(Treize heures trente-deux minutes)
M. Roberge : Alors, bonjour.
Je vous remercie d'être là. Je vous remercie de nous écouter. Aujourd'hui, on
vient porter le message de nombreux parents à l'Assemblée nationale. Vous le
voyez, je suis entouré de parents qui viennent de différentes régions pour
porter une demande très, très claire, très importante : il faut permettre
aux parents d'inscrire leurs enfants dans l'école qui répond le mieux à leurs
besoins, que ce soit pour une question de proximité, c'est l'école la plus
proche, tout simplement; une question de fratrie, souvent, les gens veulent
aller à la même école que leur frère, leur soeur; ou une question de
motivation. Ça peut être une école qui présente un programme plus stimulant ou tout
simplement qui répond mieux aux besoins des jeunes.
Pourquoi ça n'arrive pas en ce moment dans
le réseau? Parce que la bureaucratie des commissions scolaires fait passer les
formulaires, les règles ésotériques — on ne comprend pas trop
pourquoi — les territoires de commissions scolaires avant l'intérêt
des jeunes.
Vous allez entendre des témoignages très
bientôt de parents à qui on a refusé l'inscription de leur enfant à une école
pour une bête question de territoire de commission scolaire. On appelle ça des
demandes extraterritoriales, et elles ont été refusées par les commissions
scolaires. Pourquoi? Peut-être que les commissions scolaires considéraient les
élèves comme une façon de se financer plutôt que la raison pour laquelle elles
existent. Moi, je pense qu'il faut remettre le système au service des élèves,
au service de la réussite des élèves, au service des parents et non le
contraire. Donc, je vais laisser tout de suite la parole aux parents. Je vais
d'abord laisser la parole à Mme Bianchi.
Mme Bianchi
(Céline)
: Bonjour. Nous venons de faire 250 kilomètres pour
venir parler de proximité. Nous habitons à Pointe-Saint-Charles, petit quartier
enclavé et traditionnellement très défavorisé de la métropole, qui a le malheur
d'être situé sur la frontière séparant notre commission scolaire, la CSDM, et
la commission scolaire voisine, Marguerite-Bourgeoys. À un jet de pierre de nos
résidences se trouve l'école secondaire Monseigneur-Richard, située de l'autre
côté de la frontière. Malgré son extrême proximité, il a toujours été compliqué
d'envoyer nos enfants à Monseigneur-Richard. La proximité n'ayant jamais été
considérée comme un motif valable pour justifier une dérogation, il fallait
toujours trouver une entourloupette selon le règlement en vigueur afin de
pouvoir envoyer nos enfants à l'école d'à côté.
Cette année, c'est
la fratrie qui vient de disparaître soudainement comme motif justifiant une
dérogation. Il y a quelques semaines, la CSDM a refusé en bloc toutes les
demandes émanant de notre quartier, et nous entendons des histoires semblables
venant d'autres zones frontalières. On ne sait pas pourquoi, mais la frontière
semble être devenue infranchissable. Pour nous, c'est une décision qui fait
clairement fi de nos besoins de cohésion familiaux et communautaires de base.
Depuis le mois
de juin dernier, nous sommes allés à trois reprises au conseil des commissaires
pour demander à ce que la proximité et la fratrie soient prises en compte lors
de l'étude des demandes de dérogation, mais notre requête, pourtant simple et
raisonnable, n'a pas rencontré la moindre ouverture.
Nous tenons à
souligner que l'école Monseigneur-Richard est équivalente en tous points à
l'école Saint-Henri où nous serions censés envoyer nos enfants et contre
laquelle nous n'avons aucune doléance mis à part sa distance. Elle comporte le
même nombre d'élèves, a essentiellement les mêmes installations et partage le
même indice de défavorisation maximal. Mais alors que l'école
Monseigneur-Richard se trouve à quelques minutes à pied de chez nous, se rendre
à Saint-Henri implique de prendre l'autobus et le métro.
