(Dix heures trente-trois minutes)
M. Villeneuve
: Alors, bonjour à tous. Bonjour aux
médias, bonjour aux gens qui nous écoutent.
Des fonds d'investissement privés
s'intéressent de plus en plus aux terres agricoles du
Québec, que l'on pense, notamment, à la firme Pangea, menée par Charles
Sirois, homme d'affaires bien connu et cofondateur de la CAQ avec François
Legault, qui convoite les terres agricoles dans plusieurs régions du Québec.
Des jeunes agriculteurs, notre relève
agricole, s'inquiètent de l'accaparement de ces terres agricoles. Ce sont les
terres dont ils ont besoin pour assurer l'avenir de l'agriculture québécoise.
De plus, cette spéculation crée une pression à la
hausse sur la valeur desdites terres, rendant l'accès à celles-ci encore
plus difficile pour la relève agricole.
Comme vous savez déjà, des cas bien précis
ont été relevés par certains médias, entre autres un producteur du Lac-Saint-Jean,
qui voulait assurer à sa fille l'espace nécessaire pour prendre la relève, a eu
une mauvaise surprise en voyant son offre d'achat rejetée, et ce, à la faveur
de celle de Pangea. C'est là un exemple parfait où une firme d'investissement
s'empare de terres qui auraient pu appartenir à une jeune agricultrice de la
relève.
Un autre cas tout aussi parlant au Bas-Saint-Laurent,
où Pangea aurait acquis 465 acres de terres agricoles à 2 000 $
l'acre, soit le double du prix du marché, semant l'inquiétude, pour ne pas dire
la consternation, parmi les jeunes agriculteurs de la région. De telles
manoeuvres financières font exploser la valeur des terres agricoles.
Une des questions qui se posent maintenant,
c'est la suivante : Comment les jeunes
agriculteurs peuvent-ils penser assurer leur avenir alors qu'acquérir des
terres ne peut se faire qu'à un prix dépassant largement leurs moyens? Payer
jusqu'au double du prix pour acheter une terre, c'est autant d'argent qui ne
sera pas disponible pour investir dans des équipements permettant de moderniser
la ferme ou tout simplement pour assurer le montage financier permettant l'acquisition
de ladite ferme, sans compter que ces argents non disponibles sont souvent
nécessaires… seraient souvent nécessaires pour assurer le fonctionnement même
des affaires courantes d'une entreprise agricole.
Maintenant, la relève se mobilise. Nous avons
appris, ce matin, qu'une pétition a été lancée par la Fédération de la relève
agricole du Québec, une pétition, évidemment, demandant d'agir dans le dossier.
En fait, c'est tout le monde agricole qui se mobilise :
la relève, bien sûr, mais aussi, évidemment, l'ensemble des agriculteurs du
Québec. En fait, on assiste à un enjeu, bien sûr, du monde agricole, mais je
crois, et je suis assuré que c'est aussi un enjeu de société auquel nous sommes
confrontés aujourd'hui.
Les jeunes agriculteurs veulent des
solutions pour assurer l'avenir de l'agriculture québécoise et ils sont prêts à
y travailler. Le ministre Pierre Paradis, lui, il reste les bras croisés,
attendant une catastrophe avant d'agir. Il a déclaré, et je cite, qu'«une
intervention de l'État serait justifiée en cas de situation catastrophique». Le
gouvernement doit agir dès maintenant pour éviter que la situation ne
s'aggrave.
La propriété des terres par ceux qui la
cultivent, c'est une des grandes forces du Québec en agriculture. Il faut se
rappeler qu'au Québec les producteurs sont propriétaires à plus de 80 %
des terres qu'ils exploitent. Ça m'amène à rappeler à ceux qui nous écoutent
que l'ONU, le rapporteur de l'ONU a précisé dernièrement que les États devaient
absolument intervenir pour, justement, freiner, freiner cette tendance, donc,
d'accaparement des terres. L'avenir de notre agriculture ne doit pas être dicté
par la spéculation financière, mais bien par l'atteinte d'objectifs que nous
nous aurons fixés comme société. À ce titre, la Politique
de souveraineté alimentaire est un exemple parfait. On le sait, la politique,
lorsqu'elle a été déposée par mon collègue François Gendron, a été accueillie
très favorablement par les acteurs du milieu agricole et l'ensemble, je vous
dirais, de la société.
Ce
taux — et je reviens au taux de propriétaires de leurs
terres — donc, ce taux s'élève à environ à 60 %
pour le reste du Canada et les États-Unis et descend, par exemple, à seulement
20 % pour la France. Est-ce que c'est un autre domaine où Philippe
Couilard veut nous ramener à la moyenne canadienne?
En plus de l'inaction des libéraux, on a pire encore : la CAQ de
François Legault, qui encourage la dépossession des terres des agriculteurs par les fonds d'investissement. M. Legault, en
mars dernier, se réjouissait des manoeuvres financières de son ami Charles
Sirois sur les terres agricoles. Il déclarait :
«Honnêtement, entre aller emprunter de l'argent à la banque et rembourser son
hypothèque chaque mois, ou payer un loyer à un
financier, ce qui importe, c'est que le loyer soit à un prix raisonnable.» Pour
François Legault, ça n'a aucune importance qu'un producteur possède la terre
qu'il cultive. Demain, Charles Sirois est l'invité de
son ami M. Legault au congrès de la CAQ, où il donnera une
conférence. Au lieu de l'inviter à son congrès, François Legault devrait
dénoncer la participation de Charles Sirois à la dépossession des terres des
producteurs.
Considérant l'importance de cet enjeu pour
assurer une agriculture de propriétaires au Québec, j'ai demandé à la Commission
de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles de
se réunir pour se donner un mandat d'initiative afin d'étudier la question en
profondeur. La balle est maintenant dans le camp du Parti libéral et de la CAQ.
Accepteront-ils de se pencher sur la question et de travailler avec les agriculteurs
afin de trouver des solutions durables à un problème qui ne cesse de prendre de
l'ampleur et qui est une menace plus sérieuse qui pèse présentement sur nos
jeunes, et la relève agricole, et sur toute l'agriculture en général? Merci
beaucoup.
(Fin à 10 h 39)