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Point de presse de Mme Manon Massé, députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques

Version finale

Le vendredi 2 décembre 2016, 13 h

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Treize heures six minutes)

Mme Massé : Oui, alors, bonjour, tout le monde. Effectivement, je suis entourée de deux soeurs autochtones qui, aujourd'hui, sont venues sonner à la porte du gouvernement du Québec, sont venues sonner à la porte de la solidarité des femmes élues du Parlement du Québec pour faire une demande bien explicite que je vais les laisser vous expliquer.

De mon côté, je vais vous rappeler... et vous le savez, depuis quelques semaines, je viens régulièrement devant vous pour dire et redire qu'il est incontournable que le gouvernement du Québec agisse promptement pour faire en sorte que ce qui se passe actuellement entre les Premières Nations et les corps policiers à travers le Québec, qu'on trouve une solution afin de redonner confiance à l'ensemble des autochtones, mais particulièrement les femmes.

Ce matin, je déposais une motion en demandant au gouvernement, d'une part, de reconnaître, parce que c'est un état de fait, que, pour la première fois, les femmes élues de l'association des premières nations du Québec et du Labrador faisaient une prise de position publique en interpellant le gouvernement du Québec et que nous voulions aussi honorer le fait que nous avons, entre femmes élues, qu'on soit des Premières Nations ou allochtones, des liens, on a des défis communs et on l'a déjà reconnu à travers une entente de solidarité qu'on a signée par le passé.

Vous comprendrez qu'à l'instar de mes frères et soeurs autochtones je ne pouvais faire autrement que, dans la motion, réitérer la nécessité que le gouvernement du Québec enclenche rapidement sa commission d'enquête judiciaire sur les rapports entre les Premières Nations et les corps policiers. J'avais l'appui des deux autres partis d'opposition. Le gouvernement du Québec a encore cru bon de ne pas répondre favorablement à cette demande.

Mais je vais laisser mes soeurs vous expliquer plus précisément quelle est cette déclaration que les femmes élues de l'Assemblée des Premières

Nations ont faite. Et je vais laisser, dans un premier temps, à Mme Adrienne Jérôme, qui est chef du Lac-Simon et représentante responsable des dossiers femmes à l'association des premières nations du Québec et du Labrador... Et par la suite prendra la parole Mme Marjolaine Étienne, qui est conseillère à Mashteuiatsh...

Mme Étienne (Marjolaine) : Vice-chef.

Mme Massé : ...vice-chef, conseillère vice-chef, pardon — merci Marjolaine — à la communauté de Mashteuiatsh et qui est la présidente et donc porte-parole des femmes élues à l'association des Premières Nations du Québec et du Labrador. Adrienne.

Mme Jérôme (Adrienne) : Depuis le rapport du DPCP, le groupe de travail des femmes élues de l'APNQL, dont le je suis aussi le porteur de dossier des femmes, au niveau de l'APNQL... Parce qu'il y a plus de déjà un an, les femmes des Premières Nations du Québec dénoncent des actes d'abus de pouvoir, de violence, d'agression sexuelle commis par des policiers de la SQ, de la sécurité du Québec, parce que, dans son rapport, le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec tient à préciser que le fait qu'aucune accusation criminelle ne soit portée dans certains dossiers ne signifie pas que les événements allégués ne se sont pas produits, parce que l'observatrice indépendante, Mme Fannie Lafontaine, dans son rapport, constate que l'existence d'un racisme systémique des forces de l'ordre à l'endroit des membres des Premières Nations, nous, les femmes, demandons aussi une enquête indépendante judiciaire au niveau du Québec.

Mme Étienne (Marjolaine) : Kuei. Marjolaine Étienne, vice-chef pour la communauté de Mashteuiatsh, également aussi membre du groupe de travail des femmes élues de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.

En fait, dans la continuité de ce que Mme Jérôme a mentionné à l'effet de la situation et également de la demande d'une commission d'enquête, vous savez qu'au sein de la nation du Québec il y a aussi des représentations des femmes, donc des femmes élues, qui sont de plus de 90 femmes, là, élues au sein de leurs communautés. Donc, ces femmes élues proviennent des gouvernements de la nation au Québec, et, comme vous le savez, nous avons un rôle et une responsabilité qui est d'oeuvrer au mieux-être et au développement et à la sécurité de nos membres, de nos nations. Donc, à l'instar de nombreux groupes de la société civile, nous sentons, effectivement, là, que nous sommes interpellées, comme femmes, comme femmes élues, comme femmes de Premières Nations au niveau du Québec, par la situation qui est survenue à Val-d'Or. Donc, pour nous, c'est certain que nous souhaitons assurer aux femmes, aux jeunes filles et à tous les membres de nos nations un avenir empreint de justice, de respect des droits humains. Et c'est dans cette optique que les femmes élues de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador se joignent à la table des chefs pour demander au gouvernement la tenue immédiate d'une enquête judiciaire indépendante sur les aspects touchant les relations sur les services policiers de partout du Québec et les Premières Nations.

