(Treize heures dix-huit minutes)
Mme Cyr (Claudelle) : Alors, mesdames messieurs, merci d'être présents.
Je me présente, je suis Claudelle Cyr, directrice du Regroupement des organismes
communautaires de l'Estrie. Je voudrais aussi remercier
la présence des députés Mme Françoise David de Québec solidaire et M. Jean-François Lisée du Parti québécois, qui sont ici en appui à nos revendications aujourd'hui.
Donc, la Coalition des tables régionales
d'organismes communautaires regroupe 14 regroupements
régionaux d'organismes présents dans 14 régions
du Québec, donc, qui oeuvrent majoritairement en santé et services sociaux. On
est plusieurs milliers d'organismes communautaires.
Vous entendez aujourd'hui, pour la ixième
fois encore, des gens dénoncer la Loi modifiant l'organisation de la
gouvernance dans le réseau de la santé et des services sociaux notamment par
l'abolition des agences, ce qui était le projet de loi n° 10. Le titre en
dit long sur la volonté du ministre de vouloir
s'attaquer encore une fois, tout comme l'ensemble de l'appareil
gouvernemental actuellement, à tout ce qui pourrait avoir une connotation
régionale. On va y revenir plus tard.
Mais pourquoi les organismes communautaires
sont inquiets de cette réforme? Ils sont inquiets, car on voit une
hypercentralisation des pouvoirs entre les mains d'un ministre, partant de la
nomination des conseils d'administration,
allant à la planification stratégique régionale, allant jusqu'aux activités de
perfectionnement destinées aux membres des organismes communautaires. Ce n'est
pas parce qu'un médecin est disponible à deux coins
de rue de chez soi qu'on peut parler d'un service de proximité. Les
services de proximité, c'est des services qui sont définis dans la localité,
définis avec les gens, à partir des gens et des besoins. Les organismes
communautaires, on est reconnus pour être capables de répondre rapidement aux besoins émergents : c'est la soupe populaire qui permet aux chômeurs,
parce que l'usine vient de fermer dans le quartier, de manger un repas chaud
entre la recherche d'emploi, les dettes qui s'accumulent puis l'insécurité qui s'installe; c'est l'organisme
d'aide aux devoirs qui ouvre une nouvelle plage horaire parce que, dans sa
région, il y a une augmentation du décrochage
scolaire importante; c'est tout, sauf du mur-à-mur.
Les
organismes travaillent avec les gens à partir de leur réalité et non à partir
d'orientations stratégiques élaborées dans un bureau à Québec par un
radiologiste et son équipe. Ces organismes sont non seulement inquiets, ils
sont inquiets de comment ils vont pouvoir répondre aux personnes avec qui et
pour qui ils travaillent. Mais ils sont aussi inquiets de savoir si le travail
de concertation qui a été mis en place depuis plus de
20 ans avec les régies régionales et par
la suite ce qui s'est appelé les agences de
santé et de services sociaux sera complètement à refaire parce
qu'anéanti par la grosse machine que sera le CISSS. Parce que, dans les faits, les organismes communautaires
pèsent bien peu dans la balance face à un centre hospitalier. On craint d'être
oubliés, mais aussi de ne pas être écoutés,
comme on a pu l'être à l'intérieur de nos structures régionales depuis des
dizaines d'années. Je laisse maintenant la parole à ma collègue Véronique
Thibault.
Mme Thibault (Véronique) :
Bonjour. Donc, Véronique Thibault, coordonnatrice de la Table régionale des
organismes communautaires du Bas-Saint-Laurent. Eh bien, comme vient de dire ma
collègue, vous voyez que les impacts en région sont
très grands.Notamment, le gouvernement,
présentement, nous impose un modèle de gestion
centralisée dans toutes les régions avec le même modèle. Il y a une perte
importante de la marge de manoeuvre pour maintenir les spécificités régionales.
