(Treize heures vingt et une minutes)
M. Couillard : Alors, bonjour
à tous, toutes. Merci d'être avec nous. Je suis bien sûr accompagné de plusieurs
collègues : Jean-Marc Fournier, David Heurtel, Nicole Ménard, Gerry
Sklavounos et Marie-Claude Nichols. On a eu un très bon caucus, en fait, un
excellent caucus. De nombreux sujets ont été abordés, discutés de façon très
approfondie par la députation, une députation que, je dois dire avec grande
fierté, est engagée, également connectée aux véritables besoins des familles du
Québec à coûts terme et également à long terme.
Le Québec va mieux. Le Québec va dans la
bonne direction. On est deuxième au Canada en 2015 pour la création d'emplois,
deuxième au Canada. Ça fait quelques années qu'on n'a pas entendu quelque chose
comme ça. On a créé… Le tiers des emplois canadiens ont été créés au Québec,
près de 49 000. Le taux de chômage, on l'a vu ce matin, baisse. La
création d'emploi à temps plein ce matin également reprend. C'est près de
14 000 à temps plein qui ont été créés en janvier déjà. On arrive de Davos
avec quatre annonces représentant un total d'environ un demi-milliard de
dollars après des annonces similaires en région et en ville : Kruger, CGI
à Shawinigan, Framestore, Medicago ici, à Québec. Et la bonne nouvelle, c'est
que d'autres investissements seront annoncés dans les villes, dans les grandes
villes et dans les régions au cours des prochains jours et des prochaines
semaines.
Il y a des avancées intéressantes qui ont
eu lieu également dès le début de l'année. Ce matin, on apprenait avec beaucoup
de plaisir la ratification de l'entente de principe par la FIIQ, très bonne
nouvelle, parce qu'il y a des avancées très importantes pour la profession
infirmière là-dedans. Et le fait qu'on ait réussi à avoir cette entente
gagnant-gagnant alors qu'on rétablissait l'équilibre budgétaire, je crois, doit
être souligné avec beaucoup de fierté.
On est également intervenu de façon très
structurante sur la Côte-Nord avec l'acquisition de Pointe-Noire. Vous savez
que Pointe-Noire, c'est le goulot d'étranglement de l'accès au port de
Sept-Îles. D'avoir posé ce geste-là sera reconnu dans quelques années comme un
élément déterminant qui a donné accès à l'ouverture plus grande et l'accueil
plus grand des projets industriels et miniers, notamment sur la Côte-Nord. On
est intervenu dans le patrimoine avec cette excellente nouvelle pour la
bibliothèque Saint-Sulpice transformée en centre pour les jeunes, les jeunes
entrepreneurs. Voilà une très belle façon de faire vivre le patrimoine du
Québec.
La perspective de 2016, c'est de continuer à
donner un nouvel élan au Québec. D'abord, l'économie qui demeure notre priorité
avec, cette fois, deux vecteurs, deux forces importantes qu'il faut y ajouter,
l'innovation, notamment l'innovation numérique, donc une stratégie numérique
mais, plus largement, l'innovation numérique qui pénètre tous les enjeux et
tous les axes de notre plan de développement économique; la stratégie, la
politique énergétique également qui sera déposée sous peu; le maintien d'une
gestion rigoureuse des finances publiques. Oui, on l'a vu, on est également
deuxième au Canada pour la gestion responsable des finances publiques. Ça fait
quelques années ou quelques décennies qu'on n'a pas entendu ça au Québec. Je
pense, ça vaut la peine de le répéter, mais on va, bien sûr, continuer à gérer
les finances de façon rigoureuse en dépensant un peu moins que ce que nous
allons gagner de façon à dégager des marges de manoeuvre et continuer nos
initiatives, notamment pour ce qui est de la formation, la formation qui est
une formation à plusieurs niveaux. Oui, nos écoles primaires, secondaires,
absolument, le préscolaire aussi, le collégial, l'universitaire, la formation
technique pour bien tenir compte de la modernisation de l'économie et des
besoins des entreprises.
Et également le soutien social. Je pense,
c'est quelque chose sur lequel on a beaucoup insisté lors de notre caucus et
c'est pour cette raison qu'on a demandé à notre collègue François Blais, avec
ses collègues également, avec un groupe de députés qui ont manifesté un grand
intérêt sur la question et également sur la question des groupes communautaires
de se pencher sur la destination d'un revenu minimum garanti. Je précise que ce
n'est pas pour demain, il y a des travaux à faire, il y a une trajectoire à
définir, mais ça nous apparaît, ça m'apparaît d'abord une tendance qu'on voit
dans plusieurs pays du monde actuellement, qui vise, d'une part, à simplifier
les mécanismes et les prestations qui existent de soutien de revenu, mais
également assurer la dignité des gens alors que cette économie, on le sait, est
de plus en plus instable et va changer encore beaucoup au cours des prochaines
années.
Je voudrais vous parler et on voudrait
vous parler plus spécifiquement du Fonds vert. Il en a été question dans les
médias au cours des derniers jours. C'est un instrument qui est absolument
essentiel parce que, bien sûr, il permet de récolter les bénéfices du marché du
carbone et de les réinvestir dans notre économie pour assurer la transition
énergétique, le développement de nos entreprises de technologies vertes,
l'électrification des transports et autres initiatives. Il est clair que sa
gouvernance doit être améliorée. Avant même que les articles de journaux
paraissent, avant même qu'on ait des rapports à cet effet-là, on avait déjà mis
en marche une réflexion de réforme de la gouvernance qui doit être profonde,
très ferme et également correspondre aux objectifs bien connus de toute
gouvernance : plus de rigueur, plus de transparence et de reddition de
comptes, des objectifs, des projets mieux définis et des mesures de résultats
également mieux définis.
À cet effet, je voudrais passer la parole
maintenant à M. Heurtel qui va vous en donner quelques détails et je
reviendrais pour quelques mots de conclusion. David.
M. Heurtel : Merci, M. le
premier ministre. Bonjour. Alors, pour donner suite aux recommandations de la
Vérificatrice générale, aujourd'hui nous amorçons une réforme en profondeur du
Fonds vert et particulièrement au niveau de sa gouvernance. Et, comme le
premier ministre a souligné, c'est de donner plus de rigueur, plus de
transparence et une meilleure reddition de comptes pour le Fonds vert. Alors,
comme élément central de cette réforme, nous allons créer un conseil de gestion
du Fonds vert. Ce conseil sera formé de neuf membres, dont cinq seront des
membres indépendants, à l'extérieur du gouvernement.
Et ce qu'il est important de souligner
également, c'est que, parmi ces cinq membres, il y aura la présidence qui sera
assurée par un membre externe. Et la mission de ce conseil de gestion, c'est de
s'assurer que les allocations du Fonds vert et les choix qui seront faits dans
les ministères, les projets qui seront financés seront les projets qui nous
permettront d'atteindre les meilleures réductions d'émission de gaz à effet de
serre, ils vont nous permettre également d'avoir des indicateurs de performance
précis. Donc, comme on l'a dit, une reddition de comptes rigoureuse, mais également
s'assurer, justement, qu'il y ait une meilleure coordination entre les projets
qui sont choisis par les ministères pour s'assurer qu'on tire le maximum des investissements,
bref, qu'on sait où l'argent va et quels sont les résultats concrets qu'on en
tire dans l'objectif plus grand d'atteindre nos cibles de réduction de gaz à
effet de serre.
