(Neuf heures vingt-quatre minutes)
M. Lisée
: Bonjour. Aujourd'hui,
on veut poser un geste, faire un geste positif pour des milliers, des dizaines
de milliers de Québécois qui ont vécu un traumatisme de santé dans leur vie, un
cancer, et qui s'en sont remis, et pour lesquels la science dit : Vous en
êtes remis pour de bon. Et pourtant, dans les assurances, parfois dans les
hypothèques et dans d'autres transactions, le fait que ces citoyens aient eu un
cancer fait en sorte qu'ils paient plus cher, fait en sorte qu'ils ont de la difficulté
à avoir un prêt supplémentaire. Ils sont obligés de le déclarer et les
assureurs considèrent que ça fait partie du risque, alors que la science dit
que le risque a disparu.
Alors, il doit y avoir, lorsque le risque
scientifique est disparu, le droit à l'oubli. Le citoyen doit pouvoir dire :
Écoutez, je suis guéri pour de bon, arrêtez de me pénaliser pour quelque chose
qui n'est plus risqué. Diane.
Mme Lamarre : Alors, ce matin,
donc, on va tendre la main au ministre de la Santé et lui proposer de travailler
ensemble sur la rédaction d'un projet de loi, un projet de loi qui viserait à
confirmer et reconnaître ce droit à l'oubli. La France l'a déjà fait. La France
a reconnu différents paramètres d'exclusion, et donc je crois qu'il y a des
modèles qui existent déjà, et nous pensons que c'est possible également de le
faire ici.
À titre d'exemple, en France, lorsque les
gens ont été pendant 15 ans après la fin de leur traitement, donc la fin de
leur traitement, ça inclut chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, 15 ans
plus tard, les gens ont le droit à l'oubli et ne peuvent plus être soumis à des
surprimes ou à des exclusions au niveau de leurs assurances. Pour les tout
jeunes, donc les gens qui ont eu des cancers à l'âge de 15 ans ou moins, cette
période-là n'est que de cinq ans avant qu'ils puissent donc avoir le droit à
l'oubli qui permet de ne plus avoir à déclarer ces antécédents médicaux là. Et
il y a cinq cancers particuliers pour lesquels vraiment on a des données
probantes qui démontrent que quelques années après la fin des traitements, eh
bien, le risque est vraiment très, très faible ou nul par rapport à l'ensemble
de la population et donc que ces gens-là peuvent également bénéficier du droit
à l'oubli.
Alors, nous, on pense qu'il y a une mesure
qu'il est très possible d'intégrer. Actuellement, il y a une clause dans la charte
québécoise des droits et libertés qui permet une forme... aux assureurs de
discriminer sur la base de l'état de santé. C'est intéressant et c'est
pertinent, par exemple, pour le tabagisme, on le voit. Alors, ça, c'est
correct, mais on est capables, à l'intérieur d'un projet de loi, d'amender cet article-là
et de faire en sorte que, pour les patients qui ont eu un cancer qui est bien
guéri, bien, à ce moment-là, ces gens-là ne soient plus pénalisés à vie, dans
certains cas, par le fait qu'ils ont eu une maladie qui s'est avérée avoir été
guérie complètement.
La Modératrice
: On
serait prêts à prendre les questions. Est-ce que vous avez des questions?
M. Dion (Mathieu) : Mathieu
Dion, Radio-Canada. Pourquoi est-ce que le gouvernement libéral pourrait être
réticent à adopter une mesure comme celle-là, justement, à aller de l'avant à
ce niveau-là, selon vous?
Mme Lamarre : Bien, ça nous
semble quelque chose qui est très positif et très juste à l'endroit des citoyens.
Alors, j'espère très sincèrement que le gouvernement libéral va être d'accord
avec cette proposition qu'on va lui faire ce matin.
M. Dion (Mathieu) : Où est-ce
que ça pourrait bloquer, en fait? C'est ça qui...
Mme Lamarre : Écoutez, moi, je
vais... on va voir où ça va bloquer, mais peut-être que certains assureurs
privés pourraient ne pas vouloir ouvrir sur cet enjeu-là parce que ça leur
permet, dans certains cas, de facturer des surprimes à certains de ces
patients-là. On a des cas, là, où les gens ont des surprimes pour pouvoir avoir
accès à une assurance hypothèque ou à une assurance habitation.
M. Lisée
: On ne
présume pas que ça va poser un problème. C'est comme pour les Air Miles hier.
