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Point de presse de Mme Diane De Courcy, ministre responsable de la Charte de la langue française

Version finale

Le jeudi 18 avril 2013, 15 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures quarante-deux minutes)

Mme De Courcy: Alors, d'abord, vous présenter les collègues qui m'accompagnent, ce sont eux qui ont travaillé avec moi en commission parlementaire depuis les cinq dernières semaines: Émilien Pelletier, député de Saint-Hyacinthe, et puis Sylvain Roy, député de Bonaventure. Daniel Breton, député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, n'est pas présent, mais il a participé à cette commission parlementaire.
Alors, bien, d'abord, merci d'être présents pour que je puisse vous partager une première... des premiers constats. Et ils ne seront pas finaux parce qu'évidemment la commission parlementaire s'est achevée aujourd'hui, alors il faut prendre le temps, là, de prendre un petit recul pour être en mesure d'en parler davantage.
Alors, après des progrès importants qui ont suivi l'adoption de la Charte de la langue française en 1977, le français a commencé à reculer au cours des dernières années comme le démontrent différentes études et comme nous le constatons dans notre quotidien. Ces études démontrent en particulier une baisse significative et inquiétante du français au travail.
Voici quelques données parmi d'autres, il n'y en aura pas beaucoup. Entre 1989 et 2010, la proportion des travailleurs utilisant principalement le français au travail est passée de 85 % à 80 % dans la grande région de Montréal. Sur l'île de Montréal, cette proportion n'était plus que de 58 % en 2010. En 2012, le taux de chômage des personnes immigrantes était de 21 % pour celles qui sont au Québec depuis moins de cinq ans, comparativement à 8 % pour l'ensemble de la population. Notre gouvernement a donc déposé le projet de loi n° 14 en décembre dernier en annonçant que nous serions fermes sur l'objectif: renforcer le droit de vivre et de travailler en français au Québec et souples sur les moyens.
Au cours des semaines de cette consultation générale, nous avons reçu 86 mémoires, échangé avec 75 groupes et citoyens et bénéficié de l'éclairage de plus de 4 285 personnes qui ont rempli le questionnaire en ligne sur le site de l'Assemblée nationale. Vous comprendrez que ce bout d'analyse là, par ailleurs, n'est pas terminé. Il s'agit d'un processus démocratique auquel je suis fière d'avoir contribué et qui a permis de soulever plusieurs questions pertinentes.
Voici un bref survol des principaux enjeux abordés lors de la consultation générale. Concernant la langue de travail et la langue de service, les propositions du projet de loi n° 14 visant le renforcement du droit de travailler en français ont suscité beaucoup, beaucoup de discussions. La Charte de la langue française affirme déjà le droit de travailler en français; le projet de loi vient préciser sa mise en application.
Afin de respecter l'interdiction déjà présente dans la charte d'exiger la connaissance d'une autre langue que le français pour combler un poste, les entreprises devront faire un examen des besoins linguistiques associés à ce poste. Il sera interdit d'exiger d'un employé la connaissance d'une autre langue que le français pour l'accomplissement de sa tâche, à moins que celle-ci ne le nécessite. L'entreprise devra afficher sur les lieux de travail, dans un endroit bien en vue, les dispositions de la loi protégeant le droit de travailler en français.
Les entreprises comptant entre 26 et 49 employés devront vérifier leur mode de fonctionnement afin de s'assurer que le français est la langue normale et habituelle de travail. Le cas échéant, elles devront apporter les correctifs requis pour atteindre cet objectif. Contrairement aux entreprises de plus grande taille, elles n'auront pas l'obligation systématique de soumettre une analyse de leur situation linguistique et un plan de francisation à l'Office québécois de la langue française, d'obtenir de celui-ci un certificat de francisation ou de rendre compte à l'office tous les trois ans de l'évolution de l'utilisation du français dans l'entreprise.
Renforcer le français dans le monde du travail me tient particulièrement à coeur. Vous le savez, je suis aussi ministre de l'Immigration. Trop d'immigrants sont venus au Québec en pensant pouvoir y vivre et y travailler en français pour ensuite constater qu'on exige très souvent l'anglais dans les offres d'emploi. Après la grande séduction survient trop souvent la grande déception.
Il est bien sûr normal d'exiger l'anglais lorsque la tâche le justifie, mais la pratique grandissante d'exiger le bilinguisme de façon routinière pour tous les postes, alors que la nature de ceux-ci ne le justifie pas, doit prendre fin. Je demeure donc déterminée à faire adopter ce qui est pour moi le coeur du projet de loi.
Par ailleurs, je rencontrerai, dans les prochains jours, la majorité des secteurs économiques qui se sont exprimés durant la commission. Plusieurs d'entre eux - les associations et les groupes syndicaux - ont soumis des recommandations pour opérationnaliser le projet de loi. Même quand ils étaient contre, plusieurs disaient: Mais, s'il s'avérait qu'on l'adopte, voici ce qui devrait être fait. Elles seront étudiées, ces recommandations-là, avec beaucoup d'attention. J'en ai dénombré 93, au fil du temps de la commission parlementaire.
