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Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin

Version finale

Le mardi 19 avril 2016, 13 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures trente-sept minutes)

Mme David (Gouin) : Je voudrais aujourd'hui attirer l'attention de la population sur les crédits dans le monde de l'éducation primaire, secondaire. Je suis accompagnée de Brigitte Dubé, qui représente la coalition des enfants à besoins particuliers, donc on parle ici d'enfants qui ont toutes sortes de défis, toutes sortes de difficultés et qui subissent de plein fouet, depuis maintenant plusieurs années, les effets des compressions des gouvernements qui se suivent, et c'est particulièrement épouvantable avec l'équipe libérale qui est au pouvoir depuis deux ans.

Pour Québec solidaire, et c'est ce que je vais dire au ministre cet après-midi à la commission des crédits sur l'éducation, notre système d'éducation s'éloigne vraiment de l'esprit et de la lettre du rapport Parent, c'est important de s'en rappeler, un rapport qui faisait la promotion d'une éducation pour tous et pour toutes dans toutes les régions du Québec, dans tous les milieux, pour tous les enfants, sans condition, vraiment développer le potentiel de tous les enfants jusqu'où c'est possible. Ça, c'était l'esprit du rapport Parent.

À notre avis, on en est extrêmement loin en 2016. On a même eu un projet de loi, là, qui n'est pas encore adopté, le projet de loi n° 86, qui parlait de tenter de promouvoir la réussite scolaire du plus grand nombre d'enfants possible. On ne parlait même plus de tous les enfants, alors qu'on devrait se préoccuper de n'importe quel enfant vivant au Québec quel que soit son niveau de difficulté.

On sait que, depuis l'élection du gouvernement Couillard, il y a eu des centaines de postes de professionnels coupés dans les 72 commissions scolaires. L'année dernière, en juin, là, nous, on avait recensé la liste de toutes les coupures faites dans les commissions scolaires, c'était par centaines avec toutes sortes de situations, là, vraiment dramatiques, des coupures de conseillers pédagogiques, d'orthopédagogues, d'orthophonistes, de psychologues, de travailleuses sociales. Et là le ministre a beau nous dire : Je réinvestis près de 3 % dans l'éducation... puis c'est très compliqué, voir clair dans les chiffres, ce n'est pas simple du tout, mais, mettons, là, on est à près de 3 % de réinvestissement, qu'est-ce que ça couvre, au fond? Bien, ça couvre ce qu'on appelle les coûts de système : les augmentations d'échelon pour les professionnels et les enseignants, enseignantes qui travaillent dans les commissions scolaires, ça couvre les augmentations de salaire qui viennent d'être consenties — et qui ne sont pas énormes, là — par le gouvernement du Québec, ça couvre l'inflation, ça couvre les augmentations du coût de chauffage. C'est tout. C'est tout ce que ça fait. Est-ce que, grâce à ce à peu près 3 % d'augmentation, on va réembaucher tous ces professionnels qui, autrefois, mais il n'y a pas si longtemps, s'occupaient de nos enfants en difficulté? Pas du tout, pas du tout. On en est extrêmement loin. Dans certaines commissions scolaires, je pense entre autres à la CSDM et je pense à Laval, on parle encore de couper, là, et, dans les coupes, on parle encore de postes de professionnels.

Alors, sincèrement, 350 millions sur cinq ans pour éponger une coupure massive, dans les dernières années, de 1 milliard, ça n'est pas sérieux. Ça n'est donc pas vrai que le gouvernement du Québec réinvestit de façon sérieuse dans l'éducation et fait de l'éducation une priorité nationale. C'est faux, c'est juste faux.

Un exemple : à Montréal, une école pour adolescents avec un handicap ou un trouble mental, l'école Espace-Jeunesse, si la tendance se maintient, si la CSDM est obligée, comme le veut le ministre, de couper 18 millions dans ses budgets pour revenir à l'équilibre budgétaire, et malgré le petit réinvestissement du ministre de l'Éducation, neuf classes sur 26 vont être fermées l'an prochain, neuf classes sur 26. Qu'est-ce qu'on va faire de tous ces jeunes-là? Je ne le sais pas. Leurs parents sont extrêmement inquiets.

Donc, honnêtement, je pense qu'il faut rappeler à l'ordre ce gouvernement. Il faut lui dire que de plus en plus de parents se mobilisent, hein, on l'a vu avec les chaînes humaines, les comités de parents un peu partout se mobilisent aussi. Il faut réinvestir de façon sérieuse dans l'école publique et, d'abord et avant tout, dans le soutien aux enfants en difficulté.

