(Onze heures trente minutes)
M. Cloutier
: Bonjour.
Bonjour à vous tous. Ça me fait plaisir de vous revoir.
Alors, à nouveau, la Cour suprême vient de
remettre à sa place le gouvernement Harper, rebuffade sur toute la ligne de la
part de la Cour suprême envers le gouvernement fédéral. On se souviendra que le
gouvernement Harper a voulu procéder de façon unilatérale, sans consultation
avec le gouvernement du Québec, a voulu contourner les règles pour procéder à
un amendement concernant le Sénat canadien, et là la Cour suprême vient de lui
dire qu'il ne pouvait pas procéder ainsi.
Il faut aussi prendre acte du fait que le Canada
est pris dans une véritable camisole de force. Les fédéralistes sont pris dans
une structure où ils sont incapables de réformer les institutions. Ils sont
pris avec un sénat désuet qui ne répond plus aux attentes de la population
québécoise. Ils sont pris avec des sénateurs qui ne sont pas élus, mais choisis
par le bureau du premier ministre, des amis du Parti conservateur, sans
consultation évidemment avec le gouvernement du Québec, et on est incapable de
donner suite à quelque projet de réforme que ce soit aux Québécois.
Pourtant, on s'est fait promettre à de
multiples reprises qu'il y aurait des réformes du fédéralisme, qu'on aurait un
fédéralisme plus ouvert, qu'on serait capable de procéder à la réforme du
Sénat, et c'est pour ça que M. Couillard, à partir de maintenant, là, il va
devoir nous dire qu'est-ce qu'il veut. Est-ce que M. Couillard est satisfait du
Sénat actuel? Est-ce qu'il veut son abolition? Est-ce qu'il souhaite que le
Sénat soit davantage représentatif des régions? Est-ce qu'il souhaite qu'il
soit élu ou choisi par le gouvernement du Québec? Et de quelle façon il va
procéder? Est-ce qu'il a l'intention d'aller consulter les Québécois? Est-ce
qu'il a l'intention de demander aux Québécois leur opinion sur la manière dont
ils devraient être gouvernés par les institutions? Est-ce qu'il a l'intention
de tenir un référendum comme c'était le cas lors de Charlottetown?
M. Couillard ne pourra pas rester muet.
Il doit dire aux Québécois quelle est la position de son gouvernement sur le
Sénat. Alors, il veut l'abolition, il veut le réformer, il souhaite y inclure
des nouvelles règles? Il devra répondre à ces questions et nous dire
précisément de quelle manière il entend maintenant donner suite à ce jugement.
Parce que tout le monde est conscient qu'il y a un problème, là, avec les
institutions fédérales, que le Canada est pris dans cette espèce de camisole de
force. Ils sont pris dans ces vieilles institutions des sénateurs qui ne
respectent pas leur rôle, que les Québécois ne se reconnaissent plus. Alors, qu'est-ce
qu'ils vont faire maintenant avec cette institution qui est désuète?
M. Laforest (Alain)
:
Est-ce que c'est l'occasion d'en profiter pour ouvrir des négociations
constitutionnelles, entre autres sur le Sénat et plein d'autres trucs qui
posent problème, avec ce qui s'est passé?
M. Cloutier
: Alors, c'est
une excellente question. C'est eux… il faudra demander au premier ministre
Couillard de quelle manière il entend donner suite à la volonté des autres
provinces canadiennes, parce que vous savez qu'il y a d'autres provinces qui
ont souhaité l'abolition du Sénat, il y en a d'autres qui ont plutôt souhaité à
le réformer. Alors, M. Couillard, qu'est-ce qu'il va demander en échange d'un
appui à une réforme du Sénat ou d'un appui à son abolition?
En fait, on ne connaît pas la position de
M. Couillard sur le Sénat. On ne sait pas qu'est-ce qu'il souhaite et on ne
connaît pas non plus la monnaie d'échange, qu'est-ce qu'il va demander en
retour, et c'est ces questions-là qu'il devra répondre, soit la ministre de la
Justice, le nouveau ministre aux Affaires inter ou le premier ministre
lui-même.
M. Laforest (Alain)
: Mais,
vous, est-ce que vous souhaitez une réouverture des négociations
constitutionnelles pour régler le problème?