On fait des propositions, on présume de la bonne foi du gouvernement. On veut
faire des gestes positifs pour les citoyens et on leur envoie le signal :
Nous, on est prêts à travailler avec vous là-dessus. C'est déjà arrivé.
Habituez-vous à nous voir faire des
propositions qui ne sont pas des propositions de confrontation, qui sont des
propositions constructives, et franchement, on espère que le gouvernement va
accueillir positivement cette proposition. Ce serait bien que l'Assemblée
nationale puisse agir dans ce sens-là, évidemment pas d'ici Noël, parce qu'il y
a une modification législative, mais on est prêts à s'asseoir avec le ministre de
la Santé pour trouver... on a parlé à nos juristes, de trouver la voie de
passage. Il s'agirait d'une modification à la charte des droits et libertés
pour permettre ce droit à l'oubli, une réglementation qui serait collée sur la
science, c'est-à-dire que l'INESSS, par exemple, pourrait dire : Bon,
bien, maintenant, compte tenu des nouveaux traitements, on sait qu'après 10
ans, sur tel cancer, il n'y a plus de risque de récidive, donc on pourrait
ajuster, de façon scientifique, ces choses-là. On est dans le positif. On est
dans rendre service aux citoyens.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Justement, vous avez abordé la question que vous estimez qu'il faut modifier
essentiellement la charte des droits et libertés. Ce n'est pas de compétence
fédérale, il ne faut pas revoir la Loi sur les assurances ou...
Mme Lamarre : C'est la charte
québécoise des droits et libertés.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Québécoise, oui, oui, évidemment.
M. Lisée
: Ici, en ce
moment, la charte interdit les discriminations, mais les permet, par exemple,
pour les fumeurs, pour le tabagisme. Donc, il est spécifié dans la loi que des
conditions de santé peuvent permettre une discrimination. Vous payez plus cher
vos assurances si vous êtes fumeur.
Et donc il faut baliser ce droit à la
discrimination pour des raisons attitudinales, disons, en disant : Bien,
on va exclure le cas de conditions cancéreuses qui ont passé un certain cap
scientifiquement prouvé, et, dans ce cas-là, vous ne pouvez plus discriminer
pour des gens qui sont hors de la zone de risque.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Je
ne sais pas si vous avez consulté des personnes qui ont vécu un cancer, qui ont
subi un cancer. C'est quoi, le poids de ces surprimes d'assurance là, là, pour
ces personnes-là, là, qui ont, pensent-elles, tourné une page?
Mme Lamarre : Bien, dans
certains cas, c'est l'exclusion complète, hein? Ils ne peuvent pas avoir, par
exemple, une assurance hypothèque sur leur maison. Alors, dans certains cas,
c'est vraiment une exclusion. À cause d'un cancer antérieur, on ne permet pas.
Dans d'autres cas, c'est des surprimes qui peuvent aller... et qui peuvent
varier, là, mais qui peuvent être presque du double par rapport à une prime
normale. Mais, dans ce que les gens nous rapportent beaucoup aussi, c'est que,
dans certains cas, ils sont complètement exclus du potentiel de pouvoir prendre
une assurance pour eux.
Alors, c'est des gens qui sont deux fois
malchanceux. Alors, ils ont une maladie déjà, et puis, cette maladie, elle
guérit, et puis ils continuent d'en payer le prix toute leur vie, dans le fond.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Quelle serait la portée de ce changement législatif là? Il y a combien de
personnes qui pourraient bénéficier, selon vous...
Mme Lamarre : Écoutez,
actuellement, c'est une personne... en fait, deux personnes sur cinq qui ont un
cancer, ça va évoluer vers une personne sur deux. Bien sûr, il ne s'agit pas
d'exclure complètement tout le monde. Par exemple, en France, pour l'ensemble
des cancers, c'est 15 ans qui est la période où le droit à l'oubli s'applique
spontanément, je vous dirais. Pour un certain nombre d'autres cancers, il y a
des périodes plus courtes. Mais je pense que pénaliser ces gens-là, dans le fond,
sans avoir une bonne raison de le faire, puisque maintenant on a assez de recul
par rapport à l'appréciation des taux de survie en cancer, bien, ce n'est pas
justifié.
Alors, il faut tout simplement corriger.
Maintenant qu'on a accès à des données probantes qui démontrent que les gens
qui ont eu un cancer n'ont pas plus de risque, dans certains cas, après un
certain nombre d'années, d'avoir une récidive, bien, je pense qu'il faut tout
simplement les libérer de cette discrimination-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais on doit s'attendre à des activités quand même importantes de lobbys pour
ne pas que votre projet passe, des compagnies pharmaceutiques... d'assurance.
