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Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin, et M. Dave Turcotte, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de lutte contre la pauvreté

Version finale

Le mardi 23 août 2016, 9 h

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Neuf heures une minute)

La Modératrice : Alors, bonjour à tous et à toutes. Alors, comme la commission sur le p.l. n° 70 va commencer aujourd'hui, Mme Nathalie Rech, porte-parole de la Coalition Objectif Dignité, va commencer par une déclaration. Ensuite, elle sera suivie par Mme Alexandra Pierre de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles. Il va y avoir ensuite M. Christian Nadeau, président de la Ligue des droits et libertés; M. Dave Turcotte, député de Saint-Jean et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de lutte contre la pauvreté; et ensuite va terminer Mme Françoise David, députée de Gouin et porte-parole de Québec solidaire.

Alors, Mme Rech, la parole est à vous.

Mme Rech (Nathalie) : Merci. Bonjour. Donc, nous sommes ici pour marquer la reprise des travaux de la commission parlementaire de l'économie et du travail sur l'étude détaillée du projet de loi n° 70, un projet de loi qui concerne les personnes qui sont sur l'aide sociale ou celles qui vont s'y retrouver dans les prochains mois. Le projet de loi a été déposé en novembre 2015. Depuis, il fait l'objet donc d'une commission parlementaire au cours de laquelle de nombreux intervenants se sont manifestés contre le projet de loi, notamment lors d'audiences publiques. Et, depuis novembre 2015, la Coalition Objectif Dignité, formée d'une vingtaine de regroupements d'organisations communautaires dans l'ensemble du Québec, s'est formée pour recueillir des appuis contre ce projet de loi pour différentes raisons.

D'abord, je tiens à dire qu'on... le point sur lequel on est d'accord avec le ministre Blais, c'est qu'effectivement les personnes sur l'aide sociale ont besoin d'un accompagnement personnalisé soutenu pour prendre ou reprendre leur place de façon active dans la société, que ce soit par le travail ou d'une autre façon. On est tout à fait d'accord que les personnes assistées sociales sont des personnes qui ont des grands besoins.

Par contre, la lecture de la situation que fait le ministre Blais, c'est là-dessus qu'on est vraiment en désaccord avec lui. Premièrement, le ministre base son projet de loi sur l'idée que les personnes doivent être contraintes pour se mettre en mouvement, pour changer leur situation, alors que ce qu'on voit concrètement dans les groupes communautaires dans lesquels on travaille, c'est que les personnes sur l'aide sociale font tous les jours des efforts pour s'en sortir. L'aide sociale, ce n'est pas une situation sur laquelle on a l'ambition d'être ni de rester. Ça, je peux vous le garantir. On rencontre tous les jours des gens qui sont dans cette situation-là. Les gens souhaitent sortir durablement de la pauvreté, et ce n'est pas l'approche d'Objectif emploi du ministre Blais qui va leur permettre.

Pourquoi? Parce que l'approche, d'abord, est basée, donc, sur des préjugés, mais aussi sur... des préjugés à l'encontre des personnes, mais aussi des idées préconçues sur le marché du travail. Par exemple, le ministre Blais n'adresse pas du tout la question de la discrimination à l'encontre des personnes, notamment, par exemple, les personnes immigrantes qui sont surreprésentées à l'aide sociale, qui rencontrent de grands obstacles pour trouver du travail au Canada et qui finissent par faire des allers-retours entre l'aide sociale et des emplois alimentaires pendant de nombreuses années.

Donc, il faut travailler vers une sortie durable de la pauvreté et non vers les mesures qui vont permettre aux personnes de sortir rapidement de l'aide sociale, mais finalement jamais sortir de la misère financière dans laquelle ils sont. Merci.

La Modératrice : Mme Pierre.

Mme Pierre (Alexandra) : Bonjour. La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires bénévoles est formée de 40 regroupements nationaux. Ces regroupements abordent la santé et les services sociaux sous différents angles : femmes, santé mentale, sécurité alimentaire, communautés ethnoculturelles, périnatalité, etc. À travers ses membres, la table rejoint plus de 3 000 groupes communautaires de base dans tous les secteurs à travers toutes les régions du Québec.

