(Douze heures trente-cinq minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour,
tout le monde. Bien, vous ne serez pas surpris si je vous dis que je n'ai pas
été impressionnée par la prise de parole de M. Sklavounos. Pas
impressionnée parce que je vous dirais d'entrée de jeu que la rhétorique qu'il
a utilisée, les mots qu'il a utilisés, le fait de ne pas profondément
reconnaître qu'il y a quelque chose qui ne va pas faire en sorte que c'est un
discours que j'entends quand même depuis plusieurs années, hein? Je vous dirais
que, même le choix des mots, et tout ça, ce qui est fascinant, c'est que c'est...
par exemple, lui, il a découvert ça le 20 octobre dernier. Pourtant, ce
n'est pas ça que ça nous dit. Oui, la situation de Mme Paquet au mois d'octobre,
mais on sait que, depuis 2012‑2013, il y a eu ici, à l'Assemblée nationale, des
plaintes déposées auprès du bureau de son whip par une attachée politique du Parti
québécois dans laquelle le bureau du whip a dû faire son travail, a dû aller
voir M. Sklavounos pour dire : Change tes comportements.
Plus que ça, les pages, hein, je nous
rappelle, les pages, jeunes femmes, jeunes hommes de 18, 24, 25 ans, qui,
de cohorte en cohorte, s'avisent de faire attention, et même qui... On
l'apprenait l'an dernier grâce au travail journalistique, le responsable des
pages s'était engagé à aller voir le bureau du leader, qui était M. Fournier
à l'époque, pour aviser du comportement inacceptable de M. Sklavounos.
Alors, non, je ne suis pas convaincue, je
ne trouve pas ça convaincant du tout. M. Sklavounos n'arrive même pas à
prononcer le mot «harcèlement». Il remet... «si j'ai eu des comportements qui
ont pu offenser», donc c'est les victimes qui ne savent pas de quoi elles
parlent? C'est les femmes qui, elles, ont vécu ces sentiments-là, qui, elles,
parlent de harcèlement... ça veut dire qu'elles, elles n'ont pas eu la bonne
ligne d'analyse? Non, ces discours-là, là, de vieux mononcle cochon qui se
trouve drôle — tout seul, d'ailleurs — nous autres, les
femmes, on sait c'est quoi. Parlez-en à vos filles, à vos soeurs, à vos mères,
ça fait des décennies que ça dure. Et, dans ce sens-là, non, je ne suis pas
impressionnée.
Je vous dirais qu'on attend, tout le
monde, de voir qu'est-ce que le premier ministre va faire. Lui, va-t-il trouver
ça convaincant? Lui le sait que son bureau du whip et son bureau de leader,
j'imagine, par le passé, avaient été avisés, sinon il aurait réintégré aisément
M. Sklavounos. Donc, savez-vous, là, il y a du monde que j'aimerais ça
entendre et savoir ce qu'ils ont à dire sur le suivi, donc le sérieux qu'ils
ont porté aux plaintes qui ont été signifiées au Parti libéral en cours de
route depuis 2012, et, pour le moment, on connaît depuis 2012.
Ce que je veux vous dire, c'est que... Maintenant,
qu'est-ce que fera le premier ministre? Bien, je pense que le premier ministre
doit réécouter attentivement le message de M. Sklavounos, doit écouter ce
que les féministes, nous disons à la société québécoise depuis des décennies
sur la banalisation des comportements, et notamment des comportements à caractère
sexuels. C'était juste une joke, je suis un gars drôle, hein? Et, si M. Sklavounos
ne convient pas pour le caucus libéral, bien, pourquoi conviendrait-il pour les
gens de Laurier-Dorion? Voilà ce que j'ai à dire.
M. Croteau (Martin) :
Qu'est-ce qui manquait à la déclaration de M. Sklavounos?
Mme Massé : Vous savez,
quand on veut changer des comportements... Vous savez, ici, souvent, j'ai parlé
de la culture du viol. Quand on veut changer des comportements, il est
essentiel de les reconnaître, d'être capable de les identifier. C'est quoi, un
rapport de séduction? C'est quoi, un rapport d'autorité qui utilise son
autorité pour séduire. Ce n'est pas pareil, ça. C'est quoi, relancer quelqu'un,
hein? Je me souviens, là, quand, l'automne dernier, tu sais, où on dit, bon :
Le député m'a relancée à plusieurs reprises, alors qu'il y avait un non qui
avait été dit. Et je ne vous parle pas de la situation de Mme Paquet.
