(Quinze heures seize minutes)
Mme Vallée
: Bien,
bonjour à toutes, bonjour à tous. Tout d'abord, merci de votre intérêt pour la question.
Je reconnais des visages avec qui j'ai discuté, il n'y a pas si longtemps, de
la question des enfants transgenres. Alors, aujourd'hui, vous constatez que... bien,
en tout cas, pour nous, pour moi, c'est un jour qui est très important pour le
Québec avec un pas qu'on franchit ensemble en vue d'aller plus loin pour la
reconnaissance des droits des personnes trans, pour la reconnaissance des
droits des enfants trans. C'est donc avec fierté que j'ai déposé le projet de
loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie puis à améliorer la
situation des mineurs transgenres, le projet de loi n° 103. Ce n'est pas
un choix, vous savez, pour un jeune trans que de grandir dans un corps qui ne
correspond pas à son identité réelle, et on ne peut pas être insensible à
l'écoute des témoignages de ces jeunes qui aspirent à la reconnaissance de leur
nature profonde et qui se butent encore à de nombreux obstacles, obstacles
administratifs. Alors, il y a plusieurs familles qui peuvent témoigner de ces
difficultés, et elles les accompagnent dans cette quête.
Notre gouvernement est donc extrêmement
sensible à la réalité de ces jeunes qui souhaitent être appuyés dans leur
démarche. L'heure est maintenant venue de lever les obstacles administratifs
qui nuisent à la reconnaissance de la réelle identité de genre de ces jeunes,
et nous devons prôner l'égalité un pas à la fois. C'est également pour assurer
le respect des droits de l'ensemble des Québécoises et des Québécois que nous
faisons cette annonce aujourd'hui.
Le projet comporte deux volets. D'abord, il
permet à une personne mineure d'obtenir, à certaines conditions, le changement
de la mention de sexe qui figure à son acte de naissance. Ce sera désormais
possible pour ces jeunes sans devoir, d'une part, subir un traitement médical
mais à certaines conditions. Je vous rappelle que le Code civil, actuellement, permet
à un majeur de faire une telle demande, et ce, depuis le 1er octobre dernier.
Un autre point important qui est inscrit
dans le projet de loi, c'est de prévoir que l'identité de genre sera désormais
un motif interdit de discrimination dans la charte québécoise des droits et
libertés de la personne. Alors, à l'article 10, la question de l'identité de
genre sera identifiée de façon très claire. Pourquoi?, vous me demanderez. Parce
que, pour lutter contre la transphobie, il faut la nommer, il faut en parler.
Et il s'agissait d'une revendication très importante des groupes LGBT, notamment
des groupes trans.
C'est un projet de loi qui va, je crois,
au-delà des allégeances politiques en ce sens qu'il reprend aussi les recommandations,
vous vous souviendrez, de la Commission des relations avec les citoyens. On a
notre collègue Manon Massé qui a aussi fait un énorme travail de
sensibilisation quant à cette question-là, puis je veux le reconnaître parce
que Manon a toujours porté ces dossiers-là également. Mais c'est aussi le
dossier qui était porté par un ensemble de parlementaires lors du dépôt du
rapport, en juin dernier. Alors, c'est pour vous dire que le travail qui se
fait en commission parlementaire, c'est un travail pour lequel on a beaucoup
d'écoute et c'est un travail pour lequel on a beaucoup de respect.
Et il est important pour nous que les
enfants trans puissent bénéficier des mêmes avancées que les adultes trans. Il
n'y a pas de distinction entre un adulte et un enfant, et je suis profondément
et personnellement convaincue qu'il était nécessaire d'agir dans ce sens-là, et
c'est pourquoi j'ai fait du dépôt de ce projet de loi là une priorité.
On a aussi adapté... Vous verrez, dans le projet
de loi, il y a des changements plutôt de concordance. On a voulu également que
le processus de changement de nom puisse suivre le même processus que le
changement de la mention de sexe. Alors, on a tout encadré ces démarches-là, et
un certain nombre de conditions sera prévu.
Certains diront : Mais pourquoi le Québec
va de l'avant aujourd'hui avec cette démarche? Sachez que l'on s'inspire des
meilleures pratiques qui existent dans d'autres juridictions. L'Ontario a
légiféré, le Nunavut a légiféré. Donc, plusieurs juridictions canadiennes ont déjà
légiféré en ce sens et permettent aux enfants mineurs d'apporter des modifications
à leur acte de naissance. Il y a également d'autres pays qui ont légiféré en ce
sens. Pensons à l'Argentine, Malte et aux Pays-Bas, à la Suède et à l'Irlande.
