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Conférence de presse de M. David Heurtel, ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Présentation du projet de loi sur la conservation des milieux humides et hydriques

Version finale

Le jeudi 6 avril 2017, 13 h 15

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures quinze minutes)

M. Heurtel : Merci beaucoup et merci d'être là avec nous cet après-midi. Je suis accompagné de mon adjoint parlementaire et député de Maskinongé, Marc H. Plante, et le sous-ministre adjoint au ministère de l'Environnement, M. Beauchesne, qui a fait un travail très important, lui et son équipe, dans ce projet de loi.

Alors, je vais faire quelques remarques introductives avant de prendre vos questions. C'est un projet de loi qui est très attendu, ce projet de loi sur la conservation des milieux humides et hydriques. Le régime actuel, qui est en place depuis déjà quelques décennies, est un régime qui se devait d'être modernisé. C'est un régime qui avait même été invalidé par les tribunaux il y a quelques années, un régime qui manquait clairement de prévisibilité, manquait de simplicité, manquait de clarté. Et donc tous les acteurs et partenaires du ministère de l'Environnement, que ce soit du monde environnemental, du monde municipal, du monde économique, du monde agricole, du monde de la forêt, tous réclamaient un nouveau régime.

Alors, ça nous a pris un peu de temps. Je rappelle quand même ce qu'il y a eu comme saga, là, au cours des dernières années. Le régime a été invalidé par les tribunaux en 2012. On a dû maintenir ce régime en place avec une loi pour éviter un vide juridique. Cette loi-là a été adoptée en 2012. Elle est assortie d'une clause crépusculaire pour le 24 avril 2015, mais, entre l'adoption de cette loi en 2012 et la clause crépusculaire, il y a quand même eu deux élections générales qui ont provoqué deux changements de gouvernement.

Et donc ça a ralenti considérablement le travail d'une manière structurelle et également, à notre arrivée aux affaires, il est devenu clair pour nous qu'on devait d'abord procéder à la modernisation du régime général d'autorisation environnementale avant de procéder à la modernisation du régime de protection des milieux humides, qui est plus spécifique. Et donc c'est ce que j'avais dit d'ailleurs lorsque nous avons présenté le projet de loi qui nous a donné un délai additionnel de deux ans, ce qui nous amenait donc à une nouvelle clause crépusculaire en avril, le 24 avril 2017.

Une des raisons principales, c'était, et je l'avais dit à l'époque, c'était d'abord pour être conséquent. On voulait d'abord procéder à la modernisation du régime d'autorisation générale de la Loi sur la qualité de l'environnement, ce que nous avons fait avec le projet de loi n° 102, modernisation qui était une première, là. C'est la modernisation la plus importante en 45 ans d'application de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le projet de loi a été sanctionné le 23 mars dernier suite à énormément de travail au cours des deux dernières années, ce qui a voulu dire des préconsultations, le dépôt d'un livre vert, des consultations sur le livre vert en commission parlementaire, ensuite le dépôt du projet de loi qui, lui, a donné suite également des consultations particulières ainsi qu'une étude détaillée qu'on a complétée cette année après 86 heures de travail.

Et donc une fois ce travail fait, nous étions maintenant prêts à présenter et déposer le projet de loi n° 132 sur la protection des milieux humides et hydriques. Or, ce projet de loi là, j'ai eu le plaisir de le présenter ce matin en montrant clairement notre intention d'aller de l'avant avec un régime moderne, clair, prévisible et optimisé de conservation et de protection des milieux humides. Cela dit, avec le calendrier des travaux parlementaires, là — et ça, je crois que les journalistes présents et toute la colline le sait bien — là, on est dans la phase de travail sur le budget, et ça, ça va nous amener clairement, au niveau des commissions parlementaires, au plus tôt au mois de mai, et, après ça, je ne peux pas présumer du calendrier des travaux parlementaires. Ceci dit, il était clair, malgré tous nos meilleurs efforts et le dépôt du projet de loi aujourd'hui, qu'avec les consultations particulières nécessaires qui devront être faites sur le projet de loi n° 132 et ensuite une étude détaillée, il était clair que nous ne serions pas en mesure d'avoir un projet de loi sanctionné pour l'échéance du 24 avril.

