(Quatorze heures une minute)
M. Paradis (Lévis) :
Merci d'être là. C'est un autre moment important parce qu'on reprend
aujourd'hui l'étude d'un projet de loi extrêmement important. Et là, je le
rappelle, c'est le moment que l'on doit saisir pour faire en sorte qu'on ait un
projet de loi mordant pour lutter contre la maltraitance.
On est en chemin. La présentation par la
ministre Francine Charbonneau d'amendements me permet de croire qu'on commence
à avancer. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire pour arriver au fil d'arrivée,
pour compléter le parcours.
D'abord, je dois me réjouir du fait que
cette volonté exprimée par l'ensemble de la population par le biais d'une
lettre citoyenne signée par Marguerite Blais, qui portait, elle, sur ses
épaules, le projet de loi n° 399, où j'ai évidemment inscrit ma signature
également, une lettre citoyenne pour exprimer combien c'était important et c'est
important pour les citoyens de faire en sorte qu'on puisse aller plus loin pour
lutter contre la maltraitance, et notamment cette vision des dénonciations
obligatoires... eh bien, je me réjouis du fait que cette pression-là, parce
qu'il a fallu en mettre une, ait permis à la ministre de s'ouvrir les yeux et
de se rendre compte qu'on ne pouvait pas faire autrement.
Alors là, elle se rend compte qu'on ne
peut pas faire autrement, mais il va falloir aller plus loin. Là, elle a
commencé à bouger, mais il va falloir qu'on prenne de la vitesse pour, encore
une fois, atteindre ce que les gens souhaitent. La maltraitance, les gens n'en
veulent plus. On a l'occasion de protéger les aînés du Québec. La dénonciation
obligatoire est le levier, le levier majeur, le point central de ce projet de
loi là.
Alors, je demande à la ministre de
continuer à avancer. La ministre, qui a refusé trois amendements précédemment
présentés concernant la dénonciation obligatoire... Trois amendements, coup sur
coup, il y avait une fin de non-recevoir. Durant tous les travaux du 115, il y avait
une fin de non-recevoir, il n'en était pas question. Eh bien, là, elle dit :
O.K. Mais O.K., ce n'est pas assez.
Ce que je comprends, il y aura des
discussions. Sachez que ce dossier-là est important, puis je vais continuer à
jaser et demander des explications. Il nous manque des explications, actuellement.
Ce que je comprends, c'est que la ministre entend faire en sorte que la
dénonciation obligatoire le soit dans les CHSLD. Il va falloir que j'aie des
précisions sur les établissements.
Il y a 37 000 aînés qui sont en
ressource intermédiaire, 37 000. Est-ce qu'il faut que je vous rappelle,
en octobre 2015, ce qui s'est passé dans Charlevoix? Quatre accusations, quatre
accusations de propriétaires de résidences privées auprès d'aînés, 11 chefs
d'accusation sérieux, ce qui avait fait intervenir le ministre Barrette
également. Le ministre Barrette, qui disait : S'il y a eu une époque où
des gens en position d'autorité ne vivaient pas de conséquences à leur
aveuglement sélectif, cette période-là est terminée. C'était en réaction à
octobre 2015 alors que, dans Charlevoix, des aînés avaient été maltraités dans
des résidences privées.
Ce que je ne veux pas, c'est qu'on ait des
aînés vulnérables, des personnes majeures vulnérables qui n'aient pas droit à
cette dénonciation obligatoire dans un système qui souhaite les protéger en
fonction de leur lieu de résidence. Et là je crains ça. CHSLD, on agit.
Qu'est-ce qu'on fait dans les hôpitaux? Qu'est-ce qu'on fait dans les
résidences privées? Qu'est-ce qu'on fait dans les résidences intermédiaires?
Qu'est-ce qu'on fait dans les résidences de type familial où il y a aussi là
des aînés, des personnes majeures, vulnérables? Alors, il faut aller plus loin.
Et d'ailleurs je parle de résidences
intermédiaires, 37 000 aînés dans les résidences intermédiaires qui,
à la lecture de l'amendement, échappent à cette obligation-là. Bien,
bizarrement, lors de la présentation des mémoires, avant l'étude article par
article, l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec
demandait, réclame les dénonciations obligatoires. Alors, il faut aller plus
loin, c'est clair.
Et là la ministre devra répondre à des
questions, qu'on soit en mesure d'établir qui sont vraiment protégés, à qui
servira ce levier-là et surtout qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures en
fonction de l'établissement où on se trouve.
L'autre problème, dispositions pénales. La
loi n° 399, le projet de loi n° 399, en 2013, prévoyait des
dispositions pénales. Ce n'est pas compliqué, il y a une obligation de dénoncer
puis il y a des conséquences. Si tu ne le fais pas, il y a des dispositions
pénales. Eh bien, là, il n'y en a pas. En 2013, lorsque le projet de loi avait
été présenté, le projet de loi libéral, l'ex-bâtonnier du Québec, Gilles Ouimet,
y avait participé, l'actuelle ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, était là.
