Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42-1
(début : 27 novembre 2018)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version finale du Journal est publiée dans un délai de 2 à 4 mois suivant la date de la séance de la commission.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
miércoles 28 août 2019
-
Vol. 45 N° 25
Mandat d'initiative - Avenir des médias d’information
Aller directement au contenu du Journal des débats
9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin à toutes et à tous. Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières concernant le mandat d'initiative portant sur l'avenir des médias
d'information.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Asselin (Vanier-Les Rivières) sera remplacé par M. Allaire
(Maskinongé); Mme Grondin (Argenteuil) par M. Thouin (Rousseau);
Mme Labrie (Sherbrooke) par Mme Dorion (Taschereau); et
Mme Hivon (Joliette) par M. LeBel (Rimouski).
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Cet avant-midi, nous entendrons les représentantes,
représentants de Groupe Capitales médias, Néomédia, Métro média et Le Devoir.
C'est l'ordre du jour pour notre avant-midi.
Alors, maintenant, sans plus tarder, je
souhaite la bienvenue aux représentants du Groupe Capitales médias. M. Claude
Gagnon, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de
présentation de 10 minutes et, par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger
avec les collègues députés. Peut-être, pour fins d'enregistrement, juste
préciser vos fonctions au sein du Groupe Capitales médias. Sans plus tarder, la
parole est à vous.
M. Gagnon (Claude) : Merci
beaucoup. Claude Gagnon, président-directeur général de Groupe Capitales
médias. Merci à tous de me recevoir ce matin. C'est bien, bien gentil de votre
part.
Écoutez, il y a beaucoup de choses qui se
sont passées. Je vais passer les formules de politesse usuelles. Vous
comprendrez qu'on a très, très peu de temps. Vous savez, depuis quelques
semaines, il y a eu quand même beaucoup de chambardements au niveau de notre
industrie, beaucoup de chambardements au niveau de notre organisation à nous,
qui nous ont inspiré certaines réflexions, bien entendu, dont une que
j'aimerais vous partager avant d'aller plus dans le détail de nos...
M. Gagnon (Claude) : ...usuel,
vous comprendrez qu'on a très, très peu de temps.
Vous savez, depuis quelques semaines, il y
a eu quand même beaucoup de chambardement au niveau de notre industrie, beaucoup
de chambardement au niveau de notre organisation à nous qui nous a inspiré
certaines réflexions, bien entendu, dont une que j'aimerais vous partager avant
d'aller plus dans le détail de nos recommandations.
Depuis 20 ans, entre autres, les
médias d'information ont évolué énormément. On le voit tous, là. La collecte
d'informations a changé. Le traitement de l'information a changé énormément. On
voit de l'audio, du vidéo, de l'écrit dans à peu près toutes les plateformes
que ce soit la télévision, la radio, les journaux.
La diffusion multiplateforme donne accès maintenant
à ce qu'on appelle un environnement mondial. Ça a changé énormément. Internet a
vraiment éliminé les frontières. Les fameuses frontières physiques qu'on avait
auparavant, on les a moins maintenant parce que tout passe par les ondes. Et il
y a à peu près une seule chose qui n'a pas changé à venir jusqu'à maintenant,
c'est le style de propriété des médias qu'on a au moment où on se parle, qu'on
n'a jamais remis en question, qui est encore bonne, bien entendu.
Mais je pense que ce qui se passe
actuellement dans l'industrie au niveau mondial, au niveau canadien, au niveau
québécois est l'occasion de commencer à regarder d'autres modes de propriété
des médias. On en voit beaucoup qui se pointent actuellement depuis quelques
jours, depuis l'annonce, entre autres, ça serait important de regarder tout ça
dans son ensemble.
Que ce soit du public, du privé,
l'occasion au comité, entre autres, de pouvoir se pencher à ça également parce
qu'on ne parle pas d'une période ou de régler un problème qui existe et qui va
disparaître dans un an, deux ans. On parle d'un problème qui est récurrent au
moment où on se parle et qui devra avoir une solution à long terme. Pas une
solution à court terme parce qu'on va recommencer à tous les deux, trois ans à
se rencontrer autour d'une table de ce genre-là pour être capable de trouver de
nouvelles solutions.
Ceci étant dit, c'est bien important de
comprendre que le problème de notre industrie, ce n'est pas un problème de...
on a parlé d'adaptation, entre autres... ce n'est pas un problème d'adaptation.
Ça fait déjà beaucoup, beaucoup d'années, depuis les années 1980 qu'on a
commencé à s'adapter à Internet. Au cours des dernières années, on a investi
énormément d'argent par rapport à ça.
Ce n'est pas un problème non plus de
gestion de la dette ou de gestion des dépenses. Au cours des 10 dernières
années, on a réduit notre personnel de 53 %. Je parle du groupe puis à peu
près tous les autres groupes pourraient vous faire les mêmes commentaires. De
53 %, on a coupé énormément d'argent. Je regardais hier, ça fait depuis
l'année 2009 qu'on a des programmes de rationalisation des opérations.
J'ai eu des années que j'en avais même deux par année. Donc, ce n'est pas un
problème de dépenses folles ou des éléments de ce genre-là.
Le problème est vraiment un problème de
revenus. On vous l'a dit sûrement à de multiples occasions, ici, autour de ces
tables. C'est un problème de revenus. C'est un problème de revenus qui est
important. Dans notre cas à nous, par exemple, au cours des 10 dernières
années, nos revenus ont diminué de plus de 50 %. C'est énorme, énorme,
énorme. Il faut ajuster les dépenses en conséquence de ça. Et on sait tous où
sont allés ces revenus-là.
J'oserais vous dire qu'il n'est pas normal
dans notre société dans laquelle on vit, une société démocratique, une société
de droit, une société qui a des règles de fonctionnement que des organisations
de multinationales mondiales viennent s'établir dans nos champs d'activité au
niveau des organisations, au niveau de la finance, à tous les niveaux et
décident des règles par eux-mêmes qu'ils vont utiliser pour être capables de
fonctionner. Ce n'est pas normal dans le contexte où on est actuellement.
Dans notre domaine à nous, aujourd'hui, si
vous regardez rapidement, on paye des droits d'auteur dans le domaine de la
musique, on paye des droits d'auteur dans le domaine du cinéma, on paye des
droits d'auteur dans le domaine du vidéo. Il y a un seul endroit où on ne paye
pas des droits d'auteur, qu'on ne paye absolument rien, c'est dans le domaine
de l'information. Pourtant, on reprend notre information à tous
azimuts, on la distribue par différentes méthodes. On la passe sur des... on
s'en sert dans des engins de recherche et au bout de ça, bien, on nous
dit : Écoutez, on garde 100 % des revenus et vous, vous n'avez rien.
C'est un modèle d'affaires qui est impossible à appliquer.
On est... je pense qu'il faut toujours
considérer ce qui est bien important, on ne parle pas, dans toutes les
recommandations que vous avez eues, c'est probablement la même chose, on ne
parle pas d'éliminer les Facebook et les Google de ce monde. On s'en sert nous
aussi. On travaille avec eux. J'ai des groupes de travail qui travaillent avec
Google à New York actuellement, à San Francisco avec les gens de Facebook pour
connaître les méthodes d'être plus efficace encore. On a besoin de ces
plateformes-là. Ce qu'on revendique, c'est tout simplement d'avoir une équité
dans le partage des revenus. Ce n'est pas d'éliminer ces gens-là de la planète,
c'est bien certain.
• (9 h 40) •
Je vous parlerais rapidement de six pistes
de solution que, nous, on a regardées. Les six pistes de solution, il y en a
sûrement une partie qui vous a été présentée jusqu'à maintenant. Par exemple,
on a parlé des contributions gouvernementales soit sous forme de crédits
d'impôt comme le fédéral l'ont fait dernièrement sur la masse salariale ou soit
sous toute autre forme qui peut être définie par les autorités
gouvernementales, c'est bien certain. Ça va prendre ça. C'est une nécessité si
on veut sauver notre industrie, pas strictement Groupe Capitales médias, toute
l'industrie en général et pas seulement les journaux. Éventuellement, il va
avoir d'autres groupes qui vont y passer également dans la moulinette...
M. Gagnon (Claude) : ...sur la masse
salariale ou soit sous toute autre forme qui peut être définie par les
autorités gouvernementales, c'est bien certain. Ça va prendre ça, c'est une
nécessité si on veut sauver notre industrie, pas strictement Groupe Capitales
Médias, toute l'industrie en général et pas seulement les journaux, éventuellement,
il va avoir d'autres groupes qui vont y passer également dans la moulinette de
cette nature-là.
Il faut également regarder l'élimination
permanente de la contribution du recyclage. Le recyclage est un problème majeur
pour nous, l'industrie des journaux. Vous savez, on paie des taxes
provinciales, on paie des taxes fédérales sur les abonnements au moment où on
se parle. Le recyclage, au cours des dernières années, ça a augmenté, le coût
du recyclage de 2019 a été multiplié par 10 pour nous. Pendant cette
période-là, ce qu'on place dans les bacs de recyclage a diminué de 68 %,
vous voyez à peu près la distance, et ce n'est pas fini, on va avoir encore des
augmentations au moins de 10 %, ça peut aller jusqu'à 30 %, 40 %
par année au cours des prochaines années. Et, en plus de ça, on donne, entre
autres, ce qu'on appelle en «in kind» ou en équivalent publicitaire, des
montants encore substantiels qui vont au-delà de ça, qui est une obligation qui
est incroyable, qui est extrêmement difficile dans le contexte actuel puis
insupportable. Le gouvernement du Québec a fait déjà des choses, mais il
faudrait que ça devienne permanent.
On a... également, l'État a pris de bonnes
décisions, nos dirigeants ont décidé dernièrement, au niveau fédéral et au
niveau provincial, de demander au gouvernement, aux intervenants
gouvernementaux, ministères et aux sociétés d'État de réattribuer une partie de
leur publicité aux différents médias. C'est une très, très, très bonne chose,
sauf qu'il faut être réaliste, demander une action de ce genre-là, ça ne veut
pas dire que ça se réalise, et on le voit, ça ne se réalise pas au moment où on
se parle, ça se fait sous de très, très, très petites formes. Donc, il faudrait
qu'il y ait une obligation légale qui soit décrétée par les dirigeants
gouvernementaux, dire : Écoutez, là, on va commencer par protéger nos
institutions qui sont capables de nous donner l'équivalent en termes de
couverture, plutôt que d'aller placer ça dans les Google et Facebook de ce
monde, qui n'apportent absolument rien ni en contribution fiscale ni en
contribution sociale.
Il faudrait regarder également le retour
des avis publics au niveau des médias écrits, c'est un phénomène qui est
important. On a voulu mieux desservir les municipalités en autorisant la
publication d'avis publics des municipalités dans les sites Internet. Et j'oserais
vous poser des questions à tout le monde ici, dans la salle : Combien
d'entre vous est allé sur le site Internet de votre municipalité au cours de la
dernière année? Et je ne suis pas certain qu'il y a 10 % des gens qui
lèveraient leur main malgré que vous êtes des gens qui êtes quand même des
décideurs, ce n'est pas vrai qu'on a aidé le public d'abord à rendre des choses
beaucoup plus limpide et visible. On est en train de pousser ça encore, d'un
peu plus cacher à la population et, en plus, on n'aide pas les médias
d'information. Donc, il faudrait faire un retour en arrière par rapport à ça,
ça ne dessert personne.
Il faudrait également obliger les
multinationales, vous le savez, on vous l'a dit à plusieurs occasions, de
l'Internet, du monde à contribuer de façon équitable monétairement, comme tous
les autres citoyens, comme toutes les autres entreprises contribuent,
c'est-à-dire de faire un juste partage de ce qui se récolte de leur part avec
nos contenus, ce qui nous aiderait énormément. Et la sixième, puis je m'arrête
après ça, parce que je sais que vous allez avoir beaucoup de questions, la
sixième qui, à mon sens, pourrait être un élément important, on a commencé à
travailler il y a un an, entre autres, la possibilité de créer une régie publicitaire
provinciale, c'est-à-dire que, quand on s'appelle Facebook et Google, on a un
pouvoir d'attraction qui est énorme parce qu'on a une clientèle vraiment au
niveau mondial. Et, quand quelqu'un veut avoir une segmentation de marché,
atteindre une segmentation de marché précise, ils peuvent les offrir de façon
assez large, ce qu'on ne peut pas faire, quand on est des médias régionaux ou
des médias, même comme LaPresse où c'est très, très, très
difficile.
Donc, le fait de pouvoir créer une régie
provinciale qui regrouperait tous les médias au Québec, qui pourrait donner une
force et pouvoir donner un pouvoir à ces organisations-là en termes d'offrir un
potentiel aux différents annonceurs, ça pourrait être quelque chose
d'intéressant. Ce n'est pas très coûteux, il faudrait qu'il y ait une structure
qui soit mise en place par rapport à ça, et ça nous aiderait, pour une fois, on
se prendrait en charge, nous tous, et on laisserait des grandes compagnies agir
de leur façon, on serait en mesure de les compétitionner.
C'est à peu près les seules choses que je
voulais vous dire en 10 minutes, je pense que c'est à peu près le seul temps
que j'avais pour vous parler. Est-ce que ça vous convient, M. le Président?
Le Président (M. Tanguay) :
Ah, parfaitement. Merci beaucoup, M. Gagnon. Alors, nous allons poursuivre maintenant
les échanges avec un premier bloc de 15 minutes, avec les collègues
représentant la banquette ministérielle, et je cède la parole au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Très content de vous retrouver aujourd'hui
devant cette commission parlementaire là, surtout que, j'imagine, à l'interne
et au sein de votre institution dans les derniers mois, les dernières semaines,
vous avez vécu des moments extrêmement difficiles, des moments qui ne datent
pas d'hier, soit dit en passant. On sait que la crise, dans laquelle les médias
québécois sont plongés, dure depuis plusieurs années et particulièrement en ce qui
a trait à la presse écrite. Comme nous l'avons fait pour plusieurs intervenants
qui sont venus devant nous, il est important de refaire un plaidoyer pour nos
médias régionaux dans les régions du Québec, également surtout pour nos médias
écrits aussi et le papier à quel point qu'il est important et à quel point
qu'il fait la différence qui...
M. Poulin (Beauce-Sud) :
...plusieurs années, et particulièrement en ce qui a trait à la presse écrite.
Comme nous l'avons fait pour plusieurs intervenants qui sont venus devant nous,
il est important de refaire un plaidoyer pour nos médias régionaux dans les
régions du Québec, également surtout pour nos médias écrits aussi et le papier,
à quel point qu'il est important et à quel point qu'il fait la différence,
qu'il permet de rejoindre des gens, et dont c'est la source d'information pour
de nombreux Québécois depuis plusieurs années. Dans les différentes régions du
Québec, le journal chaque matin est important, est fondamental. C'est un outil
de démocratie, et on sait que l'information, c'est la liberté. Alors, il est
important de le rappeler.
Groupe Capitales Médias, comme je le
disais, a vécu des moments plus difficiles qui datent déjà depuis déjà plusieurs
années. Vous avez reçu en 2017 un prêt de 10 millions de dollars de la
part du précédent gouvernement. On sait que ça va vite, M. Gagnon, dans
l'univers des médias. J'aimerais savoir : Qu'est-ce qui s'est passé entre
2017 et 2019, entre la nouvelle aide qui a été accordée par notre gouvernement,
pour laquelle on est extrêmement fiers, là, soit dit en passant, d'avoir pu
vous appuyer en 2019... Mais j'aimerais... Pour démontrer aux gens comment ça
va vite, l'univers des médias, qu'est-ce qui s'est passé entre 2017 et 2019?
M. Gagnon (Claude) : D'abord,
quand on regarde les scénarios financiers qui avaient été présentés au moment
du prêt de 10 millions, il y a 10 millions, puis il y a
7 millions supplémentaires qu'on a ajoutés, nous, par la vente de nos
édifices, entre autres.
Je vous disais tout à l'heure que les
ventes ne se concrétisent pas de la façon dont ça devait se concrétiser. Les
prévisions qu'on avait faites, on avait fait des prévisions sur une période de
trois ans, trois ou quatre ans... c'était trois ans, si je me souviens bien, au
niveau des dépenses, des budgets de dépenses et des budgets de revenus comme
tels.
Ce qui est arrivé, c'est que les budgets
de dépenses se sont concrétisés comme ça devait se faire, même un peu mieux.
C'est les budgets de revenus qui n'ont pas été là. On anticipait des baisses
de... la baisse de la diminution des revenus, au cours des trois années comme
telles, on disait : Écoutez, on passe dans un créneau d'à peu près
12 %... 15 %, en termes publicitaires, d'une baisse de 15 % annuelle
au niveau publicitaire, et on devrait diminuer à 12 %, à 8 %, et je
vous dis ça de mémoire, là, 12 %, 8 % et... pour en arriver à un
niveau d'équilibre après quelques années. Ce n'est pas les scénarios qui se
sont réalisés. C'est que les scénarios ont continué à s'amplifier, à demeurer
au moins stables, et sinon à s'amplifier légèrement, ce qui crée des écarts
extrêmement importants au niveau des revenus de caisse à ce moment-là.
Et, vous savez, en parallèle de ça, c'est
qu'on a voulu accélérer les investissements au niveau du numérique parce que,
quand on voit que les revenus ne se stabilisent pas, on essaie d'accélérer la
transformation, en disant : Bien, écoutez, on va essayer d'aller reprendre
sur les autres plateformes ces choses-là. Donc, les investissements se multiplient,
et la conjugaison de ces deux éléments-là fait que ça crée des déficits
rapidement.
Et, quand on a commencé à retourner avec
Investissement Québec, on a donné les programmes. On a tout expliqué ça au
complet, les différences, d'où elles provenaient, et de... pourquoi on avait
besoin d'accélérer encore plus la transformation, et, bien, la décision s'est
prise dernièrement sur la forme dont l'argent allait être versé et le fait de
changer de propriétaire, ce qu'on avait déjà offert déjà, de toute façon. On
disait : Ce n'est pas une question financière, c'est une question de
pérennité des médias. Donc, si ça prend une autre forme d'actionnariat ou de
compagnie, il n'y a aucun problème de propriété comme tel. Il n'y a aucun
problème, on acquiescera à ça. Ce qu'on veut, c'est vraiment la pérennité des
organisations.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Vous
nous amenez, M. Gagnon, sur les revenus publicitaires. On sait que c'est le
nerf de la guerre. L'argent, c'est le nerf de la guerre. On en parle depuis le
début de cette commission parlementaire là. On tente de nous amener beaucoup,
bon, sur les GAFA, la taxation. Je pense qu'on est tous bien contents qu'il
faut créer des mesures d'atténuation, bon, puis en créer plusieurs, concernant
ce phénomène.
Il n'en demeure pas moins que nos
entreprises dans nos régions se doivent d'appuyer également les médias
régionaux. Est-ce que vous ressentez depuis 2007, 2019... Je vois des gens du Quotidien,
on a vu des gens de La Voix de l'Est, du Nouvelliste
également. Est-ce que vous ressentez un élan dans nos régions du Québec pour
investir davantage dans nos journaux? Si on ne l'a pas ressenti en 2017 avec ce
qui s'est passé, ce prêt de 10 millions là, là, le gouvernement fait le
choix de remettre 5 millions, est-ce que vous sentez qu'il pourrait y
avoir un nouvel élan du fait de recroire en notre... de croire à nouveau,
plutôt, en notre presse régionale et d'investir des sommes financières
importantes en publicité?
M. Gagnon (Claude) : Je crois
que la conscientisation est plus importante que jamais. On le voit, nous. On
reçoit des milliers et des milliers de lettres d'appui. Vous avez vu ce matin,
on a parti un site demandant à certains gens de contribuer volontairement. Je
ne sais pas si vous avez vu ça, entre autres. Ça se manifeste rapidement. Les
gens veulent contribuer. On...
Oui. Pour répondre à votre question, oui,
on ressent. Mais, vous savez, les Je suis Charlie, ça fait un temps,
hein? Je veux dire, ça monte, à un moment donné, on est tous là, on est tous là
le poing levé puis on y va, mais, après un certain temps, tout ça redescend.
Donc, ce qu'on ne sait pas, c'est la durabilité de cette mesure-là ou la
continuité. Combien de temps ça va pouvoir...
• (9 h 50) •
Il y a une chose qui est certaine, c'est
que la conscientisation actuellement, là, on a du concret. Ça fait des années
qu'on le crie sur différentes plateformes pour l'ensemble des médias au Canada,
entre autres, partout au Canada. Nous, on s'est fait un défenseur avec la
coalition. On est allés à peu près à toutes les tables pour expliquer la
difficulté que les médias connaissaient, et aujourd'hui on ressent vraiment que
les gens se sentent vraiment interpellés, ce qui n'était pas le cas auparavant,
parce qu'il y a un geste concret. On a un groupe qui est menacé. Donc là, on
parle de toutes les régions du Québec... ou plusieurs régions du Québec qui
sont menacées de façon évidente. Donc là, on commence à se rendre compte de
l'importance de ça...
M. Gagnon (Claude) : ...les
médias connaissaient. Et aujourd'hui on ressent vraiment que les gens se
sentent vraiment interpelés, ce qui n'était pas le cas auparavant, parce qu'il
y a un geste concret. On a un groupe qui est menacé. Donc là, on parle de
toutes les régions du Québec ou plusieurs régions du Québec qui sont menacées de
façon évidente. Donc là, on commence à se rendre compte de l'importance de ça.
On a eu tendance à croire au cours des dernières années que l'information était
gratuite, que ça ne se payait par lui-même, que ça, il n'y avait pas de problème.
Tout ça allait... Mais ce n'est pas le cas. Il faut à un moment donné qu'il y
ait des revenus en quelque part. On ne peut pas strictement collecter, traiter l'information,
en payer le coût et dire : Bien, écoutez, on vous la donne gratuitement.
Ça ne fonctionne pas.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, on poursuit avec le collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon. Je trouve intéressant
que vous ayez systématiquement établi, dans le fond, les pistes de solution que
vous nous proposiez. Et il y en a une qui m'apparaît particulière, sur laquelle
j'aimerais peut-être vous entendre davantage. Vous parlez d'une régie
publicitaire provinciale. Ce que je comprends c'est d'avoir un modèle
d'affaires qui permette de concurrencer en termes de revenus publicitaires,
notamment au niveau du ciblage, en ayant — puis là, ce que je
comprends — en ayant une force de frappe, là, à ce que plusieurs
soient intégrés dans un même ensemble, que ce soit justement des hebdos, des
quotidiens locaux et régionaux. Est-ce que ce serait le gouvernement qui
créerait ça? Est-ce que ce serait une initiative privée? Est-ce que vous
pourriez nous en parler davantage?
M. Gagnon (Claude) : Oui.
Écoutez, il y a à peu près un an, un an et demi, en gros, on a commencé à
rencontrer différents intervenants de l'industrie, dans le domaine de la radio
entre autres, le domaine des journaux. On a réuni tout le monde à Montréal
autour d'une table en disant : Écoutez, il faudrait peut-être regarder
cette option-là, de faire les choses, de se créer une régie publicitaire parce
qu'on sait que de grands, grands, grands annonceurs demendent un minimum, par
exemple, à l'oeil, là, à 1 million d'impressions par période fixe pour
être capables de soutenir leurs besoins à eux, etc. Et on n'est pas capables
individuellement de fournir des éléments de ce genre-là. Donc, on parle en
millions. C'est peut-être... Le million n'est peut-être pas le bon chiffre, là,
je ne l'ai pas en mémoire, mais c'est... On parle en millions d'impressions.
Donc, on a commencé à regarder ce
système-là. Bien entendu, on est dans une industrie qui est en compétition au
moment où on se parle. Ce n'est pas simple de réunir tout le monde autour d'une
table et de créer l'unanimité. Il y a toujours des éléments qui ressortent, qui
ramènent à chacune des organisations. Moi, je pense que l'entreprise doit se
prendre en partie en main. S'il est besoin d'un soutien d'état ponctuel, qu'on
le manifeste. Je ne pense pas que l'État dise non à quelque chose de ce
genre-là, mais il faut à un moment donné s'en sortir, tu sais. Il faut, à un
certain moment donné être capable de concurrencer par nos propres moyens, si
c'est possible de le faire bien entendu. Mais ça va prendre un certain avant
que tout ça se stabilise. Mais ça serait une façon effectivement de
compétitionner les grands de ce monde. Il y a des groupes qui sont plus
importants que d'autres qui réussissent à avoir quand même une quantité assez intéressante
d'impressions à offrir, mais dans l'ensemble du marché, il n'y a pas beaucoup
de monde qui sont capables d'arriver à compétitionner ces grandes organisations
là qui ont réussi à fédérer énormément, énormément, énormément d'organisations.
M. Chassin :
Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Maintenant, je cède la paroel au collègue de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci beaucoup, M.
le Président. Je suis très content. Bienvenue, en passant. Puis sachez qu'on
est solidaires avec vous et votre organisation. J'aimerais ça mieux comprendre,
parce que vous avez évoqué un point sur les... un petit peu les droits d'auteur
ou les droits, là. Puis c'est intrigant. Parce que moi, je suis un amateur de
football, et on n'a même pas le droit, par égard, de dire le résultat d'un
match de football sans que la NFL s'intéresse puis vienne cogner assez fort.
Donc... Puis je suis un peu un... Je ne connais pas très bien les rouages des
médias, mais me semble qu'on devrait protéger l'information de la même manière.
Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ça. Puis j'aimerais ça aussi que vous
m'édiquiez un petit peu par rapport à pourquoi ça ne se fait pas. D'où vient
cette notion de partir avec les informations qu'on a produit non gratuitement
et ensuite les donner? Juste m'aider à situer ça un petit peu.
M. Gagnon (Claude) : C'est un
grand mal historique depuis l'arrivée de l'Internet entre autres. On a commencé
au départ à vouloir restreindre cette diffusion d'information là. Il y a deux
côtés. Il y a... D'un côté, entre autres, ça nous sert bien que l'information
soit diffusée sur ces plateformes-là, parce que ça rabat du lecteur sur nos
propres plateformes à nous, partiellement, parce qu'il y a beaucoup
d'organisations, comme Apple, comme Google, Apple News, etc., qui eux les
conservent directement sur leur plateforme, Microsoft, entre autres, les
conservent sur leur plateforme, donc ne les rabattent sur nos plateformes à
nous. Et tout ça, bien, ça crée un problème majeur. Donc, d'un côté, tu veux
être présent dans ces organisations-là pour être capable... Par exemple, quand
on regarde les engins de recherche, il y a peut-être jusqu'à 40 %,
dépendamment des médias, 40 % de leur trafic sur leur propre site qui
provient des engins de recherche. Je recherche une nouvelle, je vais sur le
site et je continue à faire une lecture beaucoup plus détaillée de
l'information. Donc, c'est un besoin, je veux dire. Dans l'univers actuel, là,
c'est une nécessité. Il faut fonctionner avec ça.
De l'autre côté, ces gens-là ont été
habiles à trouver des façons de commercialiser ces éléments-là par, entre
autres, les engins de recherche. Donc, tu cherches une nouvelle sur la
commission actuelle. On va dans Google et puis, Google, il apparaît une série
de possibilités avec, en avant-plan, quatre, cinq, six...
M. Gagnon (Claude) : ...avec
ça. D'un autre côté, ces gens-là ont été habiles à trouver des façons de
commercialiser ces éléments-là, par, entre autres, les engins de recherche.
Donc, tu cherches une nouvelle sur la commission actuelle. On va dans Google,
et puis Google, il apparaît une série de possibilités avec, en avant-plan,
quatre, cinq, six annonceurs qui se positionnent en ordre, dépendamment de ce
qu'ils sont prêts à payer par rapport à ça, pour être placés dans un certain
ordre. Et c'est là que l'argent se fait, en grande partie, à part les annonces
Google, etc. Donc, c'est difficile pour nous de contrer ce phénomène-là. C'est
un nouveau modèle d'affaires qu'ils ont développé, qui fonctionne, qui
fonctionne, mais qui fonctionne pour leur organisation. Il ne fonctionne pas
pour le reste.
Et n'essayez pas, demain matin, de
demander à Google ou à Facebook, de dire : Écoutez, vous allez maintenant
avoir le devoir de collecter et de traiter l'information régionale. Vous allez
voir qu'est-ce qu'ils vont répondre. Ils vont dire : Ah! on ne touche pas
à ça, mais pas du tout, mais pas du tout. Là, c'est juste de l'argent à
dépenser qu'on a affaire. Bien, c'est ce qu'on leur dit, on dit : Nous, on
le dépense, cet argent-là. Il faudrait être capable de collecter des revenus à
quelque part pour compenser un peu, au moins payer ce que ça coûte.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède maintenant la parole au collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. M. Gagnon, je suis d'accord avec vous. La conscientisation, en
ce moment, est à son maximum, mais combien de temps ça va durer? Heureusement,
ou malheureusement pour vous, la crise chez Groupe Capitales Médias a fait en
sorte que cette commission puisse avoir plus les projecteurs, mais, là encore,
pour combien de temps? Mais effectivement, il y a de la bonne volonté partout,
alors on va partir de ces idées-là.
Je voulais vous demander un petit mot sur
la régie publicitaire. Vous avez déjà répondu à une question là-dessus, mais,
sauf erreur, cette régie-là, elle pourrait aussi gérer les demandes pour les
médias sociaux, là. On n'est pas obligés d'aller sur Facebook directement pour
annoncer Facebook ou Google. Votre régie publicitaire dont vous parliez, qui me
semble être une voie... Et le commun des mortels n'en entend pas parler. Déjà,
hier, on s'est fait parler du placement média puis on a de la misère à s'y
retrouver, là. C'est comme une espèce de boîte de Pandore. Mais cette régie-là,
elle serait très porteuse, y compris pour permettre l'utilisation des médias
sociaux, mais avec une partie des profits qui passeraient par la régie, et donc
ses membres, là.
M. Gagnon (Claude) : Bien, ça
pourrait, ça pourrait être quelque chose de ce genre-là, effectivement. Il
faudrait que ça se fasse par réglementation, dans ce cas-là, parce que dans les
médias sociaux, ils ont leur propre porte d'entrée. Quand on va chez Facebook,
par exemple, ils ont leur porte d'entrée pour pouvoir placer des annonces
publicitaires. Si on oblige maintenant à passer par une régie qui est
existante, bien, ils n'auront pas le choix. Mais il faut que ça se fasse par
législation.
M. Lemieux : Au cours des
dernières années... On comprend, là, vous avez expliqué les 10 millions,
et tout ça. Mais pensez-vous que vous l'aviez, à un moment donné? Où ça a
brisé?
M. Gagnon (Claude) : Si on...
M. Lemieux : Parce que je me
souviens, au début, là, il y a cinq, six ans... C'est six ans?
M. Gagnon (Claude) : Quatre
ans... cinq ans... quatre ans.
M. Lemieux : Quatre ans?
C'était un beau projet, Groupe Capitales Médias.
M. Gagnon (Claude) : Oui, oui.
M. Lemieux : Vous l'aviez, là.
On avait...
M. Gagnon (Claude) : Ah! oui,
oui.
M. Lemieux : Tu sais, on
cherche le modèle d'affaires. Vous en aviez un. Ce n'était peut-être pas le
meilleur, mais vous aviez une idée.
M. Gagnon (Claude) : Tout à
fait.
M. Lemieux : Est-ce qu'il y a
des choses que vous n'avez pas pu faire, puis que vous avez encore dans votre
sac, en vous disant : Zut! on aurait pu, si ce n'était «de»? Alors,
qu'est-ce que vous aviez? Et si ce n'était de quoi?
M. Gagnon (Claude) :
Absolument, absolument, absolument. Notre transition numérique n'était pas
complétée. On a encore une transition qui est dans les coffres, qui est à
compléter. Vous savez, le papier est encore là actuellement. Il y a une
diminution du lectorat papier qui se produit au moment où on se parle. Il y a
une progression fulgurante dans nos médias numériques. On parle en millions de
lecteurs, ce qu'on n'a jamais eu dans le passé. Donc, on n'a pas un problème de
lectorat au moment où on se parle. On a un problème de revenus, bien entendu.
Ce qu'on prévoyait faire, ce qu'on avait discuté avec les intervenants
gouvernementaux, Investissement Québec, entre autres, c'est d'accélérer cette
transformation-là. Donc, ça demandait des fonds supplémentaires pour pouvoir
accélérer tout ça, en disant : Bien, on va commencer à aller beaucoup plus
rapidement vers le numérique.
Le grand drame qu'on connaît au moment où
on se parle, un des grands drames qu'on connaît au moment où on se parle, c'est
que, si vous prenez, par exemple, un journal qui se distribue à travers le
Québec... Le Soleil, par exemple, se distribuait au
Nouveau-Brunswick, au Québec, dans plusieurs, plusieurs endroits. Quand vous
regardez au kilomètre carré la densité de lecteurs aujourd'hui, par rapport à
il y a 10 ans, par exemple, il y a 10 ans, on pouvait distribuer, dans un
kilomètre carré, hypothétiquement, 100 exemplaires. Aujourd'hui, on va en
distribuer peut-être 30, 35, 40, quelque chose de ce genre-là. Par contre, le
coût de distribution demeure le même. Donc, par rapport aux revenus que ça
rapporte, l'équation n'arrive plus, ça n'a pas de sens.
Donc, il faut être capable de dire :
On soutient encore un certain temps ce phénomène-là, c'est-à-dire de lecture
papier, parce que nous, on a encore 700 000 lecteurs dans le groupe qui
sont des lecteurs papier. Et il faut, en même temps, être capable de faire
l'ajout dans le numérique. Donc, on compose avec les deux univers. Quand les
deux univers... l'univers numérique ne se remplit pas au rythme où il devrait
se remplir en termes de revenus, et l'univers papier est en décroissance
graduelle, c'est extrêmement difficile. Le nombre de lecteurs est phénoménal,
phénoménal. Les gens veulent s'informer.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. M. Gagnon. Maintenant, nous allons céder la parole à la porte-parole de
l'opposition officielle, la députée de Verdun.
• (10 heures) •
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. M. Gagnon, bonjour. Je vais aussi exprimer qu'on est vraiment solidaires
avec ce qui se passe...
10 h (version non révisée)
M. Gagnon (Claude) : ...c'est
extrêmement difficile. Le nombre de lecteurs est phénoménal, phénoménal.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci, M. Gagnon.
M. Gagnon (Claude) : Les gens
veulent s'informer.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci, M. Gagnon. Maintenant, nous allons céder la parole à la porte-parole de l'opposition
officielle, la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. M. Gagnon, bonjour. Je vais aussi exprimer qu'on est vraiment
solidaires avec ce qui se passe, bien sûr, dans les six quotidiens, mais aussi
les deux hebdos, les deux magazines. On ne le dit pas suffisamment, selon moi.
Donc, je vous entends, ce n'est pas un
problème de lectorat. Clairement, ce n'est pas un problème de qualité non plus.
J'ai entendu, en introduction, vous avez perdu 50 % de vos revenus
publicitaires. Et peut-être, pour bien exprimer ce qui s'est passé, dans le
fond, c'est que les géants du Web profitent... qui sont une plateforme,
profitent du contenu, du fruit de votre travail, qu'ils mettent sur leurs
réseaux puis qui empochent sans jamais verser un sou vers le Groupe Capitales
médias, mais vers tous les médias au final, québécois, parce que c'est ce qui est
question aujourd'hui.
La question est donc la suivante :
Pensez-vous qu'on doit attendre jusqu'en 2020 pour pouvoir se pencher sur le
paiement de taxes ou d'impôts par les géants du Web au Québec?
M. Gagnon (Claude) : Je pense
qu'actuellement on a la Nouvelle-Zélande qui ont pris leurs responsabilités, on
a la France qui prend ses responsabilités, on a l'Espagne qui y travaille
également. On a beaucoup de pays à travers le monde qui constatent les mêmes
problèmes qu'on constate, nous, au niveau de l'information et qui ont décidé de
prendre le taureau par les cornes et dire : Écoutez, on va vivre... on a
un géant qui s'appelle les États-Unis, entre autres, là, qui dicte des règles
dans cet univers-là. Il y a des gens qui répondent : Écoutez, malheureusement,
on vit dans des sociétés de droit et on va, nous, comme société, imposer nos
propres règles, ce qui se fait actuellement en France, entre autres les débats,
et dans les autres pays.
Je pense que plus tôt que plus tard, on
doit agir dans ce domaine-là. Je veux dire, le fait d'attendre n'amènera rien
de mieux ou de plus. Il faut agir. À moins qu'on dise : Écoutez, on va
attendre encore plusieurs années et on compensera entre-temps. Mais ce n'est
pas vrai que les...
Mme Melançon : ...urgence actuellement.
M. Gagnon (Claude) : Bien,
l'urgence est là, et ce n'est pas vrai que l'industrie va se tenir toute seule
dans le contexte actuel. C'est impossible. Je veux dire, il va arriver quelque
chose, là. C'est impossible.
Mme Melançon : C'est clair.
Moi, ce matin, j'ai demandé... parce que les deux derniers jours, on nous a
clairement expliqué ici, en commission, que le noeud du problème, c'était bien
sûr la perte des revenus publicitaires. Et le 2 mai dernier, je déposais ici,
au salon bleu, une motion qui a été adoptée à l'unanimité, à savoir que la
publicité gouvernementale doit venir dans les médias ici, au Québec. Parce que
chaque sou qui est investi, et ça, il faut vraiment le dire et le répéter,
chaque sou qui est investi chez les géants du Web, c'est de l'argent qui est
perdu, qui s'en va directement dans des paradis fiscaux.
Alors, pour moi, ce qui est important
aujourd'hui, et c'est ce que j'ai demandé... Moi, j'étais surprise, hier,
d'apprendre, par d'autres groupes qui sont venus avant vous, qu'il n'y a aucune
directive qui a été donnée du côté de la ministre de la Culture et des
Communications, pour dire : On va avoir une directive, puis le
gouvernement, là, chaque sou investi va s'en aller chez les médias québécois.
Ça fait 118 jours, je pense, qu'il y a urgence d'agir, et je vois des gens, là,
qui étaient avec nous hier, là, qui sont aussi derrière avec vous, qui sont
dans la même situation que vous. Il faut bouger et rapidement. C'est l'urgence
que j'entends aujourd'hui.
M. Gagnon (Claude) : Je pense
que vous tous, comme décideurs, là, êtes vraiment conscients du problème. Il y
a des bonnes décisions qui se prennent actuellement. Il faut être réalistes et
corrects, il y a de bonnes décisions. Mais le problème ne se règle pas de
lui-même. C'est certain, certain, certain. Il faut agir. Il faut agir... Il y a
différentes façons d'agir. Ça peut être par du soutien, ça peut être du soutien
temporaire, dire qu'on va attendre qu'il se passe quelque chose, mais il faut
absolument qu'il y ait des gestes de posés par l'État, c'est certain.
Mme Melançon : Est-ce que la
situation précaire que vous viviez déjà au printemps passé... on avait lu, dans
certains journaux, que le Groupe Capitales médias était en difficulté.
J'imagine que vous avez rencontré les gens du gouvernement pour quand même leur
faire part de la précarité de votre groupe.
M. Gagnon (Claude) : Depuis
plusieurs, plusieurs mois, on est en contact avec le gouvernement. On a remis
des rapports, on a remis un plan stratégique, on a remis des budgets, on a
remis beaucoup, beaucoup, beaucoup d'éléments depuis plusieurs mois.
Mme Melançon : Parfait. Alors,
c'est surprenant de savoir...
M. Gagnon (Claude) : Et
plusieurs rencontrer, plusieurs demandes supplémentaires, des vérifications de
firmes indépendantes qui sont venues vérifier toutes nos données, qui ont
confirmé les données qu'on avait données. Donc, oui, effectivement...
Mme Melançon : C'est
épouvantable, alors, de savoir que la ministre de la Culture ne semblait pas
être au courant avant il y a deux semaines. Parfait.
M. Gagnon (Claude) : Bien, écoutez,
si vous me permettez, je ne connais pas les règles parlementaires et comment ça
fonctionne... nous, on travaillait avec l'équipe de fonctionnaires, entre
autres Investissement Québec, du ministère de l'Économie et du ministère de la
Culture, ministère des Finances, etc. De quelle façon ça s'est rendu à la
ministre? Je ne peux pas en témoigner, mais on a fait notre travail au niveau
des directeurs et des fonctionnaires.
Mme Melançon : Merci. Avec le
5 millions de dollars qui a été consenti par le gouvernement, au départ,
on nous disait...
M. Gagnon (Claude) : ...entre
autres, Investissement Québec, du ministère de l'Économie, du ministère de la
Culture, ministère des Finances, etc. De quelle façon ça s'est rendu à la ministre?
Je ne peux pas en témoigner, mais on a fait notre travail au niveau des
directeurs et des fonctionnaires.
Mme Melançon : Merci. Avec le
5 millions de dollars qui a été consenti par le gouvernement, au départ on
nous disait : Jusqu'au 31 décembre. Là, on semble rapprocher la date.
Est-ce que la mi-novembre est toujours...
M. Gagnon (Claude) : Il y a
deux scénarios. D'abord, le scénario qui a été remis par le séquestre est un
scénario qu'on appelle un scénario pessimiste, c'est-à-dire que, lui, entrevoyait,
par exemple, des baisses... par-dessus les baisses que, nous, on avait prévues,
ajoutait des baisses de 15 % supplémentaires au niveau des revenus pendant
une certaine période, 20 % et 15 %. C'est-à-dire qu'il a été
extrêmement conservateur dans sa prévision en disant, et avec raison :
Est-ce qu'on va assister, entre autres, à un désabonnement massif au niveau des
lecteurs? Est-ce qu'on va assister à un désintéressement au niveau des
annonceurs? Parce que se placer sous séquestre, ça a un effet public, hein? Il
a fallu gérer ça, là, j'ai fait 1 500 kilomètres dans les derniers
jours, juste pour sécuriser nos employés, entre autres, et c'est sûr que ça a
un...
Donc, de façon conservatrice, le scénario
nous menait à milieu novembre. Maintenant, si tout se confirme tel qu'on a
prévu au départ, ça va jusqu'à la fin décembre pour être capable d'opérer.
Mme Melançon : Parfait. Dans
votre mémoire, vous parliez d'effets de domino, notamment dans la distribution,
là, parce qu'on le voit clairement, là, vous distribuez aussi d'autres
quotidiens, donc on peut les dire, là, The Gazette, que ce soit The
Record, bref, il y a une liste. Mais il y a aussi un autre effet de domino,
La Presse canadienne, hein, qui vous alimente, dans le fond, comme
agence de presse. Est-ce que vous pouvez expliquer comment ça fonctionne chez
Groupe Capitales médias avec La Presse canadienne, s'il vous plaît?
M. Gagnon (Claude) : Écoutez,
pour La Presse canadienne, j'aimerais mieux qu'ils vous en parlent,
eux-mêmes, parce qu'ils ont beaucoup, beaucoup de clients, c'est une grosse
organisation. Nous, ce qu'on a, au niveau de La Presse canadienne, on
travaille avec deux agences de presse, La Presse canadienne et France-Presse
principalement parce que La Presse canadienne nous donne également accès
à AP, American Press qui nous donne l'ensemble. Puis ce qu'on
veut offrir à la population, c'est des vues différentes de l'information, des
vues qui sont... quand on regarde la vue européenne, la vue canadienne. Mais ce
qui est certain, c'est que, si un groupe comme Groupe Capitales médias n'était
plus là demain matin, ça mettrait en cause beaucoup d'organisations, quand on
parle, le conseil de presse auquel on cotise, un des cotisants principal, quand
on parle, la FPJQ, on a un paquet de membres... de journalistes qui sont
membres de ça. Il y a beaucoup d'organisations au Québec. Il y a un phénomène,
là, de cascade qui se produirait. On ne serait pas les seuls, c'est certain.
Mme Melançon : Moi, j'aimerais
beaucoup qu'on puisse dire que La Presse canadienne... leur poser les
questions. On ne les entendra pas en commission, c'est pour ça que je me
permettais de vous poser la question. À ce que je comprends, le premier client,
quand même, de La Presse canadienne, c'est le Groupe Capitales médias.
M. Gagnon (Claude) : On est un
gros client de La Presse canadienne, francophone.
Mme Melançon : Voilà. Exactement.
On s'entend là-dessus. J'aimerais vous entendre sur le pourcentage, hein. Vous
avez fait une proposition, dans le fond, pour le crédit d'impôt. Il n'y a pas nécessairement
de pourcentage que vous avez mis autour du crédit d'impôt. Vous, est-ce que
vous le voyez sur l'ensemble de la masse salariale? Comment est-ce que vous...
M. Gagnon (Claude) : Bien,
idéalement, ce serait un crédit d'impôt sur l'ensemble de la masse salariale.
On dit souvent, dans toutes les représentations qu'on a faites au niveau des
organismes gouvernementaux, les sociétés d'État, etc., ce qu'on dit, c'est que
si vous nous votez des mesures qui ne règlent pas le problème de l'industrie,
ne votez pas les mesures, vous allez mettre de l'argent dans le feu, ça ne
donne rien. Si vous donnez des sommes qui ne sont pas suffisantes pour passer
au travers, faites-le pas, c'est dépenser l'argent du public. Il faut régler le
problème. Si vous votez des sommes, votez des sommes pour régler le problème,
le véritable problème, sans ça, il ne faut pas dépenser l'argent de tout le
monde pour rien.
Mme Melançon : J'entends bien.
Je terminerais de mon côté... Combien de temps, M. le...
Le Président (M. Tanguay) :
...
Mme Melançon : Oh! Une minute.
Alors, je suis mieux de faire vite. Pour vous, la diversité des voix au Québec,
c'est important dans la presse, dans les médias, dans l'information?
M. Gagnon (Claude) : C'est
fondamental. C'est fondamental. Encore une fois, si on règle un problème puis
on s'en crée d'autres, ce n'est pas plus brillant. Je veux dire, ce n'est pas
une décision à court terme qu'on a à prendre actuellement par rapport à
l'industrie des médias. C'est une décision à long terme. Il faut regarder
toutes les répercussions de ça, c'est majeur. Quand on parle de qualité
d'information, de diversité d'information, c'est un phénomène qu'il faut
absolument mettre dans la balance. C'est vraiment important, vraiment.
Mme Melançon : On va suivre la
suite avec beaucoup d'attention, M. Gagnon. Merci d'avoir été avec nous
aujourd'hui.
M. Gagnon (Claude) : Merci
beaucoup, Madame.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Et maintenant, pour une période de 2 min 30 s, je cède la
parole à la collègue de Taschereau.
Mme Dorion : Merci. Bonjour.
M. Gagnon (Claude) : Bonjour.
• (10 h 10) •
Mme Dorion : Le député de
Beauce-Sud disait, un petit peu plus tôt, que les entreprises en région se
doivent d'appuyer leurs médias régionaux, et je vous avance humblement que de
dire ça, c'est un peu une incompréhension du système capitaliste dans lequel on
vit. Les gens ne font pas de façon récurrente les choses parce qu'ils y croient
quand ils veulent faire fonctionner une entreprise. Et ce n'est pas la première
fois que j'entends ça de la part de députés...
Mme Dorion : ...région se
doivent d'appuyer leurs médias régionaux, et je vous avance humblement que de
dire ça, c'est un peu une incompréhension du système capitaliste dans lequel on
vit. Les gens ne font pas de façon récurrente les choses parce qu'ils y croient
quand ils veulent faire fonctionner une entreprise. Et ce n'est pas la première
fois que j'entends ça de la part de députés du gouvernement. J'ai peur qu'on en
vienne, au bout de cet exercice-là, à dire aux gens : Tout le monde,
encouragez vos médias locaux. Nous, l'État, on va prendre un petit peu plus de
pubs dans nos médias locaux, et qu'on ne compte que là-dessus.
J'aime beaucoup l'idée d'une régie de la
publicité, je trouve ça très intéressant. Mais, si je vous demande
réalistement : Dans le contexte de la révolution numérique actuelle, est-ce
que cette solution-là pourrait suffire à long terme à assurer la survie de nos
médias régionaux?
M. Gagnon (Claude) : Non. Non.
Mme Dorion : Donc, de l'argent
public récurrent va être nécessaire de toute façon?
M. Gagnon (Claude) : Soit de l'argent
public récurrent ou soit une contribution de grandes corporations
internationales ou multinationales qui paient leur juste part. Il faut que ça
aille dans un sens ou à l'autre, il faut qu'il y ait une entrée de fonds qui se
fasse supplémentaire dans les médias.
Mme Dorion : Et est-ce qu'il y
a une bonne raison, selon vous, de retarder le travail, la mise en place
d'une... finalement, d'une feuille de route, là, pour en arriver jusqu'à
l'imposition, un système de redevances, quelque chose, là, par rapport aux
géants du numérique?
M. Gagnon (Claude) :
Malheureusement, je n'ai pas tous les éléments pour juger de la complexité de
tout ça, parce que vous êtes là pour pouvoir l'analyser. Mais, vu de notre
siège à nous, on pense que tout ça, il faut que ça se fasse plus vite que plus
tard.
Mme Dorion : Ça va être tout
pour moi. Merci.
M. Gagnon (Claude) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Maintenant, j'aimerais vérifier le consentement pour qu'on
puisse permettre au collègue de Jonquière de participer au débat. Y a-t-il
consentement? Oui, consentement. Alors, collègue de Jonquière, pour une période
de 2 min 30 s, la parole est à vous.
M. Gaudreault : Oui. Merci, M.
le Président. Alors, M. Gagnon, vous êtes un gars du Saguenay.
M. Gagnon (Claude) : Eh oui!
M. Gaudreault : Vous savez
qu'il y a trois vaches sacrées au Saguenay—Lac-Saint-Jean : le lac, le
fjord, le Quotidien puis le Progrès. Alors, on ne peut pas
s'imaginer notre région sans cette institution. J'ai l'impression que
l'éléphant dans la pièce et que... dont personne ne parle, ni dans votre
mémoire ni ici, c'est les régimes de retraite. Vous avez plus de retraités que
de cotisants. Alors, je n'ai pas beaucoup de temps. Question brève, réponse
brève, s'il vous plaît. J'aimerais savoir, de 2015 à 2019, quel est le déficit
actuariel des régimes de retraite, le taux de solvabilité. Donc, en cas de
faillite ou de reprise de Capitales Médias par des repreneurs, il faudrait
injecter combien pour maintenir les prestations des retraités, s'il vous plaît?
M. Gagnon (Claude) : Je vais
essayer de répondre du mieux possible, parce que c'est une question qui est
extrêmement complexe qui demanderait peut-être des actuaires. Le déficit actuel
est autour de 65 millions, le régime... On a plusieurs régimes de
retraite. N'oubliez pas, on a six journaux, on a 14 unités syndicales, donc
plusieurs régimes de retraite. Il est autour de 65 millions. On a à peu
près 225 millions d'actifs dans nos régimes de retraite au moment où on se
parle. Le taux de solvabilité est actuellement... va varier entre 75 % et
78 %, dépendamment des régimes.
M. Gaudreault : 75 % à
78 %.
M. Gagnon (Claude) : Pour
cent, pour cent.
M. Gaudreault : Et vous dites
65, 66 millions de...
M. Gagnon (Claude) :
65 millions environ, là, parce que ça varie d'une journée à l'autre. Je
vais vous donner un exemple. Au mois de décembre dernier, au 31 décembre, quand
vous avez vu, entre autres, le bilan qui a été remis, on parlait de
26 millions, 25 millions de dette. Dans ça, il y avait 17 millions
qui provenaient de la descente des marchés financiers d'octobre, novembre,
décembre. Ça a créé un trou de 17 millions actuariel, c'est-à-dire un
déficit actuariel, donc ce 17 millions-là devenait un déficit. Les trois
mois qui ont suivi, janvier, février, mars, les bourses se sont mises à
remonter. Du 17 millions, il en reste quatre millions après trois mois.
Donc, ça a peut-être disparu, là, c'est peut-être rendu... je ne sais pas, avec
les... Ça varie beaucoup à partir des marchés boursiers.
M. Gaudreault : Donc,
65 millions. Il était à combien en 2015, quand vous avez...
M. Gagnon (Claude) :
Malheureusement, je n'ai pas le... Ça devait être... Ça dépend beaucoup,
beaucoup, beaucoup du taux d'intérêt... deux éléments : le taux d'intérêt
des obligations 10 ans et des rendements des marchés boursiers.
M. Gaudreault : Dans vos
négociations avec le gouvernement actuel, est-ce qu'il est en jeu de mettre des
conditions, pour toute reprise éventuelle, de combler le déficit actuariel pour
maintenir les prestations?
M. Gagnon (Claude) : Je ne
suis pas au courant des conditions qu'ils vont émettre, parce qu'on n'est pas
rendus là, et je ne sais pas s'ils vont les partager.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
M. Gagnon (Claude) : C'est
Investissement Québec, là, par rapport à ça. Donc, je ne suis pas au courant de
cette partie-là. Mais vous comprendrez qu'une de nos préoccupations les plus
grandes actuellement, c'est les fonds de retraite...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci, M. Gagnon.
M. Gagnon (Claude) : ...pour
nous, pour les gens et pour...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. C'est mon rôle...
M. Gagnon (Claude) : Je
comprends.
Le Président (M. Tanguay) :
Maintenant, pour deux minutes, je cède la parole à la collègue de
Marie-Victorin.
Mme Fournier
: Merci
pour votre présentation et votre résilience.
M. Gagnon (Claude) : Merci,
madame.
Mme Fournier
: J'ai
deux questions, donc je vais y aller rapidement. D'abord, la question de la
régie publicitaire provinciale, c'est intéressant, mais, vous savez bien, bon,
le nerf de la guerre, c'est d'avoir des outils aussi efficaces...
M. Gagnon (Claude) : Tout à
fait.
Mme Fournier
: ...que
ceux qu'offrent par exemple les GAFA. Donc, vous avez parlé d'impression. Mais
comment est-ce que vous voyez la notion de ciblage là-dedans, à laquelle vous
avez fait référence dans votre présentation?
Deuxième question. On parle évidemment
d'augmenter les revenus. Est-ce qu'il y a un moyen de réduire la dépendance à
la publicité? Vous avez parlé des redevances, évidemment, qu'on pourrait
obtenir des GAFA. Mais est-ce qu'il est question, du côté du Groupe Capitales
Médias, d'analyser la possibilité de demander une contribution aussi aux
lecteurs? Parce que la notion du journal papier...
Mme Fournier : ...dans
votre présentation.
Deuxième question. On parle évidemment
d'augmenter les revenus. Est-ce qu'il y a un moyen de réduire la dépendance à
la publicité? Vous avez parlé des redevances, évidemment, qu'on pourrait
obtenir des GAFA, mais est-ce qu'il est question du côté du Groupe Capitales
Médias d'analyser la possibilité de demander une contribution aussi aux
lecteurs? Parce que la notion du journal papier... on achète le journal papier,
mais, sur le Web, on consomme l'information gratuitement. À l'heure actuelle,
je crois qu'il y a juste Le Devoir et L'Actualitéqui
demandent ou qui imposent, en tout cas, une certaine limitation dans le contenu
sur le Web. Est-ce que c'est une avenue que vous envisagez?
M. Gagnon (Carl) : Pour
votre première question, les régies publicitaires, il y a déjà des régies
publicitaires qui existent, par exemple, vous avez le groupe M32 au Québec
qui sont des plus petites régies publicitaires, mais qui ont déjà tous les
mécanismes qui sont en place pour être capables d'opérer sur une plus grande...
plus largement au niveau du Québec. Il y a plusieurs groupes comme ça qui
existent, c'est-à-dire, plusieurs... quelques groupes comme ça au Québec qui
ont déjà développé les instruments mathématiques et informatiques pour être
capables... pour fonctionner, et qui le font partiellement avec un certain
nombre d'organisations. Donc, ce n'est pas incontournable, au contraire. Déjà,
on a déjà des instruments qui sont en place, il y a moyen de faire ça et de
s'associer à des groupes de ce genre-là pour pouvoir le réaliser sur la scène
provinciale.
Pour la deuxième partie, vous avez totalement
raison. Dans notre plan d'affaires qu'on a déposé au gouvernement, le dernier, entre
autres, il y a une mutation vers ce qu'on appelle le numérique payant qui
s'opérait. Parce que, de notre côté, pour ce qui est, entre autres, des médias
régionaux, on ne croit pas au phénomène de la gratuité, de la possibilité de
pouvoir continuer dans un phénomène de gratuité. Ça crée l'illusion que tout
est gratuit, puis ça ne peut pas durer comme ça. En tout cas, pour nous. Il y a
d'autres groupes de presse qui pensent différemment. Chacun y va de sa façon...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
M. Gagnon (Carl) :
...mais, de notre côté, non.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup, M. Gagnon, au nom de la commission, d'avoir participé à
nos travaux.
Et, afin de permettre aux représentants de
Néomédia de prendre place, je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 17)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vais maintenant continuer... nous allons maintenant
continuer nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentantes,
représentants du groupe Néomédia. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous
disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous
aurez l'occasion d'échanger avec les collègues. Pour les fins d'enregistrement,
je vous demanderais de bien préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus
tarder, la parole est à vous.
M. Poulin (Claude) : Merci
beaucoup. Bonjour à vous tous, gens de la commission, chers élus parlementaires,
représentants.
Claude Poulin de... président de Néomédia.
Je suis accompagné de Patrica Ann Beaulieu, directrice générale régionale.
Donc, ça nous fait plaisir d'être ici.
Merci de nous recevoir aujourd'hui lors de cette commission sur l'avenir des
médias. Je tiens à souligner d'entrée de jeu la qualité des interventions qu'on
a depuis trois jours. Ça amène des pistes de solution, ça nous présente une industrie,
justement, pertinente, bien vivante puis, plus que jamais, qui a à cœur, justement,
la quête de se sortir de cette crise, cette crise-là, qui, on l'espère,
ralentira l'érosion des revenus et, par le fait même, assurer, justement, la
survie puis le maintien des entreprises médiatiques.
• (10 h 20) •
Donc, je suis Claude Poulin, président de
Néomédia. Je suis...
M. Poulin (Claude) :
...pertinente, bien vivante puis, plus que jamais, qui a à coeur justement la
quête de se sortir de cette crise-là, qui, on l'espère, ralentira l'érosion des
revenus et, par le fait même, assurer justement la survie puis le maintien des entreprises
médiatiques.
Donc, je suis Claude Poulin, président de
Néomédia. Je suis propriétaire d'un groupe médiatique numérique, donc
100 % numérique. Je vais le répéter plusieurs fois parce que ça fait 13
ans qu'on le répète et puis ça rentre difficilement. Pour nous, justement, on
veut interpeler la commission aujourd'hui sur l'impôt du débat quant à la santé
de notre démocratie. Il est important d'agir, de comprendre puis de mettre en
perspective tous les aspects, tous les modèles d'affaires existants et à venir,
d'écouter attentivement les nouvelles avenues et les différents scénarios. Nouvelles
avenues, on va revenir là-dessus.
En premier lieu, permettez-moi de vous
parler de notre modèle d'affaires, de notre groupe de presse présent depuis
déjà 13 ans dans 15 régions du Québec. Nous sommes déjà un média 100 %
numérique. Notre discours va vous apporter, on l'espère, une vision, une
expérience et une réalité différente des autres. Nous avons accompli ceci sans
les revenus publicitaires des avis publics, sans les revenus des annonces
classées et sans les revenus des agences nationales. Ça fait déjà plus de 13
ans que nous exploitons un quotidien local, EnBeauce.com, 100 % numérique,
je le répète, et ce, quatre ans avant la venue de Facebook.
