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Conférence de presse de M. Éric Laporte, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur , M. Jean Domingue, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux , et de M. Sébastien Proulx, leader parlementaire de l'opposition officielle

Présentation du projet de loi n° 397 - Loi modifiant le Code civil en matière d'adoption

Version finale

Le jeudi 12 juin 2008, 11 h 22

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures vingt-deux minutes)

M. Laporte: Donc, bonjour à tous. Merci beaucoup d'être ici, aujourd'hui, de démontrer de l'intérêt pour une cause qui est si importante, celle des enfants adoptés qui cherchent à connaître leurs antécédents, qui cherchent à connaître leurs filiations biologiques.
Je vous présente tout de suite, d'entrée de jeu, les gens qui m'accompagnent aujourd'hui. Vous avez, à ma gauche, Mme Caroline Fortin, présidente du Mouvement Retrouvailles, ainsi qu'à ma droite Mme Thérèse Gagné, qui est une personne qui va venir vous faire un témoignage, une personne adoptée qui vit présentement avec les difficultés de la loi actuelle. Vous connaissez aussi mes deux collègues de l'ADQ, M. Domingue et M. Proulx.
J'aimerais juste souligner aussi, d'entrée de jeu... remercier M. Alain Roy, qui nous a conseillé pour ce projet de loi là. M. Roy est professeur de droit à l'Université de Montréal, un spécialiste en matière du droit de l'adoption.
Donc, ce projet de loi, le projet n° 397, vise à permettre aux personnes adoptées d'avoir accès à leurs dossiers d'adoption donc pour plusieurs raisons.
Entre autres, premièrement, on pourrait parler de tout ce qui est filiation génétique, pour connaître leurs antécédents médicaux. Vous savez, quand vous allez chez le médecin, on vous pose la question: Est-ce qu'il y a des antécédents, supposons, de cancer ou autres maladies dans votre famille? Bien, ces personnes-là, ici, aujourd'hui, elles, ne peuvent pas répondre à ces questions-là parce qu'elles ne sont pas au courant, ne connaissent pas leurs antécédents. Donc, c'est vraiment une question primordiale pour nous de pouvoir permettre à ces personnes adoptées là de connaître leurs antécédents, non pas seulement pour ces personnes-là, mais également pour leurs enfants, parce que ça va toucher les générations futures également.
Une deuxième raison, c'est évidemment la question de tout ce qui est émotionnel, psychologique. Le vide qui est créé chez ces personnes-là dans le fait de ne pas connaître leurs parents d'origine, bien, pour certaines personnes, c'est un vide qui est très dévastateur, qui est très préoccupant. Donc, nous, on veut mettre les chances du côté des personnes adoptées de pouvoir combler ce vide-là. En Ontario, ils ont bougé, eux, vous le savez peut-être. Le 14 mai dernier, il y a un projet de loi qui a été adopté. L'Ontario avait déjà, dans le passé, déposé un projet de loi qui avait été adopté mais qui avait été aboli trois jours plus tard en cour. Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont pris les objections de la cour pour refaire un autre projet de loi qui, cette fois-ci, ne devrait pas avoir de problème. Pour l'instant, il n'y a aucun problème, aucune réticence au projet de loi. Donc, nous, on s'est inspirés de ce projet de loi en grande partie malgré quelques différences entre les deux.
Présentement, ce qui se passe, c'est que c'est un dossier qui est complètement mis de côté par le gouvernement libéral. Aux études des crédits 2007, on a eu un rapport qui a été déposé, c'est juste une coïncidence que ça ait été déposé pendant les études des crédits, mais c'est le rapport du groupe de travail Carmen Lavallée concernant l'adoption. On a demandé en étude des crédits, à ce moment-là, et au ministre de la Santé, M. Couillard, et au ministre de la Justice, M. Dupuis: Qu'allez-vous faire avec ce rapport-là? Ce qu'on nous a dit, c'est qu'ils étaient censés faire une consultation publique à l'automne - l'automne passé - il n'y a jamais rien eu. C'est vraiment la solution péquiste, comme on connaît depuis toujours: problème, rapport, tablette. C'est exactement ce qui est appliqué présentement avec le dossier de l'adoption puis - vous allez avoir des témoignages tantôt - je pense que c'est un manque de respect immense envers les personnes adoptées que, eux, c'est un combat de tous les jours, ça fait des années qu'ils se battent pour faire avancer leur dossier. Puis là on a gouvernement qui a tabletté complètement ce dossier-là.
Donc, nous, on souhaite vraiment faire avancer les choses dans ce dossier-là. On veut premièrement que le gouvernement appelle notre projet de loi. C'est un projet de loi, je vous l'ai dit d'entrée de jeu, on a été conseiller des spécialistes, on a été, c'est-à-dire, on a été consulter des spécialistes et conseillés par des spécialistes, donc c'est un travail qui a été fait sérieusement, avec beaucoup de rigueur, avec les demandes des personnes adoptées, des personnes directement concernées. Donc, on voudrait que le projet de loi soit appelé, ensuite qu'on fasse les consultations publiques pour voir s'il n'y a pas moyen de l'améliorer, de le peaufiner. On est prêts à discuter donc, mais il faut aller de l'avant.
Donc, nous, on a reconnu le problème. Puis ça fait longtemps qu'on l'a reconnu, le problème. Entre autres, en 2007, dans notre plateforme électorale, nous avions déjà un élément qui disait clairement qu'on voulait permettre aux adoptés de retrouver leur filiation biologique. Donc, ce n'est pas nouveau pour nous d'avoir cette cause-là à coeur. Donc, on a une position, on a une solution avec ce projet de loi là. Ce qu'on demande au gouvernement libéral, c'est de, lui, nous donner sa position, parce qu'il n'a jamais été clair sur la question, puis ensuite de déposer... d'appeler le projet de loi pour qu'on puisse aller de l'avant avec notre solution, puis on verra si on peut l'améliorer ou non avec leurs recommandations. Mais il faut que ça aille de l'avant; c'est un dossier qui a assez traîné. Par respect pour tous les adoptés du Québec qui veulent retrouver leurs origines, on ne peut pas laisser ça traîner encore comme ça.
Donc, je vais passer la parole immédiatement à Mme Caroline Fortin, qui va vous adresser la parole en tant que présidente du Mouvement Retrouvailles et personnes adoptées.

