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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de soins de fin de vie

Version finale

Le vendredi 24 mars 2017, 12 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures trente-deux minutes)

Mme Hivon : Je pense que notre rôle premier comme élus, c'est d'être à l'écoute de la population, surtout sur des sujets aussi sensibles que l'aide médicale à mourir. Je pense que le cas de M. Cadotte et de Mme Lizotte — donc, si on se souvient, bien sûr, cette situation où un homme dont la femme était atteinte de la maladie d'Alzheimer, selon ce qui est allégué, aurait donc mis fin aux jours de sa conjointe — a vraiment bouleversé tout le Québec. Et moi, je dois vous dire que, pour me promener à travers le Québec en donnant des conférences sur la question de la loi sur les soins de fin de vie, c'est une question récurrente, celle de savoir est-ce qu'une personne qui, donc, a la maladie d'Alzheimer ne pourrait pas demander, de manière anticipée, d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est d'ailleurs un débat que nous avions fait, lors des travaux de la commission Mourir dans la dignité, et nous avions demandé, donc, un éclairage supplémentaire de la part d'experts. Et souvent on me demande pourquoi on ne l'avait pas inclus à l'époque, et je réponds toujours qu'on ne l'avait pas inclus parce que le consensus n'était pas présent entre tous les partis et qu'en mettant cet élément supplémentaire là on risquait et on aurait fait couler tout le consensus sur le reste. Donc, il m'apparaissait très important de pouvoir franchir ce premier grand pas de l'aide médicale à mourir plutôt que de perdre l'ensemble du projet parce que je pense qu'aujourd'hui les 450 personnes qui ont pu en bénéficier sont très reconnaissantes qu'au Québec on a été précureurs et qu'on se soit dotés de cette loi-là.

Ceci étant dit, je me réjouis donc que le gouvernement embarque dans le débat, qu'il, donc, souhaite que ce débat se fasse. Je dois toutefois vous dire que je suis déçue que, pour la première fois, on s'éloigne, dans ce dossier-là, de l'esprit de collaboration, de l'esprit non partisan qui a toujours vraiment été là pour faire les travaux en lien avec les questions relatives aux soins de fin de vie et à l'aide médicale à mourir. Je suis surprise, honnêtement, que les oppositions n'aient pas été consultées. Je pense qu'on aurait pu donner notre point de vue sur la meilleure manière d'aborder les choses. Visiblement, aujourd'hui, le ministre dit qu'il faut prendre son temps, et j'en suis. Je pense qu'il faut faire ces débats correctement, mais je pense qu'il ne faut pas, par ailleurs, gagner du temps. Et j'espère que ce qui est annoncé aujourd'hui ne vise pas à gagner du temps parce qu'on l'a entendu c'est une démarche qui va être très longue. Et je m'explique mal pourquoi on ne procède pas tout de suite avec une commission parlementaire, comme on l'a fait dans le cadre de la commission Mourir dans la dignité, d'abord en entendant les experts mais en les entendant vraiment de manière publique, et tous les partis ensemble, et aussi en entendant des citoyens. Pas de la même ampleur, bien sûr, que ce qu'on a fait dans un premier temps parce que tout était à défricher à ce moment-là, mais qu'on le fasse parce que je pense que la sagesse populaire, l'opinion des citoyens, elle est très importante dans des débats comme ceux-là. Et ce qui est fondamental, c'est d'essayer, tout le monde ensemble, de bâtir ces consensus-là sur des questions aussi sensibles.

J'entendais le ministre dire que c'était très complexe. C'est vrai. Et on a d'ailleurs déjà un rapport d'experts qui, comme je l'ai dit il y a quelques semaines, ferait un excellent point de départ, qui est vraiment le groupe de travail conjoint sur la question spécifique des directives anticipées pour les personnes qui sont inaptes, et donc qui regroupait des gens de tous les ordres professionnels concernés. Donc, je pense qu'on a un excellent point de départ et je pense que, si on a été capables de faire le travail de très grande complexité, qui était celui de vraiment analyser tous les enjeux reliés à l'aide à mourir, et en arriver à un consensus, je pense qu'on pourrait le faire aujourd'hui aussi.

Donc, le temps est venu, oui, de faire le débat, et je pense qu'il faut aller de l'avant. Nous allons bien sûr suivre les travaux qui vont se dérouler. On aurait aimé qu'ils aient un caractère public, mais on va les suivre avec beaucoup d'intérêt, bien sûr. On espère que le travail qui est déjà fait par le groupe d'experts va être pris en compte.