Nous sommes présents dans plusieurs
régions du Québec. Notre quotidien Web, pour ne nommer que celui-ci, de la
Beauce rejoint chaque jour 22 000 personnes, plus d'un demi-million de
visites par mois pour un seul marché. Pour l'ensemble du groupe Néomédia, c'est
près de 1 million de visiteurs chaque mois, donc 1 million de
citoyens québécois qui s'informent sur nos plateformes 100 % numériques
locales. Nous livrons l'information instantanée via notre différentes
plateformes sur une base quotidienne à tous les types de clientèles, peu
importe leur âge, leurs habitudes de consommation ou leur profil. Nous sommes
prêts à déployer davantage nos efforts afin de poursuivre notre développement
dans plusieurs régions où nous possédons déjà des journaux Web connus et
reconnus. Nous avons des idées différentes, viables pour assurer l'avenir du
journalisme au Québec. Laissez-nous vous présenter nos solutions.
Vous avez déjà la réponse en tête, je suis
convaincu, mais on va se la reposer encore. Qu'est-ce qui rend si attractif
l'achat de publicité sur les réseaux sociaux pour déplacer d'aussi grands
budgets de la part de plusieurs organisations, et ce, sur toute la planète? Un,
la capacité de mesurer nos actions, deux, le ciblage, trois, la faiblesse de
l'investissement de départ — donc le faible coût de départ, tout le
monde a dépensé 20 $ sur Facebook, je suis convaincu, pour
l'essayer — et la facilité d'utilisation. Rendre l'achat de publicité
facile, c'est la clé du succès. Il faut devenir compétitif avec Facebook et
Google. C'est leur principal outil, c'est la facilité d'utiliser leurs
applications pour acheter de la publicité.
Partout, les gens ont été exposés à la
même formule. Les géants ont simplifié l'achat publicitaire. Il faut que
l'acheteur de publicité ait accès rapidement aux données et à une plateforme de
réservation commune. Je suis content d'avoir entendu tantôt les gens de
Capitales médias. Une plateforme, une régie publicitaire, ça fait trois ans
qu'on en parle. Les médias du Québec ne proposant pas de solution intégrée
facile et rapide pour l'annonceur qui voit ses investissements fragmentés en
des dizaines, voire des centaines de possibilités au Québec, nous devons nous
unir pour mieux cohabiter avec nos nouveaux compétiteurs, les GAFAM.
Saviez-vous que, présentement, plusieurs
de nos clients sont intéressés à acheter partout au Québec et il nous est quasi
impossible de gérer ces campagnes ou de les réserver chez Québecor, LaPresse,
Capitales médias, Le Devoir et tous les sites Web régionaux et les
médias du Québec de façon rapide et transparente? Le client se tourne à coup
sûr vers la facilité qu'offrent Facebook et Google. Notre avantage en tant que
médias québécois, là, je parle de l'ensemble des médias, est grand. On a une
meilleure connaissance du terrain. On a une meilleure connaissance de nos
marchés. On est présents sur le terrain. On connaît nos communautés puis on
connaît nos marchands annonceurs. Il faut capitaliser sur cette force unique de
proximité et offrir une solution complète d'offre publicitaire locale, ciblée,
mesurable et facile, une plateforme unique pour l'ensemble du numérique québécois,
et ce, sans intermédiaire.
Nos sommes donc la preuve vivante que le
modèle fonctionne. Bien honnêtement, on reconnaît la crise auprès de nos
consoeurs de l'industrie, mais en sommes-nous réellement affectés chez
Néomédia? Nos revenus sont en croissance. Nos équipes sont créatives,
mobilisées, motivées et performantes et nous sommes profitables. On croît, par
contre, qu'il est impératif de régler le déséquilibre fiscal entre les GAFAM et
nos entreprises. Comme solution, nous souhaitons voir imposée une taxe à
l'utilisateur-payeur. On croît qu'une imposition de 15 % sur les achats de
publicité par les entreprises québécoises utilisant les services de Google et
Facebook serait une autre façon cérative de financer les différents programmes.
Pas plus tard qu'hier Amazon répondait, suite à l'entente de la France et des
États-Unis, en disant vouloir refiler la taxe de 3 % à ses vendeurs si on
devait lui en imposer une. Tôt ou tard, ce sont les entreprises d'ici qui vont
payer, alors pourquoi attendre?
Parlant d'aide financière...
M. Poulin (Claude) : ...de
financer les différents programmes. Pas plus tard qu'hier, Amazon répondait,
suite à l'entente de la France et des États-Unis, en disant vouloir refiler la
taxe de 3 % à ses vendeurs, si on devait lui en imposer une.
Tôt ou tard, ce sont les entreprises d'ici
qui vont payer, alors pourquoi attendre? Parlant d'aide financière, j'aimerais
aborder le sujet du Programme d'aide à la transformation numérique des médias
écrits, un programme déjà existant depuis décembre 2017, programme proposé par
le gouvernement. Or, il est à noter que cela semblait simple et la... mise en
place pour aider les médias écrits à prendre le virage numérique facilement. Ça
va faire deux ans en décembre qu'on attend l'aide de ce programme-là. Nous en
sommes à notre troisième demande. Les projets de développement chez nous ont
été mis en attente car une des conditions du programme pour obtenir le financement
est qu'on ne peut pas avoir commencé le projet, sinon on n'est plus admissible,
on n'est plus recevable.
Nous avons démontré que la formule
fonctionne. Qu'est-ce qu'on attend? L'éligibilité de ce programme devrait être
élargie afin d'inclure les start-up Web car elles pourraient devenir les plus
beaux modèles d'affaires médiatiques numériques que le Québec ait connues. Sur
l'ensemble de la planète, la communauté d'affaires reconnaît le fait que ces
entreprises issues du Web ou start-up ont une flexibilité, une agilité et beaucoup
plus de chances de réussite que les entreprises traditionnelles qui tentent de
sauver et de diminuer la décroissance et les pertes.
Des entreprises qui ont déjà un ADN
numérique pour réaliser la création de contenus d'information avec des outils
et des approches 100 % Web seraient une solution plus gagnante et
performante que de transformer une entreprise qui a un vieux modèle d'affaires
totalement différent et dépendant d'une imposante structure incontournable pour
bien opérer. Et nous citons Nathalie Roy...
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Oui. Pas plus tard qu'hier, Nathalie Roy acheminait, sur le fil de presse de
nos quotidiens et de tous les médias au Québec, une lettre ouverte... enfin, le
message suivant : «Le développement...» Et je cite une partie de la
lettre. «Le développement des régions dépend nécessairement de leur capacité à
innover et à mettre en place des moyens de prospérer. L'entrepreneuriat et la
prospérité économique passent aujourd'hui par la création de solides partenariats
et des maillages entre plusieurs secteurs d'activité. L'industrie de la presse
écrite n'échappe pas à ces nouvelles réalités. Des acteurs du milieu variés ont
maintenant l'occasion d'imaginer de nouveaux modèles d'affaires viables, privés
ou collectifs qui offriront une information objective et de qualité accessible
à tous les Québécois.»
M. Poulin (Claude) : Donc, je
repose encore la question : Pourquoi sommes-nous toujours en attente de
l'aide financière du Programme de transformation numérique de la presse écrite,
alors que les grands médias traditionnels ont reçu cette aide et ont toujours
un besoin criant de support? Je vous rappelle que, dans le nom «entreprise de
presse», se trouve le nom «entreprise» et qu'il en va de la responsabilité de
chaque entrepreneur et dirigeant d'avoir le courage de prendre les bonnes
décisions pour assurer la pérennité de son entreprise.
Bref, voilà nos recommandations afin
d'assurer la pérennité des médias d'information de façon globale et inclusive
et non juste la sauvegarde d'une industrie papier en péril. Ce que nous nous
devons de protéger, c'est l'information, le droit de celle-ci à la population,
à nos communautés, aux nouvelles générations, pour une démocratie juste,
transparente et équitable, et non, je le répète, le sauvetage d'un modèle ou
des modèles médiatiques traditionnels et surtout non adaptés aux nouvelles
technologies actuelles et celles de demain. Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Et maintenant, pour un premier bloc d'échange de 15 minutes, je
cède la parole au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Bonjour, Claude. Ça va bien? Merci pour la présentation, très intéressant. On
était ensemble samedi au triathlon du lac Poulin avec énormément de plaisir et
merci également pour l'implication.
On s'est parlé souvent de l'avenir des
médias, des enjeux qui se posent, entre autres concernant l'ère numérique, et
Dieu sait que vous avez été parmi les premiers au Québec à développer un média
100 % numérique, particulièrement dans les régions du Québec. À un moment
où personne n'y croyait, vous y avez cru et vous avez réussi à regrouper
différents médias à travers le Québec également autour de Néomédia. Certains
qui se retrouvaient à l'écrit sont devenus 100 % numériques également.
Alors, vous avez été des visionnaires. Vous avez une vision à long terme, et il
n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui on se doit de passer à la prochaine
étape.
On s'est parlé également plusieurs fois du
Programme d'aide à la transformation numérique qui avait été annoncé sous le
précédent gouvernement, qu'il y avait des défis pour mieux accompagner les
régions, mieux les aider, mieux les appuyer. L'objectif n'est pas juste
d'appuyer les gros joueurs, mais effectivement d'appuyer les gens qui se
retrouvent dans les régions à faire ce virage vers le numérique. J'ai bon
espoir qu'à court terme on puisse annoncer de bonnes nouvelles à l'intérieur de
ce programme-là existant, pour lequel, dans l'ancien budget, des sommes
financières ont été allouées. Alors, ça, je pense, c'est un souhait qui est
super important.
• (10 h 30) •
Concernant les revenus publicitaires, je
ne peux pas ne pas dire que les entreprises en région ne doivent pas également
appuyer les médias régionaux. Je pense qu'on a cette responsabilité-là. On ne
peut pas se baser que là-dessus, c'est bien évident, mais on se doit de
rappeler que, lorsqu'il y a des investissements publicitaires qui sont faits,
de l'importance de rejoindre nos médias régionaux et de rejoindre notre population,
on se doit de le rappeler et de le dire.
Maintenant, j'aimerais vous amener sur
différentes pistes...
10 h 30 (version non révisée)
M. Poulin (Beauce-Sud) : ...en
région ne doivent pas également appuyer les médias régionaux. Je pense qu'on a
cette responsabilité-là, on ne peut pas se baser que là-dessus, c'est bien
évident, mais on se doit de rappeler que, lorsqu'il y a des investissements
publicitaires qui sont faits, de l'importance de rejoindre nos médias régionaux
et de rejoindre notre population. On se doit de le rappeler et de le dire.
Maintenant, j'aimerais vous amener sur
différentes pistes de solution. Je veux revenir sur la régie publicitaire dont
vous nous avez parlé. On a parlé hier beaucoup des agences de publicité, vous y
étiez, qui conseillent à leurs clients de se tourner, très souvent, vers les
réseaux sociaux, parce qu'ils disent : C'est là que ça marche, que
l'avenir est là, que tout est beau, donc délaissent les médias traditionnels,
que ce soient des médias régionaux numériques ou encore des médias qui se
retrouvent au niveau de la presse écrite. Si on crée cette régie-là, quelles
seraient pour vous les balises essentielles pour ne pas qu'il y ait un
parti-pris envers un média plus qu'un autre? Parce que vous nous avez
dit : Nous, là, on pense que l'avenir, c'est sur le numérique. Et vous
l'avez dit très clairement. Mais tout juste avant, on vient de parler de
l'avenir du papier puis l'importance des médias papier, également. Alors, de
quelle façon on pourrait s'assurer qu'il y ait une certaine équitabilité, que
chaque région puisse avoir sa part du gâteau et qu'en même temps les médias
puissent réellement y gagner, qu'il n'y ait pas de parti-pris?
M. Poulin (Claude) : En fait,
l'acheteur... Sur cette régie-là... elle a deux volets : premier volet,
c'est lui que s'il n'y a personne qui embarque on va le faire tout seul, on est
quand même un groupe... on a 17 publications en tout puis on a d'autres
joueurs, là, qui veulent se joindre à notre projet. Parce que ça fait longtemps
qu'on en parle, ça fait plusieurs... Puis M. Gagnon en parlait tantôt,
effectivement, j'étais au courant de cette réunion-là, puis la réticence au
changement est très, très forte.
Donc, comment ça va se faire? Bien, si ça
fait chez nous, c'est simple, là, c'est à l'interne. Si ça se fait avec
l'ensemble des médias, ce que je souhaite énormément, c'est que ça va être
totalement transparent pour l'utilisateur. Parce que, présentement, l'acheteur
publicitaire ne contrôle pas à quel endroit il apparaît, ça fait que je ne
verrais pas qu'est-ce qui changerait. Quand la personne achète une publicité
sur Google, elle peut se ramasser aussi bien sur n'importe quel site Web sans
qu'elle ne le sache, puis il y a peu de chances qu'elle le sache aussi. Donc,
chez nous, ça va être la même chose, les gens vont acheter une publicité, ils
vont acheter un ciblage. Les gens, aujourd'hui, ce qu'ils veulent, c'est de
cibler la bonne personne au bon moment, dans la bonne région, bien, c'est ça
qu'on va leur offrir. Ça fait que la plateforme, maintenant, n'a plus de raison
d'être. Puis c'est ce qui va aussi réunir l'ensemble des médias. On sent encore
une espèce de petite guerre entre les médias, mais le vrai compétiteur, c'est
Facebook et Google. Et nous, on n'est pas contre Facebook et Google, là, ils
sont là puis on les aime, on les aime bien, puis, en même temps, ils nous
montrent la voie. Maintenant, ils nous ont montré comment faire, on a juste à
les copier, c'est extrêmement simple d'appliquer la même recette, parce qu'ils
ne livrent rien de plus que nous autres. Ils livrent des vidéos, ils livrent
des mandats publicitaires. On a des solutions plus importantes qu'eux autres,
donc, quand on va mettre ça en place puis qu'on va avoir 75 millions
d'affichages à livrer par jour, je vais vous avouer que les agences, elles vont
revenir assez vite vers nous puis elles vont être très contentes de travailler
avec nous, elles ont fait ça toute leur vie.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Juste... pardon, je ne veux pas...
M. Poulin (Beauce-Sud) : Oui,
allez-y.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
On parlait d'impresison, tantôt, et de volume d'impression à livrer, le
monsieur de Capitale Médias avant l'a bien mentionné. Tu parlais, en dedans de
trois jours, on est capables de livrer, juste dans le marché de la Beauce,
2 millions d'impressions, puis là on a juste parlé d'un marché local très
précis, alors je pense que la preuve est démontrée que, quand le lecteur est au
rendez-vous, l'internaute est au rendez-vous, les volumes sont là, on peut
mesurer les retours sur les investissements.
M. Poulin (Claude) : C'est
certain...
M. Poulin (Beauce-Sud) : Oui,
allez-y.
M. Poulin (Claude) :
...là-dessus, mais c'est certain que, si on continue à traîner le papier, qui
est un outil de diffusion de l'information, puis qu'on se concentre à
100 % sur le Web, les taux d'affichage vont augmenter. L'utilisateur qui
était sur papier... Pourquoi en Beauce la personne lit ses nouvelles sur
Internet puis qu'à Saguenay elle ne serait pas capable de le faire? C'est complètement...
c'est un non-sens. C'est juste que, présentement, le produit est offert, puis
les gens le consomment. Mais, si le produit n'est plus offert, les gens vont
aller ailleurs. Ça fait que ça, c'est notre expérience, ce n'est pas... On l'a
vérifié dans plusieurs régions, puis ça fonctionne bien, donc il n'y a pas
de...
M. Poulin (Beauce-Sud) : Bien,
c'est sûr qu'à un moment donné quand on n'offre plus un produit il y a des gens
qui vont se tourner vers d'autres produits. Maintenant, la diversité des
sources d'information, la diversité 'accessibilité, elle existe aussi,
l'Internet haute vitesse n'est pas partout à la grandeur du Québec. Effectivement,
il y a des gens qui achètent un iPad, il y a des gens qui achètent, donc...
s'abonnent à différentes ressources numériques, mais le journal peut demeurer
encore une source de diffusion.
Puis elle était là, ma question :
Dans une régie publicitaire, si on doit effectivement cibler des gens, que tout
le monde puisse avoir sa vision et sa part du gâteau. La radio est aussi un
média extrêmement important, on en parlait hier, qui rejoint de nombreux
auditeurs. Et donc il y a cette vision-là que nous, comme élus, comme parlementaires,
on se doit d'avoir aussi. Alors, oui, on peut faciliter un virage vers le
numérique, parce qu'on sait que c'est là, on sait que les réseaux sociaux ont
ouvert la voie à tout ça, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a des médias
traditionnels qui fonctionnent encore très bien, alors il y a le juste
équilibre à travers tout ça.
Avant de céder la parole à un de mes collègues
de la partie gouvernementale, je veux vous entendre parler du métier de
journaliste numérique. Parce que faire 100 % du numérique, ça amène aussi
certains défis, dans le sens où on souhaite bien rémunérer nos journalistes, on
souhaite avoir une salle des nouvelles qui est performante, qui attire de
l'exclusif. Alors, parlez-moi de vos défis dans le recrutement de journalistes
en région, numériques, et du même coup du travail qu'ils font dans une salle de
nouvelles, là, comme chez vous.
M. Poulin (Claude) : Je vais
terminer, une seconde, si tu me le permets, sur la disponibilité de
l'information, mais la notion d'Internet pas disponible partout, je n'y crois
pas, là, parce que...
M. Poulin (Beauce-Sud) :
...performante, qui attire de l'exclusif. Alors, parlez-moi de vos défis dans
le recrutement de journalistes, en région, numériques et du même coup du
travail qu'ils font dans une salle de nouvelles, là, comme chez vous.
M. Poulin (Claude) : On
va terminer une seconde, si tu me le permets, sur la disponibilité de
l'information. Mais la notion d'Internet pas disponible partout, je n'y crois
pas, là, parce que oui il n'est pas disponible partout, mais ça reste que les
journaux ne sont pas distribués partout, puis ils ont été 100 ans comme ça,
puis on a très bien vécu quand même, là. Donc la diversité, j'ai un petit peu
de misère avec ce discours-là pour dire que l'Internet n'est pas partout puis
on n'a pas le droit à donner ça. Il y a des radios, il y a plein d'autres
choses qui existent.
Je continue avec la question. Le travail
du journaliste, chez nous, là, les gens tripent premièrement, là. Ils ont
vraiment à coeur le travail. Ils travaillent très fort comme tous les
journalistes travaillent très fort. C'est un monde différent. Il faut livrer
l'information beaucoup plus vite quand on est 100 % Web parce que les
gens... on n'a pas sept jours pour sortir l'information, puis là je parle pour
les hebdomadaires. Puis le travail, bien, c'est multidisciplinaire. Les gens
qui sont chez nous, ils font du vidéo, ils font la captation audio, ils font de
la photo, ils font tout parce qu'aujourd'hui, partout sur la planète, c'est la
même chose, là, les journalistes travaillent très, très fort, mais il n'y a
personne justement qui est bout ou des gens... On n'exploite pas les gens. Les
gens, en passant, sont payés le même prix qu'à Québec ou Montréal au niveau du
journalisme. Je regardais la charte de prix, hier, puis on est dans les mêmes
prix. Donc, ce n'est pas vrai qu'en région c'est moins cher que les autres. On
a une pénurie de main-d'oeuvre incroyable en Beauce. On a même de la misère à
recruter des journalistes. Il n'y en a pas. Ça fait que le travail... c'est mon
point de vue justement sur le travail de journaliste.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
J'aimerais ajouter, la profession du journalisme, elle demeure la même. Depuis
lundi, on entend parler : le journalisme a changé puis, le journalisme,
c'est difficile, puis parlez-nous du travail de journaliste. La profession du
journalisme demeure la même puis vous me permettrez de lire un extrait que j'ai
préparé :
«Avec ce besoin de vérité, d'enquête, de
recherche, de validation de l'information, et de transparence aussi. Qu'on
parle de journalisme papier ou de numérique, vous connaissez tous des grands
journalistes au Québec, et même dans vos marchés locaux, que vous côtoyez
régulièrement dans vos séances de conseil ou peu importe dans vos fonctions. Et
il y a des noms qu'on reconnaît qui sont des noms crédibles et qu'ils écrivent
ou qu'ils soient à la radio ou à la télévision, ou dans un papier, ils vont
demeurer extrêmement crédibles. Plusieurs professions aussi ont dû s'ajuster au
fil... ça, c'est l'évolution. Que ce soit la médecine, que ce soit en
mécanique, que ce soit dans le domaine de l'enseignement, on a tous dû
s'ajuster. Donc, pour la profession de journaliste, bien que le mandat et
l'objectif demeurent les mêmes, la tâche, oui, elle changé. Claude l'a
mentionné : plus de vidéos, plus de photos. On doit faire la mise en ligne
rapidement. Mais les outils et les programmes aujourd'hui sont là. La beauté de
la chose, c'est qu'un journaliste peut venir, en dedans de 30 minutes,
couvrir une conférence de presse, rédiger son texte, faire un court vidéo avec
un téléphone. Et ce n'est pas parce que l'outil et l'application de montage
sont faciles et accessibles que le contenu ne sera pas pertinent, éthique et
crédible. Arrêtons de penser ça. Eh oui, la profession, elle a changé, mais
elle se devait d'évoluer comme tous les autres secteurs d'activité.»
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède maintenant la parole maintenant au collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci. Merci de votre présentation. On sent, M. Poulin, dans votre
intervention, que vous aimez beaucoup l'entrepreneuriat. Ce qu'on comprend,
c'est que vous venez de Beauce. C'est ça? Évidemment, je comprends que vous
avez un modèle d'affaires particulier qui vous donne un regard aussi
intéressant puis particulièrement pertinent sur ce qu'il se passe comme crise
dans les médias actuels. Et en fait, dans les Laurentides, j'ai, à
Saint-Jérôme, un média entièrement numérique qui s'appelle TopoLocal qui nous a
d'ailleurs envoyé un mémoire qui tient un peu ce même discours enfin assez
similaire au vôtre. Et effectivement le modèle numérique qui présente une
agilité, une flexibilité pour s'adapter est intéressant. Je le comprends.
Est-ce que... Dans le cas du mandat qui nous occupe, est-ce que vous avez, dans
le fond, des craintes, par exemple, qu'une aide financière du gouvernement
soit... puis je reprends un peu finalement mon collègue de Beauce-Sud avait une
question un peu similaire. Est-ce que vous avez une crainte qu'une aide
financière du gouvernement soit un peu calquée sur le modèle d'affaires
précédent en quelque sorte puis qu'on ne tire pas son épingle du jeu si on est
agile, si on se transforme? Est-ce que c'est ça que j'entends derrière votre
présentation aussi?
• (10 h 40) •
M. Poulin (Claude) : Je
pense que vous avez résumé très, très bien. C'est ce qu'on entend depuis
plusieurs jours. J'ai écouté toutes les interventions. Écoutez, on parlait de
revenir en arrière : on rappelle de ramener les avis publics, on
rappelle... on ramène... tu sais, il y a des choses... à un moment donné, il
faut passer à autre chose, là. Présentement, on le disait il y a 13 ans,
on a fait des conférences en quantité, puis la réticence au changement est
incroyable. Pourquoi on reste accrochés à cette machine-là qui est le papier
qui a été instauré pour virer des presses, là? Puis c'était la seule option
dans le temps, je comprends. Mais, depuis les 20 dernières années, c'était pour
faire fonctionner des presses puis amener des jobs, là. On est en pénurie de
main-d'oeuvre présentement. Il n'y a personne qui va perdre sa job qui ne va
pas s'en retrouver une demain matin. Le timing est parfait pour faire la
transition. Puis si on veut continuer, puis le gouvernement continue d'injecter
de l'argent dans des entreprises. C'est 15 millions, ce n'est pas rien, d'injectés
dans Capitales Médias. Il va peut-être falloir les obliger aussi à...
M. Poulin (Claude) : ...pour
faire fonctionner des presses puis amener des jobs, là, on est en pénurie de main-d'oeuvre
présentement, il n'y a personne qui va perdre sa job, qui ne va pas s'en
retrouver une demain matin, c'est... le timing est parfait pour faire la
transition. Puis, si on veut continuer puis que le gouvernement continue
d'injecter de l'argent dans des entreprises, c'est 15 millions, ce n'est
pas rien d'injecté dans Capitales Médias, il va peut-être falloir les obliger
aussi à faire des choses qu'ils n'étaient pas habitués de faire dans le temps
puis sortir des sentiers battus, mais ça, ce n'est pas ma job.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Puis, si vous permettez, pardon, d'ajouter. J'ai eu la chance de travailler,
pendant 15 ans de temps, chez Transcontinental Médias, où j'ai occupé des
postes de direction à titre d'éditrice, d'ailleurs Le Messager de Verdun
et Le Magazine Îles-des-Soeurs que j'ai bien connu. Et, pendant ces 15
années là, il y a eu une décroissance, je vous dirais que même les sept
dernières années, et là je parle des années 2000, moi, j'ai quitté en 2014. Et,
quand j'étais directrice générale, à l'époque, d'un très gros marché à Laval,
on était déjà en décroissance, on gérait déjà des plans de contingence, alors
ce n'est pas d'hier. Et, quand j'ai commencé ma carrière il y a 15 ans chez
Transcontinental, on parlait aussi, déjà là, de baisse de taux de lecture et
baisse de taux de pénétration, de difficultés de distribution et d'impression.
Donc, le modèle d'affaires papier est
désuet et ce n'est pas d'hier. Et, quand on parle, oui, l'avenir des médias est
là, bien, je ne veux pas vous reprendre, mais on n'est plus dans l'avenir, là,
on est dans le présent, puis je pense qu'on est même un peu dans le passé. Il
est vraiment temps de réagir.
Une voix
: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède maintenant la parole au collègue de Saint-Jean pour deux
minutes.
M. Lemieux : Pour deux
minutes?
Le Président (M. Tanguay) :
Deux minutes.
M. Lemieux : Vous avez parlé
d'éthique tantôt, j'ai juste deux minutes, mais rapidement pouvez-vous me
donner une idée de comment ça se concrétise l'éthique journalistique, les
normes et pratiques, code de déontologie? Est-ce que, d'abord, vos journalistes
sont syndiqués? Est-ce qu'ils sont pigistes? Est-ce qu'ils sont permanents? Il
sont, quoi?
M. Poulin (Claude) : C'est la
même chose, un journaliste, c'est un journaliste, qu'il soit sur numérique ou
non, puis je pense que les gens ici, dans la salle, les journalistes, ils font
le même travail que les journalistes chez nous, c'est juste qu'ils sont
ralentis peut-être un peu dans la diffusion. Il y a une étape de plus justement
dans la diffusion de l'information parce qu'ils doivent le publier sur le Web
et sur le papier. Ça fait que votre question, là, ils ne sont pas syndiqués...
M. Lemieux : ...au code de
déontologie du Conseil de presse?
M. Poulin (Claude) : Bien,
c'est la FPJQ dans le sens, là, certains sont membres de la FPJQ s'ils veulent,
puis d'autres ne le sont pas. Il y a des gens qui ont des formations en
journalisme, il y en a qui ne l'ont pas parce que, malheureusement, on manque
de main-d'oeuvre dans notre région, alors... Par contre, chacun des
journalistes qui sont là, on s'affaire à être au congrès de la FPJQ à chaque
année.
M. Lemieux : Il me reste juste
une minute. Donc, vous voulez quoi? Je sais que vous voulez que votre demande
d'aide au virage numérique soit étudiée plus rapidement, là, mais ça, je n'ai
pas de poignée là-dessus, là. Mais vous voulez que le gouvernement fasse quoi
dans les circonstances après que la commission lui dise quoi? Qu'est-ce que
vous voulez que la commission dise au gouvernement de faire dans la mesure où
c'est l'avenir des médias d'information qui est en jeu? J'essaie de trouver...
je sais que le papier, ça ne vous intéresse pas, là...
M. Poulin (Claude) : Deux
choses, là, je comprends bien votre question, mais...
M. Lemieux : ...mais vous
voulez qu'on leur dise quoi?
M. Poulin (Claude) : ...il y
a deux choses, premièrement, c'est d'imposer les entreprises qui achètent de la
publicité sur Facebook et Google, ça, c'est simple, là, on ne taxe pas les GAFA
, on taxe les entreprises d'ici. Puis deuxièmement, c'est d'obliger ou de
forcer, s'il y a des gens qui reçoivent de l'argent, de convertir leur modèle
puis de présenter un modèle, tu sais, qui va tenir la route pendant plusieurs
années. Et puis les sommes engagées dans la distribution du papier, les sommes
engagées dans l'impression du papier, les sommes engagées dans le recyclage,
tous ces problèmes-là vont s'envoler. Puis je suis ici pour vous montrer, on
est la preuve vivante, on l'a fait dans plusieurs régions, les gens sont au rendez-vous,
ce n'est pas parce que le papier arrête que l'information va arrêter d'être
diffusée.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Poulin (Claude) : ...on a
même mis... Oui. Parfait.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Finissez votre phrase, je vous en prie.
M. Poulin (Claude) : On a mis
en place un réseau de télévision pour les gens justement qui ont de la difficulté
à entendre, les analphabètes, ils peuvent écouter les nouvelles, voir les
images. Ça fait que c'est diffusé sur... on va savoir ça bientôt. Donc, il n'y
a pas de raison justement que le numérique ne prenne pas toute la place.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Maintenant, pour le bloc suivant de 10 minutes, je cède la parole à
la collègue de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup. Merci
beaucoup et merci aussi d'avoir été présents dès le départ et de suivre nos
travaux avec un grand intérêt, c'est vraiment apprécié. Et votre mémoire fait beaucoup
état de justice, démocratie, et j'ajouterais d'équité et équité fiscale.
D'emblée, vous comprendrez que je vais aller là-dessus, car, hier soir, j'ai lu
une réponse, parce qu'on a interpellé le ministre des Finances du Québec pour
qu'il puisse, déjà maintenant, dès la mise à jour économique, aller de l'avant
et dire qu'il va imposer la taxe GAFA à l'instar de la France. J'ai dit :
On est au Québec, on est autonome, nous avons notre propre loi d'impôt et notre
propre Agence du revenu du Québec. Par la bouche de son porte-parole, il a
dit : Non, il faut attendre à l'OCDE.
Tantôt, vous avez dit : Ça fait un
petit peu longtemps qu'on attend, je me permets de reprendre mon chapeau de
fiscaliste, mais aussi de professeur où est-ce que j'ai fait toute l'étude là-dessus,
de la fiscalité numérique, un livre complet. En 1936, il y avait déjà la
première question au niveau de la Société des Nations, à savoir qu'est-ce qu'on
taxe, la présence physique ou quelque chose qui est immatériel, parce que les
radios déjà, à l'époque, c'est immatériel, c'était dans les ondes...
Mme Rizqy : ...chapeau de
fiscaliste mais aussi de professeure, où est-ce que j'ai fait toute l'étude là-dessus
de la fiscalité numérique et même un livre complet. En 1936, il y avait déjà,
première question, au niveau de la... des nations, à savoir : Qu'est-ce
qu'on taxe? La présence physique ou quelque chose qui est immatériel? Parce que
les radios, déjà à l'époque, c'est immatériel. C'était dans les ondes. Alors...
dit : Bien, on va aller avec la présence physique.
En 1996, lorsqu'il y a l'apparition déjà
d'Apple... Parce qu'Apple, avant d'avoir un magasin physique, vendait d'abord
en ligne. Alors, dans ce cas-là, qu'est-ce qui est arrivé, il y a eu la
question : Qu'est-ce qu'on fait avec le numérique? Parce qu'Amazon aussi a
existé. On a dit en 1996 : On va attendre.
En 1998, il y a eu une conférence ici, au Canada,
à Ottawa, sur la question du numérique avec les gens de l'OCDE. Savez-vous
c'était quoi, la réponse? On va attendre de voir qu'est-ce qu'on va faire.
Après la crise financière de 2008, puis
que tout le monde s'est réveillé, il a dit : Aïe! Cochonnerie. Apple fait
des millions puis il ne paie pas d'impôt. Amazon fait des milliards, ne paie
pas d'impôt. Facebook fait de l'argent, ne paie pas d'impôt. Alors là, on a
dit : Il faut se pencher sur la question. L'OCDE dit : Laissez-nous
faire le travail.
En 2013, on prend un mandat d'initiative à
l'OCDE pour faire le travail. Ils font un rapport en 2015. Constat : On va
attendre.
Emmanuel Macron s'est tanné d'attendre
puis il a dit : Laissez faire. Faites-le, votre travail de pelleter par en
avant. Nous, on va faire la taxe GAFA, puis, quand vous aurez, vous, l'OCDE...
de toute façon, vous n'avez pas aucun pouvoir législatif dans aucun pays, bien,
à ce moment-là, quand les 140 pays vont s'entendre, bien, nous, à ce moment-là,
on va voir puis... mais, en attendant, on avance.
Moi, je me pose la question, parce que
moi, je peux vous le dire, je suis vraiment fatiguée d'attendre puis je suis vraiment
fatiguée d'avoir des pseudo-experts en fiscalité, qui disent qu'on n'est pas
capables d'agir au Québec. Dans le dossier Netflix, on l'a faite, la bataille.
Là, maintenant, c'est Facebook, c'est Alphabet. C'est ces géants du Web. On
peut tergiverser. On peut faire paquet de subventions. Mais la vérité, là,
c'est que c'est vampirisé par ces entreprises.
En 2006, ExxonMobil, c'était une
entreprise pétrolière, qui l'est toujours, elle était la première cotée en
bourse. La plus... en matière boursière. Aujourd'hui, c'est tous les géants du
tech. Ils ne sont pas plus imposés.
Vous, vous payez des impôts. Vos lecteurs
paient des impôts. Il me semble que la moindre des choses, c'est qu'on arrête
de tergiverser, puis, dès novembre, dès la mise à jour économique, que le gouvernement
dise : Effectivement, au Québec, on l'a fait avec Netflix, là, c'est le
temps de le faire avec Facebook. Est-ce que je me trompe?
M. Poulin (Claude) : Vous ne
vous trompez pas, mais je vous dirais que ça fait neuf ans que je travaille
avec... en premier, Robert Dutil, qui était député libéral, Paul
Busque aussi, qui était député libéral, puis on avait les mêmes réponses aussi,
là, mais c'est long à avancer. C'est le fédéral. Il faut attendre. On attend
après tout le monde. Ça fait que je
pense que c'est une question que, peu importe le parti, on est tous dans le
même bateau. Travaillons ensemble, tu sais, serrons-nous les coudes puis
mettons-le en place, là. Ça fait que ce n'est pas un parti plus que l'autre,
là, mais...
Mme Rizqy : Bien, en 2017, je me rappelle de l'avoir faite, la bataille Netflix,
sur les ondes radio... le fédéral disait : On ne peut pas taxer Netflix,
ça ne se fait pas. Mais je me rappelle aussi d'un Carlos
Leitão qui a dit : Bien, nous, au Québec, on va le faire. Puis ça a été fait dès
2018. Donc, au moment qu'il y a eu le
scandale Netflix en septembre 2017, pour être plus précise, le
21 septembre 2017, et le moment que ça a été annoncé, c'était après ça au
mars... au budget 2018, en l'espace de six mois, ça a été fait au Québec.
Ailleurs dans le monde, ça a
pris cinq à six ans faire le même type de législation, alors qu'au Québec, dès qu'il y a eu le scandale Netflix, six mois plus tard, le député de Robert-Baldwin, qui était le ministre
des Finances du Québec, oui, c'est un libéral, mais il l'a fait. Puis là aujourd'hui, moi, sincèrement, c'est que je ne
pense plus qu'on doit attendre.
M. Poulin
(Claude) : ...clair aujourd'hui puis depuis lundi. Je pense, ce n'est même plus une question qu'on
devrait parler, là. C'est réglé.
Mme Beaulieu (Patricia
Ann) : Il faudrait arrêter. Oui, la question,
elle est cannée, là. J'ai l'impression qu'on peut...
Mme Rizqy : La question est cannée, mais c'est le...
Mme Beaulieu (Patricia
Ann) : Ça fait trois jours qu'on est ici, là, et
les questions sont récurrentes. Celle-là, elle est cannée. Je pense qu'on peut
avancer la discussion.
Mme Rizqy : Parfait. Vous avez raison. Toutefois, la personne qui peut déposer un projet de loi en matière fiscale, c'est le ministre des Finances, et, quand bien même que tout le monde ici est d'accord, là, puis que vous, vous dites que c'est canné, tant et aussi longtemps qu'Eric Girard n'a pas réalisé
que c'est canné, ça n'avancera pas plus au Québec.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
...madame. Excusez l'expression. Ce que je voulais dire, c'est que je pense
qu'on l'a bien entendu haut et fort partout dans les médias, là...
Une voix
: Le ministre
des Finances.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
J'espère qu'il écoute bien, qu'il est bien branché.
Mme Rizqy : J'espère aussi
qu'il est bien branché puis qu'il va nous regarder...
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Assurément.
Mme Rizqy : ...davantage avant
de le dire, qu'au Québec on n'est pas capables de le faire.
Tantôt, vous avez... Mme Beaulieu, vous
avez lu la lettre de Mme Nathalie Roy...
Le Président (M. Tanguay) :
...ça fait deux fois, là. Je vais faire le point puis je prendre les quelques
secondes pour faire le point pour nous inviter, mais surtout pour les collègues
qui doivent donner le ton et l'exemple, on s'appelle entre collègues par nos
fonctions. J'espère que je n'aurai plus à le redire pour le reste de la séance
jusqu'à 6 heures. La parole est à vous, députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Alors, vous avez
lu la lettre de la ministre de la Culture. À quel effet vous la lisez? Est-ce
que c'est parce qu'elle disait qu'il fallait que les entreprises se
modernisent, et que vous, au fond, c'était... vous avez dit, d'entrée de jeu,
que ça fait déjà quatre ans que vous existez avant l'arrivée de Facebook,
est-ce que c'est parce que vous avez déjà innové, puis qu'on vous demande
encore d'innover?
• (10 h 50) •
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Non. C'est parce que je trouvais intéressant qu'elle parle de créativité et de
nouvelles entreprises, de partenariat, d'entrepreneuriat. J'ai la chance de
côtoyer Claude au quotidien et je peux vous garantir que ce groupe de presse
là, et je pense que monsieur ici peut en témoigner de par l'acquiescement de
son visage, c'est beau de voir l'entrepreneuriat et c'est possible de faire des
modèles d'affaires qui sont différents...
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Non, c'est parce que je trouvais intéressant qu'elle parle de créativité, de
nouvelles entreprises, de partenariats, d'entrepreneuriat. J'ai la chance de
côtoyer Claude au quotidien et je peux vous garantir que ce groupe de presse
là... et je pense que monsieur ici peut en témoigner de par l'acquiescement de
son visage, c'est beau, de voir l'entrepreneuriat et c'est possible de faire
des modèles d'affaires qui sont différents. Votre collègue à côté de vous
parlait de penser à l'extérieur de la boîte, là. Ça aussi, il faut y croire.
Et j'ai l'impression qu'on revient souvent
avec des modèles d'affaires qui sont désuets. Comme je vous ai dit, j'ai une
expérience de 15 ans passés dans la presse écrite, et, déjà quand j'étais
là... les taux de lecture, les taux de pénétration, vraiment, c'est une
industrie qui n'est plus viable, il faut se le dire. Et pourquoi? Parce que le
lectorat n'est pas présent, le lectorat n'est plus au rendez-vous aussi. On a
beau me dire qu'on imprime 30 000 copies, si on les distribue maintenant
en points de dépôt parce qu'on n'a plus les moyens de payer la distribution
avec Publi-Sac et que, sur nos points de dépôt, il y a 50 % de retours,
parlez-moi pas qu'il y a un taux de pénétration très, très fort du journal
local. Et ça, on n'a même pas parlé des zones en région et aussi en ville où on
a des pictogrammes. La conscientisation ou le niveau écologique, où les gens ne
veulent pas recevoir la distribution, les pictogrammes de : Non, je ne
veux pas recevoir de Publi-Sac. Il y a beaucoup de barrières à la distribution.
Et, cela dit, c'est ça, ce n'est pas parce
qu'on imprime un nombre de copies et qu'on espère le distribuer porte à porte
ou en points de dépôt... Demandez à tous ces éditeurs-là de mesurer les
retours, vous allez le voir vous-mêmes. Promenez... Si vous avez des... dans
des quartiers, des hebdomadaires qui sont distribués en points de dépôt,
souvent, la date de parution se terminait le samedi, puis la pile est encore
grosse comme ça, là. Il faut comprendre que ça a évolué.
Et pourquoi les annonceurs... On a
beaucoup parlé de l'implication du commerce local, que les gens en région
devraient se réapproprier leurs journaux, qu'il faut demander aux gens en
région de supporter leurs médias. On veut bien supporter le média, mais la
première personne à ne plus croire au média, c'est l'annonceur. Les sept dernières
années, quand j'étais en poste comme directrice là-bas, je ne savais plus quoi
dire à mes équipes de vendeurs pour les mobiliser pour tenter de les motiver à
aller faire leur pitch de vente parce que le concessionnaire lui-même ne lit
plus le journal. Il reçoit ses leads via Facebook. Pourquoi? Parce que les gens
vont sur Internet pour trois choses : magasiner, s'informer, se divertir.
On est là. Et, si on fait fi de la génération... je ne vous parle pas des
18-34, je vous parle des 18-54, si on fait fi de tout ça, c'est abdiquer à
évoluer. Et là il faut faire face à ce changement-là.
Et je... On a une situation et une
entreprise... pardon, hyperpertinente et fonctionnelle, mais je suis convaincue
qu'il y a encore place à l'amélioration et qu'ensemble on pourrait devenir
juste plus forts et plus pertinents, il n'y a rien d'impossible. C'est juste
qu'il faut lâcher les modèles traditionnels.
Mme Rizqy : Est-ce que
vous avez des pistes de solution en matière de regrouper des joueurs à nous
proposer?
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Bien, déjà là, c'est un grand pas, d'être assis ici, à l'Assemblée nationale
aujourd'hui, de nous permettre de nous entendre. Je pense que, déjà là, il y a
une belle ouverture.
Et ce n'est pas d'hier. Et, sur le terrain,
oui, on est des compétiteurs, mais ne pensez pas qu'on n'a pas des discussions
avec nos pairs et qu'on n'a pas tous intérêt à vouloir se sortir de ça. Puis,
en même temps, j'aime le discours de Claude, qui dit : Arrêtons de vouloir
se battre contre les géants, mais de... plutôt de cohabiter avec ces gens-là.
Alors, voilà.
Puis moi, je vois bien, là, la crise des
médias. Oui, la crise des médias, mais je la vois vraiment en trois silos. Il y
a le gouvernement qui doit prendre ses responsabilités avec les GAFAM et taxer
rapidement, imposer. Ça, c'est réglé, effectivement. Il y aura à voir quelle
forme ça va prendre et qui prendra le leadership là-dessus. Ça, c'est une
chose. Après ça, la crise des médias, c'est quoi? C'est une industrie papier
qui est en décroissance. Le modèle d'affaires ne tient plus la route. Et
l'autre aspect, c'est... oui, le travail de journalisme a évolué, comme tout
autre secteur d'activité.
Alors, il y a une crise des médias. Depuis
lundi, ce qu'on entend, c'est : Le travail du journalisme a changé, la
presse écrite est en décroissance, puis il faut taxer. Alors, la crise des
médias, là... il y a des médias qui sont encore en superbonne santé au Québec.
On a une démocratie qui est forte, on a un pouvoir d'informer la communauté. On
a des grands joueurs qui sont très pertinents, qui ont de grandes volontés. Ça
ne va pas changer, là, ça. Ça fait que je pense que, oui, la crise, elle est
réelle, mais il faut bien la compartimenter et adresser chaque objectif, là.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Il reste encore 15 secondes.
Mme Rizqy : Bon, bien,
non. Je veux tout simplement vous dire merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci...
M. Poulin (Claude) : ...
Personne n'a amené son journal papier ce matin, je pense, pour le lire. Ah!
bien, félicitations.
Des voix
: ...
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, le test est passé. Merci beaucoup. Maintenant, pour une période de
2 min 30 s, je cède la parole à la collègue de Taschereau.
Mme Dorion : Merci.
Bonjour, merci d'être là aujourd'hui. Vous parlez beaucoup... vous avez parlé
beaucoup de résistance au changement. C'est intéressant. C'est, dans la plupart
des crises et des problèmes, une des choses qui nuisent à la résolution du
problème.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la
résistance au changement en regard de l'hésitation de nos gouvernements à faire
contribuer les géants du numérique. C'est une réalité, là, on a comme un
problème de... Il faut... il va falloir quand même, pour la qualité de
l'information... Vous-mêmes, vous demandez plus, vous demandez à avoir accès à
des fonds publics, donc on va avoir besoin d'aller chercher de l'argent à
quelque part. Tout le monde en a parlé, tu sais, vous dites : La
question... mais ce n'est pas pour rien qu'on... ça fait partie du truc, tu
sais. Puis tout le monde ici, en avant, à votre place aussi, en ont parlé. Il y
a clairement une résistance au changement des gouvernements par rapport à ça.
Il y en a beaucoup qui se remettent dans les mains de l'OCDE, il y en a... Au
fédéral, tout le monde est sur le neutre. Au provincial, ça semble être le cas
de plus en plus. C'est un... pour moi, un réel problème. J'aimerais avoir votre
avis...
Mme Dorion : ...tu sais puis tout
le monde aussi en avant, à votre place aussi, en ont parlé. Il y a clairement
une résistance au changement des gouvernements par rapport à ça. Il y en a
beaucoup qui se remettent dans les mains de l'OCDE. Il y en a... Au fédéral,
tout le monde est sur le neutre. Au provincial, ça semble être le cas de plus
en plus. C'est pour moi un réel problème. J'aimerais avoir votre avis
là-dessus. Qu'est-ce qu'on fait face à cette résistance au changement là?
M. Poulin (Claude) :
Résistance au changement, la meilleure façon de la vaincre, là, c'est de
voyager, d'aller voir ce qui se passe ailleurs. Pas juste entendre puis lire
puis écouter ce qui se passe sur les médias parce que, quand on le vit
réellement, on s'aperçoit que c'est complètement différent. Donc, sortir,
amener des gens qui ne sont pas habitués à le faire puis ça, c'est tous les
secteurs d'activité.
Les entrepreneurs qui sont dans le domaine
manufacturier, il faut aussi eux autres justement qui baignent dans les technologies
pour voir ce qui se passe ailleurs dans l'Internet des objets puis tout ce qui
concerne le futur. Alors, c'est la même chose, je pense, pour les députés.
C'est la même chose pour les fonctionnaires. C'est la même chose pour tout le
monde.
Ici, à Québec, on a une belle communauté
technologique. Mais il y a un événement qui est reconnu bientôt mondialement,
le WAQ à Québec, là, le Web à Québec, là, que le gouvernement finance. On ne
voit pas beaucoup de gens, politiciens sur place pour venir comprendre c'est
quoi les enjeux, comment ça se passe les villes connectées puis tout ce qui se
passe là.
Ça fait que je pense que la résistance au
changement, elle va se vaincre si on sort les gens de leur... je comprends que
vos agendas sont très, très serrés, là. Mais je pense...
Mme Dorion : T'as vu que les
agendas, surtout du gouvernement, sont... Ça aurais-tu été une idée pas pire
de... où dans l'avenir est-ce que ça pourrait être une bonne idée de faire
venir les gens qui ont réfléchi à ces impôts-là, par exemple, en France ou en
Nouvelle-Zélande, qui se sont penchés sur comment est-ce qu'on peut faire ça
puis qui puissent nous amener...
M. Poulin (Claude) : Comme
j'ai dit, l'évènement le WAQ, ici, à Québec, rassemble pendant une semaine tous
les spécialistes de la planète qui viennent parler de n'importe quoi. Ça fait
que, prenez 15 minutes ou une demi-heure, une heure puis allez-y. Vous allez
être imprégnés.
Mme Dorion : C'est une
invitation.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Maintenant, pour un bloc de 2 in 30 s, je cède la parole au collègue de
Rimouski.
M. LeBel : Merci. Bien, moi
aussi, je suis pour l'évolution. Il faut qu'on évolue. Mais, en même temps,
j'aime bien ça, moi, quand je fais une conférence de presse que j'ai un
journaliste en chair et en os qui me pose des questions, qui vienne puis qui
analyse puis prend ce que je dis, mais qu'il le redistribue à sa façon, qu'on
ne distribue pas juste les communiqués de presse.
Je regarde, dans votre réseau, là, à
Rivière-du-Loup, c'est infodimanche.com. Ce que je suis allé voir sur votre
site, dans le fond, c'est des nouvelles du papier que vous remettez dans votre
site avec des journalistes.
Je regarde à Rimouski, GoRimouski, je ne
trouve pas de nom du journaliste, c'est marqué salle des nouvelles et, dans le
fond, c'est des communiqués de presse qui sont repris. Moi, je comprends, ça va
vite ces affaires-là, mais il faut conserver les journalistes en chair et en os
qui viennent voir le monde, non? L'évolution, ça... il faut qu'on garde les
journalistes en chair et en os qui viennent voir le monde.
M. Poulin (Claude) :
100 % d'accord. Ce que je vous dis là-dedans, c'est que notre groupe
médiatique, on a acheté les journaux de Québecor et Transcontinental, là, ce
qui a... il y a eu la vente, là, en 2014. La plupart, on les a justement
démarrés, on les a mis en place. Par contre, le modèle de vente qu'on attend
justement de mettre en place est essentiel à l'amenée de revenus puis à
l'embauche des journalistes.
Donc, il y a des secteurs, Laval, le
Saguenay, Vaudreuil, Valleyfield, la Beauce, il y a des journalistes justement
qui traitent l'information qu'il y a là. Chaque communiqué qui est mis en ligne
est traité par un journaliste, même s'il s'appelle salle des nouvelles, c'est
un communiqué qu'on va mettre en ligne puis il est là. Mais je comprends, ce
n'est pas parfait. On n'arrive pas ici en disant qu'on est parfait dans tous
les secteurs. Mais les secteurs où est-ce qu'on est présent puis en équipe puis
il y a des bureaux, il y a des journalistes à temps plein qui travaillent là.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
...oui, je vais me permettre de complémenter. Entre autres, à Vaudreuil ou même
en Beauce, on a cinq journalistes temps plein. Et même à Vaudreuil, ils sont
aux séances de conseil à Saint-Lazare, à Vaudreuil-Dorion, où ils se déplacent.
Je ne comprends pas quand vous dites : Est-ce que parce qu'on est un média
numérique, on n'est pas présent aux conférences de presse? Les journalistes
sont sur le terrain, se déplacent...
M. LeBel : Mais je comprends
que vous développez, mais à Rimouski, là, il n'y a jamais eu un journaliste de
GoRimouski à mes conférences de presse.
M. Poulin (Claude) : Mais
pas...
M. LeBel : Mais ça se peut, là,
que ce ne soit pas égal partout. Je peux comprendre ça.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
...exactement. Il y a des marchés forts où on est beaucoup plus présent, c'est
sûr et certain.
M. LeBel : Mais tout ce que je
voulais, c'est que dans le développement du numérique ou de l'évolution et tout
ça, là, il faut aller vite. Mais il faut quand même conserver du monde en chair
et en os qui vont aller rencontrer les gens, qui vont parler, qui vont avoir
des sensibilités par rapport aux réalités.
Hier, les gens des hebdos nous
disaient : On se connaît tous. Moi, je connais les gens des hebdos. Je
connais la journaliste de L'Avantage de Rimouski qui vient nous voir. On
se rencontre à l'épicerie. On se parle. C'est important ce bout-là dans nos
communautés et le numérique, c'est bien beau, mais il faut que ça reste humain.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
100 % d'accord avec cette réflexion-là.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup et pour un dernier bloc de deux minutes, je cède la parole à la
collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup pour votre présentation et votre franchise, je dirais. Moi, j'abonde
dans le même sens que vous quand on parle du taux de pénétration, par exemple,
de certains médias papier pour avoir fait souvent le tour dans les tours à
condos, blocs appartements, on voit que ça s'accumule de semaine en semaine
puis donc, on peut se questionner sur le fait : Est-ce que les gens lisent
réellement le journal papier? Par contre, il y a cette volonté d'avoir des
nouvelles locales. Donc, j'ai bien aimé avoir votre point de vue à cet
égard-là.
• (11 heures) •
Et est-ce qu'on peut résumer, dans le
fond, votre message lancé aux autres médias à...
11 h (version non révisée)
Mme Fournier
: ...un
bloc appartements, on voit que ça s'accumule de semaine en semaine puis donc,
on peut se questionner sur le fait, est-ce que les gens lisent réellement le
journal papier. Par contre, il y a cette volonté d'avoir des nouvelles locales.
Donc, j'ai bien aimé votre point de vue à cet égard-là et est-ce qu'on peut
résumer, dans le fond, votre message lancé aux autres médias à ça : est-ce
que c'est tout simplement : Lâchez le papier ou est-ce qu'il y a d'autres
facteurs que vous voulez amener les autres médias, qui sont encore 100 %
numériques à considérer dans votre modèle d'affaires?
Ma deuxième question se réfère aux
critères dont vous avez fait mention, en ce qui concerne, disons, la différence
entre la publicité sur les réseaux sociaux versus dans les médias québécois
plutôt traditionnels. Vous avez parlé des capacités de mesure, de ciblage, de
coût d'entrée, facilité d'utilisation, donc quatre critères.
J'en rajouterais, par contre, je crois, un
cinquième, en ce qui a trait au format, la capacité de capter, en fait, les
utilisateurs qu'on retrouve sur les réseaux sociaux et je m'interroge, en fait,
sur la possibilité, pour des médias, disons, plus conventionnels de
compétitionner avec ce facteur-là, le fait que les utilisateurs peuvent
continuer a suivre, par exemple, la page d'une entreprise, dans le cas des
réseaux sociaux. Comment est-ce qu'on peut répondre à ça, qui m'apparaît un
facteur assez déterminant, en fait, dans le fait de recourir à la publicité en
ligne?
M. Poulin (Claude) : Bien, le
fait de lâcher le papier, vous avez compris, je pense, l'essentiel de notre
message, là, puis on ne veut pas faire une guerre contre ça. On fait juste dire
au gouvernement : Si vous investissez de l'argent en quelque chose, il
faudrait l'investir dans quelque chose qui va passer les 100 prochaines années
ou les 50, puis les 20 prochaines années, mais, tu sais, on connaît les
difficultés qu'il y a présentement, qui sont principalement liées à cette
notion-là en particulier.
Le ciblage, Facebook et compagnie, on est
nés avant Facebook. Donc, on était là avant. On sait comment ça fonctionne, on
sait comment générer du trafic, mais présentement, sur notre site Web, juste
pour vous dire, les réseaux sociaux correspondent à 25 % à 30 % de
notre trafic. Ça fait que ce n'est pas si...
Une voix
: ...
M. Poulin (Claude) : C'est
fini?
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Peut-être compléter votre phrase, je vous en prie.
M. Poulin (Claude) : Donc, ce
n'est pas si grave que ça. Si Facebook disparaît demain matin, on répond
encore... on va encore répondre à la demande puis si c'est Instagram ou Twitter,
ça va être ces réseaux sociaux là qui vont prendre la relève.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci à vous, représentants de Néomédia et maintenant, afin de permettre aux
représentants de Métro média de prendre place, je suspends nos travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 11 h 2)
(Reprise à 11 h 4)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous
accueillons maintenant la représentante et le représentant de Métro média.
Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10
minutes de présentation et, par la suite, nous aurons l'occasion de discuter et
d'échanger avec les collègues députés.
Je vous demanderais de bien préciser vos
noms et fonctions pour les fins d'enregistrement et, sans plus tarder, la
parole est à vous.
M. Mulé (Andrew) : Merci.
Merci. Bonjour, M. le Président, mesdames et messieurs députés. Mon nom est
Andrew Mulé et je suis vice-président et directeur général à Métro média. Je
suis accompagné par ma collègue, Sylviane Lussier, directrice principale à l'information.
Constitué le 15 mars 2018, Métro média est
une entreprise qui regroupe le quotidien Métro ainsi qu'une trentaine de
publications distribuées à Montréal et dans la région de Québec, tous acquis
dans la foulée de la vente de 93 publications par TC Transcontinental en avril
2018. Ayant son siège à Montréal, Métro média compte actuellement 130 employés
et retient les services d'une vingtaine de pigistes. Métro média regroupe un
quotidien, le Journal Métro, ainsi qu'une trentaine de publications
étant, pour la plupart, des hebdomadaires. Pour les fins du présent exercice,
nous allons concentrer nos propos sur le Journal Métro, et ce, considérant que
les intérêts et revendications des hebdomadaires sont bien représentés par les
autres participants à la présente audition, notamment Hebdo Québec et
l'Association des journaux hebdomadaires du Québec.
Le Journal Métro, avec presque 20 ans
d'existence...
M. Mulé (Andrew) : ...fin du
présent exercice, nous allons concentrer nos propos sur le Journal Métro,
et ce, considérant que les intérêts et revendications des hebdomadaires sont
bien représentés par les autres participants à la présente audition, notamment
Hebdos Québec et l'association des journaux hebdomadaires du Québec.
Le Journal Métro, avec presque 20
ans d'existence, contribue aux différents objectifs de la commission. Cela
justifierait, par conséquence, la nécessité d'une intervention gouvernementale
pour le préserver. À cet égard, les principales composantes du modèle
d'affaires du Journal Métro sont un quotidien d'information
gratuit, qui compte plus de 1 000 points de distribution, dont
principalement dans le réseau de transport en commun de la ville de Montréal,
et un contenu s'adressant à un lectorat urbain. Ceci permet de rejoindre... de
joindre un lectorat très diversifié. Le Journal Métro donne accès à une
information de qualité. Il contribue à l'information publique et protège ainsi
la démocratie et le droit public à l'information. La pérennité de ce modèle
d'affaires repose uniquement sur les revenus publicitaires.
En bref, le Journal Métro rejoint
environ 1,2 million de lecteurs par semaine avec le journal imprimé, et ce,
gratuitement. Les sources principales de revenus du Journal Métro
proviennent de la publicité des petites et des grandes entreprises. Dans le
passé, les différents paliers gouvernementaux ont contribué, via la publication
d'avis publics, à la viabilité du journal. Quant aux statistiques numériques,
1,3 à 5 millions de visiteurs uniques consultent le site par mois.
Le Journal Métro est à l'affût de
ce qui intéresse la génération montante en mettant à l'avant-plan des sujets
comme l'environnement, et ce, depuis sa fondation, il y a près de 20 ans, alors
que le sujet n'intéressait pas la majorité des générations plus âgées. Métro
contribue, par ailleurs, au débat public sur une multitude de sujets
d'actualité et d'enjeux sociaux politiques d'importance, tels que la loi sur la
laïcité ou la réalité des Roms. Nous savons que les changements sociaux sont
souvent initiés par les jeunes en milieu urbain. Ces faits font du Journal
Métro un journal progressiste.
