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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de soins de fin de vie

Version finale

Le jeudi 23 février 2017, 10 h 59

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Dix heures cinquante-neuf minutes)

Mme Hivon : Bonjour, tout le monde. Alors, à la suite de ce qui s'est passé en début de semaine, de ce qu'on qualifie de meurtre par compassion dans un CHSLD de la région de Montréal, évidemment toute la question de pouvoir demander de manière anticipée l'aide médicale à mourir a resurgi.

Hier, j'ai parlé brièvement de cette question-là quand on m'a questionnée lors d'un point de presse sur un autre sujet, mais je pense que c'est important, compte tenu de l'intérêt qui est manifesté sur le sujet, de revenir aujourd'hui pour vous donner mon point de vue sur la question.

D'entrée de jeu, je vous dirais que c'est très important de séparer, bien sûr, les événements excessivement bouleversants qui se sont passés et pour lesquels une comparution a déjà eu cours en début de semaine de la question plus générale de l'aide médicale à mourir de manière anticipée, parce qu'évidemment on ne connaît pas tous les faits reliés à la cause qui maintenant va être devant les tribunaux, et je pense qu'il faut être très prudents à cet égard-là.

Mais, puisque cela contribue à ramener ce débat sur la question de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui, par exemple, sont atteintes de démence ou d'une forme d'Alzheimer, je pense que c'est important de pouvoir faire le point sur cette question-là. Je dois vous dire que moi, je donne énormément de conférences un peu partout au Québec sur la loi sur les soins de fin de vie, et c'est une question récurrente, à savoir : Est-ce qu'on ne devrait pas avoir le droit de demander de manière anticipée l'aide médicale à mourir justement en prévision d'une démence ou d'une maladie d'Alzheimer, par exemple?

Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est que c'est une question excessivement complexe, mais je crois qu'on ne peut pas fuir le débat et je crois que le débat doit se faire comme ce doit être le cas à chaque fois qu'une question très complexe se pose dans une société libre et démocratique. C'est la meilleure manière d'avancer. Et je pense que, sur cette question-là comme sur toutes les autres dont on a traité dans le cadre des travaux de la commission mourir dans la dignité et, par la suite, pour l'adoption de la loi sur les soins de fin de vie, on doit travailler avec la société pour bâtir des consensus.

Simplement vous rappeler que cette question-là, elle a été examinée par la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et on avait conclu qu'il n'y avait pas de consensus et qu'on devait avoir un éclairage supplémentaire. On avait donc demandé au Collège des médecins de former un groupe de travail spécifiquement sur la question des personnes qui peuvent être atteintes d'une maladie dégénérative du cerveau, et ce rapport-là a été produit, et je pense qu'il constitue une excellente base pour redémarrer la discussion sur cet enjeu-là. C'est un groupe de travail conjoint qui réunissait à la fois le Collège des médecins, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, l'Ordre des infirmières ainsi que l'Ordre des travailleurs sociaux qui a déposé un rapport en 2013 spécifiquement sur cette question-là.

Et pourquoi ça n'a pas été inclus dans le projet de loi? Eh bien, tout simplement parce qu'il n'y avait pas de consensus et que moi, comme ministre, j'estimais qu'il fallait franchir ce grand pas qu'on se permettait, comme société, de franchir avec la loi sur les soins de fin de vie et de ne pas essayer d'embrasser trop large et de perdre le consensus parce que nous n'aurions tout simplement pas pu avoir l'aval nécessaire pour faire adopter le projet de loi si cette question-là avait été incluse. Je vous rappelle qu'à l'époque, déjà, avec la loi telle qu'on la connaît aujourd'hui, le tiers des députés libéraux avaient voté contre. Alors, on a toujours cette impression-là d'unanimité, c'est vrai que la commission avait déposé 24 recommandations unanimes, mais, au moment de l'adoption du projet de loi, il y avait quand même eu un nombre relativement important de députés libéraux qui avaient voté contre. Et, moi, évidemment, c'était clair que la question de la directive anticipée pour l'aide à mourir ne faisait pas consensus, et donc il n'y aurait pas eu d'accord pour le projet de loi. Je pense que c'est important de le rappeler.