Donc, j'ai présenté, la semaine dernière, le projet de loi n° 131 pour nous donner un délai additionnel, pour bien faire notre travail. Alors, ce n'est pas simplement pour faire du temps, c'est simplement pour nous donner le temps de bien faire notre travail et nous permettre d'avoir un régime de protection des milieux humides digne de ce nom. Alors, maintenant, on va avoir une définition claire de ce qu'est un milieu humide, ce qu'on n'avait pas avant. On va avoir le nouveau régime d'autorisation de la nouvelle Loi sur la qualité de l'environnement qui est basé sur le risque qui va également s'appliquer aux milieux humides et hydriques. Donc, ce que ça veut dire, c'est que le niveau de risque, soit élevé, modéré, faible et négligeable, va également s'appliquer au régime de protection des milieux humides. Donc, encore plus de clarté, plus de facilité de déterminer quel type d'autorisation il va falloir obtenir.

Au-delà de ça, il va y avoir également un régime de compensation des milieux. On en avait un, mais ce régime-là, c'est entre autres une des raisons pour lesquelles il avait été invalidé par les tribunaux. C'était un régime qui laissait beaucoup de place à l'arbitraire, qui laissait beaucoup de place à différentes interprétations et, on l'a vu, dépendant qu'on soit dans une direction régionale ou une autre, dépendant du type de milieux humides, etc., puis on n'avait pas de définition claire de ce qu'était un milieu humide.

Alors, maintenant, le projet de loi, en ayant une définition claire, en ayant le nouveau régime d'autorisation basé sur le risque et maintenant avec une formule de compensation claire, déterminée, qui est maintenant précisée et adaptée aux différentes réalités des milieux humides, bien là, tous les promoteurs, les municipalités, les MRC, tous les intervenants qui ont un projet ou qui sont touchés par un projet pourront savoir à l'avance s'ils doivent se rendre à l'étape de la compensation, parce qu'évidemment il y aura plusieurs autres étapes avant, mais, s'ils doivent se rendre à l'étape de la compensation, bien, ils sauront à quoi s'en tenir, et donc ça va sauver du temps. Les promoteurs n'auront plus à faire des études, n'auront plus à perdre du temps ou à se mettre à acheter des terrains et chercher des terrains en compensation, ce qui était le régime précédent. Donc là, encore là, on peut voir un véritable allégement, une simplification, une clarté, une prévisibilité dans le régime.

Autre fait saillant du projet de loi, très important, c'est la notion de milieux humides et hydriques à haute valeur écologique, et ça, c'est très important. Nous allons créer un registre pour ces milieux, puis là on parle, là, genre, de tourbières millénaires, de milieux humides dans des forêts à haute valeur de biodiversité, par exemple, des bijoux, et on va faire un registre, et ces milieux humides et hydriques là vont bénéficier d'une protection accrue, et ça, c'est quelque chose dont on est très fiers. Et ça va venir contribuer à un autre fait saillant très important du projet de loi, c'est qu'on enchâsse, dans ce projet de loi, la notion d'aucune perte nette de milieux humides. Et ça, c'est sûr qu'au fur et à mesure qu'on a vu le précédent régime se développer, malgré que son objectif était de protéger les milieux humides, on doit reconnaître le fait qu'au cours des 10, 15 dernières années on en a perdu, des milieux humides, au net.

Et donc, ça, pour nous c'est un principe important, le fait que ce régime de protection des milieux humides que nous présentons aujourd'hui a, à sa base, la condition fondamentale qu'il ne doit plus y avoir de perte nette de milieux humides au Québec, et ça, c'est important notamment parce que les milieux humides et hydriques, oui, contribuent au niveau écologique, mais contribuent également au niveau économique au Québec à cause de leur contribution à réduire les émissions de gaz à effet de serre. On le sait maintenant, la science est claire, les milieux humides et hydriques retiennent le carbone. C'est littéralement des machines à bouffer le carbone.

