(Treize heures quinze minutes)
M. Heurtel : Merci beaucoup et
merci d'être là avec nous cet après-midi. Je suis accompagné de mon adjoint parlementaire
et député de Maskinongé, Marc H. Plante, et le sous-ministre adjoint au ministère
de l'Environnement, M. Beauchesne, qui a fait un travail très important, lui et
son équipe, dans ce projet de loi.
Alors, je vais faire quelques remarques introductives
avant de prendre vos questions. C'est un projet de loi qui est très attendu, ce
projet de loi sur la conservation des milieux humides et hydriques. Le régime
actuel, qui est en place depuis déjà quelques décennies, est un régime qui se
devait d'être modernisé. C'est un régime qui avait même été invalidé par les
tribunaux il y a quelques années, un régime qui manquait clairement de
prévisibilité, manquait de simplicité, manquait de clarté. Et donc tous les
acteurs et partenaires du ministère de l'Environnement, que ce soit du monde environnemental,
du monde municipal, du monde économique, du monde agricole, du monde de la
forêt, tous réclamaient un nouveau régime.
Alors, ça nous a pris un peu de temps. Je
rappelle quand même ce qu'il y a eu comme saga, là, au cours des dernières
années. Le régime a été invalidé par les tribunaux en 2012. On a dû maintenir
ce régime en place avec une loi pour éviter un vide juridique. Cette loi-là a
été adoptée en 2012. Elle est assortie d'une clause crépusculaire pour le 24
avril 2015, mais, entre l'adoption de cette loi en 2012 et la clause
crépusculaire, il y a quand même eu deux élections générales qui ont provoqué
deux changements de gouvernement.
Et donc ça a ralenti considérablement le
travail d'une manière structurelle et également, à notre arrivée aux affaires,
il est devenu clair pour nous qu'on devait d'abord procéder à la modernisation
du régime général d'autorisation environnementale avant de procéder à la
modernisation du régime de protection des milieux humides, qui est plus
spécifique. Et donc c'est ce que j'avais dit d'ailleurs lorsque nous avons
présenté le projet de loi qui nous a donné un délai additionnel de deux ans, ce
qui nous amenait donc à une nouvelle clause crépusculaire en avril, le 24 avril
2017.
Une des raisons principales, c'était, et
je l'avais dit à l'époque, c'était d'abord pour être conséquent. On
voulait d'abord procéder à la modernisation du régime d'autorisation générale
de la Loi sur la qualité de l'environnement, ce que nous avons fait avec le
projet de loi n° 102, modernisation qui était une première, là. C'est la
modernisation la plus importante en 45 ans d'application de la Loi sur la
qualité de l'environnement.
Le projet de loi a été sanctionné le 23
mars dernier suite à énormément de travail au cours des deux dernières années,
ce qui a voulu dire des préconsultations, le dépôt d'un livre vert, des
consultations sur le livre vert en commission parlementaire, ensuite le dépôt
du projet de loi qui, lui, a donné suite également des consultations
particulières ainsi qu'une étude détaillée qu'on a complétée cette année après
86 heures de travail.
Et donc une fois ce travail fait, nous
étions maintenant prêts à présenter et déposer le projet de loi n° 132 sur
la protection des milieux humides et hydriques. Or, ce projet de loi là, j'ai
eu le plaisir de le présenter ce matin en montrant clairement notre intention
d'aller de l'avant avec un régime moderne, clair, prévisible et optimisé de
conservation et de protection des milieux humides. Cela dit, avec le calendrier
des travaux parlementaires, là — et ça, je crois que les journalistes
présents et toute la colline le sait bien — là, on est dans la phase
de travail sur le budget, et ça, ça va nous amener clairement, au niveau des commissions
parlementaires, au plus tôt au mois de mai, et, après ça, je ne peux pas
présumer du calendrier des travaux parlementaires. Ceci dit, il était clair,
malgré tous nos meilleurs efforts et le dépôt du projet de loi aujourd'hui,
qu'avec les consultations particulières nécessaires qui devront être faites sur
le projet de loi n° 132 et ensuite une étude détaillée, il était clair que
nous ne serions pas en mesure d'avoir un projet de loi sanctionné pour
l'échéance du 24 avril.
