(Onze heures une minute)
Mme Poirier
: Alors,
bonjour. Ce matin, justement au lendemain de notre nuit passée pour la loi pour
le retour des juristes au travail, bien, je serais heureuse d'entendre le gouvernement
revenir sur la décision qu'ils ont prise lors du vote sur la motion du mercredi
de la semaine passée.
On se rappellera que la motion du mercredi
était pour demander au gouvernement d'introduire, dans le projet de loi
n° 98, des propositions que nous avons faites pour l'intégration des nouveaux
arrivants au travail. Malheureusement, le gouvernement a refusé, mais c'est
assez incompréhensible comme décision.
Et je vous ferai un petit rappel des
faits. Période de questions du 6 février, le chef de l'opposition demande au premier
ministre : Allez-vous appliquer les mesures d'intégration que nous vous
proposons? Le premier ministre répond : Ayons des travaux en commun. Moi,
je l'invite, avec une personne de sa députation, à nous visiter puis à échanger
avec la ministre de l'Immigration et notre gouvernement sur l'ensemble de ces
mesures-là. Je pense qu'il a raison et qu'il pointe... lorsqu'il pointe cette
mesure-là. Donc, on peut s'attendre à un travail de collaboration.
Deuxième étape, j'écris à la ministre Kathleen
Weil le 8 février et je reçois un appel dans les jours qui suivent pour un rendez-vous,
mais qui aura lieu seulement que le 13 mars prochain.
Entre-temps, le premier ministre fait une
autre déclaration en disant que le projet de loi n° 98 va devenir le
véhicule pour justement introduire les mesures que nous proposons et il dit :
Le projet de loi n° 98, donc, s'il y a des recommandations puis des suggestions
à faire pour des amendements, c'est à la ministre de la Justice qu'il faut
s'adresser.
Donc, notre compréhension est claire, à ce
moment-là, qu'il y aura ouverture pour introduire, dans le projet de loi
n° 98, des mesures en lien avec l'intégration. La ministre est toujours
fermée. Bon, on pouvait mettre ça sur le dos de la grève des juristes, on est
bons joueurs, mais là c'est fini, et là on s'attend à une ouverture importante.
Parce que, nous, on en a proposé, des
choses. On a proposé le fait qu'on applique la même règle qu'en Ontario, appliquée
depuis 2013, à l'effet que c'est interdit de demander de l'expérience
canadienne lors d'une entrevue, le fait d'appliquer les C.V. anonymes, d'avoir
un guichet unique pour la reconnaissance des acquis, d'avoir un cadre légal
commun pour les universités et les ordres professionnels. Et ça, c'est en ligne
directe, là, avec le projet de loi qui est sur la table.
On a demandé plus de francisation. Pourquoi
on demande ça? Tout simplement parce qu'on n'est pas les seuls à le demander.
Le rapport de l'IREC de janvier 2016 nous disait : Le Québec rate sa
cible. On rate notre cible parce qu'on ne met pas assez d'argent en
francisation. Le rapport Bachand, on se rappellera du ministre Bachand qui nous
a produit un rapport en décembre 2016, Plus de diplômés, mais sans emplois.
Ça, c'est des résultats concrets.
Pourquoi un immigrant qui fait sa demande
dans un processus où on lui dit : Quels sont tes diplômes, quelles sont
tes compétences, quelles sont tes années d'expérience, ça lui donne des points
pour pouvoir avoir son certificat de sélection? Un coup entré au Québec, tout
ça ne vaut plus rien, ne vaut plus rien. Il doit recommencer dans un processus
de reconnaissance d'acquis. Pourquoi ne pas faire ce processus-là au moment où
il fait sa demande et lui dire l'heure juste : Il va falloir que tu
retournes au cégep, il va falloir que tu retournes faire des études? Si tu es
médecin, il faut que tu recommences à peu près toute ta médecine. Pourquoi on
ne donne pas l'heure juste au lieu de créer justement du désespoir et surtout
des familles qui arrivent ici et qui se retrouvent démunies parce qu'on ne leur
offre pas d'emploi?