C'est important également de préciser que
le comité-conseil sur les changements climatiques jouera un rôle important et
avisera le conseil de gestion et qu'il y aura, dans l'ensemble de cette
gouvernance, un rapport direct qui sera fait au ministre de l'Environnement et évidemment
au Conseil des ministres.
Donc, avec cette gouvernance-là, une
gouvernance moderne, une gouvernance axée sur une gestion par projets, on va
pouvoir amener encore une fois plus de rigueur, plus de transparence, une
meilleure reddition de comptes et savoir concrètement… et s'assurer, plutôt,
qu'on va pouvoir savoir comment concrètement chaque projet nous apporte les
meilleures réductions possibles en émissions de gaz à effet de serre.
M. Couillard : Merci, David.
C'était important de procéder rapidement à ces changements. Certains peuvent
entrer en vigueur dès maintenant et, bien sûr, quelques-uns demandent des
changements législatifs qui seront incorporés à la révision de la loi sur la
protection de l'environnement que M. Heurtel pilote actuellement.
Alors, oui, le Québec va mieux, le Québec
est dans la bonne direction. On a une équipe engagée, bien connectée au Québec
et on va continuer. Le message que je donne, c'est qu'on va continuer notre
action avec beaucoup de détermination, moderniser notre économie, une véritable
économie du XXIe siècle, prendre soin des gens les plus vulnérables pour qu'il
y ait le moins de monde possible laissé pour compte dans cette grande
révolution industrielle qu'on va connaître au cours des prochaines années et,
je répète, parce que c'est la base même, c'est la pierre d'assise de notre
succès, continuer à gérer de façon rigoureuse et responsable les finances
publiques du Québec. Merci.
Le Modérateur
: Nous en
sommes maintenant à la période de questions. On va commencer avec des questions
en français, micro de gauche. Veuillez vous identifier ainsi que le média que
vous représentez. Mme Dufresne.
Mme Dufresne (Julie)
:
Bonjour à tous, M. le premier ministre. C'est difficile de ne pas parler de
l'impression de dissension qu'il y a à l'issue de ce caucus, particulièrement
sur la question d'Anticosti. Avez-vous eu l'impression que tous les députés
vont dans la même direction que vous?
M. Couillard : Vous savez, le
caucus, c'est un lieu de consensus, et le consensus, il est là. Et pourquoi le
consensus se crée? Parce que les débats se font avec franchise, avec beaucoup
de franchise et beaucoup d'énergie de part et d'autre des enjeux. Mais le
caucus, dans le système parlementaire qui est le nôtre, c'est le lieu
d'arbitrage suprême. Ça veut dire qu'on discute, on adopte des orientations, on
est tous solidaires de ces orientations.
J'ai au contraire, moi, senti énormément
de cohésion dans le caucus au cours de ces deux journées, et il y a eu de
nombreuses interventions. Nicole s'est même amusée à les relever, il y a eu
plus d'une centaine d'interventions des députés sur l'ensemble des sujets. Et
je peux vous dire que le climat est excellent. Moi, je suis très content de
l'équipe de députation qu'on a actuellement.
Mme Dufresne (Julie)
:
J'ai une question un peu technique, si vous me permettez…
M. Couillard : Un peu quoi?
Mme Dufresne (Julie)
:
Technique, sur un décret qui a été adopté en 2012 pour la création de
Ressources Québec, qui est une filiale d'Investissement Québec. Ça a été un
décret, donc, adopté sous le gouvernement libéral. Est-ce que, de votre
compréhension, ça couvrait l'exploitation et l'exploration pétrolière sur l'île
d'Anticosti?
M. Couillard : Non. Le décret
qui créait Ressources Québec visait à créer un fonds d'investissement en
capital, dont une bonne partie — d'ailleurs, ça a donné lieu au fonds
Mines Hydrocarbures — est investi dans les projets de ressources
naturelles.
Mais votre question me permet de rappeler
qu'il faut absolument distinguer Anticosti puis les hydrocarbures. On n'est pas
opposés à l'exploitation responsable des hydrocarbures au Québec. D'ailleurs, il
y a des projets qui vont de l'avant, on les connaît, je les ai encore mentionnés
il y a quelques heures à peine. Alors, il ne s'agit pas de ça, il ne faut pas
faire de rapport là. Et je pense que ce qui est absolument terrible, c'est
d'avoir permis une fracturation hydraulique sur une île dans le milieu du golfe
du Saint-Laurent sans aucune étude environnementale préalable. Je pense qu'il
n'y a personne qui aurait posé un geste semblable. C'est regrettable. Maintenant,
on est pris avec les conséquences, mais on va les gérer de façon responsable.
Le Modérateur
: Micro
de droite.
Journaliste
:
...libéral, M. Couillard.
M. Couillard : De ne pas
faire de la fracturation hydraulique, non; de faire un fonds ressources, oui;
de faire en sorte, même, qu'Hydro-Québec puisse se sortir du pétrole, ce qui
est une excellente nouvelle, oui. Mais jamais il n'a été question de
fracturation hydraulique et encore moins de faire des explorations... sans
exploration et sans test et sans étude préalable. Et je connais assez bien Jean
Charest et sa passion pour l'environnement pour vous dire que jamais il
n'aurait autorisé quelque chose de semblable.
Le Modérateur
: Micro
de droite.
M. Lecavalier (Charles)
:
Bonjour, M. le premier ministre. Il y a un rapport du Vérificateur général, qui
a été publié en juin 2014, assez dur sur la gestion du Fonds vert.
Pourquoi avoir attendu 20 mois avant de présenter cette réforme-là?
M. Couillard : Bien, écoutez,
des fois, il faut se donner le temps de réfléchir puis d'être certain qu'on
prend les bonnes orientations. Je pense qu'on est arrivés là. La bonne nouvelle,
c'est qu'après ces débats-là il y a de nombreuses options qui ont été étudiées,
qui ont été présentées, qui ont été débattues, et on a voulu garder ça le plus
simple possible, mais également se concentrer sur les objectifs que j'ai
indiqués tantôt.
Il faut quand même rappeler,
M. Lecavalier, que, oui, il y a eu ces cas, que moi-même, je trouve
curieux, là, les cas qui ont été publiés, je crois, dans votre journal surtout,
mais le Fonds vert, il fait beaucoup de bonnes choses, là :
électrification des transports... L'argent que les gens reçoivent pour se
procurer un véhicule électrique, ça vient du Fonds vert. Il faut continuer, on
va continuer tout ça. Mais ce que la Vérificatrice générale et nous notons,
c'est d'abord, un, que malgré les dénominations, le ministre de l'Environnement
a très peu, actuellement, de contrôle sur le Fonds vert à cause de la façon
dont les fonds sont distribués. Il s'agit de donner à cette personne,
M. Heurtel, et ceux ou celles qui lui succéderont, l'entière imputabilité
et contrôle, parce que les deux vont de pair, sur les dépenses du
Fonds vert et surtout d'avoir une influence extérieure du gouvernement, une
influence experte qui va nous dire : Écoutez, ce projet-là, là, vous dites
que c'est pour ceci, en êtes-vous sûrs, êtes-vous capables de le démontrer, êtes-vous
capables de le mesurer? Et on va améliorer les choses.
