Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42-1
(début : 27 novembre 2018)
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Le
miércoles 10 juin 2020
-
Vol. 45 N° 75
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 55, Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d’agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l’enfance et de violence conjugale
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour. Content de vous revoir en petit groupe, c'est une première pour moi,
mais, au moins, on se voit en personne, on n'est pas toujours sur Zoom ou sur
Teams. Alors, bienvenue, tout le monde. C'est un grand plaisir d'être ici ce
matin.
Alors donc, ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite, encore
une fois, la bienvenue. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes
concernées, dans la salle, de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques. La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 55, Loi
modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions
civiles en matière d'agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance
et de violence conjugale.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par
Mme David (Marguerite-Bourgeoys); Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé) est
remplacée par Mme Melançon (Verdun); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)
est remplacée par Mme Nichols (Vaudreuil); M. Fontecilla (Laurier-Dorion)
est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke); M. LeBel (Rimouski) est
remplacé par Mme Hivon (Joliette).
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous débuterons par les
remarques préliminaires puis, par après, nous entendrons M. Sébastien Richard
et Richard Lessard… Roger Lessard, pardon, représentants du regroupement en
faveur de l'abolition du délai de prescription. Cela dit, nous allons débuter
avec les remarques préliminaires. J'invite maintenant la ministre de la Justice
à faire ses remarques préliminaires pour une durée de six minutes. Ah! excusez,
j'avais besoin… vu que M. le député de Chomedey n'est pas présent, on a fait
une redistribution de son temps, qui était très peu, entre les membres
présents. Alors, est-ce qu'il y a consentement? Consentement, ça va. Donc, Mme
la ministre, pour six minutes, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Bien, merci, M. le
Président. Effectivement, à l'instar de vos remarques, je suis très contente de
voir mes collègues de Marguerite-Bourgeoys, Joliette et Sherbrooke en personne,
trois de mes collègues avec qui je travaille sur le comité, également, conjoint
qu'on a mis en place pour l'accompagnement des victimes dans le système de
justice, d'agression sexuelle et de violence conjugale. Naturellement, le
projet de loi aujourd'hui ne découle pas de ce comité-là comme tel, mais
découle de la préoccupation commune que nous avons pour mieux accompagner,
mieux outiller, donner plus d'accès à ces victimes-là dans le système de
justice. Alors, je suis très contente, mesdames, de vous voir avec moi
aujourd'hui pour l'étude de ce projet de loi là qui est également une étude de
projet de loi très rapide, hein, il ne faut pas oublier qu'on l'a déposé jeudi
passé, ça va très vite, mais c'est déjà juste jeudi passé, et on se retrouve
déjà en consultation pour une adoption avec beaucoup de célérité. Alors, je
suis très heureuse de le faire puis je suis très heureuse aussi de la
collaboration de mes collègues de l'opposition pour avoir permis qu'on soit
assises ici à pouvoir entendre des groupes.
D'ailleurs, merci à ceux qui vont pouvoir
nous parler aujourd'hui, de vous être… je sais que c'est une cause qui vous
préoccupe depuis toute votre vie ou presque, donc vous étiez prêts, depuis
longtemps, à venir nous parler, mais, quand même, c'est un délai assez court
pour venir présenter quelque chose devant une commission parlementaire, et je
sais…
Mme LeBel : ...pour avoir
permis qu'on soit assises ici à pouvoir entendre les groupes. D'ailleurs, merci
à ceux qui vont pouvoir nous parler aujourd'hui de vous être... Je sais que
c'est une cause qui vous préoccupe depuis toute votre vie, ou presque, donc
vous étiez prêts depuis longtemps à venir nous parler. Mais, quand même, c'est
un délai assez court pour venir présenter quelque chose devant une commission
parlementaire, et je sais que vous comprenez que c'est dans le but et l'objectif
de mettre cette mesure en place et de pouvoir en fait faire en sorte qu'elle
soit adoptée le plus rapidement possible. Alors, merci également de votre
présence aujourd'hui.
Le soutien aux personnes victimes de ce
type d'actes criminels, M. le Président, est particulièrement complexe. Il faut
le comprendre, les préjudices qui sont subis sont la plupart du temps
invisibles et malheureusement accompagnés de sentiments de honte, de
culpabilité. On doit accepter, on doit cheminer dans cette épreuve que ces
personnes-là ont vécue, et leur fardeau, qu'elles portent trop souvent trop
seules, est difficile, et le chemin vers la guérison peut être très long. Le
cheminement vers l'acceptation, vers la dénonciation, même le dévoilement... Parce
qu'on fait beaucoup la nuance entre le dévoilement et la dénonciation dans nos
discussions. Donc, le fait même de dévoiler, quelquefois, prend beaucoup de
temps, beaucoup de cheminement, beaucoup de travail. Donc, d'en arriver à
dénoncer ou à même porter des recours à la cour, souvent, ça peut être très,
très difficile et très long pour être capable de se rendre jusque-là. Alors,
c'est pourquoi le délai de prescription... Et, surtout, je pense qu'il faut
recadrer la discussion pour tous ceux qui nous écoutent : on parle de
délais de prescription en matière civile. Il faut vraiment préciser qu'en
matière criminelle ces délais n'existent pas. Mais on avait quand même cette
barrière-là du temps en matière civile, qui était un compte à rebours sur un
accès à la justice qui, dans une circonstance particulière comme ce type... et
unique pour ces crimes-là, était un frein, quant à moi, à l'accessibilité.
Donc, le projet de loi n° 55
vise donc une fin très ciblée, on doit le dire. C'est un projet de loi très
circonscrit sur un enjeu très ciblé qui est de mettre fin à ce délai de
prescription là, qui était en matière civile. Donc, l'abolition rétroactive aussi
du délai de prescription est actuellement de 30 ans, retirera également un
obstacle et offrira aux personnes victimes de mieux se faire entendre et de
mieux faire reconnaître leur cause et obtenir reconnaissance et réparation.
Donc, les dossiers seront maintenant jugés au mérite, c'est-à-dire sur le fond
de l'affaire et non pas simplement sur la barrière du passage du temps, et ce
qui donne un meilleur accès. Donc, là, même les personnes dont l'action civile,
ce sont des peut-être technicalités un peu plus pointues du projet de loi, les
personnes dont l'action civile a été rejetée pour la seule raison du délai
prescrit pourront soumettre à nouveau une demande aux tribunaux. Cette mesure
sera en vigueur par contre pour une période de trois ans à partir de l'entrée
en vigueur de la loi puis elle ne permettra cependant pas de rouvrir les
dossiers qui se sont soldés soit par une décision qui n'était pas basée sur le
délai de prescription ou une entente entre les parties.
Le projet de loi n° 55 établit également
que les recours civils doivent être intentés dans un délai de trois ans suivant
le décès de l'auteur ou le décès de la victime. Ce délai ne s'appliquera qu'à
l'égard de la succession de la victime ou de l'agresseur, donc il n'y a pas
de... de temps pour poursuivre l'agresseur direct, mais il y aura un délai pour
poursuivre la succession. On doit trouver quand même dans cette mesure la
justification d'un certain équilibre.
Si nous souhaitons que les victimes
puissent obtenir...
Mme LeBel : ...ou le décès
de la victime. Ce délai ne s'appliquera qu'à l'égard de la succession de la
victime ou de l'agresseur, donc il n'y a pas de... de temps pour poursuivre
l'agresseur direct, mais il y aura un délai pour poursuivre la succession. On
doit trouver quand même dans cette mesure la justification d'un certain
équilibre. Si nous souhaitons que les victimes puissent obtenir justice, nous
pouvons également aller protéger dans une certaine mesure les familles des successions.
Donc, comme je le disais, c'est une question d'équilibre.
Enfin, le projet de loi va introduire une
notion de présentation d'excuses pour toutes les matières civiles, y compris
celles visées par le présent projet de loi. Et ces matières... Ces excuses-là
ne pourront pas être considérées comme un aveu admissible au sens du Code civil
uniquement, et je pense que ça peut être aussi souhaitable, particulièrement
dans les dossiers qui nous préoccupent par l'objet de cette mesure-là
aujourd'hui dans le processus de réparation pour ces victimes, de pouvoir
obtenir des excuses qui sont souvent longtemps attendues.
Donc on a travaillé sur une proposition en
ayant et en gardant en tête les personnes victimes de ces crimes au coeur de
nos préoccupations. Je l'ai mentionné, il est temps d'aller de l'avant. Et je
suis très contente d'entendre aujourd'hui tous ces groupes et d'avoir cette
discussion-là avec mes collègues pour faire progresser rondement cette mesure
qui, je pense, est une mesure qui va contribuer à libérer tous ces hommes et
ces femmes là d'un très lourd fardeau.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, pour quatre minutes, s'il vous plaît.
Mme David : Merci
beaucoup. Bonjour. Bonjour, tout le monde. Bonjour, chers collègues dont je me
suis ennuyée, pour plusieurs, des... fonctions de députés, peut-être pas
toutes, mais la plupart.
Je suis très contente d'être ici ce matin
et de participer... et j'ai tenu à venir ici pour justement participer à ce
moment historique de levée de la prescription. Ça a l'air très technique, comme
la ministre de la Justice l'a dit, mais c'est tout sauf ça.
Pour avoir pratiqué pendant à peu près
35 ans avec un bureau privé de psychologue et avoir fait de la psychothérapie
à long terme, et donc aller au fond des choses, vous n'avez pas idée le nombre
de traumas qui ont ressurgi bien après le 30 ans. Bien après le
30 ans. Il y a quelque chose pour lequel le temps ne passe pas, et c'est
bien un traumatisme. Et, quand on parle de traumatismes... de ceux dont on
parle en ce moment, traumatismes sexuels, entre autres, victimes de violence
conjugale, traumatismes durant l'enfance, le temps n'a aucune emprise sur la
douleur psychologique. C'est ça qu'il faut comprendre. Et ce temps-là ne peut
pas être mis à 29 ans ou 31 ans après le fait.
Et c'est encore plus épouvantable que
d'avoir, après 30 ans... et l'exemple est bien donné. Si ça fait
35 ans par exemple, d'être obligé de justifier comment ça se fait que ça a
pris cinq ans de plus que le 30 ans. Mais le cinq ans, c'est parce que tu
étais en thérapie. Puis là : Bien, comment ça se fait que c'est venu en
thérapie? Puis comment... Le fardeau de la preuve est insupportable pour les
victimes.
Et la ministre vient de le dire, la
ministre de la Justice, un pardon, des excuses, ça a une force des fois
tellement plus que l'argent, tellement...
Mme David : ...de plus que
le 30 ans. Mais le cinq ans, c'est parce que tu as été en thérapie. Puis
là : Bien, comment ça se fait que c'est venu en thérapie? Puis comment...
Le fardeau de la preuve est insupportable pour les victimes.
Et la ministre vient de le dire, la ministre
de la Justice, un pardon, des excuses, ça a une force des fois tellement plus
que l'argent, tellement plus que bien d'autres formes de compensation. Et ça
peut aller jusqu'au lit de mort. Ça peut aller jusqu'à : Je mourrai, et il
ne se sera jamais excusé, ou elle ne se sera jamais excusé. Je mourrai avec
cette douleur impossible qui n'aura jamais été guérie.
Alors, je remercie la ministre de vraiment
nous donner la possibilité, à nous, de travailler sur ce projet de loi, qui est
bien plus que ses six petits articles. Ça fait l'histoire pour les victimes de
traumatisme. Et, en cela, je pense que je suis très, très heureuse... avec mes
collègues des autres partis politiques, on forme une belle équipe, je pense, et
je suis très heureuse de pouvoir participer à ce moment historique. Merci.
• (11 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Mme la députée de Sherbrooke, pour
une minute, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci.
Écoutez, très rapidement, je pense que c'est important de souligner à quel
point, effectivement, c'est un moment historique qu'on est en train de préparer
ici. Je voudrais remercier la ministre d'avoir respecté son engagement à
déposer ce projet de loi là et mes collègues aussi de faciliter l'accélération
du traitement de ce projet de loi là.
C'est vrai que ça ne découle pas
directement du comité qui a été formé et qui est composé de nous quatre, mais,
en même temps, je pense que c'est quand même un élément important pour rétablir
la confiance des victimes envers le système de justice que ce projet de loi là.
Et ça va notamment réparer une inégalité très importante entre les victimes
québécoises et les victimes de d'autres provinces qui avaient, dans la majorité
des provinces, déjà la possibilité de poursuivre au civil sans délai de
prescription. Donc, c'est un gain très important pour les victimes.
Puis je remercie aussi, évidemment, tous
les groupes qui... Même si certains d'entre eux ça fait très, très longtemps
qu'ils sont prêts à venir discuter de cette question-là ici, à l'Assemblée
nationale, ils se sont quand même préparés très rapidement dans les derniers
jours pour envoyer leurs mémoires et venir ici. Donc, je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, pour une
minute, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
:
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de dire à quel point je
suis heureuse que nous puissions entamer cette étape-là vers l'adoption d'un
projet de loi fondamental. Je suis très heureuse que la ministre,
effectivement, ait déposé ce projet de loi là. Je sais que ça lui tenait à
coeur comme ça nous tenait les quatre à coeur. Et c'est un plaisir de pouvoir
collaborer avec les quatre élues réunies ici et ma collègue aussi députée ministérielle,
parce qu'on avance dans un comité sur l'accompagnement des victimes d'agression
sexuelle. Et aujourd'hui c'est quelque chose qui va au-delà de ça, c'est de
restaurer la justice la plus simple à l'égard des victimes d'agression
sexuelle, de violence dans l'enfance ou de violence conjugale pour qu'ils
puissent, sans être sous un chronomètre, un délai, poursuivre au civil s'ils le
souhaitent. Et c'est important de redonner ce pouvoir-là, qu'importe...
Mme
Hivon
:
...des victimes d'agression sexuelle, de violence dans l'enfance ou de violence
conjugale pour qu'ils puissent, sans être sous un chronomètre, un délai,
poursuivre au civil s'ils le souhaitent. Et c'est important de redonner ce
pouvoir-là, qu'importe le moment, aux victimes parce que ça peut faire partie
de leur guérison. Et aujourd'hui j'espère qu'on va s'inspirer grandement de
leur courage. Et ce combat-là, c'est leur combat, et je suis heureuse qu'on le
porte aujourd'hui à l'Assemblée nationale en leur nom.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter nos
auditions. Alors, encore une fois, bienvenue à MM. Richard et Lessard. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé conjoint.
Après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Encore une fois, bienvenue, et la parole est à vous.
M. Richard (Sébastien) :
Merci beaucoup. Alors, en 2010, deux causes célèbres ont éveillé l'opinion
publique quant à l'aberration que constitue le délai de prescription dans des
cas d'agression sexuelle et de violence conjugale, soit celles de
Mmes Shirley Christensen et France Bédard, qui ont perdu leur procès
respectif en première instance pour agression sexuelle pour le seul motif qu'elles
étaient prescrites. Par ailleurs, la quinzaine de recours collectifs contre
plusieurs communautés religieuses ont aussi fait ressortir la nécessité
d'abolir le délai de prescription.
Le 4 avril 2018, notre regroupement a
été formé pour bâtir une coalition d'organismes dont les membres étaient très
pénalisés par l'existence de ce délai de prescription auxquels se sont ajoutés
des avocats sensibles à cette cause. Pour nous assurer que cette fois-là sera
la bonne, nous avons demandé et obtenu de la Coalition avenir Québec, Québec
solidaire et le Parti québécois s'engagent à abolir le délai de prescription
s'ils étaient portés au pouvoir, et ces trois partis politiques ont convenu
d'aborder cet enjeu de manière concertée. Par conséquent, nous tenons à remercier
la ministre de la Justice ainsi que les députées de Sherbrooke et de Joliette
pour avoir respecté cet engagement. Ce sont leurs actions respectives qui nous
conduisent à cette commission parlementaire aujourd'hui.
Dès le dépôt du projet de loi n° 55
le 4 juin dernier, Québec solidaire et le Parti québécois ont réclamé une
adoption rapide de ce projet de loi, soit avant l'ajournement des travaux
parlementaires du 12 juin prochain, ce à quoi s'est joint le Parti libéral
du Québec. Nous tenons à dire que nous souscrivons entièrement à cette volonté
d'adoption rapide et que nous la désirons fortement. Notre raisonnement est
simple : tant que le délai de prescription n'est pas aboli, il existe.
La voix de notre regroupement s'est fait
entendre à plusieurs reprises au cours des dernières années, et nos membres en
ont parlé depuis plus longtemps encore, mais, malgré cela, les avocats des
organisations qui nous sont opposés ont continué à l'invoquer chaque fois que
l'occasion s'est présentée. Je mentionne comme ça l'exemple, les avocats de la
congrégation de Sainte-Croix qui l'ont invoqué devant la Cour suprême du Canada
le 7 novembre 2018, fort heureusement sans succès, ce qui démontre que
cette arme juridique fait encore partie de l'arsenal de nombreux groupes et
personnes en ce moment.
Soyons clairs, nos adversaires sont
puissants. Si l'étude et l'adoption de ce projet de loi devaient être retardées
jusqu'à l'automne, ils bénéficieraient d'une opportunité en or de donner de
lucratifs contrats à des firmes de relations publiques, et autres, qui
n'hésiteraient pas à mettre tous les moyens en place pour que beaucoup de sable
soit mis dans l'engrenage de manière à nuire à l'adoption de ce projet de loi.
Rappelons qu'une agression sexuelle
imposée à un enfant, qu'une dynamique de contrôle coercitif qui conduit une
femme à subir des violences pouvant aller jusqu'à l'homicide constituent des
agressions physiques et psychologiques sévères, en plus d'être cruelles...
M. Richard (Sébastien) : ...tous
les moyens en place pour que beaucoup de sable soit mis dans l'engrenage, de
manière à nuire à l'adoption de ce projet de loi.
Rappelons qu'une agression sexuelle imposée
à un enfant, qu'une dynamique de contrôle coercitif qui conduit une femme à
subir des violences pouvant aller jusqu'à l'homicide, constitue des agressions
physiques et psychologiques sévères, en plus d'être cruelles, ce qui explique
que plusieurs victimes vivent avec des séquelles psychologiques et physiques
permanentes, impactant leur vie à jamais.
Ce genre de traumatisme crée une empreinte
profonde chez les victimes, soit de se considérer comme étant destinées à
n'être rien d'autre qu'une victime, d'être condamnées à subir les humiliations
et les épreuves de la vie en se disant que : Je le mérite probablement et
de s'y résigner.
Nous savons tous que ce n'est pas ainsi
qu'il faut voir la vie, mais encore faut-il que nos institutions établissent des
règles qui permettent de croire que nous méritons mieux et de nous aider à
reprendre du pouvoir sur nos vies. Par conséquent, le système de justice doit
nous dire : Venez, nous allons vous écouter, et si vous nous convainquez,
nous vous donnerons raison. Tant que le projet de loi n° 55
n'est pas adopté, cet accueil bienveillant et équitable de notre système de
justice n'existe pas dans les faits et il est grand temps que cela cesse, car actuellement,
le système de justice dit aux victimes d'agression sexuelle et de violence
conjugale : Ne venez pas nous embêter, vous n'aviez qu'à y penser plus
tôt.
Lorsqu'une femme ou un enfant se fait
agresser sexuellement ou se fait battre, il s'agit d'actes non désirés et
surtout non mérités face à un agresseur, dont le mal-être interne fait en sorte
qu'il ne parvient pas à contrôler ses pulsions de violence et de perversité.
Dans ces circonstances, dans une société juste, une victime doit pouvoir
entreprendre des recours juridiques criminels et civils. Le délai de prescription
fait en sorte que le recours civil est compromis, en établissant une limite
dans le temps pour entreprendre un recours, alors que le Code criminel n'impose
aucune limite de temps. Qu'est-ce qui justifie cette différence? Selon nous,
rien.
Soulignons que l'humiliation de subir des
agressions sexuelles ou des violences conjugales est telle que l'idée même de
mériter d'obtenir justice devant les tribunaux est longtemps absente en nous.
De plus, l'idée de devoir raconter des traumatismes vécus devant les tribunaux
et de subir des contre-interrogatoires souvent très pernicieux et vicieux font
en sorte que lorsque la victime devient prête à entreprendre un recours, le
délai de prescription a fait son oeuvre, peu importe, qu'il soit trois ans,
comme anciennement, ou de 30 ans comme c'est le cas actuellement.
Selon le CRIPHASE, les hommes victimes
d'agression sexuelle attendent en moyenne 35 ans après les faits avant de
demander de l'aide. Lors du premier recours collectif contre la congrégation de
Sainte-Croix, la moyenne d'attente des 206 victimes indemnisées à cette
occasion était de 43 ans.
Dans le cadre du deuxième recours
collectif qui est entrepris contre cette même communauté religieuse, l'âge
moyen des victimes est de plus de 80 ans, ce qui signifie de 65 à
70 ans de silence en moyenne.
De plus, le ministère de la Sécurité
publique nous apprend qu'un homme sur six sera agressé sexuellement au cours de
sa vie, mais que 90 % de ces hommes le seront avant l'âge de 18 ans.
Quant aux femmes, une sur trois sera
agressée sexuellement, mais les femmes sont à risque tout au long de leur vie.
En définitive, cela signifie que 2 millions de Québécoises et de Québécois
subiront des agressions sexuelles, une femme sur 10 sera victime de violence au
cours de sa vie, ce qui fait que ces problématiques...
M. Richard (Sébastien) :
...mais que 90 % de ces hommes le seront avant l'âge de 18 ans. Quant aux
femmes, une sur trois sera agressée sexuellement, mais les femmes sont à risque
tout au long de leur vie. En définitive, cela signifie que deux millions de
Québécoises et de Québécois subiront des agressions sexuelles, une femme sur 10
sera victime de violence au cours de sa vie, ce qui fait de ces problématiques
sociales un véritable problème de santé publique. De plus, au Canada, seulement
22 % des femmes vont porter plainte en violence conjugale, et 5 % en
agressions sexuelles. On oublie également que les agressions sexuelles sont
fréquemment commises en contexte de violence conjugale.
Dans ces conditions, est-il besoin d'en
dire davantage quant à la nécessité absolue d'abolir le délai de prescription
en matière d'agression sexuelle et de violence conjugale afin de lever un des
obstacles majeurs de l'accès à la justice? Nous pensons que non, ce qui signifie
que le temps d'adopter le projet de loi n° 55 est bien arrivé.
D'autant plus qu'en octobre 2010 le
ministre de la Justice de l'époque affirmait à propos du délai de prescription
que la situation était fort préoccupante et que le dossier était à l'étude.
Depuis ce temps, nombreuses ont été les lueurs d'espoir pour les victimes qui
se sont transformées en déception et en découragement, ce qui a été tout
simplement inhumain. Espérons que le dépôt du projet de loi n° 55
deviendra cette victoire fort attendue pour les victimes grâce à une adoption
rapide.
Au Canada, les victimes de la majorité des
provinces ont accès à l'inexistence du délai de prescription en matière
d'agression sexuelle et de violence conjugale. En 2010, nos voisins du Sud ont
aboli la prescription dans 18 États. Aujourd'hui, en 2020, les victimes de 46
États n'ont plus à se soucier de cette barrière juridique. De plus, à la suite
d'une commission d'enquête, l'Australie a éliminé la prescription. Soulignons
que la convention onusienne des droits des enfants, la Déclaration universelle
des droits de l'homme et la Déclaration pour l'élimination des violences envers
les femmes exhortent les gouvernements à mettre en place des dispositifs
juridiques efficients afin d'optimiser l'accès au système de justice et de
faire reconnaître leurs droits pour toutes les victimes. Aussi nous invitons
l'Assemblée nationale du Québec à poser le geste nécessaire pour joindre le
rang en adoptant le projet de loi n° 55 sans délai.
• (11 h 50) •
Rappelons qu'au Québec nos revendications
ont trouvé écho dans l'avis émis par le Protecteur du citoyen dans un avis
publié le 17 décembre 2017. Les recommandations de cet avis étaient les
suivantes : l'abolition pure et simple du délai de prescription en matière
d'agression sexuelle et de violence conjugale; le droit rétroactif
d'entreprendre un recours juridique pour les victimes d'agression sexuelle et
de violence conjugale; la possibilité de pouvoir intenter un nouveau procès
pour les victimes qui ont vu leur demande rejetée à cause du délai de
prescription. Dans ces conditions, sommes-nous satisfaits du contenu du projet
de loi n° 55? Oui.
À cet avis du Protecteur du citoyen se
sont ajoutées les deux motions adoptées unanimement par l'Assemblée nationale à
l'initiative de la députée de Joliette et du projet de loi privé présenté par
la députée de Sherbrooke. À cela, il faut ajouter le comité transpartisan mis
sur pied par la ministre de la Justice. Par conséquent, est-ce que les
parlementaires de la présente législature sont prêts à adopter le projet de loi
n° 55? Nous sommes persuadés que oui.
Par souci de cohérence, nous portons
également à votre attention la nécessité de réviser dans une même visée la Loi
d'indemnisation des victimes d'actes...
M. Richard (Sébastien) :
…écouter le comité transpartisan mis sur pied par la ministre de la Justice. Par
conséquent, est-ce que les parlementaires de la présente législature sont prêts
à adopter le projet de loi n° 55? Nous sommes persuadés que oui. Par souci
de cohérence, nous portons également à votre attention la nécessité de réviser
dans une même visée la Loi d'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Le combat que nous menons en a été un de
longue haleine. Nous pensons qu'au nom de ces efforts, mais surtout au nom de
la dignité humaine et au nom de la valeur fondamentale qui se retrouve dans le
mot «justice», qui se définit comme suit : «Action par laquelle le pouvoir
judiciaire, une autorité, reconnaît le droit ou le bon droit de quelqu'un»…
nous pensons que le temps est venu maintenant d'agir et d'adopter sans délai le
projet de loi n° 55.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment de votre présentation. Nous allons
maintenant débuter la période de questions et d'échanges. Mme la ministre, la
parole est à vous pour 16 min 30 s.
Mme LeBel : Écoutez, merci, M.
le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Je doute que j'aurai
besoin de 16 minutes, parce que c'est quand même… et ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys l'a bien dit, c'est peut-être juste cinq articles, six
articles, mais qui ont un impact majeur. Mais quand même, c'est quand même
assez simple, dans la mécanique de tout ce qu'on est en train… pas simple dans
ses effets, mais pas simple dans la façon de le faire. Donc, je veux bien
recadrer la discussion. Donc, je ne vous demanderai pas si vous êtes satisfait
du projet de loi. Je comprends qu'il répond effectivement… vous y avez répondu,
ça répond et aux enjeux… aboli, rétroactif, droit de… possibilité d'intenter à
nouveau un procès. Je pense qu'on a bien cadré puis on a pris le temps.
D'ailleurs, je veux remercier mes
collègues, qui ont souligné que j'avais effectivement respecté mon engagement
et la motion qui avait été adoptée à l'Assemblée nationale. Je dois vous
souligner que j'aurais préféré le faire bien avant. Ce projet de loi là était
prêt, mais on a perdu quand même presque trois mois de travaux parlementaires,
et je vous avoue que j'étais très soulagée d'avoir l'opportunité de le déposer
avant. Et je ne m'attendais pas à ce qu'on ait l'opportunité de l'adopter si
rapidement. Je le souhaitais, mais je suis encore plus ravie du fait que… de
l'avoir quand même déposé, ce que je considère étant in extremis, dans le sens
du calendrier parlementaire… a fait en sorte qu'on a quand même trouvé
l'espace. Donc, j'en suis ravie.
Je vais peut-être juste me permettre de
vous… d'adresser un seul commentaire de votre mémoire. Vous dites : «Par
souci de cohérence, on porte également à votre attention la nécessité de
réviser dans une même visée la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels.» Je pense que vous avez eu l'occasion de le voir dans le budget qui
a été présenté... le dernier rassemblement d'ailleurs ici à l'Assemblée, avant
l'urgence sanitaire… qui a été présenté, où le ministre des Finances a bien
voulu m'accorder une mesure de 150 millions justement pour la réforme du
régime d'indemnisation de l'IVAC.
Alors, sans vous dévoiler quoi que ce
soit, parce que ce n'est pas dans le processus, on y travaille de façon très
active, et j'espère avoir bientôt l'opportunité de présenter des propositions
qui pourront être soumises à votre regard sur une forme ou une autre. Mais on
sera naturellement super intéressés à avoir vos commentaires, mais on est en
processus, effectivement, de revoir le régime d'Indemnisation des victimes
d'acte criminel qui, même s'il est le plus… je dirais de façon pragmatique, il
est un des plus généreux au Canada, mais de…
Mme LeBel : …mais on sera
naturellement super intéressés à avoir vos commentaires, mais on est en
processus, effectivement, de revoir le régime d'indemnisation des victimes
d'acte criminel qui, même s'il est le plus… je dirais de façon pragmatique, il
est un des plus généreux au Canada, mais de façon pratique, n'atteint pas sa
cible.
Donc, il y a quelque chose qui… quand on a
beaucoup d'argent sur la table et que les effets ne semblent pas être
satisfaisants, c'est qu'il faut se requestionner sur la façon dont on utilise
ces sommes-là et de la façon dont notre système fonctionne. Donc, c'est ce
qu'on est en train de faire. Je veux juste vous dire que la réflexion est sur
la table, et non seulement la réflexion est sur la table, mais on m'a donné les
moyens de mes ambitions dans le dernier budget, et jusqu'à présent le signal
que j'ai eu, c'est que ce budget était maintenu malgré ce que nous venons de
traverser.
Alors, je voulais juste vous... adresser
cette question-là, mais je pense que ma collègue, la députée de Les Plaines,
pourra prendre un peu du temps qui nous reste — il nous en reste pas
mal, d'ailleurs — pour vous adresser quelques questions. Et si vous
avez d'autres commentaires à nous faire, que vous n'avez pas eu le temps de
faire dans vos remarques préliminaires, ça me fait plaisir de vous donner le
plancher pour être capable de continuer à vous exprimer, là, sur cette
question-là, mais je laisse ma collègue, avec votre permission, M. le
Président.