Présentement, si on compte tous les milieux humides au Québec, c'est plus de 10 gigatonnes de GES qui sont séquestrées, qui sont retenus par les milieux humides au Québec, et ça, c'est l'équivalent de 478 années d'émissions de gaz à effet de serre au Québec. Alors, juste vous dire, les services écologiques et en matière de lutte contre les changements climatiques que nous rendent les milieux humides et hydriques, ça, évidemment, si on perd ça, bien, c'est des conséquences non seulement écologiques, mais des conséquences économiques pour le Québec.

Alors, encore une fois, je vais terminer, je vais prendre vos questions, en disant que c'est un régime clair, un régime optimisé, un régime plus simple, un régime qui va mieux protéger nos milieux humides, qui va permettre, grâce à cette nouvelle formule de compensation, d'accumuler des sommes d'argent qui pourront être ensuite redistribuées, à travers notre fonds de protection de l'environnement, pourront être redistribuées soit aux MRC, soit aux municipalités, soit même ça pourrait à des organismes environnementaux spécialisés en matière de conservation ou de restauration de milieux humides.

Et ce sont ces experts-là, les meilleures personnes placées sur le terrain, qui pourront ensuite prendre ces sommes-là pour s'assurer qu'il y ait réellement une compensation en matière de milieux humides. Ce n'est pas juste de compenser un terrain avec un autre terrain, il faut qu'on ait des milieux humides, il faut qu'on restaure soit des milieux humides qui ont été abîmés, soit créer des nouveaux milieux humides, soit s'assurer de protéger les milieux humides existants. Alors, cet argent-là va être redistribué aux gens qui sont les mieux placés pour accomplir cette mission-là dans les régions, dans les bassins versants.

D'ailleurs, c'est sûr, et le projet de loi le dit, on l'avait fait dans le projet de loi n° 102 sur le régime d'autorisation environnementale, on a reconnu les organismes de bassins versants, on le reconnaît encore, on reconnaît leur rôle. Le plan directeur de l'eau que font, qu'accomplissent les organismes de bassins versants, les tables de concertation régionales également, les TCR vont être mises à contribution. Donc, on veut aussi bénéficier de l'expertise sur le terrain pour s'assurer que les sommes perçues en compensation soient réinvesties de la meilleure façon possible pour créer, générer, protéger, conserver des milieux humides et hydriques au Québec.

Alors, c'est un geste très important que le gouvernement prend aujourd'hui, un geste qui s'inscrit dans cette démarche de modernisation de la protection de l'environnement, du développement durable et de la lutte contre les changements climatiques. Ça s'inscrit dans la foulée, donc, du projet de loi n° 102, ça s'inscrit dans la foulée de la loi sur les véhicules zéro émission, notre travail sur le marché du carbone, et donc je suis très heureux aujourd'hui de pouvoir annoncer le dépôt de ce projet de loi. Merci beaucoup.

Le Modérateur : Alors, on y va avec la période de questions. Martin Croteau, La Presse. Pas de limites de questions, on peut y aller.

M. Croteau (Martin) : C'est déjà à moi.

M. Heurtel : Il y a une longue file. Attendez votre tour, s'il vous plaît.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Croteau (Martin) : Bonjour à tous. Bonjour, M. le ministre. Je comprends que les règles, la loi temporaire qui avait été mise en place en 2012, prévoyaient déjà un mécanisme de compensation pour la destruction de milieux humides. En quoi est-ce que le régime permanent que vous proposez maintenant se distingue du régime temporaire qui était en place depuis cinq ans?

