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Point de presse de Mme Manon Massé, députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques, et M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le jeudi 9 février 2017, 12 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures trente-cinq minutes)

Mme Massé : Alors, bonjour, tout le monde. Bien, vous ne serez pas surpris si je vous dis que je n'ai pas été impressionnée par la prise de parole de M. Sklavounos. Pas impressionnée parce que je vous dirais d'entrée de jeu que la rhétorique qu'il a utilisée, les mots qu'il a utilisés, le fait de ne pas profondément reconnaître qu'il y a quelque chose qui ne va pas faire en sorte que c'est un discours que j'entends quand même depuis plusieurs années, hein? Je vous dirais que, même le choix des mots, et tout ça, ce qui est fascinant, c'est que c'est... par exemple, lui, il a découvert ça le 20 octobre dernier. Pourtant, ce n'est pas ça que ça nous dit. Oui, la situation de Mme Paquet au mois d'octobre, mais on sait que, depuis 2012‑2013, il y a eu ici, à l'Assemblée nationale, des plaintes déposées auprès du bureau de son whip par une attachée politique du Parti québécois dans laquelle le bureau du whip a dû faire son travail, a dû aller voir M. Sklavounos pour dire : Change tes comportements.

Plus que ça, les pages, hein, je nous rappelle, les pages, jeunes femmes, jeunes hommes de 18, 24, 25 ans, qui, de cohorte en cohorte, s'avisent de faire attention, et même qui... On l'apprenait l'an dernier grâce au travail journalistique, le responsable des pages s'était engagé à aller voir le bureau du leader, qui était M. Fournier à l'époque, pour aviser du comportement inacceptable de M. Sklavounos.

Alors, non, je ne suis pas convaincue, je ne trouve pas ça convaincant du tout. M. Sklavounos n'arrive même pas à prononcer le mot «harcèlement». Il remet... «si j'ai eu des comportements qui ont pu offenser», donc c'est les victimes qui ne savent pas de quoi elles parlent? C'est les femmes qui, elles, ont vécu ces sentiments-là, qui, elles, parlent de harcèlement... ça veut dire qu'elles, elles n'ont pas eu la bonne ligne d'analyse? Non, ces discours-là, là, de vieux mononcle cochon qui se trouve drôle — tout seul, d'ailleurs — nous autres, les femmes, on sait c'est quoi. Parlez-en à vos filles, à vos soeurs, à vos mères, ça fait des décennies que ça dure. Et, dans ce sens-là, non, je ne suis pas impressionnée.

Je vous dirais qu'on attend, tout le monde, de voir qu'est-ce que le premier ministre va faire. Lui, va-t-il trouver ça convaincant? Lui le sait que son bureau du whip et son bureau de leader, j'imagine, par le passé, avaient été avisés, sinon il aurait réintégré aisément M. Sklavounos. Donc, savez-vous, là, il y a du monde que j'aimerais ça entendre et savoir ce qu'ils ont à dire sur le suivi, donc le sérieux qu'ils ont porté aux plaintes qui ont été signifiées au Parti libéral en cours de route depuis 2012, et, pour le moment, on connaît depuis 2012.

Ce que je veux vous dire, c'est que... Maintenant, qu'est-ce que fera le premier ministre? Bien, je pense que le premier ministre doit réécouter attentivement le message de M. Sklavounos, doit écouter ce que les féministes, nous disons à la société québécoise depuis des décennies sur la banalisation des comportements, et notamment des comportements à caractère sexuels. C'était juste une joke, je suis un gars drôle, hein? Et, si M. Sklavounos ne convient pas pour le caucus libéral, bien, pourquoi conviendrait-il pour les gens de Laurier-Dorion? Voilà ce que j'ai à dire.

M. Croteau (Martin) : Qu'est-ce qui manquait à la déclaration de M. Sklavounos?

Mme Massé : Vous savez, quand on veut changer des comportements... Vous savez, ici, souvent, j'ai parlé de la culture du viol. Quand on veut changer des comportements, il est essentiel de les reconnaître, d'être capable de les identifier. C'est quoi, un rapport de séduction? C'est quoi, un rapport d'autorité qui utilise son autorité pour séduire. Ce n'est pas pareil, ça. C'est quoi, relancer quelqu'un, hein? Je me souviens, là, quand, l'automne dernier, tu sais, où on dit, bon : Le député m'a relancée à plusieurs reprises, alors qu'il y avait un non qui avait été dit. Et je ne vous parle pas de la situation de Mme Paquet.