M. Richard (Sébastien) :
Est-ce que je pourrais réagir…
Le Président (M.
Bachand) : Oui, puis juste avant, parce que, si vous ne prenez
pas tout votre temps, je pense que ce serait de bon égard e partager le temps
avec le reste de la députation, parce qu'il y a des gens qui ont travaillé très
fort dans ce dossier-là.
Mme LeBel : Absolument.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. Alors, Mme la…
Une voix
: …
Mme LeBel : Oui, oui. Mais ce
n'est pas…
M. Richard (Sébastien) : M. le
Président, est-ce que vous permettez? Une intervention rapide, s'il vous plaît.
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y. Allez-y. Pardon. Oui.
M. Richard (Sébastien) : Dans
un premier temps, sur le libellé du projet de loi, je tiens aussi à informer
les membres de la commission que tous les bureaux d'avocats qui représentent
les victimes ont tous également regardé très soigneusement ce projet de loi là,
et l'avis est unanime à l'effet qu'il est tout à fait satisfaisant. Donc, je
voulais aussi ajouter cet aspect-là, je pense que c'est important de le
mentionner.
Évidemment, il est certain que…
évidemment, il n'est pas question de faire le débat sur l'IVAC ici, mais je
veux que ce projet de loi là fait en sorte que… et je pense que la députée de
Marguerite-Bourgeoys, vu son expertise, l'a très bien exprimé, la difficulté,
pour une victime d'agression sexuelle, c'est d'en venir à la conclusion que ce
qui est arrivé n'est pas de sa faute et qu'elle est une victime. Et je me
permets d'ajouter que, puisque j'ai présidé le CRIPHASE pendant un certain
nombre d'années, là, l'organisme bien connu en la matière, le fait de prendre
la décision de demander de l'aide, de prendre ensuite la décision d'aller
devant les tribunaux, tout ça est un processus qui est extrêmement complexe à
mener et des fois qui n'aboutit pas. Mais je me permets de faire la remarque
suivante, puis là je prends mon chapeau d'enseignant, là, on parle souvent des
problèmes de comportement dans les classes et les difficultés que notre métier
peut avoir, je veux tout simplement établir que si, on regarde les chiffres que
j'ai mentionnés, sur le 1 sur 6 pour les garçons, dont 90 % avant
18 ans, et 1 sur 3 chez les filles. Quand on est dans une classe de
30 élèves, là, ça en prend juste cinq ou six, là, pour vraiment faire
éclater l'ordre. Et je peux vous dire que, compte tenu de mon propre vécu en la
matière, permettez-moi de dire que je suis capable d'avoir des soupçons assez
précis sur ce qui les amène à avoir ce genre de comportements là. Alors donc,
lorsque je dis, dans le mémoire, que c'est…
M. Richard (Sébastien) :
...chez les filles, quand on est dans une classe de 30 élèves, là, ça en
prend juste cinq ou six, là, pour vraiment faire éclater l'ordre. Et je peux
vous dire que, compte tenu de mon propre vécu en la matière, permettez-moi de
dire que je suis capable d'avoir des soupçons assez précis sur ce qui les amène
à avoir ce genre de comportements là.
Alors donc, lorsque je dis, dans le mémoire,
qu'il s'agit d'un véritable problème de santé publique, je pense qu'il faut
voir ça de façon très, très, très globale et de voir tous les effets
collatéraux qui accompagnent ce genre de choses là, que ce soit dans les
familles ou dans la vie de tous les jours, notamment à l'école, parce que ces
élèves-là ont tellement de colère en eux, qu'ils ont tellement le besoin de
l'exprimer une rage qui est au fond d'eux, qu'ils oublient que l'école est leur
moyen pour eux de s'en sortir. Alors, je pense qu'il serait très important
d'avoir cette perspective-là dans une perspective plus globale parce
qu'invariablement c'est quelque chose qui ferait en sorte qu'on se retrouverait
avec beaucoup moins de victimes.
Soit dit en passant, il y a un organisme
qui s'appelle le SHASE Estrie, dans la circonscription de Sherbrooke, qui...
apparemment, je ne le savais pas, mais il y a beaucoup de maisons de transition
apparemment dans la région de Sherbrooke, et donc ils ont souvent eu l'occasion
de recevoir de ces personnes-là, et ils en sont venus à la conclusion que
50 % des hommes, dans ce cas-ci — parce que, pour les femmes, il
faudrait voir si le chiffre est valable — mais 50 % des hommes
qui se retrouvent incarcérés un jour ou l'autre ont été victimes d'agression
sexuelle dans leur enfance. Donc, on voit qu'à la base une victime devient
aussi une victime du système d'une certaine façon.
Alors donc, je pense que c'est vraiment
important que, comme débat de société, qu'on réalise que ce projet de loi là
est en pas en avant important, je ne saurais le dire avec autant de... avec
beaucoup plus d'éloquence que ce que je tente de faire. Mais je pense qu'il
faut constater que c'est le premier pas d'un ensemble de pas qui doit être
porté pour qu'on fasse en sorte que cette souffrance collective qui existe et
qui est non dite et cachée très souvent puisse enfin éclore et qu'on puisse
vraiment passer à autre chose.
Mme LeBel : Mais
peut-être avant de passer la parole à ma collègue de Les Plaines,
effectivement, vous avez raison, il n'y a personne qui pense que c'est la fin
du chemin ici. C'est quand même une action qui était nécessaire et un pas dans
la bonne direction, puis je pense qu'il faut le dire. D'ailleurs, le comité,
comme je vous parlais tantôt, le comité duquel nous faisons toutes les quatre
partie, qui se penche... bon, c'est sûr qu'on est dans l'accompagnement sous le
système de justice au sens large, se penche aussi sur la question. La réforme
de la loi sur l'IVAC et l'indemnisation des victimes d'actes criminels est
aussi, je dirais, un levier d'action pour permettre l'ouverture. Donc, je
voulais simplement vous rassurer qu'on n'est pas à la fin du chemin, on en est
au début donc. Mais merci de souligner que ce pas-là est quand même un point
important, là, il faut le mentionner.
M. Richard (Sébastien) :
Très important.
Mme LeBel : Mais je vais
laisser ma collègue qui avait quelques peut-être commentaires ou questions à
vous poser.
Le Président (M.
Bachand) : La députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
• (12 heures) •
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci, M. le Président. Mme la ministre. En fait, quand j'ai lu votre mémoire,
vous savez certainement qu'il y a une commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs qui est en cours actuellement. On tire à la fin, là, dans
le rapport qui va être livré bientôt. Évidemment que ça m'a ouvert la porte
quand j'ai lu cette portion-là de votre mémoire. Sans en faire le débat, parce
que ce n'est pas le... on le sait, le projet de loi, il est quand même... je
pense qu'il y a une belle unanimité autour, on va le faire article par article,
on va tous écouter vos recommandations également. Mais, sans en faire le débat
sur l'IVAC, quelles sont les grandes lignes qu'il faudrait... sur lesquelles
il...
12 h (version non révisée)
Mme Lecours (Les Plaines) :
...cette portion-là de votre mémoire, sans en faire le débat, parce que ce
n'est pas le... on le sait, le projet de loi, il est quand même... je pense
qu'il y a une belle unanimité autour, on va le faire article par article, on va
tout écouter vos recommandations également. Mais sans en faire le débat sur
l'IVAC, quelles sont les grandes lignes sur lesquelles il faudrait travailler
éventuellement? Parce que oui, le ministère, il travaille, si vous nous donnez
quelques petits indices, ils vont peut-être justement, là... il va avoir un
mémoire éventuellement, on en convient, mais quelles seraient les grandes
pistes d'action?
M. Richard (Sébastien) : Là,
je mets mon chapeau d'ancien président du CRIPHASE... soit dit en passant, là,
hein, c'est le regroupement québécois des CALACS, la Fédération des maisons
d'hébergement, le Regroupement des organismes Espace et le CRIPHASE, en plus
des avocats éminents que vous savez, Me Marc Bellemare et
Alain Arsenault. Donc, je veux établir que si ces organismes-là se sont
exclus du processus, ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas intéressés, c'est
parce qu'on parle en leur nom.
Mme LeBel : ...dans votre
mémoire, ou ailleurs, ils sont tous nommés.
M. Richard (Sébastien) :
Exact. À partir du moment où une démarche est faite pour décider d'affronter ce
qu'on a tenté de camoufler pendant trop longtemps en pensant qu'on serait
capable de passer à côté de ça sans en... en tentant de l'éviter alors que ce
n'est pas possible... Moi, je n'ai jamais eu à faire avec l'IVAC à titre
personnel, mais j'en connais beaucoup qui ont dû y faire face et ce que je
comprends de ça, c'est que le processus qui se veut simple devenait très
rapidement très compliqué, ne serait-ce que pour avoir accès à un professionnel
pour être... enfin, tous les gens qui sont passés par là, très souvent, étaient
ou pas crus, ou sinon, il y avait beaucoup d'entraves au processus.
Alors, lorsque la ministre dit que c'est
bien beau d'avoir de l'argent, encore faut-il que ce soit fonctionnel dans sa
façon de fonctionner, bien, c'est exactement ça, là, on est exactement là.
Alors donc, c'est pour ça que ce que je vous dirais, bien simplement, c'est que
je pense que l'IVAC... L'IVAC, comme probablement un certain nombre
d'organismes gouvernementaux, qui, des fois, oublient leur mission font en
sorte qu'effectivement, on en oublie la personne qui est au coeur de ça. Et je
pense que de ce point de vue là, la révision sera la bienvenue.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Chapleau, je pense que vous
voulez...
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, merci, M. le Président, c'est un plaisir de vous retrouver en
commission, là, ça faisait un petit moment, même chose pour les collègues, je
vous salue tous et merci de votre témoignage. Moi, je serais peut-être
intéressé, là, peut-être, vous n'avez pas nécessairement abordée, là, mais la
question de l'article... le nouvel article qu'on ajoute au Code civil, le
2 853.1. Donc, l'excuse ne peut constituer un aveu, mais on permet, dans
le fond, le nouveau volet des excuses. Je ne sais pas si vous avez eu
l'occasion peut-être d'avoir une réflexion par rapport à ça. Est-ce que, pour
les victimes, ce volet-là est important, il était demandé? Puis est-ce que ça
peut amener un baume, évidemment, pas réparation complète, mais un certain
baume, là, le fait que ces excuses-là, puis que ça ne soit pas un aveu? Je vais
peut-être vous entendre sur cette portion-là.
M. Richard (Sébastien) :
M. Lessard pourra compléter, mais je veux donner un exemple extrêmement
concret, là, de ça. Le premier recours collectif contre la congrégation de
Sainte-Croix se termine par une entente hors cour, O.K.? Donc là, évidemment,
je fais grâce du processus, j'ai écrit un livre...
M. Lévesque (Chapleau) : ...réparation
complète, mais un certain baume, le fait que ces excuses-là, puis que ça ne
soit pas un aveu, je vais peut-être vous entendre sur cette portion-là du
projet de loi.
M. Richard (Sébastien) :
M. Lessard pourra compléter, mais je veux donner un exemple extrêmement
concret, là, de ça, le premier recours collectif contre la congrégation de
Sainte-Croix se termine par une entente hors cour, O.K.? Donc là, évidemment,
je fais grâce du processus, j'ai écrit un livre là-dessus si jamais ça vous
intéresse, mais je veux tout simplement établir que dans ce processus-là,
lorsqu'arrive le moment où on reçoit nos indemnités, il a été prévu qu'une
lettre d'excuses qui accompagnait ce chèque-là avec la signature du supérieur
provincial de la congrégation. Évidemment, compte tenu que c'était un recours
civil, il n'avait pas le goût d'écrire quelque chose qui allait les incriminer
pour des poursuites au criminel, n'est-ce pas? Alors donc, qu'est-ce qui est
arrivé, bien, c'était quelque chose de tout à fait sibyllin qui avait été
fortement influencé par la firme de relations publiques. Donc, quand on regarde
cette lettre-là, on part à rire, O.K.?
Alors donc, je pense que la
signification... Puis ça aussi, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys en a
parlé, si je me fie à ma propre expérience, si mon agresseur avait accepté de
s'excuser sincèrement, je suis à peu près convaincu que je ne serais pas ici en
ce moment, parce qu'il n'y aurait peut-être même pas eu de recours collectif,
O.K.? Généralement, toutes les entreprises juridiques qui sont prises sont dues
au refus systématique de l'agresseur de reconnaître ce qu'il a fait. Et donc à
ce moment-là, ça devient une réaction en chaîne, alors on va voir des avocats, on
fait... c'est tout ça, là, O.K.? Alors, et évidemment ces gens-là, évidemment,
à partir du moment où l'excuse deviendrait un aveu, donc ils seraient
susceptibles d'être retenus contre eux, bien, c'est certain qu'aussi,
objectivement, ça désincite un peu aussi à exprimer une excuse, hein? Donc, ce
n'est pas banal, là, cet article-là.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Peut-être également, là, sur le délai de trois ans, là, qui va être permis,
dans le fond, avec l'adoption du projet de loi, sur le fait de... les jugements
qui ont déjà eu lieu pour certaines personnes en lien avec, justement, le délai
de prescription qui était passé, puis on permettrait, dans le fond, un retour
sur la chose jugée. Est-ce que, pour vous, ce délai-là, trois ans, est un délai
qui est raisonnable pour... Bon, dans le fond, on s'aligne un peu avec le délai
normal de prescription de trois ans prévu au Code civil. Puis, dans le cas de
la chose jugée, êtes-vous à l'aise avec ça?
M. Lessard (Roger) :
Moi, je trouve que ça a du bon sens, trois ans, là. Premièrement, il n'y a pas
beaucoup de personnes, là, qui sont impliquées, je veux dire qui ont eu un
procès puis qui ont été déboutées à cause du délai de prescription. On en
connaît deux. Je ne sais pas si tu en connais d'autres, toi.
M. Richard (Sébastien) : Bien,
je pense qu'il y a des causes qui n'ont tout simplement pas été amenées devant
les tribunaux parce que les avocats ont dit: On ne perdra pas notre temps.
M. Lessard (Roger) :
Oui, ça ne sert à rien.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parlant justement de ce délai, là, je lisais votre mémoire, ça m'a sidéré de
voir que des gens restent... la moyenne, 43 ans, 45 ans, là, avec ça, là, en
eux, puis, effectivement, donc, il fallait amener, là... du moins, tu sais,
annuler ce délai de prescription là pour pouvoir permettre à toutes ces
personnes-là d'avoir accès aux tribunaux puis pouvoir obtenir justice. Donc,
c'est une révélation.
M. Richard (Sébastien) : Dans
le recours collectif contre les Sainte-Croix, évidemment, on avait... j'ai eu
à, évidemment, échanger beaucoup avec nos avocats, et il y en a un d'entre eux
dont je me fais le...
M. Lévesque (Chapleau) :
…d'annuler ce délai de prescription là pour pouvoir… de permettre à toutes ces personnes-là
d'avoir accès aux tribunaux puis pouvoir obtenir justice. Donc, c'est une
révélation.
M. Richard (Sébastien) : Dans
le recours collectif contre les Sainte-Croix, évidemment, on avait… j'ai eu à évidemment
échanger beaucoup avec nos avocats, et il y en a un d'entre eux dont je me fais
le devoir de signaler… de citer cette… la phrase qui suit, parce qu'évidemment
il en a reçu plusieurs dans son bureau, puis il me disait : Tu sais,
Sébastien, une agression sexuelle, c'est l'assassinat d'une âme, O.K? Le corps
fonctionne, mais l'âme est morte, très souvent. Alors, donc, si vous… si on… je
parlais de pensée globale, là, sur cet aspect-là. Si on s'intéressait au
phénomène de l'itinérance, je suis tout à fait convaincu qu'on ne serait pas
très loin du 100 % de victimes d'agression sexuelle, O.K.? Alors donc,
c'est…
Quand on dit… vous savez… je reviens à
l'exemple que je donnais tout à l'heure par rapport à la classe, O.K.? Vous
imaginez bien que moi, quand je suis… quand j'ai été agressé sexuellement,
c'est certain que j'ai eu les comportements erratiques en classe, là, il n'y a
pas de doute. Qu'est-ce que ça donne concrètement comme résultat? C'est que
tout de suite : Ah, c'est le tannant, ah! c'est celui qu'on va punir, ah!
c'est celui... On ne va jamais se poser la question : Mais pourquoi il a
ça, qu'est-ce qui l'amène à avoir ce type d'action là? Il y a quelque chose qui
ne marche pas.
Or, si le fait qu'à partir de maintenant
on n'aura plus à se buter à ce que j'appelle une technicalité comme le délai de
prescription, le chronomètre, là, on va peut-être pouvoir commencer à parler de
la problématique dans sa globalité plus pointue… Et ne vous cacherai pas que,
moi, je commence à donner des témoignages dans l'école où j'enseigne, là, puis
à chaque fois il y en a un, là, il y en a un ou une qui réagit… O.K. parfait,
là, on vient de détecter quelqu'un. Mais là, encore, faut-il… est-ce que l'agression
sexuelle a lieu dans la famille de l'élève? Si c'est ça, vous imaginez toute la
délicatesse que représente une intervention dans ce contexte-là, n'est-ce pas?
Alors, ce n'est pas… c'est vraiment quelque chose d'extrêmement complexe comme
problématique.
Et c'est pour ça que, comme je vous dis, à
partir du moment où il y a une volonté d'agir et qu'on permet d'éviter de
mettre des freins inutiles comme ce qu'on fait par le projet de loi n° 55,
bien là, on va… vous voyez que déjà, la discussion qu'on a depuis tout à
l'heure, elle ne porte finalement assez peu sur le projet de loi, n'est-ce pas?
Elle parle de la problématique, et ça démontre le besoin que nous avons tous
d'échanger là-dessus pour qu'on puisse sortir de cette complicité du silence qui
existe encore beaucoup trop souvent dans ce genre de situation là.
Et j'ajouterais un dernier élément.
Beaucoup de gens considèrent qu'avec la baisse de pratique religieuse on a
réglé le problème. Faux. Il y a autant d'agressions sexuelles qu'il y en avait
à l'époque des communautés religieuses. C'est juste qu'elles s'expriment par
d'autres personnes. Alors, ça aussi, il faut être très lucides là-dessus. La
notion de prévention faire en sorte que si, lorsqu'un jeune, on constate qu'il
a des problèmes et que tout de suite on aide ce jeune-là et que, grâce à ça, il
ne suicidera pas, il va compléter son secondaire, il va constater rapidement
qu'il n'est pas la cause de ce qui est arrivé. Ces trois ingrédients-là font en
sorte que cette personne-là va pouvoir devenir un adulte normal.
M. Lévesque (Chapleau) : Puis
on va pouvoir sauver son âme, comme vous dites.
M. Richard (Sébastien) : Et on
va pouvoir sauver son âme, comme le dit si bien Luc de Larochellière, dans sa
très belle chanson.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
M. Richard (Sébastien) :
M. Lessard, est-ce que vous permettez…
Le Président (M. Bachand) :
Juste parce que… pour le temps, on va aller…
M. Richard (Sébastien) :
...qu'il n'est pas la cause de ce qui est arrivé. Ces trois ingrédients-là font
en sorte que cette personne-là va pouvoir devenir un adulte normal.
M. Lévesque (Chapleau) : Puis
on va pouvoir sauver son âme, comme vous dites.
M. Richard (Sébastien) : Et on
va pouvoir sauver son âme, comme le dit si bien Luc De Larochellière, dans sa
très belle chanson.
M. Lévesque (Chapleau) : C'est
vrai. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
M. Richard (Sébastien) :
…est-ce que vous permettez?
Le Président (M.
Bachand) : Juste… parce que, pour le temps, on va aller… la
chance de répondre. Oui.
• (12 h 10) •
Mme David : Bien, écoutez, je
trouve ça extrêmement important et intéressant tout ce que vous apportez. Je
voulais revenir sur deux aspects. Un qui me revenait, c'est quand j'ai commencé
ma carrière de professeure à l'université. Un de mes premiers sujets de
recherche, c'était la prostitution juvénile, mais chez les garçons, ce qui
était très peu étudié à l'époque. Très peu.
M. Richard (Sébastien) : Tout
à fait.
Mme David : Et je me souviens
d'avoir passé des nuits dans le parc Lafontaine, parce que c'est là qu'ils se
tenaient pour trouver des clients, évidemment. Je me vois encore, je nous vois
encore assis, moi et mon collègue chercheur. Et c'était la façon de les
rejoindre. Entre des clients, ils venaient nous parler, puis là on faisait des
entrevues qualitatives, quantitatives. Et ce qui m'a le... ce que j'ai toujours
retenu, ce que plusieurs jeunes nous ont dit, jeunes garçons, c'est : Tu
sais, tant qu'à être abusé sexuellement, on est aussi bien d'être payé, hein?
Aussi bien être payé. Au moins je reprends le contrôle. Puis, sais-tu quoi? Je
fais de l'argent avec ça, puis ma nuit, je fais 200 $. Puis là, au moins,
j'aurai choisi l'abus sexuel, d'une certaine façon, et j'aurai fait de
l'argent. C'était une sorte de vengeance.
M. Richard (Sébastien) :
Absolument.
Mme David : Ça, ça s'appelle,
en psychologie, l'identification à l'agresseur. Bien, ils ont compris vite, eux
autres, cette notion-là, ils me l'ont enseignée. Et après ça, quand j'ai vu
beaucoup, beaucoup de jeunes femmes aussi, de tous les âges, mais des jeunes femmes
prostituées ou de toutes sortes, au tribunal de la jeunesse, bien, ce n'est pas
compliqué, c'était à peu près tout le monde qui avait eu des abus sexuels. Et
ces femmes-là étaient comme... effectivement, le corps suivait, mais l'âme ne
suivait plus du tout. Puis pour réactiver cette âme-là, bien, il faut que
quelque chose s'apaise dans cette âme-là.
Mais ce qui m'a frappé dans votre mémoire,
entre autres, là... et les gens, ils ne... C'est dur à comprendre que ça prenne
en moyenne 43 ans pour dire : Bien là, d'abord, peut-être que ça m'a
vraiment, là, beaucoup plus marqué et marqué tous mes choix de vie, beaucoup
plus que je le croyais. Puis après ça, encore faut-il aller en parler. On dit
que, souvent, arriver en thérapie, c'est la moitié du chemin, puis l'autre
moitié, c'est d'accepter pourquoi on a pu venir et qu'est-ce qui nous a fait
mal. C'est d'accepter d'avoir mal aussi, d'avoir très mal. Et quand vous dites
43 ans puis que les gens peuvent avoir plus de 80 ans, moi, je veux
que vous me parliez un peu plus de ces gens que vous avez... ou que vous
fréquentez encore, des gens qui ne sont plus nécessairement très jeunes, mais
dont le passage du temps n'a pas fait d'effet du tout et qui sont aussi
traumatisés qu'avant. Et pourquoi ce projet de loi là va changer quelque chose?
Parce qu'on pourrait dire : 82 ans, franchement, là. Tu as vécu depuis...
M. Richard (Sébastien) : On le
porte depuis longtemps, hein.
Mme David : ...70 ans
avec ça, là, ce n'est pas vrai que ça va te... J'aimerais ça...
Mme David (Hélène) : ...n'a
pas fait d'effet du tout et qui sont aussi traumatisés qu'avant. Et pourquoi ce
projet de loi là va changer quelque chose? Parce qu'on pourrait dire :
82 ans, franchement, là, tu as vécu depuis...
M. Richard (Sébastien) : On le
porte depuis longtemps, hein.
Mme David (Hélène) :
...70 ans avec ça, là, ce n'est pas vrai que ça va te... J'aimerais ça que
vous nous en parliez pour les bénéfices des gens qui sont peut-être un peu
incrédules.
M. Richard (Sébastien) :
Certainement. Lorsque moi, j'ai été agressé sexuellement par mon agresseur, le
discours qui a suivi l'agression était le suivant : Tu es un garçon
exceptionnel, je parle à toi comme si je parlais à un adulte, si tu en parlais,
les autres ne comprendraient pas, donc tu es aussi bien de garder ça, ça va
être notre secret à nous. Donc, ça veut dire que c'est le conditionnement au
silence. Quand ça ne... et ça, dans mon cas, ça s'est fait de façon subtile par
une manipulation, mais certainement que dans votre pratique, vous avez vu des
gens qui ont été conditionnés par l'intimidation puis par la violence,
alors : Tu te tais ou...
Alors donc, briser ce silence-là est
extrêmement complexe parce qu'aussi, par définition, l'agression sexuelle, elle
a lieu dans un endroit clos, sans témoins, alors quand ça a eu lieu, on est
convaincus qu'on est les seuls au monde à qui s'est arrivé. Donc, ça signifie
que lorsqu'on se retrouve en groupe avec des personnes : Ah! Toi aussi?
Ah! Toi aussi? Lequel qui... Donc, ça devient une espèce de découverte de voir
que finalement, ce qui semble être un acte isolé est en fait beaucoup plus
répandu que ce qu'on voudrait.
Alors, quand on est dans un contexte d'une
société laïcisante comme la nôtre maintenant, c'est une chose. Mais quand on
avait le poids de l'Église, comme notre histoire récente l'a subie, moi, je
peux vous dire que je me souviens très bien d'un membre de notre recours
collectif qui, après avoir été agressé, est allé voir ses parents et lui dire
que j'ai été abusé par un religieux. Alors, deux claques sur la gueule. Va-t'en
dans ta chambre. On ne dit pas ça d'un prêtre. Donc, ça veut dire que cette
personne-là avait été agressée par quelqu'un de signifiant, c'est-à-dire un
enseignant qui aurait dû le protéger. Et ses parents décidaient de participer à
cette complicité du silence pour ne pas déshonorer une institution. Ai-je
besoin de vous dire que cette personne-là ne s'en remettra jamais?
Alors donc, c'est pour ça que la...
Alors... Et pour arriver sur les personnes plus âgées, je me souviens très bien
d'avoir rencontré un homme qui m'a dit, c'est un homme qui avait 70 ans et
plus, là, O.K., au moment du premier recours, et il m'a dit : Vous êtes la
première personne à qui j'en parle. Et sa femme était à côté de lui quand il
m'en a parlé. O.K.? Donc, ça signifie qu'il n'avait jamais... Il n'avait
jamais... Vous êtes psychologue. Vous savez très bien à quel point l'intimité,
elle est aussi dans la relation interpersonnelle, n'est-ce pas, au-delà que
dans l'aspect physique de la chose. Alors, imaginez ce manque qu'il y avait
dans cette relation-là. Il n'en avait jamais parlé à ses enfants. Il est venu
en parler à moi pour la première fois. Je l'ai référé à nos avocats. Il ne même
pas été capable de dire ce qui est arrivé à nos avocats. Donc, il n'a pas fait
partie des gens indemnisés. Je pense que, compte tenu de votre pratique, vous
êtes... Je ne fais qu'ajouter à des choses que vous savez déjà, mais je pense
qu'effectivement c'est important de le mentionner.
Mme David : Et plusieurs
de nos collègues qui étaient là en 2017, avec le «Me too», et je me souviens
que ça été... Ça a été vraiment très éprouvant pour toutes les femmes et les
hommes qui ont... qui ont justement dévoilé des agressions...
M. Richard (Sébastien) :
...effectivement, c'est important de le mentionner.
Mme David : Et plusieurs de
nos collègues étaient là en 2017 avec le #metoo, et je me souviens que ça a été
vraiment très éprouvant pour toutes les femmes et les hommes qui ont justement
dévoilé des agressions sexuelles. On parle beaucoup des religieux, mais on
s'est rendu compte, et vous l'avez dit, avec une société plus laïque aussi, il
n'y avait pas que les religieux. Il y a eu... Que dire de l'inceste? Quand vous
dites : Déshonorer une institution, bien, déshonorer une famille aussi,
déshonorer...
Alors, on a beaucoup parlé de reprendre la
liberté de parole puis de s'aider comme ça. Mais, quand vous dites : Il
faut absolument laisser à ces personnes-là le pouvoir de pouvoir se faire
entendre, et tout ça, et vous venez dire : Cette personne-là ne s'est pas
rendue jusque-là, avez-vous l'impression qu'un projet de loi comme ça va
pouvoir peut-être permettre à des gens qui n'ont jamais osé le faire de le
faire plus ou si ce coffre-fort va rester fermé, même à sa femme, ses enfants,
sa famille, parce qu'il s'est fermé probablement à lui-même, ce coffre-fort
aussi? Alors, je voudrais vous entendre là-dessus parce que c'est un peu ça
qu'on cherche à travers ce projet de loi, que des gens puissent enfin libérer
leur propre parole, mais on sait bien qu'il y en a qui vont mourir avec leur
secret.
M. Lessard (Roger) :
Oui, il y en a qui vont mourir, c'est sûr. Moi, je pense que ça va aider
certaines personnes. Par mon expérience, parce que moi... J'aimerais me
présenter un petit peu. Roger Lessard. Je n'ai pas été victime, et souvent les
journalistes ont mis dans le journal que j'étais une victime, mais je n'ai pas
été une victime.
C'est que j'ai pris ma retraite, il y a
10 ans, et j'étais dans l'enseignement, j'étais directeur d'école, et puis
j'ai fait venir un de mes amis pour m'aider, là, à la maison, et j'ai appris
qu'il avait été abusé. C'est un ami d'enfance. Il avait été abusé sexuellement,
quand il était jeune, par le prêtre. Et on a fait une petite enquête puis on
s'est aperçus que le prêtre en avait abusé six dans le petit village. Il avait
été transféré dans un autre village où est-ce qu'il y avait deux autres
victimes, etc.
Ça fait que là j'ai dit : Bien, on va
essayer de voir qu'est-ce qu'il y a pour nous aider, et on s'est vite aperçus
que le délai de prescription était un barrage, et ça, ça fait déjà 10 ans.