Donc, le Québec ne fait pas exception, et la reconnaissance des réalités des
personnes trans porte les fruits des avancées de la recherche, du droit, et
elle sera de plus en plus présente à l'échelle internationale.
Donc, bien que les droits des personnes
trans soient déjà protégés par la charte — je reviens avec
l'amendement à la charte québécoise — j'estime qu'il est important de
légiférer et d'apporter une protection explicite aux personnes transgenres de
façon à prévenir toute ambiguïté et pour contribuer à la pleine acceptation
sociale de la différence, de leur différence.
J'aimerais conclure mes propos en vous
rappelant que tous et toutes avons le droit au respect et à la dignité et nous
devons être plus attentifs à la réalité qui est vécue notamment par les jeunes
qui ont besoin de notre soutien pour construire aujourd'hui les adultes
accomplis et épanouis de demain et qui sont membres à part entière de cette société
ouverte, inclusive, qui est la nôtre.
Je tiens également à remercier les gens...
et là j'ai été un petit peu impolie, j'ai oublié de vous présenter les gens qui
m'accompagnent. Alors, M. Claude Leblond, qui est un habitué de l'Assemblée
nationale, qui est président de la Fondation Émergence, Mme Mona Greenbaum, qui
est présidente du conseil des familles LGBT. On a Mme Marie-Pier Boisvert, qui
est présidente du Conseil québécois LGBT, et, derrière moi, qui se cache, toute
discrète, Mme Annie Pullen Sansfaçon, vice-présidente d'Enfants
transgenres Canada et aussi maman d'une merveilleuse jeune fille que je salue aujourd'hui
et qui a été mon inspiration derrière ce projet pour son courage et sa détermination
à prendre son bâton du pèlerin et à venir rencontrer le ministre.
Alors, je vous remercie.
Mme Pullen Sansfaçon (Annie) :
Bien, au nom d'Enfants transgenre Canada, je voudrais vous dire qu'on accueille
ce projet chaleureusement. Les revendications qu'on a faites sont toutes à
l'intérieur du projet de loi, donc on est extrêmement contents de ce qu'on a
lu. Ma fille aurait aimé ça être ici aujourd'hui pour le dépôt; malheureusement,
elle a un examen de sciences. Donc, il a fallu avoir des priorités, mais je
suis certaine qu'elle et les enfants qui fréquentent Enfants transgenres Canada
vont être absolument ravis.
Vous ne pouvez pas vous imaginer qu'est-ce
que ça veut dire, d'avoir à vivre avec une identité de genre qui n'est pas
conforme à l'état civil. Ces jeunes-là doivent vivre des situations de
discrimination sur une base journalière à l'école, dans les services de santé,
en voyage lorsqu'on sort un passeport. Et donc le dépôt de ce projet de loi là aujourd'hui,
qui, comme Mme la ministre l'a mentionné, est un effort collectif, et je veux vraiment
remercier encore tous les gens qui ont participé, incluant Manon Massé... c'est
un projet qui va vraiment améliorer la vie des enfants de façon significative.
Alors, je vous remercie.
Mme Boisvert (Marie-Pier) : Oui,
rapidement, en fait, au nom du Conseil québécois LGBT, c'est sûr qu'on veut
saluer, là, le dépôt de ce projet de loi là. Ça répond à des revendications de
longue date de toute la communauté LGBT. C'est certain aussi qu'on souhaite une
adoption rapide de ce projet de loi là pour qu'en fait les enfants puissent
rentrer à l'école en septembre avec la bonne mention de sexe sur leurs documents,
puis donc pas seulement leurs documents à l'école, mais pour les soins de
santé, etc. Donc, pour que le directeur de l'état civil puisse faire tous ces
changements-là cet été, il faudrait que ça se fasse vite.
Sinon, on voulait dire aussi que... Bien,
c'est sûr que ça place un des morceaux du casse-tête, là, dans le fond, pour
les revendications, les diverses revendications qu'on avait au niveau de la
défense des droits des personnes trans. Il reste des combats à faire, c'est
sûr, mais on veut que ça, ce soit un dossier clos.