Le Journal Métro a un rôle
informationnel important à jouer dans la grande région de Montréal, car il
porte une attention particulière aux enjeux sociaux et culturels qui
intéressent un lectorat jeune et actif. Le Journal Métro est en diapason
avec les aspirations de son lectorat, qui a, à 50 %, entre 18 et 49 ans.
Le Journal Métro a aussi la particularité de rejoindre les nouveaux
arrivants à hauteur de 29 %, soit le taux le plus élevé à Montréal. Cette
clientèle ne demande qu'à être intégrée au sein de la société québécoise, et le
Journal Métro permet de leur faire connaître les priorités, les
politiques et les programmes du gouvernement. Pour certains nouveaux arrivants,
le Journal Métro peut s'avérer la seule interaction avec l'actualité
locale, régionale ou nationale.
Le Journal Métro se veut également
un forum pour tout lecteur souhaitant exprimer son opinion. Cette communication
est à double sens, car le gouvernement peut aussi prendre la juste mesure des
griefs, des opinions et des attentes de la population. À l'heure des débats sur
les enjeux d'une immigration croissante, demandée par le monde des affaires,
par exemple, un journal tel que le Journal Métro est essentiel pour
assurer un débat public et démocratique. Le Journal Métro présente
plusieurs opinions sur les minorités via les nombreux chroniqueurs, tels
qu'Houssein Ben-Ameur, Maïté Labrecque-Saganash ou Frédéric Bérard.
La situation actuelle. Tout comme les
autres médias, la perte de revenus a été dramatique au sein de la presse
écrite. Dans le cas du Journal Métro, nous parlons d'une perte de plus
de 70 % en cinq ans. Au Canada, on évalue cette perte à 7 milliards
cette année seulement. La perte de revenus est attribuable à la migration des revenus
vers les géants du Web. Non seulement ces derniers sont venus gruger les
revenus publicitaires, mais ils restreignent la disponibilité du contenu
informationnel par l'effet de la monopolisation de la diffusion de
l'information.
Le meilleur exemple est la refonte majeure
de l'algorithme de Facebook en janvier 2018, qui ne priorisait plus les médias
auxquels les internautes étaient abonnés, rendant la découvrabilité des
contenus beaucoup plus ardue. Le tout, de façon unilatérale et sans explication.
Ce contrôle leur donne un pouvoir immense sans avoir à produire une seule ligne
de contenu.
Les producteurs de contenu de qualité
n'ont eu le choix que de rogner sur cette qualité pour survivre, sans compter
les nombreuses pertes d'emploi qui en ont découlé. Plusieurs publications
hebdomadaires de Métro média ont dû se résoudre à changer la fréquence de leur
sortie, qui est dorénavant bimensuelle ou mensuelle. En plus de priver la
population d'une information à une fréquence hebdomadaire, cela a pour effet de
transformer des emplois permanents temps plein en emplois précaires pigistes.
Nos solutions. Si nous nous entendons pour
dire que la crédibilité de l'information passe par une information vérifiée par
une tierce partie neutre et objective, deux, que Montréal est le centre
névralgique de l'économie québécoise, avec un Québécois sur deux qui y vit, et
où la majorité des immigrants s'installent en premier lieu à leur arrivée,
trois, que la communication est la pierre angulaire de l'engagement social de
la population, et quatre, que la diversité des sources d'information est
essentielle à l'activité démocratique, il est impératif de préserver le travail
important que réalisent les médias écrits indépendants.
• (11 h 10) •
Nous ne pouvons et ne voulons pas revenir
en arrière et faire fi des immenses progrès technologiques qui ont été
réalisés, mais nous pouvons encadrer ces...
M. Mulé (Andrew) :
...diversité des sources d'information est essentielle à l'activité
démocratique. Il est impératif de préserver le travail important que réalisent
les médias écrits indépendants. Nous ne pouvons, et ne voulons pas revenir en
arrière et faire fi des immenses progrès technologiques qui ont été réalisés,
mais nous pouvons encadrer ces géants qui peuvent quelques fois sembler plus
puissants que les gouvernements nationaux.
De plus, qui dira et publiera le travail
colossal que les députés font à l'Assemblée nationale s'il n'y a plus de médias
locaux pour diffuser les gestes qui se posent et les dossiers qui se portent.
Qui le fera? De quel genre de crédibilité bénéficieriez-vous si vous devez
autoprogrammer votre bon travail? Les arrondissements de Montréal sont la
plupart du temps plus populeux que bien des municipalités au Québec. Qui
couvrira les activités et les décisions prises dans les arrondissements?
Comment se jouera la démocratie dans ces arrondissements? Les journaux
hebdomadaires et le Journal Métro, par leurs couvertures, contribuent à
nourrir la démocratie et l'engagement des résidents de Montréal dans la vie
citoyenne de leurs arrondissements respectifs et de leur ville. Bien sûr que la
presse écrite n'est pas toujours tendre avec les politiciens, mais une
information véhiculée via les réseaux sociaux, dont on connaît mal la source,
peut être 1 000 fois plus dommageable et pernicieuse si utilisée dans
un dessin douteux.
Si les gens du Web bénéficient du fruit de
travail des autres comme matière première, ils doivent les rémunérer. Soit le
gouvernement exige de ces géants, une part du gâteau, soit le gouvernement
finance la création de contenus d'information étant donné que les revenus
numériques seuls ne peuvent toujours pas supporter les dépenses en matière
rédactionnelle. De notre point de vue, des mesures fiscales seraient une
excellente solution.
Nous saluons la volonté des parlementaires
et du gouvernement de mettre en place une solution à la crise actuelle que
travaillent les médias d'information. Nous proposons que le gouvernement
provincial s'arrime sur le même pourcentage que le gouvernement fédéral,
minimalement. S'il s'avère que la proposition du panel d'experts en journalisme
et médias écrits autour de 25 % est acceptée, le total serait un
financement de 50 % des salaires du personnel éditorial. Il nous incombera
alors de trouver de nouvelles sources de revenus afin de rentabiliser les
opérations autant sur support papier que sur support numérique. Nous ne
désirons pas dépendre des deniers publics pour toujours, mais nous ne pouvons
pas non plus concurrencer les GAFA de ce monde.
Nous désirons une aide transitoire afin
d'avoir le temps de stabiliser nos revenus et de protéger le journalisme
réalisé en français au sein d'une culture unique en Amérique du Nord. Demeurons
les artisans, demeurons les producteurs de contenu pour des lecteurs dont nous
connaissons la culture et les aspirations. C'est ce que nous faisons de mieux.
Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Et maintenant pour un premier bloc d'échange de
15 minutes, je cède la parole au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Merci, M. le Président. M. Mulé, Mme Lussier, merci pour votre
présentation fort intéressante. Effectivement, on pense entre autres au Journal
Métro, mais on sait que maintenant, vous en avez beaucoup plus. Mais si je
prends une seconde pour parler du Journal Métro, à quel point que vous
faites un travail extraordinaire, différent, mais qui ne passe pas à côté des
vraies nouvelles et de la vraie information, alors merci pour le travail
journalistique que vous faites puis également qui vous a amené, effectivement,
parce qu'on parle d'une vingtaine de publications distribuées à Montréal et
dans la région de Québec, tout acquis dans la vente de TC Media, alors vous
avez su saisir une occasion dans un moment qui n'était pas quand même facile.
Alors, vous êtes des entrepreneurs certainement visionnaires et dévoués.
Je veux qu'on parle du Publi-Sac, on l'a
effleuré hier quelques fois lors de nos rencontres. Il faut croire au Publi-Sac
d'abord et avant tout parce que, oui, c'est un outil de distribution important
pour les hebdomadaires. Et moi, chez nous, dans mon quartier en Beauce, c'est
drôle, il en manque, de Publi-Sac, à côté de Postes Canada. Ça fait que des
fois, il faut que j'aie le voler dans un autre quartier, là. C'est plate, mais
je n'ai pas le choix. Sinon, je ne le fais pas, mais je confesse parce qu'il en
reste toujours à cet endroit-là. Mais... parce que j'entendais ma collègue de
Marie-Victorin qui disait qu'il y a des gens qui ne le prenaient pas. Chez
nous, on en manque, de Publi-Sac. Alors, c'est quand même bon signe.
Alors, je veux savoir, quelle
représentation vous avez faite, entre autres, au niveau de la ville de Montréal
et d'autres institutions au niveau de l'importance du Publi-Sac et de préserver
ce modèle-là malgré certains enjeux environnementaux qui sont présentés?
M. Mulé (Andrew) : À date, je
pense qu'il y a une commission qui sort en septembre justement alentour de ça à
Montréal, alors, ça, on passe... engagés, on est très proches avec TC
Transcontinental. Alors, pour nous, de vous dire la vérité pour nos
hebdomadaires ou nos journaux locaux, sans le Publi-Sac, la distribution serait
impossible, en effet, et l'exemple qu'on a mentionné de la députée tantôt, avec
des piles, des piles de journaux, ça n'existe plus à Montréal. S'il en existe,
j'aimerais le savoir parce que, nous autres, on étire notre tirage au maximum
partout pour assurer que les copies sont bien lues et de partout.
En ce qui est de TC Transcontinental, je
crois qu'ils ont fait beaucoup de progrès depuis plusieurs années. En ce
moment, ils ont vraiment la cible sur le dos. Je crois que M. Olivier, il
a un gros challenge en avant de lui pour essayer de trouver des solutions pour
mieux gérer le Publi-Sac. Par contre, pour nous, c'est vraiment un allié puis
un partenaire important dans la presse écrite. Sans sa force de distribution,
là, vous allez voir des journaux disparaître partout, c'est certain.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Absolument, et je pense qu'on vous entend bien ici, dans cette commission.
Je veux revenir à votre mission...
M. Mulé (Andrew) : ...essayer
de trouver des solutions pour mieux gérer le Publi-Sac. Par contre, pour nous,
c'est vraiment un allié puis un partenaire important dans la presse écrite.
Sans sa force de distribution, là, vous allez voir des journaux disparaître
partout, c'est certain.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Absolument.
Et je pense qu'on vous entend bien ici, dans cette commission. Je veux revenir
à votre mission. Vous dites : Métro média cherche à permettre au plus
grand nombre de lecteurs issus de différents profils socioéconomiques et
culturels — je le répète, issus de différents profils
socioéconomiques et culturels — à avoir accès gratuitement, par le
biais d'un réseau de distribution étendu à de l'information diversifiée de
qualité. Au même moment où on nous dit que l'information coûte quelque chose,
vous nous dites également qu'il y a un volet de le rendre accessible à tout
profil socioéconomique. On sait que l'information, c'est un droit, mais
plusieurs intervenants sont venus nous dire : Ça coûte quelque chose,
faire des nouvelles. On doit engager une salle de rédaction, on se doit de le
publier. Comment vous essayez de trouver le juste équilibre, comme propriétaire
de presse, en disant : Il faut que ce soit gratuit, mais on sait que
l'information coûte quelque chose? Est-ce que, pour vous, dans votre modèle
d'affaires, vous excluez totalement la possibilité que vos lecteurs puissent un
jour, éventuellement, payer pour avoir de l'information chez vous, par exemple?
M. Mulé (Andrew) : Je crois
qu'il y a plusieurs modèles d'affaires qui doivent coexister pour avoir de la
presse écrite de différentes qualités. Par contre, notre mission, vraiment,
c'est de passer de l'information crédible à du monde qui n'ont pas
nécessairement les moyens pour l'avoir, et ça, c'est très important de... ce
qu'on fait depuis le début. Et de là, les modèles d'affaires... On doit le
dire, que l'abonnement ou la gratuité ont tous eu du succès à un moment donné.
Alors, il y a deux différents modèles d'affaires qui peuvent coexister dans un
marché. Est-ce que je suis contre l'éventualité d'avoir une version d'une
qualité plus élargie de... payant? Non, pas du tout, c'est une possibilité, je
suis ouvert à toutes les possibilités. En ce moment, notre modèle, c'est de
servir une population qui n'a pas les moyens nécessairement pour payer pour leur
information.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède maintenant la parole au collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. Dans votre mémoire, vous reprenez à votre compte les
recommandations, les demandes de la Coalition pour la pérennité de la presse
d'information au Québec, dans lesquelles il y a entre autres le crédit d'impôt
qu'à peu près tout le monde s'entend pour dire et nous demander que c'est
nécessaire. Mais vous, dans votre présentation, vous avez cru bon de dire que
vous trouviez que c'était... que la bonne idée, ce serait d'arriver à la même
hauteur que le fédéral, parce qu'on attend, là, très bientôt, le crédit d'impôt
fédéral. Est-ce que vous pensez qu'il faudrait qu'on copie à ce point le crédit
d'impôt fédéral, qu'on arrive avec les mêmes critères et les mêmes paramètres?
M. Mulé (Andrew) : Souvent,
les précédents sont très faciles à aider à développer des solutions rapides.
Alors, essentiellement, le fédéral est là-dessus depuis un peu plus de temps
que le provincial. Dans mon opinion, on est dans une situation critique et
urgente, alors si le fédéral a fait du chemin, pourquoi ne pas prendre le
chemin et continuer avec? C'est...
M. Lemieux : Et vous rajoutez,
dans vos recommandations, même si ce n'est pas écrit comme des recommandations,
vous parlez beaucoup de la formation de mise à niveau, au-delà d'endosser les
demandes de la coalition. Vous avez, avant les conclusions, une large section
sur la formation de mise à niveau. Vous dites entre autres que la transition
inévitable vers la presse numérique et virtuelle pose de nouveaux défis. Chez
vous, ça se passe comment, et vous auriez besoin de quoi de plus?
M. Mulé (Andrew) : Les
hebdos, historiquement, étaient toujours la première étape pour le journalisme
au Québec. Alors, vous commencez... vous sortez de l'école, vous commencez dans
les hebdos, ensuite vous progressez à un quotidien ou à la radio, à la
télévision. Alors, pour nous, si on parle de formation dans ce genre-là, c'est
hyper important d'avoir une continuité et des différentes étapes dans le
journalisme. En ce moment, les hebdos sont en train de disparaître partout au
monde, bien, en Amérique du Nord, en plus, et c'est difficile de voir comment
on progresse dans ce modèle d'affaires là en ce moment, et c'est-u intéressant
d'attirer de la relève dans notre industrie? C'est aussi très difficile de le
faire.
Mme Lussier (Sylviane) : Et
j'ajouterais, si vous me permettez, que le roulement de personnel est beaucoup
plus grand qu'avant. Alors, ça demande des ressources à l'interne beaucoup plus
grandes pour s'assurer que ces gens-là sont bien encadrés. Vous savez, tout ce
qu'on fait est publié, on a une grande responsabilité qui va avec notre
privilège, alors c'est important que nos gens soient bien encadrés.
• (11 h 20) •
M. Lemieux : Je vous pose la question,
parce que des nombreux mémoires... au-delà de ceux qu'on va entendre cette
semaine en consultations particulières, il y en a une trentaine de plus. Ce
n'est pas souvent qu'on insiste ou que, dans les mémoires, les gens insistent
sur la formation. Mais, hier, pendant les audiences, les hebdos régionaux sont
venus nous dire qu'ils avaient besoin de formation, mais ils ont précisé qu'ils
avaient surtout besoin de formation pour leurs vendeurs, leurs représentants,
parce qu'il y avait des nouveaux produits à vendre...
M. Lemieux : ...il y en a une
trentaine de plus — ce n'est pas souvent qu'on insiste ou que dans
les mémoires les gens insistent sur la formation. Mais hier, pendant les
audiences, les hebdos régionaux sont venus nous dire qu'ils avaient besoin de
formation, mais ils ont précisé qu'ils avaient surtout besoin de formation pour
leurs vendeurs, leurs représentants, parce qu'ils avaient des nouveaux produits
à vendre puis qu'ils avaient besoin de les mettre à niveau, pas juste leurs
produits, mais ceux qui en font la représentation. Est-ce que vous allez avoir
de nouveaux produits? Est-ce que... Quand vous parlez du
virage — puis on s'entend, là, le virage, ça fait longtemps que tout
le monde est dedans, là, même que je n'ose pas dire qu'on tourne en rond, mais
en tout cas on cherche la porte du nouveau modèle, là — dans ce
virage-là, vous, est-ce que vous en avez, des projets comme ça?
M. Mulé (Andrew) : Je crois
que vous allez constater aujourd'hui, quand vous rencontrez la majorité des patrons
de presse, qu'on tire sur... de partout pour essayer de compenser pour la chute
de revenus. En effet, nos vendeurs sont rendus des multiproduits. Ce n'est pas
juste vendre le journal, c'est le Web puis c'est des produits alternatifs. Si
je veux adresser la formation, en effet, les changements se font tellement
rapidement dans l'industrie que, même avec le roulement de personnel et le
changement de produits qui se développent, bien, la formation se fait aux six
mois. Là, on n'est jamais un expert à vie, en ce moment, dans ce qui est la
vente de la publicité.
M. Lemieux : Vous avez
sûrement remarqué, si vous étiez là, qu'à chaque fois qu'on nous parle de régie
publicitaire, on est comme : Ah wow! On ne connaît pas ça, nous autres.
Expliquez-nous ce que ça fait puis ce que vous voulez en faire. Vous, une régie
publicitaire, pour vous, ça changerait quoi? Là, si vous n'étiez pas là, je
vous résume rapidement.
M. Mulé (Andrew) : S'il vous
plaît.
M. Lemieux : Il y a Groupe
Capitales Médias qui nous disait que c'était quelque chose auquel ils avaient non
seulement rêvé, mais qu'ils avaient essayé de mettre au monde avec... Mais
l'idée, c'est que ça prend tout le monde. Seriez-vous un joueur là-dedans, vous
autres?
M. Mulé (Andrew) : J'ai une ouverture
à tout. En effet, je suis... dans mon environnement, je crois que je suis
ouvert à rencontrer tous mes compétiteurs pour essayer de faire des alliances,
on est... c'est nécessaire dans cette industrie. On n'est plus compétiteurs un
contre l'autre, on est compétiteurs vraiment contre GAFA. C'est la réalité, on
est tous dans le même bateau, même si on essaie de... On a des gros ego en
termes de patrons dans cette industrie. Par contre, la réalité, c'est ça. On ne
peut pas se cacher cette réalité-là.
M. Lemieux : C'est bon de vous
l'entendre dire en réponse, parce que, dans la plupart des mémoires, on devine,
et certains sont allés jusqu'à l'écrire, que l'heure n'était plus à se battre
entre nous, qu'il fallait se battre ensemble contre. Même Radio-Canada, demain,
je ne veux pas les «scooper», mais Radio-Canada, demain, va nous dire ça en
toutes lettres, là. Pourquoi est-ce que c'est si difficile? Hier, la radio, la
télé, les radios, les télés et les médias imprimés communautaires nous
avouaient avec un peu de dépit qu'ils ont beau avoir essayé de faire front
commun, juste eux trois ne pouvaient pas. Ce n'est pas illusoire de penser que,
même si les ennemis, c'est les autres, qu'il faut se battre contre les autres,
qu'il faudrait se réunir, qu'on est loin du compte? On a l'impression que
depuis trois ans, ça n'a pas vraiment allumé personne, ou en tout cas ceux qui
sont allumés n'ont pas réussi à jouer, là.
M. Mulé (Andrew) : Encore une
fois, je vais répéter. Je pense que, dans ce qui est de la presse en général, il
y a des ego et il y a du monde qui ont leur propre opinion et leur version de
comment gérer leur entreprise. Gérer ça, c'est compliqué, c'est très compliqué.
Il y a du monde qui sont dans l'industrie plus de 20 ans, certains qui ont dans
l'industrie beaucoup plus long depuis... que mon âge, en effet. Alors, tu sais,
c'est vraiment... c'est un changement, ça prend quelque chose de dramatique qui
doit se faire, et on l'a vu il y a deux semaines, le dramatique. Bien,
peut-être qu'on va s'allumer, peut-être qu'on va avoir une ouverture, peut-être
qu'on va en parler un peu plus. C'est vraiment ça.
M. Lemieux : Vous êtes dans de
meilleures dispositions maintenant, pas juste vous, mais les autres.
M. Mulé (Andrew) : C'est la
réalité.
M. Lemieux : J'allais vous
demander en terminant ce que vous attendez de la commission. Il y a vos recommandations,
là. Mais on parlait tout à l'heure avec Groupe Capitales Médias du fait que les
projecteurs, à cause des dispositions dans lesquelles on est maintenant, sont
là. Et vous y croyez, vous, à la capacité qu'a le gouvernement de soutenir, toujours
avec la distance nécessaire, parce qu'on parle de journalisme ici, là, mais de
participer à l'effort de transition? Puis là, le mot «transition» est
important, parce que ceux qui étaient là avant vous, eux autres, ils ne donnent
pas grand-chose de la peau de vos journaux, là, eux autres sont dans le
numérique. Alors, il y a déjà en partant un paquet d'intérêts divergents puis il
y a des gens qui disent : Oubliez ça, le papier, là, on est rendu ailleurs.
Moi, j'assume qu'il y a minimalement une transition à faire. Vous, vous voyez
ça comment? Puis vous voulez qu'on le voie comment, nous?
M. Mulé (Andrew) : Bien, moi,
je le vois comme quelque chose de transitoire seulement, et la raison,
c'est : on est dans une industrie très unique où est-ce qu'on doit porter
deux chapeaux en même temps : on doit survivre par nos revenus
publicitaires imprimés et on doit innover dans le numérique, qui évolue
constamment. Et ce qu'on a constaté au Québec, en Amérique du Nord, là, ce
n'est pas juste unique au Québec, est que toutes les industries qui ont beaucoup...
M. Mulé (Andrew) : ...et
la raison, c'est une industrie très unique où est-ce qu'on doit porter deux
chapeaux en même temps. On doit survivre par nos revenus publicitaires imprimés
et on doit innover dans le numérique qui évolue constamment. Et ce qu'on a
constaté au Québec, en Amérique du Nord, là, ce n'est pas juste unique au Québec,
que toutes les industries qui ont beaucoup innové dans le numérique, ils ont
réalisé rapidement, dans les 15 dernières années, qu'ils ne sont pas des
experts dans le développement en numérique, ils sont des experts dans le
journaliste et la vente de publicité. Ils sont tous retournés là. Puis tout le
monde se regarde maintenant puis ils disent : Donnez-nous un outil pour
exploiter, s'il vous plaît, on n'est pas un expert dans le numérique. Notre
expertise, ça fait de longtemps que c'est le journalisme, et on doit remettre
sur ça uniquement. Et le médium qu'on distribue, Twitter ou imprimé ou
Facebook, c'est un détail de ce qu'on fait. Alors, on doit se remettre sur ça.
M. Lemieux : Si ce
n'était pas des médias sociaux dont on dit qu'il faut se battre contre eux,
là...
M. Mulé (Andrew) : Ça
fait partie du problème, certainement.
M. Lemieux : Mais aussi
ça fait partie de votre réalité au quotidien.
M. Mulé (Andrew) : C'est
une...
M. Lemieux : Vous en avez
autant besoin que vous...
M. Mulé (Andrew) : La
distribution et les yeux, c'est le nerf de la guerre dans les médias. Si tu
n'as personne qui te lit, tu n'es pas bon. Alors, comment on... aujourd'hui, on
utilise les moyens qu'on a entre nos mains pour aller chercher le maximum de
lecteurs. Et en effet on a le plus de lecteurs dans l'historique de cette
entreprise, c'est aujourd'hui, avec le moins de revenus dans l'historique de
l'entreprise. Alors, c'est dans deux sens opposés.
M. Lemieux : C'est
vraiment... on parle souvent de ne pas mordre la main qui nous nourrit. Mais,
dans votre cas, vous n'avez pas le choix, il faut la flatter puis la mordre.
M. Mulé (Andrew) :
Voilà.
Mme Lussier (Sylviane) :
C'est ironique. C'est le fait qu'on a encore du papier et qu'on se diversifie
sur le numérique. On a plus de lecteurs, et c'est ça qui est intéressant parce
que justement on est en transition. Et c'est pour ça que c'est important
d'appuyer la transition pour que le journalisme reste de qualité. Je vois des
compétiteurs arriver, puis il y a des journaux que je vois en ce moment, oui,
ils ont réussi à opérer à des coûts très bas. Mais ce n'est plus du journalisme
qu'ils ont dans leurs publications, c'est souvent des publireportages déguisé.
Alors, ça coûte pas mal moins cher faire ça, là. Ce n'est pas du journalisme où
on a à faire de la recherche et à faire des efforts supplémentaires.
M. Lemieux : Les gens de
la banquette d'en face vont avoir des questions pour vous. Avec les quelques
secondes qu'il me reste, ça va prendre combien de temps transitionner encore?
M. Mulé (Andrew) :
Quelle bonne question! Si j'avais la boule de cristal, je l'aurais utilisée il
y a longtemps. Alors, on est là ensemble en groupe aujourd'hui, je crois, pour
aller se réunir et trouver la solution.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Et nous poursuivons nos échanges, pour un bloc de
10 minutes, et je cède la parole à la collègue de Verdun.
M. Émond : M. le
Président.
Le Président (M. Tanguay) :
Oui?
M. Émond : Sans en faire
un point de règlement, juste avant de passer de passer la parole à nos
collègues d'en face, je demanderais gentiment à notre collègue, si elle peut
déposer, à la commission, son intéressant tableau très pertinent pour qu'on
puisse en avoir tous ensemble une copie, mais surtout aussi pour éviter que
cette majestueuse salle de commission soit un lieu d'affichage permanent
d'affichettes de tout genre, là, pour qu'on puisse enfin avoir toute
l'information.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, juste vérifier ce que la... est-ce que vous désirez le déposer? La
réponse vous appartient.
Mme Rizqy : M. le
Président, évidemment, je ne déposerai pas le carton, mais évidemment juste
l'affaire. On va l'envoyer par courriel tout simplement.
Le Président (M. Tanguay) :
O.K. C'est bon. Et pour la suite de nos travaux, je pense qu'on l'a vu, si on
pouvait juste le rabaisser pour le décorum. La suite de nos travaux, si on peut
effectivement le déposer. Je donne suite à cet élément-là, si on peut le...
alors, maintenant, fin du débat, collègue
de Verdun, la parole est à vous.
Mme Melançon : Merci, M.
le Président. Je veux vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je
vous accueille avec vraiment beaucoup de plaisir parce que, je vais le dire,
là, très humblement, à Verdun, on fait affaire ensemble, on se connaît bien.
Vous êtes le tissu social bien entendu, et je l'ai dit à plusieurs reprises, là.
Chez nous, c'est Île-des-Soeurs et Verdun, et c'est deux réalités que vous êtes
capables de conjuguer au quotidien, et je vous en remercie infiniment parce que
c'est important qu'on puisse avoir, bien sûr, dans chacune des régions, mais
aussi dans nos quartiers — là, c'est de la vie de quartier dont il
est question. Et c'est vrai que c'est une pépinière. Moi, j'ai eu le bonheur,
dans les deux années et quelques mois, là, comme députée, de voir quelques
journalistes passer, et souvent on leur dit mais bienvenue, puis rapidement
assez au revoir parce qu'il y a des opportunités. On ne peut pas empêcher un
coeur d'aller vers d'autres cieux. Mais, bref, merci, merci d'être avec nous
aujourd'hui.
• (11 h 30) •
Très rapidement, dans votre mémoire, vous
parlez d'enjeux. Le premier enjeu est, et je vais le lire : «Augmentation
significative du budget gouvernemental à l'égard des placements publicitaires
dans les journaux québécois qui ne reçoivent pas leur juste part des...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Melançon : ...très rapidement,
dans votre mémoire, vous parlez d'enjeux. Le premier enjeu est, et je vais le
lire : «Augmentation significative du budget gouvernemental à l'égard des
placements publicitaires dans les journaux québécois qui ne reçoivent pas leur
juste part des investissements publicitaires de l'État.»
Est-ce que vous avez une idée à combien est-ce
qu'on devrait chiffrer le tout? Parce que moi, ce matin, j'ai fait une demande.
Le 2 mai dernier, donc, il y a une motion qui a été adoptée à l'unanimité
à l'Assemblée nationale. 118 jours plus tard, il n'y a toujours pas de
directive, et 118 jours, là, je tiens à le répéter, c'est quatre mois
qu'on vient de perdre, malheureusement, dans des revenus qui peuvent faire la
différence dans nos hebdos mais partout au Québec. Quatre mois qu'on vient de
perdre parce qu'il n'y a pas eu de directive de donnée. J'espère que le message
aura passé. J'ai demandé à la ministre de la Culture de faire une directive
d'ici vendredi. Si vraiment ça l'intéresse, là, on aura... on verra.
Moi, je veux savoir : La part, dans
le fond, est-ce que vous avez chiffré, de votre côté, à quoi devrait ressembler
la publicité gouvernementale?
M. Mulé (Andrew) : La
réponse, elle est très simple : Le maximum. Ça nous intéresse
certainement. Par contre, je comprends très bien la mission et la communication
que le gouvernement a. Alors, il y a certainement une division de ce budget-là,
qui pourrait être complètement logique, mais retourner un peu plus dans le
journal hebdomadaire. D'après moi, c'est une demande très petite dans tout ça
et, si c'est 20 % du 50 %, honnêtement, là, c'est à la discrétion de
vos agences de publicité d'en décider, de voir comment plus retourner et être
beaucoup plus efficaces pour atteindre vos... nos lecteurs.
Mme Melançon :
Parlons-en, des agences de publicité. De votre côté, ça fonctionne comment?
Parce qu'hier on recevait un groupe en fin de journée, là, qui nous
disait : Ça n'a aucun bon sens, là. C'est un peu n'importe quoi, ce qu'on
vit actuellement. Il peut se passer une crise dans une région, puis finalement,
bien, l'agence de publicité a décidé que c'était dans une autre région où s'en
allaient les sommes. Est-ce que vous vivez ça, vous aussi, au quotidien?
M. Mulé (Andrew) :
Certainement. Oui, en effet. Nos agences, on a des très belles relations avec
certaines de nos agences, mais, en effet, ce qui est le plus pire dans notre
expérience au fil des cinq dernières années, c'est vraiment des agences qui
proviennent du Canada anglais qui ont pas mal complètement arrêté d'investir
leur argent dans... au Québec, dans nos produits.
Alors, si on regarde ça, il y a des
grosses industries, des grosses compagnies canadiennes représentées par ces
agences-là, qui sont... ils ont tourné le dos sur la presse écrite carrément,
sur les télécommunications, automobiles, on peut en mentionner plusieurs, le
détail. C'est vraiment quelque chose qui a changé.
Par contre, au Québec, notre industrie
nous supporte beaucoup mieux. Alors, c'est très différent de... ce qui se passe
dans nos agences québécoises versus les agences aux États-Unis.
Là, ce qui est dans le numérique, je
pense, les agences, ils ont une mission impossible en ce moment. C'est très
compliqué. Ils ont des clients qui ont plusieurs... une variété de demandes et
ils ne savent pas nécessairement comment bien les répondre et les adresser.
Mme Melançon : O.K.
Depuis trois jours maintenant, on entend qu'il y a une urgence, hein, urgence
d'agir. On doit être en action. Passons à l'action. On entendait hier, comme le
disait ma collègue de Saint-Laurent, le gouvernement dire qu'on voulait
attendre après un rapport de l'OCDE qui est prévu en 2020, avant de penser à
taxer les GAFA. Les GAFA qui sont, à chaque fois je veux le mentionner parce
qu'il y a des gens qui suivent nos travaux puis pour qui les GAFA, c'est quoi,
ça, GAFA. Alors, ce sont ces géants du Web comme les Google, Amazon et
Facebook. On ne peut pas attendre après 2020 pour commencer à penser à agir. Je
pense qu'on doit le faire le plus rapidement possible. Êtes-vous d'accord avec
nous là-dessus?
M. Mulé (Andrew) :
Entièrement d'accord. J'ai vraiment... dans mon opinion, l'urgence, elle est
maintenant, elle n'est pas dans deux mois, elle n'est pas dans trois mois.
C'est maintenant qu'on doit agir et bouger vite.
Mme Melançon : Et j'avais
fait une réaction à l'époque, dans le Journal Métro proposant
justement un fonds dédié à la culture et aux communications avec Netflix parce
que, nous, on a décidé d'agir pour Netflix. On l'a fait. On a pris le taureau
par les cornes puis on a dit : Voilà, on va être capables, nous, de taxer.
On annonce autour de 65 millions de dollars pour cette année. Alors,
j'imagine qu'avec un fonds dédié, on peut se tourner aussi vers les hebdos
parce que, le problème, dans le fond, ce n'est pas tant le contenant. Oui, il y
a certaines problématiques avec le papier, là. Vous nous avez exprimé toutes
ces problématiques-là. Mais, au final, c'est de créer le contenu, et c'est là
où il y a des coûts. Puis là je me tourne un peu vers vous, Mme Lussier,
ou ce sont des salles de presse qui sont coûteuses parce que vous avez de vrais
journalistes qui sont...
Mme Melançon : ...nous avez
exprimé toutes ces problématiques-là. Mais, au final, c'est de créer le
contenu, et c'est là où il y a des coûts, puis là je me tourne un peu vers
vous, Mme Lussier, où ce sont des salles de presse qui sont coûteuses, parce
que vous avez de vrais journalistes qui sont sur le terrain, qui viennent faire
des entrevues et qui, par la suite, vont écrire et, bon, ça, c'est coûteux,
mais, si on pouvait faire un fonds dédié pour pouvoir aider notamment les
salles de presse... parce que je vois bien sûr qu'il y a des pourcentages, le
35 %... parce que, là, ça oscille, hein, depuis deux, trois jours, là, ce
qu'on entend, c'est entre 25 % et 35 % de crédit d'impôt pour les
salles de presse. Mais avec un fonds dédié supplémentaire pour pouvoir continuer
à donner un peu d'oxygène, vous, là, à quoi est-ce que vous allez... Votre
besoin numéro un, il est où, actuellement? De l'argent, oui, mais pour investir
où?
M. Mulé (Andrew) : C'est vraiment
pour supporter la salle de rédaction. Tu sais, là, si j'avais 10 journalistes
de plus, mon contenu serait 10 fois plus intéressant, c'est certain, et plus
pertinent. L'île de Montréal est énorme, il y a 3 millions de personnes
qui habitent dessus, là, c'est important. Couvrir tout ça et tout ce qui se
passe sur l'île de Montréal, c'est beaucoup. Je suis également dans la ville de
Québec, alors couvrir la ville de Québec... elle n'est pas petite non plus,
alors ça prend du monde pour le faire, alors, si je pouvais doubler mon nombre
de journalistes, je le ferais demain.
Mme Melançon : Et est-ce
que... Je ne veux pas entrer en contradiction avec ce que d'autres gens sont
venus dire, mais, pour moi, la version papier, en tout cas, Verdun IDS, là, on
est passé parfois à de petites versions. Et là je vois le journal qui reprend
du poil de la bête, là, je vais dire ça comme ça, là, qui est beaucoup plus
cossu. Comment est-ce que vous pouvez expliquer ça aussi? Est-ce que le fait
d'avoir notamment fait des choix, parce que vous avez fait des choix, on avait
un journal à l'Île-des-Soeurs, un journal à Verdun, maintenant, c'est devenu un
hebdo. Vous en avez fait, des choix, déjà, il y a du travail qui a été fait de
votre côté.
Mme Lussier (Sylviane) :
Absolument. Les crises ont du bon, hein, ça nous permet d'être... ça nous
oblige, ça ne nous permet pas, ça nous oblige à être plus créatifs, à se poser
des questions, et c'est ce qu'on a fait dans le cas de Verdun et de
l'Île-des-Soeurs qui étaient deux clientèles lectrices. Moi, il y a 10 ans, je
n'aurais pas fait ça. J'étais là, il y a 10 ans, je n'aurais jamais jumelé ces
deux territoires-là, et c'est quelque chose qu'on a remis sur le tapis en
disant : Bon, maintenant, est-ce que... Et le marché était prêt, parce que
beaucoup de choses ont changé à Verdun, c'est un territoire qui s'est beaucoup
transformé, alors, oui, les crises sont vraiment des moments pour saisir les
occasions, être plus créatifs.
Mme Melançon : Le Publi-Sac,
on a entendu plein de choses, là, se dire au cours des dernières semaines. Je
lisais que, si on abandonnait le Publi-Sac et si on passait à Postes Canada,
comme certains ont manifesté comme idée, c'était de deux à trois fois plus
coûteux pour vous, donc le modèle d'affaires tombe complètement à plat.
M. Mulé (Andrew) : La seconde
que la cible était sur le Publi-Sac, des représentants de Canada Post m'ont
visité rapidement. Ils m'ont proposé plusieurs solutions pour voir quel était
le prix. En effet, c'était deux fois ou trois fois le prix de là. Et, en plus,
pour nous, Canada Post... Je peux vous confirmer quelque chose : le monde
ne visite plus leurs boîtes aux lettres quotidiennement, là, c'est rendu une
fois par semaine, une fois aux deux semaines, alors aller chercher un lecteur
dans la boîte à lettres, ce n'est plus la même affaire que ce l'était quand la
poste était livrée chez eux. Alors, pour nous, le Publi-Sac reste une méthode
très effective pour nos produits.
Mme Lussier (Sylviane) : Et
les délais aussi. Postes Canada distribuerait sur deux à trois jours, ce ne
serait pas au courant de la même journée, comme c'est le cas en ce moment,
parce que, bon, ils ne vont pas dans tous les marchés à tous les jours, parce
qu'eux aussi ont eu des décisions d'affaires à prendre, alors leurs routes ont
été réaménagées.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci à vous. Je cède maintenant la parole, pour 2 min 30 s, à
notre collègue de Taschereau.
Mme Dorion : Merci. Bonjour.
Merci d'être là. J'aimerais qu'on parle des journaux de Capitale Médias. Je
serais curieuse d'avoir votre avis sur les avantages, s'il y en a, et les
désavantages de l'idée de rachat par Québecor des journaux de Capitale Médias.
M. Mulé (Andrew) : Ouf!
Quelle question. Regarde, moi...
Mme Lussier (Sylviane) : On a
combien de temps?
Des voix
: Ha, ha, ha!
Mme Dorion : Oui. On a
deux minutes.
M. Mulé (Andrew) : Je suis
beaucoup... vous m'avez entendu parler, je crois beaucoup dans l'indépendance
du journalisme, je crois beaucoup dans la compétition, je crois que c'est
important, c'est ça qui nous fait faire des bonnes choses. Je crois que c'est
important d'avoir plusieurs voix au Québec, d'avoir plusieurs... les salles de
rédaction très, très indépendantes, c'est primordial à ce qu'on fait, en effet,
alors, pour moi si... Par contre, je ne connais pas la solution magique, moi,
je suis intéressé aussi, j'ai déjà annoncé ça publiquement. Pourquoi? Parce que
je crois dans la presse écrite et je crois qu'il y a probablement une solution
pour sauver Capitale Médias dans tout ça.
Mme Dorion : Et qu'est-ce que
vous pensez d'une idée de coopérative ou de...
• (11 h 40) •
M. Mulé (Andrew) : En effet,
j'ai exprimé cet intérêt aussi, publiquement. Pour moi, que les employés sont
très engagés dans le...
M. Mulé (Andrew) : ...la
solution magique. Moi, je suis intéressé aussi. J'ai déjà annoncé ça
publiquement. Pourquoi? Parce que je crois dans la presse écrite et je crois
qu'il y a probablement une solution pour sauver Capitales Médias dans tout
ça.
Mme Dorion : Et qu'est-ce
que vous pensez d'une idée de coopérative ou de...
M. Mulé (Andrew) : En
effet, j'ai exprimé cet intérêt aussi publiquement. Pour moi, que les employés
sont très engagés dans le processus des affaires, c'est très important.
Historiquement, les journalistes n'ont pas vraiment... puis ils me l'ont
exprimé au congrès de la FPJQ l'année passée. Ils ne sont pas au courant de
comment les affaires fonctionnent dans leur environnement. Alors, c'est
intéressant de tout à coup avoir un petit bout de tout ça et avoir de la
transparence, leur montrer qu'un, deux, trois ne marche pas, mais un, deux,
trois, quatre, cinq pourrait marcher, et ça, c'est quelque chose qui
m'intéresse beaucoup.
Mme Dorion : Et vous
disiez : C'est important l'importance des médias. On a beaucoup parlé du
problème que ça pourrait être que, s'il y a de l'argent public, il faut
préserver l'indépendance. Mais on a très peu parlé de : Oui, mais si cet
argent-là est privé, aussi il y a une question d'indépendance à préserver.
Donc, vous avez lié un peu ma question sur Québecor à l'idée d'indépendance.
Pouvez-vous développer un petit peu en 43 secondes?
M. Mulé (Andrew) : Sur?
Bien, je ne comprends pas. Peux-tu...
Mme Dorion : Bien, c'est
parce que vous parlez d'indépendance. Tu sais, que c'est important que les
journaux aient leur indépendance, les journalistes aient leur indépendance.
Puis, par rapport à Québecor, est-ce qu'il peut y avoir un souci d'indépendance
par rapport soit au boss, aux actionnaires?
M. Mulé (Andrew) : Ah!
bien, je peux... je ne vais pas parler sur ce sujet-là, je ne vis pas dans cet
environnement. Toute ma carrière, j'étais en compétition contre Québecor.
Alors, je ne peux pas vraiment parler à ce sujet-là.
Mme Dorion : Parfait.
Mme Lussier (Sylviane) :
Et les journalistes sont bien protégés eux-mêmes avec leurs associations, alors
il y a des choses qu'ils peuvent faire. Dans notre environnement ils sont
syndiqués, donc ils sont protégés de pressions indues qui pourraient être
faites par des patrons, quels qu'ils soient, là, dans quelque organe de presse
qu'ils soient au Québec.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Maintenant, pour 2 min 30 s, je cède la parole
au collègue de Rimouski.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. Vous aussi vous déplorez, là, le retrait des avis publics,
là, par les municipalités. Plusieurs l'ont fait. Il faudra sûrement interpeller
le monde municipal éventuellement. Mais vous rajoutez : «La tendance des
municipalités est aussi de concentrer la distribution de leur information dans
des cahiers ou publications parallèles aux journaux locaux privant de revenus.»
J'aimerais ça que vous m'expliquiez c'est
quoi? Dans nos régions, on ne le voit pas comme ça. Mais vous...
M. Mulé (Andrew) : À
Montréal, c'est très typique que l'arrondissement ou la ville de Saint-Laurent
publie un cahier peut-être mensuel ou peut-être trimestriel... je pense que
c'est mensuel qui informe de toutes les bonnes choses que la ville apporte à
tous leurs citoyens. Ça, on le voit dans tous nos arrondissements. Dans toutes
les municipalités à Montréal actuellement, c'est «at large» vraiment dans ce
qu'on fait.
M. LeBel : O.K. C'est des
publications faites par les municipalités qui relaient leur...
Mme Lussier (Sylviane) :
Exact.
M. Mulé (Andrew) :
Qui... tous les nouveaux parcs sont publiés là. Tout ce qu'il se fait de bon se
programme dans ce cahier-là.
M. LeBel : Ça, c'est revenus
qui avant transitaient par chez vous.
M. Mulé (Andrew) :
100 %.
Mme Lussier (Sylviane) :
Exact.
M. LeBel : Le manque à gagner,
vous évaluez ça à combien à peu près?
M. Mulé (Andrew) : Bien,
je ne le sais pas. Mais je peux vous dire qu'il y a un gros coût à développer
un produit aussi pour la ville. Alors, ils ont décidé que c'était mieux... ils
étaient mieux servis de créer quelque chose, d'avoir quelqu'un du côté
communications, d'écrire des textes comme des communiqués pour les différents
arrondissements et de la ville, et de publier, et prendre les photos, et de
dépenser sur l'impression que de participer dans leur journal local.
M. LeBel : Et ça, c'est des
frais publics.
M. Mulé (Andrew) : C'est
sûr.
Mme Lussier (Sylviane) :
Exact.
M. Mulé (Andrew) : Je
les connais-tu? Non, mais...
Mme Lussier (Sylviane) :
Bien, on l'a chiffré il y a quelques années. Pour la ville de Montréal, il y
avait à peu près 500 000 $ pour la promotion d'activités, et un
500 000 $ en avis publics. Alors, c'est un million quand tout ça
est... Mais il y a encore des arrondissements qui continuent d'utiliser le
journal de leur arrondissement, de leur quartier pour promouvoir leurs
activités ou pour des activités...
M. LeBel : Ça fait que c'est à
peu près un million de dollars qui transitait par chez vous et qui n'est plus
là maintenant.
Mme Lussier (Sylviane) :
Exact.
M. Mulé (Andrew) : Là,
on parle de 2015. Alors, si ça a évolué, moi, je te dirais ajoute un peu sur
ça.
M. LeBel : Ça fait que, quand
on se pose la question : Est-ce qu'on est d'accord que les deniers publics
viennent soutenir les médias? Dans le fond, les deniers publics sont un peu...
servent déjà, mais via les municipalités, via dans leurs propres productions...
M. Mulé (Andrew) : En
effet, oui.
M. LeBel : ...qui est plutôt
de la promotion que de l'information.
M. Mulé (Andrew) : C'est
vous qui l'a dit, pas moi.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci...
Mme Lussier (Sylviane) :
Mais, quand on fait du journalisme objectif, c'est ce qui peut arriver
malheureusement parce qu'on va publier des choses qui ne mettent pas toujours
en valeur le conseil municipal. Alors, des fois, c'est mal reçu.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Maintenant, pour une période de deux minutes, je cède la parole
à la collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup pour votre présentation. Laissez-moi quand même émettre un léger
doute sur le fait qu'il y a juste à Longueuil que les publisacs s'accumulent
dans les tours à condos et les blocs-appartements. Je ne suis pas certaine de
ça.
Ceci étant dit, en ce qui concerne, par
exemple, le Journal Métro qui est distribué d'ailleurs aussi dans
ma circonscription à la station du métro Longueuil, on sait qu'il est distribué
quand même très largement en version papier, ce qui doit quand même occasionner
des coûts importants. Je serais curieuse de savoir quelle est, disons, la
distribution entre la portion numérique et la portion papier, donc du Journal Métro
que vous distribuez. Combien de personnes le consultent vraiment en version
papier versus le numérique? Puis aussi je me demandais si vous aviez eu...
Mme Fournier
:
...papier, ce qui doit quand même occasionner des coûts importants, je serais
curieuse de savoir quelle est, disons, la distribution entre la portion
numérique et la portion papier, donc du Journal Métro que vous
distribuez, combien de personnes le consultent vraiment en version papier
versus le numérique. Puis aussi je me demandais si vous aviez eu... si vous
aviez entamé une réflexion, particulièrement peut-être pour le Journal Métro
qui est distribué plus largement, sur la gratuité de l'information. C'est quand
on parle de revoir les modèles d'affaires, tout ça, je pense que c'est une question
qui doit être abordée, vous, dans votre cas, le journal papier, autant que le
contenu numérique, est actuellement disponible gratuitement. Donc, est-ce que
vous avez réfléchi à cette question-là?
M. Mulé (Andrew) : Alors,
pour répondre à la première question, le Journal Métro a 1,2 million
de lecteurs par semaine et, dans le numérique, 1,35 par mois. Alors, si tu
divises ça, le numérique est moins lu que le journal et, avec raison, dans le
réseau métro à Montréal, on a, je ne sais pas combien de passagers, mais c'est
des millions par semaine. Alors, de là, on en passe, et il ne nous en reste
plus de journal du côté papier. Alors, pour nous, ça reste très important
d'avoir les deux modèles d'affaires parce qu'on reste avec un produit à succès
dans l'imprimé, autant que dans le numérique chez nous. Puis c'était quoi, la
deuxième question?
Mme Fournier
: Sur la
gratuité de l'information. Est-ce que vous avez réfléchi à ça?
M. Mulé (Andrew) : Ah! mais
ça, je vais répéter ce que j'ai dit, nous autres, on croit, dans notre mission,
qu'on a un milieu socioéconomique notamment parce qu'on dessert dans du
porte-à-porte et dans les stations de métro qui viennent des différents milieux
socioéconomiques. Et de là, la gratuité, je ne dis pas que pas toute
l'information doit être gratuite, mais il doit en avoir du gratuit pour
certains de nos citoyens au Québec.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, merci aux représentants, représentantes de Métro média
d'avoir participé à nos travaux. Et afin de permettre aux représentants du
journal Le Devoir de prendre place, je suspends nos travaux
quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 47)
(Reprise à 11 h 49)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux, et je
suis heureux d'accueillir... nous sommes heureux d'accueillir les représentants
du journal Le Devoir. Bievenue à votre Assemblée nationale. Vous
disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion
d'échanger avec les collègues députés. Pour les fins d'enregistrement, je vous
demanderais de bien vouloir préciser vos noms et vos fonctions. Et, sans plus
tarder, la parole est à vous.
• (11 h 50) •
M. Myles (Brian) : Bonjour,
MM. et Mmes les députés. Merci beaucoup de nous recevoir ici aujourd'hui. Je
vous présente André Ryan, président du conseil d'administration du Devoir,
un de nos nombreux bénévoles dédiés. Moi-même, Brian Myles, directeur du Devoir
depuis bientôt trois ans. Aujourd'hui, nous voulons vous entretenir de notre
mémoire, nous allons passer sur les grandes recommandations, les principales.
Mais, d'abord, il m'apparaît important de vous rappeler les principes qui nous
guident, principes que nous vous invitons à suivre ou à vous inspirer afin...
M. Myles (Brian) : ...bénévoles
dédiés; moi-même, Brian Myles, directeur du Devoir depuis bientôt trois
ans. Aujourd'hui, nous voulons vous entretenir de notre mémoire. Nous allons
passer sur les grandes recommandations, les principales, mais d'abord il
m'apparaît important de vous rappeler les principes qui nous guident, principes
que nous vous invitons à suivre ou à vous inspirer afin d'élaborer
d'éventuelles mesures de soutien.
D'abord, il y a un enjeu d'équité et
d'universalité. On souhaite mettre fin aux aides temporaires et à la pièce dans
le domaine des médias qui viennent fausser le jeu de la concurrence. On
souhaite aussi préserver l'indépendance des médias et on croit qu'on peut y
arriver avec des mesures fondées sur des critères quantitatifs et non pas sur
des jugements de valeur. On veut parler de transparence, parce que, nous, au Devoir,
on croit que, si on reçoit de l'aide publique, il faut avoir le minimum de
transparence requise, et de l'afficher publiquement qu'on reçoit des aides, et
de s'assurer qu'on consacre ces aides-là à l'essentiel, c'est-à-dire la
production de journalisme, d'information de qualité. On a un souci de pluralité
et de diversité des voix, et donc on vous fera des recommandations qui vont peut-être
profiter davantage à des hebdos qu'au Devoir lui-même, mais le tout est
fait dans un souci de stabiliser l'ensemble des médias québécois, peu importe
leur modèle d'affaires. Et le critère d'intérêt public, qui nous guide, qui
nous unit tous, parce qu'au fond les médias, je n'ai pas besoin de le répéter,
vous le savez tous, c'est un indispensable d'une démocratie en santé.
Alors, pour l'instant, avant d'aller plus
loin, je cède la parole à Me Ryan.
M. Ryan (André) : Bon. Alors
donc, pour commencer, j'aimerais vous dire que Le Devoir se porte
bien. C'est une bonne nouvelle. Le succès du Devoir est fragile, mais il
est bien réel. Nous avons généré des surplus au cours des deux derniers
exercices, au cours de quatre des six derniers exercices. Ce succès repose
principalement sur les nombreux sacrifices qui sont faits par les artisans du Devoir,
dont le travail augmente, change, se transforme, mais qui continuent à donner
tout ce qu'ils ont pour produire un journal de qualité à chaque jour. Il repose
aussi très, très fortement sur une relation intime avec une communauté de
lecteurs que nous entretenons, et les lecteurs supportent Le Devoir.
On reçoit des donations de 5 $ qui sont importantes pour le donateur comme
on reçoit des offres de fondations bien nanties pour des donations beaucoup
plus significatives dont nous parlerons plus tard.
Moi, mon rôle... En commençant, je
voudrais vous parler de deux choses, parce qu'on parle beaucoup de modèles
d'affaires et on parle beaucoup de structures juridiques. Ce sont deux choses
complètement différentes de structures de détention. Le modèle d'affaires du Devoir
repose sur trois axes, et je les expose très, très rapidement. D'abord, vous le
savez, l'abonnement et le mur payant. Donc, nos lecteurs contribuent à notre
santé financière en payant pour de l'information. Deuxièmement, le maintien du
papier. Alors, on a fait le choix il y a quelques années de continuer dans le
papier tout en adoptant et en prenant le virage numérique. Nos revenus
numériques aujourd'hui sont supérieurs à nos revenus papier, mais nos revenus
papier sont une part essentielle de notre succès. Troisièmement, trois
plateformes numériques : la tablette, le site Internet et le portable. Le
portable ou le téléphone mobile est un axe principal pour notre plateforme
numérique. Vous le savez tous, la monétisation sur le portable est plus
délicate, mais on a investi beaucoup dans le portable.
Au niveau de la structure juridique
maintenant, la structure de détention, notre modèle d'opération, il repose
également sur trois axes.
D'abord, Le Devoir inc. Le Devoir
inc. est une société par actions au sens de la Loi sur les sociétés par
actions. Nous avons des actionnaires qui ont capitalisé, Le Devoir
est bien capitalisé. Les actionnaires sont très patients, on les remercie. Le Devoir
est aussi administré par une équipe de direction, bien sûr, mais un conseil
d'administration dont les membres proviennent de six secteurs d'activité
différents et qui contribuent tous sur une base bénévole, dont le soussigné.
Le deuxième axe, c'est bien sûr la Fiducie
Le Devoir. La Fiducie Le Devoir est au coeur de l'indépendance éditoriale du
journal. La Fiducie Le Devoir détient 51 % des actions votantes du Devoir
et la fiducie place entre les mains du directeur du Devoir lesdites
actions pour la durée de son mandat, ce qui assure ainsi l'indépendance
éditoriale de la direction, et je vous dirais que la règle d'or au conseil
d'administration du Devoir, c'est qu'on ne se mêle pas de contenu, et
c'est compris et accepté de tout le monde, y compris du président.
Le troisième axe, qui est également très
important et qui participe activement à notre relation avec le lectorat, ce
sont Les Amis du Devoir. Les Amis du Devoir, c'est une fondation qui existe, et
qui accompagne Le Devoir depuis ses tout débuts, et qui joue un
rôle des fois ponctuel, mais qui est toujours là en sourdine prête à
contribuer. Au cours des... Je ne veux pas tromper les chiffres, mais au cours
des quatre dernières années, ce sont plus de 2 millions de dollars qui ont
été recueillis par l'intermédiaire des Amis du Devoir au soutien de la cause du
Devoir.
Je voudrais vous signaler en...
M. Ryan (André) : ...joue un
rôle, des fois, ponctuel, mais qui est toujours là en sourdine, prêt à
contribuer. Au cours des... je ne veux pas tromper les chiffres, mais au cours
des quatre dernières années, ce sont plus de 2 millions de dollars qui ont
été recueillis par l'intermédiaire des Amis du Devoir au soutien de la cause du
Devoir.
Je voudrais vous signaler en terminant, de
mon côté, que les récents changements, les programmes fédéraux qui ont été
annoncés n'ont pas qualifié les Amis du Devoir comme organisme qui est apte à
émettre des reçus de charité, et on compte sur le soutien de tous les partis de
l'Assemblée... représentés à l'Assemblée nationale pour porter notre message à
Ottawa, à l'effet qu'il n'y a pas de raison pour laquelle... pour lesquelles
les Amis du Devoir ne devraient pas être reconnus à ce titre.
Brian.
M. Myles (Brian) : Bon, Me
Ryan a parlé des distinctions à faire entre structure juridique et modèle
d'affaires. Je vais vous parler de qualité d'information parce que c'est le
cœur du propos aujourd'hui. C'est ce qu'on souhaite tous soutenir, autant vous
que nous.
Que l'on soit à but lucratif, ou
incorporé, ou en modèle coopératif, que l'on mise sur la gratuité des
abonnements ou le modèle payant, la gratuité des contenus ou le modèle
d'abonnement, ce n'est pas ça qui garantit la qualité de l'information. La
qualité de l'information vient du fait qu'on a des journalistes compétents,
rigoureux, qui se dédient, se consacrent à la tâche d'informer, à l'exclusion
de toute autre activité incompatible, et qui sont supportés par des éditeurs,
des patrons de presse courageux. Alors, il se fait de la très bonne qualité
dans un média 100 % gratuit, comme LaPresse, dans un
média 100 % financé par l'État, comme Radio-Canada, dans un modèle mixte,
comme Le Journal de Montréal, qui a un bout de gratuité numérique, un
bout payant en papier, et au Devoir, où tout est payant. Ce n'est pas un
enjeu. Alors, nous, on vous dit : Soyez, s'il vous plaît, agnostiques dans
vos propositions. Visez l'universalité dans vos interventions.
Le mémoire comporte 17 recommandations. Il
y en a qui sont basées sur un soutien. Le soutien va être nécessaire. Je ne
referai pas le portrait de la crise des médias et de l'exode des revenus
publicitaires. Nous, on se positionne, d'entrée de jeu, en faveur du crédit
d'impôt sur la masse salariale. On a mis un seuil de 25 % pour, je veux
dire, faire la parité avec ce que le gouvernement fédéral a proposé, mais on
est flexibles. 25 % avec un salaire de 55 000 $ maximum, c'est
une piste de départ. On peut très bien amener le crédit à 35 %, mais on
tient au moins un plafond. Et, si on devait monter le plafond, on vous suggère
le salaire moyen en journalisme. Pourquoi? Parce qu'on veut éviter une
inflation salariale, une concurrence indue pour recruter les talents. Et on
garde en mémoire l'aventure, qui devient désastreuse, du crédit d'impôt dans
l'industrie du jeu vidéo, qui est parti d'une très bonne intention et qui finit
par être critiqué par les gens qui n'en bénéficient pas, parce qu'on a créé une
chasse aux meilleurs programmeurs dans l'industrie à Montréal.
On estime que d'autres mesures sont
importantes aussi, notamment pour les hebdos puis les quotidiens qui ont encore
des versions imprimées. On pourrait envisager un soutien à la distribution, un
soutien à l'abonnement puis à la diffusion, tant et aussi longtemps que ces
clientèles-là voudront leurs journaux papier. C'est un enjeu d'équité
intergénérationnelle, je vous dirais. Il y en a qui y tiennent encore, au
papier. Ces citoyens-là y ont droit, à plus forte raison dans des régions où on
n'est même pas capable de donner une connexion Internet décente, encore, en
2019.
On souhaite également une politique de
placement éthique en matière de publicité. Le Devoir ne reçoit pas
sa juste part en publicité nationale. Et on veut qu'il y ait un registre de la
publicité gouvernementale, un plafond de 5 % sur la publicité qu'on place
dans le GAFA, un fonds pour récupérer les recettes fiscales du GAFA et soutenir
l'industrie culturelle et médiatique. Et tout ça, c'est un bouquet de mesures
qui, si on les prend ensemble, vont nous permettre de soutenir d'une manière
durable et pérenne la presse d'information au Québec. Et enfin, on vous
propose, pour ceux qui misent sur le modèle d'abonnement, un crédit d'impôt de
25 %, qui est donné au contribuable, qui viendrait faire une bonification
par rapport au crédit actuel de 15 % au gouvernement fédéral.