Mme Fortin (Caroline): Merci. Alors, moi, j'aimerais débuter avec un slogan qu'on entend souvent pour les 400 ans de la ville de Québec et qui s'apparente très bien avec le désir des personnes concernées par l'adoption, donc on va vous dire Célébrons nos racines. C'est vraiment ce qu'on aimerait entendre, là, dans les prochains mois.
Alors, on est ici, aujourd'hui, pour représenter 300 000 enfants qui ont été confiés à l'adoption depuis les années 1920, ainsi que les personnes qui sont directement concernées, soit 1,3 million de personnes, et on parle ici des parents biologiques, parents adoptifs et enfants adoptés. À ce chiffre-là vous pouvez ajouter, là, grands-parents, frères, soeurs, oncles et tantes et tous les descendants de ces enfants adoptés là. Donc, le chiffre est énorme. Alors, ce n'est pas pour 1 000 ou 2 000 personnes, là, on parle de millions de personnes ici.
Alors, j'aimerais remercier premièrement M. Éric Laporte, député de L'Assomption, ainsi que M. Jean Domingue, député de Bellechasse, et les représentants de l'ADQ, notamment Sylvie Roy et Marc Picard, qui sont députés de Lotbinière et Chutes-de-la-Chaudière, pour leur appui dans nos démarches et le dépôt de ce projet de loi là qui modifie le Code civil en matière d'adoption. Alors, on les remercie de porter le flambeau pour la cause de toutes ces personnes qui se cherchent et se recherchent.
Moi-même adoptée, j'ai eu le plaisir de retrouver ma mère biologique en 1996 ainsi que quelques frères et soeurs. Je me suis impliquée au mouvement par la suite pour aider les personnes qui n'ont pas eu la chance que, moi, j'ai eue, je vous dirais, de retrouver ma mère en l'espace de quelques mois. Ça a été relativement facile, mais je voyais autour de moi, là, qu'il y avait énormément de... énormément de souffrance et d'attente, de peine, et bon, nommez le sentiment négatif que vous voulez face à ça, il y en avait beaucoup. Donc, depuis ce temps-là, je suis au Mouvement Retrouvailles et je veux vraiment aider ces gens-là à combler le grand vide, qui est le fait de ne pas savoir qui ils sont, c'est ça, qui elles sont et pour les aider dans leur quête d'identité.
Alors, depuis 25 ans, le Mouvement Retrouvailles s'applique à préparer et à accompagner les personnes désireuses de sortir de l'ombre - on parle ici autant des enfants adoptés que des parents biologiques - et de retrouver leur identité et de retrouver leur enfant, si possible de réaliser des retrouvailles. Donc, on a, au Mouvement Retrouvailles, une banque de données qui a plus de 13 000 noms parmi lesquels on peut faire des concordances. On a un site Internet qui est très intéressant, qui a été visité par près de 1 million de personnes jusqu'à date et on a environ 7 000 messages, là, de personnes qui ont l'espoir de mettre fin à ces longues années d'attente. Donc, de façon à combler leurs besoins profonds sur leur origine et leur identité au même titre que tous les autres enfants, nous luttons pour cette reconnaissance.
Selon nous, chaque personne vivant sur cette terre doit connaître son identité, qu'elle soit adoptée ou non. La réalité est tout autre. La personne adoptée sans le consentement de son parent biologique ne peut accéder à son identité originelle. De plus, si cette personne ne connaît pas son statut d'adopté, rien n'a été mis en place au fil des ans pour l'en informer; cette responsabilité demeure celle des parents adoptifs. Même si la majorité de ceux-ci ont informé leurs enfants de la situation réelle, il y a encore, en 2008, plusieurs adultes qui ignorent leur statut d'adopté. Alors, essayez d'imaginer qu'à 55, 60 ans vous apprenez que vous êtes adopté, je vous laisserai réfléchir là-dessus, ce n'est pas toujours évident. Alors, c'est insensé qu'en 2008 on ignore encore notre statut d'adopté et qu'on ignore notre identité première, notre identité réelle.
Ces enfants devenus adultes sont coupés de toute filiation sanguine. Il est reconnu que le lien filial entre les enfants et les parents revêt une importance primordiale. En adoption, ce lien filial est coupé. L'adopté est l'objet d'une transaction, alors qu'il devrait en être le sujet. L'État par le passé a pris des décisions au nom d'un être mineur, ça, on peut concevoir ça. Par contre, à l'âge adulte, ces décisions devraient revenir à la personne qui a été confiée à l'adoption. Donc, comme stipulé dans la Charte des droits et libertés de la personne, tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi. Alors, l'adopté réclame son identité, l'identité qu'on leur cache volontairement.
Plusieurs aspects, que ce soit du côté psychologique ou médical, ne doivent pas être négligés. En écoutant attentivement le témoignage que Thérèse vous livrera tout à l'heure, vous comprendrez l'importance du grande vide à combler. Le côté médical est le point majeur à considérer. Dans son intérêt et celui de ses descendants, l'adopté doit connaître ses antécédents médicaux. C'est d'ailleurs ce qui m'a fait, moi, avancer dans ma démarche: c'est lorsque j'ai eu mes deux garçons entre 25 et 30 ans. Je suis arrivé chez le médecin, et on me demandait mes antécédents biologiques, et je ne pouvais pas leur répondre. Tout ce que je pouvais leur dire, c'était: Je ne le sais pas, je suis adopté. Quand c'est pour toi, ça va. mais là tu réalises que c'est pour tes descendants, et ce sera pour leurs enfants également. J'ai dit non, eux, ils n'ont pas à subir ça. Ils doivent savoir quels sont les gènes que, moi, je leur ai transmis, que ma mère m'a transmis et mon père, etc. Donc, c'est vraiment là où j'ai réalisé.
