le Huffington Post. Le Québec est la
province où les gens accordent le plus leur confiance aux médias, 49 %. À
l'opposé, en Saskatchewan et au Manitoba, ce nombre chute à 26 %. Donc,
une bonne nouvelle quand on se compare, mais, somme toute, ça commence à être
moins, là. Quand on parle de la confiance, c'est aussi la confiance des
annonceurs, c'est la confiance des publicitaires, c'est la confiance des gens
qui consomment les médias. Si on a un investissement à faire comme
gouvernement, comme Assemblée nationale pour redonner cette confiance-là aux
citoyens envers les médias, ce serait lequel?
M. White (Patrick) : Bien, de
bien faire fonctionner la loi d'accès à l'information. Ça, c'est sûr. Et puis
de remettre très rapidement les avis publics dans les hebdos et les journaux
pour vraiment s'assurer une base de financement stable temporaire pour les
médias. C'est sûr que les médias... c'est un grand enjeu quand tu penses qu'il
y a uniquement 49 % des Québécois qui font confiance à nos institutions
médiatiques. Le chiffre que j'avais vu quand j'étais à l'Université Laval à la
fin des années 80, je pense que c'était proche de 75 % de confiance
envers le métier de journaliste. Donc, il y a eu un grand revirement de
situation, et effectivement, ce que j'explique, c'est que peut-être avec un
programme conjoint FPJQ gouvernement du Québec, on pourrait, avec l'éducation
civique, soit l'école primaire ou secondaire ou même dans les cégeps, aller
quand même aider les jeunes à mieux comprendre les médias et à combattre le
phénomène des fausses nouvelles qui n'est pas un nouveau phénomène, évidemment.
M. Poulin : Merci.
Le Président (M. Ciccone) :
Je reconnais maintenant le député de Richelieu.
M. Émond : Merci, M. le
Président. Merci pour votre présence, M. White. Un mémoire étoffé, vous
apportez de nombreuses recommandations aux suggestions. Moi, j'aimerais
m'adresser aux professeurs. Mme Martel, tantôt, a évoqué... et comme
adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation, c'est quelque chose qui m'interpelle
d'investir dans des initiatives en éducation aux médias. J'aimerais que vous
puissiez nous éclairer, vous, qui les côtoyez au quotidien, les jeunes
étudiants, quelle est la perception de vos étudiants face à la crise actuelle,
eux qui ont grandi un peu à cheval entre les médias traditionnels et les
nouveaux médias d'information? Est-ce qu'ils pensent qu'ils ont un rôle à jouer
dans la survie des médias?
M. White (Patrick) : Bien, la
formation est prise pour acquis parce qu'elle vient gratuitement sur les
téléphones, les petites vidéos «cute» surTikTok, sur WhatsApp, sur
Instagram, il y a Facebook, évidemment. Donc, il y a une culture qui est un peu
perverse qui fait que ce contenu-là est gratuit et que les jeunes le prennent
pour acquis. Ça, c'est une réalité. Également, je pense que la réflexion des
médias qu'on doit avoir en ce moment, c'est de rejoindre ces jeunes-là où ils
sont, c'est-à-dire à 99 % des cas, sur leur téléphone. Donc, la production
de contenu pour les jeunes sur les téléphones, sur la chaîne YouTube ou
d'autres chaînes québécoises, ou que ce soit Vimeo, je pense que ça devrait
faire partie de la priorité des médias. Donc, ces jeunes-là ne sont pas prêts à
payer, il y a 85 % des Québécois qui ne sont pas prêts à payer pour du
contenu local au Québec, donc c'est une réalité, pas juste les jeunes, en fait.
M. Émond : Merci.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. White. Vous avez beaucoup de suggestions, de
propositions, on pourrait dire que vous avez un bouquet de mesures que vous
mettez de l'avant. Mais il y a des fleurs dans votre bouquet qu'on ne retrouve
pas dans les autres bouquets des autres mémoires. Je vais m'attarder à ceux-là
pour les comprendre parce que je vous avoue que le crédit d'impôt à l'emploi,
là, je pense qu'il n'y a pas personne qui ne l'a pas mis dans la liste quelque
part. On s'entend, tout le monde... je ne sais pas ce qu'on fera avec ça, mais
tout le monde comprend ce qu'on dit. Par contre, vous, vous arrivez avec
quelques mesures qu'on entend moins. Puis je les ai tous lus, les mémoires. Entre
autres, commençons... Il y a Télé-Québec puis il y a LaPresse
canadienne aussi. Ça se ressemble, mais ce n'est pas la même chose.
Parlez-moi de ces deux fleurs-là, puisqu'on parle d'un bouquet de mesures. Qu'est-ce
que ça ferait pour vous? Puis vous chiffrez même combien ça coûterait.
M. White (Patrick) : Bien,
alors...
M. Lemieux : ...qu'on
entend moins. Puis je les ai tous lus, les mémoires. Entre autres,
commençons... Il y a Télé-Québec puis il y a LaPresse
canadienne aussi. Ça se ressemble, mais ce n'est pas la même chose.
Parlez-moi de ces deux fleurs là, puisqu'on parle d'un bouquet de mesures. Qu'est-ce
que ça ferait pour vous? Puis vous chiffrez même combien ça coûterait.
M. White (Patrick) :
Bien, alors, si on regarde LaPresse canadienne, c'est une
agence de presse qui est là depuis quasiment 100 ans, qui est la seule
agence de presse nationale au Canada et au Québec avec l'Agence QMI.
Donc, il y a deux agences de presse. C'est un rôle super important pour les
nouvelles nationales qui viennent des collines parlementaires. Et LaPresse
canadienne est le distributeur exclusif de l'Associated Press au Canada en
français et en anglais. Donc, ce serait une énorme perte pour tous les journaux
au Québec si on arrivait un jour à la disparition de LaPresse
canadienne. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut accepter en fait. Et
juste pour les journaux au Québec, de perdre l'Associated Press, ce serait
énorme, parce qu'on perdrait la couverture des faits divers américains, de
l'actualité internationale et de tous les grands événements sportifs couverts
par AP depuis une centaine d'années. Dans le cas de Télé-Québec, bien,
Télé-Québec a toujours eu un rôle éducatif, a déjà eu beaucoup d'émissions
parlementaires, des émissions d'affaires publiques. Et je pense qu'avec telequebec.tv
qui est une structure assez souple, je pense qu'on serait capable. On a déjà
des bureaux régionaux un peu partout, on pourrait embaucher davantage de
producteurs de contenu, de journalistes, pour en arriver à une couverture, qui
serait axée sur les régions en fait, une vitrine qui serait excellente pour le
Bas-Saint-Laurent, par exemple la Gaspésie où, enfin, on entendrait parler des
régions, et non juste du trafic sur le pont Jacques-Cartier.
M. Lemieux : La
montréalisation des ondes, ça, on pourrait en parler longtemps à la commission,
pas seulement de là, mais je pense que ça fait partie du décor, il faut se
l'avouer. Dans les régions, on entend parler de Montréal beaucoup plus, et à
Québec de Québec, que de tout le reste. Et d'ailleurs, en parlant du reste,
vous dites même pour LaPresse canadienne, ça coûterait
1 million pour avoir 14... Je ne sais pas si c'est 14, mais des mini
bureaux dans les 14 régions administratives.
M. White (Patrick) :
...un super pigiste à temps plein ou... qui pourrait, de façon quotidienne,
alimenter de l'information qui nous vient de ces régions-là. En général, quand
on reçoit des nouvelles de l'Abitibi-Témiscamingue, c'est uniquement des faits
divers, comme l'incendie qui a eu hier ou avant-hier, je crois. Donc, ce serait
bien d'aller au-delà des faits divers et d'avoir des couvertures régionales qui
pourraient être assurées via une contribution gouvernementale, soit du fédéral
ou du provincial pour, en tout cas, au moins assurer l'avenir du service français
de LaPresse canadienne qui est plus qu'un... Ce n'est pas
juste un service de traduction des dépêches de Canadian Press, là. On parle de
journalistes parlementaires à l'Assemblée nationale, à Ottawa, à Montréal, et
sans compter la couverture qu'ils font lors des Jeux olympiques et les grands
événements internationaux. Donc, je pense que, pour LaPresse
canadienne, ça pourrait être une idée viable. Et, pour Télé-Québec, bien,
c'est un projet en gestation. Je pense qu'il faudrait entrer dans les détails
plus tard, mais si Télé-Québec peut être un élément de solution, tant mieux.
M. Lemieux : Ce n'était
pas exhaustif, ces deux points là. Il y en a plein d'autres suggestions de
votre part, qui diffèrent de ce que l'ensemble des mémoires nous propose. Est-ce
que, pour vous, la dimension, puis vous en parlez bien, des «fake news» et le
reste des mauvais côtés de ce qu'on vit en ce moment, avec un appauvrissement,
je pense, en tout cas, vous me le dites si je me trompe, mais la peau de
chagrin commence à ne plus être épaisse pantoute, là, un peu partout sur le
territoire, et il y a donc des conséquences à ça, dont, entre autres, les «fake
news» qui prennent plus d'ampleur, disons le comme ça. Est-ce que, pour vous,
ça fait partie du... pas des solutions, mais du problème?
M. White (Patrick) :
Bien, c'est un immense problème. Si on pouvait juste parler 30 secondes
des «deep fake» vidéos, donc, des fausses vidéos faites avec des déclarations
coupées. L'intelligence artificielle permet en fait aujourd'hui de faire
diffuser un faux discours de Barack Obama, et les gens ne verront pas la
différence entre un vrai et un faux discours. Donc, on est rendus là. Ça va
être un énorme problème pour l'élection présidentielle américaine de l'an
prochain. Je n'ai pas vu de ces vidéos-là pour l'élection fédérale du
21 octobre, mais on peut imaginer que les médias vont devoir développer à
l'interne, là, davantage de vérificateurs de faits pour en arriver à stopper ce
genre de vidéo là très, très rapidement dès qu'ils sont mis en ligne sur
Facebook ou Youtube. Donc, c'est les... Les fausses vidéos vont devenir encore
plus problématiques que les fausses nouvelles à certains égards.
M. Lemieux : On prend
peut-être... On tient peut-être trop pour acquis les appels d'à peu près tous
les mémoires, y compris le vôtre, à l'importance que la presse a pour la
démocratie. Et je rajoute, et je vous demande, à plus forte raison, dans les
régions où on est — je parlais de peau de chagrin — où on
est dans un gruyère à la limite pour ne pas dire un désert médiatique. La
démocratie, ce n'est pas seulement un beau principe, c'est la raison pour
laquelle on fait ça, là.
• (15 h 10) •
M. White (Patrick) : Les
déserts médiatiques existent déjà aux États-Unis. Et c'est dramatique parce
qu'on parle de grandes villes américaines...
M. Lemieux : ...dans les
régions où — je parlais de peau de chagrin — où on est dans
un gruyère à la limite, pour ne pas dire un désert médiatique. La démocratie,
ce n'est pas seulement un beau principe, c'est la raison pour laquelle on fait
ça, là.
M. White (Patrick) : Les
déserts médiatiques existent déjà aux États-Unis, et c'est dramatique parce
qu'on parle de grandes villes américaines où il n'y a plus de journaux maintenant,
et même en Ohio, c'est arrivé récemment et c'est un choc pour les gens. Donc,
les fermetures d'hebdo se sont précipitées dans les régions, même à Montréal en
ce moment, c'est un gros problème. Donc, effectivement, les mesures du gouvernement
vont devoir inclure un plan de sauvetage pour les hebdos régionaux également,
parce que, sinon, tout ce qui va rester dans deux ou trois ans, c'est Radio-Canada,
télé, radio, et TVA Nouvelles.
M. Lemieux : Vous venez de
rajouter les hebdos régionaux, est-ce que, dans votre tête, il y a un plan
d'urgence pour les quotidiens, puis ça en prend un autre éventuellement pour le
reste, ou il faut que ce soit la même chose pour tout le monde?
M. White (Patrick) : Non,
c'est un seul plan d'urgence pour tous les médias, en n'oubliant pas les
pigistes, les agences de presse, les télés, les radios, et là peut-être
décliner, lorsqu'on donne une aide, si on donne un montant x à Québecor Média,
par exemple, bien, il y a peut-être des critères pour les stations régionales, par
exemple, pour s'assurer que certains emplois sont préservés, que de nouveaux
emplois soient créés en région, pas uniquement à la Tribune de la presse au
Parlement ou à Montréal.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Beauce-Sud. Il vous
reste quatre minutes.
M. Poulin : Merci, M. le
Président. Vous dites quelque chose d'assez intéressant concernant le numérique
parce qu'on dit beaucoup, depuis des années, les médias doivent prendre le
virage du numérique, mais le mot «numérique», là, il est très large. Et là vous
nous rappelez que 83 % des adultes québécois ont utilisé au moins un
réseau social dans le cadre de leur utilisation personnelle d'Internet, une
hausse de 16 points quand même depuis 2016, alors ça ne fait pas tellement
longtemps. Et vous dites : La consommation des nouvelles sur les
téléphones mobiles a également un impact majeur sur la lecture des journaux
québécois qui ont été nombreux à rater le virage numérique dans les années 2000.
Dans les années 2010, il était déjà presque trop tard pour rattraper ce retard.
Et qu'est-ce que c'est, avec votre
expertise, vos études et votre travail, un bon virage numérique? Qu'est-ce qui
fonctionne sur le Web? Quelle est la meilleure façon de pouvoir rejoindre les
gens? Parce que, comme gouvernement, il y en a déjà des programmes qui existent
depuis un certain temps pour appuyer les médias vers le virage numérique, mais
ça peut être très vaste, on ne fait pas un virage numérique, par exemple, pour
un journal local dans un quartier x de Montréal, que dans la région de
l'Estrie, par exemple, pour rejoindre nos gens. Alors, c'est parfois très
différent. Et toute cette relation-là que, moi, j'appelle d'amour-haine avec
les réseaux sociaux dans le sens où, par moments, Facebook a bien servi à
relayer des informations qui nous a amenés au site d'un journal, mais, à
d'autres moments, on sait très bien également que ce n'était pas toujours la
bonne information et/ou que les revenus publicitaires ne revenaient pas aux
journaux comme tels. Alors, c'est de l'amour puis de la haine.
Donc, cette relation-là, avec les réseaux
sociaux, ce virage numérique là, qu'est-ce qui fonctionne avec votre expérience
et qu'est-ce qui fonctionne le moins?
M. White (Patrick) : Bien, il
faut que les contenus soient adaptés aux téléphones, ça, c'est clair. On a vu
qu'avec les tablettes, on pensait que ça allait être la panacée, ça n'a pas été
le cas. Donc l'avenir est dans la vidéomobile, ça, c'est clair. On veut
continuer à favoriser les contenus sur des enjeux publics importants, comme les
couvertures parlementaires, selon moi, c'est très, très important pour protéger
la démocratie. La couverture en région, est-ce qu'on est capable de développer
encore plus de journalisme d'enquête au Québec, tant mieux, de journalisme
régional, tant mieux. Et puis, avec l'intelligence artificielle, on va pouvoir
donner certaines tâches fastidieuses à des robots qui vont produire des comptes
rendus des cotes de la bourse, par exemple, ou des résultats de match de
baseball entre Dolbeau puis Mistassini, mais le journaliste, il va être affecté
à d'autre chose pendant ce temps-là, il va faire de la valeur ajoutée.
Donc, l'avenir du journalisme passe par le
contenu à valeur ajoutée surtout la vidéo évidemment, des textes... Les gens
apprécient beaucoup les documentaires également de plus de 50 minutes, c'est
très consommé sur les médias sociaux, et les gens veulent du contenu sérieux
également, du journalisme qui explique la société, qui décortique les choses,
qui met les choses en contexte, qui donne du background.
M. Poulin : Ça me fait penser,
M. le Président, également à tout ce qui... bon, les longues entrevues avec les
podcasts, tout ça, on est dans une mouvance intéressante. Donc, dans un futur
programme, et je «brainstorme» avec vous, M. White, dans un futur programme qui
pourrait être mis en place, on pourrait supporter ça. Donc, ce qui est dans
l'air du temps, c'est ce souhait-là d'avoir des contenus exclusifs, d'encourager
chaque média, exemple, à développer x nombres de contenu exclusif puis de faire
en sorte qu'on puisse le retrouver, bien évidemment, au niveau numérique. Donc,
tout ça fait partie d'alignement qu'on devrait supporter.
M. White (Patrick) : Oui,
c'est ce que je disais au début, donc être superdiversifié du côté des balados,
du contenu mobile, du contenu vidéo et du contenu texte qui est encore très,
très important aujourd'hui.
Le Président (M. Ciccone) :
Il reste 20 secondes, M. le député.
M. Poulin : Bien, merci, M.
White, puis ce que je souhaite également, quand vous nous parlez de l'avenir
des niches, là, qui sont superimportantes, c'est qu'on puisse inciter également
la formation des journalistes sur le journalisme d'enquête, sur comment trouver
de l'information, sur comment la...
Le Président (M. Ciccone) : Il
reste 20 secondes, M. le député.
M. Poulin : Bien, merci, M.
White, puis ce que je souhaite également dans... bien, quand vous nous parlez
de l'avenir des niches, là, qui sont super-importantes, c'est qu'on puisse
inciter également la formation des journalistes sur le journalisme d'enquête,
sur comment trouver de l'information, sur comment la fouiller. Vous avez parlé
de la loi d'accès à l'information. C'est hyperimportant, mais nos procès-verbaux
de municipalités sont remplis d'information pour nos journalistes.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, M. le député. Je suis prêt maintenant à entendre un membre de l'opposition
officielle pour une période de 10 minutes. Je reconnais la députée de Verdun.
Mme Melançon : Bonjour, M.
White. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Rapidement, je veux revenir
sur une partie de discussion qui a eu lieu il y a quelques instants. On parle beaucoup
des hebdos régionaux. On ne doit pas oublier les hebdos aussi qui sont... qui
font partie de notre vie de quartier. Moi, je le vis à Verdun, là, comme députée
de Verdun, je le vis. Moi, mon journal, qui était Le messager de Verdun...
puis j'avais aussi un hebdo du côté de l'île des Soeurs... ont fusionné pour ne
former qu'un seul journal. On en voit beaucoup, oui, dans les régions. Là, je
peux vous le dire, j'ai habité sur la Côte-Nord pendant plusieurs années, et je
peux vous parler de l'information et de l'importance de l'information
régionale. Mais c'est aussi vrai à Montréal, et je tenais quand même à le
souligner. Vous en parlez à l'intérieur de votre mémoire, mais je voulais quand
même le soulever.
Bien qu'on ait parlé... — et le
collègue, ici, de Saint-Jean le mentionnait tout à l'heure, il y a dans
plusieurs mémoires où on répète la possibilité de mettre un crédit d'impôt sur
la masse salariale de 25 % à 35 %, là, ça oscille selon différents
mémoires — moi, je veux quand même vous parler, vous, comme
spécialiste — vous avez été et dans la chaise du journaliste,
aujourd'hui dans la chaise de professeur White — j'ai besoin de
connaître qui dans la masse salariale doit entrer, parce qu'à un moment donné
on va devoir définir qui fait partie ou non de la masse salariale que nous
souhaitons ou pas, là, on verra à la suite de cette commission, voir défini
clairement c'est à qui on s'adresse dans le 35 % ou dans le 25 %,
parce qu'actuellement le gouvernement fédéral a posé le geste, maintenant il
manque un peu de contenu pour justement définir. Moi, je voudrais qu'on le
fasse peut-être préalablement, je pense que ce serait juste de le faire.
M. White (Patrick) : Oui. Le
fédéral a fait ça, mais ce n'est pas réglé, puis on n'a pas les détails, puis
c'est supposé être rétroactif au 1er janvier 2019, et l'élection s'en vient.
Donc, le temps tarde.
Donc, pour le statut de journaliste, ça
pourra être journaliste qui a une carte de l'AJIQ ou de la FPJQ, donc des
journalistes professionnels qui sont à l'intérieur de médias reconnus qui ont
plus de peut-être deux à trois journalistes ou plus de cinq journalistes.
Est-ce qu'ils ont une carte professionnelle? Quelles sont les tâches dans la
salle de nouvelles? Est-ce qu'ils font de la mise en pages? Journalistes,
photographes, vidéastes? Donc, ce sont tous des critères qui pourraient être
établis assez facilement avec la Fédération professionnelle des journalistes du
Québec et l'AJIQ pour en arriver justement à... pas décider qui est
journaliste, qui ne l'est pas, mais, dans une salle de rédaction, bon, est-ce
qu'on exclut les postes de secrétaire, les postes de... quelqu'un qui répond au
téléphone, par exemple, qui ne fait pas des tâches journalistiques? Donc, ça,
on va pouvoir entrer dans le détail éventuellement, mais je pense que les
critères d'avoir une carte de membre de la Fédération professionnelle des
journalistes ou d'être reconnu comme un journaliste professionnel par son
employeur et puis par l'AJIQ ou la FPJQ, ce serait déjà un bon début.
Mme Melançon : Parce que
rappelons-nous qu'il y a une partie de la discussion que nous avons
actuellement qui avait été entamée au tournant de 2011, 2012 et où, justement
avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, il y avait même
à l'intérieur des membres une certaine division, et là je regarde le député de
Saint-Jean, qui fait signe, oui, de la tête. Donc, déjà à l'intérieur de la
Fédération professionnelle des journalistes, on n'est pas nécessairement
d'accord sur la définition même. Est-ce que vous pouvez nous éclairer quand
même un peu, comme professeur?
• (15 h 20) •
M. White (Patrick) : Bien,
dans une entreprise de presse, tu regardes qui sont les gens qui font du
contenu journalistique pur et dur, et ça doit être en général plus de trois
quarts du personnel, et on exclut les gens qui ont des tâches administratives,
qui ne sont pas impliqués dans la confection au quotidien du journal ou du
média, là. Donc, en général, les chefs de pupitre, les gens qui font la mise en
ligne, la mise en pages, ce sont des journalistes professionnels; les
journalistes, les vidéastes, les photographes, les recherchistes, les
réalisateurs, les documentalistes, ce sont des journalistes; les archivistes
aussi. Donc, si tu contribues à la production quotidienne de ton média, ça
devrait être le critère automatique pour être reconnu pour le crédit d'impôt
qui existe au fédéral, mais qui n'a pas été mis en place officiellement,
rétroactif au 1er janvier 2019, et, si vous le mettez en place pour le Québec,
ce serait...
M. White (Patrick) : ...des
journalistes, les archivistes aussi. Donc, si tu contribues à la production
quotidienne de ton média, ça devrait être le critère automatique pour être
reconnu pour le crédit d'impôt,qui existe au fédéral mais qui n'a pas été mis
en place officiellement, rétroactif au 1er janvier 2019. Et si vous le mettez
en place pour le Québec, ce serait bien que ce soit rétroactif au 1er janvier
2019, également. Mais, oui, évidemment, il va y avoir des discussions
philosophiques avec la FPJQ, et l'AJIQ, et peut-être L'Association canadienne
des journalistes, mais, à la fin de la journée, ce sera un comité indépendant
qui va décider selon les critères des médias et des fédérations, et les
critères du gouvernement, également.
Mme Melançon : Bien,
d'ailleurs, on va recevoir la fédération des journalistes mercredi, si ma
mémoire m'est fidèle, alors on pourra poser les questions.
Très rapidement, parce que je veux quand
même laisser du temps à ma collègue, sur l'effet domino pour LaPresse
canadienne, je veux quand même y venir, parce que c'est important, et je
vais soulever quand même auprès des membres de la commission actuellement...
Avec les six hebdos, là, parce que l'actualité nous a quand même rattrapés au
courant de l'été... Je sais que la LaPresse canadienne
avait déposé un mémoire, mais pas à la lumière de ce qui s'est passé il y a
deux semaines à peine. Je sais que LaPresse canadienne va
vouloir sans doute faire une demande auprès de la commission pour être
entendue. LaPresse canadienne, ça représente quoi, au Québec,
en quelques mots?
M. White (Patrick) : Bien,
moi, j'ai été patron de LaPresse canadienne...
Mme Melançon : Je sais.
M. White (Patrick) : ...de
2004 à 2006. Bien, c'est un média national, une agence de presse, c'est comme Reuters
ou l'AFP, Bloomberg, anciennement UPI, dans les années 70, 80. C'est le nerf de
la guerre, une agence de presse qui alimente en temps réel, 24 heures sur
24, les médias au Québec, en Ontario et en Acadie. Donc, LaPresse
canadienne de service français, c'est basé à Montréal avec un petit peu
plus qu'une vingtaine de journalistes. Il y avait un service radio qui a été
aboli en février, qui d'appelait NTR, les nouvelles télé-radio, maintenant il
n'y a plus de bulletin de nouvelles, mais il y a encore des clips qui sont
envoyés aux stations. Donc, le rôle de LaPresse canadienne,
c'est aussi, donc, de couvrir le pays, les élections fédérales, provinciales,
et c'est aussi de redistribuer de façon exclusive toutes les nouvelles
américaines et internationales de l'Associated Press, qui est la plus grande
agence de presse au monde, avec Reuters et l'AFP. Alors, s'il arrive quelque
chose à LaPresse canadienne... je ne parle pas de
fermeture, mais on est quand même rendus à un niveau très critique, du côté de
la PC, puis du côté anglais également, qui alimente tous les journaux, tous les
sites Web du pays. Donc, on ne peut pas imaginer le Québec sans LaPresse
canadienne, et c'est pareil du côté anglais, là, donc avec Canadian Press.
