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Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin

Version finale

Le mardi 20 août 2013, 13 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures trente minutes)

Mme David : Alors, bonjour à tout le monde. Bienvenue à ce premier point de presse de Québec solidaire depuis notre retour à l’Assemblée nationale hier, pour des commissions parlementaires. Alors, je voudrais simplement commenter aujourd’hui ce qui est paru dans deux quotidiens aujourd’hui à propos de ce qui serait la politique du gouvernement péquiste en matière de signes religieux.

Alors, d’abord, j’aimerais dire qu’il y a un an le gouvernement du Parti québécois nous disait : Nous aurons un débat sur la laïcité, ce à quoi Québec solidaire souscrit tout à fait. Ça fait longtemps qu’on le demande. Ensuite, c’est devenu un débat sur les valeurs québécoises et, si l’on en croit la lecture du journal de ce matin, retour à la laïcité, mais là par le petit bout, par le mauvais bout, à notre avis.

On ne commence pas par questionner les institutions et l’État lui-même, est-ce que, oui ou non, nous sommes allés assez loin dans le processus de laïcisation de nos institutions dans leur fonctionnement, etc. Non, tout de suite, on commence avec les individus. Est-ce que les personnes qui travaillent pour l’État, ou pour l’une de ses institutions, ou même dans le secteur très, très parapublic comme les centres à la petite enfance, est-ce que ces personnes-là pourront porter des signes religieux? Et c’est comme si on faisait de cette question-là la question centrale du débat sur la laïcité. À vrai dire, c’est tout à fait ce que je craignais, et je pense que c’est vraiment prendre la chose par le mauvais bout.

Parlant de fonctionnement des institutions, on aurait pu, par exemple, d’entrée de jeu, dire : On vous pose clairement la question : Doit-on continuer à subventionner les écoles privées confessionnelles qui, en ce moment, sont subventionnées à hauteur de 60 % par l’État? Ça, ça aurait été une vraie question, une question d’institutions, une question de fond.

Je vous rappellerai toujours, si l’information est exacte, qu’il y a certaines incohérences, en plus, dans ce que le ministre s’apprêterait à faire. Donc, pas de signes religieux dans les CPE, mais, dans les garderies en milieu familial, y compris celles qui sont subventionnées... Vous pouvez avoir, dans la même famille, des enfants qui vont en milieu familial ou en CPE. Alors, dans un cas, il n’y aura pas de signe religieux, dans un autre il y en aura. Pourquoi? On ne sait pas trop.

Les cégeps et universités sont soumis à la loi mais peuvent s’en retirer. On se demande pourquoi. Et, le comble, les écoles privées confessionnelles, je le rappelle, subventionnées à 60 % ne sont pas... ne seraient pas assujetties à cette nouvelle norme d’interdiction du port des signes religieux. Tout ça sent l’improvisation, et pourtant ça fait des mois que supposément le gouvernement se prépare. Et je crois qu’encore une fois c’est vraiment de prendre la question de la laïcité par le très, très petit bout.

Pour ce qui est de Québec solidaire, nos positions sont connues depuis longtemps. D’abord, nous proposons d’insrire le principe de laïcité dans la charte des droits et libertés de la personne et de la jeunesse du Québec. Il n’y est pas. Et, si l’on veut vraiment que la laïcité fait partie des valeurs québécoises, eh bien, affirmons-le par écrit, noir sur blanc, dans la charte.

Deuxièmement, pour Québec solidaire, la laïcité de l’État et de ses institutions, c’est un incontournable.  Ça, c’est très clair. Ça veut dire, par exemple, qu’il ne peut y avoir d’expression, de manifestation religieuse dans les institutions, faite par les élus qui représentent les institutions, et ça, ça veut dire, à notre avis, pas de prière au conseil municipal, quelque prière que ce soit, d’ailleurs.

Par contre, ce que nous disons, nous, c’est que ça ne doit pas empêcher des employés de l’État… mais l’État pris au sens très large, hein, je vous rappelle qu’on parle de la fonction publique, on parle des institutions comme les écoles et les hôpitaux puis on parle aussi des services de garde. On parle, en fait, d’un secteur d’emploi majeur au Québec, 500 000 emplois. Alors, nous pensons, nous, qu’il n’est pas pertinent d’exclure de la possibilité d’avoir des emplois, dans ce très large secteur, des personnes qui, pour une raison qui leur appartient, qui fait partie de leur identité, veulent porter un signe religieux, croix, kippa ou voile.