Et il y a des personnes qu'on a rencontrées ici. J'ai rencontré
Mme Labrie, j'ai rencontré Mme Hivon, on a rencontré Mme Stéphanie Vallée. On a travaillé là-dessus pendant des années. J'ai
accompagné ces victimes-là, et vous pouvez être sûrs que, les victimes, le plus
grand espoir qu'ils ont, c'est le dépôt de projet de loi, là, de
Mme LeBel, puis je peux vous dire qu'il y en a qui ne dorment presque pas,
là, depuis jeudi passé, et leur plus grande inquiétude, c'est que ça ne soit
pas adopté, là, bientôt...
M. Lessard (Roger) :
...l'ultime et le plus grand espoir qu'ils ont, c'est le dépôt de plus comme
ça, là, de Mme LeBel puis je peux vous dire qu'il y en a qui ne dorment
presque plus depuis jeudi passé et leur plus grande inquiétude, c'est que ça ne
soit pas adopté bientôt.
C'est sûr qu'aux États-Unis... Je voulais
vous parler un petit peu, au niveau des États-Unis, c'est moi qui a sorti les
statistiques, là, dans le mémoire. Quand j'ai commencé à suivre ça, là, en
2010, et je suis ça, là, sur un site Web qui s'appelle Abuse Tracker. C'est une
revue de presse. Il y avait juste 18 États aux États-Unis qui avaient aboli délai
de prescription, parce que si... il y en a 46. Et il y a quelque chose qui se
fait à chaque fois qu'on abolit le délai de prescription aux États-Unis, il y a
une sorte de service d'accompagnement pour les victimes, qui respecte la
confidentialité, etc.
Il y a une publicité qui se fait — dernièrement,
c'était à New York... dans l'État de New York — une publicité qui se
fait, qui dit : Regardez, vous n'êtes plus prescrits. Souvent, des fois,
ils ouvraient une fenêtre ou des choses comme ça. Vous n'êtes plus prescrits,
appelez-nous, etc., parce que, les victimes qui attendent depuis 10 ans, bien
elles vont dire : Qu'est-ce que je fais? je veux dire, moi, je pense qu'il
y a un effet d'entraînement. Je ne dirais pas... je sais que Mme Sonia
LeBel disait qu'il n'y avait pas une trâlée de poursuites, mais c'est sûr qu'il
y a des personnes qui ont vécu des agressions sexuelles, puis n'ont pas voulu
en parler, puis quand ils vont voir qu'il y en a d'autres, ça se pourrait très
bien qu'ils demandent d'avoir accès à la justice pour que leur agresseur soit
confronté.
M. Richard (Sébastien) : Je me
permets d'ajouter un court complément de réponse. Depuis le début de ce
débat-là, et ça, je l'ai dit souvent et je veux le répéter, les médias ont joué
un rôle très important, mais vraiment très important, en permettant à des gens
de témoigner et de se faire entendre. Et, pour un exemple, je vais encore
référer à mon propre vécu, lorsqu'en septembre 2010, l'émission Enquête
à Radio-Canada avait fait un reportage assez complet, là, sur la réalité des
communautés religieuses, auxquelles j'avais participé, dès le lendemain, les
téléphones sonnaient partout, là, O.K.? Chez les avocats, au CRIPHASE, les
organismes pour hommes, là, c'était...
• (12 h 20) •
Donc, pour répondre plus directement à
votre question, je pense qu'à partir du moment où un certain nombre de
personnes vont entamer ce genre de processus là et qu'on verra que comme on est
capables de discuter sur le fond, bien ça veut dire qu'on va pouvoir aller au
fond des choses et que, donc, la victime a la chance d'être reçue et d'être
crue par la cour. Et je pense que cet effet-là va faire en sorte que les autres
vont dire : AH! bien, tiens, peut-être moi aussi, à ce moment-là.
Donc, je pense, c'est l'effet
d'entraînement qui devient très important et c'est d'ailleurs l'intérêt de la
procédure du recours collectif. C'est qu'il y a aussi des gens qui sont prêts à
porter plainte, mais qui sont très mal à l'aise à l'idée de devoir témoigner et
de devoir s'exprimer là-dessus devant... avec interrogatoire et
contre-interrogatoire, parce que ça aussi, ce n'est pas toujours évident.
Alors, à partir du moment où ce recours-là permet de regrouper des gens, bien il
y a des gens qui se sentent à l'aise de pouvoir aussi s'intégrer dans un groupe
qui le fait. Ça aussi, ça brise...
M. Richard (Sébastien) :
...sont prêts à porter plainte, mais qui sont très mal à l'aise à l'idée de
devoir témoigner et de devoir s'exprimer là-dessus devant... avec
interrogatoire et contre-interrogatoire, parce que ça aussi, ce n'est pas toujours
évident. Alors, à partir du moment où ce recours-là permet de regrouper des
gens, bien il y a des gens qui se sentent à l'aise de pouvoir aussi s'intégrer
dans un groupe qui le fait. Ça aussi, ça brise l'isolement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il
vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Vraiment merci d'avoir parlé des dommages collatéraux qui suivent souvent
les agressions sexuelles puis qui se font sentir dès l'enfance puis tout au
long de la vie. J'aimerais ça que vous nous disiez quelles seraient d'après
vous les prochaines étapes, qu'est-ce qu'on devrait faire pour, après
l'adoption de ce projet de loi là, pour mieux soutenir les victimes. Puis est-ce
qu'il y a quelque chose en particulier de votre point de vue pour les victimes
mineures?
M. Richard (Sébastien) : Moi, je
pense que... Je reviens à ce que j'ai dit tantôt, là, votre question me permet
d'approfondir un peu plus. À partir du moment où une victime est conditionnée
au silence après avoir été agressée sexuellement, ça veut dire que c'est le
reste de sa vie qu'on hypothèque. Compte tenu du fait qu'on a une école
obligatoire, ça veut dire que ce jeune-là, on va nécessairement... à l'école,
il va se passer quelque chose. On va voir un changement de comportement, un
changement d'attitude. À une certaine époque, on disait : Ah! C'est la
crise d'adolescence. Bon, d'accord, ce n'est pas ça. D'accord? On s'entend, là,
c'est vraiment autre chose.
Alors à partir du moment où on en vient à
constater ce genre de choses et que là, on s'assure d'avoir sur place des gens
qui ont la formation, parce que... ça aurait été intéressant de discuter de ça
un petit peu plus avant avec la députée de Marguerite-Bourgeoys, mais je peux
vous dire que quand j'étais président du CRIPHASE et quand j'ai moi-même eu
recours à ces services-là, j'entendais beaucoup de gens qui nous
disaient : Enfin, j'ai quelqu'un qui me comprend. Ça veut dire que même
chez les spécialistes des relations d'aide, psychologues, travailleur social et
tout, et tout, il y en a plusieurs qui encore aujourd'hui ne savent pas traiter
une victime d'agression sexuelle. Donc, ça signifie qu'il faut s'assurer d'avoir
des gens qui ont la compétence pour constater, parce que même à l'école.
Comment ça va? As-tu des problèmes de drogue? Est-ce que tes parents vont bien?
On va poser toutes les questions possibles et imaginables. On ne posera jamais
celle-là.
Donc à partir du moment où ça fait partie
de l'ensemble des facteurs possibles et qu'on a des gens compétents pour
dire : il y a ça à détecter, et que tout de suite, on va amener cette
personne-là à consulter quelqu'un qui va lui dire : Regarde, tu es une
victime. Ce n'est pas de ta faute, ce qui est arrivé. Alors là, on va t'aider
puis là, ensuite, on va passer à autre chose. Je suis convaincu que cette
petite phrase-là que je viens de vous dire pourrait sauver des fortunes au
trésor public en procédures juridiques, en incarcération, en hospitalisation,
en médicaments. Je suis absolument convaincu qu'il y a là une manne financière
pour l'État accompagnée d'un énorme bien-être pour les victimes du futur.
Une voix
: ...
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, rapidement, s'il vous plaît
M. Lessard (Roger) :
Le comité que Mme Lebel a mis sur pied, le comité d'experts, j'ai su qu'il
était pour rendre un rapport au mois de septembre?
Mme LeBel : On espère.
M. Lessard (Roger) :
Oui? Bon.
Mme LeBel : Mais on y
travaille très fort, tous les quatre ici, donc.
M. Lessard (Roger) :
Je me posais la question : Ce comité-là, est-ce que... ça va être nouveau
pour eux autres, là, que l'abolition du délai de prescription. Est-ce qu'ils
peuvent...
M. Lessard (Roger) :
...j'ai su qu'il était pour rendre un rapport au mois de septembre?
Mme LeBel : On espère.
M. Lessard (Roger) :
Oui? Bon.
Mme LeBel : Mais on y
travaille très fort, tous les quatre ici, donc.
M. Lessard (Roger) :
Je me posais la question : Ce comité-là, est-ce que... ça va être nouveau
pour eux autres, là, que l'abolition du délai de prescription... est-ce qu'ils
peuvent penser peut-être à un moyen... parce que c'est... on parle d'accueil
des victimes, là, au niveau de ce comité d'experts là... est-ce qu'il y aurait
moyen peut-être qu'il pourrait se pencher sur la possibilité de... je ne sais
pas, une ligne téléphonique ou encore...
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, parce que le temps est écoulé...
Mme LeBel : Bien... Oui, je le
sais, puis je ne veux pas voler... Mais ma collègue aurait pu le faire aussi.
Si on parlait de l'accompagnement des victimes, surtout d'agressions sexuelles,
il y a maintenant Juripop, là, qu'on a mis en place avec la mesure de
2,6 millions. Mais ils se penchent sur l'accompagnement au sens général.
Puis pour nous, le système de justice, tous les quatre, notre définition, ce
n'est pas les tribunaux. C'est le système de justice dans son sens large. Donc,
ça peut peut-être répondre à votre question, mais ma collègue peut en faire un
petit bout.
Je m'excuse, je ne voulais pas vous voler
de votre temps, députée de Sherbrooke.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, mais je dois passer la parole à la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
:
...merci beaucoup. Alors, je suis très heureuse de vous entendre. Vous avez
vraiment été au coeur de ce combat-là, et je suis très heureuse qu'enfin on
passe à cette dernière étape. Il y a eu d'autres étapes avant, mais la boucle
n'était pas bouclée pour aller jusqu'au bout et permettre à tout le monde...
dont ces cas très tristes là font partie.
Je voulais savoir... Très techniquement,
sur la question... Ça a été abordé rapidement par ma collègue... mon collègue.
Mais la question, donc, du trois ans pour la succession, c'est quelque chose
avec quoi vous êtes confortables, et vous n'avez aucune crainte qu'on puisse
échapper... Par exemple, si je pense aux prêtres pédophiles, de ce point de vue
là, la ministre l'a déjà expliqué, mais je veux juste avoir votre niveau de
confort avec ça.
M. Richard (Sébastien) : À
partir du moment où on a l'opportunité de faire ce nécessaire retour en
arrière, c'est ce qu'on voulait. Alors, maintenant, quant à la limite de temps,
bien, c'est sûr que, de toute façon, le temps passant, la probabilité d'y avoir
recours diminue. C'est un aspect mathématique, là. Mais à partir du moment où
l'opportunité est donnée, je pense qu'on fait un pas majeur parce que... Et je
pense que ça englobe l'ensemble des questions qui m'ont été posées jusqu'à
maintenant.
C'est qu'à partir du moment où on donne
l'opportunité, on donne l'opportunité de faire en sorte que, se produisant,
c'est qu'il y ait une discussion publique au travers des médias, et des
discussions qu'on peut tous avoir, pour faire en sorte... «Bien oui, tu peux le
faire. Bien oui, c'est possible. Oui, c'est...» À partir du moment où on dit
ça, là, ne serait-ce que ça, c'est un énorme changement parce que, jusqu'à
encore maintenant, tant que le projet de loi n'est pas adopté, «ah! ça va te
causer du trouble, ne fais donc pas ça, essaie donc d'oublier». C'est ça qu'on
est en train de transformer, là, par le projet de loi n° 55.
C'est le fait de dire : Oui, va rechercher ta dignité, oui, confronte ton
agresseur. Je pense que c'est tout dire.
Mme
Hivon
: O.K.
Puis pour l'aspect... Je veux poursuivre dans la même veine que ma collègue de
Sherbrooke. Vous avez dit de manière très éloquente, puis je pense que c'est
important que ce soit beaucoup plus connu, que... vous diriez qu'il y a un
pourcentage très, très élevé de gens qu'on retrouve incarcérés, itinérants, qui
peuvent devenir violents à leur tour, évidemment, qui ont été victimes de
violence et d'abus sexuel dans l'enfance. Pourquoi...
Mme
Hivon
:
...l'avez dit de manière très éloquente, puis je pense que c'est important que
ce soit beaucoup plus connu que vous diriez qu'il y a un pourcentage très, très
élevé de gens qu'on retrouve incarcérés, itinérants, qui peuvent devenir
violents à leur tour, évidemment, qui ont été victimes de violence et d'abus
sexuel dans l'enfance.
Pourquoi, cette question-là, elle n'est
pas posée, celle que vous dites qui est si importante pour détecter comment va
un enfant? Est-ce que c'est un tabou? Est-ce que c'est un malaise dans la
société? Comment on répond à ça? Puis est-ce que d'avoir des thérapies le plus
rapidement possible serait la mesure à mettre en place ou vous voyez une autre
mesure pour essayer de mitiger les dommages?
M. Lessard (Roger) :
Bien, je pense que dans les... aux États-Unis, là, que j'ai suivi, là, plusieurs
États qui ont aboli le délai de prescription, il y avait toujours soit une
ligne téléphonique ou soit un petit comité pour recevoir, un travailleur
social, bon, avocat, etc., là, et puis qui promettait la confidentialité. Donc,
je pense que... Écoutez, moi, j'ai suivi ça pendant longtemps et puis je parle
juste au niveau de l'Église catholique romaine, là, j'ai fait une règle de
trois avec les pays où ce que c'est qu'il y avait eu une commission d'enquête
ou etc., là, et puis dans certains diocèses aussi en Pennsylvanie, là. La règle
de trois que je fais, je prends la population là-bas de catholiques ou etc.,
là, ici, au Québec, il y aurait 1 000 religieux qui auraient agressé entre
10 000 et 15 000 enfants. C'est des statistiques, d'accord, là, c'est
sûr, c'est des statistiques. Et ces gens-là, la plupart des victimes ne
sortiront pas de l'ombre. Mais, pour ceux qui veulent sortir de l'ombre,
peut-être que Sébastien va en parler, là, au niveau des recours collectifs, il
y en a qui veulent conserver la confidentialité, sur combien qu'il y en a qui
ont sorti...
Le Président (M.
Bachand) : En quelques secondes, si vous voulez répondre, en
quelques secondes.
M. Richard (Sébastien) : Ça va
être très rapide, je vais vous dire bien simplement, je pense que toute
personne humaine a le goût d'être heureuse. Et, à partir du moment où on
déterre quelque chose comme ça qui va nous rendre à nouveau malheureux, ce
n'est pas le fun. Alors, c'est tout simplement pour démontrer que c'est un
passage obligé.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment d'être venus nous voir et nous
présenter votre mémoire, ça a été plus qu'intéressant.
Cela dit, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 17 h 15. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
17 h (version non révisée)
(Reprise à 17 h 15)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour à tout le monde. La Commission des institutions reprend ses travaux.
Comme vous le savez, je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. Rappel du
mandat. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les audiences... les auditions publiques, pardon, sur le projet
de loi n° 55, Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre
imprescriptibles les actions civiles en matière d'agression à caractère sexuel,
de violence subie pendant l'enfance et de violence conjugale. Cet après-midi
nous allons entendre Mme Rachel Gagnon, juriste spécialiste en ce qui
concerne les violences à caractère sexuel et... et, pardon, il me manque un
mot, conjugal. Alors, Mme Gagnon, bienvenue.
Une voix
: Chagnon.
Le Président (M.
Bachand) : Chagnon. Excusez-moi. Chagnon. Désolé.
Mme Chagnon (Rachel) :
...cousine de Jacques Chagnon, d'ailleurs, en passant.
Le Président (M.
Bachand) : Ah bon. Voilà. Alors, je vous laisse la parole pour
10 minutes et, après ça, on aura une période d'échange avec les membres de
la commission. Merci beaucoup d'être présente aujourd'hui. C'est très apprécié.
Mme Chagnon, s'il vous plaît.
Mme Chagnon (Rachel) : Merci
beaucoup. Alors, merci à la Commission des institutions de me permettre de
partager mon enthousiasme face à cette mesure qui, selon moi, constitue une
avancée importante dans les droits des victimes d'agression à caractère sexuel,
de violence subie pendant l'enfance et de violence conjugale. Je vais donc,
dans les quelques minutes qui me sont imparties, partager avec vous les raisons
de cet enthousiasme et tenter de contribuer bien modestement à faire
reconnaître la pertinence de cette mesure-là. Je vais aussi m'entretenir avec
vous rapidement sur ce que je considère pourraient être des mesures
complémentaires qui permettraient à cette mesure-là d'atteindre son plein
potentiel. Ceci dit, je considère en effet que le législateur est sur une bonne
voie, enfin, d'améliorer de façon pérenne l'accès à la justice pour l'ensemble
des victimes, et je vais qualifier, de violence, parce que ça va être moins
long que d'utiliser chaque élément.
Donc, pour les fins de ma présentation, je
tiens par contre à vous préciser que je vais quand même me référer principalement
à la violence conjugale qui constitue mon principal champ d'expertise. Je vais
donc parler davantage des avancées que je vois à l'égard de ce groupe de
victimes là. Donc, je tiens tout d'abord à rappeler qu'en effet la levée de la
prescription pour les recours en responsabilité portant sur les matières pour
les... bon, pour les victimes de violence est un recours qui était attendu
depuis déjà un certain temps, qui a été réclamé par plusieurs membres de la société
civile. Il y a eu une vaste coalition en 2018 qui s'était portée à la défense
de ce projet-là justement. Puis je tiens aussi à rappeler qu'il y a quand même
une doctrine assez unanime qui mentionne à quel point la prescription
extinctive est un obstacle majeur à la capacité des victimes de pouvoir intenter
des procédures civiles en cour de façon efficace...
Mme Chagnon (Rachel) :
...coalition en 2018 qui s'était portée à la défense de ce projet-là justement.
Puis je tiens aussi à rappeler qu'il y a quand même une doctrine assez unanime
qui mentionne à quel point la prescription instinctive est un obstacle majeur à
la capacité des victimes de pouvoir intenter des procédures civiles, en cour,
de façon efficace. Mes collègues Langevin et Desrosiers de l'Université Laval
ont beaucoup écrit sur cette question-là. Elles ont fait un traité, d'ailleurs,
assez important là-dessus. Je ne m'attarderai pas sur ces questions-là.
Je tiens aussi à souligner à quel point
j'apprécie qu'on étende la levée du délai de prescription, non pas seulement à
l'égard des victimes qui ont subi des sévices alors qu'elles étaient mineures,
mais aussi à l'égard des victimes majeures, ce que je considère être une
avancée importante. C'est la reconnaissance que tout comme les personnes mineures,
les personnes majeures peuvent, suite à un préjudice sévère, souffrir d'une impossibilité
prolongée, à pouvoir faire valoir leurs droits devant les juridictions civiles.
On le sait que la jurisprudence, des arrêts de principe de la Cour suprême du
Canada, avait reconnu, à travers, par exemple, le concept de la crainte, la
possibilité qu'il pouvait être impossible pour une personne majeure d'agir
contre son agresseur de façon prolongée suite à certains éléments. Mais on le
sait que la jurisprudence, sur ce point, n'était pas unanime, que certaines
décisions, entre autres de la Cour d'appel du Québec, étaient venues un peu
amoindrir ce que pouvaient faire les victimes en termes de dépôt de recours.
Donc, c'est une très, très bonne chose que cette mesure-là vienne clarifier
l'état du droit et amener toutes les instances au même niveau, à ce plan-là, et
reconnaître, de façon non équivoque, qu'en effet, la crainte d'agir ou
l'impossibilité d'agir pour les victimes de sévices peut faire en sorte
qu'elles pourront prendre un délai de plus de 30 ans, dans certains cas,
avant de pouvoir porter plainte et de pouvoir intenter des recours civils
contre leur agresseur.
• (17 h 20) •
Je vais m'attarder, dans les minutes qui
me sont imparties, surtout sur mes voeux, sur comment on pourrait compléter
cette mesure-là pour en assurer une mise en place optimum. Je pense que cette
mesure-là va envoyer un message fort du gouvernement et du législateur quant à
la place qu'on accorde aux victimes de violence et quant à l'importance qu'a
pour la société québécoise qu'on traite les victimes de violence d'une façon
plus juste et qu'elles aient un accès à la justice plus équitable.
Ceci dit, je pense que, pour que cette
mesure-là ait un impact réel, il faut prendre en considération plusieurs
éléments. Je vais m'attarder sur deux d'entre eux.
J'aimerais rappeler que l'accès à la
justice demeure en soi un obstacle majeur pour les victimes de violence, mais
aussi pour l'ensemble des justiciables québécois, lorsque vient le temps d'intenter
des procédures civiles. On soulignera d'emblée que, bien que les conditions
d'accès à l'aide juridique se soient beaucoup améliorées au cours des dernières
années, la possibilité d'entreprendre un recours en responsabilité civile ou en
responsabilité délictuelle avec l'appui de l'aide juridique demeure extrêmement
limitée.
On peut penser...
Mme Chagnon (Rachel) :
...civiles. On soulignera d'emblée que, bien que les conditions d'accès à
l'aide juridique se soient beaucoup améliorées au cours des dernières années,
la possibilité d'entreprendre un recours en responsabilité civile ou en responsabilité
délictuelle avec l'appui de l'aide juridique demeure extrêmement limitée.
On peut penser que, par ailleurs, c'est
possible pour les victimes de ce type de préjudice là de pouvoir faire affaire
avec les petites créances, qui est une juridiction très accessible. Toutefois,
je tiens à rappeler que les recours aux petites créances plafonnent à
15 000 $ par année, puis, si on regarde la jurisprudence des
dernières années, par exemple différentes décisions à la Cour supérieure du
Québec où des victimes de préjudices sexuels ont porté plainte, les dommages
accordés sont souvent beaucoup plus élevés. Donc... et aussi rendent justice au
fait que ces victimes-là vont subir des dommages profonds et prolongés sur une
longue période de temps, ce qui vaudrait quand même la peine de penser trouver
des mesures pour leur donner un accès facilité aux tribunaux réguliers.
Peut-être, dans leur cas, agrandir un petit peu l'assiette de services offerts
par l'aide juridique pourrait être une option à envisager.
Je tiens à rappeler aussi que la question
de l'exécution des jugements demeure une question sensible. C'est très
difficile pour l'ensemble des justiciables et particulièrement pour ces
victimes-là de pouvoir, une fois qu'elles ont obtenu un jugement favorable,
réussir à obtenir les fonds que la cour leur a octroyés.
Je tiens à souligner une expérience très
intéressante qui avait été mise en place par le ministère de la Justice pour le
recouvrement des créances modestes dont j'aimerais voir les résultats. Je
serais curieuse de savoir comment ça s'est passé. Je voyais une date de fin en
septembre 2020 pour cette expérience-là, mais je considère que c'était vraiment
une idée très intéressante et qui illustre de façon positive la sensibilité que
le ministère de la Justice peut avoir à l'égard de ce problème-là.
Dans les quatre minutes qu'il me reste, je
voudrais aussi rappeler, en ce qui concerne les victimes de violence conjugale,
puis là je vais penser à elles plus directement, que, pour ces victimes-là, le
Code civil pose des problèmes autres que la simple question de la prescription,
et des problèmes auxquels il serait d'ailleurs urgent de remédier. Je pense,
entre autres, et que ce serait une bonne chose aussi pour cette mesure-là, que
le Code civil pourrait contenir une définition intelligible de la violence
conjugale, que ce serait très utile, et pour éclairer la cour sur comment le
projet de loi n° 55 peut s'appliquer à l'égard des
victimes de violence conjugale, mais aussi dans un but d'harmonisation du droit
familial dans le but, justement, de mieux protéger les victimes de violence
conjugale contre leurs agresseurs.
À l'heure actuelle, on le sait, c'est un
enjeu, surtout en matière de garde. Les victimes de violence conjugale ne sont
pas toujours protégées adéquatement contre leurs anciens conjoints violents.
Une étude récente de la Pre Dominique Bernier, en collaboration avec la Fédération
des maisons d'hébergement pour femmes, montre que les juges ont beaucoup de mal
à appréhender la violence conjugale, et on voit des cas malheureux d'octroi de
garde ou de visite à des hommes violents, même si des ordonnances ont été
rendues contre eux. Une décision récente va permettre de mieux prendre en
compte...
Mme Chagnon (Rachel) : ...des
maisons d'hébergement pour femmes montrent que les juges ont beaucoup de mal à
appréhender la violence conjugale, et on voit des cas malheureux d'octroi de
garde ou de visite à des hommes violents, même si des ordonnances ont été
rendues contre eux. Une décision récente va permettre de mieux prendre en
compte ces ordonnances-là, lorsqu'on se situe dans les situations de divorce,
parce que dorénavant, grâce à une modification qui a été faite aux règles de
pratique de la Cour supérieure, les juges vont devoir prendre en compte les
ordonnances qui ont été déposées contre des conjoints violents. Mais ce serait
bon d'avoir une stratégie qui permettrait d'étendre à l'ensemble des cas en
matière familiale ce type de dossier, ce type d'avantage là, ne serait-ce que
de prévenir justement la possibilité pour des conjoints violents de continuer
d'avoir un accès prolongé à leur victime à travers leurs enfants, prévient aussi
de préjudices futurs et évite d'alourdir inutilement les préjudices passés.
Donc, et j'aurai un petit mot pour l'IVAC
aussi, parce que c'est un... bon, toute idée qui permettrait de réformer
l'IVAC, selon moi, est une bonne idée de façon générale, et totale, et absolue.
Mais, ceci étant dit, en ce qui concerne les victimes d'agression à caractère
sexuel, victimes de violence subie durant l'enfance, victimes de violence
conjugale, quand on parle de sévices qui ont eu lieu il y a déjà plusieurs
décennies, on se souvient que, dans certains cas, ces victimes-là ne sont pas
admissibles à l'IVAC, parce que ce n'était pas nécessairement des sévices qui
étaient reconnus par l'IVAC à l'époque où ils ont été posés et que
malheureusement aussi, souvent, leurs agresseurs ne sont pas solvables. Ce qui
fait en sorte que le problème des impacts économiques de leurs sévices perdure
dans le temps.
Donc, je remercie la commission du temps
qui m'a été accordé pour partager avec vous mes quelques idées sur ce projet de
loi. Et je tiens à féliciter la ministre de la Justice pour son initiative que
je trouve très heureuse. Et je la remercie au nom des femmes que je représente
dans mes autres vies et avec lesquelles j'ai l'honneur de travailler
régulièrement. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Parlant de Mme la ministre, Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, Mme Chagnon, Me Chagnon, d'avoir préparé aussi cette
intervention-là rapidement. On est dans un processus qui est très heureux,
c'est-à-dire qu'on a déposé... bon, ce projet de loi là était, je dois le dire,
prêt depuis quelque temps. La COVID a passablement perturbé le calendrier
parlementaire. Et je remercie beaucoup, en tout cas, mon leader surtout et les
membres de l'opposition qui sont présents ici pour le fait qu'on a accepté...
bien, accepté le dépôt, oui, mais surtout qu'on a travaillé toutes et tous
ensemble pour être capables de le faire dans un processus qui est, ma foi, très
accéléré et raccourci. On a déposé jeudi, on a fait le principe vendredi, et on
est ici maintenant en consultations avec un espoir, je pense, bien nourri et
pas farfelu de l'adopter cette semaine. Donc, et je sais que des fois ça
perturbe aussi le calendrier des gens qui doivent intervenir. Mais comme, dans
votre cas, ce sont des enjeux qui vous tiennent à coeur depuis longtemps, je
comprends que la préparation, dans ce temps-là...
Mme LeBel : ...consultation
avec un espoir, je pense, bien nourri et pas farfelu, de l'adopter cette
semaine. Donc... Et je sais que, des fois, ça perturbe aussi le calendrier des
gens qui doivent intervenir. Mais comme dans votre cas ce sont des enjeux qui
vous tiennent à coeur depuis longtemps, je comprends que la préparation, dans
ce temps-là, et peut-être un peu plus aisée à faire. Mais je vous remercie
quand même de votre présence.
Plusieurs belles pistes de réflexion que
vous nous apportez. Je dois dire, ici, que je partage la tribune avec... Bon,
j'ai quatre collègues, ici, mais il y en a trois avec qui je partage
l'initiative du comité qui a été mis en place sur l'accompagnement des victimes
en matière d'agression sexuelle et en violence conjugale, ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys, de Sherbrooke et de Joliette. Donc, je pense qu'elles
vont vous le dire elles-mêmes, mais je pense que je ne m'avance pas trop de
dire qu'on partage, toutes, la préoccupation de faire d'autres avancées en
matière d'accès à la justice pour ces personnes. Et vos pistes de réflexion
vont très certainement alimanter les mesures futures qu'on va pouvoir
réfléchir, et avec le comité et en dehors du comité. Donc, je tiens à préciser,
puis je pense que c'est bon de le dire, que cette mesure-là, elle est très
ciblée, la mesure de la prescription, elle est très circonscrite, elle est très
attendue. Donc... Mais ce n'est pas la fin... la fin du chemin. Je pense que
c'est un pas de plus sur ce chemin-là qu'on va toutes parcourir, là ici,
ensemble.