Mme Greenbaum (Mona) : Aussi,
la Coalition des familles LGBT accueille le dépôt du projet de loi énormément...
C'est une loi qui va aider les jeunes, qui va aider à réduire leurs
souffrances. Et puis, évidemment, on veut aussi que ça soit adopté rapidement
avant la fin de la session. On a déjà eu des consultations. Dans d'autres
consultations, déjà trois fois, on a discuté des jeunes trans. Donc, on n'a pas
besoin d'autres consultations sur ça. C'est sûr que l'adoption de ce projet de
loi va beaucoup, beaucoup aider les jeunes qui vivent de la discrimination actuellement.
C'est une première étape pour la
communauté trans. Il y a d'autres luttes à faire, il y a les immigrants, il y a
les familles. Mais, symboliquement et puis dans la vie quotidienne, pour les
jeunes, c'est énorme, c'est vraiment une bonne nouvelle. Merci.
M. Leblond (Claude) : Bonjour.
Alors, à titre de président de la Fondation Émergence, je ne peux qu'être
heureux aujourd'hui. Effectivement, deux semaines après notre journée de lutte
à l'homophobie et à la transphobie arrive ce dépôt du projet de loi qui modifie
également le Code civil. Mme la ministre nommait tout à l'heure le fait qu'il
faut rendre explicites les choses si, effectivement, on veut pouvoir les
combattre, faire évoluer la pensée sociale, faire en sorte que tous les
citoyens, qu'ils soient enfants, adultes ou aînés, là, aient pleine capacité de
vivre leur citoyenneté de façon ouverte. Bien, il faut nommer les éléments qui
les entravent. Alors, merci, Mme la ministre, d'avoir inclus également des
modifications à la Charte des droits et libertés pour rendre ce droit très
explicite.
Et, si je reprends mon autre chapeau de
président de l'ordre des travailleurs sociaux, vous auriez certainement
également nos grands remerciements aussi pour faire en sorte... parce que vous
savez que les travailleurs sociaux considèrent importants les droits des
personnes au Québec et le respect desdits droits.
Alors, souhaitons également, maintenant,
que tous les parlementaires vont se sentir interpellés à agir rapidement pour
résoudre les difficultés qui sont vécues, donc, particulièrement par les
enfants trans pour qu'à l'automne, effectivement, tout soit bouclé et qu'ils
puissent vivre plus sereinement leur réalité.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mme la ministre, avez-vous l'assurance du leader du gouvernement que ce projet
de loi là est sur la voie rapide, qu'il pourrait y avoir une adoption d'ici la
semaine prochaine?
Mme Vallée
: De notre
côté, du côté de mon leader, les choses peuvent aller très rondement.
Évidemment, j'en appelle aussi à la collaboration des collègues. Vous vous
souviendrez, il y a quelques semaines, notre collègue Manon Massé avait déposé
une motion et, lors de cette motion-là, elle interpellait le gouvernement,
demandant de déposer un projet de loi, demandant aussi que l'on puisse aller de
l'avant parce qu'il y a des enfants qui, pour la prochaine rentrée scolaire,
aimeraient beaucoup pouvoir avoir un document de l'état civil conforme avec
leur identité de genre.
Alors, lors de cette adoption-là, je me
souviens très bien des propos de Véronique Hivon, qui nous interpellait aussi,
et même, pas plus tard qu'il y a deux semaines, lorsque le chef de l'opposition
officielle a fait la sortie en compagnie de Mme Hivon, a fait référence aussi à
des demandes de Mme Poirier, formulées par Mme Poirier. Alors, je pense
que, du côté du Parti québécois, il y a aussi une volonté, il semble émerger
une volonté d'aller rondement. Et, pour ce qui est de la CAQ, là-dessus, bien,
il faudra voir, mais je crois qu'ils ont participé aux travaux de la commission
parlementaire. On avait une commission parlementaire qui était unanime. Lors de
cette commission parlementaire là, on a eu l'opportunité et le grand privilège
d'échanger avec des experts du domaine : le Dr Shuvo Ghosh, la Dre Susset,
qui sont des sommités en la matière au Québec, qui ont pu échanger avec les
parlementaires, parler de la réalité des enfants trans. Même, je vous avoue que
la commission, qui portait sur les modalités de changement de sexe pour un
adulte, a porté beaucoup sur la question des mineurs, d'où les recommandations,
à la fin, qui ont été formulées par les membres de la commission.