L'expérience de nos membres démontre que plusieurs des personnes qui survivent à l'aide sociale ont besoin de prendre soin de leur santé ou de régler des grandes difficultés avant de pouvoir se trouver du travail. Dans notre réseau, les groupes accompagnent des femmes victimes de violence, des personnes toxicomanes, des personnes qui viennent de recevoir des diagnostics qui transforment leur vie. On peut penser au diagnostic VIH-sida.

Nos groupes accompagnent aussi des aidantes naturelles qui soutiennent des membres de leur famille au quotidien. Toutes ces personnes, tous ces cas-là, on se rend compte que, dans tous ces cas, les personnes ne sont pas toujours capables de chercher du travail au moment où des fonctionnaires leur ordonnent de le faire. Autrement dit, ces personnes-là ne pourront pas suivre les exigences du projet de loi n° 70 tel qu'il est formulé aujourd'hui. Ces personnes vont tout simplement se faire couper de l'aide sociale.

Un des problèmes du projet de loi n° 70, c'est qu'il est basé sur un certain nombre de préjugés. M. Blais ne cesse de nous dire que les prestataires ne veulent pas travailler, qu'il faut les forcer à se mettre en action. Or, la grande majorité des prestataires tente d'adhérer à un programme d'employabilité, mais ils se heurtent à des grandes difficultés. On peut en citer quelques-unes : des budgets insuffisants, c'est-à-dire qu'on veut faire une formation, mais notre agent nous dit que les budgets ont été dépassés, qu'il n'y a plus d'argent pour pouvoir s'inscrire; des démarches de base comme la francisation, l'alphabétisation, finir son diplôme d'études secondaires ou son diplôme d'études professionnelles, tous ces types de mesures là sont exclus de ce qui est finançable comme démarche d'insertion professionnelle. C'est grave, quand on sait que deux tiers des personnes qui sont à l'aide sociale n'ont, par exemple, pas leur diplôme d'études secondaires.

Il y a aussi le fait que les mesures sont souvent inadaptées aux aspirations des prestataires. Le classique, c'est une professionnelle, par exemple, technicienne en laboratoire à qui on dit de faire une formation pour devenir... pour ouvrir un CPE. Donc, ça n'a rien a voir avec ce qu'elle a envie ou son expérience professionnelle et aussi l'idée que les mesures sont parfois inadaptées aux conditions des personnes. On peut penser, par exemple, aux personnes qui ont un handicap et qui ont de la difficulté à suivre ces programmes-là pour une raison ou pour une autre.

Donc, c'est pour toutes ces raisons-là qu'on demande que l'aide sociale demeure non conditionnelle à des démarches de retour à l'emploi. Par contre, à l'instar de la Coalition Objectif Dignité dont on est membre, la table souhaite que tous ceux et celles qui veulent s'engager dans un parcours de réinsertion professionnelle puissent le faire grâce à des mesures adaptées et des mesures en nombre suffisant. Et, comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, c'est loin d'être le cas en ce moment.

Les membres de la table exigent donc que le ministre Blais retire le projet de loi n° 70 et qu'il propose plutôt des façons d'améliorer réellement l'accompagnement des prestataires. Évidemment, on demande aussi une hausse substantielle des prestations pour garantir le droit à la santé et à la dignité de tous les prestataires. Pour nous, c'est la base.

La Modératrice : M. Nadeau.

M. Nadeau (Christian) : Bonjour. Alors, la question qu'on doit se poser fondamentalement, c'est : Qu'est-ce que cela veut dire, «faire société»? Dans une société comme la nôtre, il y a de nombreuses institutions qui permettent une telle chose à la condition que ces institutions ne se détournent pas de leur finalité et ne finissent pas par détruire, au contraire, ce pour quoi elles existent.

