Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42-1
(début : 27 novembre 2018)
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Le
miércoles 30 octobre 2019
-
Vol. 45 N° 59
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser l’efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d’intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-trois minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Merci
beaucoup d'être ici ce matin. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la
bienvenue.
Je demande bien sûr à toutes les personnes
dans la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Rappel du mandat : la commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 32, Loi visant principalement à
favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités
d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Tremblay
(Dubuc); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois
(Gouin); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Hivon (Joliette).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons deux groupes, dont la clinique droit de santé, mais, d'abord, nous
allons débuter avec le représentant de l'Association québécoise des avocats et
avocates de la défense.
Alors, bienvenue. Je vous rappelle, vous
avez 10 minutes de présentation. Par après, nous aurons un échange avec les
membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
M. Lebrun (Michel) : Merci,
M. le Président. Alors, permettez-moi, au nom de l'association des avocates et
avocats de la défense du Québec, l'AQAAD… en fait, c'est l'Association
québécoise des avocats et avocates de la défense, de remercier la commission
d'avoir bien voulu nous inviter à faire part de nos observations sur le projet
de loi n° 32 visant à favoriser l'efficacité de la justice pénale et à
établir les modalités d'intervention de la vous du Québec dans un pourvoi en
appel.
Notre association, qui célèbre cette année
ses 25 ans d'existence, regroupe plus de 600 avocats oeuvrant à la défense
d'individus provenant de toutes les sphères de la société en matière
d'infractions alléguées tant en matière criminelle, ce qu'on… de juridiction
fédérale, qu'en matière pénale, principalement de juridiction québécoise. Nous
vivons au quotidien les défis que pose la répression des infractions toujours
plus nombreuses et plus lourdes de conséquences. Notre action a pour but de
rendre la justice, certes, plus efficace, mais aussi plus respectueuse des
droits des personnes.
Ayant eu la chance de prendre connaissance
du projet de loi ainsi que des commentaires de certains intervenants, je tiens
d'abord, et de façon globale, à appuyer l'intervention ainsi que le mémoire
produits par le Barreau du Québec. Nous tenons donc à ajouter notre voix à
celle du Barreau et d'autres intervenants afin de saluer les mesures visant à
faciliter les règlements et les solutions alternatives, notamment la possibilité
offerte aux prévenus de renoncer à la prescription et la mise en place de programmes
d'adaptabilité qui sont inspirés d'initiatives similaires déjà entreprises en
matière criminelle. Cette volonté de donner aux acteurs de première ligne du système
judiciaire plus de flexibilité est une heureuse conséquence de la récente prise
de conscience…
M. Lebrun (Michel) : ... de renoncer
à la prescription et la mise en place de programmes d'adaptabilité qui sont
inspirés d'initiatives similaires déjà entreprises en matière criminelle. Cette
volonté de donner aux acteurs de première ligne du système judiciaire plus de
flexibilité est une heureuse conséquence de la récente prise de conscience de
la nécessité d'utiliser de façon judicieuse les ressources judiciaires, notamment
suite à l'arrêt Jordan rendu en 2016 par la Cour suprême du Canada. Il en va de
même de l'augmentation prévue des effectifs des juges de la Cour du Québec, et
leur présence accrue dans le nord du Québec. L'AQAAD partage également
l'ensemble des commentaires constructifs exprimés par le Barreau afin
d'améliorer le projet à la lumière de l'expérience collective des avocats.Par
exemple, notre soutien à l'adoption de mesures d'adaptabilité et d'alternatives
à l'emprisonnement au moyen de travaux d'intérêt général ne peut être dissocié
de notre inquiétude vis-à-vis l'absence de limite quant au nombre potentiel
d'heures effectuées par un justiciable. L'AQAAD a de la difficulté à concevoir
que le maximum actuel de 1 500 heures, qui représente 50 semaines
de travail à 30 heures semaine, puisse être dépassé, à titre de punition
pour des infractions à caractère essentiellement réglementaire.
L'AQAAD désire ajouter à l'intervention du
Barreau sur deux aspects du projet de loi qui soulèvent particulièrement l'intérêt
de ses membres. Premièrement, les pouvoirs d'intervention du Procureur général,
que j'appellerai PGQ, et du Directeur des poursuites criminelles et pénales,
que j'appellerai DPCP.
L'AQAAD fait siennes les réserves exprimées par le
Barreau dans son mémoire sur les pouvoirs d'interventions du PGQ et du DPCP
dans une poursuite pénale en plus de pouvoir... du pouvoir déjà existant de se
substituer au poursuivant original. En effet, le pouvoir absolu de s'ajouter,
comme partie, à toute poursuite, à tout moment de celle-ci, a pour effet de
placer sur les épaules du seul justiciable d'avoir à affronter non pas une mais
deux ou même trois parties, aux ressources illimitées, et d'avoir à répondre à
deux ou même trois points de vue qui n'auront même pas l'obligation d'être au
même effet.
Ce faisant, c'est la capacité même de se défendre
et la mobilisation de ressources hors de portée du justiciable qui est en cause
ici.
Si de tels pouvoirs devaient être envisagés, ils
devraient à tout le moins être encadrés par des exigences équivalentes à celles
qui sont requises des organismes tels que l'AQAAD lorsqu'ils demandent
exceptionnellement le statut d'intervenant, généralement devant la Cour d'appel
du Québec ou la Cour suprême du Canada. L'ajout de ce pouvoir d'intervention
absolu et sans limites est d'ailleurs surprenant compte tenu de la position
fréquemment plaidée par les mêmes PGQ et DPCP, notamment la semaine dernière
dans l'affaire Bissonnette actuellement pendante en Cour d'appel, à l'effet que
de s'opposer à l'intervention de l'Association des avocats de la défense de
Montréal, l'AADM, en invoquant entre autres que cette intervention mobiliserait
trop de ressources. Il est important de noter que les règles actuelles en
vigueur d'attribution de l'aide juridique rendent pratiquement impossible
l'accès à un avocat à un inculpé dans les matières couvertes par le code de
procédure pénale. Même dans le cas exceptionnel où certains services pourraient
être couverts, par exemple dans les cas où les accusations présentent pour
l'accusé un risque réel d'incarcération, l'AQAAD rappelle sa position, partagée
par toutes les associations locales d'avocats, à l'effet que le mode de
rémunération actuellement prévu par le tarif d'aide juridique doit être revu de
façon urgente afin d'être adapté à la réalité d'aujourd'hui, aux nouvelles
exigences des tribunaux et à la complexification des questions en litige. Dans
ce contexte, l'AQAAD soumet que le nouveau pouvoir d'intervention ne devrait
pas être accordé aux représentants de l'état de la manière proposée. Deuxièmement,
l'obligation d'avoir en sa possession une pièce d'identité. L'AQAAD désire,
tout comme le Barreau, manifester son opposition à la nouvelle formulation des
articles 72 à 74 du Code de procédure pénale. Sans reprendre ce qui a déjà
été dit et écrit à ce sujet, nous estimons que l'obligation faite à toute
personne d'avoir en sa possession en tout temps une pièce d'identité ne
correspond à aucune préoccupation valable et constitue une contrainte
importante à l'autonomie de la personne qui risque d'être adoptée sans le
nécessaire dialogue social préalable. La seule préoccupation invoquée semble
être le besoin d'identifier adéquatement la personne soupçonnée d'avoir commis
une infraction. Or, le libellé actuel des articles en question répond
adéquatement à cette préoccupation en permettant aux agents de la paix de
détenir toute personne à qui il veut remettre un constat jusqu'à ce qu'il soit
satisfait de son identité. Le nouveau libellé, qui justifie la détention non
seulement pour refus de s'identifier mais aussi pour l'omission de fournir une
pièce d'identité, va trop loin. Il place en situation de détention des
personnes dont l'identification ne pose pas de problème, et ce, à titre... et,
à ce titre, il ouvre la porte à des situations qui vont assurément générer,
sinon des abus, des perceptions d'abus chez de nombreux citoyens. L'expérience
des membres de l'AQAAD ne nous permet pas de constater le moindre avantage ni
quelque fléau ou problème réel que permettra de résoudre cette nouvelle option
offerte aux agents de la paix en plus des pouvoirs qui leur sont déjà reconnus
afin d'identifier un contrevenant. Bien plus, l'évolution des moyens
technologiques, notamment l'accès aux bases de données gouvernementales,
rend...
• (11 h 30) •
11 h 30 (version non révisée)
M. Lebrun (Michel) : ...ne
nous permet pas de constater le moindre avantage ni quelque fléau ou problème
réel que permettra de résoudre cette nouvelle option offerte aux agents de la paix
en plus des pouvoirs qui leur sont déjà reconnus afin d'identifier un
contrevenant.
Bien plus, l'évolution des moyens
technologiques, notamment l'accès aux bases de données gouvernementales rend
l'identification d'un individu beaucoup plus facile sans avoir besoin de
produire quelque document que ce soit.
L'évolution des perceptions des actions
policières, quant à elle, évolue :
En mai dernier, la Cour suprême du Canada, dans la
décision de R. contre LE, L-e, affirmait :«Les tribunaux doivent tenir
compte du fait que les membres de certaines collectivités peuvent vivre des
expériences particulières et avoir des rapports différents avec la police, qui
influeront sur leur perception raisonnable quant à savoir si et quand ils font
l'objet d'une détention.»
Voir également les travaux de la
commission Viens, sur les rapports entre les autorités et les communautés
autochtones et les études rendues publiques récemment sur les allégations de
profilage au SPVM.
Le nouveau pouvoir de détention prévu aux articles 72
et suivants est exactement le type d'intervention qui va assurément générer ce
genre de perception d'abus chez nos clients.
Qui dit pouvoir de détention dit pouvoir
de fouille, par palpation ou de façon encore plus intrusive, source fréquente
de frustration et de violence potentielle chez le sujet visé.
S'il est vrai que les infractions
couvertes par le code de procédure pénale sont en général moins graves que
celles prévues par le Code criminel, nombre d'accusations criminelles ont leur
origine dans des interventions pour des infractions à de multiples lois qui
sont appliquées avec un zèle qui varie beaucoup d'un agent à l'autre, et d'un
suspect à l'autre.
L'ajout artificiel d'un motif de détention
pour obtention d'une pièce d'identité, alors que les moyens de procéder à une
identification positive n'ont jamais été aussi importants devrait donc être
abandonné car contraire à tous les objectifs de sécurité publique et aux
démarches de réflexion entreprises à tous les niveaux de l'appareil judiciaire.
Le recours généralisé à la procédure de
télémandat.
Cette volonté exprimée par le législateur dès le
préambule du projet de loi n'a pas fait l'objet de débat ou de remarques de la
part des intervenants, à notre connaissance du moins.
L'article 96, tel que proposé, abolit
l'exigence faite à l'agent de la paix de se présenter en personne devant le
juge de paix pour obtenir un mandat de perquisition.
Traditionnellement, notamment en matière
criminelle, la possibilité d'obtenir une autorisation judiciaire à distance
était exceptionnelle et nécessitait une certaine démonstration, peu onéreuse
pour le demandeur.
L'AQAAD craint qu'en éliminant toute
contrainte à l'obtention d'autorisation judiciaire par des moyens
technologiques, le processus ne devienne centralisé avec des décideurs affectés
à cette seule tâche confinés géographiquement dans des endroits de plus en plus
éloignés des lieux visés.
L'AQAAD tient à rappeler que le processus
d'autorisation d'un mandat est beaucoup plus complexe que la seule constatation
par le décideur de l'allégation de motifs suffisants.
Notre Cour suprême rappelait en 1993
ceci dans l'affaire Baron c. Canada :
«L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire
judiciaire de décider d'accorder ou de refuser l'autorisation d'un mandat de
perquisition était essentiel au régime d'autorisation préalable qui constitue
une condition indispensable du respect de l'article 8 — l'article 8,
c'est l'article qui protège les citoyens contre les fouilles abusives —.
La décision d'accorder ou de refuser le mandat exige de soupeser deux
droits : celui du particulier d'être libre de toute ingérence de l'État et
celui de l'État de s'immiscer dans la vie privée du particulier en vue
d'appliquer la loi. Les circonstances dans lesquelles ces droits opposés doivent
être soupesés varient beaucoup. Des questions comme la nature de l'infraction
alléguée, la nature de l'ingérence demandée y compris l'endroit devant faire
l'objet de la perquisition, le moment de la perquisition et la ou les personnes
visées par la perquisition influeront sur la force de ces droits. Pour tenir
compte des divers facteurs qui influent sur l'appréciation des deux droits, le
juge qui donne l'autorisation doit être habilité à examiner toutes les
circonstances. Aucune série de critères ne sera toujours déterminante ou
suffisante pour l'emporter sur le droit d'un particulier à la protection de sa
vie privée. Il est donc impérieux que l'officier qui donne l'autorisation
jouisse d'une latitude suffisante pour que justice soit rendue à l'égard des
droits respectifs visés. L'exigence que l'officier qui autorise la saisie soit
indépendant et ait la capacité d'agir judiciairement est incompatible avec la
notion que l'État peut lui dicter les circonstances précises dans lesquelles le
droit du particulier peut être ignoré.»
L'AQAAD tient donc à rappeler...
Le Président (M.
Bachand) : Me Lebrun, je vous demanderais de conclure,
s'il vous plaît, Me Lebrun, merci beaucoup.
M. Lebrun (Michel) : J'étais
à la conclusion, justement.
L'AQAAD tient donc à rappeler à l'état que
le système judiciaire devrait avoir à l'esprit de conserver la plus grande
proximité entre le décideur et la communauté locale concernée, particulièrement
dans les situations d'autorisation obtenues en l'absence des personnes visées — ce
qui est le cas d'un mandat de perquisition — et ayant pour objet
l'intrusion par des agents de l'État dans les sphères bénéficiant de la plus
haute expectative de la vie privée.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, maître. Je me tourne maintenant vers
le gouvernement pour une période de 16 min 30 s, Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci de votre témoignage. Je suis désolée, je sais que vous avez
déposé un document ce matin, mais je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre
connaissance, donc j'apprends, en même temps que votre témoignage, les points
que vous soulevez, mais je vais prendre soin de relire attentivement tout ça
pour être sûre de bien comprendre toutes vos préoccupations. Et je peux vous
rassurer, quand on parle de respect de la jurisprudence et respect de la
charte...
Mme LeBel : ...déposé un document
ce matin, mais je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre connaissance, donc
j'apprends, en même temps que votre témoignage, les points que vous soulevez.
Mais je vais prendre soin de relire attentivement tout ça pour être sûre de
bien comprendre toutes vos préoccupations. Et je peux vous rassurer, quand on
parle de respect de la jurisprudence et respect de la charte, on va s'assurer
que les mesures qu'on met en place pour fournir des outils respectent bien ces
balises-là qui ont été édictées, entre autres, par la Cour suprême.
Ceci étant dit, peut-être quelques petits
points de précision, comme ça, pour fins de discussion, et approfondir. Je
pense que je veux prendre l'occasion de bien souligner qu'il n'est pas question
d'introduire dans le Code de procédure pénale une infraction de refus de
s'identifier ou une infraction de ne pas posséder ses papiers d'identification.
Donc, on... a contrario, si je peux le dire de façon positive, on n'introduit
pas une obligation pour le citoyen de se promener avec ses papiers d'identité
sur lui en tout temps. Alors que c'est quelque chose qui existe déjà, dans le Code
de la sécurité routière, à titre d'exemple, où, quand on est au volant d'un
véhicule, on doit avoir nos papiers d'immatriculation et le permis de conduire,
ce qui est une forme d'obligation et qui aide d'ailleurs beaucoup, dans ces
matières-là, les policiers à identifier le citoyen pour des fins d'émission du
constat. Ceci étant dit, je pense que c'est important de le clarifier parce que
je veux rassurer les gens que ce n'est pas la direction du tout dans laquelle
on s'en va et ce n'est pas les conséquences qui vont découler de cette
action-là.
Maintenant, dans l'état actuel des choses,
le policier qui veut identifier une personne à qui il remet un constat
d'infraction, autre qu'en matière de sécurité routière, naturellement, parce
que la loi sur la sécurité routière commande déjà d'avoir une certaine
identification sur nous, donc ça se fait d'entrée de jeu. C'est rare, en tout
cas, à moins de ne pas avoir ses papiers sur soi, ce qui peut arriver mais ça
constitue une autre infraction, mais ça, c'est le Code de la sécurité routière.
Mais je veux vous préciser que ce n'est pas ce genre de régime là qu'on
introduit. Maintenant, le policier qui, en matière pénale, dans un autre...
pour une autre infraction pénale, qui veut émettre un constat, doit quand même
identifier la personne. Présentement, et vous me corrigerez si je me trompe, le
policier ne peut que demander le nom et l'adresse de la personne et se fier aux
renseignements qu'il nous donne. C'est exact?
M. Lebrun (Michel) : Ce n'est
pas ma compréhension du libellé actuel.
Mme LeBel : Non, dans la loi
actuelle. Oui, c'est ça. La loi actuelle.
M. Lebrun (Michel) : La loi
actuelle, l'article 72 prévoit que...
Mme LeBel : Du Code de
procédure civile, c'est ça... pénale? On va parler des bonnes affaires.
M. Lebrun (Michel) : Du Code
de procédure pénale dit ceci : «L'agent qui a des motifs raisonnables de
croire que cette personne ne lui a pas déclaré ses véritables nom et adresse
peut en outre exiger qu'elle lui fournisse des renseignements permettant d'en
confirmer l'exactitude.» Donc, le pouvoir de pousser l'enquête existe déjà, et
puis, bon, le pouvoir légitime, en fait, ce qu'on reconnaît dans notre
présentation, est déjà prévu dans un contexte où le policier a des raisons de
croire que la personne n'est pas la bonne personne. Puis je faisais référence,
dans ma présentation, par exemple, aux bases de données qui existent déjà. Aujourd'hui,
on voit l'expérience qu'on en a, dans notre pratique quotidienne, c'est que maintenant,
les véhicules de police sont munis d'ordinateurs. La façon dont on identifie quelqu'un
aujourd'hui, souvent, c'est par l'obtention des photos qui existent déjà, soit
au permis de conduire, ou carte d'assurance sociale, ou à toutes ces choses-là,
qui sont accessibles à un policier. Donc, cet accès-là, qui est de plus en plus
facile, je vous dirais, bien, par la technologie, pour les policiers,
devient... nous amène dans une situation où un policier pourrait avoir la bonne
information, mais le nouveau libellé de l'article 72 dit qu'il pourrait
continuer de détenir la personne parce qu'elle refuse de lui fournir une pièce
d'identité. C'est un peu ce qu'on considère comme superflu dans les nouveaux
pouvoirs, l'espèce de carte blanche qui semble être donnée aux policiers
d'avoir cette option-là d'exiger qu'on lui produise un document.
Mme LeBel : O.K. Ce que nous,
on se propose de faire, juste pour qu'on parle des mêmes choses quand on
discute, c'est d'ajouter, à l'article 72, finalement, après les nom et adresse,
qu'on puisse fournir... demander également la date de naissance et demander des
papiers d'identification. C'est ce qui est proposé au projet de loi.
• (11 h 40) •
Présentement, la raison pour laquelle on
peut le faire... on demande de le faire, c'est qu'il y a beaucoup trop de
moments où des constats d'infraction ont été émis au mauvais nom, à la mauvaise
adresse, où le policier n'avait pas nécessairement des motifs raisonnables et
probables de croire sur place que c'était une fausse identification, mais
n'avait pas non plus de façon d'identifier de façon positive parce qu'il
n'avait pas le droit d'exiger ces papiers-là. Est-ce que vous pensez que c'est
déraisonnable de le faire? Parce qu'il y a eu beaucoup de constats d'infraction,
moi, je l'ai vu dans ma pratique, comme procureur de la couronne, qui s'avèrent
être délivrés aux mauvaises personnes, aux mauvais noms, mauvaises adresses,
des mandats d'arrestation, par la suite, qui sont émis aux mauvaises personnes
parce qu'ils ne se présentent pas. Donc, il y a, a contrario, des gens qui
subissent aussi le contrecoup de ça parce que l'identification de base n'était
pas la bonne. Est-ce que vous pensez que c'est...
Mme LeBel : ... il y a eu beaucoup
de constats d'infraction, moi, je l'ai vu dans ma pratique comme procureure de
la couronne, qui s'avèrent être délivrés aux mauvaises personnes, aux mauvais
noms, mauvaises adresses, des mandats d'arrestation, par la suite, qui sont
émis aux mauvaises personnes parce qu'ils ne se présentent pas. Donc, il y a, a
contrario, des gens qui subissent aussi le contrecoup de ça parce que l'identification
de base n'était pas la bonne.
Est-ce que vous pensez que c'est
déraisonnable de permettre, à tout le moins, de demander? On ne créera pas un
refus, on ne crée pas... Et on évite peut-être, dans la majorité des cas, justement,
de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire d'amener en détention pour
identifier de façon positive parce qu'on n'a pas les papiers. Donc, on va... potentiellement,
justement, être capable d'identifier sur place plutôt que de détenir parce
qu'on n'est pas capable d'identifier, parce que la personne, on a des motifs
raisonnables de croire, parce qu'elle n'a pas de papiers, parce qu'on ne peut
pas les demander... pas parce qu'elle n'a pas de papiers, parce qu'on ne peut
pas les demander.
M. Lebrun (Michel) :
Bien, il me semble... je l'ai déjà dit, mais il me semble que l'accès aux
banques de données déjà réduit de beaucoup ce problème-là dans la situation
qu'on vit actuellement en 2019. Et la façon dont le nouveau libellé est
inscrit, on...
Mme LeBel : ...dire par
l'accès banques de données? Si moi, je fournis mon nom et mon adresse, qui est
un faux nom et une fausse adresse, qui existe, par ailleurs, mais qui n'est pas
le mien, aux policiers, en quoi le fait d'aller au CRPQ, qui est au Centre de
renseignements policiers du Québec, qui est dans les véhicules policiers,
d'aller taper ledit nom et ladite adresse, si je n'ai pas d'antécédents
judiciaires ou je n'ai pas de choses... de photo, va faire en sorte qu'on va
s'assurer que j'ai fourni le bon nom, la bonne adresse?
M. Lebrun (Michel) : Les
photos...
Mme LeBel : Si ça existe,
ce que j'ai donné, naturellement. Je ne pense pas que ma photo est au CRPQ, en
tout cas, j'espère que non, là, mais...
M. Lebrun (Michel) :
Bien, elle est dans la banque de données de la SAAQ, ça, j'en suis convaincu,
et dans celle de la RAMQ également.
Mme LeBel : Mais, à ma
connaissance, les policiers n'ont pas ça dans leur véhicule, donc ça oblige de
détenir la personne et de l'amener au poste de police.
M. Lebrun (Michel) : Les
postes de police ont accès à ça. Je pense qu'on...
Mme LeBel : Les postes de
police.
M. Lebrun (Michel) : On
le fait souvent au poste de police. Aujourd'hui, les policiers ont des
ordinateurs dans leur véhicule de police. Donc, ils sont en communication par
e-mail, j'ai découvert ça d'ailleurs cette année dans certains dossiers où j'ai
eu à occuper... mais cet accès-là est beaucoup facilité maintenant.
Le problème que vous soulevez, il peut
exister aussi par des gens qui ont la carte, qui ont, par exemple, le permis de
conduire du beau-frère qui leur ressemble ou...
Mme LeBel : On
n'éliminera pas tous les cas de figure, ça, c'est clair.
M. Lebrun (Michel) : On
ne peut pas... Exactement, on ne peut pas éliminer tous les cas de figure.
Mme LeBel : On peut les
réduire.
M. Lebrun (Michel) : On
peut les réduire, mais le coût de la réduction, qui ne m'apparaît pas
significative en termes de volume, actuellement, il me semble que...
L'exemple que vous avez sûrement vécu et
que moi aussi, j'ai vécu régulièrement, des personnes qui conduisent un
véhicule, qui sont sous le coup d'une suspension et qui se font passer pour
leur beau-frère ou, bon, pour quelqu'un qui leur ressemble, donc il pourrait y
avoir certaines caractéristiques, les policiers sont quand même assez, je
dirais, entre guillemets, «allumés» pour voir que, quand le véhicule est
immatriculé à un nom d'une personne qui est... fait l'objet d'une sanction...
Quand j'ai commencé ma pratique, j'ai vu des gens passer à travers les mailles
du système un peu de cette façon-là. Mais il me semble que les pratiques
policières ont évolué de ce côté-là. Et on exige généralement de voir une photo
de la personne et de confirmer son identité d'une façon ou d'une autre. Puis il
me semble que ça fonctionne assez bien, très bien.
Mme LeBel : Mais vous
avez très raison, mais en matière de sécurité routière, le régime est
particulier parce que la personne a des pièces d'identité. Mais, dans le fond,
ce que vous faites, c'est que vous nous mettez en garde, donc, de faire en
sorte de ne pas faire une mesure qui, pour des raisons positives, des raisons
valables, pourrait créer des effets pervers qui sont plus grands que le
bénéfice. C'est ça que vous nous dites, dans le fond.
M. Lebrun (Michel) :
Exactement. Je pense que c'est sûr que les citoyens vont toujours vouloir
s'identifier avec des cartes. Les policiers vont peut-être se méfier de
personnes qui n'ont pas en leur possession des cartes. Mais la possibilité de
détenir pour refus de produire une carte, la façon dont c'est écrit...
Mme LeBel : Mais ce n'est
pas l'intention. Ça, je vous le dis. Puis ce n'est pas ça qui est dans le
libellé.
M. Lebrun (Michel) :
Exactement. Mais nous, on s'en est tenus à ça dans notre exposé.
Mme LeBel : Parfait.
Donc, vous nous mettez en garde surtout de ne pas créer d'infraction pour
refus, là. Ça, j'entends bien ce que vous nous dites, là.
M. Lebrun (Michel) :
Plus que ça, des détentions prolongées pour le prétexte du refus. Les personnes
vulnérables, les personnes qui, pour une raison... à tort ou à raison, se
sentent un peu harcelées, ou, en tout cas, qui ont une opinion négative de la
police, bien, ils sont très sensibles à ces situations-là. Et ça dégénère
régulièrement dans des escalades, je vous dirais, de violence, qui peuvent
aller jusqu'à des situations tragiques. Et le... Donc, cette... la façon dont
c'est formulé là, ça mérite à être reconsidéré, à tout le moins.
Mme LeBel : Parfait,
c'est bien compris.
M. Lebrun (Michel) : Ça
va?
Mme LeBel : Je voulais
juste comprendre, là, où étaient les aspects qui vous préoccupaient. Surtout,
comme je vous disais, que je n'avais pas eu l'occasion de lire votre document
au préalable, donc c'est plus...
M. Lebrun (Michel) : Je
m'en excuse...
Mme LeBel : Non, non,
non, mais ça...
M. Lebrun (Michel) : On
n'a pas les moyens du Barreau.
Mme LeBel : Ça explique
pour lesquelles... Ça explique les raisons pour lesquelles je pousse peut-être
un peu plus l'argumentaire que d'habitude, là. C'est pour être sûre de bien
comprendre votre point de vue.
M. Lebrun (Michel) :
J'apprécie.
Mme LeBel : Maintenant,
peut-être, pour aller de façon plus macro, je m'intéresse, moi, beaucoup au
programme d'adaptabilité. C'est une des portions, je dois dire, du projet de
loi, qui me tiennent beaucoup à coeur. Parmi vos membres, on a eu l'occasion
d'en parler avec l'Association des procureurs des cours municipales, on a eu
l'occasion d'en parler avec le Service de police de la ville de Québec et la
ville de Québec, qui appliquent ces programmes-là. Parmi vos membres, vous avez
sûrement...
Mme LeBel : ...je m'intéresse,
moi, beaucoup aux programmes d'adaptabilité. C'est une des portions, je dois
dire, du projet de loi qui me tiennent beaucoup à coeur. Parmi vos membres, on
a eu l'occasion d'en parler avec l'Association des procureurs des cours
municipales. On eu l'occasion d'en parler avec le Service de police de la ville
de Québec et la ville de Québec, qui appliquent ces programmes-là. Parmi vos
membres, vous avez sûrement des gens qui ont eu à appliquer ces programmes-là
pour leurs clients.
M. Lebrun (Michel) : Oui. Je
vous dirais, mon expérience à moi puis dans les gens... dans mon réseau à moi,
c'est plutôt en matière criminelle. Le nouveau programme de matière... de
mesures de rechange, notamment en Mauricie, où je pratique, fait l'objet d'un projet
pilote.
J'ai eu connaissance que nos membres,
particulièrement dans la région de Montréal et Québec, ont des programmes au
niveau d'infractions réglementaires couvertes par le Code de procédure pénale,
et, évidemment, on est tout à fait en accord avec ces initiatives-là qui ont
pour but non seulement de désengorger les tribunaux, mais de permettre à des
personnes qui se retrouvent... Et je pense que ça a été déjà mentionné. Il y a
des personnes en situation d'itinérance ou des choses... qui se retrouvent avec
des fortunes, là, des montants d'amende.
On a tendance à sous-estimer aussi
l'ampleur des amendes qui peuvent être imposées à des citoyens. Quand on parle,
par exemple, en matière de revenus, toutes les infractions en matière de
cigarettes de contrebande, et tout ça, la possibilité de pouvoir, de façon
positive, en faisant des travaux communautaires, de pouvoir, entre guillemets,
payer sa dette à la société et, en même temps, être un membre actif de la
société, on la salue, cette... évidemment.
Mme LeBel : Bien, je vous
remercie de le préciser parce que c'est sûr que la notion de droit pénal ou de
constat d'infraction, pour la majorité des gens et la majorité du quotidien des
gens, ça se limite au Code de sécurité routière dans la plupart des matières,
mais, effectivement, il y a des infractions très sérieuses qui sont même plus
sérieuses que certaines infractions hybrides de nature criminelle, de façon
objective, qui sont en matière pénale. Vous avez parlé de... effectivement, en
matière de déversements en environnement, entre autres, en matière de revenus.
Donc, il y a des infractions pénales qui peuvent avoir un sérieux certain.
Vous avez... Je vous pose la question pour
savoir si vous en aviez une, expérience, si vous aviez fait peut-être un
sondage auprès de vos membres, parce que vous relevez la notion du fait... Bon,
on parle du 1 500 heures de travaux communautaires. Je pense que
c'est important de préciser que l'objectif n'est pas de compenser une sentence
mais plutôt de faire en sorte d'avoir une réhabilitation. Je vais le dire de
cette façon-là, mais ce n'est pas le terme juridique que j'emploie, c'est
plutôt ce terme social, c'est-à-dire de donner à ces gens-là une voie
alternative au système de justice et éviter qu'ils s'enfoncent dans un
tourbillon sans fin qui les écrase et qui fait qu'ils n'ont plus d'issue. Et
vous craignez donc que, des fois, le temps du programme, le nombre d'heures
d'investies pourrait être plus grand que celui, objectivement, qu'il aurait eu
en travaux compensatoires.
Je veux vous entendre là-dessus parce
que... Une des raisons, c'est que, si on parle d'un programme de retourner aux
études ou un programme de formation, il pourrait y arriver que le nombre
d'heures à consacrer dans le programme d'adaptabilité, pour des raisons tout à
fait objectives et acceptées par le contrevenant au départ, dans le contrat
qu'il fait avec la société, si on veut, soit effectivement potentiellement plus
grand que le nombre d'heures de travaux compensatoires qu'il aurait pu faire.
Est-ce que vous pensez que c'est vraiment un problème, ou il faut juste se
mettre en garde là-dessus, ou...
M. Lebrun (Michel) : Bien,
écoutez, je n'avais pas pensé à l'exemple que vous venez de soumettre, à
l'effet d'un retour aux études. Par contre...
Mme LeBel : C'est un exemple
parmi tant d'autres, là, mais...
M. Lebrun (Michel) : Oui. Et,
quand j'ai mentionné le 1 500 heures, je faisais à la fois référence
au nouveau programme d'adaptabilité et à la façon de payer des amendes par le
biais de travaux compensatoires. Et là il y a des méthodes de calcul. D'une
façon comme d'une autre, il m'apparaissait, et c'est une impression, que, si on
dépasse le chiffre de 1 500 heures, on parle d'années, en termes
d'années de... Ça serait caricaturé de dire des travaux forcés, mais on parle
de... Je disais, bon, 50 semaines à 30 heures-semaine, c'est quand
même un impact important pour des infractions qui, en général, peu importe la
façon dont... le nombre d'amendes qu'une personne peut avoir ou le nombre
d'infractions qu'elle a pu commettre, nécessitera... justifiera rarement une
sentence de plus de deux ans, une sentence de pénitencier pour le type
d'infraction auquel on fait référence.
• (11 h 50) •
La situation actuelle permet à un juge de
libérer quelqu'un, peu importe le montant, lorsqu'il aura effectué une quantité
d'heures qui ne dépassera pas 1 500 heures. C'est ma compréhension de
la situation actuelle. Ça m'apparaît une vision, je dirais, intelligente, qui
permet à un juge d'apprécier la situation de l'accusé, le projet, et tout ça,
et c'est quelque chose qui peut être importé, à mon avis, d'une certaine façon,
toutes choses étant... avec les adaptations nécessaires, dans le programme
d'adaptabilité dont on a encore à découvrir la façon dont il va être appliqué.
Mais cette impression-là...
M. Lebrun (Michel) : ...d'une
certaine façon, toutes choses étant avec des adaptations nécessaires, dans le
programme d'adaptabilité dont on a encore à découvrir la façon dont il va être
appliqué. Mais cette impression-là, le peu de commentaires que j'ai pu avoir de
mes collègues, semblent... on semble tous partager un peu cette difficulté de
concevoir ce qui pourrait justifier plus de 1500 heures de travaux.
Notamment, vous donner l'exemple de
s'engager à faire une formation ou faire des... Évidemment, si on s'engage à
faire un bac universitaire puis à faire trois ans de... d'école, à
30 heures semaine, je pense que ce serait un cours assez lourd, assez
intense, mais si on s'engage pour des... Il ne faut pas être sous joug sous le
couvert de cette... de ces programmes-là pour une période non plus trop longue.
Je ne veux pas minimiser le bénéfice que ça
peut générer, mais par exemple, l'exemple du droit criminel dans lequel on ne
peut pas dépasser les périodes d'approbation de trois ans, me semble une
indication du genre de... un ratio qui devrait peut-être nous guider.
Mme LeBel : Donc, on compare
des objectifs qui ne sont pas les mêmes. On parle de punir, de donner l'exemple
par rapport à aider puis... Et la personne s'engage en connaissance de cause
dans ce programme-là. Est-ce que vous avez noté que ça prend le consentement quand
même...
M. Lebrun (Michel) :
Exactement, exactement.
Mme LeBel : Parfait. Je suis
désolée...
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, Me Lebrun, je dois passer... Merci
beaucoup, Mme la ministre. Je dois céder la parole au député de LaFontaine pour
une période de 11 minutes. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Me Lebrun, merci beaucoup pour votre apport à notre
réflexion, à nos débats. Merci pour vos documents. Nous avions reçu un tableau,
je pense que vous aviez confectionné, au niveau des modifications de certains
articles et des commentaires. Je vais y revenir. On a 11 minutes. Ma collègue
de Notre-Dame-de-Grâce aura également des questions pour vous.
Hier, je crois comprendre que vous avez
écouté, donc, le témoignage des gens du Barreau. Vous avez sûrement par la
suite entendu les représentants du SPVQ, Service de police de la ville de
Québec.
M. Lebrun (Michel) :
Exactement.
M. Tanguay
: Quels
sont... Vous, vous représentez les prévenus, les accusés, dans les avocats,
avocates de la défense. Comment recevez-vous le commentaire... Puis c'est
correct, là, je veux dire, je ne pointe pas du doigt, puis tout le monde est de
bonne foi là-dedans, mais des fois, c'est une question d'approche et de
philosophie où le SPVQ, il voyait dans le projet de loi une occasion
d'harmoniser ce qui se fait en matière de procédures, que ce soit des
infractions de nature criminelle, pénale, provinciale, droit provincial ou règlements
municipaux.
Vous, cette harmonisation-là, ou ce
mur-à-mur-là, comment vous le recevez, quand ça se décline de dire : Bon,
si bien on fait ça pour des occasions criminelles, on devrait le faire
également pour des infractions au code municipal?
M. Lebrun (Michel) : Je ne
suis pas fermé à cette vision-là des choses. L'association que je représente
non plus. Notamment, vous prenez l'exemple des — je n'en ai pas parlé
dans mon document ou dans mon intervention — mais les mandats
d'entrée, bon, toute la notion de mandat général et tout ça. Je pense que la
demande des policiers est légitime, de vouloir, s'il y a un mandat général qui
existe au niveau du Code criminel, que les règles soient les mêmes ou soient
sensiblement les mêmes en matière d'infractions couvertes par le Code de
procédure pénale. C'est vrai pour les mandats de perquisition, ça peut être
vrai pour les mesures alternatives comme le programme de mesures de rechange
qui existe au niveau criminel.
Je pense que les policiers sont légitimes,
sont justifiés à avoir cette demande-là. Et ce n'est pas des juristes. Ils
doivent obtenir des mandats dans leur quotidien pour des infractions
provinciales, pour des infractions fédérales, pour des infractions criminelles,
parfois même au coeur d'une même enquête ou d'une même intervention. Et d'avoir
des critères différents ou d'avoir des approches différentes pour l'obtention
d'un droit d'entrée ou un droit de perquisitionner, je pense que c'est légitime
de la part des policiers de vouloir qu'il y ait une certaine harmonie dans les
règles ou dans la façon dont eux ils peuvent s'y retrouver.
Là-dessus, je sais que le Barreau a fait
certaines remarques concernant les mandats d'entrée, là, et faisait
justement — et on est d'accord avec le Barreau là-dessus —
que les critères ne devraient jamais être... que ça ne devrait jamais être plus
facile d'obtenir un mandat de perquisition ou un mandat d'entrée en vertu d'une
loi provinciale qu'en vertu du Code criminel. Parce qu'on parle d'intrusions
qui sont de la même nature dans la vie privée des gens pour des infractions qui
sont généralement, par définition, considérées comme étant moins graves, comme
n'étant pas des crimes contre la personne et tout ça.
Donc, il y a un gain au niveau de la
clarté pour le policier, d'essayer de le trouver. Si on parle de motifs
raisonnables et probables...
M. Lebrun (Michel) :
...en vertu d'une loi provinciale qu'en vertu du Code criminel. Parce qu'on
parle d'intrusions qui sont de la même nature dans la vie privée des gens pour
des infractions qui sont généralement par définition considérées comme étant
moins graves, comme n'étant pas des crimes contre la personne et tout ça. Donc,
il y a un gain au niveau de la clarté pour le policier, de s'y trouver. Si on
parle de motifs raisonnables et probables d'un côté et de raisons de soupçonner
pour un autre type de mandat, et même un mandat identique au niveau provincial,
et qu'on donne des pouvoirs plus larges aux policiers, je pense que ce n'est
pas souhaitable, ni de notre point de vue ni du point de vue des policiers.
M. Tanguay
: Et
donc votre lecture est à l'effet que, tel que proposé dans le projet de loi
n° 32, il y aurait une facilité accrue en ces matières comparativement au
droit criminel.