Donc, j'ai présenté, la semaine dernière,
le projet de loi n° 131 pour nous donner un délai additionnel, pour bien
faire notre travail. Alors, ce n'est pas simplement pour faire du temps, c'est
simplement pour nous donner le temps de bien faire notre travail et nous
permettre d'avoir un régime de protection des milieux humides digne de ce nom.
Alors, maintenant, on va avoir une définition claire de ce qu'est un milieu
humide, ce qu'on n'avait pas avant. On va avoir le nouveau régime
d'autorisation de la nouvelle Loi sur la qualité de l'environnement qui est
basé sur le risque qui va également s'appliquer aux milieux humides et hydriques.
Donc, ce que ça veut dire, c'est que le niveau de risque, soit élevé,
modéré, faible et négligeable, va également s'appliquer au régime de
protection des milieux humides. Donc, encore plus de clarté, plus de facilité
de déterminer quel type d'autorisation il va falloir obtenir.
Au-delà de ça, il va y avoir également un
régime de compensation des milieux. On en avait un, mais ce régime-là, c'est entre
autres une des raisons pour lesquelles il avait été invalidé par les tribunaux.
C'était un régime qui laissait beaucoup de place à l'arbitraire, qui laissait beaucoup
de place à différentes interprétations et, on l'a vu, dépendant qu'on soit dans
une direction régionale ou une autre, dépendant du type de milieux humides,
etc., puis on n'avait pas de définition claire de ce qu'était un milieu humide.
Alors, maintenant, le projet de loi, en
ayant une définition claire, en ayant le nouveau régime d'autorisation basé sur
le risque et maintenant avec une formule de compensation claire, déterminée,
qui est maintenant précisée et adaptée aux différentes réalités des milieux
humides, bien là, tous les promoteurs, les municipalités, les MRC, tous les intervenants
qui ont un projet ou qui sont touchés par un projet pourront savoir à l'avance
s'ils doivent se rendre à l'étape de la compensation, parce qu'évidemment il y
aura plusieurs autres étapes avant, mais, s'ils doivent se rendre à l'étape de
la compensation, bien, ils sauront à quoi s'en tenir, et donc ça va sauver du
temps. Les promoteurs n'auront plus à faire des études, n'auront plus à perdre
du temps ou à se mettre à acheter des terrains et chercher des terrains en
compensation, ce qui était le régime précédent. Donc là, encore là, on peut
voir un véritable allégement, une simplification, une clarté, une prévisibilité
dans le régime.
Autre fait saillant du projet de loi, très
important, c'est la notion de milieux humides et hydriques à haute valeur
écologique, et ça, c'est très important. Nous allons créer un registre pour ces
milieux, puis là on parle, là, genre, de tourbières millénaires, de milieux
humides dans des forêts à haute valeur de biodiversité, par exemple, des
bijoux, et on va faire un registre, et ces milieux humides et hydriques là vont
bénéficier d'une protection accrue, et ça, c'est quelque chose dont on est très
fiers. Et ça va venir contribuer à un autre fait saillant très important du
projet de loi, c'est qu'on enchâsse, dans ce projet de loi, la notion d'aucune
perte nette de milieux humides. Et ça, c'est sûr qu'au fur et à mesure qu'on a
vu le précédent régime se développer, malgré que son objectif était de protéger
les milieux humides, on doit reconnaître le fait qu'au cours des 10, 15 dernières
années on en a perdu, des milieux humides, au net.
Et donc, ça, pour nous c'est un principe
important, le fait que ce régime de protection des milieux humides que nous
présentons aujourd'hui a, à sa base, la condition fondamentale qu'il ne doit
plus y avoir de perte nette de milieux humides au Québec, et ça, c'est
important notamment parce que les milieux humides et hydriques, oui, contribuent
au niveau écologique, mais contribuent également au niveau économique au Québec
à cause de leur contribution à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
On le sait maintenant, la science est claire, les milieux humides et hydriques
retiennent le carbone. C'est littéralement des machines à bouffer le carbone.