Il y a des ententes, dans certains dossiers, qui vont tomber. On va avoir beaucoup les impacts…
On a vu notamment tout ce qui se passe avec les travailleurs de rue. Donc, les
impacts sont déjà réels, et encore il y en
aura beaucoup à venir au cours des prochaines semaines,
malheureusement. Les besoins ne sont pas les mêmes
d'une région à l'autre, et je peux vous le dire, pour vivre dans une de
celles-là, on ne peut pas comparer le Bas-Saint-Laurent avec la Gaspésie, avec
la Côte-Nord, avec Chaudière-Appalaches ou l'Outaouais. Nous avons tous des
spécificités vraiment précises d'une région à l'autre, et c'est ce qui fait la
beauté du Québec présentement. Et les priorités ne sont pas les mêmes non plus
d'une région à l'autre. Donc, c'est très important de pouvoir respecter cela,
et surtout de faire en sorte qu'on ne perd pas la couleur de chacune de nos
régions.
Il faut rappeler l'importance de la
régionalisation. Chaque région est différente, comme je viens de vous le dire, mais en plus les citoyens doivent
pouvoir s'exprimer et être représentés de façon adéquate. On doit être capables
de rejoindre nos représentants. N'oubliez pas que, dans la majorité des régions
du Québec, peut-être qu'il n'y a pas autant de population que dans les grands
centres, mais, au niveau de la situation géographique, nous avons des
territoires immenses que nous devons couvrir, et cette réalité-là, on n'en tient pas compte présentement.
Il y a
aussi une perte au niveau de la régionalisation, mais pas seulement en santé,
mais aussi dans le développement économique régional. Il y a eu des impacts
très récemment, on en a beaucoup parlé, au niveau des coupes dans les
conférences régionales des élus, les centres locaux de développement, les carrefours jeunesse-emploi
et l'aide aux milieux dévitalisés. Notamment, pour
les CRE, une des pertes importantes en région, c'est le FQIS, qui n'existera plus, c'est-à-dire les fonds de
lutte à la pauvreté. Au Bas-Saint-Laurent, en ce moment, toute la région s'est
concertée ensemble pour faire un grand lancement régional, justement, pour
lutter contre la pauvreté, et ces initiatives-là, on ne pourra plus les avoir
parce qu'on n'a plus d'argent pour les faire, donc on n'aidera plus les
clientèles les plus vulnérables dans chacune de nos régions. On parle d'une
perte financière importante, bien sûr, mais une perte d'expertise essentielle à
chacune de nos régions et de représentation
également.
Et finalement je conclurais en disant que, nous, présentement, à la CTROC et chacun de mes
collègues de toutes les régions du Québec présents, nous appuyons
officiellement le collectif Touche pas à ma région!,
qui est présent dans huit régions du Québec en ce moment. C'est très important pour nous parce que ce qui se passe, c'est
vraiment une implication citoyenne. Ce n'est pas vrai qu'il y a une majorité
silencieuse qui existe, on le voit présentement dans nos régions, ce qui se
passe, il ne faut pas se laisser faire, on n'est pas d'accord avec ça. Voilà.
Alors, je cède maintenant la parole à M. Lisée.
M. Lisée
: Je vais
laisser Françoise y aller d'abord.
Mme David (Gouin) : Bon, petit
mélange. Merci beaucoup d'être présents en si
grand nombre. Merci aux organismes communautaires de s'être déplacés ici, à
l'Assemblée nationale. Je pense que c'est important d'entendre leur cri du
coeur. Puis ce cri du coeur là, évidemment, je le partage beaucoup, c'est un
milieu dont je viens, donc je le comprends et non seulement je le comprends,
mais je l'appuie au nom de Québec solidaire, au nom de ma collègue Manon Massé, qui est aussi ici présente.
Écoutez, durant toutes les consultations
sur le projet de loi n° 10, on n'a cessé de dire au ministre responsable :
Vous allez trop loin, vous centralisez trop, vous vous gardez trop de pouvoirs, il faut que les régions puissent vivre, il faut
qu'elles puissent respirer, mais non seulement les régions, moi, je dirais les localités, les municipalités, les
villages, les quartiers des grandes villes. C'est de ça aussi qu'il est
question aujourd'hui. Donc, quand les organismes communautaires disent :
Plus d'autonomie, plus de capacités de
répondre réellement aux besoins des gens à la base, bien, évidemment, comment
voulez-vous qu'on ne soit pas d'accord?