Évidemment qu'on compte sur vous pour
interpeller le gouvernement fédéral et faire corriger la situation inique dans
laquelle se trouve Les Amis du Devoir. La plus vieille organisation
philanthropique au Canada dans le domaine des médias, fondée pour la première
fois en 1916, est exclue d'un programme qui vise à encourager la philanthropie
dans les médias au Québec. Aujourd'hui, nous faisons une campagne de
financement avec une main attachée dans le dos. Et les contributions dont André
vous a parlé, une fondation privée plus d'autres donateurs, cette inéquité de
traitement fait en sorte qu'on a un impact financier potentiel qui peut aller
de 500 000 $ à 750 000 $ dans les deux, trois prochaines
années.
Alors, pour nous, c'est important. Ça ne
va pas faire en sorte que Le Devoir va glisser sous le seuil de la
rentabilité. On bataille très ferme pour arriver à maintenir tout ça à flot et
on le doit à des journalistes dédiés, des lecteurs qui ont Le Devoir tatoué
sur le coeur et des bénévoles, au conseil d'administration, qui donnent du
temps généreusement, dont André fait partie, et le succès du Devoir repose
dans cet engagement-là.
Merci.
• (12 heures) •
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup pour votre présentation. Maintenant, pour un bloc de 15 minutes,
je cède la parole au collègue de...
12 h (version non révisée)
M. Myles (Brian) : ...des
lecteurs qui ont Le Devoir tatoué sur le coeur, et des bénévoles au
conseil d'administration qui donnent du temps généreusement, dont André fait
partie, et le succès du Devoir repose dans cet engagement-là. Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup pour votre présentation. Maintenant, pour un bloc de 15 minutes,
je cède la parole au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci,
M. le Président. M. Ryan, M. Myles, content de vous retrouver et de vous
entendre également nous partager de bonnes nouvelles dans l'univers des médias,
parce qu'on sait qu'il y a des médias pour qui ça va bien, d'autres ont des
défis, mais pour qui, déjà, plusieurs années ont certainement concentré et
surtout diversifié leurs sources de revenus. Vous nous avez parlé des Amis du
Devoir, exclus au niveau fédéral. J'aimerais juste savoir quelle a été... les
réponses préliminaires du fédéral qui expliquent cette décision?
M. Myles (Brian) : Bien,
écoutez, là, on est dans une partie de tennis où le politique renvoie la balle
à la fonction publique, et vice versa. Essentiellement, la loi a été ainsi
faite et interprétée qu'il faut aller voir deux choses pour obtenir cette
mesure-là : d'une part, produire le contenu journalistique, d'autre part,
être à but non lucratif. Nous, on se trouve avoir la moitié dans chacune de nos
organisations. Le Devoir est à but lucratif et produit le contenu,
Les Amis du Devoir ne produisent pas le contenu, mais sont à but non lucratif.
Et l'argument, c'est qu'il faut qualifier des fondations de soutien comme Les
Amis. Et il y en a d'autres aussi, en passant : le Winnipeg Free Press est
privé de dons qui sont dans les sept chiffres, en ce moment, parce qu'ils sont
exclus également. Et notre argument, c'est qu'on ne peut pas attendre ou
envisager que tous les médias vont adopter le statut d'OBNL. L'OBNL, ce n'est
pas une panacée, là, on l'a très bien expliqué. Il faut être capable de
qualifier les fondations, et c'est là qu'il y a un bras de fer important entre
le politique et la fonction publique.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Sans
compter, dans l'univers médiatique dans lequel il évolue, il pourrait y avoir
une ouverture fort intéressante face à la situation que les médias vivent, sur
le fait que vous jumelez vos sources de revenus provenant de différents
endroits, alors c'est un modèle qui est pérein, qui est innovateur puis qui est
important. Alors, il devrait y avoir une ouverture, effectivement, du côté du
gouvernement fédéral.
Je veux vous entendre... parce qu'on parle
beaucoup de revenus, bien évidemment, dans cette commission parlementaire,
c'est très important. Mais dans les premiers mots que vous nous avez signifiés,
ce sont les sacrifices que vous avez faits comme média. Vous avez parlé
également de vos employés, qui ont fait des sacrifices dans la réorganisation
du travail. J'aimerais que vous nous en parliez un peu parce que bien
évidemment, comme gouvernement, comme État public, lorsqu'on remet de l'aide
aux institutions, on souhaite bien évidemment savoir ce qu'ils vont faire avec.
Alors, vous, vous avez ciblé des niches importantes, vous avez tenu à garder
une salle de rédaction importante, un bureau parlementaire ici, à l'Assemblée
nationale, et Dieu sait que c'est important de conserver nos journalistes ici,
compte tenu qu'ils vivent le quotidien du Parlement. Vous avez fait ce choix-là,
et j'invite l'ensemble des médias qui nous écoutent à continuer de le faire.
Alors, j'aimerais que vous nous parliez de ces choix-là que vous avez faits et
qui pourraient éventuellement peut-être en inspirer d'autres.
M. Ryan (André) : Peut-être
tout ce que je vous dirai, comme... du point de vue du conseil, par exemple,
quand on regarde les diverses négociations qu'on a avec nos unités
d'accréditation, les ajustements dont nous discutons avec les membres
syndiqués, je veux dire, c'est très, très modeste, et ce qu'on se bat pour
faire, de manière responsable, c'est de maintenir leur capacité d'achat, leur
pouvoir d'achat. On n'est pas dans les... on ne peut pas envisager avec eux
d'aller au-delà de ces choses-là, et c'est très bien compris et accepté. Donc,
a priori, moi, c'est l'élément que je voudrais partager. Bryan peut ajouter...
M. Myles (Brian) : Bien, en
complément de ça, on a fait aussi des employés des partenaires du projet. Le
syndicat de la rédaction du Devoir a pris 200 000 $ dans sa
caisse syndicale et l'ont investi dans Le Devoir pour avoir un
siège au conseil, non seulement au conseil d'administration, mais au comité
exécutif. Ils obtiennent tous les chiffres. Ils savent de quoi est faite la
nature de la bête, et quand on leur dit qu'on doit serrer la ceinture, parce
que ça arrive par moments, ils comprennent pourquoi.
Maintenant, à l'autre bout de la réponse,
sur l'axe des contenus, c'est qu'on a fait des choix. Ce n'est pas dans Le Devoir
qu'on trouve l'essentiel des résultats sportifs. On a certains secteurs qu'on
ne couvre pas ou très peu, et on mise sur certaines forces, puis on mise sur
des contenus qu'on estime utiles pour nos lecteurs. On n'est pas parfaits, on
ne réussit pas tout le temps, mais on sait qu'on a des niches fortes en
éducation, en débats d'idées, dans l'environnement, la politique évidemment,
fédérale, provinciale, et tous les sujets qui nous amènent à penser un peu plus
loin que le bout de notre nez. Et c'est comme ça qu'on y arrive.
Et le crédit d'impôt, parce que je vous
vois venir, il va servir à quoi? À stabiliser ce qui coûte le plus cher. C'est
la salle de rédaction, le journaliste, et à prendre plus de risques dans les
embauches, dans le maintien des emplois, et dans la croissance. Mon collègue,
Andrew Mulé en a parlé, de ça. Si j'ai plus de crédits d'impôt et aussi plus de
flexibilité, bien, ce n'est pas sorcier, je vais investir dans le contenu parce
que quand on cherche à créer un contrat fort avec le lecteur, il faut lui
donner du contenu.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, nous allons poursuivre avec le collègue de Saint-Jérôme, et par la suite
nous irons avec le collègue de Sainte-Rose. Le collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci, merci beaucoup de votre présentation. Évidemment, en 10 minutes,
vous nous faites...
M. Myles (Brian) : ...et ce
n'est pas sorcier, je vais investir dans le contenu. Parce que, quand on
cherche à créer un contrat fort avec le lecteur, il faut lui donner du contenu.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, nous allons poursuivre avec le collègue de Saint-Jérôme et par la suite
nous irons avec le collègue de Sainte-Rose. Collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci. Merci beaucoup de votre présentation. Évidemment, en 10 minutes
vous nous faites un survol. Donc, je voudrais peut-être parler avec vous des
moyens pour préserver l'indépendance des médias. Vous avez insisté là-dessus.
Évidemment, dans une perspective où on met fin aux aides à la pièce, on va vers
une aide, par exemple, universelle, on aide beaucoup de médias, y compris des
nouveaux médias qui pourraient apparaître, ça devient peut-être complexe de
calibrer le système d'aide pour être certains qu'on atteigne les bonnes cibles.
Dans votre mémoire... puis là j'attire
peut-être principalement votre attention sur les recommandations 15, 16,
17, mais on mentionne notamment qu'il faut éviter, par exemple, que le soutien
soit conditionnel à l'adhésion au Conseil de presse ou à des critères
qualitatifs, que le gouvernement ait à juger, par exemple, de la pertinence ou
de l'exactitude et de la qualité de l'information. Puis vous avez mentionné
dans votre présentation, rapidement, qu'il pourrait y avoir des critères non
pas qualitatifs, cette fois-ci, mais quantitatifs. Est-ce que vous pourriez
élaborer là-dessus?
M. Myles (Brian) : Sur la
question du Conseil de presse, Paule Beaugrand-Champagne, présidente du
conseil, a publié une lettre cette semaine, et elle-même disait qu'elle ne
souhaite pas l'autorégulation forcée, qui devient de la régulation obligatoire.
Elle souhaite que l'on préserve l'importance de la liberté de presse.
Comment on peut y arriver? C'est très
simple, on y est déjà arrivé. Je vous invite à retourner dans le libellé de la
mesure, le crédit d'impôt de 35 % sur le développement numérique qui a été
voté dans le dernier budget Leitão, qui était l'oeuvre du sous-ministre Luc
Monty et son équipe. C'est un crédit génial, et d'ailleurs on y tient. J'ai
oublié de mentionner l'importance de maintenir les programmes actuels, qui font
leur... qui ont un impact réel. Ce crédit de 35 %, pour Le Devoir,
est très important, et il est important pour tous les petits joueurs dans
l'industrie qui n'ont pas les moyens de se payer des gros planchers
technologiques. C'est un crédit qui permet de financer d'autres types de
dépenses, comme les licences, les consultants, etc.
Maintenant, si vous embarquez dans la
logique du qualitatif, vous allez devenir les arbitres du bon et du mauvais
goût dans l'industrie des médias, et c'est ce qu'on veut éviter. La mesure
fiscale du budget Leitão prévoyait que l'aide s'appliquait à des médias qui
étaient en activité depuis au moins un an, qu'ils soient numériques ou papiers,
qui aient un seuil minimum de journalistes rémunérés à temps complet, parce que
l'information devient sérieuse quand on est capable de payer quelqu'un pour s'y
consacrer. Et les seuils étaient très bons, on parlait de deux journalistes. On
peut faire des seuils plus élevés pour les quotidiens, des seuils moins élevés
pour les marchés régionaux et les hebdos. Et ensuite, couverture d'actualités
d'intérêt général, et on mentionnait qu'il fallait couvrir au moins trois
familles d'actualités parmi une liste de sept, la liste comportant la
politique, les affaires municipales, l'économie, l'environnement, etc.
Alors, ça, ce sont tous des paramètres
d'ordre quantitatif qui existent déjà. Et je vous invite à vous inspirer de ça,
d'autant plus que le fameux groupe d'experts indépendants qui a validé les
mesures fédéral, groupe qui a fait un très bon travail, soit dit en passant,
est allé chercher cette mesure du budget Leitão et l'a importée dans son propre
rapport. Alors, c'est un peu la... c'est une boucle complète. Vous l'avez,
cette réponse-là, on n'a pas besoin de chercher si loin.
Le Président (M. Tanguay) :
...pour les fins de procédures, peut-être juste préciser : de
l'ex-ministre des Finances. On ne peut pas se nommer par... C'est un détail,
mais... Merci pour votre collaboration. Oui.
M. Myles (Brian) : ...pardon.
Le Président (M. Tanguay) :
Collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) : Ça
vous va? Collègue de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci, M. le
Président. Je serais curieux de vous entendre... Bienvenue, en passant, à la commission.
Je serais curieux de vous entendre. Il y a beaucoup de médias qui ont fait le
choix d'offrir le contenu gratuitement. Vous, vous avez opté pour un «paywall»,
puis je serais curieux d'entendre... le moment, là, de cette décision-là.
Comment cette décision-là a été prise? Comment vous voyez la décision d'autres
médias qui ne l'ont pas prise comme ça? Parce que je pense que beaucoup de
l'enjeu est là, là : Est-ce que l'information, elle est gratuite ou pas?, est-ce
qu'elle est... Tu sais, je pense que le gros débat, il est là. Vous, vous avez
fait un choix qui est différent de beaucoup de médias; je serais curieux de
vous entendre.
M. Ryan (André) : Je vais me
permettre de donner quelques éléments de réponse. D'abord, dans notre cas, on
parle d'une décision, bien sûr, parce que c'est un choix stratégique, mais
c'était aussi une non-décision parce que, historiquement, on a toujours eu des
abonnés. Et donc l'extension, je vous dirais, le mur payant sur les médias
numériques, c'est une extension de notre modèle existant, qui, lui, est fondé
sur l'abonnement.
On a beaucoup d'échanges avec nos
confrères, consoeurs des autres médias qui ont fait d'autres choix
stratégiques, et on est confiants, là, et d'ailleurs Brian l'a exprimé en
commençant, que l'un ou l'autre modèle n'est pas un gage de succès ou encore de
qualité de l'information. Il y a de la place pour tous. Nos prédécesseurs à la
table ont aussi choisi la gratuité, et ça leur sied.
• (20 h 10) •
Je trouve qu'on est un peu mal placés, de
façon bien candide. Je comprends votre question et son intérêt...
M. Ryan (André) : ...et on
est confiants, là. D'ailleurs, Brian a exprimé en commençant que l'un ou
l'autre modèle n'est pas un gage de succès ou encore de qualité de l'information.
Il y a de la place pour tous. Nos prédécesseurs à la table ont aussi choisi la
gratuité, et ça leur sied. Je trouve qu'on est un peu mal placés... De façon
bien candide... je comprends votre question et son intérêt, mais moi, j'ai
envie de vous dire qu'on respecte les choix qui sont faits par les autres.
Il est évident par contre que vous croyons
dans le modèle que nous avons choisi et épousé, dans lequel nous investissons.
On va se dire les vraies choses, là. Aujourd'hui, 70 % de nos revenus,
70 % de nos revenus proviennent de nos lecteurs, soit à travers
l'abonnement, le mur payant, ou encore à travers les contributions volontaires
qu'ils nous font par l'intermédiaire de donations. Donc, pour nous, c'est
fondamental, mais ça ne veut pas dire qu'un média comme celui auquel vous aurez
l'occasion de vous adresser cet après-midi, qui est La Presse+, n'a pas
entre les mains un modèle qui est porteur et qui peut leur garantir un succès.
Très délicat pour nous de nous avancer plus loin sur ce sujet-là, malgré
l'intérêt qui est suscité par votre question.
M. Skeete : C'est
délicat, certes, mais c'est très important parce qu'on parle ici de financement.
Et moi le premier... moi, je suis un jeune de l'Internet, j'adore mes nouvelles
gratuites. Pour moi, la question de la gratuité ou pas, elle est fondamentale.
Sans vouloir critiquer les autres qui ont fait des choix différents,
pouvez-vous peut-être me donner une idée, là? Vous avez dit que 70 %
provenaient des abonnements. Est-ce que vous avez vu fondre vos revenus publicitaires?
Comment votre modèle d'affaires est supporté par vos choix stratégiques?
M. Ryan (André) :
D'abord, comme tout le monde, les revenus publicitaires ont chuté
dramatiquement. Cependant, je vous dirais, au cours des deux dernières années,
on les a stabilisés et on a même eu une légère hausse l'an dernier. Donc, en ce
qui nous concerne, on pense que notre modèle répond à un marché puis que nos...
les annonceurs chez nous supportent les choix qu'on a faits.
Je voudrais porter à votre attention...
j'ai vu cette semaine, comme plusieurs d'entre vous, un choix qui a été fait
par le Groupe Capitales Médias de lancer un appel au soutien du public. Et,
dans la formule qui est utilisée et que j'ai regardée de façon très
préliminaire, là, je vous le dis, ce que l'on voit, c'est qu'ils proposent à un
certain public qui va faire des donations d'avoir accès à certains privilèges
ou certaines pièces d'information qui ne seront pas, par ailleurs, disponibles,
par exemple, universellement et gratuitement sur leur plateforme numérique.
Je vous dis, pas pour valider ce choix-là
ou encore le comparer à un autre choix qui est fait par un autre média, mais
pour vous dire que, même pour un média comme Groupe Capitales, qui a un modèle
mixte, d'un côté, vend de l'abonnement, d'un autre côté, rend sur ses
plateformes numériques l'essentiel de son contenu disponible gratuitement, dans
leur réflexion aujourd'hui, ils disent : Bien, nous, on va adopter dans
notre mixité une nouvelle forme de contribution de nos lecteurs.
M. Myles (Brian) : En
complément, si je peux me permettre, la publicité chez nous a subi une chute de
30 % par rapport au niveau de 2013, et on a préservé nos recettes parce
qu'on a fait des augmentations ailleurs. André parlait d'une stabilisation,
c'est vrai. On a projeté de la croissance dans les ventes publicitaires l'an
passé et encore cette année, croissance cette année dans les... plus de
10 % même, ce qui est exceptionnel dans le marché. Mais c'est parce qu'on
ne dépend pas exclusivement de la publicité.
Maintenant, la grande question quand on
choisit la gratuité, c'est qu'on va se retrouver en concurrence frontale avec
le GAFA pour les revenus de publicité. Et nous, on n'est pas capables de faire
ce choix-là, on n'est pas capables de faire ce pas-là, on a toujours été une
niche. Le Devoir n'a pas les succès d'audience et de masse de ses
concurrents dans le marché, alors le... c'est des fois des choix qui se font
d'une manière indirecte.
M. Ryan (André) : Ils
sont conditionnés un peu par ce qu'on est.
M. Myles (Brian) : Ils
sont conditionnés par ce qu'on est, c'est des choix de nécessité. Mais, à
partir du moment où on est une niche, on estime que notre avenir repose
davantage dans le contrat social avec le lecteur et le donateur...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci...
M. Myles (Brian) : ... et
c'est ce qui nous permet d'arriver à l'équilibre.
Le Président (M. Tanguay) :
Pour la dernière minute 20, je cède la parole au collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, M. le Président. Il est ironique, à certains égards même cynique, que
ceux qui ne voudraient pas qu'on vienne en aide aux médias vous citent en
exemple parce que vous avez passé au travers. C'est de ne pas voir le reste de
la crise et des problèmes auxquels vous faites face vous-mêmes.
Il me reste juste une minute puis j'ai
compris tout ce que vous avez écrit et j'avais jauni à peu près tout ce que
vous avez dit. Mais je suis quand même curieux. On s'est fait dire, puis
il y en a d'autres qui vont venir nous le dire aussi, que des incitatifs à
l'achat de publicité pour la presse locale et régionale — parce que
c'est un énorme pan de cette commission — ne seraient pas plus
bénéfiques, mais seraient aussi bienvenus que des crédits à l'emploi. Vous
parlez de programme d'aide universelle, et tout ça. Est-ce que vous faites des
différences qui nous permettraient de moduler l'aide pour le local et le
régional?
M. Myles (Brian) : La
presse régionale va devoir être traitée d'une manière différente des grands
quotidiens. Ça paraît paradoxal, ce que je vous dis. En même temps, on peut
attacher ça dans une recherche d'équité, d'où l'expression «bouquet de
mesures». Le soutien à la diffusion puis à l'abonnement numérique peut avoir
leur utilité... peut avoir son utilité pour ces joueurs-là. Le retour des avis
publics dans les hebdos locaux est...
M. Myles (Brian) : ...d'une
manière différente des grands quotidiens. C'est un... Ça paraît paradoxal, ce
que je vous dis. En même temps, on peut attacher ça dans une recherche
d'équité, d'où l'expression bouquet de mesures.
Le soutien à la diffusion puis à
l'abonnement numérique peut avoir leur utilité... peut avoir son utilité pour
ces joueurs-là. Le retour des avis publics dans les hebdos locaux est essentiel.
Je ne comprends pas les maires d'avoir fait tant de pression pour avoir la
possibilité de ne plus annoncer leurs avis publics dans les hebdos locaux et de
pleurer aujourd'hui la mort imminente de l'information locale. L'UMQ est en
contradiction flagrante là-dessus.
Bouquet de mesures, c'est très important,
surtout pour le local où on a moins de journalistes. Donc, le crédit sur la
masse salariale pèse moins lourd.
Le Président (M. Tanguay) :
...bloc de 10 minutes. Je cède la parole à la collègue de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Bonjour,
messieurs. Merci de votre présence aujourd'hui. Très rapidement, parce que j'ai
plusieurs questions pour vous. Je suis allée rapidement voir la recommandation n° 7, là, les collègues en face vont sûrement sourire, mais
que le gouvernement adopte par décret la politique de placement publicitaire du
Québec, laquelle limitera à 5 % du budget publicitaire annuel, pour tous
les organismes publics, la part de placements faits dans des entreprises
étrangères.
Vous êtes le premier groupe à le chiffrer.
Je le garde bien en mémoire, là. Ce matin, j'ai fait une demande auprès de la ministre
de la Culture justement pour aller rapidement avec une directive pour la
publicité gouvernementale. Je le répète, ça fait 118 jours qu'on attend un
geste de sa part concernant une directive pour la publicité gouvernementale.
J'espère qu'on sera entendus. Et, ce 5 %, je le trouve vraiment très intéressant.
Alors, c'était un remerciement.
Rapidement aussi, vous en parlez, là, ces
géants du Web, qui sont terrifiants, là, j'imagine, lorsqu'on fait partie de ce
groupe média, puis qu'on voit ces gens-là arriver, l'idée de taxer ces géants
du Web, je pense que, clairement, vous avez dit que vous étiez en accord.
J'imagine que vous sentez vous aussi l'urgence d'agir.
M. Myles (Brian) : Oui, parce
qu'au fond, là, on a laissé une sorte d'éthique libertarienne investir nos
sociétés démocratiques, ces compagnies transfrontalières qui ont délocalisé la
main-d'oeuvre, les profits, leur marché mondial, et ils échappent complètement
à l'encadrement fiscal puis aux obligations qui sont imposées à d'autres, et on
le voit dans le commerce électronique aussi, le commerce de détail, dans l'hôtellerie,
dans l'industrie du taxi, partout.
Il faut ramener l'équité fiscale et
maintenant il faut faire un pas de plus, c'est prendre les revenus de taxation
pour créer un fonds qui va financer à la fois la production culturelle et
médiatique. Et là j'en viens à une recommandation qu'on passe rapidement, mais
il faut plaider l'exception culturelle, là. On reste une petite nation, et il
faut défendre d'une manière ferme et courageuse notre singularité en Amérique
du Nord.
Mme Melançon : C'est une proposition
que j'ai faite déjà l'année dernière, d'avoir un fonds dédié justement à la
culture. Et, lorsqu'on parle de souveraineté culturelle, on en a parlé
amplement hier et avant-hier, mais, si le gouvernement fédéral veut laisser sur
la table certaines... bien, certains... ne serait-ce que des points, même, de
TPS ou... bien, on sera prêts à aller faire ce débat-là puis de mettre notre
pied à terre.
Cela étant dit, il y a aussi une
proposition, et un peu plus tard aujourd'hui on va entendre Télé-Québec devant
nous, il y a des gens qui pensent que d'entrer Télé-Québec dans la course peut
sauver une forme de... bien, la partie des régions, je dirais ça ainsi.
Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de voir Télé-Québec? Parce que c'est une
idée qui avait vu le jour à quelque part en 2011 alors que vous étiez aussi à
la tête de la FPJQ.
M. Myles (Brian) : Oui, puis
cette idée-là... On me fait porter beaucoup de responsabilité pour l'échec du
projet, là, mais personne dans l'industrie n'en voulait, et la FPJQ était un
interlocuteur parmi tant d'autres, qui ne voyait pas un rôle accru pour
Télé-Québec.
Télé-Québec fait très bien son mandat
éducatif et culturel, et pourrait le faire mieux avec plus de ressources. Et je
le dis, ils le font très bien, et dans le domaine de l'enfance également.
Maintenant, leurs capacités en information ne sont plus là, sont inexistantes.
Il faudrait tout reconstruire. Ce n'est pas vrai que tout est en place avec
Télé-Québec pour devenir un grand média d'information, et ça viendrait encore
plus mettre de pression sur les joueurs qui existent déjà. Je ne pense pas que
c'est une solution pérenne. Au contraire, il y a d'autres choses à faire pour
soutenir la diversité et l'industrie actuelle des médias.
M. Ryan (André) : Et donc en
complément puis, j'imagine, de manière très simple, on ne voit pas comment
l'addition d'un joueur dans l'industrie, financé par l'État, viendrait régler
les problèmes du secteur.
• (20 h 20) •
Mme Melançon : Parlant des
problèmes du secteur, on a rencontré ce matin Le Groupe Capitales Médias. On a
lu dans différents journaux, on a entendu aussi l'intérêt que Le Devoir
portait...
M. Ryan (André) : ...financé
par l'État, viendrait régler les problèmes du secteur.
Mme Melançon : Parlant des
problèmes du secteur, on a rencontré ce matin le Groupe Capitales médias. On a
lu dans différents journaux, on a entendu aussi l'intérêt que Le Devoir
portait au journal Le Soleil. Est-ce que vous pouvez nous en dire peut-être
un peu plus?
M. Ryan (André) : On peut
élaborer un peu pour vous expliquer la source de notre intérêt. Le Soleil,
en fait, ça repose encore une fois sur trois principes assez simples. Le
premier, c'est que Le Soleil a un modèle qui est fondé sur l'abonnement
dans la grande région. Ils ont des abonnés, ils ont du monde donc qui adhère à
un modèle qui ressemble au nôtre, qui a une identité à ce niveau-là. On pense
que la marque Le Soleil jouit encore d'un grand prestige dans la région
qui a une identité... cette relation un peu particulière qu'on a décrite, que Le
Devoir vit avec son lectorat. On pense que cette relation existe aussi
entre Le Soleil et son lectorat. Et je vous dirais, historiquement
aussi, peut-être, sur un troisième point, c'est un média qui est associé à une
qualité d'information, à de l'analyse, et là encore, on a une identité.
Maintenant, je dois être... je dois mettre
deux bémols sur ce que nous avons dit. Premièrement, contrairement à d'autres,
on n'a eu aucun accès à des données particulières. On a entendu comme vous ce
matin, M. Gagnon, venir fournir certaines explications additionnelles, et
il y a des choses très, très préoccupantes dans ce qu'il dit. Nous, on est...
tantôt, j'entendais le député de Saint-Jean vous dire : On a tellement de
succès qu'on se demande pourquoi on vient vous demander de l'aide. Notre
succès, je l'ai dit, il est bien réel, mais il est très fragile. Il repose
notamment sur les programmes qui sont mis en place et déployés par les paliers
de gouvernement. On ne voudrait pas que ça quitte. On n'a pas un capital infini
pour investir. On ne mettra certainement pas Le Devoir à risque pour
sauver Le Soleil. Cependant, l'intérêt est bien réel, et on a une
identité qui est bien sentie.
Je voudrais juste ajouter un point. On a
dit Le Soleil, on ne pense pas qu'on puisse imaginer une collaboration
de même nature avec les autres médias du Groupe Capitale médias, non pas par
manque d'intérêt ou par manque d'empathie, parce qu'on en a énormément, mais
les données qu'on a observées, qui sont disponibles publiquement, ne nous
permettent pas de voir ça. On l'a imaginé tantôt, là, le soutien doit, en
partie, pour ces médias-là, venir des régions. Et, moi, j'étais bien touché
tantôt de voir que vous aviez dans la salle, les maires et mairesses de
Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay, que j'ai vus, avec qui j'ai pu
converser. Donc, on sent qu'il y a une mobilisation. Et je pense que dans leurs
cas, ça va venir plutôt à travers ça, que par l'intermédiaire du Devoir.
Mme Melançon : D'ailleurs, la
mairesse de Saguenay a dit clairement, au sujet des géants du Web, au
gouvernement : Mettez vos culottes, hein. Ça a été dit ouvertement, et je
pense qu'on doit entendre ce signal-là.
J'entends aussi lorsque vous parlez de
fragilité, donc de toute l'importance de votre fondation. Hein, là-dessus, je
pense qu'on est clair, on a bien entendu le message, et j'aimerais faire un
petit clin d'oeil ici à un ami qui est disparu, qui est Jean Lamarre. Alors, en
2015, je me rappelle tout le succès, d'ailleurs, de... où on avait reparti la
fondation. Je tenais à le dire parce qu'il y a plein de bénévoles du côté du Devoir,
et je tiens à saluer ça.
Je pense qu'il me reste à peine... je vais
prendre 30 secondes avant de donner la parole à la députée de Saint-Laurent,
mais avant que vous le fassiez, M. le Président, c'est au sujet de la
concentration et de la diversité de la presse. J'aimerais vous entendre,
peut-être, en 45 secondes, là, pour donner l'occasion... mais n'est-ce pas
qu'on a besoin de diversité?
M. Myles (Brian) : On a besoin
de diversité, tout à fait. Et sur la question d'information locale et de
l'avenir de Capitales média, ça va passer par les élites et les collectivités
locales, ils devront s'approprier de l'enjeu de leurs propres informations
jusqu'à un certain point et soutenir leurs médias. Maintenant, si on s'en va
vers une vente en bloc, on vous amènera à une position éclairée à ce moment-là.
On ne peut pas prédire l'avenir, on ne sait pas qu'est-ce qui nous attend. On
partage, comme n'importe qui d'une société, des préoccupations sur la
concentration de la presse, et ça fait longtemps qu'on n'en a pas parlé au
Québec, depuis 2008. Et le contexte a changé aussi, le numérique a fait éclater
les frontières et les barrières. Et on ne peut pas refaire le débat sur la
concentration de la presse avec la même terminologie qu'en 2008, laquelle
reposait sur des diagnostics puis des idéologies qui, tu sais, traînaient
depuis les années 70, 80.
Alors, on est dû pour une conversation
nationale. Quand? Ce sera à vous de le voir. Mais je vous soumets avec égard
qu'on ne peut pas juste dire que c'est la responsabilité du fédéral. De tous
les temps le Québec s'est soucié également de la concentration de la presse et
on devra s'en soucier encore.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci pour les dernières 35 secondes. La collègue de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Ah! bien,
rapidement, écoutez, j'ai entendu vos principes qui devaient nous guider :
Équité, universalité, critères, transparence, pluralité des voix...
M. Myles (Brian) : ...responsabilité
du fédéral. De tous les temps, le Québec s'est soucié également de la
concentration de la presse et on devra s'en soucier encore.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Pour les dernières 35 secondes, la collègue de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Ah! bien, rapidement,
écoutez, j'ai entendu vos principes qui devaient nous guider : équité,
universalité, critères, transparence, pluralité des voix. J'ai l'impression
qu'on a beaucoup parlé de chiffres, ce qui est très normal, mais pas quelque
chose aussi qu'on devrait parler davantage, c'est le droit à l'information, un
droit qui est dérivé, un droit fondamental, le droit à l'expression et qu'on a
aussi une obligation, nous aussi, de garder en tête qu'on veut former des
citoyens et que, pour bien exprimer la voix des citoyens, encore faut-il avoir
de l'information juste, vérifiée.
Une voix
: Oui.
M. Myles (Brian) : Bien,
écoutez, nous, on s'appuie sur la liberté de presse, qui est le corollaire de
la liberté d'expression. Le droit du public à l'information est plus un concept
théorique qu'on utilise et sa référence est dans la charte québécoise, dans la
partie des droits économiques et sociaux, mais on en a fait une extension pour
parler du droit du public en général à l'information. On a des politiques d'information,
des conventions collectives qui ont des clauses de conscience, des guides de déontologie,
des balises du Conseil de presse qui font en sorte qu'on essaie de faire tout
ce travail de vérification, de correction des erreurs et...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Myles (Brian) : ...on
assume ces responsabilités-là.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Maintenant, pour un bloc de 2 min 30 s, je cède la parole à la collègue
de Taschereau.
Mme Dorion : Merci. Bonjour,
merci d'être là.
Depuis le début de la commission, en fait,
j'écoute attentivement les questions des députés du gouvernement puis je me
dis : Bon, je peux déjà imaginer de quoi le rapport va pouvoir avoir
l'air, même si on va avoir de belles discussions. Mais je vois que leurs
discussions sont... leurs questions sont beaucoup orientées autour de la publicité,
comment est-ce qu'on peut en avoir plus, l'État va pouvoir en mettre plus. Ils
sont intéressés aussi par le crédit d'impôt sur la masse salariale, par les
murs payants puis je crois sentir une forme de vision de : Bon, bien, là,
on est dans un moment de transition. À un moment donné, il va falloir que vous
soyez rentables avec votre publicité puis avec vos consommateurs, comme toute
autre entreprise, finalement.
Je suis plutôt de votre avis qu'il faut un
fonds québécois des médias, qui puisse considérer un peu, puisque l'information
est un droit essentiel et un service essentiel à la population puis à notre
démocratie, qu'on ait une façon de considérer cette information-là, puis la
création de cette information-là, un peu comme on a considéré jusqu'à
maintenant le monde des arts, où on dit : Bon, bien, c'est essentiel il
faut financer ça, c'est comme ça, avec de l'argent public.
Maintenant, d'où viendrait cet argent
public là? Bien là, tout le monde en a parlé. Il y a toutes sortes de... Tu
sais, on parle beaucoup d'impôts sur les GAFA, là. Vous dites : La TVQ
pourrait aller dans ce fonds-là. Il y a un impôt sur le chiffre d'affaires; il
y a des redevances pour le contenu qui est utilisé qui sont proposées; des
redevances aussi qu'on pourrait demander aux fournisseurs d'accès Internet,
hein? Si les gens se branchent sur Bell ou sur Vidéotron sur Internet, c'est
pour consommer du contenu artistique, journalistique, entre autres. Mais je
vois peu d'appétit en face pour l'instant pour ces mesures-là, puis à peu près
pas non plus au fédéral. Puis je me dis : D'habitude, les industries, bien
les travailleurs se battent, sortent dans la rue, militent, mais vous êtes dans
une situation un peu contradictoire, puisque vous êtes un peu le quatrième
pouvoir : vous faites partie de cette démocratie-là de façon très active.
Comment on peut imaginer faire pression
dans ce contexte-là? Et là, c'est autant la politicienne dans l'opposition que
la militante qui vous pose la question.
Une voix
: ...
Mme Dorion : Grosse question,
hein?
M. Myles (Brian) : Grosse
question. Sur la notion d'indépendance, je vous répondrai que l'industrie du
cinéma, du livre et toute l'industrie culturelle québécoise n'existeraient pas
sans un soutien de l'État, et ça a permis à la critique sociale virulente de la
classe politique au fil des décennies et il n'y a pas de censure. L'État est
capable de rester à distance, pour autant qu'on ne devienne pas un arbitre du
bon goût, tu sais. Il faut respecter ce principe-là et vous en êtes capables.
Maintenant, comment on fait pour
mobiliser. Bien, moi, je vous dirais juste que si on ne fait pas un programme
unifié, avec un bouquet de mesures, on va retrouver... on va retourner à la
case départ d'ici quatre, cinq ans pour certains joueurs de l'industrie. S'il y
avait une solution unique, on serait venus à 20 vous la proposer d'une voix. Il
n'y a pas de solution unique et c'est pourquoi, nous autres, on a misé sur
plusieurs éléments de réponse, incluant un sens de la responsabilité des médias
à l'égard des aides publiques aussi.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Pour un dernier bloc de 2 min 30 s, en ce qui le concerne, je
cède la parole au collègue de Rimouski.
M. LeBel : Merci. Bonjour.
Moi, directement, la recommandation 13,
vous êtes un des... vous êtes le seul qui nous a parlé de la diversité
sociale et culturelle, l'importance de maintenir ça au Québec. On est dans un
une situation particulière et là, vous parlez de la déclaration de Montréal,
qu'on devrait légiférer... On dit : «Les algorithmes qui président dans la
découvrabilité des contenus des univers médias numériques...». J'aimerais ça
que vous m'expliquiez qu'est-ce que vous entendez par là. C'est quoi... Parce
que vous êtes les seuls à nous avoir amené ça.
• (12 h 30) •
M. Myles (Brian) : Oui. Bien,
écoutez, ça rejoint les recommandations sur la protection de l'exception
culturelle puis la notion qu'on puisse exister et vivre en français, puis
retrouver nos contenus, nos créateurs. Et là, c'est une recommandation qui est
plus large et qui ne concerne pas juste le monde journalistique, mais le monde
culturel également. Et on l'a vu, on a une coalition, qui est dirigée par
Solange Drouin en ce moment, qui sonne l'alarme...
12 h 30 (version non révisée)
M. Myles (Brian) : ...ça
rejoint la recommandation sur la protection de l'exception culturelle puis la
notion qu'on puisse exister et vivre en français puis retrouver nos contenus,
nos créateurs. Et là c'est une recommandation qui est plus large et qui ne concerne
pas juste le monde journalistique mais le monde culturel également. Et on l'a
vu, on a une coalition qui est dirigée par Solange Drouin en ce moment, qui
sonne l'alarme sur la concurrence du GAFA puis l'espèce d'homogénéité qui
résulte de ces algorithmes. Au fond, on va donner un exemple bien concret.
Prenez votre Netflix, là, puis essayez de trouver Mon oncle Antoine.
C'est très difficile. Nos contenus n'existent plus.
Alors, il faut au moins qu'on retrouve le
sens du contrôle démocratique sur ces entreprises-là, parce qu'autrement ils
vont faire des choix uniquement en fonction d'une performance et de grands
succès planétaires ou américains. Et ce n'est pas parce qu'on parle trois
langues dans un film produit au Mexique avec des acteurs guatémaltèques puis un
financier américain qu'on a créé de la diversité. Et on n'a certainement pas
créé une voix québécoise sur ces plateformes-là, et ça vaut autant pour
l'information, pour la culture.
M. LeBel : Merci. On va... je
vais tenir à ce qu'on en parle à notre rapport. C'était vraiment important, ce
bout-là, parce que, comme je dis, vous êtes les seuls à l'avoir amené.
L'autre élément rapidement, parce que je
n'ai pas beaucoup de temps, l'aide de l'État par différentes façons. On
parle... il faut que ça maintienne l'indépendance des médias. Cette
indépendance des médias, est-ce que ça doit aller... parce qu'il y a certains
médias qui ont des lignes éditoriales très claires. Je posais la question...
Les élections fédérales arrivent, il y a certains médias qui vont prendre des
positions directement pour des partis politiques ou pour le fédéralisme par
rapport à la souveraineté. Est-ce que l'aide de l'État vient mettre en danger
cette indépendance des médias? Et est-ce que ça convient avec ces lignes
éditoriales?
M. Ryan (André) : Alors, nous,
on est d'avis clairement que non. Puis quand les programmes sont bien normés
puis avec les paramètres dont on a déjà discuté, qui existent déjà, on est très
confortables que ça puisse continuer.
Je voudrais aussi vous dire que, pour
l'indépendance, pour nous et en lien avec une question de la députée de Taschereau,
pour la mobilisation dans l'industrie, nous, ce qu'il faut qu'on redonne aux
artisans des journaux, c'est aussi de la confiance dans le futur, de voir qu'il
y a une pérennité qui s'installe, donc qu'il y a une... qu'ils croient dans
leur métier de nouveau. Et on aimerait aussi... et l'aide... tu sais, on a un
succès relatif, comme je l'ai dit, fragile, mais si on peut dégager des marges
additionnelles... Ce qu'on veut, nous, ce n'est pas juste venir, dans cinq ans,
vous dire : Bien, on est encore là, on est encore là. On voudrait prendre
de l'expansion, augmenter notre couverture et ainsi assurer une plus grande
indépendance.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Maintenant, pour un bloc de deux minutes, je cède la parole à la
collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup. Dans la même foulée que la collègue de Taschereau, ça fait plusieurs
intervenants qu'on entend maintenant à la commission, mais est-ce qu'au final,
ce qu'on entend de la part du milieu médiatique, ce n'est pas justement un cri
d'aide envers l'État qui devrait avoir une obligation de contribuer
financièrement, de soutenir financièrement les différents médias?
M. Myles, vous dites qu'il n'y a pas de
solution unique. En même temps, vous parlez du principe d'universalité. Donc,
il faudrait une aide récurrente, équitable pour tous, puis, de cette façon-là,
le gouvernement a les incitatifs de faire passer cette aide-là par une forme de
publicité pour aller chercher les revenus à la source, où ils se trouvent,
c'est-à-dire évidemment chez les GAFA. Alors, ce principe-là, à mon sens, doit
être reconnu, puis ensuite c'est au gouvernement de voir où est-ce qu'il trouve
pertinent d'aller chercher cette aide-là. Je pense que ça, il faut le mettre à
l'avant-plan.
Maintenant, peut-être spécifiquement sur
le modèle du Devoir, je pense que c'est en 2015 que vous avez établi le
mur payant ou c'est avant ça?
M. Myles (Brian) : Oh non! On
a commencé en 1997.
Mme Fournier
: Non,
mais je parle sur le Web. Est-ce que c'est dès le moment où vous êtes arrivé?
M. Myles (Brian) : Dès 1997.
Mme Fournier
: O.K.,
dès 1997.
M. Myles (Brian) : Et c'était
une décision de Bernard Descôteaux, j'oserais dire un grand visionnaire, pour
le faire rire, parce qu'il dit : On ne savait pas ce qu'on faisait
vraiment, on savait juste qu'on n'avait pas le choix. Parce que la prémisse, au
Devoir, c'était : Si on donne notre contenu, on est mort. On
dépendant déjà lourdement des abonnements et on ne voyait pas un avenir
publicitaire pour nous, dès 1997.
Alors, c'est un choix de nécessité que
Bernard a fait, qui s'est avéré le bon choix. Et c'était un cadenas au départ.
C'était seulement les cadenas sur certains articles, puis on essayait de
convertir à l'abonnement, ce qui fait que nous, on a de l'abonnement numérique
depuis 2013, et l'abonnement numérique fait de la croissance de 40 % par
année, à peu près. Je dirais qu'on a projeté en 117 % de croissance de
l'abonnement numérique sur un horizon de 2013 à 2018.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
Mme Fournier
: O.K.,
parce que j'allais justement vous demander la différence...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci à vous. Alors, nous vous remercions, chers représentants du journal Le Devoir.
Et maintenant, chers collègues, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières concernant le mandat d'initiative portant sur l'avenir des médias
d'information. J'invite toutes les personnes présentes dans la salle à bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous allons débuter nos travaux aujourd'hui
en accueillant les représentants, représentantes de Cogeco Média. Merci
beaucoup. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de
10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec
les collègues députés. Pour les fins d'enregistrement, je vous prierais de bien
vouloir préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus tarder, bien, la parole
est à vous.
M. Lorrain (Michel) : Merci,
M. le Président. M. le vice-président, Mmes et MM. les députés, d'abord, nous
sommes heureux de répondre à l'invitation de la commission de l'éducation de
l'Assemblée nationale portant sur l'avenir des médias d'information du Québec
et d'exprimer le point de vue de Cogeco Média. Mon nom est Michel Lorrain. Je suis
président de Cogeco Média. Je suis accompagné de Marie-Hélène Labrie, première
vice-présidente, affaires publiques et communications, chez Cogeco.
Donc, nous vous remercions pour cette
invitation de participer aux travaux. Nous y voyons une opportunité d'assurer
non seulement la pérennité des médias d'information provinciaux, régionaux et
locaux, mais également de permettre une meilleure compréhension de l'apport
important de la radio dans l'écosystème informatif québécois.
J'aimerais tout d'abord vous présenter
Cogeco et Cogeco Média. J'expliquerai ensuite les défis auxquels nous faisons
face actuellement et présenterai nos recommandations sous trois grands thèmes,
c'est-à-dire l'équité fiscale, l'ajustement des placements publicitaires
gouvernementaux et finalement la mise en place d'un crédit d'impôt pour les
médias.
Fondé à Trois-Rivières il y a maintenant
plus de 60 ans, Cogeco, la maison mère de Cogeco Média, compte aujourd'hui
4 500 employés. L'entreprise, dont le siège social est à Montréal, oeuvre
dans les secteurs des communications et des médias. Sa filiale, Cogeco
Connexion, au Canada, et sa filiale américaine, Atlantic Broadband, offrent des
services de connectivité Internet haute vitesse, de vidéo et de téléphonie.
Cogeco Connexion exploite aussi 36
stations de télévision communautaire au Québec et en Ontario. Cogeco Média, une
filiale de Cogeco, détient et exploite 22 stations de radio au Québec, une
station de radio en Ontario ainsi que l'agence Cogeco Nouvelles, qui est la
plus importante agence d'information radiophonique privée au Québec.
Nous sommes présents dans l'écosystème
québécois radiophonique depuis 30 ans. Aujourd'hui, c'est 5,3 millions de
Québécois qui syntonisent l'une ou l'autre de nos stations de radio. Nous
employons 650 employés, avec une présence radio dans plus de 200 communautés de
diverses régions québécoises : Montréal, Québec, en Outaouais, en Estrie,
en Mauricie, au Saguenay, au Lac-Saint-Jean, en Abitibi, dans les Laurentides
et dans l'est ontarien.
Avec notre agence Cogeco Nouvelles, créée
en 2011, Cogeco Média a bonifié son offre radiophonique d'information. Notre
agence constitue un écosystème novateur d'échange de contenu et de nouvelles,
dont l'objectif consiste à alimenter les stations régionales ainsi que des
stations communautaires indépendantes en contenu d'information et d'affaires
publiques. Reconnue à maintes reprises pour la qualité de son information,
cette initiative a grandement contribué à réanimer le leadership de la radio
d'information au Québec et à enrichir l'information locale et régionale,
contribuant du même fait à la vitalité des communautés.
L'apport de notre agence dans l'écosystème
radio local, régional et national est indéniable et d'autant plus important
depuis que LaPresse canadienne a cessé de diffuser ses
bulletins de nouvelles radiophoniques en français à l'intention des stations
membres le 28 février dernier. Nos bulletins d'information sont offerts
gratuitement aux stations...
M. Lorrain (Michel) :
...l'apport de notre agence dans l'écosystème radio locale, régionale et
nationale est indéniable et d'autant plus important depuis que La presse
canadienne a cessé de diffuser ses bulletins de nouvelles radiophoniques en
français à l'intention des stations membres le 28 février dernier. Nos
bulletins d'information sont offerts gratuitement aux stations communautaires.
Nos défis, parce que nous assistons à une
profonde mutation dans le monde de l'info, laquelle a entraîné la fermeture
d'une soixantaine de journaux locaux et régionaux à travers le Québec,
plusieurs quotidiens d'envergure aux prises avec une érosion de leurs revenus
publicitaires ont également, comme vous le savez, lancé un cri d'alarme.
Or, nous voulons attirer l'attention des
membres de cette commission sur ce qui, selon nous, demeure un angle mort de
l'enjeu présentement à évaluer. Dit simplement, la crise des médias d'information
n'affecte pas que les journaux. La radio demeure un médium de masse toujours
des plus pertinents. Chaque semaine, c'est entre 84 %et 93 % de la
population locale des différents territoires qui écoute la radio.
Malgré tout, nous faisons face aux mêmes
problèmes, mêmes problèmes structurels avec un déplacement massif des
engagements publicitaires vers les plateformes numériques étrangères. Et notre
modèle d'affaires se fragilise également. Et cette situation est aussi vraie
hors des grands centres.
Ainsi, en dépit du rôle essentiel
d'information que joue la radio dans les communautés qu'elle dessert, exploiter
des stations, notamment à prédominance verbale, c'est onéreux. Nos stations
parlées ont besoin de ressources importantes, de journalistes, de
recherchistes, de chroniqueurs, d'éditorialistes pour offrir un produit de
qualité qui répond aux attentes des Québécois et Québécoises.
Même à Montréal et Québec, nos stations
parlées sont confrontées à une baisse préoccupante de leurs revenus publicitaires
dans leurs marchés radiophoniques respectifs. Et tout ça, bien sûr, avec ce
déplacement des investissements publicitaires vers les plateformes numériques.
En Mauricie, à Trois-Rivières, à
Sherbrooke, en Estrie, à Gatineau, nos trois stations parlées essuient annuellement
des pertes significatives. Dans les dernières années, la radio québécoise a
certes vu ses revenus décroître de manière moins dramatique que les autres
types que les autres types des médias. Mais, de façon générale, ses dépenses sont
sous contrôle et le bénéfice d'exploitation est maintenu dans un équilibre qui
est maintenant fragile.
L'industrie a conservé une certaine
stabilité grâce, notamment, à des réductions de dépenses particulièrement en
matière de programmation, de production et en administration de frais généraux.
Mais, malgré tout, l'industrie est en perte de vitesse. Cela n'augure rien de
bon pour l'avenir de la programmation parlée et des nouvelles radiophoniques
locales dans les marchés régionaux.
À défaut d'un soutien concret et adéquat,
plusieurs stations régionales et locales qui sont vitales aux collectivités,
selon nous, n'auront d'autres alternatives qu'éventuellement de réduire encore
davantage leurs dépenses d'exploitation. Cela entraînera nécessairement une
baisse du volume, de la qualité de l'information locale qui est produite.
À la lumière de ces quelques défis
mentionnés et afin de soutenir l'ensemble de l'accès à l'information nationale
régionale, et ce, peu importe le médium utilisé, nous proposons à cette
commission les recommandations suivantes applicables à l'ensemble des médias
d'information québécois.
La première recommandation consiste en la
nécessité d'appliquer aux entreprises numériques étrangères les mesures de
taxation auxquelles sont assujetties les entreprises médiatiques
traditionnelles et numériques canadiennes afin de permettre aux entreprises
d'être sur un pied d'égalité en matière de compétitivité.
En ce sens, les mesures déjà prises par le
gouvernement du Québec afin de prélever la TVQ sur les frais d'abonnement des
services numériques étrangers sont un pas dans la bonne direction et le
gouvernement du Québec devrait fortement encourager le gouvernement fédéral à
emboîter le pas et l'imiter.
La seconde recommandation encourage fortement
le gouvernement du Québec à exercer des pressions auprès de leurs homologues
fédéraux afin qu'ils éliminent l'échappatoire fiscale qui permet aux
entreprises canadiennes de déduire des dépenses publicitaires faites sur des
plateformes numériques étrangères comme Google et Facebook. De telles mesures
égaliseraient les chances d'un point de vue concurrentiel.
La troisième recommandation consiste à
consacrer une plus grande part des placements publicitaires des ministères,
organismes et sociétés d'État du gouvernement du Québec à l'intérieur même de
l'écosystème des médias d'information québécois.
• (14 h 10) •
Et, finalement, la quatrième
recommandation propose l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable
provincial applicable à trois catégories de frais essentiels à la réalisation
et au partage de l'information locale et régionale. Un, il s'appliquerait aux
coûts de main-d'oeuvre liés à la production de contenu de nouvelles et
d'informations locales nationales... que ce soit les animateurs, les journalistes,
les recherchistes...
M. Lorrain (Michel) :
...provincial applicable à trois catégories de frais essentiels à la réalisation
et au partage de l'information locale et régionale. Un, il s'appliquerait aux
coûts de main-d'oeuvre liés à la production de contenu de nouvelles et d'information
locale, nationale en ce qui concerne... que ce soit les animateurs, les
journalistes, les recherchistes, en s'inspirant un peu du modèle qui s'applique
avec beaucoup de succès aux entreprises multimédia; les frais de main-d'oeuvre
liés à la production de contenu original d'information accessible sur demande
en balado diffusion, afin de soutenir la transformation numérique de l'industrie
médiatique québécoise; et finalement les frais de main-d'oeuvre liés au développement
d'applications et de plateformes numériques visant la distribution du contenu
d'information, que ce soit sous forme audio, vidéo ou écrite.
Nous sommes d'avis qu'une aide financière
sous cette forme est une mesure efficace, équitable et facilement applicable à
l'ensemble des médias d'information dont le modèle d'affaires repose essentiellement
sur des recettes publicitaires. Elle favoriserait l'innovation technologique et
faciliterait la transition vers l'environnement numérique tout en préservant
l'indépendance des médias. Cogeco est confiante que ces recommandations sont
appropriées et qu'elles constituent une réponse mesurée aux enjeux identifiés
dans le cadre de la présente consultation. Nous vous remercions à nouveau de
nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue et nous sommes
maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, sans plus tarder, pour un bloc de
15 minutes, je cède la parole à notre collègue député de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci
beaucoup, M. le Président. Je vous salue et je vous remercie pour votre mémoire
et votre cri du coeur, également, radiophonique. Vous le mettez noir sur blanc,
il ne faut pas seulement aider les journaux ou la télévision, vous nous parlez
de l'importance d'appuyer la radio. Et combien de fois dans l'histoire on a
parlé de la mort de la radio, on dit : Il n'y a pas d'image, donc les gens
n'aimeront pas ça, là. Et ça a réussi à traverser le temps dans toutes les
régions, et moi, je suis convaincu que la radio, elle est là pour rester. Bien
sûr, on est à l'ère de la balado diffusion, on est à l'ère du podcast, du MP3,
où on peut consommer de la radio lorsqu'on le veut. Mais il n'en demeure pas
moins que d'écouter la radio dans l'automobiliste ou encore à la maison a
toujours sa place. Et ça a apporté également certains défis dans les équipes de
vente aussi, hein, parce qu'on vend un peu du vent, là, hein, on dit : Tu
vas avoir un 30 secondes, un 15 secondes, donc c'est parfois plus
difficile à vendre que, par exemple, une publicité à la télé ou encore dans les
journaux.
M. Lorrain (Michel) : On vend
les résultats.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Vous
vendez les résultats, effectivement. Et toujours à l'ère des reportages en
direct aussi...
M. Lorrain (Michel) :
Absolument.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
...qui sont très, très bons. Je veux vous amener sur les salles de nouvelles,
parce que vous avez un élément fort important, dans votre mémoire, vous
dites : La radio parlée est populaire dans les grands marchés, mais sous
pression en région. Et tout est également l'enjeu de se connecter sur le
réseau, là. Quand on dit : On se plugue sur le réseau où on peut avoir des
émissions matinales, le midi ou le soir, qui sont faites à Montréal mais qui
sont diffusées dans l'ensemble des régions du Québec, quand on arrive, comme
gouvernement, pour donner de l'aide à nos médias régionaux, on est préoccupés
par le fait que le contenu sera local, qu'on engagera des gens qui vont parler
de la région et qui vont arborer l'enjeu local. Donc, j'aimerais savoir :
Quels sont les plans pour Cogeco dans les prochaines années pour ces stations
de radio? On sait que vous avez plusieurs émissions locales, là, entre autres,
le matin et à l'émission du retour à la maison, mais également pour les salles
de nouvelles. Parce que, vous l'avez dit, les radios parlées sont fort
présentes, alors on a des animateurs, des coanimateurs, des chroniqueurs qui
font un excellent travail, mais il y a l'enjeu également des journalistes
proprement dits, et on sait qu'on peut également aller du côté du réseau, alors
je veux vous entendre sur vos plans de déploiement en région dans les
prochaines années... et nous rassurer à cet effet-là.
M. Lorrain (Michel) : Bien,
je pense que notre modèle d'affaires est très clair à ce sujet-là, et il y a un
engagement très net... excusez-moi, envers la radio locale et les collectivités
locales. D'ailleurs, tout le modèle de Cogeco Nouvelles repose sur
l'implication des stations locales et régionales avec un partage de l'ensemble
de l'information qui est accessible à l'ensemble des stations qui sont membres
de l'agence et qui sont en mesure, par la suite, de monter et de proposer des
bulletins de nouvelles à partir de la communauté locale, que ce soit à
Sherbrooke ou à Roberval, et en fonction des intérêts des communautés locales.
Ce qui fait... Ce qu'on veut éviter, c'est d'arroser l'ensemble du territoire
québécois avec des nouvelles qui sont produites uniquement à Montréal, alors
que le modèle est tout autre, et le modèle insiste énormément sur la pertinence
et l'importance de produire des nouvelles locales, de produire des bulletins de
nouvelles en fonction de l'intérêt des collectivités locales. Et une nouvelle
qui est fort importante sur l'industrie forestière, à ce moment-là, va prendre
tout son sens en Abitibi ou à Roberval, mais sera peut-être traitée de manière
moins importante dans les grands centres comme Montréal et Québec. Alors, le
modèle est monté comme ça, et c'est notre intention de poursuivre cet
engagement-là, c'est-à-dire d'offrir un produit qui est unique aux
collectivités. Et si vous me permettez, peut-être, pour conclure là-dessus,
parce que...
M. Lorrain (Michel) : ...il
sera peut-être traité de manière moins importante dans les grands centres comme
Montréal et Québec. Alors, le modèle est monté comme ça, et c'est notre
intention de poursuivre cet engagement-là, c'est-à-dire d'offrir un produit qui
est unique aux collectivités.
Et, si vous me permettez, peut-être pour
conclure là-dessus, parce que j'ai passé quatre jours cet été dans le cadre de
la Traversée internationale du lac Saint-Jean. Un, d'abord, j'ai eu l'occasion
de vivre la traversée, de voir l'expertise qui a été développée par les gens de
la Traversée internationale du lac Saint-Jean, à tel point d'ailleurs que les
gens des Jeux olympiques de Tokyo sont venus voir les gens de la Traversée du
lac Saint-Jean pour profiter de cette expertise-là et les seuls médias qui couvrent
en direct du début à la fin la traversée du lac Saint-Jean, parce que c'est un
événement qui est important au Lac-Saint-Jean, les seuls médias qui sont là en
direct du début jusqu'à la fin, lorsque la nageuse, la dernière nageuse est
arrivée à Roberval 10 heures plus tard, c'est la radio locale de Roberval avec
les équipes de Cogeco qui étaient déployées sur le terrain et les télévisions
communautaires, NousTV et MAtv dans un partenariat pour couvrir l'événement.
C'étaient les seuls médias qui couvraient en direct cet événement-là.
Puis, je pense, ça répond assez bien à
votre question, ça témoigne très bien de l'engagement de la part de Cogeco de
travailler localement avec les communautés parce que la radio, d'abord et avant
tout, c'est un média qui est local.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Absolument, et ça, je l'entends bien puis on connaît bien les règles du CRTC
aussi que, lorsqu'on dépose une licence, souhaite qu'on soit présents dans les
régions du Québec, mais on a été très créatifs dans le domaine radiophonique en
région. On a passé de salle de nouvelles, on était à peu près trois, quatre
journalistes, à un journaliste qui fait aussi l'émission du retour, qui fait du
«prétape» pour la fin de semaine, que sa météo n'a pas été... puis, je vous le
dis, des fois, dans les radios, la météo, ça va vite, là, mais, des fois, elle
peut changer, mais elle peut être «prétapée» trois heures ou quatre heures
d'avance. Alors, on a été très créatifs dans le monde radiophonique et c'est
sûr que ça met de la pression sur les salles de nouvelles et ça ne nous permet
pas toujours... puis Dieu sait que j'en ai visité, des stations de radio en
région, encore une fois, cet été, les animateurs nous le disent, il y a des
défis pour livrer la nouvelle, il y a des défis pour livrer l'information. On
ne peut pas être dans tous les points de presse quand on est en ondes pour
l'émission du retour puis on doit également couvrir la journée.