Présentement, si on compte tous les
milieux humides au Québec, c'est plus de 10 gigatonnes de GES qui sont
séquestrées, qui sont retenus par les milieux humides au Québec, et ça, c'est
l'équivalent de 478 années d'émissions de gaz à effet de serre au Québec.
Alors, juste vous dire, les services écologiques et en matière de lutte contre
les changements climatiques que nous rendent les milieux humides et hydriques,
ça, évidemment, si on perd ça, bien, c'est des conséquences non seulement
écologiques, mais des conséquences économiques pour le Québec.
Alors, encore une fois, je vais terminer,
je vais prendre vos questions, en disant que c'est un régime clair, un régime
optimisé, un régime plus simple, un régime qui va mieux protéger nos milieux
humides, qui va permettre, grâce à cette nouvelle formule de compensation,
d'accumuler des sommes d'argent qui pourront être ensuite redistribuées, à
travers notre fonds de protection de l'environnement, pourront être
redistribuées soit aux MRC, soit aux municipalités, soit même ça pourrait à des
organismes environnementaux spécialisés en matière de conservation ou de
restauration de milieux humides.
Et ce sont ces experts-là, les meilleures
personnes placées sur le terrain, qui pourront ensuite prendre ces sommes-là
pour s'assurer qu'il y ait réellement une compensation en matière de milieux
humides. Ce n'est pas juste de compenser un terrain avec un autre terrain, il
faut qu'on ait des milieux humides, il faut qu'on restaure soit des milieux
humides qui ont été abîmés, soit créer des nouveaux milieux humides, soit s'assurer
de protéger les milieux humides existants. Alors, cet argent-là va être
redistribué aux gens qui sont les mieux placés pour accomplir cette mission-là
dans les régions, dans les bassins versants.
D'ailleurs, c'est sûr, et le projet de loi
le dit, on l'avait fait dans le projet de loi n° 102 sur le régime d'autorisation
environnementale, on a reconnu les organismes de bassins versants, on le
reconnaît encore, on reconnaît leur rôle. Le plan directeur de l'eau que font,
qu'accomplissent les organismes de bassins versants, les tables de concertation
régionales également, les TCR vont être mises à contribution. Donc, on veut
aussi bénéficier de l'expertise sur le terrain pour s'assurer que les sommes
perçues en compensation soient réinvesties de la meilleure façon possible pour
créer, générer, protéger, conserver des milieux humides et hydriques au Québec.
Alors, c'est un geste très important que
le gouvernement prend aujourd'hui, un geste qui s'inscrit dans cette démarche
de modernisation de la protection de l'environnement, du développement durable
et de la lutte contre les changements climatiques. Ça s'inscrit dans la foulée,
donc, du projet de loi n° 102, ça s'inscrit dans la foulée de la loi sur
les véhicules zéro émission, notre travail sur le marché du carbone, et donc je
suis très heureux aujourd'hui de pouvoir annoncer le dépôt de ce projet de loi.
Merci beaucoup.
Le Modérateur
: Alors,
on y va avec la période de questions. Martin Croteau, La Presse. Pas de
limites de questions, on peut y aller.
M. Croteau (Martin) : C'est déjà
à moi.
M. Heurtel : Il y a une longue
file. Attendez votre tour, s'il vous plaît.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Croteau (Martin) : Bonjour
à tous. Bonjour, M. le ministre. Je comprends que les règles, la loi temporaire
qui avait été mise en place en 2012, prévoyaient déjà un mécanisme de
compensation pour la destruction de milieux humides. En quoi est-ce que le
régime permanent que vous proposez maintenant se distingue du régime temporaire
qui était en place depuis cinq ans?
