(Onze heures trente-quatre minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. Merci d'être là. En fait, je tenais à vous rencontrer ce matin parce
que j'ai été plutôt dérangée par ce que j'ai vu et entendu en Chambre
concernant la question d'Anticosti. En fait, le mot qui me vient, c'est
vraiment un échange où les gens qui sont en intervention posent des questions
alors que, dans les faits, ce qu'on veut, la seule chose qu'ils veulent, c'est
embarrasser. Je trouve ça hypocrite parce que, dans les faits, si on veut
parler — et ce matin, là, c'était beaucoup l'enjeu à la période de
questions — d'Anticosti sur une base de l'économie comme l'ont fait
les chefs d'opposition, c'est de ne pas reconnaître d'entrée de jeu ce que les
recherches et/ou les chercheurs nous ont dit en matière de potentiel de
développement économique d'Anticosti, qui est, dans les faits, de l'argent
public qu'on investit à travers Investissement Québec, mais qu'on va continuer
d'investir, qu'on va investir et que ça va être sans fond. Pourquoi? Parce que,
s'il y avait une cent à faire à Anticosti, ça ferait longtemps que Suncor
serait au rendez-vous, que Shell serait au rendez-vous.
Alors, je suis sidérée de voir, premièrement,
que la dimension environnementale n'est pas plus au coeur des préoccupations
des partis d'opposition. C'est rare que l'opposition est moins écologiste que
le gouvernement en cause, mais, quand on l'aborde du point de vue économique,
je suis surprise d'entendre ces oppositions-là ne pas soulever la question :
Comment ça se fait qu'on n'investit pas dans nos entreprises à Saint-Eustache,
à La Pocatière, dans la région de Québec, ces industries-là qui font du
transport collectif? Parce que, si on est préoccupés d'économie, on peut dès
maintenant — et c'est ce que Paris nous a enseigné — s'enclencher
dans une économie de transition énergétique, mais une transition énergétique
qui amènera la transition écologique nécessaire pour atteindre le défi
collectif qui est le nôtre, c'est-à-dire ne pas réchauffer la planète plus de
1,5 degré.
Ceci étant dit, je n'entends pas ni les
Martine Ouellet, sur la question d'Anticosti, ni les Mathieu Traversy, Sylvain
Gaudreault, historiquement, ou Mathieu...
Une voix
: Lemay.
Mme Massé :
... — Lemay, merci — Mathieu Lemay de la CAQ. Comment ça se
fait que le dossier d'Anticosti, tout d'un coup, n'est qu'une question
économique, alors que, dans les faits, si le gouvernement du Québec... Et c'est
pour ça, hier, que j'ai dit que, si le gouvernement Couillard est sérieux,
qu'il arrête dès maintenant et qu'il n'y ait pas de forage cet été, qu'on règle
cette question-là et que notre argent collectif, on l'investisse dans ce qu'on
sait qui va relancer l'économie dans les trois régions dont je vous ai parlé,
notamment, et qui va permettre, là, une réelle... une incidence sur
l'environnement, donc sur les changements climatiques.
Alors, «hypocrisie» serait mon mot de la
journée, et j'en suis fort déçue.
M. Vigneault (Nicolas)
:
Ce qui vous chicote, j'imagine, c'est surtout quand on dit que Québec solidaire
est aux côtés du Parti libéral dans ce dossier-là?
Mme Massé : En fait, moi, je
ne suis pas chicotée de ça. Ce que je dis, c'est : Il faut que le premier
ministre... Parce qu'hier je le disais clairement : Si le premier ministre
est sincère, il va dans le sens de ce que je dis depuis le début par rapport à
Anticosti, il faut qu'il arrête. Mais, pour le moment, moi, je n'ai pas les
préoccupations des autres, je n'ai pas encore l'assurance qu'il n'y aura pas de
forages cet été. Je n'ai pas cette assurance-là. Tant que je ne l'aurai pas, je
ne donnerai pas la tape dans le dos nécessaire, mais soyez assurés que, si
effectivement il le fait, c'est ce qu'on dit depuis le début.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
M. Couillard n'a pas été suffisamment clair au cours des dernières
semaines sur la poursuite de l'exploration à Anticosti et notamment les travaux
de forage qui nécessiteront de la fracturation hydraulique cet été? Vous
estimez qu'il y a encore des doutes sur ces travaux-là?