Pour moi, il est essentiel de rétablir ce
lien de confiance, de le maintenir avec le Fonds vert parce que c'est ce qui
correspond au marché du carbone. Oui, le marché du carbone représente des
transactions financières, des coûts, mais il est là pour générer cet argent-là,
pour transformer notre économie. Et sa crédibilité, pour moi, est essentielle.
C'est pour ça qu'on a décidé de procéder et qu'on annonce les changements
aujourd'hui qui seront donc mis en place prochainement. Encore une fois, il ne
faut pas noyer le bébé avec l'eau du bain, si vous me permettez l'expression,
là. Il y a beaucoup de très, très bonnes choses faites avec le Fonds vert qui
vont continuer à se faire.
M. Lecavalier (Charles)
:
Deuxième question. Je reviens justement sur un cas qui a fait beaucoup jaser. Est-ce
que le Fonds vert doit financer des oléoducs, par exemple? Est-ce que c'est normal
et est-ce que c'est terminé, ça, ce genre d'investissement là?
M. Couillard : Alors, à prime
abord, ça n'apparaît pas logique. Cependant, soyons prudents parce qu'il faut
voir les projets eux-mêmes. Est-ce qu'il est possible qu'en changeant de moyen
de transport on baisse les émissions? Peut-être. Il faut voir les détails. Mais
je dirais qu'à prime abord ce genre de projet là est susceptible de faire
douter la population du bien-fondé des investissements. L'avantage, ça va être justement,
maintenant, d'avoir des gens extérieurs, des experts qui vont nous dire : Écoutez,
ce projet-là est bon, mais assurez-vous de mesurer vos objectifs, et de mesurer
l'atteinte de vos objectifs, et d'en rendre compte. Je crois que c'est encore
une fois d'aller dans la bonne direction.
Le Modérateur
: Micro
de gauche.
M. Vigneault (Nicolas) :
Nicolas Vigneault, Radio-Canada. M. Couillard, vous dites que vous êtes quand
même peut-être favorable à l'exploitation, vous n'êtes pas fermé à l'exploitation
des hydrocarbures. Vous avez quand même dit…
M. Couillard : En général.
M. Vigneault (Nicolas) : …en
général, vous avez quand même dit que l'avenir du Québec ne passait pas nécessairement
par l'exploitation des hydrocarbures.
M. Couillard : Non, pas nécessairement.
Non, ne passe pas par ça.
M. Vigneault (Nicolas) : Ne
passe pas. Alors, vous avez été très clair. Est-ce que finalement vous n'êtes
pas contre Anticosti, là, vous essayez de naviguer dans tout ça? Parce que là
les investisseurs… et l'opposition dit que ça fait peur aux gens d'affaires,
votre discours là-dessus.
M. Couillard : Bien, c'est totalement
faux. D'abord, moi, j'arrive de Davos, personne ne m'a parlé de ça, puis tout
le monde était bien content de venir investir au Québec et encore récemment,
incluant dans les projets qu'on va déposer dans quelques jours. Mais je fais
une distinction très nette entre Anticosti et la question des hydrocarbures. D'ailleurs,
on va bientôt publier une politique énergétique où on va expliquer comment on
va encadrer une exploitation qui sera toujours marginale au Québec, là, par
rapport à notre consommation de pétrole, par exemple, dans des conditions de
sécurité et de respect de l'environnement qui doivent être sans concession. Ça,
c'est un enjeu, puis il n'y a pas beaucoup de projets au Québec. Essentiellement,
ils sont sur la péninsule gaspésienne.
L'autre enjeu, c'est Anticosti lui-même ou
elle-même. C'est quand même assez sérieux comme question. C'est un milieu
naturel vierge. Les gens, des fois, ils disent : Bien, ce n'est pas grave,
il n'y a personne ou presque personne — ils oublient les 300
personnes qui y habitent — il n'y a presque personne qui habite là,
ça fait que ce n'est pas grave. Non, justement parce que c'est un milieu qui
doit être préservé, il faut être doublement, doublement, doublement prudent. Et
moi, quand j'étais à l'étranger, je vais le répéter, c'est le seul enjeu
écologique du Québec dont on m'a parlé, sur lequel on m'a interpellé :
Est-ce que c'est vrai que vous voulez faire de la fracturation hydraulique dans
une île du golfe du Saint-Laurent? Est-ce que c'est vrai? On va faire les
études et on va s'assurer qu'on peut les mener à bien, et ces études vont être publiées
prochainement, notamment sur la question de l'eau. Les ressources hydriques de l'île
d'Anticosti sont particulièrement stratégiques pour cet écosystème.
Le Modérateur
: Micro
de droite.
M. Laforest (Alain)
: M.
le premier ministre, messieurs dames, est-ce que ça veut dire que vous mettez
un terme à Old Harry aussi, M. le premier ministre?
M. Couillard : Bien, Old
Harry, le projet de loi qu'on a déposé, c'est un projet de loi essentiellement
défensif, qui visait à s'assurer de ne pas nous mettre dans une situation où
d'autres juridictions pourraient débuter une exploitation qui nous rendrait
exposés aux mêmes risques environnementaux, parce que, dans le golfe, il n'y a
pas de frontière, là, ce n'est pas marqué au pointillé qu'est-ce qui est d'un
côté ou de l'autre, sans en avoir aucun bénéfice économique. Maintenant, je
n'ai pas entendu de signal du gouvernement de M. Trudeau qu'il avait un plan
d'aller de l'avant dans ce projet-là. Vous savez que c'est des projets
excessivement coûteux, hein?
M. Laforest (Alain) : Mais
c'est juste une précision, là. Vous êtes contre l'exploitation du pétrole sur
Anticosti, là. Ne jouons pas avec les mots. Je pense être assez clair, là, vous
le répétez…
M. Couillard : En passant, le
projet Anticosti, ce n'est pas du pétrole, c'est du gaz naturel.
M. Laforest (Alain)
: Du
gaz naturel, mais il y a peut-être un potentiel pétrolier aussi, là. Il y a les
deux, là. Bon, ça, vous êtes contre. Est-ce que, pour Old Harry, vous avez la
même position, compte tenu qu'il y a les Îles-de-la-Madeleine qui sont là?
M. Couillard : C'est un
milieu naturel très fragile. Parlez aux gens des Îles-de-la-Madeleine, ils vont
vous en parler abondamment. Alors, le niveau de précaution doit être
excessivement élevé avant d'aller de l'avant avec un projet comme ça. Mais je
répète, on ne veut surtout pas mettre le Québec dans la situation où, hors de
sa volonté, une exploitation débuterait et dont on ne recevrait aucun bénéfice économique.