M. Heurtel : Bien, le régime
temporaire maintenait, en quelque sorte, les grandes lignes du régime qui avait
été invalidé par les tribunaux. Alors, c'était un régime qui n'était basé, un,
sur aucune définition de ce qu'est un milieu humide ou hydrique. Alors, déjà,
en partant, on laissait beaucoup de place à la discrétion et parfois, on doit
le dire, l'arbitraire des différentes directions régionales. Alors, un
promoteur pouvait arriver avec un projet et se faire dire que tel type d'étendue
d'eau ou tel secteur d'un terrain était un milieu humide et que, dans une autre
direction régionale, on n'avait peut-être pas la même notion, on n'avait
peut-être la même définition. Alors, ça laissait, bon, beaucoup de place à des
interprétations qui, un, n'étaient pas prévisibles, n'étaient pas claires et
donc menaient à beaucoup de débats. Puis il y a eu, d'ailleurs, beaucoup de
débats devant les tribunaux sur ce qu'est un milieu humide et hydrique.
Alors, l'absence de définition du régime
précédent et, malheureusement, là, je vais le dire, actuel, a créé beaucoup de
problèmes, tant au niveau économique qu'au niveau des débats devant les
tribunaux. Le projet de loi d'aujourd'hui, 132, vient régler ça, avec une vraie
définition, ce qu'on n'avait pas avant.
Deuxièmement, le régime de compensation
lui aussi n'avait pas de règle claire. Le régime de compensation de 2012 et le
régime de... qui est le régime de compensation actuel, n'avait pas de règle claire,
c'est-à-dire que ce qu'on disait, c'est... bon, dépendant d'une direction
régionale à l'autre, on pouvait dire à un promoteur : Bien, il faut que tu
m'achètes... il faut que le promoteur achète quatre terrains, quatre fois la
superficie en terrain du milieu affecté, mais il n'y avait pas nécessairement...
Un, ce n'était pas clair, pourquoi, du quatre pour un. Dans d'autres directions
régionales, du deux pour un; j'ai déjà vu du huit pour un. On n'avait pas de
barèmes très clairs et on ne tenait pas nécessairement toujours compte, encore
une fois, avec la même clarté, de la valeur écologique des terrains qui étaient
acquis en remplacement et on forçait le promoteur de faire des plans de
conservation.
Les promoteurs, ce n'est pas nécessairement
leur compétence, leur expertise de développer, ou de restaurer, ou de
conserver, ou de créer des nouveaux milieux humides. Tu sais, on parle de
promoteurs... si vous êtes un promoteur immobilier ou vous... tu sais, au ministère
des Transports qui construit des routes, bien, ce n'est peut-être pas votre
«core business», si vous me permettez l'expression, de travailler sur une
restauration de milieux humides en parallèle à votre projet qui est votre
objectif premier dans votre entreprise. Donc, il y avait beaucoup de problèmes,
encore une fois, de clarté. Tu sais, un promoteur qui avait un projet qui
affectait un milieu humide ne pouvait pas déterminer clairement au départ
combien ça allait lui coûter en effort de restauration ou en effort de
conservation. Là, le projet de loi arrive avec une formule préétablie claire,
avec une cartographie préétablie claire des milieux humides. Puis d'ailleurs il
va y avoir un registre, puis on va continuer le travail de cartographie.
Avec la définition, bien, là aussi, on va
voir des projets qui peut-être ont été assujettis à cet ancienne... à cet
ancien régime, devrais-je dire. Bien, peut-être qu'ils ne le seront plus et peut-être,
bon, qu'ils le seront, mais là, on va le savoir clairement avant. On ne devra
pas attendre une décision d'un fonctionnaire, on va voir clairement, avec la
définition, si elle s'applique, bien, vous êtes soumis au régime; si vous ne
l'êtes pas, bien, si la définition ne s'applique pas, vous ne le serez pas.
Puis, après ça, le régime va s'appliquer.