Je passe la parole à Brigitte.

Mme Dubé (Brigitte) : Bonjour. La commission scolaire de Montréal annonçait, la semaine dernière, devoir procéder à de nouvelles compressions budgétaires, soit en coupant dans les services aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, principalement par la compression de postes de professionnels comme les orthopédagogues, une annonce semblable à la commission scolaire de Laval, avec des compressions à hauteur de 1,4 million de dollars.

Dans ce contexte, la Coalition de parents d'enfants à besoins particuliers tient à témoigner toute sa solidarité aux parents et aux enfants touchés par ces compressions, ainsi qu'au personnel scolaire. La coalition déplore qu'une fois de plus ce soient les élèves à besoins particuliers, ceux dont les besoins sont les plus criants qui fassent les frais de la recherche de l'équilibre budgétaire à l'échelle de la province : des classes d'adaptation seront démantelées, des élèves seront intégrés dans des conditions qui ne conviennent pas à leurs besoins et qui nuiront au bon fonctionnement de la classe, les ressources, déjà insuffisantes, seront encore amputées. Les parents et les enseignants perdent espoir.

Le réinvestissement qui a été annoncé en grande pompe lors du dernier budget n'est simplement pas au rendez-vous. La coalition dénonce ce manque de ressources et réclame un véritable réinvestissement en éducation, plus particulièrement un investissement à la hauteur des besoins réels des enfants à besoins particuliers.

Concrètement, sur le terrain, les conséquences des compressions sont flagrantes, parce qu'il faut le dire, on parle ici d'humains et non pas de colonnes de chiffres. En sachant que, dans de nombreux cas, on cumule plusieurs de ces conséquences en même temps, comme c'était le cas il y a deux ans lors de ma bataille pour la scolarisation de mon fils aîné alors qu'on n'était même pas dans le gros des compressions, donc on peut imaginer ce que ça peut être actuellement.

On parle ainsi de la scolarisation en demi-journée par manque de soutien disponible pour l'autre demi-journée, des appels fréquents aux parents pour venir chercher des enfants qui sont en désorganisation parce que le personnel de l'école n'a tout simplement pas la formation adéquate pour prévenir et gérer ces crises, du manque d'accès rapide au diagnostic et du fait qu'il faille trop souvent attendre que l'enfant soit en échec pour intervenir, la proposition de transfert dans certaines classes d'adaptation qui ne répondront pas nécessairement aux besoins de l'enfant alors que tout n'a pas été fait encore pour pouvoir garder l'élève en classe ordinaire ou, au contraire, pour une raison de subvention, du refus de certaines directions d'écoles d'envisager le transfert d'un élève vers une classe d'adaptation à la demande du parent alors que ce dernier constate que son enfant n'évolue pas bien dans le contexte d'une classe ordinaire, enfin la scolarisation forcée à domicile à cause du manque de services ou choisie de façon consciente étant donné ce même manque de services. À cela, on va ajouter la baisse d'estime de soi d'un élève qui n'arrive tout simplement pas à connaître de succès dans ces conditions-là et de tout ce que ça peut impliquer, et, pour les parents, il faut le dire, les conséquences directes sur leur employabilité malgré des diplômes et une expertise reconnue. Car qui pensez-vous veut réellement d'un employé qui peut se faire appeler par l'école à tout moment ou qui doit trouver à combler la scolarisation à domicile à mi-temps ou à temps plein en même temps qu'il travaille, avec toutes les conséquences financières et la détresse que ça implique? Je pourrais vous en parler, MM. Proulx et Couillard, de ce problème d'employabilité et de perte de revenus parce que je le vis.

Ce n'est donc pas seulement de la perte d'un potentiel des élèves dont on parle ici, c'est aussi de la perte d'une participation active sur le marché du travail pour trop de leurs parents.

Malheureusement, on se dirige vers un cul-de-sac pour beaucoup de ces enfants et de leurs parents. Et ça va être collectivement, comme société, qu'on va en payer le prix. La scolarisation de nos enfants selon leurs capacités réelles de réussite et non selon la capacité du système de leur offrir les bons services, c'est possible. Il suffit d'en avoir la volonté, comme gouvernement et comme société. Merci.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mme Dubé, pouvez-vous nous expliquer les impacts concrets sur... Bon, vous faites allusion à votre situation personnelle, vous dites que, dans le fond, ça diminue votre degré d'employabilité, donc pouvez-vous nous préciser cette question-là? Vous estimez que, quoi, les services ne sont pas à la hauteur, ce qui fait en sorte que vous devez être davantage présente auprès de votre enfant?

