(Treize heures trente-deux minutes)
Mme Lamarre : Bonjour à tous.
Alors, aujourd'hui, donc, on fait un point de presse pour mettre en évidence
des coups durs qui ont été portés au dossier de la santé mentale, aux soins
associés à la santé mentale. D'abord, on a eu une annonce du ministre en 2015
pour 70 millions de dollars sur un plan d'action en santé mentale, 70
millions où il n'y a rien. On se serait attendu à ce qu'il y ait 14 millions
par année, mais, en 2015, il y avait zéro; en 2016, il y avait zéro; en 2017,
il y avait zéro; et hypothétiquement, en 2018, on aura peut-être de l'argent.
Mais un plan d'action sans argent, c'est
un plan sans action. Et malheureusement, on constate que, du côté de l'accès
pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale, il y a vraiment des
délais importants. C'est le deuxième coup dur, le temps d'attente. Alors, près
de 30 % des personnes qui ont besoin d'une première intervention, donc des
gens, là, qui ont un cri d'alarme... On sait que les gens, pour la santé
mentale, retardent très longtemps la consultation. Alors, en santé mentale,
plus on est malade, moins on veut se faire soigner et on attend beaucoup avant
de demander de l'aide.
Alors, 30 % de ces personnes-là ont
accès à des soins en dehors du délai de 30 jours, qui est normalement considéré
comme acceptable. Dans la région des Laurentides, c'est un délai d'accès moyen
de l'usager de 45 jours; en Abitibi-Témiscamingue, 40 jours; puis en Outaouais,
50 jours, donc des délais qui vraiment démontrent que la santé mentale n'est
pas une priorité. Et les maladies mentales sont des maladies qui peuvent être
potentiellement mortelles, alors on doit être très vigilants. Quand on parle de
schizophrénie, quand on parle de dépression, d'idées suicidaires, on a des gens
qui sont potentiellement dans un contexte de maladie très, très grave, qui
cause des dommages importants.
Troisième coup dur, les transferts des CLSC
vers les GMF. Alors, vraiment, une érosion... On expatrie des travailleurs
sociaux et des psychologues, qui étaient facilement accessibles pour les gens
dans les CLSC, et on les a transférés dans les GMF. Alors, au CIUSSS
du Nord-de-l'Île-de-Montréal par exemple, 18 travailleurs sociaux et 16
autres professionnels qui vont migrer vers les GMF, selon les rapports du CIUSSS
lui-même. On a ça pour à peu près tous les autres centres. Centre-Ouest, c'est
16 travailleurs sociaux et 12,5 autres postes, là, équivalents à temps plein de
professionnels qui vont être déplacés.
Alors, on se rend compte qu'au niveau de
l'accès encore, les gens qui ont un problème de santé mentale, s'ils n'ont pas
de médecin de famille, il y a un obstacle supplémentaire, ils doivent
s'inscrire au guichet. Souvent, dans leurs caractéristiques, ce ne sont pas des
personnes nécessairement très âgées. Elles peuvent avoir des retours qui vont
leur dire : Bien, votre délai, c'est 200 jours avant d'avoir accès à un
médecin de famille, pour pouvoir avoir accès à des professionnels, alors
qu'avant il y avait un accès plus facile, plus direct. Et là on restreint cet
accès-là à partir des CLSC.
Et le quatrième coup dur, bien, je vous
dirais que c'est le bilan du ministre comme employeur du réseau de la santé. Il
a 300 000 personnes qui travaillent pour lui. Si un employeur recevait un
bilan à l'effet, un peu comme ce qu'on a eu avec le sondage de l'APTS, de
l'alliance pour les soins, des gens qui travaillent en santé, que six
personnes sur 10 sont en détresse psychologique, ça veut dire, là, trois
personnes sur cinq, dans une organisation de 300 000 personnes, qui sont
en détresse psychologique, c'est majeur. Comment on peut espérer faire en sorte
que cette organisation-là soit plus performante quand on expose les
professionnels à autant d'essoufflement, d'épuisement, de détresse,
d'incertitude? Ce sont toutes des caractéristiques... quand on regarde les
problèmes de détresse psychologique, on dit : Il faut éviter ça. Un bon
employeur doit faire en sorte que ses employés travaillent dans un milieu où on
va favoriser une performance, mais dans une ambiance qui va être valorisante et
surtout rassurante, ce que le système de santé, là, maintenant, ça fait
deux ans et demi, n'est que d'insécurité en insécurité.