Alors, je pense que cette question-là, qu'on soit adopté ou non, on peut se la poser, qu'est-ce qu'on fait devant un enfant et on ne peut pas lui dire quelles sont ses informations médicales. Donc, adopté ou pas, je pense que tout le monde doit savoir. Par contre, quand tu es adopté, tu n'as pas le plaisir de retrouver... bien, tu ne peux savoir cette information-là, donc c'est assez spécial, là, comme feeling. Alors, ce que ça m'a permis également, c'est de développer un côté important de ma personnalité, chose que... en tout cas, j'ai découvert des choses en rencontrant ma mère biologique, en rencontrant mes frères, mes soeurs, qui m'ont permis, je vous dirais, de me libérer ou de, en tout cas, de comprendre beaucoup de comportements que j'avais sans, jusqu'à maintenant, avoir de réponses. Alors, sans thérapie aucune, j'ai ainsi pu répondre à une panoplie de questions. Par contre, celui qui ignore tout reste toujours avec un trou au ventre. Moi, ce trou-là, je l'ai comblé. Mais ce trou, pour une personne adoptée, ce trou s'agrandit avec les années. Il ne connaît jamais le pourquoi de ce grand vide.
Donc, des gens qui ignorent transmettent à tort à leurs médecins des antécédents médicaux de la famille adoptive. D'autres ne transmettent rien du tout car ils n'ont rien à livrer. Une foule de traitements ont été donnés et reçus dans l'ignorance. D'autres n'ont pu être donnés faute de preuve qu'il s'agissait d'une maladie héréditaire. Il y a des traitements comme ça qui peuvent se donner uniquement s'ils sont capables de prouver que la maladie remonte à deux ou trois générations. Une personne adoptée, c'est malheureux, mais elle ne pourra jamais avoir ce traitement-là si elle ne découvre pas réellement quelles sont ses racines.
Alors, une somme importante d'argent a été engloutie dans le domaine de la santé pour des expertises qui auraient pu être évitées. Bien des thérapies pourraient être évitées ou minimisées si le patient savait d'où lui vient ce vide. Pourquoi sa vie lui semble sans but? Ne sachant pas qui il est, il se sent handicapé d'un morceau important de sa vie, son histoire. Pour un adopté, ignorer son passé, c'est aussi ignorer son avenir et celui de ses descendants. Comme la phrase le dit si bien: Pour savoir où tu vas, tu dois savoir d'où tu viens. Bien, il y a plusieurs adoptés, encore aujourd'hui, qui ne le savent pas. Plusieurs milliers de personnes s'ignorent, et ce, uniquement relié au fait qu'elles ont été confiées à l'adoption. Plusieurs parents biologiques pensent à ces enfants que la société leur a enlevés, je dis bien leur a enlevés parce que les mères n'ont pas fait ça de gaieté de coeur. Mais, aujourd'hui, elles ignorent qu'est-ce qu'est devenu cet enfant ou ces enfants là. Certains se terrent dans leur secret par peur d'être jugés ou tout simplement parce qu'ils ne savent pas par où commencer. Alors, nous, le Mouvement Retrouvailles, on peut les aider en ce sens. Mais, tant que l'ultime vérité ne sera pas dévoilée, plusieurs vivront d'espoirs déchus tout au long de leur vie.
Nous travaillons ardemment à faire modifier les lois, et ce, depuis plusieurs années. Au Québec, la population est beaucoup plus avancée que les lois archaïques qui gèrent le monde de l'adoption. Ces lois-là datent de 1920. Donc, il serait temps qu'en 2008 on pense à changer tout ça puis que ça se fasse dans les prochains mois. Plusieurs milliers de signatures ont été déposées à l'Assemblée nationale, au fil des ans. Malgré un nombre incalculable de mémoires présentés, de comités formés pour faire de multiples études sur le sujet, des manifestations, des activités régulières, des articles, des livres, au Québec, rien n'y fait.
Les autres provinces ont réagi à plusieurs, et plusieurs sont allées de l'avant. À quand le Québec? Alors, on se demandait... La récente alliance Québec-Ontario pourrait peut-être servir à nos dirigeants québécois pour mettre en oeuvre une loi basée sur la récente loi de 2008 sur l'accès au dossier d'adoption qui a été votée le 14 mai, dont M. Laporte vous faisait mention tout à l'heure, ou encore celle de Colombie-Britannique, qui est en force depuis 1996, donc ça fait déjà 12 ans, et il n'y a aucun problème.
Alors, on appuie le projet de loi qui a été présenté aujourd'hui. Nous désirons que le gouvernement actuel réagisse enfin à nos demandes et ouvre la porte à nos recommandations. Comme on vous disait, ça fait plusieurs années qu'on fait des démarches, plusieurs années qu'on a présenté des mémoires. Le Parti québécois l'a eu, les libéraux l'ont actuellement, l'ADQ va présenter un projet de loi, alors ce serait temps que tout le monde se rallie, et que tout le monde fasse un, et qu'on aille de l'avant avec ces changements-là.
Alors, la personne concernée par l'adoption, elle, ignore la vérité face à ses origines. D'où vient-elle? Qui lui a donné la vie? Quels sont ses gènes? Où sont ses frères, ses soeurs biologiques? Où sont ses racines? Ce casse-tête ne sera jamais résolu tant et aussi longtemps que le morceau manquant ne sera pas accessible et, ce morceau, bien, c'est le gouvernement qui le retient. Le temps est venu de faire le pas et de lâcher le morceau. Nous demandons donc au gouvernement en place de redonner la vérité à ces enfants confiés à l'adoption et la dignité aux parents qui ont dû poser ce geste bien souvent contre leur volonté.
Je vous remercie de l'attention portée à cette requête et j'espère sincèrement que le présent projet de loi fera en sorte que les adoptés seront reconnus à leur juste titre, que le Québec pourra réparer les erreurs du passé et que tous et chacun seront reconnus à titre d'êtres humains à part entière. Pas plus tard qu'hier, les dirigeants fédéraux ont offert des excuses aux pensionnaires autochtones. Le Québec se doit de poser des gestes pour corriger les erreurs du passé faites aux adoptés et à leurs parents biologiques.
Alors, je le répète donc, nous souhaitons, tout comme Québec, pouvoir dire, en 2008 : Célébrons nos racines. Merci beaucoup.