Sur les questions plus précises de l'élargissement du mandat de la Commission sur les soins de fin de vie pour considérer les refus, je pense que c'est une bonne chose. Ceci dit, je ne demanderais pas à la commission de revoir tous les refus. Je pense qu'on devrait lui fournir un échantillon, là, à travers le Québec pour qu'elle puisse, là, se pencher sur les questions des refus et aussi qu'on lui donne les ressources nécessaires parce qu'en ce moment je pense qu'elle a besoin d'être soutenue correctement, cette commission-là.

Et, pour ce qui est du terrain juridique, encore une fois, j'ai une certaine surprise parce que le gouvernement nous avait dit, quand la loi fédérale est arrivée, qu'ils étaient au travail, donc, sur toute la question de la notion de la mort raisonnablement prévisible et qu'ils allaient éventuellement faire des recommandations pour voir la meilleure application, au Québec, de ces notions-là. Et là, aujourd'hui, on nous annonce donc qu'on va entamer une procédure, un renvoi, j'imagine, devant les tribunaux pour faire clarifier cette notion-là. Je pense que c'est une bonne chose de faire clarifier la notion. J'aurais juste souhaité que cela puisse se faire avant, encore une fois, pour qu'on ait les outils en main pour continuer le débat.

M. Laforest (Alain) : Donc, on comprend bien que vous reprochez au ministre de jouer au solo et non pas en harmonie, là.

Mme Hivon : Bien, j'aurais aimé, là, vous m'avez entendue, que, je pense, cette espèce de consensus qu'on a toujours eu, cette approche de collaboration qu'on a toujours eue dans le dossier perdure. Je ne doute pas qu'il souhaite que le débat se fasse correctement, mais évidemment je pense qu'il est conscient, comme nous tous, qu'il va devoir y avoir une commission, bien sûr, parlementaire avant éventuellement de modifier la loi pour entendre la population. Et moi, j'aurais donc souhaité qu'on s'évite l'étape qu'il ajoute aujourd'hui de créer un comité d'experts parce qu'on a déjà un rapport d'experts. On aurait pu entendre d'autres points de vue d'experts qui auraient pu, donc, venir nous donner ce point de vue là, mais c'est là ma critique.

M. Laforest (Alain) : C'est une mesure dilatoire?

Mme Hivon : J'espère que non. J'espère que le but, c'est de faire les choses sérieusement. La démarche qui est proposée, certainement qu'elle va permettre de faire les choses sérieusement. Mais moi, je crains effectivement qu'on gagne du temps plutôt que de tout de suite travailler, je dirais, en toute ouverture. L'expérience, justement, de la commission Mourir dans la dignité nous a appris ça, à quel point on est capables de le faire et à quel point ce consensus-là qu'on a vu émerger au Québec, il est dû notamment au fait que la population a pu participer. Et il y a beaucoup de gens qui disent qu'on devrait s'inspirer de ces travaux-là pour beaucoup d'autres sujets. Et là on est dans le sujet même, donc, de l'aide médicale à mourir et on semble, là, changer de direction dans la manière de faire les choses. Ça fait que c'est sûr que ça, je trouve que c'est regrettable. Je pense que la population a sa place dans des...

M. Laforest (Alain) : ...aucune communication...

Mme Hivon : Non, je n'ai pas été du tout consultée puis j'aurais bien aimé parce que j'aurais aimé ça lui rappeler l'existence d'un rapport d'experts qui est déjà sur la table.

M. Laforest (Alain) : Je pense qu'il doit le savoir.

Mme Hivon : Exactement. Je suis surprise qu'il n'en ait pas parlé ce matin. C'est quand même le Collège des médecins, le Barreau, la Chambre des notaires, les travailleurs sociaux, les infirmières, tout le monde était autour de la table. Ils sont arrivés avec des recommandations spécifiquement pour la question des personnes inaptes. Donc, je pense que c'était un excellent point de départ.

M. Gagnon (Marc-André) : Est-ce qu'on doit consulter la population à partir de maintenant ou attendre à la fin de la démarche que le ministre Barrette nous a annoncée ce matin?