Donc, il faut appuyer LaPresse
canadienne, c'est peut-être davantage de juridiction fédérale, comme, je
crois, ils ont une charte fédérale, mais je sais qu'eux, ils font partie des
médias qui veulent avoir de l'aide et ils ont déjà été exclus du programme
provincial, je crois, il y a deux ans. Il faudrait que les critères soient
élargis pour protéger les agences de... et même les agences de presse
régionales. Ça pourrait être une agence de presse locale pour le Bas-Saint-Laurent,
le Lac-Saint-Jean, affiliée à LaPresse canadienne ou à
d'autres agences. Parce que l'Agence QMI aussi a eu des problèmes financiers
dans les dernières années, ce n'est pas juste LaPresse
canadienne. Mais la PC est un élément fondateur de la démocratie au Québec
et au Canada anglais.
Mme Melançon : Merci beaucoup.
Je voudrais simplement continuer sur un autre aspect, parce que, sinon, je vais
me le faire dire, je le sens. Lorsque j'ai fait la tournée des médias pour
qu'on puisse parler bien sûr de la commission sur laquelle nous siégeons aujourd'hui,
dans nombreuses radios et télévisions, on m'a dit : Vous ne parlez que de
la presse écrite. Il faut aussi parler de la télévision, il faut aussi parler de
la radio, parce qu'on a perdu quand même... de mémoire, c'est le quart des
radios au Québec, là, qui ont disparu.
En télévision, comment est-ce qu'on peut
expliquer... Moi, j'ai mon explication à moi, mais l'importance d'avoir le
bulletin régional, là. Lorsque je suis à Baie-Comeau, j'ai envie d'ouvrir le
poste et d'entendre parler de ce qui se passe chez nous, puis bien sûr
peut-être, à un moment donné, parler du tunnel
Louis-Hippolyte-La Fontaine, que je ne verrai pas de sitôt si je suis sur
la Côte-Nord, à moins que j'aie un déplacement. Mais, cela étant dit, comment
est-ce que vous expliquez que nous parlions plus de la presse écrite que des
radios et des télévisions?
M. White (Patrick) : Bien,
d'abord, l'aide aux médias devrait vraiment aller beaucoup aux régions, là, tu
sais, je pense que ça, on revient là-dessus. La crise des médias, les revenus
publicitaires, de plus en plus, maintenant, c'est programmé par des robots, ça
s'appelle la programmatique, ce qui a fait baisser énormément le coût de la
publicité. Mais si tu regardes à la télévision régionale... on pourrait
envisager que l'aide gouvernementale du Québec est conditionnelle à une amélioration
de la couverture de ces médias-là dans les régions puis exiger, peut-être sept
jours sur sept, un bulletin régional pour... si ça n'existe pas en Gaspésie ou
sur la Côte-Nord, sur la Basse-Côte-Nord. Donc, que l'aide soit conditionnelle
à une amélioration continue...
M. White (Patrick) :
...gouvernementale du Québec est conditionnelle à une amélioration de la
couverture de ces médias-là dans les régions, puis exiger peut-être sept jours
sur sept un bulletin régional pour... si ça n'existe pas en Gaspésie ou sur la Côte-Nord,
sur la Basse-Côte-Nord. Donc, que l'aide soit conditionnelle à une amélioration
continue, l'augmentation du nombre de journalistes affectés le jour, le soir,
la fin de semaine, sept jours sur sept, 365 jours par année, pour éviter justement...
trop forte concentration à Montréal et à Québec.
Mme Melançon : Et la
question...
Le Président (M. Ciccone) :
Deux secondes, Mme la députée.
Mme Melançon : Bon, bien, la
question qui tue, je vous la poserai hors micros tout à l'heure.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Je suis prêt maintenant à entendre la députée de Taschereau
pour une durée de 2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. White. J'ai... À mon bureau de comté, on fait beaucoup
de dépenses dans les médias locaux. Donc, on... de publicité pour nos
événements, radio, journaux, on tient à les faire vivre, puis on en fait un peu
aussi sur Facebook. Quand on demande aux gens qui viennent à nos événements comment
ils ont entendu parler de notre événement, c'est la grande majorité, sinon la
totalité des gens, qui ont vu la publicité sur Facebook.
Dans ce contexte-là, je pense aux petites
PME qui naissent autour de chez nous puis qui n'ont pas tant d'argent à mettre
dans la pub, qui veulent que ça marche, quelle attitude est-ce qu'on devrait
avoir? Est-ce que vous pensez que la tendance de la fuite des revenus
publicitaires vers les GAFAM est réversible d'une façon ou d'une autre? Et, si
non, quelle attitude ou quelle option les pouvoirs publics devraient finalement
avoir face aux géants du numérique?
M. White (Patrick) : Bien, ce
n'est pas réversible pour le moment. On n'exclut pas un éventuel démantèlement
de Facebook et de Google par les autorités antitrusts américaines. Je pense, ça
pourrait peut-être arriver d'ici cinq à 10 ans, comme c'est arrivé avec les
grandes pétrolières dans les années 20.
Mais les gestes concrets, j'en ai parlé tout
à l'heure, c'est que chaque député limite peut-être à 25 % ou un
pourcentage entendu avec le gouvernement la publicité sur Facebook, qu'on
recommence le plus rapidement possible, peut-être d'ici le 1er septembre,
s'il faut, les avis publics dans les hebdos régionaux, demander aux municipalités
de recommencer à publier les avis publics dans Le Devoir et tous
les autres journaux régionaux à Montréal et un peu partout et, après ça, bien,
prêcher par l'exemple, et vous êtes vraiment les personnes concernées au plus
haut point.
Après ça, oui, on a toujours besoin des
Facebook de ce monde. C'est le tiers du trafic des sites d'information au
Québec avec 0 % de revenus. Il n'y a pas de revenus qui viennent de
Facebook en ce moment, mais c'est le tiers du trafic, donc... ne pas l'oublier,
et c'est là qu'on rejoint les gens sur les téléphones, comme vous le disiez.
Donc, l'équilibre, c'est peut-être
augmenter les budgets auprès des médias régionaux, les médias communautaires,
surtout du côté papier, ne pas oublier les radios, les télés, les pigistes, les
agences de presse, et tout le tralala. Oui.
Mme Dorion : ...contexte-là,
donc, comme on... c'est beaucoup de fonds, finalement, qui doivent être
investis, qui doivent être redonnés, retournés aux régions, quelle attitude
dans ce contexte-là est-ce que les pouvoirs publics devraient avoir face aux
GAFAM? Je ne dis pas : Eux, chaque député, chaque ministère, mais comme...
en législateurs, là, par rapport aux géants du numérique.
M. White (Patrick) : Les
forcer à payer des impôts au Québec et au Canada. Ils collectent déjà la TPS et
la TVQ. C'est un début, mais ce n'est pas assez. Et puis vraiment s'assurer
qu'il y ait éventuellement des redevances, soit, là, un pourcentage fixe des
revenus de Google ou Facebook au Québec ou au Canada, qui sont envoyés directement
aux médias.
M. Ciccone :
Merci beaucoup, M. White. Je suis prêt maintenant à reconnaître la... le député
de Rimouski. Excusez-moi. Vous êtes entouré de femmes, M. le député.
M. LeBel : Je suis le seul
gars dans l'opposition. Ça... Quand le monde disent : L'Assemblée
nationale n'a pas changé, ce n'est pas vrai. Ça a changé.
Le numérique, moi, j'ai... bien O.K., là,
c'est bien correct, mais juste rappeler au monde que la couverture Internet
n'est pas encore partout au Québec, rappeler aussi aux gens que... puis c'est
des chiffres de 2013, que 19 % des Québécois sont analphabètes, 34 %
des Québécois éprouvent de grandes difficultés de lecture. Il y a de plus en
plus une cassure, là, entre ceux qui sont capables, utiliser ça puis s'informer,
puis ceux qui ne sont pas capables, qui prennent du retard. Ça fait que les
hebdos, la radio, c'est encore bien important pour rejoindre ces gens-là. La
télé aussi.
Radio-Canada, c'est... on est encore dans
ce pays-là, ils ont un mandat de couvrir les régions puis ils sont
subventionnés. C'est dans leur mandat. Qu'est-ce... Est-ce que vous pensez
qu'on pourrait... Radio-Canada pourrait faire plus pour parler des régions,
puis être présente en région, puis parler des régions au national?
M. White (Patrick) : Oui,
absolument. C'est vrai qu'on peut constater à l'occasion qu'on entend peu
parler du reste du Canada aux nouvelles de Radio-Canada et on entend peu parler
souvent des régions du Québec. Donc, oui, c'est un point d'interrogation.
Radio-Canada est partout, mais souvent on ne le voit pas nécessairement à RDI
ou dans le téléjournal. Donc, il y a peut-être du travail à faire de ce
côté-là, mais Radio-Canada, c'est de... une instance fédérale et c'est géré par
le gouvernement fédéral.
• (15 h 30) •
Mais, en tant que député ou en tant
qu'observateur, si Radio-Canada peut en faire davantage, tant mieux, mais ils
sont déjà très, très présents dans leurs milieux un peu partout. On voit des
textes d'ICI Radio-Canada Témiscamingue, ce qu'on ne voyait pas avant, sur
radiocanada.ca, les balados qui viennent un peu de partout, donc, font un
travail exceptionnel en région. Est-ce qu'il pourrait y en avoir plus? Bien,
j'aimerais ça d'avoir plus de nouvelles des régions au téléjournal...
15 h 30 (version non révisée)
M. White (Patrick) : ...
si Radio-Canada peut en faire davantage, tant mieux, mais ils sont déjà très,
très présents dans leur milieu un peu partout. On voit des textes d'ICI
Radio-Canada Témiscamingue, ce qu'on ne voyait pas avant sur radiocanada.ca,
les balados qui viennent un peu de partout. Donc, ils font un travail
exceptionnel en région. Est-ce qu'il pourrait y en avoir plus? Bien, j'aimerais
ça, d'avoir plus de nouvelles des régions au Téléjournal national de
Radio-Canada, autant du Québec... du reste du pays.
M. LeBel : Je reviens aussi
aux hebdos. Les hebdos, c'est encore... À Rimouski, il y avait trois hebdos il
n'y a pas très longtemps. Là, il y en a un. C'est encore... ça traîne partout
sur les tables, ça traîne... puis les gens consultent encore ça, c'est encore
ça qui est disponible, c'est ça qui parle à nos communautés. Et moi, je suis
très d'accord avec vous quand vous écrivez, là... c'est vrai qu'il faut trouver
des façons pour les grands quotidiens pour les sauver, mais il faut absolument
intervenir auprès des hebdos. Il faut s'assurer qu'il y a encore des hebdos
dans chacune de nos communautés.
M. White (Patrick) : Il
ne faut pas que les hebdos soient oubliés dans le plan de sauvetage, un plan de
sauvetage qui doit focaliser sur tous les médias sans exception et ne pas
laisser tomber les hebdos. Ça, c'est très, très clair, ça doit être au cœur de
la stratégie gouvernementale.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, M. White. Merci, M. le député. Je reconnais maintenant la
députée de Marie-Victorin pour une durée de deux minutes.
Mme Fournier : Merci. M.
White, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a une certaine ironie quand
même dans le fait qu'on cite souvent notamment le virage numérique comme étant
une solution à la crise des médias, mais pourtant vous avez été vous-même
victime de cette même crise dans une entreprise médiatique qui était pourtant
100 % numérique, donc comme quoi personne ne fait exception dans le milieu
actuellement, puis ça touche vraiment tout le monde.
Donc, cela dit, tantôt, vous avez fait
référence au contenu payant, comme quoi c'était une des pistes d'avenir pour
les différents médias, qu'on devait aller vers là. De mémoire, je crois qu'il y
a seulement Le Devoir et L'Actualité dans le domaine politique
au Québec, là, qui demandent un contenu payant. Donc, j'ai trois petites
questions en rafale pour vous.
D'abord, est-ce que ça a suscité une
baisse du lectorat de ces deux médias-là en termes de proportions par rapport
aux autres médias? Deuxièmement, est-ce qu'il faudrait une solidarité de
l'ensemble du monde médiatique au Québec? Est-ce que tout le monde devrait
faire payer les utilisateurs pour le contenu en même temps? Et troisièmement,
le cas échéant, est-ce que ça ne risque pas de provoquer une fuite, justement,
du lectorat, qui sont 85 % à ne pas vouloir payer pour du contenu, vers
des médias étrangers?
M. White (Patrick) :
Bien, il pourrait y avoir une fuite de trafic, comme vous dites, vers des sites
qui vont demeurer gratuits, là, comme radiocanada.ca, qui est entièrement payé
par les contribuables, bien qu'il y ait des annonceurs à Radio-Canada.
Au niveau des murs payants, ce qu'on
appelle les «paywalls», effectivement, le Journal de Montréal, le Journal
de Québec, ils ont abandonné ça dans les dernières années parce qu'il y
avait eu une baisse du trafic et qu'on voyait, là, que ce n'était pas le bon
modèle. Je pense que, dans des cas comme La Presse+ et Groupe Capitales
Médias, dans leur cas à eux, ce serait l'idéal d'avoir un mur payant pour
valoriser l'information qui mérite d'être payée puis mettre en valeur ce
contenu à valeur ajoutée là, que ce soient les enquêtes, ou les chroniques, ou
les scoops, en fait, qui pourraient être derrière le mur payant. Mais un des
problèmes, c'est que ça peut amener une baisse de trafic s'il y a uniquement
10 % ou 15 % du lectorat qui s'abonne.
Solidarité, oui, ça pourrait être tous les
médias en même temps, mais je crois que ça va être difficile à appliquer, en
fait.
Le Président (M. Ciccone) :
M. White, je vous remercie grandement de votre témoignage et de votre
contribution à cette commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux représentants de la Confédération des syndicats
nationaux, conjointement avec la Fédération nationale des communications, de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 33)
(Reprise à 15 h 35)
Le Président (M. Ciccone) :
Nous reprenons maintenant nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants
de la Confédération des syndicats nationaux conjointement avec la Fédération
nationale des communications. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi
que les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à votre exposé. La
parole est à vous.
M. Létourneau
(Jacques) : Bien. Alors, merci infiniment pour cet accueil,
messieurs dames les députés, Jacques Létourneau, président de la Confédération
des syndicats nationaux, accompagné de Pascale St-Onge, qui est présidente de
la Fédération nationale des communications, et M. Claude Dorion, qui est
directeur du groupe-conseil MCE Conseils, qui est un groupe-conseil indépendant,
avec lequel la CSN et la fédération travaillent sur une multitude de sujets,
dont notamment la question de l'avenir de la presse, la presse écrite au
Québec.
Alors, je vais prendre, là, les cinq
premières minutes, puis je vais laisser les cinq dernières à Pascale, parce
qu'on pense que de façon générale nous partageons tous et toutes le même niveau
de préoccupations par rapport à l'avenir de la presse écrite au Québec, je le
disais tantôt au journaliste qui nous posait la question. Disons que la commission
tombe au bon moment, parce que, avec ce qu'on a vécu récemment, dans le dossier
de Capitales Médias, on nous a entendus, on a entendu l'ensemble de la classe
politique manifester son inquiétude par rapport à l'avenir de la presse écrite.
Et quand une organisation syndicale comme la CSN se présente devant une
commission comme celle-là, bien sûr, elle représente des travailleuses et des
travailleurs dans l'industrie du monde des communications et de la presse
écrite, mais nous représentons aussi des travailleuses, des travailleurs, c'est
300 000 membres à la CSN, donc dans toutes les catégories d'emploi,
dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les régions du Québec, qui sont,
bien sûr, des travailleuses et des travailleurs, mais aussi des citoyennes et
des citoyens qui comprennent, je pense, l'importance et la nécessité d'avoir
une presse libre, accessible pour justement être capables d'avoir, dans une
société démocratique comme la nôtre, accès à une information de qualité.
Donc, la commission tombe à point, dans un
contexte où nous pensons, comme organisation syndicale, qu'il faut prendre
carrément le taureau par les cornes. Nous, ça fait peut-être une dizaine
d'années qu'on tire la sonnette d'alarme en rappelant aux politiciens, les
politiciennes pas juste à Québec, mais aussi à Ottawa, la responsabilité que
nous avons collectivement, puis la responsabilité première qui relève justement
des pouvoirs politiques, parce que, dans une démocratie, je le disais encore
récemment, si un journal ferme, bien, c'est la démocratie qui recule, et quand
un journal ferme, bien, c'est assez difficile de le voir renaître de ses
cendres, surtout dans un contexte où la classe capitaliste en général ne trouve
pas qu'il y a de l'argent à faire avec la presse écrite au Québec. Donc, nous,
on pense qu'on doit se mettre à pied d'oeuvre dès aujourd'hui pour justement
trouver des solutions qui sont à portée de main, on va vous les présenter et
échanger avec vous, là, sur des choses qui sont extrêmement concrètes. Mais je
tiens quand même à mentionner que si la classe politique a une responsabilité,
le gouvernement a aussi une responsabilité. Et nous, ça fait longtemps qu'on
dit : Il faut que le gouvernement réinvestisse dans la publicité
gouvernementale, dans nos médias québécois.
On a entendu le premier ministre
dire : Oui, mais maintenant les gens vont chercher l'information ailleurs.
C'est vrai, c'est une nouvelle réalité, mais en même temps, si on ne prêche pas
par l'exemple, si on n'est pas capables de se donner des objectifs puis des
quotas pour être capables justement de soutenir par la publicité la presse
écrite... parce qu'on sait que ça a chuté drastiquement alors que la publicité
sur les sites des grands... des Web, des Facebook et compagnie de ce monde a
augmenté de façon considérable, je pense, à la hauteur de 120 %, au cours
des quatre, cinq dernières années. Donc, premier geste politique, il faut que
le gouvernement annonce sa volonté, là, d'investir dans la publicité.
• (15 h 40) •
Nous, on pense aussi, dans un contexte où
le gouvernement fédéral tarde à agir devant les GAFA... on l'a vu encore
récemment, là, sa timidité à vouloir prendre le problème de front en
disant : Ce n'est pas vrai que Netflix, Facebook et les Google de ce monde
vont faire la pluie et le beau temps à partir d'ailleurs. J'entendais des gens
dire : C'est le G7 qui se réunit, en ce moment, là, il faudrait que la
classe politique se responsabilise. Bien, si le gouvernement canadien n'est pas
capable de le faire, nous, on pense que le gouvernement du Québec devrait
réclamer le rapatriement de ces pouvoirs-là par rapport justement aux GAFA pour
être capable de dire : Au Québec, on va mettre en place, pas des
barrières, mais des mesures qui vont être tout à fait équitables et qui sont
appliquées déjà pour les entreprises qui ont pignon sur rue au Québec...
M. Létourneau
(Jacques) : ...bien, si le gouvernement canadien n'est pas
capable de le faire, nous, on pense que le gouvernement du Québec devrait
réclamer le rapatriement de ces pouvoirs-là par rapport justement au GAFA pour
être capable de dire : Au Québec, on va mettre en place, pas des
barrières, mais des mesures qui vont être tout à faites équitables et qui sont
appliquées déjà pour les entreprises qui ont pignon sur rue au Québec au même
titre que les entreprises qui veulent vendre des services à la population.
Donc, revendiquer auprès du gouvernement fédéral cette juridiction.
Un autre phénomène qui a une dimension
aussi politique, c'est celui des municipalités. Avec Mme St-Onge, on avait
eu la chance, dans le passé, dans la foulée de l'adoption de la loi n° 122, où les municipalités ont décidé de se désengager
avec leurs avis publics, notamment de ce qui était annoncé dans les quotidiens.
Nous, on pense que les municipalités doivent prendre aussi leurs responsabilités.
J'étais très heureux d'entendre le maire Labeaume dire : Il ne faut pas
que Le Soleil ferme. J'étais très heureux d'entendre le maire de Granby
dire : La Voix de l'Est, il faut la sauver, le maire d'Outaouais,
puis probablement d'autres qui se sont prononcés là-dessus, mais il ne faut pas
juste le dire. Il faut prendre les moyens puis il faut se donner les outils
justement pour permettre d'assurer la pérennité puis le développement de la
presse écrite.
Donc, sur le plan syndical, sur le plan
politique, oui, bien sûr, on représente les intérêts des travailleuses, des
travailleurs dans ce secteur d'activités important, puis on parle de l'avenir
de centaines et de centaines d'emplois. Déjà qu'on en a perdu pas mal dans les
salles de nouvelles au cours des dernières années, mais c'est aussi, et
surtout, je dirais, pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes que nous
sommes, puis la société civile en général, une des responsabilités collectives
par rapport au droit à l'information. Donc, je vais laisser la parole à Pascale
pour la suite de la présentation.
Mme St-Onge (Pascale) :
D'entrée de jeu, j'aimerais démystifier peut-être une idée préconçue, on
l'entend souvent répéter, de dire qu'il faut que les médias prennent le virage
numérique. Alors, je dirais que c'est chose faite dans tous les médias, et ce,
depuis longtemps. Ils ont tous des sites Wed, de multiples applications sont
disponibles même sur les réseaux sociaux et partout, alors ça, c'est un mythe
de dire qu'il faut que les entreprises de presse prennent le virage numérique.
Je dirais plutôt que c'est au gouvernement aujourd'hui à prendre le virage
numérique, c'est-à-dire qu'il est temps d'adapter nos lois, nos règlements à
l'univers dans lequel on vit, et qu'il y a des impacts nombreux, non seulement
sur les médias, mais toutes sortes d'autres secteurs d'activités, pensons à
l'industrie du taxi ou autre. Alors, il est temps que nos lois et nos règles
soient adaptées à cette nouvelle réalité là.
Et je dirais que dans le contexte actuel,
on doit prendre la situation des médias à courte et à longue durée. Donc, à
court terme, on doit absolument prendre des mesures qui vont permettre à nos
médias de perdurer, parce que quand une salle de nouvelles ferme ses portes,
c'est très difficile de la remettre sur pied. On a vu de nombreux médias
numériques tenter leur chance également, et c'est très difficile pour eux
aussi. Donc, en ce sens-là, on insiste pour dire qu'il faut mettre en place, et
le plus rapidement possible, un fonds qui irait à soutenir le journalisme. Ce
fonds-là, on suggère de le financer de différentes façons. Il pourrait y avoir,
par exemple, une partie des taxes de la TVQ qu'on va chercher aujourd'hui auprès
des produits numériques justement. Donc, pourquoi ne pas rediriger une partie
de cette taxe-là dans un fonds qui irait à soutenir la production de contenu
d'information journalistique?
Une autre façon, je le sais qu'elle est
moins populaire, ça pourrait être de mettre une taxe de 1 % sur l'achat
d'outils électroniques comme les téléphones, les tablettes et tout. Pourquoi?
Parce que la raison principale pour laquelle on fait ces achats-là, c'est pour
avoir accès à du contenu. Or, le contenu, il n'est pas gratuit. Et moi depuis
des jours, on entend les gens se renvoyer la balle, est-ce que c'est aux
annonceurs à payer? Est-ce que c'est à la population à payer? Est-ce que c'est
au gouvernement? Est-ce qu'on doit mettre des taxes? Tout le monde dit non à chacune
de ces mesures-là comme si l'information devait être gratuite. Alors,
malheureusement, ce n'est pas le cas. Il faut qu'on arrête de se renvoyer la
balle et que tout le monde prenne leurs responsabilités, et ce, de différentes
façons.
Donc, on parlait de la publicité, on
parlait peut-être aussi de revoir la taxe au recyclage parce que ça devient un
poids qui est de plus en plus grand pour les médias de la presse écrite, ils
sont de moins en moins nombreux à publier sur papier. Donc, ceux qui continuent
à distribuer le journal dans les foyers québécois paient de plus en plus, et
c'est un fardeau qui est très lourd.
Ensuite de ça, on parle de revoir les
exemptions fiscales sur les investissements aux publicités des entreprises afin
de favoriser la publicité dans nos médias. Parce qu'en effet, les entreprises
peuvent bénéficier des mêmes déductions fiscales qu'ils annoncent sur Facebook
ou qu'ils annoncent dans nos médias québécois, alors que nos médias québécois
paient leurs impôts et leurs taxes, ce qui n'est pas le cas des géants du Web.
Donc, pour bénéficier d'exemptions, encore faut-il qu'ils participent à notre
fiscalité.