Nous n'apprenons
rien à personne en vous disant qu'il y a toutes sortes de bonnes raisons
d'envoyer un enfant à son école de proximité. L'invitation aux transports
actifs en est une en cette période où le gouvernement souhaite justement faire
bouger davantage les jeunes Québécois. Les autres raisons, dans le désordre,
sont les préoccupations environnementales, l'apaisement de la circulation,
l'épargne de 500 $ par année par enfant pour le transport en commun,
l'augmentation du nombre d'heures de sommeil des ados, la favorisation de la
participation parentale et des liens avec les ressources communautaires, sans
oublier le sentiment d'appartenance, de sécurité et d'autonomie qui
accompagnent généralement le fait d'être chez soi dans sa communauté. Nous
affirmons aussi que la proximité facilite le passage au secondaire.
Comment est-ce possible que toutes ces
simples et bonnes raisons ne soient pas entendues? Et alors nous nous
retrouvons dans cette situation somme toute un peu absurde de devoir venir
jusqu'à l'Assemblée nationale pour demander l'aide du ministre de l'Éducation,
M. Sébastien Proulx, pour qu'il fasse ce qu'il peut pour amener un peu
d'humanité et de sens commun dans une machine administrative qui a clairement
oublié sa raison d'être : mettre en place des conditions favorables à la
réussite des élèves qu'elle dessert. Merci.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme Bianchi. Je vais céder la parole à Mme Le Saux.
Mme Le Saux (Mylène) : Bonjour.
Alors, je m'appelle... Je suis enseignante en première année, et mon conjoint
est également enseignant au secondaire. Nous sommes parents de trois enfants.
Notre plus jeune est une élève qui
fréquentera la cinquième année au primaire l'an prochain. Justine est une
athlète de patinage artistique qui obtient déjà des médailles provinciales même
en compétitionnant contre des filles plus âgées. Notre fille Justine a un grand
besoin de concilier le sport qu'elle aime et son parcours scolaire. Elle aimerait
développer son talent, son sport. Pour cela, elle désire fréquenter une école
qui offre un programme de sport-études. Malheureusement, l'école qui offre ce
programme n'est pas située sur le territoire de la commission scolaire où nous
habitons. Seule l'école primaire Saint-Lucien à Saint-Jean-sur-Richelieu offre
un programme de sport-études pour la cinquième et la sixième année. Cette école
fait partie de la commission scolaire des Hautes-Rivières.
Présentement, ma fille fréquente l'école
Jacques-Rocheleau à Saint-Basile-le-Grand. Cette école fait partie de la
commission scolaire des Patriotes. Lorsque j'ai demandé à la commission
scolaire des Patriotes une demande extraterritoriale, on m'a mentionné que la
demande serait rejetée. La raison évoquée, c'est que l'école ne fait pas partie
de la liste de sport-études approuvée par le ministère de l'Éducation.
D'ailleurs, aucune école primaire ne fait partie de la liste. Pourtant, l'école
Saint-Lucien est une école qui remplit le mandat académique du ministère de
l'Éducation. L'école Saint-Lucien, selon moi, ajoute une plus-value à la
formation académique. Il croit, eh oui, aux bienfaits d'un esprit sain dans un
corps sain. Ainsi, ils se sont donné les mesures et les structures nécessaires
afin de permettre à des jeunes athlètes de concilier le sport et les études.
Donc, on refuse à ma fille une opportunité de vivre son rêve en évoquant des
raisons purement bureaucratiques.
J'ai parlé aux dirigeants de la commission
scolaire des Patriotes, notamment Mme Vaudry, responsable du service aux élèves
et aux parents et du traitement des plaintes. J'ai expliqué ma situation en
vain. Je n'ai pas reçu d'écho favorable, toujours la même réponse, cette école
ne fait pas partie des sports-études approuvés qui sont sur la liste. J'ai
aussi contacté Mme Brosseau, qui est protectrice de l'élève. Elle semblait
touchée par ma demande. Elle m'a mentionné également qu'elle m'aiderait si le ministère
de l'Éducation appuyait favorablement ma demande.