Soyons très clairs, nous l’avions déjà dit il y a deux ans lorsque nous étions venus en commission parlementaire sur le projet de loi n° 94 qui est mort au feuilleton, nous nous opposons à ce que les services de l’État soient donnés par des personnes dont le visage est couvert. Alors, ça, je voudrais que ça soit très, très clair pour tout le monde.

Donc, nous invitons, dans ce débat, l’ensemble des actrices et acteurs à rester calmes et sereins. C’est un débat explosif, on l’a vu il y a quelques années, c’est un débat qui est difficile, c’est un débat, j’aimerais le rappeler, qui touche, quand on le prend par le petit bout des signes religieux, là, qui touche d’abord et avant tout des milliers de femmes — ça, on ne le dira jamais assez — des femmes qu’on veut inclure dans la société québécoise, hein? On veut avoir une nation qui se développe avec l’inclusion de tout le monde puis là on parle d’exclure en supposant, j’imagine, que c’est pour mieux inclure. À notre avis, il y a vraiment un problème.

Je nous invite donc à réfléchir à ces questions-là et d’aller sur le fond des choses. Et, mon invitation, je la lance à toute la classe politique, je la lance aussi aux médias. Je pense que nous avons tous une immense responsabilité de faire en sorte que ce débat se passe bien et se déroule sur les bonnes bases.

M. Salvet (Jean-Marc) : Le gouvernement, Mme David, plaide qu’il a les Québécois derrière lui, que les Québécois réclament des mesures élargies d’interdiction, sur la foi des sondages.

Mme David : Ça, c’est une chose qu’on entend régulièrement à propos de toutes sortes de questions, et pourtant, tous gouvernements confondus, ils nous disent tous qu’ils ne gouvernent pas par sondage, qu’ils pensent que l’on doit… En général, les gouvernements nous disent : On doit consulter. Oui, on doit savoir ce que pense la population, mais il y a aussi tout un travail à faire d’éducation, de réflexion commune, d’approfondissement des questions. Et moi, j’invite le gouvernement, plutôt que d’y aller avec : Oui, oui, les Québécois nous appuient, bien, allons les voir, les Québécois, organisons des assemblées, faisons des consultations sous quelque forme que ce soit. Moi, je pense que vous allez entendre des voix très différentes les unes des autres.

M. Salvet (Jean-Marc) : Mais vous n’étiez pas, là-dessus, en phase avec l’opinion publique majoritaire, selon vous?

Mme David : Peut-être que dans un portrait instantané, peut-être que dans un ou l’autre sondage, il s’avérera que la majorité des gens, pour l’instant, croient que ce serait une bonne idée d’exclure la possibilité, là, de porter des signes religieux dans la fonction publique et les services publics. Mais ça, c’est un instantané sur la base souvent d’informations qui ne sont pas exactement, comment dirais-je, approfondies. Je pense qu’il y a une réflexion à faire sur les conséquences de ces gestes-là. Les Québécois, les Québécoises, qui sont toutes… en général, qui sont des gens accueillants, qui sont des gens ouverts, qui sont des gens qui veulent vivre dans une société paisible — qui est le cas de notre société, d’ailleurs — sont des gens qui veulent d’abord et avant tout, je pense, une sorte de paix sociale, qui veulent un vivre ensemble, tu sais, qui…  Il y a beaucoup d’ouverture chez les Québécois, et moi, je pense que, quand beaucoup vont réaliser l’effet pervers de ce qui va être une exclusion — et, qui plus est, on sait très bien de qui, hein, ça va être essentiellement de femmes portant le voile — je pense que, là, les Québécois et les Québécoises aussi, vont peut-être réagir et se dire : Mais, attends, est-ce que c’est vraiment ça qu’on veut?

M. Salvet (Jean-Marc) : Qu’est-ce que vous pensez du fait qu’au lieu de parler de laïcité, maintenant on parle de valeurs québécoises?

Mme David : Bien, comme je l’ai dit, au début, il y a un an, on parlait de laïcité; dans les mois qui ont suivi, on a parlé de valeurs québécoises, je n’ai jamais compris exactement pourquoi; puis là, tout d’un coup, on revient à la laïcité, mais par le petit bout, hein? Pas par le bout de : questionnons l’État et ses institutions, mais par le petit bout de : justement, on va y aller avec ce que pensent un certain nombre de gens avec qui, à mon avis, on aurait besoin de discuter, là. Alors, on va y aller avec peut-être le plus facile, l’exclusion pure et simple d’un certain nombre de voiles… de femmes, pardon, appartenant à des minorités, qui portent le voile, qui veulent travailler,  des femmes souvent très qualifiées, très scolarisées. C’est par ce petit bout là qu’on le prend.

