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Point de presse de Mme Fatima Houda-Pepin, députée de La Pinière

Version finale

Le mercredi 12 février 2014, 13 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures trente et une minutes)

Mme Houda-Pepin :Merci beaucoup. Merci de vous être déplacés. Comme vous le savez, j'ai déposé ce matin le projet de loin° 491 en Chambre. Ce projet de loi, je souhaitais le déposer à titre de membre du caucus libéral. Je voulais le faire avant le 15 novembre 2013, la date limite pour qu'un projet de loi soit appelé pour étude. Je voulais aussi le faire avant le 6 décembre 2013, date de la fin de la session parlementaire. Malheureusement, M. Couillard a opposé une fin de non-recevoir à cause de l'article 3 du projet de loi, qui interdit les signes religieux à l'autorité contraignante, c'est-à-dire les juges, les procureurs, les policiers et les agents correctionnels. Il ne m'a donc jamais permis de présenter le projet de loi au caucus comme tel.

En octobre dernier, suite à une intervention que j'ai faite dans le caucus de… dans un hôtel, ici même, à Québec — le Château Bonne Entente, pour ne pas le nommer — j'avais fait une intervention devant mes collègues sur l'intégrisme. Considérant qu'il ne voulait pas que je présente le projet de loi, je me suis dit : Je vais peut-être l'amener par cette façon-là. Et donc, suite à ça, les collègues ont manifesté beaucoup d'intérêt. Ils ont vu qu'il y avait une réflexion de faite et ça valait la peine qu'on puisse en discuter. Et donc il m'est revenu pour me demander, par la voix de son directeur de cabinet, de laisser tomber le projet de loi et de présider un comité sur l'intégrisme. Alors donc, comme je ne voulais pas placoter, comme ça, dans un comité sans mandat précis ni rien, je me suis dit que la meilleure façon pour faire ce débat, c'est autour du projet de loi.

Alors donc, l'épisode a été très difficile, pour moi, à vivre, puis, comme vous le savez, il y a eu un silence que j'ai gardé depuis le mois d'octobre 2013, quand M. Couillard est sorti pour dire qu'il n'y aurait aucune interdiction pour personne relativement aux signes religieux. Et j'avais respecté sa décision, bien que je ne la partageais pas, et j'avais essayé… et misé sur le dialogue pour essayer de voir si on ne peut pas évoluer vers une position plus consensuelle.

Et puis malgré… Bien, durant cette période où j'étais en silence, du champ gauche est sortie l'histoire du tchador, qui était pour moi quelque chose d'insupportable. Au début des années 80, j'ai accueilli à Montréal, suite à la révolution iranienne et l'arrivée de l'ayatollah Khomeini, des familles qui sont venues et particulièrement des femmes qui ont, justement, eu à vivre cette situation-là, dramatique, où on les forçait à porter le tchador. Elles étaient battues, elles étaient violées, elles étaient emprisonnées. Elles nous ont raconté leur histoire, c'était assez pénible.

Donc, finalement, M. Couillard m'a gardée, de promesse en promesse, et je me suis rendu compte… et je suis… C'était un peu difficile pour moi parce que j'appartiens à une culture qui respecte l'autorité et je n'ai jamais mis en doute la parole de mes chefs, même si… par exemple, avec M. Charest, j'ai eu des divergences, mais je l'ai rencontré, je lui ai expliqué mon point de vue et on a convenu d'une solution, à dire : Ce n'est pas… C'est normal, dans un caucus, que les gens puissent être de points de vue différents. Alors donc, j'ai eu plusieurs échanges avec M. Couillard en privé, de même que par courriel, sur cette question-là, et finalement je me suis rendu compte qu'on m'a menti.

Je voudrais aussi vous dire un mot sur mon parcours. Je suis musulmane oecuménique et je suis pour la neutralité religieuse de l'État et pour le dialogue des religions. Je suis musulmane, donc, laïque. L'islam est une religion qui a… où les croyantes et les croyants ont un rapport direct avec Dieu. Il n'y a pas de sacerdoce, pas d'intermédiaire, donc, d'où la neutralité religieuse de l'État pour moi, et non pas la laïcité parce que la laïcité, c'est une caractéristique propre au catholicisme. Donc, si on veut l'appliquer à toutes les religions, elle n'est pas nécessairement applicable, donc je préfère utiliser le terme de «neutralité religieuse de l'État» parce qu'il est plus englobant.