Alors, moi, je suis content de vous
entendre dire aujourd'hui qu'un engagement ferme de Cogeco d'être présent dans
les régions du Québec, d'équiper ces salles de nouvelles parce que, dans une
aide du gouvernement du Québec, ce sera important de ressentir cet
engagement-là et de faire en sorte que la profession de journaliste en région, l'émission
du matin ou l'émission du retour puisse avoir les outils pour bien faire son
travail.
M. Lorrain (Michel) :
Absolument, je pense qu'on loge vraiment au même endroit, mais il faut que les
revenus suivent les dépenses, puis on a aussi la responsabilité de ne pas
amener ces entreprises-là dans un modèle d'affaires éventuellement qui ne
tiendra plus la route, mais c'est clairement notre volonté de poursuivre dans
cette dimension-là.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Très
intéressant. Merci beaucoup. Je cède la parole à...
M. Lorrain (Michel) : Je vous
en prie.
Le Président (M. Tanguay) :
Oui. Je cède la parole maintenant à notre collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci de votre présentation. Désolé de mon retard. Je me fais un point
d'honneur d'habitude d'arriver un peu d'avance, puis ça n'a pas été le cas.
Ceci étant dit, je trouvais intéressant,
dans vos propositions, vous faites mention d'un crédit d'impôt sur les coûts de
main-d'oeuvre et vous évoquez le succès celui pour le multimédia. Et puis, dans
le fond, dans votre mémoire, vous n'expliquez pas nécessairement les éléments
de succès du crédit d'impôt pour le multimédia. J'aimerais ça que vous m'en
parliez un peu plus parce qu'évidemment... puis sans présumer de rien du
fonctionnement ou non, c'est certain que vous avez sans doute vu, comme moi,
là, qu'il y a une certaine controverse. Il y a certaines personnes qui
soulèvent des difficultés avec notamment celui sur le multimédia, et que, moi,
j'ai déjà entendu des gens qui me disaient : Bien, il y a pas mal de gens
qui deviennent des développeurs parce que le crédit d'impôt est associé à cette
catégorie d'emploi là. Et, quand on regarde, par exemple, les catégories qui
seraient couvertes dans votre proposition, est-ce que, finalement, tout le
monde ne va devenir recherchiste, y compris la technicienne comptable de
l'entreprise, par exemple?
Donc, il y a peut-être des balises à
fixer, j'imagine que vous avez une réflexion là-dessus, la comparaison avec le
crédit d'impôt multimédia doit reposer sur un certain nombre de facteurs qui,
vous, vous semblent pertinents. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lorrain (Michel) :
Absolument. Bien, en fait, deux volets, je pense, à votre question. Dans un
premier temps, effectivement, il faut baliser si jamais on se dirigeait vers un
crédit d'impôt pour la production de contenu, effectivement, de baliser que ce
soit tout ce qui est de personnel qui produit des contenus d'information, que
ce soit pour la presse écrite, la radio ou encore la télévision, effectivement,
pour éviter des situations malheureuses que vous décrivez là, mais ça, c'est
possible de travailler à l'intérieur de groupes de travail et de bien baliser
cette opération-là, mais de ne pas limiter non plus la définition d'un
journaliste à une définition extrêmement précise qui nous amènerait, un peut
tout le monde, dans un cul-de-sac.
• (14 h 20) •
En ce qui concerne le crédit d'impôt pour
le multimédia, et je suis content que vous m'en parliez...
M. Lorrain (Michel) :
...cette opération-là, mais de ne pas limiter non plus la définition d'un
journaliste à une définition extrêmement précise qui nous amènerait, un peu
tout le monde, dans un cul-de-sac.
En ce qui concerne le crédit d'impôt pour
le multimédia, puis je suis content que vous m'en parliez, dans le sens où, un,
d'abord ça a propulsé l'industrie du multimédia au Québec, on l'a très bien vu,
au cours des 10 dernières années. Par contre, les autres entreprises qui
travaillent en parallèle du multimédia et qui veulent développer des
environnements numériques, comme la radio, par exemple, bien, on se retrouve
entraîné dans une forme de surenchère, dans une surenchère lorsque vient le
moment d'embaucher des développeurs, des développeurs Web. Puis on fait face à
des gens, évidemment, qui ont un avantage concurrentiel qui est indéniable par
rapport à une entreprise média qui veut développer ses propres produits
numériques. Demain matin, par exemple, si je songe à embaucher un développeur
Web à Chicoutimi, bien, mon principal concurrent est sur la rue Racine à
Chicoutimi, qui a embauché 100 programmeurs Web pour développer des jeux
vidéo et qui bénéficie des... Il va bénéficier d'un crédit d'impôt de l'ordre
de 30 %, 35 %, 37 % ou 40 %.
M. Chassin :
Elle ne sera pas beaucoup, là, quand même.
M. Lorrain (Michel) :
Là-dessus, c'est certain qu'il n'y a pas... il n'y a pas... Il y a loin d'avoir
un avantage. Il y a un désavantage concurrentiel à ce moment-là. Et c'est la
raison pour laquelle on le soulève dans notre mémoire, que ça mériterait à tout
le moins d'être exploré par cette commission.
M. Chassin :
Puis ce que je comprends de votre recommandation, c'est aussi cette réflexion
de dire que, dans des médias, par exemple, pour la radio, ce n'est pas
simplement le journaliste qui est producteur de nouvelles, il a d'autres
professionnels autour de lui...
M. Lorrain (Michel) :
Absolument.
M. Chassin :
...en quelque sorte. Vous parleriez d'une équipe...
M. Lorrain (Michel) :
Tout à fait. Bon, je vais vous donner le plus bel exemple qui est Paul Arcand.
Est-ce que Paul Arcand est un journaliste? On pourrait en faire un... On
pourrait en faire un grand débat. Est-ce que l'équipe qui travaille avec lui à
la recherche de contenu, l'ensemble de l'équipe de recherche d'une émission
comme Paul Arcand, est-ce que ce sont des gens qui sont considérés comme des
journalistes. Dans mon livre à moi, la réponse est oui, parce qu'ils sont
soumis aux mêmes règles de vérification, de déontologique, etc. Et, dans mon
sens à moi, ils contribuent à l'écosystème informatique... informatif québécois
de manière extrêmement claire. Alors, ces gens-là devraient au même titre que
la définition pure et dure d'un journaliste qui écrit des nouvelles ou qui lit
des nouvelles à la radio, devraient à tout le moins être considérés. Et je
connais d'excellents recherchistes, en passant, à LaPresse,
qui, je pense, sont considérés aussi par les gens de LaPresse,
comme d'excellents journalistes.
M. Chassin :
Bien, merci de ces réponses. Je retiendrai le point Paul Arcand. C'est bien
gentil.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède la parole au collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : C'est tout,
M. le Président. De toute façon, M. Lorrain, vous savez bien qu'il n'y a
pas de grands animateurs sans de grands recherchistes.
M. Lorrain (Michel) :
Absolument.
M. Lemieux : Voilà. Deux
petits points pour avoir votre réaction surtout... Je ne sais pas si vous avez
suivi. En tout cas, ça fait déjà trois jours que ça roule, puis on n'a pas
fini, là. Mais, au sujet de votre échappatoire fiscale en me disant :
N'oubliez pas d'en parler au fédéral, l'échappatoire fiscale. Je ne sais pas
jusqu'où nos ministres vont se comprendre rendus là. Mais si je comprends bien,
moi, c'est la partie où le fédéral laisse un acheteur de publicité déduire de
ses revenus ce qu'il dépense en publicité, y compris la publicité à l'étranger.
M. Lorrain (Michel) :
Exact.
M. Lemieux : O.K. Bon.
Mettons qu'eux autres ça peut être long avant qu'ils se comprennent puis qu'ils
se parlent, là, mais nous autres, on peut peut-être proposer des choses. Et on
s'est fait proposer, justement, un incitatif à l'achat de publicité. Mais
c'était plus pour le local et le régional. Je ne sais pas jusqu'où le plan
qu'on nous a proposé, que les hebdos régionaux nous ont proposé, pourrait aller
dans votre marché à vous, mais on nous disait : Bien, vous pourriez nous
donner un incitatif pour — pas à nous, mais à ceux qui nous achètent
de la publicité — pour un peu faire le contraire de ce que le fédéral
ne fait pas. Comment vous réagissez à ça, vous?
M. Lorrain (Michel) : Je
pense que c'est une alternative qui mériterait d'être à tout le moins étudiée
et regardée en profondeur. Ce sont des choses que j'ai entendues au cours des
dernières semaines. Ce sont des hypothèses qui ont été aussi avancées, à savoir
pourquoi ne pas offrir possiblement un crédit quelconque aux entreprises qui
placent de la publicité à l'intérieur des médias traditionnels, à tout le moins
à l'intérieur des médias québécois et canadiens.
M. Lemieux : Ça
sous-entend médias sociaux québécois aussi, là, la partie québécoise.
M. Lorrain (Michel) :
Aussi. Absolument. Ou une plateforme, une plateforme numérique québécoise.
C'est une option qui mériterait absolument d'être étudiée.
M. Lemieux : Une autre
vérification que je vais faire avec...
M. Lorrain (Michel) : ...à
tout le moins, à l'intérieur des médias québécois et canadiens.
M. Lemieux : ...sous-entend
médias sociaux québécois aussi, là, la partie québécoise.
M. Lorrain (Michel) : Aussi,
absolument, ou une plateforme numérique québécoise. C'est une option qui
mériterait absolument d'être étudiée.
M. Lemieux : Une autre
vérification que je voulais faire avec vous, c'est... on nous a beaucoup parlé
de régie publicitaire. En tout cas, nous, c'est quelque chose qui nous a
interpelés, et je veux valider avec... Vous, vous n'avez pas beaucoup de ça. Vous
êtes gros, vous n'avez pas besoin de ça, une régie publicitaire unifiée au Québec,
vous, là.
M. Lorrain (Michel) : Bien,
en fait, on travaille... Pour notre publicité nationale qui vient de Toronto,
on travaille sous une certaine forme de régie publicitaire à travers le pays
puis qui représente l'industrie de la radio, des différents partenaires médias.
Pour le Québec, c'est Cogeco, c'est Corus et Rogers à travers le reste du pays.
C'est une forme de régie publicitaire, mais pour un média unique.
Le principe d'une régie publicitaire qui
représenterait de la radio, de la télévision, des plateformes numériques ou de
l'imprimé traditionnel, ça m'apparaît difficilement applicable dans le contexte
actuel.
M. Lemieux : Mais l'idée... le
principe, en tout cas, si j'ai bien compris... dans la mécanique, là, je suis
perdu, mais l'idée, c'était : On va travailler ensemble contre ceux qui
nous font mal au lieu de se battre entre nous.
M. Lorrain (Michel) : Non,
mais on a intérêt à travailler ensemble de toute façon et, avec certains médias
au Québec, on travaille déjà ensemble. Le problème, ceux contre qui on se bat
ont tellement un inventaire énorme... puis il y a certainement des gens qui
vous en ont parlé, que ça prend... ça fait chuter les prix de la publicité en
ligne, tout simplement, et ce qui fait que vous développez n'importe quoi comme
produit, vous vous en allez dans le mur parce que vous êtes dans l'incapacité,
exemple, de développer une balado qui va être rentable demain matin. C'est
mathématique. Ça ne peut pas marcher.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Merci. Maintenant, nous allons poursuivre avec un bloc de
10 minutes avec la collègue de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. Alors, M. Lorrain, bonjour. Je veux saluer aussi Mme Labrie. On
s'est connues dans une autre vie. Alors, bien heureuse de vous retrouver.
Je veux vous remercier d'entrée de jeu
d'avoir parlé de Netflix, parce que souvent on se demande est-ce qu'il y a eu
des gestes concrets qui ont été posés, et, pour moi, Netflix est un des gestes
les plus nationalistes que nous ayons pu poser, et c'est bien ainsi. Et là on
sait qu'il va y avoir autour d'une soixantaine de millions de dollars, là, qui
vont garnir les coffres de l'État d'ici la fin de l'année. Alors, très heureuse
de vous l'entendre dire.
Vous parlez de la baisse des revenus en
radio. Je voyais les chiffres qui sont quand même importants, parce que, pour
plusieurs, hein... plusieurs pensaient qu'en radio ça allait plutôt bien. Et
hier, on avait l'occasion de parler... et d'ailleurs, je vais la saluer,
Isabelle Vachon est encore avec nous aujourd'hui, travail assidu. Donc, les
gens de MPV qui étaient avec nous et qui nous parlaient d'abord de la
problématique en coordination entre le gouvernement du Québec en publicité, et
là où c'est envoyé, un peu partout, et comment il faut envoyer. En tout cas, tout
le monde a été et surpris et très déçu, je vais dire ça ainsi.
Mais revenons à la base. Pour nous, ce qui
est important actuellement, c'est qu'on puisse avoir la publicité gouvernementale,
qu'on puisse parler d'exemplarité de l'État. Il faut arrêter de mettre de
l'argent dans les GAFA, donc dans les géants du Web, et ramener ça dans nos
médias locaux québécois. J'imagine que vous êtes d'accord avec ça. On l'a lu.
M. Lorrain (Michel) : On est
à la même place. Deux choses. Les investissements publicitaires à la radio sont
en baisse depuis six ans, de manière consécutive, d'un océan à l'autre. C'est
moins... Ça a été moins dramatique que d'autres médias traditionnels, mais à
coup de 3 %, 4 % chaque année et multiplié par six ans — en
2019, c'est la sixième consécutive — vous vous retrouvez avec une
baisse de l'ordre de 25 % à 30 % au cours des six dernières années.
Puis visiblement, il n'y a rien qui nous indique qu'il va y avoir une solide
correction pour amener le marché publicitaire autrement, qui est le premier
point.
• (14 h 30) •
Deuxième point, évidemment, on encourage
le gouvernement québécois à soutenir les médias québécois, et à donner
l'exemple, et à poursuivre les investissements publicitaires dans les médias
québécois. Je ne veux pas faire de politique, mais le gouvernement québécois et
ceux des dernières années ont continué néanmoins, comparativement au
gouvernement fédéral, à injecter de l'argent...
14 h 30 (version non révisée)
M. Lorrain (Michel) : ...et à
poursuivre les investissements publicitaires dans les médias québécois. Je ne
veux pas faire de politique, mais le gouvernement québécois, et ceux des
dernières années ont continué néanmoins, comparativement au gouvernement
fédéral, à injecter de l'argent dans les médias traditionnels québécois, puis
je tiens à le souligner ici. Et, parallèlement à ça, a contrario, le
gouvernement fédéral a dépensé 400 000 $ d'un océan à l'autre l'an
dernier dans l'industrie radiophonique canadienne. Alors...
Mme Melançon : Ce qui m'amène
donc à vous parler de l'urgence quand même d'agir. On a voté, tout le monde
ici, le 2 mai dernier, une très belle motion que j'avais la fierté de déposer à
l'Assemblée nationale. Ça fait quatre mois de ça, on attend toujours une
directive de la ministre, mais quatre mois, s'il y avait de l'entrée d'argent,
j'imagine que c'est toujours bienvenu, j'espère que d'ici la fin de la semaine
on aura une directive.
Mais ce qui m'amène aussi à vous parler de
la taxation. La taxation des géants du Web. Je lisais aussi, à l'intérieur de
votre mémoire, que vous êtes d'accord que nous puissions taxer ces géants du
Web par équité. Est-ce que, selon vous, on doit attendre le rapport de l'OCDE
avant de taxer — donc quand on parle de 2020 et années
subséquentes — ou si on pense que c'est suffisamment clair pour agir
immédiatement?
Mme Labrie (Marie-Hélène) :
Sur ce sujet-là, le principe de l'équité fiscale pour nous est primordial, et
c'est pour ça qu'on prend du temps aussi à travailler avec le gouvernement
fédéral à ce sujet-là. Et donc on est clairs pour nous qu'il faut agir à cet
effet-là. Attendre toujours d'avoir une décision qui se prenne avec plusieurs
pays, ça peut être long. Donc, évidemment, c'est souvent la position idéale,
mais, à notre avis, tout comme la France a emboîté le pas au sein de l'OCDE, on
pense qu'il y aurait moyen d'être proactif aussi pour travailler à avancer dans
ce dossier-là, oui.
Donc, l'équité fiscale, il y a plusieurs
aspects. Au niveau du fédéral, on parle de prélever la taxe fédérale donc par
les GAFA. On parle aussi de l'échappatoire fiscale, la section 19 de la loi sur
l'impôt, et ça, pour nous c'est quelque chose qui peut être fait rapidement.
Donc, l'intention... donc ça s'applique actuellement, aujourd'hui, pour tous
les autres médias, mais il y a cette échappatoire-là pour les plateformes
numériques étrangères. Donc, pour nous, ça... et ça, on le répète aussi auprès
de nos interlocuteurs fédéraux.
Mme Melançon : C'était sur la
Loi de l'impôt sur le revenu, au fédéral, là.
Mme Labrie (Marie-Hélène) :
Exact. Sur les... oui.
Mme Melançon : Juste pour être
bien claire, pour que les gens qui suivent les travaux puissent se retrouver.
Alors, le message est bien passé. D'ailleurs, vous, en radiodiffusion, on le
dit souvent, malheureusement, c'est le CRTC, hein, quand même, qui vient...
c'est ce conseil qui vient gérer la radiodiffusion. Je sais que vous avez
déposé, en début d'année dernière, vous, un mémoire face... pour le CRTC, parce
qu'on réouvrait les deux lois. Étiez-vous surpris de voir que le gouvernement
du Québec n'avait pas déposé auprès du CRTC?
Mme Labrie (Marie-Hélène) :
Donc, nous, on est proactifs, justement. On veut travailler avec tous les
interlocuteurs. Donc, on pense que le gouvernement du Québec a un rôle à jouer
là-dedans, donc avec le fédéral évidemment. Il y a des leviers purement
provinciaux, que le Québec doit utiliser, et c'est pour ça, je pense, que
l'initiative de cette commission-là est essentielle. Mais l'interlocuteur
fédéral est très important, donc je pense qu'il ne faut pas hésiter à rappeler
l'importance des éléments, des leviers du gouvernement fédéral, que ce soient
leurs dépenses publicitaires, que ce soit au niveau de l'équité fiscale.
Mme Melançon : Excellent. De
mon côté, lorsque je lisais votre mémoire, vers la fin, je veux juste retrouver
la bonne page... Parce que j'ai souri tout à l'heure, M. Lorrain, lorsque vous
avez dit : Il ne faut pas uniquement penser à la presse écrite. Je peux
vous dire que, dans les dernières semaines, j'ai fait beaucoup d'entrevues, et
je peux vous dire que même vos animateurs nous l'ont dit et nous l'ont rappelé.
Alors, je pense que là-dessus, le message est clair auprès de la commission, on
a bien saisi le message, et il y en a d'autres qui ont été porteurs.
Mais à la radio, là, actuellement, comment
est-ce que... D'une région à l'autre, là, je sais comment vous fonctionnez avec
votre agence, là, mais vos journalistes sur le terrain, est-ce que vous les...
vous êtes capables de les garder très longtemps ou s'ils partent rapidement?
M. Lorrain (Michel) : Non,
généralement, on a une bonne capacité de rétention avec l'ensemble de notre
personnel, que ce soit à Montréal ou encore dans plusieurs régions à travers le
Québec. On vit, comme bien d'autres, occasionnellement, des gens qui décident
d'aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs, et c'est tout à fait normal.
Mais, somme toute et globalement, nous avons une assez... je vous dirais, une
très bonne rétention de l'ensemble de notre personnel un peu partout à travers
le Québec.
Mme Melançon : Et dans vos
stations, actuellement, pour justement parler, là... Parce que vos cotes
d'écoute...
M. Lorrain (Michel) : ...plus
verte ailleurs, et c'est tout à fait normal. Mais, somme toute, et globalement,
nous avons une assez... je veux dire, une très bonne rétention de l'ensemble de
notre personnel un peu partout à travers le Québec.
Mme Melançon : Et, dans vos
stations, actuellement, pour justement parler, là... Parce que vos cotes
d'écoute sont bonnes. On voit que les gens sont à l'écoute, là. Vous avez parlé
tout à l'heure de 5 millions... C'était...
M. Lorrain (Michel) : 5,3 millions
d'auditeurs à travers le Québec.
Mme Melançon : Donc, à 5,3 millions
d'auteurs, j'imagine que les gens sentent que vous parlez d'eux?
M. Lorrain (Michel) : Absolument.
Mme Melançon : Et c'est ce qui
fait le succès d'une radio?
M. Lorrain (Michel) : Absolument.
La radio, c'est un média local. C'est un média de proximité qui est entré
dans... qui est ancré dans sa communauté. C'est le plus bel exemple que je vous
ai donné tout à l'heure, d'une part, avec ce qui s'est passé avec la couverture
de la Traversée internationale du Lac-Saint-Jean.
Puis je vous donnerais un deuxième exemple,
plus près de la région métropolitaine, lorsque la digue a cédé à
Sainte-Marthe-sur-le-Lac, à partir de minuit le soir, tout le monde a fermé
boutique à l'exception de la radio. La radio a été là toute la nuit, à
Sainte-Marthe-sur-le-Lac, pour accompagner les gens qui avaient été chassés en
urgence de leur résidence. Puis, croyez-moi, on ne le faisait pas pour faire de
l'argent. On le faisait pour être proches de notre communauté parce que c'est
un engagement qu'on prend d'accompagner les communautés. Et, dans certaines
périodes d'une année, la radio demeure le seul et unique média en mesure de
jouer ce rôle d'intervenant, d'urgent auprès d'une communauté, puis c'est le plus
bel exemple qui s'est passé, cette fameuse nuit là, à Sainte-Marthe-sur-le-Lac.
Mme Melançon : On en parlait
hier justement. On parlait de l'importance en radio en sécurité publique, hein?
Il y a des radios, de plus petites radios aussi, qui sont éloignées...
M. Lorrain (Michel) :
Absolument.
Mme Melançon : ...où souvent
c'est le seul moyen de rejoindre la population. Alors, vous l'exprimez très,
très bien.
M. Lorrain (Michel) :
D'ailleurs, vous entendrez mon collègue tout de suite après, qui exploite des
stations de radio du groupe Arsenal un peu partout à travers le Québec, M.
Chamberland, il sera en mesure de vous en parler. Mais, demain matin, allez
voir le maire de Chibougamau puis dites-lui que Cogeco va fermer sa station de
radio, croyez-moi, vous allez en entendre parler. Ce n'est pas notre intention
de faire ça.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
M. Lorrain (Michel) : Mais
souvent, dans bien des petites communautés, le dernier rempart qui reste pour
bien informer la population, c'est la radio. Puis ça, c'est comme ça depuis 100
ans.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons, pour un bloc de
2 min 30 s, avec notre collègue de Taschereau.
Mme Dorion : Merci. J'aimerais
savoir... Bonjour. Merci d'être là. On n'en a pas beaucoup entendu parler par
les gens de radio qui venaient. C'est une question que je me pose depuis
longtemps. La radio a vécu mieux, en fait, la crise médiatique que les journaux
écrits, que d'autres médias, et je me demandais, maintenant, avec l'arrivée...
On écoute beaucoup la radio dans nos autos, puis là, dans les autos, il y a
tout un système : Sirius, les balados qui arrivent, le Bluetooth. On peut
se connecter. Et je vois, autour de moi, petit échantillon, là, il n'est
peut-être pas représentatif, mais les gens écoutaient de moins en moins la
radio, syntonisaient la radio FM. Est-ce que vous voyez, en avant de vous,
peut-être arriver une transformation qui pourrait ressembler à ce qui est
arrivé à la presse écrite dans les dernières années?
M. Lorrain (Michel) :
Peut-être pas de cet ordre-là. Par contre, on constate la même chose que vous,
c'est-à-dire que les gens sont aussi présents qu'avant à la radio, par contre
ils l'écoutent moins longtemps et se tournent vers d'autres produits
audionumériques, que ce soient les plateformes d'écoute en ligne ou encore les
balados. Mais je pense que le succès de la radio va demeurer, son effet de
proximité et d'être très, très collé à ses communautés et aux localités
diverses.
Mais, d'autre part, aussi elle doit
accentuer le développement de produits spécifiques destinés aux plateformes
numériques. Puis vous parlez, exemple, des balados, c'est un exemple de produit
auquel la radio va devoir s'attaquer et développer encore davantage. Mais le
problème, il est dans le modèle. Si, demain matin, ensemble, on développe une
formidable balado et elle est écoutée 15 000 fois, je vais la mettre sur
le marché, dans la structure actuelle, je vais réussir à la vendre 450 $.
Si elle est écoutée 30 000 fois, je vais faire 900 $ avec ça. C'est
quoi, mon coût de production d'une balado en retour du bénéfice? Au moment où
l'on se parle, il n'y en a pas parce que l'inventaire des géants du Web est
tellement énorme, il pousse les prix vers le bas, et n'importe quel
développeur, dans un environnement dans lequel on vit, va avoir extrêmement,
énormément de difficultés...
Mme Dorion : Il me reste 15...
M. Lorrain (Michel) : ...à
arriver avec un produit qui va, à tout le moins... qui va être «break even»,
là.
Mme Dorion : Il y a beaucoup
de choses qui dépendent du CRTC. Ça m'inquiète, ça m'importe. Qu'est-ce qu'on
fait? Est-ce qu'on demande au gouvernement du Québec de faire pression sur
Ottawa? Est-ce que ça peut être une des façons?
Le Président (M. Tanguay) : En
quelques secondes.
• (14 h 40) •
M. Lorrain (Michel) : Oui.
Bien...
M. Lorrain (Michel) :
...difficulté à arriver avec un produit qui va être à tout le moins... qui va
être «break even», là.
Mme Dorion : Si... il y a beaucoup
de choses qui dépendent du CRTC, ça m'inquiète, ça m'importe. Qu'est-ce qu'on
fait? Est-ce qu'on demande au gouvernement du Québec de faire pression sur Ottawa?
Est-ce que ça peut être une des façons?
Le Président (M. Tanguay) : En
quelques secondes.
M. Lorrain (Michel) : Oui.
Bien, ne serait-ce qu'au point de vue de l'équité fiscale, je pense que le gouvernement
du Québec a intérêt effectivement à faire pression sur le gouvernement fédéral
pour qu'on soit... qu'on joue tous sur la même patinoire avec les mêmes règles
du jeu.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. On poursuit avec 2 min 30 s pour notre collègue, avec
notre collègue de Rimouski.
M. LeBel : Merci, M. le Président.
Bonjour. Exercer des pressions auprès du gouvernement fédéral, c'est une phrase
qui revient dans presque tous les mémoires qu'on a eus, 99%. Ça fait que
j'invite tout le monde, on est tous nationalistes, maintenant, ici, autour de
la table, j'invite tout le monde à commencer à préparer la liste puis à faire
vos valises, il va falloir y aller, à Ottawa. Puis il faudrait y aller avant
les élections, parce que, là, si on y va après les élections, il va être trop
tard, ça fait qu'il faut bouger assez vite. Et je sais qu'on a un rapport à
faire, puis le rapport va arriver probablement après les élections, mais, si on
était capable de bouger vite puis montrer qu'il y a un consensus pas mal
national ici, au Québec, là-dessus... ça fait que me semble qu'on devrait
commencer ça.
Je voudrais aussi... il y a un élément que
vous n'avez pas dit, mais que j'aimerais ça ressortir. À Rimouski, il y a Les
Terrasses urbaines Cogeco. Là, il va y avoir le Festi Jazz Québecor. Les câblos
comme vous autres, là, vous êtes aussi des bons citoyens corporatifs et vous
êtes sur le terrain, vous êtes dans les régions, vous financez des activités.
C'est rare que je vais voir Google financer une activité à Rimouski, là...
cette patente-là. Ça fait qu'il y a ça aussi qui est important, là, à
mentionner, vous êtes dans les régions, vous êtes impliqués, vous financez des
activités, vous êtes des citoyens dans nos régions, contrairement aux autres
patentes qu'on ne veut pas.
Question, par exemple, crédit d'impôt.
Hier, j'ai posé une question à des... On me disait : Un chroniqueur, ça
coûte beaucoup moins cher que des journalistes, que de faire une enquête
journalistique, tu sais, qu'un journaliste qui prépare des enquêtes longues. Un
chroniqueur, c'est moins cher, il vient faire sa chronique aux nouvelles, et
c'est moins cher. Crédit d'impôt, vous dites : Il faudrait intégrer les
chroniqueurs dans les crédits d'impôt. Je ne sais pas, là, hier, ce n'est pas
ce que j'entendais, en tout cas.
M. Lorrain (Michel) : Je suis
d'accord, oui et non. Être chroniqueur, c'est un travail à temps plein, pour la
plupart du temps, parce que ça va demander un certain travail de recherche pour
être en mesure de livrer une chronique x, y, z qui repose d'abord et avant tout
sur des faits et des éléments d'information. Je vous suis, à savoir qu'une
enquête journalistique de trois mois coûte effectivement beaucoup, beaucoup
plus cher que le travail quotidien journalistique. Un n'exclut pas l'autre,
mais, écoutez, si vous publiez six enquêtes par année, là, bonne chance pour le
reste. Donc, les deux vont ensemble, vous devez avoir, que ce soit dans votre
journal ou dans l'industrie radiophonique, un équilibre entre le travail
d'enquête, comme on a pu en faire dans le passé chez Cogeco avec l'histoire de
Gilbert Rozon et... qui nous a demandé des ressources considérables pour venir
à bout d'une enquête comme celle-là. Tout ça va en équilibre aussi avec le
travail de couverture au quotidien. Et cette couverture au quotidien, ça aussi,
c'est onéreux, et ça coûte passablement d'argent à l'ensemble des diffuseurs
puis des entreprises de presse québécoise.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Merci à vous. Pour deux dernières minutes avec notre collègue de
Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci beaucoup
pour la présentation. Effectivement, ça nous fait beaucoup de choses à aller
revendiquer du côté d'Ottawa. On pourrait aussi choisir, au lieu d'aller
chercher chaque petite chose sur laquelle on débat depuis maintenant trois
jours, d'assumer aussi la souveraineté culturelle du Québec et peut-être même
d'aller plus loin, qui sait?
Cela étant dit, on entend souvent les
différents intervenants — vous faites partie du lot — nous
parler justement des crédits d'impôt qui sont nécessaires, des fonds d'aide.
J'en suis. Cela dit, on parle toujours également de la nécessité d'augmenter la
publicité gouvernementale. Mais est-ce qu'on ne passe pas, à ce moment-là, un
peu à côté de l'enjeu de la dépendance à la publicité? Dans le sens que, même
si le gouvernement réinvestit de la publicité dans les différents médias, si
les entreprises continuent, elles, de se tourner vers les grands GAFA de ce
monde, bien, on va continuer à aller un peu dans la même direction que celle
que l'on prend actuellement. Donc, je me demandais si, du côté de Cogeco, vous
aviez entamé justement une réflexion sur les solutions pour s'affranchir le
plus possible de la dépendance à la publicité.
M. Lorrain (Michel) : Bien,
en fait, le modèle médiatique privé repose sur les investissements publicitaires,
et je pense qu'il va continuer de reposer sur les investissements publicitaires
si on veut préserver une indépendance des salles de nouvelles et de l'industrie
médiatique en général. Et je pense que c'est... l'approche essentielle doit
continuer de reposer sur la publicité. C'est à nous d'être créatifs et de
développer de nouveaux produits pour les publicitaires et pour d'autres médias.
Certains l'explorent, actuellement. Il y a le...
M. Lorrain (Michel) :
...et je pense que c'est... l'approche essentielle doit continuer de reposer
sur la publicité. C'est à nous d'être créatifs et de développer de nouveaux
produits pour les publicitaires et pour d'autres médias. Certains l'explorent actuellement.
Il y a le modèle d'abonnement payant qui peut certainement être exploré. Mais,
encore là, je vous donne mon opinion personnelle...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Lorrain (Michel) :
...en ce qui concerne le modèle québécois, et, compte tenu de la grandeur du
marché, je pense que c'est un modèle qui est voué à un échec.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup à vous, représentants, représentantes de Cogeco Média.
Et, afin de permettre aux représentants
d'Arsenal Média de prendre place, je suspends nos travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 14 h
46
)
(Reprise à 14 h 48)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Et maintenant
nous accueillons les représentantes, représentants d'Arsenal Média. Bienvenue à
votre Assemblée nationale.
Je vous réitère que vous avez une période
de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, vous aurez
l'occasion d'échanger avec les collègues des différentes formations politiques
représentées autour de la table. Je vous prierais, pour les fins
d'enregistrement, de bien vouloir préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus
tarder, bien, la parole est à vous.
Mme Chevalier (Elisabeth) :
Bonsoir. Elisabeth Chevalier, directrice générale pour la région de la
Côte-Nord chez Arsenal Média.
Mme Chicoine (Krystel) :
Krystel Chicoine, vice-présidente au marketing.
M. Chamberland (Sylvain) :
Et Sylvain Chamberland, donc, président et fondateur d'Arsenal Média.
D'abord, j'aimerais vous remercier,
vraiment, de nous permettre de vous faire part de nos observations et
commentaires à ce sujet si important. C'est franchement apprécié.
Pour bien situer mon intervention,
j'aimerais vous dire quelques mots au sujet d'Arsenal Média, sans doute
l'entreprise médiatique la plus méconnue et la plus inattendue au Québec, une
entreprise complètement indépendante, qui a bâti un modèle d'affaires unique,
une entreprise qui n'est pas publique, qui n'appartient pas à un conglomérat et
qui n'est pas ni subventionnée ni financée par le gouvernement.
Je travaille dans le monde fascinant des
médias depuis maintenant plus de 30 ans. Il y a sept ans, j'ai fondé
Attraction Radio avec un partenaire d'affaires et j'ai fait le pari de
l'information et des médias régionaux. Notre volonté a toujours été
claire : acquérir des stations de radio en région afin de leur redonner
une toute nouvelle voix et d'en faire des chefs-lieux au sein de leur
communauté respective. Pour m'assurer que cette mission demeure notre raison
d'être, j'ai acquis l'an passé la totalité d'Attraction Radio, qui est devenue
Arsenal Média, le plus important groupe indépendant, je le répète, de stations
de radio commerciale à l'extérieur des marchés de Montréal et Québec.
• (14 h 50) •
Arsenal Média, c'est d'abord près d'une
centaine d'employés répartis sur le territoire entre Sept-Îles et Lac-Mégantic,
de Matane à La Tuque en passant par le Bas-Saint-Laurent, la Beauce, le
Saguenay et le Centre-du-Québec. Des employés à qui je tiens à rendre un
vibrant hommage parce qu'ils croient dans leur métier, parce qu'ils sont animés
d'une passion exceptionnelle...
M. Chamberland (Sylvain) :
...centaine d'employés répartis sur le territoire entre Sept-Îles et Lac-Mégantic,
de Matane à La Tuque, en passant par le Bas-Saint-Laurent, la Beauce, le
Saguenay et le Centre-du-Québec, des employés à qui je tiens à rendre un
vibrant hommage, parce qu'ils croient dans leur métier, parce qu'ils sont
animés d'une passion exceptionnelle et qu'ils ont accepté de revoir leurs
façons de faire pour s'adapter au monde dans lequel nous évoluons.
Arsenal Média, c'est aussi sept
plateformes numériques de nouvelles régionales, des sites Internet sur
différents sujets, une boutique en ligne et, surtout, deux studios de création
numérique. Et, bien sûr, Arsenal, c'est la voix de 14 stations de radio et deux
réémettrices suffisamment rentables pour démontrer que notre plan d'affaires
tient la route. Plusieurs des premières stations que nous avons acquises
étaient déficitaires ou très peu rentables. Aujourd'hui, elles sont toutes,
sans exception, en bien meilleure santé, et j'en suis fier.
J'aimerais partager avec vous un fait
vécu. Notre station de Lac-Mégantic a été en direct 24 heures sur 24 pendant
sept jours consécutifs lors des tragiques événements de juillet 2013. Avec
l'aide de certains journalistes de nos radios régionales, nous avons pu diffuser
en continu avec une perspective purement locale, pas nationale. Nous étions en
contact avec les réels enjeux humains qui obsédaient, à juste titre, les
habitants de Mégantic. Il fallait être avec eux au téléphone pendant la nuit
pour comprendre leurs angoisses, leur incapacité à fermer l'oeil, exprimant le
désir d'entrer en contact avec un voisin, un proche, un centre d'hébergement,
des services de sécurité, les fournisseurs d'eau des régions avoisinantes, ou
encore pour savoir si le Tim était ouvert. On négociait en direct avec les
petits restos du coin pour qu'ils puissent se rendre à tel ou tel endroit pour
apporter du bon café chaud. Qui, croyez-vous, servait sa population locale?
CJIT 106,7, à Lac-Mégantic.
Évidemment, il s'agit d'un exemple
extrême, mais, de façon quotidienne, nos journalistes basés un peu partout à
travers la province s'affairent à informer nos auditeurs mais aussi nos
lecteurs via nos plateformes numériques. Telle est l'essence d'Arsenal Média.
Cela m'amène à vous parler de la transition
des médias vers des modèles d'affaires viables. Comme tous ceux qui oeuvrent
dans le monde de l'information, quand un média est menacé de fermeture, je suis
préoccupé. Cependant, en regard de la situation que vivent les médias
traditionnels, je préfère adopter une approche plus globale.
Je crois que le premier défi à relever est
d'accepter que le monde a changé, et que nous ne reviendrons pas en arrière.
L'histoire trace la voie des journaux à la radio, de la radio à la télé, et
aujourd'hui nous vivons à l'ère du numérique. Pour progresser dans le monde
d'aujourd'hui, nous devons cesser de démoniser la technologie et les géants
médiatiques, et accepter qu'ils font partie de nos vies, et que ce n'est pas
avec des solutions du passé que nous allons répondre aux besoins actuels et
construire l'avenir.
Le deuxième défi est d'éviter les
solutions qui n'en sont pas. Je pense à l'État sauveteur qui, en panique,
donnerait indéfiniment la respiration artificielle à une ou des entreprises
médiatiques dont le modèle d'affaires n'est plus viable. Je pense aussi à
l'État sauveur qui déciderait de devenir lui-même le responsable de
l'information en région. Quand j'entends qu'on pourrait accorder à Télé-Québec
un nouveau mandat pour qu'elle prenne en charge l'information régionale, je me
dis que le risque de dérive est bien réel. J'espère que vous me poserez des
questions là-dessus tantôt.
Pour avoir un impact positif, nous devons
tous aborder la situation avec franchise, transparence et lucidité. L'État et
les entreprises doivent apprendre à gérer correctement les opportunités que les
technologies de l'information nous apportent, et il y a une chose qui demeure
toujours vraie : Quand le modèle d'affaires ne fonctionne pas, il ne
suffit pas de changer le nom du propriétaire, il faut changer le modèle
d'affaires. On doit embrasser le changement sans réserve. C'est à nous, les
médias, de faire ce qu'il faut, et au gouvernement de supporter, s'il y a lieu,
ces changements.
Ma première recommandation irait dans le
sens évidemment que vous avez déjà entendu. Les médias indépendants doivent
s'unir pour offrir une alternative aux GAFA. Nous devons créer notre propre
régie publicitaire et s'unir pour mieux concurrencer. C'est notre
responsabilité. De plus, le gouvernement devrait donner un crédit d'impôt aux
entreprises qui soutiennent les médias indépendants en prenant de la publicité
numérique dans un média local. Ça, ça serait intéressant et différent, comme
proposition.
Le soutien de l'État aux médias pour
faciliter un virage numérique, qui est ma deuxième proposition, ou pour être en
mesure de déployer des équipes de journalistes plus importantes doit être
clairement balisé. Ce soutien doit être évalué en fonction de son efficacité et
de sa neutralité. L'efficacité suppose qu'on écarte toute forme d'aide
d'urgence qui ne comporte pas un plan pour la mise en oeuvre d'un modèle
d'affaires pérenne. La neutralité suppose que l'aide ne soit pas liée à...
M. Chamberland (Sylvain) :
...balisé. Ce soutien doit être évalué en fonction de son efficacité et de sa
neutralité. L'efficacité suppose qu'on écarte toute forme d'aide d'urgence qui
ne comporte pas un plan pour la mise en oeuvre d'un modèle d'affaires pérenne.
La neutralité suppose que l'aide ne soit pas liée à la situation géographique
ni à la nature du média.
Dans un autre ordre d'idées, nous devons
nous demander si l'État québécois, en tant que client des médias, est un bon
client, un client visionnaire et responsable. Je sais qu'il y a eu une trâlée
de personnes qui en ont parlé, mais quand même. L'État, ai-je besoin de vous le
rappeler, n'est pas un client comme les autres. Il ne peut oublier les effets
de ses actions dans l'exercice de ses responsabilités. Et il y a des chiffres
qui font mal. Depuis le début de la semaine, plusieurs intervenants l'ont
souligné à grands traits, avec des chiffres à l'appui, que je ne répéterai pas,
la dangereuse pente que prend le gouvernement lorsqu'il décide d'investir, sur
Facebook et Google notamment. L'État québécois ne peut évidemment pas ignorer
les géants du Web, mais il ne peut plus ignorer que ceux-ci mettent de la
pression sur les médias dits traditionnels.
Ma troisième proposition est que
l'Assemblée nationale et le gouvernement s'assurent que les choix de l'État
client en matière de placement publicitaire soient responsables et équitables.
Il faut ajuster la pondération pour restaurer l'équité compromise par les
géants du Web, qui paient peu ou pas d'impôt ici, qui paient peu ou pas de
droits d'auteur et, en plus, qu'ils n'emploient à peu près personne localement.
Évidemment, c'est parfait de mettre plus d'argent au Québec, plutôt qu'à
l'étranger, mais encore faut-il dépenser cet argent dans l'ensemble du Québec,
et non seulement dans les grandes villes.
Les ministères, organismes et sociétés
d'État sous votre contrôle, par le biais de leurs agences de publicité,
privilégient essentiellement et presque toujours exclusivement Bell et Cogeco,
dont les principales radios sont évidemment à Montréal et à Québec. Et, quand
ces agences proposent d'annoncer en région, ça se résume à Sherbrooke,
Chicoutimi, Trois-Rivières et Gatineau. En agissant de la sorte, ils
surexposent la population métropolitaine et celle de la Capitale-Nationale aux
messages gouvernementaux et négligent toujours les populations régionales.
Comme le démontrent les statistiques
jointes à notre mémoire, les heures d'écoute des stations indépendantes dans
les petits marchés du Québec représentent près du tiers des heures totales
d'écoute de la radio. On devrait s'attendre à un niveau de placement
publicitaire qui reflète cette proportion. Évidemment, je peux vous dire qu'on
est très loin du compte, bien évidemment. Pourtant, la communication sur les
textos au volant, le port de la ceinture de sécurité, les conditions de
conduite hivernales, l'importance de la vaccination contre la grippe ou la
gestion de l'électricité en hiver n'est pas moins essentielle parce qu'on vit
loin de la métropole ou de la capitale nationale, bien évidemment.
En tant que client, on le constate depuis
des années, l'État québécois ne gère pas de façon la plus efficace et la plus
efficiente sa stratégie publicitaire, et, j'ajouterais, ni de façon équitable
ni de façon responsable. Comme président de l'Association des radios régionales
francophones, ça fait des années et des années que je rencontre le personnel
politique responsable des communications des députés, jusqu'au premier
ministre, puis on en parle encore aujourd'hui. En étant équitable et soucieux
d'informer l'ensemble de ses citoyens, l'État client peut aider les médias
d'information régionaux. Ainsi, il joindrait l'utile à l'agréable et en
permettant aux médias régionaux de dégager de meilleures marges de manœuvre et
d'être en mesure d'améliorer la qualité de l'information locale, pourquoi pas.
Quatrième recommandation. À coût nul,
parce que c'est important de le mentionner, à coût nul, et dans un esprit d'équité
envers tous les Québécois, l'État devrait tout simplement maximiser la portée
des campagnes de communication en accordant aux radios privées indépendantes en
région un budget proportionnel à leur auditoire. Et j'insiste là-dessus. C'est
tellement le gros bon sens que ce n'est pas possible qu'on parle de ça encore
aujourd'hui.
En terminant, l'État québécois, il fut un
temps, a déjà accordé beaucoup d'importance aux communications. Le monde a bien
changé, la façon de s'informer aussi. On ne peut parler du rôle des médias sans
considérer leur environnement technologique, politique, social, culturel et
économique. En l'absence d'une politique québécoise de communications, sans
vision d'ensemble, on risque d'agir à la pièce, au lieu de le faire de façon structurée,
il faut ajouter...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
M. Chamberland (Sylvain) :
...sans une véritable connaissance sur ce qui se passe vraiment sur le terrain,
où une multitude d'initiatives locales permettent aux citoyens d'être mieux
informés.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Chamberland (Sylvain) :
Cette commission est un premier pas dans la bonne direction.
Et je termine en disant que ma proposition
est que le gouvernement québécois prépare, avec les acteurs du monde des médias
et des technologies de l'information, une politique globale pour la soumettre
aux parlementaires avant la présentation du budget 2020‑2021. Cette politique
devrait évidemment inclure des chapitres sur le droit du public à l'information
et les nouveaux médias. Elle devrait aussi contenir un portrait détaillé des
médias et plateformes en émergence partout au Québec et même ailleurs dans le
monde.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Chamberland (Sylvain) :
Et, si je peux me permettre, pourquoi ne pas appeler la commission : Culture,
éducation et communications?
Merci.
• (15 heures) •
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup, M. Chamberland...
15 h (version non révisée)
M. Chamberland (Sylvain) :
...évidemment inclure des chapitres sur le droit du public à l'information et
les nouveaux médias; elle devrait aussi contenir un portrait détaillé des
médias et plateformes en émergence partout au Québec, et même ailleurs dans le
monde.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Chamberland (Sylvain) :
Et, si je peux me permettre, pourquoi ne pas appeler la commission :
Culture, éducation et communications? Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. Chamberland. Contrairement à la radio, ici le temps n'est pas de l'argent,
mais, quand même, c'est notre démocratie. Alors, à la demande du gouvernement,
vous avez dépassé de deux minutes, on l'a amputé de leur temps. Maintenant, si
vous le permettez bien, on va échanger. Alors, pour le gouvernement, il reste
13 minutes. Alors, la parole est à vous, collègue de Beauce-Sud, et merci pour
ce temps donné.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci,
M. le Président. Ça me fait plaisir de pouvoir vous laisser un peu plus de
temps. Donc, merci, M. Chamberland, Mme Chevalier et Mme Chicoine pour votre
présence aujourd'hui en commission parlementaire. Effectivement, la radio, on
ne le dira jamais assez, l'importance... Vous avez fait l'exemple de
Lac-Mégantic, qui est important, mais ce...ne serait-ce que le 24 décembre.
Moi, je me souviens d'avoir mis de la musique le 24 décembre au soir et le
nombre de gens qui m'appelaient pour me raconter ce qu'ils avaient sur le coeur
et les moments difficiles dans leur vie. La radio devient souvent leur
meilleure amie dans les moments extrêmement difficiles, et, quand on entre dans
leur maison et qu'ils entendent une voix, c'est beaucoup plus rassurant que
n'importe quel autre média. Alors, vous avez bien fait de le souligner et de le
dire, que la radio a cette force-là et cette particularité-là.
Évidemment, vous avez acheté des stations
de radio dans les régions, mais vous avez toujours le défi de l'information
locale. Il n'en demeure pas moins qu'il y a des émissions qui sont réseau, il y
a des salles de nouvelles pour lesquelles vous avez certains défis également.
Donc, j'aimerais que vous me parliez de votre plan de déploiement dans les
prochaines années au niveau des régions, et je vais revenir sur Télé-Québec
tout juste après.
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien, en fait, notre plan de déploiement se fait autour de la radio, mais il est
plus particulièrement, je dirais, concentré sur le développement du numérique.
On continue de faire des acquisitions. On a fait une autre acquisition ce
lundi, donc avant-hier, dans la région du Témiscouata, donc une lointaine
région près du Nouveau-Brunswick, mais... puis on en est très fiers, mais évidemment
en attente toujours, évidemment, de la décision du CRTC, si le CRTC,
évidemment, approuve cette transaction-là.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Elle
est à Dégelis?
M. Chamberland (Sylvain) :
Exactement, oui, Radio Dégelis, oui. Donc, évidemment, on a l'intention de
continuer à se déployer avec la radio, mais comme base pour continuer de
développer nos plateformes numériques. Et moi, je pense que c'est essentiel de
faire ça, et rapidement, et c'est pour ça qu'on accélère ce développement-là,
et aussi qu'on fasse une transition de nos... du travail de nos employés. Si on
prend... Si 98 % de nos employés travaillent en radio, alors que, comme
Michel l'a exposé tantôt précédemment, la radio est quand même avec des
résultats en baisse, il faut aller chercher notre argent ailleurs, et c'est
pour ça qu'on propose par exemple de faire une régie publicitaire où, par
exemple, on serait capables, tous les médias ensemble indépendants, d'aller
chercher des sommes supplémentaires auprès de nos commanditaires. Mais c'est
clair que pour nous, la survie va passer par la transition des revenus, on ne
peut pas seulement s'en tenir à des revenus publicitaires de radio. Autrement,
si... comme on dirait dans notre jargon, bien, un «pure play player» qui ne
fait que de la radio, c'est souffrance garantie, là.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Parlez-moi de Télé-Québec. J'ai posé la question justement à quelques joueurs
en disant : Si on ajoutait un Télé-Québec information dans les régions, de
quelle façon ça pourrait chambouler un portrait qui a... bien, qui a déjà des
défis, qui est déjà important? Alors, j'imagine que ça pourrait avoir un impact
chez vous.
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien oui, c'est sûr. En fait, pour moi, ça... je ne peux pas croire qu'on va
mettre ça sur la table, là. Je comprends le principe, mais... D'ailleurs,
Télé-Québec a quand même une mission éducative qui doit dater d'à peu près 50
ans, sa mission est claire, et tout ça. Là, il faudrait changer la mission de
Télé-Québec, les envoyer en région, former des gens, et je n'ai pas besoin de
vous dire... Tout comme Radio-Canada. Quand Radio-Canada décide par exemple
d'étendre son réseau, c'est simple, simple, simple : ils font des
demandes, des demandes, des demandes, ils ont des antennes à tous les coins de
rue, ils ont à peu près 800 antennes réémettrices, puis il n'y a pas de
problème, je veux dire, «money is no concern», donc il n'y a pas de problème.
Mais alors, si Télé-Québec devient comme ça aussi, on devient quoi? Je veux
dire, ça devient deux réseaux subventionnés par les gouvernements. Bien, je
veux dire, ça ne tient pas la route. Moi, je pense qu'il faut absolument que
les réseaux privés puissent survivre, et, à cet effet-là, c'est clair que pour
moi c'est un non-sens, on va fragiliser encore plus le système en donnant la
chance à Télé-Québec.
Par contre, est-ce que Télé-Québec peut
ajouter une notion, par exemple, d'émission d'affaires publiques? Là, j'en
suis, parce que probablement qu'en déployant des ressources qui ont de
l'expérience et qui sont habilitées à le faire, on peut... on pourrait en fait
avoir des émissions d'affaires publiques régionales qui donneraient de la
couleur et qui donneraient de la profondeur à l'information qui est donnée
dans notre province. Ça, oui. Mais, par contre, d'y aller avec une gestion
d'information et tout ça ou d'avoir un portail d'information, c'est un non-sens
au même titre, d'ailleurs... et je me permets de le dire, mais on est très
proche, évidemment, du palier municipal dans nos régions, et pour moi c'est un
non-sens quand les municipalités lancent des portails d'information...
M. Chamberland (Sylvain) :
...d'y aller avec une gestion d'information et tout ça, ou d'avoir un portail
d'information, c'est un non-sens. Au même titre d'ailleurs que je me permets de
le dire, mais on est très proche évidemment du palier municipal dans nos
régions, et, pour moi, c'est un non-sens quand les municipalités lancent des
portails d'information, évidemment faits par les municipalités, donc on peut
s'imaginer un peu l'affaire. Tu sais, c'est sûr qu'on est moins, là, dans le
portail d'information en tant que tel, donc... Mais de plus en plus, ça prend
forme et on en fait en plus la promotion, et tout ça, et ça vient concurrencer directement
les plateformes d'information numériques dans chacune des municipalités. Et
pour un groupe comme nous, et des plus grands groupes comme Cogeco qui sont en
région, il y a aussi des individus dans une région donnée qui ont un portail et
qui fonctionne, où il y a 400 000, 500 000, 600 000 pages
vues, par mois, où les gens réussissent à se faire une paie, puis ils
réussissent quand même à faire de l'information. Ils sortent, ils vont prendre
des photos, ça écoeure le maire un peu, le maire n'est pas content, mais il
fait son portail, puis il est suivi puis il est écouté.
Donc, pour moi, la relation avec le municipal
aussi est importante, et, moi, je pense qu'il faut aussi mettre les municipalités
dans le bateau pour qu'elles puissent participer à cet effort-là et pour ne pas
quelles deviennent, elles-mêmes, un compétiteur des médias régionaux.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Merci, M. Chamberland.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, on va poursuivre avec le collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Tanguay) : Il
reste 7 min 25 s.
M. Chassin :
D'accord. Merci beaucoup de votre présentation. Vous allez presque loin,
M. Chamberland, dans votre critique, finalement, des... indirectement de
la concurrence subventionnée. Est-ce que je comprends que, dans le fond, indirectement,
vous dites que la présence de radios, par exemple, déjà subventionnées vous
nuit, puis c'est pour cette raison-là que vous ne souhaiteriez pas, par
exemple, que Télé-Québec rentre dans ce mandat-là? Ou, dans l'état actuel,
chacun a un peu sa mission puis on parvient, disons, à cohabiter?
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui, je pense que chacun a sa mission, effectivement. Et aussi, bien
évidemment, je pense que la démonstration n'est pas dure à faire. Le jour où on
envoie un concurrent subventionné contre un concurrent qui ne l'est pas, bien,
au départ, ça devient inéquitable comme combat. Et je pense que ça, c'est,
évidemment, éternel. Et moi, comprenez-moi bien, j'ai, moi-même, dirigé
l'information à Radio-Canada, et je suis pour le fait que Radio-Canada a
toujours été un rempart pour la qualité de l'information et a permis un
minimum. Donc, c'est correct, on admet ça, là, puis ça a toujours sa nécessité.
Mais pour moi, ce dont il est question actuellement, c'est d'envoyer, en
région, dans les petites régions, en fait... et on parle comme si les gens des régions
n'étaient pas bien renseignés. Et c'est pour ça ma dernière recommandation, ce
que je dis, c'est qu'on devrait... il devrait y avoir une table, ou peu
importe, où les gens des médias sont inclus là-dedans, et question de prendre
connaissance de ce qui se passe. Vous ne pouvez pas être au courant de tout. Je
veux dire, à un moment donné, il y a 24 heures dans une journée, mais si
vous preniez connaissance vraiment de toutes les initiatives locales qui a à
gauche et à droite, ça changerait peut-être votre perspective. Vous
diriez : Hum, doit-on vraiment envoyer Télé-Québec là-dedans? Ouf,
peut-être pas en information parce qu'il y a déjà beaucoup, beaucoup
d'initiatives. Peut-être, par contre, qu'on pourrait soutenir les petites
initiatives locales et leur donner une chance pour les gens qui sont seuls ou
qui ont deux employés de se donner une chance de pouvoir grandir parce que tout
le monde a le droit au soleil, sans jeu de mots, là.
M. Chassin :
Merci, c'est une précision que je pense intéressante. Je reviens un petit peu
en arrière dans votre déclaration. Vous parlez de votre modèle en parlant d'une
entreprise qui n'est pas publique, qui n'appartient pas à un conglomérat, qui
n'est ni subventionné ni financé par le gouvernement. Là, j'ai presque envie de
vous dire : Il manque comme un mot. Est-ce que vous êtes rentable?
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui, bien je l'ai dit, en fait. J'ai dit qu'un peu plus tard, que notre modèle
d'affaires était rentable. Oui, absolument.
M. Chassin :
Parce que quand vous dites...
M. Chamberland (Sylvain) :
Nos chiffres sont publics d'ailleurs, donc...
M. Chassin :
D'accord. Parce que quand vous dites que vous recommandez qu'on accompagne
d'efficacité les interventions, et que vous dites, par exemple :
L'efficacité suppose qu'on écarte toute forme d'aide d'urgence qui ne comporte
pas un plan pour la mise en oeuvre d'un modèle d'affaires pérenne. J'ai un peu
envie de vous challenger, permettez-moi l'expression là-dessus, si seulement on
connaissait le modèle d'affaires pérenne. Je pense qu'il y a une variété de
modèles, on a entendu Le Devoir, on a entendu des gens qui sont tout au
numérique, et vous, par exemple. Donc, évidemment, c'est un peu, peut-être,
difficile que l'État juge d'un modèle d'affaires. Comment vous voyez ça? Est-ce
que vous pensez qu'il y a une avenue praticable là-dessus?
• (15 h 10) •
M. Chamberland (Sylvain) :
Oh! je pense que oui, et c'est pour ça que je dis : Je pense que c'est
nécessaire qu'il y ait des gens des médias pour vous accompagner là-dedans pour
que tout le monde... au moins que vous ayez l'information. Après, c'est à vous
de prendre l'information ou de prendre les décisions qu'il faut, mais je pense
que c'est important pour vous d'avoir l'ensemble de l'information. Et Brian
Myles, avec Le Devoir, a quand même réussi quelque chose...
d'abord, ils sont rentables, ce n'est pas rien. Et deuxièmement, ils ont quand
même, et moi, je pense que ça, c'est la voie, ils ont quand même été très, très
agressifs sur le Web...
M. Chamberland (Sylvain) :
...ou prendre les décisions qu'il faut, mais je pense que c'est important pour
vous d'avoir l'ensemble de l'information. Et Brian Myles, avec Le Devoir,
a quand même réussi quelque chose... d'abord, ils sont rentables, ce n'est pas
rien. Et deuxièmement, ils ont quand même, et moi, je pense que ça, c'est la
voie, ils ont quand même été très, très agressifs sur le Web. Ils ont été très
insistants, très précurseurs à plusieurs égards, et aujourd'hui, je pense que
ça leur rapporte.
L'idée, c'est que le Québec, dans son
ensemble, a été très lent à prendre le virage numérique, et je pense qu'encore aujourd'hui
on s'en ressent. Et quand il y a des thèmes sur lesquels on disctue, là,
honnêtement, ça devrait être réglé.
Donc, je pense que notre retard nous suit
encore aujourd'hui, et c'est aussi une des raisons probablement où on n'a pas
été assez rapides pour aller prendre ce virage-là et nous-mêmes se positionner
comme média. Donc, aujourd'hui, je pense qu'on en paye un peu le prix.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Pour les quelques trois minutes restantes, je cède la parole au collègue
de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. M. Chamberland, si on est en retard, il y en a-tu d'autres qui sont
en avance? Parce que le modèle, il n'y a pas personne qui l'a trouvé, quand
même, là.