Mais, encore une fois, je n'ai pas de signal, moi, du gouvernement fédéral
actuel qu'il va y avoir une avancée de ce côté. Rappelez-vous que ce sont des
projets en profondeur extrêmement coûteux. Et la question des prix actuels,
bon, ne rend pas ces projets-là très rentables économiquement, ce qui est d'ailleurs
le cas pour Anticosti en passant.
M. Laforest (Alain) : Votre ministre
des Ressources naturelles nous a parlé environnement ce matin. En 2040 serait
exploité le potentiel gazier ou pétrolier sur l'île d'Anticosti.
M. Couillard : S'il est
exploité.
M. Laforest (Alain)
:
S'il est exploité. 2050, on doit réduire de 80 % les gaz à effet de serre.
Donc, on dit, c'est un peu difficile. Quel signal vous envoyez aux autres
entreprises qui ont entre autres des projets dans les basses-terres du
Saint-Laurent? Et vous parlez d'Haldimand qui est en Gaspésie. Est-ce que la
Gaspésie, c'est moins important qu'Anticosti?
M. Couillard : C'est une
question différente parce qu'en Gaspésie il y a une multitude d'étapes qui ont
été passées, y compris des études. Et d'autre part, la Gaspésie, c'est
magnifique, puis j'y vais moi-même très souvent, mais il faut faire attention,
là, une île, un milieu insulaire dans le golfe du Saint-Laurent, c'est un
milieu tout à fait spécifique. Je ne me souviens pas de l'autre projet dont
vous m'avez parlé, M. Laforest, là…
M. Laforest (Alain)
:
Les basses-terres du Saint-Laurent.
M. Couillard : Bien, il y a
un moratoire actuellement sur la fracturation sur les basses-terres du
Saint-Laurent qui est une région excessivement peuplée. Avant qu'on lève cette
question, il va falloir être excessivement prudent, là, surtout à cause de la
population, de la densité de population. Vous savez, plus les années passent,
plus on se rend compte qu'il y a des rapports qui sortent de plus en plus sur
la question de la contamination des eaux, des eaux potables, même, là, des
activités sismiques liées à la fracturation. Ce n'est pas une question à prendre
à la légère, là, notamment dans les zones peuplées.
Le Modérateur
: Micro
de gauche.
Journaliste
: Bonjour,
M. Couillard. M. Couillard, en rétrospective, est-ce que vous trouvez ça normal
que Ressources Québec se soit engagée comme elle l'a fait auprès d'entreprises
présentes sur l'île d'Anticosti, donc un dossier quand même assez sensible pour
le gouvernement à l'époque, sans avertir le Conseil des ministres? Est-ce que
vous trouvez ça normal?
M. Couillard : Bien, écoutez,
moi, je ne reviendrai pas sur cette époque-là. Ce que je veux tout simplement
répéter, puis revoyez mes déclarations comme chef de l'opposition officielle, moi,
quand j'ai vu ça... Puis ça m'a frappé également de voir à quel point le Parti
québécois était content d'annoncer ça, ce qui les faisait rompre avec un de
leurs repères fondamentaux, en passant, la protection de l'environnement, à
quel point ils se sont précipités sur cette chose-là sans prendre le temps de
l'étudier correctement. On était à la veille d'une élection... en fait, c'est
un contrat qui a été signé pendant une élection, une campagne électorale ou au
début d'une campagne électorale.
C'est triste également en soi-même, mais,
écoutez, on est malheureusement pris avec les résultats maintenant. On va les
gérer de façon la plus responsable possible avec le plus de prudence possible
également parce que moi, ma responsabilité, c'est, oui, de développer
l'économie, mais également les grandes richesses qui sont intangibles ou moins
tangibles que le PIB, je l'ai dit l'autre jour, dont un milieu naturel comme
celui d'Anticosti. Alors, il faut faire l'équilibre, et les équilibres peuvent
varier selon les situations.
Journaliste
: Bien, en
même temps, à cette époque-là, le gouvernement était en position de défense
face à l'opposition qui le critiquait pour avoir cédé les permis d'exploration.
Donc, vous ne trouvez pas ça bizarre qu'une agence gouvernementale s'engage
vers l'exploration alors que le gouvernement lui-même justifiait sa décision?
M. Couillard : Écoutez, de
toute façon, moi, j'étais content de voir Hydro-Québec se sortir du pétrole,
là. Je pense qu'on peut le dire comme ça également. Qu'Investissement Québec, et
c'est encore le cas aujourd'hui, prenne des participations dans des
projets de ressources naturelles, je n'ai pas d'objection, y compris certains
projets bien encadrés et limités d'hydrocarbures. En soi, je n'ai pas de
problème. On revient encore sur la question du milieu naturel et de la
fracturation hydraulique dans un milieu naturel comme Anticosti. Je crois que
peu d'endroits au monde ne seraient pas extrêmement prudents devant une
situation semblable.
Le Modérateur
: Micro
de droite.
Journaliste
: Bonjour,
M. Couillard, messieurs dames. Selon les nouveaux critères que vous tentez
d'établir avec le Fonds vert, à votre avis, qui doit être le bénéficiaire, en
fait, des investissements des différents projets qui vont être financés par le
Fonds vert?
M. Couillard : C'est la
population du Québec, c'est la première réponse à vous donner. On a tous
intérêt à minimiser les impacts du changement climatique, qui sont déjà
visibles, en passant. Parlez à nos gens des populations littorales de l'érosion
des côtes, de la progression de la salinité du
Saint-Laurent — M. Heurtel nous en parlait ce matin au
caucus — la fonte du pergélisol dans le Nord-du-Québec, les effets y
sont très visibles et très coûteux actuellement. Donc, l'ensemble de la
province de Québec, notre État, va en bénéficier, la population.
Mais davantage également ça peut nous
amener à transformer notre économie et à en faire une source de prospérité. On
sait qu'on a une belle grappe d'entreprises vertes au Québec, dont celles qui
s'occupent, par exemple, de capter les gaz à effet de serre, que ce soit dans
les mines ou dans d'autres installations. Alors, ce genre de situation là va
être bénéficiaire. Les entreprises qui veulent changer leur source d'énergie,
par exemple du diesel mazout au gaz naturel liquéfié ou à la biomasse vont en
être bénéficiaires.
Et il y a plein de critères, bien sûr,
mais l'important, c'est que ces critères-là soient établis de façon très claire
et que chaque projet ait une ligne avec les objectifs et la mesure de
l'atteinte des objectifs.
Journaliste
: Alors, en
fonction de la réponse que vous venez de donner, comment est-ce que l'investissement
de 25 millions et demi que vous avez annoncé à Paris pour financer des projets
en Afrique, investissement qui est puisé à même le Fonds vert du Québec, va
bénéficier aux Québécois?
