(Sept heures cinquante-huit minutes)
M. Lisée
: Trois choses
sur Bombardier ce matin. D'abord, hier, le premier ministre a réitéré qu'il
était satisfait du report d'une partie de la rémunération, mais ça veut dire
qu'il est satisfait du non-report d'une autre partie de la rémunération. Je
vous fais voir simplement que, pour M. Bellemare, il y a 4 millions
de dollars supplémentaires avant le report. Donc, M. Couillard est satisfait
qu'en ce moment, sans même attendre 2020, il y a 4 millions de plus qui
est donné à M. Bellemare, alors que les résultats ne seront pas encore au
rendez-vous. Ça, c'est la première chose.
La deuxième chose, c'est que M. Couillard
nous a dit : On ne peut pas s'ingérer dans les affaires internes d'une
entreprise. Alors, pourquoi a-t-il appelé, dimanche, pour se plaindre? Il s'est
ingéré, il devait s'ingérer parce qu'il a mis 1,3 milliard de notre argent
et il devait dire à Bombardier : Écoutez, notre investissement est
fragilisé par votre mauvaise décision. Mais pourquoi n'est-il pas allé au bout
de son intervention en disant : Bien, il faut que vous annuliez
complètement? Donc, cet argument de M. Couillard qu'on ne devrait pas parler à
Bombardier pour dicter sa politique de rémunération, bien, lui-même a enfreint
sa propre règle, c'est juste que son intervention était mauvaise.
Troisièmement, bien, le gouvernement
québécois, lorsqu'il aide une entreprise, a très régulièrement des conditions
sur la rémunération. Lorsqu'Investissement Québec prête de l'argent à une
entreprise québécoise, il fait signer un contrat qui dit que, tant que le prêt
n'est pas remboursé, la direction ne peut pas se donner des dividendes sur le
profit. La direction est contrainte, dans certaines conditions, à réinvestir le
profit dans l'entreprise, et cette disposition, elle est faite spécifiquement
pour empêcher l'actionnaire principal, les dirigeants de l'entreprise et les
privés, de siphonner une partie de l'argent en rémunération.
Donc, si Investissement Québec le fait de
façon routinière pour les prêts, bien, raison de plus lorsqu'on fait un
investissement majeur de 1,3 milliard. J'ajouterais que moi, j'appelle à
ce qu'il y ait une réflexion, et, si le gouvernement du Parti québécois a
l'appui des Québécois en octobre prochain, nous allons réfléchir sur la
question de la rémunération des entreprises qui ont un soutien de l'État québécois.
Tout n'est pas permis, tout n'est pas possible, mais certainement, nous devons
nous poser la question, en 2017, 2018, 2019, d'une limitation raisonnable de l'augmentation
de la rémunération des entreprises qui bénéficient du soutien de l'État. C'est
une question qui doit être posée.
Finalement, bien, il y aura une assemblée
des actionnaires de Bombardier et la Caisse de dépôt possède entre 2 % et
3 % des actions. Donc, la Caisse de dépôt aura à se prononcer sur la
proposition d'augmentation de la rémunération. La caisse est autonome et doit
l'être, mais elle fait partie d'un environnement international où les
investisseurs institutionnels sont de plus en plus critiques des augmentations
de rémunération. Par exemple, le plus gros investisseur au monde, BlackRock,
qui a pour 6 000 milliards d'investissements au monde, a décidé qu'à
partir de maintenant ils ne permettront une augmentation de la rémunération des
dirigeants d'entreprises que si c'est en lien avec une augmentation de la
rémunération des salariés. Alors, vous comprenez que comme ça n'existe pas, une
entreprise qui augmente de 48 % la rémunération des salariés, ça donne une
indication assez nette de la limitation de l'augmentation.
Alors, comme citoyen et comme déposant à
la caisse, j'exprime le vœu que la Caisse de dépôt s'engage dans ce mouvement
international des investisseurs institutionnels pour la limitation de
l'augmentation des rémunérations et qu'elle agisse ainsi lors de l'assemblée
des actionnaires de Bombardier.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup, M. Lisée. On va y aller avec le micro de droite, M. Laforest.
M. Laforest (Alain) : Songer,
réfléchir, pas plus que ça?
M. Lisée
: Bien,
c'est-à-dire qu'aujourd'hui je ne suis pas en mesure de vous dire quelles
devraient être les règles, mais c'est clair que l'absence de règles est
insoutenable. Il existe des règles pour Investissement Québec lorsqu'il y a des
prêts qui sont faits. On voit bien que le gouvernement a mal agi en n'insérant
pas, dans son investissement initial de 1,3 milliard, des dispositions. On
a l'exemple américain que j'ai cité hier, de Barack Obama qui, lorsqu'il a
sauvé les géants de l'automobile, a limité à 500 000 $ par année la
rémunération totale.