M. Lebrun (Michel) :
C'est ce que semble... C'est ce que l'intervention du Barreau semble souligner.
Et je suis d'accord avec leur vision de la chose, et dans la mesure où je
prends un peu au mot les corps de police de ce côté-là, si on constate de
telles choses, où les pouvoirs sont plus larges aux policiers, puis ce que j'ai
dit précédemment au niveau de demander des cartes d'identité ou des choses...
des pièces d'identité, c'est un peu la même chose, je pense qu'on ne devrait
pas accorder plus de pouvoirs aux policiers ou des pouvoirs sensiblement
différents en vertu du Code de procédure pénale.
M. Tanguay
: De
façon plus précise, l'article 94.1, et vous avez... vous l'avez commenté,
qui serait de droit nouveau, une arrestation dans une maison d'habitation en
application d'un mandat d'amener, d'un mandat d'emprisonnement ou d'un mandat
d'arrestation doit être autorisée au moyen d'un mandat ou d'un télémandat
d'entrée délivré par un juge. Cette autorisation n'est pas nécessaire. Deux
points. Puis là il y a quatre... il y a trois éléments, lorsqu'une personne se
réfugie dans une maison d'habitation alors qu'elle s'enfuit pour s'échapper à
son arrestation, deux, lorsque le responsable des lieux consent, trois, là, on
parle d'un critère d'urgence de la situation difficilement réalisable. Le
commentaire que vous faites, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, le
questionnement que vous soulevez, ne devrait-on pas prévoir l'obligation des
policiers d'informer qu'il n'est pas obligé de consentir. Et là vous ajoutez
«nécessité d'aller se chercher un mandat». Dans quel contexte faites-vous référence
ici?
M. Lebrun (Michel) :
Bien, c'est le contexte de la renonciation à un droit. C'est... La
jurisprudence abonde de situations de cette nature-là où des policiers disent à
quelqu'un, par exemple, pour un mandat de perquisition, là, on parle de mandat
d'entrée, mais c'est la même chose : Écoute. Là, on va aller chercher...
Il faut qu'on aille voir un juge. Donc, ils vont expliquer à un citoyen :
Veux-tu vraiment nous forcer à aller au poste de police ou aller au palais de
justice obtenir un mandat de perquisition. Et ces situations-là, il faut les
limiter, je vous dirais, au minimum... ou les limiter au maximum, qu'il y en
ait le moins possible, parce que je pense que ce n'est pas non plus dans
l'intérêt des policiers parce que souvent on remet en cause le niveau
d'information qui a été donnée au citoyen pour que son consentement soit
éclairé. Et ça génère beaucoup, beaucoup de litiges à la grandeur du Canada,
pas seulement au Québec.
M. Tanguay
: Vous,
votre métier, c'est parfois de la faire casser, ces mandats-là, parce que...
M. Lebrun (Michel) :
Exact.
M. Tanguay
:
...justement il y a eu des carences. Alors, en amont, assurons-nous que la
procédure soit claire et simple à appliquer.
M. Lebrun (Michel) :
Oui. La notion de mandat d'entrée découle d'un arrêt de la Cour suprême qui
s'appelle l'arrêt Feeney, et que Mme la ministre connaît sûrement très bien. Et
il y a eu une évolution de... Il y a toute une expérience législative au
fédéral suite à cette décision-là de l'arrêt Feeney. Et on semble vouloir s'en
inspirer dans les nouvelles dispositions. Pour nous, je pense que la clarté
est... Ça serait dans l'intérêt, je l'ai mentionné et je le répète, de tout le
monde, de tous les intervenants, que les pouvoirs soient à tout le moins pas
supérieurs ou pas différents en substance de ceux qui sont déjà prévus et qui
ont déjà été traités par les tribunaux dans le cadre du Code criminel.
M. Tanguay
: Et
dans ce... Je fais du... En prolongement de notre discussion sur cet aspect-là,
vous dites dans le document que vous avez remis ce matin que votre association
craint qu'en éliminant toute contrainte à l'obtention d'autorisations
judiciaires par des moyens technologiques, et ça, c'est un autre aspect, mais qui
découle entre autres de ce qu'on dit, le processus ne devienne centralisé avec
des décideurs affectés à cette seule tâche, confinés géographiquement dans des
endroits de plus en plus éloignés des lieux visés. Alors, ici, vous faites
référence à quelles conséquences que l'on pourrait craindre?
• (12 heures) •
M. Lebrun (Michel) :
C'est le concept du télémandat. Écoutez. Cette remarque-là, on est à peu près
les seuls à l'avoir faite. Je ne dis pas que le fait d'avoir à des moyens technologiques...
Parce qu'un télémandat, il faut bien comprendre ce que c'est, c'est que, soit
pour un mandat d'entrée ou pour un mandat de perquisition, la tradition veut
que le policier se présente devant... en personne devant un juge de paix pour
obtenir... pour expliquer ses motifs et obtenir le mandat. Donc, il y a cette
présence-là, là, qu'on a permise au niveau fédéral au début et maintenant au
niveau provincial également. C'était déjà prévu au Code de procédure pénale...
12 h (version non révisée)
M. Lebrun (Michel) :
...devant... en personne devant un juge de paix pour obtenir... pour expliquer
ses motifs et obtenir le mandat. Donc, il y a cette présence-là, là, qu'on a
permise au niveau fédéral au début et maintenant au niveau provincial également.
C'était déjà prévu au Code de procédure pénale. Lorsque peu commode, peu
pratique pour le policier, il peut y avoir des situations d'urgence, ça peut
être la nuit, ça peut être la fin de semaine, bon, il y a toutes sortes de
situations qui font qu'il n'y aura pas de juge de paix disponible pour
rencontre le policier, donc, à ce moment-là, on va procéder par un moyen de
télécommunication, soit par téléphone, par fax ou d'autres moyens
technologiques. Nous, le... Il y a toujours eu cette exigence-là, de ne pas y
recourir de façon absolue et de justifier le recours à ces moyens-là par un
certain problème pratique, et de devoir l'expliquer au juge de paix, ce
problème pratique là. Aujourd'hui, on abolit cette exigence-là et on prévoit
qu'on pourra soit fonctionner par télémandat soit fonctionner par mandat
réel... par une rencontre réelle avec un juge de paix. Est-ce que ça vous nous
conduire... C'est la crainte que nous avons manifestée. Est-ce que ça va
conduire à centraliser, dans certains lieux — ça pourrait être
Québec, Montréal, où il y a des... actuellement des services de juges de paix
qui fonctionnent de nuit et la fin de semaine et qui peuvent être en Gaspésie
pour émettre un mandat de perquisition à Montréal, dépendant de quel...
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, Me Lebrun. Parce qu'il ne reste pas
beaucoup de temps, j'aimerais céder la parole à Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît. Pour une minute, Mme la députée, désolé.
Mme Weil
: Oui, oui. Eh
bien, c'est pour aller directement sur cette question des pouvoirs
d'intervention, donc, du procureur général, directeur,
DPCP — d'autres ont fait ce commentaire — et d'aller sur
votre point, votre inquiétude par rapport à ce pouvoir, mais aussi les
contraintes quand même l'association, votre association, souhaite intervenir,
qu'il y ait les mêmes critères. Peut-être dans les 50 secondes que vous
avez.
M. Lebrun (Michel) : Bien, on
a cette habitude-là, on a développé récemment cette habitude-là d'intervenir,
de vouloir intervenir. Et les tribunaux accueillent favorablement,
particulièrement la Cour suprême et la Cour d'appel, la présence des
associations pour donner un certain point de vue dans des dossiers dans
lesquels le justiciable se retrouve tout seul à défendre un point qui est
d'importance, je dirais, nationale ou, en tout cas, suffisamment grande. Le...
C'est quand même un pouvoir qui est exercé de façon exceptionnelle, qui est
soumis à une demande au tribunal, qui est souvent contestée par le DPCP ou le
Procureur général du Québec, et pour les motifs... notamment les motifs
d'utilisation des ressources judiciaires. Et on dit : Bien là, on va
perdre notre temps dans le fond, ou ça va générer des dépenses inutiles.
Maintenant, le projet de loi propose un pouvoir absolu d'intervention à tous
niveaux pour le procureur général et pour le DPCP. Nous soumettons que c'est
imposé au justiciable, à ce moment-là, un fardeau qui risque d'être très lourd.
Et puis il faudrait... si... ce type d'intervention là devrait être adapté, il
devrait être soumis au même filtre celui que les tribunaux ont déjà quand nous
demandons la permission d'intervention.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de Gouin pour une période de 2 min 45 s. M. le député,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M.
le Président. Bonjour, maître, merci d'être avec nous ce matin. Dans votre
présentation, vous vous êtes inscrits dans la continuité de ce que les gens du
Barreau nous ont dit hier concernant la question de l'identification,
l'article 19 du projet de loi. Puis ce que j'ai trouvé intéressant, vous
nous avez dit, et vous me reprenez bien sûr si je vous mets des mots dans la
bouche : Mais c'est au mieux ambigu, mais c'est au pire un pouvoir
supplémentaire conféré aux policiers, qui peut occasionner des dérapages,
notamment en matière de profilage social et racial. Vous avez vous-même évoqué
le rapport Vien puis le rapport... SPVM. Et c'est des commentaires similaires
que nous ont faits les gens du Barreau hier. Je les trouve très intéressants.
Mais il y a quand même un écart, je pense, en fait, je pressens, entre votre
interprétation de ce qui est écrit, et celle du Barreau, et celle que la
ministre semble avoir. Puis j'aimerais vous entendre sur cette
compréhension-là. Ce que vous semblez nous dire, c'est qu'actuellement, puis
c'est ce que dit actuellement le Code de procédure pénale, si un policier a un
doute sur l'identité de quelqu'un — il est en train de donner un
constat d'infraction — il y a une possibilité, à ce moment-là, de
demander plus d'informations à la personne, notamment une carte. Et si... une
carte d'identité. Puis, s'il y a un refus, à ce moment-là, il peut procéder à
une arrestation. Avec la nouvelle mouture, telle que proposée par le projet de
loi, c'est dès le début de l'interaction que le policier a un droit d'exiger
une carte d'identité contenant l'ensemble des informations écrit à
l'article 19. Et, s'il y a un refus ou une impossibilité, genre : Je
suis en train de faire du jogging, ou : Je suis un itinérant, je n'ai pas
d'adresse, donc, je n'ai pas de permis de conduire avec adresse, dès le début
de l'interaction, il y a une possibilité d'exiger. Et, s'il y a un refus, il y
a une possibilité d'arrêter sans mandat. Est-ce que je... Est-ce qu'on partage
la même compréhension de l'article?
M. Lebrun (Michel) : Oui, et
je vous dirais, si on constate au minimum une ambiguïté, je pense que c'est un
domaine qui est tellement sensible qu'il ne devrait pas souffrir d'ambiguïté,
O.K.? Deuxièmement, ce qui m'apparaît comme étant...
M. Nadeau-Dubois : ...il y a
une possibilité d'arrêter sans mandat. Est-ce que je... est-ce qu'on partage la
même compréhension de l'article?
M. Lebrun (Michel) : Oui. Et
je vous dirais, si on constate au minimum une ambiguïté, je pense que c'est un
domaine qui est tellement sensible qu'il ne devrait pas souffrir d'ambiguïté,
O.K. Deuxièmement, ce qui m'apparaît comme étant le problème du libellé
proposé, c'est qu'on dévie de la... la détention n'est justifiée que pour...
actuellement que pour fin d'identification. Mais maintenant il y aura une
détention pour fin de refus de fournir une pièce d'identité qui semble être
adoptée en parallèle avec le pouvoir d'identifier une personne. Donc, il s'agit
d'une nouvelle carte dans le jeu, je dirais, de l'agent de la paix qui interagit
avec les citoyens dans une multitude de circonstances.
M. Nadeau-Dubois : Et seriez
vous d'accord avec moi de dire que, dans une situation comme celle-là où on
vient donner un outil de plus aux forces policières, puis c'est un outil qui
vient empiéter potentiellement sur les droits des citoyens, citoyennes,
êtes-vous d'accord avec moi pour dire que, dans ces situations-là, c'est au
législateur de démontrer que c'est nécessaire et non pas l'inverse.
M. Lebrun (Michel) : Bien,
c'est un peu ce que je vous ai dit dans ma présentation. Il me semble que ce
problème-là est de mieux en mieux circonscrit, là, je vous dirais, par les
ressources policières. J'ai parlé de manque de données, personnellement, il me
semble que j'en vois moins de ces situations-là, de supposition de personne, et
le... vu que le problème me semble, à tout le moins si non résolu, sinon pas
un problème particulièrement important. Puis on parle encore une fois
d'infraction, je ne veux pas minimiser la gravité des infractions qui sont là,
mais des infractions en matière de revenu ou en matière d'environnement ne posent
pas beaucoup de problème d'identification, d'habitude quand une entreprise fait
un déversement ou...bon...
M. Nadeau-Dubois : Êtes-vous
d'accord avec moi si je dis qu'une disposition comme celle-là va avoir un effet
disproportionné sur les gens qui sont dans des situations de marginalité et qui
sont donc plus à même de ne pas avoir en tout temps avec eux une pièce
d'identité contenant l'ensemble des informations inscrites au projet de loi?
Le Président (M.
Bachand) : 10 secondes Me Lebrun s'il vous plaît.
M. Lebrun (Michel) : C'est
exactement... ça rejoint pas mal ce que... le sens...
M. Nadeau-Dubois :
...profilage social et racial.
M. Lebrun (Michel) :
Exactement, on a des problèmes que...
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Merci, M. le député. Merci, Me Lebrun. Maintenant, la parole
est à la députée de Joliette pour une période de 2 min 45 s, Mme
la députée, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup de votre présentation. J'aimerais vous entendre sur quelque
chose sur quoi vous ne vous prononcez pas comme tel : la question des
programmes d'adaptabilité. Certains groupes demandent qu'en faite il n'y ait
pas une discrétion totale pour la mise en place des ces programmes-là parce
qu'il peut y avoir des communautés qui souhaitent avoir ces programmes-là mais
il y a une discrétion dans le projet de loi de dire : On les reconnaît.
Mais, il n'y a pas d'imposition de ces programmes-là. Est-ce que vous pensez
que ces programmes-là devraient être généralisés?
M. Lebrun (Michel) : Bien, je
pense qu'il faut voir chaque programme qu'est-ce qu'il implique. Je vois mal
une communauté ou un groupe d'individus se positionner d'emblée contre des
programmes d'adaptabilité qui auraient pour effet de judiciariser plus de
personnes de leurs membres, peu importe le groupe auquel on pourrait... on peut
penser. Maintenant je fais l'effort de... Est-ce qu'on peut s'objecter à des
modalités, à des façons d'implanter... Est-ce que le dialogue qui va conduire à
l'implantation de ces programmes-là doit être encadré ou balisé d'une certaine
façon? Je pense que c'est peut-être de là que peuvent surgir des objections à
l'implantation de certains programmes et je pense que là, c'est au cas par cas,
là. Il va falloir...
Mme
Hivon
: La
flexibilité dans les modalités, je pense que ça va de soi selon ce qu'on vise
mais la possibilité, je dirais, de mettre en place et que ce soit moins
discrétionnaire, est-ce que vous pensez que ça devrait être envisagé?
M. Lebrun (Michel) : Oui.
Bien, écoutez, il va falloir commencer en quelque part. Je me prononce sur des
choses hypothétiques. L'expérience que j'en ai personnellement ou que mes
membres... ou que nos membres en ont personnellement vient beaucoup de ce qui
s'est passé au niveau du Code criminel. Par exemple, il y a des interventions
en matière de violence conjugale, violence domestique qui sont d'une certaine
façon et qui sont très différentes de celles qu'on pourrait faire par exemple
pour des problèmes de cleptomanie ou d'alcoolisme. Et donc, je peux concevoir
que les groupes visés auront des représentations à faire et que... pourront
soulever en tout cas de façon spécifique certains problèmes.
Mme
Hivon
: S'il
me reste quelques secondes... Quand vous parlez du télémandat, là, vous dites,
je pense que c'est la page 6 que j'ai numérotée moi-même, en bas, vous
dites : «Il faut conserver la plus grande proximité entre le décideur et
la communauté locale concernée». Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
• (12 h 10) •
M. Lebrun (Michel) : Vous
savez, un juge de paix, là, qui émet un mandat de perquisition peut refuser de
l'émettre même si toutes les conditions sont réunies. C'est un pouvoir
discrétionnaire qui est considéré... la décision que je cite dans mon
document...
Mme
Hivon
:
...concerné. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. Lebrun (Michel) : Vous
savez, un juge de paix, là, qui émet un mandat de perquisition peut refuser de
l'émettre même si toutes les conditions sont réunies. C'est un pouvoir
discrétionnaire qui est considéré... la décision que je cite dans mon document
l'établissait, c'est une condition essentielle à l'exercice de ces pouvoirs-là,
d'émettre des mandats de perquisition, le pouvoir de les refuser purement et
simplement même si les conditions d'émission sont réunies. Qu'est-ce qui permet
d'exercer cette discrétion-là? C'est d'avoir des certaines racines dans une
région donnée. Si la personne est à des centaines de kilomètres du lieu, ne
connaît pas la réalité locale qui peut être vécue, selon moi, on entache ou en
rend difficile l'exercice de cette discrétion-là, d'émettre ou de ne pas
émettre un mandat, de considérer abusive une intervention même si, à sa face
même, elle semble rencontrer les critères.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Me Lebrun, pour
votre participation à la commission, c'est très apprécié. Cela dit, je vais
suspendre quelques instants pour que le groupe prenne place. Merci infiniment.
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir maintenant de souhaiter la
bienvenue au représentant de la clinique Droit de cité. Alors, je vous rappelle
que vous avez 10 minutes de présentation et par après nous aurons un
échange avec les membres de la commission. Alors, M. Couillard, bienvenue,
la parole est à vous.
M. Couillard (Maxime) : Donc,
bien, bonjour, M. le Président, Mme la ministre et Mmes et MM. les
commissaires. Donc, je m'appelle Maxime Couillard, je suis le coordonnateur de
la clinique Droit de cité à Québec. Merci de nous offrir l'occasion de vous
rencontrer afin de nous permettre de commenter le projet de loi n° 32.
D'abord, la clinique Droit de cité est un organisme
communautaire de Québec qui vient en aide aux personnes en situation de
pauvreté ou d'exclusion sociale en leur offrant un soutien moral et un accompagnement
dans l'ensemble de leurs démarches de régularisation de leur situation
judiciaire, mais également dans la défense individuelle et collective de leurs
droits. Depuis la fondation de l'organisme en septembre 2015, c'est
468 personnes qui ont été accompagnées par notre intervenante sociale dans
une multitude de démarches, notamment au sein du programme IMPAC de la ville de
Québec.
Pour la clinique Droit de cité, le projet
de loi n° 32 représente une opportunité
extraordinaire de contribuer à l'amélioration de notre système de justice
québécois et, par le fait même, de le rendre plus juste à l'égard des personnes
en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale. Cependant, plusieurs éléments
suscitent, dans notre organisation, des inquiétudes qui méritent, à notre avis,
d'être soulevées. Je tiens à mentionner que l'ensemble des recommandations
qu'on a apportées portent sur la section du projet de loi n° 32
qui s'intéresse aux programmes d'adaptabilité des règles relatives à la
poursuite.
En premier lieu, l'absence d'une
définition claire et d'un encadrement minimal des programmes d'adaptabilité des
règles relatives à la poursuite ainsi que d'un déploiement de ces programmes
sur l'ensemble du territoire québécois nous préoccupe grandement, d'abord parce
que l'ensemble des propositions qui concernent ces programmes ne seront
effectives que...
M. Couillard (Maxime) : …à la
poursuite. En premier lieu, l'absence d'une définition claire et d'un
encadrement minimal des programmes d'adaptabilité des règles relatives à la
poursuite ainsi que d'un déploiement de ces programmes sur l'ensemble du territoire
québécois nous préoccupe grandement, d'abord parce que l'ensemble des
propositions qui concernent ces programmes ne seront effectives que dans les
villes où un tel programme existera. Rien n'oblige une ville à se doter d'un
tel programme afin d'offrir à des personnes en situation de pauvreté des
mesures alternatives aux travaux compensatoires, et ce même si plusieurs citoyens
en exprimaient le besoin. De ce fait, il est fort probable que ces propositions
ne soient effectives que dans quelques villes seulement, au Québec, puisque plusieurs
municipalités pourraient décider de ne pas mettre sur pied un tel programme.
Ainsi, plusieurs des propositions du projet de loi n° 32
portant sur ces programmes ne seraient donc profitables qu'à une minorité de citoyens,
pourtant visés par ces modifications.
Ensuite, nous considérons que la
discrétion qui est accordée aux acteurs chargés de la gestion, voir de la mise
sur pied de programmes visés peut être bénéfique parce qu'ils pourront adapter
leurs programmes aux réalités propres à la communauté dans la communauté dans
laquelle ils opèrent. Cependant, nous nous questionnons à savoir si cette
discrétion permet également l'application des propositions du projet de loi en
fonction d'une philosophie propre à chaque programme. Autrement dit, qu'est-ce
qui nous garantit qu'un citoyen d'une certaine ville pourra bénéficier des
mêmes mesures ou adaptabilités offertes par son programme qu'un citoyen se
trouvant dans la même situation mais qui réside dans une autre ville? Un programme
qui vise spécifiquement à retirer la dette judiciaire d'une personne afin de
favoriser son rétablissement et la soutenir dans ses démarches ne fonctionnera
certainement pas de la même manière qu'un programme qui, lui, vise plutôt à
recouvrer une dette judiciaire. Cette disparité de philosophie s'observe déjà à
l'heure actuelle au Québec. En effet, nous accompagnons des personnes, à la
clinique droit de cité, qui ont reçu des constats d'infraction dans plusieurs
villes du Québec, et force est de constater que les mesures offertes pour
régulariser une dette judiciaire sont plus adaptées et plus facilement
réalisables pour les personnes qui ont des contraventions à la ville de
Montréal.
De plus, l'article 37 du projet de loi
n° 32 stipule que la participation d'un défendeur à un programme prend fin
sur décision du poursuivant lorsque les conditions du programme ne sont plus
observées par le défendeur. Mentionnons que la fin de la participation d'un
défendeur à un tel programme peut avoir des conséquences importantes, voire
désastreuses. Dans certains cas, comme on l'a observé par le passé, une
expulsion d'un programme peut mener directement à la réactivation d'un mandat
d'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Or, le projet de loi n° 32
n'identifie pas quelles sont ces conditions, mais leur accorde de conséquences
importantes en cas de non-respect. Ainsi, qu'est-ce qui empêcherait un
programme d'expulser une personne uniquement parce qu'elle n'a pu être présente
à une des rencontres exigées tel que pourraient le stipuler ses conditions, et
ce, indépendamment du cheminement réalisé au sein dudit programme? Il en va de
même avec l'obligation d'être en mesure de faire des travaux compensatoires,
qui, parfois, est une chose impossible pour les personnes que nous
accompagnons.
Au Québec, il existe déjà des programmes
qui visent à offrir des mesures alternatives aux travaux compensatoires, aux
personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale. La plupart de ces
programmes ont déjà été analysés et évalués, notamment par le milieu
communautaire et celui de la recherche. De ce fait, nous considérons qu'il est
déjà possible de tracer un portrait clair de ce que devrait faire un programme
d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite.
Nous sommes également d'avis que le projet
de loi n° 32 devrait s'inspirer du Programme d'accompagnement justice
itinérance à la cour, mieux connu sous son acronyme, le PAJIC, de la cour
municipale de Montréal afin de définir ce que devrait être au programme et de
fournir un encadrement minimal. Évidemment, je le réitère, nous considérons
également que les acteurs chargés de la gestion des programmes doivent
conserver un certain pouvoir discrétionnaire afin d'adapter leur programme aux
réalités de la communauté dans laquelle il s'inscrit.
En deuxième lieu, nous jugeons primordial
qu'une souplesse soit accordée à la définition ainsi qu'à l'application des
mesures alternatives que permettra le projet de loi n° 32. Par exemple,
nous croyons que les démarches d'amélioration des conditions de vie qui ont été
réalisées avant l'intégration d'un programme doivent pouvoir être considérées
comme étant des mesures alternatives entamées, voire complétées. L'exemple réel
de Jonthan, qui est illustré dans notre mémoire, démontre en quoi cette
considération est importante. En effet, Jonathan est un jeune homme dans la
vingtaine qui a accumulé plus d'une centaine de contraventions à sa sortie d'un
centre jeunesse suite à des périodes d'itinérance, et qui détenait une dette judiciaire
d'environ 26 000 $, dont plus ou moins 10 000 $ étaient
reliés à différents frais. Il a finalement pu reprendre le contrôle sur sa vie
et est parvenu à cesser de consommer des drogues, s'est trouvé un logement, a
entamé un programme de formation professionnelle, et ce avant l'intégration à
un programme d'adaptabilité. Afin de maximiser les succès de son rétablissement
et réduire les risques qu'il soit davantage judiciarisé, ces démarches auraient
dû être considérées comme des mesures alternatives entamées ou complétées, et
donc être traitées comme des mesures réalisées au sein du programme, ce qui n'a
pas été fait. D'ailleurs, aux dernières nouvelles, la… Jonathan terminera le
programme avec une réduction de 7 826 $ de sa dette judiciaire de
26 000 $ qu'il devra quand même payer par la suite. À la clinique
droit de cité, nous sommes d'avis qu'une démarche ou un effort réalisé à
l'extérieur d'un programme n'ont pas une valeur moindre que ceux réalisés au
sein d'un programme.
• (12 h 20) •
En troisième lieu, nous sommes d'avis que
l'utilisation de la rétractation de jugement doit être utilisée lorsque les
mesures alternatives sont complétées afin de favoriser le retrait massif des
chefs d'accusation qui pèsent contre les participants des programmes. Ainsi, on
actualise véritablement le processus de déjudiciarisation de ces personnes en
leur retirant le fardeau que représente…
M. Couillard (Maxime) :
...n'ont pas une valeur moindre que ceux réalisés au sein d'un programme.
En troisième lieu, nous sommes d'avis que
l'utilisation de la rétractation de jugement doit être utilisée lorsque les
mesures alternatives sont complétées afin de favoriser le retrait massif des
chefs d'accusation qui pèsent contre les participants des programmes. Ainsi, on
actualise véritablement le processus de déjudiciarisation de ces personnes en
leur retirant le fardeau que représente leur dette judiciaire et en les
soutenant dans leurs démarches d'amélioration de leurs conditions de vie. Nous
croyons que le projet de loi n° 32 devrait donc baliser cette mesure en
clarifiant que les retraits massifs de chefs d'accusation doivent être
fortement privilégiés.
En dernier lieu, la Clinique Droit de cité
tient à saluer la volonté qui transparaît, à travers le projet de loi, de
vouloir s'attarder à la question de l'emprisonnement pour non-paiement
d'amendes. Bien que le projet de loi n° 32 permet une
avancée important en la matière, et ce, en proposant de baliser cette pratique,
nous nous questionnons sur l'encadrement qui est privilégié. En effet, le
projet de loi n° 32 propose d'établir une liste d'infractions ou de
catégories d'infractions par règlement qui ne pourront plus mener à des mesures
d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes inscrites inscrites dans le Code
de procédure pénale.
D'abord, nous nous demandons à quel point
nous pouvons avoir la garantie que cette liste sera exhaustive? En effet,
chaque ville adopte ses propres règlements avec ses propres formulations, et il
est donc difficile d'imaginer que l'ensemble des infractions pour lesquelles
sont le plus souvent pénalisées les personnes en situation de pauvreté ou
d'exclusion sociale au Québec puissent être toutes inscrites dans cette liste.
De plus, même si, lors de son élaboration, cette liste était véritablement
exhaustive, quelles garanties auront les citoyens qu'elle sera mise à jour
continuellement? Également, un gouvernement futur pourrait modifier cette liste
afin qu'elle concorde avec leur conception des infractions qui devraient s'y
trouver. Ainsi, on augmente considérablement le risque d'exclure des
infractions qui touchent significativement les personnes en situation de
pauvreté.
À Québec, il y a environ un an, la ville
annonçait que de les personnes en situation d'itinérance ou avec problèmes de
santé mentale n'iraient plus en prison pour le non-paiement de contraventions
en lien avec des infractions ciblées et inscrites sur une liste. À ce jour,
nous sommes confrontés à ces mêmes inquiétudes que je viens d'énumérer en plus
de ne pas savoir comment s'actualise réellement cette mesure.
Donc, à Clinique Droit de cité, en fait
nous considérons qu'il est préférable de faire en sorte que l'emprisonnement
pour non-paiement d'amendes au Québec fasse partie du passé. À cet effet, les
propos du juge Grenier de la Cour supérieure du Québec vont dans le même
sens lorsqu'il mentionne : «Si une société incarcère des personnes pour
non-paiement d'amendes, ça ressemble quasiment au Moyen Âge quand on
emprisonnait des gens pour dettes.» Nous pensons donc que le Code de procédure
pénale devrait être modifié pour ne plus permettre cette pratique qui est
inefficace et extrêmement coûteuse pour la société.
Nous comprenons que l'objectif derrière
l'élaboration d'une liste d'infractions ou de catégories d'infractions ne pouvant
plus mener à un emprisonnement pour non-paiement d'amendes pourrait être de
s'assurer que seules les personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion
sociale ne puissent plus se retrouver en prison par manque de moyens
financiers. Or, nous tenons à rappeler que certains mécanismes sont déjà mis en
place pour le recouvrement d'une dette judiciaire pour une personne qui a la
capacité financière de la payer. La saisie par huissier en est un exemple.
Finalement, et je vais conclure, le projet
de loi n° 32 représente un beau projet en soi mais qui soulève plusieurs
inquiétudes. Il ne fait aucun doute qu'un travail important de la part d'une
multitude d'acteurs devra s'amorcer à la suite de son adoption, et que la
portée ainsi que l'efficience de ce travail reposeront en grande partie sur la
qualité de leur collaboration. Donc, merci de m'avoir accordé votre attention.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Couillard. Je me tourne
maintenant vers le parti gouvernemental. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci de votre présentation. C'est très apprécié, surtout que vous
avez une expérience pratique. Je pense que vous participez au programme IMPACT
entre autres. Vous avez des participations donc une expérience pratique sur ces
programmes-là. Mais peut-être que quelques petits points, votre mémoire est
quand même assez, assez bien étoffé, merci beaucoup, sur les différents enheux
que vous soulevez.
Vous soulevez entre autres l'enjeu de la
discrétion, de la souplesse et de l'uniformité, et d'avoir un certain
équilibre. Présentement, l'objectif du projet de loi n° 32 est de
permettre une implantation la plus large possible à travers le Québec, à
travers les municipalités, les villes, de ce type de programmes d'adaptabilité
là. Ce n'est pas le cas partout présentement.
Je voudrais vous entendre : Comment
vous pensez qu'on peut solutionner la problématique de ne pas imposer de tels
programmes, parce que c'est difficile, il y a des communautés qui n'ont pas les
moyens d'avoir ces programmes-là pour différentes raisons, je ne parle pas
juste des moyens financiers, mais des ressources, de s'assurer que les
programmes sont bien adaptés aux besoins d'une communauté parce qu'on nous a
aussi fait la remarque hier que d'établir une liste, qu'elle soit par règlement
ou dans la loi, peut faire en... d'admissibilité, peut faire en sorte que, dans
certaines communautés, une infraction ne soit pas couverte parce qu'elle n'est
pas apparue dans l'écran radar au départ, tout en assurant justement une équité
de faire en sorte qu'une infraction donnée dans une municipalité donnée puisse
donner ouverture à un programme, et non pas... et pas dans une... donc, il y a
des enjeux de souplesse pour permettre que les programmes soient bien adaptés
aux situations particulières des gens dans des communautés particulières. Il y
a le problème d'uniformité, et s'assurer qu'un contrevenant qui est dans la
ville X puisse recevoir...
Mme LeBel : ...municipalité
donnée puisse donner ouverture à un programme, et non pas... et pas dans une...
Donc, il y a des enjeux de souplesse pour permettre que les programmes soient
bien adaptés aux situations particulières des gens dans des communautés
particulières. Il y a le problème d'uniformité, et s'assurer qu'un contrevenant
qui est dans la ville x puisse recevoir, pour une infraction y et une situation
donnée, un service similaire, qu'il soit dans une ville ou dans une autre, le
plus possible. Il y a le problème des moyens, c'est-à-dire que d'imposer un
programme... parce que ce n'est pas ce que le projet de loi n° 32
fait, le projet de loi n° 32 permet la mise en place
de programmes, mais n'impose pas. Alors, comment on peut jongler avec toutes
ces réalités-là et ces... ces enjeux-là? Je comprends que... Une grosse partie
de la solution, je pense, est dans votre conclusion de la fin, c'est-à-dire les
suites du projet de loi n° 32 feraient en sorte que
tous les acteurs concernés soient bien impliqués dans l'élaboration des suites,
et peut-être pas dans les mesures du projet de loi n° 32
comme telles. Mais je veux juste m'assurer, là, de voir comment on peut
solutionner toutes ces balises-là, finalement, entre l'équilibre, l'équité,
l'adaptabilité, la souplesse. Ce sont toutes des notions très louables dans ce
type de situation là, mais qui, des fois, sont... mettent une contrainte les
unes envers les autres.
M. Couillard (Maxime) : Bien,
tout d'abord, je dois spécifier que je ne suis pas juriste, donc je ne pourrai
pas arriver avec des propositions pour...
Mme LeBel : Pas juridiquement,
mais pratico-pratique, comment on peut...
M. Couillard (Maxime) :
Pratico-pratique, bien, comme on l'explique dans notre mémoire, je pense qu'une
manière de faire serait d'élaborer une certaine base, donc certaines directives
qui pourraient donc être déployées dans l'ensemble des régions. Comme, en ce
moment, actuellement, on a quelques programmes d'adaptabilité à l'échelle du Québec,
et qui pourtant fonctionnent de manières parfois totalement différentes. Je
pense, entre autres, à celui à Québec versus celui à Montréal. Donc, de prime
abord, on devrait faire en sorte que, dans le projet de loi, ça soit mieux
spécifié, comment ça devrait s'actualiser.
Vous avez parlé de comment... des listes
d'infractions, tu sais, qui peuvent servir comme critère d'admissibilité. Comme
on le présente dans le mémoire, on considère qu'on devrait davantage se baser
sur la capacité de payer que sur une liste d'infractions. Donc, déjà là, ça
règle la question de savoir quand est-ce qu'une personne va être admissible ou
pas en fonction de la région. À partir du moment où est-ce que que la personne
est considérée en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale, donc incapable
de payer une dette judiciaire qu'elle a contractée, ça devrait être un critère
suffisant, à notre avis, pour pouvoir intégrer un tel programme. Là, je ne sais
plus si j'ai répondu à l'ensemble de vos questions, il y en avait plusieurs,
mais essentiellement c'est ça.
Mme LeBel : Bien, est-ce qu'on
devrait imposer de tels programmes par le biais du projet de loi?
M. Couillard (Maxime) : Je ne
sais pas comment cette imposition devrait avoir lieu, mais on devrait s'assurer
que, dans l'ensemble des régions, ce que... les citoyens ont un besoin,
puissent avoir accès à un tel programme. Parce que, là, en ce moment, comme
c'est parti à l'heure actuelle, il n'y en a pas tant que ça, des programmes.
Pourtant, nous, on accompagne les gens qui sont... qui ont des tickets, des
contraventions dans d'autres villes et qui devraient bénéficier d'un tel
programme. Mais évidemment le pouvoir discrétionnaire fait en sorte... des
acteurs... qui est alloué dans le projet de loi fait en sorte que certaines
cours, certaines villes pourraient décider de ne pas en avoir. Donc, en quelque
sorte, nous, on considère qu'effectivement ça devrait être déployé à l'ensemble
du territoire québécois, là.
Mme LeBel : Pour des raisons,
puis je ne suis pas en train de... Je ne veux pas partir un argumentaire avec
vous, mais je vous donne un peu ma pensée pour un peu comment vous réagissez.
Pour des raisons peut-être plus juridiques, il est potentiellement nécessaire
d'établir quand même des catégories qui donnent une admissibilité à certains
programmes pour, bon... Le choix de ne pas le faire dans la loi parce qu'une
loi est plus difficile à modifier, est plus lourde à modifier qu'un règlement,
et de le faire plutôt par règlement, est un choix qui est justifié justement
par cette notion de souplesse là. Il y a quand même une certaine rigidité
réglementaire, si on veut. Est-ce que vous pensez que, si on partait plutôt par
catégories d'infractions, par... ou qu'on ajoutait peut-être, à même le
règlement, une possibilité, selon certains critères balisés, d'introduire
des... Je ne sais pas, je réfléchis à voix haute, et on pourra voir si ça se
traduit bien de façon juridique, mais plutôt que de passer par la capacité de
payer... qu'il pourrait y avoir certains enjeux constitutionnels, parce que
certaines personnes pourraient avoir des problèmes, une capacité de payer, mais
des problèmes qui sont quand même sérieux, et pouvoir quand même bénéficier
d'un programme d'adaptabilité, là. Est-ce que vous pensez que ça pourrait
peut-être résoudre cette préoccupation?
• (12 h 30) •
M. Couillard (Maxime) : Ça
pourrait être possible dans la mesure où est-ce qu'on s'assure continuellement
que ces listes-là sont exhaustives. Puis, tu sais, il faut faire attention,
parce qu'on parle souvent d'infractions aux règlements municipaux, mais les
personnes qu'on accompagne reçoivent également beaucoup de contraventions en
lien avec le Code de la sécurité routière, souvent qui découlent, bon, d'un
traitement différentiel, de profilage social, et ainsi de suite. Donc, c'est de
voir aussi comment ça pourrait être inclus à l'intérieur de ça. Puis, comme je
le mentionnais plus tôt, une fois que cette liste-là est élaborée, comment on
fait pour s'assurer que ça concerne l'ensemble des situations, comment on fait
pour s'assurer que ça va suivre l'évolution dans le temps? Ça arrive, des fois,
qu'une personne va recevoir un constat d'infraction en lien... en fait, c'est
possible que cette personne-là reçoive un constat en lien avec une infraction
qui ne sera pas nécessairement dans cette liste-là. Est-ce que cette
infraction-là va pouvoir être prise en compte dans son cheminement au sein d'un
programme? À notre avis, ça fait partie du problème, puis c'est ça qui
devrait...
12 h 30 (version non révisée)
M. Couillard (Maxime) :
...ça arrive des fois qu'une personne va recevoir un constat d'infraction en
lien avec... En fait, c'est possible que cette personne-là reçoive un constat
en lien avec une infraction qui ne sera pas nécessairement dans cette liste-là.
Est-ce que cette infraction-là va pouvoir
être prise en compte dans son cheminement au sein d'un programme? À notre avis,
c'est... ça fait partie du problème puis c'est ça qui devrait mériter une
attention particulière.
Mme LeBel : O.K.,
parfait. Donc, dans un ensemble d'infractions, il devrait y avoir une qui n'est
pas admissible, et là, si on n'est pas capable de retirer celle-là pour x, y, z
raison, on pourrait y avoir... Parfait. Je comprends bien votre point de vue.
Merci.