Mme Massé : Oui. Oui, absolument,
des doutes sur la poursuite, quand il dit : On ne déchirera pas le
contrat. Le contrat prévoit des forages d'exploration cet été...
d'exploitation, cet été. Alors, si on ne le déchire pas, là il y a quelque
chose qui ne marche pas, là. Donc, il faut que ce soit clair parce que... Et
c'est pour ça que je ramène en disant que la dimension écologique ne peut pas être
évacuée de ce débat-là. Bien sûr, il y a la question économique, je vous ai
fait part de la nécessité, si on veut agir économiquement, de le faire non plus
dans des industries fossiles comme le pétrole de schiste, le gaz de schiste,
mais comme le gaz naturel aussi. Si on veut enclencher une transition
énergétique et écologique, ça ne peut pas passer par l'industrie de
l'hydrocarbure. Assez, le soutien financé aux hydrocarbures!
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, vous demandez que le gouvernement rompe aujourd'hui le contrat qui le lie
à des investisseurs privés comme Pétrolia, Corridor Resources , mais à quel
prix? Parce que, bon, il y a les permis qui semblent avoir une valeur totale de
200 millions de dollars. L'État s'est engagé à investir 57 millions de
dollars dans l'exploration, il va nécessairement y avoir des dédommagements à
verser aux entreprises. Donc...
Mme Massé : Oui, alors, dans
ce sens-là, je pense que c'est important... Là, pour le moment, tout le monde
vit sur l'idée de : Oh! mais il doit y avoir des grosses pénalités dans ce
contrat-là. Mais, moi, depuis le mois de novembre... j'étais à Paris et je
répétais : Bien, qu'il nous le montre, le contrat. C'est de
l'investissement public, qu'il le montre. S'il ne veut pas tout le montrer,
qu'il montre la clause des pénalités, qu'on sache dans quoi on s'embarque.
Mais, ce que je dis aussi, et c'est ça
qu'il faut retenir, c'est qu'au niveau d'Anticosti, c'est un puits sans fond.
On va mettre de l'argent pour peut-être aller voir s'il y a du potentiel là
alors que, déjà, les études au niveau économique contestent comment on va faire
énormément d'argent là-dedans. Et après ça, pour toute la réhabilitation du
territoire, parce qu'on va l'avoir magané, ça va encore nous coûter de l'argent
public. Alors, nous, on dit : Regardez, arrêtez ça là, là, puis
montrez-nous-les, les chiffres, puis je suis convaincue que l'impact à long
terme versus ce qu'on à assumer là comme... on va être regagnants sur les fonds
publics dépensés dans cette expérience-là.
M. Authier (Philip) :
Souvent, dévoiler des chapitres sur des pénalités est interdit. C'est ça, un
contrat. C'est rare qu'un gouvernement va révéler ces chiffres-là. Ce n'est pas
un peu pas trop réaliste, demander ça?
Mme Massé : Bien, écoutez, je
comprends votre question...
M. Authier (Philip) : C'est
parce que c'est très rare que ça arrive, ça.
Mme Massé : Dans ce cas-là,
qu'il nous dise le chiffre. S'il ne veut pas le dévoiler, le contrat, qu'il
nous dise le chiffre, on va lui faire confiance, qu'il nous dise le chiffre.
J'imagine qu'il ne mettrait pas les deniers publics... qu'il ne nous dirait pas
un chiffre plus élevé que le chiffre qu'il y a dans le contrat. Mais, ce que je
veux qu'on arrête, c'est de faire des suppositions.