Nous allons déposer une motion
aujourd'hui, appuyée entre autres par les collègues du Parti québécois, et, dans cette motion,
nous allons demander, vraiment, au ministre de respecter l'autonomie des régions
et leur capacité de se définir elles-mêmes, de respecter les ententes déjà
prises par les agences de la santé et des services sociaux avec les organismes
communautaires, mais on va aussi demander au gouvernement du Québec de vraiment
bien prendre en compte le fait que, sur les conseils d'administration des
nouveaux établissements régionaux, les CISSS, centres intégrés de santé et de
services sociaux, il y a maintenant un poste pour les organismes
communautaires. Nous ne voulons pas que la personne qui occupe ce poste vienne
de n'importe où et de nulle part. Nous souscrivons à la demande de la Coalition
des tables régionales d'organismes communautaires à l'effet que ce soit une
personne, vraiment,
du communautaire, rattachée au communautaire, proposée par le communautaire parce que sinon, bien entendu, ça n'a
aucun sens. Merci.
M. Lisée
: Merci, Françoise, Claudelle Cyr, Véronique Thibault, tous
ceux qui sont là des tables régionales. De quoi il est question, au-delà de
tous ces débats de structure? Bien, c'est de la pauvreté au Québec, la pauvreté
au Québec. On peut s'enorgueillir ici d'avoir réussi, après 1996‑1997 et malgré
un déficit zéro qui avait été difficile à atteindre, à avoir une chute du taux
de pauvreté, au Québec,
plus forte que n'importe où en Amérique du Nord. Et ça, c'est une réussite
qu'on doit beaucoup au communautaire, aux gens qui sont sur le terrain, aux
gens qui se désâment, qui prennent 1 $ et qui font des miracles avec ça
auprès des gens qui sont en dépendance, auprès des itinérants, auprès des gens
qui sont en réinsertion sociale, qui redonnent de la vie de quartier, qui distribuent
du bonheur de vivre à des gens qui n'en avaient plus.
Et ça, ça a été possible parce qu'on a
réussi de toutes sortes de façons : en aidant l'économie sociale, en
aidant les municipalités, en aidant les groupes communautaires eux-mêmes à créer un tissu économique suffisant — pas optimal, mais
suffisant — pour faire baisser la pauvreté au Québec. Et là ce
qu'on voit, en ce moment, c'est la déconstruction de ces outils-là, qui sont
nombreux, qui va faire en sorte que notre capacité à rendre la pauvreté moins
misérable et à faire sortir les gens de la pauvreté est en train d'être
amoindrie de façon très significative.
Alors, on parle du projet de loi
n° 10, mais, lorsque la ministre Charlebois dit : Ah! On a au moins indexé les budgets des groupes communautaires,
bien d'abord ils ont indexé seulement la somme globale, pas la somme de chaque groupe communautaire, et ils avaient admis eux-mêmes
que les groupes communautaires étaient sous-financés. Et nous, on s'en
souvient, avec Véronique Hivon, on voulait
augmenter ce financement-là.
Mais ce n'est pas tout. C'est la réponse
qu'elle donne : Mais ce n'est pas tout. Comme on l'a dit avant moi, couper
les CRE, c'est couper des sommes qui allaient aux organisations communautaires
contre la pauvreté; couper les CLD, c'est faire la même chose; couper les
centres jeunesse-emploi, c'est faire la même chose; couper 300 millions de
dollars aux municipalités dans le nouveau pacte fiscal, c'est dire aux
municipalités d'arrêter de financer des groupes communautaires.
Moi, je le vois
dans Rosemont : dans Rosemont, on
a des groupes communautaires qui n'ont plus leurs
budgets parce que la ville a coupé.
L'arrondissement coupe, et c'est le communautaire qui écope. Et la nouvelle
entente Québec-Canada sur l'itinérance, qui a enlevé des sommes très
importantes aux groupes
de lutte à l'itinérance qui en faisaient un
usage polyvalent et qui maintenant ne peuvent plus y avoir accès, tout ça
cumulé fait que le gouvernement Couillard est en train de déconstruire ce que
le Québec, collectivement, avait fait pour sortir des Québécois de la pauvreté.
Alors, l'expression qui est faite
aujourd'hui devant vous, là, c'est une des premières vagues, d'un certain
nombre de vagues d'impact. Et l'impact, ça va être plus d'itinérance, plus de
pauvreté, plus de dépendance, et, à la fin, plus d'hospitalisations, plus d'incarcérations,
qui coûtent beaucoup plus cher que les petites sommes que M. Coiteux,
M. Couillard pensent économiser en serrant la vis aux gens qui, tous les
jours, sont dévoués pour les Québécois les plus fragiles.