M. Laporte: On va maintenant passer la parole à Mme Gagné pour faire un témoignage d'un fait personnel, de ce qu'elle a vécu comme personne adoptée.

Mme Gagné (Thérèse): Oui. Pourquoi connaître sa vérité? Voici la raison majeure pourquoi je veux connaître le nom de ma famille biologique. Mon odyssée commence en mars 1942. J'ai deux ans. Je suis opérée pour les amygdales et les adénoïdes dues à des bronchites consécutives à la rougeole. À sept ans, j'ai une attaque de paralysie aux jambes. Je suis dans l'impossibilité de marcher. Cette paralysie dura une quinzaine de jours. Je suis auscultée et on détecte que je souffre d'arythmie à sept ans. À l'âge de 17 ans, ma glande thyroïde fait des siennes. Mon cycle menstruel est débalancé. Je saigne abondamment. On ne sait pas quelle est véritablement la cause. Ce n'est que 13 ans plus tard que j'apprendrai que ces malaises étaient causés par ma glande thyroïde.

À 28 ans, je suis enceinte de mon quatrième enfant. Depuis le début de ma grossesse, je perds conscience. Un médecin vient me visiter. Je suis alitée. Il me regarde et m'annonce que c'est probablement ma glande thyroïde qui me cause ces malaises. On me fait passer des prélèvements sanguins. Effectivement, ma glande est très élevée. Je souffre d'hyperthyroïdie. Je vois un endocrinologiste. Comme je suis enceinte, il ne peut me traiter adéquatement. Il peut cependant me contrôler. Je dois donc prendre 100 pilules par mois pour contrôler cette fameuse glande. Je suis très inquiète pour ce petit être qui vit dans mon sein. Y aura-t-il des conséquences sur sa vie? En mars 2005, opérée d'urgence pour la vésicule biliaire, une cholécystite aiguë gangreneuse où j'ai failli mourir. Mon coeur a fait de la fibrillation paroxystique pendant 24 heures, et 36 heures aux soins intensifs, gardée sept jours pour surveillance.
Dernièrement, je rencontrais mon médecin de famille. Elle pense que j'aurais des problèmes au niveau du système respiratoire. Un autre problème qui relève de mes familles biologiques que je ne connais pas.
Si seulement vous pourriez comprendre l'handicap que l'ignorance de la génétique cause aux personnes adoptées. Simplement ce point majeur qui nous manque devrait convaincre le gouvernement d'ouvrir les dossiers. En général, pour les personnes légitimes, l'importance de ses origines, de sa génétique et de son histoire fait partie intégrante de son quotidien. Malheureusement, il en est tout autre pour une personne adoptée qui cherche pratiquement toute sa vie à savoir qui elle est véritablement. Nous faisons partie intégrale de la race humaine et, en tant qu'humains, nous méritons nos droits intrinsèques qui sont: origine, génétique et histoire.
J'aimerais vous souligner un exemple de transmission génétique. Dans la famille de mon mari, leur mère est décédée à l'âge de 42 ans de l'urémie. C'était en 1949. La science n'était pas encore... n'avait pas encore trouvé la dialyse. Nous savons que la maladie rénale est héréditaire. Mon mari, un de ses reins s'est affaissé en 2005. Mon beau-frère, frère de mon mari, a eu l'ablation d'un rein en 2006. Et mon fils de 39 ans est surveillé parce qu'il a des polypes à ses reins, troisième génération, et la maladie fait encore des siennes.
Je crois sincèrement que la génétique d'une personne est la clé de son succès. Pourquoi, quand vous allez voir le médecin pour différents malaises, le médecin vous demande: Cette maladie existe-t-elle dans votre famille? Je regrette, je ne sais pas, étant une personne adoptée. Si c'est important pour le médecin de connaître nos antécédents médicaux, cela veut dire qu'il est primordial pour la personne en cause de connaître sa vérité pour donner une réponse positive à son médecin. Si nous voulons savoir d'où l'on vient, il faut savoir où l'on va.
Pourquoi, à 56 ans, j'ai voulu connaître ma vérité? Je venais d'être opérée pour un cancer du col de l'utérus, et mon gynécologue m'avait demandé si ma mère avait souffert d'un tel cancer. Je lui ai répondu que je ne savais rien de mes antécédents médicaux, étant une personne adoptée. Ah, je comprends, m'avait-il répondu. Il ne m'a jamais posé d'autre question par la suite. Je pense que c'est une raison majeure de connaître sa vérité.

Depuis ma naissance que je vis dans le mensonge. À ma naissance, on m'a baptisée sous le nom de Marie-Thérèse Lebrun, née de parents inconnus. Le jour de mon adoption, je fus à nouveau baptisée sous le nom de Marie-Simone-Thérèse Gagné. Je me suis très bien intégrée à cette famille et, pendant 48 ans, j'ai cru que je faisais partie intégrale du plan familial. À la mort de mes parents adoptifs, j'ai réalisé que j'étais toujours l'enfant qu'on avait adopté. Comme nous habitions tous le même immeuble, mes parents, mon oncle, ma tante ainsi que mon mari, moi et nos enfants, chacun dans nos logements, mais très proches les uns des autres, l'harmonie régnait, et nous avions beaucoup d'agréments à nos côtoyer. Après le décès de mes parents, l'atmosphère n'était plus la même. Que se passait-il pour que le comportement ne soit plus le même? Et, moi, j'étais tellement bouleversée par la mort de mon père, cet être si cher à mon coeur. Malheureusement, mon oncle et ma tante ne réalisaient pas la détresse que je subissais, j'étais totalement démolie. Cette perte de mon père me faisait revivre inconsciemment un nouvel abandon qui me déroutait. Mon mari, voyant la vulnérabilité dans laquelle je me trouvais, décida qu'il serait peut-être bon pour moi de déménager et de changer de paysage. J'ai trouvé l'idée bonne et, un mois plus tard, nous emménagions dans notre nouvelle demeure. C'est là que j'ai pris conscience que j'étais de nouveau orpheline et que je ne faisais plus partie du clan des Gagné. Mon oncle et ma tante me l'avaient clairement laissé savoir.
Les années qui suivirent furent très difficiles pour moi. Ma santé en subit les conséquences, et je me ramassai avec un cancer du col de l'utérus. Suite à cette opération qui m'a ouvert les yeux, je décidai d'entreprendre des recherches pour retracer ma mère biologique, pour savoir enfin qui sont les miens, ceux de mon sang, la raison capitale pour une personne de connaître sa vérité, savoir à qui je ressemble, si j'ai des demi-frères, demi-soeurs. C'est très lourd à porter, de voir qu'on ne ressemble jamais à personne. On est toujours dans le corridor de l'inconnu. On essaie de se faire une image de la femme qui nous a donné la vie; impossible, jamais le moindre indice. Seule une personne adoptée peut comprendre l'angoisse que vit une autre personne adoptée. Plusieurs d'entre nous sont toujours à la recherche de cette ressemblance qu'on ne retrouvera jamais dans bien des cas.
La journée que les décideurs comprendront ce qu'est la reconnaissance du droit aux origines génétiques pour les personnes adoptées, ils réaliseront la détresse, la discrimination, l'injustice et la solitude que nous vivons. Cette journée, ils consentiront à l'ouverture des dossiers pour tous ceux et celles qui en font la demande. Connaître ses origines n'est pas un crime, mais un droit. Refuser à une personne ses informations nominatives après 20 ans est inacceptable. Toute personne, dès sa majorité, soit 18 ans, devrait avoir le droit à sa vérité. À chacun sa responsabilité.