Mme Hivon : Bien là, je pense que, compte tenu qu'il y a cette démarche-là qui est en cours, c'est certain que de consulter la population alors qu'il y a cette démarche-là, ça pourrait faire un peu double-emploi. Moi, personnellement, je souhaiterais que les Québécois le soient, consultés. C'est pour ça que j'aurais aimé qu'on travaille tous ensemble. Il n'y a rien qui l'empêcherait. J'espère qu'on va faire, d'ailleurs, le débat autour du mandat d'initiative qu'on a demandé sur cette question-là. Là, je comprends que ce n'est pas ce qui est favorisé. Le ministre n'a pas dit, d'ailleurs, que, dans un deuxième temps, on ferait ça. Mais je pense qu'il en tient aux parlementaires de dire qu'on aimerait ça, par exemple, qu'en marge on puisse entendre la population sur ces enjeux-là. Mais, moi, le modèle que je privilégiais, c'était le modèle qu'on avait fait l'autre fois : entendre des experts, tout le monde les entend publiquement, tous les partis avancent en même temps, la population aussi, et, dans un deuxième temps, entendre des citoyens, oui.

M. Lessard (Denis) : Quand on parle des inaptes, est-ce qu'on parle des inaptes actuels ou ceux qui, éventuellement, pourraient faire une demande anticipée?

Mme Hivon : Bien, c'est une excellente question. En fait, ça concerne les deux volets. Donc, c'est d'abord les personnes qui, en prévision de l'inaptitude, peuvent le faire. Mais par ailleurs ça soulève la question : les personnes qui sont inaptes... il y a des gens qui sont inaptes aussi de naissance. Ça ne veut pas dire que ces personnes-là ne souffrent pas, ça ne veut pas dire, donc, que ces personnes-là ne pourraient pas vouloir bénéficier de l'aide médicale à mourir. Donc, comment on traite aussi de cet enjeu-là? C'est une des questions qui a été abordée notamment dans ce rapport du groupe d'experts. Alors, pour le passé, évidemment, si on parle des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, elles sont devenues inaptes. Donc, la question est très difficile parce que la clé, c'est de dire que ça doit partir de la personne elle-même, qui le demande pour elle-même. Et moi, j'y crois beaucoup, à ça. C'est pour ça que je suis beaucoup plus dans l'approche de la demande anticipée qui vient de la personne que de celle du consentement substitué, par exemple.

M. Gagnon (Marc-André) : Donc, pour ces gens-là, qui, en attendant, vont continuer d'avoir à endurer des situations épouvantables, vous craignez que la démarche annoncée par M. Barrette soit trop longue.

Mme Hivon : Oui, je crains que la démarche soit très longue. C'est certain qu'il a déjà dit ce matin que dans son esprit, c'était minimalement un an. Moi, je pense qu'avec tous les volets qu'on voit ça peut être beaucoup plus que ça. Et tout ce que je dis, c'est qu'il faut prendre le temps. Moi, j'en suis. On l'a fait dans la première démarche. Je pense que vous l'avez vu. Là, en ce moment, l'idée, ce serait de se dire : Pourquoi on ne s'évite pas une étape? Pourquoi on ne le fait pas tous ensemble à partir de la base du rapport d'experts qu'on a déjà? Et, en plus, le bénéfice que ça a de le faire au vu et au su de tous, c'est que la société au complet avance en même temps. Et c'est ce qu'on a vu dans l'autre débat quand on l'a fait dans un premier temps, c'est que ce consensus-là se bâtit, et c'est un exercice qui est extraordinaire, je pense, autant d'un point de vue citoyen que d'un point de vue parlementaire.

M. Gagnon (Marc-André) : Le ministre a lui-même reconnu qu'il était prudent dans sa démarche. Est-ce que, selon vous, cette prudence-là s'explique de par la division qu'il peut y avoir au sein du caucus libéral? On sait qu'il y a au moins une vingtaine de députés qui avaient voté contre l'aide médicale à mourir. On entend, dans les corridors de l'Assemblée nationale, qu'il y a toujours une certaine division sur l'enjeu.

Mme Hivon : Bien, c'est certainement un élément qui explique la démarche qui est proposée aujourd'hui, mais ça, c'est au gouvernement d'expliquer l'état des lieux. Je pense que ça... on l'a vu dans les médias, donc c'est un secret de Polichinelle. À l'époque, on l'a vu aussi physiquement par le vote. Donc, il y avait eu plus d'une vingtaine de députés, dont à peu près la moitié du Conseil des ministres, qui avaient voté contre la loi à l'époque. Donc, c'est sûr que je pense que c'est un élément qui peut expliquer la démarche qui est proposée aujourd'hui.