Maintenant, évidemment, on est presque trois ans après l'adoption du projet de loi, on est un peu plus d'un an après l'entrée en vigueur de la loi québécoise et on voit que la société évolue beaucoup et que l'avancement qu'on a franchi avec la loi, le fait qu'elle s'applique très bien, qu'elle répond à un réel besoin, fait en sorte que les Québécois ont soif que nous débattions aussi de cette question-là, notamment avec, bien sûr, ces maladies dégénératives comme la maladie d'Alzheimer, qui prennent de plus en plus de place.

Donc, moi, aujourd'hui, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que c'est une question qui est très compliquée d'un point de vue éthique, d'un point de vue social, d'un point de vue médical aussi. Il ne faut pas penser que c'est archisimple, parce qu'on peut s'imaginer que vous pouvez le demander à l'avance, mais, une fois que c'est demandé, comment juge-t-on que vous êtes rendu au stade où exactement vous répondez à ce que vous aviez prévu dans vos directives médicales anticipées? Qui a cette responsabilité-là? Est-ce que ce sont les médecins, l'équipe médicale? Est-ce que ce sont les proches? Comment on décide, entre le jour moins un et le jour zéro, où vous êtes rendu à ce stade-là que vous aviez prévu dans vos directives anticipées?

Donc, c'est une question éminemment complexe, et je pense qu'on doit faire ce débat-là de manière très sérieuse. C'est pourquoi je pense que la meilleure base de discussion sur ça, c'est le rapport du groupe de travail conjoint, qui avait déposé quelque chose de très étoffé, spécifiquement sur cette question et qui recommandait en conclusion une certaine ouverture pour ce type de maladie dégénérative du cerveau. Et c'est pourquoi que je pense que la meilleure manière d'aborder ce débat-là, ce serait via un mandat d'initiative dans une commission parlementaire pour que nous puissions tout d'abord entendre les membres du groupe de travail qui ont approfondi cette question-là, notamment sur la question des souffrances. Comment on peut mesurer les souffrances d'une personne qui est atteinte de maladie d'Alzheimer et à un stade très avancé, qui ne peut plus s'exprimer? Donc, il y a énormément de questions qui se posent, et je pense que ce serait le point de départ le plus solide pour, aujourd'hui, faire ce débat.

M. Vigneault (Nicolas) : Justement, ça devient très difficile de tracer... où on trace la ligne. Ce matin, on parle de cas d'Alzheimer... bien, cette semaine, en fait, là. Tout à l'heure, Gaétan Barrette disait qu'il était ouvert à la question. Est-ce que, pour vous, le débat doit se faire absolument cette session-ci, le plus rapidement possible?

Mme Hivon : Bien, vous savez, je ne pense pas qu'on va modifier ça la semaine prochaine, mais je pense qu'il faut avoir un point de départ, et on en a un. Alors, oui, je pense qu'on peut faire cette demande de mandat d'initiative et amorcer, oui, ces discussions-là, s'entendre. Je pense qu'il faut vraiment travailler, encore une fois, de manière non partisane. C'est comme ça qu'on est capables de réussir sur des enjeux aussi sensibles. Parce que, vous savez, ça peut avoir l'air d'un point de vue très rationnel, ça peut avoir l'air de la chose à faire, en même temps plusieurs sociétés qui s'occupent des gens d'Alzheimer, notamment la société d'Alzheimer, vont vous dire : Oui, mais il faut aussi s'occuper des proches aidants. Donc, il ne faut pas tout de suite être juste sur la question de l'aide médicale à mourir, et moi, j'en suis, il faut regarder cette question-là globalement, comment sont soutenus les proches des gens atteints d'Alzheimer, comment aussi on aborde cette question-là. Il faut, dans tous les cas — en tout cas, selon moi — que la demande provienne de la personne. Ce n'est pas une question qui peut provenir de tiers ou de proches parce que c'est l'élément clé de la loi actuelle pour prévenir toutes les dérives, c'est que ça revienne en tout temps de la personne, d'où la question de savoir est-ce qu'on pourrait le demander de manière anticipée.