Il y a 40 ans, j'ai découvert l'intégrisme au Québec et au Canada. Il y a 30 ans, j'ai organisé un colloque international sur les femmes musulmanes, où, pour la première fois, des féministes québécoises ont vu, et rencontré, et échangé avec des féministes musulmanes. J'ai également organisé des conférences, plusieurs, sur la laïcité, sur la neutralité religieuse de l'État et le dialogue des cultures… et des religions.

J'ai un grand respect pour les religions. Je suis quelqu'un qui est très sensible à la spiritualité, qui respecte les religions. Je suis très à l'aise dans une mosquée, dans une synagogue, dans une église, dans un temple bouddhique, dans un temple baha'i. Je suis très à l'aise. Je donne le bain à Bouddha dans ma pagode bouddhique vietnamienne, qui est la plus vieille au Canada. Mais je suis extrêmement vigilante par rapport aux sectes et aux intégrismes, donc c'est ce qui explique que, bien que je sois respectueuse, je suis, d'un autre côté, extrêmement vigilante.

Le constat que j'ai dû faire très jeune, c'est qu'il n'y a pas de religion qui soit féministe. Et les religions se préoccupent beaucoup des femmes : de leur liberté, de leur liberté de mouvement, de leurs droits, de leur autonomie, etc. Je suis également libérale et je revendique mon héritage libéral en la matière de la neutralité religieuse de l'État. Inutile de vous dire que toutes les avancées qui ont été réalisées au Québecen matière de séparation entre l'Église et l'État ont été faites par des libéraux : le droit de vote des femmes, la création du ministère de l'Éducation, l'abolition du système confessionnel de l'éducation, jusqu'au cours de religion et de morale religieuse, qui est sorti de l'école et remplacé par un cours d'éthique et de culture religieuse. Le jalon manquant est celui de la neutralité religieuse de l'État, qu'il faut inscrire dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Donc, ce projet de loi que j'ai déposé aujourd'hui, c'est une modeste contribution au débat public sur la neutralité religieuse de l'État. Alors, entre les négativistes qui disent qu'il n'y a pas de problème, qu'on invente des chicanes et les tenants du mur-à-mur, est-ce qu'il y a une place pour un débat équilibré, une réflexion non partisane? C'est ce que j'ai tenté de faire à l'intérieur du caucus libéral et qui m'a été refusé par M. Couillard. Je crois qu'il faut sortir des visions dogmatiques et partisanes à outrance si on veut avancer dans ce débat dans l'intérêt du Québec.

Ce débat sur la charte est mal parti, j'en conviens, mais il faut savoir distinguer les stratégies des enjeux de fond. À l'analyse, on peut s'entendre pour dire que les stratégies, particulièrement celle du Parti québécois et celle du Parti libéral, se sont barricadées dans des positions électoralistes à courte vue. Donc, j'en appelle aujourd'hui au sens de la responsabilité de tous les chefs des partis représentés à l'Assemblée nationale pour travailler ensemble, au-delà de leurs différences, travailler ensemble pour poser ce jalon de la neutralité religieuse de l'État.

J'ai donc demandé à rencontrer les trois caucus du gouvernement… la rencontre est prévue pour le 18 février; celui de la CAQ, que je vois cet après-midi; et celui de Québec solidaire, que je vois demain. J'aimerais qu'on laisse nos chicanes partisanes de côté et qu'on travaille ensemble pour l'intérêt du Québec. L'adversaire en cette matière, ce n'est pas le PQ, ce n'est pas le Parti libéral du Québec, ce n'est pas la CAQ, ce n'est pas Québec solidaire; l'adversaire, c'est l'intégrisme, et nous devons travailler ensemble à le combattre efficacement, c'est ce que je souhaite.