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui. En fait...
M. Lemieux : Ah! à part vous,
je veux dire, là.
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui. Non, non, mais, en fait, d'abord, je ne l'ai pas dit de façon arrogante,
là. Si vous demandez si je suis rentable, la réponse, c'est oui. Et je n'ai pas
la prétention d'avoir inventé les boutons à quatre trous, là, mais n'empêche
qu'on a un modèle rentable, cela dit.
Et évidemment on est dans une situation
complètement différente. Et c'est ce que je dis, chaque média doit être évalué
dans la façon dont il est constitué et comment l'entreprise est organisée. Mais
moi, je vais vous dire, une des clés... parce que, par-dessus le marché, je
pense que, dans l'ensemble, nos employés... le salaire moyen de nos employés
est quand même relativement très intéressant. Donc, c'est... et on a amélioré
la condition de l'ensemble des employés qu'on a acquis à travers les
transactions.
Ce qu'on a changé, c'est de dire : On
ne peut pas mettre toute énergie, par exemple, à... Tu ne peux pas arriver le
matin, faire ton émission de radio puis t'en aller chez vous. En région, c'est
impossible. Quand tu as fini ça, bien, sais-tu quoi, tu vas... on va recrinquer
un peu de contenu puis on va réutiliser ce contenu-là pour autre chose. On va
faire deux jobs ou on va... Puis évidemment on est en région, c'est plus
simple, les gens, en plus, sont volontaires, en plus, sont volontaires,
heureux, et ils le font, ça leur tente. Ils sont dynamiques. C'est une toute
autre approche que de dire : Je suis contre le changement, je m'oppose à
tout ce qui est différent, je ne veux pas changer, je ne veux pas prendre le
virage, etc.
M. Lemieux : ...secondes qui
restent pour vous permettre de répondre à une dernière question...
M. Chamberland (Sylvain) : Je
vous en pris.
M. Lemieux : ...au sujet de la
fameuse régie de la publicité. Celui qui vous a précédé n'était pas vraiment
intéressé à la chose. Vous, vous avez beaucoup plus d'intérêt à être intéressé.
Pourquoi ça nous prend ça? Et puis est-ce que c'est ça qu'il faut mettre à
l'ordre du jour? Parce que la réunion que vous proposez, là, dans le fond,
c'est pour le droit du public à l'information. Là, vous avez 14 stations dans
14 localités bien informées. Il y a encore quand même des grands bouts qui
n'ont pas de bout au Québec, là.
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui. Bien, effectivement, mais je vais reprendre votre premier point qui
était... C'était quoi, votre première question, en fait? La régie publicitaire,
oui. En fait, bien, moi, je pense que c'est une bonne chose d'avoir une régie
publicitaire, dans la mesure où les plus petits groupes indépendants en ont
besoin. Autrement, on n'est pas de taille avec le GAFA.
Donc, par définition, moi, je pense qu'on
doit le faire, et ça, c'est notre responsabilité. Ce n'est pas la
responsabilité du gouvernement. Il y a déjà des discussions qui avaient été
entamées, entre autres avec Le Soleil, avec... même Cogeco était
là, Le Devoir et tout ça. Il y avait beaucoup de gens qui étaient
autour de la table pour ça.
Donc, je pense que ça aurait dû et ça
devrait aller beaucoup plus loin.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup. Nous aurons l'occasion d'étayer dans le prochain
bloc. Je vous en prie. 10 minutes, et c'est le bloc que nous débutons avec la
collègue de Verdun.
Mme Melançon : Merci beaucoup.
Bonjour. M. Chamberland, c'est clair, là, c'est des propos clairs, c'est
passionné, c'est formidable. Merci.
Je vais commencer par vous demander... Les
géants du Web, ils devraient payer leurs impôts, leurs taxes au Québec?
M. Chamberland (Sylvain) : J'ai
évité de l'écrire comme ça...
Mme Melançon : Oui, c'est ça.
C'est pour ça que je pose la question.
M. Chamberland (Sylvain) :
... parce qu'on voit ce que ça a coûté à la France, là, d'imposer... Je veux
dire, moi, en fait, là, un, je ne suis pas en politique, et, deux, je n'ai pas
l'intention de prétendre que tout est facile en politique, tu calles une shot
puis tout... Tu sais, dans le fond, tu calles une shot puis ça a plein de
dommages collatéraux. Donc, je comprends que ce n'est pas aussi simple et c'est
pour ça que je ne l'ai pas écrit.
Pour moi, ils sont là. D'essayer de les...
S'il faut les taxer, parfait, vous faites ce que vous avez à faire. Mais moi,
ce que je propose, par contre, ce qu'on contrôle, là, rapidement, c'est
d'arrêter d'en mettre là, par exemple. Mettez-en 5 % puis arrêtez, mettez-en
plus, mettez-en pas, mettez-les dans les médias québécois. Il n'y a aucune
raison pour laquelle ça soit... que ça ne soit pas dans les médias québécois,
mis à part...
M. Chamberland (Sylvain) :
...parfait, vous faites ce que vous avez à faire. Mais moi, ce que je propose
par contre, ce qu'on contrôle, là, rapidement, c'est d'arrêter d'en mettre là, par
exemple. Mettez-en 5 % puis arrêtez, mettez-en plus, mettez-en pas,
mettez-les dans les médias québécois.
Il n'y a aucune raison pour laquelle ça
soit... que ce ne soit pas dans les médias québécois, mis à part le fait que je
comprends qu'on est en 2019, qu'on doit rejoindre les jeunes par les médias
sociaux et que c'est normal que le gouvernement, pour atteindre l'ensemble de
la population, comme nous-mêmes on le dit dans notre mémoire, qu'on utilise un
moyen qui s'appelle les médias sociaux. C'est normal et c'est O.K.
Mais moi, je pense que ce qu'il faut,
c'est contrôler la gestion de ça. Autrement, les agences vont emberlificoter
les gens des coms et vont finir par finalement leur faire dépasser tout le
budget dans les places où les agences décident. Ce n'est pas les agences qui
devraient décider. C'est le gouvernement qui décide, c'est le gouvernement qui
call les shots puis qui dit à l'agence : Toi, «like it or not», c'est ça
que tu vas faire ou, sais-tu quoi?, on va prendre une autre agence, puis ça
finit là. Ça, ça devrait être dit.
Mme Melançon : Bien, c'est ce
qu'on entend pas mal depuis hier, là, puis les agences de placement...
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui, je sais, je sais. Oui.
Mme Melançon : Non, mais c'est
bien qu'on puisse le répéter parce que je pense que ça va être clair quand
même, ce bout-là de la commission.
Justement, en pourcentage, parce qu'il va
falloir que nous, là, comme membres de cette commission-là, on puisse
dire : Est-ce qu'on a un pourcentage?, qu'est-ce qu'on devrait proposer?
Il y en a un qui l'a chiffré, c'est Le Devoir, ce matin, avec
5 %. Avez-vous un chiffre? Avez-vous une idée?
Mme Chicoine (Krystel) :
...la même chose, on irait vers 5 % aussi.
Mme Melançon : Vers 5 %?
Parfait. Puis j'imagine que ça, M. Chamberland, ça vient dans votre liste de...
ça devrait être réglé?
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien, c'est sûr qu'honnêtement je... Franchement, là, c'est comme si on était
en train de discuter du réel pouvoir du gouvernement à prendre des décisions,
alors qu'honnêtement le gouvernement a toutes les marges de manoeuvre pour prendre
les décisions. Ça ne se peut pas que ça soit des agences de publicité qui
branlent la queue du chien puis qui finalement décident de ce qui se passe. Le
gouvernement décide : Sais-tu quoi?, c'est 5 %, «take it or leave
it». Tu nous donnes des rapports, puis on ne veut plus en entendre parler,
c'est tout. Tu investis en région, tu investis en région, ce n'est pas
compliqué, là.
Tout le monde dit : Ah! c'est
compliqué. Ce n'est pas compliqué. Il y a deux agences, il y a Target puis il y
a MPV, que vous avez vu hier. Il y a deux agences qui représentent l'ensemble
des stations de radio régionales. Tu appelles les deux stations, ça finit là,
que ça fasse son affaire ou pas, là, que tu restes à Montréal puis que tu ne
connaisses pas... On ne te demande pas de connaître la géopolitique du Québec,
là. Sais-tu quoi? Tu appelles les deux agences, tu investis partout, merci ,
bonsoir. Ce n'est pas plus compliqué que ça, mais il faut l'imposer.
Mme Melançon : Il faut sortir
de ce qu'on appelle dans le jargon gouvernemental des pôles médias.
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien oui, là, c'est sûr.
Mme Melançon : C'est ce que
j'entends là.
M. Chamberland (Sylvain) :
C'est sûr.
Mme Melançon : Parfait. Parce
que nous, ça fait quand même 118 jours que je ne l'avais pas dit, ça fait
que là j'avais besoin de le dire, qu'on attend après une directive qui devrait
venir et qui est facile, là. Vous le dites vous-même, là, ça peut être très
facile, on est...
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien, de mon point de vue, évidemment.
Mme Melançon : Oui, oui, bien
sûr.
M. Chamberland (Sylvain) :
Assis dans ma chaise, c'est facile.
Mme Melançon : Tout à fait,
tout à fait, j'entends bien. Sur Télé-Québec, je voudrais qu'on puisse revenir.
Et les gens de Télé-Québec viennent tout de suite après, là, j'ai vu Mme
Collin, oui, qui est là. Je veux juste vous entendre sur... Vous voyez une
possibilité, vous, où ils peuvent faire un travail en affaires publiques. Parce
qu'affaires publiques ça coûte cher, c'est ce que vous voulez démontrer, hein?
M. Chamberland (Sylvain) :
Exactement, exactement.
Mme Melançon : Voulez-vous,
juste pour le bien de la commission...
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui, exactement. En fait, c'est ça, mon point. C'est que, si on veut vraiment
compléter l'offre d'information puis on veut vraiment donner un mandat à
Télé-Québec, moi, je pense que de donner de l'argent, parce qu'effectivement ça
coûte une fortune, il n'y a pas un média local qui pourrait se permettre de
faire des grandes affaires publiques, à ce moment-là. Et c'est là que
Radio-Canada s'est distingué, entre autres choses. Et pour moi, le... parce
qu'on parle quand même de démocratie, ici, et de chien de garde, là, je pense
qu'en donnant de l'argent ou en finançant Télé-Québec pour qu'il puisse faire
des reportages d'affaires publiques, là, on est en affaires.
Moi, je pense qu'on parle de quelque chose
d'important qui en plus viendrait équilibrer l'offre, plus que ça, même,
viendrait aussi donner une contrepartie à Radio-Canada, ce qui serait très
bien. Mais, si vous les envoyez en information régionale sur le terrain, là,
moi, je vous dis : Un, on se perd, deux, vous n'aurez pas nécessairement
de plus-value, et moi, je vous dis, trois, si vous saviez exactement ce qui se
passe sur le terrain, dans chacune des municipalités, vous seriez tellement
surpris que vous diriez : Ah! finalement, tabarouette, ce n'est pas comme
on pensait. Donc, moi, je pense qu'il faut prendre la mesure de ça avant de
donner un mandat à Télé-Québec dans ce sens-là. Par contre, en affaires
publiques, moi, j'appuierais ça à 100 %.
Mme Melançon : Je vais me
tourner vers Mme Chevalier quelques secondes, là. Vous, c'est la Côte-Nord?
Mme Chevalier (Elisabeth) :
Oui, absolument.
Mme Melançon : Donc, ce que
vous êtes en train de nous dire aussi, dans la question d'équité, dans toute la
présentation que vous avez faite, là, ce qui se passe sur la Côte-Nord, ce
n'est pas ce qui se passe actuellement dans la région de Sherbrooke.
• (15 h 20) •
Mme Chevalier (Elisabeth) :
Non, absolument pas. Puis je peux vous dire que, quand je vais à l'extérieur de
la ville, de ma ville, en vacance, j'entends beaucoup de publicité sociétale
qui n'est pas diffusée chez nous. Puis ça, ça me fait...
Mme Melançon : ...ce que
vous êtes en train de nous dire aussi dans la question d'équité, dans toute la
présentation que vous avez faite, là, ce qu'il se passe sur la Côte-Nord, ce
n'est pas ce qu'il se passe actuellement dans la région de Sherbrooke.
Mme Chevalier (Elisabeth) :
Non, absolument pas. Puis je peux vous dire que, quand je vais à l'extérieur de
la ville, de ma ville, en vacances, j'entends beaucoup de publicité sociétale
qui n'est pas diffusée chez nous, puis ça, ça me fait beaucoup de peine, ça me
fait grincer des dents parce qu'évidemment c'est le nerf de la guerre en région
également comme les grands centres d'entendre les publicités qui sont destinées
à tous les Québécois, mais pas aux Septiliens puis pas aux Nordcôtiers.
Mme Melançon : Et là je
veux juste être claire, vous ne l'entendez pas chez vous, pas uniquement pas
dans votre radio, mais pas dans votre région totale.
Mme Chevalier (Elisabeth) :
Absolument, absolument.
Mme Melançon : Ça, c'est
important, là. Je pense que, ça, il faut bien entendre le tout. Il me reste
combien de temps?
Le Président (M. Tanguay) :
20.
Mme Melançon : Ah! bien,
je vais... M. le Président, je laisserais quelques instants à ma collègue, s'il
vous plaît.
Le Président (M. Tanguay) :
Sur votre invitation, on va céder ensemble la parole à la collègue de
Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci. Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation bien sentie. Tantôt, vous le
mentionniez, on parlait justement de la taxe GAFA. Puis vous avez dit :
Moi, je ne fais pas de la politique. Mais quand même c'est important parce que
souvent les gens, quand M. Macron, le président français, a décidé d'instaurer
la taxe GAFA, plusieurs ont dit : Faites-le pas, vous ne pouvez pas le
faire, hein, parce qu'il faut attendre, là, les travaux de l'OCDE. Puis sachez
que ça tarde depuis 1998, les travaux de l'OCDE, sur la fiscalité numérique.
Alors, il faut être patient. Eh oui, effectivement, immédiatement, on sait
qu'est-ce qui est arrivé, le président américain a twitté et menacé les
exportations de vins français. Mais la situation est réglée. Il y a eu une
entente. Alors, je pense que, si M. Macron et M. Trump ont été
capables de s'entendre rapidement au G7 et que d'un commun accord les pays
membres du G7, dont le Canada, ont dit : Bien effectivement, plus tard,
lorsqu'il y aura le fameux projet de loi de l'OCDE et que les pays membres du
G7 l'appliqueront, eh bien, on fera à ce moment-là un appariement entre les
recettes qui ont été payées en impôts en France et qu'est-ce qui aurait dû être
payé.
Mais, moi, je me dis : Bien au
Québec, on a notre propre loi d'impôt qu'on est capable de voter ici au salon
bleu. On a notre propre agence, Revenu Québec alors que les autres
provinces n'ont pas cela. Puis je me suis dit : Moi, il me semble que j'ai
déjà été assise à votre chaise à vous lorsque je venais plaider contre les
paradis fiscaux et pour justement l'équité fiscale, et je me rappelle qu'il y a
des gens qui ont dit, non, ça prend un pays. Moi, j'ai dit : Non, on est
capables de le faire au Québec. Et un certain ministre des Finances de l'époque
a dit : Bien, on n'attendra pas après Ottawa, on va faire la taxe Netflix
puis, quand Ottawa voudra le faire, ils le feront. Moi, je me suis dit :
Si au Québec, la dernière fois qu'on a parlé de la taxe Netflix puis que tout
le monde nous a dit que c'était bien trop compliqué, puis qu'on l'a fait à
l'intérieur de six mois. Là, il y a une mise à jour économique là, là, en
novembre au Québec. Moi, je me dis : Bien, on pourrait avoir un ministre
des Finances qui va dire on va faire notre taxe GAFA. Puis, pire que cela,
j'avance la chose suivante, on sait pertinemment qu'en ce moment il n'y a pas
d'appétit à Ottawa pour collecter la TPS sur les produits numériques. Donc, ils
laissent cinq points de pourcentage. Le dernier rapport du Vérificateur général
du Canada disait que, si le gouvernement canadien avait adopté le même principe
qu'au Québec, bien, ils iraient chercher 62 millions. Là, je me dis :
Bien, si Ottawa n'en veut pas de ces points de pourcentage, pourquoi qu'on ne
prendrait pas ces points de pourcentage laissés vacants puis qu'on le mettrait
dans un fonds qui pourrait aider notre culture, notre presse écrite. Qu'est-ce
que vous en pensez?
M. Chamberland (Sylvain) :
J'allais vous dire : Si vous nous renvoyez juste 50 % de l'argent,
nous, on est complètement preneurs. Dans ce cas-là, on est avec vous.
Mme Rizqy : C'est parce
que, dans ce cas-ci, vous comprendrez que... est-ce que, pour vous, c'est une
urgence que même déjà, dans la mise à jour économique de cet automne, nous
aussi, au Québec, le gouvernement décide d'aller de l'avant puis dire qu'effectivement
il faut occuper tous nos pouvoirs fiscaux que nous avons le droit de faire?
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien, en fait, je pense qu'il y a une forme d'urgence, c'est clair. Maintenant,
évidemment, pour moi, l'utilisation de la somme d'argent l'est tout autant.
Donc, si, par exemple, le gouvernement décide de prendre cet argent-là pour
vraiment le réinvestir dans le domaine de la culture en général au Québec,
c'est sûr que, là, on fait une affaire d'or si c'est ça qu'on fait. J'ai
toujours une petite méfiance, là. Mais, si, admettons, c'est vraiment ça qu'on
fait, qu'on prend le produit des taxes et qu'on l'applique dans notre... pour
élaborer et mettre en valeur la culture québécoise par le biais de ces médias,
par exemple, ou de ces entreprises culturelles en général, c'est une très bonne
idée.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Alors, on va poursuivre avec 2 min 30 s, avec notre
collègue de Rimouski.
M. LeBel : O.K. Bien, merci,
M. le Président. Bonjour. Dans une de vos propositions, mais la proposition n° 5, là, vous dites : «Que le gouvernement devrait
préparer, avec les acteurs du monde des médias, une politique globale.» Vous
savez, au fédéral, ils ont le pouvoir sur les droits d'auteur, sur la
radiodiffusion, télécoms, l'impôt sur le revenu, conditions de licence, CRTC.
Comment vous pensez qu'on peut se donner une politique globale sans ces
patentes-là avec nous autres?
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui, vous avez raison, puis je pense, et je pense, et tout à fait, et je pense
que les représentants du fédéral devraient être là à la table aussi. Ça devrait
être des acteurs impliqués dans cette démarche-là. Évidemment, là, on est à
l'Assemblée nationale, là, donc... mais il reste qu'effectivement il devrait y
avoir des acteurs au fédéral. Je pense que le CRTC, de toute façon...
M. Chamberland (Sylvain) :
...tout à fait, et je pense que les représentants du fédéral devraient être là
à la table aussi, ça devrait être des acteurs impliqués dans cette démarche-là.
Évidemment, là on est à l'Assemblée nationale, là, donc... mais il reste qu'effectivement
il devrait avoir des acteurs au fédéral. Je pense que le CRTC, de toute façon,
a quand même un pouvoir immense, et je parle juste de la radio, il y a toutes
sortes de mécanismes qui pourraient exister pour faciliter la vie des radios.
Comme Michel disait tantôt, ça fait six ans que les revenus sont en baisse,
donc c'est important, et évidemment ils ont les guidons dans les mains, donc
c'est clair qu'il devrait avoir des représentants. Mais, cela dit, ça n'empêche
pas le Québec de, minimalement, en tout cas, s'assurer qu'il fait ce qu'il peut
pour comprendre son univers médiatique.
M. LeBel : Mais ça fait longtemps
qu'on fait ce qu'on peut, mais je pense qu'il faut faire plus que ce qu'on
peut, il faut arriver avec quelque chose de solide. Et je pense que, tant qu'on
n'a pas ces pouvoirs-là, on n'arrivera pas à une politique solide globale comme
vous voulez, c'est bien dommage. Puis amener le fédéral autour d'une table, et
je comprends aussi que vous voulez que le municipal soit là, ils ont une responsabilité
aussi, ça fait que ça fait pas mal de monde autour de la même table à essayer,
chacun avec son petit pouvoir, à essayer de régler.
Revenons-en au ministre, moi, je pense
qu'il faudrait rapatrier tous ces pouvoirs-là ici, au Québec.
M. Chamberland (Sylvain) : Je
suis un naïf, un naïf heureux.
M. LeBel : Ah non, non, il ne
faut pas être naïf, mais je pense qu'on serait capable de rapatrier ces
pouvoirs-là puis on pourrait se donner une vraie politique globale pour les
communications.
Le monde municipal, vous en avez parlé,
vous trouvez qu'il y a une responsabilité, j'aimerais ça en entendre parler un
peu plus, on a souvent parlé des avis, là, publics dans les journaux...
M. Chamberland (Sylvain) :
Oui, oui, c'est ça.
M. LeBel : ...mais c'est quoi,
selon vous, la responsabilité du monde municipal puis des régions dans l'avenir
des médias régionaux?
M. Chamberland (Sylvain) :
Mais comme je disais, il y a deux choses pour moi qui me frappent, en tout cas,
il y a un désinvestissement total des municipalités dans leurs régions ou dans
leurs municipalités, et ça... et, je dirais un peu, c'est l'effet Trump,
c'est-à-dire je passe directement par les médias sociaux pour adresser mes
messages, je contrôle mon message puis il n'y a pas besoin de journalistes qui
vont venir me dire ou suivre ce que je vais faire. Donc, ça, pour moi, ça
devient une tendance dangereuse parce que, de plus en plus, on voit des
municipalités qui non seulement gèrent leur site Web, gèrent leurs messages,
gèrent l'information, ça ressemble à un portail d'information, et finalement le
citoyen, là, lui, il se perd, puis c'est de l'information...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Chamberland (Sylvain) :
...puis, oui, je comprends, mais ce n'est pas de l'information, ce n'est pas un
média d'information, et ça, moi, je pense que les municipalités devraient un
peu être encadrées dans une certaine...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Chamberland (Sylvain) :
...dire : Écoute, il y a toujours bien une limite à ce que tu peux faire
ou mettre en ligne, et tout ça.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Pour un dernier bloc de deux minutes avec notre collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier
: Merci beaucoup
pour votre présentation. Vous avez dit que vous compreniez que le gouvernement
puisse investir jusqu'à à peu près 5 % de ses revenus publicitaires sur
les GAFA parce que c'est important de rejoindre les jeunes. Bien, les jeunes,
on s'entend, vont finir par vieillir, il va avoir d'autres jeunes aussi qui
vont arriver au Québec. Ce qui m'amène à dire, puis je vais être franche avec
vous, je me demande si ce n'est pas un peu illusoire de croire qu'on peut
revenir en arrière en ce qui a trait à l'investissement en publicité, par
exemple, sur les GAFA de ce monde. Même avec une régie publicitaire québécoise,
est-ce qu'on peut vraiment compétitionner contre des outils qui, on ne va pas
se le cacher, où sont investis des centaines de millions, voire des milliards
de dollars à chaque année pour augmenter la technologie? Non, je pense qu'il faut
avoir cette préoccupation-là, si on veut réussir à trouver des solutions qui ne
vont pas seulement être bonnes pour les cinq prochaines années, mais qui vont
pouvoir assurer une pérennité à l'industrie médiatique québécoise à long terme.
Alors, ce qui m'amène à ma question, j'ai
vu, dans votre mémoire, donc vous vous êtes positionnés, disons, à l'encontre
d'une aide gouvernementale ou, du moins, à long terme, mais pourquoi, si cette
aide gouvernementale, par exemple si cette aide était récurrente, si elle était
équitable envers tous, pourquoi est-ce que vous vous y opposez?
M. Chamberland (Sylvain) :
Ah, si elle était équitable pour tous, il n'y a pas de problème, ce que je dis
bien dans le mémoire, c'est, je ne suis pas pour les aides de façon
catastrophée, je ne suis pas pour l'aide à la pièce...
Mme Fournier
:
...récurrent.
M. Chamberland (Sylvain) :
...oui, bien, en fait, si c'était récurrent, mais surtout équitable, moi, là-dessus,
j'en suis et, moi, je pense qu'il y a des façons effectivement peut-être
d'aider les médias, et tout ça, mais, moi, je pense qu'on doit le faire de la
bonne façon. On doit le faire de la bonne façon, on doit réfléchir vraiment au
mécanisme fiscal qui va venir, ça ne doit pas être juste une compensation pour
dire : Ah! je donne un crédit d'impôt sur tous les emplois, na, na, na,
tout ça, O.K. Mais, moi, je pense qu'il faut vraiment y réfléchir comment on
veut faire ça et comment on veut vraiment relancer l'industrie si c'est ça, le
but, et ça devrait être ça, le but.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, ceci termine nos échanges. Merci aux représentants d'Arsenal
Média. Et afin de permettre aux représentantes de Télé-Québec de prendre place,
je suspends nos travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 30)
15 h 30 (version non révisée)
(Suspension de la séance à 15 h 30)
(Reprise à 15 h 32)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux et accueillons
maintenant les représentantes Télé-Québec. Bienvenue à votre Assemblée
nationale.
Vous disposez d'une période de
10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez l'occasion
d'échanger avec les collègues députés. Je vous demanderais, pour les fins
d'enregistrement, de bien préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus tarder,
la parole est à vous.
Mme Collin (Marie) :
Merci. Alors, mon nom est Marie Collin, je suis directrice...
présidente-directrice générale de Télé-Québec.
Mme Tardif (Nicole) :
Bonjour. Mon nom est Nicole Tardif, je suis directrice générale des
communications de Télé-Québec.
Mme Collin (Marie) : M.
le Président, Mmes et MM. membres de la commission et les députés, je remercie
les membres de m'avoir invitée pour présenter les observations de Télé-Québec
sur l'avenir des médias d'information et pour témoigner de 50 ans
d'expérience du seul diffuseur public du Québec dans l'univers des médias traditionnels
et numériques.
Laissez-moi d'abord vous présenter
brièvement ce qui caractérise Télé-Québec d'aujourd'hui. Depuis 1968,
Télé-Québec est une entreprise de diffusion publique unique au sein du paysage
médiatique québécois. La particularité de Télé-Québec provient de sa loi
constitutive qui fait d'elle un service de diffusion essentiellement éducative
et culturelle et qui doit assurer par tout mode de diffusion — je dis
bien tout mode de diffusion — l'accessibilité de ses produits au
public. Et plus de sa mission éducative, Télé-Québec a également reçu du
gouvernement québécois une mission de promotion des contenus culturels d'ici,
des réalités régionales et de la diversité du Québec. Bien que son mandat soit
régi par la législation québécoise, Télé-Québec doit opérer avec une licence de
radiodiffusion de station de télévision éducative de langue française émise par
le CRTC. Le diffuseur public joue un rôle de premier plan dans le paysage
médiatique national en permettant à toutes les Québécoises et à tous les
Québécois, et particulièrement aux enfants, de découvrir des contenus innovants
de qualité en langue française et sur toutes les plateformes disponibles.
En donnant l'accès à des contenus
audiovisuels qui reflètent nos valeurs, qui véhiculent notre langue...
Télé-Québec, pardon, a eu des impacts importants sur plusieurs générations
d'enfants en agissant comme moteur de leur identification culturelle et dans la
stimulation de leur apprentissage. De plus, La Fabrique culturelle est
la première et la seule plateforme Internet entièrement consacrée à la culture
vivante du Québec, toutes disciplines et toutes régions confondues.
Alors que la majorité des médias sont la
propriété de groupes privés à but lucratif, notre rôle consiste à innover,
prendre des risques avec de nouveaux talents, être le reflet de notre diversité
culturelle et contribuer à la diversité des voix. Ainsi, le rôle du
diffuseur...
Mme Collin (Marie) : ...toutes
régions confondues. Alors que la majorité des médias sont la propriété de
groupes privés à but lucratif, notre rôle consiste à innover, prendre des
risques avec de nouveaux talents, être le reflet de notre diversité culturelle
et contribuer à la diversité des voix. Ainsi, le rôle du diffuseur public québécois
est plus que jamais essentiel dans un univers où l'on assiste à une
standardisation de l'offre.
Avec plus de 3,9 millions de
téléspectateurs en moyenne chaque semaine, Télé-Québec rejoint plus de la
moitié des francophones du Québec et les deux tiers des jeunes de deux à 11 ans
grâce à sa programmation composée à 40 % d'émissions jeunesse. Largement
présente sur Internet, Télé-Québec a enregistré, l'année dernière, un total de
28,7 millions de visites sur ses différents sites et 13,5 millions de
branchements vidéo.
De son côté, La Fabrique culturelle
a enregistré, l'an dernier, près d'un million de visites pour plus de deux
millions de visionnements provenant de toutes les régions du Québec. En cinq
ans, ce sont plus de 5 500 artistes qui ont bénéficié de cette tribune
unique.
Sur le plan financier, les ressources de Télé-Québec
sont mixtes. Les subventions de fonctionnement attribuées par le gouvernement
du Québec représentent environ 77 % de nos revenus. Le solde provient de
nos revenus autonomes, pratiquement et essentiellement ceux qui découlent de la
publicité. À l'instar de l'ensemble du marché publicitaire, Télé-Québec voit
ses revenus baisser à mesure que l'écoute se déplace vers les plateformes en
ligne. Il est important de rappeler que l'année dernière, pour la première fois
au Canada, les dépenses publicitaires sur les plateformes numériques ont
dépassé celles sur les médias traditionnels. Mais les grands gagnants de cette
évolution, vous en avez entendu parler depuis le début de la semaine :
Google, Facebook, qui s'accaparent près des trois quarts des dépenses
publicitaires sur les plateformes numériques, une proportion plus importante au
Canada qu'aux États-Unis et qu'au Royaume-Uni. Au Québec comme ailleurs dans le
monde, les services de diffusion en ligne peinent à récolter autant de revenus
que la télévision dite traditionnelle. Selon le CRTC, les revenus des
plateformes numériques liées aux services privés de télévision ne
représenteraient, en 2017, qu'à peine 5 % de leurs revenus totaux. Télé-Québec
s'inscrit dans la même tendance.
Le coeur du problème auquel fait face
l'ensemble des médias de la planète est principalement une crise des ventes
publicitaires qui rend les modèles d'affaires obsolètes. Or, l'information a un
coût qui doit être partagé par l'ensemble de la société. C'est pourquoi des
pays comme la France, la Nouvelle-Zélande, mais aussi le Royaume-Uni et
l'Espagne ont pris des mesures législatives structurantes pour imposer les
géants du Web sur leurs revenus générés sur leurs territoires, mais aussi
obliger les grandes plateformes numériques à rémunérer les éditeurs de presse
pour l'utilisation de leurs contenus.
Télé-Québec est en effet... pardon, j'essaie
de parler trop vite, je veux rentrer dans le 10 minutes. Je ralentis. Télé-Québec
est en effet persuadée que, pour permettre au citoyen de jouer librement son
rôle dans la société, par exemple, voter avec clairvoyance, les médias doivent
fournir une information de qualité que seules des salles de nouvelles
adéquatement financées sont capables de fournir. C'est pourquoi de nombreuses
entreprises médiatiques se sont regroupées, entraînant une concentration de
plus en plus importante des médias au Québec.
Dans ce contexte, Télé-Québec a choisi sa
niche. Nous voulons offrir à nos auditoires des contenus qui permettent de
prendre du recul, d'analyser, de comprendre et de mettre en perspective la
masse toujours plus grande d'information qui nous submerge. Si Télé-Québec
n'offre pas de bulletin d'information, elle diffuse des émissions d'information
d'intérêt général pour nous faire réfléchir : Les francs-tireurs, Dans
les médias, Zone franche, mais aussi des documentaires et des séries de
baladodiffusion qui traitent de sujets d'actualité qui portent sur les grands
enjeux de la société.
Dans un monde où la diversité des voix est
menacée par la concentration médiatique, notamment en région, Télé-Québec est
une garantie d'indépendance éditoriale précieuse pour notre démocratie. En
contrepartie, tout en n'étant pas un média intégré verticalement sur le plan de
la propriété, Télé-Québec est certainement un des médias ayant le plus grand
nombre de partenaires d'affaires avec les autres médias québécois.
Suite au dépôt du rapport de Mme Payette
en 2010, Télé-Québec avait reçu le mandat de la ministre de la Culture et des
Communications de l'époque, Mme St-Pierre, le mandat d'étudier la faisabilité
d'une plateforme d'information interrégionale qui réunirait les médias communautaires,
coopératifs et indépendants du Québec. Cette étude de faisabilité, déposée en
2012, a révélé que les défis étaient importants. Par exemple, la mise à jour
permanente de la plateforme, la mobilisation de l'ensemble des partenaires, la
qualité professionnelle des contenus ainsi que le financement pérenne d'un tel
projet avaient été identifiés. Huit ans plus tard, il est fort probable que ces
défis seraient encore plus grands dans le contexte actuel.
• (15 h 40) •
En l'absence d'un financement pour ce
projet d'information en 2013, Télé-Québec s'est lancée dans l'élaboration d'une
plateforme culturelle panquébécoise. Est ainsi née La Fabrique culturelle
en 2014. Avec La Fabrique culturelle...
Mme Collin (Marie) : ...ans
plus tard, il est fort probable que ces défis seraient encore plus grands dans
le contexte actuel.
En l'absence d'un financement pour ce
projet d'information en 2013, Télé-Québec s'est lancée dans l'élaboration d'une
plateforme culturelle panquébécoise. Est ainsi née La Fabrique culturelle
en 2014. Avec La Fabrique culturelle, Télé-Québec remplit non seulement
son mandat, mais elle s'impose comme actrice de la mutation des médias vers le
numérique.
Les 10 bureaux régionaux de Télé-Québec
travaillent conjointement avec 140 partenaires du milieu culturel et des
milieux de la communauté pour permettre la diffusion de contenu culturel de
toutes les régions. Elle rayonne à l'intérieur comme à l'extérieur des
frontières du Québec.
Par exemple, au Sommet de la Francophonie,
à Erevan, nous avions une expérience 360 qui a été diffusée. Sans le
partenariat, par exemple du ministère des Relations internationales, ceci
aurait été impossible. Bénéficiant d'un budget de 4,6 millions par année à
même les budgets de Télé-Québec, La Fabrique culturelle est accessible
gratuitement et sans publicité, comme dans la plupart des cas des autres sites
culturels en ligne.
Télé-Québec pense que des mesures
structurantes, des mesures structurantes économiques, fiscales et
réglementaires doivent être mises en place rapidement. Télé-Québec se sent également
très concernée par l'éducation et la protection des citoyens, et
particulièrement les plus jeunes, et croit qu'ils doivent développer des
compétences en littératie médiatique et en citoyenneté numérique pour devenir
des citoyens éclairés.
Télé-Québec croit que les industries
culturelles nationales, les médias d'information et les organisations
institutionnelles doivent se mobiliser pour assurer l'accès à une programmation
nationale de qualité en langue française dans un univers où la découvrabilité
d'un contenu est ultimement liée à sa capacité à attirer et à retenir
l'attention d'un public extrêmement sollicité.
Mais l'enjeu du numérique réside également
dans la maîtrise et l'exploitation des données des utilisateurs afin d'offrir
aux annonceurs, à l'instar de Google et Facebook, la possibilité de mieux
cibler les publicités. Dans plusieurs pays, des entreprises médiatiques se
regroupent, adoptent des environnements fermés, nécessitant une identification
permettant de constituer et de partager une large base de données sur les
usagers, et ainsi les utiliser pour offrir des publicités et des services
personnalisés.
Télé-Québec estime que, dans la diversité
des voix dans les médias d'information, la présence des différentes régions
dans les nouvelles et l'accessibilité de tous à une information d'intérêt
général en français, fiable et factuelle, ne pourrait être assurée que par des
partenariats entre les entreprises, les syndicats, les organismes
gouvernementaux et les acteurs locaux.
Télé-Québec pourrait considérer divers
partenariats avec des médias d'information régionaux et locaux, que ce soit
pour offrir des fenêtres de visibilité sur ses plateformes numériques, pour
créer ou présenter des contenus d'information originaux, pour partager son
expertise en production audiovisuelle ou pour faire profiter de son
implantation régionale.
Enfin, compte tenu de son expertise auprès
de la jeunesse québécoise, Télé-Québec pourrait contribuer à la formation des
futurs citoyens à la littératie numérique en procurant aux enseignants du Québec
les outils nécessaires pour les accompagner.
M. le Président, Mmes et MM. les députés,
je vais répondre à vos questions avec plaisir.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, merci pour cette présentation qui a excédé quelque peu
de 10 minutes, mais le temps a été pris sur le temps du gouvernement. Donc, à
leur demande, nous avons permis que vous puissiez conclure.
Alors, sans plus tarder, pour quatre
minutes... 14 min 30 s, je cède la parole au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Merci, M. le Président. Mme Collin, Mme Tardif, c'est un plaisir de vous
retrouver aujourd'hui en commission parlementaire pour parler de télé mais
parler de notre télévision québécoise tout particulièrement.
Tout d'abord, merci pour le travail que
vous faites à chaque jour. On sait que l'univers télévisuel est extrêmement
compétitif. Ça prend de l'imagination. Il faut être créatif. Et moi, quand je
regarde, depuis que j'étais jeune, quand j'écoutais Télé-Québec, à aujourd'hui,
l'évolution incroyable de cette télévision-là, vous avez eu des directions très
fortes. Vous avez des directions à la programmation qui étaient également très
fortes, qui ont permis d'ajouter des émissions d'affaires publiques fort
intéressantes aussi, qui nous questionnent, qui nous amènent certainement à
voir l'actualité sous d'autres sens, et je pense que vous remplissez très bien
votre mandat.
D'ailleurs, le dernier budget du
gouvernement du Québec confirmait de nouvelles sommes financières pour la
production. Un excellent travail qui a été accompli par la ministre de la
Culture. Alors, j'en suis très fier et je suis convaincu que ça va pouvoir
permettre à Télé-Québec de se propulser encore plus loin.
Maintenant, vous avez déjà fait des études
en 2012 concernant l'information régionale. C'est évident que les états de fait
de 2012, j'imagine, versus en 2019 doivent être très différents dans l'univers
dans lequel on vit. J'aimerais... Vous en faites quelques faits saillants à
l'intérieur de votre rapport, mais quels seraient les principaux défis que vous
avez remarqués, dans votre étude de faisabilité en 2012 mais pour la suite des
choses également, qui feraient que ça deviendrait peut-être difficile ou, du
moins, plus complexe d'avoir ces antennes régionales d'information peut-être
très précises? Vous parliez, entre autres, là, de 13 rédacteurs en chef
régionaux, 23 personnes. Donc, je veux peut-être vous entendre sur les
principaux défis à ce niveau-là.
Mme Collin (Marie) :
...d'abord...
M. Poulin (Beauce-Sud) :
...mais pour la suite des choses également, qui ferait que ça deviendrait peut-être
difficile ou du moins plus complexe d'avoir ces antennes régionales d'information
peut-être très précises. Vous parliez, entre autres, là, de 13 rédacteurs en
chef régionaux, 23 personnes. Donc, je veux peut-être vous entendre sur
les principaux défis à ce niveau-là.
Mme Collin (Marie) : Bien, d'abord,
vous avez bien dit, hein? C'est une étude qui date de 2012. Et vous voyez à
quel point la situation évolue très, très rapidement. Je pense qu'avant de
développer ou de penser redévelopper un projet de ce type-là, il faudrait aller
prendre le pouls. Il faut d'abord comprendre que le projet de 2012, là, même si
je n'y étais pas, j'ai pris beaucoup d'information, était un projet
d'agrégateur. Télé-Québec avait un statut d'agrégateur et travaillait avec des
médias communautaires et coopératifs pour développer une plateforme et faisait
de l'encadrement, et, je dirais, jusqu'à de la formation. C'était le projet
initial.
Au moment où je vous parle, c'est
difficile de vous dire si on pourrait reprendre ce projet-là tel quel, parce
qu'avant de décider de faire ça il faudrait aller voir l'état de la situation
des médias communautaires sur le terrain, clairement. Deuxièmement, une
plateforme en 2012 puis une plateforme aujourd'hui, technologiquement,
clairement, il y aurait, je dirais, des avancées technologiques qui nous
obligeraient à des dépenses beaucoup plus importantes qui étaient prévues au
départ, clairement.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Je
vais laisser la parole à mes autres collègues. Mais peut-être en terminant, Mme
Collin, vous dire qu'un des plus grands défis que nous aurons dans les
prochaines années, et, j'en suis convaincu, vous en êtes extrêmement
sensibilisée, c'est l'offre culturelle au Québec et son accessibilité.
Lorsqu'on tape sur Internet, on va parler
des géants quelques minutes, quelques secondes, lorsqu'on tente de trouver des
émissions québécoises, c'est extrêmement difficile. Lorsqu'on tente d'avoir
accès à des archives de nos émissions québécoises, c'est très difficile. Alors,
il y aura un devoir, je pense, de fédérer, pour une des rares fois de
l'histoire du Québec, différentes télévisions ensemble et de dire de quelle
façon, quand on est le seul îlot francophone en Amérique du Nord, de quelle
façon on peut mieux se positionner.
Peut-être qu'on aurait dû faire ça il y a
longtemps. Mais moi, je crois qu'il n'est jamais trop tard quand on parle de
l'avenir de la langue française puis l'accès à la culture québécoise. Je suis
adjoint parlementaire au premier ministre du Québec, responsable du Secrétariat
à la jeunesse. On va se parler bientôt. Je prépare un plan assez intéressant
pour la jeunesse québécoise.
J'ai ajouté un volet culturel parce que je
souhaitais que nos jeunes puissent avoir accès plus facilement à cette culture
québécoise là, que ce soient les métiers, dans la production, dans la
diffusion, dans la réalisation, qui sont méconnus chez nos jeunes; que ce soit
la culture québécoise comme telle qui doit entrer davantage dans le cursus
scolaire; et, à la base, la consommation culturelle. Devant YouTube, devant
Netflix, on a un devoir, comme parlementaires, ici, de mieux positionner la
culture québécoise. Et moi, je vois Télé-Québec comme un très grand partenaire.
Mme Collin (Marie) : Si vous
me permettez de commenter votre commentaire, vous êtes dans un de mes dadas. Je
suis extrêmement préoccupée de la curation des produits. Si on laisse la
curation des contenus à Netflix, Google, Amazon et Disney à compter du
12 novembre prochain sur notre territoire, c'est ce que nos jeunes vont
consommer. Et ce sera leur référent culturel et identitaire. Donc, je pense que
nous avons tous, globalement, une responsabilité sociale à s'assurer qu'au-delà
de produire des contenus dans lesquels nos jeunes reflètent les valeurs de
notre société, la diversité de notre société, il faut aussi qu'ils puissent les
trouver. Ils doivent les découvrir. Et c'est un enjeu majeur auquel on fait
tous face.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Je
vous confirme qu'on sera des partenaires à ce niveau-là. Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au collègue de Richelieu.
M. Émond : Merci, M. le
Président. Mme Collin, Mme Tardif, heureux de vous revoir. Mme Collin, nous
nous sommes rencontrés dans un autre événement. Vous étiez plus à titre de
présidente du conseil d'administration de Savoir Média, lors d'une belle
annonce du ministère de l'Éducation pour l'ajout de sommes. Puis il y a quand
même un parallèle à faire, puisque vous avez produit, à Savoir Média, un
virage. Vous avez entrepris un virage avec une production de capsules
numériques qui sont délicieuses, vraiment très bien.
Mon collègue de Beauce-Sud parlait de
jeunesse et des jeunes, et mon propos va se diriger vers là. Vous avez
mentionné dans votre mémoire que vous avez un rôle pédagogique, envers les
jeunes, à jouer, entre autres en ce qui a trait à la littératie numérique, mais
aussi à les aider à devenir de meilleurs citoyens. Et puis j'aimerais vous
entendre davantage. À titre d'adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation,
ça m'interpelle. Quelles formes d'outils pédagogiques vous proposez-vous de
fournir aux enseignants dans votre proposition?
• (15 h 50) •
Mme Collin (Marie) : Alors,
Télé-Québec offre déjà des trousses pédagogiques aux enseignants en littératie
du primaire, en mathématiques et en sciences. Alors, on a déjà une relation.
C'est des outils qui permettent aux enseignants en classe d'avoir du contenu
interactif et qui leur permettent d'interagir avec les jeunes et leurs enfants.
Je pense que Télé-Québec est très bien placée, un, parce qu'on maîtrise très
bien les enfants...
Mme Collin (Marie) : ...du
primaire en mathématiques et en sciences. Alors, on a déjà une relation, c'est
des outils qui permettent aux enseignants en classe d'avoir du contenu
interactif et qui leur permet d'interagir avec les jeunes et leurs enfants. Je
pense que Télé-Québec est très bien placé, un, parce qu'on maîtrise très bien
les enfants, leur développement, leurs repations par rapport aux médias. On
serait en bonne position pour développer des outils qui permettraient à nos
enseignants d'aider nos jeunes à être des citoyens qui sont capables, par
exemple, de faire la différence entre une nouvelle qui a une source
professionnelle et une qui n'en a pas, par exemple; entre une chronique et un
retour factuel d'un journaliste. Donc, je pense qu'on se doit d'offrir cette
information-là.
Je ne vous cacherai pas que j'ai des
collègues qui enseignent à l'université, à l'École des médias, et qui me disent
que leurs propres élèves — on parle de l'université — ne
font pas la différence et là, on est à l'École des médias. Donc, si on n'intervient
pas très rapidement, probablement au secondaire et au collégial, on va être en
rattrapage. C'est très important, à mon avis, que les jeunes qui consomment
énormément les médias sociaux soient capables de comprendre et d'aller trouver
la traçabilité, hein, qu'on soit capables de dire : Cette information-là,
excusez-moi l'expression anglaise, c'est une «fake news» et celle-là, elle
provient d'un média fiable, qui est allé chercher l'information d'une façon
factuelle. Mais aussi, c'est d'être capable d'être un citoyen qui, au niveau du
numérique, a un comportement de citoyen dans la façon dont il interagit aussi
sur le numérique.
Donc, je pense que Télé-Québec a, à la
fois, les relations avec le ministère de l'Éducation, une bonne connaissance
des jeunes pour être capable de développer ce type d'outils là pour nos
enseignants.
M. Émond : Merci beaucoup.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la prole à notre collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci. Merci beaucoup, medames.
Je suis certain que mon collègue de
Saint-Jean aura peut-être d'autres questions sur les aspects de solutions que
vous apportez, qui sont intéressants. Par ailleurs, en toute... comment dire,
en toute humilité, moi qui connais peu le monde médiatique, je cherche à bien
comprendre ce que vous proposez, quand vous parlez de l'intérêt de Télé-Québec
d'établir des partenariats, notamment pour offrir, par exemple, une fenêtre de
visibilité à certains contenus. C'est sûr que toute la difficulté, puis je
teste un peu, là, votre opinion, la difficulté des médias à l'heure actuelle
n'est pas tant la visibilité, parce qu'ils en ont beaucoup puis même que les
plateformes Web génèrent une visibilité en partage de contenu, mais pas en
termes de revenus toutefois et c'est là, où je me demandais : les
partenariats que vous en tête, vous qui avez une certaine
expérience — vous mentionniez que vous en avez déjà beaucoup, des
partenariats avec des plateformes mpédiatiques québécoises et
régionales — quelle forme ça pourrait prendre qui serait, finalement,
intéressante pour nos médias locaux, régionaux?
Mme Collin (Marie) : Bien,
d'abord, je pense que Télé-Québec ne peut pas être un concurrent à ce que font déjà
les médias régionaux, qui, vous l'avez vu depuis une semaine, ont beaucoup de difficultés
financièrement. Tantôt, l'intervenant précédent, M.Chamberland, a parlé
d'émissions d'actualités pour Télé-Québec. Je vais vous donner un exemple. En
ce moment, on a un partenariat avec Capitales Médias et La Fabrique
culturelle. Les gens de Capitales Médias reprennent, selon les marchés, des
contenus de La Fabrique culturelle, qu'ils mettent sur leur plateforme.
On leur cède ces contenus-là, La Fabrique culturelle n'étant pas un
eneju de monétisation, pas plus qu'il n'y a pas de revenus publicitaires sur ce
site-là.On pourrait très bien penser que, pour donner beaucoup plus de place en
région, on developpe, par exemple, avec trois de nos bureaux, la Gaspésie, le
Saguenay, l'Abitibi, un topo ou un contenu qui se rapproche des affaires
publiques pour parler, par exemple, de la situation des travaillerus
forestiers. Nous, on a des équipes de diffusion, on pourrait ajouter des
équipes à la diffusion — on est déjà présents sur ces territoires-là — on
pourrait les combiner avec des équipes de journalistes de ces médias-là et
créer des contenus qui parlent des régions aux régions.
Je pense qu'il ne faut surtout pas s'en
aller vers une proposition où on va recréer tout en double. À mon avis, ce
serait une erreur. Il y a déjà un enjeu de rentabilité, de revenus
publicitaires.
On vous aussi parlé de régie publicitaire
commune, de... bon. Je pense que, dans l'enjeu... L'enjeu principal avec
Google, et Netflix, et la GAFA, c'est qu'ils possèdent une somme éton nante de
données et d'aillleurs, j'entends souvent dire : C'est gratuit.
L'utilisateur pense que c'est gratuit, mais, en fait, il donne ses données, qui
servent à ces gens-là à lui pousser de la publicitaire très ciblée. Donc, on
dit : Il n'y a rien de gratuit dans la vie, ce n'est pas gratuit et cette
maîtrise-là des donneés et cette masse-là, si on veut, dans le territoire du
Québec, pouvoir lui donner un sens par rapport au volume que possède un
Facebook ou un Google, il va falloir trouver une façon de se rasasembler et
Télé-Québec pourrait être parmi ces joueurs-là, sous forme d'une régie publique
Mme Collin (Marie) :
...si on veut, dans le territoire du Québec, pouvoir lui donner un sens par
rapport au volume que possèdent un Facebook ou un Google, il va falloir trouver
une façon de se rassembler, et Télé-Québec pourrait être parmi ces joueurs-là
sous forme d'une régie publicitaire. Faire des revenus... nous-mêmes, on
assiste à une baisse de revenus. Tantôt, j'entendais les gens de la radio dire
que depuis six ans ils assistaient à une basse des revenus publicitaires. C'est
la même chose en télévision. Nos revenus sont en décroissance constante.
Et ce que je vous annonce... Vous
n'aimerez pas entendre ça aujourd'hui. Aujourd'hui, vous êtes rassemblés parce
que vous parlez de la crise de l'information dans les médias. Mais, dans
quelques mois ou années, on va venir vous parler de la crise dans les médias
tout court, parce que ce n'est pas nécessairement plus facile de l'autre côté,
c'est moins criant, et j'en conviens, que la situation des médias
d'information, mais, en ce moment, les règles ne sont pas égales. Netflix est
dans notre territoire sans contribuer aux contenus. Disney s'en vient pour
parler à nos enfants. On va devoir trouver un système plus équitable où ces
joueurs-là vont devoir redonner au système, contribuer au système. Sinon, on va
avoir de la difficulté à faire vivre nos contenus audiovisuels et à les
découvrir.
M. Chassin :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : ...
Le Président (M. Tanguay) :
Deux minutes.
M. Lemieux :
Effectivement, on a déjà des mémoires qui nous parlent d'une crise des médias,
point.
Il faut que je revienne sur Télé-Québec
parce que c'est parti dans toutes les directions parce que tout le monde a des
intérêts là-dedans. Mais tout le monde se souvient aussi que pas une, mais deux
fois, ça a été essayé, là, de mémoire de... mon homme à moi, là, puis je ne
parle pas de 2012, je parle... quand on l'a vraiment essayé en onde à l'époque.
Et donc ça a laissé des traces et, aussitôt qu'il est question de quelque
chose, ça part dans toutes les directions.
N'empêche que votre projet de 2012, encore
M. Myles tout à l'heure nous disait : Oui, tout le monde disait que
c'était la FPJQ qui ne voulait mais ça, mais, dans le fond, ce n'était pas
juste la FPJQ, c'était l'industrie dans son ensemble. Mais c'était en 2012, on
est en 2019. L'idée de l'agrégation de ce qui se fait partout au régional puis
au local, dans la mesure où ces gens-là n'ont pas la... nécessairement la
puissance, la force de frappe en ligne, numérique, pour transporter leurs
affaires, vous autres, vous êtes équipés. Vous autres, vous pourriez faire ça.
Dans le fond, c'est ce que... Je ne veux
pas vous dire qu'il faut que vous le fassiez ou que je veux que vous le
fassiez. Ce que je veux dire, c'est : La conversation est partie dans
toutes les directions depuis 10 jours, on s'entend. On l'a entendu, tout le
monde a son opinion. Mais il n'y a pas personne qui parle encore de ce que vous
voudriez pouvoir faire, parce que vous ne voulez rien faire pour l'instant,
vous attendez qu'on vous le demande, si j'ai bien compris.
Mme Collin (Marie) : On
n'attend pas qu'on nous le demande. Ce que je vous dis, c'est qu'avec le mandat
que nous avons actuellement, au moment où on se parle, nous, on a décidé de
faire réfléchir, de prendre du recul avec les gens. C'est ce qu'on fait, c'est
ce qu'on propose, tant en modèle linéaire, à la télévision traditionnelle, que
numérique.
Ce que je vous dis, c'est que le projet de
2012 était... a été bâti à partir d'un état des faits, qui était le rapport
Payette. Est-ce qu'en 2019 c'est le même état de fait? Je ne suis pas certaine.
Il faudrait vraiment, quand même... je ne dis pas prendre des années, il
faudrait prendre le temps et le pouls de l'analyser.
Quand vous dites : Vous êtes en
mesure de transporter toute cette information-là, je vous rappellerai que LaPresse,
et les gens de LaPresse vont être là... ont mis
40 millions dans leur plateforme. Alors, je n'ai pas... En ce moment,
Télé-Québec n'a pas la plateforme qui permettrait de gérer tous les contenus de
tous les diffuseurs. Il y aurait des investissements à faire, des
investissements importants pour le faire. Je ne vous dis pas qu'on est fermés à
le faire. Mais moi, je souhaiterais profondément que...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
Mme Collin (Marie) :
...l'apport de Télé-Québec soit... Oui, je le sais, je vous coupe votre temps,
mais je veux juste terminer que l'apport de Télé-Québec soit pertinent et
complémentaire à ce qui se fait présentement.
M. Lemieux : Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, échange de bons procédés, vous aurez pu terminer sur le temps de
l'opposition officielle. Alors, pour les 9 min 10 s qui restent,
collègue de Verdun, la parole est à vous.
Mme Melançon : Non, mais
c'était important...
Le Président (M. Tanguay) :
Oui, oui, oui, tout à fait.
Mme Melançon : ...que
vous puissiez terminer parce qu'on avait...
Des voix
: ...
Mme Melançon : Non, mais
il faut donner le temps. Ici, tout est compté, tout est calculé.
Moi, je veux d'abord vous remercier d'être
présentes. Ce matin, j'ai posé la question parce que je pense qu'en effet c'est
parti dans toutes les directions. Et, pour moi, ce qui est important, c'est
qu'on puisse regarder actuellement là où on est, faire le portrait actuel, et
c'est ce qu'on est en train de faire. Pour la suite, bien entendu, on devra à
un moment donné lever la main s'il y a un besoin qui se fait sentir en ce
sens-là. Donc, c'est là où on doit être clair.
Mais, si jamais on devait aller dans ce
sens-là, est-ce que vous avez actuellement les ressources de ce qui était
demandé à l'époque à Mme Fortin? Les ressources... et là je ne parle pas
financières, on ne parlera pas d'argent tout de suite, mais en ressources
humaines.
• (16 heures) •
Mme Collin (Marie) :
Non. En ce moment, en région, essentiellement, toutes nos équipes régionales...
Nos équipes régionales, là, c'est trois ou cinq personnes par
bureau — et c'est plutôt trois que cinq — sont dédiées à La
Fabrique culturelle. Alors, c'est...
16 h (version non révisée)
Mme Melançon : ...les ressources,
et là, je ne parle pas financières, on ne parlera pas d'argent tout de suite,
mais en ressources humaines.
Mme Collin (Marie) :
Non. En ce moment, en région, essentiellement toutes nos équipes régionales...
Nos équipes régionales, là, c'est trois ou cinq personnes par bureau, et c'est
plutôt trois que cinq, sont dédiées à la fabrique culturelle. Alors, c'est...
Clairement, on n'a pas les ressources sur le terrain en ce moment pour le
faire.
Mme Melançon : On va
prendre quelques secondes, parce qu'on est quand même en onde, mais je veux
applaudir très fort cette fabrique culturelle qui a cinq ans. Je me rappelle,
j'étais là, là, au jour un, où ça a été lancé, où tout le monde disait :
C'est quoi, cette bébelle-là, là? Je me souviens très bien de ce jour-là. Et ça
fonctionne. Et il faut le dire et le répéter. À la maison, on a plusieurs
postes de télévision, là, qui sont disponibles. Et j'ai de jeunes enfants, et
je vous ai déjà dit, Mme Collin, à quel point, pour moi, c'est important,
la télé que vous faites actuellement. Elle est éducative, certes. Moi, je pense
à Martin Carli à chaque foi, qui donne le goût de la science à nos jeunes.
Gardez-le précieusement, cachez-le, attachez-le, parce qu'il ne faut pas
qu'il... Il faut qu'il reste vraiment avec nous.
Mais j'amène ce propos-là parce que, dans
tout ce qu'on a parlé, et hier on en a parlé encore, il y a 30 secondes
avant d'y croire, on a parlé de ça hier, où on veut faire de l'éducation
sur ce qui vrai ce qui n'est pas vrai. On cherche à parler aux jeunes, on
cherche aussi à parler aux moins jeunes. Et c'est le genre de mandat, je crois,
qui est directement dans votre cour, sur lequel on devrait miser énormément
parce que... Et ça n'enlève rien, là, à la réflexion. Puis je ne veux vraiment
pas... Je veux vraiment être en réflexion avec les autres membres de la
commission, mais j'entends très bien que de mettre un joueur supplémentaire sur
la glace dans l'état des choses actuellement, ça fait craindre, on l'a entendu
à deux reprises, là, au courant de la journée, ce qui n'enlève pas à
Télé-Québec qu'on devrait donner des mandats, en tout cas, ou des sommes
supplémentaires pour pouvoir développer dans la problématique qu'on vit
aujourd'hui, avec les médias. La «fake news», ce n'est pas... La «fake news»,
ce n'est pas de la «fake news», hein? C'est vrai. Ça existe. On le voit. Il
faut donner l'intérêt aux gens de dire : Qu'est-ce que je peux faire, là,
avant de... avant de croire exactement ce qu'on est en train de me servir, là?
Il y a même de grands et de grandes journalistes qui se sont fait avoir par des
«fake news» puis qui ont... Je vois les collègues de l'autre côté sourire, mais
c'est vrai. Et parfois, nous-mêmes, là, sur nos appareils, on va lire quelque
chose rapidement puis... Il faut se poser la question.