Donc, merci de vos pistes de réflexion. Je
vais me permettre de parler de l'IVAC, rapidement. Mon collègue, le ministre
des Finances m'a accordé 150 millions pour la réforme de l'IVAC. Ça a été
dans le dernier budget. Je m'avance pour dire que, malgré tous les investissements
que le gouvernement a dû faire et devra encore faire à cause de la pandémie,
naturellement, qui était, on s'entend, imprévue, je n'ai aucune raison de
penser, au contraire, que cette mesure-là ne sera pas mise en place. Donc, on
travaille présentement, je travaille présentement avec mes équipes à une
réforme de l'IVAC. Je le disais ce matin, le régime d'indemnisation des
victimes d'actes criminels est le plus généreux au Canada, mais n'atteint pas
ses cibles, n'atteint pas ses objectifs. Donc, il faut quand même se
questionner sur l'usage de l'argent et la façon dont on le fait. Et c'est ce
qu'on est en train de faire. Donc, je veux, sans vous dévoiler quoi que ce
soit, parce qu'on est dans un processus, je pense que votre préoccupation, on
la partage, que ça fait partie d'un ensemble.
Par contre, je vais peut-être vous
demander parce que... Sur le projet de loi lui-même, là, est-ce que les
mesures... Bien, il est quand même assez simple, on s'entend dans son... dans
ses... Il est... J'allais dire qu'il est complexe et attendu dans ses effets,
mais simple dans son exécution, disons-le comme comme ça, ou dans sa mise en
place, mais est-ce qu'il y a des choses, des mesures? J'imagine que vous êtes
d'accord avec la rétroactivité, vous êtes d'accord avec la levée totale de la
prescription. Est-ce que je peux penser que, sur le projet de loi, lui-même, ça
vous convient?
• (17 h 30) •
Mme Chagnon (Rachel) :
Ah! Moi, j'ai extrêmement... D'ailleurs, c'est une des... J'ai même hésité parce
que, bon, les délais étaient quand même assez courts, puis on veut dire quelque
chose d'intelligent. Et sur le coup, je n'avais rien à dire. Je n'avais rien à
dire. Je me suis dit : Bon, je vais-tu me déplacer jusqu'à Québec pour
dire que je n'ai rien à dire? C'est... Puis là, après ça, je me suis dit :
Ah! C'est quand même un petit... Ça va quand même me sortir de chez nous après
trois mois, mais... Mais, bon, c'est juste pour ça. Dans le fond, je suis ici
juste pour changer d'air...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Chagnon
(Rachel) : ...vous dire quelque chose d'intelligent et, sur le coup,
je n'avais rien à dire. Je n'avais rien à dire. Je me suis dit : Bon, je
vais-tu me déplacer jusqu'à Québec pour dire que je n'ai rien à dire? C'est...
Là, après ça, je me suis dit : Ah! c'est quand même sortir de chez nous
après trois mois. Mais... c'est juste pour ça. Dans le fond, je suis ici juste
pour changer d'air. Non, ce n'est pas vrai.
Mme
LeBel : Je partage votre réflexion.
Mme Chagnon
(Rachel) : Mais ce que j'ai apprécié, puis je peux le souligner, c'est
que ça fait... On est plusieurs universitaires, depuis déjà un certain temps, à
réfléchir sur ces questions-là, puis je pense, entre autres, à mes collègues de
Laval. Et j'apprécie la sensibilité dont on a fait montre dans le fait que tout
ce que mes collègues de Laval ont nommé comme enjeux par rapport au délai de
prescription est répondu. Qu'on parle du délai trentenaire à l'égard des
victimes face à leur agresseur, qu'on parle des fameux délais de trois ans
quand on est face aux successions, le fait qu'on ait pris tout ça en compte,
selon moi, est extrêmement positif.
Et, je le
répète, la jurisprudence n'était pas uniforme, entre autres en ce qui concerne
les sévices subis par des majeurs. Et je trouve que d'éclaircir les tribunaux
là-dessus et de mettre fin à cette espèce de flou, un peu, puis de tentation
vers un certain conservatisme de certains de nos tribunaux sur ces questions-là
me paraît extrêmement heureux. Et je pense que ma collègue Louise Langevin doit
être ravie parce que tout ce qu'elle désirait sur cette question-là, dans le
projet, on le retrouve.
Donc, pour moi,
ce projet-là, dans l'ensemble, je n'aurais rien à en redire. Je verrais
davantage des mesures complémentaires, comme, par exemple, à l'aide juridique,
pour s'assurer que les victimes qui ont des moyens moins importants puissent
quand même mettre en oeuvre les avantages que leur donne la fin des délais de
prescription.
Mme
LeBel : Parfait, c'est bien noté. Je vais peut-être en profiter parce
que j'ai également... je suis également en train de pas juste réfléchir, mais
d'être très active dans une réforme du droit de la famille. J'ai fait la... mon
Dieu, c'est déjà l'année passée... j'ai fait, au printemps dernier, une
consultation, entre autres, sur la parentalité, la conjugalité, donc, et vous
parlez justement de certaines mesures qui recoupent un peu les réflexions du
comité, sans vouloir entrer dans les détails, parce qu'on va laisser le comité,
quand même, réfléchir, le comité qu'on a mis en place avec mes collègues, là,
sur l'accompagnement juridique. Mais je vais parler du droit de la famille
parce que ce que vous soulevez, effectivement, a été soulevé.
Puis peut-être,
je vais profiter de votre présence pour, j'allais dire, «pick a brain», là,
mais sur ce sujet-là particulier. Et vous faites référence au... Bon, souvent,
on a parlé d'aliénation parentale, hein, quand la mère invoquait la violence
conjugale dans une séparation ou dans un divorce, que ça finissait par être une
arme qui se retournait contre elle. On a parlé effectivement... Mais je suis
contente parce que, dans votre mémoire, vous soulignez la modification récente,
depuis juin 2019, des règles de procédure de la Cour supérieure, qui, à tout le
moins... Bon, ce n'est peut-être pas la seule solution, mais ça fait partie des
solutions, puis ça vient déjà faire en sorte qu'il y a une divulgation qui est
faite, à tout le moins. Et cette difficulté, des fois, entre le tribunal
familial et le tribunal pénal, de communiquer, pour toutes sortes de raisons
qu'on est en train d'analyser. Mais, si je parle de la réforme du droit de la
famille lui-même... «la» réforme... elle-même...
Mme LeBel : ...pas la seule
solution, mais ça fait partie des solutions, puis cs vient déjà faire en sorte
qu'il y a une divulgation qui est faite à tout le moins. Et cette difficulté,
des fois, entre le tribunal familial et le tribunal pénal de communiquer pour
toutes sortes de raisons qu'on est en train d'analyser, mais si je parle de la
réforme du droit de la famille lui-même, elle... la réforme, elle-même... Vous
parlez donc peut-être d'introduire une notion ou est-ce qu'on peut peut-être me
donner un peu d'indications, peut-être un peu plus de précisions, même si ce
n'est pas l'objet du projet de loi, mais je vais profiter de votre présence
pour... Ça fait partie de l'élargissement des mesures dont vous parlez, naturellement,
là.
Mme Chagnon (Rachel) : Je vous
dirais qu'en ce qui me concerne, un des enjeux du droit de la famille en ce
moment qui nous pose problème, bon outre le fait que les... malheureusement,
puisque ce n'est pas dans le Code civil, les juges semblent peu au fait de
définition de la violence conjugale qui a été adoptée par le gouvernement du
Québec dans ses plans stratégiques, qui est une définition qui est très
cohérente et qui est reprise maintenant depuis une vingtaine d'années, puis qui
correspond à mon sens, puis pas juste au mien, vraiment à la réalité de la
violence conjugale. C'est-à-dire, une violence coercitive et de contrôle qui se
distingue des autres formes de violence plus situationnelles.
D'une part, il semble y avoir... parce
qu'il semble y avoir une confusion marquée chez les juges entre une violence
qui serait une violence circonstancielle, qui peut exister parce que, bon, les
gens, des fois, ils ne sont pas toujours dans les meilleures dispositions, puis
le divorce est un moment très stressant. Puis on peut voir des conjoints qui
vont agir d'une façon violente, l'un l'égard de l'autre. Ce qui est excusable
dans une... enfin, peut-être pas excusable, mais à tout le moins explicable,
puis qu'on comprend qu'une fois que les personnes ne seront plus ensemble puis
qu'elles vont pouvoir se remettre, il y a un potentiel pour que les choses
aillent mieux.
La violence coercitive et de contrôle qui
est la violence conjugale où là, un des conjoints utilise la violence comme un
outil pour asservir l'autre conjoint, ce n'est pas une violence qui s'améliore
avec la séparation. Au contraire, le moment de la séparation puis le temps
qui... post-séparation empirent la situation. Et malheureusement, les juges,
surtout en ce qui concerne les droits de garde, participent à empirer cette situation-là.
Leur non-compréhension des enjeux font qu'ils permettent au conjoint
violent — puis là, je vais me permettre d'employer le masculin, parce
qu'on est quand même dans des statistiques où le masculin l'emporte largement.
On permet au conjoint violent de conserver une emprise sur sa victime et sur
ses enfants qui sont aussi ses victimes en quelque sorte, en lui donnant des
droits de garde, en lui donnant un droit de visite au nombre, bon... Et là, on
a droit à des... il y a des citations que ma collègue, Dominique Bernier, a
sorti de décisions de juges qui disent : Il ne s'entend pas avec son
employeur, il n'est pas fin avec sa mère, il a battu sa femme, mais il est un
bon père. Regardez, là, on est en 2000 quelque, là, on n'est plus en 1950. Donc
ça, pour moi, c'est un problème, donc, définir la violence conjugale d'une
façon compréhensive pour les juges en matière civile et définir de façon
peut-être un peu plus précise, le meilleur intérêt de l'enfant.
L'idée de faire du meilleur intérêt de l'enfant
un concept valise était une bonne idée en soi. Selon moi, il faut donner une
latitude au juge pour qu'il puisse détermine au cas par cas ce qui constitue le
meilleur intérêt de l'enfant qui est devant lui. Mais c'est problématique que
des juges soient incapables de prendre en compte la compétence parentale d'une
personne violente dans la détermination du meilleur intérêt de l'enfant. C'est
un problème. Quand on arrive à des cas de figure où on dit qu'un homme violent
peut être un bon père, c'est une dichotomie, là, au nom de la prise en
considération de la réelle...
Mme Chagnon (Rachel) :
...déterminé au cas par cas, ce qui constitue le meilleur intérêt de l'enfant
qui est devant lui. Mais c'est problématique que des juges soient incapables de
prendre en compte la compétence parentale d'une personne violente dans la
détermination du meilleur intérêt de l'enfant. C'est un problème. Quand on
arrive à des cas de figure où on dit qu'un homme violent peut être un bon père,
c'est une dichotomie, là, au nom de la prise en considération de la réelle
compétence parentale. Donc... Et le fait que le meilleur intérêt de l'enfant ne
soit pas clairement défini nuit dans ces cas-là, parce qu'on devrait quand même
demander eu juge de prendre en considération s'il y a de la violence à
l'intérieur de la cellule familiale et qui est responsable de cette violence-là
au moment de déterminer ce qui est le meilleur intérêt de l'enfant.
Donc, si on pouvait commencer avec ces
points-là, moi, je pense qu'on serait déjà dans une perspective qui
permettrait, pour les cas de violence familiale et conjugale, d'améliorer vraiment
les choses.
Mme LeBel : On dirait que,
dans le cadre des consultations qu'on a eues, ce sont des commentaires qui sont
revenus beaucoup, le fait que... et c'était traité vraiment... on y opposait la
notion d'aliénation parentale, là, à ce moment-là. Donc...
Mme Chagnon (Rachel) : J'en
aurais beaucoup à dire là-dessus, mais je pense qu'on va manquer de temps.
Mme LeBel : Oui. Mais je pense
que je ne veux pas disgresser trop du sujet, mais comme vous aviez fait... vous
l'aviez mentionné comme étant un ensemble de points d'action, je voulais peut-être
creuser un peu plus. Mais je vais... on va s'arrêter là. Puis, de toute façon,
quand on sera heureusement rendus à parler du droit de la famille, vous aurez certainement
beaucoup de choses pertinentes à nous dire, là, sur ce qu'on pourra proposer à
ce moment-là comme réforme. Mais ça fait partie, encore une fois, de ce
qu'on... ce sur quoi on travaille. Donc, merci beaucoup. Je ne sais pas si mes
collègues de la banquette ministérielle ont des questions.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Les Plaines.
Mme LeBel : Je vais vous
laisser le reste.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Bien, écoutez, moi, je... c'était dans l'ensemble, évidemment, de... C'est vrai
qu'il y a peu d'articles et ils sont très pointus. Par rapport, par exemple, au
fait... le premier article... je vais mettre mes lunettes parce que je ne vois
jamais rien, par rapport au premier article, est-ce que vous êtes à l'aise avec
cette façon de dire : Bon, une excuse n'est pas un aveu? J'imagine que
oui, là. C'est...
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
écoutez, je comprends l'essence de cet article-là. Je pense que c'est un... À
mon sens, je pense que c'est une clarification nécessaire qui va permettre de
faire avancer certains dossiers. Puis en tant que juriste, là, c'est la juriste
qui parle, là, je suis d'accord. Je suis d'accord. Une excuse, ce n'est pas un
aveu. Puis, je me dis, si on le dit clairement, bien, ça va... Parce que les
victimes veulent différentes choses puis, souvent, les victimes veulent surtout
qu'on s'excuse puis qu'on admettre les torts qu'on leur a faits, puis pour des
raisons d'assurance puis des raisons juridiques qui, à mon avis, font obstacle
à la résolution des problèmes puis à la... une véritable aide pour les
victimes, on s'abstient de poser les gestes qui devraient être posés. Là, au
moins, avec ce... Bon, c'est sûr que, sur le coup, je me suis dit : Ah! ça
peut être... Mais c'est parce que, de toute manière, soyons réalistes, en cour,
ça posait un problème. Une victime, de plaider, s'est excusée. Donc, ça ne
marchait pas très bien, déjà, là, en cour, pour les victimes, plaider ça. Et
là, bien là, ça va enlever cet obstacle-là puis ça va peut-être permettre à
certaines victimes qui, de toute façon, ne seraient pas allées en cour,
d'obtenir enfin quelque chose qui leur permet de pouvoir passer à autre chose
puis d'aller vers un processus de guérison.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Justement, c'est ce qu'on disait ce matin avec vos prédécesseurs. C'est ce
qu'ils avançaient...
Mme Chagnon (Rachel) : ...ça ne
marchait pas très bien déjà, là, en cour, pour les victimes, plaider ça, et là,
bien là, ça va enlever cet obstacle-là puis ça va peut-être permettre à
certaines victimes qui, de toute façon, ne seraient pas allées en cour,
d'obtenir enfin quelque chose qui leur permet de pouvoir passer à autre chose
puis d'aller vers un processus de guérison.
Mme Lecours (Les Plaines) : Justement,
c'est ce qu'on disait ce matin avec vos prédécesseurs. C'est ce qu'ils
avançaient, que certainement beaucoup de cas... que c'est ce qu'ils attendent,
en réalité, là.
Mme Chagnon (Rachel) : C'est parce
que le... On est pour un règlement efficace, hein, puis on... De mon
expérience, pour beaucoup de victimes ce n'est pas une question d'argent, c'est
vraiment une question de reconnaissance de ce qu'elles ont subi. Puis ça, si
ça, ça peut aider à faciliter, du côté de l'agresseur, la capacité d'admettre
ses torts, moi, je me dis qu'on va faire un pas dans la bonne direction.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci. Merci beaucoup.
• (17 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) :
...merci. S'il me reste un petit peu de temps... Merci, M. le Président. Merci,
Me Chagnon. C'est un plaisir de vous revoir. On avait eu l'occasion aussi
de nous voir, là, il y a quelques mois.
Peut-être... Vous avez, dans le fond,
parlé d'accès à la justice. Vous avez parlé également, là, de la notion, donc,
de la Cour des petites créances. Puis vous nous disiez, là, peut-être qu'il y
aurait plus d'accessibilité à ce niveau-là pour permettre à certaines victimes,
là, de faire valoir leurs droits, mais vous avez mentionné la contrainte du
15 000 $.
Est-ce qu'il y aurait une voie de passage
par... tu sais, on réfléchit, là, par la Cour des petites créances, essayer de
voir s'il y avait une possibilité, avec certains ajustements, pour ce type de
cas là? Est-ce que ce serait une voie que vous envisageriez ou...
Mme Chagnon (Rachel) : Moi,
j'aurais tendance à essayer d'opter pour... Là, je m'excuse, c'est parce que
j'essaie de mettre la main sur mes sources. Moi, je suis pour le pragmatisme.
Si... Quand on lit la jurisprudence des dernières années, bon, premièrement, on
comprend que ces cas-là, ce n'est pas... on ne parle pas d'une abondance de
cas. En quantité, c'est un nombre limité de décisions, mais, quand même, pour
moi, ça demeure des décisions importantes parce que chaque personne, dans ces
décisions, compte.
Ce qu'on remarque, c'est que les victimes,
particulièrement... Il y a quand même un corpus de décisions intéressantes pour
les personnes qui ont été victimes d'agression ou de sévices, lorsqu'elles
étaient mineures, et qui sont allées en dommages contre leur agresseur. Ce
qu'on constate, c'est que le quantum des dommages reconnus est un quantum qui
est nettement supérieur à ce qu'elles pourraient obtenir aux petites créances.
Bon, après ça, on se dit... on enlève les frais d'avocat, et tout ça. Est-ce
que ça pourrait s'équivaloir en bout de piste? La question se pose.
Ceci dit, c'est vrai que, si on pouvait
avoir une avenue particulière pour ce type de victime là aux petites créances,
où on aurait un plafond peut-être un peu plus élevé pour reconnaître que, quand
on parle de sévices qui se sont prolongés sur une trentaine, une quarantaine
d'années de problèmes de santé, problèmes psychologiques majeurs, recours à des
psychothérapies, on parle quand même parfois de dommages économiques et moraux
non négligeables, de dire : Bien, pour ces victimes-là, lorsqu'on dépose
ce type de cas là, on peut aller vers un plafond un peu plus élevé en gardant
la structure plus légère, plus ouverte et plus facile des petites créances, ça
pourrait être une avenue intéressante.
M. Lévesque (Chapleau) : Puis
est-ce qu'il y a certains cas ou certains dossiers qui se sont...
Mme Chagnon (Rachel) : ...non
négligeable, de dire : Bien, pour ces victimes-là, lorsqu'on dépose ce
type de cas là, on peut aller vers un plafond un peu plus élevé en gardant la
structure plus légère, plus ouverte et plus facile des petites créances, ça
pourrait être une avenue intéressante.
M. Lévesque (Chapleau) : Puis est-ce
qu'il y a certains cas ou certains dossiers qui se sont réglés en Cour des
petites créances? Est-ce que vous avez fait des recherches à ce niveau-là?
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
j'en ai cherché, rapidement, il y a quelques dossiers, mais ils ne sont pas
nombreux les dossiers qui se sont réglés en petites créances. Puis la question
s'était posée par rapport à un dossier en agression sexuelle sur l'expertise
des juges des petites créances pour entendre cette typologie de causes là
aussi. Les juges des petites créances sont plus à l'aise avec des causes un peu
plus classiques, comme le veston dispendieux et... Et ça, c'est une question
qui a été posée. Mais je me dis en même temps que, si on rendait les choses
plus faciles pour les victimes, peut-être qu'on pourrait la développer, cette
expertise-là, aux petites créances. Donc, c'est un petit peu l'oeuf ou la
poule, là, à ce niveau-là.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
au niveau des magistrats qui pourraient peut-être, eux aussi... Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci. Je dois céder la parole à la députée
de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David : Oui. Bonjour, Me
Chagnon, enchantée de vous revoir aussi. Moi, je vais rester dans les
définitions, parce que j'ai pataugé beaucoup, beaucoup là-dedans, la violence
conjugale, dans les définitions, dans le dernier plan d'action en violence
conjugale que j'ai eu le privilège de piloter. Et puis la première chose que
les organismes disaient, c'est : Touchez pas à la définition, sinon on ne
vous parle plus jamais. Je pense que ça se résumait pas mal à ça. Et j'ai très,
très bien compris, là, qu'il fallait distinguer violence contextuelle ou
violence circonstancielle, comme vous dites, et violence intégrée dans un
système de violence. Et je pense qu'on a eu récemment même des séries
télévisées qui ont été très, très claires là-dessus et des cas dramatiques aussi,
tout ça.
Mais, quand on parle de définition, là...
mais là, c'est peut-être... moi, je ne suis pas juriste, hein, alors moi, la
psychologue, je regarde ça, pour une juriste, une excuse n'est pas un aveu,
mais pour une psychologue, une excuse, c'est compliqué aussi, effectivement,
parce que ça a d'autres conséquences, en tout cas. Alors, je n'irai pas
là-dedans, mais pour la définition, là, même le titre, disons, quand on
dit : Loi qui rend imprescriptibles, bon, les actions en matière
d'agression à caractère sexuel, c'est peut-être ce qu'il y a de plus facile,
quelque part, à circonscrire, bien que ça peut être compliqué, de violence
subie durant l'enfance, peut-être qu'on va avoir des petits enjeux de
définition là aussi, et de violence conjugale.
Alors, est-ce que ce titre-là enchâsse,
dans le fond, ces définitions-là ou il faudrait qu'on se torde les méninges
plus ou on prend tout simplement les définitions qui ont été données, j'imagine
ailleurs, dans le Code civil ou je ne sais trop, pour pouvoir... Parce que ça a
l'air d'être un fait acquis dans le titre qu'on sait ce que c'est, une violence
à caractère sexuel, on sait ce que c'est, une violence subie durant l'enfance,
puis on sait ce que c'est, une violence conjugale. Vous, vous dites : Attention,
il faudrait peut-être définir la violence conjugale à la page 2, là, quand
vous dites, bon... Mais c'est dans...
Mme David : ...parce que
ça a l'air d'être un fait acquis dans le titre, qu'on sait ce que c'est, une violence
à caractère sexuel, on sait ce que c'est, une violence subie durant l'enfance
puis on sait ce que c'est, une violence conjugale. Vous, vous dites :
Attention! Il faudrait peut-être définir la violence conjugale à la
page 2, là, quand vous dites... Bon. Mais c'est dans vos ajouts, ça. Ce
n'est pas dans la loi elle-même. Alors, moi, je ne sais plus si je parle de la
loi ou si je parle de d'autres choses, comme a fait la ministre de la Justice
pour dire : Bien, «by the way», parce que vous êtes là, on pourrait
élargir le champ de discussion. Alors, je ne suis même pas sûre que je suis
dans la loi avec ma question de définition ou si je suis en dehors de ce projet
de loi là.
Mme Chagnon (Rachel) :
Disons que, de façon générale, ce qu'on constate quand on regarde la jurisprudence,
il semble y avoir quand même une certaine reconnaissance jurisprudentielle
de... une compréhension, au niveau du droit civil, générale de ce qu'est, par
exemple, une agression à caractère sexuel. Et ce qu'on remarque, c'est que,
dans les causes où les juges ont eu à évaluer ce qu'était une agression à
caractère sexuel, les juges l'ont fait, bon, en reprenant ce qu'on retrouve
dans la jurisprudence criminelle qui explique bien c'est quoi, une agression à
caractère sexuel. Donc, je sentais moins la nécessité pour ce projet de loi de
définir ce concept-là de façon spécifique parce que, quand on regarde la
jurisprudence en droit civil sur ces questions-là puis quand on regarde les
dossiers antérieurs où les tribunaux ont eu à se pencher, justement, sur
l'octroi de dommages en responsabilité civile à l'égard de victimes de violence
à caractère sexuel, la compréhension que les juges ont, ou comment... les
repères des juges pour définir cette violence-là paraissaient assez clairs.
Même chose pour les violences subies
durant l'enfance. En fait, un peu comme la notion de meilleur intérêt de
l'enfant, on pourrait dans un premier temps dire que ce n'est peut-être même
pas une si mauvaise idée que ce ne soit pas défini de façon trop stricte, parce
que ça permet aux juges de pouvoir faire une évaluation au cas par cas, ce qui
s'avérer pertinent et intéressant. Ce qu'on remarque, puis c'est pour ça que
je... Si je reprends, par exemple, l'exemple du meilleur intérêt de l'enfant,
si j'enlève le contentieux des violences familiales, que je l'écarte, que le
mets de côté puis que je regarde comment ce concept-là a été appréhendé par les
juges dans l'ensemble des matières familiales, ce qu'on constate, c'est que les
juges ont utilisé le caractère un peu vague du meilleur intérêt de l'enfant,
vraiment, de manière à coller au plus près au meilleur intérêt de l'enfant qui
était devant eux. Et l'absence d'une définition trop — je m'excuse,
il est tard, je perds mes mots un petit peu — qui serait trop... qui
viendrait encadrer les juges d'une façon un petit peu trop contraignante pour
les juges, permet aux juges de vraiment adapter la définition générale du droit
à la situation qui est devant eux et de faire preuve d'une certaine flexibilité
puis d'une certaine souplesse, ce qui à mon sens n'est pas un mal en soi.
J'étais plus, je pourrais dire, craintive
par rapport à la...
Mme Chagnon (Rachel) :
...permet aux juges de vraiment adapter la définition générale du droit à la situation
qui est devant eux et de faire preuve d'une certaine flexibilité puis d'une
certaine souplesse, ce qui à mon sens n'est pas un mal en soi.
J'étais plus, je pourrais dire, craintive par
rapport à la définition de la violence conjugale, parce que mon expérience,
quand je regarde comment les juges de la Cour supérieure, entre autres,
évaluent la violence conjugale dans les dossiers familiaux, mon impression,
très partagée par plusieurs de mes collègues, c'est que là-dessus, malheureusement,
ils ont raté un petit peu leur coup et que, même s'ils ont quand même des
outils devant eux puis qu'ils ont des avocats qui plaident devant eux puis qui
essaient de les inviter à avoir une certaine compréhension de la violence
conjugale, ça ne semble pas fonctionner d'une manière aussi efficace que ce que
j'ai vu dans la jurisprudence sur les enjeux de dommages, par exemple, pour les
agressions à caractère sexuel, où là les juges semblent avoir une compréhension
que, moi, je qualifierais de claire et pertinente, puisqu'elle correspond à la
mienne, mais bon, maintenant tout est une question de perspective, mais je
présume que la mienne est bonne, j'ose affirmer ça.
Donc, je suis d'accord avec vous que c'est
quelque chose sur lequel il faut garder un oeil, mais par contre je pense que
le projet, en l'espèce, en laissant ouverts ces enjeux-là, donne quand même la possibilité
aux juges d'agir au mieux pour le moment, et, mis à part la question de la
violence conjugale, où là j'ai... comme je vous disais, j'ai des réserves, sur
les autres enjeux, je pense que c'est une... c'est ça, je pense que c'est une
souplesse qui va être favorable aux victimes.
Mme David : Bien, je confesse
mon ignorance et que ce n'est pas mon domaine de faire de la... de comprendre
tous les méandres de la justice, mais ce que je comprends au moins, c'est
qu'ici on est pour passer du 30 ans à l'infini. C'est ça, l'objet. J'imagine
que, même quand c'était 30 ans, toutes ces questions-là se posaient. Pour moi,
c'est nouveau de savoir qu'on pourrait... qu'on pouvait donc aller, à moins
que... c'est parce que... ça soit nouveau, ça aussi, de rajouter "violence
durant l'enfance". Là, j'aurais dû poser la...
Mme LeBel : ...
Mme David : Bon. Alors, si
c'était déjà là... De toute façon, ça a bien dû se poser comme question.
• (17 h 50) •
Une voix
: ...
Mme David : Il ne faut pas?
Alors, excusez-nous, c'est parce qu'on est habitués à interagir de façon un peu
plus informelle, alors... Et donc, si ça existait, on... Mais, comme vous nous
appelez à réfléchir sur la définition de la violence conjugale, c'est ça, la...
c'est pour ça que j'ai moi-même élargi un petit peu. Mais, de toute façon, ce
n'est pas l'objet du projet de loi, qui est juste de passer de 30 ans à
l'infini, comme je dis. Donc, ça, ça a l'air de faire vraiment le consensus de tout
le monde. Moi, j'aime bien vous entendre sur les définitions, parce que c'est
gros, ça, la violence durant l'enfance, c'est énorme. Alors, ça commence où, ça
finit où, puis comment les juges peuvent à leur bon gré définir tout ça? Ça
doit être quelque chose. Mais je n'ose pas aller trop loin non plus, parce que
ce n'est pas l'objet du projet de loi.
Mme Chagnon (Rachel) : Mais je
pense que vous soulevez un bon point puis je pense qu'il y a une vigilance qui
va devoir s'exercer. Mais, en fait, vu que c'est un champ assez vaste, il y aurait
un danger à trop vouloir le circonscrire, ça pourrait justement bloquer les
juges dans leur capacité...
Mme David : ...je n'ose pas
aller trop loin non plus parce que ce n'est pas l'objet du projet de loi.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
je pense que vous soulevez un bon point puis je pense qu'il y a une vigilance
qui va devoir s'exercer. Mais, en fait, vu que c'est un champ assez vaste, il y
aurait un danger à trop vouloir le circonscrire. Ça pourrait, justement,
bloquer les juges dans leur capacité à donner à une victime la compensation à
laquelle elle pourrait avoir droit.
Moi, je pense que, de façon générale, il
faut se fier au gros bon sens des juges jusqu'au moment où on décide que, là,
ils n'en ont pas assez à notre goût. C'est pour ça, je reviens toujours... Sur
la violence conjugale, on est moins dedans. Mais surtout en ce qui concerne les
préjudices subis durant l'enfance, ce qu'on remarque, c'est une grande
sensibilité des juges par rapport à ces questions-là puis une capacité des
juges à bien s'adapter à la victime qui est devant eux.
Mme David : Je vais m'arrêter
là parce que ma collègue veut vous poser une question.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil,
pour deux minutes.
Mme Nichols : Merci. Merci, M.
le Président. Alors, c'est clair, mais on comprend qu'il y a une bonne partie
du travail qui devra se faire dans la réforme du droit familial. Un gros
chantier vous attend, Mme la ministre. Mais hyper intéressant, évidemment, là,
d'entendre tous les commentaires pour la réforme du droit familial.