M. Couillard : Bien, bien sûr,
ça va bénéficier aux Québécois de deux façons. D'abord, les Québécois veulent
qu'on continue à exercer notre action de solidarité internationale. D'autre
part, le Québec est un État qui, à la mesure de sa taille et de ses moyens,
doit également assumer sa responsabilité planétaire, particulièrement envers
les pays les moins favorisés ou ceux qui ont le plus de difficulté à faire ces
changements-là. Et enfin parce qu'également ça présente une opportunité
économique pour le Québec. Je ne sais pas si vous avez porté attention, et j'espère
que ce sera fait, parce que ça a été une allocution très importante hier du
président d'Hydro-Québec à la Chambre de commerce de Montréal, où il indique
son intention de replacer Hydro-Québec sur la scène internationale et de mettre
son initiative… son expertise, pardon, à la disposition d'autres pays, comme ça
a déjà été le cas dans le passé.
Alors, de plusieurs façons c'est bénéfique
pour le Québec, mais c'est une petite fraction du Fonds vert. Mais je pense que
c'est un geste qui était approprié, nécessaire et, vous avez vu, largement
salué par les commentateurs.
Journaliste
: Mais vous
êtes convaincu que les projets qui vont être réalisés en Afrique francophone
vont correspondre aux critères de reddition de comptes du Québec?
M. Couillard : Alors, voilà
la question, et c'est pour ça qu'à l'époque… à l'époque — il y a
quelques semaines, quand on a lancé cette initiative-là, on a également annoncé
la formation d'un comité de gestion de cette initiative, qui va être présidé
par Jean Lemire, qui est une personnalité très connue au Québec, active dans
ces… actif, bien sûr, dans ces milieux-là. Et ce comité, David pourra vous en
parler ultérieurement, va commencer ses travaux. Et on veut s'assurer justement
qu'on ait un contrôle et une appréciation à faire sur les projets qui seront
présentés pour obtenir des fonds.
Le Modérateur
: Micro
de gauche.
Journaliste
: Bonjour,
M. le premier ministre. Bonjour messieurs dames. M. Couillard, vous avez
remanié votre cabinet la semaine dernière voulant donner un nouveau visage à
votre gouvernement, le visage de la prospérité. Dans la même semaine, vous vous
retrouvez avec un projet bloqué, des investisseurs qui se sentent floués, un
siège social qui quitte avec le pouvoir décisionnel qui s'en va avec. Ce n'est
pas une bonne semaine pour vous sur le plan économique, M. Couillard.
M. Couillard : Regardez, là,
vous me parlez de RONA, puis je vais répéter que, moi, je suis préoccupé par
les travailleurs, leurs familles, les commerçants. Mais je vais répéter ce que
j'ai dit parce qu'il faut bien qu'on se mette ça en tête, nous, les Québécois,
là. Il ne faut qu'on soit toujours défensif et développer parfois, malgré ce
que certains nous disent, cette mentalité d'assiégés permanents, là.
Oui, cette transaction a été faite, mais
elle est consensuelle. Le conseil d'administration, sur lequel il y a la Caisse
de dépôt, sur lequel, à 30 %, il y a les commerçants participants, ont
unanimement voté pour la transaction. Et il y a des avantages potentiels. Bien
sûr, il faudra vérifier que l'entreprise suit ses engagements. Mais je répète
que, quand je vois Saputo, quand je vois CGI, quand je vois Couche-Tard, est-ce
que je devrais dire : Allez-y pas parce que je ne veux pas que vous
touchiez aux autres fleurons des autres pays? Bien non. Nous, les Québécois, on
est capables de conquérir les marchés également et d'être présents, et c'est ce
qu'on doit faire. La meilleure réponse à la situation de RONA, c'est d'avoir
d'autres Couche-Tard, d'autres Saputo, d'autres CGI et, nous aussi, de
conquérir les marchés.
Journaliste
: Dans ce
dossier-là, est-ce que la prise de profits, l'offre alléchante ne l'a pas
emporté sur la nécessité de protéger ce pouvoir, non pas les sièges sociaux,
mais le pouvoir décisionnel de garder des emplois au Québec? Parce que là, la
décision à prendre sur le futur des emplois va se prendre en Caroline du Nord,
M. Couillard.
M. Couillard : De la même
façon que les décisions des acquisitions de Couche-Tard vont se prendre par
Couche-Tard. C'est la nature même des acquisitions. Je pense qu'il faut également
rappeler une évidence, il ne s'agit pas d'un OSBL gouvernemental, là, il s'agit
d'une entreprise privée avec un conseil d'administration. Alors, restons dans
les limites de la réalité. À partir du moment où ce conseil d'administration
décide, de façon consensuelle, de faire une transaction, je pense qu'il faut
répéter qu'on est dans une économie ouverte et qu'on veut encore une fois que
les Québécois jouent ce rôle-là également à l'étranger.
Journaliste
: Au sujet
d'Anticosti, votre ministre des Ressources naturelles nous disait ce
matin : Nous allons honorer le contrat d'Anticosti. Est-ce qu'honorer le
contrat ça veut dire, à un moment donné, lorsqu'on découvre qu'il y a une
ressource, on dit : On n'exploite pas, mais on compense les investisseurs?
M. Couillard : Je n'aurais
pas d'autre commentaire sur ce que M. Arcand a dit que ce qu'il a dit. La
prochaine étape, le prochain rendez-vous qu'on a pour discuter de ce projet-là,
ce sera lorsqu'on recevra les études d'hydrogéologie quant aux ressources d'eau
douce, notamment sur Anticosti, qui vont être absolument critiques. Je rappelle
que, encore une fois, il ne s'agit pas uniquement d'un projet de forage, il
s'agit d'un projet de fracturation hydraulique sur une île dans le
Saint-Laurent.
Le Modérateur
: Micro
de droite.
M. Croteau (Martin)
:
Bonjour, M. le premier ministre. Bonjour, tout le monde. Martin Croteau de LaPresse.
M. le premier ministre, quelle mesure votre gouvernement envisage-t-il pour
réduire le nombre de cas de fugues et pour mieux protéger les adolescentes qui
résident dans les centres jeunesse et plus particulièrement dans le Centre
jeunesse de Laval?
M. Couillard : Oui. Écoutez,
moi, je suis excessivement préoccupé, très préoccupé par cette situation-là,
bien sûr, par solidarité fondamentale envers ces jeunes qui sont dans des
situations dramatiques et évidemment leurs familles. Vous avez vu les
témoignages des parents.
Bon, alors, une fois qu'on a dit ça, c'est
essentiel de le dire, mais il faut aller dans l'action, et l'action ici, elle
doit être à la fois ferme mais à la fois préventive. Alors, c'est pour ça qu'à
la fois le ministère de la Sécurité publique et les forces policières doivent
jouer leur rôle, mais à la fois nos services sociaux pour s'assurer d'agir en
amont. S'il y a des choses à corriger à l'intérieur de ce centre jeunesse, il
faut qu'elles soient corrigées rapidement et sans compromis, et c'est pour ça
que ces deux branches du gouvernement doivent travailler ensemble et c'est ce
qui va être fait.