Alors, moi, en ce sens-là, j'espère que
Télé-Québec pourra être un de nos premiers acteurs, parce qu'il faut développer
absolument quelque chose, et pour les générations, les adultes que nous
bâtissons, qui sont en formation actuellement, mais aussi pour les gens. Puis
là, je ne veux pas aller dans l'âgisme, là, parce que, si je fais ça, ma mère
va m'en vouloir, mais pour les personnes, les baby-boomers, notamment, là, qui,
eux ont appris la tablette un peu plus tard, puis comment ça fonctionne. Il
faut absolument qu'on donne des outils. Et vous avez une porte d'entrée
directement avec les Québécois. J'espère que vous sentez tout l'amour parce que
je sentais tantôt... Les gens ont peur — puis je ne veux pas que ce
soit mal interprété — pour Télé-Québec, là. Au contraire, il y a
des... Au contraire, tout à fait, il y a une histoire d'amour entre Télé-Québec
et les Québécois. Il faut continuer à avoir le tout.
On parlait de... Et là, c'est le collègue
de Beauce-Sud qui en parlait tout à l'heure, c'est difficile de retrouver
certaines émissions du passé qui sont toujours d'actualité, je tiens à le dire,
là, et de voir... Bien entendu, il y a... En cinéma, il y a des gens qui ont
décidé d'investir pour pouvoir faire revivre certains... certains films. Je
pense qu'en télévision on va aussi avoir un devoir de mémoire. Et, là aussi, je
pense que Télé-Québec pourrait être vraiment un... la bonne personne. Et là,
quand je parle de personne, je parle de votre chapeau extraordinaire que vous
avez. Alors, pour moi, ça, ça fait pas mal le tour.
Dans des émissions d'affaires publiques,
parce que, là, vous en avez, vous faisiez... vous faisiez une nomenclature tout
à l'heure, il y a encore de la place. Je sais que ça coûte cher. Puis tantôt je
l'ai fait dire, là, justement, à M. Chamberland qui était là avant vous.
Est-ce que vous avez assez de budgets actuellement pour faire plus d'émissions
d'affaires publiques qui sont coûteuses?
Mme Collin (Marie) :
Pour faire des émissions d'affaires publiques, ça prend des journalistes, ça
prend des recherchistes derrière. Si on...
Mme Melançon : ...il y a encore
de la place. Je sais que ça coûte cher puis tantôt je l'ai fait dire, là,
justement à M. Chamberland, qui était là avant vous. Est-ce que vous avez assez
de budget actuellement pour faire plus d'émissions d'affaires publiques qui
sont coûteuses?
Mme Collin (Marie) : Pour
faire des émissions d'affaires publiques, ça prend des journalistes, ça prend
des recherchistes derrière. Si on voulait ajouter des... Je vais vous donner un
exemple. TVO, en Ontario, a une émission d'affaires publiques quotidienne. On
va parler de 7,5 millions pour 39 semaines par année. Donc, à ce moment-ci,
évidemment, on n'a pas les sommes, le budget, pour avoir une émission
d'affaires publiques quotidienne, surtout une émission d'affaires publiques qui
serait le reflet des régions, qui veut dire d'avoir des gens sur le terrain en
région pour nous parler de ce qui se passe dans leurs régions. Donc, en ce
moment, ce serait effectivement difficile.
Je ne veux pas couper votre temps, Mme
Melançon. Je pense qu'il faut que je l'appelle Mme la députée de Verdun. Je ne
veux pas couper votre temps, mais j'aimerais... parce que c'est passé sous
silence cette semaine. Il y a une grosse transaction qui risque d'arriver dans
les prochains mois. Bell Média a demandé de faire l'acquisition du réseau V.
Vous savez que depuis plusieurs années, le niveau d'information locale et
régionale produit par V est vraiment en deçà des licences des conventionnels, parce
qu'ils étaient en faillite technique au moment où la famille Rémillard les a
achetés. Je pense que Bell Média, qui a une grande expertise à travers le Canada
avec CTV, qui a une expertise avec des stations de radio à travers le Québec,
pourrait apporter, dans l'acquisition, une diversité des voix locales et
régionales. Et moi, qui a été à V, je peux vous dire qu'il y avait une vraie
tradition d'information régionale et locale qui avait beaucoup de succès. Et
donc il ne faut pas oublier que c'est une avenue qui est... qui s'offre à nous
dans les prochains mois. Évidemment, c'est la responsabilité du CRTC, mais on
parle ici de la diversité de l'information, et les gens s'informent encore beaucoup
à la télé pour l'information.
Mme Melançon : Je ne regarde
pas dans sa direction, mais j'imagine que M. Rodrigue doit avoir un immense
sourire actuellement dans le fond de la salle, parce que oui, c'est important
qu'on puisse avoir plus d'information, d'avoir un joueur supplémentaire, là, qui
va voir à nourrir. Et d'ailleurs, de mémoire, le ministre de l'Économie
abondait dans le même sens en disant : Bien, il faut que ce soit gagnant, dans
le fond, pour les Québécois, les Québécoises, d'avoir une source d'information supplémentaire
avec des salles de presse qui sont capables de générer de l'information de
partout. Alors, j'abondais dans le même sens. C'est très bien que vous ayez
pris ce temps.
Je veux vous remercier, mesdames, de vous
être déplacées aujourd'hui et je veux encore une fois témoigner de tout l'amour
que j'ai pour Télé-Québec. Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Maintenant, pour un bloc de 2 min 30 s, je cède
la parole à la collègue de Taschereau.
Mme Dorion : Merci. Ça
m'intéresse beaucoup quand vous parlez de la crise des médias à venir aussi,
parce que, c'est vrai, c'est plus large, puis on le voit... moi, je le vois
aussi, même à Québec, dans toutes sortes de milieux artistiques qui déjà ont
souffert... en musique, par exemple, et le milieu cinématographique qui bientôt
va se retrouver peut-être avec presque plus de téléspectateurs, si tout le
monde se retrouve sur Netflix et qu'il n'y a pas de contenu.
C'est un autre des effets du tsunami, du
rouleau compresseur des GAFA. Et j'ai l'impression que, pour être capable de
faire survivre une culture et de l'information québécoise forte, on n'aura pas
le choix de la financer, on n'aura pas le choix de vraiment avoir un
«commitment», pardonnez-moi le mot anglais. Et je me demande si ce ne serait
pas une idée intelligente que de dire : Bien, pour faire ça, on est les
mieux placés pour savoir comment faire ça, et il faut à tout prix qu'on
rapatrie ou qu'on exige d'Ottawa tout ce qui a rapport à la réglementation sur
Internet, par exemple, et même aux câblodistributeurs et à tout ce qui concerne
la culture et l'information. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
Mme Collin (Marie) : Alors, écoutez,
Télé-Québec a déposé deux mémoires, pas un, dans le cadre de la révision de
l'examen du cadre législatif des communications. Et nous, on a demandé
expressément dans notre mémoire que le CRTC ait un bureau permanent à Montréal
pour tenir compte de la réalité de langue française, parce que trop souvent les
décisions sont prises en fonction de la réalité du Canada anglais, puis elles
sont traduites pour le marché de langue française.
Alors, je pense que ça pourrait être une
avenue pour qu'on reconnaisse la spécificité de notre marché linguistique, et
c'est la proposition qu'on a faite dans le cadre de la révision.
Mme Dorion : Et quelle réponse
avez-vous eu face à cette proposition-là?
Mme Collin (Marie) : On n'a toujours
pas... On n'a toujours pas les réponses, parce qu'ils vont déposer leur rapport
en janvier 2020. Le comité d'experts va déposer son rapport en janvier 2020.
Alors, on va voir si, à ce moment-là, on a eu de l'écoute auprès des experts
sur une recommandation en ce sens-là.
Mme Dorion : Parfait. Et, bon,
il s'agit... Pour ce qui est du Canada, on attendra ça. Donc, pour ce qui est
du Québec, est-ce qu'on devrait, selon vous, s'atteler dès maintenant à
préparer soit une imposition, soit une forme de redevance des GAFAM pour
nourrir le milieu de l'information et de la culture?
• (16 h 10) •
Mme Collin (Marie) : Il y a beaucoup
d'intervenants qui vous l'ont dit...
Mme Dorion : ...parfait. Et,
bon, il s'agit... Pour ce qui est du Canada, on attendra ça. Donc, pour ce qui
est du Québec, est-ce qu'on devrait, selon vous, s'atteler dès maintenant à
préparer soit une imposition soit une forme de redevance des GAFAM pour nourrir
le milieu de l'information et de la culture?
Mme Collin (Marie) : Il y a beaucoup
d'intervenants qui vous l'ont dit. Je pense que ça prend plusieurs mesures
structurantes. Il y a peut-être des mesures transitoires à y avoir puis il y a
des mesures qui pourront devenir permanentes. Je pense qu'il faut trouver une
façon, absolument, que les grands géants contribuent à notre système. Est-ce
que c'est une imposition? De quelle façon? Est-ce qu'on leur demande de payer
une forme de droit d'auteur pour les contenus qu'ils utilisent? Il faut trouver
peut-être des moyens avec de la fiscalité. Vous savez, la production
télévisuelle, au Québec, et au Canada, et dans plusieurs pays dans le monde, ne
vivrait pas si elle n'avait pas de mesures fiscales à la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Merci. Nous poursuivons avec le collègue de Rimouski pour
2 min 30 s.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. J'ai connu une époque à un moment donné, on allait à Rimouski,
à Télé-Québec, il y avait des émissions d'affaires publiques, on faisait... on
discutait de nos réalités, c'était diffusé. Là, c'est un peu... J'aime bien La
Fabrique culturelle, là, c'est vraiment... c'est très bon. Mais, quand vous
me dites qu'il y a trois personnes par région à peu près puis elles sont
consacrées à La Fabrique culturelle, il me semble qu'on devrait avoir
plus d'ambition que ça comme société, là, pour Télé-Québec. C'est comme...
C'est notre télé nationale puis c'est notre... On est le seul pays francophone
en Amérique du Nord. On a une culture à protéger et à promouvoir. Les régions,
on n'en entend presque jamais parler, de ce qui se passe dans les régions. Vous
parliez des forestiers tantôt, mais, en général, là, c'est vrai qu'il serait
bon de connaître ce qui se passe là. Dans le milieu de la science, chez nous,
là, la science, dans la biomarine, là, c'est fantastique, ce qui se passe, mais
il n'y a personne qui sait ça.
Il me semble qu'on devrait investir dans
Télé-Québec puis on devrait être capables de faire de Télé-Québec... dans
chacune des régions, des vitrines de nos réalités régionales puis on devrait
être capables d'avoir des nouveaux partenariats. Vous parliez, là, tantôt, du
milieu communautaire, mais les partenariats peuvent être plus larges que ça. On
pourrait aller avec le privé. Il me semble... Est-ce qu'il y aurait des... Avec
des moyens financiers, avec une vraie volonté politique, est-ce que Télé-Québec
pourrait aller encore plus loin que ce qu'ils font là maintenant?
Mme Collin (Marie) : D'abord,
je vais répondre à votre question. On est quand même le reflet de ce qui se
passe dans les régions. Je ne vous ferai pas la nomenclature de tout ce qui est
fait en région, mais je vous invite à écouter La course folle cet hiver,
sur les pêcheurs de homard des Îles-de-la-Madeleine, puis vous allez voir qu'on
parle vraiment d'une réalité.
Oui, on est ouverts à des partenaires avec
le privé. Quand je vous parle de Capitales médias, c'est un privé. Pour Télé-Québec,
on a des partenariats avec Radio-Canada, avec Illico, avec Unis TV, avec
Urbania, avec L'Actualité. On est ouverts à tout ce type de partenariat
là.
Pour la réalité des stations régionales,
j'ai un collègue avec moi qui est à Télé-Québec depuis de très nombreuses
années. Les régions et... Télé-Québec est une survivante, hein? On a eu des
coupures à Télé-Québec. On est revenus. On a fermé des bureaux régionaux. On
les a réouverts. Ça a été difficile à certains moments, pour Télé-Québec, de
garder le cap et de garder des infrastructures régionales. Et je pense que ma
prédécesseure, Mme Fortin, a fait ce qu'il y avait de mieux à faire en 2014 en
donnant naissance à La Fabrique culturelle, parce que moi, j'y vais, en
région, et, quand je me trouve sur le terrain... D'ailleurs, je voyais votre
collègue M. Gaudreault ce matin. Je me suis retrouvée avec lui au festival de
Regard au mois de mars. La présence de La Fabrique culturelle en
région... J'étais renversée de voir à quel point l'importance qu'on avait en
région et l'implication.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Merci. Maintenant, pour deux minutes, je cède la parole à notre
collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier
: Oui.
Merci beaucoup pour votre présentation. Vous nous avez parlé d'une plateforme
que vous aviez envisagé de mettre en place suite au rapport Payette en 2011.
Vous avez dit cependant qu'il y avait eu des difficultés qui finalement avaient
fait, semble-t-il, avorter le projet. Est-ce que vous pouvez nous en parler
davantage?
Mme Collin (Marie) : Bien, en
fait, je n'étais pas là à l'époque. Alors, ce qu'on m'a dit, ce qu'on m'a
relaté, c'est qu'il y avait une unanimité, hein? Il y a eu une commission comme
celle-ci. L'ensemble des membres était unanime pour qu'il y ait une plateforme
interrégionale d'information sur le projet. Il y a deux gouvernements
différents qui se sont succédé, mais le financement n'est jamais arrivé. Donc,
en 2013, Mme Fortin, ma prédécesseure, a décidé de prendre le taureau par les
cornes et de faire La Fabrique culturelle. C'est essentiellement ce qui
est arrivé.
Mme Fournier
: Puis est-ce
qu'il y a encore des discussions sur le fait d'élargir, par exemple, La
Fabrique culturelle pour intégrer ces autres partenaires?
Mme Collin (Marie) : Bien, en
fait, moi, quand je suis arrivée en poste, un des premiers partenariats qu'on a
faits avec La Fabrique culturelle, c'est Capitales médias. Et Capitales
médias venait tout juste d'être racheté par le groupe de M. Cauchon à l'époque,
et un des projets que je nourrissais, c'est d'être justement... de faire un
partenariat avec eux, par exemple sur des contenus de plus longue forme, de
longueur plus importante, pour parler de l'exemple que je vous ai donné, par
exemple, des travailleurs forestiers, avec des partenariats de leurs
journalistes, de nos équipes de production. Donc, oui, on est ouverts. Est-ce
qu'on a les ressources en ce moment pour le faire? Non.
Mme Fournier
: Donc, il
y a une question de financement en ce moment?
Mme Collin (Marie) : Ah! clairement,
il y a une question de financement, mais ce n'est pas une question de...
Mme Collin (Marie) : ...des
contenus de plus longue forme, de longueur plus importante pour parler de,
l'exemple que je vous ai donné, par exemple, des travailleurs forestiers avec
des partenariats de leurs journalistes, de nos équipes de production. Donc,
oui, on est ouvert. Est-ce qu'on a les ressources en ce moment pour le faire?
Non.
Mme Fournier
: Donc,
une question de financement en ce moment.
Mme Collin (Marie) : Ah,
clairement, il y a une question de financement. Mais ce n'est pas une question
de volonté. Je vous dirais que les équipes régionales n'attendent que ça parce
qu'elles ont vu à quel point l'impact de La Fabrique culturelle était bénéfique
dans leur région. Ces gens-là sont devenus des gens pour les acteurs culturels
incontournables. Évidemment, ils en sont fiers.
Mme Fournier
: Avec
raison. Alors, on espère maintenant que le financement suivra.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, les représentantes de Télé-Québec.
Merci beaucoup pour votre passage. Et afin de permettre aux représentants,
représentantes de LaPresse, je suspends nos travaux
quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 16)
(Reprise à 16 h 18)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, nous sommes de retour et nous souhaitons maintenant la bienvenue aux
représentants de LaPresse. Bienvenue à votre Assemblée
nationale.
Vous disposez d'une période de présentation
de 10 minutes et, par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les
membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, nous vous demandons
de bien vouloir vous identifier, de préciser vos fonctions et, sans plus
tarder, mais la parole est à vous.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Merci. Mesdames et messieurs les députés, membres de la commission. Mon nom est
Pierre-Elliott Levasseur, président de LaPresse. Je suis
aujourd'hui accompagné de mon collègue Guy Crevier, éditeur, ainsi qu'Éric
Trottier, éditeur adjoint. Merci de nous accueillir.
D'abord, nous tenons à saluer l'initiative
du gouvernement de mettre sur pied cette commission parlementaire pour nous
permettre de mieux saisir le contexte des médias d'information. La disparition
de centaines de postes de journaliste au Québec ces dernières années démontre
l'urgence d'agir.
Le modèle d'affaires traditionnel des
médias écrits est brisé. C'est le cas au Québec, au Canada et ailleurs dans les
pays industrialisés. Le contexte est le même partout. Le tirage des journaux
papier décroît, leur lectorat vieillit avec peu de capacité de renouvellement.
Et parallèlement, les budgets de publicité migrent à grande vitesse vers le
numérique et particulièrement vers des médias qu'on pourrait qualifier de
mesurables. Pour faire face à une telle crise, les médias québécois ont pris
des chemins différents. Dans un contexte où le modèle d'affaires doit être
complètement repensé, ils ont tous le mérite d'innover.
Au fil des dernières années, LaPresse
a rencontré de nombreux joueurs à l'échelle internationale, réalisé un nombre
imposant de recherches et accumulé une foule de données qui lui ont permis
d'analyser les avenues possibles. Suite à ces démarches rigoureuses, nous avons
choisi d'innover comme peu l'ont fait sur le continent.
• (16 h 20) •
Dès 2011, nous avons entamé...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
...au fil des dernières années, La Presse a rencontré de nombreux
joueurs à l'échelle internationale, réalisé un nombre imposant de recherches et
accumulé une foule de données qui lui ont permis d'analyser les avenues
possibles. Suite à ces démarches rigoureuses, nous avons choisi d'innover comme
peu l'ont fait sur le continent.
Dès 2011, nous avons entamé une
transformation numérique dans laquelle nous avons délaissé complètement le
support papier pour devenir un média d'information entièrement numérique. Et
l'année dernière, nous avons entrepris une deuxième transformation majeure en
transférant les actifs de La Presse dans une structure à but non
lucratif.
Dans les cas, ces imposantes
transformations avaient comme objectif non seulement la pérennité de La
Presse, mais d'assurer qu'elle puisse poursuivre sa mission, soit de
produire une information de qualité, accessible à l'ensemble de la population.
Prenons quelques moments pour évaluer les
résultats de ces efforts. Dans un premier temps, la transformation numérique
qui a débuté en 2011. Entre 2001 et 2011, l'âge moyen d'un lecteur papier en
Amérique du Nord est passé de 47 à 62 ans. Donc, une augmentation de
15 ans sur les 10 années précédentes. Entre 2006 et 2011, les revenus
publicitaires des quotidiens nord-américains avaient déjà chuté de 50 %.
Le statu quo n'était donc plus une option. La Presse a ainsi entamé un
virage numérique qui a nécessité trois ans d'effort, le développement et la
modification de plus de 25 systèmes de production, la modification de la
quasi-totalité de ses processus d'affaires et la création, en 2013, d'une
application unique au monde, La Presse +, un quotidien gratuit,
disponible à tous, sur tablette numérique.
Aujourd'hui, cette transformation nous
permet d'atteindre 3,5 millions de lecteurs au Québec sur l'ensemble de
nos plateformes. C'est 63 % de la population adulte francophone qui
consulte La Presse. D'ailleurs, les plus récentes données concernant la
répartition de notre lectorat démontrent l'étendue de notre empreinte dans la
province. 43 % de nos lecteurs sont à Montréal et Laval, 21 % en
Estrie et Montérégie puis 37 % dans les diverses autres régions du Québec.
Notre transformation numérique nous a
également permis de considérablement rajeunir notre auditoire. Sur l'ensemble
de nos plateformes, la proportion de nos lecteurs âgés entre 25 et 54 ans
est largement supérieure à leur proportion réelle dans la population
québécoise. La Presse a une capacité accrue de jouer son rôle
démocratique puisqu'elle s'adresse à l'ensemble des adultes francophones du Québec.
Je répète, l'âge moyen d'un lecteur journal papier, en Amérique du Nord, est de
62 ans.
De plus, nos taux d'engagement sur chacune
de nos plateformes numériques se classent parmi les taux les plus élevés en
Amérique du Nord. À elle seule, La Presse + génère une consultation
quotidienne moyenne de plus de 35 minutes en semaine et plus de
45 minutes le samedi et le dimanche.
Ceci dit, notre modèle n'est pas parfait.
L'impact de Google et Facebook a été beaucoup plus important que tous les
joueurs de l'industrie auraient pu le prévoir il y a 10 ans. C'est pour
cette raison que La Presse a entrepris une deuxième transformation
majeure, soit le transfert de ses actifs dans une structure à but non lucratif.
Les impacts de cette transformation se sont fait rapidement sentir.
Dans un premier temps, nous avons
entrepris une démarche philanthropique qui permettra à La Presse de
recueillir 50 millions au cours de cinq prochaines années auprès de nos
lecteurs et grands donateurs. Depuis janvier 2019, nos lecteurs ont formé une
réelle communauté de soutien animée par la mission de La Presse. Nous
avons reçu 2,6 millions de dollars de la part de plus de
30 000 donateurs et nous sommes confiants d'atteindre notre objectif
de 5 millions annuellement au cours des prochaines années. Les
entreprises, fondations et mécènes que nous avons rencontrés jusqu'à présent
ont également répondu à l'appel positivement.
Le crédit d'impôt fédéral annoncé au mois
de mars cette année représentera, elle aussi, une nouvelle source de
financement pour La Presse.
Finalement, La Presse a continué de
s'adresser, et ce, avec une vigueur renouvelée, à sa structure de dépenses. Au cours
des deux dernières années seulement, La Presse a réduit ses coûts
opérationnels de 31 millions de dollars.
Afin d'illustration, et pour mettre en
perspective les efforts des employés au cours des 10 dernières années, je
voulais partager quelques données avec vous. Le nombre d'employés à La
Presse est passé de plus 900 à 436, c'est une réduction de 52 % au
cours des 10 dernières années, et ce, sans réduire le nombre de
journalistes qui sont au coeur de notre mission d'information. Donc, vous
pouvez vous imaginer l'effort immense des autres départements.
Notre politique de rémunération est de
payer à la moyenne du marché, mais suite à six années de gel de salaires au
cours des 10 dernières années, La Presse verse des salaires en
dessous de la moyenne pour la grande majorité de ses employés. En ce qui a
trait aux journalistes spécifiquement, ils sont payés un salaire égal à celui
des journalistes qui oeuvrent dans des médias comparables, par exemple, le Journal
de Montréal. Donc, ils sont rémunérés à la moyenne ciblée.
La Presse opérait dans deux
édifices sur un total de 11 étages, il y a 10 ans. D'ici un an, nous
opérerons sur trois étages dans un édifice. Bien sûr, cette réduction...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
...des journalistes qui oeuvrent dans des médias comparables, par exemple, Le
Journal de Montréal, donc ils sont rémunérés à la moyenne ciblée. LaPresse
opérait dans deux édifices sur un total de 11 étages, il y a 10 ans, d'ici un
an, nous opérerons sur trois étages dans un édifice. Bien sûr, cette réduction
de dépenses n'a pas fait beaucoup de bruit, car elle s'est faite sans conflit
de travail et dans le grand respect de nos employés, mais sachez que le travail
a été fait et que LaPresse a assumé ses responsabilités.
Encore une fois, nous ne sommes ni
parfaits ni uniques. Tous les médias ont dû faire des sacrifices et des efforts
immenses au cours des dernières années. Je peux donc affirmer avec conviction
que la crise des médias n'est pas reliée à un problème de coût, la crise des
médias n'est pas reliée à un problème de lectorat, au contraire. La crise des
médias est un problème de revenus, des revenus siphonnés par des géants
américains. Les économies d'échelle et la consolidation des opérations, dont
certains ont évoqué comme solution, ne sont que des pansements à court terme.
Ces types de solutions enrichiront peut-être certains actionnaires à court
terme, mais les conséquences sur la diversité des sources d'information, sur le
nombre de journalistes et sur la pluralité d'opinions vont être dévastatrices
ou ont le potentiel d'être dévastatrices. Et, à moyen terme, ils feront de
nouveau face à la vraie cause de la crise : la baisse des revenus.
L'industrie et notre démocratie exigent un
programme structurant qui permettra au trop peu de salles de nouvelles encore
en vie de poursuivre leur travail essentiel à notre équipe... à notre
équilibre, pardon, démocratique. LaPresse est le premier
média écrit au Québec à prendre le virage non lucratif, mais elle n'est la seule
à l'avoir fait.
Le recours aux dons et à la philanthropie
est une avenue qu'empruntent un nombre croissant de médias écrits dans le
monde. On peut penser au Philadelphia Inquirer, devenu OBNL en 2016, ou
encore au grand quotidien britannique The Guardian, un journal qui a vu
son nouveau modèle à but non lucratif lui permettre de renouer cette année avec
la rentabilité pour la première fois depuis plus d'une décennie. Nous avons la
ferme conviction qu'un modèle similaire a de très bonnes chances de réussir au
Québec.
Nous sommes donc ici aujourd'hui dans le
cadre d'une démarche structurée et réfléchie que nous avons poursuivie depuis
un bon moment. Le contexte actuel est particulier. D'un côté, nous observons
une multiplication des nouvelles de source douteuse qui peuvent confondre le
public et, de l'autre, les médias écrits, sur lesquels pouvait se fier la
population jusqu'ici, disparaissent à grande vitesse. Face à une telle
situation, il nous apparaît de plus en plus évident que l'information de qualité
doit être considérée comme un bien public et doit être accessible au plus grand
nombre, peu importe leurs revenus.
Nous souhaitons que le gouvernement du
Québec appuie l'industrie en mettant un programme structurant pour permettre la
survie des salles de nouvelles du Québec pour la production d'un journalisme de
qualité qui puisse informer et alimenter le débat public par la plus large
pluralité d'opinions possible. Les gouvernements ont par le passé aidé
plusieurs secteurs d'activité à se transformer. La souveraineté culturelle des
Québécois est soutenue par des programmes d'aide de plus de 300 millions
annuellement. L'industrie forestière, l'aéronautique et plusieurs autres
bénéficient également de programmes structurants.
Ce que demande LaPresse
n'est pas unique et vise à soutenir un secteur qui joue un rôle majeur au
chapitre de la démocratie et de l'éducation populaire. Il en va ni plus ni
moins de la survie de la presse — et la presse en
minuscules — il en va de la saine diversité des médias québécois.
Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter les échanges avec un premier bloc de
15 minutes. Et, en ce sens, je cède la parole à notre collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci
beaucoup. Un plaisir de vous revoir, M. Levasseur, M. Grenier. Je n'avais pas
le nom de monsieur, qui vous accompagnait.
M. Trottier (Éric) : Trottier.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
M. Crevier et M. Trottier.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Trottier? Oui, c'est M. Trottier effectivement. Donc, bien content de vous
retrouver.
Différents éléments que j'aimerais aborder
avec vous. On était ici il y a un peu plus d'un an pour parler de ce transfert
en OBNL. J'aimerais savoir si, selon vous, ça a été la bonne décision, et si
vous entrevoyez l'avenir avec optimisme, je parle assez court terme, concernant
LaPresse en général.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Oui, ça a été... nous, on considère que ça a été une excellente décision puis
une décision qui était nécessaire. Premièrement, comme j'ai dit, ça nous a
permis d'adresser avec une nouvelle vigueur la structure de coûts. Donc,
depuis, on a réduit nos dépenses de 31 millions de dollars. Puis c'était
très important de le faire, puis je peux vous dire que c'était très difficile
de le faire avec un actionnaire qui était milliardaire. Donc, de négocier des
réductions de dépenses avec un actionnaire milliardaire, c'est beaucoup plus
difficile. Donc, ça, c'est la première chose.
Deuxièmement, on a pu entreprendre, comme
on vous a dit, d'une façon très structurée notre démarche philanthropique
auprès de nos lecteurs ainsi qu'auprès de grands mécènes. Et, dans les deux
cas, ça va extrêmement bien. Et puis dernièrement, évidemment on a reçu un
appui du gouvernement fédéral, un appui qu'on nous avait dit qui serait très
difficile à obtenir en autant qu'on était détenu encore par un actionnaire
milliardaire.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Donc,
la situation financière se porte bien, pour LaPresse.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
La situation financière se porte mieux.
• (16 h 30) •
M. Poulin (Beauce-Sud) :
D'accord. Devant le défi du numérique, vous avez été l'un des premiers médias
nationaux à se consacrer totalement sur une plateforme numérique. Il n'en
demeure pas moins qu'elle est gratuite. J'aimerais avoir votre vision sur la
gratuité, au-delà du fait que maintenant, on retrouve effectivement...
16 h 30 (version non révisée)
M. Poulin (Beauce-Sud) :
...devant le défi du numérique que vous avez été l'un des premiers médias
nationaux à se consacrer totalement sur une plateforme numérique. Il n'en
demeure pas moins qu'elle est gratuite. J'aimerais avoir votre vision sur la
gratuité, au-delà du fait que, maintenant, on retrouve effectivement un aspect
philanthropique à la fin de certains articles, entre autres, pour vos
excellents reportages d'enquête qui nécessitent énormément de travail, mais sur
cette vision-là de gratuité d'un média aussi important. Vous l'avez dit, avec
vos différentes plateformes, c'est 3,5 millions d'électorats, donc c'est
énorme. On sait que l'information est un droit, on se doit de le rendre
accessible, mais parlez-moi de ce choix-là. Parce qu'on recevait les gens du Devoir,
tout à l'heure, qui, eux, au contraire, se sont tournés vers un paiement, alors
je veux vous entendre là-dessus.
M. Crevier (Guy) : Bien, ce
qu'il faut comprendre, en fait, c'est que LaPresse n'a pas
inventé la gratuité, là. Avec l'arrivée de l'Internet, le phénomène de la
gratuité est venu bouleverser plusieurs secteurs d'activités. Et il faut se
rappeler aussi qu'en 2001, dans le marché de Montréal, il y a eu la naissance
du Journal Métro, ça fait bientôt 18 ans de ça, le Journal Métro était
gratuit.Deux ans après est arrivé le journal 24 heures, qui
était également gratuit, et ces deux journaux-là se sont livré une bataille,
une guerre réelle des tarifs qui a nui à l'ensemble de l'industrie. Donc, ce
n'est pas... le phénomène de la gratuité, là, il n'est pas nouveau.
Maintenant, Pierre-Elliott a expliqué que
notre objectif premier était de rajeunir. Nous, on ne voyait pas, à LaPresse,
la possibilité de poursuivre à long terme nos activités si notre lectorat était
âgé de 60 ans et plus. Ce n'est pas qu'on n'aime pas nos lecteurs de 60 ans et
plus, on les apprécie, ils sont avec nous depuis longtemps, mais on voulait
rajeunir notre auditoire. Donc, on a mené trois études de marché sérieuses,
O.K., au fil des ans, et l'étude de marché la plus favorable démontrait que,
dans un modèle payant, il y avait uniquement 60 000 abonnés qui étaient
prêts à le payer, 60 000 personnes qui étaient prêtes à payer, O.K., ce
qui nous aurait amené des revenus à peu près de 6 millions de dollars. Par
la contribution volontaire, on pense arriver à des revenus annuels de
5 millions de dollars et rester dans un modèle gratuit qui nous permet de
rejoindre 63 % de la population québécoise. Si on avait eu 60 000
abonnés, on aurait perdu des dizaines, des dizaines et des dizaines
de millions de dollars de publicité. Ça, c'est d'une part. Ça, c'est
l'aspect pratique.
Maintenant, sur l'aspect philosophique,
moi, c'est un aspect que je voulais aborder avec vous, ce qui m'a frappé, quand
j'écoute toutes vos interventions depuis lundi, c'est que tout le monde
s'accorde à dire que l'information de qualité, c'est un bien public. Moi, la
question que je soulève ici, c'est : Depuis quand un bien public n'est
disponible qu'aux gens qui ont de l'argent pour se le payer? Si l'information
de qualité, c'est un bien public, elle devrait être accessible à tout le monde,
hein? Ce qu'on appelle... le terme qu'on appelle, dans le métier, c'est un mur
payant. Donc, imaginez, là, que disons que vous avez 50 000 abonnés, il y
a un mur payant, on les met d'un côté, puis eux autres ont le droit à une information
de qualité. Il y a 8,3 millions de personnes qui vivent au Québec, puis
eux autres, elles n'ont pas le droit à une information de qualité. Mais par
contre, les «fake news» sont distribuées à la grandeur avec tous ces gens-là, O.K.?
C'est sûr que les gens qui sont dans le mur gratuit, ils ont accès à d'autres
sources d'information, mais il n'en demeure pas moins... Et moi, je ne dis pas
que tout le monde doit... J'ai beaucoup de respect pour Le Devoir,
ils ont fait un travail fantastique, ils ont raison d'avoir un mur payant,
parce qu'historiquement ils n'avaient pas de revenus publicitaires à grande
échelle comme nous on a, à LaPresse. Et, tu sais, pour eux,
de se battre dans un aussi petit marché avec un contexte aussi difficile, c'est
un miracle, et c'est fantastique, ce qu'ils ont réussi à faire... Mais nous,
étant un média de masse, on voulait demeurer un média de masse, et la seule
façon pour nous de demeurer un média de masse et de faire une transition
rapide, parce que c'était très coûteux de maintenir deux plateformes, c'était
d'aller vers un modèle gratuit. Mais je pense que ça a été audacieux, mais aujourd'hui
on est fiers de ce modèle-là, parce qu'on fait une contribution majeure en
termes de qualité d'information à 63 % de la population adulte francophone
au Québec.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Donc,
pour vous, à moyen, court terme, l'aspect de la gratuité va demeurer à LaPresse
tout en maintenant différentes sommes... sources de financement, entre autres,
philanthropique. Est-ce qu'il pourrait y avoir, dans la prochaine année, des demandes
qui sont faites au gouvernement, par exemple, sur des enjeux précis?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Bien, nous, ce qu'on a dit, lors de la commission parlementaire, l'année
dernière... on a été très clairs : Tu sais, un média qui est considéré ou
le journaliste qui est considéré un bien public, ce n'est pas l'unique responsabilité
d'un actionnaire, c'est la responsabilité de tous les acteurs dans la société.
On inclut nos lecteurs, on inclut évidemment LaPresse,
nous, on doit prendre, premièrement, nos responsabilités, mais une fois qu'on
l'a fait, c'est la responsabilité également de nos lecteurs, via les contributions
volontaires, les entreprises, les fondations, les grands mécènes via notre
campagne de grands donateurs. Après ça, ce qu'on avait dit, c'est qu'on
cherchait l'aide également du gouvernement fédéral et du gouvernement
provincial. Donc, ça ne devrait pas être une surprise pour personne aujourd'hui
si nous, on fait partie de l'industrie qui demande de l'aide au gouvernement
provincial.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci
beaucoup. Très intéressant.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Nous poursuivons avec le collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation. Vous présentez...
en fait, dans votre présentation, vous illustrez à quel point cette crise des
médias est ancienne. Elle ne date pas d'hier, elle ne date même pas,
finalement, de 2011, vous l'aviez déjà vécue avant et vous vous retrouvez
effectivement à avoir fait oeuvre de pionnier, en quelque sorte. Je vous avoue
bien humblement que vous êtes peut-être pour moi le média le plus cher, dans le
sens où mon coût d'abonnement, c'est d'acheter une tablette, et j'ai
probablement une tablette...
M. Chassin :
...de 2011, vous l'aviez déjà vécue avant et vous vous retrouvez effectivement
avoir fait oeuvre de pionnier, en quelque sorte. Je vous avoue bien humblement
que vous êtes peut-être pour moi le média le plus cher, dans le sens où mon
coût d'abonnement, c'est d'acheter une tablette, et j'ai probablement une
tablette seulement pour vous. Depuis mon élection, j'en ai une qui m'est
fournie. Ça m'aide.
Ceci étant dit, c'est un modèle qui est
particulier et qui montre qu'il y a, dans votre volonté de transition vers le
numérique, il y a un peu un début puis une fin. Évidemment, ça... l'aventure
continue, là, dans le sens où vous avez encore des défis, vous avez encore un
contrôle des dépenses serré, vous êtes encore en train d'améliorer votre situation
financière.
Et je vous amène un peu vers une
direction. Dans les différents intervenants qu'on entend, il y a des gens qui
argumentent pour une aide permanente, il y a d'autres qui argumentent davantage
pour une aide temporaire, de transition, et j'aimerais, de votre côté, vos
réflexions. Où vous vous positionneriez sur cet enjeu-là?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Moi, je pense que... Premièrement, j'aimerais répondre à la question peut-être
d'une façon un peu plus large. Premièrement, j'entends beaucoup parler de...
les droits, les droits d'auteur, taxer les GAFA, etc., puis, pour moi, ça,
c'est une question d'équité. Donc, est-ce qu'on devrait le faire? Absolument.
Mais c'est une question, pour moi, qui va demander un effort collectif. Donc,
ce n'est pas seulement qu'au gouvernement... du Québec, pardon, à se prononcer.
Il va falloir que le gouvernement fédéral s'en mêle, puis je pense qu'à
l'international, je pense qu'il y a plusieurs pays qu'il falloir qu'ils s'en
mêlent. Donc, ça va être une solution, je pense, qui va être relativement
collective.
Mais, pour moi, ça, la question de taxer
les GAFA, par exemple, c'est une question de financement. Ça revient à
dire : Comment on va financer des programmes?, puis, pour moi, ce n'est
pas le coeur du sujet. Le coeur du sujet, c'est : Un, est-ce qu'on va
mettre un programme en place? Et deux... Puis je salue déjà les propos du
premier ministre et de plusieurs ministres qui disent qu'ils vont rapidement
mettre un programme d'aide en place.
Donc, pour moi, la prochaine question,
puis c'est la question la plus importante, c'est : Est-ce qu'on va mettre
en place un programme qui est structurant? Puis, quand je dis structurant,
c'est à la hauteur des besoins. Puis les besoins, c'est de s'assurer que les
médias reçoivent des montants qui leur permettent de maintenir la taille de
leur salle d'information, parce qu'on n'a pas de besoin — je pense
qu'on est tous d'accord là-dessus, là — on n'a pas de besoin de moins
de journalistes de qualité au Québec, on en a de besoin de plus.
Donc, au minimum, les programmes devraient
nous permettre de maintenir nos... la taille de nos salles d'information, mais
le deuxième point qui est également aussi important, c'est de nous permettre de
consolider puis de poursuivre notre transformation, O.K.? Et puis, pour moi, le
gouvernement est le mieux placé aujourd'hui pour déterminer quels sont les...
Parce que, par exemple, nous, on a partagé toute notre information financière.
Ils ont accès à toute notre information financière. Ils ont... le gouvernement
a reçu des projections de notre part et de la part de la majorité des joueurs,
des autres médias, les autres médias au Québec.
Donc, aujourd'hui, ils sont capables de
mesurer l'ampleur des défis et puis ils ont... et pour rendre des analyses,
puis faire des analyses approfondies, puis prendre des décisions éclairées sur
des solutions qu'ils... des solutions qui vont être structurantes.
Donc, pour moi, c'est... la vraie question,
c'est celle-là. Le gouvernement a entre ses mains tout ce qui leur faut pour
prendre une décision. La question, c'est : Est-ce qu'ils vont prendre la
décision de faire quelque chose qui est structurant?
Donc, j'ai entendu aussi parmi, tu sais,
parmi les intervenants auparavant plusieurs modèles possibles. J'ai... Tu sais,
on est partis... Tu sais, on parle d'éliminer la taxe sur le recyclage, on
parle de... on parle jusqu'à des crédits d'impôt sur l'ensemble de la masse...
Il y a plusieurs scénarios possibles, mais les seuls aujourd'hui qui sont
outillés à voir la situation de chacun des médias, de comprendre la situation
de chacun des médias puis de dire : Voici ce que, je pense, est une
solution qui pourrait fonctionner pour l'ensemble ou un bouquet de solutions
qui pourraient peut-être s'appliquer un peu plus ici puis un peu moins là, mais
que, dans l'ensemble, ça permet à chacun des médias, un, de continuer de
protéger leur... la taille de leur salle d'information, puis, deux, de
consolider leur transformation.
M. Chassin :
Parce qu'il y a effectivement différents modèles, mais est-ce que, dans le
fond... puis c'est un peu ça mon point. Est-ce que... Vous dites que la crise
qui affecte généralement les médias, elle est, finalement...
Une voix
:
Structurelle.
M. Chassin :
C'est ça. Est-ce qu'elle change tellement la dynamique qu'à partir de
maintenant, de pouvoir compter sur l'appui de l'État, ce doit être une donnée
permanente dans la nouvelle réalité?
M. Crevier (Guy) : Ça nous
apparaît inévitable que l'État doit intervenir pour sauver les médias...
M. Chassin :
De façon permanente.
M. Crevier (Guy) : De façon...
Une voix
: Bien, moi...
M. Crevier (Guy) : Au moins
sur une base assez longue qui permet de nous faire une transformation ordonnée,
O.K.? Je pense que...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Moi, je pense qu'un programme...
M. Crevier (Guy) : ...de cinq
ans...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Exactement.
M. Crevier (Guy) :
...pourrait...
• (16 h 40) •
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Moi, je pense qu'un programme de cinq ans pourrait nous permettre...
pourrait...
M. Chassin :
...dans la nouvelle réalité?
M. Crevier (Guy) : Ça nous
apparaît inévitable que l'État doit intervenir pour sauver les médias. C'est de
même.
M. Chassin :
De façon permanente?
M. Crevier (Guy) : De façon
permanente.
Une voix
: Bien, moi...
M. Crevier (Guy) : Au moins
sur une base assez longue, qui permet de...
M. Chassin :
Assez longue.
M. Crevier (Guy) : ...faire
une transformation ordonnée, O.K.? Je pense que de cinq ans pourrait...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Moi, je pense qu'un programme de cinq ans pourrait nous permettre, pourrait
certainement permettre à LaPresse de consolider son modèle
de transformation. Je ne suis pas dans le secret des dieux en ce qui a trait
aux autres médias, mais dans le cas de LaPresse, c'est
clair qu'un programme de cinq ans nous permettrait de consolider notre
transformation puis nous permettrait de continuer, tu sais, d'honorer notre
mission, qui est de produire une information de qualité et qui est accessible à
l'ensemble de la population.
M. Chassin :
Tout en visant une rentabilité...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Pardon?
M. Chassin :
Tout en visant une rentabilité, donc, à moyen terme.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Absolument, absolument. Puis nous, quand on parle de consolider notre modèle
puis consolider notre transformation, c'est... premièrement, on doit consolider
notre démarche philanthropique. Donc, on est au tout début de ce processus-là.
On est également toujours à investir dans des technologies qui vont nous
permettre d'aller chercher notre juste part des revenus publicitaires. Cette
année, c'est la meilleure année de revenus publicitaires pour LaPresse
depuis, je vous dirais, une dizaine d'années, en termes de... en pourcentage...
donc, on... de croissance ou décroissance. Donc, c'est important de pouvoir
poursuivre dans cette veine-là pour pouvoir concurrencer...
M. Chassin :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Pour 2 min 20 s, collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Je suis d'accord avec vous, M. Levasseur, sur l'ensemble, en tout cas. M.
Crevier, je vous ai entendu dire «audacieux», «fiers», «meilleure option». Là,
j'ai besoin de vous parce que ça, vous parliez de ce que vous avez fait.
J'imagine... puis je ne vous poserai la question, mais, si j'étais à la télé,
je le ferais... vous devez être bien tannés de vous justifier, de vous
expliquer, de vous défendre des deux grandes transformations, La Presse+
puis le modèle OBNL. Parce qu'on l'entend quand vous le dites, vous êtes
confiants, vous êtes conscients d'avoir fait ce que vous deviez faire.
Aidez-nous, parce qu'il faut qu'on le fasse maintenant pour le reste du Québec.
Vous l'avez fait, le virage. Vous en avez fait un, en tout cas. C'est-u le bon?
On va voir si c'est le bon modèle, mais vous en avez fait un.
Là, on parle du reste, cinq ans, ce que
vous dites, tout ça, là. Sauf que moi, le droit du public à l'information, en
ce moment, au Québec, il me semble que notre problème, il est beaucoup dans les
régions, il est beaucoup dans les petites localités. Puis eux autres, ils ont
de la misère à faire le virage. Dans bien des cas, ils ont même de la misère
juste à embarquer sur le numérique. M. Crevier, vous avez fait votre affaire,
puis ça a bien marché. En tout cas, pour l'instant, vous en êtes fiers.
Qu'est-ce qu'on devrait faire avec les régions puis les localités?
M. Crevier (Guy) : Moi,
j'ai... au départ, je vais vous dire que j'ai commencé ma carrière comme
journaliste à La Tribune et, à 29 ans, j'ai été éditeur de La Voix
de l'Est, à Granby. Donc, je suis un grand défenseur des journaux
régionaux. Je pense que le Québec ne pourrait pas vivre sans journaux
régionaux. C'est une voix qui est importante. D'autant plus que nous, les
grands médias nationaux, hein, on s'intéresse très peu aux régions. On va
s'intéresser à Lac-Mégantic quand il y a un déraillement de train. On va faire
un suivi là-dessus. Mais c'est très rare qu'on couvre d'autres types de
nouvelles de Lac-Mégantic. C'est essentiel sur un... dans une province avec un
territoire aussi large, avec une population qui est aussi étendue, d'avoir des
médias régionaux phares. Moi, je fais un appel majeur au gouvernement d'agir
rapidement et de viser à conserver une presse régionale forte et diversifiée.
Ça, ça m'apparaît clair.
Maintenant, vous avez raison sur l'autre
aspect. Il y a énormément de commentateurs du modèle de LaPresse.
Les gens s'en donnent... beaucoup de joie. Mais il n'en demeure pas moins que
ce que Pierre-Elliott, tantôt, a dit est essentiel. Je pense qu'il n'y a
personne, dans un marché de la taille de Montréal ou du Québec, et d'un média
de la taille de LaPresse... il n'y a personne aujourd'hui à
travers le monde qui a trouvé, réussi à trouver un modèle pérenne, et le nôtre
n'est pas pérenne non plus, O.K. Donc, on a fait une tentative. Et moi, ce que
j'écoute et ce que je vois depuis une certaine... quand j'analyse l'univers
médiatique au Québec, tu sais, le modèle du Devoir, moi, je pense que
c'est un succès. Le modèle de LaPresse, je pense que c'est
un succès. Le modèle des journaux régionaux, s'ils ont l'aide de l'État,
pourrait être un succès dans un autre mode de propriété. Donc, tu sais... Et
c'est là que j'invite le gouvernement à ne pas faire un modèle... ne pas mettre
un programme en place pour LaPresse ni pour Le Devoir,
mais pour l'ensemble des joueurs.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci... Poursuivons avec la collègue de Verdun pour un bloc de 10 minutes.
Mme Melançon : Oui. Bonjour,
messieurs, merci de prendre le temps d'être avec nous. Quand on parle de
programmes, qu'ils soient permanents ou encore temporaires, on a pris le
temps... on a reçu différents mémoires, mais on nous a aussi souligné qu'en
Norvège, par exemple, ou encore, en France il y a ce genre de programmes, donc,
plus permanents, justement, pour assurer la survie de la presse. Dans un
premier temps, ce que je comprends, ce que je constate, c'est que vous êtes
d'accord à ce qu'on puisse quand même aller percevoir taxes et impôts au niveau
des géants du Web. Je pense que, là-dessus, c'est clair. Vous parlez d'équité,
n'est-ce pas?
Une voix
: Bien sûr.
Mme Melançon : Le plus
rapidement possible, j'imagine?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Encore là, la question du plus rapidement possible, je pense qu'il y a des
efforts dans tous les pays du...
Mme Melançon :
...constate, c'est que vous êtes d'accord à ce qu'on puisse quand même aller
percevoir taxes et impôts au niveau des géants du Web. Je pense que, là-dessus,
c'est clair. Vous parlez d'équité, n'est-ce pas?
Une voix
: ...
Mme Melançon : Le plus
rapidement possible, j'imagine.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Encore, la question du plus rapidement possible, je
pense qu'il y a des efforts dans tous les pays du OECD de tenter de trouver une
solution. C'est un problème qui est mondial. Ce n'est pas nous, au Québec, qui
allons résoudre le problème de la taxation des GAFA. C'est une question, je
pense, qui est à l'international. Je pense qu'on doit mettre la pression
nécessaire sur le gouvernement fédéral. Je pense que le gouvernement fédéral
doit agir avec urgence auprès de plein d'autres gouvernements à travers le
monde. Mais c'est une solution collective, je pense que c'est une solution
mondiale qu'on doit trouver pour faire face aux GAFA.
M. Crevier (Guy) : Mais,
moi, ce que j'aimerais ajouter, puis ça revient un petit peu à la discussion
que vous aviez tantôt, c'est que l'importance de cette commission-là n'est pas
sur taxer ou non les GAFA. L'importance de cette commission-là, c'est de
trouver un programme d'appui aux médias, de vraiment de justifier la nécessité
d'appuyer les médias. Après ça, c'est le rôle du gouvernement de dire, tu sais,
comment je finance ça.
Maintenant, quand on regarde dans le
passé, une fois qu'un gouvernement a identifié qu'un programme est essentiel,
il y a des gouvernements qui avaient des déficits, puis qui ont quand même mis
en place des programmes essentiels parce qu'ils jugeaient qu'ils étaient
essentiels. Il y a des gouvernements qui ont mis en place des programmes
essentiels en coupant dans d'autres programmes, en disant : Je vais couper
là et je vais financer ça comme ça. Puis il y a des gouvernements qui ont mis
des programmes essentiels en place en ajoutant des taxes supplémentaires. C'est
votre responsabilité. Et vous avez raison qu'il faut absolument trouver une
solution aux GAFA, mais ce n'est pas à LaPresse de faire
ça. Et même ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que c'est à l'ensemble des pays
industrialisés de s'entendre ensemble.
Mme Melançon : Vous avez
raison. Cependant, de notre côté, on doit quand même dire : Oui, on peut
mettre toutes sortes de programmes...
M. Crevier (Guy) :
Absolument.
Mme Melançon : ...mais
encore faut-il financer le tout. Ça, c'est une façon de faire responsable. Et à
main levée, là, tout à l'heure, on disait : La taxe Netflix, si on avait
attendu après le fédéral, là, bien, on se priverait encore actuellement de 65
millions de dollars.
M. Crevier (Guy) : Vous
attendriez encore. Absolument, absolument, absolument.
Mme Melançon : Alors,
moi, je pense qu'il faut prendre plutôt le taureau par les cornes et je pense
qu'on peut y arriver. Et il faut être audacieux.
M. Crevier (Guy) : Vous
avez raison.
Mme Melançon : Parce que,
sans audace, je pense qu'on ne sera pas en mesure d'arriver à nos fins.
Vous parliez tout à l'heure,
M. Levasseur, de ça va mieux. Donc, j'entends aussi que c'est encore
fragile tout de même, hein? Je pense qu'on peut parler d'une fragilité.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Vous parlez de si le gouvernement provincial
n'offre par un programme qui est structurant, il menace la pérennité de la
presse.
Mme Melançon : Si on ne
prenait pas le virage, j'entends que la moyenne d'âge était de 62 ans. Actuellement,
votre moyenne d'âge est combien pour les lecteurs?
M. Crevier (Guy) : La population
du Québec... un, le gros des budgets publicitaires se dépense pour les gens qui
sont entre 25 et 54 ans. O.K.? Donc, quand on prend la population du
Québec qui a de 25 à 54 ans, il y a 50 % de la population du Québec
qui a entre 25 et 54 ans. Dans LaPresse+, nos
lecteurs, c'est 58 % de nos lecteurs qui sont entre 25 et 54 ans.
Donc, on est un des rares médias généralistes traditionnels qui avons réussi le
tour de force de rajeunir son auditoire.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Et puis, ça, Guy vient de mentionner sur LaPresse+,
mais c'est encore plus le cas... la surpondération est encore plus importante
sur le Web et sur notre application mobile.
Mme Melançon : Et vous
donniez l'exemple donc tout à l'heure de The Guardian qui a été capable
d'arriver avec des surplus. Ce n'est peut-être pas des immenses surplus encore,
mais ça viendra. Je pense que la table est tout de même mise. J'imagine que
tout ça a à voir aussi avec les revenus publicitaires parce qu'on le dit depuis
le départ, puis là, je pense que là-dessus, tout le monde le sait, là, le noeud
du problème, c'est la diminution des revenus publicitaires parce que... au
profit dans le fond des géants du Web actuellement.
Du côté de la perte des revenus
publicitaires, à combien environ vous êtes capable d'identifier? Est-ce que vous
êtes capable d'identifier la baisse à un pourcentage?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, ça dépend depuis quelle période on parle.
Moi, ce que je peux vous dire, c'est que, depuis que LaPresse
a fait son virage numérique, la performance au niveau des revenus
publicitaires, quand on prend versus les comparables, les comparables de la
taille de LaPresse, on surperforme, on surperforme nos
comparables. Donc, pendant des années, on a vu des pertes très importantes dans
beaucoup de médias ici au Québec, mais également beaucoup de médias dans le
reste du Canada, puis, à chaque année, LaPresse a
surperformé. Donc, malgré le fait qu'on a surperformé, on n'a pas échappé à
l'effet quand même Google et Facebook.
• (16 h 50) •
Mme Melançon : On a reçu
beaucoup de tableaux dans les différents mémoires qui nous ont été... on s'en
vient des spécialistes des tableaux. Mais on nous parle aussi beaucoup d'équité
depuis trois jours. Et certains, que ce soit dans les radios ou encore dans les
médias de plus petite taille, démontrent qu'en forme d'équité, il va falloir
aller...
Mme Melançon : ...ont été... On
s'en vient des spécialistes des tableaux. Mais on parle aussi beaucoup d'équité
depuis trois jours, et certains, que ce soit dans les radios ou encore dans les
médias de plus petite taille, démontrent qu'en forme d'équité, il va falloir
aller un peu partout en province. En tout cas, ça veut dire qu'il peut y avoir
là une perte de votre côté. Je veux quand même qu'on puisse le mesurer, là,
parce que... Puis je vais aller au fond de mon idée. C'est qu'actuellement on
parle de publicité, on parle de publicité gouvernementale, et, sur la publicité
gouvernementale, là, c'est là où on parle beaucoup d'équité actuellement. Moi,
je demande depuis quelques jours déjà à ce qu'on puisse parler... qu'on puisse
avoir une directive claire, là. Comment est-ce qu'on va établir la publicité
gouvernementale? Ça, je pense que ça peut être assez simple à mettre sur pied.
Je voudrais savoir de votre côté : Est-ce que vous voyez des pertes
possibles du gouvernement avec un plan ou une directive qui pourrait être
donnée clairement par la ministre de la Culture? Parce que, si on parle
d'équité et si tout le monde pointe du doigt que ou au Journal de Montréal
ou encore à LaPresse, vous recevez une part trop
importante, vous voyez une diminution? Parce que ça a été évoqué, là, on va se
le dire.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Écoutez, je vais vous dire la... Je ne connais pas les proportions LaPresse
versus Le Journal de Montréal, versus les médias régionaux. Donc, je ne
peux pas vous dire si ça impliquerait des pertes pour LaPresse
ou pas, je ne le sais pas.
Mme Melançon : O.K. Ça va être
ma dernière question. Si on fait un plan, puis c'est un plan sur cinq ans dans
lequel vous allez être, puis là on va devoir voir chaque dollar puis comment on
va pouvoir investir, là... Mais on a besoin de garder une diversité au Québec,
on a besoin de vous, on a besoin des différents quotidiens partout au Québec.
Il faut trouver une avenue. Et l'avenue, pour vous, se retrouve dans des
programmes permanents?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Nous, comme on dit... Moi, il y a deux points que je veux faire. Un — puis
je ne peux pas le répéter plus souvent que je le répète depuis deux ans, tant
avec le fédéral que le provincial : si vous ne mettez pas sur le... en
place un programme structurant, vous menacez la pérennité de la presse. Ça,
c'est un. Et des autres médias, c'est clair. Moi, je parle pour... je parle
entre autres pour notre média. Moi, c'est clair pour notre média, puis je pense
que les autres ont fait des représentations qui sont similaires.
À la deuxième question : Est-ce que
le programme doit être permanent? Moi, je crois que dans un programme de cinq
ans, on va être en mesure de consolider notre transformation.
Mme Melançon : Ça, c'est
clair.
Le Président (M. Tanguay) :
Collègue de Saint-Laurent, pour 1 min 30 s.
Mme
Rizqy : Merci. Merci beaucoup. On vous a parlé d'équité, on a parlé
aussi d'équité fiscale. Je vais me permettre d'aller dans une autre forme
d'équité, l'équité au niveau des responsabilités. Vous avez parlé des fausses
nouvelles. Vous avez quand même plusieurs journalistes et chroniqueurs qui en
parlent énormément sur LaPresse, et on a même pu lire en
avril dernier de Patrick Lagacé Je le pense, un article qui disait au
fond : une fois que c'est ancré, on l'a vu sur Facebook, ça devient la
réalité, puis, peu importe ce qu'on entend, même si on a une preuve qui nous
contredit, ce n'est pas grave, je le pense. J'ai l'impression que c'est
vraiment aussi tout un enjeu que nous avons collectivement de démocratie. Et,
lors de la renégociation de NAFTA, l'ALENA 2.0, il y a un article qui est
rentré discrètement qui a fait en sorte que, justement, des plateformes comme
Facebook, c'est pas mal plus difficile de les poursuivre pour diffamation,
alors que, vous, vous avez une responsabilité très importante que, dès lors que
vous avez un journaliste qui publie, vous, c'est clair, on va vous poursuivre.
Pensez-vous que ce deux poids, deux mesures devrait être réglé par le
gouvernement du Québec de s'assurer que justement on n'ait pas deux catégories
de personnes qui peuvent publier du contenu?
M. Crevier
(Guy) : Écoutez, encore là, c'est une question qui, je pense... C'est
le rôle des gouvernements de réfléchir à ça, parce que c'est un... ça touche le
domaine légal : Comment maintenant poursuivre quelqu'un qui vit aux
États-Unis et qui poste quelque chose sur Facebook? Ce n'est pas simple comme
question à répondre, parce que c'est que c'est fort complexe.
Mme
Rizqy : Je parle davantage du... celui qui transmet l'information, la
plateforme.
M. Crevier
(Guy) : Du média qui... La plateforme.
Mme Rizqy :
Par exemple, vous, vous avez...
Une voix
:
Une responsabilité.
Mme
Rizqy : ...une responsabilité. Que ce soit un journaliste qui poste,
c'est quand même LaPresse qui va être poursuivie.