Alors, on verra, mais je vous dirais que,
de notre côté... Évidemment, on ne peut jamais présumer de la volonté des
parlementaires, mais, de notre côté, la volonté, elle est là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais donc des consultations élargies seraient superflues puisque ces
consultations-là ont déjà été tenues dans le passé.
Mme Vallée
: Mais les
leaders se sont entendus sur des consultations particulières il y a de ça
quelques minutes.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Qu'est-ce que ça signifie, ça? Deux, trois groupes?
Mme Vallée
: C'est sur
invitation. Bien là, c'est les leaders qui déterminent, mais c'est sur
invitation.
Mme Richer (Jocelyne) :
Est-ce qu'il n'y a pas, selon vous, un risque d'erreur de la part du
législateur quand on parle de mineurs, donc d'enfants et d'adolescents, chez
qui l'orientation sexuelle peut être floue? L'identité sexuelle peut être floue
chez certaines personnes. Est-ce qu'il n'y a pas un risque d'erreur?
Mme Vallée
: Le risque
d'erreur, il serait de ne pas permettre à un enfant de s'identifier au genre
auquel il croit s'identifier. Je vais vous donner un exemple. Stéphanie fait sa
transition et se présente comme François. Elle est vêtue comme un garçon, donc
il se présente comme étant François. Mais à chaque fois qu'il est devant un
professeur, à chaque fois qu'il est devant une direction d'école, il doit
expliquer pourquoi il est identifié comme étant une fille. Il doit faire cette
transition. À chaque fois qu'il va à la salle de bain, il doit expliquer ça
parce qu'on pose des questions. Mais toi, tu étais Stéphanie il y a quelques
mois. Pourquoi aujourd'hui… Ça, là, ça contribue à exclure des enfants. Et vous
n'avez pas idée de la solitude que vivent ces jeunes-là qui doivent déjà faire
face à une réalité personnelle qui est particulière, le regard de l'autre.
Expliquer tout son parcours à chaque fois pour être accepté, c'est terrible
pour un enfant. Et donc il n'y a aucune exigence de traitement médical, il n'y
a pas d'exigence. Et c'est d'ailleurs ça qui était...
Mme Richer (Jocelyne) :
Excusez-moi. Est-ce que c'est peut-être trop facile, ce qui fait que, de façon
impulsive, disons, un jeune pourrait dire : Je revendique un changement
de...
Mme Vallée
: C'est très
mal connaître la réalité des enfants trans, ce que vous posez comme question.
Mme Richer (Jocelyne) : ...et,
quelques années plus tard, vouloir refaire le chemin inverse?
Mme Vallée
: C'est très
mal connaître la réalité des enfants trans. Je vous invite, Mme Richer, à aller
écouter le... je vous réfère au témoignage de la Dre Susset, du Dr Ghosh
parce que ces questions-là ont été posées aux experts, et c'est à peu près
inexistant. Puis peut-être que Mme Pullen Sansfaçon pourra vous
l'expliquer davantage puisqu'elle travaille au quotidien auprès de ces
jeunes-là, mais les enfants trans, dans un premier temps... bon, les enfants qui
manifestent ce besoin d'être identifiés à une identité de genre qui est
différente de l'identité de leur acte de naissance, ça se manifeste de façon
très profonde de la part de l'enfant, ça se manifeste au fil des ans. Et ces
enfants-là sont bien souvent accompagnés et majoritairement accompagnés de
professionnels du milieu de la santé pour accompagner les enfants et la famille
dans la transition. D'ailleurs, vous verrez que le règlement prévoit qu'une
demande de changement de sexe pour un mineur est accompagnée évidemment de
documentation provenant du milieu de la santé — travailleurs sociaux,
psychologues, médecins dans certains cas — parce qu'une famille qui
traverse tout ça, souvent, a besoin d'accompagnement parce qu'on souhaite
toujours ce qu'il y a de mieux pour l'enfant. Puis l'exclusion de l'enfant,
l'exclusion sociale d'un enfant, ce n'est certainement pas ce qu'il y a de
mieux pour l'enfant.
Mme Richer (Jocelyne) : Il y
a deux catégories d'âge, hein? Il y a 14 ans et plus et moins de 14 ans.
Mme Vallée
: Exactement
comme les...