Alors, évidemment, le Parti québécois, mon
collègue Harold LeBel, qui s'occupe des questions de pauvreté, on est à
100 % avec les groupes qui sont aujourd'hui devant vous pour dire au
gouvernement du Québec : Assez, c'est assez! Prenez acte du dommage que
vous causez. Et quelqu'un qui n'est pas aidé aujourd'hui, ça va être un
problème social pour lui et pour la société plus
tard, alors c'est le temps de rebrousser chemin avant qu'il ne soit trop
tard. Merci beaucoup.
Mme Cyr
(Claudelle)
:Donc,
pour le mot de la fin, on voudrait répondre à la ministre Charlebois, qui met en doute,
actuellement, nos difficultés financières dans
le milieu communautaire. Nous rappelons à Mme Charlebois
que nous sommes en campagne de mobilisation sur la question de notre financement
depuis octobre 2012, donc ça ne date pas d'hier, et on voudrait aussi lui
rappeler que son parti a appuyé une motion unanime à l'Assemblée nationale, en mai 2013, reconnaissant
le sous-financement des organismes communautaires.Si
hier les organismes communautaires étaient sur la corde raide, aujourd'hui,
bien, ils ont la corde au cou.
Mme Thibault (Véronique) :Je voudrais aussi rappeler la présence avec nous, derrière
les caméras, de mes collègues de toutes nos… de nos régions, en fait, ceux qui
sont à la CTROC, notamment la Gaspésie et l'Abitibi,
qui sont particulièrement touchés par toutes
les coupes et l'austérité en ce moment. Donc, si jamais vous aviez des
questions, sachez qu'ils sont là.
La Modératrice
: Pour
la période de questions, je vais vous demander de venir poser vos questions au
micro. On a des invités aujourd'hui, donc les questions sur le sujet, s'il vous plaît. Si vous avez des questions sur autre
chose, venez nous voir après. On va commencer avec le micro de gauche, Régys
Caron.
M. Caron (Régys)
: Oui,
bonjour. Je comprends que vous dénoncez autant sinon davantage les coupes
budgétaires que le projet de loi n° 10.
Mme Cyr (Claudelle) :Bien, en fait, ce qu'on dénonce par rapport au
projet de loi n° 10, c'est toute la centralisation des pouvoirs. Donc,
aujourd'hui, on est ici pour dire que le projet de
loi n° 10, associé à tout ce qui a été fait avant, donc l'abolition
de ce qui a été dit par ma collègue, des CRE, des CLD, etc., renforce encore
une fois une hypercentralisation entre les mains du gouvernement.
M. Caron (Régys)
:
Quelles sont les conséquences que vous voyez sur le terrain quant à la
réduction de vos budgets? Vous avez évoqué les travailleurs de rue, vous avez
évoqué l'aide aux devoirs, la soupe populaire. Quels sont les services qui
sont… qui disparaissent avec ce que vous dénoncez aujourd'hui?
Mme Thibault (Véronique) :Bien, en ce moment, je peux vous dire qu'on est vraiment
touchés par l'effet domino. Toutes les coupes annoncées par le gouvernement ont
un effet, présentement,
dans le communautaire. C'est aussi simple que ça.
M. Caron (Régys)
: Quels sont ces effets?
Mme Thibault (Véronique) : Quels sont ces effets? Bien, si les commissions
scolaires ne peuvent plus aider, par exemple, des parents qui ont des enfants avec une
déficience intellectuelle ou physique, bien, les organismes communautaires
devront le faire, la même chose pour l'aide aux devoirs, la même chose pour à
peu près tout ce qui existe, tout ce que les organismes communautaires font
présentement, ce qui fait qu'on a une augmentation de la clientèle qu'on peut déjà voir.Et
l'impact est là parce qu'on ne peut plus répondre adéquatement à nos missions, puisque, comme on a une augmentation, présentement, de
la clientèle, on n'a pas plus d'argent pour les aider. On voudrait offrir notre
service de première ligne comme nous devons le faire, mais on n'a pas les
moyens de le faire en ce moment.
Le Modérateur
: Micro
de droite, Marco Bélair.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Bonjour. Une précision : Vous dites que vous
constatez, vous observez une augmentation de la
clientèle, pouvez-vous la spécifier?