En plus de ça, bien, il y a le nouveau
régime d'autorisation environnementale qui est très important, qu'on n'avait
pas avec l'ancienne politique basée sur le risque. Le projet de loi n° 102
dit clairement... bon, qui est maintenant sanctionné : Il va y avoir
quatre types de risques. Alors, si, par exemple, votre projet se retrouve dans
les règlements qui vont être adoptés et que votre projet sur un milieu humide
est à risque faible ou négligeable, bien, vous allez avoir des formalités d'autorisation
déjà prédéterminées. Même chose pour... si votre projet comporte plus de
risques, bien, il va y avoir des formalités d'autorisation. Vous allez savoir à
quoi vous en tenir, ce qui n'est pas du tout le cas dans le régime actuel.
M. Croteau (Martin) : Comment
va fonctionner cette formule préétablie claire? Parce que le principe étant qu'il
y ait zéro perte nette, donc ce que ça implique, c'est que la destruction de
chaque hectare de milieu humide doit nécessairement être accompagnée de la
construction ou de la création d'un hectare de milieu humide ailleurs. C'est ça,
l'idée de...
M. Heurtel : Bien, dit généralement,
c'est oui parce qu'il y a quand même... il peut y avoir de la restauration de
milieux humides existants qui contribue. Tu sais, il peut y avoir... ce n'est
pas nécessairement juste l'option que vous décrivez, mais, en gros, c'est
exact. Sur le mécanisme de la formule, je pourrais passer la parole au
sous-ministre Beauchesne.
M. Beauchesne (Patrick) :
Merci. Bonjour. Il faut dire aussi, il y a un volet du projet de loi qui porte
beaucoup sur l'élaboration de plans régionaux de milieux humides et de milieux
hydriques. Ces plans-là vont être sous la responsabilité des communautés
métropolitaines ou des municipalités régionales de comté puisque ce sont leurs
responsabilités propres de voir à la planification et à l'aménagement du
territoire. Donc, il y aura un outil d'aménagement du territoire qui va devenir
un outil commun pour l'ensemble des MRC et des communautés métropolitaines de
Montréal, et c'est sur cette base-là que pourrait se décider à quel endroit il
est le plus judicieux de restaurer, compte tenu des objectifs qui sont présents
sur le territoire. Donc, ça, c'est très important sur la mécanique de...
Maintenant, pour la question de la formule
d'évaluation de la compensation financière, elle est en annexe du projet de
loi, c'est un peu l'amorce de l'intention réglementaire, parce que ça va être
défini plus précisément dans les prochaines étapes en avant de nous, mais ça
permet déjà, en fonction de la superficie qui serait, par exemple, affectée
pour les milieux humides, avec les facteurs de valeur foncière et les facteurs
de valeur de coûts des travaux pour restaurer quelque chose, et ça, on s'est appuyés
sur différentes études.
Donc, selon la superficie et selon la
valeur fiscale, selon les municipalités, parce que c'est très variable, bien,
ça nous permet de déterminer une valeur monétaire, et, comme M. Heurtel
l'expliquait, cette compensation monétaire là sera versée dans le Fonds de
protection de l'environnement, qui a été créé, institué en vertu de la nouvelle
LQE, et, sur cette base-là, il y a des programmes qui vont être faits, et là
c'est ça qui va venir paramétrer de quelle façon les travaux de restauration
vont être faits.
M. Croteau (Martin) : Donc,
c'est de l'argent. Tout se passe par argent. Le promoteur n'est plus tenu, par
exemple, à acheter un terrain, un milieu humide pour compenser la destruction
d'un terrain? C'est qu'on monétise ou on donne une valeur monétaire à chaque
hectare, mettons, d'un milieu humide qui est détruit?
M. Heurtel : Exactement. Alors
donc, la valeur, il va avoir une valeur x, selon des formules, une formule qui
est proposée dans le projet de loi, et là cet argent-là, donc le promoteur...
puis ça, c'est après toutes les étapes, là. Il faut bien comprendre qu'on ne
commence pas par faire un chèque. Non, non, mais je veux juste... parce que je
ne voudrais pas qu'on interprète l'idée : Bon, bien là, youpi, on commence
avec l'idée : Bien, on va détruire un milieu humide, on a juste à faire un
chèque. Non, non.
