(Treize heures trente-deux minutes)
M. Gaudreault
:
Oui, alors, ça me fait extrêmement plaisir de vous rencontrer aujourd'hui à ce
sujet avec Catherine, que ça me fait plaisir d'accompagner aujourd'hui également
sur le même sujet, à titre de porte-parole de la protection du consommateur.
Alors, on a fait une analyse détaillée de
l'entente qui est intervenue entre le gouvernement du Canada et Volkswagen le
19 décembre dernier concernant le «dieselgate», que tout le monde connaît
et qui est arrivé dans le courant de l'année passée, et on a comparé cette
entente qui est intervenue entre le gouvernement canadien et Volkswagen avec ce
qui est intervenu entre le gouvernement américain et Volkswagen, et on a
constaté une différence dans l'application des lois, effectivement, dans la
sévérité des lois, qui fait en sorte qu'en bout de ligne les Québécois sont
pénalisés en raison du manque de volonté, voire de la complaisance des gouvernements
canadien et québécois sur l'application de lois concernant les fraudes de cette
nature.
Aux États-Unis, l'application du Clean Air Act
fait en sorte que le résultat par véhicule, si on veut, touché par Volkswagen
s'élève, en dollars canadiens, à autour de 27 500 $ par véhicule. Si
on compare pour les véhicules du côté canadien, on revient à 20 000 $
par véhicule. Comment s'explique la différence? C'est que les pénalités
imposées par les lois américaines sont beaucoup plus élevées, les infractions
sont beaucoup plus sévères. Les pénalités à la suite des infractions sont
beaucoup plus sévères que ce qui se fait ici, au Québec et au Canada.
Alors, ça fait en sorte que, du côté des
États-Unis, si on regarde, grosso modo, pour les consommateurs, les sommes qui
seront versées aux consommateurs dans cette entente-là, les acheteurs de
Volkswagen entre 2009 et 2015, on revient à peu près au même, mais la
différence est sur les sommes qui seront versées au gouvernement. Le
gouvernement américain a fait en sorte, dans son entente, d'avoir des
investissements dans des mesures d'électrification des transports et dans la
mesure, également, de lutte contre les changements climatiques, alors que,
nous, du côté du Canada — et le Québec en est victime — on
se retrouve avec des sommes pour dédommager les consommateurs, mais on est
incapables d'aller chercher un montant pour investir, justement, dans des
infrastructures vertes, ou dans une économie verte, ou dans des structures qui
vont faire en sorte qu'on va passer vers une économie beaucoup plus propre.
On a évalué la différence en ce qui
concerne le Québec, un montant d'un demi-milliard, 540 millions
précisément, potentiels au Québec si nous avions eu des lois aussi sévères que
celles des États-Unis. Pour investir où? Pour investir dans des bornes de
recharge, par exemple, pour les véhicules électriques, pour investir dans le
Fonds vert. Et, vous le savez, le Fonds vert sert à investir dans des infrastructures
environnementales.
Donc, ce qu'on demande, on demande au
gouvernement libéral de cesser de se péter les bretelles d'être le gouvernement
le plus vert de l'univers et d'immédiatement adopter des lois, des
modifications à la Loi sur la qualité de l'environnement pour faire en sorte
qu'on soit au même niveau de pénalité que ce qui se passe du côté des
États-Unis, pour prévenir... On sait bien qu'on ne pourra pas changer
l'entente, qui est intervenue le 19 décembre entre le gouvernement
canadien et Volkswagen, mais nous voulons prévenir, à l'avenir, ce type de
situation, ce type de fraude et avoir des lois qui ont suffisamment de dents
pour être capables d'investir au Québec et à la fois de protéger les
consommateurs. Justement, là-dessus, je laisse la parole à Catherine.
Mme Fournier : Oui,
merci, Sylvain. Donc, ce qu'on veut dire, au fond, aux consommateurs québécois,
bien, c'est que le Parti québécois va continuer d'être vigilant pour que leurs
droits puissent être respectés. Dans l'entente qu'il y a eu avec Volkswagen, la
compensation a été, disons-le, satisfaisante pour les consommateurs québécois parce
qu'elle était similaire avec celle des États-Unis, donc, pour les 25 000 Québécois
qui ont été, là, touchés par cela, similaire parce que, bon, la pénalité
moyenne, elle est plus basse mais en même temps il y a la possibilité de
pouvoir faire un échange de véhicules, donc, qui rend le tout assez équivalent.
Par contre, il y a d'autres cas qu'on peut
penser qui vont survenir prochainement. On a vu, la semaine dernière, avec le
cas, par exemple, de Chrysler Fiat, parce que les logiciels Bosch qui étaient à
l'intérieur des moteurs des voitures ont, en fait, été utilisés par plusieurs
constructeurs automobiles. Alors, il va falloir être très vigilants. En ce
moment, il y en a 104 000 qui ont été touchés aux États-Unis. Il faut voir
ce qui a été fait ici, on va peut-être en entendre parler dans les prochaines
semaines. Mais, justement, ce que disait mon collègue Sylvain Gaudreault, c'est
qu'en haussant les sanctions au gouvernement, bien, en même temps, on va hausser
la protection au consommateur parce que ça va avoir un effet dissuasif sur les
entreprises. Les entreprises vont y penser à deux fois avant de flouer les
consommateurs au Québec avec des lois qui ont plus de dents.