Je pense que je vais vous demander, pour
les dernières minutes qui nous restent, de nous parler... Parce que c'est
important d'illustrer les effets positifs de ces programmes-là. Je... C'est tout
à fait normal que vous nous... tout est perfectible, de nous demander
d'améliorer ce qu'on essaie... l'ouverture qu'on essaie de créer par le p.l. n° 32. Mais vous parlez de Julie dans votre mémoire. Peut-être,
si vous pourriez nous parler de Julie, l'exemple de Julie, qu'est-ce que... et
nous illustrer qu'est-ce qu'un tel programme peut apporter justement à ces personnes-là
de... et j'imagine... c'est un succès, là, donc, un...
M. Couillard (Maxime) :
Bien, Julie, ce n'était un succès, en fait...
Mme LeBel : Non, bien, ce
n'était pas tout un succès, mais c'est quelque chose qui aurait pu être...
M. Couillard (Maxime) :
Qui aurait pu être un succès, en fait.
Mme LeBel : C'est ça.
M. Couillard (Maxime) :
Bien, un programme, les bénéfices que ça peut apporter aux personnes que nous
accompagnons, en fait, c'est d'offrir vraiment... bien, d'être adapté, en fait,
à leur réalité, de répondre à leurs besoins puis de considérer les causes
intrinsèques qui les ont menées à commettre ces infractions-là.
Parce que dans la très grande majorité des
cas, si ce n'est pas dans tous les cas, les personnes que nous accompagnons,
leur dette judiciaire est directement reliée à leur condition sociale. Donc, un
programme, c'est bénéfique dans la mesure où est-ce que ça considère cet
élément-là dans la manière que ça va traiter son dossier, et non de rester dans
cette simple logique-là d'une personne contrevenante qui a commis une
infraction puis qui doit payer sa dette à la société. C'est vraiment... La base
de tout, c'est de considérer la condition sociale de la personne.
Dans le cas de Julie, effectivement, bien,
il y a eu quand même des bénéfices dans son cheminement au sein de son programme.
Ça ne s'est vraiment pas bien fini pour elle... en tout cas, en termes de son programme.
Cependant, un programme comme ça qui serait, par exemple, mieux adapté, aurait
des bénéfices énormes.
Donc, c'est vraiment... l'idée, c'est
d'accompagner la personne à son rythme, d'accepter sa réalité et de lui offrir
les moyens de se sortir de ce cercle-là qu'est la judiciarisation, en fait, de
la pauvreté, là.
Mme LeBel : Mais pouvez-vous
nous donner un exemple concret... parce que tout ce dont vous nous parlez, on
le comprend, nous, on l'intellectualise, mais d'une personne... peut-être pas
le cas de Julie, là, je l'illustrais, mais... il est dans votre mémoire, puis effectivement,
bon, ce n'est... tout n'est pas rose, mais il y a eu quand même certains
bénéfices, puis elle aurait peut-être pu en avoir de plus grands dans une autre
situation.
Mais nous donner un exemple d'une mère,
d'une jeune mère de famille, exemple, comme elle, qui est monoparentale, puis
nous expliquer, un peu peut-être des succès ou ce qui aurait pu être... en vertu
de l'ouverture qu'on fait, encore... un plus grand succès encore? Parce que,
dans le fond, l'objectif est d'aider ces personnes-là.
M. Couillard (Maxime) :
On a fait un suivi avec une personne qui avait des constats d'infraction avec
la ville de Montréal. Donc, cette personne-là a intégré finalement le PAJIQ.
Et, avant de l'intégrer, elle avait réussi à stabiliser sa situation. Donc, un
peu comme l'histoire de Jonathan, elle s'était trouvé un logement, elle avait
commencé une thérapie de désintox, en fait, là, à la méthadone, et ainsi de
suite. Et, une fois qu'elle a intégré le programme du PAJIQ, ses démarches ont
été reconnues, elle a été appuyée dans ses démarches. Et ça, ça a eu comme
résultat, en fait, qu'on lui a retiré son fardeau judiciaire pour qu'elle
puisse poursuivre, en fait, ses démarches sans nécessairement avoir le stress
d'être notamment emprisonnée pour non-paiement d'amende. Je sais qu'à Montréal,
ça n'a plus vraiment lieu d'être, mais il y a quand même ce stress-là qui peut
être présent.
Donc, ça, c'est un exemple, en fait, qui a
permis à une personne de continuer son cheminement de rétablissement, d'amélioration
de ses conditions de vie grâce à un programme d'adaptabilité qui a, bien, c'est
ça, donc, considéré ces démarches-là.
Mme LeBel : ...le programme
a servi, dans son cas particulier, à écarter l'épée de Damoclès, si on veut,
que cette personne-là avait au-dessus de la tête et lui permettre d'avoir peut-être
une ouverture d'esprit plus... sereine, étant un mot que j'emploie avec beaucoup
de parcimonie dans un type de situation comme ça, mais avec un esprit plus
serein pour plutôt se concentrer sur ses démarches, et travailler sur soi, et
travailler sur sa situation.
M. Couillard (Maxime) : Absolument.
Puis, tu sais, je tiens... je pense que c'est important de le mentionner, ça
favorise aussi une reprise de confiance envers le système de justice quand
qu'une personne passe à travers l'ensemble d'un processus comme ça.
Parce que, bon, ces gens-là sont
judiciarisés, ils considèrent qu'ils vivent, souvent avec raison, des
injustices, du profilage, bon, tout l'argumentaire a déjà été étalé, et là on
leur offre une possibilité de passer à autre chose et on leur offre les moyens
de passer à autre chose en prenant en compte leurs besoins et leur réalité.
Donc, ça, ça fait partie d'un des avantages, de ravoir confiance envers le système
de justice puis de sortir de cette judiciarisation-là.
Mme LeBel : Vous avez
mentionné... Peut-être pour revenir de façon plus pointue sur vos commentaires,
vous avez parlé de... ça fait référence à l'article 159.4, pas du projet
de loi, l'article 37, je pense, du projet de loi, mais... ce sera l'article 159.4
du Code de procédure civile qui dit que le retrait du consentement du défendant
met fin à sa participation au programme. Naturellement, c'est une décision
du... décision du... ou il en est de même sur décision du poursuivant. Alors,
c'est cette... discrétion-là, pardon, que vous avez mentionnée. Naturellement...
Mme LeBel : ...du Code de
procédure civile, qui dit que «Le retrait du consentement du défendeur met fin
à sa participation
au programme...» Naturellement, c'est une décision...
où il en est de même sur décision du poursuivant, alors c'est cette
discrétion-là, pardon, que vous avez mentionnée. Naturellement, c'est balisé en
disant que «...lorsque les conditions du programme ne sont plus observées par
le défendeur.» Vous avez une crainte, donc, qu'il y ait peut-être un peu
d'arbitraire? Ou qu'est-ce que vous suggérez? Parce qu'il faut quand même avoir
une possibilité... Le poursuivant, au départ, offre un programme, il y a une
espèce... je vais prendre ses termes, de «contrat» qui se crée entre la
poursuite, c'est-à-dire le ministère public et le défendeur, d'entrer dans une
voie alternative. Il doit y avoir quand même un moyen, si on constate que ça ne
fonctionne pas, de mettre fin à tout ça et de reprendre la voie judiciaire si
tel est le cas. Donc, comment vous suggérez de baliser ou d'encadrer cette
possibilité-là?
M. Couillard (Maxime) : Bien,
ça rejoint notre souci d'uniformité, en fait, là, d'établir certaines
conditions pour l'ensemble des programmes pour qu'ils soient déployés ainsi. Je
n'ai pas de liste de conditions qui devraient être considérées, mais comme on
l'explique dans le mémoire, quand qu'une personne ne peut pas ou ne parvient
plus à respecter une ou quelque condition, c'est davantage au programme de s'adapter
pour voir : est-ce qu'on peut la maintenir au sein du programme? Qu'est-ce
qu'on peut faire?
Évidemment, là, si on prend un exemple
extrême : la personne, elle disparaît carrément, on ne peut pas lui offrir
grand-chose, elle n'est plus là. Mais à partir du moment où est-ce que la
personne vit des difficultés, parce que c'est souvent ça qu'on constate sur le
terrain, hein, quand qu'une personne qu'on accompagne sur un programme ne
parvient plus à respecter une ou plusieurs conditions, c'est parce qu'il y a
des enjeux dans sa vie personnelle qui font en sorte qu'elle a de la difficulté
à le respecter.
Dans le mémoire, je parlais justement de
l'obligation d'être présent à une rencontre, bien, des fois, c'est difficile,
notamment quand on est une mère monoparentale, là, qui s'occupe de l'enfant
toute seule, là, donc voilà. Donc, c'est toujours d'avoir une grande souplesse
dans l'application des mesures et des conditions des programmes.
Dans le mémoire, entre autres, je parlais
de l'idée d'offrir, quand c'est nécessaire, des ententes de paiement à
cinq dollars par mois, le temps que la situation de la personne se
stabilise pour être certain de maximiser ses chances et qu'on ne l'expulse pas
parce que, par exemple, elle a manqué une rencontre ou elle a dû mettre sur
pause ses études, là, et ainsi de suite.
Mme LeBel : ...la clé, dans le
fond, de votre intervention puis la clé du succès, si je peux le prendre comme
ça, est dans la façon dont les programmes vont être construits par la suite,
là, dans le fond.
M. Couillard (Maxime) : Oui,
dans la souplesse comment ils vont... exécuter, mais aussi comment nous, en
tant que société, on va pouvoir les baliser, ces programmes-là.
Mme LeBel : O.K. Et le fait,
aussi, que le procureur pourrait — puis c'est toutes des remarques
qui nous ont été faites — pourrait avoir, aussi, la possibilité
peut-être de mettre fin parce que les conditions le demandent, il n'y a pas de
participation, peu importe, et, par contre, de prendre en compte le parcours
qui est déjà... Une réduction de la peine, à titre d'exemple, ou une réduction
des travaux compensatoires en fonction d'un cheminement parcouru, même s'il a
pris fin avant son aboutissement.
M. Couillard (Maxime) : Oui,
ça, on partage ça, là, on partage cet avis-là, là, à l'idée que, supposons que
dans une entente, la personne n'est pas en mesure de réaliser tout ce qui était
inscrit, mais qu'elle en a quand même réalisé quelques-unes, oui, en effet on
considère que ça serait important qu'ils puissent être considérés puis qu'elle
puisse avoir des bénéfices associés à ça, de la même manière que ceux entamés
avant l'intégration à un programme devraient être considérés aussi, là.
Mme LeBel : Bien, je vous
remercie de votre intervention, merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Je me tourne maintenant vers l'opposition
officielle, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme Weil
: Merci, M. le
Président. Merci de votre présence, c'est fort stimulant puis on a l'occasion
de vous poser des questions, vous êtes sur le terrain. Donc, moi, je suis de
Montréal, j'ai été ministre de la Justice, j'ai vu le tout début du programme à
Montréal et je comprends qu'ils se sont inspirés de Toronto, qu'ils s'étaient
inspirés de New York, donc, comme vous dites, il y a des différents projets
puis chacun développe son programme qui se ressemble, les grands principes sont
là.
Et vous, vous dites, dans votre
introduction : On peut aller chercher des données, on peut regarder ce qui
fonctionne, on peut adapter des programmes. Pensez-vous que ce serait
intéressant et utile de peut-être inscrire quelque chose dans la loi qui fait
en sorte que ça soit comme en constance, ça fasse partie du système de justice,
d'amélioration continue, comme on fait dans les systèmes de santé, comme on
fait dans beaucoup d'autres systèmes, pour apprendre les uns des autres et il y
a une certaine adaptation, aussi, aux réalités de chaque ville ou chaque
région, mais la ministre a déjà dit : En même temps, c'est sûr que le
système de justice doit être quand même équitable envers tout le monde, les
problèmes sont quand même pareils, mais les organismes communautaires qui vont émerger
ou qui émergent développent des pratiques.
Donc, cette notion d'étude, de
connaissance, comment vous voyez ça, qu'on puisse, en continu, connaître,
apprendre, appliquer?
• (12 h 40) •
M. Couillard (Maxime) : Bien,
on n'en a pas particulièrement parlé, mais effectivement, ça pourrait être un
élément très intéressant à ajouter. Par contre, on considère que ça ne devrait
pas faire en sorte qu'on enlève l'idée d'une uniformité des programmes ou, du
moins, de balises claires et d'un encadrement minimal. Mais ça serait
intéressant effectivement que ce soit un complément à ces éléments-là, afin
de...
M. Couillard (Maxime) :
...bien, on n'en a pas particulièrement parlé, mais, effectivement, ça pourrait
être un élément très intéressant à ajouter. Par contre, on considère que ça ne
devrait pas faire en sorte qu'on enlève l'idée d'une uniformité des programmes,
ou, du moins, de balises claires, ou d'un encadrement minimal. Mais ça serait
intéressant effectivement que ça soit un complément à ces éléments-là afin de
s'assurer d'un suivi, afin de s'assurer que c'est efficace, qu'ils sont
efficients.
Mme Weil
: Dans votre
expérience... Parce qu'au coeur d'un système de justice, il y a aussi, comme
dans tout, de bien vivre en société, cette notion de responsabilisation. Et
c'est sûr, quand on a des cas de santé mentale, c'est très, très difficile,
hein, et... Donc, vous, dans votre pratique... Parce que, pour que la personne
puisse bien comprendre qu'ils doivent répondre aux exigences... Je ne sais pas
si vous êtes capable de le dire en pourcentage ou si vous faites la part des
choses, dans le sens de certains qui ont vraiment de la misère et de la
difficulté, puis que le système de justice... Comment est-ce que le système de
justice répond à cette faille, si on veut?
Dans votre pratique, est-ce que vous voyez
que les gens comprennent cet élément-là de responsabilisation puis sont... bien,
il y a capacité d'aller jusqu'au bout — ça, c'est une chose, vous
l'avez mentionné — mais compréhension de ce facteur-là?
M. Couillard (Maxime) : Sur
les plus de 400 personnes qu'on a... En fait, les plus de
400 personnes qu'on a accompagnées viennent nous voir pour justement gérer
leur dossier judiciaire, la régulariser. Donc, en partant de cette idée-là, il
y a une prise de conscience de... bien, il y a une responsabilisation parce
qu'il n'y a personne qui fait les démarches à leur place. On ne fait pas les
démarches à leur place, nous. On les accompagne, on facilite leurs démarches.
Donc, j'aurais... Oui, ils sont conscients de ça. Par contre, il ne faut pas
occulter le fait qu'ils considèrent que, dans la plupart des cas, ils ont reçu
ces constats-là de manière injuste, parce que des fois ils n'avaient pas le
choix de commettre ces infractions-là.
Mme Weil
: Donc, c'est
très encourageant. Donc, il se pourrait que ceux qui sont vraiment dans des
situations graves sont déjà pris en charge par le réseau de la santé, à quelque
part, parce qu'ils ne seraient pas autonomes. Vous, vous voyez peut-être des
itinérants, des gens qui... bon, la drogue, etc., puis des parcours de vie
difficiles, mais, comme vous dites, le jugement reste là, si je comprends bien.
Rétractation de jugement, vous dites que
c'est important. Est-ce que vous pourriez peut-être en parler? Pourquoi vous
considérez ça un élément important du programme d'adaptabilité?
M. Couillard (Maxime) : Oui.
Bien, ça rejoint un peu ce que je viens de dire, à l'idée que les personnes
reçoivent des constats d'infraction souvent en lien avec leur condition
sociale. Les constats vont passer à travers l'ensemble du processus pénal et
vont, dans la plupart des cas, être jugés par défaut. Donc, les gens vont
accumuler de... judiciaire, par exemple pour avoir mendié, sollicité, tu sais,
avoir utilisé des stratégies de survie, avoir adopté des comportements qui sont
souvent inévitables, par exemple dormir à l'extérieur quand les refuges
débordent, comme c'est le cas en ce moment à Québec.
Donc, la rétractation de jugement est
importante pour pouvoir favoriser le retrait de ces constats-là parce que ces
personnes-là les ont reçus en grande partie à cause de leur condition sociale.
Et la rétractation de jugement ne veut pas dire que le constat est
nécessairement retiré. Donc, ça doit être suivi justement d'un retrait des
chefs d'accusation, comme on le voit notamment à Montréal en ce moment, là.
Mme Weil
: Si vous
comparez votre expérience... Bien, vous connaissez donc d'autres systèmes de
réadaptation... ou réadaptabilité, d'autres villes. Actuellement, vous regardez
tout ça.
M. Couillard (Maxime) : Bien,
notre pratique, en fait, c'est surtout sur le programme IMPAC à Québec, mais on
a accompagné des gens aussi sur le PAJIC et on est évidemment en lien très
étroit avec la Clinique droits devant de Montréal, avec lesquels on partage nos
expériences aussi, là.
Mme Weil
: Très bien.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Autres questions du côté de l'opposition? Ça va? M.
le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M.
le Président. Bonjour. Merci d'être là aujourd'hui. Très intéressant de vous
entendre parce que, depuis deux jours, là, on nous a beaucoup parlé des
programmes qui existent en ce moment, des programmes d'adaptabilité comme étant
superbes, magnifiques. Et là vous nous faites... vous nous permettez d'amener
la réflexion plus loin pour voir peut-être aussi les limites de certains
programmes existants, puis les améliorations qui doivent être apportées. Puis,
jusqu'à maintenant, vous êtes probablement le seul intervenant qui nous amène à
cette réflexion sur : C'est bien qu'il y en ait, mais ils ne sont pas
parfaits, il faut les améliorer. Puis je trouve ça... Je pense que votre
contribution là-dessus, elle est essentielle.
Et vous nous sensibilisez à l'importance
de deux choses, hein? Vous dites... Puis je partage l'avis de la ministre
là-dessus. Vous nous dites qu'il faut certaine uniformité, un certain cadre
général, mais il faut aussi de la souplesse, qui, quand on écrit des lois, peut
être un défi, hein? Comment on met un cadre, comment on fait des balises puis
comment on laisse aussi de la souplesse?
Et donc ce que ce comprends de votre
intervention, c'est aussi... L'enjeu, c'est moins : Est-ce qu'il devrait y
avoir des programmes ou pas?, mais c'est plutôt : Quels programmes,
comment fonctionnent-ils, puis comment on les applique? Bref, le diable est
dans les détails. Et là ça, ce n'est pas facile, quand on écrit des lois, de
tenir ça en compte.
Ça fait que vous nous avez parlé... Quand
vous avez parlé de balises générales puis de cadre général, vous nous avez
parlé de... peut-être, au niveau des infractions, de mettre certaines balises
sur quelles infractions pourraient être concernées par ces programmes-là.
Pouvez-vous nous donner des pistes de réflexion sur quelle autre balise, quel
autre encadrement général, quel autre cadre on pourrait écrire dans un...
M. Nadeau-Dubois : …vous nous
avez parlé, quand vous avez parlé de balises générales puis de cadre général,
vous nous avez parlé de, peut-être, au niveau des infractions, de mettre certaines
balises sur… quelles infractions pourraient être concernées par ces
programmes-là. Pouvez-vous nous donner des pistes de réflexion sur quelles
autres balises, quel autre encadrement général, quel autre cadre on pourrait
écrire dans un texte de loi, et non pas dans un règlement, dans un texte de
loi, pour orienter les différents programmes dans le bon sens?
M. Couillard (Maxime) :
Oui, mais je ne pourrai pas le faire d'un point de vue juridique, mais ils sont
quand même présentés dans notre mémoire, là, mais, instinctivement, comme ça…
Bien, en fait, on suggère fortement de s'inspirer de ce qui se fait à Montréal
pour, justement, proposer des balises. Donc, notamment, considérer les
démarches, les mesures, qui ont été faites avant l'intégration d'un programme,
permettre à une personne, justement, de prendre des mesures qui sont vraiment
adaptées à sa réalité. Donc, ne pas avoir une liste claire et définie de
qu'est-ce que peut être une mesure alternative, mais de plutôt considérer ce
que la personne fait ou peut faire comme mesure alternative. Par exemple, sans
écrire dans une liste, un retour aux études est une mesure alternative, mais si
une personne intègre un programme, puis qu'elle soumet son envie d'un retour
aux études, bien, ça, ça peut devenir une mesure alternative.Pour certaines
personnes, le simple fait de se présenter à des rendez-vous, à cause de leur
condition, est un défi important. Ça pourrait être aussi considéré comme une
mesure alternative.
Donc, les mesures avant l'intégration devraient
être considérées. On considère aussi que la rétractation de jugement doit être
fortement favorisée lorsque les mesures sont considérées comme étant
complétées, notamment pour, justement, retirer les chefs d'accusation.
Je ne sais pas comment ça pourrait être
écrit dans un projet de loi, mais, chose certaine, on considère que tous les
programmes au Québec devraient maximiser cette utilisation-là, donc, de ce
mécanisme-là.
M. Nadeau-Dubois : Une des
discussions qu'on a eues hier, c'était sur le projet de loi, c'était est-ce
qu'on devrait à l'article 159.5 que lorsqu'il y a complétion du programme,
lorsque le programme est complété, que le poursuivant... Est-ce que... En ce
moment c'est écrit «peut retirer les chefs d'accusation». Certains intervenants
nous ont dit, notamment le Barreau, ça devrait être écrit «doit retirer les
chefs d'accusation». Dans ce débat-là, où vous situez-vous?
M. Couillard (Maxime) :
«Doit». Absolument. Absolument. Normalement, on aurait dû l'écrire dans notre mémoire,
mais ça nous est échappé. Mais effectivement...
Une voix
: ...
M. Couillard (Maxime) :
Oui, effectivement.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Merci infiniment. Merci. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
:
Oui, merci beaucoup. Donc, sur la même voie de la question des programmes
d'adaptabilité. Donc, vous dites qu'il faudrait les généraliser. Moi, je suis
d'avis que les Québecois devraient avoir les mêmes droits. Donc, évidemment,
s'il y a des endroits où on les offre puis des endroits où on ne les offre pas
parce qu'il n'y a pas la même sensibilité ou la même ouverture, je pense que
c'est un enjeu. Ça ne veut pas dire qu'on ne garde pas de la flexibilité dans
le programme en lui-même dans ses modalités. Mais vous, je comprends que... Je
veux juste être sûre parce que vous le dites. Vous dites qu'ils devraient
permettre l'imposition de la mise sur pied d'un programme d'adaptabilité. Vous
ne dites pas nécessairement ils devraient imposer les programmes d'adaptabilité.
Ça fait que je veux juste comprendre, quand vous dites on devrait pouvoir les
généraliser, vous trouvez qu'il y a peut-être trop de latitude qui est laissée
dans le projet de loi. Ce que vous voudriez dans un monde idéal, c'est qu'il
soit disponible partout et qu'on l'inscrive dans la loi?
M. Couillard (Maxime) :
Oui, qu'il soit disponible partout puis que les personnes puissent bénéficier
des mêmes mesures.
Mme
Hivon
:
Exact. Parce que ce qui vous inquiète en ce moment, c'est que, dans une
communauté donnée, s'il y a moins de sensibilité et moins d'ouverture, on ne le
mettra tout simplement pas sur pied.
M. Couillard (Maxime) :
Absolument. On accompagne les personnes qui ont des tickets, par exemple, des
contraventions à Québec, à Montréal et à Trois-Rivières.
Mme
Hivon
:
Exact.
M. Couillard (Maxime) :
Ils ne comprennent pas pourquoi à Québec c'est beaucoup plus difficile qu'à
Montréal pour régulariser leur situation judiciaire, pourquoi le programme est
à ce point différent. Et ils ne comprennent pas pourquoi à Trois-Rivières il
n'y a absolument rien.
Mme
Hivon
:
Exact.
M. Couillard (Maxime) :
Donc, c'est un peu ça, l'idée.
Mme
Hivon
:
C'est ça. Il y a des modalités qui... Les programmes peuvent être très
différents, mais il y a aussi des endroits où il n'y a juste pas de programme.
M. Couillard (Maxime) :
Hum-hum.
Mme
Hivon
: Vous
avec peut-être vu, j'ai... vu que j'avais lu votre mémoire. Puis j'ai demandé à
l'association des avocats de la défense avant. Puis ils semblaient nous
dire : Oui. Mais là est-ce que... En tout cas ce n'était pas clair. Mais
est-ce que c'est vraiment réaliste? Puis, dans le fond, est-ce que tout le
monde a les mêmes besoins? Puis il y a tellement de différence parce qu'il peut
avoir des personnes où c'est plus la santé mentale, d'autres, c'est plus la
pauvreté, l'itinérance, la toxicomanie. Pour vous, est-ce que ça, c'est un
argument pour dire : C'est impossible pour nous comme législateur dans le
projet de loi de mettre que ça doit être disponible partout.
M. Couillard (Maxime) :
Non, pas du tout, de la même manière que ce n'est pas impossible en ce moment
d'instaurer des nouveaux programmes ou de permettre le développement de
nouveaux programmes. Le programme à Québec s'est développé plus tard après le
programme de Montréal. Je ne pense pas qu'ils ont été confrontés à ces
questionnements-là nécessairement et à ces enjeux-là, là.
Mme
Hivon
:
Parfait. Puis vous, le modèle de base en quelque sorte qui pourrait nous
inspirer si on voulait aller plus loin dans le projet de loi puis mettre un
certain cadre, c'est vraiment le PAJIC.
M. Couillard (Maxime) :
Oui.
Mme
Hivon
:
Donc, lui, il fonctionne bien. Vous, vous trouvez qu'il n'a pas de lacune
énorme.
M. Couillard (Maxime) :
Il y a toujours place à l'amélioration.
Mme
Hivon
:
Il n'y a rien de parfait.
M. Couillard (Maxime) :
Mais c'est une avancée... On considère que ce serait une avancée extraordinaire
pour la justice québécoise, de se doter de ce programme-là un peu partout.
Mme
Hivon
:
O.K.
• (12 h 50) •
M. Couillard (Maxime) :
Parce qu'à notre avis c'est vraiment un programme qui considère véritablement
les causes intrinsèques...
Mme
Hivon
:
...vous trouvez qu'il n'y a pas de lacunes énormes. Il n'y a rien de parfait...
M. Couillard (Maxime) : Il y
a toujours place à l'amélioration, mais c'est une avancée. On considère que ce
serait une avancée extraordinaire pour la justice québécoise de se doter de ce
programme-là un peu partout, parce qu'à notre avis, c'est vraiment un programme
qui considère véritablement les causes intrinsèques qui ont mené la personne à
commettre les infractions qui va vraiment favoriser son rétablissement et la
sortir du processus de déjudiciarisation. Et je trouve ça important de dire
qu'un programme comme ça doit aller de pair avec l'absence d'un emprisonnement
pour non-paiement d'amende.
Et c'est ça qui est intéressant à
Montréal. En général, les personnes ont une chance pour intégrer ce
programme-là. Et ils vont le faire quand ils vont être prêts à gérer leur
dossier judiciaire. Ils ne sentiront pas la pression que peut créer, par
exemple, l'émission d'un mandat d'emprisonnement pour non-paiement d'amende, ce
qu'on a vécu par le passé à Québec. Les gens intègrent un programme le plus
rapidement possible parce qu'ils ont peur d'être emprisonnés pour non-paiement
d'amende, mais ils ne sont pas nécessairement prêts encore à gérer leur dossier
judiciaire, parce qu'il y a des besoins de base qui peuvent être davantage
prioritaires que gérer des contraventions.
Mme
Hivon
:
Exact, O.K. Donc là-bas, c'est plus une démarche où vous sentez que la personne
est impliquée davantage, plus volontaire dans la philosophie du programme.
M. Couillard (Maxime) : Elle
est vraiment au centre du programme.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup M. Couillard de
votre intervention, participation, c'est très apprécié. Cela dit, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 h cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Bon après-midi.
La Commission des institutions repend ses
travaux. Donc, je demande, bien sûr, aux personnes dans la salle de bien
vouloir fermer la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Rappel du mandat : La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux audiences
publiques sur le projet de loi n° 32, la Loi visant principalement à
favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités
d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.
Cet après-midi, nous allons entendre entre
autres l'Association des juristes progressistes, MeMarie-Eve Sylvestre, l'Association
des greffiers des cours municipales du Québec et la Clinique droits devant.
Cela dit, je souhaite donc la bienvenue
aux représentants de l'association des juristes du Québec… juristes
progressistes, pardon. Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de
présentation. Par après, nous aurons un échange avec les membres de la commission.
Encore une fois, bienvenue. La parole est à vous. Merci.
M. Fugazza (Léo) : Merci, M.
le Président. Bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Je me
présente, Léo Fugazza, je suis avocat membre du conseil d'administration de l'Association
des juristes progressistes. Je suis également accompagnée de Greg Sadetsky, également
membre du conseil d'administration de l'AJP. Je sais que le temps de la commission
est précieux, il va également m'assister, là, à sortir des références précises
pour assister nos représentations aujourd'hui.
Description rapide de l'AJP pour celles et
ceux qui ne nous connaissent pas : elle a été fondée en 2010, on est une association
des juristes, de personnes qui s'identifient comme juristes, donc, avocat,
notaire, mais également étudiants en droit, les personnes qui s'y intéressent,
chercheurs, professeurs et autres, qui, essentiellement, se rejoignent sur une
vision progressiste du droit, donc une transformation sociale par le droit et
dans une perspective d'égalité et de bonification des droits en considérant,
là, que la société et le droit qu'elle forme est un produit de rapports de
forces. Donc, on a une perspective plus critique du droit que certains autres.
La raison d'être de l'AJP est justement d'avoir une force un peu plus politique
et juridique en appui à des revendications sociales, ce qui est la raison de
notre présence ici. On a un mandat plus large et à la fois plus restreint que
d'autres intervenants qui nous permet, pour celles et ceux qui ont pu consulter
le mémoire que nous avons produit, de traiter, là, de presque l'ensemble du projet
de loi n° 32 qui est présenté aujourd'hui…
M. Fugazza (Léo) : ...d'avoir
une force un peu plus politique et juridique en appui à des revendications
sociales, ce qui est la raison de notre présence ici. On a un mandat plus large
et à la fois plus restreint que d'autres intervenants qui nous permet, pour
ceux et celles qui ont pu consulter le mémoire que nous avons produit, de
traiter, là, de presque l'ensemble du projet de loi n° 32 qui est présenté
aujourd'hui.
Bon, pour les points, rapidement, sur les
lesquels AJP va revenir, on s'est concentrés principalement sur les premier et
troisième chapitres. Nous ne traiterons pas des questions de l'appel à la Cour
du Québec, uniquement sur les questions concernant le Code de procédure pénale
et également l'aide juridique.
Tout d'abord, on va commencer par une
remarque rapide sur la surjudiciarisation des personnes en situation
d'itinérance qui nous semble être le point manquant du projet de loi. Suivants
par la suite, des critiques plus constructives, donc, tout d'abord sur le programme
d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite avec certaines
recommandations d'amélioration de certaines failles que nous identifions.
Également, au niveau de l'aide juridique,
une recommandation à faire, suite à cette adoption de programme, pour que
l'aide juridique soit plus précise dans sa couverture de ce type de programme.
Également, on va vous faire part des craintes de l'AJP face à deux
modifications par rapport aux droits, donc, tout d'abord la nouvelle provision
pour la vérification d'identité en cas d'arrestation en matière pénale,
également pour le mandat d'entrée proposé.
Et enfin, on aura des remarques rapides
sur l'usage des moyens technologiques et sur une question linguistique au
niveau de la signification de la notification pour terminer avec quelques
remarques diverses des points d'appui et des points de critique sur des
dispositions plus diverses qui n'ont pas nécessairement été traités par
d'autres intervenants donc qui nous semblaient importants de traiter
aujourd'hui.
Pour commencer par le point principal de
l'AJP, on a accueilli très favorablement le projet lorsqu'il a été annoncé. On
a par la suite fait l'étude et on a réalisé qu'il y avait certaines lacunes.
Une des premières c'est qu'on pensait que le projet allait aller plus loin
qu'il ne va effectivement, qu'il allait s'attaquer vraiment aux problèmes
sous-jacents de la surjudiciarisation des personnes en situation d'itinérance.
Tout simplement, là, on se ramasse à
régler les problèmes qu'on voit donc les amendes qui s'accumulent, le fait
qu'ils doivent retourner à la cour régulièrement, les portes tournantes, plutôt
que régler les problèmes sous-jacents, notamment la capacité des villes à créer
des infractions qui ciblent, en général, spécifiquement les personnes en
situation d'itinérance. Vous indiquez certaines infractions régulières mais,
par exemple, des infractions qui sont liées à des piétons, qui vont traiter des
occupants de véhicules, les personnes qui utilisent les transports en commun
sans payer les frais, les différentes infractions sur flânage, ce type de
choses là, il n'y a pas de traitement qui est fait par rapport à, est-ce que
ces infractions-là, même, devraient exister. Est-ce qu'elles devraient être
permises? Et comment par la suite les services policiers traitent ce genre
d'infraction, notamment la lutte aux incivilités et la théorie du broken
windows. C'était des choses qu'on aurait aimé voir dans le projet.
Cependant, on comprend le rôle limité de
la commission. Donc, après avoir fait cette remarque, on va tout de même être
plus constructifs dans nos représentations et parler des points, là, qui sont
dans le projet et qui tout de même sont bénéfiques et devraient être adoptés
avec certaines modifications selon l'AJP.
Le premier et non le moindre est l'ajout
par l'article 37 du projet de loi sur le programme d'adaptabilité des
règles relatives à la poursuite. D'entrée de jeu, l'AJP est favorable à cette
mesure. Elle permet de reconnaître officiellement les programmes qui existent
déjà notamment à la cour municipale de Montréal, à Québec, à Val-d'Or. Il est
important que le code de procédure pénale puisse permettre d'autres
municipalités d'emboiter le pas et de prévoir des programmes d'adaptabilité
pour justement éviter certains des problèmes qui sont liés avec la
judiciarisation des personnes en situation d'itinérance et également d'autres
marginalités en santé mentale, toxicomanie notamment.
Cependant, il y a certaines améliorations
qui pourraient être faites. Trois points principalement. Tout d'abord, la
portée du programme. Le point a été fait également par d'autres intervenants.
Je pense notamment au Service de police de la ville de Québec, à l'Association
des procureurs de cours municipales du Québec. Le projet manque possiblement de
flexibilité en prévoyant des infractions spécifiques qui pourraient être
visées. L'AJP vous suggère tout simplement de ne pas prévoir d'infractions
spécifiques, mais de permettre à tous les programmes de s'adapter avec
souplesse à la réalité des personnes en situation d'itinérance.
Les personnes itinérantes ou qui vivent en
situation de rue peuvent commettre une multitude d'infractions et pas
nécessairement celles qu'on associe régulièrement à l'itinérance. Peut-être
pas, là, des infractions liées à l'AMF par exemple, mais on pourrait penser à
des infractions liées à la faune. L'imagination est la limite. On pense que
c'est vraiment aux procureurs et aux tribunaux de pouvoir établir les limites
de ce programme-là pour en traiter adéquatement.
Le mécanisme de restriction, si jamais la
commission allait dans ce sens, on vous soumet que le règlement n'est peut-être
pas la solution optimale pour ça. Et il y a d'autres présentations qui vous ont
été faites sur ce point. Possiblement, plutôt que de prévoir une liste
d'inclusions de certaines infractions, prévoir une liste d'exclusions avec
certaines infractions qui ne devraient pas faire l'objet de ce genre de
programme pourrait être plus souhaitable.
• (15 h 10) •
Mais dans tous les cas, ce qu'on invite la
commission à faire et le gouvernement par la suite par réglementation est de
consulter les intervenants sur le terrain et les personnes impliquées pour bien
monter la réglementation, qu'elle soit faite de manière adéquate, et pour
s'arranger également pour que le programme ne soit pas plus punitif que les
problèmes qu'il tente d'éviter.
Et enfin, un point qui a également été
soulevé...
M. Fugazza (Léo) : ...cas, ce
qu'on invite la commission à faire et le gouvernement par la suite par réglementation
est de consulter les intervenants sur le terrain et les personnes impliquées
pour bien monter la réglementation, qu'elle soit faite de manière adéquate, et
pour s'arranger également pour que le programme ne soit pas plus punitif que
les problèmes qu'il tente d'éviter.
Et enfin, un point qui a également été
soulevé par l'Association des procureurs des cours municipales du Québec,
l'exigence de reconnaître les faits qui est prévue au paragraphe 3° de l'alinéa
2 du nouvel article 159.2. Essentiellement, là, on a une liste de conditions
pour participer au programme d'adaptabilité. Une des conditions suggérées est
que «le défendeur reconnaît les faits à l'origine de l'infraction et qu'il
souhaite participer au programme.» On suggère à la commission de tout
simplement rayer «reconnaît les faits à l'origine de l'infraction» et qu'il...
donc, tout simplement exiger une participation volontaire, essentiellement pour
prévoir les cas des personnes qui soit ne se souviennent pas des faits ou qui
maintiennent leur innocence, mais qui pourraient tout de même bénéficier du
programme. Donc, la société y gagnerait, même si la personne aurait peut-être
choisi de tenir un procès, pour que la personne participe tout de même au
programme d'adaptabilité et se sorte d'une situation d'itinérance ou de
toxicomanie ou règle les problèmes en santé mentale, ait un traitement plus
suivi et qu'ultimement l'intérêt public à retirer les accusations dans ce
cas-là demeure tout aussi important que si la personne avait reconnu, là, sa
responsabilité, et donc que c'est une limite qui n'est pas nécessaire en
l'espèce. Ce sont nos représentations quant au programme... d'adaptabilité,
pardon.
Simplement pour dire qu'au niveau du
régime d'aide juridique on inviterait également la commission à prévoir
spécifiquement que ce genre de service devrait être nommément couvert, qu'il
soit inclus, là, à 4.5 de la loi sur l'aide juridique ou dans le règlement sur
l'aide juridique. De spécifiquement prévoir que, quand un tribunal ou un
poursuivant prévoit un programme particulier et qu'une personne est admissible
en matière criminelle ou pénale, qu'elle puisse être admissible à l'aide
juridique pour éviter certains écueils qu'on voit en pratique. Nos membres nous
disent parfois que leurs clients ou leurs clientes qui tentent d'obtenir l'aide
juridique avec un service qui n'est pas nommément couvert mais qui est
discrétionnaire, l'intérêt de la justice... souvent on va considérer la
participation au programme comme un intérêt de la justice, mais pas tout le
temps. Alors, on invite la commission à considérer, là, que les règles soient
claires pour les techniciennes et les techniciens qui l'appliquent, pour les
avocats des bureaux permanents, également, que toute personne qui est
admissible à un tel programme qui souhaite y participer puisse bénéficier de
l'aide juridique pour être appuyée par un procureur. Le système est ainsi fait
que les procureurs, là, sont généralement essentiels au bon fonctionnement. On
voit le problème des personnes qui se représentent, de plus en plus, seules, ça
serait une solution assez facile pour les personnes qui sont financièrement
admissibles à l'aide juridique d'être au moins accompagnées dans ces processus,
qui aident beaucoup, notamment, dans les cours municipales.