J'aimerais aussi en profiter pour exprimer
toute ma gratitude à mon député, M. Jean-François Roberge, député de Chambly,
ainsi que son attaché politique, qui n'est pas présent aujourd'hui, mais M.
Francis Bouchard, de leur appui dans mes démarches. Je constate que le
ministère de l'Éducation met beaucoup d'emphase sur la lutte au décrochage
scolaire au secondaire, mais mon expérience d'enseignante me démontre
clairement que le décrochage scolaire doit être pris en charge dès les débuts
de l'aventure scolaire. Les manières d'apprendre sont multiples et passent par
plusieurs chemins. La motivation scolaire est la clé du succès.
Pour certains élèves, l'activité physique
leur permet de poursuivre leur cheminement scolaire. Certains enfants comme
Justine doivent travailler très fort à l'école. Ainsi, leur sport les aide
grandement à avoir une bonne estime et une bonne confiance en soi. De plus, je
crois fermement que le sport-études permet aux jeunes de mieux performer à
l'école. Les cours se déroulent dans l'avant-midi. Ce rythme permet aux jeunes
de mieux s'organiser. Il y a moins de perte de temps. De plus, cet horaire
permet de finir plus tôt la journée. Ainsi, ils peuvent faire des devoirs et
des leçons en début de soirée. Les athlètes qui ne font pas partie d'un
sport-études doivent faire leur entraînement après les heures de classe.
Ma fille rêve d'un sport-études. Via le
patinage artistique, nous valorisons les apprentissages scolaires. Nous lui
martelons, mais vraiment sans cesse, que les études sont importantes. Pauvre elle,
elle a deux parents comme enseignants. Pour Justine et tous les enfants à qui
cela serait profitable, j'ose espérer que le ministre aura une écoute attentive
à nos demandes aujourd'hui.
L'éducation est un choix de société. Nous
avons tous intérêt à ce que nos jeunes aiment et s'investissent à l'école. Nous
aurons par le fait même une société plus humaine, ouverte et égalitaire. Merci.
M. Roberge : Merci, Mme Le Saux.
Donc, on le voit en ce moment, la bureaucratie des commissions scolaires et du
ministère prend le dessus sur l'intérêt des élèves, prend le dessus sur la
motivation des élèves et passe au-delà des critères évidents comme la proximité,
la fratrie, évidemment, la motivation scolaire. Dans les cas qu'on a vus, on
parle de la CSDM qui semble vouloir fermer ses frontières, même chose pour la commission
scolaire des Patriotes.
Et je parlais ce matin aux gens de la Fédération
des comités de parents du Québec qui nous disaient que les ententes extraterritoriales
sont très difficiles à obtenir partout sur le territoire. Pourquoi? Pourquoi
faire passer la bureaucratie avant les élèves? Pourquoi vouloir garder les
élèves prisonniers d'une commission scolaire quand l'école qui les motiverait,
l'école la plus proche de chez eux est juste de l'autre côté d'une frontière
imaginaire?
Donc, j'en appelle aujourd'hui au ministre
de l'Éducation, il faut que les choses changent.
M. Vigneault (Nicolas) :
J'aimerais peut-être réentendre les parents. Qu'est-ce que ça vous fait de
vivre ce que vous vivez comme parents, tout ça? Sentez-vous que vos enfants...
Bon, dans le cas du patinage, de toute évidence, ça a un impact sur la motivation,
j'imagine. Et, de votre côté, le fait de ne pas pouvoir aller à l'école à
proximité, qu'est-ce que ça fait pour vos deux enfants?
M. Roberge : Je vais vous
laisser la parole. Qui veut y aller? Pas de problème.