Alors, ce qu'il a manqué, M. Croteau, ce qu'il a manqué, c'est la nécessité de comprendre c'est quoi, et là il ne m'a pas convaincue, puisqu'en plus il dit : Bien oui, pour me racheter, si je peux dire, là, pour faire amende honorable, je vais être un grand défenseur de l'égalité, je vais faire de la formation, je vous assure, je vais faire de la formation sur la situation — même pas capable de nommer c'est quoi, la situation — et je vais faire de la formation, puis là-dedans il ne faudra pas oublier surtout de parler de la présomption d'innocence. C'est quoi? Il comprend vraiment? Moi, je suis sûre que, demain matin, Amir va faire de la formation pour expliquer c'est quoi, le rapport de pouvoir entre les femmes et les hommes, entre les hommes et les femmes, qu'Amir, sans aucun problème, serait capable d'expliquer que, comme homme, il a des privilèges, et comme homme élu, il en a plus, et comme homme élu, il a donc plus de responsabilités.

M. Gagnon (Marc-André) : M. Khadir, justement ce matin, a dit que M. Sklavounos se devait de prendre ses responsabilités et de démissionner après avoir entendu sa déclaration. Est-ce que c'est toujours la position de Québec solidaire?

Mme Massé : Absolument, et je pense que, moi, il ne m'a pas convaincue. Convaincra-t-il le premier ministre? Nous le saurons bientôt, mais a-t-il convaincu ceux et celles, et celles pour qui il est représentant ici? Je dirais qu'il y a juste une façon qui va l'illustrer, c'est qu'il retourne devant ses commettants.

Mme Porter (Isabelle) : Mme Massé, vous dites que vous aimeriez entendre un certain nombre de personnes, ce qu'ils ont à dire. Tout à l'heure, vous avez dit ça : Il y a un certain nombre de personnes que je voudrais savoir ce qu'ils ont à dire là-dessus. Vous aviez parlé, un peu avant, je pense, de l'intervention du whip, tout ça. Qui en particulier souhaitez-vous entendre sur ce sujet-là?

Mme Massé : Bien, c'est parce que, là, j'ai une chose et son contraire. Puis, dans ce sens-là, c'est pour ça que je me dis : Il y a des gens qui... Quand, par exemple, ça a été reconnu qu'il y a une plainte qui a été déposée au bureau du whip libéral en 2012‑2013... Qui était-il, le whip, je ne m'en souviens pas...

M. Khadir : C'était... Ah! le whip... Je ne pourrais pas vous dire, non, à cette époque.

Mme Massé : Je ne pourrais pas vous le dire. O.K. Et, quand le bureau des stagiaires dit qu'il a fait cheminer sa plainte au bureau... que la stagiaire a dit que le bureau du leader avait été informé et que ça ne se reproduira plus... Ça, je le sais, le leader, à l'époque, c'était M. Fournier, puisque la jeune dame l'avait dit. Alors donc, si M. Sklavounos dit : Tout ça a commencé au mois d'octobre l'année dernière, il fait référence à Mme Paquet. Et que, nous, ce que les journaux nous ont appris dans cette foulée-là, c'est qu'il y avait d'autre monde qui devait être au courant. Alors, est-ce que ces gens-là ont fait leur travail auprès de M. Sklavounos ou est-ce que M. Sklavounos n'avait même pas compris qu'est-ce que leur leader voulait dire à ce moment-là?

M. Khadir : Et tous ces témoignages n'ont jamais été niés par le Parti libéral.

M. Vigneault (Nicolas) : Ce qui vous choque, c'est notamment qu'il renverse le fardeau de la preuve chez les présumées victimes? C'est quoi qui vous choque dans cette déclaration-là?

Mme Massé : Bien, c'est sûr, encore une fois, là, vous l'avez bien nommé, c'est-à-dire que, lorsqu'il dit : Vous savez, je suis un blagueur, je suis un homme joyeux qui aime ça créer des relations, extraverti, etc., et que je m'excuse... ce n'est pas «je m'excuse», je n'ai pas le verbatim exact, mais si mes propos ont pu blesser, etc., ça, ça veut dire que la personne qui est là, là, c'est elle qui a interprété que c'était du harcèlement, donc c'est de sa faute, c'est elle qui ne comprend pas bien. Mais nous, les femmes, on se fait dire ça depuis toujours, particulièrement en matière de harcèlement, d'agression et de violences sexuelles. C'est comme c'est toujours nous autres qui comprend mal.

M. Gagnon (Marc-André) : Si je reprends vos termes, vous avez parlé de discours de vieux mononcle cochon, là, donc les explications que M. Sklavounos a données ce matin quand il dit justement qu'il est quelqu'un d'extraverti, et tout ça, puis qu'il ne faisait que des blagues, donc, pour vous, sa déclaration ce matin, c'était un discours de vieux mononcle cochon? Est-ce que je comprends bien?