On a dû réfléchir à la mise en place de pareilles dispositions pénales, ça
devait être applicable. Je ne comprends pas qu'aujourd'hui on n'ait pas ces
conséquences-là à la non-dénonciation.
Alors, là aussi, on reviendra et on
demandera à la ministre de retrouver le texte de 2013 et d'ajouter des dispositions
pénales pour ceux et celles qui décideraient de fermer les yeux.
Alors, je vous le dis et je le répète, c'est
un combat important soutenu par ceux et celles qui protègent les aînés, cette
volonté de faire en sorte que ceux-ci, nos aînés, les personnes âgées ou
vulnérables soient protégées où qu'elles se trouvent. Alors, il faudra que la
ministre me prouve que c'est impossible. Il faudra que la ministre me prouve
que des dispositions pénales, ce n'est pas applicable parce que, dans mon livre
à moi et en fonction de ceux et celles qui nous parlent, c'est chose faisable.
Alors, je reprends, cet après-midi,
évidemment, avec les collègues, l'étude de ce projet de loi. Je vous le dis
tout de suite, ça ne se complétera pas aujourd'hui. J'entends poser de
nombreuses questions, j'entends faire en sorte que la ministre décide de
continuer à avancer et se range à l'avis de tous ceux et celles qui l'ont
clairement exprimé et que cette dénonciation obligatoire ne soit pas limitée
qu'à un seul établissement. Et je vous dirai au surplus, histoire de vous
mettre au parfum, à travers les amendements que l'on reçoit, la ministre
pourrait me répondre que, dans un autre amendement, elle se donne la
possibilité, par règlement, de protéger d'autres personnes, c'est le 18.2.
Bien, moi, je vous dirai que, si par règlement tu as l'intention,
potentiellement, de faire ça, c'est que tu constates déjà qu'un jour tu auras
peut-être à agir ailleurs que dans les établissements qui sont nommés, soit les
CHSLD. Alors, si tu présumes que, faisons-le maintenant, la loi est là, la loi
est ouverte, on en discute. Et, lorsqu'on la fermera, il ne faudra pas se dire,
surtout pas : On aurait donc dû. Merci.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour, M. Paradis. Je me rappelle, moi, au mois d'octobre, la ministre
qui disait qu'il y avait un réel danger de dérapage pour ce qui est, là, de la
dénonciation obligatoire et puis qui donnait un exemple d'un grand-père avec
son petit-fils, qui lui disait : Bon, il y a 20 $ d'argent dans mon
sac pour ta fête, alors tu peux aller piger dans mon sac, et puis une employée
voyait ça, qu'est-ce qu'elle allait penser. Est-ce que vous croyez qu'il y aurait
des risques, là, de dérapage, de dénoncer des choses qui, finalement, ne
s'avéreraient pas...
M. Paradis (Lévis) :
Moi, vous savez, j'ai une tendance à me fier à l'intelligence des gens, et
aussi aux processus, puis aux chemins qu'on doit suivre. À partir du moment où
on a un motif raisonnable — c'est ça, la loi — motif
raisonnable de croire qu'il y ait eu maltraitance physique, ou psychologique,
ou financière, quelque exploitation que ce soit, le motif raisonnable justifie,
quant à moi, la dénonciation puis la machine ensuite permettra de juger de la
validité de cette dénonciation-là. Beaucoup de difficultés, moi, à dire :
On ne fera pas quelque chose parce que ça pourrait déraper, on ne fera pas quelque
chose d'aussi important parce que quelqu'un pourrait décider de dénoncer quand
il ne faut pas. La protection des aînés, aujourd'hui, dépasse ça. J'aime mieux,
très honnêtement, là, deux, trois dossiers qui n'aboutissent pas que d'en perdre
un seul au nom des aînés.
Mme Plante (Caroline) :
Est-ce que la dénonciation obligatoire devrait s'appliquer aux visiteurs?
M. Paradis (Lévis) :
Dans le cas qui nous occupe et dans le cas de la loi n° 399, elle
s'appliquait à ceux et celles qui sont des prestataires de services, mais c'est
quand même assez large. Un prestataire de services, il faut comprendre aussi,
là, on parle de prestataires de services, infirmières, infirmiers, personnel
médical, préposés et aussi des gens qui sont appelés à intervenir. On travaille
beaucoup avec l'économie sociale actuellement aussi, ces gens-là sont
assujettis à. Est-ce qu'il faut entrer dans le voisinage autrement que ces
gens-là qui répondent à de la prestation de services? Je pense qu'il y a aussi
d'autres façons de faire. Montréal le fait, les policiers le font, le Code
criminel le fait. Dans le contexte qui nous occupe, je pense qu'il faut surtout
s'arrêter à ceux et celles qui donnent des services, des prestataires, mais
dans des établissements au sens large du terme et non pas limiter simplement
aux centres d'hébergement de soins longue durée.