Mme Bianchi (Céline) : Bien, ce
que ça fait pour nos deux enfants... bien, en fait, j'en ai trois. Donc, bien,
ce que ça fait, c'est que c'est un... ça fait un, comment on dit... j'ai une
coupure communautaire, je veux dire, une coupure familiale et une coupure entre
l'enfant et sa communauté. On doit absolument le sortir de sa communauté pour
le scolariser. Si notre choix... et on vit une vie communautaire très intense à
Pointe-Saint-Charles. Je dois vous dire, c'est un endroit très particulier. Si
on coupe ça, eh bien, on est en train d'enlever un élément de réussite. On est
complètement convaincus de ça. Donc, avez-vous quelque chose de plus
intelligent à dire?
M. Vigneault (Nicolas) :
Non, c'est très intelligent. C'est pertinent. De votre côté, c'est ça, vous
sentez que...
Mme Le Saux (Mylène) : En
fait, comme je disais tantôt, c'est clair que, pour ma fille qui doit
travailler très fort à l'école... moi aussi, j'ai trois enfants, les trois sont
différents. Les deux plus vieux, bien, c'est des 85 et plus de moyenne, il n'y
a pas de difficulté, mais Justine, elle, elle travaille fort pour son 70, et ce
n'est pas parce qu'elle n'étudie pas. C'est une enfant qui aime bouger, et, via
le patinage artistique, je la motive pour l'école parce qu'elle rêve d'un
sport-études, comme je le disais. Et c'est une enfant qui aime bouger. Dès
qu'elle arrive à la maison, elle fait des sauts dans le salon, elle n'est pas
arrêtable. Ce n'est pas une enfant qui est tannante. Au contraire, elle ne dit
pas un mot puis elle s'assoit sagement parce qu'elle veut plaire. Puis ses deux
parents sont enseignants, donc elle ne veut surtout pas que le prof lui dise
qu'elle n'était pas à ses affaires, hein, parce qu'elle sait qu'on va prendre
la part des professeurs.
Donc, on la motive beaucoup, mais je suis
convaincue que, pour Justine, c'est ce qui va la garder à l'école le plus
longtemps possible, et, en termes de société, un enfant qui reste le plus
longtemps à l'école et qui a envie de s'investir, ça va faire un citoyen tout
simplement mieux préparé, et la commission scolaire des Patriotes ne m'offre
pas cette opportunité-là.
Alors, moi, je voudrais bien aller des
Patriotes, mais ils ne l'offrent pas, le programme. Alors, je trouve ça bête,
pour une question de distance, qu'on empêche un enfant qui vraiment sauterait à
pieds joints dans ses études. Tu sais, ce n'est pas une manière de se défiler.
Ce serait tout simplement une manière de mieux apprendre pour elle.
M. Vigneault (Nicolas) : Ma
prochaine question s'adresserait au député. Je vais me faire peut-être un peu
l'avocat du diable. Comment on fait, à ce moment-là, pour gérer les écoles? Évidemment,
si certaines écoles sont plus populaires, d'autres moins populaires, on peut se
retrouver avec certaines écoles, par exemple, où il y a 20 % des places
qui ne seraient pas comblées, et là, bien, il y a toute une gestion, là, sur le
plan budgétaire et tout ça. Comment vous voyez ça?
M. Roberge : Mais là, on ne
parle pas d'augmenter les coûts des commissions scolaires, absolument pas, là.
Les parents qui sont ici pour la CSDM, ça ne coûterait rien d'accepter leurs
demandes. Il y a des classes qui sont vides à l'école où souhaitent aller leurs
enfants. Donc, les bureaux sont là, là, les élèves sont l'autre bord de la rue,
puis ils n'ont pas le droit d'aller occuper ces bureaux-là. C'est à coût nul.
Dans le cas de Mme Le Saux, elle
est prête à assumer le transport. Elle va voyager sa fille, elle va aller la
reconduire. Donc, il n'y a pas de coût pour le transport scolaire pour l'école.
Cette opportunité qu'on veut laisser aux parents de choisir leur école,
évidemment, s'applique quand il y a de la place dans l'école. Je vous remercie beaucoup.
Des voix
: Merci.
(Fin à 13 h 47)