Vous avez parlé tantôt, vous avez fait
référence... et le député de Chapleau l'a dit aussi, vous avez fait référence
au tribunal, aux petites créances. On sait que c'est 15 000 $, mais
on sait aussi qu'aux petites créances, c'est des représentations sans avocat,
là, c'est de représentations seules, là. Ça prend du courage pour une victime
pour aller faire une demande de dédommagement dans un tribunal civil pour
15 000 $ maximum, sans être représenté par avocat. C'est
impressionnant. Ça fait que je me demande, est-ce qu'on ne pourrait pas prévoir
aussi, peut-être, dans la réforme du droit familial, là, mais de prévoir un
recours directement à la Cour supérieure afin de leur permettre d'être
représentées?
Mme Chagnon (Rachel) : Bien,
moi, je pense que, dans tous les cas de figure, le plus important, c'est de
donner le plus de choix possible aux victimes pour qu'elles puissent aller
selon ce qui les... ce qui leur permet le plus d'aller chercher une certaine
forme de justice. Puis je pense que vous avez raison. Pour certaines victimes,
le fait d'avoir un avocat qui la soutienne, qui puisse être avec elle, serait
vraiment un facteur important. Puis là c'est pour ça qu'il faudrait revoir les
enjeux d'accès à l'aide juridique. Parce que, bien que les victimes ne sont pas
nécessairement toutes des personnes qui sont dans le percentile le moins
favorisé, c'est qu'on parle souvent de personnes qui ont quand même des
revenus. Bien, le revenu médian au Québec n'est pas un revenu si élevé. Par
contre, je vous dirais qu'il y a quand même des organismes d'accompagnement des
victimes qui sont assez présents et une victime pourrait faire le choix de se
représenter elle-même puis pourrait avoir envie de le faire. Ça, ce n'est pas à
exclure non plus. Vous seriez surprise.
Donc, je pense que, dans une perspective
où on veut envoyer non seulement un message fort que, maintenant, on soutient
les victimes, puis qu'on est derrière elles puis qu'on veut qu'elles obtiennent
justice, je pense que d'ouvrir les cartes pour permettre aux victimes,
justement, de choisir le forum auquel elles veulent s'adresser, de la façon où
il y a le moins de contraintes possible. Parce qu'en matière familiale... pour
suivre des femmes victimes de violence conjugale, en matière familiale où là
elles n'ont pas le choix d'avoir affaire avec un avocat, moi, j'ai connu des
femmes qui ont dû renoncer à leur avocat en cours de route parce qu'elles
n'avaient plus les moyens de se l'offrir et qu'elles n'avaient pas accès à
l'aide...
Mme Chagnon (Rachel) :
...choisir le forum auquel elle veut s'adresser, de la façon où il y a le moins
de contraintes possible. Parce qu'en matière familiale... Pour suivre des
femmes victimes de violence conjugale, en matière familiale où là elles n'ont
pas le choix d'avoir affaire avec un avocat, moi, j'ai connu des femmes qui ont
dû renoncer à leur avocat en cours de route parce qu'elles n'avaient plus les
moyens de se l'offrir et qu'elles n'avaient pas accès à l'aide juridique pour
toutes sortes de raisons. Et là c'est terrible parce que, là, elles se
retrouvent sans soutien, à la merci de quelqu'un qui, lui, a toujours accès à
un avocat.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je dois céder... Je cède la parole
maintenant à la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci. Bien,
d'abord, merci de nous aiguiller tout de suite vers des pas supplémentaires
qu'on pourrait franchir pour mieux protéger les victimes, parce que je pense
que tout le monde autour de la table, ici, considère que ça, ici, ce qu'on fait
là avec le projet de loi n° 55, c'est un premier pas.
Vous nous recommandez
d'aller définir la violence conjugale dans le Code civil. J'aimerais
comprendre. Est-ce que vous pensez qu'on devrait le faire dès maintenant dans
le cadre de ce projet de loi là? Est-ce que la définition du plan d'action en
matière de violence conjugale est déjà adéquate, devrait être simplement
reprise, et ce serait l'opportunité de le faire dès maintenant? Ou vous pensez
que ça nécessite une réflexion plus approfondie et que c'est quelque chose
qu'on devrait faire plus tard?
Mme Chagnon
(Rachel) : Moi, je pense que ça vaut la peine d'attendre la réforme du
droit de la famille pour réfléchir à cette question-là parce que c'est clair
que, si on introduit cette définition-là dans le Code civil, elle ne sera pas
seulement utilisée pour les fins de ces mesures-là, elle va être utilisée pour
l'ensemble des enjeux familiaux. Donc, ce n'est pas une mesure que je voyais
pour maintenant.
Si vous me demandiez, là, de
mettre dans le temps quelles seraient mes priorités par rapport à l'avis que
j'ai donné, je pense qu'une réflexion par rapport à l'accès à la justice,
petites créances, aide juridique élargie, pour moi, ça, ça pourrait être une
priorité et que ça pourrait faire partie des mesures complémentaires qui
pourraient être apportées par rapport à ce projet de loi là.
Par ailleurs, je voulais
quand même... Écoutez, on me donnait une tribune, je ne pouvais pas ne pas
profiter de l'occasion pour taper sur ce clou-là, et je pense que... d'autant
plus adéquat qu'une définition de la violence conjugale qui servirait pour
l'ensemble des matières conjugales et familiales serait aussi utile dans le
cadre de ce projet-là.
Mme Labrie : Parfait.
Donc, je comprends que là on devrait plutôt s'orienter, pour améliorer l'impact
de ce projet de loi là, vers l'amélioration de l'accès à l'aide juridique, dans
un premier temps, puis on attend la réforme du droit de la famille pour
définir.
Mme Chagnon
(Rachel) : ...vous demandez de prioriser, là, je le ferais comme ça.
Mme Labrie :
Parfait. Bien, je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il vous
plaît.
Mme
Hivon
:
Oui. Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Donc, aide juridique élargie,
vous voulez dire d'augmenter les seuils ou vous voyez déjà des écueils, à la
représentation, pour ce type de cause là déjà? Ce que j'aimerais que vous nous
disiez, de par votre expérience, c'est : une victime qui, en ce moment,
n'est pas admissible, par exemple, à l'aide juridique... Aussi, là, l'autre
volet de ma question, c'est : elle va se tourner vers un avocat qu'elle va
payer. Évidemment, c'est extrêmement cher. Et est-ce que, dans la plupart des
causes, ce serait un forfait, l'avocat dirait : Si on a gain de cause, la
victime me paiera? Comment vous voyez...
Mme
Hivon
:
...aussi, là, l'autre volet de ma question, c'est : elle va se tourner
vers un avocat qu'elle va payer. Évidemment, c'est extrêmement cher. Et est-ce
que, dans la plupart des causes, ça serait un forfait? L'avocat dirait :
Si on a gain de cause, la victime me paiera. Comment vous voyez que ça
fonctionne pour les victimes qui se seraient tournées vers les tribunaux pour
avoir un recours... un dédommagement au civil?
Mme Chagnon (Rachel) :
Une des choses que je suis allé vérifier au moment où j'ai commencé à préparer
mon intervention, c'était à l'heure actuelle, de quoi ça a l'air, les seuils de
l'aide juridique puis dans quelle mesure ça rejoint une portion intéressante de
Québécois. Donc, je suis allé voir le ministère du Revenu. Ils ont des tartes
super intéressantes où on nous dit, par catégorie, le nombre de Québécois qui
font entre tel, tel, tel revenu. Ce qu'on remarque, c'est qu'avec les nouveaux
seuils, il y a quand même 30 % à 35 % des Québécois qui ont quand
même un accès élargi à l'aide juridique. Bon, moi, c'est sûr que...
Mme
Hivon
:
Gratuitement ou avec contribution.
Mme Chagnon (Rachel) :
Oui. Gratuitement ou avec contribution. Donc, ce qui est déjà... Parce que,
bon, c'est sûr que si on pouvait augmenter encore, je serais encore plus
heureuse. Mais, pour moi, le problème plus immédiat, c'est l'assiette de
services offerts.
Mme
Hivon
:
C'est ça.
Mme Chagnon (Rachel) :
C'est là que le bât blesse en premier parce que, même si on pourrait avoir des
victimes qui auraient un accès plein et entier à l'aide juridique, déposer un
recours en responsabilité civile en demande est extrêmement complexe à l'heure
actuelle. Parce que ce n'est pas d'emblée dans les services offerts, il faut
faire démonstration de la pertinence juridique de son dossier, ce qui rajoute
quand même plusieurs couches de complication. Alors que, si on élargissait
l'assiette de services pour introduire de façon spécifique l'accès pour cette
typologie d'action en dommage là, déjà, ça, ça serait... Dans l'immédiat, ça
serait... Moi, la première chose que j'irais... Moi, j'aimerais en premier voir
un accès automatique à l'aide juridique pour les personnes qui sont en
réclamation en responsabilité civile.
Mme
Hivon
:
Sur le service, sur le fond des choses.
Mme Chagnon (Rachel) :
Oui.
Mme
Hivon
:
Avant la question du seuil.
Mme Chagnon (Rachel) :
Oui, exactement. Puis ensuite, bien, écoutez, nous, de mon côté, j'appartiens à
un groupe de juristes qui quand même plaident depuis des années pour
l'amélioration d'accès économique à l'aide juridique. J'ai été formée à l'aide
juridique. C'est là que j'ai fait mon stage. Je pratique avec... Mes collègues
de travail, quand ils pratiquaient le droit, étaient des collègues qui
pratiquaient avec l'aide juridique. Donc, si on me disait qu'on va permettre à
50 % des Québécois d'avoir accès, je serais ravie.
Mme
Hivon
:
Et je voulais vraiment comprendre. Je voulais bien que vous fassiez ressortir à
quel point c'est difficile même d'avoir une possibilité.
Mme Chagnon (Rachel) :
Oui. Bien, c'était bien de la spécifier parce que, pour moi, le premier
problème, il est là. C'est l'assiette de services qui est un enjeu parce qu'on
va rendre ces recours-là imprescriptibles, ce qui envoie un très bon message.
Par contre, s'il y a des des gens qui veulent avoir... qui veulent déposer des
recours par le biais de l'aide juridique, ce qu'on va leur demander pour
pouvoir réussir à inscrire leur recours avec l'aide juridique, c'est très, très
lourd.
Le Président (M.
Bachand) : Me Chagnon, je vous remercie infiniment de
votre contribution aux travaux de la commission. Comme vous avez pu voir, il y
avait beaucoup d'enthousiasme alentour de la table sur la suite des choses.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 18 heures)
18 h (version non révisée)
Mme Chagnon (Rachel) : ...leur
recours avec l'aide juridique, c'est très, très...
Le Président (M.
Bachand) : Me Chagnon, je vous remercie infiniment de votre
contribution aux travaux de la commission. Comme vous avez pu le constater, il
y avait beaucoup d'enthousiasme alentour de la table sur la suite des choses.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'au 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 18 heures)
19 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 19 h 30)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonsoir. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande bien
sûr à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la fameuse
sonnerie de leur appareil électronique.
Alors, rappel du mandat, la commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 55, la Loi sur le Code civil pour
notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d'agression à
caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance et de violence conjugale.
Ce soir, nous entendrons entre autres la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, mais nous
avons le plaisir d'accueillir ce soir des représentants et représentantes des
centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes de présentation et par après nous aurons un échange entre les
membres de la commission. Bonsoir et merci beaucoup de votre présence. À vous
la parole.
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Bonsoir. Marie-Christine Michaud, porte-parole et coordonnatrice du Réseau des
CAVAC, donc les centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Avant de
commencer, nous voulons remercier la commission de nous entendre ce soir.
Donc, qu'est-ce que le Réseau des CAVAC?
Très rapidement, c'est qu'on offre des services aux personnes victimes, aux
proches, mais également aux témoins d'actes criminels. Ça, ça veut dire environ
185 portes où est-ce qu'ils peuvent venir cogner dans toutes les régions du
Québec, ça veut dire tous les palais de justice du Québec, les bureaux de
police, d'enquêteurs, également la Cour itinérante du Québec et nos sièges
sociaux dans les différentes régions de la province. Ce sont tous des
organismes à but non lucratif.
Notre réseau est gratuit, confidentiel,
et, peu importe l'âge, le genre, l'identité de genre, le type de crime et le
moment où il a eu lieu, que l'auteur de l'acte criminel ait été identifié ou
non, il est très important pour nous que la personne victime ait porté plainte
ou non. On a une collaboration privilégiée avec les procureurs aux poursuites
criminelles et pénales, les policiers, notamment en matière de violence
sexuelle et conjugale.
En 2019‑2020, ce sont près de 66 000
personnes qui ont reçu nos services. Nous avons des équipes multidisciplinaires
composées de criminologues, de travailleurs sociaux, de psychoéducateurs, de
sexologues qui possèdent une expertise en intervention post-traumatique et qui
ont également une connaissance pointue du processus judiciaire. Ils sont formés
pour quoi? Bien, pour évaluer les besoins et intervenir notamment dans le but
de diminuer les conséquences négatives d'un acte criminel.
Enfin, l'intervention des CAVAC auprès des
personnes victimes se fait dans le respect de leurs besoins et surtout de leur
rythme. Elle s'appuie sur leur capacité à gérer leur propre vie et de prendre
leurs propres décisions.
Alors, je cède maintenant la parole à mon
collègue, Dave Lysight, directeur du CAVAC de la Mauricie.
M. Lysight (Dave) : Merci,
Marie-Christine. Bonsoir à vous. Le Réseau des CAVAC ne peut que saluer
favorablement toute initiative qui a trait à l'avancée des droits pour les
personnes victimes. C'est évidemment une avancée quant à leur rétablissement et
à leur sentiment d'être entendues par la société. Par ailleurs, les personnes
victimes ont souvent besoin de se reconstruire avant de trouver la force...
M. Lysight (Dave) : ...toute
initiative qui a trait à l'avancée des droits pour les personnes victimes.
C'est évidemment une avancée quant à leur rétablissement et à leur sentiment
d'être entendues par la société. Par ailleurs, les personnes victimes ont
souvent besoin de se reconstruire avant de trouver la force de pouvoir en
arriver à un certain recours, que ce soit au niveau criminel ou au niveau des
poursuites civiles. Et ce délai, justement, ce moment, pour la personne
victime, lui permet de se reconstruire pour, justement, entreprendre les
démarches de nature civile, là, lorsqu'elles seront prêtes.
Le réseau des CAVAC est donc clairement en
faveur de l'abolition de la prescription pour les actions civiles en matière
d'agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance et de
violence conjugale. Le fait de permettre l'usage de recours civils pour les
personnes visées dans ce projet de loi constitue une possibilité de plus
d'obtenir une réparation et envoie un message social fort, celui qui démontre
une meilleure considération pour ces personnes.
Le projet de loi n° 55
pourra permettre aux personnes victimes de violence à caractère sexuel et de
violence subie durant l'enfance ou en violence conjugale d'avoir accès à des
recours civils pour faire reconnaître leur préjudice subi et obtenir une
réparation, et ce, quel que soit le temps écoulé face au crime.
Le Réseau des CAVAC offre des services aux
personnes victimes de violence dans leur enfance, ce qui nous permet d'observer
et de relever les impacts importants de ces victimisations rendues à l'âge
adulte. À cet effet, le Centre d'expertise et de référence en santé publique du
Québec rapporte que les effets à court et long terme de la maltraitance... ont
des effets, évidemment, sur la santé mentale, physique ainsi que sur le
développement cognitif et neurobiologique, et ce, peu importe la forme ou le
type de violence.
Il est important de souligner que les
diverses conséquences reliées aux différentes formes de crimes touchent à la
fois les personnes victimes, mais également leurs proches, les témoins, donc,
évidemment, toute la communauté. En ce sens, la littérature, mais aussi nos
observations au quotidien avec les personnes victimes montrent à quel point ces
personnes nomment l'importance à la fois de la reconnaissance du crime qu'elles
ont subi, mais aussi et surtout des conséquences qu'elles ont vécues.
Par ailleurs, un des besoins fondamentaux
pour les personnes victimes est le respect du rythme. Si, par exemple, une
personne victime qui, pour une raison ou une autre, décidait de dénoncer, que
ce soit 20, 30, 40 ou 50 ans plus tard suite au crime, le fait de respecter ce
choix, de la croire, malgré le long délai avant une dénonciation, favorisera
assurément ce sentiment d'être entendue, mais aussi celui d'être crue, et
initier graduellement ce...
M. Lysight (Dave) : ...40 ou
50 ans plus tard, suite au crime, le fait de respecter ce choix de la
croire, malgré le long délai avant une dénonciation favorisera assurément ce
sentiment d'être entendu, mais aussi celui d'être cru et initier graduellement
ce rétablissement.
Les CAVAC sont à même d'observer sur le
terrain les différents ravages qui sont occasionnés par les victimisations, notamment
celles qui sont occasionnées chez les personnes victimes d'agressions à
caractère sexuel, de la violence subie dans l'enfance ou de la violence
conjugale. Bien que les préjudices corporels soient, a priori, les plus
visibles des conséquences, notamment psychologiques. Il faut aussi considérer
que les conséquences psychologiques et morales perdurent pendant... peuvent
perdurer, justement, de nombreuses années. À cet égard, le réseau des CAVAC se
questionne quant à la façon dont ces types de préjudices, autres que corporels,
seront reconnus dans le projet de loi.
De plus, le projet de loi semble exclure
certaines infractions criminelles contre la personne n'entraînant pas de
préjudices corporels, notamment le harcèlement, l'intimidation et les menaces,
de même que d'autres comportements dommageables pour la personne victime,
telles la domination, la surveillance, que l'on nomme aussi la violence
coercitive. Nous sommes à même de constater comment ces types d'infractions
laissent des séquelles importantes chez les personnes victimes qui devraient
aussi être considérées à notre avis dans le présent projet de loi. Ainsi, par
exemple, un enfant ayant grandi dans un climat de terreur, dans une famille
dysfonctionnelle ou encore une personne victime de violence conjugale n'ayant
pas subi d'abus physiques ou sexuels, devrait pouvoir se prévaloir également de
recours civil sans délai de prescription.
Par ailleurs, ce projet de loi pourrait
apporter de nombreux bénéfices à ceux qui seront en mesure d'obtenir gain de
cause à la fin de la procédure civile. Cependant, sachant que les poursuites
civiles peuvent être ardues, coûteuses, de longue haleine et que la solvabilité
de la partie défenderesse n'est pas toujours au rendez-vous, n'y aurait-il pas
lieu de réfléchir à d'autres mesures de soutien pour permettre aux victimes
d'accéder à leurs droits, tel un soutien financier par exemple?
Selon nous, il importe que les personnes
victimes puissent avoir recours à de l'information et à différents types de
soutien afin qu'elles puissent être en mesure de faire des choix éclairés en
fonction de leurs besoins. À cet égard, nous pensons qu'il est essentiel que
les divers services déjà en place soient connus, mieux connus également, des
personnes victimes, tel par... par exemple, pardon, les Centres de justice de
proximité, la clinique juridique Juripop et bien évidemment ceux du réseau des
CAVAC, bien entendu pour le volet psychosocial ou le volet de soutien à la
personne. Rappelons que la littérature rapporte que les personnes victimes
jugent important le traitement qu'elles reçoivent des autorités judiciaires. Il
est même plus important pour leur satisfaction que le résultat du processus en
soi...
M. Lysight (Dave) : ...bien
entendu pour le volet psychosocial ou le volet de soutien à la personne.
Rappelons que la littérature rapporte que les personnes victimes jugent important
le traitement qu'elles reçoivent des autorités judiciaires. Il est même plus
important pour leur satisfaction que le résultat du processus en soi.
Je demanderai à Marie-Christine...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Pour conclure, dans le fond, c'est qu'il est certain qu'il reste encore plusieurs
défis sur lesquels se pencher, tels que l'accessibilité, la complexité et les
coûts, mais le réseau des CAVAC estime que ce projet de loi devait être fait et
qu'il répond à la demande de nombreuses personnes victimes qui attendent depuis
longtemps ce type... d'obtenir ce type de reconnaissance. Le message social ici
est d'une grande portée. Il met en lumière que les impacts de ces crimes pour
les personnes victimes dans leur vie adulte sont bien réels et que des recours
pour obtenir réparation sont possibles, peu importe le moment où elles trouvent
la force et le courage de le faire. C'est certainement un pas de plus qui va
leur permettre de libérer leur parole. Merci.
• (19 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment pour votre exposé. Mme la ministre,
vous avez la parole.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, merci d'être présent. On a quand même sur divers sujets
l'occasion d'avoir souvent des interactions et je suis très contente de voir
que vous avez pris... je sais que c'est important pour vous, quand je dis
prendre la peine, là, je le cadre dans des délais très raccourcis. C'est plutôt
ça que je veux mentionner, d'avoir préparé cette présentation-là puis d'être
ici avec nous. Donc, c'est sûr qu'on pourrait avoir la discussion plus large de
l'accès à la justice pour les victimes, mais je pense qu'on est dans un cadre
très précis où c'est un pas dans la bonne direction. Même si je le dis,
moi-même, là, mais je pense que je peux me permettre dans ce cas-là.
Je vais peut-être d'entrée de jeu dissiper
peut-être une interrogation de votre mémoire sur la notion de préjudice
corporel. Je pense que... Je ne veux pas ici qu'on... On pourra en parler plus
à l'article... à l'étude détaillée article par article, mais le projet de loi présentement
ne vient introduire aucune notion. Tout ce qu'on change, c'est le délai de
prescription. Donc, c'était écrit : 30 ans, on écrit : il n'y en a
plus. Bon, ce n'est pas écrit de même, là, mais c'est ça qu'on fait. Et la
notion de préjudice corporel dans le Code civil, elle est très bien cadrée dans
la littérature et dans la jurisprudence comme étant aussi les préjudices
psychiques et psychologiques. Donc, on comprend parfaitement bien que 30, 40,
50 ans plus tard, il n'y a peut-être pas de séquelles physiques, mais il y
a des séquelles psychiques très profondes.
Donc, je veux juste vous rassurer. Un, on
ne change pas cette notion-là qui existe déjà depuis longtemps, avant même...
alors qu'on a changé la prescription en 2013 et qu'elle était à trois ans
avant, et quand... Et depuis longtemps, on réclame le changement de la
prescription, mais cette notion-là, elle est très bien cadrée dans la
jurisprudence. Mais on n'y touche pas de toute façon. On ne touche qu'au délai présentement
dans le projet de loi actuel. Je voulais juste peut-être vous rassurer sur cet
aspect-là.
Je vais peut-être vous entendre sur votre
expérience. Peut-être pour nous... On a eu l'occasion de l'entendre un petit
peu tantôt, mais... sur justement la... pour faire comprendre un peu la
nécessité justement de lever la prescription dans ce type de situation là. Ce
sont des situations très particulières, les situations d'agressions sexuelles,
de violences subies pendant l'enfance et de violences qui sont faites par un
conjoint. Parce qu'on parle de violences faites par un conjoint ou un
ex-conjoint dans l'article. Donc, ce sont des situations qui sont très
particulières et vous en avez...
Mme LeBel : ...justement de
lever la prescription dans ce type, ce type de situations là, qui... Ce sont
des situations très particulières, les situations d'agression sexuelle, de
violences subies pendant l'enfance et de violences qui sont faites par un conjoint,
parce qu'on parle de violences faites par un conjoint ou un ex-conjoint dans l'article.
Donc, ce sont des situations qui sont très particulières, et vous en avez parlé
tantôt, vous avez dit que ces victimes-là, «il était important de respecter le
rythme» — je cherchais la phrase, parce que je la trouvais
extrêmement intéressante — que, «par ailleurs, un des besoins
fondamentaux pour les personnes victimes est de respecter le rythme avec lequel
elles avancent dans leur rétablissement.» Est-ce que je me trompe en pensant
que, même quand on se tourne vers les CAVAC, des fois, on n'est pas toujours
prêt à porter plainte, que ce soit au criminel ou au civil, on n'est pas prêt à
aller devant les tribunaux, on a déjà... Je pense que c'est déjà une démarche très
complexe qui fait qu'on arrive chez vous, déjà, de se l'admettre ou d'être
capable d'en parler. Donc, est-ce que vous pouvez peut-être juste nous cadrer
un peu ce cheminement-là qui fait que c'est pertinent de ne pas avoir de délai
de prescription et que même le délai de 30 ans, peut-être, n'y répondait pas?
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Bien, la littérature nous dit que de façon générale on sait qu'en ce qui
concerne les agressions sexuelles, ce n'est pas la... la majorité des
agressions sont faites par une personne de notre entourage qu'on connaît, donc
pas par un inconnu. Si on parle en termes de violence conjugale, il y a le lien
amoureux, une personne qu'on a aimée, donc, également tous les proches, les
personnes qui sont impliquées. Donc, on pourrait penser... Si on parle ici d'un
enfant qui a vécu de la maltraitance pendant de nombreuses années, donc on
parle ici de la famille, etc. Donc, on pourrait supposer qu'une des raisons qui
font en sorte que c'est tellement difficile, c'est que c'est le lien, c'est la
peur, peut-être, bon, que ce soit d'avoir des représailles, mais la peur aussi
que les gens ne nous croient pas, parce que c'est nos proches, la peur de faire
mal. Donc, tout ça fait en sorte... Et on a aussi des personnes victimes qui
vont peut-être essayer de le dire, mais qui ne sont pas nécessairement
entendues, parce qu'on s'entend que ça arrive souvent que c'est difficile, des
fois, de croire — l'entourage — qu'une telle chose peut
arriver, parce que c'est dans la sphère privée.
Donc, de penser qu'à un moment donné, pour
toutes sortes de raisons, que ce soit une reviviscence ou que quelqu'un est au
courant qu'il y a des services... Mais c'est logique de pouvoir penser que ça
peut prendre des années avant que quelqu'un se dise: C'est correct, je vais en
parler. Et c'est pour ça, quand on me parle de l'importance des services — et
puis vous avez dit quelque chose de très important: Quand les gens ont le
courage de venir nous rencontrer... — et qu'on dit pourquoi c'est tellement
important de venir nous voir, qu'on porte plainte ou non: c'est que, des fois,
juste de libérer la parole, que ce soit avec nous ou un autre organisme,
CRIPHASE, SHASE, les CALACS, etc., bien, le fait de pouvoir se déposer, en
parler fait en sorte que la personne se sent entendue, et, juste de sentir, de
savoir qu'on la croit, on l'écoute et qu'on lui donne à ce
moment-là — un autre besoin tellement important — de l'information...
Le fait d'avoir de l'information sur différentes options, c'est elle qui va
pouvoir prendre cette décision-là après, qui va faire des choix éclairés.
Donc, ça peut expliquer que, oui, peut-être
qu'il va y avoir une personne...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
...on l'écoute et qu'on lui donne, à ce moment-là, un autre besoin tellement
important, de l'information. Le fait d'avoir de l'information sur différentes
options, c'est elle qui va pouvoir prendre cette décision-là après, qui va
faire des choix éclairés.
Donc, ça peut expliquer que, oui,
peut-être qu'il va y avoir une personne qui va vouloir dénoncer tout de suite,
mais ça peut expliquer aussi qu'il n'y a pas de cas de figure unique. Chaque
personne a ses besoins. Et ce rythme-là est une chose très, très difficile non
seulement... bien, peut-être pour la personne elle-même, parfois même pour les
intervenants, mais les proches. Et c'est pour ça aussi qu'il faut donner de
l'aide aux proches, les sensibiliser, pour faire en sorte que la personne qui
vit ça puisse, dans le fond, enfin faire un choix, c'est-à-dire décider quand
elle, elle veut faire un pas plus loin puis si c'est aussi ce qu'elle veut.
Donc, je ne sais pas... je vais laisser poursuivre...
M. Lysight (Dave) : Puis
l'être humain est aussi complexe, à la fois dans le sens qu'il a cette capacité
d'enfouir, hein, de très grands traumatismes. Ce n'est pas rare d'avoir...
d'accueillir dans nos bureaux au quotidien des personnes victimes qui ont
sûrement vécu de la maltraitance dans l'enfance ou étaient témoins des enfants dans
une relation... dont les parents étaient en relation en violence conjugale, que
ça resurgit parce qu'il y arrive un élément stresseur dans leur vie. Par
exemple, on a qu'à penser actuellement à la période actuelle qu'on peut vivre
au niveau de la COVID. Ça peut être aussi, parfois, dans certains cas, les
fermetures d'usine. On peut voir certains hommes qui ont enfoui pendant des
années ce lourd fardeau, et là il y arrive plusieurs éléments stresseurs et,
hop, ça peut ressurgir, là. C'est des situations, là, qu'on est à même de
constater au quotidien.
Puis, effectivement, je crois que
l'abolition du délai est vraiment des plus favorables, puisqu'il n'y a pas...
ce n'est pas une panacée en soi, mais c'est d'offrir un éventail de possibles
supplémentaires à ces personnes-là.
Mme LeBel : Bien, je vais
rebondir là-dessus parce que je pense que c'est important aussi de l'expliquer
puis peut-être aussi dans la réflexion beaucoup plus large qu'on fait sur les possibilités
du système de justice. Puis justice ne rime pas avec judiciarisation nécessairement
puis je pense que ces ça qu'il faut... c'est là-dessus qu'on a la réflexion
ici, tous les quatre. Puis je ne veux pas passer... exclure de mes collègues,
mais avec mes collègues de... Marguerite-Bourgeoys, merci, Sherbrooke et
Joliette, donc c'est d'élargir notre réflexion. Et je veux peut-être vous
amener à rebondir là-dessus un peu puis... Ce n'est pas pour tout le monde, ou
ce n'est pas le choix ou la volonté de tout le monde, de poursuivre au civil ou
même d'accuser au criminel. Est-ce que je me trompe?
M. Lysight (Dave) : Non, pas
du tout. Dans certains cas, ça peut être, justement, des rencontres qu'on va
faire avec la personne pour l'informer de l'existence de l'IVAC, justement,
entre autres, de pouvoir l'accompagner à travers ce processus-là aussi, puis ce
n'est pas nécessaire d'avoir eu un recours quelconque, là, que ce soit criminel
ou civil. Mais, effectivement, je suis d'accord, ce n'est pas nécessairement
à...