Ensuite, devant... bon, M. Létourneau
l'a dit, le Québec a toujours été un champion pour défendre et protéger sa souveraineté
culturelle et sa souveraineté linguistique. Et c'est de ça dont il est question
présentement. Et, malheureusement, le fédéral et aucun parti qui s'est engagé de
façon assez claire, aucun parti qui, à l'heure actuelle...
Mme St-Onge (Pascale) :
...devant, bon, M. Létourneau l'a dit, le Québec a toujours été un
champion pour défendre et protéger sa souveraineté culturelle et sa souveraineté
linguistique. Et c'est de ça dont il est question présentement. Et, malheureusement,
le fédéral et aucun parti qui s'est engagé de façon assez claire, aucun parti
qui, à l'heure actuelle, aspire au pouvoir qui s'est engagé de façon claire
pour protéger notre spécificité culturelle dans l'univers du numérique. Alors,
le gouvernement du Québec a un rôle à jouer en ce sens pour réclamer que le gouvernement
fédéral prenne ses responsabilités ou qu'il les cède.
Et enfin, pourquoi ne pas se servir de
notre diffuseur public, Télé-Québec, pour appuyer les médias d'information de
différentes façons. C'est important pour nous de dire qu'on ne souhaite pas que
Télé-Québec développe des médias ou des salles de nouvelles dans les endroits
où il y a déjà des médias.
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant, s'il vous plaît.
Mme St-Onge (Pascale) :
C'est terminé? Parfait.
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant.
Mme St-Onge (Pascale) :
En terminant? Donc, ce n'est pas une question d'avoir plus de concurrence dans
différentes régions, que Télé-Québec concurrence, mais plutôt qu'il soit en
support avec l'information et peut-être présent là où il y a des déserts
médiatiques.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre de la partie gouvernementale
pour une période de 15 minutes. M. le député de Beauce-Sud, la parole est
à vous.
M. Poulin : Merci
beaucoup, M. le Président. Que je pourrai partager avec des collègues, là, tout
dépendant si on se fait signe. Merci pour votre mémoire extrêmement complet et très
bien au niveau politique également, lorsque vous nous parlez de rapatrier des
pouvoirs. C'est fort intéressant que votre fédération l'amène dans ce mémoire-là.
Sujet très simple : conditions de travail des journalistes au Québec.
Avez-vous une idée? Parce que je lisais dans le prochain mémoire du Syndicat
des travailleurs de l'information de LaPresse, avez-vous
une idée de combien gagne en moyenne un journaliste au Québec, tout dépendant
dans les régions, télés, radios, journaux? Pouvez-vous nous dresser peut-être
un portrait de la rémunération? Parce qu'on sait que c'est important pour
l'avenir de la profession.
Mme St-Onge (Pascale) :
Ça varie énormément. Par exemple, en région, on le voit, dans les régions, le
salaire est moins élevé en général que dans les grands centres, parce que le
coût de la vie est plus élevé dans les grands centres. Et également, on voit
une grande différence entre, par exemple, des journalistes qui travaillent à la
pige où, là, on tente... il y a beaucoup de difficulté, disons, à joindre les
deux bouts, et des journalistes des quotidiens. Donc, je dirais, pour les
hebdomadaires, ça peut varier entre 40 000 $, aux alentours de
40 000 $ à 45 000 $, 50 000 $. Pour les
quotidiens, aux alentours de 65 000 $, 70 000 $. Mais, de
façon générale, là, je dirais qu'au cours des cinq à 10 dernières années,
les journalistes et l'ensemble des travailleurs des médias ont consenti jusqu'à
30 % de leurs avantages, que ce soit en termes de salaire ou que ce soit
en termes de conditions de travail. Les employés eux-mêmes font grandement leur
part pour maintenir ces journaux-là et ces salles de nouvelle là ouverts. Et,
malheureusement, ça ne suffit plus. Je crois qu'il faut regarder ailleurs.
M. Poulin : Puis vous
avez entièrement raison effectivement. Puis même 40 000 $ en région,
à certains endroits, vous avez été généreux, là. Moi, j'en connais qui
commencent à 12,30 $ de l'heure, là, 12,50 $.
Mme St-Onge (Pascale) :
Oui, oui.
M. Poulin : Puis, si tu
fais des «remote», donc, des reportages en direct, tu es bien chanceux, parce
que ça te permet de pouvoir avoir une paie qui est plus grosse. Donc, ça, c'est
extrêmement difficile, sans compter qu'également les conseillers publicitaires
ont énormément de pression pour vendre des revenus. Et la cote qu'ils ont sur
le 30 secondes, le 15 secondes à la radio, sur la page ou la
demi-page dans les médias a extrêmement diminué. Alors, être conseiller
publicitaire aujourd'hui, là, prendre son auto, aller sur la route vendre de la
pub, là, c'est extrêmement difficile, puis il faut se battre, justement, comme
on l'a signifié tout à l'heure, avec d'autres joueurs.
Je veux revenir sur votre fonds du
journalisme, puis je fais un lien avec le salaire comme tel, parce que vous
nous avez donné des exemples de comment on pourrait financer ce fonds-là sur le
journalisme. Mais de quelle façon on pourrait l'attribuer? Parce que, si on dit
que l'équité doit nous guider, qu'avoir une solution durable doit nous guider,
de quelle façon on peut facilement l'appliquer auprès d'un média de presse, de
dire vous pouvez aller chercher des sommes dans ce fonds sur le journalisme là
pour équiper votre salle de rédaction, votre salle des nouvelles? De quelle
façon on pourrait bien l'attribuer, bien le faire selon vous en maintenant
effectivement une certaine équité dans la façon dont on peut avoir une bonne
information dans la salle des nouvelles puis une bonne source d'information
également?
• (15 h 50) •
Mme St-Onge (Pascale) :
Bien, la redistribution va toujours être un défi en soi parce que, ne serait-ce
que pour ces questions d'équité là, puis pour avoir participé au comité
d'experts du côté fédéral pour le crédit d'impôt de 25 %, il y a toujours
des gens ou des entreprises qui vont être ou qui vont se sentir laissés pour
compte. Donc, ça fait en effet partie du défi de bien redistribuer les sommes,
mais je crois qu'il faut d'abord et avant tout s'appuyer sur des critères qui
sont le plus objectifs possible et peut-être regarder sur la question de la
quantité de contenu d'information originale qui est produit et, évidemment,
déterminer quel type de contenu on veut soutenir. Donc, toutes ces questions-là
vont mériter d'être largement débattues. Puis il va falloir y réfléchir amplement.
Mais, déjà, si on peut mettre sur pied ces fonds-là puis se donner une période
de temps par la suite pour la réflexion, je crois qu'on va y arriver. On y est
parvenu du côté fédéral. Puis il y a déjà des programmes aussi du côté du
Québec qui ont été mis sur pied pour soutenir les entreprises de presse. Puis
on réussit à établir des critères. Donc...
Mme St-Onge (Pascale) :
...puis il va falloir y réfléchir amplement. Mais, déjà, si on peut mettre sur
pied ces fonds-là puis se donner une période de temps, par la suite, pour la
réflexion, je crois qu'on va y arriver. On y est parvenu du côté fédéral. Puis
il y a déjà des programmes aussi, du côté du Québec, qui ont été mis sur pied
pour soutenir les entreprises de presse, puis on réussit à établir des
critères. Donc, l'important, c'est que ce soit des mesures universelles, dont
les critères sont les plus objectifs et les plus larges possible.
M. Poulin : Merci beaucoup.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Chauveau.
M. Lévesque (Chauveau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Messieurs dames, merci beaucoup pour votre
présentation très intéressante. Je voudrais vous parler davantage du crédit
d'impôt que vous proposez. Tout à l'heure, un autre intervenant nous parlait,
lui, de... plutôt d'un fonds, un crédit d'impôt de 35 %. Là, vous, vous
proposez l'ensemble des travailleurs dans... On a entendu un peu plus tôt aussi
que ça pouvait être une catégorie, seulement les journalistes. Comment
faites-vous pour en arriver à cette proposition-là du... premièrement, du
montant, du 25 %, au détriment du 35 %? Quelle est votre rationnelle,
votre logique derrière ça?
Et est-ce que la... Bien, en sous-question
également, j'aimerais en savoir davantage sur votre perception. Est-ce que
c'est seulement des types de médias qui devraient être ciblés, pour le crédit
d'impôt, ou l'ensemble des médias du Québec qui devraient être ciblés? Tout à
l'heure, on nous proposait... le Pr White nous proposait que ce soit l'ensemble
des médias, sans distinction. Mais on sait qu'il y a certains médias, malgré
tout, qui sont assez rentables, et c'est tant mieux, souhaitons-le. Et comment
on peut vraiment vous aider davantage avec cette logique-là? J'aimerais
entendre votre rationnelle à ce niveau-là.
M. Dorion (Claude) : À cet
égard, il y a un certain nombre d'éléments qui sont importants. Comme disait
Pascale, afin d'assurer le caractère indépendant de la presse, on estime que le
périmètre qui doit être touché par ces mesures-là doit être très bien défini,
tant au niveau de la qualité et du professionnalisme du contenu. Et, d'autre
part, une fois à l'intérieur du périmètre, il faut que la mesure soit
universelle, de façon à ce qu'il n'y ait aucune espèce d'enjeu d'influence
politique sur l'attribution des sources. Ça, c'est des éléments très
importants.
Nous, on a estimé notre mesure de crédit
d'impôt avec une fonction assez claire. On regarde depuis 15 ans le déclin
progressif des revenus publicitaires, malgré que le lectorat est relativement
stable, quoiqu'avec des méthodes diversifiées et d'avoir accès aux informations
provenant de nos médias écrits. Et on estime que nous avons environ une masse
salariale de 180 millions de dollars parmi les journaux ou les éditeurs de
presse écrite au Québec. Ce n'est pas tout à fait facile d'arriver à ce
chiffre-là, dans la mesure où, évidemment, tous les journaux ne sont pas
publiés uniquement par des organisations qui ne font que ça. Si on prend le
groupe Québecor, par exemple, les journaux ne sont qu'une petite partie de
l'ensemble de l'organisation.
Donc, on a fait cette estimation-là à
partir des données de Statistique Canada sur le profil des éditeurs de journaux
au Québec, d'une part, et on a croisé ça avec les données provenant de 19 des
principaux journaux au Québec, à partir des données provenant directement des
cotisations syndicales, donc le réel très précis de la réalité des journaux qui
sont représentés par la CSN. C'est en croisant ces deux éléments-là que nous
sommes arrivés à une masse salariale de 180 millions.
On estime à peu près à 650 millions
de dollars les dépenses et les revenus, parce qu'on est rendus soit,
globalement, à un seuil de rentabilité extrêmement précaire pour le secteur et
qui est en déclin rapide. Depuis deux ans seulement, on a une chute de
15 % des dépenses liées aux éditeurs de journaux. Et donc en prenant les
chiffres de Statistique Canada, et imputant une tendance au déclin progressif,
et la réalité des masses salariales qu'on a connues, on arrive à
180 millions.
Pour nous, la question de est-ce que ça ne
doit être vraiment que les journalistes qui bénéficient d'un crédit d'impôt ou
l'ensemble de la masse salariale, l'important, c'est que la somme du
pourcentage des personnes qui sont touchées et le taux du crédit d'impôt permet
d'avoir un impact sur la réalité économique des journaux. Alors, pour nous, on
estime qu'une mesure qui va environner quelque chose comme 40 millions va
avoir un impact qui tourne alentour de 10 % du chiffre d'affaires des
journaux. Et on est à un niveau qui nous permet de stabiliser la grande
majorité des publications dans l'environnement actuel.
Évidemment, la situation en 2019 est en
net retrait par rapport à ce qu'on connaissait en 2005. Alors, on a perdu la
moitié de la main-d'œuvre...
M. Dorion (Claude) : ...un
niveau qui nous permet de stabiliser la grande majorité des publications dans l'environnement
actuel. Évidemment, la situation en 2019 est en net retrait par rapport à ce
qu'on connaissait en 2005. On a perdu la moitié de la main-d'oeuvre en 14 ans,
dans ce secteur. En 2022, la masse salariale va être inférieure à ce que nous
observons aujourd'hui. Et, si on veut stabiliser la situation, on a besoin
d'une mesure qui est à peu près de cette ampleur-là.
Le Président (M. Ciccone) : Merci,
M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Une courte
sous-question par rapport à ce que vous venez de dire, juste pour m'assurer que
j'ai bien compris, avec une courte réponse, s'il vous plaît, parce que je
voudrais qu'on passe à autre chose. Mais vous parlez toujours d'écrit, là, dans
tous les chiffres que vous venez de nous donner, on n'est que dans l'écrit.
Mme St-Onge (Pascale) : Sur
la question des crédits d'impôt sur la masse salariale, pour nous, on l'a toujours
vu comme étant une mesure d'urgence qui devait s'appliquer aujourd'hui pour les
médias de la presse écrite. Cependant, le fonds québécois pour le journalisme,
peu importe la façon dont il sera soutenu, à ce moment-là, on pourra l'ouvrir à
un plus large éventail de média d'information. Mais là on est dans l'urgence, il
y a l'urgence, le moyen terme et le long terme.
M. Lemieux : Et est-ce qu'à quelque
part, il n'y a pas nécessité de s'arrimer aux règles fédérales pour ne pas que
ça devienne une maison de fous, là, en termes de crédit d'impôt sur la masse
salariale? Est-ce que ce ne serait pas souhaitable ou est-ce qu'on est tous
suffisamment intelligents pour être capables de vivre avec nos règles, nos
contraintes et nos propres critères?
Mme St-Onge (Pascale) : Dans
un monde idéal, je dirais qu'il faudrait qu'on s'arrime avec le fédéral, mais,
en même temps, le fédéral, bon, sont en période électorale, ce qui veut dire
que le prochain gouvernement véritablement ne légiférera pas et n'aidera
pas.... n'arrivera pas avec de nouvelles mesures avant 2020 et en 2020, il va y
avoir d'autres médias qui vont avoir fermé leurs portes. Donc, je pense que le
gouvernement du Québec a une responsabilité d'agir maintenant.
M. Lemieux : Mme St-Onge, vous
aviez tout à fait raison au sujet du virage, tellement qu'on n'a pas fini de
virer. Ça s'accélère puis, à quelque part, ça devient un cercle vicieux, si je
comprends bien l'état de la situation, là. Par contre, modèle d'affaires, ça,
on n'a pas encore trouvé, parce que si ça existait, on l'aurait, hein?
Mme St-Onge (Pascale) : Effectivement,
je pense qu'il va falloir continuer d'explorer de nouveaux modèles d'affaires.
La presse en explore un actuellement avec l'OBNL. Pour le Groupe Capitales
Médias, véritablement, il va falloir qu'on trouve une autre solution. Présentement,
nous, on explore l'idée de la coopérative de travailleurs actionnaires, qui
pourrait être jumelée avec des coopératives locales puis également des
partenariats avec le privé. Une chose est sûre, ça se renvoie toujours le même
concept, c'est-à-dire qu'il faut qu'on arrête de se renvoyer la balle. L'information
n'est pas gratuite, ça prend de l'argent pour soutenir les salles d'information
puis il faudra que tout le monde mette la main à la pâte, y compris dans notre
imagination pour se projeter dans l'avenir avec des nouveaux modèles
d'affaires.
M. Lemieux : Quand j'ai dit à
M. White tout à l'heure que dans son bouquin, il y avait des fleurs que pas beaucoup
de monde avait apportées, vous aviez aussi une fleur, Télé-Québec, dans votre
bouquet de recommandations. Mais ce n'est pas tout à fait comme ce que lui nous
disait. Vous, vous entrevoyez quoi pour Télé-Québec?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
Télé-Québec a une large expertise déjà en termes numériques avec La Fabrique
culturelle, notamment, avec une forte présence régionale. Donc, d'un côté, est-ce
qu'on pourrait explorer la possibilité que Télé-Québec vienne en appui avec les
médias existants? Une des problématiques qu'on a avec la plupart des médias, notamment
de la presse écrite, là, mais c'est une dichotomie entre le fait que le
principe et la raison d'être de ces organisations-là, c'est de produire de l'information
journalistique, et de vendre de la publicité. Là, on se retrouve à devenir des entreprises
technologiques. Il y a beaucoup d'argent qui est investi à développer des
nouvelles plateformes, et tout ça, alors pourquoi ne pas se servir de
l'expertise de Télé-Québec, d'une part, et d'autre part, de par leur ancrage
dans les régions, là où il n'y a plus d'hebdomadaire, là où il n'y a pas de
radio communautaire, où finalement ce sont des déserts démocratiques, bien sûr,
et médiatiques? Pourquoi est-ce que Québec-Téléphone ne pourrait pas jouer un
rôle à cet effet-là?
M. Lemieux : Et ma dernière question,
c'est au sujet des exemptions fiscales, parce qu'à la lecture du mémoire je
fais : Bien oui, regarde donc ça, toi! Parce que les entreprises déduisent
de leur rapport d'impôt les frais de publicité. Et vous, vous dites : Oui,
mais on devrait s'organiser pour déduire les bonnes affaires, puis ne pas déduire
ce qu'on ne voudrait pas déduire.
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
exactement. D'un côté, en fait, c'est que les entreprises peuvent déduire leurs
dépenses publicitaires même qu'ils annoncent sur Facebook et Google parce qu'on
prend pour acquis que les médias, de toute façon, vont payer des impôts à la
fin de l'année. Et ce qui n'est pas le cas de Facebook et Google. Et pourtant,
c'est les entreprises les mieux capitalisées de la planète. Alors, il y a là
une contradiction qui est insoutenable en termes de fiscalité puis en termes de
souveraineté économique. Donc, il faut absolument revoir et adapter nos règles
fiscales. Donc, ceux qui paient de l'impôt, qu'ils bénéficient des avantages.
Mais sinon, je ne vois pas pourquoi on continuerait dans cette voie-là. Je ne
sais pas si, Claude, tu voulais rajouter quelque chose?
• (16 heures) •
M. Dorion (Claude) : Bien,
c'est une question d'équité où... et ce problème dépasse largement la question
de la presse écrite. Mais toute la question de la fiscalité du commerce
électronique...
16 h (version non révisée)
Mme St-Onge (Pascale) : ...nos
règles fiscales, donc ceux qui paient de l'impôt qui bénéficient des avantages,
mais sinon je ne vois pas pourquoi on continuerait dans cette voie-là.
Je ne sais pas si, Claude, tu voulais
rajouter quelque chose.
M. Dorion (Claude) : Bien,
c'est une question d'équité, et ce problème dépasse largement la question de la
presse écrite. Mais toute la question de la fiscalité du commerce électronique
qui se passe avec des entreprises hors frontières a un impact de concurrence
déloyale dans la mesure où, lorsque les annonceurs, les entreprises achetaient
de la publicité dans les journaux québécois, ils pouvaient déduire ces dépenses
de leur impôt, mais en contrepartie les entreprises de médias, elles, étaient
imposées sur ces revenus.
Alors, ce qu'on essaie de... ce qu'on
souhaite proposer, c'est que, lorsque des dépenses ne sont pas intégrées dans
la fiscalité de l'entreprise qui vend le service, ça ne devrait pas être sujet
à une déduction pour l'acheteur de cette publicité.
M. Lemieux : Merci.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, M. le député. Je suis prêt maintenant à reconnaître un membre de l'opposition
officielle. Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonjour et bienvenue. Contente de vous retrouver, M.Létourneau,
Mme St-Onge. Bonjour, M. Dorion. Il y a déjà maintenant plus d'un an, on
s'était vus à l'UQAM avec plusieurs journalistes. Moi, je me rappelle d'avoir
vu une salle comble de... Peu importe la bannière, tout le monde était présent,
parce que la seule bannière qui comptait, c'était la démocratie et de s'assurer
que le quatrième pilier de cette démocratie soit sauvé.
La maison, elle est en péril, et, clairement,
on connaît le problème, on va le nommer, ce sont les géants du Web, les GAFAM.
On peut chercher de midi à quatorze heures de l'appui du fédéral, je peux vous
garantir que le gouvernement précédent libéral du Québec le cherchait avec la
taxe Netflix, on ne l'a pas trouvé. Alors, moi, je vous dis tout de
suite : On n'a pas envie d'attendre après le fédéral, je pense que c'est
le temps que, nous, le gouvernement du Québec, on agisse.
Je vous amène tout de suite... On a l'occasion
d'avoir avec nous un économiste. M. Dorion, on va avoir besoin de votre
éclairage. Je me suis déjà penchée avec le professeur Jean-Hugues Roy sur les
revenus publicitaires de Facebook. J'ai sorti leurs chiffres de 2018. Vous
savez que c'est une entreprise, là, milliardaire. En 2006, la première
entreprise la plus capitalisée à la bourse, c'était Exxon Mobil, une entreprise
pétrolière. Aujourd'hui, depuis 2016, Apple, suivi d'Alphabet, qui appartient à
Google, suivi de Facebook. Prenons juste Facebook. Facebook, dans le quartier
de 2018, c'est loin, hein, mon tableau, mais inquiétez-vous pas, j'en ai
préparé un plus beau. Alors, revenus mondiaux : 71 milliards de
dollars, juste pour l'année 2018. C'est une croissance à chaque année, importante.
Pour le Canada, mes estimations à moi, Marwah Rizqy : 2,9 milliards.
Si on a eu le courage politique de faire ce que la France a fait, d'instaurer
la taxe GAFA de 3 %, au niveau fédéral, ça aurait été 86 millions
d'entrées d'argent dans la dernière année, puis au niveau du Québec,
20 millions de dollars. Et là comprenez-moi bien, c'est seulement
Facebook. Je n'ai pas fait Alphabet et je n'ai pas fait non plus Twitter ni
Instagram. Pensez-vous que justement, là, c'est la première des priorités qu'on
devrait avoir? Et oui, là, je vous dis première priorité parce que je veux
vraiment mettre l'emphase, hein?
Mme St-Onge (Pascale) : C'est
la première priorité, assurément, il va falloir restaurer l'équité, on... Je
veux dire, tout le monde le sait que c'est vers ça qu'on s'en va, c'est
inévitable. On va... il va falloir y arriver à un moment donné. Je dirais, par
contre, mon seul bémol, c'est que c'est peut-être des mesures qui vont être un
petit peu plus lentes et longues à implanter et, par conséquent, en attendant,
il va falloir quand même amener des mesures d'urgence, là, pour nos médias.
Mme Rizqy : Absolument. Puis
là je tiens à vous rassurer puis je vais remettre mon petit chapeau de
fiscaliste parce que cet argument-là, je l'ai tellement entendu souvent des
lobbyistes de ces grandes entreprises, c'est tellement long faire bouger les
choses. Mais, je vous dis, la France, lorsqu'ils ont décidé d'y aller, ils ont
dit : Mais nous, on n'attendra pas après l'OCDE, on n'attendra pas après
100 autres pays. Au Québec, on a été capables de le faire avec le dossier
Netflix, on est capables aussi de le faire en matière d'impôt. Nous sommes
souverains, nous détenons notre propre loi de l'impôt et, en plus, nous sommes
autonomes avec Revenu Québec, on n'a pas besoin d'attendre.
Alors, là-dessus, si vous nous faites
confiance puis que le gouvernement entend agir rapidement, ma collègue et moi,
on croit sincèrement que c'est une avenue qui doit être considérée en marge de
nos travaux ici, que ça doit être instauré assez rapidement. Je continue.
Jean-Hugues Roy et moi, on s'est parlé énormément sur le contenu parce
qu'effectivement on sait que c'est important que l'information voyage et
qu'effectivement il y a un impact lorsqu'un article de presse est sur Facebook,
il est plus vu. Mais, toutefois, en matière de redevances, du propre aveu de M.
Zuckerberg qui est à la tête de Facebook, il sait très bien que, là-dessus, il
ne remet absolument rien à ceux qui sont les créateurs de contenu.
Pensez-vous qu'en plus d'une taxe GAFA,
dans un deuxième temps, on pourrait aller de l'avant avec une demande de
redevances pour le contenu préparé et créé par nous journalistes d'ici?
Mme St-Onge (Pascale) : Tout
à fait. Quand on parlait du fonds québécois pour le journalisme, il pourrait
très bien être financé à partir d'une redevance qu'on percevrait au GAFA, qui
est...
Mme Rizqy : ...en plus d'une
taxe GAFA dans un deuxième temps, on pourrait aller de l'avant avec une demande
de redevance pour le contenu préparé et créé par nos journalistes d'ici.