Alors, on est au moment où le gouvernement
doit prendre des décisions. Projet de loi n° 98, on va revenir au retour
du congé, on va faire en sorte de demander à la ministre... Là, il y a des
juristes, là, on peut écrire des amendements, là, ça va aller plus vite, là.
Alors, on demande à la ministre : On veut avoir ces dispositions-là dans
le projet de loi n° 98. On veut faire en sorte que l'intégration en emploi
des immigrants, ce soit un vrai objectif au Québec.
M. Salvet (Jean-Marc) : Mais
il me semble que la réponse vous a déjà été donnée. Il me semble que le
gouvernement vous a dit : On est prêt à prendre les mesures que vous avez
proposées, mais celles concernant les ordres professionnels. Il me semble que
la réponse a été donnée, là, déjà, la semaine dernière. Il y a même une
proposition d'amendement qui a été faite.
Mme Poirier
: Bien,
justement, l'amendement qui a été fait, il est contradictoire avec l'ouverture
que le premier ministre avait faite. Le premier ministre avait été très clair
en disant : Si vous avez des propositions pour le projet de loi
n° 98, on va les prendre. Mais, dans la réponse à la motion, ils sont
venus complètement fermer la porte.
M. Salvet (Jean-Marc) : Ça,
je comprends, mais ce débat-là, donc, a déjà été fait. Il y a eu un vote à
l'Assemblée nationale, ils ont dit non. Ils ont dit : On est prêts à
prendre les mesures concernant les ordres professionnels. Vous, vous dites :
On va revenir à la charge. Il me semble que ce débat a déjà été fait la semaine
dernière. Il y a même eu un vote là-dessus.
Mme Poirier
: Même s'il
y a eu un vote, je vais vous dire, on va revenir à la charge. Il y a un
problème, ce problème-là doit être réglé. Le problème de l'intégration des
immigrants est un réel problème. Les taux d'emploi sont incroyables. Il y a
encore des gens qui se présentent...
M. Salvet (Jean-Marc) : Mais
est-ce que le n° 98 est le bon véhicule puisqu'eux-mêmes précisent maintenant
vos propositions, mais celles ayant trait aux ordres professionnels? Les
autres, il faut en discuter ailleurs.
Mme Poirier
: D'accord.
M. Salvet (Jean-Marc) : Il me
semble que c'est ce que j'ai entendu de la part du gouvernement.
Mme Poirier
: Alors, le
cadre légal commun pour les ordres professionnels et les universités, il est où
dans le projet de loi n° 98? On ne le voit pas du tout. Le guichet unique,
il est où dans le n° 98? Je ne le vois pas. Ça, c'est de la reconnaissance
d'acquis. C'est en lien direct avec les ordres professionnels. Ils ont dit non
à ça aussi lorsqu'ils ont voté la motion.
M. Bergeron (Patrice) :
Pourquoi vous ne comptez pas sur votre rencontre du 13 mars alors, qui devrait peut-être
vous apporter d'autres éclairages sur ce qu'on veut faire avec vos autres propositions?
Mme Poirier
: Bien, ma
crainte, c'est que le 13 mars, on ne fasse que nous dire : Bien, on
travaille là-dessus, on travaille là-dessus, on travaille là-dessus. Moi, je ne
veux pas qu'on travaille là-dessus.
Lors de la période de questions, le 6
février, on a dit au premier ministre très clairement : On est prêts que
d'ici juin il y ait des vrais changements. Il y a des choses qui peuvent être
changées. Le fait de dire qu'il faudrait avoir plus de personnes des
communautés culturelles qui soient à l'emploi de l'État québécois, ça, c'est un
projet de loi qu'on peut faire tout de suite, là, c'est facile, facile. Le fait
qu'on puisse dorénavant avoir un pourcentage de nominations au sein des C.A.,
des organismes de l'État, ça peut se faire tout de suite, ça. Ça peut être un
papillon qu'on met dans le n° 98, là. On peut le transformer, le n° 98,
en omnibus pour y mettre plus de choses, pour y mettre justement les C.V.
anonymes, pour mettre le fait qu'on puisse avoir... justement changer la loi
comme en Ontario.
