(Treize heures trente-deux minutes)
M. Khadir
: J'ai
examiné l'annonce qui a été faite par le premier ministre Couillard sur ce
qu'il compte faire pour soi-disant retenir les entreprises. Je rappelle que ça
fait 30 ans, ça fait 30 ans, ce n'est pas nouveau, là, ça fait 30 ans que
les gouvernements font des courbettes devant les plus nantis qui sont capables
de faire du chantage. Alors, on comprend, on dit : Ces gens-là peuvent
aller — c'est ce qu'a dit le premier ministre — peuvent
aller déclarer leur impôt en Ontario ou ailleurs. Alors, la seule solution,
c'est de faire une génuflexion, de faire une courbette, bon, et de leur offrir
tout ce qu'ils demandent. On a tellement fait ça que Montréal, je vous
l'annonce, si ça vous a échappé, le classement KPMG pour 2016, là, Montréal
vient en troisième rang international parmi les 10 pays à l'étude et 100 villes
étudiées dans 10 pays en termes de classement des coûts de l'entreprise-attractivité.
C'est-u pas assez beau? Déjà, on ne leur offre pas déjà assez. On devance
Toronto. On devance Vancouver. On devance tout ce que vous pourriez imaginer, là.
Alors moi, je dis au gouvernement que
c'est inacceptable. Ce n'est pas le genre de politique dont on a besoin,
surtout de la part d'un gouvernement <qui vient tout juste, hein, on le
sait...
M. Khadir
:
...pas assez beau,
déjà... on ne leur offre pas
déjà assez? On
devance
Toronto, on devance Vancouver, on devance tout ce que vous
pouvez imaginer, là. Alors, moi, je dis au
gouvernement que c'est
inacceptable, ce n'est pas le genre de
politique dont on a besoin,
surtout de la part d'un
gouvernement >qui vient tout juste, hein,
on le sait... les crédits d'impôt auxquels avaient droit des dizaines de
milliers de retraités vont leur être graduellement coupés. On augmente l'âge
auquel les gens peuvent avoir droit à ce crédit d'impôt. C'est 77 millions
que le gouvernement va chercher dans la poche des citoyens les plus vulnérables
de notre société, à qui notre société doit tant, est redevable. Ce sont nos aînés
qui ont construit ce pays, qui en ont fait la prospérité. Pourquoi? Bien, pour
donner, de l'autre main, 50 millions de cadeau fiscal à des gens qui n'en
ont probablement pas besoin. Il y a des petites mesures, mais l'essentiel de
ces mesures-là ne touchera pas, là, le fermier qui va léguer, donner en
héritage ou va vouloir transférer sa ferme ou son entreprise familiale à ses
enfants. Non, ce n'est pas ça, c'est des crédits d'impôt qui sont donnés à des
personnes qui investissent dans des marchés, qui investissent dans des entreprises,
qui sont déjà riches à craquer.
Moi, je pense que c'est une orientation, malheureusement,
qui démontre à quel point ce gouvernement-là est tout à fait insensible à la
réalité des gens et travaille, dans le fond, pour une petite minorité de gens excessivement
fortunés. Ça ne me surprend pas, ils viennent de ces milieux-là. Ça ne me
surprend pas, leur parti est soutenu par des copains et des copines qui sont
dans la finance, qui sont dans la business, qui sont dans les investissements.
Et c'est malheureux, mais ce n'est pas le gouvernement dont le Québec a besoin.
Le gouvernement... a besoin d'un gouvernement qui est responsable devant tout
le monde, qui pense autant à ses aînés qu'à ses capitalistes.
M. Salvet (Jean-Marc) :
Est-ce qu'il n'y a pas un bénéfice collectif si les gens qui déclarent leurs
revenus en Ontario les déclarent au Québec? Est-ce qu'il n'y a pas un bénéfice
collectif dont vont profiter les moins nantis de la société?
M. Khadir
: M. Salvet,
c'est exactement ce qu'on entendait il y a 30 ans, quand ce genre de mesures,
où on fait des courbettes, où on leur donne des crédits d'impôt, on baisse
leurs taxes, a commencé, là. C'est toujours, toujours la même rengaine. Et où
est-ce que ça nous a menés? À une dette colossale. À une augmentation des
inégalités. Si ça devait servir la société, aujourd'hui, l'ensemble du Québec
s'en porterait mieux, on aurait de meilleures infrastructures, on n'aurait pas
un système d'éducation publique abandonné, on aurait des hôpitaux et un accès
aux services mieux, avantageux, on aurait moins de gens dans les files d'attente
dans les soupes populaires.