Alors, au fond, ce qu'on veut dire, c'est
que le Parti québécois va agir pour demander des sanctions qui sont plus
élevées, mais aussi pour s'assurer que nos consommateurs soient protégés contre
d'éventuels futurs cas.
La Modératrice
: Merci.
On va maintenant prendre les questions. Mathieu Dion, Radio-Canada, micro de
gauche.
M. Dion (Mathieu) : Juste
pour bien clarifier, en fait, le 27 000 $ par voiture aux États-Unis,
si j'ai bien compris, c'est ça que vous estimez.
M. Gaudreault
:
Oui.
M. Dion (Mathieu) : Il y
a une somme là-dedans qui s'en va à des fins d'investissement, c'est ça, en
matière d'environnement.
M. Gaudreault
:
Exactement. L'entente — on va le dire en dollars canadiens, O.K.,
pour être sûrs de bien parler le même langage, là — intervenue aux
États-Unis est d'environ 20 milliards, c'est 19,4 milliards
américains. Là-dessus, il y a 10 milliards qui sont alloués aux
propriétaires de véhicules, mais il y a 2,7 milliards qui vont à des
programmes de réduction de la pollution et 2 milliards qui vont dans des
mesures pour des infrastructures de recharge pour les véhicules zéro émission.
Alors, le 2,7 milliards puis le 2 milliards, le 4,7 milliards,
finalement, là, il y a 4,7 milliards qui vont à des infrastructures
publiques que Volkswagen a dû payer pour avoir des bornes de recharge, pour
avoir des mesures antipollution, alors que, nous, au Canada, c'est comme si on
avait juste le volet compensation pour les acheteurs.
Alors, si on avait des lois plus sévères, on
aurait été capables d'accrocher Volkswagen aussi pour que ces pénalités
servent, je dirais, à des infrastructures publiques. Nous, on parle du Fonds
vert puis on parle de bornes, également, de recharge, par exemple, sur le
réseau québécois.
M. Dion (Mathieu) : Parce
que, pour l'instant, ici, ça ne s'adresse qu'aux consommateurs, le
20 000 $ par voiture.
M. Gaudreault
:
Exact, c'est en plein ça. Le programme canadien permet... bien, c'est
2,1 milliards au Canada, donc, qui est réparti chez chacun des
propriétaires de Volkswagen entre 2009 et 2015.
M. Dion (Mathieu) : Selon
vous, qu'est-ce qui explique qu'au Québec puis au Canada on n'ait pas une
politique semblable déjà en place? Pourquoi? Parce que les États-Unis ont eu à
faire face à des amendes comme ça par le passé? Qu'est-ce qui...
M. Gaudreault
:
Bien, écoutez, moi, sur le coup, j'ai été un peu étonné, parce qu'on aurait
plutôt tendance à imaginer que les États-Unis, c'est davantage la nation des
automobiles et, hein, le pays de Ford, et de GM, et des automobiles. Mais tout
ça vient peut-être aussi de l'influence assez forte de la Californie. On sait
comment la Californie est active en matière de protection de l'environnement et
également de véhicules zéro émission, de véhicules électriques. Alors, il y a
un fort mouvement du côté des États-Unis dans ce sens-là.
Nous, ce qu'on dit... remarquez que c'est
peut-être l'héritage aussi de l'ère Harper du côté fédéral, mais le
gouvernement du Québec peut aller plus loin et c'est tout à fait
constitutionnel de le faire. Même s'il y a des lois fédérales, le gouvernement du
Québec peut adopter des lois ici, au Québec, qui vont respecter le minimum que
ce que le fédéral prévoit, mais en allant plus loin également, et, nous, c'est
qu'on dit. Si le gouvernement Couillard est cohérent avec son discours vert, il
doit, pour prévenir d'éventuels cas «dieselgate», d'avoir des mesures, des
pénalités plus fortes.
M. Dion (Mathieu) : Là,
on a peut-être un autre scandale avec Fiat Chrysler, si j'ai bien compris.
M. Gaudreault
:
Exact.
M. Dion (Mathieu) : Donc,
ce que vous demandez, c'est...
M. Gaudreault
:
D'agir rapidement.
M. Dion (Mathieu) :
...justement d'agir rapidement.
M. Gaudreault
: Et
vous savez qu'il y a d'autres enquêtes qui se font présentement, hein? Parce
que le logiciel Bosch dont parlait Catherine, il a été vendu à d'autres compagnies
automobiles, bon, BMW, etc., Mercedes, Renault, il peut y avoir d'autres
véhicules et d'autres compagnies. Dans le fond, c'est Volkswagen qui s'est fait
pincer, là, mais là on commence à voir qu'il y en a peut-être d'autres qui
lèvent. Alors, il va falloir immédiatement agir à cet égard pour aller
protéger, oui, les consommateurs, c'est la priorité, mais en même temps aller
chercher des sommes qui permettraient d'investir au Québec.