À ne pas oublier: personne ne nous a demandé notre consentement. On a tout simplement décidé pour nous. C'est pourquoi, après 66 ans d'adoption, je devrais avoir le droit de connaître le nom de cette femme qui m'a donné la vie. Elle est décédée depuis 13 ans. Je n'ai aucun veto dans mon dossier. Normalement, j'aurais dû recevoir son nom et les informations nominatives. Cette confidentialité ne tient plus la route.
Une personne de 18 ans et plus devrait être capable de prendre sa décision et d'avoir accès à son dossier quand elle en fait la demande. Quand vous êtes bien traité avec des parents adoptifs, vous ne voulez pas les perdre. Laissez donc libre choix aux personnes adoptées de choisir la journée qu'elles veulent pour connaître leur vérité.
Merci pour votre écoute. Grand merci à M. Laporte, député de l'ADQ, qui nous soutient dans notre combat. Et je pense que M. Domingue fera de même. Merci.

M. Proulx: Je terminerais peut-être puis je pense que vous avez, pour vous et pour tous les gens qui nous écoutent... je n'ai pas besoin de vous convaincre que la paresse libérale dans laquelle nous sommes et la façon et l'entêtement du gouvernement libéral de ne pas appeler les projets de loi de l'opposition ne tiennent pas la route. Je suis ici, j'ai entendu les témoignages, je connaissais les gens du Mouvement Retrouvailles, j'ai participé avec des collègues de l'ADQ à cette réflexion-là puis, honnêtement, je suis mal à l'aise de voir que notre Parlement n'est pas capable de s'adresser ou d'adresser des questions comme celle-là. Et l'entêtement du gouvernement, il ne tient qu'à une seule chose: ne pas créer de débats dans notre société ou ne pas discuter des projets de loi qui viennent de l'opposition parce que ça n'émane pas d'eux. Alors, j'en fais appel à leur bon jugement. Je fais appel au leader du gouvernement. Dans ce cas-là, j'espère qu'il va mettre l'attitude qui est la leur depuis le début... c'est-à-dire ne pas en faire trop, puis en faire le moins possible, et finir avec une bonne note le plus rapidement possible pour que des situations comme celle-là ne se reproduisent plus et qu'on ne soient pas, nous, à l'Assemblée nationale, devant des situations comme celle-là encore longtemps. C'est notre responsabilité. Nous, on a fait nos démarches, on propose une solution, on est prêts à en débattre. S'il y a des améliorations à faire, on est prêts à les faire mais on a posé un geste, là. Au-delà d'entendre les gens, on pose un geste, on travaille avec eux, on est prêts à aller jusqu'au bout et, si le gouvernement veut aider les adoptés, il a, aujourd'hui, tous les moyens pour qu'à la fin de la session parlementaire cette injustice-là soit réglée. Voilà!

La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Gérard Deltell.

M. Deltell (Gérard): M. Laporte, dans vos notes explicatives, vous marquez que, bon, ...permettant d'identifier, de retrouver ses parents biologiques, à moins que ceux-ci ne soient préalablement opposés à cette divulgation pour un motif sérieux. Parce qu'il y a les adoptés et il y a les parents qui ont... les mères, puis peut-être parfois même les pères, qu'on peut identifier, qui ont laissé leurs enfants à l'adoption aux crèches il y a 40, 50, 60 ans. Quels sont les droits de ces gens-là? Quelles sont leurs obligations? Et pourquoi vous écrivez ici: À moins d'un motif sérieux? Qu'est-ce que vous identifiez comme motif sérieux?

M. Laporte: Parce qu'on veut laisser la chance aux parents biologiques qui ont vraiment un motif sérieux... Motif sérieux, je vais tout de suite vous donner un exemple pour vous mettre un petit peu dans le contexte. Une dame, une femme qui a été violée, qui a eu un enfant suite à ça, qui a remis son enfant en adoption puis que, pour elle, le fait de savoir que l'enfant biologique connaît son identité, ça pourrait la troubler psychologiquement, il pourrait y avoir des conséquences sur son état, on pourrait juger que c'est un motif sérieux. Donc, on va laisser le choix des instances, là, en place de décider du motif sérieux ou non, mais on voulait vraiment laisser une porte ouverte pour des cas où est-ce que ça pourrait causer des préjudices graves aux parents biologiques. Donc, on essaie d'avoir un équilibre. On ne veut pas complètement ignorer le droit à la vie privée, mais présentement il n'y a pas d'équilibre entre les deux, donc on essaie de ramener ça à un équilibre plus normal, d'où l'intérêt de laisser une porte de sortie pour les parents biologiques, un petit peu comme en Ontario. En Ontario, c'est la même chose, mais, nous, on a rajouté le motif sérieux. En Ontario, ils n'ont pas le motif sérieux, nous, on considérait que c'était important de mettre le motif sérieux pour ne pas que n'importe qui puisse mettre un refus sans aucune raison.

M. Deltell (Gérard): Donc, vous, vous donnez le fardeau de la preuve, entre guillemets, à la personne, aux parents pour que lui soit... démontre si, oui ou non, il veut donner son information.

M. Laporte: Oui.

M. Deltell (Gérard): Si la personne refuse juste parce que ça fait partie de sa vie, c'est sa vie privée, ça s'est passé il y a 50 ans, et ça ne lui tente pas de le dire, est-ce que cette personne-là va être obligée, avec votre projet de loi, à le dire?