Dans nos points plus critiques, on soulève
deux points. D'abord, les questions d'identification. Le Barreau du Québec et
également l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense a
traité en long et en large de l'identification par carte d'identité. On partage
le même genre de craintes. Simplement, mentionner également, puisque ça ne
semble pas avoir été le cas, que permettre d'exiger les cartes d'identité va
plus loin que simplement obtenir les informations qui sont prévues par le
règlement. Les cartes d'identité prévoient une multitude d'autres informations
que le nom, la date de naissance et l'adresse, ce que le projet propose. On
invite la commission, là, à faire preuve de prudence par rapport à ça. Les
cartes d'identité sont liées généralement à des programmes qui donneraient
accès à plus d'informations que ce que le projet semble vouloir donner.
Mais, tout de même, on s'oppose également
à l'exigence de fournir une date de naissance. Ça va à l'encontre des principes
généralement reconnus depuis la création, là, au Canada, du droit pénal.
L'identification s'est toujours faite par le nom et l'adresse uniquement, en
common law, également, même dans les sources anglaises par... avant, là,
l'adoption au Québec de mesures similaires. Le nom et l'adresse suffisent. On
comprend qu'il y a des problèmes parfois d'identité, on estime, là, que la
disposition actuelle, avec les pouvoirs de l'agent de la paix de faire des
vérifications additionnelles s'il a des motifs raisonnables de croire que les
noms et adresse qui lui sont fournis sont inexacts, permettent de couvrir ce
genre de choses, mais que de permettre, là, la demande de l'identité causerait
des problèmes, là, au niveau constitutionnel au niveau de cette disposition.
Enfin, quant à la question du mandat
d'entrée, on a certaines critiques liées à l'élargissement qu'on estime être le
cas du mandat d'entrée proposé, comparativement au Code criminel, qui prévoit
des limites beaucoup plus strictes. On inviterait la commission à adopter des
mesures similaires pour que les dispositions criminelles et pénales soient
arrimées les unes aux autres, éviter qu'il y ait de l'abus qui soit fait, par
exemple, en contournant le processus criminel en passant par le droit pénal. On
ne voudrait pas permettre, là, des perquisitions essentiellement criminelles en
raison de dispositions pénales, profiter du prétexte, là, d'une traversée sur
un feu rouge ou d'une infraction mineure pour, par la suite, entrer dans le
domicile de quelqu'un, constater de pleine vue certains éléments d'un crime ou d'une
autre infraction et, à ce moment-là, là, entrer dans le processus criminel. On
inviterait la commission à prendre des mesures par rapport à ça.
«17859 Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
maître. Si vous êtes d'accord, on va débuter avec la période d'échange.
M. Fugazza (Léo) :
Absolument.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, Mme la ministre, vous avez la parole, s'il
vous plaît.
Mme LeBel : Oui, merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais peut-être, juste
pour me permettre de situer le contexte, me situer un peu la... votre
association, et qui en sont les membres. Je vois que c'est des juristes,
naturellement, des gens qui travaillent dans le domaine du droit, mais
habituellement vos...
«17859 Le Président (M. Bachand) :Merci
beaucoup. Maître, si vous êtes d'accord, on va débuter avec la période
d'échange.
M. Fugazza (Léo) :
Absolument.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, Mme la ministre, vous avez la parole, s'il
vous plaît.
Mme LeBel : Oui, merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais peut-être, juste
pour me permettre de situer le contexte, me situer un peu votre association et
qui en sont les membres. Je vois que c'est des juristes, naturellement, des
gens qui travaillent dans le domaine du droit. Mais habituellement vos membres
travaillent dans quels domaines?
M. Fugazza (Léo) : Nos
membres viennent de différents domaines, généralement en droit plus social,
donc, avec des personnes plus vulnérables. Je vous avouerais candidement, là,
qu'on a moins de membres qui sont, par exemple, membres de grands cabinets en
droit des affaires. Donc, généralement, droit du travail, droit du logement,
droit criminel sont les principaux enjeux. Mais nos membres ne sont pas
limités. Donc, on a une ouverture assez large. On n'a pas un recensement
parfait, là, de qui, exactement, est où, mais ça pourrait également inclure des
bibliothécaires juridiques, des techniciens juridiques, des assistants de
recherche, ce genre de choses là, beaucoup d'étudiants également, donc, qui ont
encore un potentiel ouverture sur la pratique du droit. Et donc, simplement,
vraiment plus relié, au niveau plus idéologique, de croire que le droit a un
rôle à jouer pour l'avancement social.
Mme LeBel : Bien, la raison de
ma question est fort simple. Quand je m'adresse à l'Association des avocats de
la défense, je sais dans quel domaine ils pratiquent, et c'était pour juste
vous demander, à titre d'expérience, vos membres, est-ce qu'ils ont eu à
traiter avec ces programmes-là, avec des contrevenants ou des clients, si je
peux dire comme ça, des gens qui ont du passé à travers ces programmes-là.
Donc, est-ce que vos membres ont testé ou ont... ce type de programme là,
est-ce que vos membres en ont une connaissance pratique?
M. Fugazza (Léo) : Oui, Mme
la ministre. Je peux peut-être parler de mon expérience personnelle. Je
pratique personnellement en droit criminel, donc moins en droit pénal, mais je
fréquente régulièrement la Cour municipale, et une bonne partie de ma clientèle
est en situation d'itinérance. Je travaille avec un organisme communautaire,
là, qui me réfère beaucoup de clients dans ce domaine-là, donc je suis assez
familier avec les programmes de la Cour municipale en matière criminelle,
notamment le Programme EVE qui vise les personnes qui commettent... les
personnes qui s'identifient, là, de manière, au genre féminin, qui commettent
des infractions liées aux finances, donc par exemple des vols à l'étalage.
Également, le programme Point Final, qui est plutôt, là en
matière de conduite, mais je vois régulièrement des clients qui participent
également au PAJIC de la Cour municipale, un programme que d'autres
intervenants vont vous décrire en plus grands détails, mais c'est quelque chose
qu'on voit régulièrement dans la pratique de nos membres, effectivement.
Mme LeBel :
O.K. Superbe. Alors, ça va me permettre de pouvoir vous demander des exemples
peut-être un peu pratiques et de ce que vos clients ont vécu et qui peut être
positif. D'entrée de jeu, je pense qu'il faut préciser que le projet de loi,
bon, s'attaque à une réalité. C'est qu'il y aura, malheureusement, il y a
effectivement des personnes en état de vulnérabilité, d'itinérance,
toxicomanie. On a nommé déjà les catégories de gens qui peuvent être visés, qui
vont se retrouver malheureusement quelques fois devant les tribunaux. Et ce
qu'on veut faire, c'est créer une voie alternative. Donc, je comprends votre
point de vue sur le fait qu'on devrait s'attaquer à la racine du problème. Je
suis pour la prévention, je suis pour aussi le fait de voir qu'on puisse fournir
d'autres alternatives. Et ces gens-là, avant même qu'on en arrive à une
judiciarisation, mais même si on limite le nombre d'infractions, même si on ne
pourra pas tout éliminé les infractions municipales qui s'adressent à
l'ensemble du vivre-ensemble d'un citoyen, donc est-ce que… Je comprends donc
qu'il y a un certain succès. Est-ce que vous constatez qu'il y a un certain
succès quand même pour ces programmes-là?
M. Fugazza
(Léo) : Absolument, et je ne veux pas laisser
transparaître, là. Le mieux est souvent l'ennemi du bien. Ici, on parle quand
même de mesures qui sont souhaitables. Et je tiens à souligner, l'AJP est en
faveur des mesures avec les quelques modifications proposées, là. Les
programmes d'adaptabilité sont largement souhaitables. Les expériences à
Québec, à Montréal, démontrent leur succès quand ils sont bien balisés, que les
intervenants participent, que les personnes impliquées ont leur mot à dire, et
qu'il y a de la collaboration entre la poursuite et la défense. Généralement,
on arrive à éviter des problèmes et à travailler positivement dans la vie des
personnes concernées. Mais il s'agit de bien le faire. Donc, c'est la raison de
notre présence notamment, c'est de s'assurer que les balises qui sont posées,
pour que par la suite les cours municipales développent leurs programmes
officiellement reconnus par le Code de procédure pénale, soit fait, là,
de manière plus conforme aux droits des personnes visées, et de manière la plus
efficace pour les aider par la suite.
Mme LeBel : O.K. Je vais vous
avouer que je suis un peu perplexe sur une de vos positions, puis vais
peut-être vous demander, peut-être d'élaborer parce que vous avez une
expérience différente de la mienne en matière criminelle ou en matière pénale.
C'est sur le fait que vous recommandez à la page 4 de votre mémoire de
rayer le critère de reconnaître les faits. Souvent, dans plusieurs matières...
D'ailleurs, il faut préciser que le fait
de reconnaître les faits n'est pas une admission de culpabilité. Ça ne pourra
pas servir d'admission de culpabilité, donc ce n'est pas un piège pour la
personne qui va s'orienter vers le problème alternatif. Mais dans beaucoup de
cas, le fait de reconnaître les faits est une première étape habituellement
vers une prise de conscience, je dirais, et vers... dans un cheminement, pour
plusieurs, dans plusieurs cas. Peut-être pas tous les cas, mais dans plusieurs
cas. Donc, je comprends mal votre réticence, et surtout si vous nous dites que
la personne ne reconnaît pas avoir connu l'infraction.
• (15 h 20) •
Comme avocat de la défense, mon premier
réflexe serait de dire à mon client : Bien, je vais te faire acquitter. Et
non pas je vais te mettre dans un programme alternatif où tu vas te retrouver à
avoir un parcours alternatif à une sentence, où tu vas peut-être avoir à faire
des heures, un programme de formation, ou quoi que ce soit. D'ailleurs, plusieurs
intervenants nous ont dit qu'il ne faudrait pas que le programme...
Mme LeBel : ...de la défense,
mon premier réflexe serait de dire à mon client : Bien, je vais te faire
acquitter. Et non pas je vais te mettre dans un programme alternatif où tu vas
te retrouver à avoir un parcours alternatif à une sentence, où tu vas peut-être
avoir à faire des heures, un programme de formation, ou quoi que ce soit,
d'ailleurs. Plusieurs intervenants nous ont dit qu'il ne faudrait pas que le programme
alternatif soit plus lourd que la sentence potentielle à laquelle il aurait
fait face.
Donc, à partir du moment où la personne se
dit innocente, ne reconnaît pas les faits, j'ai du mal à voir comment on peut
suggérer qu'elle rentre dans un programme alternatif à la justice. Pas un programme
social qui va l'aider, mais un programme alternatif au système judiciaire. Et,
de l'autre côté, j'ai du mal à comprendre quel est le préjudice, compte tenu
que les garanties constitutionnelles sont bien établies dans le programme, c'est-à-dire
que ça ne servira pas d'aveu, on ne pourra pas se servir de cette reconnaissance-là
contre la personne. Et si, un jour, malheureusement, le programme n'est pas
complété, ou il arrive quoi que ce soit qui fait qu'on doit, en bon français,
tirer la plug, la couronne n'a pas... ne sera pas déchargée de faire son
fardeau de la preuve de la manière qu'elle aurait dû le faire dès le début si
on n'avait pas pris cette voie de service là. Alors, peut-être juste élaborer
sur cette question-là, parce que j'avoue que je ne comprends pas très bien
votre position.
M. Fugazza (Léo) : Absolument.
Il y a deux aspects principaux. Il y a les personnes qui nient les faits, qui
disent s'en souvenir et qui disent que ce n'est pas arrivé, et les personnes
qui ne s'en souviennent pas, notamment des personnes qui pouvaient être
intoxiquées au moment des faits. Je pense, le mémoire de l'association des
procureurs le rend assez clair, le cas des personnes qui ne sont pas en mesure
de reconnaître parce qu'elles ne se souviennent pas devrait clairement, là, à
mon avis, être modifié. Notre position va un peu plus loin, dans le sens où on
va aussi aux personnes qui nieraient spécifiquement. Il faut se rappeler que
les personnes en situation d'itinérance souvent viennent avec plusieurs
infractions. Elles peuvent en nier certaines, en admettre d'autres. L'important,
c'est surtout qu'elles reconnaissent qu'elles aient un problème. Et les
personnes qui font face à des infractions font des choix pour différentes
raisons, parfois, pour régler leurs problèmes différemment. Elles peuvent
reconnaître que la force de la preuve est assez importante contre elles,
même... si jamais elles nient l'infraction, qui, dans certains cas, là, va tout
de même les motiver à faire le programme.
Et il faut se rappeler que la société a quand
même un bénéfice à en tirer. Donc, autant la personne qui fait face aux
infractions y gagne, si on veut, à participer au programme, en évitant le
risque d'être trouvée coupable par la suite, avec le retrait de l'accusation,
mais elle en bénéficie également sur le travail sur elle, elle est accompagnée,
elle a une structure en place pour retourner aux études, arrêter la
consommation, travailler sur des problèmes, trouver un logement. Il y a beaucoup
de raisons qui pourraient mener une personne qui ne reconnaît pas certaines
parties d'une infraction ou l'ensemble de certaines infractions dont on
allègue... qu'elles ont commises à tout de même participer au programme. Donc, à
notre avis, la condition dans la loi ne devrait pas le faire. Le pouvoir
discrétionnaire des procureurs, là, va pouvoir, là, dans certains cas, éliminer
les personnes qui n'ont absolument aucun début de cheminement, sans un faire
une exigence législative stricte.
Mme LeBel : O.K. Dans... Cette
mesure-là faisait partie du projet de loi n° 168 au
départ. Au départ, on parlait, dans les conditions d'admissibilité du programme,
du fait que le contrevenant devait reconnaître sa responsabilité, ce qui est
très différent de reconnaître les faits. C'est-à-dire que, bon, reconnaître les
faits, ça peut être très large. Vous le dites, il y a des gens qui ne s'en
souviennent pas mais qui ne nieront pas l'avoir commis, compte tenu de leur
degré d'intoxication, à titre d'exemple, pourraient avoir une notion vague de
ce qui est arrivé. Donc, est-ce que vous pensez que c'est déjà un pas en avant
ou est-ce que vous êtes complètement contre le fait qu'il y ait tout type de
reconnaissance de la situation? Ou est-ce qu'on pourrait la moduler autrement?
Parce qu'il faut quand même qu'il y ait, à
mon sens, à mon humble avis, et on part de ce point de vue là pour discuter,
qu'il y ait une certaine étape où on reconnaît qu'on est... Parce qu'à partir
du moment où les gens ne reconnaissent pas les faits ou nient avoir même une
participation à l'infraction, pour moi, je trouve ça très difficile, parce qu'à
ce moment-là je les force dans un processus qui est quand même judiciaire,
alors qu'ils ne devraient pas du tout y être, ils devraient être acquittés, on
va le dire de cette façon-là, et ne devraient pas avoir le stigma même, ou ne
devraient pas être forcés à prendre un programme s'ils n'ont rien fait. On
s'entend, là? Donc, est-ce que vous pensez qu'il y aurait une façon de moduler
ça encore plus? Parce qu'on a déjà assoupli le critère entre reconnaître la responsabilité...
qui est bien différent, hein?
M. Fugazza (Léo) : Absolument.
Et il s'agit d'un continuum entre la reconnaissance de... essentiellement, là,
de la responsabilité de l'infraction, qui est peut-être à l'extrême sur lequel
l'AJP s'opposerait le plus, jusqu'à ne pas prévoir d'exigence. Il y a un juste
milieu, et ça va être le travail de la commission d'arriver à un équilibre
entre les droits de la personne visée et également l'intérêt de la société. On
vous soumet que le point milieu qui a été avancé par l'association des
procureurs, d'au moins ne pas nier, qui est différent, tout de même, là, que de
reconnaître, serait un nouveau pas dans la bonne direction. On vous demande
d'aller un peu plus loin, mais ultimement ce sera aux membres de la commission
de trancher, là, jusqu'où ils veulent aller dans cette direction-là.
Mme LeBel : Donc, il pourrait
y avoir... selon votre point de vue, le critère pourrait être de ne pas nier
les faits, déjà, c'est ce que vous suggérez.
M. Fugazza (Léo) : Si jamais
la question se termine devant la commission entre entre «reconnaisse» et «ne
nie pas», on favoriserait «ne nie pas», absolument.
Mme LeBel : O.K., parfait.
Pour ce qui est des outils... des outils, je vais dire les outils d'enquête à
la disposition des policiers qui apparaissent déjà dans le Code criminel,
qu'ils soient... que ce soit le mandat d'entrée ou le télémandat, je vais
m'adresser à ces deux-là parce que vous en faites une remarque particulière...
M. Fugazza (Léo) : ...entre
«reconnaisse» et «ne nie pas», on favoriserait «ne nie pas», absolument.
Mme LeBel : O.K.,
parfait. Pour ce qui est des outils... des outils, je vais dire, les outils d'enquête
à la disposition des policiers qui apparaissent déjà dans le Code criminel,
qu'ils soient... que ça soit le mandat d'entrée ou le télémandat, je vais
m'adresser à ces deux-là parce que vous en faites une remarque particulière.
Je comprends que vous êtes... D'entrée de
jeu, vous n'êtes pas contre le fait que les policiers, en matière pénale,
puissent... qu'il y ait une certaine harmonisation des outils à la portée des
policiers. Parce qu'on sait qu'en matière pénale, bon, souvent on parle des
infractions de flânage et de Code de la sécurité routière, c'est ce qui vient à
l'esprit des gens, mais il y a des infractions qui peuvent être quand même
assez sérieuses dans différentes lois qui ont une portée provinciale, qui
créent des infractions, don ça entre dans le corpus législatif du droit pénal.
Je comprends que vous n'êtes pas en...
Vous n'êtes pas contre le fait qu'on intègre les outils. Mais ce que vous
voulez, c'est qu'il y ait un arrimage parfait. Et, si je comprends bien votre
mémoire, c'est qu'on prenne le critère le plus contraignant, si on veut, qu'on
n'allège pas le critère entre le Code criminel et le Code de procédure pénale.
Est-ce que je comprends bien votre point?
M. Fugazza (Léo) : Tout d'abord,
on n'est pas nécessairement en faveur de l'adoption d'un mandat tel quel dans
le Code de procédure pénale. On reconnaît tout à fait qu'il y a des cas qui
sont justifiés. Le droit pénal couvre une multitude d'infractions, dans les
cas... puis notamment m.f., c'est le genre de cas qui serait tout à fait
justifié. Possiblement... La commission pourra se pencher sur la question,
ça n'a pas été mis dans notre mémoire, possiblement que c'est le genre de disposition
qui se situerait mieux dans des lois particulières plutôt que dans le code général,
qui s'appliquerait à l'ensemble des infractions de cette nature-là, ou prévoir
des limites, là, à ce niveau-là. On a soulevé la question liée à certaines
infractions, mais on comprend que c'est quand même un travail législatif
difficile.
Donc, partant du principe tout de même qu'il
y a une volonté de donner certains pouvoirs, qui, dans de nombreux cas, vont
être justifiés, aux policiers, tout de même, il faut que ces pouvoirs-là soient
adéquats et également, là, respectueux des chartes. L'arrêt Feeney, qu'on cite notamment
dans le mémoire, est le point de départ au niveau de la Cour suprême. Par la
suite, le législateur fédéral est intervenu, a adopté des dispositions. Nous,
ce qui nous inquiète énormément, c'est, si le critère est plus bas en matière
pénale, est-ce qu'un policier pourrait être tenté de passer par le pénal pour
éviter les démarches en matière criminelle? C'est une énorme crainte et ça
pourrait avoir un impact majeur sur les différentes infractions qui seraient
alléguées par la suite. Une fois qu'un policier est entré légalement, que ce
soit en matière pénale ou criminelle, tout ce qui est trouvé est de bonne
guerre. Donc, le critère pour entrer à ce moment-là doit être très restreint,
doit être bien défini, et c'est pour cette raison qu'on vous propose des modifications
spécifiques pour reprendre notamment les limites uniquement liées aux lésions
corporelles ou à la mort dans les cas d'urgence plutôt que la santé, la
sécurité et la vie qui est le terme plus large qui est utilisé dans le projet.
Et également prévoir, dans les deux autres exceptions qui sont proposées dans
le projet, là, lorsqu'une personne se réfugie dans une maison suite à une
poursuite, de la préciser un petit peu, mais que, dans tous les cas, ces
éléments-là soient lorsqu'un mandat ou un télémandat n'est pas obtenable, alors
que, dans la réaction actuelle de l'article, il ne semblait que s'appliquer à
l'exception liée à la santé, sécurité. On inviterait, là, la commission à
appliquer ce critère-là à l'ensemble des exceptions liées à l'entrée par mandat
dans une maison d'habitation.
Mme LeBel : O.K. Donc,
dans le fond, votre crainte, si je la résume, c'est, bon, vous n'êtes pas
nécessairement pour qu'on les.... mais si on juge que c'est opportun de le
faire, et que ça peut être opportun effectivement dans quelques cas du corpus
législatif pénal, il faut à tout le moins s'assurer que les critères sont aussi
contraignables ou aussi sérieux que ceux qu'on retrouve au Code criminel pour
éviter que ça ne devienne une brèche ou une porte d'entrée.
M. Fugazza (Léo) : Pour
éviter mais également pour que les pouvoirs prévus soient constitutionnels.
Ultimement, il va y a voir une évaluation qui est est faite entre la
proportionnalité du raisonnement de l'État de vouloir entrer dans la maison
d'habitation de la personne concernée et l'objectif. Si jamais on parle d'une
personne, par exemple, qui aurait eu une lumière brûlée sur sa voiture et qui
se réfugie chez elle, on peut se questionner sur si jamais la balance
constitutionnelle pencherait vers la validité de cette loi contrairement à des
infractions pénales plus graves. Donc, à notre avis, là, des restrictions plus
sévères permettraient d'assurer une meilleure constitutionnalité au niveau de
ces dispositions.
Mme LeBel : Peut-être, en
terminant, en ce qui concerne plus particulièrement le télémandat, on se
propose de le rendre plus accessible pour des fins, bon, d'utiliser... de
maximiser la technologie, si on veut, puis éviter des fois des déplacements
inutiles. Est-ce que vous avez des craintes par rapport à ça? Il y a des
craintes qui ont été exprimées par rapport par les... par des gens qui ont
précédé en disant : On pense que le fait de peut-être permettre de façon
plus large le télémandat et non pas quand c'est nécessaire ou en cas d'urgence,
qu'on pourrait faire en sorte qu'on va s'adresser à des juges qui sont
peut-être centralisés à Montréal ou à Québec et faire en sorte que les juges
qui vont finalement autoriser des mandats de perquisition ou tout autre type de
mandats qui pourraient être faits par télémandat, finiront par être déconnectés
du milieu dans lequel le mandat est exécuté si on veut. Je ne sais pas si vous
avez entendu cette intervention-là. Est-ce que vous avez une crainte, vous
partagez la même crainte ou vous vous pensez qu'on peut... vous avez... ça sera
toujours un juge naturellement. Les mêmes critères vont s'appliquer. On
s'entend que le télémandat n'est pas allégé au niveau des critères. C'est
plutôt au niveau de la façon de l'obtenir, c'est-à-dire qu'on ne se déplace
plus dans un bureau, on le fait par un moyen électronique, on envoie la
demande, les motifs par moyen électronique, et l'échange se fait par téléphone,
souvent, avec le juge. Donc, est-ce que vous avez une crainte similaire?
• (15 h 30) •
M. Fugazza (Léo) : Ce
n'est pas un élément qui a été traité dans notre mémoire et sur lequel on s'est
penché particulièrement...
15 h 30 (version non révisée)
Mme LeBel : ... C'est plutôt au
niveau de la façon de l'obtenir, c'est-à-dire qu'on ne se déplace plus dans un
bureau, on le fait par un moyen électronique, on envoie la demande, les motifs
par moyen électronique, et l'échange se fait par téléphone, souvent, avec le
juge. Donc, est-ce que vous avez une crainte similaire?
M. Fugazza (Léo) : Ce n'est
pas un élément qui a été traité dans notre mémoire et sur lequel on s'est
penchés particulièrement. Le télémandat est quand même une réalité bien ancrée.
Il y a d'autres intervenants qui pourront peut-être vous donner des meilleures
réponses que nous. L'Association québécoise des avocats et avocates de la
défense a donné une interprétation. Je ne voudrais pas m'avancer non plus sans
avoir fait l'analyse complète. Mais on n'est pas opposés au télémandat par
principe. Reste à bien le faire dans la suite des choses.
Mme LeBel : Bien, je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre temps, le temps de la
réflexion — vous représentez l'Association des juristes
progressistes — le temps de la réflexion, et de répondre à nos
questions aujourd'hui. Je vais vouloir, évidemment, comme toujours, laisser du
temps à ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce. J'ai peut-être quatre éléments un
peu plus ponctuels à... sur lesquels j'aimerais vous entendre. D'abord, à la
page 6 de votre mémoire, le point 4 : « Le Code de
procédure pénale ne devrait pas servir d'outil de contrôle d'identité ».
Vous avez abordé, avec Mme la ministre, la question. Vous dites, en substance
que — toujours l'histoire du micro — vous dites, en
substance — ils sont à veille de me le mettre
cravate — votre association «estime que les modifications proposées
vont trop loin et ne sont pas nécessaires pour réaliser la fin visée par la
disposition, soit la remise d'un constat d'infraction».
Et là, vous avez parlé, bon, de la common
law, Code civil, vous avez fait une... Et vous dîtes en somme, là, la sentence
tombe, là, vous le dîtes qu'à la fin ce serait constitutionnellement suspect.
«...Sans avoir de motifs raisonnables de croire que la personne a fourni de
faux renseignements. Elle apparaît comme offrant simplement un outil de
contrôle de l'identité, une pratique policière dénoncée et d'application
discriminatoire».
On a entendu le Barreau qui, de mémoire,
faisait référence à l'arrêt R. c. Bain ou quand on a des pouvoirs très, très
étendus, bien, sans cibler les personnes, les gens sont de bonne foi, bien
certain pourraient avoir tendance à en abuser dans certaines circonstances.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Je pense que vous partagez en ce sens-là,
la finalité du Barreau où vous y voyez un gros drapeau rouge quant à l'aspect
intrusif de la vie privée, surtout dans le contexte d'infractions qui seraient
en vertu notamment du droit municipal.
M. Fugazza (Léo) :
Absolument. Et un élément qu'il faut tenir en compte, c'est que les infractions
pénales sont multiples, facilement identifiables et donc donnent énormément de
pouvoir aux policiers pour intervenir s'ils le souhaitent. Si jamais par
exemple une personne est d'intérêt pour un policier qu'on souhaite contrôler
son identité, la cour... les différents tribunaux et une étude récente, là, au
niveau de la Nouvelle-Écosse démontre assez clairement que simplement approcher
la personne pour contrôler son identité contrevient à la loi et aux protections
constitutionnelles. Si jamais par exemple je trouve un prétexte et qu'il vient
de commettre une mineure infraction pénale, bien à ce moment-là, je peux en
profiter pour lui demander son identité, lui remettre un constat et constituer
un contrôle de l'identité de cette personne-là, avec un prétexte légal tout à
fait valide. C'est une de nos inquiétudes.
À notre avis, le policier devrait exercer
son pouvoir discrétionnaire de ne pas intervenir dans certains cas
d'infractions pénales mineures, et à notre avis, lui donner un pouvoir de
contrôle d'identité aussi large serait beaucoup trop tentant. On peut
s'attendre à ce qu'il y ait des abus qui soient faits particulièrement dans les
cas de discrimination sociale et raciale, qui sont des réalités bien
documentées. Malheureusement, on doit tenir compte de cette réalité quand on
prévoit un nouveau pouvoir policier et également au niveau des droits
constitutionnels, on ne pense pas que l'État a une bonne justification
d'obtenir ce genre d'informations dans un contexte pénal.
M. Tanguay
: Exact. Et
la perspective du drapeau rouge est sur... est d'autant plus marquante face au
tableau qui a été brossé notamment... vous avez dit documenté pour le SPVM?
M. Fugazza (Léo) :
Effectivement.
M. Tanguay
: Et pour
commission Viens, les membres des nations autochtones. Alors, c'est le contexte
dans lequel on est, alors c'est important de le souligner.
Autre point, la portée du mandat d'entrée.
Votre association estime qu'il devrait à tout le moins avoir les mêmes
restrictions qu'en matière criminelle, voir même plus. Alors ce matin, et on
commence à étayer la réflexion de dire, bon, bien on pourrait avoir mandat
d'entrée qui soit similaire à ce qui se fait en matière criminelle. Et vous
dites, vous, voire même plus. Vous estimez que les dispositions en matière
pénale ne devraient pas permettre l'entrée dans une maison d'habitation plus
aisément qu'en matière criminelle, sous peine de créer un risque de
contournement abusif des dispositions criminelles. C'est juste votre «voire
même plus»... Ces trois mots, là, qu'est-ce qu'on doit en déduire de cela,
comment ils se déclineraient de façon tangible?
M. Fugazza (Léo) : Il y a
deux distinctions à faire. D'abord, il y a les mandats d'entrée qui seraient
accordés par un juge et il y a les exceptions à l'exigence du mandat d'entrée,
là, qui sont prévues par la loi. À notre avis, il n'y a aucun juge qui accorder
un mandat d'entrée pour des infractions très mineures. Par contre, si on
prévoit...
M. Tanguay
:
...qu'est-ce qu'on doit en déduire de cela, comment il se déclinerait de façon
tangible?
M. Fugazza (Léo) : Il y a
deux distinctions à faire. D'abord, il y a les mandats d'entrée qui seront
accordés par un juge et il y a les exceptions à l'exigence du mandat d'entrée,
là, qui sont prévues par la loi. À notre avis, il n'y a aucun juge qui accorder
un mandat d'entrée pour des infractions très mineures. Par contre, si on
prévoit des pouvoirs d'exception à même la loi pour les entrées sans mandat, il
serait très possible, là... Pour prendre un exemple d'une personne qui traverse
sur une lumière rouge au coin de chez elle, le policier l'interpelle, la
personne ne l'entend pas ou alors veut s'éloigner, quitte, est donc en situation
de fuite et se fait pourchasser, entre chez elle, le policier la suivrait.
C'est le genre de cas, où la personne connaît déjà l'adresse où la personne est
réfugiée, où un mandat serait souhaitable si jamais un mandant doit avoir lieu
d'être. Mais, dans certains cas, pourquoi entrer tout simplement? On parle tout
de même d'une personne qui a traversé sur un feu rouge, qui ne justifie pas nécessairement,
là, que l'État entre dans la maison d'habitation d'une personne, qui est le
lieu le plus privé que la personne peut avoir et le plus protégé, mis à part,
là, sa personne même par la loi.
M. Tanguay
: Merci.
Deux derniers points en rafale avant de céder la parole à ma collègue. On a
pris bonne note de votre changement de termes, qui n'est pas anodin et qui
aurait un impact à l'article premier du projet de loi, où l'on dit : «Dans
l'application du présent code, il y a lieu de, tel que proposé le projet de loi,
privilégier l'utilisation de tout moyen technologique». Vous, vous dites :
On devrait plutôt le considérer. Et vous dites, et j'aimerais vous entendre
là-dessus, vous dites, je vous cite : Il arrive parfois que ceux-ci — on
parle des moyens technologiques — viennent nuire plus qu'aider cette
fin. Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire cela?
M. Fugazza (Léo) : Il faut se
rappeler, on est des juristes, on aime jouer sur les mots souvent.
«Privilégier» est considéré un impact majeur, ce ne sont pas toutes les
personnes qui sont équipées au niveau technologique, qui sont à l'aise avec les
réalités technologiques. On pense notamment, là, aux personnes plus âgées ou à
des personnes qui proviennent de l'extérieur du Québec, qui viennent
s'installer ici. Il faut tenir compte tout de même des réalités de l'ensemble
des judiciables. Ce n'est pas tout le monde qui est né avec un écran et un
accès Internet dans la main. Dans certains cas, la technologie en salle de cour
peut poser des problèmes au niveau de la défense pleine et entière, notamment
la divulgation de preuves en version électronique. Et une personne qui est
habituée au papier, il serait peut-être souhaitable, plutôt que de lui remettre
une copie papier des documents, plutôt que lui donner une clé USB ou un CD.
C'est le genre d'exemple qu'on donnerait.
M. Tanguay
: Et
dernier point, rapidement, à la page 13, certaines mauvaises langues
diraient qu'à ma lecture de a, détail qu'il convient de critiquer, c'aurait été
de la musique à mes oreilles, mais ne vous en faites pas, on est là pour
bonifier le projet de loi, pas uniquement le critiquer. Page 14, vous
faites référence à l'article 41, et plus précisément à l'article 41
du projet de loi qui introduit un nouvel article 192.2 qui permet de
forcer la présence d'un défendeur à son procès. Et ça, j'aimerais que vous
éclairiez ma lanterne quant à cette réalité-là et ce qui sont les us... ce qui
est le cadre juridique actuel. Et le bien-fondé ou le non fondé, là, de cette
mesure-là, votre association ne voit aucun fondement raisonnable justifiant
cette disposition considérant que la présence d'un défendeur est un droit et
non un devoir. Vous l'avez mis dans les détails qu'il convient de critiquer,
mais tel que rédigé, je ne vois pas ça comme un détail à vos yeux.
M. Fugazza (Léo) : Naturellement,
les mémoires sont limités. Là, on concentre sur certains éléments principaux et
on met les autres pour permettre à la commission de continuer sa réflexion.
M. Tanguay
: Ce n'était
pas un reproche.
M. Fugazza (Léo) : Mais on
rejoindrait essentiellement les propos du Barreau sur ce point-là également. À
notre lecture du projet, on ne comprend pas, là, d'où provient l'article. Pourquoi
dans certains cas on exigerait que la personne soit présente? La personne qui
souhaite être présente le sera régulièrement. Les personnes qui ne souhaitent
pas l'être ou alors ne peuvent pas l'être, par exemple si elles sont à
l'étranger ou autrement, là, malades ou avec des contraintes, on se demande
dans quelle situation un juge ordonnerait la présence. Et si jamais il n'y a
pas de situation ou une telle présence serait ordonnée, pourquoi le prévoir
dans la loi? C'est le genre de réflexion qu'on se fait.
M. Tanguay
: Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, il vous reste 2 min 40 s.
Mme Weil
: Merci.
J'aimerais revenir... Bonjour, merci pour votre présentation.
L'article 159.1, vous, vous dîtes qu'il ne faudrait pas vraiment qu'on
énumère les infractions essentiellement parce que vous dites : Il y a
tellement de profils différents. Il y en a, c'est des itinérants. Il y a la
toxicomanie, une période de fragilité, pauvreté, itinérance, toutes sortes de
possibilités. Donc c'est ça qui détermine finalement l'issue d'est-ce qu'il y
aura un programme ou non d'adaptivité et peut-être même sur 10 «Non, non, c'était
vraiment intentionnel puis tout va bien dans sa vie, etc.», donc vous le dites,
la logique de votre recommandation, c'est plus ça. C'est que ce n'est pas la
nature de l'infraction qui va vous permettre de voir si on doit voir un
parcours différent, genre de... mais, réadaptation, là, ce n'est pas ça qui est
l'enjeu, si je comprends bien.
M. Fugazza (Léo) :
Effectivement, et je pense...
Mme Weil
: La logique,
c'est ça.
• (15 h 40) •
M. Fugazza (Léo) : La logique
du programme est assez bien décrite dans les nouveaux articles, de viser des
personnes qui ont des difficultés et travailler sur ces difficultés-là, peu
importe le type de difficulté. Peu importe le type de réalité, cet article-là
permet de créer des programmes. Par la suite, les programmes seront créés de
manière adéquate par...
M. Fugazza (Léo) :
...effectivement, et je pense...
Mme Weil
: La logique,
c'est ça.
M. Fugazza (Léo) : La logique
du programme est assez bien décrite dans les nouveaux articles, de viser des
personnes qui ont des difficultés et travailler sur ces difficultés-là, peu
importe le type de difficulté. Peu importe le type de réalité, cet article-là
permet de créer des programmes. Par la suite, les programmes seront créés de
manière adéquate par les différents tribunaux, mais que ce soit une personne
qui vit avec des problèmes d'itinérance, ce qui est le cas le plus fréquent,
mais on pourrait penser à d'autres cas : quelqu'un qui a des problèmes
d'alcoolisme et qui conduit, des personnes qui, comme à Montréal, dans le
programme EVE, ont un problème de cleptomanie et vol à l'étalage. On parle de
personnes qui sont tout aussi bien nanties qu'en situation de pauvreté. Le
programme devrait pouvoir, là, couvrir l'ensemble de ces situations-là, et, à
ce moment-là, prévoir des infractions spécifiques vient limiter beaucoup plus.
On espère que l'imagination sera la limite de ce genre de programme là. Si
jamais les tribunaux et les poursuivants estiment justifié de mettre sur pied
un bon programme, qu'il ne soit pas limité par une infraction.
Mme Weil
: Donc, si on
va dans la logique du projet de loi, tel qu'il est conçu actuellement, vous
dites : Bon, pour s'assurer de bien limiter, peut-être, faire en sorte
qu'il soit optimal comme programme, c'est d'avoir la participation publique la
plus large possible. Peut-être aller là-dessus dans...
Je ne sais pas le temps qu'il reste.
J'aurais voulu aussi vous entendre sur l'aide juridique. C'est un enjeu bien
important, bien important. Et d'ailleurs un groupe qui est venu nous voir
dit : C'est surtout les femmes qui ont besoin des recours d'aide juridique
dont la restriction est plus difficile, a des conséquences plus difficiles sur
les femmes. Peut-être sur cette question. Je ne sais pas s'il reste du temps.
Le Président (M.
Bachand) : ...il n'y a plus de temps. Alors, je vais céder la
parole au député de Gouin, s'il vous plaît. Désolé.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Bonjour.
Merci d'être ici aujourd'hui. Question, d'abord, pour reprendre la balle au
bond de la collègue sur l'aide juridique, et le fait que vous souhaitez que les
services offerts aux personnes qui participent à un programme d'adaptabilité...
puis que ces services-là soient couverts par l'aide juridique. Vous qui avez
travaillé avec ces gens-là, pouvez-vous nous expliquer brièvement qu'est-ce que
ça peut changer, concrètement, pour quelqu'un d'avoir accès à l'aide juridique
quand il s'engage dans un de ces programmes-là?
M. Fugazza (Léo) : Ce qu'il
faut comprendre, c'est que, souvent, une personne qui se retrouve devant les
tribunaux, la seule personne qui est de son côté et qui croit en elle, c'est
son avocat. Il n'y a personne d'autre qui a jamais pris le temps de l'écouter,
qui l'assiste, qui prend son bord. Et ça coûte cher un avocat au privé. L'aide
juridique permet justement d'avoir cet accompagnement-là, à travers un milieu
qui n'est pas familier, qui est étranger, qui fait généralement peur, pour des
personnes qui, souvent, pour les personnes qu'on souhaite viser avec ce
programme, vivent déjà une situation de marginalisation et de crainte par
rapport au système.
Donc, avoir quelqu'un de leur côté, où ils
n'ont pas à se soucier, là, de l'argent qui va être dépensé pour eux, est un
atout essentiel pour bien participer à ces programmes-là. On peut les faire
seuls, mais, si jamais on peut les assister, autant le faire.