Mme Richer (Jocelyne) : Et,
je voudrais savoir, pour les jeunes, par exemple... Mais il n'y a pas de limite
inférieure. Autrement dit, si des parents se présentent avec un enfant de cinq
ans, puis il dit : Bien, mon garçon, c'est une fille, on procède? Il n'y a
pas de limite.
Mme Vallée
: Il n'y a pas
de limite. C'est 14 ans... Bien, l'âge de 14 ans est identifié parce qu'à
compter de l'âge de 14 ans un enfant peut consentir ou non à des soins
médicaux. Et donc c'est à partir de l'âge de 14 ans que la demande peut être
présentée par l'adolescente, par l'adolescent, de lui-même. Il faut penser
aussi, puis ça, on en parle très peu, mais il y a des enfants qui sont
actuellement placés en centre jeunesse ou placés auprès de familles d'accueil
parce qu'ils font l'objet de rejet affectif de la part de leurs parents en
raison de cette manifestation que leur identité de genre n'est pas leur
identité qui est officiellement déclarée. Et un jeune qui traverse cette
période, qui fait l'objet d'exclusion de la part de ses parents, ne peut pas
compter sur ses parents pour apporter les modifications. Et c'est donc pour ça
qu'on prévoit, à partir de l'âge de 14 ans, que l'enfant peut le faire
lui-même. Évidemment, l'autorité parentale est respectée, vous verrez dans les dispositions
du projet de loi, parce qu'elle est présente.
Mme Richer (Jocelyne) : Je
n'étais pas sûre de bien comprendre, là, le rôle des parents pour 14 ans et
plus, 14 et moins, à savoir à partir de quel moment, si un des deux parents dit :
Non, je refuse...
Mme Vallée
: Dans les
deux cas, le titulaire de l'autorité parentale ou le parent — parce
que, parfois, les parents n'existent plus ou ne sont pas présents — a
la possibilité de s'objecter. Et, dans un tel cas, le dossier est présenté
devant la cour, devant le tribunal, comme on le fait, par exemple, dans les cas
de consentement aux soins. Pensez à un enfant qui doit subir une intervention
chirurgicale. Parfois, pour des questions religieuses ou des questions de
principe, un parent va refuser. Et, lorsque l'intérêt de l'enfant est en cause,
les tribunaux sont rapidement saisis de la question et ont à se prononcer non
pas en fonction de l'intérêt des parents, mais bel et bien en fonction de
l'intérêt de l'enfant. Et, dans des cas comme ça, c'est certain que
l'accompagnement de la demande par des documents officiels va venir...
l'expertise va venir indiquer quel est l'intérêt de l'enfant.
Donc, évidemment, on balise parce que les
parents... mais je vous dirais qu'on a ces cas d'exception où les enfants font
l'objet d'un rejet affectif. Il faut quand même leur permettre de pouvoir
passer cette transition comme on le fait pour les soins de santé. Donc, on a
vraiment fait le parallèle avec les soins de santé. Si un adolescent de 14 ans
peut consentir à une opération, peut consentir à un traitement médical,
l'enfant a aussi la capacité de prendre ces décisions-là. Évidemment, les
parents font toujours partie de la décision.
Mme Richer (Jocelyne) :
Quelle vérification le Directeur de l'état civil devra faire pour s'assurer que
l'enfant ou l'adolescent qui dit être transgenre est vraiment transgenre?
Mme Vallée
: Le
Directeur de l'état civil s'assure que les critères sont remplis, donc de la
conformité des critères. Il n'a pas un pouvoir d'appréciation, comme il n'a pas
un pouvoir d'appréciation actuellement pour les adultes qui présentent une
demande de modification. Alors, ça aussi, on en avait discuté en long et en
large lors des consultations en commission parlementaire. Le Directeur de
l'état civil, lui, regarde si, à sa face même, le dossier correspond aux
exigences du projet de loi.
Mme Lajoie (Geneviève) : Il y
a un débat, en ce moment aux États-Unis, sur les toilettes, les vestiaires. Ce projet
de loi là, est-ce qu'il va clarifier la situation pour, par exemple, les écoles?
Un enfant qui va réussir à changer, donc, son identité de sexe à l'état
civil...
Mme Vallée
: Une petite
fille va dans la toilette des petites filles.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
donc est-ce que les commissions scolaires vont être tenues de suivre cette
directive-là, là?