Tu sais, quand j'entendais ce matin, le
chef de la CAQ dire que le contrat d'Anticosti est le plus prometteur en
matière de développement économique, bien, un, ce n'est pas du tout ça qu'on a
jusqu'à date comme information, et, deux, qu'il me dise à moi que le transport
collectif, ce n'est pas prometteur pour Bombardier Transport à La Pocatière, pour
Novabus à Saint-Eustache ou bien pour Prévost dans la région de Québec. Tu
sais, arrêtons, on a des moyens d'agir dans la transition écologique, et ça
passe notamment — et ça, on le sait parce qu'on l'a entendu en commission
parlementaire, on l'a entendu aussi à Paris — par le développement du
transport collectif et — je vais faire un clin d'oeil à
M. Legault — c'est une façon aussi de diminuer la balance
commerciale qui le préoccupe tant au niveau du pétrole, mais au niveau aussi de
la création d'emplois.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Ça
ne vous choque pas un peu de voir le premier ministre dire que l'étude qu'il
attend, l'étude hydrogéologique, que les conclusions de ce document-là sauront
assurément mettre le clou dans le cercueil de ce projet d'exploration,
d'exploitation des hydrocarbures à Anticosti, qu'il détermine un peu les
conclusions d'avance, alors que des fonctionnaires, des experts, supposément
indépendants, vont devoir se pencher là-dessus? Ça ne vous embête pas? Vous ne
voyez pas d'intrusion? Vous appuyez ça, vous aussi? Les conclusions sont déjà
déterminées d'avance.
Mme Massé : Non, dans le sens
où ce n'est pas déterminé d'avance, mais, déjà, il y a des chercheurs qui ont
émis des recherches. Allez voir les documents qui ont été déposés cet automne,
déjà on a déjà des indications. Il y a notamment Marc Durand et ses collègues
chercheurs qui ont démontré que l'étude... que le rapport qui parle de développement
économique s'appuie sur des données faussées.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Sur la qualité de l'eau, les impacts de la fracturation.
Mme Massé : Sur la qualité de
l'eau et le potentiel aussi de... Alors, bon, il y a cette dimension-là, mais
ces rapports-là vont nous parler d'une dimension, qui est le sous-sol. Après
ça, il y a... O.K., mais comment... On le sait que la fracturation, pour
pouvoir la réaliser, ça demande beaucoup en énergie au niveau de l'eau, que ça
rejette beaucoup de contaminants. Ça, ça se calcule, ça, quand tu le perçois
dans la perspective de l'intérêt collectif, quand tu le mets dans la
perspective de l'environnement, ça a un coût, ça. Ça, il faut que ce soit tenu
en compte.
Ensuite, ce qu'on sait, depuis le début :
sortir… Tu sais, même s'il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de potentiel, sortir
ça d'Anticosti… c'est une île, et c'est là que les dangers augmentent de façon
importante.
Alors donc, est-ce que le premier ministre
est en train de donner… Le premier ministre, nous, ce qu'on veut, c'est qu'il
donne une orientation politique. Et d'ailleurs peut-être qu'une des façons de
le faire, ça serait de faire d'Anticosti une aire protégée.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce qu'on peut croire que les experts puissent donner leur aval à la
fracturation de trois puits cet été, à la fracturation hydraulique et dans le
forage de trois puits cet été? Est-ce que vous envisagez ça?
Mme Massé : Nous, depuis le
début, à Québec solidaire, on dit la même chose que les experts
internationaux — là, on n'est plus dans le local, là — …
M. Bélair-Cirino (Marco) :
…ça serait hautement improbable?
Mme Massé : …qui disent :
Le pétrole, le gaz naturel, en fait, tout ce qui est hydrocarbures doit rester
dans le sous-sol, à tout le moins le deux tiers de ce qu'on connaît. Alors,
imaginez-vous si on ne le connaît pas. C'est mieux de rester là. Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 46)