Ce que nous pensons, à la Ligue des droits et libertés, mais avec de nombreux autres organismes, c'est que, dans une société comme la nôtre, les mesures d'aide sociale sont des mesures de justice au même titre que d'autres mesures qui permettent les droits et libertés. Or, dans une société comme la nôtre, malheureusement, les droits et libertés ne sont que très rarement reconnus au même titre. Et dans un contexte d'interdépendance des droits, où les libertés civiles devraient être semblables aux droits et libertés relatifs à la dignité des personnes, très souvent, nos débats vont se préoccuper davantage des droits et libertés des plus riches au détriment des droits et libertés des plus pauvres.

Il ne s'agit pas de mesures de pitié. Il s'agit, encore une fois… ni de mesures de charité. Il s'agit de mesures de justice sociale, et c'est pour cette raison que des organismes et des organisations comme les nôtres se battent et veulent faire reconnaître que les mesures d'aide sociale doivent demeurer dans leur état actuel, sans modification, c'est-à-dire sans modification qui entraîne des formes de pénalités.

Il est tout à fait normal de rechercher le retour au plein emploi. Et comme on l'a dit précédemment, il est impossible de concevoir des personnes qui souhaitent vivre uniquement de l'aide sociale. Cela dit, de croire que le retour au travail se fera par des sanctions est totalement contraire à ce que nous pourrions appeler ou ce que j'ai nommé au départ faire société.

Je vous remercie.

La Modératrice : M. Turcotte.

M. Turcotte : On le voit, les appuis au projet de loi n° 70 n'augmentent pas. C'est plutôt les gens qui s'y opposent, qui s'y opposent à cause des sanctions, qui s'y opposent parce que c'est une réforme de l'aide sociale déguisée. On le voit, le ministre Blais lui-même a ouvert la porte, lors de la dernière session parlementaire, pour la refermer aussitôt en disant : Il y aurait peut-être des solutions pour les sanctions, les obligations. Et là on ne sait toujours pas ce qu'il veut.

Donc, ce qu'on lui demande… Ce matin, nous allons commencer la commission parlementaire. Il a eu le temps de réfléchir cet été. Les jeunes libéraux, eux, ont réfléchi, on a connu leur opinion, mais le ministre, lui, on ne connaît toujours pas son opinion sur le projet de loi n° 70. Parce qu'il faut se rappeler que ce n'est pas son projet de loi, c'était le projet de loi du ministre Hamad.

Donc, qu'est-ce qu'il veut? Est-ce qu'il va maintenir les sanctions? Est-ce qu'il va maintenir l'obligation? Est-ce qu'il va maintenir les pénalités? Est-ce qu'il va maintenir une coupe déguisée à l'aide sociale? Parce que c'est quand même ça, il faut le dire. Donc, nous lui demandons d'avoir une position claire, d'arriver avec ses idées. Et, on le voit, il y a eu des exemples qui ont été donnés, en ce moment, le ministre ne prend aucune obligation sur ses épaules, aucune responsabilité comme ministre. Il a coupé le nombre d'agents d'aide sociale, il a coupé dans les programmes pour aider les gens à l'aide sociale, il a coupé dans les organismes qui aident les gens à l'aide sociale, il a coupé dans les carrefours jeunesse-emploi. Donc, la responsabilité, à l'heure actuelle, c'est le ministre qui devrait la prendre et prendre ses responsabilités.

Donc, nous attendons sa position. Il a eu l'été pour réfléchir. J'espère qu'il a eu de bonnes réflexions parce que, nous, nous avons encore beaucoup de questions et de commentaires à faire valoir sur le projet de loi n° 70.

La Modératrice : Mme David.

Mme David (Gouin) : Alors, à l'instar de mon collègue, j'aimerais ajouter que nous avons passé quelques dizaines d'heures à discuter de l'article le plus controversé du projet de loi, c'est-à-dire celui qui introduit la notion de pénalité, et ce que nous avons apporté, c'est une somme d'arguments très loin d'être futiles, des arguments de droit — Christian Nadeau en parlait — des arguments de fait. Tous les organismes qui travaillent auprès des jeunes et auprès des personnes assistées sociales nous ont apporté de multiples exemples pour nous dire : M. le ministre, ne faites pas ça, ça va être improductif. Nous avons apporté des arguments juridiques. Le Québec a signé des lois, signé des ententes, le Québec a une charte des droits et libertés. Vraiment, nous avons fait — ensemble, d'ailleurs — notre travail.