M. Salvet (Jean-Marc) : Mais
est-ce que...
M. Khadir
: Donc,
regardez, M. Salvet, la base, la prémisse de ça... vous avez raison, mais,
hein, c'est le principe, depuis 30 ans, de ce genre d'orientations, qui
disent : Donnons des avantages aux autres, comme la coupe de champagne — vous
vous rappelez, le «dripping down», hein, l'expression en anglais — donnons
des avantages aux plus riches, l'ensemble de la société va en bénéficier. C'est
exactement... Vous faites bien de me poser la question, parce que c'est le
genre d'argument sur lequel reposent les vieilles idées dépassées de M. Leitão.
S'il y a 30 ans, on pouvait, je dirais, raisonnablement et de manière sincère,
croire à ce qui était déjà <des balivernes...
M. Khadir
:
...en bénéficier. C'est
exactement... Vous faites bien de me poser la
question
parce que c'est le genre d'argument sur lequel reposent les vieilles
idées dépassées de
M. Leitão.
S'il y a 30 ans on pouvait, je
dirais, raisonnablement et de manière sincère, croire à ce qui étaient >des
balivernes, aujourd'hui personne ne peut ignorer que c'est des balivernes. Ça
n'a pas donné le résultat escompté. Nos sociétés sont de plus en plus endettées,
les foyers, les ménages sont de plus en plus endettés, nos services publics
sont démembrés, les inégalités — ça, peut-on le nier, M. Salvet? — les
inégalités se sont accrues, donc il n'y a aucun bénéfice. Donc...
M. Vigneault (Nicolas) :
Mais, quand même, M. Khadir, vous dites : troisième ville en importance ou
en termes d'activités pour la ville de Montréal. Est-ce que ce n'est pas une
bonne nouvelle en soi?
M. Khadir
: Non, ce
n'est pas... C'est une bonne nouvelle pour les investisseurs. Mais vous voyez
ce que ça veut dire, cette réalité? Mettons, quand on est le troisième pays le
plus attractif pour les filous qui cherchent à échapper à leurs responsabilités
sociales, mettons, là, c'était le classement des entreprises polluantes où
est-ce que c'est le plus attractif pour aller installer leur entreprise
polluante, est-ce que vous diriez que, parce qu'on figure en troisième place,
c'est bon pour nous? Non. C'est bon pour les entreprises polluantes.
Les entreprises qui cherchent à payer
moins en impôts, en salaires, en coûts, pour eux, c'est très bon, mais en
salaires, en impôts, en coûts, ça veut dire qu'on a déjà donné... on donne déjà
trop d'avantages. On se fait déjà avoir. On est la troisième ville déjà le plus
haut placé qui se fait avoir, c'est-à-dire qui veut aller chercher des
entreprises qui sont tout à fait irresponsables, qui ne veulent pas payer de
bons salaires, qui ne veulent pas avoir des responsabilités. Donc, ce n'est pas
à notre avantage de jouer encore dans ce film-là. Si c'était si bon que ça, ce
qu'on a fait, aujourd'hui, notre infrastructure à Montréal serait en meilleur
état, n'est-ce pas? Nos routes, nos infrastructures publiques seraient en
meilleur état. Est-ce qu'on peut dire que ça a donné de bons résultats? Est-ce
qu'on peut accepter l'argument que sert M. Couillard à M. Salvet qui me pose la
question ici? Non. On l'a déjà démontré depuis 30 ans.
M. Boivin (Mathieu) : M.
Khadir, est-ce que le premier ministre Couillard, avec cette mesure spécifique
là, est en train de faire un paradis fiscal du Québec?
M. Khadir
: Si. C'est
le genre, je dirais, de briques que mettent en place des gouvernements qui
jouent dans une course entre gouvernements pour attendre le moins possible, en
termes fiscaux, de gens qui font du commerce et des capitalistes. O.K.?