M. Boivin (Mathieu) : Mme Hivon, les gens qui s'opposent... qui s'opposaient, en fait, à l'aide médicale à mourir disaient : On craint que ce soit le début d'un processus qui va lentement glisser et ouvrir de plus en plus. On a l'impression que le débat, justement, l'évolution du débat tend à donner raison. Là, c'est les gens qui ne sont plus, à un moment donné, capables de donner un libre consentement qui voudraient l'anticiper. Comment on fait pour répondre aux objectifs des gens qui disent : Bien voilà, on savait, là; vers quoi on s'en va si on dit oui à ça? On a dit oui tantôt, là il va falloir dire oui sur le même principe. Comment on règle ça?

Mme Hivon : Bien, vous avez tout à fait raison. C'est pour ça qu'il faut faire les choses, je dirais, dans l'ordre et il faut les faire, même si c'est très difficile, de la manière, je pense, la plus rationnelle possible, je dirais, en partant de bases solides et non pas uniquement émotives ou liées à des événements. Moi, je dois vous dire qu'en début de semaine j'étais très mal à l'aise qu'on lie les deux parce qu'on est dans un cas très spécifique qui est excessivement bouleversant. Mais le fait est que, là, la question prend de la place. Et moi, je pense que la meilleure manière... c'est le même principe qui m'avait guidé quand j'avais déposé la motion pour créer la commission, je pense que le débat ne doit se faire que par médias interposés et déclarations qui vont être spectaculaires par médias interposés. Je pense qu'il faut donner un cadre solide, respectueux, formel.

Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, voyant l'intérêt et comment les choses se dessinent et déjà beaucoup de déclarations, je pense qu'il faut essayer de donner ce cadre-là. Vous avez raison que les opposants, et je les ai entendus beaucoup, amenaient cet enjeu-là. Ceci dit, ce n'est pas une question nouvelle, on en a traité dans la commission mourir dans la dignité, on en a traité pendant l'étude du projet de loi. Vous savez que ça fait maintenant presque quatre ans que, donc, il y a eu un rapport de ce comité mixte sur cette question-là. Et moi, je dois vous dire, je sais que, les citoyens, ça les préoccupe énormément parce que c'est la question qui revient le plus quand je fais les conférences sur les soins de fin de vie, donc ce n'est pas quelque chose de nouveau, ce n'est pas une dérive. La question, c'est de se demander comment on peut aborder ce débat-là. La réponse, elle n'est pas tout écrite. Et moi, je ne peux pas vous dire aujourd'hui quelle est la bonne réponse à cette question-là, mais je pense que la bonne réponse, dans une démocratie, c'est de se permettre de faire le débat.

Mme Lajoie (Geneviève) : Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, c'est quoi, la fin de vie, la description de la fin de vie dans une maladie?

Mme Hivon : Oui, bien, tout à fait, et c'est pour ça que c'est très intéressant, le rapport du comité conjoint, parce qu'il y a deux manières d'envisager cette question-là. Un, est-ce que la seule existence de la maladie d'Alzheimer dans un stade avancé devrait vous donner droit à avoir l'aide médicale à mourir? Et comment déterminer ce stade avancé? Parce que les critères doivent demeurer les mêmes. Alors, oui, il faut que vous soyez en fin de vie. Alors, comment on évalue ça?

Par ailleurs, d'autres — et c'est abordé dans le rapport — disent : Bien, l'idée, ce n'est pas que la maladie d'Alzheimer en elle-même donne le droit, mais c'est qu'une personne qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer, si elle a, par ailleurs, une maladie grave et incurable, ne puisse pas se voir nier un droit que les personnes aptes ont. Exemple, vous pouvez avoir la maladie d'Alzheimer et un cancer, et un cancer en phase terminale qui vous fait souffrir, mais, puisque vous n'êtes plus apte à dire ce que vous souhaiteriez, vous êtes privé de ce droit-là.

Alors, je pense que, justement, il faut faire ce débat-là et savoir…

M. Lacroix (Louis) : Mais est-ce qu'une personne qui a la maladie d'Alzheimer souffre en tant que tel?

Mme Hivon : Bien, moi, je ne veux pas me substituer, vous comprenez, aux experts.