Mme St-Onge (Pascale) : Tout
à fait. Quand on parlait du fonds, du fonds québécois pour le journalisme, il
pourrait très bien être financé à partir d'une redevance qu'on percevrait au
GAFA qui, dans le fond, bénéficie des contenus. En fait, il faut toujours se
baser sur un principe qui est... en tout cas, qui devrait être celui que ceux
qui bénéficient de la production de nos contenus, qu'ils participent à leur
financement. Il y a des problèmes du côté du droit d'auteur, il y a des
problèmes du côté de participer au fonctionnement aussi télévisuel et
cinématographique canadien par le fonds canadien des médias, mais aussi par
toute la réglementation du CRTC. Donc, effectivement, quand je disais que le...
les gouvernements, pas seulement le gouvernement du Québec, mais, quand je dis
que les gouvernements doivent faire le virage numérique, ça veut dire tout ça.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme St-Onge. Je passerais la suite... la parole à ma collègue.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Bien,
vous venez de parler du Fonds des médias, par exemple. On le sait, là, ces
fonds-là sont en train de fondre comme neige au soleil, c'est pourquoi il y a
un certain bout de temps... Moi, je veux être en propositions, je veux être
très constructive, j'ai parlé justement d'un fonds dédié, ne serait-ce qu'avec
l'argent de Netflix, qui est nouvellement... qui entre, là, dans les coffres du
gouvernement du Québec, depuis le 1er janvier dernier, je pense qu'on doit
pouvoir investir justement dans les contenus québécois. Je le disais un peu, tout
à l'heure, en introduction, on a vécu ça aussi avec la musique, la problématique
de la musique, hein, avec... Les gens ne voyaient plus... ils pensaient que
c'était de la gratuité, puis on pouvait utiliser et télécharger de façon
illégale la musique. Bien, on a encore cette problématique-là, cette fois-ci,
c'est avec les médias et c'est là où on doit complètement revoir nos modèles
d'affaires, mais aussi les modèles de gestion. Et souvent, ça va tellement vite,
actuellement, que le législatif ne suit pas. Et ça, c'est vraiment une critique
que je nous fais, à toutes et à tous, parce qu'il faut appuyer sur
l'accélérateur législativement parlant, parce qu'on n'y arrivera jamais, on ne
va jamais retrouver le rythme.
Vous parliez de souveraineté culturelle.
Ce matin, j'ai eu la chance de rencontrer les médias ici, à l'Assemblée
nationale, on en a parlé. Il est vrai que s'il y a des... si le gouvernement
fédéral décide de laisser sur la table un pan complet, et c'est celui de la
culture, actuellement, et c'est celui de la culture actuellement dont il est question,
et où on est en train de parler de notre identité à nous, comme Québécois,
comme Québécoises, bien, il faut aller chercher ce pan-là, il faut appliquer
ici, au Québec, comme on l'a fait pour Netflix, comme le disait ma collègue
députée de Saint-Laurent.
Je voulais venir rapidement sur deux
choses. La bonne recette, lorsque l'on parle du pourcentage dans l'exemplarité
de l'État, est-ce que c'est 80-20, est-ce que c'est 70-20? Le gouvernement du
Québec, lorsqu'il investit à l'intérieur des médias régionaux, locaux, la
publicité gouvernementale, parce qu'on ne peut pas faire fi complètement, on
l'a dit, là, on est quand même en 2019... Est-ce que vous avez mesuré où est-ce
que ça devrait commencer, où est-ce que ça devrait finir?
Mme St-Onge (Pascale) : On
n'a pas de pourcentage à vous proposer, le plus haut pourcentage sera le mieux
pour les médias, parce qu'avant c'était 100 % de la publicité gouvernementale
qui était dans les médias québécois, et maintenant elle se retrouve... pour le gouvernement
du Québec, là, les chiffres qu'on a ici, c'est qu'elle a augmenté de
120 %. Donc, alors le plus haut pourcentage sera le mieux, et je dirais qu'on
va peut-être devenir moins choqués de voir l'apport de publicité gouvernementale
et autres, là, qui va vers les GAFA, la journée où les GAFA participeront à
notre système, donc... Puis on n'est pas antitechnologie, là, je pense que
c'est important de le dire, on est tous... on profite tous de ces réseaux
sociaux là. Le problème, il n'est pas là. Le problème, c'est de faire
participer ces géants-là qui se posent à l'extérieur d'un système et de les
faire entrer dans le système pour qu'ils en fassent partie et qu'ils
participent à la même hauteur que tous les autres citoyens corporatifs du Québec
et du Canada.
Mme Melançon : C'est intéressant
que vous puissiez le dire, parce que moi, j'ai participé au mouvement qui a été
mis sur place par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec,
alors Sauvons l'information régionale, j'appuie mon journal. Et
je l'ai fait sur les médias sociaux, c'était gratuit, je n'ai pas mis d'argent
en publicité là-dessus, il y a eu beaucoup, beaucoup de partage de cette information-là,
il faut vivre quand même en 2019, donc ça, je pense que, pour tout le monde,
c'est clair, puis il fallait faire le point.
• (16 h 10) •
Cependant, je veux me pencher sur une
chose, il y a urgence d'agir, ça fait des mois que l'on parlait de la situation
d'un groupe, du Groupe Capitales Médias. Certains semblent l'avoir ignorée,
mais, bref, on est arrivés avec une aide d'urgence de 5 millions il y a
deux semaines de cela. Quand on parle d'urgence et quand on dit : Il y a
des... On peut mettre des choses en place, mais ça va être long, moi, ce qui
m'inquiète, dans tout ça, c'est d'arriver à...
Mme Melançon : ...Capitales
Médias, certains semblent l'avoir ignoré, mais bref, on est arrivé avec une
aide d'urgence de 5 millions il y a deux semaines de cela.
Quand on parle d'urgence et quand on dit
on peut mettre des choses en place, mais ça va être long, moi, ce qui
m'inquiète dans tout ça, c'est d'arriver à savoir : Dans votre 25 %
pour le crédit d'impôt, qui va être inclus, qui ne le sera pas? Je sens qu'on
va avoir une certaine petite bataille entre nous, à l'interne, qui devra être
faite. Est-ce que vous, de votre côté, c'est très clair, c'est pour les
journalistes reconnus ou les journalistes, pas indépendants, mais... Est-ce que
vous avez défini comment, à qui on s'adresse exactement? Pour la salle de
presse, là, est-ce qu'un chroniqueur, pour vous, c'est un journaliste? Est-ce
qu'il fait partie de la... C'est ça, ma question, dans le fond, je veux vous
entendre là-dessus.
Le Président (M. Ciccone) :
En 20 secondes, s'il vous plaît.
Mme St-Onge (Pascale) : C'est
très large, hein, parce que, en fait, ce ne sont pas tous les chroniqueurs qui
sont journalistes, par contre plusieurs journalistes sont chroniqueurs. Je
crois que tout est dans le travail et dans la façon de le faire. Cependant, on
ne peut pas commencer... à mon avis, quand on parle d'une mesure fiscale comme
le crédit d'impôt de 25 %, on ne peut pas commencer à y aller sur
uniquement des critères qualitatifs, au contraire, ce serait une erreur, et...
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant, s'il vous plaît.
Mme St-Onge (Pascale) : Oui.
De dire 25 % sur l'ensemble de la masse salariale, ça règle un peu cette
problématique-là aussi.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Taschereau pour une durée
de 2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci, M. le
Président. Pour 2 min 30 s? On parle beaucoup de l'action des
GAFAM, de ce que ça a créé comme révolution et comme pertes au Québec, mais
j'aimerais vous entendre sur les grands groupes de presse, sur la concentration
de la presse qui a eu lieu, dans les dernières décennies, de façon assez
radicale. Et par rapport notamment au sauvetage de Capitales Médias, on vous a
entendu parler de coopérative de travailleurs.
Dans ce contexte-là, là, après les
décennies de concentration de la presse, pourriez-vous m'expliquer en quoi le
modèle de coop pourra être un avantage par rapport à un rachat par un grand
groupe de presse des journaux de Capitales Médias qui sont en difficulté en ce
moment?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
premièrement, je pense qu'au cours des 10 ou 15 dernières années, on a
assisté effectivement à un phénomène de concentration et de convergence.
Maintenant, on assiste à un phénomène de désinvestissement d'entreprises
privées dans les entreprises de presse, parce qu'il n'y a plus autant d'argent
à faire que par le passé. Par conséquent, à ce moment-là, un modèle qui serait
basé sur la coopération et également un partenariat avec l'entreprise privée
peut devenir un modèle qui est équilibré puis adapté à notre époque. Donc, je
pense que c'est une alternative qu'il faut absolument explorer, puis on voit de
toute façon, avec la situation du Groupe Capitales Médias, les communautés
locales qui se lèvent et qui veulent participer à la relance, donc pourquoi ne
pas trouver une façon de les impliquer? Je pense que le moment est bien choisi.
Mme Dorion : Est-ce que ça
pourrait avoir un impact positif sur la qualité de l'information, sur la façon
dont... j'ai entendu beaucoup de journalistes parler de la dictature du profit.
Dans leurs mots, c'est la dictature du clic, c'est-à-dire, il faut absolument
vendre de la publicité. Est-ce que, dans ce sens-là, ça pourrait avoir un
impact positif si c'était une coopérative?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
oui, définitivement. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que, dans l'univers des
médias, quand on fait du journalisme, il y a toutes sortes de pressions
auxquelles on doit faire face, et les syndicats notamment servent de pare-feu
pour les journalistes par le biais des conventions collectives, des clauses
professionnelles, pour que justement les journalistes puissent travailler en
toute indépendance. Cependant, on ne se le cachera pas, les difficultés
financières des médias récemment ont mis à mal cette indépendance-là et c'est
pourquoi il faut assurer la santé économique de nos médias pour protéger cette
indépendance et la liberté de presse et également la diversité et la pluralité
des lois.
Mme Dorion : Merci.
Le Président (M. Ciccone) :
Il vous reste 20 secondes, c'est beau?
Mme Dorion : Bien... ah! il me
reste 20 secondes. Qu'est-ce qu'on peut dire en 20 secondes? Ah! je
n'aurai pas le temps...
Le Président (M. Ciccone) :
Bien, merci beaucoup.
Mme St-Onge (Pascale) :
Bien, Claude, est-ce que tu voulais acheter quelque chose pour
20 secondes?
Mme Dorion : Bien, voulez-vous
acheter quelque chose, il vous reste 15 secondes?
M. Dorion (Claude) : Oui, je
peux occuper 20 secondes facilement.
Le Président (M. Ciccone) :
On est rendus à 10.
M. Dorion (Claude) : Le modèle
coopératif est un modèle qui est largement utilisé au Québec dans toutes sortes
de secteurs. Notre vision est que, pendant 200 ans, il y avait une
convergence entre une utilité sociale qui était de donner de l'information à la
population et une capacité de vendre ce service-là à travers la publicité qui
était acquise par les entreprises. Donc, il y avait une entreprise privée
rentable qui donnait un service essentiel à la population. Aujourd'hui...
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant, s'il vous plaît.
M. Dorion (Claude) : ...on est
de moins en moins là-dedans et le modèle coopératif peut nous amener à
regrouper et les travailleurs qui évidemment sont particulièrement impliqués et
qui sont...
Le Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci. Je dois vous arrêter, on est rendus à 40 secondes de plus.
Merci beaucoup.
M. Dorion (Claude) : ...et les
annonceurs et les lecteurs.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski.
M. LeBel : Bonjour. Taxer les
GAFAM, tu sais, on taponne avec le fédéral, puis on met à risque l'info, la
démocratie, la culture québécoise, puis on taponne avec le fédéral. Moi, je ne
crois pas qu'on pourrait réussir à rapatrier du fédéral le pouvoir de taxer ces
affaires-là. Moi, je pense qu'il y a une solution, c'est l'indépendance, mais
ce n'est pas le sujet de la commission.
Je voulais parler de Télé-Québec.
Télé-Québec, ce que vous proposez là, c'est bien intéressant, j'aimerais ça
mieux comprendre, par exemple, la... Vous dites, il faudrait aller dans les
régions où est-ce qu'il n'y a pas de...
M. LeBel : ...réussir à
rapatrier du fédéral, le pouvoir de taxer ces affaires-là. Moi, je pense qu'il
y a une solution, c'est l'indépendance, mais ce n'est pas le sujet de la
commission.
Je voudrais parler de Télé-Québec.
Télé-Québec, ce que vous proposez là, c'est bien intéressant. J'aimerais ça
mieux comprendre, par exemple. Vous dites : Il faudrait aller dans des
régions où est-ce qu'il n'y a pas de quotidiens ou d'hebdomadaires. Il n'en
reste plus bien, bien, de ces régions-là, il y a souvent un hebdomadaire ou un
quotidien. Mais j'aimais l'autre formule que vous avez, c'est-à-dire de mettre
en place des mutuels de services. J'aimerais ça que vous m'expliquiez qu'est-ce
que ça pourrait être parce qu'il y a quelque chose, peut-être, à faire avec ça,
c'est certain.
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
premièrement, il y a quand même une centaine d'hebdomadaires qui ont fermé
leurs portes au cours des dernières années, et il y a malheureusement des
endroits où il n'y a plus de journalistes qui couvrent les mairies, les
assemblées publiques, etc. Donc, oui, malheureusement, on voit qu'il y a de
plus en plus de déserts médiatiques au Québec.
Maintenant, comme je le disais,
normalement les entreprises de presse, et ça a toujours été le cas, se sont
concentré sur faire du journalisme et également vendre de la publicité. Or,
aujourd'hui, on leur demande aussi d'être des champions de la technologie. Ce
n'est peut-être pas naturel pour eux, puis peut-être que, non plus, ils ne
devraient pas investir tant d'argent là-dedans. Est-ce que c'est possible, à ce
moment-là, que, Télé-Québec, qui possède déjà une expertise, en leur donnant
les moyens, puis ça, c'est très important parce que Télé-Québec, on le sait, a
eu quand même une stagnation de son budget de fonctionnement depuis les
années 90, donc on ne dit pas que, présentement, ils sont à même de le
faire avec leur budget existant, il faut leur allouer les moyens, mais est-ce
qu'ils peuvent devenir un soutien pour les autres entreprises de presse puis
être un vecteur de diffusions? Ils le font avec La Fabrique culturelle.
Donc, l'idée, ce n'est pas de déshabiller Jacques pour habiller Paul, je ne
sais pas si c'est ça la bonne expression, mais donc ce n'est pas de rajouter un
fardeau à Télé-Québec à l'heure actuelle. Mais on peut faire le choix de le
faire tout en leur donnant les moyens, d'être un soutien.
M. LeBel : Puis est-ce qu'il
pourrait avoir un lien aussi avec les médias communautaires? Télé-Québec et...
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
pourquoi pas? Je pense que toutes les avenues sont bonnes, puis est-ce qu'il
faut... prendre conscience aussi, c'est que ce n'est pas une seule mesure qui
va réussir à sauver l'ensemble de l'industrie. Il faut vraiment se mettre à
réfléchir en termes aussi de longévité, et pourquoi ne pas aider aussi les
communautaires par le biais de Télé-Québec?
Le Président (M. Ciccone) :
Merci, M. le député. Je suis vraiment désolé. Je reconnais maintenant la
députée de Marie-Victorin pour une période de deux minutes.
Mme Fournier
: Merci à
vous trois pour la présentation. Moi, je vais tout de suite faire du pouce sur
les propos de la collègue de Taschereau. Mme St-Onge, j'aimerais vous
entendre, vous avez parlé donc de la pression dans le contexte de difficultés
budgétaires pour produire peut-être un certain contenu dans le contexte de la
nécessité d'avoir des clics, par exemple, sur le Web. Est-ce que c'est quelque
chose que vous entendez dans la réalité du terrain chez les journalistes que
vous représentez?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
on parle de la dictature du clic. Ce n'est jamais fait de cette façon-là, aussi
claire, mais je dirais qu'il y a beaucoup d'incitatifs et de valorisation
d'articles et de publications qui vont chercher le plus d'attention du public.
Puis ce n'est pas toujours des contenus qui ont la plus grande valeur, disons,
pour l'ensemble de la société, là. Je dirais que c'est... il n'y a jamais, en
tout cas, à ma connaissance, de pression aussi directe, de dire : Couvre
tel sujet de cette façon-là parce que ça va aller chercher plus de clics. Par
contre, on valorise beaucoup, évidemment, les contenus qui attirent le
lectorat. Puis c'est compréhensible dans la situation économique des médias
actuellement, on veut aller chercher des revenus publicitaires, puis, pour ça,
ça prend du lectorat.
Mme Fournier
: Merci.
Ma deuxième question concerne évidemment la taxation. On sait, bon, le
gouvernement du Québec aura beau taxer les GAFA de ce monde, ça va rester de la
concurrence déloyale tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral ne
fera pas non plus la même chose. Cela dit, moi aussi, comme le collègue de
Rimouski, je pense que l'indépendance du Québec, c'est une belle solution, mais
le Québec peut, dans la situation actuelle, occuper ce champ fiscal. Et j'ai
d'ailleurs déposé une motion en juin dernier qui demandait au gouvernement de
prendre ses responsabilités et d'occuper le champ fiscal laissé visiblement
vacant par le gouvernement fédéral. Est-ce que vous considérez que ça pourrait
être également une solution?
Le Président (M. Ciccone) :
Rapidement, s'il vous plaît.
Mme St-Onge (Pascale) : Oui,
bien, tout à fait. Je pense que de toute façon, c'est un concept qui est de
plus en plus admis dans la population générale aussi. Alors, le gouvernement du
Québec a tout à fait la légitimité d'être le porte-étendard de ce discours-là
et de le porter haut et fort du côté d'Ottawa. Il y a un consensus qui commence
à émerger autour de ces questions-là, puis on s'aperçoit que c'est impossible,
de toute façon, d'avoir un secteur qui est équilibré économiquement à l'heure
actuelle. Donc, il faut absolument prendre les mesures qu'il faut pour donner
les moyens à nos médias de continuer d'exister puis de remplir le service à la
population.
Le Président (M. Ciccone) :
Je vous remercie grandement à vous trois pour votre contribution à cette
commission. Je vais suspendre les travaux quelques instants afin de permettre
aux représentants du Syndicat des travailleurs de l'information et de La
Presse de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Ciccone) :
Silence, s'il vous plaît! Nous reprenons maintenant nos travaux. Je souhaite la
bienvenue aux représentants du Syndicat des travailleurs de l'information de LaPresse.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à
procéder à votre exposé. Vous avez la parole.
Mme Ballivy (Violaine) : M. le
Président, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. Je suis Violaine Ballivy,
journaliste à LaPresse et présidente par intérim du
Syndicat des travailleurs de l'information de LaPresse. Je
suis accompagnée aujourd'hui de Laura-Julie Perreault, journaliste à
l'international, autrice du mémoire qui vous a été déposé, cofondatrice du
Fonds québécois en journalisme international et présidente sortante du Syndicat
des travailleurs de l'information de LaPresse. Il y a aussi
Louis-Samuel Perron, qui est trésorier du STIP et journaliste aux affaires
judiciaires, et Janie Gosselin, secrétaire du STIP et journaliste aux
actualités générales.
Je cède tout de suite la parole à
Laura-Julie Perreault.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Bonjour et merci de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui. Premièrement,
nous tenons à saluer ceux qui ont témoigné avant nous et qui ont commencé à
brosser le portrait de notre industrie, qui est dans un moment difficile, et on
veut particulièrement commencer tout ça en saluant nos collègues du Groupe
Capitales Médias, on est de tout coeur avec eux. D'ailleurs, Violaine et moi
avons toutes les deux travaillé au Soleil avant de travailler à LaPresse.
Donc, on les salue. Ils sont ici, donc on leur dit bonjour.
Nous sommes atterrés de ce qui leur
arrive. C'est très difficile à vivre, je pense, pour tous les journalistes au Québec.
Mais on ne peut pas dire qu'on est surpris. Ça fait 10 ans que la presse écrite
est au bord du précipice, et c'est intéressant de voir que maintenant on est
tous là, ici, assis pour trouver une manière d'agir et trouver des solutions.
C'est vrai pour les...
Mme Perreault (Laura-Julie) :
...nous sommes atterrés de ce qui leur arrive, c'est très difficile à vivre, je
pense, pour tous les journalistes au Québec, mais on ne peut pas dire qu'on est
surpris. Ça fait 10 ans que la presse écrite est au bord du précipice, et c'est
intéressant que maintenant on est tous là, ici, assis pour trouver une manière
d'agir et trouver des solutions.
C'est vrai pour les médias régionaux, mais
c'est tout aussi vrai pour les médias nationaux. Et aujourd'hui, c'est de ces
médias nationaux dont on veut vous parler. On pense qu'on est dans une
situation privilégiée pour le faire. Le STIP représente 200 journalistes et
artisans de la salle de rédaction. C'est la plus grande salle de nouvelles au Québec.
Les grandes salles de rédaction comme celle de LaPresse
jouent un rôle vraiment unique et crucial au sein de la société québécoise.
Depuis 135 ans, les artisans de LaPresse ont couvert tous
les grands événements qui ont façonné Montréal, mais aussi le Québec, le Canada
et le monde. Et en plus de couvrir les événements, les journalistes de LaPresse
et des grandes salles de rédaction ont aussi un impact sur ce qui se passe au Québec.
Les enquêtes, les reportages, les grands dossiers produits par les grandes
salles de rédaction sont, et sont depuis 135 ans, à l'origine de commissions d'enquête,
de projets de loi, de politiques gouvernementales, et peuvent faire et défaire
des carrières publiques, politiques. Sans le travail des journalistes d'enquête,
il n'y aurait pas eu de commission Charbonneau, donc, si... Le mouvement
#moiaussi n'aurait jamais eu la résonnance qu'il a eu sans le travail de
journalistes consciencieux qui ont permis à des victimes de témoigner. Les
grandes salles de nouvelles animent aussi les débats nationaux, et tous les
jours on voit, donc, ces questions qui atterrissent devant vous à l'Assemblée
nationale. Peut-on seulement s'imaginer une campagne électorale sans journalistes
professionnels? Peut-on seulement imaginer si les seules sources de nouvelles
étaient les communiqués de presse des partis politiques, des multinationales,
et les communications préparées par des blogueurs dans leur sous-sol? Malheureusement,
c'est ce qui nous guette, collectivement, si on ne met pas en place des mesures
pour aider nos médias d'information régionaux et nationaux à garder la tête
hors de l'eau. Le public est plus que conscient de l'importance des médias. LaPresse,
notre média, n'a jamais eu autant de lecteurs de son histoire. Et c'est vrai de
tous les médias au Québec, professionnels, et des médias au Canada. Ce n'est quand
même pas rien, et c'est la bonne nouvelle. À l'ère de la montée des populismes,
de la désinformation qui se répand comme une traînée de poudre, les citoyens se
tournent de plus en plus vers les journalistes professionnels pour avoir
l'heure juste.
La crise des médias n'en est pas une,
donc, d'utilité ou de popularité des médias, c'en est vraiment une de revenus,
et tous ceux qui sont venus avant nous vous l'ont dit, des revenus qui
échappent à ceux qui trouvent, rédigent et dictent les contenus
journalistiques, des revenus qui ont migré vers les courroies de transmission
qui font de l'argent en distribuant le contenu journalistique produit par des
journalistes sans y investir un sou. Nous sommes convaincus que, plus que jamais,
l'information produite par les membres de notre syndicat, tout comme par les
autres grandes salles de rédaction, est un bien public essentiel qu'il faut
protéger et rendre accessible au plus grand nombre possible.
Mme Gosselin (Janie) : Merci,
Laura-Julie. Dès les premiers signes de la crise, LaPresse
et ses artisans ne sont pas restés les bras croisés. En 2009, on voyait déjà
une baisse des revenus à cause de la crise économique aux États-Unis. LaPresse
a arrêté de produire son numéro du dimanche et a rétréci un petit peu son
format pour économiser du papier. Les syndiqués ont accepté une augmentation de
leurs heures de travail sans compensation financière. À l'époque, toutes les
concessions salariales des syndiqués de LaPresse ont
atteint plusieurs millions de dollars d'économies par année. LaPresse
a décidé de faire un virage numérique audacieux en passant sur la tablette en
2013, pour réduire les coûts d'impression et de distribution. Les syndicats ont
soutenu cette décision. Ça n'a pas été suffisant, malheureusement, et les
employés ont accepté d'autres compromis. On a vécu plusieurs vagues de
licenciements, de départs volontaires, de départs anticipés à la retraite
durant les 10 dernières années. Malgré tout, on continue à produire un contenu important
dans tous les sens du terme. Pour les employés, c'est un miracle quotidien, et
la pression est grande. Ce n'est pas toujours sans conséquence pour la santé
des travailleurs qui se donnent à fond, conscients de leurs responsabilités
envers la population et passionnés par l'information.
• (16 h 30) •
L'an dernier, LaPresse
s'est restructurée et est maintenant détenue par une fiducie d'utilité sociale.
