(Dix heures une minute)
Mme Massé : Bonjour, tout le
monde. Merci d'être là. Alors, au lendemain d'un bâillon, je viens vous parler
de démocratie. Il me semble que ça tombe sous le sens. La DGE lance
aujourd'hui… débute, en fait, aujourd'hui ses consultations sur la révision de
la carte électorale. C'est un exercice qui est inscrit dans son devoir, à
chaque deux élections, de revoir cette carte électorale là pour assurer le plus
possible une réelle démocratie, c'est-à-dire qu'il y ait une égalité dans les
votes et une représentation des régions qui soit équitable.
Alors, ce qui nous embête beaucoup, à
Québec solidaire, c'est qu'à cette époque de cynisme face aux élus, on va,
encore une fois, ne pas s'attaquer au fond du problème. On va, encore une fois,
de façon esthétique, bouger les frontières des circonscriptions pour qu'il y ait
le plus possible apparence d'égalité du vote. Et c'est ça, le problème. Je dis
bien «apparence d'égalité du vote». Encore là, dans la révision de Mme Fiset,
on augmente de trois exceptions le nombre de circonscriptions qui ne répondent
pas aux normes de base pour l'égalité des votes.
Alors, c'est fou qu'en démocratie tu
puisses perdre ton vote. Ce n'est pas de sens. C'est antidémocratique que de
perdre son vote. Vous savez, actuellement, le gouvernement provincial, le gouvernement
de M. Couillard dirige le Québec de façon majoritaire, même s'il n'a été élu
qu'avec 41 % des votes. 41 %, ce n'est même pas la majorité, ça. Alors,
de façon majoritaire, et ce qui est profondément inquiétant, de façon très
autoritaire… Alors, de façon libre, il utilise le bâillon.
Les gens viennent, en commission
parlementaire, participer à l'exercice démocratique. C'est important, quand tu
es citoyen et citoyenne, d'avoir un espace pour participer à cette démocratie.
Alors, on les reçoit en commission parlementaire et pourtant on ne retient pas
ce qu'ils apportent, à tout le moins, s'ils ne pensent pas comme le
gouvernement en place. On fait des choix budgétaires systématiques, on l'a vu
hier avec le projet de loi n° 28, en répétant constamment que ça n'aura
pas d'impact sur les services publics, ce qui n'est pas vrai. On a documenté à
Québec solidaire et on va continuer de le faire, comment les choix budgétaires
qui sont faits actuellement ont des impacts.
Alors, comment ça se fait que nos
politiciens et politiciennes sont si peu intéressés par une démocratie réelle?
Comment ça se fait, alors qu'à chaque élection on se désole de voir une
diminution du taux de participation? Bien, moi, je les comprends, les citoyens.
Quand tu sais que tu vas perdre ton vote, là, c'est quoi, ton intérêt d'aller
voter? Quand tu sais que ta voix ne sera pas représentée, c'est quoi, ton
intérêt d'aller voter? Et, dans ce sens-là, je nous rappelle collectivement que
Québec solidaire est le seul parti à l'Assemblée nationale qui croit que le
mode de scrutin doit être révisé rapidement pour qu'en 2018 on puisse
réellement avoir la distribution de l'expression populaire du vote tel que la
population l'exprime dans les urnes.
Alors, on n'est pas les seuls à penser ça,
encore là. Depuis 2002, il y a un consensus social au Québec. Je ne comprends
pas pourquoi il n'y a pas un consensus à l'Assemblée nationale. Ça n'a pas de
bon sens puisque, depuis 2002, et, encore là, un sondage dernièrement nous
rappelait que 70 % de la population du Québec souhaite avoir une réforme
de mode de scrutin qui permettrait une meilleure représentation des voix de
l'ensemble de la population. Alors, c'est fou parce que, cette semaine, on fête
le 75e anniversaire du droit de vote des femmes, duquel je suis très heureuse,
très fière, je ne veux pas dénigrer cet élément-là, mais, pour sûr, c'est
spécial d'avoir un droit de vote sans être assuré que ton opinion politique,
elle, va être représentée. Ça, c'est problématique.