M. Lacroix (Louis) : Non, je comprends, mais…

Mme Hivon : Mais je vous invite à lire ce document fort important, dont je fais une grande promotion aujourd'hui, parce qu'ils ont justement évalué ça et comment on peut évaluer, avec les moyens scientifiques que l'on connaît maintenant, la souffrance d'une personne qui a la maladie d'Alzheimer, qui ne peut pas s'exprimer. Donc, on passe à travers, par exemple, des signes physiques de recroquevillement, de crispation. Donc, comment on peut évaluer cette souffrance-là? Mais, justement, c'est que des fois, dans le débat, on semble totalement évacuer les autres critères, comme si la maladie d'Alzheimer en elle-même devrait donner ouverture à une possibilité de demande anticipée. Mais je pense qu'il faut se demander : Est-ce que les autres critères de la loi devraient être respectés, donc la souffrance, la fin de vie?

Donc, vous voyez que c'est assez complexe comme débat. Et c'est sûr que, pour y avoir réfléchi beaucoup et pendant longtemps, ce n'est pas quelque chose qui peut se trancher du jour au lendemain. Il faut entendre les experts puis il faut entendre aussi les gens qui, au quotidien, sont avec des gens qui souffrent de la maladie d'Alzheimer. Vous l'imaginez très bien, là. C'est que vous pourriez être diagnostiqué de la maladie d'Alzheimer et dire : Moi, mon Dieu, jamais je ne voudrais vivre ça. Je vais écrire dans mes directives anticipées : Rendu à tel stade où je suis grabataire, plus capable de m'alimenter, de ne reconnaître personne, je voudrais obtenir l'aide médicale à mourir. Là, vous vous imaginez comment on va juger de ça, à quel moment vous l'auriez voulu vraiment, qui a ce fardeau-là, comme je le disais tout à l'heure. Mais aussi vous pouvez être rendu dans un état où vous n'avez pas l'air de souffrir, et vous l'auriez demandé, mais vous êtes dans un calme relatif et vous êtes dans un état qui peut avoir l'air d'une certaine paix et sérénité. Est-ce que, du seul fait que vous l'avez demandé, on devrait vous l'accorder maintenant au nom de l'autonomie, de la volonté de la personne? Certains vont vous dire : Oui, tout à fait, parce que, quand j'étais apte, c'est ce que je souhaitais; d'autres vont vous dire : Imaginez l'équipe qui doit administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'a pas l'air d'être dans un état de souffrance. Donc, comment on distingue tout ça? C'est excessivement complexe.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Qu'est-ce que vous en pensez, vous?

Mme Hivon : Moi, je pense que le débat doit se faire et je pense qu'il y a moyen de regarder... Vous savez, là, au Québec, on a été très précurseurs, et là, sur cette question-là, il n'y a que deux pays en Europe qui le permettent, ce sont les Pays-Bas et la Belgique. Et il y a un nombre très, très limité de cas parce que, justement, c'est une question qui est très complexe, mais la possibilité existe. Moi, a priori, je vous dirais que j'ai une certaine ouverture pour qu'on voie, mais je pense que ça prend des critères excessivement contraignants, et c'est pourquoi moi, je veux qu'on commence par faire le débat.

M. Lavoie (Gilbert) : Mme Hivon, vous êtes l'une des personnes qui connaissez le mieux ce dossier-là. Je comprends que vous désiriez qu'on en débatte, mais avez-vous l'impression qu'il est possible d'en débattre et après ça de faire une autre avancée en ce domaine-là ou si vous n'êtes pas certaine?