Maintenant, pour le projet de loi — j'imagine que vous en avez pris connaissance parce qu'il a été déposé et qu'il est aussi sur le site — on va vous distribuer, si ce n'est déjà fait, un communiqué de presse qui vous donne succinctement les différents points qui sont soulevés dans ce projet de loi. Essentiellement, il y a d'abord le principe de la neutralité religieuse de l'État, qui est introduit dans ce projet de loi en modifiant la Charte des droits et libertés parce que c'est un droit nouveau qui est inscrit comme un droit collectif, mais aussi comme un droit individuel, donc il va dans la charte. Les droits sont là, il va dans la charte.

Par ailleurs, il y a un certain nombre de pratiques qui se sont implantées au Québec, et qu'il faut documenter davantage pour mieux les faire connaître, et qu'il faut interdire. Donc, le projet de loi s'attaque à ça.

Pour ce qui est de la lutte à l'intégrisme de façon proprement dite, à part la définition que le projet de loi donne, je propose que l'on crée un centre de recherche-action qui va pouvoir documenter ces phénomènes. Parce que, ce que je constate depuis que ces débats-là ont cours dans notre société, c'est qu'il y a des amalgames, des amalgames entre «musulmans» et «intégrisme», des amalgames qui nous mènent parfois à commettre des erreurs très graves d'appréciation et de compréhension. Il y a un déficit de connaissances qu'il faut absolument combler. Et donc ce centre de recherche-action, ce n'est pas un centre de recherche académique, les universités s'occupent bien de ça; ce qu'on veut, c'est aller sur le terrain et voir comment se manifestent ces problèmes-là, comment se manifestent ces pratiques-là, comment cela affecte-t-il les droits des femmes, les droits de la jeunesse, comment cela affecte-t-il notre démocratie.

Et je souhaiterais, évidemment, tel qu'inscrit dans le projet de loi, que ce centre de recherche-action relève directement du premier ministre pour qu'on puisse, au niveau du gouvernement, avoir une vision horizontale, et globale, et que, là où il y a une responsabilité qui relève du ministre de la Justice, du ministre de la Sécurité publique, du ministre de l'Éducation, qu'on puisse tous référer au sommet, c'est-à-dire au premier ministre.

Alors, voilà. Je suis disposée à prendre vos questions.

M. Lavallée (Hugo) : Vous avez dit tout à l'heure qu'on vous avait menti — je ne sais pas si vous pourriez préciser votre pensée — quand vous faisiez référence à M. Couillard ou au Parti libéral.

Mme Houda-Pepin : Bien, moi, dans ce dossier-là, j'ai traité… Vous savez, je suis une femme discrète. Ce que j'ai vécu, plusieurs… l'ensemble de mes collègues députés ne le savent pas parce que je ne suis pas pour aller raconter aux collègues les difficultés que j'ai avec mon chef d'alors. Alors, ces choses-là sont notées, annotées, et tout ça, mais j'ai gardé quand même un silence pas seulement sur le plan extérieur, mais aussi à l'intérieur.

Oui, moi, M. Couillard, j'ai eu des échanges avec lui régulièrement sur cette question-là. Dès la première fois que je lui ai parlé du projet de loi, il a opposé une fin de non-recevoir parce qu'il ne voulait pas du tout, du tout, du tout qu'on touche aux signes religieux. Alors, moi, je lui ai dit : Le projet de loi et le débat qu'on peut faire, il est au-delà des signes religieux. Mais, si on dit qu'on est pour la neutralité religieuse de l'État, il faut qu'elle s'incarne à quelque part. Elle ne va pas s'incarner dans les murs, il faut qu'elle s'incarne dans les personnages en autorité, minimalement.