Et j’aimerais rappeler quelque chose, tiens, justement, pour peut-être apporter un ingrédient supplémentaire à la réflexion, parce qu’il va falloir se parler concrètement, là, hein?

Alors, imaginez, dans une école, un couple d’enseignants. Ils sont tous les deux musulmans. Lui porte la barbe; elle porte un voile, à visage découvert, on s’entend. Elle ne pourra plus enseigner, mais lui, oui.

Il y a des gens qui vont porter des tatouages, dans certains cas avec saveur religieuse très visible. On leur dit quoi? Vous ne pouvez plus travailler nulle part dans la fonction publique, dans le secteur public? Il y a des gens qui portent des croix. On va se mettre à mesurer la taille des croix?

Alors, je pense que là on s’embarque dans quelque chose qui est sans fin et qui risque fort d’être très discriminatoire à l’égard des femmes.

M. Journet (Paul) : Juste une précision, si vous permettez, juste être sûr de comprendre.

Mme David : Oui, allez-y.

M. Journet (Paul) : Pour le port de signes religieux ostensibles, ce que vous proposez, c’est de les interdire, sauf erreur, comme Bouchard-Taylor, pour juges, avocats, procureurs de la couronne et gardiens de prison. Et, pour le reste, ce serait de les… pas tant de les interdire que de forcer les gens qui donnent des services au nom de l’État de le faire à visage découvert, donc d’interdire le voile intégral pour ces gens-là, mais de permettre d’autres signes religieux comme la kippa ou le crucifix. C’est ça?

Mme David : Écoutez, vous avez tellement bien résumé ma pensée et celle de Québec solidaire, là. Je vais le répéter parce que, oui, c’est vrai qu’il y a un bout que j’avais oublié. Je vous remercie de me le rappeler.

Québec solidaire, depuis deux ans, depuis le projet de loi n° 94, ça, c’est très clair, c’est : pas de dispensation de services à visage couvert. Donc, ça, c’est clair. Deuxièmement, c’est être capable de questionner nos institutions et leur fonctionnement lorsqu’il s’agit de manifestations religieuses, lorsqu’il s’agit d’objets religieux non patrimoniaux, parce qu’évidemment Québec solidaire veut respecter le patrimoine, là. Tu sais, on ne fera pas des jeux de fous ici, là. On n’est pas pour enlever la croix du Mont-Royal et les croix du chemin, là. Personne ne parle de ça, absolument personne. Donc, ce n’est pas ça.

Mais je rappelle qu’il y a un crucifix au-dessus de la tête du président de l’Assemblée nationale. Est-ce que c’est vraiment le meilleur endroit pour un signe qui a été donné, un objet qui a été donné par l’archevêque de Québec à Maurice Duplessis pour sceller l’alliance entre l’Église et l’État? Est-ce que ce crucifix, s’il est patrimonial, pourrait être mis ailleurs à l’Assemblée nationale? Très visible, les visiteurs pourraient le voir, il n’y a pas de problème. Donc, il n’y a pas d’élimination du patrimoine religieux au Québec — au contraire, j’en suis une grande défenseure pour des questions culturelles — mais c’est de distinguer ce qui appartient à l’autorité de l’État, à l’exercice de l’État et puis ce qui appartient à la culture.

Et, justement, parlant d’autorité de l’État, oui, nous avions, en congrès, dit : Signes religieux, c’est correct, mais il faut qu’il y ait des balises et, parmi ces balises-là, il y a effectivement que dans… il y a certaines catégories de personnes qui représentent directement l’autorité de l’État. Donc, à titre d’exemples, parce qu’on n’est pas allés jusque dans les détails, mais juges, procureurs de la couronne, policiers, gardiens de prison, ça, là, vraiment, ces gens-là, ils ne font pas que travailler et être payés par l’État, ils représentent l’autorité de l’État.

Il peut même y avoir d’autres circonstances où le port d’un signe religieux est difficilement compatible avec, par exemple, des mesures de santé-sécurité. Alors, le port du turban sikh en dessous d’un casque de construction, ça nous paraît bien difficile. Donc, le sens commun nous indique qu’il y a des moments où on ne peut pas porter des signes religieux parce que c’est contraire soit à l’autorité de l’État ou soit à la santé-sécurité, tout simplement.