Alors, ce qu'il a manqué, M. Croteau,
ce qu'il a manqué, c'est la nécessité de comprendre c'est quoi, et là il ne m'a
pas convaincue, puisqu'en plus il dit : Bien oui, pour me racheter, si je
peux dire, là, pour faire amende honorable, je vais être un grand défenseur de
l'égalité, je vais faire de la formation, je vous assure, je vais faire de la
formation sur la situation — même pas capable de nommer c'est quoi,
la situation — et je vais faire de la formation, puis là-dedans il ne
faudra pas oublier surtout de parler de la présomption d'innocence. C'est quoi?
Il comprend vraiment? Moi, je suis sûre que, demain matin, Amir va faire de la
formation pour expliquer c'est quoi, le rapport de pouvoir entre les femmes et
les hommes, entre les hommes et les femmes, qu'Amir, sans aucun problème,
serait capable d'expliquer que, comme homme, il a des privilèges, et comme
homme élu, il en a plus, et comme homme élu, il a donc plus de responsabilités.
M. Gagnon (Marc-André) :
M. Khadir, justement ce matin, a dit que M. Sklavounos se devait de
prendre ses responsabilités et de démissionner après avoir entendu sa
déclaration. Est-ce que c'est toujours la position de Québec solidaire?
Mme Massé : Absolument,
et je pense que, moi, il ne m'a pas convaincue. Convaincra-t-il le premier
ministre? Nous le saurons bientôt, mais a-t-il convaincu ceux et celles, et
celles pour qui il est représentant ici? Je dirais qu'il y a juste une façon
qui va l'illustrer, c'est qu'il retourne devant ses commettants.
Mme Porter (Isabelle) :
Mme Massé, vous dites que vous aimeriez entendre un certain nombre de
personnes, ce qu'ils ont à dire. Tout à l'heure, vous avez dit ça : Il y a
un certain nombre de personnes que je voudrais savoir ce qu'ils ont à dire
là-dessus. Vous aviez parlé, un peu avant, je pense, de l'intervention du whip,
tout ça. Qui en particulier souhaitez-vous entendre sur ce sujet-là?
Mme Massé : Bien, c'est
parce que, là, j'ai une chose et son contraire. Puis, dans ce sens-là, c'est
pour ça que je me dis : Il y a des gens qui... Quand, par exemple, ça a
été reconnu qu'il y a une plainte qui a été déposée au bureau du whip libéral
en 2012‑2013... Qui était-il, le whip, je ne m'en souviens pas...
M. Khadir
:
C'était... Ah! le whip... Je ne pourrais pas vous dire, non, à cette époque.
Mme Massé : Je ne
pourrais pas vous le dire. O.K. Et, quand le bureau des stagiaires dit qu'il a
fait cheminer sa plainte au bureau... que la stagiaire a dit que le bureau du
leader avait été informé et que ça ne se reproduira plus... Ça, je le sais, le
leader, à l'époque, c'était M. Fournier, puisque la jeune dame l'avait
dit. Alors donc, si M. Sklavounos dit : Tout ça a commencé au mois
d'octobre l'année dernière, il fait référence à Mme Paquet. Et que, nous,
ce que les journaux nous ont appris dans cette foulée-là, c'est qu'il y avait
d'autre monde qui devait être au courant. Alors, est-ce que ces gens-là ont
fait leur travail auprès de M. Sklavounos ou est-ce que M. Sklavounos
n'avait même pas compris qu'est-ce que leur leader voulait dire à ce moment-là?
M. Khadir
: Et
tous ces témoignages n'ont jamais été niés par le Parti libéral.
M. Vigneault (Nicolas) :
Ce qui vous choque, c'est notamment qu'il renverse le fardeau de la preuve chez
les présumées victimes? C'est quoi qui vous choque dans cette déclaration-là?
Mme Massé : Bien, c'est
sûr, encore une fois, là, vous l'avez bien nommé, c'est-à-dire que, lorsqu'il
dit : Vous savez, je suis un blagueur, je suis un homme joyeux qui aime ça
créer des relations, extraverti, etc., et que je m'excuse... ce n'est pas «je
m'excuse», je n'ai pas le verbatim exact, mais si mes propos ont pu blesser,
etc., ça, ça veut dire que la personne qui est là, là, c'est elle qui a
interprété que c'était du harcèlement, donc c'est de sa faute, c'est elle qui
ne comprend pas bien. Mais nous, les femmes, on se fait dire ça depuis toujours,
particulièrement en matière de harcèlement, d'agression et de violences
sexuelles. C'est comme c'est toujours nous autres qui comprend mal.
M. Gagnon (Marc-André) :
Si je reprends vos termes, vous avez parlé de discours de vieux mononcle cochon,
là, donc les explications que M. Sklavounos a données ce matin quand il
dit justement qu'il est quelqu'un d'extraverti, et tout ça, puis qu'il ne
faisait que des blagues, donc, pour vous, sa déclaration ce matin, c'était un
discours de vieux mononcle cochon? Est-ce que je comprends bien?