Et, dans certains cas, il y a des
changements majeurs, là. On parle de technologues qui travaillent en Abitibi, des
jeunes familles qui se sont installées là, qui dépensent tout leur salaire dans
cette région-là et qui, là, depuis des mois, sont convaincues qu'elles ne
pourront pas garder leur poste mais ne savent pas ce qui va leur arriver. Donc,
c'est une réorientation complète de leur travail, de leur profession. Alors,
vraiment, c'est problématique. La santé mentale, je vous dirais aussi, au
niveau du plan d'action, ce qui était clair, c'est que le ministre devait
amener un soutien au niveau des logements, des logements supervisés, et on ne
voit pas concrètement ces changements-là sur le terrain actuellement, et donc
il y a une urgence à ce niveau-là.
Maintenant, j'imagine que vous avez
peut-être envie de m'entendre parler des frais accessoires aussi, un peu, peut-être.
Alors, c'est vraiment un constat ahurissant que, six mois après que le ministre
lui-même ait décidé, après nos pressions, là, après qu'on fait énormément de
pression sur lui... on se rappelle qu'au début il voulait les maintenir, les
frais accessoires. Alors, six mois après que lui ait finalement accepté qu'il
fallait qu'il les abolisse, qu'on se retrouve dans un tel chaos actuellement,
c'est inconcevable, inconcevable pour les patients, les patients qui se
heurtent. Alors, il fait faire le sale travail aux patients. Les patients sont
obligés de chercher des lieux pour avoir des rendez-vous dans des contextes où
ces patientes ou ces patients savent qu'ils ont un cancer, ont des conditions
vraiment majeures.
Comment le ministre a-t-il pu laisser six
mois de cette façon-là? C'est une forme, je vous dirais, d'insouciance qui
frise la négligence des patients. Et cette négligence-là, cette insouciance, ça
se traduisait autant quand j'essayais de sensibiliser sur les frais
accessoires, où il ne réalisait pas que payer 200 $ pour des gouttes dans
les yeux, c'était vraiment rendre ça inaccessible pour un grand nombre de
patients, et actuellement il est aussi insensible au fait que les gens ont des
difficultés majeures, encore une fois, de l'incertitude, doivent se débattre
dans un système de santé où sa mission à lui, c'est de favoriser un accès juste
et équitable.
Maintenant, pour ce qui est des
revendications et des bris d'accès aux services, je vous dirais que ça
ressemble à une chicane de privilégiés. On a actuellement des professionnels
qui sont très bien rémunérés dans notre système, et là, à un moment donné, il
faut assurer les services essentiels à la population. Qu'on envisage de priver
la... de diminuer la vaccination des tout-petits, ça m'apparaît inconcevable.
En aide humanitaire, c'est une priorité, et on ne cherche pas le 10 $ qui
va avec. Alors, il va falloir, à un moment donné, que là on parle avec des
vrais professionnels, et il y a des enjeux d'éthique et d'atteinte, je pense, à
leur code de déontologie. Donc, il faut que les services soient offerts, et ces
services-là ne sont pas négociables.
