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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le jeudi 16 février 2017, 13 h 45

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures quarante-huit minutes)

M. Khadir : Aujourd'hui, en Chambre, se tenait le vote sur la motion du mercredi présentée par l'opposition au gouvernement demandant essentiellement à M. Couillard et aux libéraux de faire un pas et de s'entendre sur ce qui se dégageait au cours des 10, 15 derniers jours sur un consensus atteignable, c'est-à-dire un consensus sur les recommandations du rapport Bouchard-Taylor. Nous avons, par souci de cohérence... Parce que n'oublions pas, jusqu'à l'attentat meurtrier, l'attentat islamophobe meurtrier du 29 janvier dernier, il y avait deux camps qui s'opposaient : d'un côté, le Parti québécois et la CAQ, qui, pour diverses raisons, je ne rentrerai pas dans les détails, instrumentalisaient toutes sortes, je dirais, de situations en société et pointaient du doigt par obsession sur la tenue vestimentaire des femmes musulmanes pour mener le débat sur la laïcité, sur l'immigration, sur l'enseignement à l'école, sur bien des sujets; et, de l'autre côté, malheureusement, le Parti libéral, au pouvoir depuis le plus clair des 15 dernières années, qui n'a pas agi de manière convenable, notamment qui n'a pas saisi la proposition du rapport Bouchard-Taylor quand il est sorti en 2007 pour permettre qu'il y ait un travail social qui avance.

Et, rappelons-nous, le rapport Bouchard-Taylor ne s'adresse pas ni aux questions d'accommodements uniquement ni même aux questions du port des signes religieux, mais un ensemble de propositions, dont une charte de la laïcité, dont des programmes d'intégration interculturelle et non pas multiculturelle comme un travail réel de lutte à la discrimination. Or, ces deux positions qui étaient opposées auraient pu se rejoindre dès 2013 alentour d'une proposition qui était formulée par Québec solidaire, qui tablait justement sur le rapport Bouchard-Taylor pour une approche modérée, équilibrée, qui, heureusement, est possible aujourd'hui, maintenant qu'on entend le PQ et la CAQ convenir que leurs positions passées étaient tout à fait erronées et que Bouchard-Taylor peut représenter un équilibre à la fois sur toutes les questions qui touchent les accommodements et non pas uniquement des accommodements religieux, mais également sur la question des accommodements religieux, sur le port des signes religieux, mais bien plus sur la nécessité d'une charte de la laïcité, sur la nécessité de programmes soutenus d'intégration des immigrants et aussi de lutte aux discriminations.

Maintenant, j'aimerais dire aussi à M. Couillard... J'ai eu l'occasion de lui parler aujourd'hui alentour de ces sujets-là dans une brève rencontre, et je compte bien, disons, rappliquer là-dessus, que ce consensus-là n'est ni un consensus définitif ni un consensus, disons, idéal sur le plan légal ou sur le plan, disons, conceptuel.

Par contre, sur le plan politique, c'est une formidable opportunité pour enlever les caisses de résonance politiques qui existaient depuis au moins 10 ans pour tous ceux qui, dans notre société, veulent carburer aux politiques de ressentiment et qui veulent, en fait, détourner l'attention de la société des véritables problèmes de discrimination, des véritables problèmes de profilage racial, des véritables problèmes de lutte aux inégalités sociales pour concentrer notre attention et notre malaise généralisé alentour de questions identitaires, puis tout ça en cassant du sucre sur un des secteurs les plus vulnérables de notre société, c'est-à-dire les personnes racialisées, c'est-à-dire les personnes qu'on identifie aisément dans la société comme étant des minorités, et particulièrement des femmes musulmanes portant le voile, qui sont regardées comme des citoyens de seconde zone et qui sont régulièrement, depuis 10 ans, l'objet de toutes sortes de discriminations, d'attaques et de violence. Merci de votre attention.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Alors, vous dites que vous avez eu une brève rencontre avec le premier ministre. C'était à son initiative?

M. Khadir : Vous savez, dans les couloirs de l'Assemblée, on se rencontre souvent. Et j'ai voulu l'interpeller pour, disons, l'inviter à réfléchir encore davantage à cette unique opportunité qui s'offre au Québec, après 10 ans de tergiversations, de faire en sorte que la polarisation alentour de ce sujet prenne fin, et que... Bien sûr, on ne pourra pas et on ne voudra pas empêcher, en société, toutes sortes de gens qui ont des opinions très tranchées là-dessus, et qui veulent carburer aux politiques de ressentiment, et qui sont obsédés par le port du voile par certaines... une minorité de femmes musulmanes. Le port du voile par une extrême minorité de femmes musulmanes québécoises, d'accord, là, ils sont obsédés là-dessus. Mais au moins, en s'entendant sur le consensus que représente Bouchard-Taylor, on a l'opportunité historique d'enlever toute caisse de résonance à ça sur le plan politique, qui a empoisonné, en quelque sorte, notre vie parlementaire de manière régulière, et on l'a vu avec l'épisode malheureux de la charte des valeurs du Parti québécois.