Notre syndicat a soutenu cette transformation. Lors de notre dernière négociation,
terminée en décembre 2018, on a accepté la réduction de près de 1 million
annuellement dans nos conditions de travail, notamment avec la modification de
notre régime de retraite. En 12 ans, le salaire horaire des journalistes et des
photographes a augmenté de 0,1 % seulement. Pendant ce temps-là, l'IPC
augmentait de plus de...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Gosselin (Janie) :
...terminée en décembre 2018, on a accepté la réduction de près de 1 million
annuellement dans nos conditions de travail, notamment avec la modification de
notre régime de retraite. En 12 ans, le salaire horaire des journalistes et des
photographes a augmenté de 0,1 % seulement. Pendant ce temps-là, l'IPC
augmentait de plus de 22 %.
Malgré tout, les employés de La Presse
s'adaptent aux changements. Les journalistes continuent de produire environ 500
articles par semaine, en moyenne. On a une importante équipe de photographes,
même si elle a diminué au cours des dernières années, qui s'assure
d'immortaliser la nouvelle. On a aussi une équipe de production, durement
touchée également depuis quelques années par les départs et les coupes. Ce sont
des journalistes dans différentes fonctions, qui travaillent à communiquer la
nouvelle de façon visuelle, à réviser et à éditer les textes, à vérifier les
faits. Ça nous semble important pour la qualité du français et de l'information
au Québec de ne pas sous-traiter cette partie du travail à l'extérieur, comme
ça se fait dans certains quotidiens du Canada anglais puis des États-Unis.
Selon nous, tous nos syndiqués devraient être
inclus dans d'éventuels crédits d'impôt, peu importe leur tâche pour participer
à transmettre l'information, ce qui inclut les nouvelles, les sujets d'intérêt
et les sujets plus socioculturels et les textes d'opinion pour participer aux
débats de société. Le problème n'est pas un manque de pertinence des journaux
ou d'intérêt des lecteurs. Les différentes plateformes de La Presse sont
un succès grâce auquel on joint environ 63 % de la population adulte
francophone au Québec. En moyenne, plus d'un quart de million de personnes
téléchargent La Presse+ chaque jour; c'est énorme.
L'avenir des médias est une question
importante. La presse écrite, par contre, si on veut avoir un avenir, c'est
maintenant qu'il faut agir. C'est important pour les travailleurs et leurs
familles, mais surtout pour la démocratie québécoise. Notre syndicat privilégie
la prise des crédits d'impôt sur la masse salariale — quand on dit
ça, on parle de nos salaires véritables — puis un retour des annonces
publicitaires gouvernementales dans les journaux. On appuie les solutions qui
ont été présentées par la FNC, juste avant nous.
Je cède la parole à mon collègue,
Louis-Samuel Perron.
M. Perron (Louis-Samuel) :
Merci, Janie. L'indépendance des médias est d'une importance cruciale. Sans
cette indépendance, c'est impossible de faire notre travail de chien de garde
de la démocratie. C'est impossible de critiquer les élus et les décideurs.
Donc, c'est impossible de rester crédible auprès du public. On le dit et on va
le répéter aujourd'hui : notre indépendance est primordiale.
Maintenant, est-ce qu'une aide publique
pour les médias mettrait nécessairement en péril notre indépendance? Selon
nous, ces craintes sont peu fondées. On pense qu'une aide publique ne va
acheter notre intégrité, peu importe le montant. Un programme universel et
permanent de crédits d'impôt sur la masse salariale pourrait facilement être
mis en place, selon nous, tout en conservant l'indépendance des salles de
presse. Regardez en France et dans le reste, c'est mis en place. On
subventionne la presse écrite sans aucune intervention politique. C'est un
service public, tout simplement. Ici même, au Québec, il y a des dizaines de
journalistes à Radio-Canada qui sont payés par une société d'État, par nos
taxes et... bien, il n'y a personne qui peut sérieusement d'être à la solde des
élus. Donc, ça se fait.
Évidemment, il faut des balises très
claires. Les élus ne doivent avoir aucun droit de regard sur le contenu
journalistique des salles de presse. Ça doit être très clair et aussi extrêmement
clair dans la population qu'il n'y a aucune interférence politique dans notre
contenu.
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. Perron (Louis-Samuel) :
Comme syndicat, on pense que... on croit que, pour maintenir aussi notre indépendance,
il faut maintenir nos conditions de travail. Merci.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Je suis maintenant prêt
à entendre un membre de la partie gouvernementale, le député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci beaucoup, M.
le Président. Je tiens à vous saluer, chacun et chacune d'entre vous. Très
content de vous retrouver, dans certains cas également. Très content d'entendre
parler de La Presse à nouveau et de voir que, somme toute, ça se passe
bien quand on parle surtout du lectorat. Je me souviens, il y a à peu près deux
ans, lors du projet de loi qui concernait la transformation en OBNL, à quel
point c'était important et à quel point on a réussi à traverser tout ça.
Mais ma première question va être très,
très simple. Comme ça va à La Presse, au moment où on se parle, puis
comment vous voyez la prochaine année?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Comme ça va à La Presse? Premièrement, comme syndicat, après quatre ans
de négociations, on a une convention collective qui nous amène jusqu'en 2021,
où on a fait des concessions importantes, mais qui faisaient partie, donc, d'un
plan beaucoup plus global de l'entreprise et on va laisser nos patrons vous
répondre plus en profondeur quand ils vont venir vous voir mercredi.
M. Poulin : Si je peux me
permettre une relance, en attendant les patrons, comment ça va? Quel est le
feeling dans la salle des nouvelles avec les conseillers publicitaires, la collaboration
avec La Presse canadienne et tout ça? Donc, est-ce que cette transformation-là,
en OBNL, pour vous, elle est salutaire et elle vous permet d'avoir un optimisme
beaucoup plus grand, surtout en vue de l'année prochaine?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Mais si je peux... J'allais compléter ma réponse. Jusqu'à maintenant, ce que...
M. Poulin : ...la collaboration
avec LaPresse canadienne, et tout ça. Donc, est-ce que
cette transformation-là en OBNL, pour vous, elle est salutaire et elle vous
permet d'avoir un optimisme beaucoup plus grand surtout en vue de l'année
prochaine?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Mais si... j'allais compléter ma réponse. Jusqu'à maintenant, ce que, nous, on
voit comme journalistes, c'est qu'on est capables de faire notre travail, qu'on
continue à couvrir tous les sujets d'intérêt public, et que l'entreprise a un
plan auquel, nous, on souscrit pour amener des nouveaux revenus aussi à LaPresse,
ça inclut notamment des dons de nos lecteurs, et ça, ça fonctionne bien. Il y a
aussi une fondation qui a été mise sur pied et qui va bientôt parler de ses résultats.
Il y a aussi, en plus de ça, des nouvelles mesures qui ont été prises pour la
publicité, pour rendre tout ça plus... Donc, ça nous a été présenté comme
employés. Il y a un plan justement pour diversifier les revenus, et on pense
aussi que l'aide gouvernementale est absolument cruciale dans les prochaines
années.
Mais, pour ce qui est de comment ça se
passe dans la salle de rédaction, oui, on a beaucoup de travail, oui, on est
moins pour le faire qu'on l'était avant, mais, par contre, quand on regarde les
résultats, les grandes enquêtes qui sont produites par LaPresse,
les reportages qu'on fait toujours, on voit qu'on est capables de maintenir le
cap sur la qualité de journalisme qu'on fait.
M. Poulin : Vous m'avez dit,
c'est assez important, l'aide va être cruciale dans les prochaines années.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Bien, c'est qu'on pense, oui, puis je pense que c'est ce qu'on dit depuis des
années et on continue de le dire, et nos patrons, ils vont pas mal dans le même
sens que nous.
M. Poulin : Parfait. Vous nous
parlez, bien entendu, parce que vous êtes le syndicat, donc j'aimerais reparler
des conditions de travail des journalistes, parce qu'on sait que c'est important,si
on souhaite attirer des gens dans la profession journalistique, on aura les
gens d'ATM un peu plus tard, cette semaine, qui a formé de nombreux
journalistes à travers le Québec. Vous avez également, à LaPresse,
pondu des reportages d'enquête exceptionnels au cours des dernières semaines,
des derniers mois, qui ont nécessité énormément de travail, et on le ressent à
la lecture des phrases lorsque... ce reportage d'enquête là, donc toutes mes
félicitations, et vous pouvez en être très fiers, donc transmettez-les à vos
collègues. Puis je sais qu'on ne le fait pas toujours avec les moyens les plus
faciles non plus, souvent, on le fait simplement avec un cellulaire puis un bon
carnet de contacts, ça nous aide à bâtir un bon reportage d'enquête.
Puis juste pour faire du pouce sur ce que
M. Perron disait, l'indépendance des médias, je pense que tout élu qui se
retrouve ici, autour de cette table, reconnaît l'indépendance importante des
journalistes et jamais, dans aucun cas, il y aura l'implication des élus et il
y aura l'implication du politique dans la rédaction d'un article et où encore,
dans le positionnement d'un article, parce que la rédaction, c'est une chose,
mais le positionnement, la photo, le titre, c'est aussi une totale indépendance
des journalistes, et je pense qu'on en est tous autour de cette table, et on le
réitérera, si vous voulez bien, chers collègues, dans le rapport que nous
aurons à émettre sur cette importante indépendance.
Vous nous dites, par exemple, petit
aparté : Aujourd'hui, les journalistes sont loin d'être les bébés gâtés
que certaines laissent entendre. À ses débuts, un journaliste reçoit un salaire
de 50 000 $, après 10 ans de carrière, ce salaire atteint 88 000 $,
la cime de l'échelon salarial. Ces salaires sont comparables à ceux des
enseignants du secondaire au Québec. Par ailleurs, à titre d'indicatif, le
salaire... honoraires des journalistes et photographes de LaPresse,
représentés par votre syndicat, ont augmenté de 0,1 %, entre 2017 et 2019,
vous l'avez bien exprimé.
Est-ce que ça devient, un, difficile de
recruter des journalistes pour faire ces reportages d'enquête là qui sont si
importants, si majeurs? Et deuxièmement, comment vous faites, au quotidien,
pour avoir cette relation-là avec les agences de presse également? Parce que
c'est toujours, toi, tu écris sur quoi, moi, j'écris sur quoi, puis qu'est-ce
qu'on priorise, puis qu'est-ce qu'on met en place, parce qu'on sait qu'on
s'alimente également de l'agence de presse. Donc, comment vous faites, à titre
de journalistes et comme syndicat, pour travailler en collaboration avec les
agences de presse et que chacun puisse avoir sa part du gâteau, si vous me
passez l'expression?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Je pense que, pour ce qui est des agences de presse, puis mes collègues vont
peut-être compléter, le travail de coordination, s'il y en a un, est fait avec LaPresse
canadienne. LaPresse canadienne publie, tous les jours,
son budget, donc on regarde ce qu'ils vont couvrir ce jour-là. Parfois, on y va
nous-mêmes parce qu'on considère que l'événement doit être couvert, parfois, on
prend les textes qu'ils vont préparer, ou parfois on bonifie nos textes de leur
travail, mais c'est une relation qui est assez saine.
Pour ce qui est de ce que fait l'Agence
France-Presse, Reuters, Bloomberg, dans ce cas-là, il y a
beaucoup moins de coordination, donc, souvent, ils vont amener d'autre chose à
la table. Mais, en général, donc c'est vraiment que LaPresse
canadienne, lui, a vraiment un lien plus fort.
M. Perron (Louis-Samuel) : Et
pour ajouter à Laura-Julie, l'existence de LaPresse canadienne
qui couvre de façon très bien les conférences de presse et d'autres événements,
ça nous permet pour, bien nous, les journalistes, de se consacrer à des
enquêtes, à des reportages exclusifs sur d'autres angles de la société qu'on
n'aurait pas pu couvrir si on devait aller, bien, à ces conférences de presse
là quand même importantes pour couvrir l'actualité politique et sociale.
• (16 h 40) •
M. Poulin : Et pour faire du
pouce à ce salaire-là, quand on dit 88 000 $, puis un départ autour,
là, de 50 000 $...
M. Perron (Louis-Samuel) :
...angles de la société qu'on n'aurait pas pu couvrir si on devait aller, bien,
à ces conférences de presse là quand même importantes pour couvrir l'actualité
politique et sociale.
M. Poulin : Et pour faire du
pouce à ce salaire-là, quand on dit 88 000 $, puis un départ autour,
là, de 50 000 $, est-ce que ça devient difficile de recruter des
journalistes?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Mais si on n'a pas eu... je veux dire, nos salaires ont pas mal stagné depuis
presque 12 ans, mais on n'a pas eu de diminution de salaire, notamment
parce que, quand on négocié nos conventions collectives, on a choisi d'autres
options que de couper dans nos salaires, parce que, justement, on ne voulait
pas encore plus dégrader le pouvoir d'achat de nos membres, donc on a accepté
plus d'heures pour un salaire équivalent. On a accepté de changer nos régimes
de retraite. Donc, un des grands points de notre dernière négociation, c'est
qu'on a réussi à s'entendre sur un régime à prestation cible qui, on pense, va
être mis sur... on espère, va être mis sur pied bientôt grâce à votre aide et
qui permet à l'entreprise vraiment d'économiser des sommes importantes. Donc,
ce qu'on a essayé comme syndicat de faire, c'est d'être le plus créatif
possible pour maintenir nos conditions de travail mais tout en faisant des
concessions importantes. Donc, c'est vraiment toujours de trouver cet
équilibre-là.
Et on voit... les jeunes viennent...
Encore cet été, on a eu des stagiaires pour la première fois à La Presse
depuis plusieurs années, un programme de stages. Donc, on voit qu'il y a encore
de la relève dans le métier même si les pronostics ne sont pas particulièrement
brillants. Mais donc, il y a des gens qui sont là. Moi, j'enseigne à
l'Université de Montréal aussi, et je vois plein de jeunes avec des étoiles
dans les yeux qui espèrent un jour faire du reportage à l'international. Et je
suis contente de leur dire qu'on espère que ça va vraiment avoir lieu, qu'il va
y avoir de la place, et qu'on va trouver une solution à cette crise qui perdure
depuis longtemps.
M. Poulin : Merci beaucoup. Je
vais céder la parole à mes collègues. Je pense qu'il a levé la main, oui.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci, M. le député. Oui, je cède la parole maintenant au député de Richelieu.
M. Émond : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonjour à vous tous. D'entrée de jeu, je vous dirais que c'est
avec un... on a tous eu, les collègues et moi, un petit pincement au coeur
quand vous avez invoqué dans votre introduction une campagne électorale sans
journalistes professionnels. Ce n'est pas quelque chose qui doit arriver, hein?
Le fils d'imprimeur en moi a toujours un
petit quelque chose de ne plus avoir La Presse dans sa version papier,
mais je tiens tout de même à vous féliciter pour le passage au tout numérique
avec La Presse+, transition pour laquelle vos membres ont assurément
collaboré. Puis ma question est dans ce sens-là. Vous avez invoqué que vous
avez fait beaucoup de sacrifices dans les derniers mois, les dernières années,
est-ce que vous avez l'impression... comment vos membres ont-ils dû s'adapter
lors de ce passage vers le tout numérique? Et est-ce que vous avez l'impression
de devoir en faire plus avec moins depuis ce passage-là?
Mme Gosselin (Janie) : Oui, je
dirais que c'est surtout pour l'équipe de la production que le changement a été
le plus flagrant, parce qu'un moment donné, on roulait avec les deux systèmes,
donc le papier et le numérique, donc c'était très lourd s'il y a une machine
qui était lourde, qui était difficile à apprivoiser au début.
Pour ce qui est du contenu, je pense qu'il
y a différentes façons d'écrire une histoire. C'est sûr que visuellement, La
Presse+ est différente d'un journal, donc il faut s'adapter un petit peu.
Comment on va présenter ça? Comment on va l'écrire pour que ce soit aussi
accrocheur, que ce soit lu jusqu'au bout?
Sinon, comment les gens se sont adaptés?
Je pense que le travail en tant que tel, le fond du travail n'a pas changé. On
continue à poser des questions, à trouver les sujets, à faire le travail un peu
de la même façon. C'est plus la livraison qui a changé, je dirais. Puis il y a
plus de photos qui sont prises aussi parce que c'est un média qui est plus
visuel forcément.
M. Émond : O.K. Merci.
M. Perron (Louis-Samuel) : Et
pour compléter ce que ma collègue Janie a dit, on s'est battu comme syndicat
pour pas que nos membres deviennent des hommes et des femmes orchestre. Parce
qu'on pense que pour faire notre travail avec diligence, ça prend quand même du
temps, puis ce n'est pas vrai qu'on peut tout faire, être sur le Web, à la
télé, prendre des photos, twitter en même temps, c'est quand même très, très
exigeant. Donc, nous, comme syndicat, bien, on s'est battu pour ça.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Je voudrais vous
entendre sur le fait que tout le monde, et vous l'avez exprimé vous aussi, il y
avait de la sympathie pour les gens du Groupe Capitales Médias, il y avait
comme des astres qui étaient alignés là-dedans par rapport à notre semaine
d'audience. À quelque part, c'est comme si les projecteurs étaient encore plus
gros, plus forts. Et il y a quelque chose de bon à ça. Ma mère dirait : À
toute chose, malheur est bon, là. Mais avez-vous peur que ça occulte, à quelque
part, les décisions, bien, les recommandations de cette commission et les
décisions du gouvernement? Parce que là, on est dans la hâte. Éventuellement,
ça va se mettre à rouler assez vite pour être capable d'intervenir au bon
moment, là.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Bien, au contraire, on a un sentiment d'urgence, nous, depuis 10 ans, puis
on est très content que, maintenant, ce sentiment d'urgence là soit transmis à
toute la population québécoise. Je pense que ça, c'est...
M. Lemieux : ...cette
commission et les décisions du gouvernement? Parce que, là, on est dans la
hâte. Éventuellement, ça va se mettre à rouler assez vite pour être capable
d'intervenir au bon moment.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Bien, au contraire. On a un sentiment d'urgence, nous, depuis 10 ans puis on
est très contents que maintenant ce sentiment d'urgence là soit transmis à
toute la population québécoise. Je pense que, ça, c'est... Je veux dire, on
a... Oui, voilà. Comme vous dites, c'est dans notre... à tout malheur, il y a quelque
chose qui vient avec. Mais, en même temps, c'est un problème qu'on connaissait
depuis très longtemps et c'est quelque chose qui nous préoccupait depuis très longtemps.
Donc, maintenant, que ça soit sur la place publique et qu'on va, je pense,
collectivement trouver des solutions, au bout du compte on va tous en sortir
plus forts.
M. Lemieux : Venons-en aux crédits
d'impôt, puisque ça semble être la solution universelle, en tout cas de la part
de tous les témoins, puis c'est vrai pour la plupart de ce que j'ai lu. D'abord,
est-ce que vous incluez tous les médias ou vous coupez à l'écrit, vous autres?
M. Perron (Louis-Samuel) :
Nous, on se penche davantage sur la presse écrite, mais un programme universel
qui serait juste pour tous les médias écrits.
M. Lemieux : Et pas les
médias, les médias écrits?
M. Perron (Louis-Samuel) :
Oui, pour les médias écrits, mais on est ouverts à d'autres formes d'aide pour
les autres médias, bien évidemment, parce qu'on est pour la...
M. Lemieux : O.K. Bon. On
s'entend que le contenu journalistique, on pourrait passer une soirée complète là-dessus
puis on serait encore à l'article 1, en quelque part. Bien, il y a d'ailleurs
des commissions qui se sont cassé le nez, en tout cas ça n'a pas bien abouti, justement
sur ces concepts-là d'où commence et où finit la partie journalistique du
contenu. Comment vous allez régler ça ou comment vous voulez qu'on règle ça?
M. Perron (Louis-Samuel) : Je
pense qu'avec la création d'un comité indépendant... serait très en mesure,
comme au fédéral, d'établir des critères simples de création de contenu
journalistique, savoir qui est journaliste, avec des médias avec... qui
respectent des codes de déontologie, en particulier création de contenus
originaux faits avec des règles de déontologie.
M. Lemieux : Ce à quoi je
pensais plus précisément, ce n'est pas tellement qui est journaliste, qui ne
l'est pas, là — je veux dire, on peut s'entendre assez vite sur les
postes éditoriaux, n'importe quelle salle de rédaction, même à la télé, là — mais
c'est par rapport à la production du contenu. C'est du contenu... Je ne veux
pas... Je n'en ai pas contre les chroniqueurs automobiles, mais hier
j'assistais à une exposition de vieilles voitures, là. Je vais reprendre cet
exemple-là. Est-ce qu'on est dans l'information journalistique que, moi,
j'appellerais civique et d'intérêt public? On va couper les lignes où au juste?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Bien, pour nous, 100 % du contenu qui est dans LaPresse
est du contenu journalistique, il est produit par des journalistes
professionnels. Je vais laisser Violaine...
Mme Ballivy (Violaine) :
Alors, moi, je suis journaliste à ce qu'on appelle... au «soft», donc aux
cahiers hebdomadaires, les voyages, l'alimentation. Mon travail, je le fais
avec la même rigueur que tout journaliste, qu'il couvre la politique, qu'il
couvre les affaires judiciaires, les faits divers, peu importe, donc il y a une
façon de bien traiter les journaux, avec une grande éthique. Donc, oui, c'est
des sujets qui intéressent la population, et la population a droit et a besoin
aussi d'avoir des informations de qualité. Donc...
M. Lemieux : Tout à fait, tout
à fait, et on le voit dans les clics aussi, c'est souvent plus populaire que
bien d'autres choses. Mais, par rapport au droit du public à l'information...
Le Président (M. Ciccone) :
15 secondes, M. le député.
Mme Ballivy (Violaine) : Oui,
le public a le droit à une information de qualité qui est faite par des
journalistes professionnels qui ont une éthique, qui n'acceptent pas de
cadeaux, qui respectent les codes. Peu importe le sujet, je pense qu'on a
besoin d'un journaliste de qualité.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je suis prêt maintenant à reconnaître un membre de l'opposition
officielle. Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Merci,
M. le Président. Alors, bonjour, bienvenue. Vous savez, je me rappelle qu'il y
a eu une commission un peu dans ce genre-là pour mettre sur pied un OBNL, et aujourd'hui,
bien, vous êtes encore là, vous nous en parlez encore avec beaucoup de fierté,
je vais le dire comme ça, parce que je pense que tout le monde y croyait à
l'interne. Bien sûr que les patrons, là, on les verra cette semaine. Mais, du
côté syndical, du côté des employés, je pense que c'était nécessaire qu'on
puisse faire un virage.
Moi, je veux vous amener sur l'indépendance
des médias. Vous en parliez tout à l'heure, de cette importance-là de démontrer
l'indépendance des médias. Parce que depuis plusieurs semaines je me penche sur
le dossier, et je pensais que, nous, les politiciens, on était insultés sur les
réseaux sociaux. Je vois qu'on n'est pas les seuls, parce que les gens se
posent beaucoup de questions. Et vous faites un passage rapide, mais quand même
il est là, là, pour parler de la Norvège, pour parler de la France, justement,
où il y a un soutien gouvernemental qui est fait.
• (16 h 50) •
Comment est-ce que vous croyez qu'il est
possible qu'on puisse expliquer rapidement, facilement...
Mme Melançon : ...et vous
faites un passage rapide, mais quand même il est là, là, pour parler de la
Norvège, pour parler de la France justement, où il y a un soutien gouvernemental
qui est fait.
Comment est-ce que vous croyez qu'il est
possible que l'on puisse expliquer rapidement, facilement — parce
qu'on est dans de la sensibilisation, hein, auprès de la
population — que cette indépendance-là va être là malgré le fait
qu'il y ait des sommes d'un gouvernement?
M. Perron (Louis-Samuel) :
Très bonne question. Je pense que les élus comme les médias ont leur rôle à
jouer dans ce travail-là de sensibilisation, voire d'éducation. Je pense que,
comme médias, on doit marteler qu'on est indépendants, parce que c'est remis en
question parfois par certaines critiques. Et les élus, je pense aussi, doivent
marteler ce message-là assez primordial.
Mme Melançon : Donc, vous
donnez l'exemple pour ceux et celles qui nous écoutent actuellement et qui
n'ont pas nécessairement pris le temps de lire, mais vous donnez l'exemple de
la Norvège et, pour moi, la Norvège est un exemple qui peut, en tout cas, assez
facilement ressembler à l'exemple du Québec, où ils sont 5 millions
d'habitants, où on donne de l'aide. Est-ce que vous pouvez peut-être dire...
parce que je ne veux pas que ça vienne de moi, mais est-ce que vous quand même
donner le fait que... ça fait plusieurs années quand même qu'il y a de l'aide
gouvernementale dans différents pays, en Europe principalement?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Oui, puis je pense que juste ici, au Canada, les gens connaissent Radio-Canada,
ils ne se lèvent pas le matin en disant que Radio-Canada est télécommandée par
le gouvernement. Les gens ne se lèvent pas le matin en se disant que la BBC est
télécommandée par le gouvernement. On connaît peut-être un peu moins les
journaux norvégiens, mais pour moi, avoir couvert des crises internationales
avec eux, de voir les moyens dont ils disposaient justement, même si c'est un
petit pays, pour faire du reportage de qualité, je pense que la plupart des
Québécois auraient vu leur travail et auraient fait : Oui, ça aussi, on
veut ça chez nous. Mais on l'a déjà, mais il faut le garder.