M. Cloutier
: Il y a
des institutions qui sont désuètes. On a un Sénat avec des sénateurs qui ne
répondent pas aux attentes des Québécois. Nous sommes dans une situation où le
fédéralisme est pris dans une camisole de force. C'est le statu quo permanent.
Nous, nous sommes des souverainistes, nous sommes des souverainistes décomplexés.
Nous pensons que les Québécois devraient décider par eux-mêmes de quelle
manière ils veulent choisir leurs propres institutions, et ça, c'est la
réflexion que nous, nous devons avoir dans notre formation politique, et tous
ceux et celles, bien évidemment, qui souhaitent que le Québec devienne un pays.
M. Robillard (Alexandre)
:
Pourquoi, M. Cloutier, selon vous, M. Couillard ne peut-il pas tolérer un statu
quo au sujet du Sénat?
M. Cloutier
: Bien, je
pense que vous lisez les mêmes médias que moi, j'en suis persuadé. Si vous
lisez les frasques des différents sénateurs des dernières années, je pense que
tout le monde convient que c'est non seulement archaïque, mais c'est assez
incroyable, si vous prenez quelques minutes pour y réfléchir, que le bureau du
premier ministre nomme des gens souvent près de lui pour décider de lois, pour
décider de règlements au nom des Québécois.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais ce que je veux dire, c'est qu'à la base l'impulsion pour réformer le Sénat
vient du gouvernement conservateur, de M. Harper. Donc, en quoi M. Couillard,
comme chef du gouvernement québécois, comme chef du Parti libéral, doit-il se
sentir lésé par cette décision-là de la Cour suprême? Donc, en quoi ça
l'obligerait à souhaiter autre chose que le statu quo, puisqu'à la base, lui,
n'avait exprimé déjà rien comme demande pour…
M. Cloutier
: Bien, en
fait, c'est une vieille revendication traditionnelle, qui est celle de la
réforme du Sénat, chez les fédéralistes. Alors, encore faut-il savoir qu'est-ce
qu'on demande. Le Sénat prend de multiples formes. Il y a plusieurs projets de
réforme qui sont sur la table. Maintenant, qu'est-ce qu'il veut, le premier
ministre? Nous, on ne le sait pas, l'opposition officielle ne le sait pas, et c'est
à M. Couillard de répondre à cette question-là.
Maintenant, la Cour suprême a donné raison
au gouvernement du Québec, hein? Je veux juste revenir un peu en arrière.
Souvenez-vous qu'il y a eu un renvoi en Cour d'appel du Québec, initié par le
gouvernement du Québec, qui essentiellement a donné raison au gouvernement du
Québec, puis, à nouveau, la Cour suprême vient essentiellement confirmer, dans
le fond, le renvoi qui avait été aussi rendu favorablement pour le gouvernement
du Québec.
Alors, à partir de maintenant, là, il y a
une institution qui est celle du Sénat, qui est désuète, qui coûte extrêmement
cher, avec des sénateurs qui gagnent nettement plus cher que les collègues
députés de l'Assemblée nationale. Ces gens-là sont des gens qui sont non élus
et qui ne répondent plus aux attentes des Québécois. Maintenant, c'est aux
fédéralistes, à ceux et celles qui croient au renouveau de dire de quelle façon
ils ont l'intention de procéder.
Journaliste
: La
camisole de force, c'est quelque chose qu'on utilise pour des malades
psychiatriques, là. Est-ce que… je veux dire…
M. Cloutier
: C'est une
image, mon cher ami. Alors, je fais référence à l'incapacité aux fédéralistes à
donner suite à quelque réforme que ce soit de nature constitutionnelle. Il faut
quand même se rappeler, là, que les vraies affaires, là, c'est aussi les
sénateurs que les Québécois paient, là, et qui ne servent pas les Québécois
comme ils devraient les servir. Alors, à partir qu'on a pris conscience qu'on
est une institution qui est désuète, qui ne s'inscrit pas dans la modernité,
bien, on doit être en mesure de dire qu'est-ce qu'on va faire.
Nous, évidemment, comme souverainistes,
comme des gens qui souhaitent que le Québec devienne un pays, j'invite plutôt
les Québécois à participer à cette réflexion des institutions qui représentent
davantage les Québécois.