M. Heurtel : Bien, le régime temporaire maintenait, en quelque sorte, les grandes lignes du régime qui avait été invalidé par les tribunaux. Alors, c'était un régime qui n'était basé, un, sur aucune définition de ce qu'est un milieu humide ou hydrique. Alors, déjà, en partant, on laissait beaucoup de place à la discrétion et parfois, on doit le dire, l'arbitraire des différentes directions régionales. Alors, un promoteur pouvait arriver avec un projet et se faire dire que tel type d'étendue d'eau ou tel secteur d'un terrain était un milieu humide et que, dans une autre direction régionale, on n'avait peut-être pas la même notion, on n'avait peut-être la même définition. Alors, ça laissait, bon, beaucoup de place à des interprétations qui, un, n'étaient pas prévisibles, n'étaient pas claires et donc menaient à beaucoup de débats. Puis il y a eu, d'ailleurs, beaucoup de débats devant les tribunaux sur ce qu'est un milieu humide et hydrique.

Alors, l'absence de définition du régime précédent et, malheureusement, là, je vais le dire, actuel, a créé beaucoup de problèmes, tant au niveau économique qu'au niveau des débats devant les tribunaux. Le projet de loi d'aujourd'hui, 132, vient régler ça, avec une vraie définition, ce qu'on n'avait pas avant.

Deuxièmement, le régime de compensation lui aussi n'avait pas de règle claire. Le régime de compensation de 2012 et le régime de... qui est le régime de compensation actuel, n'avait pas de règle claire, c'est-à-dire que ce qu'on disait, c'est... bon, dépendant d'une direction régionale à l'autre, on pouvait dire à un promoteur : Bien, il faut que tu m'achètes... il faut que le promoteur achète quatre terrains, quatre fois la superficie en terrain du milieu affecté, mais il n'y avait pas nécessairement... Un, ce n'était pas clair, pourquoi, du quatre pour un. Dans d'autres directions régionales, du deux pour un; j'ai déjà vu du huit pour un. On n'avait pas de barèmes très clairs et on ne tenait pas nécessairement toujours compte, encore une fois, avec la même clarté, de la valeur écologique des terrains qui étaient acquis en remplacement et on forçait le promoteur de faire des plans de conservation.

Les promoteurs, ce n'est pas nécessairement leur compétence, leur expertise de développer, ou de restaurer, ou de conserver, ou de créer des nouveaux milieux humides. Tu sais, on parle de promoteurs... si vous êtes un promoteur immobilier ou vous... tu sais, au ministère des Transports qui construit des routes, bien, ce n'est peut-être pas votre «core business», si vous me permettez l'expression, de travailler sur une restauration de milieux humides en parallèle à votre projet qui est votre objectif premier dans votre entreprise. Donc, il y avait beaucoup de problèmes, encore une fois, de clarté. Tu sais, un promoteur qui avait un projet qui affectait un milieu humide ne pouvait pas déterminer clairement au départ combien ça allait lui coûter en effort de restauration ou en effort de conservation. Là, le projet de loi arrive avec une formule préétablie claire, avec une cartographie préétablie claire des milieux humides. Puis d'ailleurs il va y avoir un registre, puis on va continuer le travail de cartographie.

Avec la définition, bien, là aussi, on va voir des projets qui peut-être ont été assujettis à cet ancienne... à cet ancien régime, devrais-je dire. Bien, peut-être qu'ils ne le seront plus et peut-être, bon, qu'ils le seront, mais là, on va le savoir clairement avant. On ne devra pas attendre une décision d'un fonctionnaire, on va voir clairement, avec la définition, si elle s'applique, bien, vous êtes soumis au régime; si vous ne l'êtes pas, bien, si la définition ne s'applique pas, vous ne le serez pas. Puis, après ça, le régime va s'appliquer.