Donc, je pense qu'en effet ce qu'on voit
dans ce qui s'est fait ailleurs dans le monde, il n'y a rien eu d'inquiétant
qui nous est... Par contre, ce qu'on a vu, c'est les endroits où les
gouvernements se sont complètement désintéressés des médias, où le financement
des médias s'est effondré, comme la Russie, où en fait du jour au lendemain des
médias qui étaient... donc les médias étatiques sont devenus à la solde, qui
étaient prêts à payer pour avoir un article dans le journal, et on est passé...
donc on se rend compte qu'aujourd'hui la Russie n'est pas une grande
démocratie, comme plusieurs l'avaient souhaité, après la chute de l'URSS. Donc,
on voit aussi ce que ça donne quand il n'y a pas d'investissement ou quand il
manque d'argent dans les médias, ça a un impact immédiat sur l'éthique et sur
comment... sur l'indépendance du travail.
Mme Melançon : Vous parlez de
sensibilisation. Moi, j'ai voulu, bien sûr, joindre le mouvement qui a été
lancé par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec pour sauver,
hein, l'information locale. D'ailleurs, j'invite tous les collègues qui ne
l'ont pas fait à le faire, parce qu'il faut le dire haut et fort qu'on doit
sauver l'information locale et régionale, alors j'invite l'ensemble des collègues
qui sont aujourd'hui avec nous et ceux qui nous écoutent. J'espère que tout le
monde écoute attentivement nos propos aujourd'hui.
D'ailleurs, depuis plusieurs mois, je
tente de faire des propositions, je veux être constructive, parce qu'il est urgent
d'agir, là. On n'a pas appris que le Groupe Capitales Médias n'allait pas bien
en juillet dernier, là, ça fait plusieurs mois qu'on est au courant de ça,
c'est une crise qui était annoncée. Et moi aussi, j'ai une pensée pour les
350 employés donc de ce groupe-là, mais qui sont en partout en région. Et
pour moi, ce n'était pas une question de garrocher de l'argent que de les aider
financièrement à... en tout cas à finir l'année, parce que si on en ferme un
seul, on ne sera pas capable de redémarrer les presses, et ça, ce serait un
drame.
Cela étant dit, on a une motion qui a été
votée à l'Assemblée nationale concernant l'exemplarité de l'État dans la
publicité gouvernementale. Vous, comme syndicat, est-ce que vous avez tenté de
trouver il était où, le juste équilibre? Parce que bien sûr qu'on ne peut pas
complètement ignorer les réseaux sociaux, là. Mais est-ce que vous avez mesuré
quand même... parce que je pose la question à tout le monde, puis tout le monde
me dit : Non, pas vraiment. Moi, je veux quand même essayer de me faire
une tête avec des chiffres que vous pourriez avoir à l'interne.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Mesurer l'impact de?
Mme Melançon : Bien, de savoir
à quel pourcentage : Est-ce qu'on fait du 80 % de publicité
gouvernementale directement dans les médias traditionnels? Parce que là on a
vu, là, c'est complètement... on a retourné la machine complètement de côté.
Moi, je veux savoir : Est-ce que vous savez à quel moment, là, il y a un
point de rupture peut-être? Je pense que le point de rupture, il est fatal
actuellement. Mais si on le revoit, là, est-ce que vous avez une idée du
pourcentage?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
On ne s'est pas posé la question et, pour être franche, pour une salle de
rédaction de journalistes, vous savez qu'il y a comme un mur de Chine entre
nous et la publicité. Donc, on va laisser nos patrons répondre à ça.
Mme Melançon : Parfait.
Extraordinaire. Peut-être que je pourrais...
Mme Melançon : ...je pense
que le point de rupture, il est fatal actuellement. Mais si on le revoit, là, est-ce
que vous avez une idée du pourcentage?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
On ne s'est pas posé la question pour être franche pour une salle de rédaction
de journalistes. Vous savez qu'il y a comme un mur de Chine entre nous et la
publicité. Donc, on va laisser nos patrons répondre à ça.
Mme Melançon : Parfait.
Extraordinaire. Peut-être que je pourrai demander, M. le Président...
Le Président (M. Ciccone) :
Merci, Mme la Présidente, pardon, Mme la députée. Je reconnais maintenant la
députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci
beaucoup. Bien, d'ailleurs, à cet effet, Maxime Bergeron, alors qu'il était
journaliste, avait fait l'exercice de voir comment que le gouvernement fédéral
avait commencé à investir davantage sur Facebook au détriment de toutes les
autres presses et radios locales.
Et tantôt, j'écoutais M. Perron puis
ça me rappelait justement quand on était avec Mme St-Onge à la salle de
UQAM avec tout plein de journalistes pour discuter de cette question. Et moi,
c'est le sentiment que j'ai eu que j'ai partagé à l'époque. J'ai l'impression
qu'on est gêné du côté de la presse écrite de dire que le gouvernement doit
financer. Alors que dans les quatre piliers, l'exécutif, le législatif et le
judiciaire est financé, il n'y a personne qui aujourd'hui pense que le
judiciaire, nos juges sont indépendants de nous. Pourquoi que le quatrième
pilier qui est un vecteur de démocratie, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est
la Cour suprême qui parle de : La liberté de presse est depuis toujours
incarnée à liberté d'expression. La presse est le principal vecteur
d'information auprès du public en permettant ainsi de participer aux divers
débats sociaux de façon informée. L'accès à de l'information vérifiée
est essentielle à la participation du public aux enjeux sociaux significatifs
et d'émettre des opinions, des critiques éclairées. Cependant, il est difficile
de prétendre s'exprimer librement de manière pertinente sur des questions
d'intérêt public ou politique sans avoir accès à de l'information.
Ça, ça ne vient pas de moi. Ça vient quand
même du plus haut tribunal du pays. Or, je suis zéro gênée aujourd'hui de dire
qu'effectivement, les gouvernements doivent financer effectivement la presse
écrite. Et j'espère que vous aussi vous ne serez jamais gêné. Et je comprends
quand vous dites : L'indépendance.
Sincèrement, moi, je ne me lève pas le
matin en pensant sincèrement que j'ai des gens qui vont m'appeler pour savoir
comment que je vais aujourd'hui, là. Ils font leur travail puis quand je rentre
ici, je peux vous assurer qu'ils font tout un travail, la meute journalistique.
Je le sens très bien depuis que je suis élue. Et quand on pense à Radio-Canada,
il n'y a personne qui doute de ça.
Tantôt, on a parlé de chiffres puis j'ai
fait ce tableau-là. J'aimerais vous le présenter. Ici, c'est clairement Facebook.
Il y a d'autres, hein? Je pourrais parler d'Alphabet qui est détenu par Google.
Mais quand on regarde à l'international, les revenus mondiaux, c'est
71 milliards. Quand on arrive, là, si jamais, nous, là, on allait de
l'avant une taxe GAFA de 3 % seulement pour Facebook, c'est quand même
20 millions de dollars qui pourraient être injectés dans un fonds
qui pourrait venir aider.
Pensez-vous que justement le Québec, étant
donné qu'on a notre propre loi de l'impôt du Québec et notre propre agence de
recouvrement qui s'appelle Revenu Québec, pensez-vous qu'on devrait y aller de
l'avant en marge de tous nos travaux parce que c'est bien beau entendre dans
cette commission, mais peut-être que ça nous prendrait un projet de loi assez
actif pour commencer à financer le fonds?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
On a entendu la réponse de la Fédération nationale des communications juste
avant et on trouvait que ce n'était pas mal approprié, c'est-à-dire...
Une voix
: C'est du
long terme.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Oui, c'est du long terme. Il faut s'en aller vers ça, en effet, il faut que le
G20 travaille là-dessus. Le G7, on le voit que c'est déjà en plus à l'agenda.
On voit que les gouvernements doivent travailler là-dessus. Mais, entretemps,
ça va prendre de l'aide avant tout ça.
Mme Rizqy : Évidemment,
on comprend que ça va prendre de l'aide. Mais, à un moment donné, il faut aussi
qu'on le finance. Et d'autre part, nous, les députés, on gère nos propres
budgets de fonctionnement. Évidemment, le gouvernement, les partis
politiques... Nous, quand on rentre, on nous explique un peu qu'on est comme,
au fond, une mini PME avec notre propre budget de fonctionnement.
Chaque député n'a-t-il pas la
responsabilité de s'assurer que l'argent investi en matière de publicité...
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant, Mme la...
Mme Rizqy : ...ne va pas
dans un paradis fiscal. Puis d'abord, de faire des financements auprès de ces
médias locaux avant de faire des financements sur Facebook qui ne paye pas
d'impôt.
M. Ciccone :
Rapidement, s'il vous plaît.
Des voix
: Non. Quelle
est la question?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
...
Mme Rizqy : Bien, je vais
vous rephraser ma question. Pensez-vous qu'un député qui gère son propre budget
devrait d'abord financer, faire des publicités locales avant de faire des
publicités sur Facebook sponsorisées, alors qu'ils ne payent même pas d'impôt?
Qui ne financent absolument rien à notre démocratie?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Tous les syndicats de journalisme étaient contents quand il y a eu une motion
pour proposer que la publicité gouvernementale...
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
...soit dans les médias, absolument.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci. Je reconnais maintenant la députée de Taschereau pour un temps de 2 min
30 s.
Mme Dorion : Merci.
Bonjour, bonjour à vous. On est à la recherche de nouveaux modèles qui
pourraient soutenir les médias à long terme dans l'avenir.
Vous en essayez un. Vous êtes un peu le
fer-de-lance là-dedans. Vous vous êtes transformés en OBNL. Je comprends que
c'était en partie pour recevoir des subventions pour vous permettre de
survivre. Mais est-ce que vous avez remarqué, vécu, expérimenté d'autres
avantages que celui d'avoir la subvention qui était reliée au statut d'OBNL?
• (17 heures) •
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Un autre avantage, c'est que tout l'argent qui va venir à LaPresse
va dans la mission de LaPresse. Je pense que ça, on en est
tous très fiers, là. Puis dès que c'est une organisation sans but lucratif qui
a une vocation sociale, tout ça, pour nous, ça veut dire quelque chose aussi comme
journaliste dans notre travail au jour le jour. Et on connaît des modèles...
17 h (version non révisée)
Mme Perreault (Laura-Julie) :
...tout l'argent qui va venir à LaPresse va dans la mission
de LaPresse. Je pense que ça, on en est tous très fiers,
là, l'idée que c'est une organisation sans but lucratif qui a une vocation
sociale. Tout ça, pour nous, ça veut dire quelque chose aussi comme
journalistes dans notre travail au jour le jour. Et on connaît des modèles
comme celui d'E-Guardian, qu'on a regardé de très, très proche à LaPresse,
et qui justement a lui aussi fait le pari de garder son information gratuite et
de demander à ses lecteurs de contribuer, et, l'an dernier, pour la première
fois de leur histoire, ils ont fait de l'argent. Donc, on le sait que c'est,
donc, on modèle... ce n'est pas le modèle qui va être pour tout le monde, mais,
nous, c'est un modèle qui nous intéresse. Quand nos patrons ont décidé de faire
ce changement-là, on était... le syndicat était derrière eux. Je vais
laisser...
Mme Ballivy (Violaine) :
Oui. En fait, je dirais, il faut comprendre qu'à LaPresse il
y a un mélange d'inquiétude, évidemment, vu la situation des médias, mais aussi
d'excitation ou de motivation. On voit que nos patrons derrière essaient des
choses. On est motivés. On essaie de s'en sortir. Puis effectivement la transformation
en OBNL fait en sorte que, bien, si ça marche, l'argent qu'on va avoir va être
réinvesti dans la salle de rédaction pour continuer à produire du contenu d'information.
Donc, c'est un peu entre les deux sentiments qu'on navigue en ce moment dans LaPresse.
Mme Dorion : Et est-ce
que vous avez expérimenté une pression moins grande depuis la transformation
face à ce que votre syndicat a appelé la dictature du clic, que j'aime bien
l'expression... quand on dit non à la dictature du clic, c'est quelque chose
qui n'est pas une intrusion du privé dans votre travail, mais qui est une
pression latente... Avez-vous senti un changement?
Le Président (M. Ciccone) :
En 15 secondes, s'il vous plaît.
Mme Dorion : En
20 secondes.
Le Président (M. Ciccone) :
En 15 secondes.
Une voix
: ... en...
secondes...
M. Perron (Louis-Samuel) :
... il n'y a jamais eu une telle dictature du clic, donc ce n'est pas une préoccupation
qu'on avait auparavant, je dois dire.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski, pour un temps de
2 min 30 s.
M. LeBel : O.K. Deux volets...
Bien, bonjour. Je m'adresse au syndicat de LaPresse, c'est
important de le dire. Moi, je pense qu'il faut aller chercher de l'argent dans
les Google et compagnie avant d'aller chercher de l'argent dans les poches des
contribuables. Mais, s'il faut le faire, par des crédits d'impôt à masse
salariale ou autrement, je suis très ouvert à ça. Je pense qu'il y en a plusieurs
qui le proposent, qu'il faudra le faire, puis je ne pense pas que ça vienne
nuire à l'indépendance des médias.
D'ailleurs, j'aurais peut-être une petite question.
Est-ce que vous pensez que LaPresse va appuyer un parti politique
aux prochaines élections fédérales?
Une voix
: Je te laisse
répondre.
Mme Ballivy (Violaine) :
Ce n'est pas les journalistes, de toute façon, qui vont le faire. Il y a une
ligne éditoriale qui concerne quatre éditorialistes. Mais nous, on est les syndicats
des travailleurs de l'information, qui faisons un travail objectif.
M. LeBel : O.K. Mais ils vont
appuyer un parti politique. Mais, bon, c'est l'indépendance des médias.
C'est juste que... ma question, par
exemple, si... un bout de...
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Mais, si je peux permettre, vous avez quand même vu que, depuis que l'OBNL...
en fait, il y a eu une campagne et le journal a décidé quand même de changer sa
manière de faire et d'appréhender la campagne, donc il y a eu quand même...
pour les pages éditoriales. Pour ce qui est... C'est ça, comme disait Violaine,
pour ce qui est du reste, la ligne éditoriale ne touche que les pages débat,
dont nous, on représente certains des membres.
M. LeBel : Mais c'est pour ça
qu'au début j'ai dit : Je parle au syndicat, là, c'était important. Ça
faisait partie de...
Mais... quelque chose que... puis je n'ai
plus beaucoup de temps, mais vous avez parlé des nouvelles internationales. Ça,
vraiment, ça vient me chercher. Vous dites qu'il y a 1 % à 4 % de
l'espace-temps médiatique pour l'international. Ça n'a pas de sens. Avec tout
ce qui se passe sur la planète, la crise climatique, que les Québécois ne seraient
pas informés de ce qui se passe sur la planète, ça n'a comme pas d'allure. Vous
parliez qu'il y avait un fonds qui est comme sous-financé. J'aimerais ça...
C'est-u une des solutions de refinancer ce fonds-là?
Mme Perreault (Laura-Julie) :
Bien oui. Mais ce n'est pas sous-financé, dans le fond. On l'a mis sur pied
puis on a quand même réussi à aller chercher 250 000 $ de fonds pour
financer des reportages à l'international pendant trois ans. Il n'y a jamais
eu, pour tous les médias du Québec, là, un fonds comme celui-là avant. Il y a
aussi celui du Devoir qui a été mis sur pied, mais qui ne concerne que Le Devoir.
Mais l'autre fonds concerne tous les journalistes du Québec, sauf ceux qui
l'ont fondé, donc moi et mes deux collègues. Mais donc l'idée c'est vraiment,
on s'est dit : Il manque de fonds en ce moment, les médias ont à faire le
choix entre garder des journalistes ou financer parfois des reportages. Nous,
notre journal continue de le faire, puis on est contents de ça, mais il y a
plusieurs journaux...
Le Président (M. Ciccone) :
S'il vous plaît, en terminant.
Mme Perreault (Laura-Julie) :
...mais il y a plusieurs journaux pour lesquels c'est difficile de le faire.
Donc, le fonds vient permettre aux journalistes de présenter des projets de
reportage, et on est allés chercher les fonds auprès de compagnies,
d'organismes parapublics et d'organismes syndicaux, là où... mais on a eu zéro
fonds gouvernementaux, même si on a essayé de le faire. Mais c'est vraiment un
projet indépendant, là, qui est complètement à l'extérieur de LaPresse.
M. LeBel : Je vais vous
appuyer.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour deux
minutes.
Mme Fournier : Merci
beaucoup pour votre présentation. Mme Ballivy, j'aurais voulu vous entendre sur
la question, justement, de la députée de Taschereau parce que j'avais
exactement la même question, compte tenu de la fameuse guerre aux clics et de
la pression que vous pouvez ressentir comme journalistes, puis peut-être dans
le contexte, justement, où LaPresse a changé de modèle
d'affaires, avec un OBNL...
Mme Fournier
: ...pour
votre présentation. Mme Ballivy, j'aurais voulu vous entendre sur la question justement
de la députée de Taschereau, parce que j'avais exactement la même question.
Compte tenu de la fameuse guerre aux clics
et de la pression que vous pouvez ressentir comme journaliste, puis peut-être
dans le contexte justement où la presse a changé de modèle d'affaires, avec un
OBNL, donc une logique qui ne devrait pas être la logique mercantile comme on
peut retrouver dans d'autres médias d'information, donc je voyais que vous
vouliez répondre. Et c'est pour ça que j'aimerais vous entendre.
Mme Ballivy (Violaine) : Bien,
en fait, la députée demandait aussi si je trouvais que la pression avait changé
depuis la création de l'OBNL.
Mme Fournier
: Oui. Exact.
Mme Ballivy (Violaine) : Je
dirais non, parce qu'on sait que notre situation est quand même assez précaire
encore. On a beaucoup de contenu à produire. La dictature du... et du clic, on
ne la sent pas tellement. Ce qu'on veut, c'est produire du contenu qui va
intéresser notre lecteur puis qui va être fidèle à notre code d'éthique. Donc,
moins de pression, non, parce qu'on a beaucoup de choses à couvrir. Même si on
est nombreux, on n'est pas si nombreux que ça pour produire le journal de
qualité qu'on veut produire. Donc, voilà, en fait.
Mme Fournier
: O.K.
Donc, vous ne sentez pas cette pression-là quant à la nature du contenu que
vous devez produire?
Mme Ballivy (Violaine) : Non.
On sent une pression à produire un contenu qui va plaire à notre lecteur, mais
on veut des nouvelles qui sont dignes d'être publiées puis intéressantes. On ne
veut pas faire du sensationnalisme pour faire du sensationnalisme.
Une voix
: Et du
contenu original aussi.
Mme Ballivy (Violaine) : Et du
contenu original aussi, là.
Mme Fournier
: O.K.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à ces travaux
de la commission.
Je vais suspendre quelques minutes afin de
permettre aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 9)
Le Président (M. Ciccone) : S'il
vous plaît, veuillez prendre place! Merci beaucoup. Avant d'accueillir le
prochain groupe, je crois comprendre que nous avons le consentement pour
dépasser de cinq, 10 minutes.
Des voix
: ...
Le Président (M. Ciccone) :
Oui? Merci beaucoup. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de
la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter ainsi que les personnes qui nous accompagnent et à procéder à votre
exposé. La parole est à vous.
• (17 h 10) •
M. Boyer (Daniel) :
Merci. Alors, Daniel Boyer, je suis le président de la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, qui représente 600 000
membres, dont plusieurs travaillent dans le domaine de l'information et de la
culture. Et je suis accompagné de Denis Bolduc, président du SCFP-Québec et
vice-président de la FTQ; et également de Nathalie Blais, du SCFP-Québec. Le
SCFP représente 7 300 travailleuses, travailleurs dans le secteur de la
presse écrite, des médias électroniques et des...
M. Boyer (Daniel) :
...600 000 membres, dont plusieurs travaillent dans le domaine de
l'information et de la culture, et je suis accompagné de Denis Bolduc,
président du SCFP-Québec et vice-président de la FTQ, et également de Nathalie
Blais, du SCFP-Québec. Le SCFP représente 7 300 travailleuses,
travailleurs dans le secteur de la presse écrite, des médias électroniques et
des télécommunications.
À ma droite, Renaud Gagné, directeur québécois
d'Unifor et également vice-président de la FTQ, avec Alain Goupil, également
d'Unifor. Unifor représente 7 000 travailleurs, travailleuses du secteur
des communications au Canada, dont, bien sûr, les travailleuses et les
travailleurs de La Tribune, du Quotidien, du Progrès-Dimanche
et de La Voix de l'Est, et de Pierrick Choinière, directeur du
SEPB-Québec, qui représente, entre autres, les travailleurs, les travailleuses
de La Presse, et également vice-président de la FTQ.
D'abord, j'aimerais remercier la Commission
de la culture et de l'éducation de nous accueillir afin que nous puissions
présenter notre point de vue sur l'avenir des médias d'information. Nous le
savons tous, les médias, la presse écrite en particulier, sont en crise, une crise
qui dure depuis plusieurs années. Ce qui se passe actuellement avec Groupe
Capitales Médias est un exemple, et ce n'est que la pointe de l'iceberg. Il
faut malheureusement craindre d'autres situations du genre si nous restons les
bras croisés.
Jusqu'à présent, il faut se dire
franchement, les propriétaires de ces médias ont utilisé presque uniquement une
logique comptable pour tenter de sortir de cette crise. Résultat :
rationalisation, mise à pied de travailleuses et travailleurs, réduction des
conditions de travail et salariales, fermetures en région. Pourtant, les
travailleuses et travailleurs et les organisations syndicales méritent d'être
mis à contribution afin de trouver de véritables pistes de sortie de crise, et
c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, bien évidemment.
Résultat de la course, on se retrouve face
à un mur. Cela dit, nous devons nous mettre en mode solution. Notre société ne
peut se permettre le luxe de laisser cette industrie se désagréger morceau par
morceau aux dépens de la qualité de l'information, et c'est justement ce qui
risque de se produire si on ne fait rien, particulièrement en ce qui a trait à
la presse écrite. Nous sommes à un point tournant. Ce qu'il faut craindre
maintenant, c'est l'accessibilité à de l'information de qualité, et de graves
répercussions sur notre démocratie, et le maintien et la création d'emplois.
Presque chaque semaine, on nous annonce
des fermetures de journaux, des réductions de services ou des coupures de
postes dans nos médias. Au cours des 10 dernières années, le nombre de
quotidiens et le nombre de travailleurs et travailleuses de cette industrie ont
chuté de façon draconienne. Les revenus publicitaires ont suivi à peu près la
même courbe. Une des causes de tout cela, on le sait : la révolution
numérique et les géants du Web. On parle ici des Google, Amazon, Facebook et
Apple de ce monde, ce qu'on appelle les GAFA. Ces géants du Web captent plus de
80 % des revenus de la publicité sur l'Internet, des revenus qui ne sont
plus disponibles pour les médias du Québec, mais encore, sur le plan fédéral,
ils ne paient, dans certains cas, aucun impôt, ne perçoivent pas la taxe sur
les produits et services et ne sont pas tenus de contribuer à la création de
contenu canadien.
Ici, la FTQ salue l'initiative du
gouvernement du Québec d'obliger les plateformes numériques étrangères à
percevoir et à verser la taxe de vente du Québec sur les services offerts sur
le territoire, et ce, pour des raisons d'équité envers les entreprises
québécoises. Faire des affaires au Canada, au Québec, cela implique de
respecter les règles et de payer les impôts et ses taxes, point à la ligne.
Mais cela n'est pas suffisant. Pour
ajouter l'insulte à l'injure, ces mêmes géants, qui ne produisent aucun contenu
journalistique, vampirisent les médias traditionnels, empochent les revenus
publicitaires et ne paient aucune redevance pour la production de ce même
contenu, et, en plus, ils ne sont pas tenus de contribuer à la création de
contenu canadien. À sa face même, cela est un... injuste et doit faire l'objet
d'une intervention rapide du législateur. Il faut... Ici, il faut applaudir la
décision de la France, qui n'a pas eu peur d'imposer une taxe de 3 %, non
pas sur les bénéfices mais bien sur le chiffre d'affaires des GAFA.
Revenons à la publicité dans les médias.
Vous venez d'en parler, à ce chapitre, les gouvernements doivent endosser une
partie du blâme. Les budgets publicitaires des gouvernements du Québec et du
Canada sur le Web ont explosé sur une période d'un an. Ces fonds publics sont
investis principalement chez Facebook, Google, Amazon ou Twitter, toutes des
entreprises américaines et qui, de surcroît, rappelons-le, ne paient pas
d'impôt au Québec.