Mme Vallée
: Vous
savez, on a déjà discuté de la question, vous et moi. L'objectif n'est pas
d'instaurer une police de la toilette, là, on s'entend. Une petite fille qui a
fait sa transition, qui est une petite fille, va aller à la toilette des
petites filles. Puis on s'entend qu'un enfant qui va à la salle de bain, un
adolescent qui va à la salle de bain, ils sont généralement pudiques, hein?
Alors, est-ce qu'on peut... Et mettre en place un réseau de salles de bain
parallèles peut aussi contribuer à stigmatiser les enfants davantage, puis ce
n'est pas du tout l'objectif.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous nous répétiez au cours des derniers mois, notamment l'été dernier, lorsque
vous étiez en train d'élaborer puis de modifier le règlement pour, bon, les
transgenres adultes, qu'une de vos principales préoccupations, c'était
d'assurer la stabilité du registre de l'état civil. Est-ce que vous estimez que
ce projet de loi là répond bien à cette préoccupation-là?
Mme Vallée
: Oui parce
que ce projet de loi là fait suite aux consultations. Lorsqu'on a abordé les
consultations, notre objectif, c'était d'assurer la stabilité des actes de
l'état civil. Et encore une fois je vous réfère... je pense que c'est le Dr
Ghosh qui est venu expliquer que les allers-retours, comme certains pourraient
les appeler, sont des cas d'exception. C'est vraiment...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Même chez les enfants?
Mme Vallée
: Même chez
les enfants, et c'étaient des cas d'exception. Et ça, il s'agit, comme je vous
le mentionnais tout à l'heure, des experts, des sommités ici, au Québec, qui,
au quotidien, travaillent avec les enfants, les parents des enfants trans et
aussi avec le milieu parce que, parfois, le travail, c'est aussi de
sensibiliser le milieu, de sensibiliser le milieu de CPE, l'école,
l'enseignant. Et puis, lorsqu'on relativise tout ça et lorsqu'on met de l'avant
l'intérêt de l'enfant, on estompe beaucoup de préoccupations et de
questionnements.
Journaliste
: Mrs. Vallée, would you say...
Mme
Lajoie (Geneviève) : Peut-être juste une dernière question en
français, une petite précision, justement pour le rôle des parents, là. Je
comprends après 14 ans. 14 ans et moins, vous dites que c'est la même
chose. Mais est-ce que je comprends que, dans ce cas-là, ça va être les parents
qui vont faire la demande?
Mme Vallée
: Les
parents ou le titulaire de l'autorité parentale.
Mme Lajoie (Geneviève) : Ou
le titulaire. Mais un parent, donc, peut s'opposer à ça.
Mme Vallée
: Oui,
certainement.
Mme Lajoie (Geneviève) : O.K.
Et puis vous nous dites que, là, ça s'en va devant le tribunal.
Mme Vallée
: Si un des
deux parents est en désaccord, n'est pas en accord avec la demande, le tribunal
tranchera pour déterminer si l'intérêt de l'enfant milite en faveur du
changement.
Une voix
: En Cour
supérieure.
Mme Vallée
: En Cour
supérieure, comme on le fait pour le consentement aux soins.
Mme Plante
(Caroline) : So, would you say that the situation is urgent? And what are the chances that this Bill 103 will be
adopted before the end of the session?
Mme Vallée
: We consider that it's urgent in the sense that we have a lot of
children, a lot of young girls and young boys that are waiting for this project
to go forward in order to have a more normal life, as we say, so that their
documentation and legal paperwork is in sync with their identity.
Mme Plante (Caroline) : When you say a lot, how many children?
Mme Vallée
: Well, we consider that, right now, we have about 20, is that… that
you know of or more than 20? Yes, most of the children are working with… «transgenre»,
but there are others that are in parallel. So, it's 0,3% of the population.
Mme Pullen Sansfaçon
(Annie) :
Dr Ghosh voit deux ou trois personnes.
Mme Plante (Caroline) : And can
I ask a question for Mrs. Sansfaçon?
Mme Pullen Sansfaçon (Annie) :
I didn't mean to cut you. I just wanted to give a
statistic that you might find interesting, actually.
Mme Vallée
: Non, non, non. Il n'y a pas de problème.
Mme Plante (Caroline) : Is there anything in the bill that you don't like?
Mme Pullen Sansfaçon
(Annie) : Listen, we looked at it an hour ago.