M. Croteau (Martin)
:
Sentez-vous qu'il y a une action particulière qui doit être prise par le
gouvernement à la lumière de ce qui se passe au Centre jeunesse de Laval?
M. Couillard : Je serais
imprudent aujourd'hui de vous pointer un enjeu spécifique parce qu'on doit
avoir toutes les informations, l'évaluation des experts là-dessus, mais je vous
donne juste un exemple parmi d'autres, certains parlent de la fermeture à clé
des portes. Bien, la Commission des droits de la personne, il y a quelques mois
ou quelques années à peine, nous a dit qu'il ne fallait pas faire ça dans les
centres jeunesse. Alors, ce n'est pas des enjeux faciles, mais je crois
qu'avant tout, ici, il faut prioriser la sécurité des jeunes, leur dignité et
également rassurer les parents.
M. Croteau (Martin)
:
J'ai une précision à vous demander sur Anticosti, si vous le permettez. Il y a
eu des sondages, une douzaine de sondages stratigraphiques qui ont été
réalisés. La prochaine étape, c'était le forage de trois puits par fracturation
hydraulique cet été. Est-ce que vous pouvez envisager un scénario par lequel
votre gouvernement délivrerait un certificat d'autorisation pour la tenue de
ces forages?
M. Couillard : Ce que j'ai
dit et que je répète, c'est que, je dirais, le coefficient de difficulté pour
passer à cette étape est extrêmement élevé et dépendra en grande partie du
résultat des études hydrologiques qui vont être bientôt données au gouvernement
et qui seront publiées.
M. Croteau (Martin)
: Mais
vous ne fermez pas totalement la porte.
M. Couillard : La porte n'est
même pas un peu entrebâillée, elle est minime, puis je voudrais, moi, tout
faire pour éviter de soumettre un milieu insulaire comme Anticosti à la
fracturation hydraulique.
Le Modérateur
: Micro
de gauche.
M. Boivin (Simon)
:
Oui, bonjour. Simon Boivin du Soleil. Ce matin, M. le premier ministre,
on a M. Coiteux qui est venu reprendre Mme Charlebois. Un peu plus
tôt, dans le dossier RONA, la sortie de Mme Anglade, votre nouvelle
ministre de l'Économie a été perçue par certains comme un peu jovialiste.
Est-ce qu'en rétrospective les gens qui disaient que vous auriez eu avantage à
faire votre remaniement un peu plus tôt pour laisser à vos ministres le temps
de se familiariser avec leurs dossiers, est-ce que ça n'aurait pas été plus
opportun?
M. Couillard : Je ne crois
pas parce que... Prenez le cas de RONA. C'est un événement qui est arrivé de
façon rapide, hein, il faut quand même l'indiquer, même si on en parle depuis
trois, quatre ans, de cette possibilité-là. Et, vous savez, c'est un geste, un
remaniement ministériel, qui est très délicat, qui est très difficile, qui
comprend des aspects personnels qui sont particulièrement délicats et également
difficiles à vivre pour tout le monde. Il faut bien y réfléchir. Moi, ce geste
que j'ai posé, ça fait littéralement des semaines et des semaines que j'y
pense. Et il y a plusieurs hypothèses, on évalue plusieurs possibilités, mais
on se rabat toujours au message fondamental qu'on veut envoyer. Moi, ce que je
voulais envoyer comme message, c'est qu'on allait dorénavant vers la
modernisation du Québec, la relance de l'économie avec davantage de présence
des femmes, des jeunes et des régions. Évidemment, rien n'est parfait, mais je
pense qu'on a fait un progrès quand même appréciable et, là-dessus, je suis
content de ce qui a été fait.
Maintenant, encore une fois, tous mes
prédécesseurs vous le diront, ce sont les décisions qui sont les plus délicates
et même parfois douloureuses à prendre, mais c'est ma responsabilité de les
prendre.
M. Boivin (Simon)
:
Maintenant, j'aimerais vous entendre sur le mandat que vous avez donné à
M. Blais concernant le revenu minimum garanti. Je veux voir dans quelles
mesures c'est sérieusement envisagé, cette avenue-là. Est-ce que c'est même
possible d'y penser avant la fin du présent mandat? Où vous vous en allez avec
le revenu minimum garanti?
M. Couillard : Bien, d'abord,
c'est que je suis sérieux quand je parle de ça. Ce n'est pas une balloune qu'on
lance, là. On lit, on regarde ce qui se fait dans d'autres pays. Il y a déjà eu
une expérience pilote au Canada, au Manitoba, à Dauphin sur cette question-là,
vous pourrez aller consulter les documents. Il y a deux pays actuellement qui
ont annoncé leur intention d'aller de l'avant, dont la Finlande.
Il y a quelque chose qui m'attire dans ce
concept-là, des deux côtés. D'abord, c'est que ça permet de simplifier
considérablement cet enchevêtrement de prestations puis de règles qu'on a actuellement,
qui est bien compliqué, hein? Vous êtes le premier, je pense, à le constater.
Alors, ça, c'est pour l'aspect simplification de l'État, amélioration de la
gestion de l'État. C'est bien, mais également, l'autre partie, dans cette
nouvelle économie dans laquelle on s'engage, ça va être difficile pour des gens
de faire le passage. Tu sais, on dit toujours : Les gens, il y aura de
nouveaux emplois de créés. Mais le problème, c'est que les nouveaux emplois
créés ne sont pas nécessairement là pour les gens qui ont perdu leur emploi à
cause du progrès technologue. Alors, c'est là qu'on doit s'assurer d'être
solidaires puis de s'assurer qu'on n'échappe pas trop de monde dans cette
transition qui va avoir lieu de toute façon. Alors, ça, ça s'appelle le maintien
de la dignité des gens.
Alors, d'un côté, la simplification de
l'État, de l'autre, le maintien de la dignité des gens. Je crois qu'il y a une
combinaison qui est excessivement intéressante. J'ai la chance inouïe de
compter dans mon équipe gouvernementale un expert de la question, qui a publié
un livre, comme vous le savez, là-dessus. Puis je voudrais ajouter là-dessus
qu'on a déjà fait des pas dans cette direction au Québec. Carlos Leitão nous
rappelait d'ailleurs au cours du caucus qu'on a, au Québec, un dispositif qui
est unique en Amérique du Nord, qui est le crédit d'impôt solidarité, qui
représente une distribution d'environ 3 milliards de dollars aux gens à
très faibles revenus, là. Il n'y a pas beaucoup d'autres juridictions en
Amérique du Nord qui ont ça, ou peu, ou pas. Mais ça, c'est un pas dans la
direction d'un revenu minimum garanti.
Alors, il s'agit de faire le recensement
de tout ce qu'on a comme prestations, puis je souhaite qu'on travaille avec le
fédéral pour ça. D'ailleurs, j'étais content de voir que M. Duclos, le ministre
fédéral de ce portefeuille-là, évoquait également l'idée de façon positive au
moins. Ça vaut la peine au moins qu'on l'étudie comme il le faut, qu'on en
discute et qu'on ne le rejette pas du revers de la main, loin de là.