M. Bellerose (Patrick) :
Pourquoi c'est important, les sanctions pénales?
M. Paradis (Lévis) :
Parce que, sinon, il n'y a pas de conséquences. Si je vous oblige à quelque
chose, dans un contexte comme celui-là de protection, où je vous dis, là :
C'est tellement important que vous aurez l'obligation de dénoncer, mais qu'au
bout du compte, si vous ne le faites pas, il n'y a aucune conséquence, où est
la pression? Où se trouve la pression? L'effet dissuasif, également, de dispositions
pénales : Si vous ne le faites pas, il y a des conséquences. Je pense que
c'est une simple logique. Sinon, on dénonce puis le jour où on se fermera les
yeux, bien, on se dira : On ne l'aura pas fait, mais tant pis, je vais
vivre avec ma morale élastique puis je me croise les doigts.
M. Bellerose (Patrick) :
Si je comprends bien, c'est chaque établissement et chaque ordre professionnel
qui va décider des conséquences à appliquer? Est-ce que, selon vous, c'est la
bonne approche ou Québec devrait imposer une conséquence?
M. Paradis (Lévis) : On
a une loi, là, on a une loi. Je pense que notre devoir, c'est de faire en sorte
qu'on ait des dispositions pénales telles qu'elles se retrouvaient dans le 399
en 2013. On est en 2017, ça n'a pas changé, bien au contraire, on est encore,
collectivement, plus attentifs à ces dossiers de maltraitance et on demande de
l'intervention. On a une loi, je pense que c'est notre devoir de faire en sorte
que, dans cette loi-là, il y ait des dispositions pénales. Au-delà de ce que
pourraient faire des ordres professionnels, des syndicats, qui auront la
possibilité d'agir, mais qu'on ait une poignée sur les conséquences de la
non-dénonciation alors qu'on indique qu'elle doit être obligatoire.
M. Bellerose (Patrick) :
Mais, justement, en laissant chaque établissement décider des conséquences,
craignez-vous que ça tombe entre deux chaises ou qu'on choisisse la conséquence
la moins grave?
M. Paradis (Lévis) :
Mais c'est parce que... Pourquoi quelque part on pourrait décider que la
conséquence de ne pas dénoncer, alors que c'est une obligation, serait moindre
qu'à un autre endroit? Pourquoi on aurait des conséquences différentes en
fonction de l'endroit où on se trouve, de l'établissement dans lequel on est,
de la région du Québec dans laquelle on se trouve? Est-ce que la maltraitance
sans notion géographique est aussi dérangeante, importante, inacceptable
partout? Alors, la conséquence de la non-dénonciation lorsqu'elle est
obligatoire, peu importe où on se trouve, doit être la même.
Mme Plante (Caroline) :
Est-ce que vous considérez que l'amendement sur la dénonciation obligatoire, c'est
une volte-face du gouvernement?
M. Paradis (Lévis) :
Bien, je pense qu'on aura réussi à faire comprendre au gouvernement qu'on ne
pouvait pas ne pas le faire. On devait aller là. On doit aller là. Maintenant,
il faut seulement convaincre le gouvernement d'aller plus loin. Il ne faut pas
s'arrêter en si bon chemin.
Mme Plante (Caroline) :
Pourquoi vous pensez qu'elle a changé d'idée?
M. Paradis (Lévis) :
Bien, je pense qu'à un moment donné, devant l'évidence, hein... Je veux dire, à
un moment donné, au Québec, il faut aussi écouter les souhaits de la population.
Où sommes-nous rendus? Est-ce qu'on est prêts à ça? On se l'est fait dire,
hein? En commission parlementaire, là, nombreux et nombreuses sont les organisations
qui sont venues nous dire : On veut ça, on est rendus là, des gens qui
parlaient au nom des aînés du Québec, au nom des personnes vulnérables du Québec.
Je pense qu'à un moment donné il faut se rendre compte aussi, quand on regarde
les sondages, quand on regarde l'intolérance vis-à-vis la maltraitance, le fait
que chacun d'entre nous, lorsqu'on voit des images qui nous bouleversent, on se
questionne puis on se dit : Ça ne peut plus fonctionner, la ministre, à un
moment donné, il faut qu'elle écoute aussi sa population puis il faut qu'elle
ait à coeur la protection des aînés. Puis la protection des aînés, ça passe par
une loi qui a du mordant. Puis là on commence à avoir de petites incisives,
mais on n'est pas encore capables de manger un steak. Merci.
(Fin à 14 h 14)