Mme Dubé (Brigitte) : C'est qu'on peut être appelés... on se retrouve dans des situations où on peut être appelés à tout moment par l'école. Donc, on est au-delà de la conciliation travail-famille ordinaire, là. Il faut tomber sur un employeur qui est vraiment très, très ouvert d'esprit pour être capable de comprendre que le parent, bien, c'est possible qu'il soit appelé n'importe quand dans la journée. Moi, c'est arrivé il y a trois ans déjà. Il y a deux, trois ans, c'était le cas. J'ai eu la chance d'avoir un super employeur, à ce moment-là, qui le comprenait, mais ça n'a pas été le cas par un autre. Donc, c'est ça, c'est perte d'emploi puis... parce qu'on est appelés à midi, à 1 heure, à 3 heures, à n'importe quel moment de la journée parce que l'enfant est en crise, parce que c'est écrit au plan d'intervention que, si l'enfant est en crise, le parent va venir le chercher ou sinon il faut s'obstiner avec l'école pour ne pas que ça soit inscrit au plan d'intervention, faire comprendre que l'élève doit rester à l'école, trouver les façons de gérer la crise à l'école, mais là tout est transféré vers le parent trop souvent, actuellement. Donc, on doit être en situation de disponibilité quasi complète pour notre enfant pendant la journée, malheureusement.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Comment vous décrivez cette pression-là mise sur les parents?

Mme Dubé (Brigitte) : Bien, on finit en détresse, épuisement parental, ça a été mon cas aussi. C'est le lot de plusieurs parents d'enfants à besoins particuliers.

M. Bélair-Cirino (Marco) : M. Couillard, vous l'avez également évoqué, disait que la priorité était pour... en fait, que l'éducation était pour être la priorité nationale maintenant que l'équilibre budgétaire est atteint. Est-ce que vous avez quand même pu apercevoir quelque progrès que ce soit depuis le début de l'année financière?

Mme Dubé (Brigitte) : Pas du tout. En fait, il y avait eu 300... Bien, à l'automne dernier, il y avait eu déjà d'autres compressions qui ont paru, dans le concret, au niveau des services en classe. Puis là, bien, c'est sûr que ce printemps, il n'y a vraiment pas eu... sur le terrain, on n'en voit pas vraiment, là, d'amélioration. C'est sur papier, mais ça ne se passe pas sur le terrain, donc non. Puis les échos qu'on en a, c'est encore des possibilités de disparition de classes puis des postes coupés. Là, on le voit, là, avec la CSDM puis la CSDL. Ça, c'est concret, là, il y en a qui sont annoncés. Dans les autres commissions scolaires, ce n'est pas encore aussi formellement annoncé parce qu'on ne connaît pas encore les ouvertures, ce qu'ils appellent, dans le fond, là, le bassin, là, d'ouverture de postes pour la prochaine année. Donc, on ne sait pas encore concrètement, pour plusieurs autres commissions scolaires, quels vont être les impacts réels, mais, jusqu'à maintenant, on n'a vraiment pas vu de réinvestissement, de remettre sur le terrain des gens, là, pour combler les besoins ou sinon si peu que ça se traduit très, très mal dans la réalité, on ne le voit pas, là.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Un débat périphérique, peut-être, fait rage depuis vendredi dernier autour du concept de violence économique qui concerne un autre champ, celui de la condition féminine. Il y a des groupes de femmes, et également la députée solidaire Manon Massé, la députée péquiste Carole Poirier, qui a dit que le gouvernement posait, d'une certaine façon, des actes de violence économique à l'endroit des femmes en mettant la hache dans plusieurs programmes qui visaient à assurer une certaine équité et égalité entre les hommes et les femmes. Est-ce que vous estimez que les parents et les enfants qui ont des besoins particuliers font face à une violence économique de l'État présentement?