Mme Cyr (Claudelle) :Bien, on voit de plus en plus de travailleurs venir
cogner aux portes des organismes communautaires, ce qui, il y a 10 ans, était à peu près inexistant. Donc, on
a des familles qui viennent cogner à la porte parce qu'ils ont besoin d'un sac
à dos pour leur jeune au mois de septembre, parce que ce n'est plus vrai que l'éducation
publique, elle est gratuite. On a des travailleurs dont les usines ferment et
qui doivent venir, comme on l'a mentionné tantôt, chercher des denrées dans les
banques alimentaires. Avant, les travailleurs réussissaient à subvenir à leurs
besoins. Là, aujourd'hui, le salaire minimum ne suffit plus, et on cogne chez
nous.
M. Bélair-Cirino (Marco) :Mais c'est un phénomène qui n'est pas apparu hier,
vous constatez cette hausse-là depuis quelques mois déjà?
Mme Thibault (Véronique) :Oui, mais le
visage de la pauvreté a beaucoup changé, puis on le voit vraiment beaucoup,
aussi, depuis les coupes, on voit vraiment que ça augmente. Oui, ça avait
commencé un peu avant, mais on voit vraiment l'impact,
en ce moment, directement dans les organismes
communautaires, que ce soit dans les banques alimentaires, que ce soit dans
tous les organismes qui aident directement la population pour les clientèles
plus dévitalisées ou en problématique de crise. On
voit vraiment, présentement, l'effet.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Puis qu'est-ce que vous répondez lorsque la ministre, justement, Charlebois,
vous répète qu'elle a indexé les sommes allouées aux organismes communautaires?
Mme Cyr (Claudelle) :L'indexation ne date pas d'hier, l'indexation des budgets.
On a eu une indexation, mais vous conviendrez, entre vous et moi, qu'une
indexation de 0,9 % ou de 1 %, ça ne couvre pas l'augmentation de mon
loyer pour l'organisme, ça ne couvre pas l'augmentation du nombre de cafés que
je dois servir parce que j'ai plus de monde chez moi, ça ne couvre pas un
nouveau salaire parce qu'il y a de plus en plus de monde qui ont des problèmes
de santé mentale et qui viennent aussi cogner à ma
porte.
Mme Thibault (Véronique) :Puis vous savez que les employés des organismes
communautaires, très souvent, sont d'abord et avant tout des gens très
compétents, et il y en a plusieurs qui ont un salaire qui frôle une situation
de pauvreté parce que, justement, on n'a pas les moyens de payer adéquatement
des intervenants. Il y a des intervenants qui gagnent 12 $ ou 13 $ de l'heure puis ils font du 28 heures-semaine.
Si vous faites un calcul rapide, ce n'est pas beaucoup, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous dites que la majorité silencieuse n'appuie pas les mesures de redressement
financier, budgétaire du gouvernement
Couillard. Les sondages laissent entendre, disons, le contraire ou du moins…
Mme Thibault (Véronique) :Moi, ce n'est pas ce que je vois chez nous, sur le
terrain.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais qu'est-ce que vous dites à la majorité silencieuse, celle qui appuie
toujours le gouvernement Couillard, qui appuie les mesures prises pour
atteindre l'équilibre budgétaire? Qu'est-ce que vous dites
à ces gens-là, là?
Mme Cyr (Claudelle) :Bien, faites le calcul, vous allez le voir
vous-même combien ça vous coûte plus cher d'Hydro-Québec, combien ça vous coûte
plus cher dans les CPE, combien ça vous coûte plus cher pour l'hypothèque,
combien ça coûte plus cher pour tout, finalement. Puis au bout du compte, ils
vont le voir, ça vient jouer dans nos poches, en plus
des impôts qu'on paie.Puislà on va finir par
se poser la question : Pourquoi qu'on
paie des impôts si on paie de plus en plus nos
services? Et là on tombe dans un cercle vicieux où la répartition de la
richesse, elle n'a
plus de valeur.
La Modératrice
:Micro de gauche, Alain Laforest
M. Laforest (Alain)
:Est-ce qu'ondoit reporter l'équilibre budgétaire?