Concernant les cégeps anglophones, il n'est pas normal que la popularité des cégeps anglophones puisse limiter l'accès des diplômés anglophones du secondaire à l'enseignement collégial. Le projet de loi prévoit la possibilité, pour un collège anglophone, d'établir des critères et des priorités dans la sélection des étudiants pour respecter la clientèle de la langue anglaise.
Nous avons entendu des craintes à ce sujet. À ce stade-ci, je ne vois pas pourquoi nous retirerions cette proposition, puisqu'il s'agit seulement d'une possibilité offerte par le projet de loi aux collèges anglophones, qui décideront eux-mêmes, selon leur situation, de l'utiliser ou non et, le cas échéant, de la nature et de la portée des critères qui seront utilisés pour assurer l'équité des mécanismes de sélection.
J'ai entendu les arguments de la Fédération des cégeps qui sont contre cette mesure. Je vais examiner de nouveau des recommandations pour opérationnaliser. J'ajoute cependant que ce n'est pas une nouveauté, ce qui est mis de l'avant, c'est-à-dire qu'il y ait une préséance pour des élèves, pour des étudiants anglophones au cégep. Là-dessus, Jean-François Lemieux va vous distribuer un extrait de discussions qui ont eu lieu au moment où Mme Courchesne était ministre de l'Éducation, et elle cite, et fort bien, à un collège donné qu'il faut donner préséance aux élèves anglophones. Alors, s'il y a quelqu'un d'entre vous qui peut distribuer cet extrait de presse.
Concernant les municipalités, des discussions importantes ont porté sur la possibilité pour le gouvernement de retirer le statut bilingue d'une municipalité qui compte moins de 50 % d'anglophones après consultation et après avoir pris en compte la présence historique et la participation des membres de la communauté anglophone. Même si ce retrait n'est pas automatique et même si cela n'empêche aucunement les anglophones de recevoir des services dans leur langue, j'ai constaté leur grand attachement à l'autonomie municipale ainsi que l'importance symbolique que revêt le statut bilingue des municipalités.
J'ai aussi entendu à quel point certaines communautés anglophones sont fragilisées à l'extérieur des régions de Montréal et de l'Outaouais. Pourtant, 35 ans après l'adoption de la charte, il faut bien trouver un mécanisme pour revoir ces statuts en fonction de l'évolution démographique de nos villes et villages et surtout nous assurer que les municipalités contribuent à l'intégration en français des personnes immigrantes et au visage français du Québec dans le respect des droits des communautés anglophones. J'ai confiance que l'étude détaillée du projet de loi, si on s'y rend, permettra d'identifier les ajustements nécessaires pour concilier ces objectifs. Et afin de continuer à travailler même en dehors de la commission parlementaire, je vais rencontrer la semaine prochaine, avec l'aide du député d'Orford, M. Reid, les communautés de l'Estrie, communément appelées les Townshippers, pour être en mesure de mieux comprendre leur situation, ce que j'avais fait aussi en cours de commission parlementaire avec les gens de Morin-Heights et les environs.
Concernant les enfants de militaires, la majorité des enfants de militaires québécois n'auront pas à suivre leurs parents à l'extérieur du Québec. De plus, il y a une école française à proximité dans la vaste majorité des bases militaires canadiennes. Pourtant, les recours à l'exemption permettant aux enfants de militaires de fréquenter, à titre temporaire, les établissements d'enseignement anglophones ont bondi au fil des ans. Pendant la décennie de 1990, le nombre d'inscriptions d'enfants de militaires dans les écoles anglophones était en moyenne d'environ 100 par année. Pendant la période de 2000-2001 à 2004-2005, cette moyenne annuelle est passée à 206 inscriptions puis à 314 pour la période 2005-2006 à 2009-2010. Pour la seule année 2009-2010, il y a eu 418 inscriptions de ce type, soit quatre fois le nombre annuel moyen pendant les années 90. Et je sais qu'il y a eu des données qui ont circulé et qui ont été... on a douté, à un certain moment, de ces données.
Alors, pour être bien sûre du mouvement des militaires, j'ai fait examiner par le ministère de l'Éducation, avec la collaboration de ma collègue Marie Malavoy, la cohorte sur 11 ans pour voir comment ça se passait, est-ce que c'était vrai, là, qu'il y avait peu de mouvement? Et tous les chiffres, qu'on les prenne d'un angle ou d'un autre angle, nous indiquent qu'il y a peu de mouvement. Je vous demande de distribuer ce tableau. Il est facile à consulter, vous allez pouvoir en prendre connaissance.
Or, l'utilisation de cette exemption mène à l'acquisition d'un droit permanent à l'enseignement public en anglais pour des enfants francophones nés de parents francophones, qui ne sont pas en séjour temporaire au Québec, ainsi que pour leur descendance. Depuis octobre 2010, 376 demandes visant l'obtention d'un droit permanent à l'enseignement en anglais pour des enfants de militaires québécois ont été soumises. On est loin de l'intention de M. Lévesque et celle de M. Laurin. C'est cette affaire que le projet de loi n° 14 vise à corriger. Il s'agit là d'une question d'équité.
Par ailleurs, les enfants de personnes véritablement en séjour temporaire au Québec, y compris les militaires, continueront de bénéficier de l'exemption. Ce ne serait pas un automatisme. De même, je réitère qu'il n'y a pas lieu de craindre que cette correction n'entraîne la fermeture d'établissements scolaires anglophones. Il existe nombre de mesures permettant d'éviter ce type de fermeture. Mon expérience encore récente dans le milieu scolaire, me permet de l'affirmer, mais, plus important, ma collègue de l'Éducation est parfaitement d'accord avec cette affirmation.