Et le ministre revient, dans une lettre ouverte envoyée aux journaux au mois de juin, avec cette fameuse idée des pénalités en disant : Le centre local d'emploi a contacté 65 personnes, il y en a quatre qui ont accepté de participer puis finalement il y en a deux qui l'ont fait. Mais on n'a aucune idée de qui étaient ces personnes. Pourquoi n'ont-elles pas participé? Est-ce qu'elles sont maintenant sorties de l'aide sociale de toute façon? Savez-vous qu'au terme de la commission, lorsqu'on a cessé les activités à la mi-juin, ça a été pour apprendre que le nouveau demandeur à l'aide sociale reste en moyenne neuf mois à l'aide sociale? On est en train de déchiqueter une loi de soutien au revenu, là, la loi de dernier recours, pour une présence à l'aide sociale des nouveaux demandeurs de neuf mois? On se demande, mon collègue du PQ et moi, à quoi le ministre joue. Sincèrement, là, il nous fait perdre notre temps.

Alors, on l'invite vraiment à revenir sur sa position, à nous apporter des propositions constructives. On est prêts à en débattre. Pour nous, il ne saurait être question de pénalités, mais on est très ouverts à la discussion pour imaginer ensemble les meilleures façons de venir en aide aux personnes assistées sociales.

La Modératrice : On va maintenant passer à la période de questions. Par respect pour les groupes présents, je vous demanderais de vous concentrer sur le sujet du projet de loi n° 70. M. Salvet.

M. Salvet (Jean-Marc) : Bonjour. Jean-Marc Salvet du Soleil. Mme David, en juin, vous aviez dit que le projet de loi n° 70, il n'en tient qu'à vous, va être maintenu en commission parlementaire, que vous alliez le bloquer, vous alliez utiliser, avez-vous laissé entendre, toutes les manoeuvres qu'on peut utiliser en commission parlementaire pour qu'il n'en sorte pas. Est-ce que vous n'avez pas donné des arguments au ministre Blais pour qu'il procède par bâillon?

Mme David (Gouin) : Je ne le pense pas. Je pense que ce que j'ai dit et je le répète aujourd'hui, c'est que nous ne laisserons pas adopter facilement à un ministre un projet de loi qui est inique. Est-ce que ça veut dire qu'on va s'amuser à dire n'importe quoi en commission? Non. Et je vous souligne que, si vous avez eu la patience d'écouter les 40 heures de discussion sur l'article 28, le début de l'article 28, vraiment, le collègue et moi, nous avons fait notre travail, nous avons vraiment fait nos devoirs. On invite le ministre à les faire aussi. On a apporté une série d'arguments intelligents, fondés, documentés.

C'est ce que nous allons continuer de faire. Il n'est pas question d'obstruction stupide, mais il est question de mettre le ministre au pied du mur et de lui dire : M. le ministre, il n'y a absolument personne au Québec, sauf deux associations patronales, c'est tout, sur quatre, qui pensent que les pénalités, c'est intelligent. Alors, comme vous êtes tout seul et qu'on est nombreux, peut-être que vous pourriez nous écouter et on pourrait peut-être discuter. On est ouverts à la discussion.

M. Salvet (Jean-Marc) : Je comprends qu'il y a une opposition de principe sur les pénalités. Un bruit a circulé à un moment selon lequel il pourrait jouer sur la hauteur des pénalités, c'est-à-dire peut-être les diminuer. Je lui poserai la question tout à l'heure. L'opposition est de principe, c'est-à-dire aucune pénalité, quelle que soit la hauteur? M. le député du Parti québécois.