Mme Thibault (Véronique) :Mais, vous savez, on n'est pas… On comprend qu'il y
a certaines coupes qui doivent se faire. Par contre, arrêtons d'aller chercher
l'argent dans les poches de ceux qui n'en ont déjà plus. Il faut aller chercher
l'argent ailleurs. Présentement, il y a la coalition
main rouge qui offre 10 milliards de solutions au gouvernement, et le gouvernement n'écoute pas ça, ne veut pas le
voir. On offre d'autres solutions, présentement, qui existent. On ne dit pas d'arrêter toutes les
coupes, on dit de le faire autrement, d'arrêter d'aller chercher…
M. Laforest (Alain)
:…banques?
Mme Cyr (Claudelle) :Oui, ou, tu sais,
de diminuer le plafond des REER. Il n'y a pas grand monde qui ont les moyens de
mettre 24 000 $ par année dans un REER,
donc ne serait-ce que de diminuer ce crédit d'impôt là, on peut aller chercher plusieurs millions; mettre un nouveau
palier d'imposition, on peut aller en chercher. Bien
sûr, les banques, mais, si on veut y
aller même un peu moins évanescent dans les mesures
comme de dire lutter contre les paradis fiscaux qu'on a de la misère à
chiffrer, concrètement il y a des mesures aussi qui sont possibles, mais ça ne
favorise pas… Ça ne semble pas avoir une oreille.
M. Laforest (Alain)
: On sait qu'actuellement on a un problème
d'augmenter l'écart de richesse entre les riches et
les pauvres au Québec, là, et c'est de plus en
plus marqué. Vous en parlez, vous travaillez à Sherbrooke, vous savez,
il y a beaucoup de fermetures d'usines, Dominion Textile, et tout ça. Est-ce qu'on est en train d'écraser la classe
moyenne, actuellement?
Mme Cyr (Claudelle) :Bien, on pense que oui.
Vous parlez de Sherbrooke, moi, j'habite Sherbrooke. On regarde à East Angus, avec la fermeture de
Cascades, on ne sait pas ce qui va arriver, là,
avec toutes les nouvelles… les mesures, justement, où est-ce qu'on enlève de
plus en plus de pouvoirs aux municipalités, c'est inquiétant. Et effectivement
ça risque de… Ça risque d'écraser encore davantage. La classe moyenne, il n'y en aura plus à ce rythme-là.
Mme Thibault (Véronique) :Et c'est de même partout au Québec, en fait, parce
que, comme nous, par exemple à Rimouski, si je prends chez nous, on était beaucoup… excusez-moi…
Mme Cyr (Claudelle) :Institutionnalisés.
Mme Thibault (Véronique) : … — merci — au
niveau des institutions. Donc, en coupant dans les commissions scolaires, on
perd des emplois importants. En coupant dans les cégeps, les universités, on
perd des emplois très importants. La fonction publique,
en ce moment, on ne sait même pas ce qui va se
passer au cours des prochaines semaines. Tout ça fait en sorte qu'on fragilise, en ce moment, la
région. Il y a déjà des gens qui ont une expertise incroyable, qui ne prennent
pas de chance, puis ils vont aller dans les grands centres chercher un emploi
plutôt que de rester dans une région où ils voudraient rester à la base.
La Modératrice
: Une dernière?
M. Caron (Régys)
: …précision : Pouvez-vous dépeindre le nouveau
visage de la pauvreté que vous avez évoqué?
Mme Thibault (Véronique) :Bien, c'est… Ce n'est plus… Avant, on pensait
beaucoup que c'était les gens qui vivaient dans la
rue. Mais maintenant c'est vraiment des
familles, c'est aussi des jeunes enfants, c'est des étudiants. C'est
vraiment des travailleurs, maintenant, qui vont chercher de l'aide. On voit
vraiment qu'il y a vraiment un virage qui se passe. Et les organismes
communautaires le voient vraiment très bien.
Mme Cyr (Claudelle) :On parlerait aussi de plus en plus de pauvreté
économique. Avant, la pauvreté économique était beaucoup liée à la pauvreté
culturelle et à la pauvreté au niveau de l'éducation, etc. Là, on a une
pauvreté économique qui touche absolument... à peu près,
à beaucoup plus de gens.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Avez-vous tenté de rencontrer
la ministre? Est-ce qu'il y a une
demande formelle à son cabinet qui a été
faite?
Mme Cyr (Claudelle) : Pas
encore.
La Modératrice
: O.K.,
merci beaucoup.
Des voix
: Merci.
(Fin à 13 h 39)