M. Laporte: Si elle n'a pas de motif sérieux, oui. Mais, voyez, on n'obligera jamais personne à rentrer en contact ensemble. Donc, les personnes adoptées vont avoir le dossier, vont avoir toute l'information, mais, si le parent biologique ne veut pas entrer en contact avec la personne adoptée, avec son enfant adopté, on ne les forcera jamais. Donc, oui, effectivement, comme vous le demandez, s'il n'y a pas de motif sérieux, les adoptés vont avoir le dossier.

M. Deltell (Gérard): Je m'excuse d'être encore très précis, mais est-ce que les gens, les enfants vont connaître le nom, la personne... vont connaître le nom?

M. Laporte: Absolument, ils vont tout connaître. Tout ce qu'on peut aller chercher comme information, ils vont y avoir droit.

M. Deltell (Gérard): Là, vous vous exposez, je m'excuse de procéder encore, là... C'est parce que vous vous exposez à une situation où les enfants pourront se mettre devant la porte du parent puis attendre tant et aussi longtemps qu'ils veulent que le parent sorte puis qu'ils disent: Salut, c'est moi.

M. Laporte: C'est ça. Vous voyez, présentement, le projet de loi, de la façon qu'il est fait, on n'a pas mis de veto de contact. Donc, il faudrait s'en tenir aux instances en place. Il y a des procédures présentement qui peuvent empêcher deux personnes d'entrer en contact, une personne d'entrer en contact avec une autre personne. Ce qu'on est ouverts à faire, c'est d'étudier en consultation publique si on ne devrait pas mettre un veto de contact. Donc, c'est pour ça, l'importance de lancer le débat, d'aller en consultation publique. S'il y a des groupes qui viennent nous dire: Nous, en plus du veto de divulgation, on veut aussi un veto de contact... Parce que le veto de contact, comme ça a été fait ailleurs, il y a des règlements assez dissuasifs, là, des peines assez dissuasives, des amendes très sévères; ça peut être un dossier criminel, nommez-les. Mais, si jamais on a à mettre un veto de contact, on va s'arranger pour qu'il soit respecté. Donc, c'est quelque chose... on est ouverts à étudier ça mais en consultation publique. Présentement, nous, on a vraiment pris le parti des adoptés. On veut vraiment aller au maximum de leurs demandes, mais on est prêts à peaufiner le projet de loi en consultation publique.

La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Josée Thibeault.

Mme Thibeault (Josée): Donc, c'est plus un projet de loi... Parce qu'on me l'avait plus présenté comme quelque chose concernant la génétique, mais c'est plus sur le droit à l'information, si on peut dire, et un peu mettre de côté le droit à la vie privée d'une des parties dans ce dossier-là. Mais qu'est-ce qui est le plus important dans les deux? Je ne sais pas.

M. Laporte: Bien, c'est sûr, ça dépend des situations, ça dépend des cas. Mettons, Mme Gagné, je pense, c'est plus le côté génétique, là, qui la préoccupe. Mais ce projet de loi va faire en sorte que, oui, on va pouvoir avoir plus d'information sur la génétique, puis, dans les cas où est-ce qu'il va y avoir une rencontre, une prise de contact entre l'adopté et le parent biologique, il y a des échanges d'information qui vont se donner à ce moment-là, puis on va pouvoir vraiment retracer tous les antécédents biologiques. Donc, avec ce projet de loi, on favorise vraiment, là, la prise en compte, la prise d'information concernant la génétique. Mais est-ce que c'est plus important, ça, ou le fait de connaître ses origines? Je pense que ça va dépendre des cas.

Mme Thibeault (Josée): Quel est l'état de situation actuellement pour les gens qui ne sont pas des personnes adoptées? C'est certain, on m'a déjà demandé, dans le cabinet du médecin, s'il y avait des antécédents médicaux dans ma famille. Ceux que je connais, je les ai donnés. Mais est-ce que, moi, j'ai le droit d'aller chercher les antécédents médicaux de mon père ou de ma mère dans leur dossier? Est-ce que, moi, j'ai le droit de faire ça?

Mme Fortin (Caroline): Est-ce que je peux...

M. Laporte: Oui, allez-y.

Mme Fortin (Caroline): Parce que, là, je pense qu'il ne faut pas tout mêler, là. On ne veut pas avoir accès directement au dossier médical de nos parents biologiques. Ce qu'on veut, c'est vraiment l'historique médical. Donc, si on parlait tout à l'heure peut-être de veto d'information, on pourrait peut-être prévoir une procédure qui va faire en sorte que, pour que le veto d'information soit recevable pour motif sérieux, bien, à ça sera rattachée justement une copie des informations médicales de la mère, par exemple, O.K.? Donc, ça, c'est important pour nous, là, de connaître toutes les maladies, les choses qu'il y a eu dans la famille.

Mme Thibeault (Josée): Ce que je veux dire, c'est que ça peut se compliquer beaucoup, là, dans la question du dossier médical. Vous savez, si une dame très jeune a donné naissance à un enfant qu'elle a laissé en adoption, qu'elle ne souhaite pas que son identité soit connue, peut-être qu'à 20 ans elle n'avait pas de maladie, et ça s'est développé par la suite. Alors, l'adopté ne le saura pas.

Mme Fortin (Caroline): Bien, c'est ça. C'est que là, actuellement, ce qu'on a comme information, c'est l'état de santé de la mère à notre naissance. Donc, c'est sûr que ma mère, à 21 ans, elle était en bonne santé. Mais ce n'est pas ça qu'on veut, on veut plus que ça, là. Nous, ce qu'on veut, c'est d'avoir l'information en date d'aujourd'hui, là.

Mme Thibeault (Josée): Donc, il faudra que...

Mme Fortin (Caroline): Donc, exemple, je vais vous donner un exemple, là, O.K. Moi, je recherche ma mère. Bon. Elle est plus ou moins en accord; elle veut mettre un veto d'information au dossier. Bien, pour qu'il soit recevable, moi, je demande d'avoir... Bien, enfin, je demande d'avoir un historique médical en date d'aujourd'hui, à savoir quelles sont les maladies qu'elle a eues, et même, plus élaboré, ça peut aller du côté familial, là. Je ne veux pas savoir si, à 20 ans, elle était en bonne santé, je veux savoir si, à 60 ans, elle a eu, je ne sais pas, moi, un cancer de l'utérus, si elle a eu, bon, etc.