Et ici j'aimerais ouvrir sur la position du gouvernement, le projet de loi n° 60, qui, lui, va mur à mur sur l'interdiction de tous les signes religieux. Je sais que Mme Marois s'inspire beaucoup du modèle français. Alors, le modèle français… Les Français, ils ont mis un quart de siècle de luttes acharnées, houleuses, difficiles, divisives avant d'arriver à un projet de loi, qui a été adopté en 1905, sur la laïcité. Aussitôt adopté, on s'est rendu compte qu'on avait oublié des choses, notamment les biens meubles et immeubles des églises. À qui appartiennent-ils dans un État laïque? Le débat s'est fait. Ils étaient obligés de revenir sur la planche à dessin pour régler ce problème qui a pris plusieurs années. Et, on le voit encore, la France, malgré sa loi sur la laïcité, elle doit s'ajuster régulièrement face à des problèmes qui surviennent. Parce que cet enjeu qui est devant nous, il ne va pas s'éteindre, il va plutôt s'accélérer. Alors, autant se préparer rapidement à savoir comment, d'abord, l'appréhender, ensuite quels sont les moyens qu'on va mettre de l'avant efficacement pour le contrer. Je parle ici de l'intégrisme et ses manifestations.

Alors, je dis à Mme Marois : Au lieu d'aller mur à mur et de faire des divisions à l'infini, est-ce qu'on ne peut pas s'entendre sur l'essentiel? Et l'essentiel, c'est de poser le jalon de la neutralité religieuse de l'État dans la charte québécoise des droits et libertés. Ça, c'est important. Et après on pourra aller vers d'autre chose et d'autres considérations.

Mme Biron (Martine) : Mme Houda-Pepin, vous êtes une parlementaire expérimentée. Vous déposez un projet de loi privé. Quel est l'avenir, selon vous, de votre projet de loi?

Mme Houda-Pepin : Bien, alors, moi, je ne décide pas de l'avenir parce que c'est le gouvernement qui en décide. Je suis parlementaire, je connais donc la procédure.

Mme Biron (Martine) :

Mme Houda-Pepin : Non, non.

Mme Biron (Martine) : …qu'on vous connaît, là, comme parlementaire d'expérience.

Mme Houda-Pepin : Bien, voilà! Alors, moi, ce que… Mon souhait à moi, celui que j'ai exprimé d'abord au sein du Parti libéral du Québec, au sein du caucus libéral, c'était quoi? C'était que je puisse apporter modestement cette contribution. Je ne prétends pas avoir la vérité absolue. J'ai dit : Je propose des idées, est-ce qu'on peut en discuter? Charcutez-les si ça vous ne convient pas, bonifiez-les si vous estimez qu'il y a quelque chose d'intéressant là-dedans, moi, je suis ouverte, mais faisons le débat, et ensuite disons-nous qu'est-ce qui nous convient, collectivement.

Moi, l'image que je veux voir, dont j'ai toujours rêvé dans ce débat, c'est de voir Pauline Marois, Philippe Couillard, Françoise David, François Legault assis autour d'une même table, en train de se dire : C'est quoi que… C'est quoi le minimum ou le maximum sur lequel… où on peut aller? Et qu'ils puissent sortir de là avec une législation… les principes, bien entendu, les législateurs sont là pour rédiger les textes, etc., mais au moins qu'on s'entende sur ce qu'on veut avoir sur un projet de loi et…

M. Robitaille (Antoine) : Comme dans le cas de Mourir dans la dignité, là?

Mme Houda-Pepin : Par exemple. Mourir dans la dignité, c'était un processus différent, c'est-à-dire c'était un mandat d'initiative. Donc, c'est les députés qui ont apporté ça, au-delà de leur ligne de parti. Par exemple, lorsqu'on a adopté la loi sur l'éthique et la déontologie des parlementaires, on a aussi procédé par consensus. Le Québec est capable de travailler par consensus. Sur cette question-là, moi, je les invite, et incluant M. Couillard, encore aujourd'hui, à se mettre autour de la table et à discuter de ce qui nous unit pour faire avancer le Québec.

M. Robitaille (Antoine) : Mme Houda-Pépin, est-ce qu'on a violé vos privilèges parlementaires en vous offrant un poste de ministre? Est-ce que vos privilèges parlementaires... Vous avez utilisé le mot huit fois hier dans votre intervention, le mot «privilèges». Est-ce qu'on les a violés?

Mme Houda-Pepin : Bien, écoutez, «violer»… il faudrait qu'on explique un peu le contexte. Moi, ce que j'ai dit... J'ai vécu des moments assez difficiles…

Excusez-moi.