Mme Hivon : Non, je pense que, si on en débat, c'est parce que ça vaut la peine de se demander s'il ne devrait pas y avoir une ouverture par rapport à ça. Et cette question-là, moi, elle m'habite depuis que j'ai commencé à travailler sur le dossier, je vous dirais. Je ne vous ferai pas part de tous mes états d'âme, mais c'est la question, je vous dirais, avec laquelle j'ai le plus débattu parce qu'on n'a pas pu l'inclure dans le projet de loi parce qu'on aurait échappé l'ensemble de l'oeuvre et on n'aurait pas eu le consensus nécessaire. Mais c'est certain qu'on comprend, d'un strict point de vue de droits, pourquoi une personne inapte n'aurait pas les mêmes droits qu'une personne apte. Alors, il y a une question qui se pose là très certainement, mais la pierre angulaire de la loi, c'est la demande de la personne elle-même pour elle-même, et ça, moi, j'y tiens mordicus. Jamais je ne permettrais que le seul consentement substitué de quelqu'un qui ne l'aurait pas demandé de manière anticipée puisse donner cours à l'aide médicale à mourir parce que, là, on pourrait tout à fait comprendre que les opposants disent : Il y a un risque de dérive.

Donc, moi, je pense que, si on fait le débat, c'est parce qu'on est prêts à considérer qu'il y ait cette ouverture-là. Ceci dit, l'éclairage des experts, des gens qui s'y sont penchés pendant des mois et aussi des gens qui travaillent au quotidien avec les personnes qui souffrent de maladies dégénératives doit aussi, je pense, pouvoir s'exprimer.

M. Lavoie (Gilbert) : Mais vous n'êtes pas certaine qu'on puisse progresser davantage. Même si on fait le débat, vous n'êtes pas certaine, à la lumière de l'expérience que vous avez vécue, qu'on puisse progresser davantage vers une telle ouverture.

Mme Hivon : C'est difficile à dire parce qu'il faut mesurer l'état du consensus social. Aujourd'hui, vous me demanderiez : Est-ce qu'il y a une grande ouverture dans la population pour ça? Je vous dirais oui, mais je vous dirais : Est-ce que tout le monde a bien mesuré ce que ça signifie? Et c'est pour ça que, comme on l'a fait pour la loi les soins de fin de vie, moi, j'ai envie que ce débat-là se fasse de manière ouverte, publique et que les gens évoluent au même rythme, que le débat ici, au Parlement, avec des experts et des groupes concernés, puisse se faire. C'est comme ça qu'on peut avancer, je pense, comme société.

Mais je vous dirais qu'a priori, la population, je la sens très ouverte à cette possibilité-là. Mais, en même temps, comme société, il faut se dire, avec l'alzheimer qui prend de plus en plus de place, les gens qui vivent de plus en plus vieux, cette maladie-là va vraiment toucher de plus en plus de gens.

Donc, est-ce que tous les gens, systématiquement, vont dire : Bien, moi, je voudrais avoir recours à ça, mais sans peut-être connaître tous les tenants et aboutissants de ce qu'est réellement la maladie d'Alzheimer au quotidien? C'est pour ça qu'il faut être bien accompagné là-dedans.

M. Lacroix (Louis) : Mais est-ce qu'il n'y a pas un risque? Parce que les personnes qui ont voté cette loi-là, là, le débat est quand même assez frais, puis ils sont encore à l'Assemblée nationale en ce moment. Ça ne veut pas dire que ces gens-là, les gens qui étaient contre à l'époque, ont nécessairement évolué au même rythme que la population, là.

Mme Hivon : Tout à fait.

M. Lacroix (Louis) : Est-ce qu'il n'y a pas un risque de se lancer dans un débat comme celui-là et d'arriver, en bout de ligne, avec un refus, par exemple, de le faire et qui viendrait clore le débat pour plusieurs années? Parce qu'on ne fera pas le débat à tous les deux ans, là, tu sais. Comprenez-vous ce que je veux dire?

Mme Hivon : Bien, je ne le vois pas comme vous. C'est-à-dire que, si vous me diriez : Est-ce qu'on devrait remettre en place une commission spéciale qui fait le tour du Québec, repartir... je vous dirais non. Je ne pense pas que c'est ça, le but. Ce que je vous dirais, c'est que je pense qu'un mandat d'initiative qui partirait d'une base, qui est ce rapport-là, pour qu'on discute... On n'est pas obligés de venir à une décision maintenant. On peut s'entendre pour dire : Ça requiert encore du travail, puis on s'en reparlera.