Mme Thibeault (Josée): Qui s'occuperait, à ce moment-là... je ne sais pas si ça peut être prévu, qui s'occuperait de mettre ça quelque part disponible pour vous? Parce qu'elle pourrait dire: Je ne veux pas que mon nom soit connu mais je veux donner mes informations médicales, par exemple.

Mme Fortin (Caroline): Bien, c'est ça, c'est que...

Mme Thibeault (Josée): Qui s'occuperait de ça, le ministère, les médecins?

Mme Fortin (Caroline): Actuellement, ce sont les centres jeunesse qui ont les dossiers d'adoption, O.K., tout est dans les centres jeunesse. Donc, ça pourrait être un processus établi encore avec les centres jeunesse, un formulaire à compléter avec une énumération. Parce qu'actuellement, là, les gens qui veulent mettre un veto d'information dans leur dossier doivent contacter les centres jeunesse. Donc, si on laisse ça comme ça, on peut continuer avec le centre jeunesse. Sinon, on avait même parlé, bon, de l'État civil, mais, comme M. Laporte le disait, ça va ouvrir des discussions, c'est certain.

M. Laporte: Parce que, si vous me permettez, toutes les procédures, on verra en temps et lieu, si c'est au centre jeunesse, Directeur de l'état civil, au ministère, peu importe, mais on est encore loin de là parce que le gouvernement libéral n'a même pas encore pris position. Donc, je pense que ce serait un petit peu... aller un petit peu trop vite en affaire de s'attarder aux questions de procédure. Je pense, pour l'instant, on est encore plus au débat de fond puis également de faire prendre position aux deux autres partis. Mais pour tout ce qui est de la procédure, je ne pense pas qu'on soit rendu à l'étape de s'attarder à tout ça.

La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Marie-Andrée Brassard.

Mme Brassard (Marie-Andrée): Oui, je comprends qu'il y a l'étape des procédures, sauf qu'un des principaux arguments qui étaient invoqués aujourd'hui, c'est l'accès au dossier médical... ou, en tout cas, aux antécédents médicaux des parents. La question que je voudrais poser à M. Proulx, je crois que vous êtes avocat, M. Proulx: Est-ce que le Code civil permet aux personnes non adoptées d'avoir... de connaître l'historique médical de leurs parents?

M. Proulx: Je n'ai pas de vérification faite maintenant...

Mme Brassard (Marie-Andrée): ...expert là-dedans, mais la question que je me pose...

M. Proulx: ...mais, à ma connaissance, il n'y a pas de mécanisme particulier qui existe. Par contre, mon premier réflexe serait de vous dire qu'il n'y a rien qui empêche que quelqu'un justifie en demande judiciaire, par exemple, devant les tribunaux, pose une question et demande, à ce moment-là, d'avoir accès à des renseignements qu'il a besoin d'obtenir pour les raisons qui lui appartiennent et qu'il en ferait la justification, et, à ce moment-là, dans un débat, là, qui tourne sur le Code civil, que des gens se disent: Non, je ne veux pas te les donner puis les raisons pour lesquelles je ne veux pas te les donner, c'est celles-là, bien, moi, je veux les obtenir, et les raisons pour lesquelles je veux les obtenir, c'est celles-là.
Moi, je pense... ce que je comprends du projet de loi qui est là actuellement, d'abord, oui, il y a la question de la génétique, oui, il y a la question du dossier médical... puis je comprenais à la première question de votre collègue Deltell tout à l'heure, M. Deltell a dit: Il y a des gens qui pourraient se présenter à la porte, mais c'est plus que ça, vous savez. Si, moi, j'étais dans une situation d'adopté et que je voulais savoir si, dans mes antédécents génétiques et biologiques, il y avait une maladie héréditaire importante qui pourrait faire en sorte que je déciderais, oui ou non, d'avoir des enfants... parce que mettre au monde un enfant en sachant qu'il peut avoir une maladie quelconque, c'est un choix. Comme parent, il faut réfléchir à ça, et, moi-même, si j'étais pris avec une maladie quelconque, peut-être que je voudrais connaître les antécédents de gens qui, aujourd'hui, sont décédés. La réalité, c'est aussi celle-là.
On est souvent dans des situations... Puis j'ai eu souvent des gens, à mon bureau de comté, qui me disaient - parce que, bon, à un moment donné, quand tu travailles avec le Mouvement Retrouvailles, il y a des gens qui viennent vers toi puis qui disent: Vous vous êtes intéressé à ça - qui me disent: Moi, je veux connaître la situation des antécédents puis je veux connaître les renseignements nominatifs, mais je ne cause préjudice à personne, ces gens-là sont décédés aujourd'hui.

Mme Brassard (Marie-Andrée): Je comprends, mais la... En supposant, là, que les parents d'une personne non adoptée sont morts, est-ce que cette personne-là pourrait avoir accès au dossier médical de ses parents qui sont décédés? C'est parce que la question que je me pose, c'est: Est-ce qu'on donnerait un droit aux enfants adoptés que le reste de la société n'a pas, compte tenu des conséquences que ça peut avoir?

M. Proulx: D'abord, pour répondre... Je ne peux pas vous répondre clairement à la question parce que je ne connais pas la réponse, mais ce que je peux vous dire, par exemple, et où, moi, je vois une injustice... mes collègues me corrigeront si ce n'est pas le cas, mais, moi, où j'en vois une, c'est, vous savez, si, moi, je n'ai pas connaissance de mes parents et grands-parents, donc de mes ascendants biologiques, c'est une chose, mais, dans ce cas-là, je connais ma situation d'adopté, je sais qu'au centre jeunesse il existe un dossier, mais je n'y ai pas accès. Alors, actuellement, je ne suis pas sur le même pied d'égalité que les autres. Je ne suis pas brimé parce que je n'ai pas connaissance, je suis brimé parce qu'on ne veut pas me donner connaissance de mes dossiers.

Mme Brassard (Marie-Andrée): ...mes parents, moi, ne veulent pas me donner accès à leurs antécédents médicaux, c'est ça, là, la question, là: Est-ce que ces personnes-là auraient droit à des droits supplémentaires parce qu'ils sont adoptés?