Concernant l'Office québécois de la langue française, plusieurs intervenants ont abordé des questions relativement à l'Office québécois de la langue française. Les pouvoirs d'enquête, de saisie, de mise en demeure ont entre autres fait l'objet d'interprétations diverses. Mon intention est claire au sujet de l'office, il s'agit d'une organisation qui a un rôle fondamental à jouer mais qu'il faut moderniser, tant dans son fonctionnement que dans ses encadrements légaux et réglementaires dans ses manières de faire. Dans plusieurs cas, les libellés du projet de loi visent à ajuster la Charte de la langue française pour la rendre conforme à la manière moderne d'écrire des lois, c'est-à-dire en cessant de prévoir chaque détail, de manière à laisser la réglementation et les administrateurs publics jouer leur rôle. C'est aussi l'objectif des précisions sur les fonctions de la ministre responsable de la charte, y compris en matière d'enquête, qui ne sont pas énoncées dans le texte actuel de la charte, contrairement à ceux de la vaste majorité des ministres du gouvernement.
Cela dit, j'ai constaté un problème de perception au sujet de ces différents articles, entre autres parce que l'office a eu vraiment mauvaise presse cet hiver. J'ai donc l'intention d'apporter des ajustements à quelques-unes des propositions du projet de loi à ce chapitre et d'échanger à ce sujet de façon constructive et avec une grande ouverture d'esprit.
Concernant le remplacement du terme «minorité ethnique» par «communauté culturelle», le remplacement de l'expression «minorité ethnique» par «communauté culturelle» dans le préambule de la Charte de la langue française se veut un ajustement de concordance avec les lois qui régissent l'immigration au Québec. Cet ajustement technique, qui ne touche absolument pas la Charte des droits et libertés, ne doit d'aucune façon réduire le niveau de protection dont jouissent tous les citoyens du Québec. Nous nous assurerons à nouveau, à la suite des préoccupations soulevées à cet égard pendant les auditions. Au besoin, un amendement au projet de loi pourrait être apporté.
Concernant la traduction des prospectus, je viens du monde de l'éducation, où nous sommes nombreux à rappeler qu'on apprend tout au long de sa vie. La consultation générale m'a permis d'apprendre qu'il y a peut-être des effets non désirés à la traduction exigée de la documentation prévue à la Loi sur les valeurs mobilières. On nous a dit que limiter la traduction exigée aux documents consultés par les investisseurs pourraient notamment contribuer à ce que davantage de prospectus soient émis au Québec. J'ai demandé un avis au ministère des Finances et de l'Économie et au Secrétariat du Conseil du trésor à ce sujet.
Concernant les modifications à la Charte des droits et libertés, l'inclusion, dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, du droit de vivre et de travailler en français au Québec a suscité un appui très fort. Certains intervenants ont toutefois soulevé des craintes. Je tiens à les rassurer, la mention de ce droit dans la Charte des droits et libertés ne diminue en rien les libertés individuelles. Nos tribunaux en resteront garants.
Concernant la maîtrise du français chez les diplômés et les membres des ordres professionnels, un autre article touche le monde du travail, le renforcement, donc, des exigences en matière de maîtrise du français pour les membres d'un ordre professionnel. Cet article a généralement reçu l'appui d'organismes qui s'intéressent à cet enjeu. Des ajustements techniques ont été proposés, et j'assure notamment le Conseil interprofessionnel du Québec qu'ils seront étudiés très sérieusement. Quant à la proposition voulant que le ministère de l'Enseignement supérieur s'assure de la maîtrise du français des diplômés collégiaux, peu importe la langue du collège, elle a reçu un appui assez clair.
Les modalités ont soulevé des inquiétudes, mais nous pouvons faire confiance aux ministères et aux administrateurs des collèges pour que le niveau d'exigence soit raisonnable et pour que nos diplômés puissent maîtriser le français sans que cela nuise à leur réussite scolaire. Ce sont donc ici quelques éléments qui ont été abordés au cours des six dernières semaines.
Au-delà de ces éléments précis, une question plus générale et plus importante se pose: Sur quelle base jugeons-nous la pertinence de ce projet de loi? Pour ma part, je crois que nous devons agir pour protéger et développer le Québec français pour que notre langue fleurisse en Amérique du Nord. Nous avons l'héritage de 400 ans d'histoire à léguer aux futures générations. Notre État a la responsabilité de prendre les moyens nécessaires pour s'en assurer. C'est là, la vraie question. Nous sommes convaincus qu'il faut agir, qu'il faut être fermes sur l'objectif tout en étant souples sur les moyens.
La première opposition, que vous avez entendue il y a quelques minutes, a annoncé qu'elle votera contre le principe même du projet de loi. Elle rejette ainsi en bloc et sans nuance toutes les propositions que je viens de survoler. Ce faisant, elle choisit de ne pas contribuer au renforcement du droit de vivre et de travailler en français au Québec, tout comme elle l'avait fait d'ailleurs en 1977. La deuxième opposition s'est montrée plus nuancée. J'ai bon espoir qu'il soit possible d'établir un dialogue et d'identifier des zones de compromis sans compromission. Dans la mesure où l'objectif et le coeur du projet de loi sont respectés, je peux les assurer de mon ouverture d'esprit. Et je peux maintenant répondre à vos questions.