Donc, ce sont des indications qui nous
donnent des balises, et je pense qu'il faut avoir une conversation sur une
politique globale de la rémunération lorsque l'État québécois intervient.
M. Laforest (Alain) : Mais
vous appelez le gouvernement à demander à Bombardier de reculer sur cette
hausse, mais vous dites qu'il n'y a pas de règle stricte puis vous voulez
réfléchir.
M. Lisée
: Oui.
M. Laforest (Alain) : Il y a
une contradiction, là.
M. Lisée
: Non, parce
qu'on est devant une situation qui est au paroxysme, parce que Bombardier... si
Bombardier s'était donné une rémunération raisonnable, nous ne serions pas ici,
une semaine après le fait, à continuer à dire que ça n'a pas de sens. Pourquoi
ça n'a pas de sens? Parce qu'il n'y a pas de règle. Pourquoi est-ce que le
premier ministre a mal agi? Bien, c'est parce que, dans sa tête, ce n'était pas
important d'agir, mais, s'il y avait des balises, au moins, il pourrait être
tenu à certaines balises.
Alors, ce n'est pas ce matin, à
7 h 55, que je vais vous dire : Voici, en 12 points, quelle
devrait être la politique générale de limitation de la rémunération, mais
certainement, il en faut une.
M. Laforest (Alain) : Sur
Martin Prud'homme, qu'est-ce que ça vous dit de savoir qu'il a ouvert une
entreprise pour son père, qu'on laisse entendre que certaines personnes... Il
n'était pas là la journée du blocage de l'autoroute 13 et lui dit qu'il était à
son bureau. Demandez-vous des explications?
M. Lisée
: Bien, écoutez,
j'ai entendu son entrevue ce matin. Moi, je préfère attendre l'enquête. Il
semble avoir une version des faits qui est assez étayée. Attendons l'enquête
avant de poser un jugement final.
Le Modérateur
: Merci.
Micro de gauche, M. Dion.
M. Dion (Mathieu) : Vous avez
pensé quoi des propos de Lino Zambito au sujet de ces 600 000 $ qui
ont été recueillis en argent comptant?
M. Lisée
: Bien, c'est
d'autant plus troublant que M. Coretti affirme ce matin qu'il peut corroborer
les propos de M. Zambito. Ils semblent tous les deux être disposés à venir
témoigner sous serment devant une commission parlementaire à l'Assemblée
nationale et qu'ils auraient des preuves à déposer. Bien, je pense qu'on
devrait les entendre. On devrait avoir une commission parlementaire, les
entendre, les mettre sous serment, voir leurs preuves et en avoir le coeur net.
M. Dion (Mathieu) : Pourquoi
ils le font maintenant, aujourd'hui? Lino Zambito a même écrit un livre, il
n'en était pas question. Pourquoi, selon vous, font-ils une déclaration comme
celle-là aujourd'hui?
M. Lisée
: C'est une
question qu'on leur poserait avec plaisir à la commission parlementaire.
Le Modérateur
: Merci.
M. Boivin, micro de droite.
M. Boivin (Mathieu) :
Aujourd'hui, j'ai l'impression que c'est le chant du cygne ou, à tout le moins,
le dernier baroud d'honneur de cette affaire Bombardier pour essayer
d'infléchir le gouvernement. Tout à l'heure, il y a une motion qui va être
déposée. À celle-là, on ne pourra pas se soustraire au vote. Par contre, j'ai
bien l'impression que les libéraux auront consigne de voter en bloc. Qu'est-ce
que ça nous dira exactement? Parce qu'on sait qu'il y a des députés libéraux
dans le privé, puis un peu moins dans le privé, qui manifestent leur
irritation. Mais qu'est-ce que ça nous dira, au net, sur l'état de la
situation?
M. Lisée
: Il y en a
même un qui s'est présenté à une manifestation contre la hausse des
rémunérations dimanche dernier.
Bien, d'abord, il faut qu'on soit comptés.
Aujourd'hui, les députés de l'Assemblée nationale vont se lever pour dire s'ils
approuvent ou s'ils désapprouvent une hausse de rémunération de 48 %, qui
est scandaleuse. Alors, chacun, en son âme et conscience, va se lever pour dire :
D'après nous, c'est une bonne chose ou une mauvaise chose. On verra. Si les
libéraux sont tous debout, s'il y a des absents, s'il y a des abstentionnistes,
on le verra.