En plus de ça, bien, il y a le nouveau régime d'autorisation environnementale qui est très important, qu'on n'avait pas avec l'ancienne politique basée sur le risque. Le projet de loi n° 102 dit clairement... bon, qui est maintenant sanctionné : Il va y avoir quatre types de risques. Alors, si, par exemple, votre projet se retrouve dans les règlements qui vont être adoptés et que votre projet sur un milieu humide est à risque faible ou négligeable, bien, vous allez avoir des formalités d'autorisation déjà prédéterminées. Même chose pour... si votre projet comporte plus de risques, bien, il va y avoir des formalités d'autorisation. Vous allez savoir à quoi vous en tenir, ce qui n'est pas du tout le cas dans le régime actuel.

M. Croteau (Martin) : Comment va fonctionner cette formule préétablie claire? Parce que le principe étant qu'il y ait zéro perte nette, donc ce que ça implique, c'est que la destruction de chaque hectare de milieu humide doit nécessairement être accompagnée de la construction ou de la création d'un hectare de milieu humide ailleurs. C'est ça, l'idée de...

M. Heurtel : Bien, dit généralement, c'est oui parce qu'il y a quand même... il peut y avoir de la restauration de milieux humides existants qui contribue. Tu sais, il peut y avoir... ce n'est pas nécessairement juste l'option que vous décrivez, mais, en gros, c'est exact. Sur le mécanisme de la formule, je pourrais passer la parole au sous-ministre Beauchesne.

M. Beauchesne (Patrick) : Merci. Bonjour. Il faut dire aussi, il y a un volet du projet de loi qui porte beaucoup sur l'élaboration de plans régionaux de milieux humides et de milieux hydriques. Ces plans-là vont être sous la responsabilité des communautés métropolitaines ou des municipalités régionales de comté puisque ce sont leurs responsabilités propres de voir à la planification et à l'aménagement du territoire. Donc, il y aura un outil d'aménagement du territoire qui va devenir un outil commun pour l'ensemble des MRC et des communautés métropolitaines de Montréal, et c'est sur cette base-là que pourrait se décider à quel endroit il est le plus judicieux de restaurer, compte tenu des objectifs qui sont présents sur le territoire. Donc, ça, c'est très important sur la mécanique de...

Maintenant, pour la question de la formule d'évaluation de la compensation financière, elle est en annexe du projet de loi, c'est un peu l'amorce de l'intention réglementaire, parce que ça va être défini plus précisément dans les prochaines étapes en avant de nous, mais ça permet déjà, en fonction de la superficie qui serait, par exemple, affectée pour les milieux humides, avec les facteurs de valeur foncière et les facteurs de valeur de coûts des travaux pour restaurer quelque chose, et ça, on s'est appuyés sur différentes études.

Donc, selon la superficie et selon la valeur fiscale, selon les municipalités, parce que c'est très variable, bien, ça nous permet de déterminer une valeur monétaire, et, comme M. Heurtel l'expliquait, cette compensation monétaire là sera versée dans le Fonds de protection de l'environnement, qui a été créé, institué en vertu de la nouvelle LQE, et, sur cette base-là, il y a des programmes qui vont être faits, et là c'est ça qui va venir paramétrer de quelle façon les travaux de restauration vont être faits.

M. Croteau (Martin) : Donc, c'est de l'argent. Tout se passe par argent. Le promoteur n'est plus tenu, par exemple, à acheter un terrain, un milieu humide pour compenser la destruction d'un terrain? C'est qu'on monétise ou on donne une valeur monétaire à chaque hectare, mettons, d'un milieu humide qui est détruit?

M. Heurtel : Exactement. Alors donc, la valeur, il va avoir une valeur x, selon des formules, une formule qui est proposée dans le projet de loi, et là cet argent-là, donc le promoteur... puis ça, c'est après toutes les étapes, là. Il faut bien comprendre qu'on ne commence pas par faire un chèque. Non, non, mais je veux juste... parce que je ne voudrais pas qu'on interprète l'idée : Bon, bien là, youpi, on commence avec l'idée : Bien, on va détruire un milieu humide, on a juste à faire un chèque. Non, non.