Ces dépenses publicitaires des deux
paliers de gouvernement pourraient offrir une marge de manoeuvre enviable aux
médias, le temps qu'ils transitent vers un nouveau modèle d'affaires, donc une
première solution. Ainsi, il en coûte moins cher aux gouvernements d'acheter
des publicités sur les plateformes américaines qu'auprès des médias nationaux
qui, eux, doivent percevoir les deux taxes de vente.
C'est le principe inversé de la saucisse
Hygrade : Plus les gouvernements investissent de l'argent publicitaire
dans le Web étranger, plus ils nuisent à l'industrie médiatique canadienne et
québécoise en contribuant aux pertes d'emploi, tout en enrichissant les
multinationales américaines, dont les revenus ne font l'objet d'aucun impôt,
rappelons-le. C'est désolant.
Nos gouvernements fédéral, et provincial,
et aussi municipal doivent amorcer une sérieuse réflexion sur les enjeux de ces
achats publicitaires, de façon à trouver un équilibre juste pour tous les
joueurs de cette industrie. Ici, il faut tout de même souligner le geste...
M. Boyer (Daniel) :
...dont les revenus ne font l'objet d'aucun impôt, rappelons-le, c'est désolant.
Nos gouvernements, fédéral, et provincial, et aussi municipal, doivent amorcer
une sérieuse réflexion sur les enjeux de ces achats publicitaires, de façon à
trouver un équilibre juste pour tous les joueurs de cette industrie. Ici, il
faut tout de même souligner le geste de l'Assemblée nationale, qui a adopté à
l'unanimité, le 2 mai dernier, une motion d'appui aux médias québécois, en
demandant de transférer les investissements publicitaires du gouvernement du
Web étranger vers les médias québécois. Cela dit, nous attendons toujours un
engagement formel, une directive claire et contraignante de la part du
gouvernement. Le gouvernement du Québec a le devoir de prêcher par l'exemple,
cela doit dépasser le stade des voeux pieux, le gouvernement doit prendre cet
engagement maintenant. Au fédéral, le gouvernement a accouché d'une idée
intéressante qui devrait être imitée par Québec, soit un crédit d'impôt sur la
masse salariale avec, entre autres conditions, l'exigence que chaque
travailleur consacre les trois quarts de son temps à la production de contenu
d'information. Autre piste de solution, les crédits d'impôt pour dons et
philanthropie accessibles à tous les médias québécois.
Mmes, MM. les députés, dans le peu de
temps qui nous est accordé, nous avons fait état de la situation, parlé
d'iniquité fiscale et exploré quelques pistes de solution. Vous en avez... il y
a sept recommandations dans notre mémoire pour venir en aide à nos médias, mais
il y a plus encore. En avril dernier, la FTQ a convié ses syndicats affiliés à
une journée de réflexion sur la crise des médias. Conclusion : le statu
quo est intenable. Et le statu quo est intenable, et il ne faut pas penser à
une seule et unique solution, il faut penser à plusieurs solutions mises en
place simultanément si on veut penser sauver nos médias. Ici, il y a un enjeu
pour rien de moins que la préservation de notre démocratie. Les décisions que
vous prendrez dans les prochaines semaines, les prochains mois, seront
déterminantes pour la survie des médias d'information et pour le maintien et le
développement d'emplois dans ce secteur. C'est une grande responsabilité que
vous avez entre vos mains, sachez en faire bon usage et prendre les bonnes
décisions.
Bien sûr, la plupart des lois et
règlements qui encadrent ce secteur sont de compétence fédérale. Ne cédez pas à
la tentation de pelleter tout cela dans la cour du voisin. Vous vous devez
d'agir et aussi de faire pression pour qu'Ottawa intervienne rapidement et
efficacement.
Et dans cette même veine, parlons de
l'information locale et régionale, qui est en grand danger. La fermeture ou la
réduction de personnel dans certains journaux, radios et antennes
télévisuelles, jumelées à la centralisation du traitement de l'information dans
les grands centres comme Montréal font que les gens ne se reconnaissent plus
dans l'information qui leur est présentée. C'est ce qu'on appelle la
montréalisation de l'information, et cela, au détriment de la nouvelle locale.
Une communauté se voit exister par ce qu'elle peut lire, entendre et voir dans
ses médias, journaux, radio et télévision.
Enfin, on ne peut conclure sans évoquer la
crise que traversent les quotidiens de Groupe Capitales Médias, qui couvrent
six régions du Québec en information, entre autres locale et régionale.Ici, le
gouvernement, qui est un des principaux... le principal créancier de
l'entreprise, devra porter une attention particulière aux enjeux d'un possible
démantèlement du groupe, de sa vente ou, encore pire, de la fermeture de
certains journaux. En tant qu'élus, vous devrez être attentifs aux offres de
sauvetage, particulièrement en ce qui a trait à l'enjeu de la concentration de
la presse. On me disait qu'il serait bien triste de voir un encart de 12 pages
dans La Tribune, dans le Journal de Montréal ou dans le Journal
de Québec. Je pense que ce n'est pas le genre de presse qu'on souhaite.
L'information, ne l'oublions pas, c'est aussi un bien culturel. L'accès à une
information diversifiée de qualité, c'est un gage de santé démocratique d'une
société. Il en va également de l'accessibilité à une formation de qualité et
fiable pour tous les citoyens et citoyennes. Je disais tantôt : Ce n'est
pas avec une seule solution qu'on y arrivera. Il y a deux éléments importants,
vous avez sept recommandations, il y a bien d'autres propositions aussi qu'on a
entendues qui nous semblent fort intéressantes. Il y en a une... il faut à tout
prix que le fédéral... il faut mettre la pression nécessaire sur le gouvernement
fédéral pour que le gouvernement fédéral oblige ces entreprises, ces géants du
Web américains à payer leurs impôts et à percevoir des taxes. Puis, deux, bien,
ce qu'on souhaite, bien évidemment, c'est un crédit d'impôt sur la masse
salariale, concernant la masse salariale de tous les employés des équipes
journalistiques. Je disais...
Le Président
(M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.
M. Boyer (Daniel) :
Oui, je disais, ce n'est même pas à la blague, mais quand on permet aux géants
du Web de ne pas percevoir la taxe, c'est comme si on acceptait du travail au
noir. Je vais te faire ça sur la «slide», paie-moi cash, puis je ne te fais pas
payer d'impôt. C'est inacceptable.
Le Président
(M. Ciccone) : Merci beaucoup. Merci pour votre exposé. Je
reconnais maintenant un membre de la partie gouvernementale, je reconnais le
député de Beauce-Sud.
• (17 h 20) •
M. Poulin : Merci, M. le
Président. Merci également pour votre mémoire et le travail que vous nous
présentez aujourd'hui. Je veux parler de télé, de radio et de journaux. Est-ce
que vous pouvez simplement nous dire, votre fédération syndicale représente des
gens, est-ce que c'est plus d'un...
Le Président (M. Ciccone) :
...je reconnais maintenant un membre de la partie gouvernementale. Je reconnais
le député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci, M. le
Président. Merci également pour votre mémoire et le travail que vous nous
présentez aujourd'hui. Je veux parler de télé, de radio et de journaux. Est-ce
que vous pouvez simplement nous dire, votre fédération syndicale représente des
gens, est-ce que c'est plus d'un secteur en particulier ou on se retrouve dans
différents secteurs des médias? J'imagine, dans différents secteurs?
M. Boyer (Daniel) :
Dans différents secteurs, oui, dans différents secteurs.
M. Poulin : Parfait, alors vous
pourrez nous indiquer davantage... Parce que, quand on parle d'aide aux médias,
ma collègue la députée de Verdun l'a bien souligné tout à l'heure qu'on parle
beaucoup de la presse écrite, mais il ne faut pas oublier la télé, il ne faut
pas oublier la radio, qui vivent également des crises, qui vivent des enjeux
extrêmement importants. On ne consomme plus la télé comme on la consommait à
une certaine époque. Avec l'arrivée des podcasts, le monde de la radio a
changé. Au niveau des conditions de travail, quelle est la plus grande
observation que vous faites entre celles et ceux qui travaillent à la télé, par
exemple, versus ceux qui travaillent dans les médias écrits?
M. Bolduc (Denis) :
Oui, bien, en fait, les médias... Bien, en fait, on est... la FTQ est présente,
on l'a dit tout à l'heure, là, dans les quotidiens qui sont du Groupe Capitales
Médias, également au Journal de Québec, d'où je viens, d'ailleurs. J'ai
commencé ma carrière de journaliste à CKCV, ici, la petite sœur de CKAC à
Montréal, mais pas longtemps après, en 1986, j'ai été embauché au Journal de
Québec, alors... Et on est à TVA, alors présents à TVA dans toutes les
régions, TVA Montréal, TVA Québec et toutes les régions du Québec. Évidemment,
c'est des milieux syndiqués, avec des conditions de travail intéressantes. On
parlait de moyenne des revenus des journalistes, en 2016, à 50 000 $
par année environ. Mais il y a un phénomène qui existe beaucoup, c'est
concernant les pigistes, les pigistes qui sont embauchés en «cheap labor», je
dirais ça comme ça, à l'unité, si on parle de photos, si on parle de textes...
longueur du texte, ou encore... alors, avec des tarifs qui sont vraiment
inférieurs par rapport à... le salaire qui est versé aux journalistes, aux
photographes, etc.
M. Poulin : Mais
remarquez-vous qu'à la télé les salaires sont probablement meilleurs, par
exemple, que dans la presse écrite?
Mme Blais (Nathalie) : Je
pense qu'on peut dire ça, de façon générale, si vous incluez, dans la presse
écrite, les hebdomadaires et tous les journaux qui ne sont pas des journaux
nationaux, définitivement. Même chose si vous incluez, pour la radio, des
stations de radio régionales. Pour vous donner un exemple, qui est probablement
encore vrai aujourd'hui, en 1996, je suis passée de LaPresse
canadienne, où je gagnais 22 $ de l'heure, à une station de radio
régionale à Saint-Hyacinthe, où je gagnais 12,50 $ de l'heure. Donc, c'est
à peu près ça, là, la différence entre un poste en ville, si on veut, puis un
poste en région.
M. Boyer (Daniel) :
Je pense qu'on peut constater le même phénomène, c'est-à-dire coupures
d'emplois dans le milieu journalistique, diminution des conditions de travail,
pas juste salariales, mais également des conditions d'exercice d'emploi. Que ce
soit dans les médias écrits, que ce soit radio, que ce soit télévision, je
pense qu'on peut constater une diminution des conditions de travail et une
réduction du personnel dans ces médias, dans l'ensemble des médias.
M. Poulin : Puis en terminant,
avant de céder la parole à mon collègue le député de Beauce-Nord, c'est que, si
on arrive avec une aide, effectivement, au niveau journalistique, au niveau des
médias, au niveau des salles de nouvelles, il faut faire un vrai état de la
situation, de la façon dont on se retrouve dans différents médias. Exemple,
dans une salle de nouvelles à la télé ou, comme vous venez de donner l'exemple,
dans une salle de nouvelles à Saint-Hyacinthe, dans une station de radio où on
gagne 12,50 $. Puis c'est encore le cas aujourd'hui quand on se parle en
2019, là. J'ai bien des amis qui ne font pas des gros salaires.
Alors, si on arrive avec une aide
spécifique, l'objectif, c'est de monter la condition de travail du journaliste.
C'est d'arriver avec de meilleures conditions, qui vont faire en sorte qu'on
puisse réellement rehausser la qualité de l'information, et rehausser tout ce
qu'on réussit à faire, et ce qu'on souhaite faire également. Quand on a des
stations de radio, par exemple, qui ont 15 animateurs, mais un seul
journaliste, il faut se dire : Est-ce qu'on supporte toute l'animation,
mais on ne supporte pas le volet de la salle des nouvelles et de l'information?
Même si je crois que, comme animateur radio, puis je l'ai été, on donne de
l'information et on fait de l'information, mais on ne la fait pas au même titre
qu'un journaliste le fait aussi.
Alors, il va être important, je pense, de
faire une bonne réflexion au Québec de la façon dont on se comporte
présentement dans nos salles de rédaction, puis quelles sont ces
professions-là. Et je pense que, comme syndicat, vous êtes bien placé pour
pouvoir nous le signifier.
M. Boyer (Daniel) :
Bien, écoutez, je fais du pouce un peu sur ce que vous dites parce que, vous
savez, à la FTQ, on n'a jamais été contre l'aide des gouvernements à
l'entreprise privée. On n'a jamais été contre, mais ce qu'on déplore, c'est
quand on aide l'entreprise privée, puis qu'on n'exige rien en retour. Donc,
effectivement, s'il y a une aide gouvernementale, une aide de certains
ministères, bien, il faut qu'il y ait des conditions associées à ça, et il faut
que les médias remplissent ces conditions-là. C'est bien sûr que, si on aide
des médias, que ce soit la radio, la télé, la presse écrite, et qu'on favorise
l'embauche de pigistes, puis de sous-traitants, je veux dire, on ne règle pas
le cas, là. Veux veux pas, on va amplifier le problème. Donc, il faut associer
ça à certaines conditions, effectivement.
Le Président (M. Ciccone) :
Je reconnais maintenant le député de Beauce-Nord. À vous la parole.
M.
Provençal : ...Président. Merci...
M. Boyer
(Daniel) : ...que ce soit la radio ou la télé, la presse
écrite, et qu'on favorise l'embauche de pigistes, puis de sous-traitants, je
veux dire, on ne règle ne règle pas le cas, là. Veux veux pas, on va amplifier
le problème. Donc, il faut associer ça à certaines conditions effectivement.
Le Président (M. Ciccone) :
Je reconnais maintenant le député de Beauce-Nord. À vous la parole.
M. Provençal :
...président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Et, dans l'ordre que
vous venez de mentionner, je pense que c'est vraiment ce qui consolide, que
vous voulez qu'il y ait vraiment une équité fiscale entre les géants du Web et
les entreprises canadiennes et québécoises. Alors ça, c'est très clair pour
moi.
Maintenant, vous conviendrez avec moi
qu'il y a eu quand même une mutation des habitudes au niveau de gens qui
consomment les différents médias. Et, selon vous, là, quel serait le modèle
d'affaires idéal à développer pour prendre en compte les nouvelles réalités de
consommation de l'information qui permettrait en même temps de consolider la
base des médias que nous avons, particulièrement en région? Parce que, quand je
lisais votre mémoire, vous avez quand même émis de grands principes en lien
avec l'aide gouvernementale, mais je sais que vous êtes quand même des gens
créatifs, et, dans votre esprit, il doit certainement y avoir des bases d'un
modèle, sans tenir compte au départ, là, de l'aide gouvernementale. Je suis sûr
que vous avez déjà des pistes de solution que vous pourriez peut-être nous émettre
ici en commission.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, moi, je peux vous dire qu'on est
ouverts et que je l'ai dit d'entrée de jeu. Tantôt, on a entendu d'autres
propositions, entre autres nos amis de la CSN qui favorisaient le modèle
coopératif. Mais il y a effectivement... si on ne s'en tient qu'au modèle
traditionnel des médias au moment où on se parle, on risque de perdre des gens.
Mais en même temps, puis on faisait un reproche, là, aux deux paliers de
gouvernement qui achètent de la publicité sur les géants du Web, on peut se
sentir coupable nous aussi parce qu'on le fait aussi, là, parce qu'on n'a comme
pas le choix de le faire. Mais en même temps, là, moi, je pense qu'il faut
développer d'autres synergies au niveau local et au niveau régional dans le but
justement de ment mettre les acteurs à contribution dans le but de rejoindre
tout le monde. Bon, on peut bien se parler, là, d'un journal, une presse
écrite, là, on ne rejoindra peut-être pas beaucoup de jeunes avec ça. Mais
comment on peut faire pour développer d'autres genres de médias? Bien,
peut-être, peut-être aussi les géants du Web. Mais, s'il y a une certaine
équité fiscale et que tout le monde paie sa juste part, on va au moins jouer
tous sur le même terrain, là.
M. Provençal :
Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant M. le député de
Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, M. le Président. M. Boyer, je suis d'accord avec vous,
M. Boyer, ça va prendre plusieurs solutions, et c'est ce que je veux
regarder avec vous, certaines solutions en particulier. Et je pense qu'il n'y
en a pas une qui va tout régler, là. Le «silver bullet» du cinéma, on ne l'a
pas, là, bon.
Mais, avant, je veux vous ramener sur la
montréalisation des ondes parce que vous ne pouvez pas savoir jusqu'à quel
point ça me fait du bien à mon oreille quand vous chantez cette chanson-là.
Vous avez écrit, dans votre mémoire : «Plusieurs observateurs et
observatrices ont fait ressortir les disparités en matière d'accès à une
information locale et régionale diversifiée entre les centres urbains et les
régions ainsi qu'au sein même des régions.» La montréalisation des ondes a fait
mal à tout le monde, là. Mais, même sans la montréalisation des ondes, on est
mal pris dans les régions.
M. Boyer
(Daniel) : Bien évidemment parce qu'il y a aussi une
centralisation de l'information en région. Parce qu'on peut bien se parler des
six médias de Groupe Capitales Médias, là, mais si Le Nouvelliste
publie juste des nouvelles de la grande ville de Trois-Rivières, là, on n'est
pas plus avancés démocratiquement, là. Donc, il faut que Le Nouvelliste
couvre l'ensemble de la Mauricie. Il faut que Le Quotidien couvre
l'ensemble du Saguenay—Lac-Saint-Jean et non pas juste la ville du Saguenay.
Bien, charte canadienne, la démocratisation de l'information, donc on se doit
de... là, je dis «montréalisation» parce qu'effectivement tout s'en vient
centralisé à Montréal. Mais on le constate aussi en région, c'est les grandes
villes qui monopolisent l'attention. Donc, il faut tenter de démocratiser
d'abord.
M. Lemieux : Maintenant
que vous m'avez fait plaisir là-dessus, expliquez-moi deux choses par rapport à
vos recommandations. Comme vous le dites : «C'est plusieurs solutions.
Elles sont toutes différentes les unes des autres. Mais on espère qu'imbriquées
ensemble ça va avoir l'effet voulu.»
Je vous amène à votre recommandation n° 3. Je veux juste que vous m'expliquiez la partie quand
vous parlez de «taxables». La FTQ et ses syndicats affiliés demandent que le
gouvernement du Québec réclame officiellement au gouvernement fédéral de
modifier la loi afin que les publicités dans les médias de propriété étrangère
soient taxables.» Là, on va... En tout cas, moi, je suis loin d'être
fiscaliste, là. Il y a l'impôt puis il y a les taxes, mais, tout à l'heure, on
nous avait parlé d'exemptions fiscales pour quelqu'un qui achète de la pub canadienne
qu'on ne devrait pas donner si on achète de la pub à l'extérieur. Est-ce que
charte canadienne que vous dites vous aussi? Même chose. Bon, on a des amis
pour vous qu'on a rencontrés tantôt, puis vous allez faire une bonne équipe. Je
voulais aussi vous parler...
M. Boyer
(Daniel) : Je vous l'ai dit qu'on avait des amis qui sont
passés tantôt.
• (17 h 30) •
M. Lemieux : Oui. Vous,
vous venez de rajouter quelque chose de nouveau dans le bouquet, là, une
nouvelle fleur dans le bouquet de... C'est les crédits d'impôt incitatifs pour
les abonnements. Puis vous avez élargi à la philanthropie puis les
dons — remarquez que c'est à la mode...
17 h 30 (version non révisée)
M. Lemieux : ...qu'on a
rencontré tantôt, vous allez faire une bonne équipe. Et je voulais aussi vous
parler...
M. Boyer
(Daniel) : Je vous l'ai dit, qu'on avait des amis qui sont
passés tantôt.
M. Lemieux : Oui. Vous,
vous venez de rajouter quelque chose de nouveau dans le bouquet, là, une
nouvelle fleur dans le bouquet de... C'est les crédits d'impôt incitatifs pour
les abonnements. Puis vous avez élargi à la philanthropie puis les dons — remarquez
que c'est à la mode en ce moment, là — mais les abonnements, ça
m'intéresse, ça. Pensez-vous vraiment qu'il y a du chemin à faire là-dessus?
M. Boyer
(Daniel) : Bien, pourquoi pas? Nous ce qu'on se dit... Quand on
dit qu'il faut essayer plusieurs solutions, on pense que celle-là, elle peut
être intéressante. On peut bien favoriser, on peut bien inciter les gens à
s'abonner. Je ne suis pas sûr que, s'il n'y a pas un retour en quelque part,
fiscal, que les gens vont quand même s'abonner. Donc, je pense qu'il faut y
trouver un certain intérêt au niveau fiscal dans le but de solliciter les gens
puis d'inciter les gens à s'abonner.
M. Lemieux : Élargissons
maintenant à la philanthropie...
M. Boyer
(Daniel) : C'est comme les crédits d'impôt pour les enfants. Ce
n'est jamais suffisant, le crédit d'impôt pour avoir un enfant, mais ça nous
incite quand même peut-être à en faire.
M. Lemieux : Et pour ce
qui est de la philanthropie, bon, évidemment, vous allez dire, on a volé le
modèle de l'OBNL, là. Bon. Mais s'il y avait des grandes compagnes pour aider
les quotidiens de Groupe Capitales Médias ou d'autres dans les régions et que
le... Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il faudrait que le
gouvernement aide ceux qui veulent aider, aide ceux qui veulent aider les
médias à les aider avec des incitatifs au-delà de l'abonnement?
M. Boyer
(Daniel) : Je ne sais pas. Peut-être. Probablement. Oui,
pourquoi pas?
M. Lemieux : Bien, je
veux dire, genre comme on fait avec la Croix-Rouge en cas se séisme, là.
Quelqu'un donne une piastre puis le gouvernement en donne une deuxième.
M. Boyer
(Daniel) : Oui. Pourquoi pas? Pourquoi pas?
M. Lemieux : O.K. Mon
camarade, mon collègue...
M. Ciccone :
Merci. Merci, M. le député. M. le député de Chauveau, vous êtes reconnu.
M. Lévesque (Chauveau) :
Merci beaucoup, M. le Président. M. Boyer et votre équipe, bonjour. On a
beaucoup parlé des seuils aujourd'hui, des seuils de crédits d'impôt. Il y a
des groupes qui ont proposé 35 %, d'autres 25 %. Avez-vous une
réflexion là-dessus? Parce que ça tourne beaucoup autour de cette
proposition-là aujourd'hui. Quelle serait la nature de l'aide qu'on devrait
fournir? Avez-vous une réflexion? Et, si oui, si vous avez un chiffre en tête,
est-ce que vous avez un rationnel qui soutient votre chiffre?
M. Boyer
(Daniel) : 35 % sur un maximum de 85 000 $, oui.
M. Lévesque (Chauveau) :
35 % sur la masse salariale, sur 85 000 $.
M. Boyer
(Daniel) : Oui. Oui.
M. Lévesque (Chauveau) :
Et est-ce qu'à l'intérieur de votre réflexion vous y voyez sur la masse
globale, la masse salariale globale ou vous ciblez des catégories d'emploi?
M. Boyer (Daniel) :
Tous les employés de l'équipe journalistique. Là, il faudrait se parler
davantage, là.
M. Lévesque (Chauveau) :
Oui, oui, mais c'est...
M. Boyer
(Daniel) : Parce que, bien évidemment, dans une presse écrite,
c'est peut-être plus simple, l'équipe journalistique. Quand on est rendu à
la — oui, là, je vois — mais à la... Si on parle de la télé
puis de la radio, là, on est dans une autre dimension. Il faudrait y réfléchir.
Mais nous, ce qu'on voit, c'est toute l'équipe journalistique.
M. Lévesque (Chauveau) :
Parce qu'à l'intérieur d'une équipe de presse écrite, par contre, il peut y
avoir justement des blogueurs. Ce ne sont des journalistes proprement dits,
mais ils font partie de la masse salariale. Il y a un montant qui est... Non?
Je vois un signe de tête.
Une voix
: Pas pour eux
autres.
M. Lévesque (Chauveau) :
Oui, mais j'aimerais... Il y a des gens qui...
M. Bolduc
(Denis) : En fait, on disait pour la... En fait, c'est pour la
production de matériel, de nouvelle, alors, un chroniqueur, un blogueur, et on
est plus dans l'opinion, on ne vient pas donner davantage de nouvelles.
D'autant plus qu'on dit que la nouvelle locale est importante. Et il faut
bonifier les nouvelles locales en région. Il faut que... On parle de... Si on
parle du Groupe Capitales Médias, on parle de six villes à l'extérieur de
Montréal et Québec. Bien, c'est important, si on les soutient, que, dans le
soutien, ils trouvent de l'oxygène pour apporter de la nouvelle locale pour
aller couvrir autre chose que le conseil municipal de Trois-Rivières, mais
aller dans la ville voisine, puis dans la deuxième, puis dans la troisième
ville voisine.
M. Lévesque (Chauveau) : Et
il est vrai qu'à l'intérieur des... que c'est de l'opinion, qu'effectivement il
y a eu un versement dans les dernières années de plus en plus vers l'opinion.