M. Lisée
: Sûrement, sûrement,
mais nous, on est là pour défendre les citoyens. Et, comme vous l'avez dit,
combien de gens ça peut couvrir? Bien, des centaines de milliers et bientôt des
millions. Et donc il est bon d'intervenir maintenant avant que le problème
devienne trop important, mais il y a des cas de gens qui ne peuvent pas avoir
une assurance hypothèque alors qu'ils sont complètement hors de danger. Alors,
on veut redresser un tort et c'est le temps de le faire.
La Modératrice
: Mme
Lajoie.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour. Est-ce que je comprends que c'est exactement la même proposition
qu'avaient faite M. Cloutier et Mme Lamarre durant la course à la chefferie?
Mme Lamarre : Bien, on avait
déjà réfléchi sur ce dossier-là. Moi, c'est un dossier qui me tient beaucoup à
coeur.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
c'est les mêmes paramètres qui…
Mme Lamarre : Je pense que les
gens qui sont victimes d'un cancer maintenant, il y a des approches qui,
vraiment, n'ont pas été mises à niveau à leur endroit. Et, quand j'avais
assisté au colloque de la Coalition Priorité Cancer, c'était un des enjeux, une
des revendications qui m'avait semblé être tout à fait légitime, parce qu'il y
avait 600 personnes dans la salle, et ces gens-là pouvaient témoigner,
finalement, du bien-fondé d'une mesure comme celle-là, d'une nouvelle
législation tout à fait juste, en fait. C'est un problème… C'est un enjeu
d'équité à l'endroit de ces personnes.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, c'est les mêmes paramètres, là. Vous parliez de 15 ans, tout ça, parce
qu'on s'était parlé de ça à l'époque.
Mme Lamarre : Semblables, mais
on est ouverts... Exactement.
M. Lisée
: Bien, il y a
eu des tas de bonnes idées dans cette campagne.
Mme Lamarre : Et on est
ouverts à faire d'autres modalités. Moi, je pense même que c'est par voie
réglementaire, comme Jean-François l'a dit tantôt, parce qu'au fur et à mesure
que les données probantes vont avancer sur les taux de survie, bien, je pense
qu'on pourra le réajuster.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Est-ce qu'ouvrir la porte, justement, au cancer, dans ce cas-là, est-ce que ça
ne pourrait pas ouvrir la porte à d'autres maladies aussi où il y a une
rémission possible?
Mme Lamarre : Bien, en fait,
vous l'avez bien mentionné, l'idée, c'est qu'il faut qu'il y ait une guérison.
Alors, oui, il y a déjà une autre maladie, l'hépatite C, par exemple, pour
laquelle, avant, les gens étaient victimes d'une discrimination très prolongée.
Maintenant, on le sait, il y a un traitement pharmacologique qui guérit
l'hépatite C. Alors, en France, ils ont aussi ajouté l'hépatite C en plus des
cinq cancers, mais je pense que, là aussi, si on a des preuves qu'on guérit une
maladie, pourquoi les gens en resteraient victimes pendant tout le reste de
leur vie ensuite?
Mme Lajoie (Geneviève) :
Selon vous, si le ministre Barrette, si le gouvernement libéral n'ouvre pas la
porte à cette proposition-là, qu'est-ce que ça veut dire?
M. Lisée
: On présume
de leur bonne foi. Nous, on est ici pour faire cette proposition-là en toute
bonne foi, et puis la balle est dans leur camp.
Mme Lamarre : On est
convaincus que c'est positif pour la population, alors je pense qu'on va
essayer vraiment de faire en sorte que ça arrive pour les Québécois.
La Modératrice
: M.
Croteau.
M. Croteau (Martin) :
Bonjour. Quel impact aurait votre proposition sur les primes d'assurance des
gens?
Mme Lamarre : Je m'excuse, je
n'ai pas bien entendu...
M. Croteau (Martin) : Quel
impact aurait votre proposition sur les primes d'assurance que paient
l'ensemble des gens, finalement?