M. Journet (Paul): Donc, Mme De Courcy, pour que votre projet de loi soit adopté, c'est simple, vous avez besoin de l'appui de la CAQ. Or, la CAQ a, de façon très claire, énuméré ses trois conditions sine qua non. Si j'ai bien compris ce que vous venez de nous dire, vous n'êtes pas prête à répondre à ces conditions-là, puis on se dirige vers un affrontement et probablement un blocage du projet de loi à l'étude article par article, là, parce qu'il n'y a pas d'ouverture chez vous non plus, là.

Mme De Courcy: Je ne reprendrai pas, point par point, tout ce que je vous ai dit. Il me semble vous avoir témoigné de plusieurs sensibilités qui pourraient être convergentes avec celles...

M. Journet (Paul): Pour les municipalités...

Mme De Courcy: Je vais simplement terminer, ça ne sera pas long. Avec celles de la CAQ. Maintenant, j'ai bien vu et interprété que ce que vous appelez des conditions... Je me souviens d'ailleurs très bien d'avoir entendu la députée de Montarville dire qu'il s'agissait de leur point de départ. Ils ont été influencés, j'en suis certaine - en tout cas, j'espère bien - comme moi, par la commission parlementaire. Il y a des éléments que je vous dis aujourd'hui, qu'au moment du dépôt du projet de loi j'ignorais ou que je voulais vérifier davantage. Ça serait la même chose pour eux. Alors, je ne devancerai pas, moi, leurs réactions, ni les scénarios futurs.
Ce sur quoi je peux, aujourd'hui, être certaine, c'est que nous n'aurons pas la collaboration de la députation libérale, mais ça, c'était une chronique annoncée. Vous savez, je n'avais pas, je pense, physiquement déposé le projet de loi que déjà ils étaient contre. Alors...