M. Lysight (Dave) : ....pour
l'informer de l'existence de l'IVAC, justement, entre autres, de pouvoir
l'accompagner à travers ce processus-là aussi, puis ce n'est pas nécessaire
d'avoir eu un recours quelconque, là, que ce soit criminel ou civil. Mais effectivement,
je suis d'accord, ce n'est pas nécessairement à travers nécessairement un
processus ou quoi que ce soit, je crois que c'est d'offrir, justement, cet
accès à la personne, la liberté aussi de pouvoir avoir des choix
supplémentaires.
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Oui. C'est vraiment un grand «empowerment». On peut penser que ces
personnes-là, souvent, n'ont pas eu la parole ou n'ont pas pu parler, et là,
enfin, il y a des gens, devant elles, qui lui expliquent, qui lui donnent
l'information puis qui lui disent : C'est correct, tu n'es pas obligée,
réfléchis là-dessus. Et il y a des gens qui, finalement, vont décider d'aller
plus loin.
Mais l'important, c'est vraiment de toujours
se rappeler que la personne... que les besoins de la personne, de la victime
doivent être au coeur de ses choix, et que nous, autour, on doit vraiment la
suivre dans ce sens-là, ne pas penser nécessairement ce qui est bon pour elle.
C'est un réflexe qui est normal, naturel, et ça, si on s'en souvient, ça
participe vraiment au rétablissement, à la guérison.
Mme LeBel : Dans le fond, on
ne pourra pas nécessairement mesurer, puis ce n'est pas l'intention de le faire
parce qu'il n'y a pas de question de mesurer quoi que ce soit, mais on ne
pourra pas nécessairement mesurer le succès de ce projet de loi là au nombre de
personnes qui vont poursuivre. C'est ça que je comprends. C'est le fait
qu'elles ont la possibilité de le faire, que ça fait partie des choix, qu'elles
l'exercent ou non qui est une des bonnes nouvelles, si je comprends bien, également,
là.
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Oui, parce que je pense... Si je peux me permettre, il y a énormément de... Une
des conséquences... Parce qu'on leur dit souvent, aux personnes victimes, que
c'est normal, elles ont des conséquences qui sont tout à fait normales. Dans le
fond, c'est... l'acte criminel qu'elles ont vécu, c'est ça qui est anormal, et
une des... vraiment des conséquences importantes, c'est la colère. Et, quand
les gens, l'entourage, les proches ne sont pas nécessairement au courant,
souvent, ils vont trouver que la personne a changé, etc., ça peut participer,
ça, au fait qu'elle ne se sent pas crue, elle ne se sent pas entendue, à un
sentiment d'injustice.
• (19 h 50) •
Donc, le fait qu'elle a ce choix-là va
certainement diminuer cette espèce de colère là de ne pas avoir été entendue,
qu'elle ne comprend pas pourquoi on lui demande... Vous savez, ça arrive qu'on
va entendre des gens qui vont dire : Bien, je ne comprends pas, ça fait
30 ans, est-ce qu'il est vraiment arrivé quelque chose? Pourquoi tu n'en
as pas parlé avant? Donc, le fait justement que là elle a ce choix-là va
certainement contribuer à un sentiment au niveau de la justice.
Mme LeBel : O.K. Il y a une
autre phrase qui m'accroche également dans votre mémoire... plusieurs, mais une
autre, entre autres. Pour ces personnes-là, vous dites que suite à... vos
observations terrain montrent à quel point les personnes victimes... notamment
l'importance à la fois de la reconnaissance du crime qu'elles ont subi mais
aussi des conséquences vécues.
On introduit une autre notion, la notion
d'excuses, dans le Code civil, une notion, naturellement, qui était souvent
bloquée par les conséquences juridiques de faire des excuses, parce qu'on le
sait, une excuse pouvait être interprétée comme un aveu, donc pouvait découler
d'une reconnaissance du geste posé au sens juridique du terme. Donc, on vient
enlever de l'équation cette excuse à ne pas faire...
Mme LeBel : ...une notion
qui était souvent bloquée par les conséquences juridiques de faire des excuses,
parce qu'on le sait, c'est... Une excuse pouvait être interprétée comme un
aveu, donc, pouvait découler d'une reconnaissance du geste posé au sens
juridique du terme. Donc, on vient enlever de l'équation cette excuse, là, de
ne pas faire d'excuse, si je peux le dire comme ça. Est-ce que vos pensez que
ça peut aussi procéder du processus de guérison, le fait qu'elle pourrait
recevoir des excuses ou, en tout cas, la personne, l'agresseur pourrait avoir maintenant
l'opportunité de le faire sans que ça devienne un aveu au sens juridique du
terme?
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Je comprends ce que vous voulez dire.
M. Lysight (Dave) : C'est
tout... En fait, c'est une voie. Quand je parlais tout à l'heure de l'éventail
de possibles, bien, c'est la voie de la justice réparatrice. Pour certaines
personnes victimes, ça peut vraiment représenter quelque chose, que ce soit une
onde avec l'auteur d'un délit. Ça peut être fait de différentes formes selon ce
que la personne souhaite, mais effectivement, c'est pour ça aussi, d'ailleurs,
qu'on parle un peu plus loin de l'importance d'informer les personnes victimes
parce que, souvent, on entend des messages, tu sais, à l'effet qu'il peut ne
pas y avoir de service ou il n'y a pas d'aide ou des choses comme ça. Puis,
malheureusement, quand la personne entend ça, ça... ça peut résonner à l'effet
que...
Une voix
: Il n'y a
rien à faire.
M. Lysight (Dave) : Il n'y a
rien à faire. Donc, ça peut comme réaccentuer le sentiment d'impuissance en
quelque sorte aussi, là.
Mme LeBel : Tout est
perfectible. D'ailleurs, on travaille à l'améliorer, mais on ne peut pas partir
de la prémisse qu'il n'existe rien. C'est ce que vous voulez dire.
M. Lysight (Dave) : Eh, oui.
Mme LeBel : Puis souvent
c'est un manque d'information de la personne, autant que le fait qu'il faut
aussi travailler sur toutes les options, là. Ça, ça n'empêche pas le travail
parallèle. Bien, merci beaucoup. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Autres questions, M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) :
Oui, merci beaucoup. En fait, ma collègue a une question, là, par la suite.
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre intervention. J'aimerais
peut-être vous questionner sur votre expérience, là, un peu comme Mme la
ministre faisait, là. Les gens que vous avez l'occasion de voir, les victimes
que vous rencontrez, je sais que c'est tout récent, le dépôt du projet de loi,
mais comment ils réagissent à cela? Ou comment, auparavant, l'anticipation
qu'ils avaient par rapport à ce projet de loi là... Et est-ce que ça répond,
là, à ce que vous entendez, à ce que vous voyez? Puis qu'est-ce que ça leur
apporte?
M. Lysight (Dave) : À ce
stade-ci, c'est un peu...
M. Lévesque (Chapleau) :
Oui, c'est prématuré?
M. Lysight (Dave) : C'est
peut-être un peu prématuré, tout à fait.
Mme Michaud
(Marie-Christine) : C'est peut-être prématuré. Mais pour revenir à
tout à l'heure, peut-être le fait que, justement, qu'il n'y avait pas cette
possibilité-là, c'est sûr qu'il y avait... Des fois, il fallait... Il fallait
rétablir aussi, réexpliquer. Les gens pensaient que, même au criminel, là, il y
avait prescription.
M. Lysight (Dave) : Il y avait
prescription. Tout à fait.
Mme Michaud
(Marie-Christine) : Donc, toujours, toujours, l'information. Mais
c'est certain qu'on pourrait penser que c'est quand même un soulagement parce
que les gens, tout à coup, on libre... ont du temps. Particulièrement, vous
savez, je pense aux hommes en particulier. Il y a toute la notion au niveau des
hommes, agression à caractère sexuel, le fait qu'on va dire : Bien,
pourquoi tu ne t'es pas défendu? Tu es un homme. Donc, ça fait en sorte que,
souvent, les hommes vont prendre beaucoup plus de temps avant de parler. Donc,
le fait de savoir que, là, il y a cette porte-là est certainement... va
certainement faire une différence.
M. Lysight (Dave) : Vous avez
parlé notamment de la notion de temps, la notion de la faire à son...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
...le fait qu'on va dire : Mais pourquoi tu ne t'es pas défendu? Tu es un
homme. Donc, ça fait en sorte que souvent les hommes vont prendre beaucoup plus
de temps avant de parler. Donc, le fait de savoir que là il y a cette porte-là
va certainement faire une différence.
M. Lévesque (Chapleau) : Vous
avez parlé notamment de la notion de temps, la notion de le faire à son rythme.
Peut-être que dans le cas justement des hommes...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Oui.
M. Lévesque (Chapleau) :
...qui ont subi ce type d'agression, là, ça leur donne plus de temps pour faire
un cheminement à travers ça puis, s'ils veulent aller de l'avant, à ce
moment-là, ils pourront le faire.
La notion de rétroactivité de trois ans en
lien avec des jugements, des victimes qui auraient été déboutées en cour parce
que justement le délai de 30 ans aurait, dans le fond, été écoulé, je ne sais
pas si vous avez eu l'occasion de voir... de rencontrer ce type de victimes là
qui ont été déboutées en cour. Et est-ce que vous considérez que le délai de
trois ans, là, pour la rétroactivité, la possibilité de rouvrir, dans le fond,
ces jugements-là est satisfaisante, c'est quelque chose qui vous interpelle?
M. Lysight (Dave) : Je
pourrais...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Bien, c'est ça, c'est quand même... on a eu beaucoup d'informations en peu de
temps, mais c'est certain que c'est quand même une ouverture qui est
franchement vraiment intéressante, c'est qu'il y a cette possibilité-là.
Donc...
M. Lysight (Dave) : ...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Donc, je pense effectivement que ça peut laisser entrevoir de l'espoir à des
personnes qui pourraient effectivement... qui pour elles ce serait important de
revenir et de pouvoir refaire des démarches.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci, moi, ça complète.
Le Président (M.
Bachand) : Il reste une petite minute. Mme la députée de Les
Plaines, oui.
Mme Lecours (Les Plaines) :
...parce que vous mentionnez, puis ça m'interpelle, ça, parce qu'on le voit
dans plusieurs autres dossiers aussi, vous dites que... vous dites : À cet
égard, nous pourrions... Vous parlez du fait que les organismes comme Juripop,
CAVAC, et tout ça, semblent moins — et ça ne me surprend pas — semblent
moins connus de prime abord. Avez-vous une suggestion justement pour faire en
sorte qu'on puisse les inclure encore plus facilement dans un réseau
quelconque?
M. Lysight (Dave) : La
promotion reste toujours, hein, évidemment... la publicité... la meilleure
publicité aussi est souvent le bouche à oreille, on le voit d'ailleurs dans nos
rapports annuels, lorsqu'on voit les sources de référence, et tout ça, on voit quand
même que... même des fois, ça peut arriver, on a des appels.
Mme Lecours (Les Plaines) :
...référence, justement?
M. Lysight (Dave) : Les
sources de référence, ça peut être justement au niveau des proches, évidemment.
Au niveau des CAVAC, nous, c'est principalement au niveau judiciaire, au niveau
policier, mais aussi on a quand même... comment je pourrais dire, des personnes
proches, là, qui vont référer, qui ont eu des services chez nous, qui
téléphonent aux CAVAC pour obtenir du soutien. Parfois, ce n'est pas tout à
fait notre mandat, mais ça nous fait plaisir parce que justement le fait qu'on
soit un centre d'aide, c'est notre rôle aussi de pouvoir bien aiguiller ces
personnes-là vers les services ou les ressources, là, qui...
Une voix
: ...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Maintenant, juste...
je dois céder la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme la députée.
Mme David : Bonsoir. Vous
aurez peut-être l'occasion.... vous allez pouvoir placer ce que vous avez à
dire, inquiétez-vous pas, je pense. Bien, écoutez, merci beaucoup d'être venus.
Et puis vous savez, nous aussi, on est confinés depuis plusieurs mois, et il y
a quelque chose de presque émouvant de se retrouver ici avec ce projet de loi
là, je le dis comme je le pense...
Mme David : ...l'occasion. Vous
allez pouvoir placer ce que vous avez à dire, inquiétez-vous pas, je pense.
Bien, écoutez, merci beaucoup d'être
venus. Et puis, vous savez, nous aussi, on est confinés depuis plusieurs,
plusieurs mois. Et il y a quelque chose de presque émouvant de se retrouver ici
avec ce projet de loi là, je le dis comme je le pense, là, avec mes trois
collègues. Ça fait plusieurs mois qu'on travaille ensemble sur ces
questions-là, puis j'ai l'impression sincèrement qu'on est en train d'écrire
une page d'histoire par rapport à... Et là-dessus, bien, on va remercier la
ministre, évidemment, de...
Parce que ce n'est pas un projet de loi
habituel. Il a beau être petit, il est très grand. Il est très grand dans sa
volonté de vouloir changer les choses. Et on sait que, s'il y a un privilège
qu'on a, nous, les élus, les parlementaires, c'est bien de faire des lois. Et
puis faire des lois, ça reste. Nous, on passe, hein? Vous voyez, on a tout un
vécu plus ou moins long en politique, et puis on ne sait où on sera dans cinq
ans, chacune, puis on accepte de vivre avec ça. Mais on a l'impression de
partager vraiment quelque chose en ce moment avec ça, avec le comité
transpartisan, aussi, sur les violences sexuelles et conjugales. Alors, moi, je
me dis : Bien, je ne suis pas venue pour rien en politique. Mais je ne
pensais jamais que je parlerais autant de psychologie et ça, ça me... Écoutez,
parler de trauma, de psychisme, j'ai l'impression de me tromper de lieu puis
d'être dans un cours de psychologie comme je donnais à l'université, sur ça.
Alors, je trouve que c'est... Je tiens à
le dire, la beauté de la politique aussi, c'est sa polyvalence, et c'est
profondément humain. Et les gens qui pensent qu'on se chicane toujours au salon
bleu puis... bien, on oublie ça, là. Puis ce qu'on fait ce soir, puis ce qu'on
fait dans bien d'autres lieux, c'est la vraie, vraie, vraie raison d'être ici
avec vous. Puis vous êtes là parce que vous, vous êtes tous les jours dans ces
dossiers-là. Et ce n'est pas facile parce que c'est... vous êtes constamment
avec des gens plus ou moins traumatisés, mais jamais pas traumatisés, par
définition, hein? On vous fréquente parce qu'on vous aime, mais aussi parce
qu'on a eu des problèmes.
Et dans ce que vous dites, dans votre
mémoire, il y a deux parties qui me posaient... bon, qui me questionnaient un
peu, où vous espériez des choses. Et donc il y en a une, à la page 8, qui
commence à la page 7 un peu, c'est... Et ça, c'est un sujet tellement,
tellement psychologiquement complexe. Et nous sommes à même de constater
comment certains types d'infraction laissent des séquelles importantes, chez
les personnes victimes, qui devraient aussi être considérées dans le projet de
loi. Puis là vous parlez d'un enfant qui vit dans un climat de terreur, dans
une famille dysfonctionnelle, une personne victime de violence conjugale, mais
qui n'a pas eu d'abus physique ou sexuel. Donc, on est dans le beaucoup moins
tangible, et je pense que c'est à ça, dans le fond... C'est un peu, je pense,
l'échange que vous aviez avec la ministre tout à l'heure.
• (20 heures) •
Mais il faut qu'on s'entende bien. Ce que
vous, vous dites, c'est : Attention, il y a des gens qui, même si ça fait
35 ans... Ce n'est pas parce qu'ils ont été battus physiquement. Ce n'est pas
parce qu'ils ont été dans une relation de couple où il y avait...
20 h (version non révisée)
Mme David : ...tangible et je
pense que c'est à ça, dans le fond, c'est un peu, je pense, l'échange que vous
aviez avec la ministre tout à l'heure. Mais il faut qu'on s'entende bien. Ce
que vous, vous dites, c'est : Attention, il y a des gens qui même si ça
fait 35 ans, ce n'est pas parce qu'ils ont été battus physiquement, ce
n'est pas parce qu'ils ont été dans une relation de couple où il y avait des
ecchymoses ou des choses, des preuves, là, avec... ou des trousses
médico-légales, etc. Alors, on est dans un terrain beaucoup plus complexe, beaucoup
plus difficile.
Et j'ai noté que vous avez dit :
c'est un lourd fardeau. Et moi, j'ai mis en dessous : Oui, mais le concept
de lourdeur est différent pour chaque individu. Ce qui est lourd pour vous est peut-être
totalement léger pour, et vice versa. Alors, le confinement est un bel exemple.
Ça peut être une raison même de décompenser de façon psychotique pour des gens
qui avaient une fragilité. Alors, la lourdeur, allez donc définir ça dans des
termes légaux. Moi, je... Comment? Puis ça dépend du juge que vous avez en face
de vous, puis de sa lourdeur à lui en plus. Qu'est-ce que ça vient réveiller en
lui d'avoir... Alors, on est vraiment, là, dans l'interrelationnel pas à peu
près.
Et un petit projet de loi, je le répète,
tout petit comme ça, six articles est tellement... soulève tellement de choses
que je me dis : Si vous avez posé la question, parce que vous en avez posé
une autre après, puis peut-être je me tairai puis je vous laisserai tout le
temps. Vous aspirez que le réseau des CAVAC se questionne quant à la façon dont
les types de préjudices — c'est un peu la même chose,
là — des préjudices qui ne sont pas corporels, mais qui ont des
conséquences psychologiques ou morales et donc, des enfants qui ne seraient pas
nécessairement battus physiquement ou une femme qui ne serait pas battue
physiquement par son conjoint.
Alors, vous espérez que ça sera reconnu
dans le projet de loi, dans ce projet de loi ci. Alors, je ne sais pas à quoi
vous vous attendez ou qu'est-ce que vous aimeriez qu'on insère de plus, qu'on
insère de mieux, qui n'est pas là du tout, qu'on rajoute des choses. Parlez-moi
de ça.
Mme Michaud (Marie-Christine) :
C'était tout simplement une incompréhension peut-être de notre part par rapport
à... parce qu'en termes de préjudices, il y avait matériel, moral et corporel.
Et de la façon que nous, on avait compris le préjudice moral versus le
préjudice corporel, c'est que oui, il y a l'inclusion au niveau des blessures
psychologiques, douleur, stress, anxiété, tristesse, etc. Du moment que... dans
le préjudice corporel, du moment qu'il est vraiment relié à une atteinte à
l'intégrité physique.
Donc, nous, on avait l'impression que
vraiment le préjudice moral comme tel qui est vraiment... qui ne consiste pas
en une atteinte à une intégrité physique d'une personne, est-ce qu'il était
inclus notamment quand on parle de violence qu'on va souvent appeler coercitive,
c'est-à-dire où il y a vraiment de la domination, il y a vraiment de la
crainte, de la peur, mais il n'y a pas de coup. Donc, cet enfant-là, par
exemple, qui pourrait vivre dans une famille dysfonctionnelle, qui est
constamment dénigré pendant des années, qui va même avoir, probablement, toutes
sortes de problématiques. La même chose pour une femme victime de violence
conjugale, on a l'impression que, souvent, c'est des coups, mais ce n'est pas
toujours des coups. Et on sait...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
...de la crainte, de la peur, mais il n'y a pas coup. Donc, cet enfant-là, par
exemple, qui pourrait vivre dans une famille dysfonctionnelle, qui est
constamment dénigré pendant des années, qui va même avoir, probablement, toutes
sortes de problématiques, la même chose pour une femme victime de violence
conjugale, on a l'impression que, souvent, c'est des coups, mais ce n'est pas toujours
des coups. Et on sait que les blessures psychologiques, souvent, vont durer et
vont perdurer peut-être même plus longtemps. Je ne minimise pas non plus les
blessures physiques qui, en plus, sont visibles, restent pour la vie quand
elles le sont. Donc, c'était dans ce sens-là.
Est-ce que c'était pour... c'était un
questionnement? Parce qu'on n'était pas sûr de cette différence-là. Parce qu'on
avait l'impression qu'on parlait de préjudices corporels. Donc... Et vous
l'avez dit, c'est extrêmement complexe. C'est sournois, la violence conjugale.
Mme David : Puis on n'a pas le
droit d'interagir. Je sais que M. le président va nous...
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Donc, voilà.
Mme David : Parce qu'on entend
toute la même chose, et tous, et on pourra certainement en discuter après quand
on aura le droit de se parler plus directement.
Mme Michaud (Marie-Christine) :
C'est pour ça, ce questionnement.
Le Président (M.
Bachand) : Vous avez le droit de vous parler, mais demain, ça
va être la journée idéale pour le faire.
Mme David : Vous avez raison.
C'est pour respecter puis c'est... Non, non, je comprends. J'aurais dû le dire
différemment, quand on sera en étude détaillée ou ça. Mais, quand même, vous
posez des questions sur... Moi, j'avais compris que le projet de loi, c'était :
on passe de 30 ans à l'infini, comme j'ai dit. Bon. Mais on ne remet
pas... on ne revoit pas tout ce qui est déjà écrit sur les préjudices puis sur
les victimes de violence conjugale ou tout ça, on laisse les balises. Et votre
prédécesseur à cette table dit, la professeure Chagnon, que ça, c'était déjà
assez balisé dans le Code civil puis que les juges peuvent avoir une certaine
interprétation. Ça n'avait pas l'air à l'embêter beaucoup. Mais comme vous
revenez un peu avec ces préoccupations-là, vous qui en voyez à tous les jours,
avez-vous quand même l'impression qu'on va être capable de vivre avec nos six
magnifiques articles et que ça va être déjà un grand pas de fait?
M. Lysight (Dave) : Bien,
déjà, le fait... Je crois qu'au-delà de la partisanerie, tout le monde se soit
assis ensemble pour pouvoir discuter et pour pouvoir prendre soin des personnes
victimes. Je pense qu'on a déjà un très grand pas de fait, d'ailleurs comme Mme
la ministre le disait tout à l'heure. C'est une portion de la réponse que je pourrais
vous fournir.
Mme David : O.K. Moi, ça va.
Je ne sais combien il me reste de temps.
Le Président (M.
Bachand) : Deux minutes.
Mme David : Deux minutes. Si
ma collègue... Non.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil. Pas de question?
Mme Nichols : Bien, si ma
collègue était emballée par le...
Mme David : Moi, ça va, là, je
pense que j'ai fait le tour.
Mme Nichols : Ça va. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci. Bien,
j'imagine que... sur cette conversation-là, parce que moi, je comprenais du
projet de loi, en fait, que c'était tout à fait possible, là, quand il y avait
des préjudices comme ceux-là, d'exercer ce recours-là. Après ça, c'est au juge
d'en juger mais... On aura cette conversation-là. Je souhaite comme vous que ça
fasse partie du projet de loi. On se le fera confirmer, j'ai l'impression.
Vous nous invitez à réfléchir à d'autres
mesures de soutien...
Mme Labrie : ...tout à fait
possible, quand il y avait des préjudices comme ceux-là, d'exercer ce
recours-là. Après ça, c'est au juge d'en juger mais... On aura cette
conversation-là. Je souhaite comme vous que ça fasse partie du projet de loi.
On se le fera confirmer, j'ai l'impression.
Vous nous invitez à réfléchir à d'autres
mesures de soutien pour permettre aux victimes d'accéder à leurs droits, comme
un soutien financier. Est-ce que vous, vous avez réfléchi à des mesures? Est-ce
que ça passe par l'aide juridique? Est-ce que vous avez réfléchi à d'autres
pistes de solution?
M. Lysight (Dave) : Entre
autres, bien, on parlait de mesures financières en ayant en tête aussi, bien évidemment,
si une personne souhaite utiliser la voie, justement, de la poursuite civile.
Parfois, le levier financier peut parfois représenter un obstacle aussi pour
certaines personnes, entre autres.
Il y avait d'autres idées également par
rapport à tout le volet par rapport à la Loi sur l'indemnisation aussi.
Toutefois, ce n'est pas le sujet actuel.
Mme Labrie : Non, évidemment,
mais on s'est quand même entendus ici à l'effet que c'est un premier pas, puis
qu'on est déjà quand même à l'écoute de vos suggestions pour les prochains pas.
Donc, je vous invite à nous le dire si vous avez des suggestions pour les
prochains pas qu'on devra franchir.
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Bien, c'est sûr que pour nous, c'était... On n'a pas eu le temps aussi de
réfléchir beaucoup en profondeur. Donc, dans le fond, c'étaient des questions...
Puis vous êtes revenue aussi sur la fameuse question du préjudice. Ce n'était
pas clair non plus nécessairement pour nous.
Je vous dirais que, dans ce qui suit, on
parle vraiment de peut-être... de penser vraiment que ces personnes-là, dans
cette voie-là, puissent avoir vraiment de l'information. Est-ce que justement
la clinique, par exemple, Juripop ou les Centres de justice de proximité...
Donc, pour revenir un petit peu à l'information, comment le dire, c'est sûr que
les voies officielles qui mentionnent qu'il y a de l'aide, ça va déjà vraiment
favoriser.
Et s'assurer qu'il y a quand même un
soutien, qu'elles puissent avoir... Parce que les laisser comme ça, laisser ces
personnes-là vers une possibilité... Puis, on l'a dit, ce qui est le plus
important, ce qu'on voit dans la recherche, c'est... le processus est plus
important que le résultat. Mais ça, ça veut dire que, dans nos idées de
soutien, c'est... Qu'est-ce qu'on peut donner comme soutien pour qu'elles puissent
être accompagnées? Alors, est-ce que c'est des conseils juridiques? Là, en ce
moment, il y a une clinique. Est-ce que c'est quelque chose à plus long terme?
C'est sûr qu'il y a les Centres de justice de proximité, mais là c'est vraiment
plus de l'information. Nous, on le fait de façon mais ponctuelle. Donc, c'est
tout ça, penser à ça.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présentation très sentie et
très utile. Juste pour vous dire, sur le préjudice corporel, oui, on va en
discuter parce que le groupe qui vous suit, donc la Commission des droits,
soulève ça aussi. Alors, ça peut nous apparaître clair à nous, mais, de toute
évidence, il y a une discussion à avoir autour de ça pour le clarifier.
Je voulais savoir moi aussi, dans la même
ligne de pensée que ma collègue de Sherbrooke, quand vous parlez de soutien
financier, c'était d'abord et avant tout dans une réflexion sur la possibilité
financière d'entreprendre...
Mme
Hivon
:
...alors, ça peut nous apparaître clair à nous, mais de toute évidence il y a
une discussion à avoir autour de ça pour le clarifier.
Je voulais savoir, moi aussi, dans la même
ligne de pensée que ma collègue de Sherbrooke, quand vous parlez de soutien
financier, c'était d'abord et avant tout dans une réflexion sur la possibilité
financière d'entreprendre une poursuite au civil si, par exemple, on ne peut
pas avoir recours à l'aide juridique, seuil d'admissibilité, ou que le service
n'est même pas couvert, parce que Me Chagnon a bien expliqué, là, en fin de
journée ce qu'il en était. Donc, je comprends que c'était d'abord ça. Est-ce
que vous aviez, je ne sais pas... À travers toutes les victimes que vous
accompagnez, est-ce que vous voyez que ça peut être un frein fréquent, cette
réalité-là, là, parce qu'il y a des victimes qui voudraient poursuivre
indépendamment du délai de prescription puis tout ça? Est-ce qu'il y a déjà des
contacts, par exemple, avec des organismes comme Pro Bono Québec ou... pour
aider, je dirais, ad hoc ces victimes-là? Et est-ce que vous avez réfléchi
aussi sur une aide autre que pour le recours, mais en lien avec l'IVAC, là? Je
sais qu'on n'ouvrira pas toute cette boîte-là de l'IVAC, la ministre a dit
qu'elle voulait réformer l'IVAC, on en est toutes aussi. Mais est-ce qu'il y a
une demande aussi en lien avec l'IVAC pour ce type de crimes là, de victimes
que vous avez aussi formulée ou avez à formuler?
M. Lysight (Dave) : Pour
l'heure actuelle, non, parce que, justement, le projet de loi...
Mme
Hivon
: O.K.
Vous êtes... Oui, c'est ça.
M. Lysight (Dave) : ...c'est
ça, est tout récent.
Mme
Hivon
: Ce
n'est pas quelque chose que vous avez dans vos cartons, mettons,
spécifiquement?
M. Lysight (Dave) : Tout à
fait.
Mme
Hivon
: O.K.
M. Lysight (Dave) : Donc, pour
le recours IVAC, bien entendu, c'est surtout pour le suivi psychologique, entre
autres, là...
Mme
Hivon
: Oui,
c'est sûr.
M. Lysight (Dave) : ...qu'il
est surtout souhaité, puis c'est la réadaptation physique, évidemment, là, dans
certaines situations aussi.
Mme
Hivon
: O.K.
Puis, avec... Mon autre question... Là, je vous ai fait une trop longue
question, mais mon début, c'était: Pour les victimes que vous aidez en ce
moment, pour celles qui auraient choisi de vouloir poursuivre au civil, ce qui
n'est pas si répandu, est-ce que le frein financier de pouvoir engager un
avocat, de pouvoir intenter un recours est quelque chose qui est réel dans
votre pratique?
• (20 h 10) •
M. Lysight (Dave) : Je vous
dirais que ça peut... pour certaines personnes, oui, ça peut représenter un
frein, effectivement.
Mme
Hivon
: O.K.
Donc, c'est quelque chose que vous nous demandez d'évaluer et de travailler.
C'est ce que je comprends de votre intervention sur la question du soutien
financier.
Mme Michaud (Marie-Christine) :
Parce qu'il faut penser que, souvent, les personnes victimes, c'est tellement d'énergie
déjà de demander de l'aide, de pouvoir aller chercher des ressources. Donc, ce
soutien-là financier, c'est sûr, ferait une différence. Des fois, ça va être
trop, ça va être juste trop, donc ils vont arrêter tout là. Et puis il peut y
avoir un sentiment d'injustice, qu'ils n'ont pas d'aide, que le... on ne
comprend pas, la communauté n'est pas en arrière d'elles. Donc, c'est sûr que,
si on peut réfléchir à quelque chose pour aider dans ce sens-là, oui, ça ferait
une différence.