Il faut bien d'abord suivre les étapes, le cheminement de la loi, c'est-à-dire d'abord et avant tout, bon, il y a la définition.  Deuxièmement, il y a le régime d'autorisation environnementale de la nouvelle Loi sur la qualité de l'environnement, et, après ça, la formule fait partie d'un principe qui est reconnu dans le monde de la conservation à l'international. Le principe, c'est d'abord éviter, minimiser, compenser. Alors, d'abord, il va y avoir un travail qui va devoir être fait avec le ministère, avec les autorités municipales, avec les groupes concernés comme les OBV, les Canards illimités de ce monde, les TCR, pour voir s'il n'y a pas, bon, moyen d'éviter l'atteinte aux milieux humides existants.

Après ça, il y a l'étape minimiser. Est-ce que ce qui est proposé peut être repensé, peut-être qu'il y a une atteinte moindre, moins importante aux milieux humides? Et là, après ça, une fois tout ce travail-là fait, si, bon, on est à l'étape, où là il y a une atteinte et il y a une partie ou un milieu humide qui est atteint de façon significative, là, la compensation s'applique, selon la formule, selon la description que vient de faire le sous-ministre Beauchesne. Cet argent-là, il va être perçu. Alors là, ce qu'on enlève... puis c'est justement un des problèmes du régime précédent, c'est que là on mettait beaucoup la responsabilité de la restauration ou de la conservation sur des entreprises ou des promoteurs, parfois même des particuliers qui n'avaient aucune expertise là-dedans. Puis ce n'est pas de leur faire porter un odieux, là. C'est juste que si, dans la vie, vous construisez des maisons, vous n'êtes peut-être pas un expert en conservation en milieu humide, alors...

Et là il fallait... on imposait des obligations en termes de plan, il fallait faire des plans de conservation. Il fallait que le promoteur, justement, achète des terrains sur une base qui était très, je dirais, presque arbitraire ou, du moins, très discrétionnaire. On ne savait pas trop, dépendant... puis on n'avait pas de définition claire non plus de ce qu'était un milieu humide et hydrique. Alors, on se retrouvait, des fois, avec du huit pour un, mais ces terrains-là étaient-ils vraiment les meilleurs terrains pour compenser le milieu humide existant?

Alors là, plutôt, on simplifie tout ça pour le promoteur, de un. Il va y avoir une formule très claire qui selon... et le travail qui a été fait par le ministère, avec plusieurs intervenants du milieu, c'est une formule qui tient compte de la valeur écologique, économique des milieux humides et hydriques atteints. Alors là, cette somme d'argent là va ensuite être réinvestie, mais va passer par notre fonds de protection de l'environnement, et être réinvestie, mais par les meilleures personnes pour mettre en oeuvre une conservation, une restauration, une création de milieux humides. Alors, c'est soit le ministère de l'Environnement... ça peut être le ministère de l'Environnement dans certains cas. Ça peut être les municipalités, les MRC qui auront fait des plans régionaux de milieux humides et hydriques, qui auront une compréhension. Puis ça, ça s'inscrit dans la démarche générale, la philosophie de notre gouvernement de donner plus d'autonomie aux municipalités, de vraiment reconnaître que ce sont des gouvernements de proximité qui comprennent la réalité concrète sur le terrain.

Donc, ces acteurs-là sont peut-être les mieux placés pour prendre cet argent-là et faire faire le travail, ou bien ça pourrait même être des groupes. Ça pourrait même être un groupe comme Canards illimités qui... puis d'ailleurs Canards illimités le fait déjà, gère déjà des milieux humides au Québec et ailleurs en Amérique du Nord, et donc pourrait aussi être un sous-contractant, là, si vous me permettez l'expression, du gouvernement, pour s'assurer de la conservation, de la restauration et de la création de ces milieux humides. Alors là, on a vraiment une formule qui nous permet de concrétiser et de s'assurer justement d'atteindre le principe zéro perte nette et même d'améliorer notre bilan, si le travail est bien effectué.