Alors, Québec solidaire, et depuis
longtemps, fait des propositions... une proposition, pardon, qui répond aux
attentes de la population, c'est-à-dire de voir leurs votes comptés, de voir
leurs voix représentées. Et ce mode de scrutin là n'est même pas original. Même
la Directrice générale des élections... le Directeur, à l'époque, général des
élections avait amené ce mode qu'on appelle proportionnel mixte compensatoire
pour assurer que la distorsion que provoque inévitablement le mode de scrutin,
tel qu'il est actuellement, soit rééquilibrée de façon proportionnelle à
l'expression du vote populaire.
Alors donc, j'invite... puisqu'il appert
que ce changement de mode de scrutin... que le changement, pardon, de mode de
scrutin est difficile à faire pour les gens à l'Assemblée nationale, peut-être
parce que, dans l'histoire, on le sait très bien, que le mode de scrutin, tel
qu'il est actuellement, favorise l'alternance entre deux grands partis, hein? C'est
le propre du mode uninominal. C'est d'ailleurs pourquoi, à travers le monde, on
a changé ce type de mode là puisque la population ne se sentait pas
représentée.
Alors donc, j'invite aujourd'hui les gens
à prendre la relève parce que c'est ça, notre rôle citoyen. C'est ça, notre responsabilité
citoyenne. C'est de prendre la relève de nos élus qui n'en ont que pour le
pouvoir, et nous, qui souhaitons une démocratie réelle, qui souhaitons que
cette démocratie-là représente réellement la diversité des opinions politiques
à travers l'ensemble des régions du Québec, bien, je vous invite de participer
à la consultation de la Directrice générale des élections, qui ne fera pas le
tour, mais visitera quelques régions du Québec. Allez lui dire ce que vous
pensez de la démocratie, allez lui dire ce que vous pensez, bien sûr, du
déplacement des barrières… pas des barrières, mais des frontières, pardon, des
circonscriptions, mais aussi et surtout comment vous vous sentez face à ce mode
de scrutin. Téléphonez votre député, allez le rencontrer, qu'il soit de
n'importe quel parti, d'ailleurs. Je vous le dis, Québec solidaire est le seul
parti à l'Assemblée nationale qui est clair sur la volonté de redonner à la
démocratie son sens démocratique.
Le Modérateur
: Des questions?
Mme Biron (Martine)
:
Je comprends que ce que… vous ne voulez rien savoir de la carte électorale
telle qu'elle est puis vous voulez d'autre chose, finalement?
Mme Massé : Bien, écoutez…
Mme Biron (Martine)
:
…dans le débat sur la carte actuelle ou si…
Mme Massé : Bien, c'est-à-dire
que Mme Fiset fait son travail, hein? C'est inscrit dans la loi qu'elle doit
revisiter, à chaque deux élections, les frontières pour assurer un équilibre
entre l'égalité du vote, c'est-à-dire que, pour être élu, ça nous prend à peu
près proportionnellement le même nombre de personnes, mais aussi la
représentativité des régions. Alors, ça, c'est un exercice.
Nous, on fait juste dire : On peut le
faire, on va le refaire encore pour 50 ans et on sera toujours pris dans cette
tension entre… dans cet équilibre-là. Alors, c'est dans ce sens-là… On souhaite
que les gens participent. On a très peu d'espace pour aller dire ce qu'on pense
de la démocratie, du mode de scrutin, du modèle de fonctionnement qu'on a au Québec.
Bien, en voilà un espace, et, vous savez, Mme Fiset, en tant que Directrice
générale des élections, elle a la responsabilité de la représentativité politique
et, dans ce sens-là, elle… le DGE a déjà émis, à quelques reprises d'ailleurs,
des recommandations à l'effet de revoir le mode du scrutin.