Mais, moi, ce que je dis, c'est qu'on n'a pas à partir avec une unanimité puis un consensus. L'idée, c'est justement de permettre que le débat soit ouvert et qu'on le bâtisse, ce consensus-là. Et de le faire ne présume pas de la finalité non plus. Quand on a commencé les travaux, on ne présumait de rien. Donc, c'est un peu la même chose. Et, dans tous les caucus, il peut y avoir différents points de vue, mais l'idée, c'est de travailler ensemble sur des questions comme celle-là. Je pense que la population a été tellement heureuse de la manière dont on avait procédé dans un premier temps qu'elle souhaiterait qu'on travaille encore comme ça.

M. Gagnon (Marc-André) : Et, en bout de ligne, ça prend un vote libre? Il n'y a pas de place pour la ligne de parti sur l'enjeu?

Mme Hivon : Non, vote libre. Ça, c'est clair : vote libre.

M. Gagnon (Marc-André) : Merci.

Mme Hivon : Merci.

Mme Johnson (Maya) : Mme Hivon, quelques questions en anglais, please.

So, it seems that, on the one hand, you're pleased that, at least, there is an openness and desire to continue this discussion surrounding the law and possible modifications but also some frustration because you sense some partisanship in the process.

Mme Hivon : I don't sense partisanship, I just... I'm very happy that, you know, the Government is sending a signal that the debate has to be done, but I'm, yes, disappointed that, for the first time in this very important area of discussion, for this subject matter, that the Government is taking a path that is not the one that has always been taken, which is the one of the collaboration with the other parties.

Mme Johnson (Maya) : So, you have not communicated at all with the Health Minister before he made his announcement this morning.

Mme Hivon : No, I didn't know what it was about. And, you know, it's his prerogative, but I just feel that I've been working, you know, on the file for so long that maybe we could have had some very interesting, you know, exchanges about the way, the best way to proceed. You know, there is already an expert committee that we had recommended to be created in our report at the time that has tabled a report specifically on the questions of people who are incapable, who have, for example, Alzheimer's disease. So I think it was a very good ground to start this new debate.

So, I think that would have been very interesting and also I believe that, for such sensitive issues, it is important to involve the population and to work above the partisan lines and all together with the population and with the members of all different parties. And there is a real benefit of doing that throughout the process of a parliamentary committee because it's public and it's a way of building the consensus because everybody has the same information at the same time.

Mme Johnson (Maya) : So, you would like to see a parliamentary committee studying the issue as opposed to that Commission sur les soins de fin de vie, is that it? They're two different things.

Mme Hivon : Well, the Commission sur les soins de fin de vie, la commission Mourir dans la dignité, was a parliamentary committee but a special one that was created specifically for one question, which was the question of how to take care of people who are at the end of life. But it was with members of the Parliament and it was hearing people. This time, do we need a special commission? I'm not sure about that. It could be a statutory committee that gives itself this mandate. But what I think is that the process is very important, and maybe it seem technical, but it isn't at all because the fact that you work together, you know, all the members of the Assembly, I mean, members from all different parties, the fact that the public wisdom, you know, is there so that we can hear people and what they think, what they feel and this ongoing dialog helps create the consensus. And I think that, for such sensitive questions, we have to favor everything that will favor the consensus.

Mme Johnson (Maya) : And you're also worried that this will take quite a long time.

Mme Hivon : Yes. Well, you know, the Minister said himself it's going to take quite a bit of time. I agree with him that we need to take our time, but we don't need to, I would say, waste time. And I think it's very important. And I'm afraid that there is a part of the process which is suggested today by the Government that will just take more time. And I believe that, with a process like we did in the commission on dying with dignity, we had the right balance. We heard experts for three weeks and then we heard people. We don't need to go to such extent because, now, the question is a lot more narrow. But I think it's a good way to do things whereas now he's putting in place an expert committee and he gives them at least a year, that's what he said, to look at that, whereas we already have an expert committee that tabled a report, and it didn't take that much time. And all the professional bodies where involved in it. So, I don't understand why he has to really take it from scratch. And also I believe that, for sure, we will have to hear the population about that, you know, if we want to change the law. So, I just don't understand why we don't go into that step right now. Merci.

(Fin à 12 h 50)

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