M. Nadeau-Dubois : Merci. Vous
avez dit vous-même que les juristes aimaient jouer sur les mots, ça fait que je
vais vous prendre au mot. Puis j'aimerais que vous me partagiez votre analyse
de l'article 20 du projet de loi, qui remplace... en fait, qui instaure un
nouvel article 74 où on peut lire : L'agent de la paix peut arrêter
sans mandat la personne informée de l'infraction alléguée contre elle qui,
lorsqu'il l'exige, ne lui déclare pas ou refuse de lui déclarer son nom. Je me
pose une question sur ce libellé-là. Quelle est la différence entre ne pas
déclarer et refuser de déclarer?
M. Fugazza (Léo) : Naturellement,
on suggère de ne pas adopter cette modification si on n'adopte pas la
modification principale à 72 du Code de procédure pénale. Les deux sont liées.
Une des difficultés de cette rédaction-là, c'est que c'est assez flou. Ça sera
aux tribunaux d'interpréter exactement ce que ça veut dire. Est-ce que
c'est : une personne qui n'en a pas sur elle refuserait ou est-ce qu'il
faut également démontrer que la personne a une carte d'identité?
C'est un libellé qui est suffisamment
ouvert pour porter à interprétation et, en matière criminelle ou pénale, c'est toujours
un élément de crainte quand un texte est susceptible, là, d'être soit très
pénalisant ou peu. Si jamais la commission était en mesure de clarifier qu'on
ne crée pas une infraction de ne pas avoir de carte d'identité sur soi, ça
serait souhaitable, pour ne pas que ça tombe non plus, là, dans l'infraction
plus large d'entrave, que ce soit criminel ou pénal, ne pas respecter leur
obligation de fournir la carte qui leur a été demandée, là. C'est une des
craintes de l'AJP.
M. Nadeau-Dubois : Et, en
terminant, rapidement, vous avez parlé de votre volonté de ne pas vouloir mettre
un frein à la possibilité d'imagination ou d'innovation pour les programmes
d'adaptabilité, en disant : Il ne faudrait pas, en amont, dans un texte
législatif, dire déjà : On n'ira pas plus loin que ça. Je comprends. En
même temps, est-ce que vous n'avez pas des... à l'inverse, des craintes sur
l'uniformité? Est-ce que l'idée de mettre au moins un minimum d'infractions ne
pourrait pas permettre au moins... puis la collègue de Joliette le disait plus
tôt, qu'il y ait au moins une base minimale d'accès à ces programmes-là qui
soit partagée par l'ensemble des citoyens et citoyennes?
Le Président (M.
Bachand) : Très rapidement, s'il vous plaît, maître.
M. Fugazza (Léo) : Si jamais
la commission imposait le programme à l'ensemble des municipalités, oui, il
faudrait des infractions minimales. Mais, tel que le projet est libellé
présentement, ça donne la possibilité, ça ne force pas les municipalités. Donc,
on doit dépendre de leur bonne volonté, là, des différentes villes à travers le
Québec.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment...
M. Nadeau-Dubois : ...une
base minimale d'accès à ces programmes-là qui soit partagée par l'ensemble des citoyens
et citoyennes?
Le Président
(M. Bachand) : Très rapidement, s'il vous plaît, maître.
M. Fugazza (Léo) : Si jamais
la commission imposait le programme à l'ensemble des communautés, oui, il
faudrait des infractions minimales. Mais, tel que le projet est libellé
présentement, ça donne la possibilité, ça ne force pas les municipalités. Donc,
on doit dépendre de leur bonne volonté, là, des différentes villes à travers le
Québec.
Le Président
(M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
:
Merci. Merci de votre présentation. Je vais poursuivre sur la même voie. Est-ce
que vous pensez qu'on devrait faire en sorte que ces programmes soient
disponibles, que ce ne soit pas discrétionnaire?
M. Fugazza (Léo) :
Absolument dans les villes qui peuvent se le permettre. Il y a tout de même des
réalités particulières, certaines municipalités qui pourraient ne pas être en
mesure de le faire simplement, là, parce qu'ils n'ont pas les services, là, un
programme qui est sur papier uniquement mais qui n'a pas d'intervenant pour
aider ne serait pas très utile. Mais si jamais le gouvernement et la commission
allaient plus loin et fournissaient également les services à ces
municipalités-là, ça serait quelque chose à long terme de souhaitable. Mais on
revient toujours à la question, il faut mettre les ressources adéquates pour
lutter contre l'itinérance, contre les autres problèmes de marginalisation
sociale.
Mme
Hivon
:
Puis il faut agir à l'origine aussi.
M. Fugazza (Léo) :
Effectivement, si on peut éviter.
Mme
Hivon
:
Donc ça, on s'entend très bien là-dessus.
Si, ce matin, Droit de cité nous disait
que pour eux le modèle de base du PAJIC était vraiment bon puis que, si on
voulait mettre un certain cadre dans la loi, ça pourrait être un point de
départ intéressant. Est-ce que vous partagez ce point de vue là, l'idée qu'on
devrait ou non mettre certains éléments pour encadrer les programmes dans la
loi et s'inspirer de celui-là?
M. Fugazza (Léo) : Je
pense que le PAJIC, là, est un exemple d'un programme qui est au plus haut
niveau duquel on atteint. Cependant, je ne pense pas qu'on devrait imposer un
type de programmes seulement pour laisser assez de souplesse. On peut imaginer
des meilleurs programmes qui ne sont pas présents présentement. Il faut
vraiment laisser assez de flexibilité au niveau législatif pour qu'on puisse
expérimenter. Et d'ailleurs l'AJP le note pour une autre disposition, là, la
création de projets pilotes qu'on accueille favorablement. C'est le genre de
mesures qui sont souhaitables, tester ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne
pas pour s'améliorer par la suite.
Mme
Hivon
:
O.K. Merci. Et pour revenir à la question des mots et de l'aide juridique
surtout, il y a une crainte que la modification proposée à l'article 152
restreigne l'accès à l'aide juridique en changeant le mot «néfaste» par
«grave». Donc, vous avez regardé ça.
M. Fugazza (Léo) :
Effectivement.
Mme
Hivon
:
Est-ce que vous avez une position là-dessus? Est-ce qu'effectivement ça semble
être plus contraignant pour y avoir accès parce que «grave» apparaît plus grave
que «néfaste»?
M. Fugazza (Léo) : L'AJP
est membre de la Coalition pour l'accès à l'aide juridique. On se range
totalement à leur mémoire sur ce point. Entre «néfaste» ou «grave», les deux
donnent des mauvaises connotations, mais elles ne sont pas très, très claires
du point de vue opérationnel. On pense qu'effectivement que modifier pour des
«conditions négatives» serait souhaitable.
Mme
Hivon
:
Mais vous êtes conscient que, quand on modifie un mot dans une loi, normalement
le législateur ne parle pas pour ne rien dire, donc il faudrait qu'il y ait une
portée. Donc, si c'est juste pour garder la même portée, est-ce que ça vaudrait
la peine de changer le mot?
M. Fugazza (Léo) : Entre
«néfaste» et «négatif», on pense que «négatif» est plus large. Par contre,
entre «néfaste» ou «grave», c'est un peu plus flou, là, si jamais il y a
vraiment une modification. Donc, la modification au terme «négatif» serait...
aurait un impact plus large.
Mme
Hivon
:
O.K. Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci infiniment. Merci beaucoup de votre
participation, vous êtes très, très, très appréciés. Cela dit, je suspends
quelques instants pour permettre au prochain groupe de s'installer. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 50)
Le Président
(M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous
plaît! Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux.
Alors, nous désirons souhaiter la
bienvenue à Me Marie-Eve Sylvestre. Alors, bienvenue à cette commission.
Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et par après nous
aurons un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à
vous, maître. Merci beaucoup.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mme les députés. Merci
beaucoup de m'accueillir. C'est vraiment un plaisir pour moi d'être ici. C'est
un moment important. Ça fait donc plus de 15 ans que je travaille sur la
judiciarisation de l'itinérance. Donc, je suis vraiment heureuse de...
Le Président (M.
Bachand) : …donc, la parole est à vous, maître. Merci beaucoup.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mme les députés. Merci
beaucoup de m'accueillir. C'est vraiment un plaisir, pour moi, d'être ici.
C'est un moment important, ça fait donc plus de 15 ans que je travaille sur la
judiciarisation de l'itinérance. Donc, je suis vraiment heureuse de venir
appuyer le projet de loi, mais aussi proposer un certain nombre de modifications.
Alors, pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis professeure à la faculté de
droit, section droit civil, de l'Université d'Ottawa où je suis également
doyenne depuis le 1er juillet, et ça plus de 15 ans qu'avec la professeure
Céline Bellot je documente la judiciarisation de l'itinérance et l'utilisation
de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende dans différentes villes québécoises
et canadiennes d'ailleurs. Donc, je suis, comme je vous le disais, émue d'être
ici jusqu'à un certain point.
Donc, voilà. Je propose de vous… de mettre
l'accent sur un certain nombre de points. Donc, d'abord, je commence en
insistant bien sur le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi là.
Deuxièmement, je veux revenir sur les critères d'admissibilité au programme d'adaptabilité,
et, ensuite, je vais vous parler des droits des défendeurs et de la nécessité
de respecter leur autonomie et leur participation dans le cadre de ces programmes-là,
pour terminer en vous parlant de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende.
Donc, en ce qui concerne le contexte, je
pense que c'est important de dire d'entrée de jeu que même si le projet de loi
est là pour favoriser l'efficacité en matière pénale, ces mesures-là en
particulier, les programmes d'adaptabilité des règles à la poursuite et à
l'exécution des jugements et les mesures qui visent à restreindre
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, sont essentiellement des mesures
réparatrices qui sont mises en place pour reconnaître une injustice dont sont
victimes les personnes en situation d'itinérance et de pauvreté dans les villes
du Québec depuis plusieurs années, des personnes victimes de profilage racial
et social. Donc, ce projet de loi, à mon avis, vient atténuer les effets de
cette judiciarisation, atténuer les effets d'un profilage. Il faut bien
comprendre qu'on ne leur fait pas de faveur et créant ces programmes-là. À mon
sens, on est vraiment dans des mesures réparatrices, des mesures qui, par
ailleurs, sont discriminatoires, et je ne revendrai pas sur tous les faits qui
découlent des différentes études qu'on a menées au cours des dernières années
qui témoignent de la portée de la judiciarisation, mais certainement vous dire
que je ne suis pas la seule à dire que ces mesures découlent d'un profilage
social. C'était aussi l'avis, par exemple, de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse. La commission Viens également, récemment,
a souligné l'importance de s'attaquer à ce fléau. Donc, voilà pour le contexte.
Je pense, c'est important de le voir dans… à cette lumière-là.
Deuxièmement, au niveau de l'admissibilité
au programme d'adaptabilité, le projet de loi propose de limiter l'accès à une
série d'infractions, qui est une façon détournée de couvrir les personnes en
situation d'itinérance, pauvreté… bon, les personnes marginalisées. On a parlé
de toxicomanie et de santé mentale, mais c'est une façon, comme d'autres l'ont
dit, insatisfaisante puisqu'on ne couvre pas l'ensemble des infractions qui
sont susceptibles d'être commises par ces personnes-là. Mais, aussi, il me
semble qu'il y a là une occasion ratée… et je reprends le relai du dernier
intervenant… d'ouvrir une porte à l'innovation juridique au Québec. Alors,
pourquoi ne pas créer, à travers ce projet de loi là, un programme général, un
régime général de mesures de rechange qui pourraient être utilisées en… à
différents… dans différents domaines, dans différents secteurs? Par exemple,
pourquoi ne pas laisser aux villes et aux municipalités le… disons, le fait de
définir par eux-mêmes dans quel domaine ils auraient… ils pourraient mettre en
place des problèmes… des programmes d'adaptabilité? Évidemment, ce n'est pas
pour nier le fait qu'on doit soutenir ces programmes-là, et d'ailleurs il va
falloir les financer, je vais y revenir en conclusion, mais, à mon sens, on
devrait laisser la discrétion aux villes et aux municipalités, avec l'appui du
ministère de la Justice du Québec, donc, de financer un certain nombre de
programmes dans d'autres domaines qui ne sont pas nécessairement visés à l'heure
actuelle.
Troisième point : Respecter les
droits et l'autonomie des défendeurs. À mon sens, il faut… il est essentiel, en
fait, que les défendeurs soient impliqués aux différentes étapes lorsqu'il
s'agit de leurs propres plans d'intervention ou des démarches qu'ils doivent ou
qu'elles doivent effectuer. Donc, à plusieurs moments dans le projet de loi, on
parle du poursuivant qui doit évaluer si le programme a été réussi, s'il a été
complété. À mon avis, cette évaluation doit absolument être faite de consentement
ou conjointement avec le défendeur ou ses représentants puisqu'il y a… les
situations sont extrêmement variables, et la mesure de succès va dépendre,
vraiment, de la nature des traumatismes vécus par ces personnes et aussi de
leurs points de départ.
Quatrièmement… Oui, juste avant de passer
à l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, puis là je veux être certaine de
ne pas manquer de temps…
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
...les situations sont extrêmement variables, et la mesure de succès va
dépendre vraiment de la nature des traumatismes vécus par ces personnes et
aussi de leur point de départ.
Quatrièmement — oui, juste avant
de passer à l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, puis là je veux être
certaine de ne pas manquer de temps — je pense qu'il est aussi important,
lorsqu'il s'agit de parler de la durée de ces programmes d'adaptabilité, de ne
pas aller au-delà de la limite qui est déjà prévue dans la loi, c'est-à-dire
1 500 heures. Ça me semble déjà extrêmement élevé et, jusqu'à un
certain point, disproportionné si on considère que les infractions pour
lesquelles ces programmes ont été créés, ce sont souvent des infractions
mineures, dans la plupart des cas non violentes, liées à la survie dans la rue,
liées, encore une fois, à des situations de discrimination systémique, là, qui
amènent ces personnes en situation d'itinérance à se retrouver dans des
conditions où elles sont forcées de violer la loi.
Donc, 1 500 heures, c'est déjà
énorme, et il y a d'autres façons d'aider les gens que de le faire sous la
contrainte judiciaire. On peut le faire, donc, à travers des programmes
sociaux, évidemment. On sait qu'il y a d'autres façons d'encadrer ou d'appuyer
les gens dans leur démarche.
Finalement, je veux mettre l'accent sur
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Le projet de loi propose de
restreindre la portée. C'est une excellente idée. L'emprisonnement pour
non-paiement d'amende est une mesure coûteuse. Quand on a modifié le Code de
procédure pénale en 2003, on a fait beaucoup d'économies au Québec,
8,5 millions, plus précisément, en cinq ans, selon le ministère de la
Sécurité publique. Donc, on ne l'a jamais regretté.
Mais c'est aussi, l'emprisonnement pour
non-paiement d'amende, une mesure inefficace, dans le cas des personnes en
situation d'itinérance — ça n'a aucun effet dissuasif puisque ce sont
des infractions commises en contexte de survie — et aussi
discriminatoire, hein, évidemment, sur la base de la condition sociale, a un
effet disproportionné sur les gens qui sont en situation de pauvreté, qui n'ont
pas les moyens de payer.
Je veux vous suggérer qu'on devrait
plutôt, dans le projet de loi, au lieu de suspendre en vertu d'une liste
d'infractions, de le faire en vertu de la capacité de payer. C'est ce qui
prévaut au Canada en matière de droit criminel. C'est ce que le Code criminel
prévoit. La modification, d'ailleurs, avait été faite pour répondre à une
situation de discrimination en 1996. Et récemment un arrêt de la Cour suprême très
important, en décembre 2018, l'arrêt Boudreault, qui indique que les amendes
minimales obligatoires combinées à la possibilité d'un emprisonnement pour
non-paiement d'amende sont susceptibles d'être inconstitutionnelles, en
violation de l'article 12 de la charte. On pourra y revenir dans la
période de questions.
Mais, de façon plus... encore plus
spécifique par rapport à la liste d'infractions, une liste d'infractions ne
pourra jamais couvrir tout. Donc, on ne viendra peut-être pas à bout de la
déjudiciarisation comme on voudrait le faire. Mais le pire dans tout ça, c'est
vous dire qu'il y a déjà trois villes au Québec qui ont un moratoire sur
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Elles le font pour tous les types
d'infractions. Si on précise des infractions par règlement, c'est un retour en
arrière pour ces personnes-là, hein? Parce que, là, vous allez placer les
villes et municipalités dans une situation où elles vont violer la loi plutôt
qu'avoir une discrétion pour procéder à l'émission d'un mandat d'incarcération.
Donc, ça, il y a un risque, vraiment, d'un retour en arrière ici, d'aller à
l'encontre des acquis qui ont été obtenus de longue lutte et en concertation
avec le milieu judiciaire à Montréal, à Val-d'Or et récemment à Québec.
En conclusion, si le projet de loi est
adopté, et vraiment je le souhaite, particulièrement avec les modifications que
je vous propose, ça va être vraiment important pour le gouvernement de financer
ces programmes à travers le Québec, y compris via l'aide juridique, donc je me
rallie à ce qui vient d'être dit à ce sujet-là. Mais aussi ce qu'il faut
comprendre, c'est que c'est clairement un premier pas, un... essentiel, mais
seulement un premier pas vers la déjudiciarisation de l'itinérance. Clairement,
il faut aussi mettre l'accent sur l'émission de constats et mettre un frein aux
pratiques de profilage qui sont menées par les policiers à tous les jours.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Sylvestre. Mme la ministre, s'il
vous plaît.
Mme LeBel : Merci. Merci,
M. le Président. Me Sylvestre, merci de votre présence. Merci surtout de cette
excellente analyse, de ce document qui sera très précieux pour la suite de nos
réflexions à la fin de ces consultations-là.
J'aimerais vous parler peut-être de
certains éléments ou vous permettre de compléter si vous pensez qu'il y a des
choses... vous offrir de mon temps si vous pensez qu'il y a des choses que vous
auriez pu dire dans votre présentation initiale. Mais je vous ai sentie à un moment
donné précipitée par votre temps, puis je veux m'assurer que vous faites le
tour de la question, c'est très important. On aura des décisions à prendre.
• (16 heures) •
Mais je veux peut-être vous amener
présentement sur le fait que les programmes devraient être admissibles pour
tout type d'infraction et ne devraient pas se limiter à une série d'infractions
prévues par règlement. Donc, c'est la voie présentement qui est mise au jeu,
qui est proposée dans le projet de loi, effectivement, parce que... Bon, c'est
sûr que d'entrée de jeu on est peut-être capables de faire ici, autour de la
table, si on s'y met, une liste d'infractions plus communes, pour lesquelles
les programmes actuellement disponibles, ça... concerne, finalement...
16 h (version non révisée)
Mme LeBel : ...c'est la
voie présentement qui est mise au jeu, qui est proposée dans le projet de loi,
effectivement... Bon, c'est sûr que, d'entrée de jeu, on est peut-être capables
de faire ici, autour de la table, si on s'y met, une liste d'infractions plus
communes pour lesquelles les programmes actuellement disponibles... ça
concerne, finalement.
Mais est-ce que vous pensez qu'on ne
pourrait peut-être pas procéder, peut-être, alors, à ce moment-là, puis ça a
été proposé, par exclusion? Je comprends votre souci d'avoir... de laisser aux
villes de la souplesse, que peut-être qu'autour de la table ici on penserait,
avec tous les efforts et toute la bonne volonté, on pourrait faire une bonne
liste d'infractions potentielles, mais qu'on pourrait peut-être avoir un cas de
figure auquel on ne pense pas, qui pourrait être approprié de à ce problème... programme-là,
mais il y a aussi des infractions qui, d'entrée de jeu, je parlerais des
infractions à l'AMF, exemple... qui est une infraction pénale, les infractions
en environnement, qui pourrait être une infraction plus grave, e... et ce n'est
pas limitatif de ce que je dis, là, j'essaie de discuter d'infractions,
d'entrée de jeu, pour moi... ne devraient pas faire l'objet de ce type de
programme là.
Donc, est-ce que vous pensez qu'on
pourrait peut-être, à ce moment-là, pour baliser et définir le carré de sable,
parce que ça prend quand même un certain carré de sable, je le pense, pour
avoir une certaine uniformité aussi et comprendre, avoir certaines balises,
qu'on pourrait peut-être y aller par exclusion, à ce moment-là, de type
d'infractions pénales plutôt que de se limiter à une liste? Et là peut-être que
la créativité, la souplesse nécessaire, l'encadrement qu'on recherche,
l'uniformité qui a été aussi discutée dans les... avec les précédentes
présentations, pourraient peut-être être un peu pris en compte?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Bien, je dirais, effectivement, c'est par exclusion qu'on procède en matière
criminelle, par exemple, quand on pense au programme de mesures de rechange.
Mais j'aurais tendance à... vraiment dans une perspective de déjudiciarisation
des conflits sociaux, et aussi d'ouverture à l'innovation, bien, on peut aussi
inclure dans ces motifs-là l'efficacité du système de justice pénale.
Mais vous avez soulevé la question de
l'environnement. Je me demandais : Si une municipalité voit qu'elle a un
problème important d'infraction à la Loi sur la qualité de l'environnement puis
elle décide qu'elle pourrait mettre en place un programme d'adaptabilité dans
le but de faire réparer les contrevenants au lieu de leur imposer des
sanctions, est-ce que ça, ça ne serait pas quelque chose qui pourrait être
innovant et intéressant en matière de justice au Québec, qui permettrait
d'atteindre les objectifs de la Loi sur la qualité de l'environnement?
Donc, est-ce qu'il faut se limiter ou
est-ce qu'il n'y a pas d'autres façons pour le gouvernement d'attendre ses
fins? Parce qu'évidemment les programmes de mesures de rechange sont dépendants
des financements puis de l'existence des programmes d'adaptabilité ou des
programmes de mesures de rechange. Donc, est-ce qu'il n'y a pas, au niveau des
leviers de financement, d'autres façons d'encadrer? Donc, a priori, j'avoue, on
est en matière pénale, c'est sûr qu'il y a des infractions pénales plus
sérieuses que d'autres. Mais j'avoue qu'a priori j'aurais tendance à créer de
la place pour l'innovation.
Mme LeBel : O.K., merci. Vous
parlez... Si on parle des programmes plus particulièrement, vous parlez, bon,
de la durée des programmes. Votre point est bien compris, c'est assez clair.
Et vous parlez également de la
reconnaissance de paiements partiels et reconnaissance de conditions partielles
complétées et du fait qu'il devrait y avoir plus de flexibilité dans
l'évaluation de la réussite des programmes. Dans le fond, ce que vous nous
dites, c'est que présentement, dans l'état actuel des choses, le programme se
doit d'être complété pour qu'il y en ait un bénéfice, je vais le dire comme ça,
ou un... qu'on... Donc, vous pensez... vous dites... vous suggérez qu'on puisse
aussi tenir compte des différentes étapes franchies, même si, pour une
multitude de raisons, on n'arrive pas à compléter le programme qui a été mis en
place dès le départ?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, tout à fait, parce que je pense qu'il y a des situations de... Les
personnes en situation d'itinérance ou en situation de pauvreté sont multiples,
les réalités sont vraiment différentes. On peut penser aux personnes
autochtones, par exemple, à Val-d'Or, où on a fait un travail à ce niveau-là,
notamment avec la commission d'enquête. Là, vraiment, les points de départ sont
différents. Ce qui constitue une étape est différent. Juste stabiliser... bon,
réduire sa consommation, ça peut être une étape pour certains. Et, dans
certains cas, on peut mal évaluer ce qui est possible et éventuellement juger
que d'autres étapes qui ont été franchies pourraient aussi compter, là, dans
l'accomplissement des mesures et du programme.
Donc, je pense qu'il faut se garder une
flexibilité. Et c'est vraiment... Ce serait vraiment décourageant de devoir
dire aux personnes : Bien, vous avez fait des efforts, vous avez entrepris
des démarches, vous avez réussi ou vous avez stabilisé un certain nombre de
choses dans votre vie, mais tout ça, on ne va pas le reconnaître parce que
l'objectif ultime qu'on s'était fixé ensemble, vous ne l'avez pas atteint.
Donc, je pense que c'est le mauvais message
qu'on envoie, mais, en plus, je trouve, que ce n'est pas respectueux des droits
des personnes, là, qui se sont engagés dans un programme.
Mme LeBel : O.K., super.
Mon collègue avait quelques questions, mon collègue le député de Chapleau, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Maître... maître! Excusez-moi. M. le député de
Chapleau, pardon.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci, M. le Président. Bonjour, Me Sylvestre...
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Bonjour.
M. Lévesque (Chapleau) :
C'est un plaisir de vous voir ici à l'Assemblée nationale. On a l'occasion de
se côtoyer à l'occasion en Outaouais.
Peut-être quelques petites questions, là,
d'abord, sur la justice dans le Nord. C'est quand même un sujet, là, qui vous
tient à coeur également...
Mme LeBel : …député de Chapleau,
M…
Le Président (M.
Bachand) : Me… Maître, excusez… M. le député de Chapleau,
pardon.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci, M. le Président. Bonjour, Me Sylvestre. C'est un plaisir de vous voir,
ici, à l'Assemblée nationale. On a l'occasion de se côtoyer à l'occasion en
Outaouais. Peut-être quelques petites questions, là. D'abord, sur la justice
dans le Nord, là. Ça, c'est quand même un sujet, là, qui vous tient à cœur également,
là. Dans le projet de loi, il y a l'ajout… du moins, l'ajout envisagé de deux
juges qui pourraient être appelés à siéger dans le Nord. Peut-être une question,
là… je sais que vous avez travaillé également avec… bon, à Val-d'Or, là, ces
choses-là : Est-ce que vous pensez que les juges devraient siéger dan le
Nord ou en Abitibi pour représenter les gens qui sont là? Simplement pour avoir
votre opinion peut-être sur cet enjeu-là, cette question-là.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Bien, c'est sûr que la proximité est essentielle. Un des problèmes principaux au
niveau de la justice dans le Nord, et je pense que la commission d'enquête,
dans son rapport, le souligne vraiment très bien, c'est les différents
déplacements, les transports très, très longs des personnes qui passent par Montréal,
qui retournent vers l'Abitibi, et etc., donc plusieurs jours dans certains cas.
Ils sont toujours présumés innocents. Donc, le plus de justice de proximité, effectivement,
c'est le mieux.
M. Chaput (Luc) : Également,
là, on a parlé de l'idée de l'incarcération, l'emprisonnement, bon, pour le
non-paiement d'amende. Je sais que l'idée de la liste d'infraction, là, j'ai
cru comprendre que c'était moins… vous favorisiez moins cette avenue-là. Peut-être
nous éclairer davantage, là, pour… sur, disons, la capacité de payer, comment
ça se passe avec… dans d'autres juridictions, ces choses-là?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, tout à fait. Bien, d'abord, juste, peut-être, préciser, mais je pense que
je l'ai dit dans ma présentation, mais préciser qu'à mon avis, sur le plan
juridique, il faut dire que l'emprisonnement dépend de la capacité de payer
puisque ce serait discriminatoire de ne pas en tenir compte. Donc, ça, je veux
que ça soit clair qu'à mon avis, surtout avec le dernier développement dans
l'affaire Boudreault, il est pour moi discriminatoire d'avoir de
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende qui ne tienne pas compte de la
capacité de payer, peu importe la liste d'infractions.
Maintenant, comment ça fonctionne, la
capacité de payer? Donc, ça, c'est évalué lors de l'audience avec le juge ou
avec les percepteurs, donc, et ça, c'est un travail que les acteurs judiciaires
sont habitués à faire régulièrement dans les autres provinces, notamment en
matière de Code criminel, et il y a… bon, il y a différents moyens de démontrer
sa situation financière, là, qui peuvent être proposés au tribunal, mais… Donc,
c'est un travail qui se fait et qui se fait bien, là.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Merci, c'était clair. Petite dernière question, là, dans le fond, en lien avec
la rétraction du jugement. Il y avait des petites réticences, là. Certains
groupes ont émis certaines réticences en lien avec la rétractation du jugement
pour permettre, dans le fond, là, suite à la suivie d'un programme
d'adaptabilité. Est-ce que, donc, vous avez des réticences? Je vois quand même
que vous êtes favorable, mais il y avait-u des éléments que vous aimeriez
ajouter sur ce point-là?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, bien, d'abord, je veux appuyer le fait que c'est important de reconnaître
la rétraction de jugement comme une mesure importante. De pouvoir, donc,
retirer des jugements qui ont déjà été prononcés alors que la personne n'était
pas en mesure d'être représentée. Mais, effectivement, pour être cohérente avec
cette idée que je pense qu'il faudrait développer un régime général de mesures
de rechange, moi, j'enlèverais la référence à la liste d'infractions et je
laisserais, par contre, l'idée de participation à un programme d'adaptabilité.
Donc, pourvu que la personne ait participé à un programme d'adaptabilité, on
pourrait avoir recours aux mesures de rétractation du jugement. Donc, ça… ce
qui ferait que ça limiterait quand même… La rétraction du jugement, on sait que
c'est un recours… une mesure exceptionnelle, là, en procédure, mais, dans la
mesure où la personne a participé à un programme d'adaptabilité, ça serait
suffisant, de… à mon avis, de le dire puis d'éviter de tomber, encore une fois,
dans cette liste d'infractions qui ne sera jamais exhaustive, là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
M. Lévesque (Chapleau) : …je
passerais la parole à…
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : …
d'Ungava, oui.
M. Lamothe : Bonjour. Juste
pour faire suite à mon collègue de Chapleau concernant les deux juges, à savoir
Val-d'Or ou dans le Nord-du-Québec. Vous m'avez dit, une justice de proximité,
c'est le mieux. Comment vous voyez ça? Les juges dans le Nord ou à partir de Val-d'Or?
C'est quoi qui serait l'idéal?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Bien, alors, si on veut revenir sur… là, je vais peut-être sortir du projet de
loi, là… mais si on veut revenir aux conclusions qui sont mises de l'avant par
la commission Viens, d'abord, par justice de proximité, on veut dire une
justice autochtone, hein? D'abord, on pense qu'il y a des programmes de justice
communautaire qui devraient être mis en place dans le Nord par les communautés,
pour et par les communautés. Donc, ça, ça serait ce que moi aussi je
favoriserais d'abord et avant tout. Maintenant, dans la mesure où on a recours
au système judiciaire, à mon sens, encore une fois, il faut que le système de
justice se rende le plus près possible des gens pour que ça ait le… qu'on évite
le plus de déplacement puis que ça ait le plus de sens pour les communautés.
• (16 h 10) •
M. Lamothe : Entre
parenthèses, ce que vous avez dit, «par et pour eux», là, c'est vraiment
gagnant. Mais, encore une fois, je veux dire, les juges, une fois sur place…
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
…il faut que le système de justice se rendre le plus près possible des gens
pour qu'on évite le plus de déplacements puis que ça ait le plus de sens pour
les communautés.
M. Lamothe : Entre
parenthèses, ce que vous avez dit : par et pour eux, là, c'est vraiment
gagnant. Mais, encore une fois, je veux dire, les juges, une fois sur place,
vous ne pensez pas que le service, vous parlez de proximité, va être meilleur
pour les Inuits, pour les Cris, surtout pour les Inuits, parce qu'on parle des
cours itinérantes, là, à Puvirnituq puis à Kuujjuaq, puis on sait que le volume
est immense.
Ça fait que vous ne pensez pas que deux
juges sur place, ce serait plus gagnant que les faire déplacer de Val-d'Or, que
ce serait plus crédible pour la justice?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, oui. Non, tout à fait. Moi, je pense qu'on a besoin d'avoir des juges sur
place, mais, encore une fois, comme alternative à une justice autochtone qui
serait favorisée. Oui.
M. Lamothe : O.K. Vous me
parliez tantôt, un petit peu, vous avez sous-entendu le transfert des détenus.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui.
M. Lamothe : Qui passe par
Montréal, tout ça.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui.
M. Lamothe : Je sais qu'au
niveau de la visioconférence aussi, il y a beaucoup de travail qui est fait au
niveau de la ministre de la Justice puis de la ministre de la Sécurité
publique, il y a des choses qui vont débloquer là-dessus.
Je suis content de vous entendre
concernant la présence des juges dans le milieu nordique.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, tout à fait, puis juste pour ajouter, au niveau de l'emprisonnement pour
non-paiement d'amendes, on avait un problème aussi en Abitibi parce que les femmes
détenues devaient aller purger leur peine d'emprisonnement pour non-paiement
d'amendes dans les prisons pour femmes à Montréal. Donc, il y a aussi des
transferts qui sont liés à ces mesures-là, là.
M. Lamothe : Parfait. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Pas d'autres questions? Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme Weil
: Oui. Merci
beaucoup pour votre participation. On voit, dans les dernières présentations,
il y a des mêmes recommandations qui surgissent, donc, je pense qu'il y avait
les cliniques Droit de cité, ensuite, juste avant vous, l'Association des
juristes progressistes, on voit les mêmes…
Donc, ce qu'on en retire, et vous, vous
êtes académique, donc universitaire, c'est parce que c'est basé sur des études,
une connaissance sur le terrain, avec un objectif… j'essaie de… La philosophie,
là, derrière tout ça, et comment la justice peut s'adapter, donc, à cette
réalité, et les meilleurs, comment dire… outcomes, résultats, ce serait justement
de s'inspirer un peu de ces constants que vous faites et ceux qui sont sur le
terrain qui ont accumulé quand même beaucoup d'expériences.
C'est très impressionnant ce qu'on a
entendu, puis, je pense, qu'il n'y a personne ici qui n'est pas sensible au
message qu'ils nous disent, et ils disent bon : la justice — et
on comprend bien la justice traditionnelle — qui a réussi à
s'adapter, puis la volonté des acteurs de la justice de répondre à ce mal
social ou ces maux sociaux. Donc, peut-être juste pour… c'est un peu ça que
vous dites, puis là, c'est sûr que plus on vous entend, plus c'est percutant
parce qu'il y a une logique à tout ce que vous dites. Puis, vous êtes à la
frontière de la justice, justement, la justice sociale et la justice tout court,
la justice pénale, et que l'adaptation, d'après ce que je comprends, c'est
vraiment la justice qui soit adaptée… qui s'adapte.
J'aimerais vous amener un peu sur la
vision. C'est sûr qu'on comprend bien vos interventions. Je pourrais aller sur
des détails, mais, quand même, tout est logique dans ce que vous proposez.
Vous, dans votre parcours, comment vous avez vu ça, et comment vous voyez
l'évolution de la justice pénale et de la société pour mieux s'attaquer et
aider ces personnes à s'en sortir et d'avoir une vie dont, finalement…
régulariser, à tout le moins, là, sans être plus… avoir plus d'espoir, là, mais
au moins régulariser, pour qu'ils puissent vivre?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Bien, merci pour cette question-là. Je vais d'abord revenir sur le début de
votre intervention lorsque vous dites qu'il y a eu beaucoup de choses qui ont
été mises en place, que le milieu s'est concerté. Je voudrais quand même rendre
hommage à tout ce qui a été fait, notamment à Montréal, puis dernièrement à
Val-d'Or, il y a des choses… C'est dommage que vous ne puissiez pas entendre le
centre d'amitié autochtone de Val-d'Or parce que leur programme PAJIC, qui
d'ailleurs n'a pas le même acronyme que celui à Montréal, propose des choses
vraiment innovatrices aussi. Et ce projet de loi là, en fait, le défi de ce
projet de loi là, c'est de permettre à ces innovations de continuer à répondre
aux besoins locaux et régionaux, tout en donnant l'impulsion nécessaire à ceux
qui ne le font pas encore, de le mettre en place, parce qu'ils vont avoir la
légitimité de la loi pour le faire. Donc, je voulais, avant de vous parler de
ma vision, bien mettre ça sur la table.
Alors, au niveau de ma vision, moi, c'est
clair que j'ai constaté au cours des dernières années, une judiciarisation
— je ne suis pas la seule, là, d'ailleurs — une judiciarisation
croissante des problèmes sociaux, une multiplication de l'utilisation du droit
criminel, mais aussi du droit pénal, c'est ce qu'on voit en matière
d'itinérance, mais on l'a vu dans d'autres domaines aussi. Donc, une
judiciarisation des…
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
...constaté, au cours des dernières années, une judiciarisation — je
ne suis pas la seule, là, d'ailleurs — une judiciarisation croissante
des problèmes sociaux, une multiplication de l'utilisation du droit criminel,
mais aussi du droit pénal — c'est ce qu'on en matière d'itinérance,
mais on l'a vu dans d'autres domaines aussi — donc, une
judiciarisation des conflits sociaux. On demande au système judiciaire, qui
souvent n'est pas équipé pour traiter ces problèmes-là, de répondre à ces
problématiques. Donc, l'objectif ou la vision, c'est vraiment de pouvoir
retirer le plus possible des outils répressifs, des outils punitifs et de
mettre de l'avant des réponses sociales. Alors, certaines de ces réponses
sociales là pourront se faire sous la supervision judiciaire; d'autres devront
être faites en amont, en prévention et en... d'autres façons, là, comment les
communautés vont s'organiser.
Mme Weil
: Et
voyez-vous aussi le besoin de formation, plus de formation pour tous les
acteurs de la justice, incluant les juges? On le voit, il y a une sensibilité,
parce qu'on est tous des êtres humains, hein? Dans un premier temps, les juges,
avec la pratique et avec ce qu'ils voient dans leurs tribunaux, on le voit
l'évolution aussi de leur pensée. Mais... vous entendre là-dessus, au niveau du
Barreau.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Bien, c'est clair, vous parlez à une professeure ou à une doyenne, vous prêchez
dans un... C'est clair, pour moi, la formation, c'est au coeur de tout, c'est
ce que je fais au quotidien. La formation, accompagnée de la recherche
d'ailleurs, me semble vraiment une voie porteuse. Donc, à la fois les acteurs
judiciaires, je pense que ça... Toutes les commissions d'enquête qui se sont
penchées sur des problématiques sociales — je pense encore à la
commission Viens — ont recommandé davantage de formation. Donc, ça,
pour moi, c'est essentiel, mais peut-être aussi l'interdisciplinarité, donc,
peut-être joindre d'autres professions, d'autres acteurs dans le milieu
judiciaire. Je pense aux travailleurs sociaux. C'est la force de ces
programmes-là, c'est l'accompagnement avec des travailleurs sociaux, justement.
On peut penser à du personnel du milieu de la santé, dans d'autres domaines,
donc, vraiment y aller, là... Il faut que la justice se décloisonne un petit
peu, à mon sens, pour régler des problèmes qui sont avant tout sociaux.
Mme Weil
: Si vous
aviez un rêve d'une disposition qu'on pourrait mettre dans un projet de loi qui
pourrait orienter... Parce qu'on le voit souvent, même dans des projets de loi
juridiques, les SLAPP d'ailleurs. Et ma collègue de Joliette est là. On a fait
ensemble ce projet de loi. J'étais ministre de la Justice, et on avait mis,
donc, une disposition à la fin que, en cinq ans, on allait revoir la
jurisprudence pour voir si on avait fait des avancées. Et ça fonctionne bien,
parce que, là, il y a des recommandations pour la suite des choses. Est-ce que
vous verriez peut-être une clause de ce genre dans ce projet de loi?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Une clause...