Je n'ai jamais pensé que je pourrais être traitée de la sorte au Parti libéral du Québec. Une autre question.

Mme Richer (Jocelyne) : Est-ce que, selon vous, la position adoptée par le caucus libéral sur la laïcité, des signes religieux, est-ce que c'est celle de M. Couillard uniquement? Dans quelle mesure, autrement dit, elle est partagée par le caucus? Est-ce que le caucus est uni sur cette question-là ou s'il est divisé, d'après ce que vous avez connu?

Mme Houda-Pepin : Je ne parlerai pas pour le caucus désormais, mais je peux vous parler de ce que j'ai vécu. M. Couillard est sorti, sur les signes religieux, en août, je pense, le 29 août 2013 alors qu'on était réunis en caucus à Rivière-du-Loup, d'accord? Nous étions réunis, tous les députés étaient là. M. Couillard aurait pu pousser la porte et venir nous dire ce qu'il pense des signes religieux. On aurait pu en discuter — surtout que M. Couillard parle beaucoup d'équipe — et moi, je me serais exprimée, c'est sûr. Ça aurait été le forum pour moi de le lui dire, d'autant plus que M. Couillard sait très bien où je loge, pour lui avoir dit auparavant, pour lui avoir écrit auparavant. Donc, il sait exactement où je loge sur ces questions-là. Alors, lui, il n'est pas venu nous voir, il a donné son point de presse et il a dit aux médias que c'était «over my dead body». Bon.

Alors, il s'est coulé les deux pieds dans le ciment. Puis après ça, comment le décoller de là? C'était très difficile. Alors, moi, je suis une femme de dialogue, j'ai dit : Bon, bien, je vais continuer à converser avec lui, à discuter avec lui, puis le débat va se faire dans la société, les partis vont se repositionner, on va voir. Mais le problème avec M. Couillard, c'est qu'il vous dit blanc aujourd'hui, puis il vous dit noir demain, puis, pour lui, c'est normal. Alors, vous êtes comme désorienté. Et là on n'a jamais eu de débat sur cette question-là des signes religieux avant que M. Couillard ne se prononce. Alors, le problème, il commençait là.

Maintenant, moi, comme...

Mme Richer (Jocelyne) : Mais, pour être bien... que ce soit bien clair, donc vous dites que la position a été adoptée d'en haut, par le chef, et non pas discutée, au départ, par les députés.

Mme Houda-Pepin : Non, ça n'a jamais été discuté au caucus. Je n'ai pas manqué de caucus. Il est sorti tout seul pour annoncer ça alors qu'il était avec son caucus à Rivière-du-Loup, O.K.?

Maintenant, moi, comme je vous l'ai dit, j'ai fait le choix du dialogue. Je me suis tue, j'ai refusé toutes les demandes d'entrevue. Vous êtes probablement quelques-uns ici à essayer de me demander mon point de vue, et je n'ai pas répondu parce que je me suis dit : C'est des choses qu'on doit régler à l'interne, puis, en évoluant dans nos réflexions, on va pouvoir… Alors, c'est pour ça que je lui ai dit… Il savait, M. Couillard, que j'avais fait une réflexion en 2011 parce que le projet de loi que je vous dépose aujourd'hui, il a commencé en 2011 avec Me René Chrétien, qui est le conseiller spécial ici du secrétaire général et qui m'a accompagnée jusqu'à aujourd'hui avec plusieurs autres personnes qui y ont travaillé.

Et malgré tout, parce qu'il s'était positionné, donc, aucune autre option n'était valable à ses yeux. Et ça vient de là, le problème.

Mme Lajoie (Geneviève) : Vous avez dit tout à l'heure que le Parti québécois, mais aussi le Parti libéral avait une position électoraliste.

Mme Houda-Pepin : Oui.

Mme Lajoie (Geneviève) : Dans quel… qui… en tout cas, là, vous dites que c'est plutôt M. Couilard qui a pris cette position-là. Qui veut-il séduire en adoptant cette position-là?