M. Croteau (Martin) : Peut-être une dernière question, Nicolas, j'ai... Je ne veux pas...

M. Vigneault (Nicolas) : Allez-y, j'en ai deux petites après.

M. Croteau (Martin) : Je ne veux pas prendre toute la place, mais...

M. Vigneault (Nicolas) : Il n'y a pas de problème.

M. Croteau (Martin) : À quel point est-ce que la grève des juristes de l'État a contribué au retard dans le dépôt de cette pièce législative?

M. Heurtel : Bon, il y a eu le conflit des juristes, le conflit... Je n'ai pas les dates exactes en tête, mais, bon, je crois que c'est d'octobre dernier, et ça s'est réglé avec la loi spéciale à la fin février.

Nous, on a fait tout ce qu'on a pu pour travailler le plus rapidement possible. Il fallait faire le projet de loi n° 102 d'abord. Ça, c'était, pour nous, la priorité. Je l'avais dit en 2015, puis ça a été un travail qui a duré deux ans puis qui devait durer deux ans. Vous savez, je veux dire, on ne touche pas à une loi sur la qualité de l'environnement de la façon qu'on l'a fait, en profondeur, une modernisation d'une loi... Ça faisait 45 ans qu'on n'avait pas fait ce genre de travail de fond là pour moderniser le régime d'autorisation de la LQE.

Il y avait également aussi toute la section sur la modernisation de la gouvernance du Fonds vert, qui était quand même très importante et non négligeable. Vous en savez quelque chose. Et donc ce travail-là... il y a eu des consultations à travers le Québec, il y a eu un livre vert, il y a eu une commission parlementaire sur le livre vert. J'ai fait une autre tournée à travers le Québec. On a déposé le projet de loi. Il y a eu une consultation particulière et il y a eu l'étude détaillée de 86 heures. On a travaillé de la façon la plus efficace possible dans les circonstances. Il y a eu 86 heures de commission parlementaire. On a terminé le travail début mars, et la loi a été sanctionnée le 23 mars. On devait avoir ce nouveau régime avant de pouvoir s'attaquer au régime particulier sur les milieux humides.

Alors, on a fait le mieux qu'on a pu dans les circonstances, tout le monde, puis ça, ça comprend les juristes, ça comprend tout le monde. Tout le monde a travaillé du mieux qu'ils ont pu dans les circonstances qui étaient loin d'être idéales. Mais là, maintenant, on arrive à un arrive à un point où c'est clair qu'on n'arrivait pas à respecter l'échéance du 24 avril et donc c'est pour ça qu'on veut se donner un peu de temps pour être… un peu plus de temps additionnel pour bien faire le travail, parce que c'est un projet de loi important. Ce n'est pas un diachylon, là, ce projet de loi là, là. Ce n'est pas comme, justement, en 2012 et en 2015, où on a simplement reconduit un régime qu'on savait qu'il était très imparfait.

Alors là, on a un vrai régime qui est proposé, un régime solide, un régime moderne, un régime qui répond à beaucoup, beaucoup, beaucoup de demandes de l'ensemble des intervenants dans ce dossier avec qui on a travaillé l'automne dernier. J'ai fait des préconsultations avec 70 groupes différents que ça soit du monde économique, municipal, environnemental, foresterie, agricole, et j'en passe, et on a voulu vraiment faire le meilleur travail possible. Alors là, on veut se donner le temps pour faire les consultations particulières et l'étude détaillée, ne pas être brusqué puis, étant donné, en plus de ça, qu'on est dans le processus budgétaire, alors on…

M. Croteau (Martin) : ...donc, le conflit de travail avec les juristes n'a eu aucune incidence sur le timing ou, en fait, le moment, les délais dans le dépôt de ce projet de loi.