Mme Massé : Vous savez,
les blagueurs, là...
M. Gagnon (Marc-André) :
Est-ce que c'est ça?
Mme Massé : «Ce n'est
rien qu'une blague!» O.K. C'est une expression... Je pense que le Québec
comprend, surtout les femmes, qu'est-ce que ça veut dire, une joke de mononcle cochon,
O.K.? Alors, moi, ce que je dis, c'est : Ce que j'ai entendu ce matin, c'est
que M. Sklavounos me dit d'un côté : Bien oui, mais je suis un
blagueur, ça fait que ce n'est rien qu'une joke, mesdames, ne pensez pas que c'est
du harcèlement, ne pensez pas que je fais ça parce que je vous dénigre, ne
pensez pas que... C'est ça qu'on entend en arrière. Alors, d'où, bien oui,
comme femme, je peux vous dire moi que, malheureusement, c'est extrêmement
blessant à la longue.
M. Boivin (Mathieu) :
Mme Massé, vous souhaitez la démission de Gerry Sklavounos, mais il est
manifeste qu'il ne vous écoutera pas, il a annoncé son intention de revenir la
semaine prochaine à l'Assemblée nationale. Faisons un petit effort, là.
Imaginez-vous que je suis Gerry Sklavounos devant vous. C'est quoi, les
premiers mots que vous lui dites à lui directement?
Mme Massé : Ce que je lui
dirais, c'est que, un, je ne comprends pas qu'est-ce qu'il fait là. Je ne
comprends pas qu'est-ce qu'il fait là parce que tout ça ne m'a vraiment pas
convaincue. Et je pense que, dans le travail… Oui, c'est ça que je lui dirais.
Je pense que, dans la maison du peuple, comme ils aiment l'appeler à tour de
bras, cette maison-là, les gens qui sont élus, qui sont des représentants
d'hommes et de femmes qui se pètent les bretelles parce que le Québec est une
société égalitaire, bien, dans cette maison du peuple, nous devons être
exemplaires. Et, par le passé, dans les années, à tout le moins, qu'on a été
capables d'identifier, l'exemple de M. Sklavounos n'a pas été convaincant,
son discours de contrition n'a pas été convaincant. Alors, la seule façon de me
convaincre, c'est qu'il retourne devant ses électeurs, et ses électeurs
trancheront.
M. Croteau (Martin) :
Comment évaluez-vous la manière dont le gouvernement a composé avec la
situation aujourd'hui? C'est-à-dire que le premier ministre est à l'extérieur,
toute la conférence de presse de M. Sklavounos a eu lieu en pleine période
de questions, et tous les députés qui défilent à tour de rôle n'ont pas entendu
sa déclaration et donc ne peuvent pas commenter, là. Qu'est-ce que vous pensez
de la manière dont le gouvernement accueille cette sortie?
Mme Massé : Bien, je n'ai
pas vu encore une réaction du gouvernement, vous m'en excuserez. S'il y en a eu
une, je n'ai pas été consciente, je suis en entrevue depuis ce temps-là. Je ne
sais pas quoi répondre à ça, sinon que, si on voulait noyer le poisson, c'était
sûrement la meilleure façon et que c'est triste parce que, vous savez, le
Parlement, de façon unanime, travaille depuis une année et demie pour faire en
sorte que le harcèlement, le harcèlement sexuel, que les rapports d'abus… On a
même adopté une motion unanime sur la culture du viol. Donc, on chemine depuis
un an. Je pense que tous les événements des derniers temps que ce soit #agressionnondenoncee,
que ce soit antérieurement à ça, #onvouscroit, c'est de nous rappeler qu'il y
a, par exemple la notion de consentement, quelque chose qu'il faut changer.
Et là cet homme-là nous arrive avec des
mots, comme vous dites, dans un contexte où… assez difficile de le suivre, de
pouvoir pointer… où est-ce que le premier ministre ne pourra pas réagir à froid
comme nous le faisons. C'est un peu désolant, mais en même temps ce n'est pas parce
que c'est ça qu'on ne continuera pas.
M. Croteau (Martin) :
...que ça prenait une réponse forte et rapide du gouvernement?
M. Khadir
: Oui.
Ce que je serais tenté de rajouter, c'est que le fait pour nombre de députés de
ne pas réagir, on peut comprendre, il y a des rapports humains, mais le Parti
libéral a un devoir. Parce qu'en ne répondant pas, en ne clarifiant pas, en ne
réagissant pas de manière claire et ferme sur l'inacceptablité de la réaction
de M. Sklavounos, le Parti libéral banalise ces questions encore une fois
et ne respecte pas l'esprit de tout ce qui a été fait l'année dernière pour une
politique sentie, assumée, sincère de lutte aux questions de harcèlement sexuel
et de violence.