M. Journet (Paul): Je vais la reposer différemment.

Mme De Courcy: Je vous en prie.

M. Journet (Paul): Pourriez-vous reculer sur les municipalités à statut bilingue? Pourriez-vous reculer sur les enfants... sur les écoles pour les enfants de militaires et aussi pour leur autre condition quant aux petites et moyennes entreprises?

Mme De Courcy: Quelle drôle de façon de dire qu'un projet de loi évolue en parlant du noir ou du blanc, du recul ou de l'avancée. Moi, j'ai travaillé, je vous avoue, à une écoute très active de tout ce que j'ai entendu. Dans les fondements de ce projet de loi, je maintiens que les articles que nous avons mis de l'avant sont intéressants. Dans certains cas, ils sont questionnables sur leur opérationnalisation, sur la protection qu'on doit avoir à certains égards. Puis, à ce stade-ci, je vous dirais que je ne peux pas aller dans le sens de ce que vous dites, je ne peux pas aller dans cet argumentaire-là.

M. Bergeron (Patrice): Mme De Courcy, vous connaissez donc les conditions fixées par la coalition, notamment sur le statut bilingue des municipalités et sur le sort des militaires... des enfants des militaires. C'est donc que votre sort et le sort de votre projet de loi est entre les mains de la CAQ, actuellement, là.

Mme De Courcy: Bien, actuellement, c'est très clair que, pour l'étude de principe et pour l'adoption de principe, il est clair, avec ce qu'on a appris aujourd'hui, que la coalition doit faire des choix. Mais je pense qu'elle doit se poser la question fondamentale avec laquelle j'ai conclu cet exposé-là: Est-ce que fondamentalement on croit qu'il y a un problème? Et que ce que j'indique comme étant un bouquet de mesures, c'est-à-dire des mesures législatives, incitatives, administratives et en immigration - parce qu'il y a quand même eu, hein, 24 mesures en immigration qui ont été annoncées - est-ce qu'en principe, là, on veut travailler là-dessus, si, les objectifs de fond, on est d'accord avec ça?
Maintenant, là, on est prêts à travailler sur des amendements potentiels. Il y a des choses, et vous le savez bien, là, qui sont de l'ordre du compromis, puis tout le monde fait ça en bon travail parlementaire; la compromission, non. Alors, je présume et je trouve l'attitude très sage de la part de la CAQ aujourd'hui de dire: On va prendre le temps. On va prendre le temps avant de donner une réponse sur l'adoption par principe.

M. Bergeron (Patrice): En cas de fermeture totale et, justement, sans avoir à afficher cette souplesse-là de la CAQ que vous espérez, c'est donc que la CAQ portera l'odieux de la mort de votre projet de loi ou...

Mme De Courcy: Vous savez, j'ai appris, dans cette fonction-là, à ne pas lancer des accusations ou des coupables... ou chercher des coupables. Je pense que tous les parlementaires sont responsables. Aujourd'hui, je dirais que le Parti libéral se retranche de sa responsabilité collective, comme parlementaires, d'y aller et de proposer, de faire des amendements, etc., et d'annoncer une bonne volonté. Il sera très difficile, vous savez, lorsqu'on sera rendus, si on s'y rend, dans l'étude article par article, d'accorder foi à ce qui va être mis de l'avant par les gens du Parti libéral à partir du moment où, les fondements, on n'en est pas d'accord. Alors, je vais maintenir une grande ouverture d'esprit, mais vous comprendrez que ça va demander beaucoup, je dirais, beaucoup de bonne foi de ma part.
Quant à la CAQ, je ne peux pas présumer ça aujourd'hui parce que je pense qu'ils sont sagement en train de réfléchir. Quant à Québec solidaire, je ne les ai pas entendus encore, mais je présume qu'ils sont dans un espace de réflexion eux aussi.

M. Bergeron (Patrice): ...vous voulez négocier avec eux ou...

Mme De Courcy: Ah! Moi, vous savez, je suis dans un espace où c'est un appel à tous que j'ai fait. Et aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, j'ai fait une intervention qui faisait cet appel-là en disant: Au-dessus de tout intérêt partisan, à ce stade-ci et encore plus dans un contexte de gouvernement minoritaire, travaillons ensemble, avançons et faisons une étude sérieuse.
Il me semble, vous brossez un premier tableau qui... Je vous indique que nous faisons une étude sérieuse de ce que nous avons entendu, et c'est ce travail parlementaire là, auquel je crois beaucoup, qui devra se poursuivre.