Il faut bien d'abord suivre les étapes, le
cheminement de la loi, c'est-à-dire d'abord et avant tout, bon, il y a la
définition. Deuxièmement, il y a le régime d'autorisation environnementale de
la nouvelle Loi sur la qualité de l'environnement, et, après ça, la formule
fait partie d'un principe qui est reconnu dans le monde de la conservation à
l'international. Le principe, c'est d'abord éviter, minimiser, compenser.
Alors, d'abord, il va y avoir un travail qui va devoir être fait avec le
ministère, avec les autorités municipales, avec les groupes concernés comme les
OBV, les Canards illimités de ce monde, les TCR, pour voir s'il n'y a pas, bon,
moyen d'éviter l'atteinte aux milieux humides existants.
Après ça, il y a l'étape minimiser. Est-ce
que ce qui est proposé peut être repensé, peut-être qu'il y a une atteinte
moindre, moins importante aux milieux humides? Et là, après ça, une fois tout
ce travail-là fait, si, bon, on est à l'étape, où là il y a une atteinte et il
y a une partie ou un milieu humide qui est atteint de façon significative, là,
la compensation s'applique, selon la formule, selon la description que vient de
faire le sous-ministre Beauchesne. Cet argent-là, il va être perçu. Alors là,
ce qu'on enlève... puis c'est justement un des problèmes du régime précédent,
c'est que là on mettait beaucoup la responsabilité de la restauration ou de la
conservation sur des entreprises ou des promoteurs, parfois même des
particuliers qui n'avaient aucune expertise là-dedans. Puis ce n'est pas de leur
faire porter un odieux, là. C'est juste que si, dans la vie, vous construisez
des maisons, vous n'êtes peut-être pas un expert en conservation en milieu
humide, alors...
Et là il fallait... on imposait des
obligations en termes de plan, il fallait faire des plans de conservation. Il
fallait que le promoteur, justement, achète des terrains sur une base qui était
très, je dirais, presque arbitraire ou, du moins, très discrétionnaire. On ne
savait pas trop, dépendant... puis on n'avait pas de définition claire non plus
de ce qu'était un milieu humide et hydrique. Alors, on se retrouvait, des fois,
avec du huit pour un, mais ces terrains-là étaient-ils vraiment les meilleurs
terrains pour compenser le milieu humide existant?
Alors là, plutôt, on simplifie tout ça
pour le promoteur, de un. Il va y avoir une formule très claire qui selon... et
le travail qui a été fait par le ministère, avec plusieurs intervenants du
milieu, c'est une formule qui tient compte de la valeur écologique, économique
des milieux humides et hydriques atteints. Alors là, cette somme d'argent là va
ensuite être réinvestie, mais va passer par notre fonds de protection de l'environnement,
et être réinvestie, mais par les meilleures personnes pour mettre en oeuvre une
conservation, une restauration, une création de milieux humides. Alors, c'est
soit le ministère de l'Environnement... ça peut être le ministère de
l'Environnement dans certains cas. Ça peut être les municipalités, les MRC qui
auront fait des plans régionaux de milieux humides et hydriques, qui auront une
compréhension. Puis ça, ça s'inscrit dans la démarche générale, la philosophie
de notre gouvernement de donner plus d'autonomie aux municipalités, de vraiment
reconnaître que ce sont des gouvernements de proximité qui comprennent la
réalité concrète sur le terrain.
Donc, ces acteurs-là sont peut-être les
mieux placés pour prendre cet argent-là et faire faire le travail, ou bien ça
pourrait même être des groupes. Ça pourrait même être un groupe comme Canards
illimités qui... puis d'ailleurs Canards illimités le fait déjà, gère déjà des
milieux humides au Québec et ailleurs en Amérique du Nord, et donc pourrait
aussi être un sous-contractant, là, si vous me permettez l'expression, du gouvernement,
pour s'assurer de la conservation, de la restauration et de la création de ces
milieux humides. Alors là, on a vraiment une formule qui nous permet de
concrétiser et de s'assurer justement d'atteindre le principe zéro perte nette
et même d'améliorer notre bilan, si le travail est bien effectué.