Mme Houda-Pepin : Bien. Alors, écoutez, ce n'est pas seulementau niveau de séduire l'électorat, c'est aussi le fait qu'on ne fait pas de débat à l'interne pour se positionner adéquatement. Moi, par exemple, le directeur de cabinet de M. Couillard est venu me dire — le dernier, là — mais avec force et une voix extrêmement haute, là, que je devais aller en commission parlementaire, que je devais sortir sur une entrevue que Drainville avait donnée à LaPresse pour le dénoncer parce qu'il était en train de discréditer le Parti libéral, parce que ci, parce que ça. Il me dit : Regarde, ton collègue Marc Tanguay n'est pas capable de lui faire face, là, il faut que tu ailles lui aider. Mais j'ai dit : Pourquoi est-ce que mon collègue n'est pas capable de faire face à Bernard Drainville? Parce que vous l'avez envoyé à la guerre sans les outils, sans les armes. Il n'a jamais été préparé, cet homme-là, pour faire face à toutes les demandes, à toutes les subtilités de ce débat parce qu'au Parti libéral on a fait l'économie de ce débat. M. Couillard n'a jamais voulu qu'on ait un vrai débat.

Le 20 janvier, la journée où, moi, j'ai été exclue du caucus, on a discuté de sa deuxième position qu'il a annoncée ici même, dans cette Assemblée, le 18 décembre. Ça n'a jamais été discuté dans le caucus. La sortie de Marc Tanguay sur le tchador, hein, qui, lui, ça ne le dérangeait pas d'avoir une collègue députée ou ministre libérale qui siégerait à l'Assemblée nationale, ça n'a jamais été discuté dans le caucus. Alors, le problème, c'est ça. C'est qu'on s'est fait l'économie du débat, et on est mal préparés, puis on sort dehors, puis on dit des affaires qui n'ont pas d'allure. Alors, est-ce que la procédure normale n'aurait pas été d'abord de venir discuter, de valider avec ton caucus avant de sortir et de défendre une position? À ce moment-là, moi, quand je me… je me serais exprimée. Si je suis la seule, dans un caucus, qui pense comme ça — j'ai toujours été consensuelle — je vais dire : Bon, bien, mon point de vue, je l'ai exprimé. Ça ne rejoint pas la majorité, je ne vais pas empêcher la majorité de fonctionner. J'ai toujours été femme d'équipe. Toujours.

M. Dutrisac (Robert) : Vous parlez d'une démarche non partisane. Bon. Et, sur la question du port des signes religieux, c'est là où il y a des divergences entre les partis, notamment entre… le PQ, notamment, et même Québec solidaire. Votre position semble… est semblable à celle de Québec solidaire. Est-ce que vous pensez qu'il y a un… qu'il pourrait y avoir un compromis possible sur cette question-là? Par exemple, si Mme Marois tenait absolument à ce que le domaine de l'enseignement — où les personnes sont, on peut considérer, en autorité face à des enfants — soit inclus, est-ce que c'est quelque chose qui est… c'est un compromis qui pourrait être possible là-dessus?

Mme Houda-Pepin :Bien, écoutez, moi, personnellement, je cherche ce compromis. Je le cherche dans l'intérêt du Québec, pas dans l'intérêt de la prochaine campagne électorale, là. Et, si on est suffisamment ouverts pour ce dialogue-là, je pense qu'on peut y arriver. Il y a moyen de faire des compromis. Mais, personnellement, mon analyse non seulement de la situation… parce que j'ai analysé un peu les différents modèles de laïcité dans le monde, et ce que j'ai compris et constaté, c'est que chaque modèle s'inscrit dans le contexte historique du pays où la laïcité a été implantée. Alors donc, nous, notre contexte historique, il est là et il parle de lui-même. Et je me dis : Qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce qu'on peut inscrire, dans la Charte des droits, la neutralité religieuse de l'État avec l'autorité contraignante qui représente effectivement l'État ou est-ce qu'on met en péril tout le projet parce que chacun veut garder son petit morceau de chiffon? Hein? C'est de ça qu'il s'agit, là. Alors, moi, je pense que l'enjeu est plus important que juste les foulards, etc.