M. Turcotte : Bien, nous sommes contre les sanctions monétaires, là, qui sont mentionnées dans... Puis en même temps, il faut le dire, le projet de loi n° 70, on ne les connaît pas, les sanctions. Il nous a déposé sur le coin d'une table un bout de papier, là, qu'il y a quelques chiffres là-dessus, mais on ne sait pas si c'est ça qui va passer au Conseil des ministres. Ce n'est pas dans le projet de loi. Donc, c'est faire un chèque en blanc au ministre puis au Conseil des ministres, quand on sait très bien que M. Blais dit quelque chose dans les médias puis dit l'autre chose en commission parlementaire. Une journée, il dit blanc; l'autre journée, il dit noir. Donc, on ne peut pas lui faire confiance, là, sur le montant des sanctions, si ce n'est pas inclus dans le projet de loi puis s'il ne le dit pas dans le micro, là, et, en ce moment, ce n'est pas le cas.

M. Cormier (François) : Bonjour François Cormier de Radio-Canada. Est-ce que vous réclamez aussi le retrait du projet de loi au complet ou seulement l'article 28? Parce que les organismes, c'est le projet de loi au complet qu'ils veulent retirer.

Mme David (Gouin) : Pour Québec solidaire, toute la partie du projet de loi qui porte sur l'aide sociale ne peut être adoptée dans sa facture actuelle, c'est très clair.

M. Turcotte : Nous, on a toujours demandé le retrait du projet de loi parce que c'est un projet de loi qui est, je vais le dire dans mes mots, là, tout croche. Le problème, c'est qu'il nous fait travailler sur un projet de loi que lui-même a décrié par le passé lorsqu'il était à l'université. Donc là, on est pris avec ce projet de loi là. S'il veut continuer à étudier ce projet de loi là, on peut continuer à travailler là-dessus, mais on a beaucoup d'amendements. Moi, je crois que ça aurait été plus simple si le ministre avait retiré son projet de loi et déposé un nouveau projet de loi qui a plus de bon sens.

M. Cormier (François) : Vous avez parlé tout à l'heure des formations qui sont données, qui ne correspondent pas nécessairement aux aspirations des gens. Cela dit, ma réflexion, c'est : Si je ne me retrouve pas d'emploi en journalisme, ce n'est pas des formations en journalisme qu'il faut que j'aie, là, c'est des formations pour d'autres emplois. Est-ce qu'il n'y a pas lieu de se questionner là-dessus quand même? Non?

Mme Pierre (Alexandra) : Bien, la question, c'est de savoir si ça répond, un peu comme vous l'avez dit, si ça répond aux aspirations. C'est-à-dire que c'est sûr qu'on peut comprendre qu'on propose des formations aux prestataires où est-ce qu'ils peuvent se trouver des emplois, mais il faut que, dans ces propositions-là, ça corresponde à ce qu'ils veulent faire et ce qu'ils ont envie de faire. Et on se rend compte que souvent ces propositions-là sont plus liées aux stricts besoins à court terme du marché du travail plutôt que des perspectives qui pourraient faire en sorte que les personnes puissent sortir de la pauvreté.

Donc, travailler dans la restauration, par exemple, ou ce type d'emplois là qui correspondent à des besoins à court terme du marché du travail, ça fait que les gens, oui, se trouvent des emplois, et encore, mais qu'ils restent toujours dans la pauvreté. Donc, c'est la question des aspirations puis de la capacité à sortir de la pauvreté sur le long terme aussi.

Mme David (Gouin) : Je peux peut-être vous apporter un exemple archi concret et que le ministre n'est même capable de contester. Il y a eu une mode, dans les dernières années, d'essayer d'envoyer tous les prestataires de l'aide... j'exagère, tous, mais une bonne partie des prestataires de l'aide sociale dans des formations pour devenir préposé aux bénéficiaires, parce qu'il y avait un besoin, c'est vrai, mais là il fallait que tout le monde devienne préposé aux bénéficiaires.