Mme Massé : Vous savez, les blagueurs, là...

M. Gagnon (Marc-André) : Est-ce que c'est ça?

Mme Massé : «Ce n'est rien qu'une blague!» O.K. C'est une expression... Je pense que le Québec comprend, surtout les femmes, qu'est-ce que ça veut dire, une joke de mononcle cochon, O.K.? Alors, moi, ce que je dis, c'est : Ce que j'ai entendu ce matin, c'est que M. Sklavounos me dit d'un côté : Bien oui, mais je suis un blagueur, ça fait que ce n'est rien qu'une joke, mesdames, ne pensez pas que c'est du harcèlement, ne pensez pas que je fais ça parce que je vous dénigre, ne pensez pas que... C'est ça qu'on entend en arrière. Alors, d'où, bien oui, comme femme, je peux vous dire moi que, malheureusement, c'est extrêmement blessant à la longue.

M. Boivin (Mathieu) : Mme Massé, vous souhaitez la démission de Gerry Sklavounos, mais il est manifeste qu'il ne vous écoutera pas, il a annoncé son intention de revenir la semaine prochaine à l'Assemblée nationale. Faisons un petit effort, là. Imaginez-vous que je suis Gerry Sklavounos devant vous. C'est quoi, les premiers mots que vous lui dites à lui directement?

Mme Massé : Ce que je lui dirais, c'est que, un, je ne comprends pas qu'est-ce qu'il fait là. Je ne comprends pas qu'est-ce qu'il fait là parce que tout ça ne m'a vraiment pas convaincue. Et je pense que, dans le travail… Oui, c'est ça que je lui dirais. Je pense que, dans la maison du peuple, comme ils aiment l'appeler à tour de bras, cette maison-là, les gens qui sont élus, qui sont des représentants d'hommes et de femmes qui se pètent les bretelles parce que le Québec est une société égalitaire, bien, dans cette maison du peuple, nous devons être exemplaires. Et, par le passé, dans les années, à tout le moins, qu'on a été capables d'identifier, l'exemple de M. Sklavounos n'a pas été convaincant, son discours de contrition n'a pas été convaincant. Alors, la seule façon de me convaincre, c'est qu'il retourne devant ses électeurs, et ses électeurs trancheront.

M. Croteau (Martin) : Comment évaluez-vous la manière dont le gouvernement a composé avec la situation aujourd'hui? C'est-à-dire que le premier ministre est à l'extérieur, toute la conférence de presse de M. Sklavounos a eu lieu en pleine période de questions, et tous les députés qui défilent à tour de rôle n'ont pas entendu sa déclaration et donc ne peuvent pas commenter, là. Qu'est-ce que vous pensez de la manière dont le gouvernement accueille cette sortie?

Mme Massé : Bien, je n'ai pas vu encore une réaction du gouvernement, vous m'en excuserez. S'il y en a eu une, je n'ai pas été consciente, je suis en entrevue depuis ce temps-là. Je ne sais pas quoi répondre à ça, sinon que, si on voulait noyer le poisson, c'était sûrement la meilleure façon et que c'est triste parce que, vous savez, le Parlement, de façon unanime, travaille depuis une année et demie pour faire en sorte que le harcèlement, le harcèlement sexuel, que les rapports d'abus… On a même adopté une motion unanime sur la culture du viol. Donc, on chemine depuis un an. Je pense que tous les événements des derniers temps que ce soit #agressionnondenoncee, que ce soit antérieurement à ça, #onvouscroit, c'est de nous rappeler qu'il y a, par exemple la notion de consentement, quelque chose qu'il faut changer.

Et là cet homme-là nous arrive avec des mots, comme vous dites, dans un contexte où… assez difficile de le suivre, de pouvoir pointer… où est-ce que le premier ministre ne pourra pas réagir à froid comme nous le faisons. C'est un peu désolant, mais en même temps ce n'est pas parce que c'est ça qu'on ne continuera pas.

M. Croteau (Martin) : ...que ça prenait une réponse forte et rapide du gouvernement?

M. Khadir : Oui. Ce que je serais tenté de rajouter, c'est que le fait pour nombre de députés de ne pas réagir, on peut comprendre, il y a des rapports humains, mais le Parti libéral a un devoir. Parce qu'en ne répondant pas, en ne clarifiant pas, en ne réagissant pas de manière claire et ferme sur l'inacceptablité de la réaction de M. Sklavounos, le Parti libéral banalise ces questions encore une fois et ne respecte pas l'esprit de tout ce qui a été fait l'année dernière pour une politique sentie, assumée, sincère de lutte aux questions de harcèlement sexuel et de violence.