Mais je me permets ce commentaire, que, même à l'intérieur de certaines salles
de presse, à l'intérieur de groupes où il y a des journalistes, il y a des
journalistes que leur mandat a changé. Et leur mandat est maintenant très, très
orienté vers l'opinion également. Est-ce que, dans ce cas-là... Parce que, là,
c'est un débat, j'en conviens, mais ce n'est pas simple, là, d'être capable de
tracer la ligne, qu'est-ce que du journalisme, qu'est-ce que de l'opinion. Il y
a de plus en plus de journalistes qui donnent leur opinion. Je ne dis pas que
c'est mal, je ne dis pas que c'est bien, mais je dis que ça existe de plus en
plus. J'ai eu le rôle de chroniqueur, chroniqueur-blogueur, pendant quasiment
deux ans.
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chauveau) :
Et je peux vous en parler. Alors, je ne sais pas comment vous êtes capables de
dresser la ligne à l'intérieur de ça.
M. Boyer
(Daniel) : Jeudi dernier, on s'en est parlé.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup.
M. Boyer
(Daniel) : On a essayé de tracer une ligne.
Le Président (M. Ciccone) :
En 10 secondes.
M. Boyer
(Daniel) : On a essayé de tracer une ligne. C'était un peu
compliqué. On met Martineau, on met Lagacé où? On met qui où? Ce n'est pas
simple. Ce n'est pas simple, mais il faut y réfléchir.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci beaucoup...
M. Boyer (Daniel) :
...je ne sais pas comment vous êtes capables de dresser la ligne à l'intérieur
de ça. Jeudi dernier, je vous en ai parlé...
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup.
M. Boyer (Daniel) :
...on a essayé de tracer une ligne...
Le Président (M. Ciccone) :
En 10 secondes.
M. Boyer (Daniel) :
...on a essayé de tracer une ligne, c'est un peu compliqué. On met Martineau,
on met Lagacé, où? On met qui, où? Ce n'est pas simple, ce n'est pas simple,
mais il faut y réfléchir.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci beaucoup. Je reconnais maintenant un membre de l'opposition
officielle pour une durée de 10 minutes. Je reconnais la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci et bienvenue parmi nous. Je me permets de reprendre mon
chapeau d'avocate fiscaliste, si vous le permettez bien. Le budget, on le sait,
il va sortir en mars 2020, tantôt, vous avez mentionné que ça prend, oui, des
solutions de façon simultanée. Qu'on parle du crédit de 35 %, mais je
pense, c'est aussi important de parler de l'autre affaire, c'est de Facebook
qui, vraiment, en ce moment, draine tout ou pratiquement tous les revenus
publicitaires sans payer d'impôt. J'ai fait la lutte des paradis fiscaux avant
mon entrée en politique, je la fais toujours. D'ailleurs, je l'ai même fait
avec des gens de la FTQ.
Alors, tantôt, j'avais mon tableau, avec
une taxe GAFA de 3 %, juste pour Facebook, en 2018, on a récolté
20 millions de dollars. Je ne l'ai pas fait avec Alphabet qui appartient à
Google. Pensez-vous qu'aujourd'hui, là, une de vos demandes pour un budget de
2020, est-ce qu'on pourrait demander au gouvernement d'inscrire déjà, là, en
tête, qu'en 2020, au budget de 2020, on s'attend à ce qu'il y ait une taxe GAFA
à l'instar de la France?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, oui, on s'attend à ça, mais je vous dirais... puis, quand on parle de
plusieurs solutions, on comprend que, dans le temps, il y a des solutions qui
ne peuvent pas être instantanées et arriver du jour au lendemain, mais on
souhaite que d'autres solutions que celles-là arrivent avant le prochain
budget. On souhaite que, déjà... écoutez, l'aide à Groupe Capitales Médias,
elle est jusqu'en novembre, là. Donc, il faut, il faut être proactif, il faut
aller de l'avant le plus rapidement possible pour trouver d'autres solutions.
Et, bien sûr, qu'on souhaite que, dans le prochain budget, on impose davantage,
on impose, là, les Facebook, les Google de ce monde, là.
Mme Rizqy : Le gouvernement
précédent libéral est allé de l'avant avec ce qu'on appelle communément la taxe
Netflix, même si le gouvernement fédéral n'a pas voulu agir. Pensez-vous
qu'aujourd'hui, toujours dans l'optique qu'il y aura un budget qui va être
inscrit prochainement, dans les prochains mois quand même, est-ce qu'on devrait
occuper le champ de taxation fédéral laissé vacant, les 5 points de TPS que,
clairement, ni le fédéral libéral ni le fédéral conservateur veut, là, on va
s'entendre?
M. Boyer (Daniel) :
C'est vrai qu'ils ne veulent pas, mais il faut continuer à pousser sur ce
gouvernement-là pour qu'il aille de l'avant.
Mme Rizqy : ...j'ai poussé.
M. Boyer (Daniel) :
Est-ce que la solution, c'est de le faire à leur place? Je sais que votre
collègue le ministre Leitão, quand il était ministre des Finances, avait cette
ambition. Peut-être que c'est ça, la solution, je ne le sais pas, mais une
chose est sûre, c'est qu'il ne faut pas arrêter de mettre de la pression sur le
gouvernement fédéral, parce que, si on arrête... on n'y est pas arrivé encore,
là, bien, il ne faut pas dire : Le gouvernement ne veut pas, il faut
continuer à pousser pour que... puis là, ça tombe bien, on est en période
électorale, là, bien, je pense qu'on pourrait avoir des engagements dans ce
sens-là, de la part des partis politiques qui sont en campagne électorale.
Mme Rizqy : Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Ciccone) :
Je reconnais maintenant la députée de Verdun.
Mme Melançon : Clairement,
nous autres, on a fait le travail avec Netflix, alors là, c'est le temps à
d'autres de faire le travail avec Facebook. Puis vous pouvez être sûr d'une
chose, nous, on va continuer à se battre parce que, clairement, il faut aller
chercher l'argent qui revient ici, au Québec, pour les médias. Là-dessus, je
pense qu'on a été très clairs sur le sujet.
D'ailleurs, je veux vous ramener très rapidement,
parce que vous parliez tout à l'heure de la logique comptable des différents
groupes de presse qui ont géré ça comme une business normale, alors que l'information,
ça va beaucoup plus loin que ça, et on le sait. Pour la sortie de crise, là, où
est-ce que nous sommes actuellement, j'imagine que vous vous attendez, comme
moi peut-être je m'attendais, à ce qu'on ait déjà cet été, là, quelques pistes
dans l'urgence d'agir, parce que, si on attend uniquement la fin de la
commission, plus le rapport, plus des discussions, plus le gouvernement, on ne
s'en sortira pas. Là, on a une mise à jour économique déjà habituellement
prévue à la fin novembre, début décembre, il va falloir qu'on y voie. À
l'intérieur de votre crédit d'impôt, est-ce que vous incluez les magazines
lorsque vous parlez, vous, de la presse écrite?
Mme Melançon : Oh! C'est une
bonne question. Moi, j'aime ça, quand... O.K. parce que je veux qu'on
réfléchisse ensemble.
Des voix
: ...
Mme Blais (Nathalie) : C'est
ça, c'est-à-dire que, nous, on ne représente personne dans les magazines. Donc,
on l'a pensé dans l'optique des médias généralistes, radio, télé, journaux,
autant les hebdos, que les quotidiens. Mais pourquoi pas les magazines si vous
pensez... il y a des magazines qui apportent de l'information, pourquoi pas...
Mme Melançon : Il y a des
magazines de niche.
Mme Blais (Nathalie) : ...et
qui embauchent des journalistes et qui font de l'information factuelle. C'est
une question de qualité de l'information partout au Québec.
• (17 h 40) •
Mme Melançon : Parfait. Moi,
c'est important, là, quand même qu'on puisse échanger là-dessus parce qu'on a
des médias de niche quand même sous forme de soit journal, ou encore de
magazines sur lesquels on va devoir se pencher, on va devoir réfléchir, tout le
monde ensemble. Je voulais quand même vous...
Mme Blais (Nathalie) : ...de
l'information partout au Québec.
Mme Melançon : Parfait. Moi,
c'est important, là, quand même, qu'on puisse échanger là-dessus, parce qu'on a
des médias de niche, quand même, sous forme de soit journal ou encore de
magazine, sur lesquels on va devoir se pencher, on va devoir réfléchir, tout le
monde ensemble. Je voulais quand même vous entendre sur le sujet.
Mme Blais (Nathalie) : ...le gouvernement
fédéral a exclu tout ce qui est journal ou magazine thématique, donc il faut que
ce soit de l'information générale pour que le crédit d'impôt fédéral
s'applique. Alors, si vous voulez qu'il y ait une certaine symétrie...
M. Boyer (Daniel) :
Donc, L'Actualité pourrait être un bon exemple, mais Vélo Québec,
mettons, bon, moins.
Mme Melançon : Oui, tout à
fait. D'accord. Je vous entends bien. Je voulais voir avec vous, parce que vous
en avez parlé puis vous faites plusieurs recommandations à l'intérieur de votre
mémoire, on parle de 9 % seulement de Canadiens, là, c'est vraiment des
répondants du Canada, qui paient actuellement pour avoir un abonnement.
9 %, alors que l'information a déjà été beaucoup plus élevée que ça, là.
Je ne sais pas quel était le chiffre de départ, bien, de départ, disons,
médian. Est-ce que vous avez une idée, parce que... Je vais vous expliquer où
est-ce que je veux en venir, là, c'est qu'actuellement on a des hebdos partout
dans le Québec qui sont gratuits. Moi, je veux bien, là, pouvoir aider, par
exemple, ou pouvoir m'abonner là où je peux, mais ce n'est pas vrai qu'on peut
aider ou on peut prendre des abonnements dans nos hebdos, vous le savez, on en
a dans chacune de nos régions. C'est pour ça que j'aurais aimé connaître où on
est partis, ou, en tout cas, un chiffre de départ, pour savoir à quel point on
a diminué. Est-ce que vous avez ça dans vos chiffres?
Mme Blais (Nathalie) : On n'a
pas ce chiffre-là. Par contre, historiquement, à ma connaissance, les hebdos
ont toujours été gratuits, du moins...
Mme Melançon : Oui, oui, oui.
Mme Blais (Nathalie) : Donc,
le 9 %, si on voulait avoir le chiffre de départ, il faudrait regarder ce
que les quotidiens allaient chercher comme abonnements.
Mme Melançon : Voilà.
Mme Blais (Nathalie) : Parce
que la télévision... on ne paie pas non plus directement pour l'information à
la télé ou à la radio.
Mme Melançon : Bien, il y a le
Fonds des médias, là, quand même, là, où on pouvait quand même aller créer...
chercher pour faire du contenu, pas tant en information, mais quand même qui permettait
à certaines stations, là, disons-le, là, de pouvoir respirer un peu plus que présentement,
parce que le Fonds des médias est malheureusement en train de fondre comme
neige au soleil.
Je finis avec... Je ne sais pas, M. le
Président, combien de temps il me reste.
Le Président
(M. Ciccone) : 2 min 40 s.
Mme Melançon : D'accord. Je
veux terminer quand même en rappelant que le noeud du problème, on en parle, ce
sont les Google, Facebook et Amazon de ce monde, principalement, là, quand on
parle de 0,80 $ dans le dollar en publicité qui s'en va vers ces
géants-là, c'est là où ça fait mal. Moi, ce que je veux voir avec vous...
Est-ce que vous autres, vous avez eu des échanges avec ces grands groupes comme
Facebook, comme Amazon? Est-ce qu'il y a eu des échanges de votre côté avec ces
gens-là, parce que, malheureusement, ils ne viendront pas devant la commission,
et on va devoir leur parler... je ne sais pas si ça va être par voix
interposée, à quel point on va pouvoir leur parler. Mais moi, je veux savoir,
est-ce que vous, vous leur avez parlé?
M. Boyer (Daniel) :
Non.
Mme Melançon : Non?
M. Boyer (Daniel) :
Non, puis, écoutez, ce n'est pas simple, parce que, bon, les employés de ces entreprises-là
ne sont bien sûr pas syndiqués, la plupart, donc c'est difficile d'avoir un
contact. Je ne sais pas s'ils sont intéressés à nous parler non plus, là.
Mme Melançon : Bien, clairement,
je ne pense pas, là. Puis on fait... on va se projeter dans le temps. Tout à
l'heure, mon collègue de Beauce-Sud : Si on doit faire une intervention.
Moi, je dis : Il faudra faire une intervention. Je pense que, là-dessus,
on est d'accord, parce que, là, on le voit, là, et à la lecture de tout ce
qu'on a fait, on va devoir bouger, et ce, rapidement, et je le dis, là, rapidement.
J'ai une critique à faire, et je le disais un peu plus tôt, malheureusement, le
législatif est très, très long à arriver, avec le rythme auquel eux sont en
train de se transformer et transforment aussi notre paysage, donc, au
quotidien. Très rapidement, là, si on veut passer, là, première action, parce
qu'on le disait, tout à l'heure, ça va être compliqué d'arriver à une définition
du journalisme... la première chose qu'on doit faire.
M. Boyer (Daniel) :Écoutez, effectivement, la première chose qu'on doit faire, là,
je l'ai mentionné : faire pression sur le gouvernement fédéral et faire
pression sur ces géants. Moi, je pense que c'est d'abord là qu'il faut
interpeller. Et, dans notre cour à nous, il y a des solutions, on en a parlé,
bon, des crédits d'impôt sur la masse salariale, des...
Une voix
: ...
M. Boyer (Daniel) :
Bien, c'est plus long, mais au moins, ça nous appartient, on a le levier pour
aller de l'avant. Les autres, bien, il faut continuer à pousser, là, il faut
continuer à pousser.
Mme Melançon : Je vous
remercie beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. Merci.
Le Président
(M. Ciccone) : Merci...
M. Boyer (Daniel) :
...à nous, il y a des solutions, on en a parlé, bon, des crédits d'impôt sur la
masse salariale, des...
Une voix
: ...
M. Boyer (Daniel) :
Bien, c'est plus long, mais, au moins, ça nous appartient, on a le levier pour
aller de l'avant. Les autres, bien, il faut continuer à pousser, là, il faut
continuer à pousser.
Mme Melançon : Je vous
remercie beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée de Taschereau pour un
temps de 2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci. Bonjour, merci
beaucoup. C'est super intéressant de vous entendre. C'est une question un peu
personnelle, on pose la question à tout le monde depuis le début de la journée,
depuis le début de la commission, par rapport à imposer les géants du
numérique : Est-ce que c'est une bonne idée? La majorité dit : Oui,
oui, il faut le faire, oui, il faut absolument le faire. Bien sûr, on ne peut
pas le faire demain, mais, comme on sait à quel point c'est compliqué, si on
veut que ça se passe, il faut commencer à se battre tout de suite pour que ça
arrive. Malheureusement, du côté fédéral, on voit qu'il y a absolument une
volonté très, très, très molle de faire quoi que ce soit, on a un sentiment un
peu d'aplaventrisme devant les géants du numérique. Et au provincial, avec la
Coalition avenir Québec, autant dans les questions que j'ai posées à la
ministre que dans les questions qu'aujourd'hui les députés de la CAQ posent, ça
n'a pas l'air d'être un enjeu qui les passionne ou un enjeu dans lequel ils ont
envie de plonger. Ceci dit, ça reste à voir, puis moi, je garde espoir. Mais
même chose par rapport à leur demander... demander au gouvernement Legault,
finalement, de faire pression sur le fédéral.
Donc, qu'est-ce qu'on peut faire dans
l'opposition pour faire avancer ce dossier primordial là, selon vous, de façon
à ce que ça ne prenne pas encore 20 ans avant que quelque chose puisse
débloquer puis qu'on puisse avoir une solution à long terme avec des revenus à
long terme?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, moi, je pense, je le dis et je le dis pour le gouvernement de pousser sur
le gouvernement fédéral et d'interpeller les géants du Web, mais je le dis
aussi à l'opposition : Si le gouvernement ne pousse pas assez fort, bien,
il faut les inviter à pousser davantage. Écoutez, c'est vrai que les partis...
les partis fédéraux qui sont en campagne électorale, c'est vrai qu'il n'y en a
pas un qui a levé la main à date... bien, oui, peut-être qu'il y en a
quelques-uns, là, mais, en tout cas, ceux qui sont peut-être susceptibles de
prendre le pouvoir, en tout cas, ils n'ont pas l'intention de faire quelque
chose. Mais ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas l'intention de faire quelque
chose qu'il faut arrêter de pousser. Moi, je pense qu'il faut continuer. Puis vous
savez, du côté syndical, si on avait arrêté de faire les choses à toutes les
fois qu'on nous dit non, bien, on ne serait pas arrivés à grand-chose, puis
pourtant on est perspicaces, on tient notre bout, puis, finalement, on réussit
à avoir des gains. Donc, moi, je pense qu'il faut continuer à faire ça.
Puis écoutez, on a, à notre initiative, à
l'initiative du SCFP, on a formé la Coalition culture et médias. La première
revendication, c'était de taxer Netflix, là. Bon, bien, bravo, il y a un bout
qui est fait, bien, continuons, on a encore de l'ouvrage à faire, là, il faut
continuer.
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant, s'il vous plaît. En terminant.
Mme Dorion : Je vais suivre
votre conseil.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski pour
2 min 30 s.
M. LeBel : Un peu dans le même
sens. Moi, je comprends, par exemple, ce que vous dites par rapport à la
pression sur le fédéral, ce n'est pas juste de taxer les grands, là, mais c'est
de se servir de tout ce qu'ils ont comme pouvoirs pour améliorer, là, vous
penser... la Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur la radiodiffusion, la Loi
sur les télécommunications. Ils ont plein de leviers qui peuvent nous amener à
avoir un plan qui a de l'allure pour sauver nos médias puis sauvegarder notre
culture, notre langue au Québec, là. Mais là vous dites : Bon, le
gouvernement du Québec y veille. Mais il fait des... Mais là, on est tannés de
veiller, il va falloir passer à autre chose, moi, j'ai... Puis vous dites, à un
moment donné : Exercer sans relâche une pression sur le gouvernement
fédéral. Là, vous dites : Il faut faire pression sur le gouvernement qu'il
fasse pression sur un autre gouvernement. Ça fait... Moi, là, je suis un peu
comme ma collègue, là, à un moment donné, les élections fédérales arrivent, il
faudrait que la société civile, tout le monde, les partis politiques,
l'ensemble de l'Assemblée nationale revendiquent que le gouvernement fédéral
bouge, qu'il participe à un vrai plan de sauvetage. Est-ce qu'on peut faire ça?
Puis vous dites : Il faut faire des pressions. Vous connaissez ça des
pressions, vous autres, ça fait que vous pouvez peut-être nous dire un peu,
effectivement, ensemble, comment on pourrait faire, comme Assemblée nationale.
M. Boyer (Daniel) :
Bien, moi, je vous dirais que, si on n'était pas dans un moment aussi propice
qu'actuellement, c'est-à-dire une période électorale, ça serait peut-être un
peu compliqué, mais on est dans une période électorale. Nous, ça fait partie de
notre plateforme de revendication dans le cadre de la prochaine campagne électorale
fédérale, là, c'est une de nos sept revendications, donc on va continuer à
pousser sur ce dossier-là. On va continuer, de toute façon, à pousser sur tout
vous autres, si vous ne poussez pas assez. Donc, on va continuer, nous, à faire
notre job. Ça, c'est bien sûr qu'on va continuer à le faire.
M. LeBel : Puis, je veux
juste...
M. Boyer (Daniel) :
Mais vous avez raison : la plupart des leviers, c'est de juridiction
fédérale. On ne les a pas, ces leviers-là, mais les leviers qu'on a, utilisons-les,
par contre, pour aller assez rapidement, parce qu'on a des solutions à mettre
en place rapidement. Puis ceux qu'on n'a pas, bien, poussons sur le
gouvernement fédéral, on va tous pousser ensemble, là.
M. LeBel : Les leviers, vous
me voyez venir...
M. Boyer (Daniel) :
Oui, oui.
• (17 h 50) •
M. LeBel : ...si on les avait
tous au Québec, dans un Québec indépendant, ces leviers-là, on serait capables
de faire quelque chose. Puis je trouve aussi que ce que vous avez dit tantôt
par rapport aux régions, c'était vraiment bon, le fait qu'ici, au Québec, on ne
sait pas ce qui se passe dans les régions. Si les luttes qui se passent dans
les régions, on ne le sait, les luttes du monde rural, là, dans le
Bas-du-Fleuve, on ne le sait pas, ce qui se passe, mais ce n'est pas dans nos
grands médias nationaux, puis pourtant c'est un enjeu majeur pour...
M. LeBel : ... ce levier-là, on
serait capable de faire quelque chose puis je trouve... je trouve aussi que ce
que vous avez dit tantôt par rapport aux régions, c'était vraiment bon. Le fait
qu'ici au Québec, on ne sait pas ce qui se passe dans les régions. Si les
luttes qui se passent dans les régions, on ne le sait; les luttes du monde
rural, là, dans le Bas-du-Fleuve, on ne le sait pas, ce qui se passe, mais ce
n'est pas dans grands médias nationaux. Puis pourtant, c'est un enjeu majeur
pour l'avenir du Québec puis on ne le sait pas, ce qui se passe là.
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. LeBel : Moi, ça, vous avec
bien raison là-dessus.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour deux
minutes.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup pour la présentation. Je dirais que je partage l'exaspération de mes
collègues. On s'entend qu'on est dans un contexte, justement, vous l'avez dit
vous-même, un contexte électoral. Le gouvernement nationaliste a plusieurs revendications
face au gouvernement fédéral. Il y a cet enjeu-là, qui est vraiment criant et
pourtant, vous l'avez dit encore une fois, les grands partis fédéraux n'ont pas
encore répondu à l'appel, restent de glace devant l'appel du milieu médiatique.
Donc, c'est là qu'on se dit à quel point, c'est difficile, même si on pousse,
d'obtenir des concessions du gouvernement fédéral. Alors, c'est pour ça, notamment,
qu'on est souverainistes, qu'on est indépendantistes.
Mais pour ce qui est de la question de la
pression qui peut être exercée sur les membres que vous représentez, dans le
contexte difficile qu'on connaît dans les médias, est-ce que vous avez des échos,
en tant que syndicat, de ce qu'on peut entendre sur le terrain?
Une voix
: Peux-tu...
M. Gagné (Renaud) : Bien,
comme mentionné, Unifor représente 7 000 à travers le pays. Donc, c'est
sûr qu'il y a des pressions un peu partout, principalement faites à Ottawa, de
notre syndicat, là. Donc, c'est sûr qu'on a des revendications, c'est dans la
plateforme.
Mais, particulièrement dans le cas de
Groupe Capitales, en tout cas, en ce qui concerne Unifor, on représente le
tiers de ces employés-là, là. Donc, c'est sûr que tout ça, c'est... Le futur,
moi, je suis vraiment préoccupé pour le demain matin. Qu'est-ce qu'on fait?
Quelles sont les mesures pour vraiment sauver ces quotidiens-là, qui sont
fondamentaux pour la démocratie dans les régions, en termes de priorité? Puis
je suis accompagné d'un journaliste de la tribune, là. Il sait exactement
comment ça se vit dans son milieu de travail.
M. Goupil (Alain) : Vous
savez, juste... L'automne passé, on a fait une campagne de lobbying à Ottawa,
justement, où un des points, une des revendications qu'on avait, c'était à
l'égard de l'article 19 de la loi sur l'impôt. Il y a eu une espèce
d'incongruité ou, en tout cas, nous, ce qu'on appelle «colmater la brèche» de
l'article 19, là, c'est-à-dire de faire en sorte que quand une entreprise
canadienne décide d'afficher... d'acheter de la publicité sur les grandes
plateformes que sont les GAFA, bien que cette dépense-là ne puisse pas être
déductible, comme les gouvernements ont eu le courage de le faire dans les
années 90, dans la fameuse affaire du Time Magazine, là, ou Maclean.
Le Président (M. Ciccone) :
En terminant, s'il vous plaît.
M. Goupil (Alain) : Ne serait
que de colmater cette brèche-là, là. Quand vous nous posez la question :
qu'est-ce qu'on peut faire dans l'immédiat, O.K., ça, ça serait un combat à
mener et on a évalué, nous, chez Unifor, que si on arrivait à colmater cette
brèche-là, on irait chercher plus de 1 milliard de dollars d'ici 2021. Ce
n'est pas rien.
Le Président (M. Ciccone) : Merci.
Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je tiens à vous mentionner, pour avoir œuvré 18
ans dans les médias, que ce dossier, cette réalité m'interpelle énormément et
c'est un privilège pour moi d'être président de cette commission. Votre
contribution est essentielle et même inestimable et vous, chers collègues,
merci beaucoup aussi pour votre temps, votre travail et surtout, votre
professionnalisme.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, mardi le 27 août 2019, 9 h 30. Merci et bonne soirée,
tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 53)