M. Boivin (Simon) : Mais un horizon…
M. Couillard : Bien, on va
commencer par… Écoutez, on va commencer par faire les évaluations de
faisabilité, de progression. On va vous en rendre compte… J'ai confié ce
mandat-là à M. Blais, bien sûr, mais, dans ce… Si vous me permettez, dans ce
domaine de la solidarité et du soutien des personnes vulnérables, nos députés,
au cours du caucus, ont manifesté une grande préoccupation envers les groupes
communautaires qui exercent beaucoup d'actions sur le terrain, qui sont
absolument essentielles, notamment pour les gens qui sont aux marges de la
société. Alors, on a mis sur pied un groupe de députés qui va s'occuper
spécifiquement de réfléchir à cette question et de nous revenir avec des
recommandations. Est-ce qu'on sera en possible… possible d'en mettre quelques-unes
en application dès le prochain budget? On verra. Le temps pourrait manquer un
peu, mais au moins de poser certains gestes et de continuer par la suite.
Alors, vous voyez que nos discussions,
oui, elles ont été économiques, elles ont été financières, elles ont été
climatiques, hein, mais elles ont également beaucoup porté sur ce qui a
toujours caractérisé l'engagement politique du Parti libéral du Québec. C'est
une combinaison de gestion rigoureuse des finances publiques, de relance
économique, mais également de préoccupation pour la justice sociale. Et ça a toujours
fait partie de notre ADN, et je suis content… Moi, j'étais très fier de voir
des députés se lever en grand nombre pour exprimer cette ambition-là, et puis
on va faire en sorte d'aller de l'avant.
Le Modérateur
: Merci.
Micro de droite.
Journaliste
: Bonjour,
M. le premier ministre. Lors de la formation de votre cabinet ministériel, en
2014, vous aviez donné spécifiquement le mandat à M. Arcand, puis je vais vous
citer : «Vous guiderez le Québec sur la voie de l'exploration et
l'exploitation des hydrocarbures, notamment sur Anticosti». Qu'est-ce qui,
depuis de moment-là, s'est passé dans votre tête, M. le premier ministre, pour
que maintenant vous ayez une position très différente?
M. Couillard : Quand je
disais ça, je disais... guider sur la voie veut dire évaluer qu'est-ce qu'on va
faire avec ça. Où allons-nous avez ça? On arrive plus près de la réponse. Les
hydrocarbures, ce n'est pas uniquement Anticosti. Comme je vous l'ai dit
tantôt, je mets Anticosti dans une catégorie à part. Il y a d'autres projets au
Québec. Mais aller sur la voie de, étudier ça, ça veut dire la même chose, ça
veut dire être très prudent.
Mais je vais répéter encore une fois, là,
à quelques reprises, s'il le faut, je le répéterais, le Québec n'a pas… notre
gouvernement, du moins, n'a pas de préjugé favorable envers le pétrole. Je
lisais ça dans un article ce matin, puis ça me faisait un peu sursauter.
L'avenir du Québec, ce n'est pas là qu'on va le trouver, ce n'est pas là qu'il
se situe. L'avenir du Québec, c'est dans notre eau, nos ressources
renouvelables, notre hydroélectricité, notre talent, notre capacité d'innover.
C'est par là qu'on va atteindre la prospérité pour la prochaine génération. Il
ne faut pas succomber à ces illusions de penser que de se précipiter dans les
combustibles fossiles va nous assurer la prospérité, alors qu'on serait en
contradiction avec nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre.
Ceci dit, il y a bien d'autres questions à
envisager et à étudier : la sécurité relative des moyens de transport des
hydrocarbures, par exemple, le déplacement de sources d'approvisionnement
étrangères dans la longue transition qui s'amorce, qui va être longue. Ça
aussi, c'est un sujet pertinent à discuter, et ça dépasse beaucoup Anticosti.
Anticosti, pour moi, c'est un sujet spécifique parce que c'est un milieu
spécifique.
Journaliste
: Je
voudrais peut-être revenir, juste un instant, sur la lettre d'intention
qu'avait signée Ressources Québec en août 2012. M. Arcand nous a dit ce
matin : Écoutez, c'est une initiative de Ressources Québec. Mais, dans le
décret de création de Ressources Québec, il est bien indiqué que trois
ministères, trois ministres doivent être consultés avant que Ressources Québec
n'engage de l'argent public, c'est-à-dire le ministère des Finances, le
ministère du Développement économique et le ministère des Ressources
naturelles.
Donc, comment expliquez-vous… Est-ce que
vous pensez toujours que c'est Ressources Québec, de sa propre initiative, qui
a proposé ça aux entreprises pétrolières?
M. Couillard : Regardez, moi,
je n'étais pas là, là, et je ne peux pas vous répondre à ça. Ce que je peux
dire, c'est que jamais un gouvernement libéral n'aurait autorisé un programme
de fracturation, même exploration, sur l'île d'Anticosti sans étude
environnementale préalable. Et je répète, je connais assez bien Jean Charest et
son engagement sur l'environnement, qui remonte à la conférence de Rio, au
début des années 90, je connais assez bien son engagement sur ces questions
pour vous dire que ce ne serait pas arrivé comme ça. Il y aurait eu… Toutes les
études qu'on fait là, là, elles auraient dû être faites avant, mais on était
pressés, du côté du Parti québécois, d'engager les fonds publics à l'approche
de la campagne électorale. C'est tout à fait ça que j'ai vu. C'est regrettable.
Journaliste
: Est-ce
que Ressources Québec était trop pressée aussi?
M. Couillard : Je pense que
beaucoup de gens étaient pressés. Maintenant, on revient à la normale, on
revient à la prudence et on revient à la science, et c'est l'étude hydrogéologique
qui approche qui va nous donner beaucoup de réponses.
Le Modérateur
: Micro
de gauche. On va passer en anglais.
Mme Johnson (Maya)
:
Maya Johnson, CTV News. Hello everyone. Hello, Premier
Couillard.
M. Couillard : Hello.
Mme Johnson (Maya)
: As you know, of course, there will be funerals tomorrow for the six
victims of the terror attack in Burkina Faso. You came out and condemned those
terror attacks very strongly. You called it barbaric violence. You were present
at the vigil for the families. We are now expecting Prime Minister Justin
Trudeau to be here tomorrow. Are you disappointed that he did not come here
sooner as he did, for example, go to La Loche after the shooting and that he
didn't reach out to the families more quickly? Did he make a mistake?
M. Couillard : Look, I will not follow you on that line. I will just say that, after
meeting with Mr. Trudeau on many occasions, I have absolutely no doubt «vis-à-vis» his human quality and the solidarity he feels «vis-à-vis» those families.
On my part, I will go and
meet the family in the next hours and present my sympathies privately. There is
a degree of private space that the families need now. Many members of our team
will be present at the funerals tomorrow, but in a very, I would say, low-key
way. It's fundamentally an event for the community and for the families. And I
feel still so sorry because these people were going out to do good, to make our
world better. But what has reassured me is that, after that, I have not heard a
single voice telling us that we should stop helping Western Africa. That's reassuring.