D'ailleurs, les foulards… je vous rappelle que j'ai signé un article en 1994 sur le foulard. Parce que la crise du foulard au Québec a commencé le 2 décembre 1993, et ça a été une période assez difficile, là. On a entendu les mêmes commentaires, les mêmes amalgames à l'égard des femmes musulmanes, des musulmans, etc. Et on oublie qu'au Québecil y a des communautés musulmanes qui viennent des quatre coins du monde, qui s'intègrent bien, qui réussissent bien, qui ont des histoires à succès à raconter, que les jeunes réussissent bien dans les écoles, qu'ils s'intègrent bien, qu'ils apprennent le français. Mais malheureusement, tout ça, c'est un peu la forêt derrière l'arbre que sont les signes religieux et le foulard en particulier. Mais est-ce qu'on peut parler des vraies affaires?

M. Dutrisac (Robert) : Maintenant, le côté… tout l'aspect lutte à l'intégrisme, contre l'intégrisme dans votre projet de loi, est-ce qu'il n'y a pas des interdictions là-dedans qui sont… qui vont de soi, c'est-à-dire qui sont déjà… qui font déjà partie d'autres… Code criminel, choses comme ça? On parle d'excision, on parle de polygamie. Pourquoi les répéter dans ce projet de loi là?

Mme Houda-Pepin : Les répéter dans la loi, c'est essentiel. C'est essentiel pour que tout le monde comprenne qu'au Québec c'est de même qu'on veut être gouvernés. On veut avoir une société où on ne pratique pas de polygamie. Au moment où je vous parle, là, la polygamie se pratique au Québec, Code criminel pas Code criminel. Alors, si on fait un… si on crée un centre de recherche-action, puis qu'on va sur le terrain, puis qu'on détecte le problème… Regardez, par exemple, récemment il y a eu une série d'articles dans LaPresse sur les mariages forcés, tout d'un coup on réalise : Ah! Bien, ça existe, ça, ici. L'affaire Shafia, ça nous a ouvert les yeux sur la question des codes d'honneur, et tout ça. Mais il faut aller documenter ces phénomènes, il faut montrer réellement qu'est-ce qui se passe sur le terrain. Et ça, ça ne peut se faire que par un centre de recherche-action doté par des moyens et qui va aller sur le terrain pour documenter ces phénomènes.

M. Chouinard (Tommy) : Justement, sur ce centre, vous évoquez la possibilité qu'à titre de sanction on puisse donc retirer le statut d'organisme de bienfaisance… À votre avis… Puis on a vu un cas, récemment, où une mosquée fichée par le FBI est reconnue comme organisme de bienfaisance, par Ottawa, je crois, puis le Québec est… suit, là, d'après…

Mme Houda-Pepin : Non, c'est par rapport à notre loi, là. Je faisais référence à la Loi sur l'impôt du Québec. Je ne suis pas allée dans la juridiction fédérale.

M. Chouinard (Tommy) : C'est ça. Mais, selon vous, est-ce qu'il y a plusieurs organismes comme ça qui, dans le fond, préconisent l'intégrisme religieux et qui bénéficient des largesses de l'État?

Mme Houda-Pepin : Bien, écoutez, dans la mesure où on va les documenter… Oui, ça existe, mais, dans la mesure où on va les documenter, on va le savoir avec exactitude. Parce qu'une des questions…

M. Chouinard (Tommy) : Mais est-ce qu'il y en a? Je veux savoir s'il y en a…

Mme Houda-Pepin : Oui. Actuellement, oui. Oui, oui, oui, il y en a.

M. Chouinard (Tommy) : Plusieurs?

Mme Houda-Pepin : Écoutez, il y a pas mal de phénomènes… Bien, moi, je n'ai pas les ressources d'un centre de recherche-action, hein, mais ma compréhension et ce que je sais, c'est que cette réalité-là existe.

Maintenant, est-ce qu'on peut documenter ces phénomènes pour, justement, les situer dans leurs justes proportions, pour ne pas ni généraliser à outrance ni minimiser à outrance? Pour moi, c'est essentiel qu'on puisse faire cet exercice-là.