On est très inquiets, parce qu'on entend
le ministre dire qu'il négocie, ça se fait encore en catimini. Est-ce qu'il va
encore donner des hausses sur des hausses de rémunération? On n'arrive pas à
bien décoder tout ça. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a amplement d'argent dans
les enveloppes. Avec des augmentations moyennes de 9 % par année depuis
déjà 2007, on peut dire que d'être capable de prendre un 1 %, là, une fois
pour régler le dossier des frais accessoires, je pense que l'ensemble des
professionnels qui est visé dans ça devrait faire preuve de cette ouverture-là.
Bien sûr, il y a eu un laxisme. On a
laissé la situation se détériorer pendant 10 ans. Alors, il y a des échecs,
mais là le ministre avait six mois, et c'est là que son six mois a été mal utilisé,
pour atténuer au lieu de confronter. Et l'autre dimension, depuis le début, on
le dit, le système de santé public, que le ministre a vraiment tordu, essoré
depuis deux ans et demi, au lieu d'y investir. Comment se fait-il que, dans un
hôpital, l'échographie ne soit plus disponible après 17 heures le soir? Moi,
j'ai des cas concrets, là, vraiment démontrés, où plusieurs hôpitaux arrêtent
les services d'échographie à 17 heures. Comment on peut imaginer que, pour un
service aussi essentiel, on puisse prendre des décisions comme celle-là, si ce
n'est des contraintes administratives démesurées, avec des coupures de budget
qui sont complètement ingérables?
M. Vigneault (Nicolas) :
Maintenant, à qui la faute? Parce que votre propos semble lancer la pierre,
d'une part, aux spécialistes, d'autre part, au ministre.
Mme Lamarre : Bien, il y a les
deux. Il y a de la mauvaise volonté des deux. Je pense que le ministre n'a pas
pris les positions appropriées depuis le mois de mai. Il aurait dû entamer des
discussions sérieuses. Je vous dirais même qu'il n'a même pas pris la peine de
bien anticiper les problèmes. On dirait que c'est seulement depuis deux
semaines, là, que tout à coup, tout ressort. Comment se fait-il que son équipe
au ministère et le ministre lui-même n'aient pas été plus conscients, n'aient
pas donné l'heure juste plus vite et n'aient pas corrigé ces choses-là
rapidement?
Donc, définitivement, il y a négligence.
Il y a une forme, je vous dirais, d'insouciance. Vous savez, le ministre, il ne
voulait pas l'abolition des frais accessoires, il faut toujours garder ça en
tête, hein? Alors, on aurait dit que, des fois, c'est comme si ça faisait...
Mettons qu'il n'a peut-être pas fait ce qu'il fallait, moi, j'en suis certaine,
pour que ça se règle en douceur et surtout en protection des patients.
Moi, je suis scandalisée, je dois vous
dire, là, des situations auxquelles on expose les patients actuellement. Une
patiente qui a un cancer du sein et à qui on donne des délais qui sont en
termes de mois entre avoir son médecin de famille, voir un spécialiste et être
réévaluée, ces mois-là, là, ça ne se récupère pas quand on a un cancer. Alors
là, il y a des limites. Il faut vraiment prioriser le règlement de ce
dossier-là très rapidement, à l'intérieur des enveloppes.
M. Vigneault (Nicolas) :
Mais, encore là, à qui la faute? Vous dites les deux, là. Le ministre s'est
peut-être traîné les pieds, selon ce qu'on entend, mais...
Mme Lamarre : Oui.
Sincèrement, à l'intérieur de l'enveloppe des médecins spécialistes, là, il y a
beaucoup de jeu. Il y a beaucoup, beaucoup de jeu. Je vous donne des exemples.
Il y a une partie de l'enveloppe qui vise
à la rémunération à l'acte et l'autre partie qui vise aux frais de cabinet.