M. Authier (Philip): En arrivant ici, Mme De Courcy, j'avais précisément la question: Est-ce que vous étiez prêts à faire des amendements à votre projet de loi? Je veux juste vérifier la teneur des nuances que vous venez de mentionner. Au niveau des cégeps, vous venez de parler que ce serait une possibilité offerte aux cégeps.

Mme De Courcy: C'est déjà dans le projet de loi.

M. Authier (Philip): Mais ce n'est pas écrit exactement comme ça.

Mme De Courcy: Bien, probablement que... Probablement que l'interprétation que vous en faites est celle-là. Pourtant, dans les faits, quand j'ai présenté le projet de loi le 5 décembre dernier, j'ai bien indiqué qu'appartiendrait à l'ensemble des collèges de faire tout ce qui fallait pour atteindre cet objectif-là en équilibre. Et c'est tellement vrai que je ne suis pas la seule à penser cela, je vous ai distribué ce que l'ex-ministre de l'Éducation a elle-même mentionné du même parti qui s'inquiète de cette disposition-là.
S'il y a des précisions que nous voulons apporter, les instruments gouvernementaux nous permettent d'avoir des lois, des règlements, des procédures, des politiques, etc. Bien, qu'on fasse des propositions à cet égard.

M. Authier (Philip): Sur le statut bilingue, vous venez de dire aussi que vous allez rencontrer les Townshippers, vous souhaitez trouver une solution. Ça veut dire vous êtes prêts à amender cette clause-là aussi?

Mme De Courcy: Ce que vous voulez me faire dire aujourd'hui et que je ne dirai pas, je vais...

M. Authier (Philip): J'essaie juste de faire préciser les nuances des amendements.

Mme De Courcy: Laissez-moi juste... laissez-moi juste terminer. Laissez-moi juste terminer. Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est qu'après cinq semaines d'écoute, manifestement, des sensibilités ont été révélées, et je dis : Ces sensibilités-là, je vais en tenir compte.
Sous quelle forme, maintenant? Est-ce que c'est des amendements, de la réglementation, etc.? Je ne suis pas en mesure de vous dire ça aujourd'hui, mais ce sont des sensibilités auxquelles je vais tenir compte. Je vous ai aussi dit que le fond du projet de loi, quant à moi, est un bon projet de loi. Vous avez entendu, et je sais que vous avez suivi vous-mêmes les travaux de cette commission parlementaire, vous n'êtes pas sans savoir que, bien sûr, là, on a mis en évidence, au cours des derniers 24 à 48 heures, et même durant ces cinq semaines là, évidemment ce qui était le plus controversé.
Mais on oublie, par exemple, que, de façon presque unanime, les grandes centrales syndicales ont été très favorables, voire enthousiastes à ce projet de loi. On a vu aussi des gens de la communauté anglophone venir nous dire que c'était très important de renforcer le français, et qu'il y avait un problème au niveau du français écrit, et qu'ils étaient inquiets. On a vu des enseignants au collégial, dans les cégeps anglophones, nous dire: Il y a un problème au niveau de la langue. Bon.
Alors, je ne peux pas aller plus loin aujourd'hui et je ne le ferai pas de cette manière, parce qu'en plus de ça je crois au savoir-faire des parlementaires. Et nous allons construire ce qu'il faut.

M. Authier (Philip): Mais vous ne pouvez pas dire aujourd'hui qu'il y a une municipalité qui est venue ici pour demander que vous enleviez le statut bilingue?

Mme De Courcy: Non, je ne dirai pas ça aujourd'hui.

M. Authier (Philip): Non, non. Personne ne vous a demandé ça. Il n'y a pas un groupe qui vous a demandé ça, c'est évident, non? Oui?

Mme De Courcy: Mais bien sûr qu'il y a des groupes qui nous ont demandé de...

M. Authier (Philip): ...de retirer le statut?

Mme De Courcy: Est-ce que vous avez la question et la réponse, mon ami?

M. Authier (Philip): Non, je ne parle pas des groupes comme Impératif Français, je parle de municipalités.

Mme De Courcy: Non, non, je... c'est ce que je...

M. Authier (Philip): Est-ce qu'il y a une municipalité qui est venue ici pour demander le retrait du statut?

Mme De Courcy: Mais bien sûr que non, mais bien sûr que non, voyons. Je pense qu'ils sont venus témoigner qu'ils tenaient à ce statut, etc., et je ne nie pas ça, je l'ai même dit dans cette allocution. Je ne crois pas que votre question vise... je ne sais pas ce qu'elle vise.