And I know it's tough and it's horrible for families, even today. And I just
want to be sure that I'll be able to speak with them privately today and that we
will be represented at the funerals. But we will continue to support Western
Africa, Francophone Africa in particularly because of our membership in the «Francophonie»,
in many areas, including climate changes as you heard before.
Mme Johnson (Maya)
: You described the presence tomorrow as low-key. Do you feel that
these kinds of events at times can be overly politicized?
M. Couillard : I'm always worried… I always worry about this because, as members
of the Government, you have to
be present at circumstances like this, but, at the same moment, you don't want
to engulf the families in a political event. This is not what it's all about.
So that's always in my mind. I felt the same when I attended Mr. Angélil's
funerals. Then, the point was to pay homage in the name of Québec to what he did for our culture and
our artistic milieu.
So each situation has to be looked at very, very
specifically, but again I always ask myself this question, you know. There is
this dogma that you should always be there, and be present, and be seen, and be
on TV. But is it always the best, you know? That's something I always ask myself.
Mme Johnson (Maya)
: Merci.
Le Modérateur
: Micro de droite.
Journaliste
: Hello, Mr. Couillard. Mr. Legault this morning implied that you're
letting your own personal feelings about Anticosti Island cloud your judgment
and that you need to honor the contract. How do you respond?
M. Couillard : You know, I think, in our world, people want to know and see that
leaders exercise not only their judgment but their deep beliefs through government. So I am not ashamed of saying
that, for me, protection of a natural environment like Anticosti is absolutely critical and part of my fundamentalresponsibilities.
You know, frankly, I hope that one day I'll be able to tell my grandkids, my
grandchildren that because of actions we took we were able to preserve such
environments for them, and their children, and the children of their children.
So that is what's in my mind when I think about these things.
Journaliste
:
Was there consensus at the start of this caucus meeting or the consensus have
to be created?
M. Couillard : You know, in a caucus… by definition, caucus is a place where consensus
is created. It is not infrequent that you start a discussion with very
different positions in the group, but this is how our parliamentary system
works. This is the space and the time where people present their case, we have
a debate and we come with a consensual decision, which is, by definition, never
unanimous or rarely unanimous, but is the reflection of the group itself. So
it's the role… It would not be normal if consensus was predefined.
Journaliste
:
But are you saying there were a lot of different opinions?
M. Couillard : There's always… I cannot recall any important topic that we
discussed in any of our caucuses where there were not strong manifestations of
opinions on both sides of the issue. I could name a list, but I will not do
that, but there are many issues on which we acted since 2014, where we had
very, I would say, strongly felt discussions, and this is the way I want it to
be.
Le Modérateur
:
Micro de gauche.
Mme Fletcher
(Raquel) : Hello, good afternoon. I'm Raquel
Fletcher with Global Television.
M. Couillard : Hello.
Mme Fletcher
(Raquel) : This election promise of 250,000
jobs is a long way from being realised. And now that you are backing away from
development at Anticosti, how are you going to, you know, fulfill that promise
of creating these 250,000 jobs?
M. Couillard : You know, your question would imply that we would narrow our hope
for a job creation on Anticosti, which is absolutely not the case. Québec's future
will not be based on fossil fuels, will not be based on fossil fuels. Our
future will be based on water, renewable resources, hydroelectricity and our
creativity and innovation. That's how we're going to get to prosperity.
Now, on the pledge of
hoping that the economy would create 250,000 jobs over five years, it is still,
as I speak to you today, mathematically possible. Why? Because we've created
almost 50,000 in the last year, short of 50 000. Just multiply it by four
years and a half and having some good years, hopefully, then we could reach it.
So, if at some point I believe that it's not mathematically possible, I will
say that very clearly, but at the present time I still have hopes that we can
get there.
Mme Fletcher
(Raquel) :How did you
arrive at the conclusion that the project in Anticosti was not environmentally
friendly or didn't fit with your green plan?
M. Couillard : At the face of it, you know, proceeding with fracking on an island in the gulf of
Saint-Lawrence is highly questionable. And then, if you move the clock further,
forward towards exploitation and you calculate the number of oil wells and the
number of drilling procedures, taking there the number of injections and not
knowing anything about the water ressource of the island, you know, the sad commentary here is that
this contract should never have been signed without prior environmental studies. And, unfortunately, this did not happen that
way, and we have to settle the issue.
But I want to also say
that it doesn't mean that we do not look positively at some other fossil fuel
projects that we have in Québec. But again that will never meet Québec's needs so
that will never, in themselves, lead Québec to prosperity. But we have a couple
of projects on the Gaspé peninsula, we have stalls, which is liquid…
LNG — I wanted to be sure that I have the letters in the right
order — an LNG project in Bécancour, there's one with Gaz Métro
around Montréal, and we're moving full steam ahead on these because they have
been well designed and they have some value. But Anticosti, again… I separate
Anticosti for the rest of the fossil fuel question.
Le Modérateur
: Dernière question, micro de droite.
M. Hicks
(Ryan) : Ryan Hicks, CBC News. Premier Couillard,
we're hearing today that a fourth teenager has run away from the same Laval
group home. Is this group home safe?
M. Couillard : I'm extremely preoccupied by this situation. I can not say how much
I am, as a parent, as we all
are, as you are maybe, I don't know, thinking about the situation in which these
young girls are and their families concerns, their parents. It should never
happen in a succession like this particularly, this is hard to understand and
accept. This is why we have to act decisively, but with both arms. One would be
the executive arm and repression, police inquiry, which, I think, is going
on as we speak, but the other one is upstream action in social services and see
what the processes are in this center and what should be improved.
But this is not always as
simple as it sounds. I gave the example in French earlier of the question of
locking the doors, which sounds as an obvious solution to the issue, but a few
months or years ago, the Human Rights Commission here told us that we should
not do this, because it would infringe some of these young people rights. So
here you are, having to weight very conflicting principles. But again I really
hope that… and I know that our ministers Mr. Coiteux and Mme Charlebois will
work together on this with their colleagues and I hope that the parents can be
reassured as soon as possible.
M. Hicks
(Ryan) : On the Green Fund, why take these
measures to tighten up the rules around how you give out this money?
M. Couillard : Because I'm not satisfied with the way the situation is now. I'm not satisfied with the fact that although the Minister of
Environment is frequently pointed at for, you know, what seems to be a questionable decision, he doesn't have
effective control. Therefore, how could he be accountable? So that's why we
have to do this.
And the overarching
reason is that this is the way through which our carbon trading system, or any
carbon tax, or similar mechanism becomes credible for the public. Because
remember, the logic is always the same: yes, we have carbon trading, we will
get more than $3 billion between now and 2020, and this will be reinvested
in our economy to create new greener jobs and help for transition and sometimes
mitigation of climate change. So, if we lose credibility for the Green Fund,
the whole thing crumbles. So that's why it was a high priority element for me
to act on this. Merci.
(Fin à 14 h 7)