M. Gagnon (Marc-André) : M. Couillard, bon, a réagi en disant qu'il n'était pas question pour lui de le réintégrer maintenant, qu'il voulait prendre un certain temps d'abord pour prendre connaissance de sa déclaration et M. Sklavounos, de son côté, a dit qu'il allait siéger à l'Assemblée nationale dès la semaine prochaine. Or, pour l'instant, il est un député indépendant. S'il revient la semaine prochaine et qu'il siège en tant que député indépendant, il va siéger tout près de vous deux. Serez-vous à l'aise de siéger à côté de M. Sklavounos?

M. Khadir : Grand malaise, Manon l'a déjà exprimé. J'ajoute ma voix à celle de Manon pour dire que c'est un grand malaise. Je serai tenté de lui dire, je vais lui répéter, qu'il n'a pas la légitimité morale. Quand les... quand les patients, j'allais dire... quand les électeurs et les électrices de Laurier-Dorion ont été appelés aux urnes en 2014, ce n'est pas le portrait qu'on leur offrait. Aujourd'hui, c'est tout à fait différent. C'est des comportements qui, au niveau social, ne doivent plus être acceptés et il n'a plus la légitimité morale et démocratique de représenter ces gens-là. Ce n'est pas le même personnage, ce n'est pas la même qualité de représentant, il n'a pas la même sérénité. Vous avez remarqué, il n'est pas capable de répondre aux questions, il n'est pas capable de nommer le mot «harcèlement sexuel». Pourquoi? Parce qu'il a des poursuites judiciaires, peut-être, qu'il craint.

Donc, tout ça fait en sorte qu'il n'a pas la sérénité et la capacité de faire son travail, de nommer ces choses-là et donc d'agir de manière adéquate aux attentes de la population. Donc, je vais lui dire : Gerry, il faut que tu demandes la possibilité aux électeurs s'ils sont d'accord, toujours d'accord que tu les représentes. Tu ne peux pas siéger, autrement ce n'est pas légitime démocratiquement.

M. Boivin (Mathieu) : Une partielle tout de suite?

M. Khadir : Quand ce sera déclenché. Il faut qu'il démissionne. Pour nous, on le répète comme au premier jour, il faut qu'il démissionne.

Le Modérateur : En anglais.

Mme Johnson (Maya) : Mme Massé, you had some very strong… obviously in French about the words and the explanations that we heard from Mr. Sklavounos this morning. So, can you just explain why you perceived it to be that way?

Mme Massé : Because what I heard, what I read, it's a kind of discourse that we heard a lot in the past, when men want to just… banaliser…

Mme Johnson (Maya) : Minimize.

Mme Massé : … — minimize — so, when men want to minimize their acts, their actions, and they say : Oh, you know, I'm just joking or I'm friendly, I'm like this, I'm a very extraverted person, and you are the one who do not understand well. So, this is the kind of words that we heard decades ago.

Mme Johnson (Maya) : So, it's old-school behavior, in your opinion, old-school justifications.

Mme Massé : It's an old-school justification, yes, absolutely. So, that's why I said : When you are elected, it's very important to be… au-dessus…

Mme Johnson (Maya) : Above.

Mme Massé : Above, thank you. When you are elected, it's very important to be above this kind of «comportement». And my point is, if Mr. Sklavounos cannot recognize what he did and the impact… not : I'm sorry, if they feel like this… I understand, what I did has this kind of impact on women, especially youth, and especially when you are in a power relationship with them. So, I didn't hear that and I'm not sure that will change… no, I'm not sure that… this is not what we need as representant of the population.

Mme Johnson (Maya) : And so you want him to resign.

Mme Massé : Yes, we want him to resign.

M. Hicks (Ryan) : On Tuesday or whatever day he comes back next week, will you still show up or will you kind of set aside… will you do anything to protest the fact that he is back?

Mme Massé : You know, last time that I protest, I turned my back for a very, very bad law, and the president said that this is not a good thing. So, when you say «protest», I just want to be sure… But Mr. Sklavounos will be in my back, that's better. No, of course, I'm going to go and see him as everything… I mean, if you want to change the inequality between men and women, this kind of reaction has to change. So, of course, I'm going to go to see him with Amir, if I understand well, and repeat to him what I said here because I think we need to have a little chat on that one, because the women on Laurier-Dorion and the men on Laurier-Dorion, when they voted for Mr. Sklavounos in 2014, this wasn't the man that we see today saying : If I did bad, I'm sorry if you feel it as bad. I'm not sure they... So, we have to ask them : Are they ready to still give him his support?

Des voix : Merci.

(Fin à 12 h 55)

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