Mme Dubé (Brigitte) : Bien, au niveau de tout ce qui est service des CISSS, là, anciennement les CLSC, c'est coupure sur coupure, fermeture de dossier quand ça va moindrement un petit peu mieux pour l'enfant, avec... très, très difficile de rouvrir le dossier au besoin. C'est un gros, gros manque d'accès aux services. Il était déjà là, c'est encore pire. Ça, on le voit, là, les parents le nomment. Comme je le dis, c'est la difficulté, un, d'ouvrir des dossiers, deux, de garder le dossier ouvert, parce que, dès que l'enfant a une... remonte la pente un peu — oups! — il va mieux, ça fait qu'on arrête, on ferme le dossier parce qu'on a besoin de faire entrer un autre enfant. Mais c'est parce que l'enfant, trois mois plus tard, il peut recrasher. Puis, comme je dis toujours, un enfant, tu ne le fais pas grandir en... c'est comme une plante, là, tu ne vas pas faire grandir la plante en tirant dessus; un enfant, c'est pareil, ça va en montagnes russes.

Donc, à un moment donné, d'agir dans un système où le dossier est fermé parce que, là — woups! — il y a... ça va mieux un moment, mais après ça on ne retrouve plus le service dès que ça recommence à aller moins bien, mais c'est ça qu'on vit présentement. Bien, ce n'est pas plausible, là, comme société, de dire que c'est comme ça qu'on veut fonctionner, parce que, comme je l'exprimais, ce n'est pas juste l'enfant qui le subit, c'est les parents aussi, là. Ça fait que c'est un cercle vicieux. C'est la famille au complet, c'est la fratrie aussi qui le subit par la bande. Donc, oui, on peut dire que c'est une violence économique à l'égard des familles comme les nôtres, actuellement, parce que la fameuse loi n° 10 a eu vraiment des impacts négatifs pour les services auxquels on devrait avoir droit, en fait.

M. Vigneault (Nicolas) : Mme David... un peu sur le même sujet, Mme Poirier — j'aimerais revenir là-dessus avec vous — est-ce que ses propos sont allés trop loin, là, quand elle a parlé d'actes de violence?

Mme David (Gouin) : Regardez, par respect pour Mme Dubé et pour le sujet dont on discute ce midi, j'accepterai de vous répondre, mais dans un autre contexte. De plus, ma collègue Manon Massé a donné, je crois, il y a quelques instants à peine, un point de presse sur cette question.

Mais moi, je vais vous dire quelque chose en lien direct avec ce dont on discute en ce moment. Mme Dubé nous dit : Il y a des problèmes à l'école pour les enfants, ça rejaillit sur les parents. Un autre groupe de parents — c'était la semaine dernière, je crois, Parents jusqu'au bout! — sont venus ici, à l'Assemblée nationale, nous dire : Nous, nous avons des enfants très lourdement handicapés, nous n'y arrivons plus, c'est... nous sommes en détresse, il y en a un sur deux qui n'a pas de travail parce qu'il faut rester à la maison, tu sais, tout le temps, là, avec les enfants tellement il y a peu de services, que ça soit dans les écoles, que ça soit, effectivement, dans le système de santé et de services sociaux. J'ai rencontré récemment des intervenantes de centres jeunesse qui sont elles-mêmes en détresse psychologique tellement elles n'arrivent plus à aider les enfants. J'ai rencontré une enseignante du primaire qui me dit : Sur ma classe de 22 élèves, il y en a 11 qui ont des plans d'intervention, je suis toute seule pour m'occuper de ça.

Moi, ce que je dirais, devant ça, là, c'est qu'il y a vraiment un gouvernement qui refuse de comprendre que l'austérité fait mal, vraiment mal. On peut appeler ça de la violence, on peut appeler ça du sexisme à l'égard des femmes, mais on peut surtout appeler ça l'abandon des enfants et des familles, et ça fait très mal.

On est même inquiets en ce moment — ça sort un petit peu du sujet, mais pas tout à fait — des centres à la petite enfance, dont beaucoup ont des programmes de soutien à des enfants autistes ou avec des difficultés particulières. Bien, si le ministre continue d'aller dans le sens des compressions annoncées, là, il y a certains de ces CPE qui vont fermer les programmes. Il y en a un, dans mon comté, qui est à risque de fermeture d'un programme pour enfants autistes. Et, dans d'autres CPE, ce qu'on me dit, c'est : Écoutez, Mme David, si on n'a plus les moyens de s'occuper de ces enfants-là, peut-être que ça va être difficile de les accepter.

Alors, ne faisons pas de sémantique autour du vocabulaire, là, mais disons-nous une chose, ce gouvernement austère opprime des enfants, des femmes et des familles. Puis ça, je n'ai aucune hésitation à le dire, les chiffres sont là et les faits sont là. Alors, il faut qu'il se ressaisisse, là, c'est urgent et important. Merci.

(Fin à 13 h 54)

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