Donc, ce matin, une motion a été déposée. Elle n'a pas fait objet de débat, mais c'est certain qu'effectivement on vient donner un signal clair à l'Assemblée nationale de pouvoir faire en sorte de bien comprendre et de conscientiser l'ampleur de la situation, à l'heure actuelle. Ce qui se passe à Val-d'Or, c'est une chose, mais il reste quand même qu'il y a encore d'autres communautés autochtones au niveau du Québec et qu'il y a encore des femmes et des jeunes femmes… Je vois, en avant de moi, des jeunes femmes autochtones qui sont là, qui nous écoutent puis je veux faire en sorte, effectivement, de leur donner une lueur d'espoir, de faire en sorte aussi, également, qu'il est important aussi de continuer à dénoncer des choses que personne n'a le droit de pouvoir vivre. Le geste qui a été fait par les femmes de Val-d'Or qui ont dénoncé est un geste, effectivement, très difficile mais elles ont passé le pas, donc ce pour quoi on souhaite que le gouvernement puisse nous entendre et puisse agir le plus rapidement, nous donne une réponse maintenant et urgente pour qu'on puisse effectivement faire la lumière dans cet événement-là. Donc, là-dessus je terminerais. Merci beaucoup.

Mme Massé : Merci. Alors, vous voyez, je pense que le consensus social à l'effet que la seule façon que nous pourrons redonner aux femmes autochtones, aux filles autochtones, aux hommes autochtones la conviction que les corps policiers ne sont pas là pour les emmerder, pour les harceler, pour les abuser mais ils sont là pour les protéger, la façon d'y arriver, c'est en s'assurant qu'une enquête soit mise au jeu. Et ce que je veux que vous reteniez, entre autres aujourd'hui, c'est que les femmes élues autochtones, qui sont 90 femmes dans toutes les communautés du Québec, ces femmes-là viennent joindre leur voix. Et elles vivent sur le terrain ce que ça veut dire, le racisme systémique dans leur communauté. Alors, elles joignent leur voix, et la première interpellation qu'elles font, c'est pour que cette commission d'enquête ait lieu. Merci.

Le Modérateur : On va prendre des questions sur le sujet de la conférence de presse uniquement. Mme Crête.

Mme Crête (Mylène) : Mylène Crête, Radio-Canada. Avez-vous des exemples concrets de racisme systémique?

Mme Jérôme (Adrienne) : Chaque jour, presque à tous les jours, nous autres, on le vit au Lac-Simon. On a la SQ qui est présentement dans nos territoires de 7 heures le soir jusqu'à 7 heures le matin. Comme, hier encore, il y a eu une situation d'une femme que son enfant, tu sais, comme tous les adolescents, tu sais, là c'était sa première virée, puis là la police l'a ramené à la maison et il a dit à la femme : Arrête de boire. Moi, 60 % de ma communauté, là, ils ne consomment pas, là. Mais cette femme-là, elle fait partie des 60 % qui n'est pas encore... Là, là, déjà là, là, il a déjà comme fait des préjugés à la femme sans savoir c'est qui, elle. Tu sais, c'est des choses comme ça qu'on vit. On vit ça presque à tous les jours encore.

Tu sais, même à la ville de Val-d'Or, tu sais, on en vit, des situations, tu sais, on en vit aussi sur notre territoire, chez nous, là, dans la communauté. Puis il faut que ça cesse, ces préjugés-là. Puis c'est comme... Tu sais, ça monte la tension à ma communauté. Moi, je dois, en tant que chef, toujours calmer ma communauté. Tu sais, je suis toujours là à faire éteindre des feux, à savoir qu'on est en train de travailler, qu'on est là, nous autres, les chefs, qu'on fait des choses pour ces femmes-là, à nos membres de la communauté. C'est pour ça que moi, je suis encore présente ici. Ce n'est pas juste chez nous, c'est partout, je crois.