Mme Plante (Caroline) : Vous avez parlé à plusieurs reprises de gens que voudrait rallier le Parti québécois, si je vous comprends bien, en proposant de telles mesures, en tout cas rejoindre des gens. Vous parlez de qui?

Mme David : Reposez votre question. Excusez-moi.

Mme Plante (Caroline) : Vous avez semblé dire que le Parti québécois, par ce genre de mesures là, veut rejoindre peut-être une certaine partie de la population ou, en tout cas, se dit soutenu par une partie de la population. De qui parlez-vous?

Mme David : Moi, je pense que tout ce que j’ai dit du gouvernement péquiste actuel, c’est que, s’il nous dit : La majorité de la population est avec moi, les sondages le disent, je lui soumets que les gouvernements, quels qu’ils soient, nous disent tout le temps qu’ils ne veulent pas gouverner par sondages et qu’il y a des moments où des gouvernements doivent se donner la responsabilité, oui, de mettre des débats sur la table, mais de les animer de façon sérieuse, avec des arguments sérieux et de regarder les effets de ces débats-là aussi, selon la façon dont ils sont posés.

Et ce à quoi j’appelle le gouvernement : d’accord, qu’il le soumette, le débat, mais qu’il ose aller jusqu’au bout de son raisonnement, si on veut parler de laïcité de l’État et de ses institutions, et qu’il remette donc en question des choses bien plus fondamentales que : l’employée qui nous répond au téléphone pour nos impôts, là, est-ce qu’elle pourra, oui ou non, porter un signe religieux? Entre vous et moi, on ne la voit même pas. Est-ce que ça, c’est primordial, ou est-ce que ce qui est primordial, c’est de réfléchir sur le financement étatique des écoles privées religieuses? Ça, c’est important.

Mme Marceau (Julie) : Vous disiez un peu, Mme David, d’utiliser le gros bon sens, je pense que vous avez dit «les valeurs communes». Mais, si visiblement vous parlez de l’enseignante à l’école qui aurait le voile, mais M. Taylor nommait aujourd’hui cet exemple-là pour dire que ça, ça serait une exception où il verrait, par exemple, d’interdire quelqu’un qui a un niqab, là, parce qu’on voit seulement les yeux, que selon lui ça peut être un obstacle à l’enseignement. Donc, visiblement, tout le monde a une vision différente de ces bases communes.

Mme David : Bien sûr. Je vous rappellerai encore une fois qu’à Québec solidaire, au moment où nous avons été en commission parlementaire sur le projet de loi n° 94, nous avons appuyé cette idée qu’on ne puisse pas enseigner, qu’on ne puisse pas être infirmière, qu’on ne puisse pas travailler au service de la population, là, quand on est payé par l’État, à visage couvert. Là-dessus, notre position est très claire. Il n’y a pas de burqa, il n’y a pas de niqab qui puisse être accepté dans les écoles. Donc, là-dessus, enfin, je n’ai pas très bien compris ce que M. Taylor a dit, mais, quoi qu’il en soit, je vais dire ce que, nous, nous pensons, là, c’est : pas de services donnés à visage couvert. Ça, c’est quand même une limite qu’on ne peut pas franchir, pour des raisons pédagogiques évidentes, me semble-t-il.

Mais, après ça, je conviens tout à fait qu’il y a un débat, j’en conviens tout à fait, et qu’on doive le faire et qu’on va le faire, de toute évidence. Mais j’insiste, vraiment j’insiste sur le fait que ce débat touche des milliers de personnes et surtout, surtout, à 90 % probablement, des femmes. Ça, j’insiste là-dessus et j’insiste pour dire que, dans un Québec qui veut inclure, il faut vraiment se demander si la meilleure façon d’inclure, c’est de commencer par exclure. Ça, c’est le bout par lequel, moi, je vais le prendre. Donc, que l’État, que le gouvernement du Québec, le gouvernement péquiste s’occupe de l’État et de ses institutions puis, deuxièmement, qu’il fasse bien attention aux effets pervers des mesures qu’il propose et au fait que ça touche des personnes, des personnes qui vivent avec nous, qui veulent travailler avec nous, qui ne demandent pas mieux que de contribuer à l’essor de la société québécoise.

Merci à vous.

(Fin à 13 h 47)

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