Alors, quand on est capable de mettre, par exemple, pour les ophtalmologistes,
95 000 $ par année pour les frais de cabinet, bien, moi, je pense
qu'il y a matière, là, à inclure un certain nombre d'équipements puis
d'investissements. Comment se fait-il, là, qu'on n'a pas été capable de baliser
ça? En même temps, pour ce groupe-là, mais je ne les cible pas
spécifiquement, mais on sait que les ophtalmologistes ont été beaucoup impliqués
dans les frais accessoires, bien, on se rend compte qu'il y a des
interventions, par exemple, les remplacements de cristallin, les opérations
pour la cataracte, qui, avant, les médecins pouvaient en faire seulement quelques-unes
dans une demi-journée; maintenant, ils peuvent en faire une vingtaine parce
qu'il y a des technologies nouvelles.
Alors, est-ce qu'on a bien réajusté la
valeur de l'acte, de l'intervention, par rapport à l'équipement qui était
nécessaire? C'est pour ça que je dis que ça se règle à l'intérieur de
l'enveloppe, et on est nombreux à le dire, ça se règle à l'intérieur de
l'enveloppe des médecins spécialistes.
Mme Fletcher (Raquel) : So, concerning the vaccination of babies, this is where I want to
start, you mentioned that, this morning, the Minister said that this was a side
effect of the bill that people of Québec wanted. What do you make of that
reaction from him?
Mme Lamarre :
You know, it's very sad that a Health Minister had this kind of vision because
vaccination is an essential service. It's not an optional service, it's
essential, it's fundamental. So, if physicians cannot support the $10 that they
may ask for vaccination for children and they let them expose to non-protection
of the vaccine and that our Health Minister agrees with that, he said… he doesn't realize that he has to do the right thing at the right
time, he didn't do that.
So now he cannot transfer
the responsibility to other
health professionals. He has to assume that and to live with that, but, during
the last six months, he had plenty of time to solve this problem, to anticipate
that. I think he never, ever, thought about that. And now, he is just asking…
you know, he said that what the population asked was false. No, I think what is false is asking parents to pay
$10 for their children to have access to an essential service.
Mme Fletcher (Raquel) : What do you make of his attitude?
Mme Lamarre : Sorry?
Mme Fletcher (Raquel) : What do you think of his attitude?
Mme Lamarre : It's a kind of «négligence», I would say, «indifférence aux besoins
des enfants, aux besoins de la population», and this is unacceptable for a
Health Minister. He has to care for patients, he has to care for vulnerable
patients and he's not doing that.
Mme Fletcher (Raquel) : You called for the abolition of the accessory fees quite a while
ago. I remember being at your scrum then. How would you have handled it
differently? If you were the Health Minister, how would you have managed this
bill differently than Dr. Barrette?
Mme Lamarre : How did I manage the accessory fees?
Mme Fletcher (Raquel) : How would you have if you were Health Minister?
Mme Lamarre :OK. You know, the
problem is the result of many, many years of bad negotiations. Each time, during the last 10 years, when we increased, when the Government increased the revenues of
physicians, they didn't ask anything in return. So they gave more money only on
the fact that Québec's
physicians must have the same revenues than Ontario's physicians. This is unfair because, at the same time, in Ontario, when the physicians received their
new fees, the increment in their fees, they had to do something in return. Here,
we didn't have any mandatory obligations for the physicians to increase and guarantee access, access for
free, not access with accessory fees.
So that is the result of
many years of problems and bad negotiations. For now, we have a Minister who decided six months ago that it
will be definitely out and he didn't put the measures that were essential
starting to negotiate and, for sure, first, asking the federation to look in their own envelope, and take it, and split it
correctly between them. They have enough money, for sure, more than people who
had to pay, for many years, $200 for eye drops and $10 or $20 for vaccines for
their children.
Mme Plante (Caroline) : I'm just wondering, Mrs. Lamarre, if you think that Mr. Barrette
should meet with Jean Coutu and his son.
Mme Lamarre : I don't intervene in pharmacist… My colleague Dave Turcotte is the
one responsible for pharmaceutical affairs. I prefer to stay like this because
I'm concerned about «éthique» and interest conflicts, and I think we have some
different views, Health Minister and me on this subject. Merci.
(Fin à 13 h 49)