M. Proulx: Non, je ne pense pas qu'on en est là. Mais déjà d'avoir accès au dossier qui est au centre jeunesse, déjà là, on va avoir beaucoup d'informations qui risquent d'être pertinentes pour tout ce qui est les antécédents médicaux. Donc, est-ce qu'on en est vraiment rendus à parler de l'accès aux dossiers médicaux ou plutôt du dossier au centre jeunesse?

Mme Brassard (Marie-Andrée): Bien là, c'est parce que vous argumentez autour des antécédents médicaux pour justifier votre demande. La question que, moi, je me pose, c'est: Est-ce que c'est vraiment réaliste d'avoir accès aux antécédents médicaux, compte tenu du fait qu'on créerait un statut particulier pour les enfants adoptés? C'est ma question.

M. Proulx: Je pense sérieusement que la question se pose dans sa globalité, c'est-à-dire: Est-ce qu'aujourd'hui on fait un pas dans une bonne direction pour les gens adoptés? Je le pense. Est-ce qu'à ce moment-là, par la suite, on devrait également réfléchir à l'idée de faire un pas pour la situation que vous décrivez? Peut-être, mais, aujourd'hui, là, à la base, on a des situations qu'on connaît, les injustices qu'on a devant nous, elles sont connues puis elles posent problème, c'est problématique. Ces gens-là, à mon sens, ont le droit d'en connaître davantage alors que les dossiers existent. Vous savez, on l'a fait ailleurs, puis on l'a fait avec beaucoup de prudence, dans le cas de l'Ontario, dans le deuxième projet parce que la cour est allée baliser le premier projet de loi. Sans avoir vu les textes, je comprends qu'ils se sont fait rappeler à l'ordre une fois, mais, à ce moment-là, je pense...
Oui, il faut y aller délicatement puis, oui, il ne faut pas y aller comme l'éléphant dans le magasin de porcelaine, en voulant tout changer, mais ce n'est pas ce qu'on fait aujourd'hui. On ouvre la porte, on met fin à l'injustice, on dit à des tonnes de gens qui sont adoptés: Vous allez avoir accès à des informations qui sont importantes pour vous, autant du point de vue psychologique que du point de vue médical et, à ce moment-là, je vous dis...
Les consultations nous le diraient. Vous savez, l'idée d'avoir des consultations générales, c'est justement pour que des gens qui posent des questions aussi valables que celles que vous posez puissent venir dire: Attention! vous allez vous trouver dans un débalancement; les droits des uns seront favorisés par rapport aux autres. Cette discussion-là, là, je suis convaincu que mes collègues sont prêts à la faire, mais ils la feront à ce moment-là. Aujourd'hui, là, on est encore dans la spéculation, puis ça, c'est bien dommage.

La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): M. Proulx, vous parlez justement de la paresse du gouvernement puis de la difficulté pour l'opposition de faire passer un projet de loi en première lecture ou de faire appeler un projet de loi. Il y a des mécanismes, à Ottawa, à la Chambre des communes qui favorisent un peu plus ou qui font que certains projets de loi de l'opposition peuvent être appelés. Est-ce qu'on devrait changer les règles? Au Québec, ce n'est pas dans la tradition nécessairement d'appeler les projets de loi. On est en gouvernement minoritaire, les choses ont changé un peu.

M. Proulx: D'abord, sans mécanisme, le gouvernement libéral pourrait faire... poser des gestes. Vous savez, moi, ce que j'ai compris de ce matin puis de l'attitude des dernières semaines, c'est qu'il n'y a aucun projet de loi de l'opposition officielle qui ne va connaître qu'une seule avancée. Personne chez nous ne verra un projet, aussi valable soit-il, passer une seule étape. D'abord, là, le mépris est là. À la base, là, rien ne vaut, pour le leader du gouvernement et son groupe parlementaire... Les intérêts du Québec ne prévalent pas, les intérêts de groupes qu'on veut défendre ne prévalent pas. Ce qui prévaut là-dedans, c'est l'attitude partisane. Ça, c'est la première chose. Ça, c'est bien décevant.
La deuxième, c'est qu'on en a aussi, des mécanismes. On peut utiliser certaines motions, comme les motions du mercredi, et on s'entend avec l'autre groupe dans le sens où on... On va voir un des groupes parlementaires puis on dit: Est-ce que tu es intéressé à ce qu'on puisse faire avancer ce dossier-là? Ça se fait. C'est lourd. Et on les utilise au fil du temps puis on fait des choix comme tout le monde. Mais, actuellement, dans le cadre de la cohabitation, oui, on pourrait faire mieux dans la réforme parlementaire.
J'écoutais, ce matin, parler de la réforme parlementaire avec notre projet de loi... D'abord, ça ne tient pas la route, les arguments mais, dans les faits, ce qui est clair, là, c'est qu'aujourd'hui on est dans une situation où on est à la fin de la session parlementaire, on a passé plusieurs mois à étudier des projets, on a du temps de glace disponible. Je ne sais pas à quelle heure a fini le salon bleu hier, parce que, moi, j'étais en commission jusqu'à minuit, mais c'est clair que les gens n'ont pas siégé jusqu'à minuit hier, puis la veille non plus.
Si vous regardez le canal de l'Assemblée nationale puis montrez la salle vide, elle est aussi souvent vide qu'il y a du monde dedans. La réalité, c'est qu'il y a du temps, il y a de la place. Si les gens ont de la volonté pour travailler des projets de l'opposition officielle, s'ils veulent les battre, ils les battront après, mais le décence première, là, il me semble qu'avoir un minimum de respect pour les individus qui viennent ici, aujourd'hui, c'est de dire: Je ne suis peut-être pas d'accord avec vous au complet, je ne suis peut-être pas d'accord avec vous sur le fond non plus, mais je vais lui faire faire la première étape pour que mon groupe puisse m'exprimer.. puis vous saurez à quelle enseigne je loge. Jusqu'à maintenant, ça, on ne l'a pas, c'est le signal qu'ils nous donnent.

La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Question en anglais, Valérie Boyer.

Une voix: Je ne m'aventurerai pas en anglais.

La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Je vous remercie.

M. Proulx: Merci.

(Fin à 12 h 7)