Mme
Hivon
: Il ne
faut pas que ça reste un droit théorique.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
Mme
Hivon
:
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Je tiens à vous remercier infiniment d'avoir été
avec nous ce soir, mais merci infiniment encore plus pour le travail que vous
faites, parce que c'est très apprécié.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 12)
Mme
Hivon
:
...pour ne pas que ça reste un droit théorique.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je tiens à vous remercier infiniment d'avoir
été avec nous ce soir, mais merci infiniment encore plus pour le travail que
vous faites. C'est très apprécié.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 12)
(Reprise à 20 h 16)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir maintenant
les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse. Comme vous savez très bien, vous avez 10 minutes de
présentation. Après ça, on a un échange avec les membres de la commission.
Merci infiniment d'être ici. À vous la parole.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés. Je
m'appelle Philippe-André Tessier. Je suis président de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné de
Me Karina Montminy, conseillère juridique à la direction de la recherche
de la commission. Permettez-moi de vous remercier évidemment de l'invitation
qui nous est faite de participer aux consultations particulières sur le projet
de loi n° 55. Ça nous fait du bien de se voir en personne à l'Assemblée
nationale, de voir des êtres humains. Je sors de mon texte pour vous...
Des voix
: ...
M. Tessier (Philippe-André) :
Écoutez. Non mais, honnêtement, c'est ça.
Une voix
: C'est
l'émotion.
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est l'émotion. Je tiens d'abord à rappeler que la commission a pour mission
d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés par la Charte des
droits et libertés de la personne. Nous assurons également la protection de
l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect de la protection et de la promotion
des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Le projet de loi n° 55 est important et il s'ajoute à d'autres mesures
entreprises par le gouvernement en vue de lutter plus efficacement pour contrer
les violences sexuelles quelle qu'en soit la nature ou quel que soit le
contexte dans lequel elles surviennent. La commission a d'ailleurs commenté
certaines de ces mesures, notamment dans ses commentaires à l'occasion de la
consultation de 2015 portant sur le rapport de la mise en oeuvre du Plan
d'action gouvernemental en matière d'agression sexuelle.
Plus récemment, en février, nous avons
pris part à la consultation dans le cadre des travaux du comité d'experts sur
l'accompagnement des personnes victimes d'agression sexuelle et de violence
conjugale coprésidé, comme vous le savez, par l'honorable Élizabeth Corte et la
professeure Julie Desrosiers. Cette consultation vise évidemment à évaluer les
mesures actuelles et étudier celles pouvant être mises en place afin d'assurer
un accompagnement plus soutenu et répondant mieux à leur réalité. Il faut dire
que, depuis 40 ans, plus de 40 ans, la commission travaille à enrayer
la discrimination, le harcèlement et l'exploitation qui sont des pratiques
interdites par la charte. La promotion de l'égalité réelle sans discrimination,
notamment dans l'accès à la justice ainsi que le droit et le respect des droits
et libertés des femmes et des enfants, principales personnes victimes de
violences sexuelles et conjugales sont...
M. Tessier
(Philippe-André) : ...à leur réalité.
Il faut dire
que, depuis 40 ans, plus de 40 ans, la commission travaille à enrayer la
discrimination, le harcèlement et l'exploitation, qui sont des pratiques
interdites par la charte. La promotion de l'égalité réelle, sans
discrimination, notamment dans l'accès à la justice, ainsi que le droit... et
le respect des droits et libertés des femmes et des enfants, principales
personnes victimes de violence sexuelle et conjugale, sont depuis longtemps des
enjeux importants pour la commission, au sujet desquels elle a mené plusieurs
travaux.
Le présent
projet de loi interpelle également directement la commission en raison de son
mandat de protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que du respect et de la
promotion de ses droits, puisque, comme vous le savez, les enfants demeurent
parmi les principales victimes d'agression sexuelle. En effet, encore
aujourd'hui, les enfants représentent une proportion importante des victimes
d'agression sexuelle, et ce, notamment en raison de leur grande vulnérabilité
et de leur état de dépendance.
En 2015, les
enfants et les adolescents affichaient des proportions largement supérieures
aux autres groupes d'âge en termes d'infractions sexuelles enregistrées par les
services de police québécois. En fait, près de la moitié, 49,8 %, pour
être exact, des victimes d'agression sexuelle étaient mineures. Il est alarmant
de constater que c'est près de 6 % de ces victimes qui sont âgées de moins
de six ans. C'est toutefois le groupe d'âge des 12 à 14 et celui des 15 à 17
qui comptent le plus de victimes d'agression sexuelle. Évidemment, puis je le
souligne, que ce portrait, qui se dégage des données du Regroupement des CALACS
pour l'année 2018-2019, est encore plus sombre. Près de 65 % des femmes et
des filles ayant recours à leurs services durant cette année avaient moins de
18 ans au moment où elles ont été agressées.
Par ailleurs,
nous n'insisterons jamais trop sur le fait que les violences faites aux femmes
découlent de rapports inégaux entre les sexes. Les inégalités entre les femmes
et les hommes persistent au Québec, force est de constater que la
discrimination systémique envers les femmes existe toujours. Ces inégalités de
fait conjuguées aux valeurs et à la socialisation encore sexistes favorisent la
violence sexuelle et conjugale. Dans la foulée du mouvement #metoo, le nombre
d'agressions sexuelles déclarées par la police en 2017 était plus élevé que
pour toute autre année auparavant. Avant le début de ce mouvement, le Québec
avait déjà observé en 2015 une hausse enregistrée du nombre d'agressions
sexuelles visant les femmes. Le portrait des victimes a toutefois peu
changé : dans une proportion de 86,8 %, les femmes continuent d'être
les principales cibles des agressions sexuelles.
• (20 h 20) •
Il faut de même
tenir compte du fait que les personnes victimes de violence sexuelle et
conjugale ne forment pas un groupe homogène. Certaines caractéristiques peuvent
constituer des obstacles supplémentaires dans leur quête de justice. Il en est
ainsi évidemment pour les jeunes femmes, les femmes autochtones, racisées,
lesbiennes, bisexuelles, trans, immigrantes, réfugiées ainsi que les femmes en
situation d'handicap. À ce dernier propos, comme la commission l'a déjà
souligné, les femmes handicapées sont particulièrement visées par la violence
faite aux femmes, laquelle peut d'ailleurs constituer de l'exploitation au sens
de l'article 48 de la charte.
Il est également
primordial de reconnaître que les actes de violence sexuelle et conjugale
constituent des atteintes graves à plusieurs droits fondamentaux des personnes
qui les subissent. Selon les circonstances, l'exercice de plusieurs droits de
la charte peuvent être compromis : droit à la sûreté et à l'intégrité,
sauvegarde de sa dignité, vie privée, égalité et, évidemment, le droit de ne
pas être harcelé en raison d'un des motifs de discrimination prohibés à
l'article 10. La violence sexuelle et conjugale peut aussi engendrer des
atteintes au droit de l'enfant, à la protection, à la sécurité et à l'attention
que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner, prévu
à l'article 39 de la charte.
Or, malgré la
gravité des atteintes en cause, il est reconnu que les victimes rencontrent
encore plusieurs obstacles devant les tribunaux civils lorsqu'elles souhaitent
entreprendre un recours, dont ceux liés à l'accessibilité à la justice, à la
crédibilité de leur témoignage et à l'évaluation du préjudice...
M. Tessier (Philippe-André) :
...à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents ou les
personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner, prévu à l'article 39 de
la charte.
Or, malgré la gravité des atteintes en
cause, il est reconnu que les victimes rencontrent encore plusieurs obstacles
devant les tribunaux civils lorsqu'elles souhaitent entreprendre un recours,
dont ceux liés à l'accessibilité à la justice, à la crédibilité de leur
témoignage et à l'évaluation du préjudice. Le délai de prescription s'ajoute à
ces obstacles et serait le plus difficile à surmonter. À ce propos, soulignons
qu'on sait que les victimes s'adressent généralement d'abord à la police après
un long cheminement personnel ou thérapeutique qui peut s'étendre sur plusieurs
années, voire des dizaines d'années. Ainsi, on peut comprendre que celles qui
veulent intenter une poursuite civile prendront encore plus de temps à le
faire.
Rappelons qu'en 2012, lors des
consultations sur le projet de loi n° 70, la
commission s'était prononcée sur le sujet concernant l'action en réparation du
préjudice résultant d'un acte portant atteinte à la personne, y compris la
prolongation du délai de prescription. La commission avait alors recommandé de
prévoir des dispositions au Code civil qui ne limitent pas dans le temps le
droit des victimes d'actes de nature sexuelle d'introduire leur action en
réparation du préjudice. Elle avait néanmoins alors conclu que les
modifications ne permettaient pas de lever l'ensemble des obstacles que
rencontrent ces victimes, notamment celles qui ont été victimes d'agression
sexuelle et de voies de fait en contexte de violence conjugale. Nous pourrions
ajouter à ces obstacles, les préjugés, la banalisation et les stéréotypes qui
sont entretenus, malheureusement, par des décideurs, des personnes en autorité,
des juges, des corps policiers et le milieu de la santé et des services
sociaux. Il faut noter aussi la culpabilisation des victimes, qui existe
toujours dans les discours de ces acteurs et de la société et qui est un obstacle
important à l'accès à la justice des victimes.
Cela étant dit, la commission salue les
modifications proposées par le projet de loi concernant le délai de
prescription de l'action en réparation du préjudice corporel résultant d'un
acte pouvant constituer une infraction criminelle si le préjudice résulte d'une
agression à caractère sexuel puisqu'elles renforceraient l'exercice des droits
et libertés reconnus à toute personne en vertu de la charte.
À l'instar d'autres provinces et
territoires canadiens, la rétroactivité de l'imprescriptibilité du recours en
matière d'agression sexuelle et l'introduction à nouveau d'une action qui a été
rejetée au seul motif que la prescription était acquise devant un tribunal dans
les trois ans suivant cette date seraient maintenant possibles au Québec. Il
s'agit, de l'avis de la commission, de garanties additionnelles pour les
victimes d'être compensées pour des atteintes importantes à leurs droits
fondamentaux, dont leur droit à l'intégrité.
Toutefois, la commission estime nécessaire
de vous faire part d'une problématique concernant la terminologie de
l'article 2926.1 du Code civil. La disposition introduite en 2013 précise
que le préjudice donnant droit à une action en réparation doit être corporel.
Sans vouloir entrer dans des technicalités
juridiques — mais j'ai bien l'impression qu'on va le faire —, la
commission veut porter à votre attention que l'article 2926.1 comporte
certaines ambiguïtés, en tout respect pour l'opinion contraire. Concrètement,
il existe une confusion quant à l'utilisation du terme «préjudice corporel» et
du terme «préjudice» sans qualificatif. Il est donc difficile de déterminer si
l'intention du législateur est de réparer uniquement les préjudices corporels
qui résultent d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie pendant
l'enfance ou de la violence conjugale, mais bien de réparer tout préjudice,
qu'il soit moral ou matériel, fondé sur l'obligation de réparer le préjudice
corporel. Au cours des dernières années, la Cour suprême est venue définir ce
qu'est l'action fondée sur le préjudice corporel en vertu des recours prévus au
Code civil.
En l'occurrence, puisque les actes en lien
avec l'agression à caractère sexuel, la violence subie pendant l'enfance ou la
violence conjugale sont susceptibles de constituer des «atteintes illicites» — je
mets des guillemets — à l'intégrité physique ou psychologique, le
libellé de la disposition devrait clairement établir que la réparation inclut
tout préjudice qui en...
M. Tessier (Philippe-André) :
...sur le préjudice corporel en vertu des recours prévus au Code civil. En
l'occurrence, puisque les actes en lien avec l'agression à caractère sexuel, la
violence subie pendant l'enfance ou la violence conjugale sont susceptibles de
constituer des atteintes illicites, je mets des guillemets, à l'intégrité
physique ou psychologique, le libellé de la disposition devrait clairement
établir que la réparation inclut tout préjudice qui en résulte, qu'il soit
corporel, moral ou matériel. L'objectif poursuivi est de faire... est d'éviter
de faire perdre un droit effectif à la réparation, pour la victime qui
entreprend un recours, en se fondant sur l'atteinte à l'intégrité, protégée par
la charte, peu importe que le préjudice soit moral ou matériel.
Dans cette perspective, la commission
propose l'utilisation d'une terminologie plus près du but recherché, soit la
réparation de tout préjudice qui découle des atteintes à l'intégrité en lien
avec les actes prévus à 2926.1. Il faut garder en tête que le Code civil
devrait s'harmoniser à la charte, et non l'inverse.
Sur un autre sujet, la commission estime
important de souligner l'avancée en droit québécois qui résulterait de l'ajout
d'une précision au Code civil voulant que l'excuse ne puisse constituer un
aveu. Depuis un certain temps déjà, des juristes réclamaient une telle
reconnaissance afin de permettre à toute personne qui voudrait, de s'excuser
sans crainte ou risque de répercussions juridiques. D'ailleurs,
depuis 2006, sept provinces canadiennes et deux territoires ont adopté des
dispositions législatives générales visant la présentation des excuses,
incluant les admissions par la personne de sa faute.
Dans le cadre de ses responsabilités en
regard du traitement des plaintes de discrimination, de harcèlement ou
d'exploitation, la commission doit composer avec ce type de mesures de
réparation, lesquelles sont fréquemment sollicitées par les victimes. Les
modifications proposées favoriseraient le dialogue, lequel est freiné compte tenu
des limites en droit. Et bien que la commission accueille favorablement toute
mesure... à améliorer l'accessibilité à la justice et, surtout, le règlement
rapide des litiges, il nous apparait important de souligner certains enjeux qui
peuvent être soulevés par certaines dispositions.
Considérant que la définition de l'excuse
prévoit le mot «notamment», nous nous demandons si on doit comprendre qu'une
excuse peut être plus que le regret et la sympathie, mais aussi moindre que
cela. Cette question est importante puisqu'elle a des incidences sur l'aveu et
la règle de preuve. Le flou de la définition nous fait craindre qu'il y ait des
effets délétères dans la pratique. Par exemple, est-ce que des stratégies
judiciaires portant sur l'admissibilité ou non d'une excuse pourraient faire en
sorte de rendre inadmissible un aveu?
Notre expérience en matière de règlement
de différends — en médiation ou autres — nous amène par
ailleurs à nous interroger à savoir si cette nouvelle disposition devrait être
accompagnée de mesures appropriées permettant de s'assurer du consentement
éclairé de la victime qui présente des facteurs de vulnérabilité, dont son âge,
sa condition sociale, sa situation de handicap. Sa décision d'accepter en
partie, ou en tout, des excuses mettant fin au différend, par la force
juridique d'une transaction, entraîne d'importantes conséquences juridiques.
En terminant, nous désirons rappeler
l'importance des mesures de prévention pour enrayer à la source la violence
sexuelle, la violence subie pendant l'enfance ainsi que la violence conjugale.
Les actions de prévention doivent d'abord chercher à déconstruire les
comportements socioculturels et les stéréotypes sexuels, incluant la violence
sexuelle et conjugale, qui contribuent à la prévalence de la violence contre
les femmes et aussi les filles.
À titre d'organisme chargé de veiller au
respect des droits et à la protection de l'intérêt des enfants, la commission
ne peut qu'encourager le renforcement de mesures et d'actions efficaces qui
pourront prévenir ces actes attentatoires à leur intégrité et leur dignité. Au
même titre, la commission exhorte vigoureusement l'État à prendre l'engagement
d'identifier et d'implanter des mesures de prévention propres à protéger la
vie, l'intégrité psychique, physique des enfants ainsi que leur sûreté et leur
dignité, comme nous l'avons fait tout récemment lors de notre témoignage devant
la commission Laurent.
Ensuite, si on veut que les victimes
puissent être en mesure de...
M. Tessier (Philippe-André) :
...prévenir ces actes attentatoires à leur intégrité et leur dignité.
Au même titre, la commission exhorte
vigoureusement le gouvernement à prendre l'engagement d'identifier et
d'implanter des mesures de prévention propres à protéger la vie et l'intégrité
psychique et physique des enfants ainsi que leur sûreté et leur dignité, comme
nous l'avons fait tout récemment lors de notre témoignage devant la commission
Laurent.
Ensuite, si on veut que les victimes
puissent être en mesure de dénoncer les actes de violence subis, elles doivent préalablement
être en mesure de les identifier. Or, la banalisation de ces violences peut faire
en sorte que la victime ne reconnaisse pas immédiatement les signes pertinents.
Pour la commission, des mesures de sensibilisation doivent obligatoirement
viser à lutter contre la banalisation ainsi qu'à informer les victimes ou leur
famille et leur entourage de leurs droits, notamment ceux qui sont reconnus par
la charte. En ce sens, elle considère évidemment que l'éducation aux droits et
libertés de la personne est un moyen incontournable de lutter contre toute
forme de violence, incluant la violence sexuelle si elle est vécue par les
enfants et la violence conjugale.
Évidemment, en terminant, on se réjouit
des importantes avancées qui sont faites en matière de prévention et de lutte
contre les violences sexuelles. Il faut s'assurer que ces initiatives en cours
soient ancrées dans les droits de la charte, qui est la loi fondamentale au
Québec. Merci pour votre attention.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Tessier. On est en période de... On débute
la période d'échange. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Oui, merci.
Merci. Effectivement, il y a quelque matière à réflexion, puis je ne pense pas
que c'est l'espace approprié pour aller dans un débat juridique, mais on va...
Et moi, j'ai peut-être une lecture qui est différente, mais on va faire des
vérifications, effectivement, sur cette notion-là, notion qui, je dois le
mentionner, là, dans toutes les conversations qu'on a eues et toutes les
demandes, n'a jamais fait de débat. On parlait vraiment du délai de
prescription et on n'atteint pas... on ne modifie aucune notion présentement.
Et je ne suis pas certaine, en toute... qu'on est dans un espace suffisant pour
avoir cette réflexion-là de l'élargissement, même si c'est un commentaire qui
vaut la peine... qui mérite une réflexion.
Je l'ai dit, le projet de loi est très
ciblé sur l'abolition d'une prescription de façon rétroactive. Et la
compréhension que ma collègue de Marguerite-Bourgeoys en... était la bonne, de
l'intention, c'est-à-dire de passer de 30 ans à l'infini. Il y a plein d'autres
notions à l'effet... qu'on pourrait... sur lesquelles on pourrait s'attarder
dans une réflexion qui sont pertinentes, celle dont vous venez de mentionner,
celle où on parlait de la notion d'introduire une définition de violence
conjugale, mais...
Ce n'est pas une fin de non-recevoir de ma
part, mais on est dans un processus extrêmement précis présentement. Donc, je
pense que ça mérite par contre... ça mérite qu'on s'y attarde et qu'on y
réfléchisse, qu'on fasse une recherche exhaustive de ça, mais... On va le
faire, mais je pense que c'est une notion qui est importante parce que...
l'objectif n'est pas de manquer la cible, mais cette notion-là existe déjà
depuis longtemps au code, donc il faut s'assurer que...
Mais je vais peut-être revenir sur la
notion d'excuses. Ça, ça m'intéresse... pas que ça ne m'intéresse pas, l'autre
partie, mais ça m'intéresse... Je vais faire attention à... Moi aussi, ça me
fait du bien de voir des gens en physique. Ça va mieux que texter, tu sais, on
peut réajouter... on peut ajuster le ton, mais là...
• (20 h 30) •
Donc, je reprends. Tout m'intéresse, mais
j'aimerais mettre particulièrement le projecteur de la conversation sur le fait
qu'on introduit une notion bien précise au Code civil. Et on vient dire, dans
le fond, une excuse n'est pas un aveu...
20 h 30 (version non révisée)
Mme LeBel : …je reprends. Tout
m'intéresse, mais j'aimerais mettre particulièrement le projecteur de notre
conversation sur le fait qu'on introduit une notion bien précise au Code civil
et on vient dire, dans le fond, une excuse n'est pas un aveu, au sens du Code
civil. J'aimerais voir… moi aussi, je comprends le processus de médiation, le
fait qu'elle doit bien être informée qu'elle n'abandonne pas ses recours parce
qu'elle accepte une excuse, mais je vois mal comment vous pouvez lire dans
l'introduction du fait qu'on vient dire une excuse n'est pas un aveu, on ne
vient pas… je ne pense pas qu'on vient priver la victime de quoi que ce soit.
Elle peut recevoir des excuses, mais quand même avoir son recours civil. La
seule différence, c'est qu'elle ne pourrait pas utiliser, et j'illustre, là,
l'excuse de la personne et la déposer en preuve pour dire au juge : Bien,
vous voyez bien qu'il a fait quelque chose, il s'est excusé, tu sais.
Donc, c'est vraiment, encore une fois, ce
projet de loi là ne se veut pas une réponse à tout, mais une réponse à des
éléments extrêmement précis, l'élément extrêmement précis du passage du temps,
l'élément extrêmement précis de la qualification de l'excuse comme aveu au sens
juridique. Peut-être juste m'expliquer un peu ce processus-là, puis — je
vais… avec un point d'interrogation bientôt — d'une façon plus large,
nous expliquer un peu cette espèce de processus de médiation là, parce que
c'est intéressant aussi au sens d'une réflexion plus large de donner des
options à la victime, qui ne sont pas nécessairement des options judiciaires,
en justice. Donc, point d'interrogation.
M. Tessier (Philippe-André) :
…je n'étais pas sûr…
Mme LeBel : Non, c'est ça,
c'est bon. Point d'interrogation.
M. Tessier (Philippe-André) :
D'accord. Merci, Mme la ministre, M. le Président. Donc, écoutez, premièrement,
ce qu'il faut comprendre, puis j'espère que tout le monde a bien compris, la commission
est favorable au projet de loi, hein, tant l'aspect de l'abolition de la
prescription, que la question des excuses. Notre rôle évidemment, c'est un rôle
de faire des avis, des recommandations au gouvernement lorsqu'il y a ce genre
d'exercice là, alors on s'y prête. Et une des choses qu'on voulait soulever, évidemment,
l'excuse, lorsqu'on regarde en droit des autres provinces, en droit comparé, si
on veut, intracanadien, il y a plusieurs autres lois qui… puis je sais que les
légistes à Justice Québec ont fait leur travail également de regarder ce qui se
fait ailleurs, mais c'est sûr et certain qu'il y a certaines lois qui viennent
préciser un peu plus en détail qu'est-ce que ça a comme conséquence.
Puis vous me demandez un exemple.
L'excuse, dans les processus de médiation, par exemple, à la commission,
l'excuse, elle est utilisée comme un outil de règlement. Donc, elle a une
portée, elle a une valeur, elle a une force, parce que, par exemple, je vous
donne un cas classique, un cas de figure classique, un cas, ce qu'on appelle
les propos discriminatoires. Le bon vieux litige de clôture entre deux voisins
qui dégénère en, disons, propos très non parlementaires que je ne répéterai pas
aujourd'hui, mais qui se retrouve dans les annales de la jurisprudence. Et,
souvent, ce qui arrive, c'est que, compte tenu de la proximité, c'est des
problèmes de voisinage, bien, la victime est mise en cause, donc les parties, à
travers un processus, vont finir par…
M. Tessier (Philippe-André) :
...propos très non parlementaires, que je ne répéterai pas aujourd'hui, mais
qui se retrouvent dans les annales de la jurisprudence. Et souvent ce qui
arrive, c'est que, compte tenu de la proximité, c'est des problèmes de
voisinage, bien, la victime, les mises en cause donc les parties, à travers un
processus, vont finir par régler le dossier à travers une excuse. Finalement,
l'excuse va devenir l'outil de règlement du dossier. Donc on lui donne une
force, à l'excuse également. Ce n'est pas un aveu, c'est un outil de règlement
du dossier. Donc, je vous donnais cet exemple-là que je voulais vous dire. Et
une des interrogations qu'on avait, c'était par rapport à l'utilisation du mot
«notamment». On se demandait qu'est-ce que ça pouvait venir. Est-ce que ça
pouvait venir introduire certaines confusions par rapport à ces questions-là,
parce que ça peut être sujet à interprétation?
Puis il y a un autre élément qu'on voulait
aussi soulever. C'était le fait qu'on se questionnait à savoir si ça ne pouvait
pas être utilisé dans le cadre de certaines stratégies judiciaires. Donc, quand
on vous parlait, dans mon allocution aussi, de certaines victimes qui sont plus
vulnérables, bien, on peut des fois tenter d'utiliser l'excuse pour essayer un
peu de forcer le jeu puis d'amener un règlement où est-ce que ce n'est pas nécessaire.
Quand on est devant une instance civile, quand on est en présence de médiation,
des choses comme ça, on a des gens formés, experts, qui s'assurent de ce que le
consentement est libre et éclairé, ça se fait bien. Quand on est dans les
parties civiles, c'est les recours privés, donc on n'a peut-être pas nécessairement
cet accompagnement-là non plus.
Donc, on soulevait ces petites
interrogations-là. Je ne sais pas si ma collègue veut en ajouter par rapport à
ce que j'ai...
Mme Montminy (Karina) : Bien, essentiellement,
ce sont des interrogations, effectivement, puis c'est vraiment à partir des
réflexions... Nos réflexions reposent vraiment sur la... plutôt le droit,
l'analyse du droit comparé, effectivement, dans d'autres juridictions ou
législations. On a cru bon de le préciser, est-ce qu'on est en contexte
judiciaire, extrajudiciaire, est-ce que... Mais c'était essentiellement pour
vous soulever l'enjeu que nous, on voyait, là, considérant aussi notre
expérience... soit dans nos processus internes dans l'enquête, là.
Mme LeBel : Peut-être vous
soulever une... L'enjeu auquel on tente de répondre par cet article-là est souvent
dans le processus de... dans le cheminement de ces victimes-là qui sont
victimes de ce type d'infraction là, parce que c'est très interrelié aux
infractions criminelles même si on est dans le processus de la poursuite
civile. Toute la notion de violence par le conjoint, de violence pendant
l'enfance, d'agression sexuelle, ce sont les notions qui sont importées, pas
les règles de preuve mais les notions qui sont importées de l'infraction
criminelle, là.
Dans ce processus-là, dans ce
cheminement-là de ces personnes-là, souvent, la reconnaissance du geste, de
l'acte, par l'agresseur, leur agresseur, est un processus important et
aujourd'hui, et aussi dans nos travaux, là, parce qu'on n'est pas arrivés à
proposer cette avenue-là sans l'avoir entendue, ce qu'on nous dit, puis c'est
exact également, que...
Mme LeBel : ...la
reconnaissance du geste, de l'acte, par l'agresseur, leur agresseur, est un
processus important et aujourd'hui — et aussi dans nos travaux, là, parce
qu'on n'est pas arrivés à proposer cette avenue-là sans l'avoir
entendue — ce qu'on nous dit, puis c'est exact également que,
souvent, il y a des gens, même, qui aimeraient s'excuser dans... et qui ne le
font pas parce que leur... là, ça ne vise pas... une institution ou le gouvernement,
à titre d'exemple, où le premier ministre voudrait donner des excuses pour
quelque chose, ou un individu qui a une forme de regret ou veut s'excuser et
s'il est dans un processus, souvent, va se faire dire par son avocat : Ne
fais pas ça. Si tu... l'excuse va être utilisée contre toi. Et je parle de
l'agresseur dans une forme de processus.
Donc, l'idée n'est pas d'instrumentaliser
l'excuse contre la victime, mais de... plutôt, d'avoir, d'écarter l'embûche
juridique de l'interprétation de l'excuse comme étant un aveu. Maintenant,
est-ce que l'excuse va devenir... l'excuse est toujours un outil de
négociation, hein, qu'il soit un aveu ou non. Quand vous parlez que, dans un
processus de règlement, souvent, l'excuse est plus importante... c'est la finalité
du dossier. C'est-à-dire, s'il s'excuse, c'est correct, s'il s'excuse, je n'ai
pas besoin... ce n'est pas de l'argent que je veux, dans le fond, c'est des
excuses, on va retirer la poursuite parce qu'on va avoir obtenu des excuses. On
en a vu de toutes sortes et je l'ai même vu au criminel, où il y a des victimes
qui m'ont dit : Bien, s'il s'excuse... Bien là, on est dans un autre
processus criminel, là, mais je veux dire... Cette notion-là pour la victime
d'avoir une reconnaissance par l'autre de ce qu'il lui a fait
subir — il ou elle — mais ce qu'elle a subi, la victime,
fait partie d'un processus important.
On n'empêchera jamais — puis
quand je dis ça, c'est avec beaucoup de candeur, là, il n'y a pas de
cynisme — tout peut être, finalement, instrumentalisé à quelque part,
là, mais dans ce cadre-ci, c'était d'écarter le frein juridique où les gens
disaient : Bien, je ne peux pas m'excuser, si je m'excuse, ça va se
retourner contre moi ou c'est un aveu, dans toutes sortes de possibilités. Et
c'est pour ça que le seul but de l'article 1 du projet de loi, qui
introduit 2 853.1, c'est d'écarter cette notion-là qu'excuses égal aveu au
sens juridique. Ça n'écarte pas toutes les préoccupations que vous avez, qui
vont exister, je pense, nonobstant qu'on le fasse ou non, qui méritent que dans
un processus... peut-être que si on pense, un jour, à des processus
alternatifs, que cette idée-là que l'excuse ou l'emprise psychologique ou la
manipulation que quelqu'un pourrait avoir sur la victime en s'excusant va toujours
demeurer. Et il faut en être conscient, là, dans notre démarche.
Mais là, c'est pour ça que je ramène au
fait... puis c'est important de le mentionner, là, c'est votre travail puis je
pense que, je le redis encore une fois avec beaucoup d'honnêteté et de
simplicité, ça va alimenter une réflexion plus large sur les prochaines choses
qu'on devra faire, les prochaines mesures. Mais c'est extrêmement pointu et
ciblé, et est-ce que vous... je pense que... je peux-tu vous demander de me
dire si ça, c'est une pas pire idée quand même, là...