M. Crevier
(Guy) : Oui. Mais n'oubliez pas que nous sommes des éditeurs et non
pas des distributeurs. Donc, comme éditeurs, on a une responsabilité sur la
qualité du contenu, sur la véracité des faits et tout ça. Quand vous êtes une
simple courroie de transmission, tu sais, à un moment donné, allez-vous... Tu
sais, est-ce qu'on va poursuivre le câble, tu sais, qui transmet la nouvelle? Ça
devient difficile à... Et, encore une fois, je pense que les pays devront
commencer à mettre les... Moi, j'ai toujours dit que dans les dernières années,
après la crise de 2008, on a... le côté réglementaire sur les banques, les
compagnies d'assurance et tout ça, ça a été énorme, le pouvoir réglementaire
sur eux. Moi, je suis convaincu que dans les 10 prochaines...
M. Crevier (Guy) : ...ca
devient difficile à... Ça devient difficile à... Et, encore une fois, je pense
que les pays devront commencer à mettre les... Moi, j'ai toujours dit que, dans
les dernières années, après la crise de 2008, on a... le côté réglementaire sur
les banques, les compagnies d'assurance, tout ça, ça a été énorme, le poids réglementaire
sur eux. Moi, je suis convaincu que, dans les 10 prochaines années, le
poids réglementaire, ça va être sur les grands joueurs du GAFA. C'est
inévitable, inévitable.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, nous allons poursuivre maintenant avec la collègue de Taschereau pour
2 min 30 s.
Mme Dorion : Vous nous
avez parlé de toute la restructuration que vous avez faite, la transformation
en OSBL, les salaires aussi des employés, comment ça a été arrangé, entre
guillemets. Est-ce que... J'aimerais savoir, par rapport à la rémunération des
dirigeants, question un peu délicate, mais est-ce que vous avez aussi revu à la
baisse ou restructuré un peu la rémunération des dirigeants, des vice-présidents
et tout ça?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, sans rentrer dans le détail des salaires de
chacun des dirigeants, je peux dire que les gels de salaires, tous les
sacrifices qui ont été faits au cours de six des 10 dernières années
étaient faits tant au niveau des employés syndiqués que les cadres. Donc, ça,
c'est la première chose. Deuxième chose, quand on parle de rémunération, nous,
ce qu'on fait, c'est des études indépendantes. On leur demande des études
indépendantes sur la rémunération. Nous, notre politique, c'est de payer à la
moyenne du marché. Puis ce que je peux vous dire, c'est qu'au niveau des
cadres, on paie à moins que 90 % de notre cible, qui est la moyenne. Donc,
on paie déjà moins que la moyenne pour l'ensemble des cadres de l'entreprise.
Mme Dorion : O.K. Puis
est-ce que vous êtes... Dans un peu la même veine, est-ce que vous seriez
d'avis que si... Par exemple, imaginons un programme structurant dont plusieurs
médias pourront bénéficier, avec un bon afflux d'argent public, on devrait
avoir une transparence sur les modes de rémunération des dirigeants?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Regardez, moi, c'est... Moi, je ne sais pas c'est
quoi la politique au niveau de la rémunération d'entreprises... d'entreprises
dans notre situation. Nous, on est certainement prêts à partager une série
d'informations en autant que cette information-là ne nous mette pas dans une
situation désavantageuse versus les empires... les autres empires médiatiques.
Donc, moi, autrement...
Mme Dorion : Vous n'êtes
pas contre si ce n'est pas quelque chose qui nuit à...
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Je ne suis pas...
M. Crevier (Guy) : De
façon générale, votre question est légitime. Puis si jamais il y a des
programmes d'aide qui sont mis en place, c'est sûr que, nous, étant un OBNL en
plus, on va devoir faire preuve de plus de transparence effectivement.
Mme Dorion : Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Maintenant, pour 2 min 30 s, la parole est au collègue de
Rimouski.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour.
Une voix
: Bonjour.
M. LeBel : Au tout début, vous
avez dit... Vous saluez l'initiative du gouvernement d'avoir mis en place la
commission. C'est l'initiative des parlementaires. Je pense que c'est important
de le dire.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Oui, c'est les parlementaires. Pardon.
M. LeBel : Surtout que le
premier ministre vient de nous dire qu'il ne veut pas de commission qui décide
à la place du gouvernement. En fait, c'est bien de le préciser. Dans votre
conclusion, vous parlez de, bon, un programme structurant universel. C'est
bien. J'aime ça entendre ça, mais vous dites aussi... Parce que plusieurs nous
ont proposé des crédits d'impôt à la masse salariale. Plusieurs visaient les
journalistes, les salles de nouvelle seulement, pour s'assurer que ce soit
les... que plus de journalistes fassent plus de nouvelles.Vous, vous parlez de
l'ensemble de l'entreprise puis vous rajoutez «ainsi que sur des dépenses
essentielles d'entreprise». Ça fait que j'aimerais ça comprendre c'est quoi la
différence entre l'ensemble de l'entreprise et des dépenses essentielles
d'entreprise pour avoir des crédits d'impôt.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Nous, premièrement, la raison... Puis ça, vous
parlez de notre mémoire, quand on a déposé notre mémoire. Nous, ce que
voulais... Ce qu'on se disait, c'est on a... Ce qu'on a entendu, c'est le
message du gouvernement qui disait : On voulait un programme universel. On
a dit : Il n'y a rien de plus universel qu'un crédit d'impôt sur
l'ensemble de la masse salariale versus, exemple, réduire les taxes sur le
recyclage qui n'a aucun impact pour un média numérique comme nous. Donc, ça, premièrement,
je voulais juste faire ce point-là.
Deuxièmement, je pense que de juste cibler
la salle de nouvelles minimise un peu l'importance du reste de l'entreprise
pour réussir la consolidation de notre transformation. Si on est pour réussir
la consolidation de notre transformation, on a besoin, par exemple, des équipes
technologiques pour réussir tous les avancements technologiques qu'on a besoin.
On a besoin des gens en intelligence d'affaires qui appuient notre salle de
nouvelle, qui appuie nos gens de produit également. On a besoin d'une équipe de
représentation publicitaire qui est extrêmement douée pour maintenir... pour
aller chercher notre juste part des revenus publicitaires. Donc, nous, on
considérait qu'un appui à l'ensemble de l'organisation était une meilleure
approche. Quand je parlais en plus de dépenses structurantes, je fais
référence, exemple, à des licences qu'on doit avoir pour être capable, exemple,
de distribuer notre contenu sur nos plateformes. C'est juste un exemple.
M. LeBel : Merci. Bon, avoir
des crédits d'impôt, certaines subventions via un programme. LaPresse
ne se gêne pas pour prendre des positions politiques, là. Vous allez sûrement
en prendre pour les prochaines élections fédérales. Comment vous liez cette
possibilité de prendre des positions politiques avec des crédits d'impôt puis
des subventions de l'État? Comment vous liez ces choses-là et par rapport à
l'indépendance, pour répondre aux gens qui peuvent s'inquiéter?
• (17 heures) •
M. Crevier (Guy) : O.K.
Oui. Laissez-moi vous rappeler un petit peu l'historique. Dans un modèle papier
en Amérique du Nord, la majorité des journaux prenaient des positions en temps
d'élection et tout ça. Je vous ferais remarquer qu'à la dernière élection on
n'a pas pris position. O.K.? On n'a pas...
17 h (version non révisée)
15479 M.
LeBel : ...les crédits d'impôt puis les subventions de l'État. Comment
vous liez ces choses-là et par rapport à l'indépendance pour répondre aux gens
qui peuvent s'inquiéter?
M. Crevier (Guy) : O.K. Oui.
Laissez-moi vous rappeler un petit peu l'historique. Dans un modèle papier en Amérique
du Nord la majorité des journaux prennent des positions en temps d'élection et
tout ça. Vous avez remarqué que la dernière élection, on n'a pas pris de
position. O.K.
On fait appel aux lecteurs, les lecteurs
nous ont dit : Bon, bien, il y a trois sujets d'importance pour
nous : l'éducation, les soins de santé, tout ça. Et on a fait des grands
dossiers là-dessus puis on a décortiqué les programmes des partis sur ces
dossiers-là, mais on n'a pas pris position, O.K. Depuis qu'on est une OBNL,
c'est notre méthode.
Je vous dirais d'ailleurs que ça a été
assez frappant parce que la première fois qu'on a pris position dans des
élections fédérales dans un mode numérique, tous nos jeunes lecteurs nous l'ont
reproché. On a eu des tonnes de plaintes. Les gens n'étaient pas habitués au
modèle papier. Donc, c'était des nouveaux consommateurs d'information puis les
jeunes nous disaient : Heille! LaPresse, vous ne nous
direz pas comment voter, quoi penser et tout ça et, tu sais...
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, s'il vous plaît.
M. Crevier (Guy) : ...soulevez
ces sujets, éclairez-nous, mais pas plus que ça. Donc, on est en train de
changer notre modèle, de s'adapter nous aussi.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Pour deux minutes, je cède la parole à la collègue de
Marie-Victorin.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup pour la présentation. Je suis totalement d'accord avec vous pour ce
qui est de la nécessité d'une aide structurante au milieu médiatique québécois,
ce qui m'amène à deux questions.
S'il n'y a pas une aide urgente de la part
du gouvernement, est-ce qu'il pourrait y avoir carrément un risque de
fermeture, par exemple, à LaPresse?
Ma deuxième question, maintenant que vous
avez eu le feu vert pour les reçus d'impôt d'Ottawa, il y a quelques mois
maintenant si je ne me trompe pas, est-ce que vous avez l'intention d'être
transparent et de divulguer, par exemple, votre liste de donateurs?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Bon, bien, à la deuxième question, la réponse est oui. Je pense que la loi
exige que de la minute qu'on obtient un numéro qui nous permet d'émettre des
reçus de charité de donateurs reconnus, on doit soumettre la liste, on doit la
rendre publique, la liste de tous les donateurs, je pense, de 5 000 $
et plus, là. Je crois que c'est le...
Mme Fournier
: ...pour
les 5 000 $ et moins ou pas du tout?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Bien, écoutez, je pense qu'on va respecter la loi. On va respecter...
M. Crevier (Guy) : Il y a des
gens qui nous donnent des dons aujourd'hui qui sont des dons qui sont 10 $
par semaine et tout ça. On demande aux gens, ceux qui veulent être
identifiés...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
À la deuxième question, on n'est pas sur le bord de la faillite aujourd'hui. LaPresse
n'est pas dans cette situation-là. Toutefois, ce que je peux vous dire, c'est
que s'il n'y a pas une aide rapide et structurante, on met à risque la
pérennité de LaPresse. Ça, c'est clair.
Mme Fournier
: Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Alors, nous vous remercions, représentants de LaPresse.
Et afin de permettre aux représentants de Québecor Média de s'installer, je
vais suspendre les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à17 h 4)
Le Président (M. Tanguay) :
Oui, alors, nous reprenons nos travaux. Alors, bienvenue aux représentants de
Québecor Média. Bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez d'une période de 10 minutes
de présentation et, par la suite, nous aurons l'occasion d'échanger avec les
collègues députés. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien
préciser vos noms et fonctions. Et sans plus tarder, bien, la parole est à
vous.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Merci,
M. le Président. Donc, effectivement, bonjour à tous et à toutes, mesdames et
messieurs les députés, les parlementaires.
Donc, je suis Pierre-Karl Péladeau, et je
suis président et chef de la direction de Québecor. Je suis accompagné, donc, à
ma droite, de Mme France Lauzière, présidente et cheffe de la direction du
Groupe TVA et cheffe de contenu de Québecor Contenu, ainsi que...
M. Péladeau (Pierre Karl) : ...
Donc, effectivement, bonjour à tous et à toutes, Mmes et MM. les députés, les parlementaires.
Donc, je suis Pierre Karl Péladeau et je suis président et chef de la direction
de Québecor. Je suis accompagné, donc, à ma droite de Mme France Lauzière,
présidente et chef de la direction du Groupe TVA et chef de contenu de Québecor
Contenu, ainsi que de Mme Lyne Robitaille, vice-présidente principale,
journaux, magazines, distribution et imprimerie chez Québecor de même que
présidente et éditrice du Journal de Montréal.
Alors, M. le Président, c'est le 15 juin
1964 que mon père, Pierre Péladeau, fait paraître le Journal de Montréal
pour la première fois. À l'image des figures de proue de sa génération, il
décide, lui, de s'investir dans l'économie du Québec et de s'affranchir de
l'environnement économique dominant anglo-saxon. Il lance le Journal de
Montréal en un week-end, alors que sévit une grève au quotidien LaPresse.
Quelques mois plus tard, à la fin du conflit de trois mois, le tirage du Journal
de Montréal passe de 100 000 exemplaires à moins de 10 000. Les
conseillers de mon père lui suggèrent alors de fermer. Comme on dit en bon
français, Take the money and run. Alors, c'était bien mal connaître mon
père. Lui, il s'est dit : On se crache dans les mains et on recommence...
on continue. Désolé. Son journal, M. le Président, répondait aux besoins des
Montréalais et des Montréalaises. Il a décidé de faire un journal pour eux et
pour elles, pas pour lui, pas pour les journalistes ou l'intelligentsia de
l'époque, il l'a fait avec ses employés pour les lectrices et les lecteurs. Il
lance aussi le Journal de Québec le 6 mars 1967 et achète plusieurs
autres journaux et hebdomadaires au cours des décennies suivantes. Ses journaux
et leur tirage s'améliorent en permanence, si bien que 30 ans plus tard, les
quotidiens de Québecor sont les plus lus et les plus vendus au Québec. À son
sommet, le Journal de Montréal vendait plus de 350 000 exemplaires
et était rempli de publicités, fréquemment plus de 25 pages de ce qu'on
appelait à l'époque les petites annonces ou les annonces classées.
Déjà à cette époque, les directions de
certains journaux n'ont pas fait le travail nécessaire à la saine gestion de
leur entreprise. Beaucoup semblent oublier ici qu'un journal, et monsieur de La
Palice ne l'aurait peut-être pas dit mieux, ce n'est pas seulement un journal,
c'est également une entreprise, et une entreprise qui fait travailler bien
d'autre monde qu'uniquement des journalistes. En d'autres mots, il faut générer
plus de revenus que de dépenses pour justement être en mesure de payer les
dépenses, comme entre autres le salaire de ceux et celles qui produisent le
journal. Alors, déjà à cette époque-là, le Dimanche-Matin a disparu, Le
Jour a disparu. J'avais 16 ans, je travaillais au Journal de Montréal
comme photographe, et le Montréal-Matin a cessé sa publication. Alors,
ces journaux n'ont pas su s'adapter, déjà à ce moment-là, aux besoins des
citoyens et des citoyennes. Est-ce que l'État ou la collectivité ont été
appelés à ce moment-là à subventionner ces médias, qui étaient tout autant mal
gérés que de ne pas répondre aux besoins de la majorité de la population? Poser
la question, M. le Président, c'est y répondre.
• (17 h 10) •
Et les bouleversements technologiques
ont commencé. Je savais, nous savions que nous devions anticiper un déclin de
la presse écrite. C'était écrit dans le ciel. En 1992, alors que nous devions
réduire les effectifs pour les activités industrielles de fabrication, la
préparation, le montage, l'impression — ça fait travailler beaucoup
de monde, là, il y avait des centaines d'employés, là — eh bien, M.
le Président, j'ai essuyé un échec et un refus complet de la part des
organisations syndicales malgré une proposition de rachat d'emplois qui
équivalait à trois années de salaire, trois années de salaire. Ce n'est pas
rien, ça, là, là. Pourtant, nous ne demandions que le niveau d'effectifs qui
soit requis par les nouvelles technologies ou ce qu'on appelait à l'époque les
changements technologiques, pour reprendre le vocabulaire syndical. Alors,
malgré ce refus injustifiable, nous avons persisté et avons dû tristement nous
engager dans un conflit que nous ne souhaitions pas. Lors du lock-out du Journal
de Québec en 2008, l'ex-président de la FTQ, Henri Massé, avait
déclaré : «Péladeau veut imposer au syndicat un lock-out...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...nous avons persisté et avons dû tristement nous engager dans un conflit que
nous ne souhaitions pas. Lors du lockout du Journal de Québec en
2008, l'ex-président de la FTQ, Henri Massé, avait déclaré : Péladeau veut
imposer au syndicat un lockout dit sauvage. On coupe les jobs en deux, on
défait la qualité de l'information et puis on vous impose ça et vous allez le
prendre puis sans négociations. Je vous épargne le reste de la phrase parce que
je pense que ce n'est pas un langage qui doit être tenu, ici, à l'Assemblée
nationale.
Au Journal de Montréal, deux
années de lockout ont été nécessaires pour éliminer les conditions de travail
d'une autre époque, celle des années florissantes. L'entreprise ne pouvait plus
soutenir la semaine de quatre jours, 32 heures. L'entreprise ne pouvait
plus soutenir six semaines de vacances payées à temps double. Et l'entreprise
ne pouvait plus soutenir le remplacement obligatoire payé à temps double, entre
autres. L'aveuglement syndical est allé jusqu'à l'indécence, et je m'en
souviendrai toujours, toute ma vie, de manifester sur la tombe de mon père.
Aujourd'hui, force est de constater, n'en
déplaise à M. Massé et également aux représentants du syndicat des
journalistes, le STIJM, , au Journal de Montréal, que nous avons
pris les décisions qui s'imposaient pour assurer le maintien des emplois dans
nos salles de nouvelles.
Laissez-moi céder ici la parole à Lyne
Robitaille qui compte plus de 23 ans au journal, dont 14 ans à titre
d'éditrice. Lyne.
Mme Robitaille (Lyne) : Merci,
Pierre Karl. Mesdames, messieurs, bonjour. Vous savez, nos trois quotidiens
rejoignent plus de 4 millions de lecteurs par semaine, donc c'est 55 %
de la population. C'est plus d'un Québécois sur deux. Et les ventes papier, à
elles seules, de nos quotidiens rejoignent 3,2 millions de lecteurs par
semaine. Donc, c'est juste pour vous démontrer à quel point ces résultats
démontrent, de façon éloquente, que ce format est encore très apprécié.
L'anticipation des changements dans
l'industrie de la presse écrite est ce qui a permis et ce qui permet encore
toujours, à Québecor, de connaître du succès et traverser les bouleversements
liés que nous avons connus, entre autres, par les changements technologiques,
mais aussi par la diminution significative des revenus, principalement la
publicité. En 2005, nous avions établi un plan sur cinq ans afin de modifier notre
modèle d'affaires pour optimiser nos coûts d'opération, mais aussi pour se
permettre, et c'était très important, une plus grande flexibilité pour pouvoir
réagir rapidement aux changements du marché. Cela nous a amené, comme Pierre
Karl l'a mentionné, évidemment prendre des décisions extrêmement difficiles,
mais qui démontre aujourd'hui que nous avons fait les bons choix pour assurer
la poursuite du développement de nos activités et surtout continuer d'offrir un
contenu de qualité. Alors que plusieurs médias affichent une situation
financière déficitaire, nos journaux demeurent rentables.
Nous avons également fait le choix
d'approfondir notre contenu journalistique par la création du bureau d'enquêtes
par l'élargissement de nos bureaux parlementaires. Nous avons également investi
de façon significative dans la multiplication des plateformes de distribution
afin de rejoindre nos lecteurs là où ils se trouvent et sur la plateforme de
leur choix.
Nous déplorons l'aide uniquement dirigée à
Groupe Capitales Médias de 10 millions du gouvernement précédent. Cette
aide est venue fausser les règles de la concurrence et fragiliser encore
davantage la presse écrite.
S'il devait y avoir un soutien financier
de l'État, il devrait être universel et non pas favoriser certains groupes au
détriment d'autres groupes. Merci.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Merci, Lyne. D'autres entreprises de même nature ont fait de l'aveuglement
volontaire. Ils ont joué à l'autruche et se retrouvent aujourd'hui dans la
situation que nous connaissons.
Deux exemples flagrants, la faillite de
Groupe Capitales Médias, une création de Power Corporation, qui a trouvé un
homme de paille pour se débarrasser de ses quotidiens régionaux et qui
requièrent encore de l'argent public après que le gouvernement de Philippe
Couillard lui a octroyé une subvention de 10 millions de dollars.
La faillite...
Le Président (M. Tanguay) :
Juste faire attention... Juste faire attention au décorum. Homme de paille et
il faut appeler les élus ou ex-élus par leur titre, donc premier ministre
Philippe Couillard. Mais faites attention, s'il vous plaît. Ça va bien.
Continuez, je vous en prie.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Merci, M. le Président. La faillite certainement probable de LaPresse
après le mauvais choix de la gratuité...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...la faillite...
Le Président (M. Tanguay) :
Juste, juste faire attention.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...certainement certaine...
Le Président (M. Tanguay) :
Juste faire attention au décorum : homme de paille et il faut appeler les
élus ou ex-élus par leur titre. Donc, premier ministre Philippe Couillard. Mais
faites attention, s'il vous plaît. Ça va bien. Continuez, je vous en prie.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Merci, M. le Président. La faillite certainement probable de LaPresse
après le mauvais choix de la gratuité fait par Guy Crevier, l'alter ego
d'André Desmarais, ancien propriétaire de LaPresse
dont il s'est également débarrassé pour la somme de 50 millions de
dollars. Alors, c'est un peu invraisemblable de constater l'inertie et
l'apathie de la direction des médias. Dès le début des années 2000, M. le
Président, un pan entier des revenus que constituaient les annonces classées
chez nous, c'était plus 30 % des revenus, bien, il a disparu ce pan et à
vitesse grand V. Kijiji, Google, probablement que ça vous dit quelque chose.
Alors, ce n'est pas d'hier que la problématique à laquelle nous faisons face
existe. Les éditeurs ne sont pas adaptés et sont maintenant devenus des quêteux
dont la pérennité dépend du bon vouloir de celles et de ceux qui son t aux
commandes de l'État. Tristement, dans ce contexte, l'indépendance des salles de
rédaction est fortement mise en péril, voire terminée. Et nous le constations
déjà avec des reportages tout en complaisance de certains journalistes envers
les chefs d'entreprises.
Le Président (M. Tanguay) :
S'il vous plaît!
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Pardon?
Le Président (M. Tanguay) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Alors, en terminant, mesdames et messieurs, nous savons que le gouvernement du
Québec va nous dire que, pour la télévision, il ne peut rien faire, que c'est
une compétence fédérale. Je sais très bien que d'obliger les géants étrangers
du Web à prélever la TPS relève du gouvernement fédéral, que l'établissement
d'un cadre réglementaire pour baliser leurs pratiques au Québec comme au Canada
relève du fédéral. Je sais aussi très bien que les changements législatifs
concernant le droit voisin relèvent du fédéral, que les modifications aux
droits d'auteur relèvent du fédéral. Évidemment, malheureusement, France n'a
pas eu l'occasion de le mentionner, notre régime de télédiffusion et de
télécommunications relève du fédéral, relève du CRTC qui est incapable de
saisir et de comprendre les révolutions technologiques et qui continue
d'imposer des fardeaux réglementaires comme si Internet n'existait pas.
Le Président (M. Tanguay) :
En conclusion.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
C'est assez incroyable. Alors, toutefois, comme il le fait dans bien d'autres
secteurs d'activité économique, le gouvernement du Québec a la responsabilité,
je dirais même le devoir et l'obligation de défendre nos intérêts à Ottawa, de
défendre les entreprises du Québec qui créent de la richesse...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...chez nous, de défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup, M. Péladeau. Les députés de la banquette ministérielle
vous ont fait un don de leur temps, 2 min 30 s alors qui sera
amputé. Alors, il vous reste, pour le début des échanges, donc, un total de
12 min 30 s.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Robitaille, Mme Lauzière,
M. Péladeau, très content de pouvoir vous voir aujourd'hui.
M. Péladeau, rebienvenue à l'Assemblée nationale également. Comme ancien
député de Saint-Jérôme, j'imagine que c'est un plaisir pour vous de revenir ici
aujourd'hui.
Vous avez dit plusieurs choses, plusieurs
éléments. J'aimerais qu'on parle de l'avenir également. Comment vous vous
projetez comme gens d'affaires? Vous dites, dans votre mémoire : «L'avenir
des médias d'information au Québec passe par des entreprises innovantes et des
groupes de presse forts.»
Vous n'êtes pas sans savoir également que
vous avez fait des choix très importants de continuer avec le Le Journal de
Québec et le Le Journal de Montréal en copie papier entre autres, puis
qui dit... qui vous confirme que c'est une bonne décision que vous avez prise. Également,
au niveau de la télévision où effectivement il y a des enjeux où on doit se
projeter dans l'avenir.
Mais comment vous entrevoyez ça quand on
parle de groupes de médias de presse qui sont forts? Est-ce que, pour vous, ça
doit se faire par de futures acquisitions pour assurer une certaine pérennité?
Je ne demande pas que vous dévoiliez votre plan d'affaires. Mais est-ce que,
pour vous, ça passe essentiellement par ça?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
J'aurais souhaité effectivement aussi en même temps, parce que vous l'avez
mentionné, M. le député, donc de parler de la télévision, de parler de l'information.
Aujourd'hui, il y a une transaction qui va être présentée devant le CRTV. Ça va
être Bell qui va acheter V. Vous savez que Bell a des pratiques prédatoires
depuis de très nombreuses années, et j'ai bien peur que la rentabilité de TVA
qui participe également aussi, de façon significative, à la mise en place, à la
cueillette et également à l'analyse des informations soit peu à peu fragilisée.
Et j'ai bien peur éventuellement de devoir me présenter ici, dans cinq ans,
pour pouvoir vous dire que, là aussi, les salles de nouvelles sont en péril. La
télévision généraliste fait également aussi face à des dynamiques qui sont
celles que la presse écrite auxquelles fait référence. Alors, il ne faut pas
penser que nous sommes invincibles à cet égard. Donc, ce sont les éléments que
je souhaite également aussi, donc, vous soumettre pour que, lorsque le
législateur va être appelé à légiférer ou à proposer un projet de loi, vous
considériez cet élément-là qui m'apparaît essentiel et incontournable.
• (17 h 20) •
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Je pense qu'on vous entend bien sur les...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...que nous sommes invincibles à cet égard. Donc, ce sont les éléments que je
souhaite également aussi, donc, vous soumettre pour que, lorsque le législateur
va être appelé à légiférer ou à proposer un projet de loi, vous considériez cet
élément-là qui m'apparaît essentiel et incontournable.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Je pense qu'on vous entend bien sur les télés. Quand vous dites que vous n'êtes
pas invincibles, effectivement, il des défis dans l'avenir, vous venez d'en
nommer quelques-uns. Mais, si je reviens dans le passé, vous nous avez parlé de
l'aide à Groupe Capitales Médias que vous dénoncez. Cependant, est-ce que
Québecor a fait des représentations, puis je vous pose la question sans avoir
la réponse, dans les 15, 20 ou 10, ou même plus récemment concernant une aide
éventuelle qui pourrait être portée, je ne sais pas, par exemple, dans les
médias régionaux ou quelconques?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Pas à ma connaissance.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
D'accord. Je vais céder la parole à d'autres de mes collègues.
Le Président (M. Tanguay) :
Je cède la parole à notre collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Un très bon comté.
M. Chassin :
Absolument. Avouez, M. Péladeau, que, pendant quelques instants, vous vous
êtes dit : Est-ce que je peux poser une question? Mais, dans le fond, je
voudrais revenir sur... Dans votre mémoire, effectivement, vous parlez d'un
modèle qui est le vôtre, qui a été critiqué, la convergence, qui permet en même
temps d'avoir des économies par la mise en commun. Est-ce que, dans le fond,
dans notre réflexion, ici, comme commission parlementaire, on a cette réflexion
du modèle d'affaires. Et je me demandais, de votre point de vue, à quel point
un modèle d'affaires, où plusieurs médias partagent finalement une
infrastructure d'information, est-ce que c'est en partie votre recette de
succès ou pas?
Évidemment, je pense que derrière le mot
de «convergence» se cache une réalité plus complexe, là. Il y a quand même une
diversité de points de vue qui sont exprimés, et puis Mme Robitaille
pourra nous le dire, mais à travers notamment les pages des journaux. Mais à
quel point est-ce que vous évaluez que ce facteur-là est un facteur important
dans votre modèle d'affaires à vous, qui vous a conduit à une certaine réussite
quand même?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, écoutez, je vais vous répondre assez simplement. Vous savez, lorsqu'effectivement
nous avons engagé une modification, je dirais même une restructuration, un
repositionnement de notre groupe, ça s'est passé en 2000, avec l'acquisition de
Vidétron et donc cet engagement vers la convergence, ça a laissé énormément de
commentateurs et de commentatrices dubitatifs, c'est le moins qu'on puisse
dire. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, la convergence existe partout, pas
uniquement ici, au Québec. Bell a fait la même affaire et, aux États-Unis, en
Europe, c'est un modèle qui s'applique partout. Pourquoi? Parce que c'est un
modèle qui, justement, est efficace, c'est un modèle qui permet l'optimisation
des dépenses.
Vous savez, je ne veux pas rentrer dans le
détail, mais, tu sais, malheureusement, des fois, le diable est dans les
détails, tu sais. Ici, vous allez me prendre en photo, est-ce qu'on a vraiment
besoin de trois photographes, de trois publications différentes ou une seule
photo, entre guillemets, va faire la job? Et c'est vrai à tous égards parce
qu'il faut rentrer dans les détails, et c'est pour ça que je disais, dans mon
intervention, que, oui, c'est un média d'information, mais c'est également une
entreprise. Et, si vous avez uniquement comme focus ou comme intérêt ou
priorité donc le journalisme ou la salle de rédaction, bien, malheureusement,
vous êtes à côté de vos ponts parce qu'il y a du monde également aussi qui
travaille en arrière, et ça, tristement, beaucoup de personnes l'ont oublié.
M. Chassin :
Une question un peu différente, mais néanmoins liée, est-ce qu'il y a, par
exemple, la possibilité pour des médias locaux régionaux de se regrouper pour
offrir une offre publicitaire intéressante? On nous a parlé aujourd'hui,
certains intervenants, d'une espèce de régie publicitaire où on se réunit pour
concurrencer finalement des plateformes qui offrent du ciblage particulièrement
précis, là où on offrirait finalement une offre assez diversifiée dans toutes
les régions du Québec, c'est une avenue qui, pour vous, peut être intéressante.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Moi, écoutez, bien honnêtement, là, je vais vous dire, là, c'est de
l'imagination, heureusement, du désespéré, là, tu sais, c'est une espèce
d'usine à gaz, dont on sait qui ne fonctionnera jamais, là, tu sais. Il faut
savoir également aussi, parce que je le croisais puis j'ai beaucoup d'affection
pour lui parce que je trouve que c'est un gars qui est extrêmement brillant,
Michel Bissonnette, lui, il travaille à Radio-Canada, pensez-vous qu'à
Radio-Canada, là, qui est alimenté de 100 millions par le gouvernement
fédéral, va jouer à cette partie-là? Radio-Canada, ce n'est pas sa mission de
faire vivre les médias écrits ou les concurrents, on est en concurrence
permanente, là, pour de l'auditoire de façon systématique à tous les jours.
Alors, bon, à moins qu'on veuille refaire
le système économique au Québec, là, puis peut-être que certains politiques le
souhaitent, mais je pense qu'en vertu des principes qui sont ceux qui
s'appliquent, c'est la concurrence et, selon moi, c'est un critère d'émulation
et d'amélioration, la preuve, c'est qu'effectivement, et Lyne l'a dit, on
investit de façon significative au niveau de la cueillette de l'information.
Nous sommes très fiers du bureau parlementaire, nous sommes très fiers du
bureau d'enquête, et ils sont nombreux ceux et celles qui ont dit
qu'«heureusement que le bureau d'enquête de Québecor...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...est, selon moi, un critère d'émulation et d'amélioration. La preuve, c'est
qu'effectivement, et Lyne l'a dit, on a investi de façon significative au
niveau de la cueillette de l'information. Nous sommes très fiers du bureau
parlementaire, nous sommes très fiers du bureau d'enquête. Et ils sont
nombreux, ceux et celles qui ont dit qu'heureusement que le bureau d'enquête de
Québecor est là parce que c'est lui qui procure aux citoyens puis aux
citoyennes des informations de première qualité et des informations qui sont
essentielles à la démocratie et au renforcement de la démocratie.
M. Chassin :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Alors, on poursuit avec le collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : Puis avec le
cadeau à M. Péladeau, il me reste?
Le Président (M. Tanguay) :
Toujours cinq minutes.
M. Lemieux : Cinq
minutes. Merci beaucoup. M. Péladeau, merci beaucoup pour le rappel
historique jusqu'au début du journal, les détails, les anecdotes, les opinions,
qui nous font comprendre le virage que vous avez senti qu'il fallait prendre.
Et, c'est drôle, j'arrive au même endroit, à votre mémoire, en page 7, où il
est question de convergence, que mon camarade.
Vous parlez de convergence, et, pour vous,
ça vous a bien servi. Il y avait de quoi converger. Mais pour le petit hebdo
indépendant ou le petit groupe d'hebdos — puis vous connaissez ça,
les hebdos, vous en avez eu un bon bout de temps dans votre
parc — ils vont converger avec qui, eux autres? Ils vont faire quoi,
eux autres? Parce que la commission, ce n'est pas seulement pour les gros
joueurs. C'est aussi pour le reste du Québec. Et, dans le reste du Québec, en
ce moment, ils ne peuvent pas converger. Ils ne peuvent même plus vivre.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Oui. Moi, je regarde... évidemment, vous pouvez vous en douter, là, c'est mon
métier... donc, je regarde les quotidiens régionaux de Capitales Médias. Puis,
bon, je veux bien, moi, qu'on dise qu'on doit les soutenir. Mais, tu sais, la
première chose, éventuellement, qu'on devrait faire... Ce sont les commerçants
locaux qui devraient soutenir, tu sais, les quotidiens. Donc, je vous invite à
regarder les quotidiens d'aujourd'hui, là, donc, Le Nouvelliste,
là, le quotidien, puis d'essayer de compter le nombre de pages de publicité
puis également aussi, donc, les publicités locales. Vous allez être étonnés. Il
n'y en a pas beaucoup. Il n'y en a quasiment pas. O.K.?
Par contre... et moi, j'ai une maison à
Eastman, à côté du Mont-Orford, un très bel endroit, et l'hebdomadaire
s'appelle Le Reflet du lac. Mais Le Reflet du lac, là, il y en a,
de la publicité, là. C'est un hebdomadaire qui justement est en mesure de
pouvoir procurer, un, une information locale, et deux, d'autre part, également
un véhicule pour les commerçants d'annoncer. Que ce soit la notaire, que ce
soit le salon funéraire, que ce soit l'agent immobilier, c'est rempli de
publicités. Donc, ils font bien leur travail. Alors, pourquoi? Parce que Le
Reflet du lac, là, bien, le propriétaire est quelqu'un de l'endroit qui est
bien installé. Et Lyne le connaît parce qu'on avait un journal directement en
concurrence qui s'appelait le Progrès de Magog. C'est vrai qu'à l'époque
il y en avait deux. Maintenant, il y en a un. Mais il y en a un qui fait très
bien le travail.
Moi, je pense que les hebdomadaires ont un
avenir solide parce que justement ils sont en mesure de procurer une information
extrêmement locale et une... information dont les citoyens et les citoyennes
ont besoin, et ils vont soutenir leur journal.
M. Lemieux : Alors, vous
seriez d'accord avec des suggestions qui ont été faites à la commission
jusqu'ici cette semaine, entre autres, pour essayer de compenser une espèce
d'anachronisme qu'on nous a exprimé, que le fédéral permet à quelqu'un qui
achète de la publicité de déduire les coûts de publicité, même si c'est de la
publicité qui est achetée à l'étranger. On nous a suggéré qu'on pourrait
bonifier au lieu de... bien, on peut faire autre chose, mais qu'on puisse
bonifier pour qu'un entrepreneur qui achète... un commerçant qui achète de la
publicité puisse être encouragé, qu'il y ait un incitatif. Ça fait au moins
deux, trois mémoires qui nous parlent de ça. Ce que j'entends de vous, ce n'est
pas incompatible, là.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, bien sûr, bien sûr, au contraire, et ça, ça fait longtemps que nous le
disons. Ça fait longtemps que nous dénonçons la situation. Le gouvernement
fédéral fait de la politique avec nos entreprises de médias, Mélanie Joly avec
la taxe. On demande juste l'application... Puis je le sais, j'ai déjà participé
à un panel avec Mme Marois et... excusez... Mme Rizqy. Excusez-moi...
non, non, Mme la députée... Mme la députée de Saint-Laurent. Je ne me souvenais
plus, excusez-moi, M. le Président.
Et puis effectivement, donc, tu sais, que
Netflix et que toutes les entreprises étrangères ne soient pas assujetties...
pas à une loi particulière, là, pas à une taxe particulière, à la TPS, à la
taxe que tous les produits et services au Canada sont assujettis. Et ça, c'est
vrai, une autre taxe, et il y en a beaucoup d'autres. Malheureusement, le gouvernement
fédéral fait de la politique avec ça, dit qu'il va y avoir une taxe Netflix. Il
n'a jamais été question d'une taxe Netflix, il a été question d'assujettir les
entreprises au même régime fiscal pour que l'équité puisse exister en cette
matière.
M. Lemieux : Oui. Il me
reste juste 30 secondes, mais il faut que je vous dise que la taxe québécoise
sur Netflix, on taxe le consommateur, on ne taxe pas... en tout cas.
• (17 h 30) •
J'ai bien compris, et vous le répétez sur
tous les tons, vous dénoncez l'aide d'urgence, celle de 10 millions qu'il
y avait eu il y a deux ans et la nouvelle...
17 h 30 (version non révisée)
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...exister en cette matière.
M. Lemieux : Oui. Il me reste
juste 30 secondes, mais il faut que je dise que la taxe québécoise sur
Netflix, on taxe le consommateur, on ne taxe pas... en tout cas.
J'ai bien compris, et vous le répétez sur
tous les tons, vous dénoncez l'aide d'urgence, celle de 10 millions qu'il
y avait eu il y a deux ans et la nouvelle aide à Groupe Capitale Médias, dans
les circonstances. Est-ce que je dois comprendre que vous allez vous inscrire
en faux quoi qu'il arrive sur des décisions du gouvernement pour venir en aide
dans un programme d'aide à court terme?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, je pense que Mme Robitaille a été claire et précise là-dessus, nous ne
croyons pas que ce soit nécessairement la formule, mais s'il devait y avoir
cette formule, qu'elle soit universelle et que nous ne privilégions pas un
groupe au détriment des autres, parce que ça vient fausser la concurrence, et
ça, au contraire, je pense que c'est néfaste.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Maintenant, pour un bloc de 10 minutes, je cède la parole à la collègue
de Verdun.
Mme Melançon :
Bonjour.Bienvenue. Merci de vous être déplacés, c'est intéressant de pouvoir
vous entendre. D'abord, et là je veux vous garder de bonne humeur, mais je veux
qu'on parle du CRTC quelques secondes. Je le sais, qu'il y a des problématiques
au CTRC, je sais que vous êtes allé très souvent à Ottawa pour en parler. J'ai
une question pour vous : Est-ce que vous trouvez ça anormal que le gouvernement
du Québec n'ait rien déposé lors de l'ouverture des révisions de lois — j'en
ai glissé un mot déjà à Mme Lauzière lorsqu'on s'est vues, un peu plus tôt
cette année — que le gouvernement du Québec n'ait pas été défendre
les intérêts du Québec, tant en télédiffusion qu'en radiodiffusion?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, je suis certain, peut-être, éventuellement, France peut ajouter un mot,
mais je pense que vous ne serez pas étonné de ma réponse, hein : Bien sûr.
Bien sûr. Puis j'ai essayé, donc, de le mentionner dans ma conclusion. Le gouvernement
du Québec doit défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises à Ottawa.
C'est sa mission, également.
Mme Melançon : C'est exactement
en ce sens-là, d'ailleurs, qu'on a décidé de prendre le taureau par les cornes
puis, dans le fond, que l'ancien ministre des Finances a été en mesure de faire
la taxe Netflix, appelons-la ainsi, qui verse dans les coffres plus de 65 millions,
là, pour la prochaine année.
Un fonds dédié pour la culture, les communications,
ne serait-ce qu'avec l'argent qui rentre pour Netflix, est-ce que vous êtes
d'accord avec ça, M. Péladeau?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Deux choses, ou trois, peut-être, là, rapidement. Effectivement, j'ai salué l'initiative
du ministre des Finances, le député de Nelligan, hein... Robert-Baldwin,
désolé. Et puis effectivement, c'était le courage, et il aurait même eu... il aurait
dû avoir encore davantage de courage et de dire : Bien, si vous faites l'économie,
vous, le gouvernement fédéral, de ne pas taxer, on va prendre votre place puis
on va le ramasser pour justement éventuellement aussi soutenir les efforts
généraux, les efforts généraux de l'État à l'intérieur de l'univers culturel.
Alors, est-ce qu'on doit faire le... On le
fait déjà, quand même, tu sais, le gouvernement du Québec est très actif en
cette matière. Maintenant, je pense qu'il est important également aussi de
souligner, parce que probablement qu'on va vous poser la question, les entreprises
de télécommunication versent déjà des montants importants à l'intérieur, donc,
de ce cadre général du fonds canadien, en l'occurrence, on l'appelle le fonds
canadien des médias. 5 % des revenus de câblodistribution sont versés à ce
fonds qui, lui, reverse aux producteurs indépendants pour faire en sorte justement
que nous ayons cette richesse culturelle et que nous puissions justement faire
en sorte de mettre à l'écran les talents qui sont les nôtres.
Maintenant, est-ce que quelque chose de
cette nature-là est susceptible d'être proposé en matière d'information? C'est
une avenue qui est susceptible d'être explorée, mais je pense surtout qu'il va
falloir être extrêmement attentifs, parce que, là, les médias, ce n'est pas Révolution,
l'émission de danse, ce n'est pas Star Académie, ce n'est pas L'Échappée,
c'est vraiment au coeur de la démocratie. Et je ne dis pas que les autres
activités ne sont pas importantes, mais celle des médias a un statut bien
particulier, et il ne faut pas faire en sorte qu'on instaure, à l'intérieur de
ce système-là, une espèce de couche de complaisance qui va faire en sorte que
la transparence et également, aussi et surtout, l'indépendance des salles de
nouvelles puisse exister et perdurer.
Mme Melançon : Merci. Sur les
revenus publicitaires, vous dites, à l'intérieur du mémoire, hein, que les
médias sont tous à la recherche du même dollar publicitaire et qu'actuellement bien
sûr que ces géants du Web viennent piger exactement dans ce dollar-là. Vous
n'avez pas chiffré à quel pourcentage est-ce que... pour la publicité
gouvernementale, là, du moins, et je vous remercie, vous avez fait... vous avez
fait un excellent travail, mais est-ce qu'il y a un pourcentage sur lequel le
gouvernement doit dire : Je mise? Est-ce que c'est 100 % de l'argent
de la...
Mme Melançon : ...demande dans
ce dollar-là. Vous n'avez pas chiffré à quel pourcentage est-ce que, pour la publicité
gouvernementale, là, du moins, et je vous remercie, vous avez fait... Vous avez
fait un excellent travail, mais est-ce qu'il y a un pourcentage sur lequel le
gouvernement doit dire : Je mise. Est-ce que c'est 100 % de l'argent
de la publicité gouvernementale qui doit être mise dans nos médias? Est-ce que
c'est 95 %? Vous ne l'avez pas chiffré. Pouvez-vous nous donner une idée?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, je sais que... et d'ailleurs, c'est un vrai débat, là, et il existe également
aussi chez nous, à l'intérieur de nos collaborateurs et nos collaboratrices,
doit-on utiliser les réseaux sociaux pour s'assurer, tu sais, comme l'a dit le
premier ministre, le député de...
Des voix
: ...
M. Péladeau (Pierre Karl) : Le
premier ministre? O.K. qu'on utilise les réseaux sociaux, oui. Et d'ailleurs,
nous aussi, nous le faisons. Nous le faisons également aussi, je dirais que
c'est pour ramener, mais, oui, c'est aussi pour ramener des lecteurs et des
lectrices dans un créneau. C'est clair que, donc, chez les jeunes, dans le
créneau, disons, 15-25-30, là, on va davantage, évidemment consulter les
réseaux sociaux que la presse en général. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne
peut pas, tu sais, faire, entre guillemets, du rabattage à partir des réseaux
sociaux pour ramener cette clientèle-là à l'intérieur d'un univers, qui est
celui où les salles de rédaction, les collaborateurs et les collaboratrices des
salles de rédaction sont en mesure de procurer de l'information et les garder
dans cet univers-là et l'exploiter adéquatement, avec des revenus publicitaires
qui vont faire en sorte, justement, de financer nos salles de rédaction.
Mme Melançon : Ça fait quatre
mois que j'ai déposé une motion à l'Assemblée nationale, demandant justement
qu'on puisse avoir une directive claire. C'est un peu long. J'imagine que vous,
comme patron, vous trouvez ça long aussi?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
C'est sûr que si on était... devait toujours être à la remorque de l'État, bien
ça pourrait être long, effectivement. Donc, on a pris les moyens nécessaires
pour s'assurer de la pérennité de nos activités et puis de nos emplois qui y
participent.
Mme Melançon : J'ai lu ceci.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
C'est bon, hein?
Mme Melançon : J'ai pris le
tmeps de le lire et, vous savez, dans cette lecture-là, je trouvais intéressant
de lire Québecor, d'hier à demain. J'aimerais ça que vous puissiez nous
dire : de de main à après-demain, c'est quoi, votre vision?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, nous, nous avons toujours, puis, encore une fois, tu sais, largement
critiqué, nous l'avons été, mais nous avons investi, donc, dans le
développement technologique. Tu sais, s'il y a quelque chose auquel on ne
devrait jamais faire l'économie, c'est vraiment, donc, de cesser d'investir et
de penser que nous sommes plus forts que la technologie.
Au contraire, et c'est ce que nous avons
fait et nous les faisons à tous égards. Nous les faisons à la télévision, nous
avons été les premiers à concurrencer Netflix avec le Club Illico, des
productions, tu sais, de qualité, disponibles, donc, sur le Web, mais également
aussi sur la télévision.
Nous avons été le premier opérateur
historique dans le... pas historique, mais dans le domaine du câble, à lancer
le sans-fil. On sait aujourd'hui que le sans-fil va être de plus en plus
dorénavant un véhicule pour procurer du contenu. Nous avons procédé hier au
lancement, donc, d'une nouvelle plateforme technologique, Helix, pour le câble,
qui permet de naviguer très efficacement entre la câblodistribution, donc
l'ancien monde, avec le nouveau monde, qui est celui de l'Internet.
Donc, nous allons continuer à le faire et
c'est certainement, probablement, donc, un enseignement, puis je termine
là-dessus, parce que vous l'avez montré, là, et évidemment, vous pouvez vous en
douter, je suis très fier de mon père, mais lui, il l'avait également un peu
aussi implanté, cette technologie, puisque la première imprimerie qu'il a
utilisée, c'était une imprimerie «offset», alors que ses concurrents avaient
ce qu'on appelait du Linotype ou du... et c'était tristement... extrêmement
lourd et c'est notamment par la technologie qu'il a été en mesure aussi de
proposer un produit de qualité.
Mme Melançon : Je vais y aller
avec deux dernières. On va y aller rapidement, en rafale.
Alors, la diversité de la presse. J'ai lu
à l'intérieur de ça, là, votre père était d'accord avec la diversité de la presse.
J'imagine que... Vous logez où dans cette enceinte-là, parce qu'on vous a
entendu parler du Groupe Capitales Médias, le dire : Bien, vaut mieux que
moi, je l'achète que ça tombe complètement. La diversité de la presse, ça doit
être important pour vous aussi?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien sûr, et puis je pense que vous l'avez mentionné. Donc, si vous faites
référence à... et je pense que nous sommes tout à fait aussi en continuité avec
les enseignements de mon père, il a souhaité ne pas dire aux autres quoi dire,
quoi penser. Il n'y avait pas et il n'y a toujours pas d'éditoriaux dans les
journaux de Québecor. Maintenant, est-ce qu'il y a des opinions? Oui, il y a
des opinions et toutes sortes d'opinions, des opinions qui, justement,
reflètent la diversité qu'on est en mesure de rencontrer dans une collectivité
riche.
• (17 h 40) •
Alors, il y a des syndicalistes, il y a
des souverainistes, il y a des fédéralistes, il y a tout ce qu'il faut pour,
justement, participer à l'illustration de cette diversité et nous entendons
bien poursuivre dans cette avenue, parce que je pense que c'est celle qui nous
a effectivement montré le succès, si le succès...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...riche. Alors, il y a des syndicalistes, il y a des souverainistes, il y a
des fédéralistes, il y a tout ce qu'il faut pour justement participer à
l'illustration de cette diversité et nous entendons bien poursuivre dans cette
avenue parce que je pense que c'est celle qui nous a effectivement montré le
succès. Si le succès existe, c'est que la formule était bonne.
Mme Melançon : Il me reste
35 secondes. Je ne peux pas m'empêcher de vous demander... et je veux vous
garder de bonne humeur, je vous le redis encore une fois. Des interventions
éditoriales, là, il y en a. On a entendu, là, tout à l'heure, on a entendu le
député de Rimouski demander à La Presse qu'est-ce qui en était. Est-ce
qu'il y en a chez vous, chez Québecor?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, je pense avoir répondu à votre question, Mme la députée de Verdun. Non,
il n'y a pas d'éditoriaux, il n'y en a jamais eu puis il n'y en aura pas.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
Mme Melançon : Mais il y a de
la chronique?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Il
y a de la chronique, oui.
Mme Melançon : D'accord.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
Mme Melançon : Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, pour 2 min 30 s, nous cédons la parole à la collègue de Taschereau.
Mme Dorion : La semaine
dernière, Léolane Kemner admettait sur son blogue du Journal de Montréalun
traitement tendancieux de l'information de la part de chroniqueurs de Québecor,
et ce texte a rapidement été retiré du site du journal. On a été plusieurs à
trouver ça étrange, mais ça m'a rappelé quelque chose. Et là je veux vous
raconter mon expérience de blogueuse au Journal de Québec pour
lequel j'ai produit une trentaine de billets entre 2016 et 2018.
À notre première rencontre en 2016, le responsable
de la section Web du journal m'a dit : Tu peux publier absolument ce que
tu veux, t'es libre, mais quand même, ne fais pas exprès pour parler de John
Doe. J'ai dit : C'est qui John Doe? Il a dit : C'est PKP. J'ai
dit : Est-ce que je peux parler de Québecor? Il dit : Bien, si c'est
pour critiquer, non, idéalement, non. Ça fait que je me suis dit : Bon,
bien, quand j'aurai envie de critiquer Québecor, parce que Québecor est quand
même un personnage corporatif qu'on peut difficilement ignorer au Québec, j'en
subirai les conséquences, puis ce sera intéressant à voir.
En novembre 2016, le lendemain de la mort
de Fidel Castro, je lis le Journal de Québec au garage pendant que je
fais changer mes pneus, puis je décide d'écrire, et là, pas sur mon blogue, sur
mon compte Facebook personnel, à moi, une petite flèche à l'effet que les
chroniques du journal sont aussi diversifiées en opinions que les pages d'un
journal cubain. Avant même que mon auto soit prête à sortir, je reçois un appel
de mon supérieur immédiat qui me dit : Qu'est-ce tu fais là? Tu ne peux
pas mordre la main qui te nourrit. Il me dit que si ça devait se reproduire,
une ou deux fois, il faudrait malheureusement mettre fin à notre collaboration.
Un an plus tard, je publie sur mon blogue un
texte qui répond à une chronique de Sophie Durocher dans le style direct auquel
les lecteurs du journal sont habitués mais sans insulte personnelle envers
Sophie Durocher. Quelques minutes après la publication, je reçois de mon
supérieur un appel dans lequel il m'apprend que son boss lui a demandé de
m'appeler pour me dire que je ne peux pas vraiment attaquer, critiquer, dans
mes billets, des chroniqueurs de Québecor, en fait, idéalement, personne de
Québecor, et que là, on ne va pas enlever mon billet, mais que si ça devait se
reproduire, ça deviendrait difficile de continuer avec moi.
M. Péladeau, si vous achetez
Capitales médias, comment est-ce que vous pouvez nous garantir qu'il n'y aura
pas six journaux de plus où il va être tabou de vous critiquer, vous, ou
Québecor, qu'il n'y aura pas six journaux de plus qui vont faire la promotion
de Helix, de Vidéotron, du Centre Vidéotron puis de toutes les autres affaires
que vous possédez?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
J'apprécie vos commentaires, je n'en ai pas à vous donner, Mme la députée.
Mme Dorion : Vous êtes sûr? Il
reste 13 secondes.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Non. Je pense que vous avez décidé de faire... de vous donner en spectacle,
bravo. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
Mme Dorion : C'est une vraie
question que je vous pose, M. Péladeau.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, oui, mais c'est une vraie réponse que je vous donne, Mme la députée.
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, nous poursuivons avec le collègue de Rimouski pour
2 min 30 s.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. Moi, je suis très préoccupé pas les réalités régionales. On
a un grand pays, il faut l'occuper, il faut l'habiter puis il faut que le monde
sache ce qui se passe dans nos régions. Et là, je comprends que c'est une
business, les médias, mais ce n'est pas toujours rentable de couvrir les
régions, ça coûte cher. Déjà, le Journal de Québec couvrait
avant, c'est un exemple, mais couvrait L'Océanic à Rimouski, mais là, c'est
terminé. Ça fait qu'on ouvre le Journal de Québec, c'est Les Remparts
mur à mur. Je peux comprendre, il y a des décisions, mais on voit ça souvent,
là. En région, on va couper dans les salles de nouvelles, on va couper... je
trouve ça très dommageable, et c'est dans ce sens-là que je me dis :
Est-ce que, puis là, je demande votre opinion, est-ce que l'État a un rôle à
jouer pour conserver la vitalité des régions, d'aider financièrement à la
nouvelle en région, à la production de nouvelles, à la couverture en région?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, M. le député de Rimouski, à ma connaissance, il y avait, à l'époque,
un hebdomadaire, là, Le Rimouskois, je ne sais pas s'il existe encore,
ou il y en avait même deux, peut-être... Lyne, hein?
M. LeBel : Il en reste un.
Mme Robitaille (Lyne) : Oui...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bon, et maintenant, ce n'est pas parce qu'il n'y en a plus aujourd'hui qu'il ne
pourrait pas éventuellement en avoir un. Je pense que l'hebdomadaire est en
mesure, comme je l'ai dit, tout à l'heure, de faire en sorte de rapporter ce
qui est important pour la collectivité de Rimouski. Et ça ne veut pas dire non
plus par ailleurs, et la couverture de TVA le fait, bon, peut-être pas évidemment
aussi élargie que vous le souhaitez, là, concernant L'Océanic. Quoique je les
vois, des fois, l'Océanic dans le Journal de Québec, parce que...
M. LeBel : ...on a coupé beaucoup
dans les productions, là. C'est vrai que les...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...de Rimouski. Et ça ne veut pas dire non plus par ailleurs, et la couverture
de TVA le fait, bon, peut-être pas évidemment aussi élargie que vous le
souhaitez, là, concernant L'Océanic. Quoique je les vois, des fois, l'Océanic
dans le Journal de Québec, parce que...
M. LeBel : ...on a coupé beaucoup
dans les productions, là. C'est vrai que les quotidiens... les hebdos, chez
nous, ils parlent de nous autres chez nous, mais c'est bien aussi de parler du
bas du fleuve, de la Gaspésie ailleurs au Québec, puis ne pas juste parler du
traversier à Matane qui ne marche pas le matin, là. Tu sais, il y a d'autres
choses qui se passent dans nos régions. Et ça prend des médias nationaux qui en
parlent de temps en temps. Et quand on parle juste de la logique rentabilité,
bien, c'est sûr qu'on fait des compressions souvent sur le dos des réalités
régionales. Une dernière question. Je n'ai pas beaucoup de temps. Les gens de Télé-Québec,
tantôt, nous disaient que — puis j'aimerais ça avoir votre opinion — disaient
que l'achat de V par Bell pourrait donner une... propulser la production de
nouvelles régionales que V faisait et que ce serait une belle façon d'avoir
plus de nouvelles régionales, et que c'était une opportunité qu'il pourrait
avoir. C'est ce que les gens de Télé-Québec nous disaient tantôt.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, honnêtement... Bon. Je pense que ça va être au CRTC que tout ça va devoir
être débattu. Est-ce que Bell a l'intention de repartir des salles de nouvelle?
À première vue, j'ai comme tendance à penser que ça ne serait pas le cas, mais
si c'est le cas, bon, on verra bien. Mais pour l'instant, je pense que ça reste
extrêmement théorique, là, comme suggestion.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Merci. Pour un dernier bloc de deux minutes, je cède la parole
à notre collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci pour
votre présentation. Tout le monde s'entend, la crise des médias, c'est une
crise des revenus. Et comment on génère des revenus selon le modèle actuel?
Bien, c'est avec la publicité. Maintenant, comment on atteint la publicité,
c'est avec les clics sur le Web. Et plusieurs groupes nous ont fait part que
cette espèce de guerre aux clics créait quand même une certaine pression qui
pouvait inciter des groupes de presse à offrir des incitatifs, par exemple, aux
blogueurs, chroniqueurs, tout ça. Il y a d'ailleurs une blogueuse, justement,
qui écrivait sur vos plateformes la semaine dernière, et je vais la
citer : «On se fait dire d'être plus polémiste, de privilégier la sortie
incendiaire plutôt que l'argument nuancé afin de vous attirer par l'indignation — elle
parlait au public — et comme nous devons vivre autant que vous, on cède
en se disant que ce sont les exigences de la profession et que c'est ce qui
rapporte». Bien sûr, vous avez beaucoup, justement, de blogueurs, de
chroniqueurs, Journal de Montréal, Journal de Québec, qui
présentent, comme vous l'avez bien dit, une très grande diversité d'opinion.
Mais est-ce qu'au bénéfice du public vous pourriez nous expliquer comment ces
incitatifs aux clics fonctionnent chez vous?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Honnêtement, je ne sais pas. Lyne, si tu as une réponse, là, moi, je ne suis
pas vraiment familier avec ça, là, donc, les incitatifs aux clics. Nous autres,
ce qu'on souhaite évidemment, c'est que l'information soit la plus disséminée
possible, là, d'être en mesure de pouvoir avoir l'audience la plus large.
Mme Robitaille (Lyne) :
Avoir le plus de contenu diversifié pour être, justement, capable d'aller
chercher le plus de lecteurs, peut-être, comme vous dites, aux clics, mais
avoir le plus de visiteurs possible. C'est par les contenus qu'on met en ligne.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Parce que les clics, là, donc, à l'époque c'était effectivement, donc, un des
éléments, là, qui étaient retenus concernant, donc, l'efficacité de la
publicité. Mais il n'y a plus uniquement que les clics. Il y a d'autres
éléments ou d'autres facteurs qui sont retenus par les publicitaires pour,
justement, faire en sorte de monnayer, donc, de financer les salles de
rédaction à partir, évidemment, donc, de la transmission des informations qui
sont générées et crées en salle de rédaction, publiées dans le journal et,
également aussi, au même moment ou avant, donc, éditées sur le site Web d'un
des journaux.
Mme Fournier : Ça existe,
des incitatifs.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à nos échanges. Merci beaucoup aux
représentants, représentantes de Québecor Média. La commission ajourne ses
travaux jusqu'à demain, jeudi 28 août à 9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 49)