Or, ça n'est pas donné à tout le monde d'être préposé aux bénéficiaires. Il faut avoir envie de s'occuper de personnes handicapées, de personnes âgées avec des problèmes de perte d'autonomie. Il faut quand même avoir certaines dispositions, en plus de la formation, pour faire ce genre de travail. Est-ce que j'ai besoin de vous dire que c'est un emploi qu'on proposait surtout aux femmes, d'ailleurs? Et, quand les personnes disaient : Mais c'est parce que moi, je pense que je ne serais pas bonne, ce n'est pas ça que je veux faire dans la vie, laissez-moi finir mes études secondaires — j'en ai eu, un cas, dans mon bureau — ah, bien là, c'était déjà plus compliqué parce que ça, c'est long, ça peut prendre un an ou deux pour qu'une personne réussisse à finir ses études secondaires.

Alors, ce qu'on a dit souvent au ministre, mon collègue et moi, en commission, c'est : Il ne faut pas troquer le soutien au retour à l'école pour avoir un diplôme par des formations très, très, très court terme, à très courte vue, et qui, dans un certain nombre de cas, ne répondent pas du tout aux aspirations des personnes, ni à leurs motivations, ni à leurs capacités.

M. Gagnon (Marc-André) : Bonjour. Marc-André Gangon du Journal de Québec. Écoutez, dans votre communiqué, vous parlez des femmes victimes de violence, de toxicomanes, même des personnes qui sont atteintes du VIH, du sida. Pourtant, le projet de loi, je pense qu'il est clair depuis le début qu'il s'adresse uniquement aux personnes qui sont aptes au travail. Il est question d'essayer d'amener les gens qui sont aptes au travail vers un projet. Il n'y a pas un peu d'exagération ici, là?

Mme Pierre (Alexandra) : Je dois dire qu'un des problèmes avec le régime d'aide sociale en ce moment, c'est que c'est très difficile de faire reconnaître un certain nombre de situations, parfois des situations médicales, mais, à d'autres moments, des situations sociales, disons. Il y a beaucoup de prestataires qui ont des situations médicales et qui peuvent avoir même un mot du médecin, etc., et, parce que l'administration de l'aide sociale est très complexe, ne réussissent jamais ou ça prend beaucoup de temps avant qu'ils réussissent à être reconnus.

Donc, non, il n'y a pas d'exagération. Quand je pense, par exemple, de femmes victimes de violence, bien, c'est très difficile de faire reconnaître un certain nombre de situations, d'apporter les preuves que veulent les fonctionnaires, et, dans ce sens-là, bien, plein de prestataires qui devraient être inaptes, temporairement ou de façon permanente, se retrouvent dans la catégorie apte.

M. Gagnon (Marc-André) : M. Turcotte, Mme David, bon, facile de dire : On demande au ministre qu'il retire son projet de loi. Il y a eu deux ministres sur le même projet de loi, et ils n'ont toujours pas eu l'intention de le retirer. Donc, dans l'hypothèse où ils le maintiennent, ce qui risque fort d'arriver, est-ce que je dois comprendre qu'il faudrait à tout le moins que les pénalités, là, je comprends que vous n'en voulez pas de pénalités, mais que les pénalités que le ministre veut imposer, qu'elles soient précisées dans le projet de loi?

M. Turcotte : Mais on est contre le principe des sanctions qui... Il peut les mettre dans le projet de loi, là, mais... premièrement, il ne peut pas le faire, là, parce qu'un projet de loi, on ne peut pas changer ça... Dans les faits, sur le plan légal, ça ne se fait pas, là. Mais l'enjeu de base demeure que nous sommes contre les sanctions, les sanctions monétaires, là, qu'il est question. Donc, il peut les mettre dans le projet de loi, mais ça n'empêche pas qu'il n'aura toujours pas répondu à nos questions puis à notre volonté.

Moi, je crois que le ministre a manqué plusieurs occasions de prendre la main tendue de ma collègue, de moi, des groupes. On a déposé plusieurs amendements et on a déposé des... même on a déposé des motions ici, à l'Assemblée nationale, pour scinder le projet de loi en deux. La première partie du projet de loi est terminée d'étudier.  Elle serait déjà mise en vigueur en ce moment sur toute la question de l'adéquation formation-emploi, mais le gouvernement... et le ministre s'est toujours entêté à dire : Moi, je veux mon projet de loi, je veux mon projet de loi. À force de s'entêter, là, bien, on perd notre temps, puis il n'aura pas le résultat qu'il souhaite.