M. Croteau (Martin) : Peut-être
une dernière question, Nicolas, j'ai... Je ne veux pas...
M. Vigneault (Nicolas) :
Allez-y, j'en ai deux petites après.
M. Croteau (Martin) : Je ne
veux pas prendre toute la place, mais...
M. Vigneault (Nicolas) : Il
n'y a pas de problème.
M. Croteau (Martin) : À quel
point est-ce que la grève des juristes de l'État a contribué au retard dans le
dépôt de cette pièce législative?
M. Heurtel : Bon, il y a eu le
conflit des juristes, le conflit... Je n'ai pas les dates exactes en tête,
mais, bon, je crois que c'est d'octobre dernier, et ça s'est réglé avec la loi
spéciale à la fin février.
Nous, on a fait tout ce qu'on a pu pour
travailler le plus rapidement possible. Il fallait faire le projet de loi n° 102
d'abord. Ça, c'était, pour nous, la priorité. Je l'avais dit en 2015, puis ça a
été un travail qui a duré deux ans puis qui devait durer deux ans. Vous savez,
je veux dire, on ne touche pas à une loi sur la qualité de l'environnement de
la façon qu'on l'a fait, en profondeur, une modernisation d'une loi... Ça
faisait 45 ans qu'on n'avait pas fait ce genre de travail de fond là pour
moderniser le régime d'autorisation de la LQE.
Il y avait également aussi toute la
section sur la modernisation de la gouvernance du Fonds vert, qui était quand
même très importante et non négligeable. Vous en savez quelque chose. Et donc
ce travail-là... il y a eu des consultations à travers le Québec, il y a eu un
livre vert, il y a eu une commission parlementaire sur le livre vert. J'ai fait
une autre tournée à travers le Québec. On a déposé le projet de loi. Il y a eu
une consultation particulière et il y a eu l'étude détaillée de 86 heures. On a
travaillé de la façon la plus efficace possible dans les circonstances. Il y a
eu 86 heures de commission parlementaire. On a terminé le travail début mars,
et la loi a été sanctionnée le 23 mars. On devait avoir ce nouveau régime avant
de pouvoir s'attaquer au régime particulier sur les milieux humides.
Alors, on a fait le mieux qu'on a pu dans
les circonstances, tout le monde, puis ça, ça comprend les juristes, ça
comprend tout le monde. Tout le monde a travaillé du mieux qu'ils ont pu dans
les circonstances qui étaient loin d'être idéales. Mais là, maintenant, on
arrive à un arrive à un point où c'est clair qu'on n'arrivait pas à respecter
l'échéance du 24 avril et donc c'est pour ça qu'on veut se donner un peu de
temps pour être… un peu plus de temps additionnel pour bien faire le travail, parce
que c'est un projet de loi important. Ce n'est pas un diachylon, là, ce projet
de loi là, là. Ce n'est pas comme, justement, en 2012 et en 2015, où on a
simplement reconduit un régime qu'on savait qu'il était très imparfait.
Alors là, on a un vrai régime qui est
proposé, un régime solide, un régime moderne, un régime qui répond à beaucoup,
beaucoup, beaucoup de demandes de l'ensemble des intervenants dans ce dossier
avec qui on a travaillé l'automne dernier. J'ai fait des préconsultations avec
70 groupes différents que ça soit du monde économique, municipal,
environnemental, foresterie, agricole, et j'en passe, et on a voulu vraiment
faire le meilleur travail possible. Alors là, on veut se donner le temps pour
faire les consultations particulières et l'étude détaillée, ne pas être brusqué
puis, étant donné, en plus de ça, qu'on est dans le processus budgétaire, alors
on…
M. Croteau (Martin) : ...donc,
le conflit de travail avec les juristes n'a eu aucune incidence sur le timing
ou, en fait, le moment, les délais dans le dépôt de ce projet de loi.