Donc, c'est le fond de ma rencontre avec M. Couillard. Je l'invite à considérer qu'à défaut d'être, sur le plan conceptuel, à l'abri de tout reproche, à défaut d'être à l'abri de tout recours judiciaire possible, mais ça, les avis sont partagés... La commission Bouchard-Taylor avait fait un travail à l'époque, avant de faire ses recommandations et s'était assurée que, sur le plan constitutionnel, c'est solide, d'accord? Les libéraux prétendent aujourd'hui que non, ça pourrait être balayé. M. Taylor même a acheté cette idée, que ça pourrait être balayé par une décision de la cour. Possible, mais à défaut d'être parfait de ces deux côtés-là, au moins ça enverrait un message clair et ça permettrait de sceller une entente politique entre les quatre partis à l'Assemblée nationale pour que ceux qui veulent alimenter les politiques de haine et de ressentiment n'aient plus de résonnance sur la scène institutionnelle.

M. Bélair-Cirino (Marco) : On ne peut pas arriver à cet objectif-là en adoptant le projet de loi n° 62 dans sa forme actuelle, dans la mesure où il y a quand même une disposition qui prévoit que les services de l'État doivent être offerts et reçus à visage découvert? Donc, ça ne permettrait pas de relâcher la pression, dans la mesure où le premier ministre le répète depuis des mois et des années, qu'il n'entend pas interdire le port des signes religieux ostensibles ou ostentatoires chez les employés de l'État en position de coercition?

M. Khadir : M. Couillard semble sincèrement persuadé de cette chose, c'est-à-dire que le projet de loi n° 62 va suffire. Je l'invite à considérer le fait que ça ne sera pas suffisant en vertu du fait que deux partis au moins à l'Assemblée nationale indiquent déjà que, si c'est ça, c'est-à-dire un refus de la part du gouvernement de faire un pas, un geste d'apaisement... Puisque pourquoi M. Couillard cherche à avancer ceci? C'est dans une volonté d'apaisement, et moi, j'accueille cette volonté, comme tout le monde en société. Mais je lui rappelle qu'il n'y a pas d'apaisement si ce qu'il offre sur le plan politique, c'est un projet de loi qui refuse, je dirais, toute entente et tout compromis avec l'opposition.

Et donc c'est pour ça que je pense que le projet de loi qu'avait présenté Françoise, Françoise David, en 2013, sur la laïcité et sur la clarification sur, justement, les questions du port des signes religieux par les agents de l'État permettait un consensus qui, aujourd'hui, est atteignable, puisque la CAQ et le PQ, qui ne voulaient rien savoir de ça, sont prêts à faire des concessions relativement très importantes.

Donc, si M. Couillard doit arriver aux fins respectables qu'il recherche, c'est-à-dire l'apaisement, l'apaisement passe aussi par... c'est-à-dire par les moyens politiques qu'on déploie pour s'assurer qu'il n'y a plus de relais dans la société pour alimenter le discours de haine, de discrimination, d'islamophobie et le transmettre à travers des canaux politiques, comme ça a été possible au moins entre 2007 et aujourd'hui.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Je comprends bien. Mais est-ce que le projet de loi n° 62 est mieux que le statu quo?

M. Khadir : Toute action dans ce sens est mieux que le statu quo, mais le projet de loi n° 62 est trop en deçà, trop éloigné des minimaux requis par Bouchard-Taylor, qui ne concerne pas uniquement le port des signes religieux, il y a bien d'autres choses dedans. Il y a la proposition d'une charte de laïcité, il y a des propositions de programmes d'intégration énergiques qui passent par des dispositifs et des programmes financés pour la lutte à la discrimination.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui, ça, je comprends. Mais ça, c'est dans le projet de loi n° 98.

M. Khadir : Donc, c'est un petit, petit pas, mais bien...

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais est-ce que c'est mieux que rien, le 62?