Mais je pense que, quand une question soulève autant d'intérêt et qui est tellement humaine, qui interpelle tellement les gens, moi, mon point de vue sur notre rôle comme députés, c'est d'y faire face. Même si, au bout du compte, on me dit : Pas maintenant, ça ne veut pas... je veux dire, ce n'est pas une entreprise folle, là, de faire un mandat d'initiative. Je ne pense pas que ça clôt le débat, ou tout ça. Ça nous permet juste d'évoluer et de justifier pourquoi on a telle ou telle position aussi aux yeux de la population. Je pense que c'est...

M. Bélair-Cirino (Marco) : Si vous ouvrez le projet... bien, la loi n° 52 pour débattre de cette question-là spécifiquement, est-ce qu'il y a d'autres éléments, d'autres passages de la loi qui doivent être corrigés ou bonifiés, selon vous?

Mme Hivon : C'est sûr que moi, je vous dirais que, de manière plus générale, j'ai des questions pour lesquelles j'aimerais avoir des réponses de la part du ministre de la Santé et de la ministre de la Justice. C'est des choses dont on pourra peut-être se reparler prochainement en lien avec, là, après un an d'application de la loi, donc, certaines choses sur le terrain, comment les choses se passent.

Il y a aussi toute la question, vous le savez, des critères fédéraux qui sont un petit peu différents, de la loi fédérale qui n'a pas répondu au jugement de la Cour suprême comme tel. Il y a une cause qui est en ce moment en cour, et on n'a jamais eu ces réponses-là du gouvernement, ici, du Québec, à savoir comment on est en train, sur le terrain, d'appliquer un peu la cohabitation de ces lois-là. Et moi, je pense que ça, c'est quelque chose qui est très important. Je ne suis pas certaine que ça, ça a nécessairement besoin de faire l'objet d'un mandat d'initiative, mais ça a certainement besoin d'être éclairé parce que c'est important que les Québécois sachent exactement à quoi s'en tenir et qu'on sache aussi les intentions du gouvernement par rapport à ça. Est-ce qu'il est satisfait, lui, ou est-ce qu'il juge que le jugement de la Cour suprême aurait dû s'appliquer entièrement et donc donner, par exemple, plus de droits aux personnes qui ne sont pas, strictement parlant, en fin de vie? Donc, c'est beaucoup de questions.

Mme Lajoie (Geneviève) : Sur la question des enfants, par exemple?

Mme Hivon : Oui, sur la question des enfants, je vais vous dire que ça, c'est un débat qui a eu très, très peu de répercussions pendant nos auditions. Sur des centaines de témoignages, deux personnes nous ont parlé de la question des enfants. C'est certain que c'est un autre enjeu. Moi, je pense que, dans cet univers-là, il faut être conscients qu'il y a eu des choix qui ont été faits, et ce choix-là n'est pas remis en question. Et ce n'est pas une question qui a été beaucoup débattue à l'époque. Et, dans les rares, rares endroits... il y a la Belgique qui a ouvert, il y a très, très, très peu de demandes. Alors, c'est un peu ce que je vous dirais sur les enfants. Je ne pense pas qu'à ce stade-ci c'est la question qui retient l'attention. Et, à l'époque, c'était très assumé, la raison pour laquelle on ne les incluait pas, parce qu'on estimait que, pour une telle décision, ça prend une maturité très importante, compte tenu, évidemment, des effets irrémédiables de la décision. Mais la question de la demande anticipée, elle avait fait l'objet de beaucoup de réflexions, de beaucoup de débats et de déchirements, je vous dirais.

M. Hicks (Ryan) : Do you think it's even possible to come up with criteria for advanced consent given how complex Alzheimer's and dementia are?

Mme Hivon : I think that the debate needs to be done, you know. As a democratic society, we cannot withhold from having difficult debates, because that's the way to go forward and to bring answers to the population, which asks those questions and has those concerns. Is it easy? No. It's a very complex issue. And is it impossible? I think nothing is impossible. So, it's possible to come up with a framework that would put the safest criteria possible, but we need to have the debate first.

M. Hicks (Ryan) : And so, from what I understand, you're saying that that debate could happen within a legislative committee? Is that what…

Mme Hivon : Yes, I think it could be a mandate given to a legislative committee, yes, exactly.