M. Heurtel : Je ne dirai pas
ça. Je vous ai dit avec quoi on a dû composer pour passer à travers le projet
de loi n° 102. Moi, je l'avais dit en 2015. Ce n'est pas en réaction à la situation
actuelle que je dis ça. Vous pouvez vous… en commission parlementaire, en 2015,
je l'ai dit. J'ai dit : D'abord, la séquence, il faut qu'on fasse la
modernisation du régime général de la Loi sur la qualité de l'environnement
avant de pouvoir s'attaquer aux milieux humides. C'est un travail costaud, c'est
un travail important, c'est un travail énorme. Vous avez été témoins comme moi
de ce qui s'est passé au cours des derniers mois, qu'on a essayé de travailler
du mieux qu'on a pu dans des circonstances difficiles. Je l'ai reconnu en
commission parlementaire, je l'ai reconnu à plusieurs moments.
On a fait, tous et toutes, du mieux qu'on
a pu et on est passé au travers. On a fait ça... comme je vous dis, on a fait
l'étude détaillée et la consultation particulière sur le projet de loi
n° 102 pendant le conflit ou presque toute pendant le conflit. Il y a
quelques articles, je crois, qu'on a faits suite au retour au travail des
juristes en mars. Mais on a travaillé du mieux qu'on a pu et donc, vu les circonstances
puis voyant le temps qu'il nous restait, on n'avait aucun autre choix que
d'avoir un délai... on espère, un court délai additionnel.
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que vous vous êtes donné un échéancier précis pour cartographier
l'ensemble des milieux humides et quand ça va aboutir? Parce que là, cette
carte-là va devenir très importante pour que les gens sachent où ils s'en vont
dans les différents projets à travers le Québec.
M. Heurtel : M. Beauchesne.
M. Beauchesne (Patrick) : Oui,
merci. Donc, on ne part pas à zéro pour ce qui est de la cartographie. Depuis
plusieurs années, avec un ensemble de partenaires, on s'affaire à faire la
cartographie détaillée des milieux humides des basses terres du Saint-Laurent.
Donc, ça, c'est un travail de fond, et pour
ce qui est de la sélection — M. Heurtel parlait des milieux
remarquables, nos bijoux en termes de grands milieux humides — la
communauté scientifique travaille depuis très longtemps là-dessus, notamment à
travers la grande démarche du Plan d'action Saint-Laurent. Donc, on n'a pas
loin d'une trentaine d'études sur lesquelles on est capables de s'appuyer scientifiquement
pour... Au moment où on fera connaître ces milieux-là, il sera vraiment
démontré par la science que ce sont les plus importants à protéger.
Donc, le travail est fortement avancé,
mais il reste encore quelque chose à... Mais, pour répondre à votre question, à
court terme, c'est relativement à court terme, oui.
M. Heurtel : Si vous
permettez, je veux juste... Le projet de loi a déjà dans... il y a une annexe
du projet de loi et déjà un début de carte dans le projet de loi.
M. Vigneault (Nicolas) : S'il
y a un litige sur... par exemple, on ne s'entend pas, est-ce que, ça, c'est un
milieu humide, est-ce que je le protège suffisamment et tout ça, est-ce qu'il y
a des mécanismes de prévus ou des choses comme ça?
M. Heurtel : Bien, justement,
avec la définition, c'est... La définition, et c'est un des grands objectifs...
C'est qu'avant, beaucoup de disputes et qui ont terminé devant les tribunaux et
qui sont encore... je dirais même, des dossiers qui sont encore devant les tribunaux
découlaient du fait, mauvais jeu de mots, du fait qu'il n'y avait pas
de définition claire. Et donc une direction régionale disait : Bien, ça,
ce terrain-là, c'est un milieu humide, le promoteur disait : Mais non, ce
n'est pas un milieu humide, et là il y avait un litige en partant.
Alors là, le fait est qu'avec une
définition claire, un régime d'autorisation clair puis une définition qui est
basée sur la science, bien, on croit qu'on va éviter beaucoup de conflits en
partant. Ça vous va?
Le Modérateur
: Alors,
merci, tout le monde.
M. Heurtel : Merci. Merci
beaucoup d'être venus.
(Fin à 13 h 48)