On peut transformer le n° 98. Quand
on s'entend ici, on peut tout faire. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est :
Ouvrons les portes du n° 98, donnons-nous ce véhicule-là et changeons les
choses. Assez de parler, agissons.
M. Boivin (Mathieu) : Mme
Poirier, il y a un sondage ce matin qui nous apprend que la majorité des Québécois
ne sont pas d'accord à accueillir davantage d'immigrants au Canada et qui nous
dit qu'il y a encore trois Québécois sur quatre qui souhaitent un resserrement
de la surveillance aux frontières pour empêcher l'arrivée d'immigrants
illégaux. Commentaires?
Mme Poirier
: Bien, je
vous dirais un commentaire très simple. Premièrement, on parle de réfugiés. Les
réfugiés, c'est de compétence fédérale. Alors, à mon avis, le titre, là, sur
les immigrants, on parle de réfugiés. C'est une distinction qu'on ne fait pas
assez souvent. Il y a une grosse différence. Un sans-papiers, un demandeur
d'asile, un réfugié puis un immigrant, c'est quatre catégories différentes et
on fait un amalgame un peu facile.
Moi, je dis : On a un régime qui
fonctionne au Québec, qui est le régime de recevoir des gens par le certificat
de sélection. Ça, c'est de l'immigration économique. Ça fonctionne. Il y a un
autre... Elle fonctionne mécaniquement. L'intégration à l'emploi ne fonctionne
pas, mais ça fonctionne sur le processus.
Il y a un deuxième processus qui s'appelle
les réfugiés. On l'a vu avec les Syriens, là, ça a super bien fonctionné. C'est
des gens qu'on a reçus, intégrés, etc. Ça fonctionne bien. Là, actuellement, il
y a un phénomène à la frontière, j'appellerais le phénomène Trump, qui fait que
des gens passent la frontière de façon illégale. Alors, il faut que ces gens-là
soient traités comme on fait avec des gens qui arrivent de façon illégale et
qu'ils suivent le processus aussi, donc, de demandeurs d'asile et
éventuellement de réfugiés, qu'ils fassent la démonstration qu'ils sont des
réfugiés. Il y a un processus, il y a des règles. Il faut que ces gens-là
respectent les règles.
M. Boivin (Mathieu) : Et donc
il faudrait effectivement, tel que stipule la question, là, qu'on resserre la
surveillance aux frontières pour empêcher l'arrivée d'immigrants illégaux.
Mme Poirier
: Bien,
moi, ce que je dis, c'est que ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut s'assurer
que le processus soit suivi et que, si le processus n'est pas suivi, bien, ces
gens-là, il faut qu'ils fassent la démonstration comme tous les autres. Il y a
plein de réfugiés qui arrivent au Québec, ça prend des fois trois ans, quatre
ans, cinq ans, et on a vu des réfugiés, après cinq ans, être retournés dans
leur pays parce qu'ils n'ont pas fait la démonstration de la dangerosité de
leur situation. Alors, on a un processus qui a été établi, suivons ce
processus.
M. Croteau (Martin) : Vous
dites que l'immigrant qui arrive aux frontières, c'est du ressort du fédéral.
Néanmoins, est-ce que vous attendez des actions du gouvernement du Québec par
rapport au phénomène Trump?