Alors, on se dit : Bon, elle fait sa
job, parfait. Profitons de ce moment-là pour aller lui rappeler que peut-être
que si on ne va pas au fond de la question, on va se retrouver dans le même
problème dans deux élections encore.
Mme Biron (Martine)
: Mais
qu'est-ce que vous avez à dire sur sa proposition actuelle?
Mme Massé : Bien, on augmente
encore de trois exceptions. C'est problématique. C'est pour ça que je vous dis,
le problème de fond n'est pas réglé par le déplacement des frontières. La
démographie nous démontre que les grands centres… tu sais, c'est ça qui arrive actuellement,
là. C'est que c'est une tension constante entre les régions plus éloignées, qui
voient leur nombre d'électeurs diminuer, et les grands centres, qui voient leur
nombre d'électeurs augmenter…
Mme Biron (Martine)
: N'empêche,
elle enlève une circonscription dans Montréal, alors qu'il n'y a pas de problématique
à Montréal.
Mme Massé : Tout à fait.
Mme Biron (Martine)
: Alors,
ça ne vous intrigue pas de savoir pourquoi elle enlève...
Mme Massé : Bien sûr, bien sûr.
Mais c'est au nom, toujours, de cette égalité de vote. C'est ça, le travail de
fait, et probablement, je n'ai pas étudié de façon spécifique ces éléments-là à
Montréal, mais le défi qu'elle a à relever, c'est de faire en sorte qu'il n'y
ait pas des circonscriptions qui se retrouvent avec plus 25 % du nombre
des autres.
Alors, probablement que dans la région de
Montréal, c'est le plus 25 %, et, en Gaspésie et en Outaouais, c'est le
moins 25 %. Alors, c'est ça, l'enjeu.
M. Pépin (Michel)
:
Oui, mais elle en ajouterait à Montréal, si on était dans le plus 25 %,
alors qu'on est… On est dans la norme, grosso modo, là…
Mme Massé : Grosso modo.
M. Pépin (Michel)
:
Grosso modo, si on regarde la carte montréalaise, avec les couleurs, là, de…
Alors, pourquoi enlever une circonscription à Montréal? Ce serait peut-être
susceptible de vous intéresser, parce que c'est pas mal, pour l'instant, le
créneau de… la région géographique privilégiée de Québec solidaire, en termes
de représentation politique. Est-ce que vous avez la moindre idée pour la… la
raison pour laquelle on veut enlever une circonscription à Montréal, alors
qu'il n'y a pas de circonscription qui est en deçà des normes?
Mme Massé : Bien, je… Mais
j'avoue qu'on ira, Québec solidaire, s'asseoir avec la DGE, lorsqu'elle passera
à Montréal, pour réfléchir avec elle. Vous demandiez : Est-ce que vous
rejetez complètement? Non. Non, non, Mme Fiset fait son travail. On va aller
s'asseoir avec elle, on va discuter avec elle, on va essayer de comprendre avec
elle. Mais, vous comprendrez que, pour nous, ce qui est problématique… Et je
vais vous donner un exemple pétant. Dans ma circonscription, vous le savez, j'ai
été élue avec plus 91 voix. Il y a plus de gens qui n'ont pas voté pour moi
dans ma circonscription que de gens qui ont voté pour moi. Tous ces gens-là ont
perdu leur vote. C'est grave. C'est grave. C'est une nourriture sans fin au
cynisme en disant : Bien, coudon, si, à chaque fois que je vais voter, je
perds, ou si je ne suis pas assuré que ma voix est représenté, bien là, à quoi
ça sert? Et c'est ça qui est problématique en démocratie, le «à quoi ça sert».
C'est une bonne question, ceci étant dit.
M. Benoit (Prisca) : Je
voudrais vous entendre par rapport à ce qui se passe à l'UQAM en ce moment. Il
y a encore des levées de cours qui ont lieu en ce moment, pourtant la session
finit demain. Vous n'êtes pas inquiète des dérapages qui pourraient arriver
avec cette force que maintient le recteur sur les professeurs?