Mme Weil
: De révision,
à tous les cinq ans, pour voir si les mesures qu'on a mises en branle ont donné
les effets escomptés.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, on... bien, je peux imaginer, en tout cas, que, là, à la suite de ce
projet de loi là, qu'il va y avoir d'autres programmes d'adaptabilité qui vont
se mettre en place. Et ça va être intéressant de comparer, justement, les
expériences des... Est-ce qu'il faut le faire au niveau législatif ou est-ce
qu'on peut le faire d'autres façons? Ça, je ne suis pas certaine, là, mais ça
pourrait être une façon de le voir.
Mme Weil
: L'avantage
de la loi, c'est : ça devient obligatoire.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, c'est ça.
Mme Weil
: Donc, c'est
un constant, et tout le monde travaille pour ça et vers ça, et...
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, c'est une possibilité.
Des voix
: ...
Mme Weil
: D'autres
éléments... Je ne sais pas combien de minutes...
Le Président (M.
Bachand) : Quatre minutes, Mme la députée.
Mme Weil
: Quatre
minutes! On a du temps pour jaser, hein?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, oui, oui.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Jasons.
Des voix
: Ha, ha, ha!
Mme Weil
: Mais c'est
vraiment intéressant d'avoir, évidemment, une professeure d'université qui est
passionnée par le sujet.
Bon, la durée des programmes. Bon, la
rétraction, on en a beaucoup parlé. Peut-être revenir là-dessus, sur l'importance
de la rétraction. Encore une fois, ceux qui sont... qui ont parlé avant vous
l'ont dit, mais peut-être revenir sur cette question de rétraction de jugement
comme essentielle.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui. Alors, la rétraction de jugement, c'est une pratique qui a d'abord débuté
dans le cadre du PAJIC à Montréal, donc, où, justement, c'était une mesure qui
était mise en place. Et c'est... l'effet de la rétraction de jugement est
important. D'abord, c'est une reconnaissance qu'on a jugé du constat
d'infraction en l'absence, hein, par défaut. Le défendeur, souvent, n'a pas été
informé, il n'a jamais reçu une copie des avis de cour, on a souvent eu la
mauvaise adresse ou on a envoyé le constat à un refuge, une ressource d'une
personne en situation d'itinérance. Donc, c'est une reconnaissance d'une
réalité du fait qu'on a fait ça par défaut, mais c'est aussi, vraiment, une
reconnaissance qu'en raison des démarches qui ont été effectuées, on peut,
donc, se permettre de retirer les constats d'infraction. Et ça, sur le plan, je
pense, symbolique, c'est très important pour les personnes qui sont engagées
dans cette démarche-là, là.
Mme Weil
: Et, dans la
même veine — je pense à l'article 52 — maximum
d'heures, vous entendre encore là-dessus dans le contexte de l'argument que
vous venez de donner, mais tout ça, d'après votre présentation, ça fait partie
d'un tout cohérent qui vise les mêmes objectifs. Donc, peut-être vous entendre
sur le maximum d'heures, là, de ne pas dépasser.
• (16 h 20) •
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, en fait, c'est...
Mme Weil
: ...minimum
d'heures, vous entendre encore là-dessus dans le contexte de l'argument que
vous venez de donner. Mais tout ça, d'après votre présentation, ça fait partie
d'un tout cohérent qui vise les mêmes objectifs. Donc, peut-être vous entendre
sur le maximum d'heures, là, de ne pas dépasser.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, en fait, c'est toujours très complexe de quantifier en nombre d'heures un
certain nombre de démarches, on ne sait pas combien de... qu'est-ce que ça veut
dire, sur quelle durée ça va s'échelonner. Mais, ma préoccupation c'est que
pour des infractions mineures, non-violentes, souvent liées à la survie dans la
rue, qui découle de la discrimination systémique, on ne maintienne pas sous
supervision judiciaire une personne éternellement. Parce qu'être sous
supervision judiciaire, c'est toujours être confronté à un risque d'échec. Et
qu'est-ce qui arrive en cas d'échec? Bien, là, tu risques de ne pas avoir
réussi ton programme, tout ce que tu as mis en place ne fonctionne pas. Donc,
le poids, cette épée de Damoclès, là, d'avoir le système judiciaire
constamment... à mon sens, il faut que ça se termine et il faut que ce soit
proportionnel à la gravité des infractions, là, qui ont été commises.
Mme Weil
: Et vous avez
dit que vous pourriez revenir sur l'article 12 de la charte canadienne
pour l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Ça ce serait intéressant
parce que vous n'avez pas eu le temps d'aller plus loin.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui. Alors, ça, c'est l'affaire Boudreault qui a été entendue par la Cour
suprême, donc, en 2018. Un jugement qui portait sur la suramende compensatoire
en matière criminelle qui était imposée de façon systématique à des personnes
marginalisées, notamment en situation d'itinérance, et la Cour suprême qui
conclut donc : les amendes... cet amende minimale est inconstitutionnelle,
donc viole l'article 12, la protection contre les peines cruelles et
inusitées, notamment parce qu'il y a une peine d'emprisonnement pour
non-paiement d'amende qui était plus ou moins systématique, en particulier dans
le cas des personnes marginalisées. Donc, il me semble que ça, ça rend assez
précaire toute disposition sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende qui
n'est pas liée à la capacité de payer dans une loi provinciale.
Mme Weil
: Très bien,
merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Gouin s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour. J'ai peu de temps, j'ai deux questions pour
vous. D'abord, j'aimerais vous entendre sur une proposition qui a été faite par
les gens qui vont ont précédés au sujet de l'aide juridique. Est-ce que vous
qui avez bien documenté puis qui connaissez bien ces programmes-là, est-ce que
donner accès à l'aide juridique pour les gens qui s'engagent dans un programme
d'adaptabilité, c'est quelque chose qui serait une avancée? Et si oui,
pourquoi?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, bien, tout à fait. D'abord, je veux dire que dans ces programmes
d'adaptabilité, il y a plusieurs intervenants. Donc, il y a des intervenants de
clinique d'accompagnement qui sont souvent des non-juristes. Donc, eux aussi,
il va falloir les appuyer et bien les financer, ça, je pense que c'est
important de le mentionner. Mais clairement, lorsque la personne peut avoir
aussi accès à un avocat, hein, il peut y avoir toutes sortes d'autres... à la
fois pour participer au programme mais ça pourrait aussi être pour remettre en
question un certain nombre de constats qui ont été émis. Donc, à mon sens, ça
aussi ça devrait être couvert par l'aide juridique. Et je pense que mon
collègue qui m'a précédé a bien expliqué l'importance d'être représenté par un
avocat, l'importance pour l'accompagnement des personnes.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Deuxième enjeu sur lequel j'aurais aimé vous entendre : sur la question de
l'emprisonnement, vous proposez de tourner la page tout simplement sur cette
possibilité-là qu'il y ait un emprisonnement suite à l'accumulation
d'infractions. Je trouve ça intéressant mais je vois venir certaines
objections. J'aimerais ça d'emblée vous permettre de les réfuter d'avance.
Quelqu'un qui dirait : Oui, mais s'il n'y pas d'emprisonnement au bout,
pourquoi les gens s'engageraient dans un programme si la crainte de
l'emprisonnement, si la motivation d'éviter la prison n'est plus là? Qu'est-ce que
vous répondriez à quelqu'un qui dirait ça?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, bien, oui. D'abord, il y a des droits, là, qui sont en question ici, là,
puis... Mais deuxièmement, la personne qui ne va pas purger de prison, elle va
demeurer avec sa dette judiciaire. Donc, la dette judiciaire, elle n'est pas
effacée, tu continues d'avoir un fardeau de 10 000 $ de dettes. Tu
vas vouloir appliquer un programme gouvernemental, ça va ressortir, tu vas
vouloir faire quoi que ce soit, tu vas avoir ce fardeau-là. Et c'est ce qui se
passe dans les autres provinces. En Ontario, il n'y a pas d'emprisonnement pour
non-paiement d'amende mais il y a des dettes judiciaires et c'est un obstacle
très important pour pouvoir avoir accès même à un service d'utilité public
comme Hydro Ontario, Hydro Ottawa, je pourrais dire, ou d'autres services
publics, l'accès aux prêts et bourses si tu veux retourner à l'école. Donc, il
y a... Malheureusement, le poids de la dette judiciaire est en soi déjà un
fardeau.
M. Nadeau-Dubois : Donc, bref,
il n'y a pas de... On ne créerait pas un système de «désincitation» à choisir
ces programmes-là en enlevant la menace éventuelle de l'emprisonnement. Est-ce
que je vous comprends bien?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui, exactement.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Joliette s'il
vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. Je suis très heureuse qu'on ait la chance de vous entendre
aujourd'hui parce que je vous avais entendu lorsqu'on a fait le forum sur la
première politique de lutte contre l'itinérance et j'avais été très
impressionnée par votre expertise alors je veux en profiter au maximum. Vous...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. Je suis très heureuse qu'on ait la chance de vous entendre aujourd'hui
parce que je vous avais entendu lorsqu'on a fait le forum sur première
politique de lutte contre l'itinérance et j'avais été très impressionnée par
votre expertise. Alors, je veux en profiter au maximum. Vous avez dit, d'entrée
de jeu, ce dont vous rêvez, en fait, ce serait qu'on ait un régime général de
mesures de rechange, donc que ça aille encore plus loin dans la
déjudiciarisation. Expliquez-moi, quand vous nous dites ça, par rapport à ce
qui se met en branle qui est en train de se généralisé, là, du programme de
mesures de rechange général, qui est parti de projets pilotes puis qui est en
train de s'étendre, pourquoi ou comment ça ne va pas assez loin par rapport aux
objectifs que vous, vous souhaitez voir inclus éventuellement dans notre droit
pénal?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Merci. Je me rappelle très bien de cette commission parlementaire, c'était...
pas de cette commission, mais, disons, que de le... de la politique...
Mme
Hivon
: Du
forum.
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Du forum entourant la politique. Alors, au niveau... Pardon, j'ai oublié votre
question.
Mme
Hivon
: Oui,
le programme actuel pilote... le projet pilote de mesures de rechange...
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui. Donc, le programme actuel de mesures de rechange porte évidemment sur les
questions criminelles, les infractions criminelles, et là ce serait de créer un
programme qui touche les infractions pénales. Ce qu'on a constaté, encore une
fois, c'est qu'au cours des dernières années, on a, dans plusieurs cas,
délaissé le droit criminel au profit du droit pénal en pensant qu'on faisait un
bon coup parce qu'il n'y avait pas de casier judiciaire, parce que, des fois,
les amendes étaient moins élevées. Mais nos études ont démontré qu'au
contraire, on rentrait dans un cycle de judiciarisation et parfois même
d'emprisonnement pour non-paiement d'amende, qui était même plus grave dans
certains cas que des infractions criminelles sommaires. Donc, à mon sens, on
viendrait couvrir, là, des angles qu'on n'a pas... qu'on ne couvre pas avec le programme
de mesures de rechange... nous permettrait d'inclure des infractions pénales,
là, carrément, là.
Mme
Hivon
:
Parfait. Et puis certains groupes sont venus nous dire, vous m'avez entendu
avec le groupe précédent poser la question, je comprends que ce n'est pas votre
position nécessairement, mais ils sont venus nous dire qu'on devrait
généraliser dans la loi, voire imposer les... dans, j'imagine, les villes qui
pourraient avoir un bassin suffisant, là, pas dans toutes les municipalités,
l'idée des programmes d'adaptabilité. Je comprends que ce n'est pas votre
position. Comment on peut arriver à donc donner cet espace-là, ces possibilités-là
d'un point de vue équitable à tout le monde? Est-ce que c'est en finançant,
est-ce que c'est en créant des incitatifs pour que les municipalités
embarquent? Comment on fait ça si on ne l'impose pas?
Mme Sylvestre (Marie-Eve) :
Oui. Bien, en fait, je pense que c'est important de ne pas l'imposer justement,
parce qu'il y a des villes pour qui ça ne convient pas, il y a aussi peut-être
des ententes administratives qui peuvent se faire entre certaines villes, je
pense à l'Abitibi, il y a peut-être des villes environnantes qui pourraient se
joindre à Val-d'Or, etc. Donc, il y a toutes sortes d'autres choses qu'on peut
faire sur le terrain. Il y a des villes qui pourraient vouloir privilégier
d'autres catégories d'individus. Donc, comment on peut l'inciter ou
l'encourager? Bien, je pense que c'est par des... si le gouvernement pouvait
créer un programme de financement de ces programmes d'adaptabilité. Vous savez,
les programmes de mesures de rechange existent seulement dans la mesure où ils
sont financés, où ils sont appuyés. Donc, si on mettait de l'avant un programme,
ou si on finançait via, soit les cliniques communautaires ou encore via l'aide
juridique, donc déjà là on créerait des incitatifs supplémentaires. Donc, je
pense que c'est vraiment au levier du financement que ça va changer, là.
Mme
Hivon
: Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Cela dit, Me
Sylvestre, merci beaucoup de votre participation à la commission, c'est très,
très, très apprécié. Je suspends les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 30)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes de l'Association des greffiers de cours municipales du Québec.
Alors, bienvenue. Comme vous avez vu, 10 minutes de présentation. Après
ça, on a un échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à
vous. Merci beaucoup d'être ici.
Mme Savoie (Sylvie) : Merci.
Alors, bonjour à tous. Je me présente. Je suis Sylvie Savoie, présidente de l'association
des greffiers de cours municipaux du Québec et greffière à la cour municipale
de Sainte-Adèle. Et je suis assistée de ma collègue, Me Marie-Claude Perron,
greffière, à la cour municipale de la ville de Sherbrooke. Pour débuter, je
tiens à vous remercier du temps accordé afin de pouvoir entendre les commentaires
d'acteurs de premier plan au sein du système judiciaire québécois. C'est plus
de 1 400 000 dossiers qui sont entendus dans les cours
municipales par année. L'Association des greffiers de cours municipales du
Québec est présente dans chacune des régions du Québec où des greffiers
administrent et gèrent un tribunal accessible à toutes et à tous. Les
89 cours municipales sont toutes membres de l'association. On parle ici
d'une véritable justice de proximité telle qu'énoncée à l'article 1 sur
les cours municipales.Favoriser l'accès à la justice aux citoyens est au coeur
des stratégies et demeure un objectif renouvelé chaque jour par les greffiers
des cours municipales. C'est un point d'honneur pour l'environnement desservi. Toujours
afin de mieux répondre aux besoins des citoyens, plusieurs initiatives technologiques
ont été déployées au fil des années dans notre réseau. Ainsi, dans la majorité
des cours municipales, nous retrouvons des services tels que constats
d'infraction numériques, paiements en ligne, plaidoyers en ligne, transmission
par courriel, preuves numériques en salle d'audience, transmission par courriel
des enregistrements audionumériques des procès, dossiers du greffe entièrement
numériques et autres, l'objectif étant de donner accès aux citoyens et une
justice simple, efficace et performante, et ce, à travers le réseau.
L'AGCMQ accueille favorablement les
principes énoncés au projet de loi. Toutefois, certains ajustements au texte de
loi doivent être apportés afin d'en faciliter l'application dans les activités
courantes des tribunaux municipaux et d'assurer le respect de la capacité de
payer des contribuables. En résumé, nos commentaires porteront sur certaines
dispositions relatives au Code de procédure pénale du Québec ainsi qu'aux
tarifs judiciaires en matière pénale, qui représentent les principales balises
légales des cours municipales au Québec.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Je vais vous amener dans le mémoire à différents endroits. Pour arriver dans
notre temps, on ne passera pas tous les articles, mais à la page 4 de 10,
l'article 1 dans l'application de cette nouvelle disposition, il faut que
le juge ait l'obligation de tenir compte de la technologie qui est disponible
dans l'organisation, sans quoi les coûts faramineux pourraient être encourus
pour les municipalités. Il est donc recommandé d'ajouter l'expression «au sein
de l'organisation» après les termes «qui est disponible» au nouvel
article 2.2 du Code de procédure pénale. Par la suite, à l'article 8
du projet de loi, où on traite de signification et des actes de procédure, la
section de l'article qui traite de la signification par avis public au
troisième alinéa devrait être modifiée afin qu'on puisse reconnaître d'emblée
les sites Internet des villes ou MRC qui administrent une cour municipale.
Je vous amène ensuite à la page 5. On
va traiter de l'article 39 et de l'article 40 du projet de loi qui
nous amènent à parler des auditions par défaut. Le nouvel article 188.1
permettra une plus grande efficacité dans la gestion des séances de cour. Mais
en plus des experts, il est souhaité que cette mesure puisse s'appliquer aux autres
témoins. Il est donc recommandé d'enlever le mot «expert» pour qu'on puisse le
remplacer simplement par «témoin» afin que cette mesure puisse s'appliquer au
témoin ordinaire assigné lors d'instruction par défaut, et non seulement à
l'expert. Puis, ici, on parlait du témoignage sur vidéo.
À l'article 41, les poursuites qui
sont instituées par l'émission d'un constat d'infraction le sont au nom du
poursuivant qui, dans le cas des constats d'infraction, est la municipalité.
Celle-ci est représentée par un avocat qui oeuvre soit pour elle exclusivement
ou des fois en pratique privée. Dans la majorité des municipalités où est
constituée une cour municipale, les dossiers sont transmis au procureur de la
poursuite par le greffe de la cour municipale. Le suivi des procédures
judiciaires et la transmission des avis d'audition sont aussi assurés par le
greffe du tribunal...
Mme Perron (Marie-Claude) :
exclusivement ou des fois en pratique privée. Dans la majorité des
municipalités où est constituée une cour municipale, les dossiers sont transmis
au procureur de la poursuite par le greffe de la cour municipale. Le suivi des
procédures judiciaires et la transmission des avis d'audition sont aussi
assurés par le greffe du tribunal.
L'AGCMQ recommande donc de modifier
l'article 192.1 afin d'y ajouter «et le greffe du tribunal» après «en
avise par écrit le poursuivant». Donc, on aviserait le poursuivant et le greffe
de la présence d'un avocat. De cette façon, les différents avis que le greffe
pourrait avoir à transmettre se rendraient directement au procureur du
défendeur.
À la page 6 du mémoire,
l'article 41 du projet de loi. Il faut savoir qu'une proportion importante
des défendeurs qui ont enregistré un plaidoyer de non-culpabilité décide de ne
pas se présenter à l'audition. Un nombre encore plus significatif néglige même
d'enregistrer le plaidoyer. Le Code de procédure pénale permet l'instruction de
la cause en l'absence du défendeur. Par ailleurs, il existe la rétractation de
jugement — dont vous avez discuté auparavant —pour parer aux
situations où le défendeur, pour différentes raisons, aurait été empêché de se
présenter à son procès.
L'association considère donc superflu puis
source potentielle de grandes difficultés le nouvel article 192.2. Une
telle disposition risque de complexifier la gestion des audiences, d'augmenter
le nombre de séances, de prolonger indûment les délais d'audition avec
l'inscription d'un mandat d'amener qui pourrait être exécuté seulement très
longtemps plus tard, d'accroitre la charge de travail des services policiers
puis des coûts pour les corps policiers. Il est donc primordial que cet
article-là soit retiré du projet de loi.
On passe par la suite au programme
d'adaptabilité. L'association — puis ça peut être une surprise pour
plusieurs — recommande fortement qu'aucune liste d'infractions ou de
catégories d'infractions visées par ce programme ne soit établie par règlement.
La poursuite devrait disposer de toute la latitude nécessaire pour le
traitement de ces dossiers. Par exemple, une personne admissible à ce type de
programme devrait pouvoir y voir régler l'ensemble de ses dossiers. Certains
individus présentent diverses difficultés puis accumulent une multitude de
dossiers divers. Selon les dispositions actuelles du projet de loi, il pourrait
être impossible de traiter tous les dossiers d'une même personne.
Je vous amène ensuite, pour garder le
temps, à la page 7 du document dans laquelle on traite de
l'article 44 du projet de loi. Les articles 257 et 259 ont été
calqués sur la pratique actuelle qui a été implantée dans certaines cours
municipales. Ces municipalités ont établi divers programmes sociaux afin... et,
afin d'arriver à l'objectif poursuivi, ont adopté des pratiques créatives qui
servaient les besoins, qui étaient... qui a sensiblement été reproduite dans le
projet de loi. Cependant, la rétractation de jugement suivie du retrait de
plainte est toutefois lourde administrativement tant pour la poursuite, que
pour le greffe du tribunal, et pour les institutions avec lesquelles on
transige, comme SAAQ ou la SOQUIJ.
Cependant, selon l'AGCMQ, il est possible
de créer une méthode simple et efficace tout en respectant les objectifs des
programmes sans en alourdir les procédures. Ainsi, l'AGCMQ propose de retirer
l'article 44 du projet de loi et de plutôt rédiger une disposition qui créerait
créerait un nouveau recours qui pourrait s'appeler : «demande d'annulation
de la peine monétaire», qui pourrait être présentable par le poursuivant par le
biais de son procureur ou du percepteur des amendes.
On vous a rédigé à quoi pourrait
ressembler la disposition. Donc, on pourrait inscrire : «Le poursuivant ou
le percepteur des amendes peut également demander l'annulation de la peine
monétaire à un juge lorsque le défendeur a complété un programme d'adaptabilité
des règles relatives à l'exécution des jugements visé au deuxième alinéa de
l'article 333».
Il faudrait par la suite modifier
l'article 259 pour qu'il soit cohérent avec cette disposition-là
Une telle demande rencontrerait les
besoins des défendeurs, mais simplifierait le processus judiciaire,
respecterait les obligations des tribunaux quant aux règles liées à la tenue
des plumitifs, et ce, tout en diminuant les coûts de fonctionnement.
• (16 h 40) •
Je vous amène ensuite au... à la fin de la
page 7, qui est la demande d'imposition de peine d'emprisonnement.
L'article 57 du projet de loi a fait sursauter plusieurs représentants des
municipalités dans lesquelles est établie une cour municipale. Cette mesure
semble contradictoire avec toute la philosophie qui vient à l'arrière. Les
recours aux dispositions relatives à l'emprisonnement pour défaut de paiement
des sommes dues est utilisé pour un nombre marginal de dossiers comparativement
au volume des dossiers qui est traité...
Mme Perron (Marie-Claude) :
...est établie une cour municipale. Cette mesure semble contradictoire avec
toute la philosophie qui vient à l'arrière.
Les recours aux dispositions relatives à
l'emprisonnent pour défaut de paiement des sommes dues est utilisé dans un
nombre vraiment marginal de dossiers comparativement au volume des dossiers qui
est traité annuellement par les percepteurs des amendes. La demande
d'imposition de peines d'emprisonnement n'est pas exclusive aux personnes
vulnérables. Elle est souvent présentée pour des dossiers qui impliquent un
simple mauvais payeur, un défendeur négligent, un défendant récalcitrant, des
personnes qui rejettent toute forme d'autorité ou de structures étatiques ou
judiciaires, qui, lorsqu'elles entrevoient la possibilité d'être incarcérées,
ah! là, se présente au greffe du tribunal et acquittent entièrement les amendes
ou les sommes dûes.
Les intervenants du réseau de la justice
pénale ont pris connaissance des rapports de la commission Viens qui recommande
de modifier le Code de procédure pénale pour un terme à l'emprisonnement des
personnes vulnérables en situation situation d'itinérance ou à risque de le
devenir pour non-paiement d'amendes en lien avec les infractions municipales.
Mais, en légiférant sur la possibilité de référer ces personnes à un programme
d'adaptabilité, le législateur rencontre les besoins de ce type de clientèle
sans mettre en péril la possibilité, pour le percepteur des amendes, d'exécuter
les jugements rendus contre les autres types de défendeurs auxquels... avec
lesquels on transige. Pour toutes ces raisons, l'association recommande le
retrait de l'article 57 du projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) : Me Perron, malheureusement, le temps est
écoulé. Nous allons procéder à la période d'échange, s'il vous plaît. Parfait.
Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Est-ce que
vous aviez quelques éléments? Je peux vous offrir du temps, là. Est-ce que vous
aviez quelques éléments que vous vouliez compléter à votre présentation, avant
que je vous... peut-être vous amène à des points plus particuliers?
Mme Savoie (Sylvie) : Oui.
Écoutez, on avait, à la page 10, concernant le tarif judiciaire en matière
pénale. On voulait porter votre attention concernant l'annulation des frais de
changement de plaidoyer qui risque de générer des dépenses importantes.
Premièrement, il y a le traitement des plaidoyers
de non-culpabilité génère des processus coûteux et importants pour les
organisations tels l'ouverture de dossier, divulgation de la preuve,
inscription au rôle de cour, temps de cour, etc. Les frais actuels de
changement de plaidoyer couvrent une partie de ces coûts. D'autre part, les
rôles de cours pourraient être encombrés par des demandes de remise à
répétition pour des dossiers dans lesquels les défendeurs désirent simplement
gagner des délais en finissant par payer avant procès. Finalement, des
plaidoyers de non-culpabilité sans réelle intention d'aller à procès risquent
d'accroître les délais pour l'ensemble du système judiciaire. Pour toutes ces
raisons, l'association demande le retrait de l'article 74 du projet de
loi.
Et finalement, concernant les poursuites
en vertu de l'article 366, l'Association des greffiers de cours
municipales du Québec voulait apporter son appui à l'Association des
procureurs des cours municipales du Québec en leur permettant finalement de
pouvoir agir selon ledit article.
Mme LeBel : Merci.
Beaucoup de choses, beaucoup de choses qui sont beaucoup plus des points
techniques, je comprends, qui relèvent... que vous notez dans votre pratique de
greffier de cour municipale. Donc, merci pour cet angle et votre apport à la
tentative de perfectionner ce projet de loi là.
Peut-être vous amener à l'article 1
qui est l'article 2.2 du Code de procédure civile, qui est
l'article 1 du projet de loi. Vous parlez du fait qu'il faudrait peut-être
ajouter, là, qui est disponible. Mais, si je vous lis l'article et je le fais
pour qu'on se comprenne bien, on parle que dans... on parle de l'environnement
technologique naturellement, et l'article se lirait comme suit :
«2.2. Dans l'application du présent code,
il y a lieu de privilégier — et non pas de rendre obligatoire
naturellement, mais de privilégier — l'utilisation de tout moyen
technologique approprié qui est disponible tant pour les parties que pour le
tribunal en tenant compte, pour ce dernier, de l'environnement technologique
qui soutient l'activité des tribunaux.».
Donc, «qui est disponible tant pour les
parties que pour le tribunal», est-ce que ça ne vient pas répondre à votre
préoccupation où on disait... Donc, si ce n'est pas dans la cour où on se
trouve, le juge ne pourra pas privilégier un moyen technologique. Et je ne veux
pas manquer de respect, mais je me demande si d'ajouter «au sein de
l'organisation» n'est pas un peu superflu dans ce sens-là. Je comprends votre
préoccupation, on ne veut pas qu'elle se répercute sur le terrain, mais j'ai
l'impression que la rédaction actuelle y répond.
Mme Perron (Marie-Claude) :
En fait, c'est que parfois la technologie peut être disponible au Québec, là,
mais pas nécessairement installée dans la salle de cour. Et ce qu'il faut
s'assurer, c'est qu'on n'aurait pas l'obligation... un juge ne pourrait pas
obliger la ville à installer cette technologie qu'on peut trouver dans les
magasins et, encore là, encourir des frais que la municipalité n'a peut-être
pas les moyens, pour l'instant, d'installer cette technologie-là. C'est pour ça
qu'on demandait à ce que ce soit indiqué «disponible au sein de
l'organisation».
Mme LeBel : O.K. Mais
donc, je comprends votre préoccupation, mais donc ce que vous me dites, c'est
que, quand on parle...
Mme Perron (Marie-Claude) :
...et, encore là, encourir des frais que... La municipalité n'a peut-être pas
les moyens, pour l'instant, d'installer cette technologie-là. C'est pour ça
qu'on demandait à ce que ce soit indiqué disponible au sein de l'organisation.
Mme LeBel : O.K. Mais donc, je
comprends votre préoccupation, mais donc ce que vous me dites, c'est que, quand
on parle... disponible pour les parties.... tant pour les parties, donc on
répond à la préoccupation de certaines associations qui disaient : Bien,
les défendeurs n'ont pas toujours, en tout cas, l'accès à des moyens technologiques,
donc, si les parties, les parties incluant le défendeur... n'a pas ces moyens
technologiques là, le tribunal ne pourrait pas l'imposer ou ne pourrait pas
privilégier l'utilisation de ce moyen technologique là, mais que, pour le
tribunal, pour vous, ce n'est pas assez précis, c'est trop large, et ça ne
pourrait pas vouloir dire le tribunal qui rend l'ordonnance. Parce
qu'habituellement... Et je vais vous avouer que je vois mal un juge, une cour
municipale dont la technologie n'est pas disponible, dire : On va
privilégier le moyen technologique qu'on n'a pas. Je ne sais pas, peut-être que
je m'avance, mais...
Mme Perron (Marie-Claude) :
Bien, je ne veux pas mettre des gens dans l'embarras, mais ça a déjà été fait.
Mme LeBel : O.K. Vous pensez
qu'un juge pourrait forcer une municipalité en rendant une ordonnance. On va le
dire, on va se parler simplement, là.
Mme Perron (Marie-Claude) :
C'est ce qu'on veut éviter.
Mme LeBel : O.K. Parfait.
Donc, c'est votre préoccupation. Parfait.
Dans la... oui, le 3.3 de votre mémoire,
page 6, quand on parle plus particulièrement des programmes d'adaptabilité,
est-ce que vous êtes... Je m'excuse, d'entrée de jeu, je n'ai pas entendu,
est-ce que vous travaillez personnellement dans des endroits ou des
municipalités où ces programmes-là existent ou...
Mme Savoie (Sylvie) : ...ma
part.
Mme LeBel : Non. Mais vos
membres, oui, j'imagine, beaucoup de vos membres, effectivement.
Mme Savoie (Sylvie) : Oui, on
a des membres, oui.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Moi, à Sherbrooke, il y en a, un programme, qui existe, qui a été appliqué à la
Cour du Québec et pour lequel on attendait l'adoption du projet de loi pour
l'appliquer aussi à la cour municipale.
Mme LeBel : O.K. Parfait.
Superbe. À l'instar de beaucoup de groupes, pour des raisons diverses, vous ne
recommandez pas, ou vous recommandez fortement, à l'inverse, qu'aucune liste
d'infractions ou de catégories d'infractions, que ce soit par règlement, que ce
soit à travers la loi, ne soit établie. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Ça
m'intéresse de connaître votre point de vue de greffier des cours municipales.
On a eu le point de vue des associations de la défense, etc., mais pourquoi
vous ne pensez pas qu'il est judicieux ou approprié d'établir une liste
d'infractions visées qui permettraient l'entrée, finalement, la porte d'entrée
dans nos programmes?
Mme Savoie (Sylvie) : On veut
s'assurer que le défendeur, peu importe l'infraction qu'il aura commise, tant
au Code de la sécurité routière qu'à un règlement municipal, exemple, pour paix
et bon ordre, nuisance, peu importe celui-ci, qu'on puisse tout embarquer les
dossiers dans le programme d'adaptabilité. Donc, si on fait des catégories
d'infractions puis on exclut le Code de la sécurité routière, bien, je vais me
retrouver avec un individu qui a un statut de vulnérable, qui peut avoir 10
dossiers en vertu d'un règlement ou de règlements municipaux, puis là je vais
avoir mes codes de la sécurité routière», que je ne pourrai pas inclure parce
qu'ils vont être catalogués. Donc, mon individu, en bout de ligne, va pouvoir
faire des programmes pour certains dossiers, mais ne pourra pas pour d'autres.
Alors, je ne réglerai pas le problème dans son entièreté, on va séparer la
poire, peut-être pas nécessairement en deux, mais mon problème va rester entier
en matière de code de la sécurité routière. Et c'est ce qu'on veut éviter en
cataloguant certains règlements ou en imposant certains règlements assujettis
aux programmes.
Mme LeBel : Dans le fond,
votre préoccupation se situe, puis je veux bien comprendre, beaucoup plus au
niveau des contrevenants qui auraient des contraventions multiples, dont
certaines lui donnent accès au programme, sa situation aussi le justifie, là...
Mme Savoie (Sylvie) : Oui,
oui, tout à fait.
Mme LeBel : Je vais toujours
présumer que la situation de la personne...
Mme Savoie (Sylvie) : S'y
prête. Oui.
Mme LeBel : ...s'y prête. En
plus, certaines des infractions, des constats donnent accès aux programmes,
mais, dans la multitude, il y aurait quelques constats qui flottent qui ne
seraient pas admissibles, et là vous dites : On ne pourrait pas régler ces
problèmes-là.
Mme Savoie (Sylvie) : C'est
ça. On ne pourrait pas régler l'ensemble.
Mme LeBel : O.K. Beaucoup plus
qu'une personne qui aurait juste... on parle du CSR, peut-être qu'on ne
l'exclura pas, peut-être qu'on va l'inclure, mais on jase pour fins... pour
illustration.
Mme Savoie (Sylvie) :
Oui,tout à fait.
Mme LeBel : Plutôt qu'une
personne qui aurait juste du CSR, puis on disait : Elle, elle n'est pas
admissible au programme. C'est moins problématique qu'une personne qui a des
infractions multiples, dont des CSR qui traîneraient, là, dans tout ça.
Mme Savoie (Sylvie) : Oui. En
effet. Puis, d'un autre côté, je ne trouve pas ça correct que quelqu'un qui
aurait un paquet d'infractions au Code de la sécurité routière ne puisse pas
avoir accès à un programme si on reconnaît que cette personne-là est toxicomane
ou... bien, itinérante, peut-être un peu moins mais...
Mme LeBel : ...pas de voiture,
là.
Mme Savoie (Sylvie) : ...qu'il
y a quand même une problématique, puis là on leur dit : Bien non, lui...
bien, si tu avais commis des infractions en matière de nuisance ou règlement
paix et bon ordre, bien oui, on pourrait, mais là on ne peut pas. Ça fait
que...
Mme LeBel : O.K. Donc, ça
s'adresse aussi aux gens qui pourraient avoir juste des infractions dans une catégorie
unique. Le fait d'exclure une catégorie ou une infraction, vous pensez que ça
ne répond pas aux besoins de ces situations-là.
Mme Savoie (Sylvie) : Exact.
• (16 h 50) •
Mme LeBel : O.K. Est-ce que
vous pensez aussi que ça permettrait.... est-ce que vous le voyez aussi sous
l'angle de la souplesse, pour les municipalités, de créer des programmes dans
certaines catégories qui ne seraient peut-être pas visées et où la problématique
serait différente? Parce qu'on a des milieux différents, d'une municipalité à
l'autre, qu'on se retrouve au centre-ville de Montréal ou dans...
Mme LeBel : ...pas aux besoins
de ces situations-là?
Mme Savoie (Sylvie) : Exact.
Mme LeBel : O.K. Est-ce que
vous pensez aussi que ça permettrait... Est-ce que vous le voyez aussi sous
l'angle de la souplesse pour les municipalités de créer des programmes dans
certaines catégories qui ne seraient peut-être pas visées et où la
problématique serait différente? Parce qu'on a des milieux différents d'une municipalité
à l'autre, on se retrouve au centre-ville de Montréal ou dans une municipalité
plus rurale. Je veux dire, souvent, il y a des problématiques, ce n'est pas toujours
les mêmes.
Mme Savoie (Sylvie) : Non, exactement.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Ce qui est bien important dans tous ces programmes-là qu'on veut établir, et
surtout pour la justice dans les cours municipales, c'est la spécificité des
milieux. C'est pour ça que le système des cours municipales fonctionne bien, parce
qu'il peut s'adapter d'une région à l'autre. Alors, le programme d'adaptabilité
devrait suivre le même fonctionnement et pouvoir être modulé en fonction des
besoins.
Mme LeBel : O.K. Peut-être en
terminant — je vais laisser quelques minutes à ma collègue — un
autre point sur lequel je veux peut-être voir un peu votre pensée, le point
3.3.3, page 7.10 de votre mémoire, qui s'adresse à la rétractation des
jugements. Je comprends tout à fait votre préoccupation au niveau de la
mécanique administrative, la difficulté administrative. Mais là où j'ai
peut-être un bémol, puis je veux voir ce que vous en pensez... Bon. C'est sûr
qu'on est en matière pénale, en matière de constats d'infraction, mais souvent
il y a un stigma quand même — on l'a vu des fois en politique — il
y a un stigma attribué à avoir certaines contraventions ou un nombre de
contraventions. Si la personne passe à travers un programme d'adaptabilité,
est-ce qu'on n'a pas un avantage aussi, pour les fins d'amende également et de
fardeau financier, mais aussi pour des fins de... j'allais dire réhabilitation
sociale, là, de repartir avec une page blanche, de permettre la rétractation de
jugement? Parce que, là, vous l'avez bien dit, ça quitte le plumitif, ce n'est
plus... ça n'existe plus, ce n'est pas un antécédent au sens large du terme. On
est en matière pénale et pas criminelle, je le sais, mais, des fois, dans
certaines infractions pénales, il peut y avoir une certaine stigmatisation.
Est-ce que vous ne pensez pas... Je comprends les raisons administratives, là,
et les difficultés techniques. Ça, je les achète, dans le sens que je les
comprends. Mais vous ne pensez pas qu'il n'y a peut-être pas là une espèce de
difficulté pour le contrevenant, alors que le programme d'adaptabilité est dû
aussi... a comme objectif aussi de lui redonner une valeur sociale à ses yeux,
là?
Mme Perron (Marie-Claude) :
Oui. Maintenant, la personne qui participe au programme d'adaptabilité, si on
rétracte les jugements puis qu'on repart avec une page blanche, comme vous
dites, si cette personne-là — parce que ça va arriver — va
revenir dans notre giron, dans le giron de la cour, elle peut avoir fait son
programme d'adaptabilité, l'avoir bien réussi, retourner avec sa page blanche
puis, quelque temps après, recommettre certaines erreurs, là, et revenir dans
le giron. Ça va faire en sorte que les procureurs ne pourront pas savoir que
cette personne-là a déjà fait un processus. C'est aussi au bénéfice du
défendeur, pour qu'après ça on puisse peut-être poursuivre la démarche avec
cette personne-là si elle revient dans le système. Alors, moi, je pense que ça
n'est pas nécessairement à son détriment, c'est aussi à son bénéfice d'en
garder une certaine trace.
Mme LeBel : Mais il peut y
avoir une certaine trace. En matière criminelle, entre autres, il y a des
programmes de non-judiciarisation où on explique au contrevenant, dans
certaines catégories d'infractions, que pour cette fois-ci la poursuite ou le
DPCP ne portera pas de plainte. Mais il n'a pas trois ou quatre chances au bat,
c'est-à-dire qu'à un moment donné, s'il revient, ce n'est pas techniquement une
récidive au niveau juridique, mais on garde une trace du fait qu'il a déjà
bénéficié du programme. Donc, il y aurait quand même possibilité de garder des
traces à l'effet que tel type d'individu a déjà bénéficié du programme, même si
moi, comme... je ne pourrais pas aller au plumitif et aller rechercher ses
infractions antérieures.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Je comprends.
Mme LeBel : Vous ne pensez pas
qu'il n'y a pas moyen de combiner ces préoccupations-là?
Mme Perron (Marie-Claude) :
Bien, il y a peut-être moyen de trouver une façon de faire qui serait autant au
bénéfice du défendeur, avec les éléments que vous apportez, que celui de l'administration
qui n'alourdirait pas le processus judiciaire.