Mme Lamarre : Bien, vous
savez, actuellement, il y a beaucoup de patients qui sont exclus, alors il n'y
a pas de... ils ne sont pas assurés, actuellement. Alors, ils vont pouvoir être
assurés. Je pense que, quelque part, les assureurs vont en bénéficier parce que
les gens vont pouvoir prendre une assurance. Et, pour ceux qui sont dans une
situation de surprime, bien là, je pense que ce sera finalement... nous, on n'a
pas à prendre position pour les assureurs et la façon dont ils vont gérer ça,
mais je pense qu'on doit requestionner la pertinence d'imposer des surprimes à
des patients pour qui ce n'est pas justifié de le faire.
M. Croteau (Martin) : Mais,
pour des gens qui paient actuellement une assurance, le fait... finalement, ils
vont collectivement devoir couvrir le risque supplémentaire entraîné par la
couverture des gens qui ont déjà eu un cancer. Donc, est-ce que ça, ça ne
risque pas d'entraîner une hausse des primes d'assurance pour les...
M. Lisée
: Il n'y a pas
de risque. C'est justement, on dit... la science a établi qu'il n'y a pas de
risque. Alors, ces surprimes-là ne sont pas justifiées, et il n'y a pas de
risque à couvrir par qui que ce soit. On l'établit, on l'établit par règlement.
Et effectivement, si des assureurs ne sont pas à jour sur la science et donc
excluent un certain nombre de cotisants, bien, ils vont augmenter le nombre de
cotisants. On ne voit pas pourquoi ça devrait nuire à leur bilan. Au contraire,
c'est simplement une évolution d'une situation sur laquelle peut-être les
assureurs ne sont pas sur la crête de la science. Mais nous, on défend les citoyens,
donc on doit intervenir.
M. Croteau (Martin) : Donc,
pour vous, il n'y a aucune raison pour que cette mesure entraîne une hausse des
primes d'assurance que la plupart des gens paient finalement.
M. Lisée
: Aucune
puisqu'il n'y a pas de risque. Voilà.
La Modératrice
: M.
Hicks.
M. Hicks (Ryan) : Good morning. Why now for this law? What was the tipping point that
has made you come forward to pitch this right now?
Mme Lamarre :
It's because we strongly believe that it's time to… this lack of legislation is
creating discrimination for some patients, and, in France, they introduced this
law one year ago now. So we have a lot of people here, in Québec, who told us
that they were suffering from this kind of discrimination and it's… As soon as
we can, we just ask for changing what it's causing any discrimination to our
population, to our…
M. Hicks (Ryan) : Have you got in the sense yet if the Government is open to this?
Mme Lamarre :
I didn't have any reaction before. We will open it very friendly, I would say.
We hope for collaboration and, if it is as soon as possible, it will be
introduced in our law.
M. Hicks (Ryan) : Mr. Lisée, right now or maybe about half an hour ago, Mr. Couillard
gave a speech at the Education consultation. Do you think that the Government
has reinvested enough into education after the cuts of the past two years?
M. Lisée
:
You know, we computed that, just on the Montréal Island, they cut almost a
billion dollars from what a normal growth should have been. So this reinvestment is far, far, far from just coming back to
cruising speed, and we thought that cruising speed was not high enough.
So, I mean, it's going to
take a lot more reinvestment just to be on an even keel. It's as though someone
robbed everything in your house and is bringing back a toaster and say : You
should applaud, I'm bringing back the toaster. No. I mean, no, we're missing so
many staff to help disadvantaged children, we're missing reinvestment in the
schools, we're missing a lot, and this Government has set back education in Québec at least
three years, at least three years, and some of these children who have not been
diagnosed for autism, for instance, these are crucial years that they've lost
forever.
This Government's been dismal in education. Now,
they're window dressing. If, at least, they would correct the damage done, but
they're not even there yet, and so it's going to be… in the history of
education in Québec, this Government is going to be one
of the worst, simply said.
M. Hicks (Ryan) : We heard a story last night about some concerns about Jehovah's
Witnesses and that they're not doing enough to protect children against abuse. I
just wanted to know if you had any reaction to that. Is there anything that the
province can do to step in?
M. Lisée
:
Well, clearly, in a perfect world, the police would have intervened before. In
a perfect world, these people would have known not to go to a parallel system
but to file complaint with the police. And so we have to be more proactive
within all these sects, to tell the members : You have rights and do not
believe that the parallel system is the rightful one. It's not the rightful
one. Some may be… well, in this case, it was clearly an abuse of justice, an
abuse of persons. So everyone should know… and one of the reasons why we're
pushing for a citizenship education in the classes for all children in Québec, so
that they all know that they have rights and they should not bend to parallel
justice systems.
Des voix
:
Merci.
(Fin à 9 h 41)