M. Heurtel : Je ne dirai pas ça. Je vous ai dit avec quoi on a dû composer pour passer à travers le projet de loi n° 102. Moi, je l'avais dit en 2015. Ce n'est pas en réaction à la situation actuelle que je dis ça. Vous pouvez vous… en commission parlementaire, en 2015, je l'ai dit. J'ai dit : D'abord, la séquence, il faut qu'on fasse la modernisation du régime général de la Loi sur la qualité de l'environnement avant de pouvoir s'attaquer aux milieux humides. C'est un travail costaud, c'est un travail important, c'est un travail énorme. Vous avez été témoins comme moi de ce qui s'est passé au cours des derniers mois, qu'on a essayé de travailler du mieux qu'on a pu dans des circonstances difficiles. Je l'ai reconnu en commission parlementaire, je l'ai reconnu à plusieurs moments.

On a fait, tous et toutes, du mieux qu'on a pu et on est passé au travers. On a fait ça... comme je vous dis, on a fait l'étude détaillée et la consultation particulière sur le projet de loi n° 102 pendant le conflit ou presque toute pendant le conflit. Il y a quelques articles, je crois, qu'on a faits suite au retour au travail des juristes en mars. Mais on a travaillé du mieux qu'on a pu et donc, vu les circonstances puis voyant le temps qu'il nous restait, on n'avait aucun autre choix que d'avoir un délai... on espère, un court délai additionnel.

M. Vigneault (Nicolas) : Est-ce que vous vous êtes donné un échéancier précis pour cartographier l'ensemble des milieux humides et quand ça va aboutir? Parce que là, cette carte-là va devenir très importante pour que les gens sachent où ils s'en vont dans les différents projets à travers le Québec.

M. Heurtel : M. Beauchesne.

M. Beauchesne (Patrick) : Oui, merci. Donc, on ne part pas à zéro pour ce qui est de la cartographie. Depuis plusieurs années, avec un ensemble de partenaires, on s'affaire à faire la cartographie détaillée des milieux humides des basses terres du Saint-Laurent.

Donc, ça, c'est un travail de fond, et pour ce qui est de la sélection — M. Heurtel parlait des milieux remarquables, nos bijoux en termes de grands milieux humides — la communauté scientifique travaille depuis très longtemps là-dessus, notamment à travers la grande démarche du Plan d'action Saint-Laurent. Donc, on n'a pas loin d'une trentaine d'études sur lesquelles on est capables de s'appuyer scientifiquement pour... Au moment où on fera connaître ces milieux-là, il sera vraiment démontré par la science que ce sont les plus importants à protéger.

Donc, le travail est fortement avancé, mais il reste encore quelque chose à... Mais, pour répondre à votre question, à court terme, c'est relativement à court terme, oui.

M. Heurtel : Si vous permettez, je veux juste... Le projet de loi a déjà dans... il y a une annexe du projet de loi et déjà un début de carte dans le projet de loi.

M. Vigneault (Nicolas) : S'il y a un litige sur... par exemple, on ne s'entend pas, est-ce que, ça, c'est un milieu humide, est-ce que je le protège suffisamment et tout ça, est-ce qu'il y a des mécanismes de prévus ou des choses comme ça?

M. Heurtel : Bien, justement, avec la définition, c'est... La définition, et c'est un des grands objectifs... C'est qu'avant, beaucoup de disputes et qui ont terminé devant les tribunaux et qui sont encore... je dirais même, des dossiers qui sont encore devant les tribunaux découlaient du fait, mauvais jeu de mots, du fait qu'il n'y avait pas de définition claire. Et donc une direction régionale disait : Bien, ça, ce terrain-là, c'est un milieu humide, le promoteur disait : Mais non, ce n'est pas un milieu humide, et là il y avait un litige en partant.

Alors là, le fait est qu'avec une définition claire, un régime d'autorisation clair puis une définition qui est basée sur la science, bien, on croit qu'on va éviter beaucoup de conflits en partant. Ça vous va?

Le Modérateur : Alors, merci, tout le monde.

M. Heurtel : Merci. Merci beaucoup d'être venus.

(Fin à 13 h 48)

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