M. Lavallée (Hugo) :Qu'est-ce que vous pensez de l'idée du PQ, là, de mettre sur pied une commission pour étudier ce qui s'est passé entre vous et le chef de cabinet de M. Couillard? Est-ce que vous êtes favorable à un examen?

Mme Houda-Pepin : Bien, écoutez, personnellement, ce que j'avais à dire, je l'ai dit. Je veux dire... Et j'ai dit la vérité, puis ça, c'est sûr. Maintenant, si M. Bédard ne m'a pas avisée hier, lorsqu'il a présenté sa motion, s'il veut jouer la procédure parlementaire, moi, j'irai devant le diable et le Bon Dieu pour répéter la vérité. Je n'ai pas de problème avec ça.

M. Lavallée (Hugo) : Donc, vous maintenez votre version des faits. Parce que M. Couillard, tout à l'heure, nous disait que tout était absurde, impossible...

Mme Houda-Pepin : Ah! Bien, écoutez... Bien, donc il est en train de donner raison à M. Bédard. Je ne suis pas au courant.

M. Chouinard (Tommy) : Juste une dernière en français, s'il vous plaît. Mme Houda-Pepin, considérez-vous qu'à l'heure actuelle l'État finance, effectivement, des intégristes?

Mme Houda-Pepin : Bien, alors, écoutez, je ne peux pas répondre à cette question telle quelle. Il faudrait faire les analyses et les recherches pour arriver à vérifier ce fait-là. Merci.

M. Harrold (Max) : Mme Houda-Pepin, can I ask you a couple of questions in English?

Mme Houda-Pepin : Yes, why not? Yes.

M. Harrold (Max) : Thank you very much. OK. So, can you tell us how you were lied to by…

Mme Houda-Pepin : …madame. Excuse me.

M. Harrold (Max) : Can you tell us how were you lied to by Philippe Couillard?

Mme Houda-Pepin : Sorry?

M. Harrold (Max) : How were you lied to by Philippe Couillard? You said you were lied… «On m'a menti.»

Mme Houda-Pepin : Oh! Yes, yes, yes. Well, because he told me things he did not do. He did not deliver on the whole process of bringing this bill to the caucus through the… le comité sur l'intégrisme, the Fundamentalism Committee he created and who... which he asked me to preside, which I refused because the condition was that I have to leave my bill.

M. Harrold (Max) : And how far apart do you think your position is from the Liberal Party's? Because it seems to be in the fundamentalism area that you're adding new measures, but is it such a big difference?

Mme Houda-Pepin : Well, the big difference is about the religious signs. Mr. Couillard, as you know, he stated publically he doesn't want to forbid anything for anyone. So, in that regard, we can't really define the religious neutrality of the State if those who represent the State cannot be neutral themselves in the way they are dressed.

M. Harrold (Max) : How urgent is this a problem to address, in your view?

Mme Houda-Pepin : Well, this is a very important issue, you know. It's the last stone to put in order to have a lay society, complete lay society. Thank you very much.

Mme Plante (Caroline) : Are you saying that your caucus is… your party is ill-prepared to deal with this issue right now?

Mme Houda-Pepin : The caucus never had a real debate to analyse the different options, you know, and to find out what is the neutrality, how you can apply it, and even on the religious signs. You know, what's the proposal of Mr. Couillard? We can discuss it but other proposals too, and then we can draw the line of the consensus. That debate never happened.

Mme Plante (Caroline) : So, do you think that the Bill 60 hearings are purely being done for electoral reasons?

Mme Houda-Pepin : For what?

Mme Plante (Caroline) : Electoral reasons.

Mme Houda-Pepin : That's not what I'm saying. I respect the institution, and it is a kind of democratic exercise, people are coming to express themselves, and I can't, you know, really say no to that. So, it's a good expression of the population. You have to listen to what the people are saying, yes. Thank you.

M. Daigle (Thomas) : How big of a problem is religious fundamentalism in Québec today? Is it a real problem?

Mme Houda-Pepin : Well, as I said, yes, it is a real problem, from my understanding. But also I suggested that we can create a research center which will go on the grass roots and find out about the manifestation of this fundamentalism so that will give us a real picture. Thank you very much. Merci beaucoup.

(Fin à 14 h 5)

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