Mme LeBel : …je le redis encore
une fois avec beaucoup d'honnêtement et simplicité, ça va alimenter une
réflexion plus large sur les prochaines choses qu'on devra faire, les
prochaines mesures. Mais c'est extrêmement pointu et ciblé. Et est-ce que vous…
je pense que… je peux-tu vous demander de me dire si ça, ce n'est pas… c'est
une pas pire idée quand même? Point d'interrogation, point d'interrogation. Si…
M. Tessier (Philippe-André) :
O.K., oui. Encore là, je le répète, là, on n'est pas ici pour vous dire qu'on
voit un problème…
Mme LeBel : O.K. Je comprends.
M. Tessier (Philippe-André) :
Ce qu'on… ce à quoi on réfléchit, puis on veut vous le soumettre pour que, dans
le court… de laps de temps qui vous est imparti pour procéder à l'étude
détaillée et… évidemment, on n'a pas eu énormément de temps non plus pour
préparer… Cela dit, ce qu'on a identifié comme problématique, c'est
l'admissibilité ou non de l'excuse en preuve. Est-ce que là, il n'y a pas là, justement,
peut-être avec le «notamment», il n'y a pas là un risque, où est-ce que les
gens vont vouloir le rendre inadmissible?
• (20 h 40) •
Parce que là, on dit : Ça ne peut
pas… une excuse ne peut pas constituer un aveu, O.K.? Et puis, donc, elle ne
peut pas être admise en preuve. Mais là, il peut y avoir un débat. Bien là, c'était-u
vraiment une excuse au sens de 28? Puis je comprends qu'on ne peut pas tout
prévoir puis je comprends qu'on ne peut pas tout anticiper puis qu'il y aura…
vous avez raison, Mme la ministre… excusez, M. le Président, la ministre a
raison. Il va y avoir des développements jurisprudentiels, puis il va y avoir
des gens qui vont les tester. Donc, on fait juste attirer l'attention des
parlementaires, dans votre exercice d'étude détaillée que je comprends qui aura
lieu demain, de peut-être avoir cette idée-là en tête aussi qu'on pourrait
vouloir rendre inadmissible un aveu, mais… en utilisant l'excuse, ou en disant
l'inverse : Bien, ce n'est pas tout à fait une excuse au sens de 28.53.1.
Mme LeBel : Je pense que je
viens d'embarquer dans votre train, là, finalement.
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est une petite d'inquiétude, là.
Mme LeBel : Dans le fond,
c'est l'effet contraire. C'est qu'on ne voudrait pas qu'on prenne l'excuse de
l'excuse pour dire que l'aveu n'était pas un aveu. C'est ça? Je vais le résumer
de même là. O.K. Mais je ne suis pas sûre de comprendre en quoi le «notamment»
vient faire ça, mais je comprends votre préoccupation. Mais à l'inverse… oui,
c'est ça, tu sais… «Je t'ai agressé», c'est un aveu clair, «Je m'excuse»…
M. Tessier (Philippe-André) :
Ah! mais c'est une excuse… C'est ça, oui…
Mme LeBel : Bien, je
comprends, mais ça…
M. Tessier (Philippe-André) :
Je comprends, c'est ça, oui.
Mme LeBel : C'est difficile
d'anticiper toutes les interprétations. Je pense qu'on voulait écarter un frein
à la possibilité qu'une excuse, au sens où on entend que c'est une excuse, et
non pas qu'il y a de la confusion, soit écartée. Et j'avoue que je vais… je ne
comprends pas en quoi le «notamment» ajoute à cette confusion-là, par exemple,
là. Là, j'ai compris votre propos, mais sur le «notamment», j'aurais besoin
d'avoir peut-être un peu plus d'éclairage, parce que…
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr que… écoutez, c'est toujours la même chose, là, c'est que… puis
c'est les juristes en nous qui ressortent, là… Les «notamment», c'est des mots
qu'on aime beaucoup, parce qu'on peut les utiliser à plusieurs escients pour
les… bon. Alors, on fait juste dire : Il y a d'autres dispositions du même
type dans d'autres lois provinciales qui correspondent, dans le cadre
spécifique, c'est sûr… mais c'est sûr et certain qu'on fait juste dire,
peut-être que la nuit portera conseil, voir : Est-ce qu'il y a vraiment…
le libellé utilisé, c'est le bon puis ça correspond à l'intention de ce que le
législateur veut faire?...
M. Tessier (Philippe-André) :
…on fait juste dire : Il y a d'autres dispositions du même type dans d'autres
lois provinciales qui correspondent, dans le cadre spécifique, c'est sûr, mais
c'est sûr et certain qu'on fait juste dire : Peut-être que la nuit portera
conseil, de voir : Est-ce qu'il y a vraiment… le libellé utilisé, c'est le
bon puis ça correspond à l'intention de ce que le législateur veut faire. Nous,
on est là pour vous le soumettre humblement et très respectueusement, mais
c'est un petit peu la petite inquiétude. Il y a des langages peut-être plus
serrés dans d'autres dispositions qui existent ailleurs, dans d'autres lois
provinciales, donc on vous le soumet humblement, Mme la ministre… M. le
Président, à l'intention des parlementaires.
Mme LeBel : Bien, merci. Je
pense que ça fait le tour de ce j'ai de besoin pour ma réflexion.
Le Président (M.
Bachand) : 1 min 30 s, M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
vous avez parlé de… je n'ai pas eu l'occasion de vous entendre sur la
rétroactivité. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre ma question,
là, précédemment, à l'autre groupe — pas de souci, je vais vous la
reposer — en lien avec la possibilité pour des personnes qui auraient
été déboutées en cour parce que le délai de prescription de 30 ans aurait
couru. Puis là on donne la possibilité à ces personnes-là de retourner en cour,
là, donc on donne trois ans pour ce faire, à partir de l'adoption, là, du
projet de loi. Est-ce que vous êtes à l'aise avec cette mesure-là puis c'est
quelque chose que vous recommandez?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, oui, tout à fait, on n'a pas tant insisté là-dessus, nous, ça, ce n'était
pas un enjeu qui nous posait un problème.
M. Lévesque (Chapleau) : Très
bien. Puis, dans la question, vous avez parlé de prévention, d'actions de
prévention. Avez-vous quelques idées à nous soumettre?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, bien, là-dessus, c'est sûr et certain, puis je pense que c'est pour ça que
je comprends qu'il y a eu un effort concerté, là, de mettre en place un comité
d'experts sur ces questions-là. Évidemment, c'est pour ça qu'on a participé à
ces travaux-là. On pense qu'il y a effectivement un rôle important dans les
mesures de prévention puis l'éducation en lien avec ce genre de phénomènes là,
parce que… Comme toutes les questions liées aux rapports de pouvoir, hein, des
rapports traditionnels, hein, des rapports sexistes de pouvoir, donc, c'est sûr
et certain qu'il faut vraiment habiliter, éduquer les gens, éduquer la
population. C'est pour ça que nous, des mesures en matière d'éducation, ce sont
des choses qu'on a souvent répétées à la commission, dans différentes
consultations, que ça en prend toujours plus pour s'assurer, effectivement, que
ce genre de situation là se reproduise le moins possible. Et puis on insiste
aussi en lien avec les jeunes, les enfants qui sont aussi, comme on l'a dit,
les principales victimes. C'est pour ça aussi que, dans le cadre de notre
témoignage devant la commission Laurent, on a rappelé l'importance aussi des
mécanismes mis en place pour protéger la jeunesse, notamment lorsqu'il y a des
situations comme ça qui vont impliquer, évidemment, des signalements en DPJ
lorsqu'il y a ce genre de comportements là de la part des parents,
malheureusement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Tessier. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David : Oui. Bonsoir. À
cette heure, je pense, on peut dire bonsoir. À cette heure-ci, je veux dire.
Une voix
: …
Mme David : À cette,
c-e-t-t-e. Bien, ça, c'est bien dans le thème, parce que le thème que je veux
aborder, c'est que je n'ai pas compris grand-chose à votre mémoire. Et donc je
vais poser...
M. Tessier (Philippe-André) :
Alors, vous avez mes excuses.
Mme David : Non, non, mais
vous avez un talent indéniable de lecture rapide, je n'en reviens pas, c'est...
Vous avez réussi à lire tout ça en je ne sais pas combien de minutes, alors
bravo! Bravo!….
Mme David : ...le thème que je
veux aborder, c'est que je n'ai pas compris grand-chose à votre mémoire. Et donc
je vais poser...
M. Tessier (Philippe-André) :
Alors, vous avez mes excuses.
Mme David : Non, non, mais
vous avez un talent indéniable de lecture rapide. Je n'en reviens pas, c'est...
Vous avez réussi à lire tout ça en je ne sais pas combien de minutes, alors
bravo. Sauf que la contrepartie, c'est que moi, je l'ai lu en même temps que je
vous écoutais parce qu'on l'a eu là, là, puis ce n'est pas de votre faute, tout
ça se passe très vite, puis que je ne suis pas une juriste. Alors, je confesse mon
innocence et mon manque de talent, sûrement, à pouvoir suivre tout ça. Et Dieu
sait que je suis passionnée de ce sujet-là, mais j'avoue que je me retrouve
devant un grand point d'interrogation. Ma collègue ministre avait des petits
points d'interrogation, moi j'en ai des grands, mais sur l'ensemble de
l'oeuvre.
Alors, ce que je vais faire, c'est que je
vais vous demander une lecture accompagnée de deux paragraphes, hein? On va y
aller comme ça, comme ça va nous permettre de mieux comprendre. Le dernier
paragraphe de la page quatre, puis le premier de la page cinq, sans tout le
relire, là, parce que là, je pense qu'on n'a pas besoin de le lire, mais la
différence entre le préjudice corporel, le préjudice qui n'a pas de
qualificatif? Mais quelle est l'intention du législateur, puis qu'est-ce que ça
donne finalement? Le préjudice, il est-u moral, il est-u matériel? Est-ce qu'on
veut réparer le préjudice corporel? Là, bon... Puis la Cour suprême est venue
dire quelque chose, et puis, après ça, bon, est-ce que tout ça, c'est des
atteintes illicites? C'est quoi ça? Puis, bon...
Alors, comprenez-vous? Essayez de...
Peut-être que si je comprends ces deux paragraphes-là, je vais déjà me sentir
plus en moyens après de poursuivre notre échange.
M. Tessier (Philippe-André) :
Je ne sais pas si ma collègue veut peut-être procéder à...
Mme Montminy (Karina) : Je
vais essayer. Non, effectivement, puis vous avez tout à fait raison de dire que
c'est très complexe. Mais nous, on l'apporte beaucoup aussi dans les droits de
la charte, bien évidemment, de la Charte des droits et libertés de la personne,
puis on veut s'assurer, parce que notre lecture d'un arrêt, effectivement, qui
est assez récent, l'arrêt Dorval de la Cour suprême, de 2017, c'est... Là, on
parle ici, dans le Code civil, de préjudices corporels. On vient limiter, si on
veut, la réparation à ce qui résulte quand il y a un acte qui va découler soit
d'une agression sexuelle, soit d'une violence subie dans l'enfance, ou de la
violence conjugale. On veut que là... on veut réparer ce préjudice-là,
lorsqu'il résulte d'une atteinte, mais qui est corporelle.
Puis un peu comme les intervenants
précédents vous on dit, bien, il y a d'autres types de réparation qui existent
dans le droit. Donc, il y a des réparations qui vont être non pécuniaires,
qu'on dit... bon, qui vont venir réparer un préjudice qui est moral, qui est
d'une autre nature. Puis nous, dans la charte, bien ce n'est pas les mots qu'on
utilise. Puis le droit, alors qu'on parle du même droit, on parle du droit à
l'intégrité, c'est l'article 1 de la charte donc...
Mme Montminy (Karina) :
...pécuniaires qu'on dit... bon, qui vont venir réparer un préjudice qui est
moral, qui est d'une autre nature.
Puis nous, dans la charte, bien,
ce n'est pas les mots qu'on utilise, puis le droit, alors qu'on parle du même
droit, on parle du droit à l'intégrité... c'est l'article 1 de la charte,
donc, c'est... pour nous, c'est comme s'il y a un glissement. Parce qu'on ne
sait pas, c'est que, comment c'est écrit, c'est le deuxième... la deuxième
utilisation dans la deuxième phrase de l'article 2926.1, c'est... le
deuxième préjudice, il n'est pas qualifié. Donc, ce qu'on ne sait pas, qu'est-ce
qui va devenir imprescriptible, est-ce que ce sont tous les préjudices? Et ça,
c'est ça que nous, on veut savoir.
Parce qu'évidemment, quand une
victime va déposer son recours, qui va se fonder sur la charte, donc sur
l'atteinte à l'intégrité, on veut qu'elle puisse être compensée pour tous les
préjudices qui en découlent, pas seulement son... pas seulement les préjudices
qui vont découler de son atteinte à son préjudice corporel, par exemple, du
fait qu'elle a subi des atteintes corporelles, mais tout autre préjudice.
Puis nous, notre lecture de la
Cour suprême, c'est celui-là, c'est qu'il dit, c'est très clair, c'est :
«toutes les conséquences immédiates et directes qui découlent de l'atteinte à
l'intégrité physique» doivent être compensées. Ça fait que c'est là, nous,
notre... c'est là, notre crainte, c'est qu'on vienne morceler cette
prescription-là, c'est qu'on va dire : Bien, il y a des préjudices qui
vont devenir imprescriptibles, mais ce que nous, on ne sait pas, dans la
charte, si la personne dit : Bien, on veut fonder notre recours sur
l'article 49, sur l'article 1, bien, on va lui dire peut-être :
Bien, c'est trois ans, vous avez... le délai qui est prévu au Code civil, parce
que, dans la charte, il n'y en a pas de délai de prescription. Il faut
retourner toujours au délai de la charte... au délai, excusez-moi, du Code
civil.
• (12 h 50) •
Puis, en plus, il y a la charte,
il y a tout... il y a le dommage moral, il y a le dommage matériel, mais, en
plus de ça, il y a l'atteinte aussi qui... il y a le préjudice qui est des
dommages punitifs, donc quand il y a une intention. Donc, ce type de dommage
là, bien, est-ce qu'il va être imprescriptible, celui-là aussi, lorsque la
personne... Puis on peut penser que, dans les contextes d'agression, de
violence, bien, il y a toute l'intention aussi. Puis c'est un enjeu majeur, qui
devient important à prendre en considération. Puis là on n'a pas ce type de
réponses.
M. Tessier
(Philippe-André) : Si je peux me permettre, juste ajouter une chose
pour qu'on se comprenne bien. L'article 49 de la charte, c'est un article
très important, qui permet d'utiliser toute la charte et de la plaider devant
tout tribunal. Donc, en gros, on va alléguer un droit à la charte et on va
pouvoir dire : Bien, violation de la vie privée, intégrité, et tout, et
tout, les droits prévus à la charte. On va pouvoir l'utiliser et puis demander
des dommages en lien avec ça, O.K.? Donc, je fais juste dire que c'est comme
une façon d'utiliser les recours de la charte devant un tribunal de droit
commun, et non pas devant le Tribunal des droits de la personne. Et, encore une
fois, on s'excuse, dans notre mémoire, pour les technicalités juridiques,
mais...
M. Tessier (Philippe-André) :
...et tout et tout, les droits prévus à la charte. On va pouvoir l'utiliser et
puis demander des dommages en lien avec ça, O.K.? Donc, je fais juste dire que
c'est comme une façon d'utiliser les recours de la charte devant un tribunal de
droit commun, et non pas devant le Tribunal des droits de la personne. Et, encore
une fois, on s'excuse, dans notre mémoire, pour les technicalités juridiques,
mais on est quand même pas mal au coeur de ça, oui.
Mme David : Je ne suis pas
sûre que je sais même c'est quoi, l'article 49 de la charte, alors vous
comprenez que j'aurais un cours de droit à aller faire, là, pour bien poser mes
questions.
Mais je reviens à la question, peut-être,
que la ministre vous a posée. Tout ça existait avant le dépôt de ce projet de
loi là, là, le 30 ans... Si la personne porte plainte ou va en recours civil,
ça fait 28 ans et demi que c'est arrivé, bien, toutes les mêmes questions se
posaient. En quoi le nouveau projet de loi, qui passe du fini à l'infini,
change quelque chose dans tout le questionnement que vous avez? Je ne sais pas
si je suis claire dans ma question.
M. Tessier (Philippe-André) :
Très claire. Bien, c'est des choses qu'on avait dites en 2012.
Mme David : Au niveau du 30
ans, là, quand on est passés de trois à 30.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, sur ce qu'on vient... ce que vous nous demandez, là, de... la lecture
accompagnée des passages que vous soulignez.
Mme David : C'est du
copier-coller à 2012.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, ce n'était pas la même...je veux dire, ce n'était pas le même projet de
loi, O.K., donc, toute chose étant égale par ailleurs, là, mais effectivement
c'est un peu la préoccupation. C'est qu'il faut faire attention, l'harmonie
entre le langage utilisé dans le Code civil puis le langage utilisé...
Mme David : Utilisé dans la
charte.
M. Tessier (Philippe-André) :
...dans la charte pour ce qui est de l'atteinte illicite intentionnelle et
dommage prévu. À la charte, on ne parle pas de corporel, on parle de matériel
et de moral, donc il y a là un...disons un petit flou qu'on... fait juste
dire : Est-ce que c'est bel et bien... puis c'est ce que j'ai compris des
paroles de la ministre, je me permets de le dire, là, c'est est-ce que c'était
bien l'intention du législateur de bien viser uniquement cette question-là?
C'est ce que je comprends. Nous, c'est ce qu'on venait apporter à votre
attention.
Mme David : O.K. Mais je pense
avoir bien compris, parce qu'il me semble que c'est ce que vous confirmez, que
toutes ces questions-là étaient posées en 2012. Elles se posent encore maintenant.
C'est ça?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr que, là, il y a eu des arrêts de la Cour suprême depuis. 2012,
le projet de loi est mort. La petite histoire, le projet de loi est mort au feuilleton
en 2012, il a été... une autre disposition analogue a été adoptée en 2013 dans
un autre projet de loi.
Mme David : Oui. J'avais 2013
en tête, je n'osais pas vous contester là-dessus, là, je ne suis pas...
M. Tessier (Philippe-André) :
Voilà. Non, non, vous avez parfaitement... Là, au bénéfice de nos
téléspectateurs, je le précise, donc, 2012, mort au feuilleton, p.l. n° 70, repris en 2013, adopté. Et il y a eu, donc, un arrêt
de la Cour suprême, dont ma collègue a fait... parlé, là, Dorval, qui date de
2017. Donc, évidemment, le droit évolue, a évolué depuis.
Mme David : Mais là je ne veux
pas faire de comparaison entre juristes, a, b, c, d, là, parce que je sais que
tout ça est bien compliqué, mais quand la Pre Rachel Chagnon est venue, elle
est venue nous dire, mais peut-être que j'ai mal compris, hein, moi, je suis
une profane de ça, là, que ça allait relativement bien. Parce que je posais des
questions justement sur... eh! ce n'est pas évident, un préjudice, quand ce
n'est pas corporel, puis comment on fait, 35 ans après, puis tout ça, puis les
dommages, puis, bon, on ne parlait pas nécessairement de la charte. Mais elle
semblait apprécier, elle, la latitude des juges par rapport à l'appréciation
des dommages en disant : Pour les violences sexuelles, c'est un peu plus
clair, comme s'il y avait eu un début, un milieu...
Mme David : ...puis comment on
fait 35 ans après, puis tout ça, puis les dommages, puis, bon, on ne parlait
pas nécessairement de la charte. Mais elle semblait apprécier, elle, la
latitude des juges par rapport à l'appréciation des dommages en disant :
Pour les violences sexuelles, c'est un peu plus clair, comme s'il y avait eu un
milieu, un début puis une fin. Pour d'autres sortes de violences, puis là,
quand on parle de climat, tu sais, de terreur, admettons, là, c'est quoi, ça un
climat de terreur, elle semblait dire que c'était une bonne chose que les juges
puissent apprécier et...
Puis peut-être que je n'ai pas raison, peut-être
que j'ai mal compris même elle, alors... Mais j'aimerais ça juste vous dire
qu'est-ce que vous en pensez, alors... Ça avait l'air plus... Je vais peut-être
dire une grossièreté, là, mais ça avait l'air plus simple et plus clair selon
sa lecture à elle que selon votre lecture à vous.
Le Président (M.
Bachand) : En 30 secondes, Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) :
30 secondes. Écoutez, on fait juste vous apporter à l'attention de cette commission
parlementaire que la commission... l'article, pardon, 2926 n'établit pas
clairement dans quelle mesure l'imprescriptibilité du recours pour atteinte à
l'intégrité en vertu de l'article 49 de la charte, dans un cas d'agression à
caractère sexuel par exemple, pourrait s'étendre à la réparation du préjudice
moral et matériel en résultant. C'est tout ce qu'on soulève, c'est
l'interaction entre le Code civil et 49 de la charte, et je ne veux pas
contredire la Pre Chagnon.
Il y a des questions de preuves et
d'appréciation de preuves. Oui, les juges sont bien placés pour faire aussi ces
éléments-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Avant d'aller à
la députée de Sherbrooke, j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter cinq
minutes à la séance de ce soit, s'il vous plaît. Consentement. Mme la députée Sherbrooke,
s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci. Bien,
d'abord, j'aimerais ça vous remercier d'avoir parlé de discrimination
systémique. Vous avez choisi d'utiliser ce mot-là, c'est important le choix des
mots. Puis je vais revenir sur la discussion qu'on est en train d'avoir précisément
sur le choix des mots, là, par rapport aux préjudices corporels ou pas. J'ai
l'impression qu'on va devoir avoir une longue conversation là-dessus, là,
demain, parce que... En tout cas, moi, je pense être législatrice, là, autour
de cette table, puis mon intention à moi, ça serait que tous les préjudices
soient imprescriptibles pour les agressions à caractère sexuel, la violence
subie pendant l'enfance et la violence conjugale. Donc, pour moi, il y a aussi
ces types de violence là qui peuvent être psychologiques et ils devraient aussi
être imprescriptibles.
Donc, je pense que, si ce n'est pas le
résultat de ce qui est écrit dans le projet de loi, comme vous nous le
soulevez, il va falloir peut-être faire des petites modifications. Mais
j'espère qu'on pourra s'entendre là-dessus rapidement quand même. Je trouverais
ça dommage d'avoir un projet de loi qui laisse entendre que les préjudices vont
tous être couverts, alors que, financement, dans l'application, certains juges
pourraient, finalement, si je comprends bien ce que vous dites, d'interpréter
ça comme si, finalement, c'est juste les préjudices corporels qui sont
imprescriptibles. C'est le risque vous nous soulevez.
Mme Montminy (Karina) : Bien,
oui, en effet, tu sais, ça pourrait être... Ça pourrait venir limiter
effectivement, alors que je pense qu'il peut... Nous, ce qu'on soulève...
Mme Labrie :
...d'interpréter ça comme si, finalement, c'est juste les préjudices corporels
qui sont imprescriptibles. C'est le risque vous nous soulevez.
Mme Montminy (Karina) :
Bien, oui, en effet, ça, ça pourrait être... Ça pourrait venir limiter effectivement,
alors que je pense qu'il peut... Nous, ce qu'on soulève, c'est qu'il y a une
ambiguïté. Ce n'est pas clair, puis ça peut avoir ce résultat-là, en effet.
C'est pour ça qu'on vous dit, bien, peut-être que, là, on a une occasion de le
faire, de le préciser parce que, si c'est la volonté réelle qui est recherchée,
c'est d'appliquer les enseignements de la Cour suprême puis d'aller dans le
fait de réparer... C'est parce que ce que... Ce qui découle de l'arrêt de la Cour
suprême, c'est que, la volonté... On regardait, on était dans l'application
d'une autre disposition qui est l'article 2930 du Code civil mais qui est
lié, là, à l'article 2926.1, là, qu'on est... Il était en train de
regarder comment... le fondement de l'action en réparation du préjudice. C'est
de ça, exactement, qu'ils ont parlé, du préjudice corporel. Quel est son
fondement? Puis son fondement, ils le définissent par le droit à l'intégrité.
C'est ça, le fondement. Donc, il faut s'attacher au droit. C'est donc... C'est
ça, l'assise. Et ce n'est pas le... Ce n'est pas seulement ce qui en découle,
mais c'est l'atteinte même. Ce n'est pas est-ce que... est-ce que j'ai souffert
de... Mais je pense que ça a été très explicitement démontré, c'est bien
documenté qu'il y a des victimes qui peuvent vivre des conséquences qui ne sont
pas que corporelles aussi. Donc, il y a ça en plus, mais… donc, ça pourrait
venir limiter le droit de certaines victimes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la députée de
Sherbrooke. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. J'aimerais beaucoup avoir plus que mon trois minutes, parce que
contrairement à ma collègue j'essaie de… avec mes notions juridiques, de tout
décortiquer. Et donc, je pense que la notion de base pour comprendre les
éléments que vous amenez, c'est qu'il peut y avoir des recours en vertu du Code
civil puis il peut avoir des recours en vertu des articles de la charte
québécoise. Donc, c'est une nuance de base assez importante pour comprendre ce
que vous nous dites ce soir. Et vous, vous nous dites : Ce serait bien que
ce soit cohérent pour qu'il n'y ait pas plus ou moins de droits dans un recours
en vertu de la charte qu'en vertu du code. Mais ça, j'imagine que c'est une
plaidoirie que vous faites de temps en temps sur différents enjeux, parce que
ça ne doit pas être le seul élément où il y a peut-être un risque dans le Code
civil.
• (21 heures) •
Mais ce que je veux savoir, donc,
c'est : Est-ce que votre risque, vous l'évaluez le même qu'en 2012?
C'est-à-dire, vous dites : En 2012, on avait fait cette demande-là. Est-ce
que depuis, puisqu'on a mis l'imprescriptibilité sur 30 ans, il y a eu des
situations où ça a été concrètement un problème, donc où il n'y a pas eu le
préjudice moral qui a pu être indemnisé, par exemple, parce qu'on n'avait pas
prévu ça? Puis deux, dans tous les cas qui sont concernés dans notre projet de
loi, dans le projet de loi de la ministre, est-ce qu'il n'y a pas
nécessairement une atteinte à l'intégrité physique, et donc, un préjudice
corporel?...
21 h (version non révisée)
Mme
Hivon
: ...le
préjudice moral qui a pu être indemnisé par exemple parce qu'on n'avait pas
prévu ça. Puis deux, dans tous les cas qui sont concernés dans notre projet de
loi, dans le projet de loi de la ministre, est-ce qu'il n'y a pas nécessairement
une atteinte à l'intégrité physique et donc, un préjudice corporel? Et il peut
y en avoir d'autres qui vont découler du préjudice corporel, moral, tout ça. Parce
que j'essaie de voir est-ce qu'il y a des cas de figure où il n'y aurait pas d'atteinte
à l'intégrité physique.
M. Tessier (Philippe-André) : Effectivement,
puis c'est un peu ça l'exercice théorique abstrait auquel on est... on se
consacre, puis c'est pour ça que nous, notre travail, c'est de vous alerter à
cette situation-là pour vous permettre de délibérer efficacement. Il est
évident que... puis c'est un peu la position de certains professeurs, j'en suis
sûr, je n'ai pas entendu tous les témoignages, là, mais l'arrêt Dorval, là,
dont on parle, là, ça... a quand même... été interprété pour donner plein effet
au langage de 2930, là. C'est un peu ce que ma collègue tantôt vous a cité.
Donc c'est sûr et certain, pour reprendre les propos de Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, donc, les juges ont utilisé leur...
Mme
Hivon
: Ils
ne l'ont pas limité.
M. Tessier (Philippe-André) : Ils
ne l'ont pas limité.
Mme
Hivon
: Exact.
M. Tessier (Philippe-André) : Donc,
est-ce que ça pourrait être ça la finalité du texte proposé? Oui. Nous, ce
qu'on vous dit, c'est que ça pourrait ne pas être ça aussi et on tient à vous
le soumettre à votre attention pour la délibération.
Mme
Hivon
: Puis,
est-ce que depuis...
M. Tessier (Philippe-André) : Est-ce
que j'ai des exemples concrets à vous donner? Non, non.
Mme
Hivon
: ...depuis
qu'on a le 30 ans, est-ce qu'il y aurait eu une divergence, un recours en
vertu de la charte versus...
M. Tessier (Philippe-André) :
Là... on n'en a pas, là, sur cette question-là en tête, à moins que ma collègue
me contredise, là.
Mme Montminy (Karina) :
Malheureusement, on n'a pas eu le temps de faire la revue de la jurisprudence.
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est ça. On n'a pas eu beaucoup de temps.
Mme
Hivon
: Non,
non, je comprends. Inquiétez-vous pas que tout le monde est en vitesse grand V.
M. Tessier (Philippe-André) :
Mais c'est sûr et certain que nous, ce n'est vraiment pas de dire encore une
fois, il n'y a personne ici dans cette salle, je pense, qui ne veut pas de
l'imprescriptibilité. On est tous... Tout le monde est d'accord ici. L'enjeu
n'est pas là. C'est de dire : Est-ce qu'on s'assure de...
Mme
Hivon
:
Est-ce qu'il pourrait y avoir un risque que ce soit interprété limitativement
ou différemment en vertu de la charte que du Code civil?
M. Tessier (Philippe-André) :
...de façon plus limitative que... Voilà, c'est tout. Mais on respecte... On
comprend que l'opinion contraire peut se défendre aussi.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, merci infiniment de vous être déplacés ce
soir, d'avoir pris une bouffée d'être frais avec des membres de la commission.
Alors, c'est très apprécié.
Avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires de personnes et organismes qui n'ont pas été
entendus lors des auditions publiques.
Cela dit, la commission ayant accompli son
mandat, j'ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 2)