Mme Crête (Mylène) : Êtes-vous au courant... Dans votre communauté, quand vous avez entendu les cas d'agression de Val-d'Or, là, que Radio-Canada a mis au jour il y a un an, est-ce que vous vous êtes dit : Ah! il y a la même chose chez moi? Est-ce qu'il y a des cas comme ça aussi à Lac-Simon?

Mme Jérôme (Adrienne) : Il y a plusieurs communautés, je crois, tu sais, il y a les Attikameks, il y a les Innus qui ont porté des plaintes. Comme vous le savez, dans le rapport, il y a deux plaintes à Schefferville qui ont été retenues. Bien, il y a plusieurs femmes qui ont vécu ces situations-là. Puis quand ils ont vu que, le SPVM, il enquêtait sur la SQ, il enquêtait sur son frère SQ, il y a plusieurs femmes qui ont reculé, elles ont juste regardé le bateau passer. Elles savaient que le rapport, il allait sortir comme ça. Tu sais, elles ont comme tout de suite cliqué, eux autres, ces femmes-là, là, qu'enquêter sur son frère, mais ça devait sortir comme ça, le rapport.

Mme Crête (Mylène) : C'est des femmes qui auraient pu porter plainte?

Mme Jérôme (Adrienne) : Oui, c'est des femmes qui auraient pu porter plainte. Il y en avait une centaine encore, mais elles ont reculé.

Mme Crête (Mylène) : Pas juste à Lac-Simon?

Mme Jérôme (Adrienne) : À Lac-Simon, oui, il y en a plusieurs à Lac-Simon. Il y en a plusieurs à Kitcisakik encore aussi parce qu'à Kitcisakik, eux autres, ils n'ont pas de service de police à eux, c'est la SQ qui dessert la communauté. Il y a Winneway aussi. Tu sais, on est autour de ces villes-là.

Mme Crête (Mylène) : Donc, quand vous dites «une centaine», ça fait référence géographiquement à quel territoire?

Mme Jérôme (Adrienne) : C'est dans l'Abitibi-Témiscamingue, il y a plus d'une centaine, là.

Mme Crête (Mylène) : Une centaine de cas que vous, vous connaissez?

Mme Jérôme (Adrienne) : Oui, oui.

Mme Crête (Mylène) : Ça changerait quoi, une commission d'enquête indépendante, là, vraiment, là, sur le fond, là? Parce que le gouvernement dit : Bien, pourquoi on n'investit pas plus d'argent au niveau des services?

Mme Jérôme (Adrienne) : Pour nous, ça ne sert à rien d'injecter de l'argent alors que le problème, il n'a pas été identifié. Tu sais, nous autres, on se fait passer pour des menteuses, tu sais, à la télévision. Mais nous autres, on a le droit d'être protégées, on a le droit, nous autres, d'être sécurisées, on a le droit d'être écoutées puis d'être respectées en tant que femmes. Tu sais, je pense que ce serait la même chose pour toi. Si tu avais à débattre la question des femmes du Québec, je pense que tu serais dans la même position que moi.

Le Modérateur : M. Bellerose.

M. Bellerose (Patrick) : Juste pour être clair, la centaine de cas que vous citez, c'est une centaine de cas où des policiers auraient commis des abus quelconques envers des femmes autochtones?

Mme Jérôme (Adrienne) : Oui, oui, c'est une centaine encore.

M. Bellerose (Patrick) : D'accord.

Mme Jérôme (Adrienne) : Mais, quand elles ont vu ça, il y a plusieurs femmes qui ont reculé, j'en connais, et c'est à tous les jours comme ça.

M. Bellerose (Patrick) : D'accord. Et cette centaine de femmes là a reculé parce qu'elles n'avaient pas confiance dans le système de justice.

Mme Jérôme (Adrienne) : Non. Encore là, la confiance est vraiment très minime.

M. Bellerose (Patrick) : Vous avez évoqué le racisme systémique dont Mme Lafontaine parlait. Avez-vous été déçue de voir que le ministre Kelley a refusé d'utiliser ces mots-là, de «racisme systémique»?

Mme Jérôme (Adrienne) : Oui. Si je suis déçue? Je suis déçue de lui parce que, tu sais, il devait nous consulter, là, tu sais. Lui, il devait comme nous protéger, de protéger le dossier autochtone, tu sais, vu qu'il est ministre, de venir voir aussi. Tu sais, il a la responsabilité du dossier autochtone puis aussi de défendre l'intérêt des autochtones, je crois.