M. Gagnon (Marc-André) :
M. Couillard, bon, a réagi en disant qu'il n'était pas question pour lui
de le réintégrer maintenant, qu'il voulait prendre un certain temps d'abord
pour prendre connaissance de sa déclaration et M. Sklavounos, de son côté,
a dit qu'il allait siéger à l'Assemblée nationale dès la semaine prochaine. Or,
pour l'instant, il est un député indépendant. S'il revient la semaine prochaine
et qu'il siège en tant que député indépendant, il va siéger tout près de vous
deux. Serez-vous à l'aise de siéger à côté de M. Sklavounos?
M. Khadir
: Grand
malaise, Manon l'a déjà exprimé. J'ajoute ma voix à celle de Manon pour dire
que c'est un grand malaise. Je serai tenté de lui dire, je vais lui répéter,
qu'il n'a pas la légitimité morale. Quand les... quand les patients, j'allais
dire... quand les électeurs et les électrices de Laurier-Dorion ont été appelés
aux urnes en 2014, ce n'est pas le portrait qu'on leur offrait. Aujourd'hui,
c'est tout à fait différent. C'est des comportements qui, au niveau social, ne
doivent plus être acceptés et il n'a plus la légitimité morale et démocratique
de représenter ces gens-là. Ce n'est pas le même personnage, ce n'est pas la
même qualité de représentant, il n'a pas la même sérénité. Vous avez remarqué,
il n'est pas capable de répondre aux questions, il n'est pas capable de nommer
le mot «harcèlement sexuel». Pourquoi? Parce qu'il a des poursuites
judiciaires, peut-être, qu'il craint.
Donc, tout ça fait en sorte qu'il n'a pas
la sérénité et la capacité de faire son travail, de nommer ces choses-là et
donc d'agir de manière adéquate aux attentes de la population. Donc, je vais
lui dire : Gerry, il faut que tu demandes la possibilité aux électeurs
s'ils sont d'accord, toujours d'accord que tu les représentes. Tu ne peux pas
siéger, autrement ce n'est pas légitime démocratiquement.
M. Boivin (Mathieu) :
Une partielle tout de suite?
M. Khadir
: Quand
ce sera déclenché. Il faut qu'il démissionne. Pour nous, on le répète comme au
premier jour, il faut qu'il démissionne.
Le Modérateur
: En anglais.
Mme Johnson (Maya) : Mme Massé, you had some very strong… obviously in French about the
words and the explanations that we heard from Mr. Sklavounos this morning. So,
can you just explain why you perceived it to be that way?
Mme Massé : Because what I heard, what I read, it's a kind of discourse that we
heard a lot in the past, when men want to just… banaliser…
Mme Johnson (Maya) : Minimize.
Mme Massé : … — minimize — so, when men want to minimize
their acts, their actions, and they say : Oh, you know, I'm just joking or
I'm friendly, I'm like this, I'm a very extraverted person, and you are the one
who do not understand well. So, this is the kind of words that we heard decades
ago.
Mme Johnson (Maya) : So, it's old-school behavior, in your opinion, old-school
justifications.
Mme Massé : It's an old-school justification, yes, absolutely. So, that's why I said : When you are elected, it's very important to be… au-dessus…
Mme Johnson (Maya) : Above.
Mme Massé : Above, thank you. When you are elected, it's very important to be above this kind of «comportement».
And my point is, if Mr. Sklavounos cannot recognize what he did and the
impact… not : I'm sorry, if they feel like this… I understand, what I did
has this kind of impact on women, especially youth, and especially when you are
in a power relationship with them. So, I didn't hear that and I'm not sure that
will change… no, I'm not sure that… this is not what we need as representant of the population.
Mme Johnson (Maya) : And so you want him to resign.
Mme Massé :
Yes, we want him to resign.
M. Hicks (Ryan) : On Tuesday or whatever day he comes back next week, will you still
show up or will you kind of set aside… will you do anything to protest the fact
that he is back?
Mme Massé :
You know, last time that I protest, I turned my back for a very, very bad law,
and the president said that this is not a good thing. So, when you say «protest»,
I just want to be sure… But Mr. Sklavounos will be in my back, that's better.
No, of course, I'm going to go and see him as everything… I mean, if you want
to change the inequality between men and women, this kind of reaction has to change. So, of course, I'm going to go to see him with Amir, if I
understand well, and repeat to him what I said here because I think we need to
have a little chat on that one, because the women on Laurier-Dorion and the men on Laurier-Dorion, when they voted for Mr. Sklavounos in 2014, this wasn't the
man that we see today saying : If I did bad, I'm sorry if you feel it as
bad. I'm not sure they... So, we have to ask them : Are they ready to
still give him his support?
Des voix
:
Merci.
(Fin à 12 h 55)