Journaliste
: …M. Cloutier,
croyez-vous que la tour de Pise penche un peu moins maintenant?
M. Cloutier
: J'ai déjà
eu la chance de répondre. Je suis fier de la décision, c'est-à-dire j'étais
satisfait de la décision qui a été rendue dans le dossier du juge Nadon. Vous
savez que le gouvernement du Québec a été extrêmement actif à ce moment-là dans
le dossier, et, je pense, si ce n'était des efforts qui ont été portés à ce
moment-là, il y aurait le juge Nadon.
Mais votre question est fort intéressante
parce que la décision a été rendue alors qu'il manquait encore un des juges du
Québec. Puis d'ailleurs j'invite la nouvelle ministre de la Justice à répondre
à cette question, là : De quelle manière, maintenant, Ottawa va donner
suite à la revendication traditionnelle du Québec qui est celle de soumettre
des noms au gouvernement Harper? Est-ce qu'on va se ramasser dans le même
psychodrame? Ce sera un des premiers dossiers que la ministre de la Justice
aura à répondre dans les prochains jours parce qu'il manque un des trois juges
encore à la Cour suprême, et c'est un autre jugement qui a été rendu sans avoir
les trois juges québécois.
Journaliste
:
Minimalement, bon, vous dites : M. Couillard va nous dire qu'est-ce qu'il
souhaite pour ce qui est de la réforme du Sénat. Mais minimalement qu'est-ce
qui serait acceptable pour vous? Qu'est-ce qui apparaît essentiel et
incontournable dans cette réforme-là?
M. Cloutier
: Que le
Québec se dote de ses propres institutions, que les Québécois relèvent la tête
et décident par eux-mêmes quelle est la meilleure façon pour eux qu'ils soient
représentés. On vit échec du renouveau du fédéralisme après échec. Maintenant,
qu'ils nous disent s'ils sont satisfaits avec cette institution qui est
archaïque ou qu'ils nous disent plutôt qu'ils vont la réformer et, s'ils vont
la réformer, de quelle manière. Est-ce qu'ils ont le courage d'écouter les
Québécois et d'aller les consulter avant de donner leur approbation? Je pense
que c'est aux Québécois, en fait, à répondre à la question de savoir qu'est-ce
qui est minimal. C'est pour ça que la consultation est si importante.
Journaliste : Vous posez des
questions à M. Couillard, mais c'est M. Fournier, là, qui avait initié la chose
qui se retrouve devant la Cour suprême, non?
M. Cloutier
: Vous avez
raison. Bien, il y a un premier ministre en poste.
Journaliste
: Alors, ça
envoie quoi, comme signal? Qu'est-ce que vous pensez qu'il devrait faire? C'est
lui qui l'a contesté devant les tribunaux, là.
M. Cloutier
: Il a
contesté la façon de faire de la procédure parce qu'il était contre, justement,
cette volonté d'Ottawa de contourner les règles, puis on était d'accord avec
cette approche-là, nous. Lorsque nous avons pris le pouvoir au gouvernement, on
avait la même interprétation que le gouvernement précédent.
La différence entre eux et nous, c'est
qu'eux ils disent encore aux Québécois que c'est possible de réformer la
fédération, c'est possible de rendre la fédération canadienne plus moderne. Là,
ils ont une occasion en or. Ils ont une institution qui est archaïque, qui est
désuète. La cour vient dire que, pour la procéder, il y a des règles à suivre.
Alors, qu'est-ce qu'il veut, M. Couillard? Quelles sont les conditions
qu'il pose? Son abolition ou plutôt une réforme avec des sénateurs élus qui
représentent les régions? Bref, il y a toutes sortes de modèles qui sont
possibles, mais de répondre à ces questions-là puis ensuite il doit prendre
l'engagement de consulter le monde, consulter les Québécois pour s'assurer...