À une plus petite échelle, le rapport
Charbonneau, je vous en parle parce que c'est pertinent, le rapport Charbonneau
avait dit aux villes : Ne faites pas ça. Ne faites pas ça, ça ouvre la
voie à toutes sortes d'aberrations, et ça encourage la collusion et la
corruption, et surtout ça donne des avantages indus à nos villes quand chacun
tire la couverte de son bord, chaque ville, pour donner des avantages à des
entreprises de toutes sortes de manières : dans les contrats, dans les
taxations foncières, etc.
À une autre échelle, le gouvernement du
Québec est en train de faire, à l'échelle du Québec, ce que la commission
Charbonneau dit à ces villes de ne pas faire. Toute la lutte qu'on est en train
de mener, la commission qu'on a sur la fiscalité, sur les paradis fiscaux, on
est en train de travailler sur le rapport, l'esprit de ça, c'est d'aller
ailleurs, c'est de resserrer les mesures, d'arrêter de jouer les... de faire
les courbettes, de se mettre à <genoux...
M. Khadir
:
...la
commission CharbonneauT dit à ces villes de ne pas faire. Toute la
lutte qu'on est
en train de mener, la
commission qu'on a sur la
fiscalité, sur les
paradis fiscaux, on est en train de travailler sur le
rapport, l'esprit de ça, c'est d'aller ailleurs, c'est de resserrer les
mesures, d'arrêter de jouer, de faire les courbettes, de se mettre à >genoux,
et le gouvernement Couillard avec un banquier au ministère des Finances vient
de faire exactement le contraire.
Le Modérateur
:
D'autres questions sur ce sujet? Merci.
M. Khadir
: Je
voudrais juste vous dire, au cas où vous... on vient de m'annoncer, il y a
10 minutes, que Mme Azizi, la réfugiée iranienne pour laquelle la
ministre ici, la ministre de l'Immigration, a déjà contacté son contrepartie
pour dire : Écoutez, c'est un cas humanitaire, on ne peut pas la renvoyer
en Iran, elle a été arrêtée par les services frontaliers lors d'une entrevue
administrative, enfin une convocation administrative qu'elle avait à Montréal.
Nous sommes renversés parce que tout indiquait que c'est clair pour tout le
monde qu'il y a eu une erreur qui a été commise. Or, le service frontalier
canadien, je dirais, en tout sens des responsabilités politiques dans un
dossier qui est un dossier politique qui doit se régler par le ministre, a
décidé de l'arrêter et de l'envoyer en Iran.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Et qu'est-ce que ça signifie Montréal ville sanctuaire avec un cas comme
celui-là?
M. Khadir
: Bien,
justement, c'est ça.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
C'est du pipeau, ça, les propos de M. Coderre?
M. Khadir
: Les
propos de M. Coderre appartiennent à M. Coderre. Là, on parle des
services frontaliers canadiens. Ça, ça veut dire que le gouvernement canadien,
le service frontalier canadien est complètement absent de ce genre de
considérations. C'est sûr que ce cas-là ne concerne pas un cas de réfugié qui
nous vient des États-Unis, fuyant, si vous voulez, les propos et les menaces
représentées par Trump et son gouvernement. Mais, dans le contexte...
d'ailleurs, c'est la prochaine étape, c'est ce que je devais faire tout de
suite après notre point de presse, je vais appeler Denis, je vais appeler
M. Coderre pour l'appeler à agir auprès de ses amis au gouvernement
fédéral parce que c'est inacceptable au moment même où on est en train de
réfléchir au fait que le Canada... au moment même où le premier ministre du
Canada Justin Trudeau va partout pour répéter, et moi je suis prêt à
accepter sa parole, que le Canada veut être une terre de refuge, une terre
d'accueil, une terre avec des bras ouverts, mais je pense que c'est tout à fait
incohérent de retourner une femme qui a fait quatre ans de prison sous le
régime Khomeini, dont le mari a été exécuté par le régime de Khomeini, qui a eu
des activités ici pour dénoncer justement les exécutions sommaires en Iran, et
qu'on s'apprête à retourner en Iran, le même pays où Mme Hoodfar
a été détenue sans justification, où Zhara Kazemi est morte il y a 12, 13 ans
dans les circonstances que l'on sait.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
que le Canada est en train de l'envoyer à la mort?
M. Khadir
: Si le
Canada fait l'erreur de renvoyer Mme Kazemi en... je dis
Mme Kazemi... Mme Azizi en Iran, le Canada pourra avoir de la torture
et du sang sur les mains.
Le Modérateur
: Merci.
(Fin à 13 h 42)
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