Ensuite, bien, ça va faire partie de leur
bilan. Dans 17 mois, il y aura une élection où les citoyens devront poser un
jugement sur la qualité du jugement des libéraux, et ça fera partie de leur
bilan. Maintenant, comme je disais tout à l'heure, ce n'est pas la dernière
étape. Il y en a une autre, c'est l'assemblée des actionnaires. Alors, voyons
si, à l'assemblée des actionnaires, il y a suffisamment d'actionnaires, comme
ça se fait en ce moment dans les assemblées de grandes entreprises dans le
monde entier, qui disent : Ça suffit.
M. Boivin (Mathieu) : Il
arrive que la Caisse de dépôt, c'est rare mais ça arrive, que la Caisse de
dépôt fasse connaître son opinion, son vote sur une «proxy» avant l'assemblée
des actionnaires. Souhaiteriez-vous, toujours dans le but de mettre de la
pression, que la Caisse de dépôt fasse connaître, avant l'assemblée du mois de
mai, ce qu'elle pense du package de rémunération?
M. Lisée
: Oui,
absolument, parce que la Caisse de dépôt envoie un signal aux autres
actionnaires, et, encore une fois, ce n'est pas... Si la Caisse de dépôt
faisait ça maintenant — et elle est libre de le faire, hein, moi,
j'exprime un souhait — elle ne serait pas délinquante par rapport à
ce que plein d'investisseurs institutionnels font en ce moment. Donc, ça serait
vu par le marché international comme : Bien, la caisse fait comme d'autres
investisseurs et pense qu'il y a des dérives dans la rémunération. Et donc ça
aurait un effet d'entraînement sur d'autres actionnaires. Ce serait une bonne
chose.
Ce que la caisse pourrait faire aussi,
bien, c'est de dire d'abord à Bombardier : Vous savez, nous, on va le
dire, alors, comme on a à coeur la réputation de Bombardier, la meilleure
solution, ce serait que le C.A. de Bombardier revienne lui-même sur les hausses
de rémunération pour ne pas avoir ce débat à l'assemblée des actionnaires et clore
ce chapitre qui fragilise la réputation de Bombardier.
Le Modérateur
: Merci.
Mme Sioui, micro de gauche.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Oui. M. Prud'homme, en s'expliquant hier,
a dit que la SQ réfléchissait depuis plusieurs mois à la question du double
emploi pour les policiers. Votre position à vous, c'est quoi, sur le double
emploi?
M. Lisée
: Bien, moi,
je pense qu'on devrait éteindre la possibilité d'avoir un double emploi réel.
Tu sais, dans le cas de M. Prud'homme, si sa version tient, bien, écoutez,
c'est un numéro de compagnie pour aider son père à avoir du déneigement. Alors,
est-ce que c'est un double emploi ou ce n'est pas un double emploi? Alors, en
même temps, il ne faut pas virer fou. Il faut faire en sorte que quelqu'un qui
travaille pour la SQ travaille 100 % du temps pour la SQ.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Il a été sous-ministre sous un gouvernement
péquiste aussi. Étiez-vous au courant qu'il avait une entreprise?
M. Lisée
: Non.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Vous ne saviez pas. Donc, il n'y a pas de
système de divulgation, par exemple, pour les sous-ministres?
M. Lisée
: Il devrait y
en avoir une. Peut-être qu'il y en a une, peut-être que ça a été divulgué. Ça,
c'est un détail que je n'ai pas.
Le Modérateur
: Merci.
M. Lecavalier, micro de gauche.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour, M. Lisée. Il semble que, depuis au moins une dizaine d'années,
lorsqu'on reçoit une facture d'Hydro-Québec, bon, il y a un montant qui est
affiché avec une consommation, mais il semble que la consommation n'est pas
juste, qu'Hydro-Québec vient se chercher un coussin additionnel. Est-ce que
cette pratique-là, à votre avis, est correcte?
M. Lisée
: Elle n'est
pas correcte, si elle n'est pas corrigée. Je veux dire, Hydro a toutes sortes
de raisons comptables, etc., de le faire, mais, à partir du moment où une entreprise
a surfacturé au client, elle devrait rembourser au client. Et l'idée que, bien,
vous savez, on donne ça au gouvernement et donc, d'une autre façon... Non. Le
client a un contrat avec Hydro-Québec pour acheter de l'électricité, pas pour
acheter des dividendes pour le gouvernement.