M. Dion (Mathieu) : O.K.
Quelles pourraient être les barrières, justement, un frein à faire avancer ça,
ce qui pourrait rendre un processus législatif difficile, en fait?
M. Gaudreault
:
Bien, ce n'est un frein, à mon point de vue, que politique parce qu'il n'y a
rien qui nous empêche, présentement, au niveau du Québec, d'adopter des lois à
cet égard. Donc, à mon point de vue, ce n'est qu'une question de volonté
politique. Nous, on dit au gouvernement... Autrement dit, on tend la main
aujourd'hui en disant : À partir du moment où vous allez déposer une loi
dans ce sens-là, nous, on va vous appuyer pour au moins s'inspirer de ce qui se
fait du côté des États-Unis et aller chercher le maximum de redevances... bien,
de redevances... de pénalités qui permettraient d'investir dans des
infrastructures.
Juste vous dire, avant de passer à l'autre
question, que la différence qu'on a évaluée pour le Québec, c'est l'équivalent
de ce qu'on a investi, nous, comme gouvernement, quand on était au
gouvernement, dans la Stratégie d'électrification des transports. Nous, on
avait investi 516 millions, puis la différence qu'on a évaluée pour le
Québec, en termes de manque à gagner, c'est de 530 millions. Alors, juste
avec un peu plus, juste dans le cas Volkswagen, on aurait été capables de
financer une stratégie forte d'électrification des transports.
La Modératrice
: Martin
Croteau, LaPresse.
M. Croteau (Martin) :
Bonjour à vous deux. Désolé de mon retard et désolé d'avoir fait du bruit en arrivant.
Je veux juste valider. Donc, ce que vous souhaitez, ce sont des changements
législatifs, c'est ça?
M. Gaudreault : Oui.
M. Croteau (Martin) : C'est
peut-être technique, mais pourquoi vous n'introduisez pas un projet de loi
privé?
M. Gaudreault : Bien, on
va le regarder. Il faut... Parce que ça a quand même… Vous savez que
l'opposition ne peut pas déposer des projets de loi à caractère financier, ça
relève du gouvernement, et c'est quand même assez complexe. Je pense que le
ministère de l'Environnement a davantage de ressources techniques,
législatives — dans la mesure, évidemment, où le conflit avec les
juristes de l'État sera réglé — pour produire un projet de loi. Nous,
ce qu'on dit, c'est qu'on offre notre collaboration au gouvernement pour l'adopter
rapidement. Si on est capables d'en déposer un parce que le gouvernement se
traîne les pieds, on le fera. Mais, pour l'instant, avant de faire ça, on tend
la main au gouvernement puis on lui lance l'idée, là, parce qu'on a fait ce
calcul-là, nous.
M. Croteau (Martin) :
Donc, si on prend l'exemple de Volkswagen, où il y a eu un règlement,
pouvez-vous me donner une idée du genre d'impact que ça peut avoir, la mesure
que vous proposez, au Québec?
M. Gaudreault : Bien, la
mesure qu'on propose irait chercher… Si on l'avait eue pour Volkswagen, on
estime qu'on aurait été capables d'aller chercher autour de 530 millions.
Avec 530 millions, on finance même un peu plus ce qu'on avait annoncé,
nous, comme gouvernement, en 2014, en électrification des transports. Ça, ça
veut dire qu'on peut, par exemple, étendre sur le territoire québécois un
réseau de bornes de recharge. Ça veut dire qu'on peut, par exemple, investir
dans le Fonds vert pour financer du transport collectif. Autrement dit, c'est
de faire un effet de levier avec un scandale en matière d'automobile pour
investir dans la transition vers une économie plus verte et des transports plus
durables. Donc, ça peut être de financer l'achat d'autobus dans les
municipalités, ça peut être même d'accroître, par exemple, le transport actif,
par des pistes cyclables, etc. Donc, c'est toutes ces mesures-là qui pourraient
être financées en partie. On ne dit pas qu'on réinventerait la roue, mais on
irait quand même chercher 530 millions, ce 530 millions étant à peu
près l'équivalent de la Stratégie d'électrification des transports du
gouvernement Marois.
M. Croteau (Martin) :
Puis vous êtes confiants que le Québec pourrait adopter une telle loi sans le
gouvernement fédéral? C'est-à-dire, c'est entièrement dans son champ de
compétence?
M. Gaudreault : Oui,
parce que le gouvernement fédéral a déjà le Bureau de la concurrence du Canada,
mais nous, ce qu'on propose — et la Cour suprême s'est déjà prononcée
là-dessus — à partir du moment où, en matière d'environnement, dans
une compétence partagée entre le fédéral et le provincial, on va plus loin,
c'est permis. Donc, il y a déjà des compétences fédérales, mais le Québec irait
plus loin, sans exclure ce qui est déjà adopté au fédéral. Merci.
(Fin à 13 h 45)