M. Robitaille (Antoine): Si le projet de loi tombe, Mme De Courcy, et est complètement abandonné, est-ce que vous envisagez de fonctionner par voie réglementaire dans certains éléments de... Parce que vous pourriez peut-être, dans certains des éléments, fonctionner de façon réglementaire, prendre des décisions de cette façon-là.

Mme De Courcy: Vous savez, un ministère, une ministre dispose de différents instruments législatifs. Alors là, j'ai utilisé un instrument législatif qui est une loi. Il y en a d'autres, mais je ne suis pas rendue là. Là, actuellement, je suis rendue à dire: Il y a une modification en profondeur, à mon avis, qui n'avait pas été faite depuis 35 ans pour des raisons légitimes. Alors, je crois dans les processus parlementaires, je vous le répète, alors j'espère qu'on va être en mesure d'aller au bout de l'utilisation de cet instrument-là.
Parallèlement à ça, par ailleurs, je ne suis pas naïve au point de penser qu'à ce stade-ci il ne faut pas envisager toutes sortes de scénarios pour que, collectivement, nous puissions nous entendre sur le fait que le français, c'est important de le préserver dans une Amérique du Nord qui donne un statut de minoritaire à ce français.
Alors, c'est clair que... déjà, j'ai commencé d'ailleurs. Il y a des décrets qui s'en viennent en immigration, hein? La loi de l'immigration ne sera pas modifiée, mais elle va... nous avons des règlements, des politiques et puis des décrets qui vont arriver d'ici la fin juin.

Mme Montgomery (Angelica): Sur les droits humains, le Barreau du Québec avait une douzaine d'inquiétudes sur votre projet de loi.

Mme De Courcy: En effet.

Mme Montgomery (Angelica): Vous venez de dire qu'ils ont... personne n'a besoin d'avoir... inquiet, il n'y aurait pas d'impact. Est-ce que vous êtes en train de dire que le Barreau du Québec et la Commission des droits de la personne ont tort?

Mme De Courcy: Je ne répéterai pas ce que je vous ai dit dans l'allocution. Ce que je vous ai dit, c'est que j'ai bien entendu leur inquiétude, qui, j'avoue, m'a un peu surprise, parce que, quand même existent les comités de législation, hein? Quand on travaille une loi, là, c'est soumis à un comité de législation. Les légistes du gouvernement du Québec, à mon avis, sont très qualifiés. Alors, mais... et j'ai bien entendu leurs préoccupations et ce que ça a suscité. Alors, en conséquence, j'ai fait un renvoi immédiat au comité de législation et aux instances gouvernementales requises pour éclairer les membres de la commission parlementaire, à savoir est-ce que... cet avis-là, comment on doit le recevoir?
Maintenant, ce que le Barreau du Québec a aussi dit et clairement, c'est... en fait, je vais le résumer à ma manière, moi qui suis une généraliste. Le Barreau du Québec a dit: Le projet de loi, s'il est adopté, va créer du droit. Oui, c'est vrai, mais ça, c'est toutes les législations qui créent du droit. Ensuite, une école de...

Mme Montgomery (Angelica): ...

Mme De Courcy: Je m'excuse, je ne vous ai pas entendue.

Mme Montgomery (Angelica): Ils disent aussi que ce n'est pas apte pour une société libre et démocratique. C'est grave, là.

Mme De Courcy: Bien, madame, je ne crois pas qu'il faille interpréter les propos du Barreau à ce point dans leur... dans une envolée qui irait jusque là. Je pense qu'il faut avoir la mesure de l'intervention du Barreau, et, à plusieurs reprises, l'interprétation que vous en faites a été soumise aux représentants du Barreau pendant la commission parlementaire, et les gens disaient: Non, non, ce n'est pas ça qu'on est en train de dire. On dit qu'il y a des risques, il y a des potentiels, ceci, cela. Très bien.
Alors, on va vérifier la zone de risque. Une chose est sûre, c'est qu'il faut qu'une loi soit confortable, et ça, c'est un grand écrivain qui l'a dit. C'est Félix Leclerc qui disait qu'une loi, bien, c'est comme un soulier, alors il faut qu'elle soit confortable. Un règlement, c'est la même chose. Alors, on va essayer de se rendre dans une zone de confort collectif assez grande autour de la loi.
Cependant, ça demande de tous et chacun une compréhension mutuelle et non pas, je dirais, une panique suscitée ou généralisée à chaque fois qu'on touche au dossier de la langue. Et je vous dirais que ce qui m'invite à dire qu'il était grand temps, grand temps que nous touchions au dossier de la langue, pendant 35 ans, nous ne l'avons pas fait et nous avons l'épiderme aussi sensible, de part et d'autre, hein, des communautés, des personnes immigrantes. Nous avons l'épiderme très sensible autour de cette question-là, alors il vaudrait mieux, je vous dirais, dans le futur, y aller de façon régulière, de façon précise pour nous éviter ce genre de... évidemment, là, de révision en bloc. Ça nous permettrait des ajustements plus intéressants.
Puis, à cet égard-là, je vais vous le rappeler, il... nous devons nous entendre de façon consensuelle sur la manière d'interpréter la réalité, la santé de la langue, et ça, bon, ce n'est pas dans le projet de loi, mais je m'apprête à le faire justement par d'autres instruments. Il y a un grand besoin d'indicateurs gouvernementaux qui vont permettre que nous puissions tout suivre et bien voir l'évolution de la santé de la langue, et ça, ça va nous permettre probablement de nous rassurer tous et chacun.