M. Khadir : Bien, écoutez, tout est mieux que rien, hein? Dans les négociations, par exemple, entre l'État et ses employés, toute offre de l'État qui dépasse le zéro est mieux que rien. Mais est-ce qu'on peut se satisfaire de ça? Après 10 ans, ça serait un échec social et politique que de se contenter de ça.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce que c'est une bonne idée de repousser encore une fois le débat sur le projet de loi n° 62 à l'automne prochain afin de permettre à la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, de concentrer ses énergies sur le projet de loi n° 98, là, qui vise justement à faciliter l'intégration des immigrants au marché du travail ou, selon vous, on retarde encore...

M. Khadir : Excusez-moi, là, mais je regarde, par exemple, un autre ministre, M. Barrette, qui mène tambour battant d'immenses réformes dans le... en fait, dans une partie de la fonction publique et de l'État qui constitue l'essentiel des services de l'État, puis ça ne l'empêche pas de mener deux, trois réformes majeures, dont je ne suis pas d'accord pour l'essentiel, mais... Autrement dit, moi, je considère que l'un ne doit pas attendre nécessairement l'autre. Et, comme son collègue, bien, nous sommes prêts à l'aider. On peut aller beaucoup plus rapidement.

Et je signale que, si le gouvernement montrait un peu de bonne volonté, le travail pourrait être excessivement facilité et accéléré si le gouvernement fait un pas dans le sens du consensus, qui est atteignable, qui était encore atteignable jusqu'à il y a deux jours, jusqu'à la parution de l'avis de M. Taylor qui a renforcé le gouvernement dans son entêtement. Et je crois que ce n'est pas une bonne chose. Il y a une différence entre l'avis, je dirais, basé sur les stricts principes intellectuels et de l'idéal démocratique de Charles Taylor, dont on peut discuter, mais je pense qu'il faut au moins admettre que c'est dans sa recherche d'idéal démocratique et conceptuel philosophique qu'il s'est dissocié de son engagement précédent.

Mais le devoir d'un premier ministre, le devoir d'une assemblée nationale et de politiciens différents, il y a aussi de nécessaires consensus sociaux. Et d'ailleurs la première loi de laïcité en 1905 était aussi un consensus. C'était un âpre consensus qui ne rencontrait pas les exigences, je dirais, idéales des laïcs de l'époque ni les demandes, je dirais, légitimes des minorités religieuses en 1905, mais il y a eu un consensus qu'on célèbre aujourd'hui, même si ça n'a pas été respecté dans son esprit.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Deux dernières questions sur deux autres sujets, si vous me le permettez.

Le gouvernement libéral ne semble pas disposé à appeler le projet de loi n° 790 de votre collègue Manon Massé, qui suspendrait l'application de Loi électorale jusqu'au mois de juin prochain pour permettre à elle et à la communauté de Centre-Sud de Montréal de faire leurs représentations pour dissuader le Directeur général des élections d'aller de l'avant avec sa refonte électorale. Alors, comment vous qualifiez l'attitude du gouvernement libéral? Et avez-vous toujours espoir d'arriver à, disons, faire entendre raison au Directeur général des élections?

M. Khadir : Je pense, c'est malheureux de la part d'un parti qui... dont le système parlementaire actuel avantage, je dirais, juste par ses mécanismes, par son système, son mode de scrutin... avantage si immensément, hein? On le sait, il y a une prime pour le gagnant qui est énorme. À peine 40 % des gens de 60 % de ceux qui ont participé aux élections ont voté pour ce gouvernement, mais ce gouvernement a une majorité absolue, énormément de moyens à sa disposition, sans même qu'on parle de tous les millions de dollars ramassés, depuis des années, illégalement pour remporter ses élections. Alors, un geste minimum de hauteur démocratique et de magnanimité reconnaissant le fait que la décision qu'a prise le Directeur général des élections, en toute légitimité, sur le plan politique, c'est inacceptable parce que ça efface un tiers des comtés qui allaient aux plus petits partis déjà désavantagés... Donc, ça aurait été l'occasion de montrer un peu la hauteur démocratique. Ils ont échappé encore celle-là, cette opportunité-là. C'est pour ça qu'on va être devant la cour demain avec une requête d'injonction pour suspendre l'application de la carte électorale telle que suggérée par le DGEQ.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Et, rapidement, quelles sont vos attentes, quelles sont les mesures concrètes que vous attendez du gouvernement à la suite du Rendez-vous national sur la main-d'oeuvre, qui commence cet après-midi à Québec?

M. Khadir : Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de me pencher, je ne peux pas commenter ça encore. Je vous reviendrai en temps opportun.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Merci.

(Fin à 14 h 3)

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