Mme Johnson (Maya) : Can you just explain, for the benefit of people who might not quite understand the ins and outs of the current law as it exists, the notion of advanced consent and compare it to what's provided for in the actual current legislation?

Mme Hivon : Yes. The current legislation is really based on very strict criteria, and the key, the keystone, the cornerstone of the legislation is that the request for medical aid in dying has to come from the person herself or himself. It's very important. And there are other criteria such as end of life, such as unbearable suffering and also an irreversible decline of your capabilities. And what some people are asking is : Should we give the possibility of people who know will be facing a degenerative disease to ask in advance, for example, medical directives to be able to get that kind of medical aid in dying if they come to face the criteria of suffering, you know, of the law, but are not able to ask for it themselves at the time?

So, that is the big question, and it's a question that we've been debating in the Special Committee Dying with Dignity when we were going through the legislation, but there was no consensus. And, as I repeat all the time, we would not have a legislation today if that question had been put in it because, already, with the legislation that is put forward, a third of the Liberal Members of the National Assembly voted against it. So, the consensus was there, but it was not unanimity, and that question was really bringing a lot of different opinions. So, I think that the step, very important step forward that we made all together could not be in jeopardy. So, it was important to, you know, make that step, but, yes, I think that four years later… not that we will do that, you know, all the time, but, I think, because at the time it was such an important issue, because now people — and I know because I'm touring Québec about that question of end-of-life care — are asking about it and because we have such a very interesting committee paper of the college of physicians and all the others professional bodies that give us a table… you know, a starting point to debate, I think we should do it, not because right now we have to decide, but because I think everybody would appreciate to have some clarity about those issues.

Mme Johnson (Maya) : And just one final thing. Obviously, it's very emotional. Is this the most emotional piece of legislation you've dealt with in your career?

Mme Hivon : Oh, well, yes, for sure. You know, it's as if I've been working on this ever since, almost, I was elected because I started to work a little bit less than a year after I was elected and it's still, you know, following me, you know, every time there is a debate about it. So, it's very emotional, but I think that we have to be sensitive to the suffering we hear. But at the time, we have to be rational about the way to handle such issues because it's important to be able to do «la part des choses» in those cases.

M. Hicks (Ryan) : What was your position on advanced consent when these discussions were happening with the special committee, and all of that?

Mme Hivon : Yes. I was open about it. I was willing to consider it and I would have liked to go further into the debate at the time. But, as I said, I think everybody has to remember the specifics of the context. We were in a minority government so we had to have the approval of the other parties to go forward. And, on that specific issue, there was no consensus whatsoever. So instead of working on something that would have put us backwards in terms of going forward on a legislation for many people, who are very happy now to have that piece of legislation, it was, I think, the right choice not to bring that issue too much in it because today I'm sure we still wouldn't have a piece of legislation.

M. Hicks (Ryan) : And just picking up on a question that one of my French colleagues asked, there are people who are opposed to end-of-life care assisted death, and one of their arguments they have said is : Well, if you open the floodgates a little bit, then we're going to have even more cases and more exceptions and this is where people can, you know, fall through the cracks. What do you say to those people?

Mme Hivon : What I say is that fear is never a good guide. It should never be the guide that is leading us when we approach those debates. I think that safety and taking care of vulnerable people are the guidelines that we have to put forward and this is why, for some people, the legislation that is there today is very restrictive. Some people think it's too restrictive, but we were guided by those principles, because I think that when you advance on such, you know, sensitive issues, the social consensus is very important. This is why, if you go too fast too soon, you might lose the consensus and not be able to go forward.

So, I understand, I understand the concern, we've heard it a lot. But about that question, it was there at the time, you know, it was in the discussion. There was a choice not to put it in it because we were far from a consensus, but it's not a new debate for people who have followed it. And the federal Government, of course, they did that very, very, very quickly, which I don't think is the way to go forward. Even there, you know, their committee had recommended that too.

So, it's not a new question, and, you know, I think that in a democratic society, you can never withhold from holding the debates, having the debates. Then, you have to be responsible and bring the right answers. Merci.

(Fin à 11 h 29)

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