M. Harrold (Max): Mme De Courcy, j'ai une question sur la liste des ententes en vigueur, qui se trouve... c'est assez technique, là, mais c'est une liste qui est sur le site Web de l'OQLF et puis c'est une liste de 54 compagnies dont Rio Tinto Alcan, en tout cas, Bombardier... Il y en a plusieurs.

Mme De Courcy: Bien sûr, bien sûr, il y en a plusieurs.

M. Harrold (Max): Il y a un aussi des plus petites. Il y en a... la plupart sont à Montréal. Votre attaché de presse m'a dit cette semaine que vous n'allez pas toucher à cette liste ou à la méthode, là, de donner des exemptions particulières à des compagnies. Pourquoi?

Mme De Courcy: Bien, c'est justement le sens de la modernisation de l'Office québécois de la langue française que je veux opérer et à qui j'ai donné le mandat pour qu'on le fasse. C'est vraiment d'y aller dans une collaboration très étroite avec les entreprises. Actuellement, on a une culture de contrevenant, alors que nous devons avoir une culture d'accompagnement, ce qui n'exclura pas qu'à un certain moment, après un accompagnement sérieux, on puisse faire autrement. Donc, des entreprises qui sont en dialogue avec nous, et vont de l'avant, et qui ont des exceptions à cause du marché, hein, à cause du marché dans lequel elles travaillent, à cause des conditions où elles oeuvrent, du... Bon. On revient toujours à l'état du marché. Pour moi, ça m'apparaît important.
Et votre question me permet aussi de vous dire qu'on a beaucoup dit que ce projet de loi voulait lutter contre le bilinguisme. Mais, voyons donc! Qui au Québec aujourd'hui, en 2013, veut lutter contre le bilinguisme, le trilinguisme? Au contraire. Bien non, voyons, on en a tous besoin. L'idée est... et ces grandes entreprises-là, d'ailleurs, le font, leurs entreprises fonctionnent en français, mais ils font des affaires partout dans le monde et ils sont reconnus en conséquence.
Alors, franchement, je pense qu'il s'agit là d'une modernisation intéressante. Les travaux vont bon train à l'Office québécois de la langue française. La personne qui a été nommée par intérim, qui est le sous-ministre Beauchesne... Beauchemin, fait vraiment un très bon travail.

M. Harrold (Max): Est-ce que vous pensez peut-être l'élargir? Parce que j'ai parlé avec une compagnie la semaine passée, leur logiciel international avec leurs partenaires est en anglais. C'est pour parler avec des Chinois, des gens de marque, il faut que ce soit en anglais.

Mme De Courcy: Bien, évidemment, hein, que vous faites appel, dans le fond, à une règle de gros bon sens, et c'est exactement dans ce sens-là où je veux aller. Mais, vous savez, la même compagnie qui utilise ce type de logiciel là pour travailler avec tous ses interlocuteurs sur la mappemonde, bien, c'est... ce serait anormal que l'utilisation de l'anglais se généralise dans l'entreprise et que toutes les communications soient faites en anglais. C'est là où ça ne va pas.
Mais qu'on puisse parler toutes les langues, quand il le faut, pour faire des affaires, pour rendre un Québec prospère, j'en suis. Mais que ceci soit une marque de commerce payante, que ça se passe en français au Québec, ce sera utile pour tous et chacun. Je vous remercie. Je vous remercie de votre attention.

(Fin à 16 h 16)

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