From what I've seen, we're really happy with it. You know, when Enfants
transgenres Canada, Gender
Creative Kids, went to do consultations with Ontario when
they changed their law, we asked for what's in this bill in terms of… the
children… you know, the part for
under 18. So, as far as the children are concerned, we are really happy with
that.
Mme Plante (Caroline) : How will this help Olie, very concretely, as she enters high
school, I believe?
Mme Pullen Sansfaçon
(Annie) : She's already in high school. I
mean, this is a long-term project, but it's going to help enormously. I mean, I
said earlier, you know : Imagine
you don't have an ID that corresponds to who you are. That means that, every
time you go to a place where you need to get an ID out, you have to explain, to
justify what you've got in your pants, which is totally unacceptable, you know, in a society that is supposed to
respect the dignity of people. So, how is it going to help Olie and other
children is that they're just going to be able to live a life that's going to
be facilitated. And I say facilitated because we've got to be aware that the
society is still… you know,
there's still a lot of work to do in terms of transphobia, there's still a lot
of work to do in terms of, like, stigmatization of trans youth, but, at least,
these young people will be in control of their identity. They will be able to
be affirmed and they will be also… I think it's extremely symbolic, what
happened today, because it is in fact the Government of Québec that says : You know what, trans youth? You exist, and
we recognize you. So, this is an extremely important piece of legislation, and we're really happy.
Mme Plante (Caroline) : And what is the importance of adopting this very quickly?
Mme Pullen Sansfaçon
(Annie) : It is extremely important because, as the Justice Minister
has just explained, there are some children who are waiting for that. There are
some children who are probably doing some advocacy to get those bill pass, but
there are some other kids who, you know, don't want to talk about being trans.
And so, these children just want to go on with their life. And, when you pass,
you know…
The start of the year is
always a very difficult one, September is always a very difficult one because
this is the moment you got to get your timetable. In a lot of schools, there's
still a «m» or «f» on your timetable. So, imagine the situation. And a child that is already anxious about starting school, who got
to go to get a timetable, which everyone will seebecause you need to look where you're going, you know, the room where you are going to have your course in...
you've got a sex mention. Then you need to go to get your ID
card. Again, you need to explain, you need to say : Well, it's the wrong
sex. No, we can't change it, there's a permanent code on that.
So, the start of the year
is extremely, you know, anxiety raising for any kid because they've got new
peers, they've got new teachers, they've got everything. And, when you talk
about trans youth, they also have a situation in which they have to argue with other people that the identity
they claim is the right one. So, it is extremely difficult.
So, yes, we need that
project urgently so that these children can actually start September 2016 with the right ID card. So, that's going to
get the stress…
M. Hicks (Ryan) : To the Justice Minister : Is there anything that will go hand in hand with this, touching on
what she was just talking about, when it comes to teachers, people in position
of authority, making them more aware to the reality of trans youth?
Mme Vallée
: Yes. Well, at the same time, we're having consultations with … «le plan de lutte à l'homophobie et
la transphobie», and our intention is to act on that part because that's not
something that is going to be necessarily dealt with with a piece of
legislation but mostly with programs, with education programs and a lot of
activities that are actually done greatly by «la Coalition des familles
homoparentales du Québec».
M. Hicks (Ryan) : And, just quickly, you talked about this before in terms of the
timetable for this, but considering that there would have to be «consultations
particulières» and we only have now about less than two weeks left before the
end of the session, is it actually realistic that this could be passed by next
Friday?
Mme Vallée
:
It is. As I said a few weeks ago, we had a motion here, and all parties said
that they wanted to go forward with this, they wanted to go quickly with this.
They pressed the Government for this. So, if they really meant it, now's the
time to show it.
Mme Plante (Caroline) : But why table a bill so late in the session?
Mme Vallée
:
Well, the bill had to be prepared. We had other things. Remember, we were
working on another kind of piece of legislation. So, this has been tabled and
here it is.
Mme Plante (Caroline) : 59 is what blocked it?
Mme Vallée
:
It's not 59, but we presented 98, we do have a lot of
things. We've made this a priority. We got it to go through all the process.
So, just so that you know, the same team of lawyers working on this bill were
the… «les légistes» working on 59 as well. So, they were spending their time in
the National Assembly with us
on the article by article. So, you know, that's one of the consequences, but we
dealt with that last week.
Des voix
:
Merci beaucoup.
Mme Vallée
: Merci! Merci
beaucoup!
(Fin à 15 h 46)