Mme LeBel : O.K., donc essayer
de voir... ménager la chèvre et le chou.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Oui.
Mme LeBel : Merci. Ma collègue
de Les Plaines.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Rapidement,
j'imagine?
Le Président (M.
Bachand) : Pardon? Quatre minutes, Mme la députée.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Ah! C'est bon. O.K., parfait. Bien, d'abord, merci pour votre mémoire. Il est vraiment
intéressant puis très précis sur des points très précis. Puis c'est le fun
d'avoir votre point de vue aussi, parce que vous êtes là tout le temps, vous...
En tant que greffiers et greffières, vous êtes au coeur de l'action, disons,
puis justement de l'application d'une loi comme celle-là. Je veux juste revenir
sur la présence du défenseur, à votre point 3.2.4, lorsque vous parlez, là,
de... Vous dites que le 192.2 est superflu puis qu'il faudrait le retirer ou, à
tout le moins, si ce n'est pas retiré, le législateur maintient cette... on
maintient cette disposition, ce recours devrait être autorisé par le juge sur
demande du poursuivant seulement. Qu'est-ce que vous suggérez à ce moment-là?
Avez-vous une suggestion? Avez-vous quelque chose?
Mme Perron (Marie-Claude) :
Moi, je vous dirais : le maintien du statu quo. Parce que la personne, actuellement...
Je voulais juste me référer au bon endroit dans le projet de loi, là. Mais,
ici, c'est celui où... Je veux juste ne pas me tromper, là...
Mme Lecours (Les Plaines) :
…qu'est-ce que vous suggérez à ce moment-là? Avez-vous une suggestion avec quelque
chose…
Mme Perron (Marie-Claude) :
Bien, moi, je vous dirais le maintien du statu quo. Parce que la personne, actuellement…
je veux me référer au bon endroit dans le projet de loi, là… mais, ici, c'est
celui où… je veux juste ne pas me tromper, là… Oui, c'est ça. Oui, c'est le bon
article. On permet, dans cet article-là, de… au juge d'exiger la présence du
défendeur. Auparavant, on a traité des dossiers qui sont jugés par défaut en
l'absence du défendeur. Et, ce que je vous dis dans… ce qu'on vous dit dans le document,
c'est qu'en l'absence… quand un jugement est rendu en l'absence du défendeur,
il existe déjà la possibilité, pour le défendeur, de revenir avec une demande
en rétractation du jugement, soit la part du défendeur, soit la part de la
poursuite .. des fois, il y a des dossiers dans lesquels c'est la poursuite qui
présente sa rétractation de jugement… et de recommencer… puis s'il avait été
empêché de se présenter à son procès. Donc, il n'y a pas nécessité d'ouvrir à
l'exigence de la présence du défendeur par le juge puis d'émettre éventuellement
un mandat d'amener qui est enregistré au centre de renseignement policier, et
que si, à un moment donné… parce que je doute que les systèmes policiers se
mettront à aller chercher les gens… donc, si, à un moment donné, on le
rencontre, bien, on le ramène devant la cour. C'est, selon nous, inutile ou non
nécessaire parce que tous les autres moyens existants… sont déjà existants de
procéder dans son dossier ou de revenir s'il n'avait pas eu la possibilité de
se présenter.
Mme Lecours (Les Plaines) : O.K.
Donc, c'est de maintenir le… ce qui existe actuellement.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Le statu quo.
Mme Lecours (Les Plaines) : O.K.,
le statu quo. D'ordre général, qu'est-ce que vous considérez comme étant des
incontournables dans le projet de loi qui a été présenté qui sont des… que les
avenues sont les… intéressantes?
Mme Savoie (Sylvie) : Bien, nécessairement,
là, le fait qu'il n'y ait aucune liste, là, d'infraction, pour nous, ça, c'est
le… c'est le gros du dossier.
Mme Lecours (Les Plaines) : Le
point tournant.
Mme Savoie (Sylvie) : Oui, c'est
ça, exactement, pour justement être en mesure, quand on a un défendeur, devant
nous, qui rentre dans la catégorie des personnes vulnérables, qu'on ne soit pas
contraints, justement, à une liste d'infractions, mais qu'on n'a pas à se
soucier de ça à partir du moment où la personne est reconnue comme étant
vulnérable ou à risque, ou appelez-la comme vous voulez. À ce moment-là,
qu'elle puisse bénéficier du programme, si programme existe, bien entendu.
Puis, je pense qu'avec ce projet de loi là tout ce que ça va faire, c'est que
les gens vont enclencher le pas puis tenter, à tout le moins, d'en implanter
pour ceux qui n'en ont pas. Puis on le voit avec la cour municipale de
Montréal, la cour municipale de Québec, ça fonctionne bien. Parce qu'il ne faut
pas se leurrer, ces gens-là, on ne les veut pas… on ne tient pas à ce qu'ils
reviennent devant nous. Ce qu'on veut, c'est réhabiliter ou, à tout le moins,
faire en sorte que ces gens-là fonctionnent, parce que de les retrouver dans le
système judiciaire, c'est du temps, c'est de l'argent, c'est… il n'y a rien de
positif.
Mme Lecours (Les Plaines) : …
Mme Savoie (Sylvie) :
Exactement. Donc, c'est quoi le but? Bien, c'est de tenter, justement, de faire
en sorte que ces gens-là puissent fonctionner puis d'éviter les tribunaux.
Parce que, là, aujourd'hui, ils peuvent à Sainte-Adèle, mais il n'est pas dit
que, dans un an ou deux, ils ne se retrouveront pas à Sherbrooke parce qu'à
Sainte-Adèle on va avoir réussi, peut-être, à faire je ne sais pas quoi… puis
ils vont s'en aller à Sherbrooke, puis ça ne fonctionnera pas. Ça fait que ce
qu'on veut, c'est d'essayer de réhabiliter ces gens-là puis de faire en sorte
que le programme puisse leur être bénéfique, mais à long terme.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
• (17 heures) •
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup. D'abord, bienvenue, Mme Savoie et Me Perron. Merci beaucoup d'être
avec nous cet après-midi. Puis je pense que vous avez… ce qui est intéressant
avec les différents et différentes intervenant, intervenantes, c'est le regard
différent que tout un chacun peut avoir sur le système de justice. Et vous, à
titre de représentantes de l'Association des greffiers de cours municipales du
Québec… puis je… la question… je devrais poser la question, mais me suis… je
vais me répondre moi-même, là… en vertu de l'article 62 de la loi sur la cour
municipale, vous êtes multitâche. Je veux dire, vous êtes… notamment, recevoir
les serments, affirmations, solennelles, lancer les assignations de témoins,
autoriser les modes spéciaux de signification, assister le juge lors des
séances. Puis je suis certain que, des fois, vous assistez à des séances et
vous avez votre propre jugement. Évidemment, vous ne l'exprimez pas, mais,
après x nombre d'heures d'audition, je pense que vous commencez à être très,
très bien informées de… Tantôt, de voir de visu, devant vous, avec, donc, dans
certains cas, des heures de cour, d'expertise, d'avoir des femmes, des hommes
qui sont devant la justice et qui vont tantôt, de façon heureuse ou moins
heureuse, faire valoir certains aspects de la vie de tous les jours qu'on a à
vivre…
17 h (version non révisée)
M. Tanguay
: ...tantôt
de voir de visu devant vous avec, donc, dans certains cas, des heures de cours,
d'expertise, de voir des femmes, des hommes qui sont devant la justice et qui
vont tantôt, de façon heureuse ou moins heureuse, faire valoir certains aspects
de la vie de tous les jours qu'on a à vivre. Et vous êtes à même de voir ce qui
fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et même, donc, de proposer des approches
qui permettent non seulement que justice... que jugement soit rendu, mais que
justice également puisse être reconnue et rendue.
Dans un élément qui est... Évidemment,
l'utilisation des moyens technologiques... On a eu hier l'avantage, le bénéfice
d'entendre L'Association des groupes d'intervention en défense de droits en
santé mentale du Québec, et eux nous parlaient de la fracture numérique. Et
c'est bien beau, avoir une procédure, par exemple de jugement par défaut, et,
par la suite, d'avoir une procédure de rétractation si la personne désire y
aller en ce sens-là...
Et, dans ma pratique, à l'époque, en matière
civile, j'avais eu l'occasion de voir... Des fois, on veut signifier... J'avais
fait une signification dans l'huis de la porte, qui est la façon de
fonctionner. Bien, mon jugement par défaut, je ne l'avais pas eu parce que...
et puis c'est tout à fait correct, parce que Mme la juge avait déclaré... elle
voulait avoir l'assurance, avant de procéder par jugement par défaut, que la
personne avait bel et bien été signifiée. Donc, en vertu de la mécanique du
code, c'était échec et mat, mais... et c'est tout à fait... Et je respecte la
décision qui avait été rendue. Dans les faits, Mme la juge avait décidé et
voulait qu'il y ait preuve, donc, dans un cas. Et, par la suite, la personne
était venue et avait pu expliquer sa situation toute particulière. Donc, quand
on dit : On veut avoir plus d'efficacité... Et là je prêchais, à l'époque,
par efficacité, je veux dire, cocher la case «il a été signifié dans l'huis de
la porte», mais, non, maître, vous n'aurez pas votre jugement par défaut.
L'efficacité, oui, doit nous guider.
Et on peut, je dirais, puis ce n'est pas
péjoratif, s'emballer pour les façons nouvelles de faire, entre autres en
matière de moyens technologiques, mais qu'avez-vous à dire... Puis j'aimerais
avoir votre regard, je dirais, de praticienne de cour de justice, au greffe et
lors des séances, lorsque l'on veut que justice soit rendue, et que la personne
ait été dûment signifiée et appelée. À la lumière de ce qui nous a été dit
hier, là, la fracturation, la fracture technologique... Par contre, la fracture
technologique... Vous, vous dites : Bien, on pourrait peut-être même
permettre qu'il y ait signification non seulement par publication dans... par
avis public, mais sur les sites Internet des municipalités, entre autres.
Alors, s'il y a une fracture technologique... J'aimerais savoir votre réflexion
par rapport à ça parce que vous avez dû en voir passer des cas où les
personnes... On n'est pas tous... Nous ne sommes pas tous à la même page
technologique.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Bien, tout d'abord, il faut savoir que les constats d'infraction, qui sont une
grande partie de ce qui est traité dans les cours municipales et aussi une
partie criminelle, mais, ici, on parle ici de la partie pénale, les constats
d'infraction sont presque tous signifiés personnellement aux gens, au moment de
l'infraction, par les policiers, si j'exclus les stationnements, là. Le reste,
là, c'est presque toujours signifié personnellement en main propre au
défendeur.
Les stationnements, eux, sont signifiés
sur les véhicules. Puis là je vous parle de la pratique. Vous nous avez demandé
notre avis au niveau de praticiens. Donc, sont signifiés sur les véhicules, et
il existe par après la procédure par laquelle on doit envoyer un avis au
propriétaire du véhicule si aucun plaidoyer n'a été enregistré. Donc, après un
certain nombre de jours, un avis est envoyé au propriétaire du véhicule qui a
été identifié pour s'assurer qu'il a bien été informé de l'existence de son
constat d'infraction. Alors, ça, c'est le premier élément.
Sur les constats d'infraction, il y a un
document qui s'appelle... Comment il s'appelle? Le document pour... la réponse.
La réponse, à l'arrière, la réponse. La personne va enregistrer son plaidoyer
de culpabilité ou de non-culpabilité. Et le projet... ou ce que les cours
municipales... ce vers quoi elles s'en vont, c'est que, lorsque le défendeur
enregistre, bon, admettons, son plaidoyer de non-culpabilité, il va indiquer
son nom, son adresse, et tout ça, et son adresse courriel, qu'on lui demanderait,
avec un élément qui lui dirait : Êtes-vous d'accord pour qu'on vous
signifie le reste par moyen technologique? Donc, s'il y a d'autres... On
communiquerait avec vous par courriel ou par d'autres moyens, s'il y a lieu. Et
puis, à ce moment-là, on peut communiquer avec lui.
Mais l'adoption de telle ouverture dans le
projet de loi va aider beaucoup à cette façon de faire là parce que, si la
signification est permise, bien, il y a un petit peu plus de procédures qui
vont pouvoir lui être transmises de cette façon-là. Alors, c'est pour ça qu'on
voit...
Mme Perron (Marie-Claude) :
...à ce moment-là, on peut communiquer avec lui. Mais l'adoption de telle
ouverture dans le projet de loi va aider beaucoup à cette façon de faire là, parce
que, si la signification est permise, bien, il y a un petit peu plus de
procédures qui vont pouvoir lui être transmises de cette façon-là. Alors, c'est
pour ça qu'on voit d'un bon oeil la modernisation du Code de procédure pénale
pour en arriver à l'ère de 2019. Maintenant, quand vous me parlez des gens qui
n'auraient peut-être pas accès aux moyens technologiques, bien, les comptoirs
ou... le greffe du tribunal demeurera toujours ouvert. Il est donc possible aux
gens, comme dans les autres tribunaux, d'obtenir son information ou de se
présenter sur les lieux pour transiger, là, pour continuer son processus.
M. Tanguay
: Et, dans
le cas que vous souleviez, effectivement, de permettre, en janvier d'une année,
d'être signifié par courriel, par exemple, ça peut changer, ça aussi, parce que,
des fois, la vie des gens change. On peut être... On peut sortir de son
domicile, ne plus avoir accès à ses courriels. Donc, quand on fait référence, notamment,
à ces réalités-là, dans la fracture numérique, la vie des gens peut évoluer
dans le positif ou dans le négatif, et cette fracture-là peut survenir. Donc, il
y a cet aspect-là, également, qui est à tenir en compte. Et il y a un autre
élément sur lequel j'aimerais vous... Vous dites : « Il est
primordial que l'article 41, qui introduit l'article 192.2, soit
retiré. Il s'agit de l'article... Un nombre encore plus significatif négligent
d'enregistrer un plaidoyer. Le code permet l'instruction de causes en l'absence
du défendeur. La demande de rétraction de jugement vise à parer aux situations
où le défendeur, pour différentes raisons, aura été empêché de se présenter à
son procès. L'association considère superflu et source potentielle de grands
conflits le nouvel article 192.2. » J'aimerais vous entendre plus
d'abondants sur cette disposition, s'il vous plaît.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Oui, bien, comme je vous disais tantôt, c'est l'article où — 192.2 — on
indique qu'un mandat d'amener peut être émis contre quelqu'un pour... en...
parce que le juge aurait exigé la présence du défendeur au moment de
l'audition. Ce qu'on vous dit, c'est que tout le code, auparavant, prévoit de
quelle façon on doit procéder et le fait qu'on peut procéder en l'absence du
défendeur. Parce que, dans la pratique, ce qu'on voit, c'est que plusieurs,
plusieurs personnes enregistrent un plaidoyer de non-culpabilité. On leur
envoie l'avis d'audition pour dire : C'est telle date. Vous devez vous
présenter pour venir présenter votre défense au tribunal. Et cette personne-là
ne se présente pas. Mais elle ne se présente pas pour toutes sortes de raisons.
Elle peut ne pas se présenter parce qu'elle ne veut pas manquer une journée de
travail pour venir expliquer son infraction, elle peut... Il y a toutes sortes
de raisons pour lesquelles il ne se présente pas. Et puis on donnerait, par cet
article-là, la possibilité au juge de dire : Bien, il n'est là, donc, moi,
j'exige sa présence, et on va émettre un mandat d'amener pour aller chercher
cette personne-là pour l'obliger à se présenter devant la cour, présenter sa
défense. Mais elle a peut-être juste décidé de ne pas venir puis qu'elle va
payer son constat au complet.
M. Tanguay
: À ce
niveau-là, puis je ne défends pas l'article 192.2, mais je veux bien
comprendre votre argument, si un juge croit que c'est dans l'intérêt de la
justice, vous ne trouvez pas de bon aloi de permettre ça au juge?
Mme Perron (Marie-Claude) :
Bien, nous ce qu'on dit, c'est que, si le législateur tient à garder cette
disposition-là, on a ajouté une phrase qui dit qu'il faudrait que ce soit sur
demande du poursuivant. Donc, si le poursuivant, pour une raison quelconque,
disait : Bien, ce défendeur-là, on a vraiment besoin qu'il se présente,
alors, il pourrait demander au juge d'exiger sa présence — je ne vois
pas dans quelle situation ça pourrait arriver, là, mais, si c'était le
cas — pour éviter que toute la notion des jugements par défaut disparaisse.
Ça veut dire... Comme on a écrit, ça veut dire augmenter énormément le nombre
de séances, prolonger les délais. Puis là on est dans l'ère où on a un arrêt de
la Cour suprême, Jordan, qui est venu nous dire qu'avec des délais, on peut
mettre fin à des auditions. Donc, là, on prolonge les délais, on doit
enregistrer un mandat d'amener, il faut que les policiers travaillent et
dépensent des ressources et des deniers publics pour aller chercher ces gens-là
pour les ramener devant le tribunal. Donc, c'est pour toutes ces raisons-là
qu'on avait adopté cette position.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
• (17 h 10) •
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Merci à vous d'être ici aujourd'hui. C'est intéressant, parce qu'on vient
d'avoir une discussion sur l'emprisonnement avec les deux intervenantes qui
vous ont précédés, puis, dans votre mémoire, vous défendez une position...
Mme Perron (Marie-Claude) :
...devant le tribunal. Donc, c'est pour toutes ces raisons-là qu'on avait
adopté cette position.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Merci à vous d'être ici aujourd'hui. C'est intéressant, parce qu'on vient
d'avoir une discussion sur la question de l'emprisonnement avec les deux intervenantes
qui vous ont précédées, puis, dans votre mémoire, vous défendez une position
différente. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous, vous
jugez que, déjà, le projet de loi va trop loin. Les gens qui vous précédaient
souhaitaient que ça aille encore plus loin. Vous jugez que, vous, déjà,
identifier par règlement des infractions, ça va déjà trop loin.
Sur la question de l'emprisonnement, donc,
j'aimerais... Puis j'aimerais d'abord vous donner l'opportunité de répondre aux
arguments qui ont été invoqués par les gens qui vous ont précédées. C'est-à-dire,
qu'est-ce que vous répondez à l'idée selon laquelle l'emprisonnement, en fait,
n'est même pas nécessaire, parce que la dette elle-même est un incitatif puis
un poids suffisant sur les épaules des gens pour rendre bien attirants les
programmes d'adaptabilité? Vous, vous dites explicitement, dans votre mémoire,
que, sans le levier du recours à l'emprisonnement, la clientèle vulnérable n'a
plus d'intérêt de s'impliquer dans une démarche d'adaptabilité.
Mme Perron (Marie-Claude) :
C'est effectivement ce qu'on a écrit dans le mémoire. Et puis, pour répondre,
on n'est pas totalement sur des voies qui ne sont pas les mêmes. Parce que
j'écoutais l'intervenante avant nous, et il y a beaucoup d'éléments sur
lesquels on a le même point de vue quand on parle de personnes vulnérables ou
en situation d'itinérance, ou qui l'ont déjà été. Donc, ce qu'on a précisé,
là-dedans, c'est que ce qu'on oublie souvent, c'est que ce n'est pas seulement
et uniquement cette clientèle-là qu'on a. Malheureusement, il y a une
clientèle... malheureusement ou... c'est un fait, là, il y a une clientèle qui
est... dans une bonne proportion, qui est tout simplement réfractaire, ou
récalcitrante, ou peu importe comme on la nomme, qui est un mauvais payeur et
qui refuse de payer.
Il y a quelques années, l'emprisonnement a
été enlevé pour le... toutes les infractions au Code de la sécurité routière
puis en matière de stationnement. Bien, en ce moment, on a, dans nos cours
municipales, et probablement aux cours du Québec qui traitent des constats
d'infraction aussi, certains citoyens qui ont accumulé des dizaines de milliers
de dollars de constats d'infraction qui demeurent impayés, que... cette
personne-là, on n'est pas capable de lui trouver un emploi, parce que... pour
toutes sortes de raisons, essayer de trouver où travaille cette personne-là
pour aller lui faire acquitter ces sommes, mais ça ne se produit pas, on ne le
trouve pas. Ou qui n'ont pas à eux-mêmes un véhicule, mais qui utilisent les
véhicules des autres et qui accumulent, qui accumulent, puis on n'a pas de
levier, il n'y a rien à faire avec ces gens-là. Donc, ce sont des dossiers qui
s'accumulent.
Ce qu'on indique ici, c'est que, si on met
une liste des catégories d'infractions qui fait en sorte qu'on ne peut plus
utiliser la peine d'emprisonnement pour toute cette autre liste là
additionnelle, bien, les percepteurs n'auront plus de levier pour aller
chercher ces sommes-là.
M. Nadeau-Dubois : Oui, mais
l'intention...
Le Président (M.
Bachand) : ...déjà passé. Désolé. Mme la députée de Joliette,
s'il vous plaît. Désolé.
Mme
Hivon
: Oui.
Merci beaucoup. Je vais continuer exactement dans la même veine. En fait, de
votre point de vue, j'imagine que vous voulez pouvoir percevoir le maximum,
donc évidemment l'emprisonnement fait que ça met fin à la dette, donc il n'y a
pas de possibilité d'étalement, ou de retrouver les sommes. Donc, quand vous
arrivez à cette option-là, ultime, de votre point de vue à vous... quel est
l'intérêt, pour vous, pour les municipalités?
Mme Perron (Marie-Claude) :
Bien, l'objectif d'aller à la demande d'imposition de peine d'emprisonnement
n'est jamais d'emprisonner la personne. C'est...
Mme
Hivon
: Non,
je comprends, mais...
Mme Perron (Marie-Claude) :
C'est de la convaincre de payer son constat d'infraction. Et je maintiens ce
que je dis depuis le début, c'est que les personnes en situation de
vulnérabilité, si on adapte des programmes pour ces personnes-là, ça va être
bénéfique pour le système, parce que, comme on le disait tantôt, on ne veut pas
avoir ces gens-là ni dans le système ni dans les prisons. Il n'y a donc pas
d'avantage pécunier à envoyer ces gens-là en prison, surtout pas pour le
gouvernement.
Mme
Hivon
: Non,
ça, c'est sûr.
Mme Perron (Marie-Claude) :
Alors, l'intérêt, c'est d'être une mesure dissuasive pour la catégorie de
payeurs qui est une... de mauvais payeurs, qui est une catégorie bien précise
qui n'est pas celle des personnes en vulnérabilité ou en situation
d'itinérance.
Mme Savoie (Sylvie) : Parce
que, voyez-vous, ce à quoi on fait face, présentement, avec toute infraction
commise en matière de circulation ou stationnement... Les gens ont des constats
d'infraction, les cumulent, n'ont pas de permis, comme disait ma consoeur,
prennent les véhicules des autres ou carrément plaquent le véhicule au nom de
quelqu'un d'autre, se promènent, se font réarrêter. C'est des contraventions,
là, à 300 $ d'amende plus 180 quelques... c'est des constats au-dessus de
500 $ en partant, là. Bien, je peux-tu vous dire que ça va vite? Mais ces
gens-là, ils n'ont pas d'incitatif à même faire des travaux compensatoires...
Mme Savoie (Sylvie) : ...ou
carrément plaquent le véhicule au nom de quelqu'un d'autre, se promènent, se
font réarrêter. C'est des contraventions, là, à 300 $ d'amende, plus
180-quelques, c'est des constats à au-dessus de 500 $ en partant, là. Je
peux-tu vous dire que ça va vite. Bien, c'est gens-là n'ont pas d'incitatif à
même faire des travaux compensatoires. On comprend que ces gens-là peuvent ne
pas avoir d'argent pour payer. Ça, ça va, puis on a compris le principe qu'on
ne sortira pas d'eau d'une roche.
Puis on a un beau système qui est en
place, qui s'appelle les travaux compensatoires. Mais ces gens-là ne font même
pas de travaux compensatoires. Pourquoi? Parce qu'il n'y a plus rien après.
Puis les demandes d'imposition de peine d'emprisonnement en vertu de
l'article 366, qui sont soumises au DPCP. Le DPCP, là, il a d'autres chats
à fouetter, là, je peux-tu vous dire? Ça fait que nos demandes d'imposition de
peine, là, elles ne sont pas accordées. On l'a rodé, le système. On l'a essayé
puis en bout de ligne on n'a pas de résultat.
Qui plus est, même si le DPCP en vient à
émettre un constat d'infraction en vertu de 366, il faut qu'il le signifie. Il
a un an, la prescription est d'un an. Trouvez... Essayez de trouver l'individu.
Constat en bout de ligne, il est precrit. Qu'est-ce qui arrive? La dette est toujours
là. La dette n'est pas éteinte. On ne s'en sort pas, on tourne en rond. Nous,
ce qu'on cherche, c'est d'avoir un système qui va fonctionner, que ça soit
par... pour les gens qui sont à problèmes, les personnes vulnérables, les
toxicomanes, les... cette clientèle-là, de par les programmes, chapeau, on est
content. On est fier de ça. Mais on a les autres aussi, ce n'est pas tous des
gens qui ont des séries de constats qui rentrent dans cette catégorie-là. On a
les autres qui ne veulent juste pas, qui sont des mauvais payeurs, qui sont des
gens récalcitrants. Bien, faites... Si vous n'êtes pas en mesure de payer, ce
n'est pas grave, on a un programme de travaux compensatoires qu'on peut vous
offrir. Bien, pourquoi que je ferais des travaux? Pourquoi moi, je ferais des
travaux? Il n'y a plus rien après.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, c'est tout le
temps qu'on avait. Merci infiniment de votre participation. Je suspends les
travaux quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait
plaisir d'accueillir les représentants la Clinique droits devant. Alors, vous
connaissez maintenant les règles. Vous avez 10 minutes de présentation, et
après ça, donc, une période d'échanges. Je vous inviterais à vous présenter
tous les deux avant de débuter votre exposé. Encore une fois, bienvenue.
Mme Fortin (Véronique) :
Merci beaucoup. Bonjour, je suis Véronique Fortin, je suis membre du conseil
d'administration de la Clinique droits devant. Je suis aussi professeure à la
faculté de droit à l'Université de Sherbrooke. Mon collègue ici, Bernard
St-Jacques, qui est directeur de la Clinique droits devant. La Clinique droits
devant, c'est un organisme communautaire qui est basé à Montréal qui propose un
accompagnement social en milieu judiciaire à des personnes en situation
d'itinérance, qui l'ont été ou qui sont susceptibles de l'être, afin de
faciliter la régularisation de leur situation judiciaire.
Je tiens à dire que ce ne sont pas des
avocats, des avocates, ce sont des intervenants sociaux qui oeuvrent dans le
milieu judiciaire et qui offrent un accompagnement et de l'information
juridique et non pas des opinions juridiques.
Et on est aussi, la Clinique droits devant,
la porte d'entrée du Programme accompagnement justice itinérance à la cour
municipale de Montréal, le PAJIC, dont on a beaucoup entendu parlé dans les
derniers jours. Donc, on est l'organisme qui travaille en collaboration avec
les procureurs de la poursuite de la cour municipale.
• (17 h 20) •
On a présenté un mémoire qui se consacre
uniquement aux dispositions du projet de loi qui prévoit des mesures permettant
de tenir compte de la situation sociale de certains défendeurs, évidemment les
personnes en situation d'itinérance ou à risque de l'être, dans notre cas.
C'est ce à quoi...
Mme Fortin (Véronique) : ...avec
les procureurs de la poursuite de la cour municipale.
On a présenté un mémoire qui se consacre
uniquement aux dispositions du projet de loi qui prévoit des mesures permettant
de tenir compte de la situation sociale de certains défendeurs, évidemment les
personnes en situation d'itinérance ou à risque de l'être, dans notre cas.
C'est ce à quoi on va se consacrer dans notre présentation.
Quelques remarques préliminaires que nous
voulons faire avant de faire ressortir quelques points de notre mémoire
ensuite, donc quatre remarques préliminaires. Les infractions à la source de la
judiciarisation, qui entraînent des dettes judiciaires pour les personnes
susceptibles de participer à des programmes d'adaptabilité, sont de faible
gravité. Il ne faut jamais l'oublier. Les infractions à la source de la
judiciarisation sont aussi souvent le fruit de profilage, profilage racial,
profilage social, il y a plusieurs recherches qui l'ont démontré, les
recherches de Marie-Eve Sylvestre, Céline Belleau de la commission Viens, de la
Commission des droits de la personne, d'autres encore. Il ne faut pas faire en
sorte que des mesures alternatives dans des programmes d'adaptabilité sont, au
final, plus longues, plus punitives, plus contrôlantes que la peine qui aurait
été prévue pour l'infraction à la source des mesures. Puis, finalement, dans
tout programme d'adaptabilité, on s'adapte à qui? On s'adapte aux justiciables,
mais il est important, il est primordial que la personne défenderesse soit au
coeur du processus puis que les conditions, les mesures alternatives soient
déterminées de concert avec elles et quelles soient impliquées dans le
processus tout au long des démarches.
Pour les minutes qu'il nous reste, on va
mettre l'accent sur les points suivant notre mémoire. Donc, en quelques
minutes, trop brièvement sans doute, pour réellement rendre justice à la
complexité des réalités, nous expliquerons d'où viennent les personnes qui sont
susceptibles de participer à des programmes d'adaptabilité puis quelles sont
leurs réalités, justement. Ensuite, nous expliquerons l'impact positif du
retrait des dossiers de l'effacement d'une dette judiciaire ainsi que les
conditions gagnantes pour qu'un programme d'adaptabilité colle à la réalité des
personnes. Puis s'il nous reste du temps, nous soulignerons quelques problèmes
avec le projet de loi actuel qu'on a déjà noté dans notre mémoire, notamment
avec les mesures alternatives dans le cadre de programmes d'adaptabilité des
règles relatives à l'exécution des jugements puis les dispositions sur
l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Donc, je passe la parole à mon
collègue.
M. St-Jacques (Bernard) :
Merci. On a entendu différentes présentations depuis hier. Je pense qu'on est
plusieurs personnes à être passées devant vous qui savons de quoi on parle. Il
faudrait parler peut-être un peu plus des personnes. Qui sont ces personnes de
qui on parle? Pour nous, on parle de personnes en situation d'itinérance, des
gens qui, d'abord, souvent été victimes de profilage, donc subi l'injustice qui
passe principalement par une remise de contraventions — on les
sanctionne en fait pour des gestes qui sont souvent commis par toutes
personnes — des gens qui ne cadrent pas dans le système de façon
générale puis là on va essayer de les cadrer dans un système de justice. C'est
des gens qui font des gestes dans la sphère publique, gestes que nous faisons
peut-être au quotidien dans la sphère privée. C'est des gens qui n'auraient
probablement, pour beaucoup de cas, dû jamais être dans ce système judiciaire
là.
Alors là, la personne, elle rentre dans un
programme puis elle peut être de différents niveaux d'ancrage en lien avec sa
sortie de rue, son ancrage dans la rue encore, et là on va voir ça va être quoi
les démarches qui vont pouvoir être établies pour viser différents aspects de
son rétablissement, ce qui va être très complexe en soi, parce que je pense
qu'on doit... on ne peut pas regarder ça en regardant ça juste sur l'angle du
logement et de la consommation quand on pense à une personne en situation
d'itinérance, il faut aller vraiment au-delà de tout ça, et c'est en ce sens-là
que la présence d'intervenants et d'intervenantes sociaux et sociales va être
centrale afin de bien apprécier la valeur des efforts et de pouvoir un peu voir
d'où vient cette personne-là.
Bien honnêtement, une personne qui vient à
la Clinique droits devant, qui est encore ancrée dans la rue, c'est miraculeux.
Une personne que ça fait trois mois qu'elle dort dans le même lit après sept
ans dans la rue, c'est miraculeux. Est-ce qu'on va en tenir compte quand on va
mettre nos programmes d'adaptabilité en place et sous-peser l'importance que ça
requiert? Trois rechutes dans trois thérapies de suite, pour beaucoup,
c'est un échec. Mais non, il y a une reconnaissance d'un problème par la
personne, un problème lié peut-être à la toxicomanie ou à la dépendance, et on
ne saura jamais à quel point la rechute fait partie du rétablissement à très
long terme. On ne peut pas passer à côté de facteurs de cet ordre-là. Donc,
d'où l'importance de toujours plus de souplesse. On a parlé de souplesse, de
flexibilité, elle peut être possible peut-être dans le projet de loi aussi à
l'extérieur.
Si on regarde... On a des dispositions qui
concernent entre autres la poursuite, on en a d'autres qui relèvent plus de
l'exécution des jugements, mais il faut avoir une vision d'ensemble, hein? On
peut mettre des acteurs ensemble, on peut mettre un greffe et une perception
des amendes qui va travailler avec des organismes communautaires, avec la
poursuite. Tous ces acteurs-là peuvent se mettre ensemble, mais on peut faire
un vase communicant entre ces différents éléments qu'on retrouve dans l'actuel projet
de loi.
Prenons un exemple, une personne, elle a
100 constats d'infraction, 25 non jugés et 75...
M. St-Jacques (Bernard) :
...on peut mettre des acteurs ensemble, on peut mettre un greffe et une
perception des amendes qui va travailler avec des organismes communautaires,
avec la poursuite. Tous ces acteurs-là peuvent se mettre ensemble, mais on peut
faire un vase communicant entre ces différents éléments qu'on retrouve dans
l'actuel projet de loi.
Prenons un exemple, une personne, elle a
100 constats d'infraction, 25 non jugés et 75 jugés. Alors, pour
commencer, plutôt que de nous imposer, si c'est possible, cet exercice
difficile, voire impossible, de traduire une dette quantitative en démarche
qualitative dans le cadre d'un programme, bien, on pourrait dire... on pourrait
envisager la rétractation de jugement des 75 constats d'infraction qui
sont dits jugés. Et là c'est bien, parce qu'on se met avant... C'est comme si
on mettait l'ensemble de la situation de la personne avant que la décision ait
été prise.
Et là c'est dans ce contexte-là qu'on
discute. Puis là on jase. On établit ensemble des termes du programme que la personne
va suivre. On pourrait arriver et dire : Aïe! on sait que la personne
fréquente des organismes puis elle a un intervenant pas mal pivot, là, qu'elle
rencontre sur une base régulière, puis elle a même commencé des démarches liées
à sa consommation, peut-être de la diminution, ou en tout cas... elle consomme
encore mais dans un cadre un peu plus sécuritaire qu'avant. On pourrait
dire : Bien, j'enlève 25 % ou 30 % des constats d'infraction
immédiatement avant même qu'elle commence le programme parce qu'elle a déjà
fait des choses pour essayer d'améliorer sa situation. Elle continue. On y va,
on est trois mois... évidemment, le programme se met en place à travers ça, on
a identifié, évidemment, les objectifs. Trois mois plus tard, il y a des
indices intéressants de stabilité résidentielle, elle va peut-être pouvoir
rester en logement, les choses se stabilisent un peu. Elle a rebâti le lien
avec des personnes de sa famille ou, dans le cas de personnes autochtones,
bien, elle a commencé à développer des activités liées à ses réalités
culturelles et historiques passées, il y a un lien qui se refait avec sa
communauté. 25 %, 30 % de constats d'enlevés encore dans une autre
audience à la cour. On est... après quatre mois, cinq mois du programme.
Et on continue comme ça. Puis, après huit
mois, après un an, en voyant, en soupesant avec la personne, en le faisant en
lien avec elle et avec différents partenaires, bien, on en arrive avec assez de
souplesse à la fin du processus.
Et là il ne faut pas penser que tout est
fini. Souvent, la réalité des personnes est... elle est... La personne va être
encore fragile. Sauf qu'il y a quand même la finalisation, il faut quand même
la voir aussi comme un levier. Donc, des fois, ce n'est pas fini. Le travail
n'est pas fini, mais il faut voir jusqu'à quel point... Et c'est là, là, le
plus difficile pour nos procureurs, c'est : C'est-u fini ou ce n'est pas
fini, le programme? Mais, à un moment donné, des fois, il faut une poussée, il
faut voir. Ça fait qu'une souplesse va être inébranlablement importante dans ce
contexte-là.
Puis je finis avec l'exemple de Michel, qui est l'exemple que vous avez dans notre
mémoire, qui, lui, a terminé le PAJIC, qui n'était... qui n'est pas si en
forme, il est fragile encore, même s'il a fini le programme. Puis il nous
partageait, le jour où il a fini le PAJIC : «J'allais sortir et le juge
m'a dit : "Je suis contente de vous avoir rencontré, monsieur, et
vous me touchez profondément." Mais je suis mandat, hein, d'arrêt, dans
deux dossiers, hein, dans une autre ville, qu'on ne nommera pas, et j'ai deux
autres dossiers dans une autre ville, qu'on ne nommera pas aussi. Je remercie
la vie de me laisser la chance de me reprendre du bon pied. Avec tous les
jugements que je pouvais avoir de la justice, je n'aurais jamais cru qu'un
avocat de la couronne ferait tant d'efforts pour aider un contrevenant comme
moi, encore moins une juge, que moi, je jugeais moi-même. Les deux ont fait
preuve d'un sincère humanisme, et j'ai vu dans leurs yeux l'espoir qu'un être
humain puisse se délivrer de sa souffrance. J'en suis reconnaissant et
profondément ému. Je ne m'arrêterai pas là. J'ai une histoire à raconter, la
mienne, et elle rejoint, je le sais, une bonne gang de moi... de comme moi.»
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Période d'échange maintenant. Mme la
ministre s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci. Vous
avez capté notre attention, ça, c'est le cas de le dire. Merci beaucoup de
votre présentation, c'est très utile.
Est-ce que vous auriez peut-être...
prendre quelques minutes pour établir, là, quelques petites améliorations? Vous
aviez... Vous l'avez dit, s'il nous reste du temps à la fin, et ça m'intéresse,
parce que, sur l'expérience que vous démontrez, le cas de Michel, c'est
extrêmement intéressant et pertinent pour guider notre réflexion et aussi
justifier notre intervention au plan législatif. Mais si on... On parle des
mesures particulières. Si vous pouviez peut-être nous adresser, là, ce qui
serait à perfectionner ou à améliorer dans le projet de loi, ce serait
bienvenu.
Mme Fortin (Véronique) :
Oui. Donc, merci beaucoup, merci pour votre question, puis merci de m'offrir ce
temps-là. Je vais répondre, puis si jamais tu veux compléter...
Donc, quelque chose qui a déjà été
mentionné, surtout dans le scénario qu'on... dont on vient de parler, c'était
de... c'est d'abord cette idée de quantifier des démarches vers le
rétablissement, le bien-être, la réinsertion sociale, selon notre posture, on
l'appelle différemment, c'est excessivement difficile de le quantifier, et
c'est peut-être même contre-productif considérant l'objectif de... Donc, les
articles 51, 52 et ensuite 54, 55, 56 sur la question de l'impossibilité de
compensation d'une réalisation d'une partie du programme nous semblent
problématiques.