Alors, le juste coût devrait être chargé
au client, et, s'il y a eu un surcoût qui a été chargé, le client devrait être
remboursé.
M. Lecavalier (Charles) :
C'est quand même étonnant. Je veux dire, c'est un peu comme si on va remplir le
gaz dans l'auto, finalement, ce n'est pas 15 litres qu'on met, c'est 14 litres
et demi, puis l'entreprise prend ça de plus. Il me semble que c'est étonnant
comme pratique. Étiez-vous au courant?
M. Lisée
: Non, c'est
étonnant, mais ce n'est pas la première fois que la question est posée, ce
n'est pas la première fois qu'on demande le remboursement. C'est une pratique
qui ne devrait pas exister. Je veux dire, on achète de l'électricité, on en
veut pour notre argent, ni plus, ni moins.
M. Lecavalier (Charles) : Sur
Anticosti, je sais que votre position était justement de trouver une entente
avec Pétrolia. Est-ce que vous êtes satisfait de qui semble... le gouvernement
semble vouloir trouver une voie de sortie pour Anticosti.
M. Lisée
: Ah! j'ai
hâte de voir. Effectivement, tout ce qui pourrait permettre d'éviter la fracturation
sur Anticosti serait une bonne nouvelle. Le gouvernement a extraordinairement
mal géré ce dossier depuis qu'il est là, a donné des arguments supplémentaires
à Pétrolia, mais, si on en arrivait à une entente raisonnable qui pourrait
préserver Anticosti, ce serait une bonne chose.
Le Modérateur
: Merci.
Mme Plante.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour, M. Lisée. Est-ce qu'il devrait y avoir des suites au rapport du comité
sur les paradis fiscaux, et, si oui, lesquelles?
M. Lisée
: Bien, le
rapport va être déposé aujourd'hui. Il est robuste, d'après ce que j'en ai vu.
Moi, j'étais sur la commission pendant un certain temps. Et évidemment, donc,
vous verrez des recommandations qui demandent des suites assez proches, mais
oui, ce rapport-là unanime de l'ensemble des députés de la commission est un
rapport qui est robuste et sa validité va dans son application. Et donc la
balle sera dans le camp du gouvernement pour voir s'il veut les appliquer. En
tout cas, nous, en octobre 2018, quand on formera le gouvernement, on va les
appliquer.
Mme Plante (Caroline) :
Est-ce qu'il y a des choses que le Québec peut faire?
M. Lisée
: Oui, plein,
mais je vais laisser les auteurs vous les expliquer cet après-midi.
Mme Plante (Caroline) : Puis Martine
Ouellet tantôt va venir nous faire une demande transparlementaire au sujet des
salaires chez Bombardier. Hier, elle était au «hot room», elle s'exprimait au
«hot room». Est-ce que vous encouragez ce transparlementarisme?
M. Lisée
: J'encourage
la liberté d'expression.
Le Modérateur
: Merci.
On va en anglais. Mme Fletcher.
Mme
Fletcher (Raquel) : Hi. Good morning. I just didn't
catch what you said on Hydro-Québec and reimbursing Quebeckers. Are you able to repeat that in English?
M. Lisée :Well, Hydro-Québec
has overbilled Quebeckers at the level of $1.4 billion. When a provider
overbills, it should reimburse. There's no other correct way to deal with the
client that you overbilled than to reimburse the client.
Mme Fletcher (Raquel) : And this was justified, I guess, by the Liberal Government as saying that this is going to
help balance the budget. Do you think that that's an appropriate justification?
M. Lisée
: When I pay my Hydro bill, I'm not trying to balance the budget. I'm
trying to balance my own family budget. So that's not the same thing. I'm
buying electricity at a just price, period. I mean, balancing the budget is
another item entirely, and you shouldn't enmesh both of them in the same bill.
Mme Fletcher (Raquel) : So what do you make of the Liberal's justification. Are there
excuses for this?
M. Lisée
: It's bonkers.
Le Modérateur
: Merci. Une dernière, s'il vous plaît.
Mme
Fletcher (Raquel) : One last question. This
overbilling was in 2015, I think. Are you concerned about the timeline that
this hasn't been resolved or dealt with in… We're now in 2017.
M. Lisée
: Well, clearly, the Liberal Government is complicit. I mean, once they knew about it, their only correct
response is to honor your client and reimburse. Well, clearly, they decided to
keep the money for other purposes and that's doesn't… OK? Merci beaucoup.
(Fin à 8 h 14)