Ce n'est pas rien, ce que ça coûte, le
Sénat, non seulement en termes de dépenses par sénateur, mais, bien évidemment
aussi sur les enjeux, parce qu'il faut comprendre que les sénateurs sont des
législateurs, sont des gens qui parlent au nom de la nation québécoise parce
qu'ils sont… ils siègent comme représentants à la Chambre haute. La Chambre
haute a le pouvoir de renvoyer des projets de loi à la Chambre des communes, ce
n'est pas rien. C'est pour ça que cette réforme est si importante et c'est pour
ça que la Cour suprême en est venue à la conclusion que ça prenait un
amendement constitutionnel, et, pour l'abolition, ça demandait un consentement
unanime des provinces pour procéder à l'abolition du Sénat. Pour le réformer,
c'est la procédure 7-50. Alors, à partir de maintenant, bien, c'est au premier
ministre du Québec de dire qu'est-ce qu'il veut.
Journaliste
: …
M. Cloutier
: Well, again, the Supreme Court of Canada has said to the Harper Government that they have not the right to
proceed unilaterally like they did before, and obviously they have tried to
take a road that they were not allowed to, and basically now the Supreme Court
is saying that they have to modify the Constitution.
But, of course, it brings
the question that there is a senate, and everyone agrees that the Senate, as it
stands, doesn't reflect modernity and doesn't achieve its goal. So, starting
from there, I think Mr. Couillard has to answer and tell Quebeckers now
what is he asking, what kind of reform does he want, does he agree with the
abolition of the Senate, does he have the intention of consulting the
population.
But I want to remind you
that, in the Charlottetown sequence of constitutional discussion, the
population was consulted, and I don't think, on such an important aspect, you
can do anything differently. So I think now Mr. Couillard has to tell Quebeckers what he wants and how he would
change the Senate. And if he agrees with the Senate itself, how can he pretend
that the Federation responds to modernity and responds to the expectations of Quebeckers?
Journaliste
: Did I understand correctly that you said in French that
traditionally federalists are not people that ask for reforms of the Senate. Is
that what you said in French?
M. Cloutier
: No.
Journaliste
: What did you say, about that it was traditionally…
M. Cloutier
: No. I don't think I said such a thing. I think I said that it's
part of traditional demands of Québec. I mean, it's part of the traditional constitutional demand that
has been around for 50 years, I guess, now, the reform. So Quebeckers or the Government of Québec has a
response… but it was more a movement that was coming from the rest, and Quebeckers and the National
Assembly were more in response to that demand.
But this is a question
I'm asking to Mr. Couillard, because obviously, Western provinces will want to
move forward and they will try either to abolish the Senate, like Mr. Wall
said. Brad Wall said they will introduce a resolution to do so, and there are
others who think that it should be reformed. But obviously something will
happen, and this is why we need to know what is the position of the Québec
Government.
Journaliste
:
This is the second decision from the Supreme Court that is actually favorable
to…
M. Cloutier
:
Absolutely. Well, somebody obviously knows how to read rules, so they should
just… I mean, it's so obvious for Québec… I mean, everyone agreed. This case
was a bit the same… most constitutional were saying : You can't do that.
So, I mean, there's no surprise for me.
Journaliste
:
And what would be acceptable for you? In French, you said «désuet», it's
outdated, I mean, it's an outdated governmental body that you…
M. Cloutier
:
I think we all agree on that. Ask Quebeckers in the street if they can name the
senators, you might find… you might have to talk to many of them before you
finally find one who knows who represent them. That just doesn't make any sense
anymore. And those people are being chosen by the Prime Minister to represent
them. I don't think Quebeckers feel much related to their senators, to be honest
with you. I really doubt that, when they have a problem in mind, they call
their senators. But maybe they should do so, if you think about it, because
they have the power to change things. It just doesn't make any sense and
obviously now it's just a… Senate is a place where you place your friend; and
we've seen many of them very close to Mr. Harper. But it has been like that not
only under Mr. Harper, it has been like that for many years now.
Journaliste : So what would be acceptable for you now…
M. Cloutier
: Well, that Quebeckers get their own institution and decide by themselves. But this is our position as a
sovereignist movement. I think that question has to be responded by the federalists, but there is no doubt in my
mind that Quebeckers need to be
consulted.
Journaliste : So we should abolish the Senate…
M. Cloutier
: I'm saying federalists still believe you can reform things, go
ahead and then consult people. Merci beaucoup.
(Fin à 13 h 31)