• (17 heures) •
Donc, l'idée de plutôt s'attarder à une
appréciation générale de l'ensemble des démarches, qui peuvent multiples, selon
les réalités plurielles des personnes...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Fortin (Véronique) :
…d'une partie du programme nous semble problématique. Donc, l'idée de plutôt
s'attarder à une appréciation générale de l'ensemble des démarches, qui peuvent
être multiples selon réalités plurielles des personnes qui sont devant nous,
comme on le disait, ça peut vouloir dire de… d'être plus en contact avec un organisme…
ça peut vouloir dire de faire… d'aller au gym trois fois par semaine. Donc, il
y a plein de différentes façons… Je ne veux pas dire que j'encourage la mesure
d'aller au gym trois fois par semaine, je pense que les gens peuvent être
libres de faire ce qu'ils veulent. Mais, donc, c'est qu'il y a plusieurs façons
d'inclure des démarches… et qui compteraient, donc, première chose. Et, donc,
la quantification est problématique. S'il faut le faire, on… je pense qu'on
devrait maintenir les maximums qui sont déjà prévus.
Et, deuxième commentaire que je ferais,
c'est sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Donc, on partage les
positions de la doyenne Marie-Eve Sylvestre, donc l'idée de reprendre la
capacité… de prendre la capacité de payer du défendeur en compte plutôt qu'une
liste d'infraction. Et, à Montréal, ça fait longtemps qu'il y a un moratoire
sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, depuis 2004, et on ne manque
pas de personnes qui veulent participer au PAJIC du tout. Et, donc, c'est même
une… le fait qu'il y a un moratoire fait même en sorte qu'on a peut-être plus
de participants dans ce genre de programmes sociaux là justement parce qu'ils
savent que s'ils se présentent à un procureur de la poursuite ils n'ont pas le
risque de faire… d'avoir un mandat d'emprisonnement ou… Donc, ils sont moins
méfiants face à la justice sachants que l'emprisonnement pour non-paiement
d'amende n'est pas dans les cartes. Donc, je vais m'arrêter là puis je vais… on
va pouvoir répondre aux questions.
Mme LeBel : Bien, oui, puis on
va peut-être parler plus spécifiquement… puis certains de mes collègues de l'opposition
pourront aborder d'autres points… mais, plus spécifiquement, justement, de
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, on en a… et je prends la balle parce
qu'on en a parlé… on vient d'en parler. Je comprends donc que vous ne
privilégiez pas qu'on dise : Bien, pour telle catégorie d'infraction, ça
n'existera plus, mais plutôt de regarder de façon individuelle la capacité de
payer du défendeur, quitte à avoir, peut-être, des programmes d'étalement, ou, en
tout cas, peu importe, mais… ou de, à ce moment-là, de passer à travers un programme
d'adaptabilité ou autre. Je comprends que vous êtes… êtes-vous… Ça pourrait
répondre à la préoccupation qui a été émise par les greffiers des coures municipales
disant qu'il y a une liste d'infractions, à la page 15, là, qui sont les plus
souvent… qui font plus souvent l'objet de ces programmes-là, mais on pourrait
avoir des gens qui traversent ailleurs qu'une intersection ou émettent un bruit
audible à l'extérieur… je ne ferai pas pas référence à mon voisin, mais ça
pourrait… qui sont des… simplement des mauvais payeurs ou des mauvais citoyens,
donc, ça prend, au bout du compte… et là, je fais juste réitérer l'argumentaire
des cours municipales… ça prend, au bout du compte, un levier incitatif pour
ces gens-là. Parce que si on a un individu qui paie ses contraventions de façon
adéquate, et un même individu qui, ça n'a rien à voir avec sa capacité de payer
ou ça n'a rien à voir avec des problèmes sociaux, mais est juste… ne veut juste
pas payer, hein, on peut dire un mauvais citoyen, bien, ça prend un levier, au
bout du compte, pour être capable de le faire payer. Donc, en éliminant… en n'y
allant pas par catégories d'infraction mais en y allant par capacité de payer,
on viendrait favoriser les objectifs qu'on poursuit par les programmes ou par…
pour les gens qui sont en situation de vulnérabilité tout en conservant
certains leviers pour être capable de force les simples mauvais payeurs, là,
qui ne sont pas du tout dans les catégories qui sont visées par notre
discussion, là. Est-ce que vous pensez que ça a de l'allure, ou…
Mme Fortin (Véronique) :
Donc, l'idée de la capacité de payer versus le refus de payer, c'est une distinction
qui est intéressante. Il sera… Là, ce sera dans comment évaluer la capacité de
payer. Et, dans la décision Boudreault, là, il y a comme toute une… puis là, je
ne l'ai pas devant moi, là… mais il y a toute une… dans la décision de la Cour
suprême… il y a une discussion sur est-ce qu'on est vraiment… il faut faire
attention de ne pas interpréter comme un refus de payer quelque chose qui est
une incapacité de payer. Mais, oui, c'est ce qu'on… c'est effectivement ce
qu'on privilégie parce qu'une liste d'infraction ne sera jamais assez
exhaustive pour couvrir l'ensemble des situations qu'une personne en situation
de vulnérabilité, là, pourrait… l'ensemble des constats d'infraction, dans le
fond, qu'une personne en situation…
Mme LeBel : Donc, il y a les
deux cas. Il y a le fait qu'on ne pourrait pas couvrir toutes les infractions
avec une liste d'infractions qui ne serait jamais assez exhaustive, et…
Mme Fortin (Véronique) :
...parce qu'une liste d'infractions ne sera jamais assez exhaustive pour
couvrir l'ensemble des situations qu'une personne en situation de
vulnérabilité, là, pourrait... l'ensemble des constats d'infraction, dans le
fond, qu'une personne en situation...
Mme LeBel : Donc, il y a les
deux cas. Il y a le fait qu'on ne pourrait pas couvrir toutes les infractions
avec une liste d'infractions, qui ne serait jamais assez exhaustive, et le fait
qu'il y aurait peut-être un effet pervers de permettre justement à certaines
personnes qui ne sont pas du tout dans la catégorie des gens qu'on vise
d'échapper, finalement, à la justice, d'une certaine façon, là.
Les conditions de rétractation de
jugement... Je veux également connaître votre opinion. Vous dites que, bon... Par
contre, vous parlez : «La rétractation du jugement permet de rétablir
cette situation et ainsi d'intégrer le constat d'infraction dans l'ensemble des
constats.» Bon, par contre, «...se demande pourquoi le poursuivant uniquement
peut demander la rétractation de jugement». Mais vous faites référence aux gens
qui ne se présentent pas à la cour. Il existe déjà, comme vous le savez, une
possibilité pour le défendeur de demander une rétractation de jugement.
Ce qu'on se propose d'ajouter, à l'article 257
du code de procédure... — j'allais dire «criminelle» — du Code
de procédure pénale, c'est plutôt d'ajouter la catégorie à la demande du
poursuivant. C'est dans la catégorie du cas où le programme est complété.
Donc, ce que vous nous dites, c'est que
vous ne laisseriez pas au poursuivant seul... Comment est-ce qu'on module ça? Parce
que... Est-ce qu'on le module de façon progressive ou est-ce qu'on... Il
faut... À un moment donné, c'est un contrat qui se fait, dans les programmes
d'adaptabilité, entre le poursuivant, le ministère public ou la municipalité et
le défendeur. Donc, le défendeur ou le contrevenant peut également dire, à
certains moments donnés : Moi, je me sors du programme, c'est terminé,
comme le poursuivant peut dire : Je me sors de notre contrat entre nous
deux parce que je considère que tu n'as pas rempli les conditions pour
lesquelles tu étais d'accord au préalable. Comment est-ce qu'on pourrait
moduler ça pour qu'on réponde à toutes ces préoccupations-là? C'est la
page 10 et 11 de votre mémoire, juste pour vous resituer.
M. St-Jacques (Bernard) :
Bien, en fait, en lien avec ça, l'idée, je pense, dans tous les cas de figure,
c'est... Dans toute rétractation de jugement, moi, que j'ai pu voir, c'est
qu'il y avait eu un travail déjà de collaboration pour soupeser qu'est-ce que
ça représentait. Donc, tu avais un demandeur qui était présent puis qui avait quand
même des démarches à réaliser en contrepartie de la situation, et il y avait
aussi un ensemble d'intervenants autour, particulièrement un procureur aussi
qui regardait la faisabilité de la chose.
C'est sûr qu'à Montréal, la façon dont on
fonctionne, la rétractation se fait à la toute fin du processus, ça fait que,
souvent, le programme est très avancé. On dit : On sait que ces constats-là
sont jugés, on les met sur le «hold». Et c'est à la fin du processus qu'on
fait : Bon, bien, regarde... Reprenons l'exemple de tantôt. Les 75 à
rétracter sont rétractés le même jour où on finalise le programme... ou, en
tout cas, où on en finalise une bonne partie. Souvent, le juge dit :
J'accepte la rétractation et j'accepte le retrait des accusations. Souvent,
c'est comme ça que ça se termine.
Ça fait que l'idée, c'est d'avoir la plus
grande souplesse là-dedans puis c'est de voir c'est quoi, la place du demandeur
dans ça. Ça venait le questionner, justement.
Mme LeBel : O.K. Merci. Je
vais laisser à mes collègues l'opportunité, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : ...Président.
Permettez que je préface ma question en vous disant que, depuis le début de ces
audiences... puis on va en parler aussi entre nous après en étude détaillée,
qu'on parle beaucoup du PAJIC, en parlant de l'expérience toute nouvelle et
toute fraîche de Val-d'Or. On a parlé de Québec avec le chef de police de Québec,
entre autres, mais... Ce n'est pas une invention, mais disons que c'est à Montréal,
qu'on a réussi, à partir de l'expérience de la table de concertation jeunesse itinérance
du centre-ville du réseau d'aide... c'est long, là, le RAPSIM, en 2003, qu'on a
réussi à s'en aller vers sortir des prisons ceux qui n'avaient pas d'affaire là
puis, à la place, les déjudiciariser. C'est comme ça que je l'ai compris. Puis
je l'ai bien appris parce que...
Je suis fier de dire que j'ai été bénévole
pour la clinique, parce que j'ai animé une soirée de financement, et, pour ça,
j'ai créé un vidéo, j'ai produit une capsule vidéo. Vous devriez aller voir ça
sur le Web. Et je veux leur poser la question parce qu'en faisant ce vidéo je
suis allé à la rencontre des clients, entre guillemets, de la clinique et je me
demandais, en nous écoutant depuis deux jours, si ce projet de loi là qu'on a
devant nous va rendre la démarche facile, plus facile, plus humaine, plus
concrète, plus rapide pour eux. Entre nous, là, puis les spécialistes, puis
tout ça, je comprends très bien qu'ils vont passer au travers. Mais eux, ils
ont trouvé ça dur. Ceux à qui j'ai parlé, ils ont trouvé ça tellement dur, puis
ils ont réussi. Je n'imagine même pas ceux qui n'ont pas réussi. Est-ce qu'on a
du bon stock, là, nous autres, là?
• (17 h 40) •
M. St-Jacques (Bernard) : Oui,
on a du bon stock. Un peu comme je disais tout à l'heure, il est un peu
compartimenté dans le projet de loi, dont une nécessité d'une souplesse puis
une nécessité d'acteurs ensemble qui travaillent avec la personne.
Il y a aussi des trucs symboliques, là,
qui sont presque symboliques, puis qu'il faut mettre dans ça, dans
l'application, dans l'approche. On parlait de créativité tout à l'heure...
M. St-Jacques (Bernard) :
…oui, on a du bon stock. Un peu comme je disais tout à l'heure, il est un peu
compartimenté dans le projet de loi, dont… une nécessité d'une souplesse puis
une nécessité d'acteurs ensemble qui travaillent avec la personne.
Il y a aussi des trucs symboliques, là,
qui sont presque symboliques, puis qu'il faut mettre dans ça, dans
l'application, dans l'approche. On parlait de créativité tout à l'heure. Une
grande force du PAJIC, je vais vous le dire, puis c'est ce qui impressionne le
plus les personnes, c'est que le procureur, il enlève son gros… il n'est pas
habillé comme moi, il est habillé, genre... il est habillé comme son costume du
dimanche normal comme si, presque, il allait faire ménage, et il arrive à la Clinique
droits devant, et il vient rencontrer, toute cette journée-là, des personnes…
Il va regarder avec eux leur situation, va soupeser ce qui se passe, va avoir
tout le dossier, va essayer de trouver une façon de procéder, de faire un deal
finalement à la personne. Mais ça se déroule dans un contexte où on n'est pas à
la cour, on n'est dans un milieu très ouvert, la zone tampon, c'est un peu
notre organisme, mais, en même temps, le tout se passe dans un contexte qui est
beaucoup plus convivial. Ça fait que là, ah!, on défait ça, on fait une première
étape, puis après ça, on peut amener la personne à la cour pour régler sa
situation et la remettre en lien avec le système de justice. Donc, la personne,
elle a trouvé ça dur, mais on a… c'est notre façon de faire qui est différente
qui amène ça.
On a des approches en lien, mettons, avec
les populations autochtones, c'est un peu ça. Est-ce qu'on peut changer le
cadre formel d'une institution, comme une salle de cour, en se mettant en
cercle, pour régler, par exemple des questions, et en posant… en adressant des
questions qui sont très, très loin, mais… a un intérêt de l'ensemble de la
personne qui aussi n'est pas directement tout le temps lié avec l'infraction,
mais en lien avec : Ça va-tu mieux? Ça se passe-tu bien? On est-u en train
de faire des… Est-ce que ça va mieux? Mais ça, en soi, va constituer des
démonstrations d'amélioration de situations. Puis ça, la personne, elle va le
voir automatiquement, elle va le sentir automatiquement.
Un exemple que je donnerais et qui est
très particulier parce que je sais qu'on aime bien les tranches de vie :
C'est deux personnes qui ont fréquenté un organisme pour jeunes sans-abri et
qui ont passé une partie de leur vie dans la rue, ils avaient les mêmes types
de constats, et qui sont devenus un couple à travers le processus, c'est-à-dire
ils se sont rencontrés un peu, ils ont un peu, plus ou moins, embarqué dans le
processus en même temps, dans le programme. Ils n'avaient pas... Ils avaient
les mêmes tickets, ils avaient les mêmes... à peu près les mêmes réalités, pas
les mêmes difficultés, là, on n'était pas dans les mêmes niveaux de
difficultés. Et, à la fin du programme, ils ont fini le programme à peu près à
trois mois de différence, parce qu'il y avait des petites choses à terminer
dans le cas d'une des deux personnes, l'homme pour ne pas le cache. Et, à la
fin, bien, lorsque l'homme a finalisé à la fin, bien, la fille est arrivée,
celle qui venait juste de finaliser, avec leur enfant. Donc, au terme du
processus puis de tout ce temps-là dans la rue, et tout, il y a eu comme une
construction qui s'est faite en parallèle à cette vie-là, et elle était une
démonstration en soi. C'est sûr que l'enfant a impressionné, bien entendu, et
c'est sûr que ça a joué dans le processus de tout ça. Mais c'est des gens qui
sont partis d'excessivement loin, puis on les a pu voir.
L'autre chose qui est importante,
c'est : nous, on est une porte d'entrée pour ce programme-là, ça fait
qu'on fait un peu, entre guillemets, un «tri», c'est-à-dire qu'on le voit un
peu, les gens aussi qui vont être capables d'arriver à un certain stade puis
dire : Regarde, on peut passer à une certaine étape, et tout. Et là on
regarde avec elle qu'est-ce qu'elle veut faire. Puis souvent on leur dit :
Tu peux ne rien faire. Et des fois c'est ça qui marche. C'est qu'ils peuvent ne
rien faire, mais ils sont quand même venus s'informer sur leur situation
judiciaire puis qu'ils reviennent six mois plus tard et là, aïe! ils sont un
petit peu plus... Là, je suis prêt, là, je suis prête. On peut-u faire de quoi?
Prêt à quoi? Prêt à faire comme plus de démarches, tout ça, en parallèle? Bien,
nous, on va dire... comme la doyenne, celle qui a inventé notre programme, qui
se plaisait à dire : Là, là, tu t'occupes de toi, nous, on va s'occuper de
ta situation judiciaire. On va régler un peu ce qui est autour, toute la
paperasse qui est nécessaire, mais toi, tu t'occupes de toi. Puis c'est ça quoi
veut, c'est qu'elle s'occupe d'elle.
Ça fait qu'en ayant cette perspective-là,
la personne ne se voit plus comme une criminelle du tout, au contraire. Ça
devient comme une démarche en parallèle avec sa réinsertion sociale globale. Et
c'est un... Et ça devient presque... en bout de ligne, je dirais, en bout de
ligne, quand on achève, quand ça va, presque un levier, je dirais.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Avant d'aller plus loin, on a
peut-être un petit retard de quelques minutes, alors j'aurais besoin d'un
consentement pour ajouter un petit cinq minutes maximum à la séance.
Consentement?
Une voix
: Oui, consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay
: Oui,
merci beaucoup. Merci, Mme Fortin, merci, M. St-Jacques, c'est
réellement stimulant, extrêmement intéressant de vous accueillir puis de vous
entendre, honnêtement. Puis vous me faites penser vous deux à la qualification
que Michel faisait du procureur et du juge. Vous faites, vous deux, preuve d'un
sincère humanisme, je pense, parce que vous faites... Et le témoignage de
Michel — nom fictif, mais la personne qui l'aura vécu — est
extrêmement parlant, et la façon dont vous livrez votre message aussi est
extrêmement parlante.
Et je n'irai pas, donc, dans des
impératifs peut-être un peu plus techniques du projet de loi. J'aimerais vous
entendre sur deux volets. Et vous êtes sur le terrain des personnes, donc, qui
accompagnez... Un accompagnement social à des personnes en situation
d'itinérance, vous le vivez au quotidien.
Premier des deux volets... Puis je veux
laisser du temps à ma collègue également pour intervenir. Le premier volet,
vous avez chiffré en annexe le résultat...
M. Tanguay
: ...terrain
des personnes, donc, qui accompagnées, un accompagnement social à des personnes
en situation d'itinérance. Vous le vivez au quotidien. Premier des deux volets,
puis je veux laisser du temps à ma collègue également pour intervenir... Le
premier volet, vous avez chiffré en annexe le résultat de pratiques de
profilage. J'aimerais ça, vous, cette réalité-là... parce que vous, c'est une
réalité que vous semblez voir au quotidien presque, en quoi... de quoi
parlons-nous ici, de pratique de profilage que vous constatez sur une base
régulière. J'aimerais ça vous entendre.
M. St-Jacques (Bernard) :
C'est toujours l'éléphant dans la pièce quand on discute avec les procureurs,
ça, faut le dire, hein? Quand on rentre une personne dans un programme, on
n'est pas là... c'est intéressant parce que ça nous permet d'avoir un regard
qui n'est pas juste sur les infractions passées mais sur la situation présente
de la personne mais c'est souvent l'éléphant dans la pièce, ce qu'on n'aborde
pas, mais, elle est centrale. Il y a eu... C'est le fait vraiment de rapports
dans l'espace public, hein, c'est la façon de gérer nos plaintes, c'est
l'intervenant de première ligne qui est le policier, c'est l'institution
policière en elle-même qui est supposée agir comme acteur de sécurité publique
et qui se retrouve prise avec un phénomène social dans la rue et tout ça.
Ce qu'on a vu par là, quand on parle de
profilage, c'est un emballement de la situation. C'est une approche qui au
tournant des années 90 et 2000 s'est traduite par une remise beaucoup plus
systématique de contraventions. Donc, qui, pour les intervenants qui y ont
travaillé, constitue carrément une forme de ciblage direct de ces types des
comportements spécifiques à ces populations-là. Des comportements entre autres que
vous voyez... qui sont des infractions, les infractions qu'on a à la fin, mais
qui pour nous sont souvent le fait de ciblage de ces populations-là.
Il y a eu beaucoup d'évolution au niveau
de nos corps policiers. Ce serait difficile de le nier parce qu'effectivement
il y a eu une évolution sauf qu'on continue d'aller dans des principes de
revitalisation souvent de nos espaces publics et de nos centres-villes. Donc,
des fois, ce que le policier ne fait pas directement par le profilage, c'est la
transformation de nos lieux qui sont devenus normalisés dans certains cas,
tellement faits pour monsieur, madame tout le monde. Je pense à Montréal au
Square Cabot, au parc Émilie-Gamelin ou au Square Viger où on a eu des lieux
qui étaient fréquentés sur une base régulière par des populations
marginalisées. C'est beau de les rendre plus accessibles à l'ensemble de la
population mais qu'est-ce qu'on fait avec les populations qu'on...
Pour moi, le profilage, c'est le ciblage
des populations puis c'est les impacts qu'il peut y avoir autour. Donc,
c'est-à-dire : sentiment d'injustice, possibilité d'incarcération ou de
déplacer ces populations-là qui n'ont plus accès à leurs ressources d'aide,
tout ça. C'est un ensemble de phénomènes où judiciarisation et profilage se
rejoignent.
L'avantage aussi — dernier truc
que je veux dire — c'est qu'il y a des institutions, puis ça, on le
dit dans notre mémoire, qui reconnaissent ça. Je sais que le ministère de la
Sécurité publique, il y a un volet sur lequel il travaille, c'est sur le
profilage racial et social. Il y a un service de police de la ville de Montréal
qui a un plan stratégique dans la question. Donc, je pense qu'on ne peut plus
nier qu'il y en a. Puis, si on fait des plans, ça doit être plus que des pommes
pourries. On doit avoir un problème un peu... davantage systémique et il est
encore présent, certainement. Donc, il ne faut pas l'oublier en filigrane, ce
n'est pas dans le projet de loi mais c'est toujours essentiel dans nos
discussions puis dans nos discours quand on aborde la question de la judiciarisation
et des programmes qui existent.
M. Tanguay
: Et ça, je
peux vous le dire que... puis je pense que vous nous rappeler également,
au-delà du projet de loi n° 32, avoir une approche concertée de tous les
intervenants... Moi, dans mon comté, LaFontaine, c'est Rivière-des-Pairies. À
Rivière-des-Pairies, il y a des intervenants de rue, équipe RDP, qui à l'école
secondaire Jean-Grou où 80 % des jeunes qui sont là ont des parents ou des
grands-parents d'origine haïtienne... il y avait des problématiques réellement
marquées à Jean-Grou, il y en a toujours, il y a toujours des défis, jeune
délinquance et ainsi de suite. Et le fait d'avoir identifié des leaders parmi
le groupe, l'approche équipe RDP, l'approche également poste de quartier 45,
policiers communautaires, il ne faudra jamais le perdre ça parce que c'est
justement avoir une crédibilité fasse aux personnes, d'avoir... de s'installer
et d'intervenir en ayant une crédibilité, une réception minimale de la personne
à laquelle tu t'adresses plutôt que d'arriver avec tes gros sabots en
disant : Bien, moi, je suis policier — puis, je ne vise personne — puis
ça va être un constat d'infraction. Là, là, on acerbe le problème.
• (17 h 50) •
J'aimerais vous entendre, puis on a peu de
temps, puis on n'en a pas parlé jusqu'à maintenant, puis je pense que c'est
important que ça soit verbalisé, puis vous allez me dire jusqu'à quel point
c'est le cas, on dit, bien : Oui, c'est important d'avoir des programmes
qui vont faire en sorte que la personne n'ira pas en prison notamment pour des
dettes, des amendes non payées. Quel est l'impact d'une peine de prison chez
une personne qui pourrait faire l'objet d'un profilage quel est... puis de
toute personne? Il n'y a pas là.... Comment est la personne au sortir d'une
sentence, que ce soit quelques jours, quelques semaines? J'imagine que ça, ça
ne participe pas d'une réhabilitation, à moins que j'aie tort, là, mais on
vient de la stigmatiser encore...
M. Tanguay
: ...qui
pourrait faire l'objet d'un profilage. Quel est... Puis de toute personne. Il
n'y a pas là... Comment est la personne au sortir d'une sentence, que ce soit
quelques jours, quelques semaines? J'imagine que ça, ça ne participe pas d'une
réhabilitation, à moins que j'aie tort, là, mais c'est... on vient de la
stigmatiser encore plus puis on vient de la renfoncer encore plus. Donc, quand
on dit : Oui, il y a des coûts puis tout ça... mais, au-delà de ça, il
doit y avoir un impact humain. Hé! je sors de prison, là, je veux dire, je...
J'aimerais vous entendre là-dessus, là, s'il vous plaît.
Mme Fortin (Véronique) : Les
recherches de Céline Bellot, Marie-Ève Sylvestre ont documenté ça, donc, par
des entrevues avec des personnes qui avaient des dossiers judiciaires importants
puis qui avaient... qui faisaient face à l'emprisonnement pour non paiement
d'amendes. Mais donc les effets, donc, déracinement d'un milieu par une période
en prison, perte d'un appartement, si jamais il y avait eu un rétablissement,
perte d'un emploi si on était... Et souvent l'emprisonnement pour non-paiement
d'amendes arrive des années plus tard, après le constat d'infraction. Et donc
perte de plusieurs acquis. Et même juste la menace planant d'une demande
d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes fait... est un frein au
rétablissement, parce que : Pourquoi je me trouverais un appartement? De
toute façon, je suis mandat. Pourquoi je me trouverais une job? De toute façon,
je vais le perdre, parce qu'il va falloir que j'aille en dedans pour trois...
Et c'est des cycles, hein? Parce que tous les mandats n'arrivent pas en même
temps. Donc, un cycle, on va deux, trois semaines, on sort, on rentre, donc... Il
y a un autre mandat qui est émis à un moment donné. Donc, ça l'a un effet, et
sans compter l'effet, sur la personne, anxiogène, de stress important, de
découragement. Donc, ça l'a un effet extrêmement néfaste sur la personne,
l'emprisonnement comme tel et la menace d'emprisonnement. Ce qui fait en sorte
que nous, on est basés à Montréal, la Clinique droits devant, et pourtant,
quand il y a des constats d'infraction qui ont été reçus dans d'autres villes,
on tente de s'en occuper le plus vite possible, parce que le mandat
d'emprisonnement va nier toutes les démarches qu'on pourrait faire à Montréal.
Et donc c'est fondamental, l'effet néfaste que l'emprisonnement pour
non-paiement d'amendes a.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Oui?
M. Tanguay
: Oui, ma collègue
de...
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil
: Écoutez,
votre enthousiasme, votre passion vous... je pense que vous l'avez tellement
bien transmis — vous êtes le dernier groupe aussi à nous parler,
donc, sur les deux jours d'audience — j'apprécie beaucoup, puis une
compréhension profonde, évidemment, de l'interaction entre ces personnes
vulnérables, vulnérables pour toutes sortes de raisons, et un certain jugement
que la société porte sur ces personnes, une certaine intolérance à ces
différences, c'est un peu ça, et incapacité d'un système... Bien, incapacité!
Le système de justice fait quand même bien, là. Le système de justice n'est pas
insensible. Et je pense que vous le dites bien : C'est encourageant de
voir un projet de loi qui essaie vraiment que la société, le gouvernement et
nous, les législateurs, on est intéressés à rendre la vie meilleure. Alors, je
vais peut-être vous amener sur les conditions de succès. Vous touchez aux
conditions de succès dans votre conclusion, des éléments essentiels pour que ça
fonctionne. Il y a financement, études. Vous ne parlez pas de tolérance, mais
de sensibilité aussi, beaucoup, dans tous les acteurs du système. Puis il y a
une évolution. Je serais très curieuse de voir qu'est-ce qui s'est passé à la
fin des années 90 pour qu'il y ait eu cette tendance vers la judiciarisation,
mais je ne pense pas qu'on aura le temps. Alors, les conditions de succès. En
vous inspirant un peu de votre conclusion, vous parlez de l'implication
essentielle des groupes communautaires dans l'évolution de ce type de
programme. Bien, programme! De cette loi et des programmes qui vont en
découler. Peut-être vous entendre là-dessus.
M. St-Jacques (Bernard) : Je
veux juste dire, puis ça ne va froisser personne, je suis ni intervenant...
Le Président (M.
Bachand) : ...juste une minute, une petite minute.
M. St-Jacques (Bernard) :
...ni juriste. Je suis... J'ai étudié en sciences politiques, donc, je peux
parler dans les deux sens. Et je pense qu'il y a un manque d'expertise et de
partage d'expertises. Et même, à Montréal, il est encore très, très, très
problématique. Je crois qu'un procureur ou un agent de perception ne peut pas
mesurer tout seul ce qu'une personne fait, et la réalité de l'itinérance,
qu'est-ce que ça peut représenter, un peu de la même manière que ma collègue a
très bien exprimé, les effets et les risques d'emprisonnement, ce que ça crée
chez les personnes et tout ça, de la même manière que je me trouve toujours un
peu entre l'arbre et l'écorce à devoir expliquer aussi, à des intervenants, les
impératifs de la cour et les impératifs judiciaires. Donc, ça prend des
intervenants et des gens qui sont capables de travailler aux frontières des
deux ou qui ont envie de travailler, à voir, à mesurer... pas à mesurer, à
vraiment... qu'on puisse vraiment voir la réalité vécue, tenir compte d'où on
en est la personne, puis de quel cheminement on peut réussir à faire de façon
intelligible puis de façon que ça serve un peu tout le monde, et surtout pas de
le voir dans un principe de... je dirais, de... c'est... Il ne faut plus le
voir comme une peine, il faut le voir comme un accompagnement dans un processus
puis que la... sinon, la personne, elle va encore... ah! j'ai encore des
raisons...
M. St-Jacques (Bernard) :
...tenir compte d'où en est la personne, puis de quel cheminement on peut
réussir à faire de façon intelligible puis de façon que ça serve un peut tout
le monde et surtout pas le voir dans un principe de, je vous dirais, de... puis
c'est... il ne faut plus le voir comme une peine, il faut le voir comme
accompagnement dans un processus puis que la... sinon, la personne, elle va
encore... ah! j'ai encore des raisons de me sentir responsable de ce que j'ai
fait. Ce serait dire que c'est des facteurs criminogènes sur lesquels on
s'appuie alors qu'on est sur des infractions tellement bénignes.
Le Président
(M. Bachand) : Un très court commentaire, Mme la députée.
Un très court commentaire.
Mme Weil
: Dans
votre expérience ou dans le travail que vous faites, est-ce que vos
intervenants, vous l'avez... sont en interaction avec le système de justice?
Est-ce qu'il y a un... où les municipalités, etc.? Est-ce qu'elles sont en lien
avec des institutions?
M. St-Jacques (Bernard) :
Oui, constamment, c'est eux qui convainquent les procureurs de la validité des
différentes interventions, des différentes démarques qu'ont réalisé les
personnes puis quel cheminement elles ont fait là-dedans.
Le Président
(M. Bachand) : Merci infiniment. M. le député de Gouin,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Merci d'être avec nous cet après-midi. Je pourrais vous poser des
questions sur plusieurs éléments, mais j'ai peu de temps. Je vais me concentrer
sur un aspect qui m'a semblé important, puis on n'en pas tant entendu parler
que ça, donc je trouve ça pertinent de vous poser des questions là-dessus
spécifiquement.
Vous avez parlé du fait qu'actuellement le
projet de loi prévoit que la rétraction de jugement se fait... une des
conditions, c'est lorsque le programme... est lorsqu'on a complété le programme
aux conditions qui étaient fixées, et vous avez semblé — en tout cas,
c'est ce que j'ai compris de vos propos — suggérer que l'on puisse
assouplir ça, dans le projet de loi, pour qu'il y ait possibilité de rétracter
les jugements, disons, au cours de l'accomplissement du programme. Donc,
peut-être y aller avec une formulation plus générale sur dès qu'il y a une
participation puis des résultats, qu'on puisse comme mesure de renforcement
positif, appelons ça comme ça, d'encouragement ou d'incitation, déjà venir
rétracter des jugements au cours du parcours. Pouvez-vous m'expliquer
concrètement, là, si on effectuait un changement comme ça dans le projet de
loi, qu'est-ce que ça changerait sur le terrain pour vous?
M. St-Jacques (Bernard) :
Mais, pour en revenir à votre question spécifique, on le fait dans le cas de
petits constats. Quand une personne n'a pas un trop gros cheminement à faire,
on va pouvoir le faire. Si elle a beaucoup, beaucoup de constats, on ne pourra
pas annuler nécessairement une dette de 12 000 $ d'un coup. Il va
falloir voir le cheminement qu'elle fait, on va déjà pouvoir faire des
rétractations en cours de route. Mais, en général, on procède souvent en bout
de ligne.
À Val-d'Or, on essaie de regarder les
choses différemment, un peu de voir si on ne peut pas l'inclure à plusieurs
étapes du processus. Peu importe quelle approche qui est prise, c'est la force
de la rétractation de jugement, c'est de dire : Je reviens avant le
jugement et je peux regarder et maîtriser, avoir une posture plus globale sur l'ensemble
de la situation. C'est ça qui va être fort pour la personne puis qui va pouvoir
lui servir en bout de ligne et lui enlever le poids de la dette potentielle
qu'elle a. Mais en même temps on comprend aussi que le système judiciaire doit
se protéger aussi, puis dire : Bien, on ne veut pas le faire dans
n'importe quel cas puis tout ça. C'est pour ça aussi qu'on établit un
programme, un cadre dans lequel on fonctionne et tout. Mais ce n'est pas de
donner une sentence bonbon que d'enlever des rétractations de jugement. Non,
c'est une mesure de reconnaissance des choses qu'elle a déjà effectuées ou
qu'elle va effectuer tout au long de son programme, c'est une force majeure, et
le déploiement de ça, de l'avoir dans un projet de loi va encourager.
À Montréal, ça se fait quand même assez
déjà. À des endroits comme Val-d'Or, on l'a déjà appliqué même avec créativité.
Là, ça va avoir donné une impulsion à d'autres villes de le faire et où il y a
beaucoup de choses encore à faire.
Mme Fortin (Véronique) :
Je dirais juste fréquentation accompagnée du retrait. Donc, il ne s'agit pas
juste d'enlever le jugement, là, puis de remettre le constat, là, c'est-à-dire
rétraction et retrait.
M. St-Jacques (Bernard) :
En bout de ligne, c'est pour le retirer.
Le Président (M.
Bachand) : ...M. le député?
M. Nadeau-Dubois : Non,
c'est beau. Merci. C'est beau pour moi.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Joliette, s'il vous
plaît.
Mme
Hivon
:
Oui. Merci beaucoup. Très intéressant en effet. Donc, j'aurais plein de
questions, mais je voulais juste... vous avez apporté l'idée... bien,
l'expérience où vous disiez : Là, des fois, on essaie de motiver la
personne ou tout ça. Mais là, il y a d'autres municipalités où il y a d'autres
constats avec un risque d'emprisonnement. Donc, comment vous faites, dans des
cas comme ça, concrètement pour essayer de coordonner? Parce que j'avais comme
l'impression que vous disiez : On va enter en contact avec les autres.
Première question, vu que j'ai 2 min 40 s, je vous les pose en
rafale. La deuxième, c'est : Est-ce qu'il des choses qu'on devrait mettre
dans le projet de loi, des éléments, je dirais, fondamentaux, mettre quelque...
un certain encadrement dans le projet de loi pour favoriser la réussite ou
laisser une complète marge de manoeuvre aux instances, aux municipalités qui
mettent les programmes en place?
• (18 heures) •
M. St-Jacques (Bernard) :
C'est deux grosses questions, je vais essayer de répondre... Hein? Oui, je vais
essayer de répondre très rapidement à la première. D'abord, ce qu'on fait, en
général, on prend ce qui est possible : prendre une entente de paiement,
prendre une entente de travaux compensatoires, atténuer. Déjà, déployer des
programmes va nous permettre d'avoir une ouverture d'esprit. Pas qu'ils sont
méchants, les percepteurs dans les autres villes, mais, tu sais, ils n'en
connaissent pas toujours les réalités de l'itinérance. Et il y a une
sensibilisation à développer. On le fait au quotidien à Montréal, ça fait
qu'imaginez dans d'autres villes. Le déploiement de programmes en tant que tel
va changer la vision des choses des différents acteurs, puis c'est déjà
commencé. Tu sais, Val-d'Or, c'est une grande réussite de partenariat justement
avec nous, un partage d'expertise, avec une réalité...
18 h (version non révisée)
M. St-Jacques (Bernard) :
...mais tu sais, ils n'en connaissent pas toujours les réalités de
l'itinérance. Et il y a une sensibilisation à développer. On le fait qu
quotidien à Montréal, ça fait qu'imaginez dans d'autres villes. Le déploiement
de programmes en tant que tel va changer la vision des choses des différents
acteurs, puis c'est déjà commencé. Tu sais, Val-d'Or, c'est une grande réussite
de partenariat justement avec nous, un partage d'expertises avec une réalité
autochtone là-dedans aussi.
Chibougamau actuellement flirte avec
l'idée, son conseil municipal, d'adopter une résolution dans les deux prochains
mois, peut-être, si tout va bien pour arrêter l'emprisonnement pour non-paiement
d'amende. Évidemment que ça va s'accompagner de... On va essayer de développer
des mesures qui sont faites ensemble, mais l'impulsion du projet de loi va
aller vraiment, je pense, au-delà des très petits moyens qu'on a ailleurs.
Mais oui, des fois, on est obligé quand
même de dire : On va aller quand même t'aider à aller prendre une entente
de paiement, on va peut-être même la rapatrier à Montréal, puis on va
t'embarquer sur le PAJIC à Montréal. Mais à un moment donné, c'est là qu'il va
être intéressant, c'est quand qu'on va travailler dans deux villes avec des
programmes différents. Comment on va les faire cohabiter ensemble? Hé! ça peut
être vraiment tripant.
Mme Fortin (Véronique) : Je
pense que sur la question de la flexibilité, je pense qu'il
faut — c'est dans les remarques préliminaires — il faut
mettre la personne défenderesse au coeur de tout ça, donc à chaque fois que
dans le projet de loi, on peut écrire «de concert avec la personne», ou «en
partenariat avec la personne», ou «avec le consentement de la personne»,
donc... Bien, le consentement est toujours là, là, mais c'est fondamental que
la personne soit inclue dans l'appréciation de c'est quoi les conditions du
programme, c'est quoi les mesures, c'est quoi la complétion, comment on
interprète la complétion. Donc, un maximum de flexibilité, parce que les
situations ne sont pas les mêmes, mais dans le projet de loi, il faut que la
personne soit au coeur de ce programme-là. C'est l'adaptation du système de
justice à sa situation.
M. St-Jacques (Bernard) : Puis
dans le changement au niveau projet de loi, puis je finis juste là-dessus,
c'est : est-ce qu'il y a moyen de mettre qu'il faut travailler en
collaboration? Parce que tu sais, on voit : le poursuivant peut faire ça,
l'exécuteur des jugements peut faire ça, mais non. Il y a un travail au
continu. Est-ce que ça peut être présent? Ça, essayez peut-être de voir jusqu'à
quel point on ne peut pas l'immiscer, cette espèce de principe de collaboration
entre les personnes qui a été abordé quand même pas mal dans les deux derniers
jours. Ça fait que ça puis la place réservée à la personne, ne la mettre quand
même pas juste au coeur, dans le sens que c'est le laboratoire, mais qu'elle fait
partie de la décision de ce qui doit être pris, puis de quelle façon on
travaille en collaboration pour la mise en place de ces programmes-là. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Sur ce, encore une fois, au nom de
la commission, merci de votre participation très vivante, très intéressante.
Surtout en fin de journée, c'est très apprécié. Alors cela dit, avant de
conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des organismes qui
n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Sur ce, la commission
ajourne ses travaux. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 2)