Mme Massé : Je suis inquiète
depuis très longtemps sur ce qui se passe à l'UQAM. D'ailleurs, l'exemple de Saint-Laurent
nous donne un bon exemple — du cégep Saint-Laurent, j'entends — lorsqu'on
veut s'asseoir et discuter, lorsqu'on ne prend pas le chemin de la
confrontation, lorsqu'on ne prend pas le chemin de la judiciarisation. Et, dans
ce sens-là, j'ai demandé à quelques reprises au recteur de pouvoir s'asseoir et
juste pouvoir se dire : Comment on peut faire en sorte d'arriver à
discuter? Comment on peut… tout le monde a un peu essayé d'amener cet état de
fait, de dire : C'est par le dialogue qu'on règle les choses. Alors…
Et l'autre chose qui m'inquiète beaucoup à
l'UQAM… et là c'est les étudiants, les professeurs, les gens du personnel de
soutien qui me confirment, par toutes sortes de moyens, qu'il y a vraiment une
augmentation majeure au niveau des gardiens de sécurité, mais pas juste depuis
une semaine ou deux, là, depuis avant même les mandats de grève votés en assemblée
générale. Alors, pourquoi c'est par la répression et la judiciarisation qu'on
règle des problèmes politiques? La question demeure entière, et, oui, ça
m'inquiète.
M. Pépin (Michel)
:
…sur un autre sujet, que vous n'avez probablement pas vu, mais je vais me
permettre de vous expliquer. Julie Miville-Dechêne vient de rendre publique une
lettre — en fait, il y avait un embargo jusqu'à 10 heures — qu'elle
a envoyée au premier ministre Couillard, et qui est signée par tous les membres
du Conseil du statut de la femme, et qui dit, à l'occasion de ce 75e, et qui
dit à M. Couillard, un, que la représentation des femmes à l'Assemblée
nationale stagne; deux, que le pourcentage de femmes représentées au Conseil
des ministres n'est pas de 40 %, tel que promis par M. Couillard en mars
2014, mais de 32 %, et que par ailleurs des femmes au sein de son Conseil
des ministres, bien, elles ne contrôlent que 9 % du budget du Québec. Et
elle dit que M. Adélard Godbout faisait face à des vents bien plus contraires,
que maintenant c'est plus favorable peut-être d'en venir à aller dans le sens
d'une représentation féminine plus adéquate. Qu'est-ce que vous pensez de ce
que je viens de… de ce que Mme Miville‑Dechêne et le Conseil du statut de la
femme évoquent aujourd'hui?
Mme Massé : Oui. Bien je pense
qu'elle met des mots clairs sur… Quand on parle d'égalité entre les femmes et
les hommes, ça ne peut pas être que des mots. Ça passe par des gestes, ça passe
par des actions. Vous savez, ce que Mme Miville‑Dechêne ne dit pas dans sa
lettre ou ce que le Conseil du statut de la femme ne dit pas dans sa lettre,
c'est que les mesures d'austérité qui ont été adoptées par ce gouvernement-là,
par le bâillon du projet de loi n° 28 et ce qui s'en vient dans le
prochain budget, c'est une attaque directe aux femmes. Pourquoi? Parce que les
services publics, c'est la façon historique de rétablir les inégalités entre
les hommes et les femmes que nous avons trouvée au Québec.
Alors donc, on pourrait même pousser… je
pourrais même pousser plus loin que Mme Miville‑Dechêne et de dire que c'est
désolant qu'on va s'apprêter… demain, en fait, à fêter le 75e anniversaire du
droit de vote des femmes, et qu'en paroles je suis certaine que les discours
vont être extraordinaires, mais de l'autre côté, voilà des faits qui
contredisent pleinement cette atteinte de l'égalité. Et je vais aller chercher la
lettre. Merci. Bonne journée.
(Fin à 10 h 17)