Donc, moi, je crois qu'il a eu l'été et j'espère qu'il a réfléchi, il est dans de meilleures dispositions, parce que sinon, nous, on va continuer.

M. Gagnon (Marc-André) : Donc, vous trouvez qu'il a été trop peu transparent. Pourquoi? Il est gêné, là, le ministre ou...

Mme David (Gouin) : Il est surtout inconstant, mais ça, c'est un fait, là. Effectivement, mon collègue a raison : une journée, ouverture; le lendemain, fermeture. Il s'épanche devant les médias en disant : Ah! moi, je suis très ouvert à la discussion, mais il revient en commission puis, sur les pénalités, il est intraitable.

Je vous soumets que c'est le point majeur du projet de loi. Si on pouvait biffer ça, là, le reste du projet de loi, on aurait des amendements, c'est sûr, hein, on veut faire notre travail de parlementaires, on veut bonifier, ça, c'est clair, mais on finirait par l'adopter. Ça, c'est le coeur, c'est le noeud et c'est la responsabilité du ministre de dénouer ce noeud, comme d'ailleurs c'est sa responsabilité de finir enfin par expliquer sur des bases scientifiques — c'est un ancien chercheur, le ministre — des bases scientifiques pourquoi il faut absolument des pénalités pour aider les gens à se sortir de la pauvreté. Honnêtement, là, la démonstration n'est même pas faite. Je vous le rappelle, les nouveaux demandeurs à l'aide sociale restent en moyenne neuf mois à l'aide sociale, même sans aide et sans programme particulier. Tout ça pour ça, ce n'est pas sérieux.

M. Cormier (François) : Je m'en permets une autre. Vous parlez de neuf mois, on peut quand même utiliser les chiffres comme on veut. Est-ce qu'il n'y a pas des cas... non, non, mais c'est-à-dire : Est-ce qu'il n'y a pas des cas extrêmes pour lesquels il faut des limites ou vous n'en voyez pas de cas qui sont restés sur l'aide sociale parce qu'ils... par choix?

M. Turcotte : Mais, dans le cas du... premièrement, le neuf mois, c'est le ministre qui nous... j'ai posé une question bien candidement, il nous a donné cette réponse-là. En ce moment, son programme, le programme Objectif emploi, prévoit 12 mois. Donc, si la moyenne est neuf mois, ça fait en sorte que c'est sûr qu'il y en a qui ont un peu plus que neuf mois, il y en a qui ont donc moins que neuf mois. Mais il nous a dit que, dans la grande majorité des cas, c'était moins qu'un an que les nouveaux demandeurs restaient à l'aide sociale. Donc, on fait tout ça pour ça, mais...

M. Cormier (François) : Mais je repose ma question pour ceux que c'est plus d'un an. Ceux que c'est plus d'un an, est-ce qu'il ne faut pas...

La Modératrice : Ça va être la dernière question.

M. Turcotte : Moi, je crois que justement ces gens-là dont vous faites mention peut-être que c'est eux qui ont davantage besoin d'aide, d'accompagnement. En ce moment, un nouveau demandeur qui fait une demande à l'aide sociale ne peut pas rencontrer un agent. Est-ce que c'est normal au Québec? Non. Un nouveau demandeur qui veut embarquer dans un programme puis tout ça, souvent, va se dire : Non. Il va se faire dire : Non, ça ne fonctionne pas parce que votre plan d'emploi ou votre plan d'études ne répond pas à nos programmes, nos critères, etc. Il y a des programmes qui ne cohabitent pas ensemble ou on ne peut pas les mixer ensemble pour régler le problème.

Si on voulait vraiment, là, si on voulait vraiment sortir les gens en emploi, là, il y a des façons très simples qui ont été soumises par les groupes dans tous les mémoires, mais le ministre ne les écoute pas. Il veut faire son plan à lui, c'est tout.

La Modératrice : Merci.

(Fin à 9 h 27)

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