Mme Poirier
: Bien, il
est bien sûr, parce que la ministre a besoin de parler à son homologue fédéral,
parce que ces gens-là arrivent ici, mais on a aussi un flux d'immigrants... de
réfugiés qui arrivent aussi par le Manitoba présentement. Moi, ce que j'entends...
j'ai lu, en tout cas, dans des articles que vous avez publiés, c'est que la
ministre avait une conversation à avoir avec ses homologues des autres
provinces pour établir quelles seraient les modalités à venir pour, dans le
fond, stopper et de régulariser la situation. Les gens ne passent... s'ils
passent par la vraie frontière, là, alors là ils déposent leurs documents en
disant : Je fais une demande de demandeur d'asile, et tu en as d'autres
qui passent par les chemins de travers et qu'on est obligés d'arrêter par la
GRC. Alors, il y a comme deux processus, là. Il ne faut surtout pas mélanger
les choses.
M. Croteau (Martin) : Vous
parlez de stopper. Vous voulez dire quoi exactement? Vous souhaitez que ces
migrants-là qui craignent être déportés par l'administration Trump et qui
fuient vers le Canada, vous souhaitez que leur arrivée au Canada soit stoppée?
Qu'est-ce...
Mme Poirier
: Pas
stoppée. Ce que je dis, c'est qu'elle doit se faire dans les règles. On a des
règles, faisons-le dans les règles, et ces gens-là doivent passer par le
processus de demandeur d'asile tel qu'on le fait dans les normes actuelles.
M. Croteau (Martin) : Mais,
de votre point de vue, est-ce que ces gens-là sont les bienvenus au Québec? Est-ce
qu'il devrait y avoir quelque chose de particulier de fait au Québec pour les
accueillir ou les accommoder?
Mme Poirier
: Bien,
moi, je pense qu'on a déjà des processus. On est très accommodants. Ces gens-là
vont suivre le délai de carence en santé, vont avoir droit à toutes sortes de
modalités. C'est déjà des programmes prévus, là. Il n'y a rien de nouveau là-dedans,
mais il faut s'assurer que ces gens-là aient droit aux mêmes services que ceux
qui vont arriver par un aéroport, par exemple.
M. Croteau (Martin) : Donc,
il ne faudrait pas mettre sur pied un programme particulier pour ces gens-là?
Mme Poirier
: Pas du
tout. Les programmes existent déjà, tout est en place. Il faut juste s'assurer
qu'on leur donne les meilleurs services possible. Ce n'est pas facile, ce
qu'ils vivent, là, et, s'ils se sentent expulsés des États-Unis, bien, je pense
qu'il faut regarder leur situation et regarder s'ils sont dans une situation vraiment
de demandeurs d'asile et de réfugiés. C'est ça qu'il faut regarder.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
que vous la comprenez, l'inquiétude des Québécois qui est manifestée, là, dans
les réponses au sondage?
Mme Poirier
: Je peux
comprendre. Moi, je suis très à l'écoute de ça, mais c'est que la majorité des
gens ne connaissent pas nos processus, actuellement, et je pense qu'on a justement
un devoir de vulgariser ces processus-là pour faire en sorte de faire la
démonstration qu'on a une structure d'accueil qui existe déjà.
Ces gens-là n'arrivent pas à l'hôtel
demain matin, là, et avec une carte d'aide sociale puis une carte d'assurance
maladie, là. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne au Québec. Il y a un processus,
ils doivent le suivre, et moi, je dis que, si ça se fait dans les règles et de
façon, je dirais, contrôlée, là, par nos règles, tant mieux.
M. Bellerose (Patrick) : Le
sondage semble suggérer que les francophones sont davantage réfractaires, justement,
à cette arrivée de gens des États-Unis. Est-ce que ça veut dire quelque chose,
selon vous?
Mme Poirier
: Non, pas
du tout. Je ne pense pas qu'il y a une connotation, puis vous ne m'amènerez pas
sur le domaine du racisme, pas du tout. Je pense qu'on peut avoir de
l'inquiétude. On voit ce qui s'est produit dans des pays européens où il y a
des flux migratoires importants. On n'en est pas là, on n'est pas dans ce genre
de situation là. Il y a des processus. Moi, je pense que faire connaître les processus,
ce serait bien. Merci.
Des voix
: Merci.
(Fin à 11 h 13)