M. Bellerose (Patrick) : Comment qualifieriez-vous le travail de M. Kelley depuis le début de la crise à Val-d'Or?

Mme Jérôme (Adrienne) : Il n'était pas, comme, très présent et pas...  Je crois qu'il devrait être plus présent, plus présent. Tu sais, il y a le maire de Val-d'Or, tu sais, qui nous appuie fortement. Il a été chercher un appui au niveau de toutes les MRC, il y a eu un appui. C'est plus le maire de Val-d'Or, je le remercie beaucoup. Même si c'est chez eux que ça se passe, il y a une bonne collaboration du maire.

M. Bellerose (Patrick) : Est-ce que M. Kelley est toujours la bonne personne pour porter le dossier au gouvernement?

Mme Jérôme (Adrienne) : À date, on essaie d'avoir quand même un lien avec lui, d'avoir des discussions avec lui.

M. Bellerose (Patrick) : Quel message ça vous enverra si le gouvernement Couillard décide de vous offrir moins qu'une commission indépendante?

Mme Jérôme (Adrienne) : Non, nous autres, on refuse, on refuserait. On veut la commission indépendante. Je pense que c'est la demande de toutes les femmes, de toutes les communautés du Québec. On a eu une assemblée spéciale urgente la semaine passée, puis c'est la position des femmes.

M. Bellerose (Patrick) : Mais ça vous enverrait le message, dans le fond, que ce n'est pas assez important pour avoir une commission d'enquête?

Mme Jérôme (Adrienne) : Comment tu dis ça?

M. Bellerose (Patrick) : Quel message ça vous enverrait si le gouvernement Couillard n'accepte pas de créer une commission indépendante?

Mme Jérôme (Adrienne) : Bien, c'est parce qu'on n'est pas importantes, nous autres, on n'est comme rien dans la société. Moi, c'est ça, c'est le message qu'on va interpréter.

Mme Massé : Marjolaine, tu semblais vouloir...

Mme Étienne (Marjolaine) : Bien, peut-être juste un complément. Effectivement, si on sent qu'effectivement il y a une réflexion qui est là... Je pense que ça fait plus d'un an, on se rappellera, ça fait un an. À un moment donné, il faut arrêter de réfléchir et passer à l'action. Réfléchir encore pour quelques semaines, tout ça, la situation, elle se perdure encore. Et le fait de ne pas, effectivement, gérer cette chose-là... Et c'est certain que les femmes élues des gouvernements des nations de l'APNQL vont aussi de l'avant avec la table des chefs pour demander, effectivement, cette commission d'enquête là immédiatement. Comme je le disais tantôt, ça prend une réponse maintenant et urgente. La réflexion est terminée. Du moment où est-ce qu'on réfléchit, les choses sur le terrain se poursuivent, puis c'est ça qu'il faut arrêter. Il faut effectivement que le premier ministre se positionne rapidement dans ce dossier-là et qu'on ait un signal clair. Ce n'est ni oui ni non, mais ça prend une réponse urgente.

Mme Crête (Mylène) : Mais, quand vous dites «passer à l'action», moi, il y a quelque chose... c'est ça que je ne comprends pas, parce qu'il y a des ministres du gouvernement, la semaine passée, vendredi, qui laissaient entendre que peut-être ça serait mieux de mettre l'argent qu'on mettrait dans une commission d'enquête indépendante pour financer soit des services ou peu importe, là. Je sais qu'il y avait la nouvelle qui était sortie de poste de police à Val-d'Or, là, pour répondre aux besoins des autochtones. Donc, quand vous dites «passer à l'action», ça, ça ne convient pas comme action?

Mme Étienne (Marjolaine) : Bien, en fait, on parle d'argent, et nous, on parle de femmes. Quand on parle de femmes, on parle de droits, on parle de respect, on parle de faits, comme femmes de Premières Nations, d'être aussi égales avec les autres femmes du Québec. Il y a effectivement cet aspect-là qu'il faut considérer aussi, également, c'est des humains, c'est des femmes qui ont vécu des situations très, très, très difficiles. C'est une chose. Mais il faut faire en sorte, effectivement, que, si on parle d'argent, bien, à côté, la situation n'est pas réglée, là. Moi, ce que je veux faire sentir à mes jeunes filles, aux femmes de ma communauté puis celles aussi des autres nations, c'est qu'on est là au mieux-être, on est là pour assurer la sécurité, et c'est un rôle aussi également du gouvernement, et là je fais appel à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, d'être aussi avec nous. On en a besoin. Puis, s'il faut arriver à travailler sur quelque chose, bien, il faut le travailler ensemble. C'est tout.

Mme Massé : Merci.

Le Modérateur : Merci beaucoup. Au revoir.

(Fin à 13 h 26)

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